Pro Armenia
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Pro Armenia. 1904/12/01.
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QUATRIÈMEANNÉE.— N° 99. Le Numéro : 30 centimes. 1er DÉCEMBRE1904.
Pro Armenia
Rédacteuren Chef:
Pierre QUILLARD
Adressertout
ce qui concernela Directionà M.PierreQUILLARD
10, Rue ISTollet, Paris
—=--«=—
A.IONNKMENTS
!')':«)<'<' 8
Kl :!llgI'I',. lO »
Paraissant le Ier et le 15 de chaque mois
COMITÉ DE RÉDACTION:
u. Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
Francis de Pressensé
Secrétairedela Rédaction:
Jean LONGUET
ADMINISTRATION:
Avenuede l'Observatoire,3
PAJEtlS
ABONNEMENTS!
France. 8 »
Étranger 10 »
SOM31AIRE :
LeComitédesecours.— Informations:La situationauSassoun:L'aftairede Nareg;L'affaired'Orfa; Kxpul-sion d'un citoyenAméricain;Le Catholicosde Sis;Conspiration?;Lesmutineriesde soldats:En Russie.—La.)uinx;une:Parte fer ouparla faim(P.QPILLARD).Le mouvementproarménien:Angleterre:Uneconfé-rencede M. H.-B.LYNCH.— Abdul-Hamidet Guil-laume II. — Nouvellesd'Orient: Macédoine: Dansl'Yemen;L'affairede Scutari;Plaisanteried'opérette:La hautecommission.financière;Décoration.— Unrévolutionnairearménien: HraïrDjokhk.
Le Comité de Secours
Nous avons reçu pour les Arméniens
de Moush et du Sassoun les sommes
suivantes :
Jules Rais. 10fr.AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5o fr.
Union des Damesde la Croix Rouged'Alexandrie i5o fr.
TOTAL. 210fr.
A la souscription des dames de la
Croix Rouge d'Alexandrie était jointeune. lettre remerciant tous ceux
« qu.i s'intéressent au sort de nos mal-
heureux frères et sœurs d'Arménie, si
cruellement abandonnés par les gou-vernements civilisés de l'Europe quiavaient pourtant solennellement ga-ranti la sécurité de leur vie et de leurs
biens et l'inviolabilité de leur cons-
cience et de leur honneur. »
INFORMATIONS.
La situation au Sassoun.
Moush,le 26 octobre.
La situation des nécessiteux et sur-
tout des Sassouniotes est des plus dé-
plorables. Environ 8.000 Arméniens
sont sans asile; ils n'ont ni vêtements,
ni chaussures, ils sont absolument sans
ressources. Le gouvernement a, depuisl'été. cessé la distribution des secours.
Les sommes destinées à la reconstruc-
tion des maisons démolies n'ont pas
été intégralement versées. La situation
des Arméniens victimes des derniers
massacres est lamentable. Chaque jour
plusieurs d'entre eux meurent de faim.
Ils sont tous sous la surveillance de la
police. Il est interdit aux Sassouniotes
de descendre dans la ville et dans la
plaine; ils ne peuvent même pas aller
d'un village à l'autre, si ce n'est en
cas d'urgence où le com nandant mili-
taire leur délivre des passeports, mais
à raison de trois ou quatre par jour au
maximum.
L'accès de la ville leur est interdit.
Le but de ces rigueurs est de décou-
rager la population et de la forcer ainsi
à se disperser. Déjà la neige couvre les
montagnes. Dans cetœ saison rigou-
reuse, quel sera le sort de tous ces
malheureux dépourvus de vivres et de
vêtements ?
Sur les montagnes du Sassoun
comme dans la plaine de Moush, le
gouvernement a saisi les armes de la
population au moyen de tortures
effroyables. Ceux qui se trouvèrent
sans armes durent payer des contra-
ventions. Sur cinq points du Sassoun,
Guéli, Sémal, Dapig, Talori et Ich-
khentzor. des casernes furent cons-
truites pouvant contenir chacune un
régiment.
Le vali de Bitlis, Férid Bey, arriva à
Moush, monta au Sassoun et inaugurasolennellement ces casernes. Il passaensuite à Talori et à Ichkhentzor dans
le même but. Le gouvernement veut
garder au Sassoun deux régiments.
Le 17 octobre un offieier turc fut
assassiné. Le gouvernement imputa cet
assassinat aux fédaïs, alors qu'il n'y enavait pas un à cet endroit. La consé-
quence de cet assassinat fut l'arresta-
tion de quatre notables Sassouniotes.
La fièvre typhoïde sévit dans les pri-sons. Dans ces derniers jours, vingt-deux prisonniers arméniens périrent,
parmi eux se trouvait le propagandiste
Vartan, qui succomba le quinzième
jour de son arrestation. Il y a dans les
prisons plus de soixante malades; il
en meurt journellement dans cette
atmosphère suffocante.
Représentez-vous un endroit sale et
humide 011 60 à 70 Musulmans occu-
pent six des neuf cellules existantes., les
trois autres étant utilisées par 100 Ar-
méniens. D'autres sont entassés dans
un endroit humide et sans toiture.
Les soldats arrivés du Sassoun sont
contaminés par la fièvre typhoïde, plu-sieurs d'entre eux sont morts et. il en
meurt journellement. La terreur règnedans les prisons. Le gouvernement a
entrepris de nom breuses arrestations
sous le prétexte d'avoir découvert dans
la plaine de Moush unebande de quinzefédaïs. Il a été ordonné d'arrêter tous
les Arméniens sous l'inculpation d'avoir
hospitalisé ces fédaïs.
Pour anéantir les jeu ries forces armé-
niennes, le gouvernement a traduit
devant les tribunaux les possesseursdes armes arrachées par la violence.
Des Arméniens au nombre de 1.200 à
1.400, ont été cités pour avoir pris partà l'insurrection.
Ce qui rend la situation plus amère,
c'est l'intention du gouvernement de
622 PRO ARMENIA
construire des casernes dans la plaine
de Moush.
Moush, 2 novembre
viâ Tiflis, 24 novembre.
Un grand nombre de Sassouniotes
sont toujours enfermés dans les prisonsde Moush sans avoir été jugés par les
tribunaux turcs.
La famine règne au Sassoun et pour
l'aggraver les autorités locales interdi-
sent systématiquement aux Sassouniotes
de venir se ravitailler dans la plaine de
Moush.
Les vexations continuent à Moush et
au Sassoun, à cause de l'absence des
Consuls européens.
L'affaire de Nareg.
Van, le 14novembre 1904.
Le 8 octobre seulement on entendit
parler de la présence de quelques Ar-
méniens suspects, à Nareg, village
principal du district, et où se trouvent
les tombeaux de Santouhde, proto-
martyre, et de Grégoire Narégatzi,
anachorète inspiré.
Immédiatement, les autorités équi-
pèrent une cinquantaine d'hommes :
gendarmes et soldats pris à Osdan,
chef-lieu du district de Gavache, les
renforcèrent d'une centaine de Kurdes,
et le lendemain, 9 octobre, ils étaient
à Nareg, sous les ordres du capitaine
Khail. chef de la gendarmerie du dis-
trict. Celui-ci, avant de se faire une
idée précise et sûre de la situation,
commence à attaquer le village en gé-néral. Quelques coups de fusil sont
tirés de la part des réfugiés : un soldat.
bandit kurde, du nom d'Abdul Hamid,
est tué dans l'échauffourée, tandis
qu'une vingtaine des habitants pai-sibles sont tués par les soldats. Les ré-
fugiés se sauvent facilement; les habi-
tants se débandent dans les environs;
la plupart, dans les villages kurdes.
Une tranquillité relative régnait à l'ap-
proche de la nuit du 9 octobre et on
croyait l'événement terminé.
C'est dans cette nuit que le capi-taine Khail conçoit le projet d'incen-
dier le village entier, à l'instigation
d'Abdulgafar frère et Ali, fils d'Abdul-
hamid, le gendarme tué, tous trois cé-
lèbres bandits kurdes, incorporés dans
la gendarmerie. On avait donné aussi
l'alarme aux Kurdes des environs et
plus de 600 hommes armés s'étaient
réunis autour de Nareg, le matin
du 10.
On a mis alors intentionnellement
le feu de tous les côtés. Le village était
abandonné en grande partie, mais il
y restait encore un certain nombre
de paysans.Tout le village n'était plus qu'un
grand bûcher dont les flammes s'éle-
vaient jusqu'à être visibles de Van, à
12 heures de distance. Les Kurdes
avaient pris le soin d'enlever et de
piller d'abord tout ce qui avait été
laissé par les habitants dans leur fuite
précipitée et vers le soir du 10, il ne res-
tait plus, à Nareg, qu'un amas de cen-
dres et de ruines au milieu desquelles
demeurait seule debout la voûte du
grand sanctuaire, édifice dix fois sécu-
laire, qui avait encore une fois échappé
aux ravages des flammes et des pilleurs.
Tandis que Nareg était en flammes,
Khail donnait l'ordre aux Kurdes de
poursuivre les fugitifs, de les massacrer
dans leurs refuges. Les Kurdes des vil-
lage Zéva et Virgonis, se sont mis
tous à massacrer, tuant même ceux
auxquels ils avaient offert l'hospitalité.
Le même jour, le vicaire intérimaire
d'Aghtamar, Arsène Marcarian, s'était
rendu à Osdan pour conjurer le caï-
macam Loutfi bev à venir sur les lieux,
mais celui-ci préférait rester spectateur
impassible de tout ce que Khail opé-
rait, sur sa tacite connivence. Le ma-
tin du 11, arrivaient de Van, Husni-
effendi, major de la gendarmerie et le
missionnaire américain Eischer, et ils
visitaient les ruines en compagnie de
Loutfi bey et du vicaire Arsène.
Partout ils rencontraient des cada-
vres dénudés, mutilés, brûlés, et des
amas de ruines fumant encore. Quel-
ques rares femmes et enfants erraient
encore dans les environs, sans abri et
presque sans connaissance.
L'envoyé du vali avait l'ordre de
recueillir les Arméniens de Nareg et de
leur restituer leurs biens et leurs bes-
tiaux ; il fit semblant de se conformer
à cet ordre.
On avait aussi donné l'ordre de
pourvoir à la nourriture de ces misé-
rables, en leur distribuant du blé et de
l'orge; mais ce qui a été donné n'est
rien devant la grandeur de la catas-
trophe. On a aidé seulement à trans-
férer les fugitifs de Nareg des villes
kurdes aux villages arméniens pour
sauvegarder leur vie, si nous ne vou-
lons pas dire que le danger n'est pas
éloigné pour les uns et pour les autres.
Lee chefs kurdes qui se sont distinguésdans la catastrophe de Nareg sont
connus nominalement et dénoncés au
vali, mais certes ils resteront impuniscomme leurs devanciers. Voici leurs
noms: Abdulgafar, frère, et Ali, fils
d'Abdul-Hamid, le gendarme tué, du
village "N irgonis ; Medjid, fils du cheikh
Osman ; Hamid, du village Zeva;
Hadji Rachid et son fils Faka Khalid,
du village Virgonis ; Djabir, du village
Sarig; Anvani, du village Angalor;
Khalid, du village Chadouan ; Abdul-
aziz, fils de Mouchga-Mala; Osman et
Gadir, fils de Hamid; Ali, fils de Hus-
sein, du village Boghonis ; Youssouf,fils de Mirza bey ; Abdul, fils de
Moustafa bey; Kourchid agha, du vil-
lage Osdan.
Quant aux Arméniens, on a pu iden-
tifier les cadavres des suivants : Aziz
Tovitian, âgé de 65 ans; Garabed Der
Aprahamian de Joans ; Vartan Dji-
khondi, âgé de io5 ans; Ohannes Ba-
banian, 57; Parseg Naziguian, 70;Nersès Boziguian, 42 ; Racho Meli-
kian, 5o; Harouktiun Adjemian, 38;Khatchadour Ghazarian, 35 ; Vartan
Sakhoyan, 32; Khatcho Khoudiguian,
12; Kam partzoun de Haght, 11 ; Sté-
pan Ohannessian ; Miguirditch Der
Sahaguian ; Krikor Kaliguian ; Sakho
de Gargar; Manoug Ghazarian ; Mou-
rad Ohannessian ; Okhan Sarkissian,et autres.
Il y a aussi bon nombre de blessés,
dont quelques-uns gravement atteints.
Le nombre des maisons brûlées est
de plus de cent cinquante. Il est diffi-
cile d'évaluer l'importance du pillage.Il suffira de dire que tout est emporté.Le surlendemain de la catastrophe, le
vicaire Arsène s'est rendu à Van, pour
porter plainte au vali contre les auteurs
des atrocités et pour signaler le rôle,
joué par le chef de la gendarmerie, le
capitaine Khalil et la complicité tacite
du caïmacam Loutfi-bey. Ce dernier a
été rappelé immédiatement, mais pourêtre envoyé à un autre caza, toujourscomme caïmacan. Khalil jouit toujoursde la protection gouvernementale. On
a arrêté trois ou quatre Kurdes, mais
pas ceux qui ont été les vrais auteurs
du triste événement. La conduite du
vicaire Arsène lui a valu l'animosité des
chefs kurdes, et il n'ose pas quitter la
ville pour rentrer à Aghtamar où il
pourrait être tué.
PRO ARMENIA 623
L'affaire d'Orfa.
Constantinople,22novembre.
En réponse à la note de l'ambassade
d'Allemagne concernant l'attaque dont
M. Eckardt3 agent consulaire allemand
à Orfa (Mésopotamie), fut l'objet de la
part des soldats turcs, la Porte a
adressé à l'ambassade une communica-
tion déclarant que les trois soldats cou-
pables avaient été punis, que l'officier
qui était avec eux avait été révoqué et
qu'une enquête était ouverte afin d'éta-
blir les faits qui serviront de base pour
fixer le montant de l'indemnité à payerà M. Eckardt.
On croit savoir que l'ambassade
demandera à être fixée sur la nature
de la punition infligée aux soldats.
(Reuter.)
Expulsion d'un
Citoyen Américain.
Constantinople, 17novembre.
Un grave incident vient de se pro-duire qui engage la responsabilité du
vice-consul américain.
Voilà une vingtaine de jours, Haïk
Sanossian, citoyen américain d'origine
américaine, arriva à Constantinople.Dix jours plus tard, il se présenta au
Consulat américain pour y faire enre-
gistrer son passeport. Le vice-consul le
reçut en l'absence du consul. Ayantconstaté que le passeport n'avait pas été
visé par les autorités turques du paysd'où venait Haïk Sanossian,, le vice-
consul américain dénonça celui-ci et le
livra à la police turque qui l'expulsa.
La conduite du vice-consulaméricain sera sévè-rement jugée. Non seulement le passeport d'HaïkSanossian portait la mention « qu'il avait le droitd'entrer et de s'établir en Turquie », mais encore,le gouvernement américain a pris soin, dans unecirculaire récente, de manifester son intention defaire respecter énergiquement le droit de circula-tion des citoyens américains,d'origine ou natura-ralisés, particulièrementen Turquie et Russie. Asupposer qu'Haïk Sanossian eût négligé, pouréviter des ennuis et pertes de temps, de faire viserson passeport par un consulat turc, aux yeux duvice-consul américain le passeport avait toute savaleur et celui-ciavait toute qualité pour défendreun commerçantinoffensifet non pour le livrer à lapoliceturque. Il a agi contrairement aux instruc-tions de son propre gouvernement et mérite doncd'être châtié.
[N. D. L. R.]
Le Catholicos de Sis.
On lit dans les journaux turcs du
19 novembre :
S. B. Mgr Sahag Habayan, catholi-
cos arménien de Cilicie qui devait quit-
ter notre ville, pour rentrer à Sis, a dû
ajourner son départ à cause du mau-
vais temps. Sa Béatitude vient d'être
l'objet d'une nouvelle faveur de la partde S. M. I. le Sultan. Le Souverain lui
a alloué une pension mensuelle de
3.5oo piastres. Cette allocation men-
suelle qui était servie à feu le catholicos
arménien de Sis, Mgr Mighirditch,avait été supprimée à la mort de ce
dernier.
Sur sa demande, le catholicos a été
en même temps autorisé par S. M. I.
le Sultan à faire restaurer sa résidence,le monastère de Sis et l'église y atte-
nante.
Sa Majesté a, d'autre part, ordonné
à la Sublime Porte, de donner suite à
quelq ues autres demandes formulées
également par le catholicos, relative-
ment au catholicat de Cilicie.
S. B. Mgr Sabah Habayan se rendra
au Palais Impérial pour faire parvenirà Sa Majesté l'expression de ses senti-
ments de profonde reconnaissance pourtoutes ces faveurs.
Les faveurs impérialessont toujours suspectes;il ne serait pas surprenant que l'excessivebienveil-lance du Sultan envers le catholicosde Sis ne fut
qu'une comédie et cachât le dessein de quelqueattentat contre les Zeïtouniotes; il serait facileàAbdul Hamid, si on lui faisait reproche alorsde saférocité, d'alléguer les bienfaits dont il combla
Mgr Sabah Habayan.[N. D. L. R.]
Conspiration ?
Constantinople,24 novembre.
Le conseiller d'Etat Naschet, fils du
ministre de la police, a été récemment
exilé à Trébizonde et de là envoyé à
Erzeroum où il a été nommé procureur
général du vilayet, poste nouveau créé
sans doute par considération pour le
père de l'exilé. Les motifs de l'exil sont
inconnus. La Chambre d'accusations
de Constantinople motive seulement la
décision par une instruction secrète
d'où il résulterait que le fils du ministre
de la police et Mehmed Ali, présidentde la Commission des recherches au
ministère de la police, auraient, contre
argent, facilité la fuite de quelquescriminels politiques. Cependant Meh-
med Ali a gardé son poste. Vraisembla-
blement on attend le 15 ramazan, jouroù le sultan va à Stamboul adorer le
manteau du prophète. Au reste, de
graves accusations pèsent encore sur
Mehmed Ali et sur le fils du ministre
de la police. Tous deux seraient accu-
sés en personne d'avoir pris part à une
conspiration contre l'Etat.
Le 15 ramazan (23 novembre) s'est passé sansautre incident que la coutumièreterreur du sultanà cette date fatale où il lui faut sortir de Yldiz.
(N. D. L. R.)
Les mutineries de soldats.
Constantinople,22novembre.
Les mutineries soldatesques pourcause de soldes arriérées font tache
d'huile. C'était, d'ailleurs, à prévoir.Du moment qu'un bataillon a reçusatisfaction par la menace, il n'y avait
pas de raison pur qu'il ne fût pas imité
par les autres. C'est ce qui est arrivé
dernièrement à Makri, dans le vilayetde Smyrne ; c'est ce qui vient de se pro-duire à Scutari d'Albani, où officiers et
soldats se sont mis d'accord, ainsi que
je vous l'ai télégraphié, pour se faire
donner satisfaction de vive force.
Il ne faut pas chercher le mobile de
ces actes d'insubordination dans le seul
fait du retard apporté au paiement de
la solde, mais aussi dans ce sentiment
que ressent le soldat qui ne se voit pastraité à l'égal de son camarade, le gen-
darme, payé régulièrement depuis l'ar-
rangement relatif à la réorganisationde la gendarmerie. Cette situation dont
le gouvernement ottoman prévoit bien
les désagréments, n'est pas étrangère à
l'opposition qu'il continue de faire à la
demande persistante de la Russie et de
l'Autriche d'augmenter le nombre des
officiers européens de la gendarmerie.L'officier turc ne peut voir d'un bon
œil et sans jalousie une compagnied'officiers étrangers bien payés et régu-
lièrement, lorsque eux-mêmes souffrent
de toutes sortes de privations. Il est
vrai que ce n'est pas le même corps,mais le soldat ne fait pas de ces distinc-
tions. Il ne voit qu'une chose, c'est
que si le giaour est payé, il a le droit
de l'être avant lui.
Constantinople,26 novembre.
De toutes parts arrivent des de-
mandes d'argent pour le payement de
soldes arriérées que les troupes récla-
ment. Le mécontentement se manifeste
partout dans l'armée, et le gouverne--
ment a communiqué des rapports sur
cette situation au palais.
En Russie.
Kazan, 20 novembre.
Pendant une séance solennelle de
l'Université, un étudiant arménien in-
624 PBO ABMENIA
terrompit le discours du professeur
Kapoustine, en s'écriant: «Ce n'est pasde cela dont nous avons besoin ! »
Aussitôt un groupe d'étudiants monta
sur l'estrade et, déployant un drapeau
rouge, entonna la Marseillaise.
LA QUINZAINË
Par le Fer ou par la Faim
La bonté du Sultan est infinie; elle
s'étend jusqu'aux hôtes. Autrefois Sa
Majesté Impériale voulut bien interdire
à la Com pagnie des tramways de Cons-
tantinople, de jeter du sel dans la rue
pour faire fondre la neige : ce mélange
glacial et corrosif aurait brùlé les pat-tes des chiens errants. Tout dernière-
ment, l'ambassadrice d'Allemagne a
donné à llamid l'occasion d'accomplirun nouvel acte débouté. M"10 Marshall
von Bieberstein avait été attristée au
spectacle des oiseaux pris par cenlai-
nes à la glu sur les murs de Stamboul
et dans les jardins du Bosphore, poursatisfaire la gourmandise des mangeursde pilaf; à peine eùt-elle manifesté le
désir que cette cruelle pratique lut dé-
fendue, qu'un iradé y mit fin aussitôt.
Et les amis des oiseaux célèbrent la
gloire jumelle d'Abd-ul-IIamid et de
l'ambassadrice d'Allemagne.
Protéger des créatures légères, har-
monieuses et charmantes, c'est fort
bien. Mais Madame Marshall de Bie-
berstein sait-elle que dans le vaste em-
pire du Sultan, toute une catégorie de
créatures humaines est, par ordre du
souverain, vouée à la mort ? Sait-elle
que sur les ruines des villages détruits,les petits Arméniens meurent de faim
et de froid, que leurs pères ont été
massacrés, leurs sœurs et leurs mères
violées? Le sait-elle et le peut-elle
ignorer ? Et n'est-ce pas une sanglantedérision que le pouvoir des mieux in-
tentionnés à Constantinople ne soit en
état de se manifester que pour de vains
objets; car il ne parait pas que la pro-tection des petits oiseaux soit d'un in-
térêt primordial dans un pays, où cette
année encore, plus de 7.000 Armé-
niens ont été égorgés.Non seulement les coupables n'ont
pas été châtiés; mais en dépit de l'ap-
parente accalmie actuelle, le plan d'ex-
termination se poursuit avec une ad-
mirable méthode.
En pleine crise. au mois dc juin
dernier, les ministres de Sa Majestéava ient porté à la connaissance des
puissances, les décisions suivantes :
1° Que l'on garantirait aux réfugiés
de Moush et autres lieux, l'autorisation
de retourner au Sassoun ;
2° Qu'une somme de 5.000 L. T.
serait envoyée au vali de Bitlis poura ider les réfugiés à reconslru ire leurs
maisons ;
3° Que des casernes seraient cons-
truites dans le voisinage de Sassoun,
pour protéger les Arméniens contre
les déprédations des Kurdes « H pourmettre en échec dès soi) début tout
mouvement révolutionnaire. »
40 Qu'une amnistie générale serait
assurée à tous ceux qui se rendraient
et qui n'étaient pas actuellement incul-
pés de crimes.
5° Qu' une gendarmerie sérieuse se-rait réorganisée à Bitlis et dans les vi-
layets voisins et qu'une enquête serait
faite sur le mode d'administration en
vue de remédier aux abus existants.
De leur côté, les réfugiés avaient
formulé leurs demandes dans une re-
quête aux consuls. Ils demandaient des
garanties aux cinq puissances, sur cinq
points:
1° Qu'ils fussent rétablis dans leurs
anciennes maisons de la montagne,avec tout ce qui était nécessaire pourmaintenir l'ordre ;
2° Vue leurs maisons et églises fus-
sent reconstrui tes ;
3° Que le bétail et les objets volés
leur fussent restitués ;
4° Que l'accès de leurs districts fut
interdit aux Kurdes nomades ;
5° Qu 'on ne construisit pas chez eux
de casernes, vu les méfaits à prévoit-de la part des soldats en particulier à
l'égard des femmes obligées d'allerseules aux champs.
Sur la question capitale des casernes,
les deux programmes diffèrent radica-
lement et pour cause ; sur les autres
points, il n'y a pas entre eux d'antago-nisme formel. Mais ici apparaît l'ordi-
naire astuce du gouvernement hami-
dien. Dans les périodes de grand scan-
dale, quand la révélation des mas-
sacres oblige les puissances à ne pasmontrer une totale indifférence, il faut
bien feind re d'accorder des concessions
raisonnables.
Mais aussitôt que le temps atténue'
l'horreur des événements — et les di-
plomates ne demandent qu'à oublier —
les promesses faites s'évanouissent et
il ne demeure des décisions hamidien-
nes, que les plus dangereuses pour les
Arméniens. ¡V
C'est ce qui vie-nl de se produire une
fois encore et nous assistons en ce mo-
ment à l'organisation de la famine et à
la préparation d'un prochain massacre
en même temps que la répression con-tinue.
L'amnistie a été comme, toujours,leurre et mensonge: 1,200 Sassounio-
tes sont toujours en fermés dans les
prisons de Moush sans avoir été jugés
et selon un procédé déjà employé en
1S90, les perquisitions pour la recher-
che des armes ont été h; prétexte de
vexations inouïes ; ceux qui n'avaient
jamais eu d'armes devaient en acheter
chez les marchands de ferraille pour
que la gen darmerie les put saisir et
justifier ainsi ses violences.
Le rapatriement tardif des réfugiéset leur complète, détresse ont empêchéles Sassouniotes de faire les semailles,
c'est-à-dire que Ja famine est organisée
pour le printemps, ainsi qu'il fut fait à
Van en 1S97. Mais l'échéance du prin-
temps parait encore une date trop loin-
taine et dès maintenant les Sassou-
niotes sont condamnés à mourir de
faim par mesure administrative, puis-
qu'il leur est interdit de venir se ravi-
tailler dans la plaine de Moush.
Il serait d'autant plus nécessaire que
malgré les difficultés opposées par le
Gouvernement turc. les secours envoyés
du dehors aux consuls européens leur
fussent immédiatement distribués; bien
que très insuffisants, ils sauveraient du
moins quelques vies humaines ; et par-
tiellement le plan hamidiell serail dé-
joué. [
Mais une autre menace subsisterait ;
les casernes construites à Dapik, Se-
mal, Guellieh-Guzan, ~Ichlkentzor <-
Talorik, c'est à dire aux points straté-
giques qui commandent * les hautes-
vallées du Sassoun. De bonnes âmes
et même un consul anglais, d'ordinaux
mieux inspiré, ont manifesté quelque
surpris*; que les Arméniens rerusassell
d'être protégés contre les Kurdes p:\
les soldats de Sa Majesté Impériale.
Le ministre français des affaire
étrangères a répondu d'avance à leu
objection en constatant à la Chamb:
i
PRO ARMENIA 625
française que, pour les Arméniens, les
Kurdes plus les soldats, cela faisait
deux ennemis au lieu d'un. Et si M.
Delcassé était suspect de sentimenta-
lisme humanitaire, à notre gré le plushonorable des crimes, l'autorité du
prince de Bismarck semblera peut-êtresuffisante aux hommes de gouverne-ment. Celui-ci dans les conférences
préliminaires du traité de Berlin « ad-
mettes villes de garnison, mais repoussel'élablissement de iarmée en rase cam-
pagne, où les fonctions militaires en
temps de paix lui paraissent devoir
être réservées à la milice n. (Protocolen° 4, séance du 22 juin 1878). Par mi-
lice, il entendait « une troupe qui, dans
l'état, régulier est dans ses foyers et
qui n'est assemblée, dans des circons-
tances extraordinaires que sur l'ordre
exprès du souverain. La milice dont il
est question ici serait donc une troupesédentaire et territoriale, organisée
pour éviter le contact de l'armée régu-
lière avec la population chrétienne. »
Car il faut « éviter les cantonnements
des troupes musulmanes partout où il ya de différence de religion », et on pour-rait craindre si ces mesures n 'étaient
pas adoptées « le renouvellement dans
un temps plus ou moins rapproché des
événements qui ont failli compromettrela paix du monde. »
Ainsi jugeait le prince de Bismarck,
politique réa liste, pour la Roumélie
orientale. Il en est de même pour le
Sassoun, avec cette circonstance ag-
gravante que, depuis plus de dix ans,
dans les vilayets arméniens les troupesont pris l'habitude de commettre impu-nément tous les crimes.
Par le fer ou par la faim? telle est
l'alternat ive pour les Snssouniotes el,
en général, pour tous les Arméniens.
Et cela se passe sous les yeux des
puissances européennes qui laissent
faire, et il ne se trouve personne pour
prendre d'un peuple qu'on extermine
autant de souci que l'ambassadrice
d'Allemagne eût la mansuétude d'en
prendre pour les oiseaux du Bosphoreet de Stamboul.
La récente affaire de Nareg est une
preuve nouvelle de cette inertie volon-
taire où se réfugient les signataires du
traité de Berlin. Le Dr Waldemar
Beck, qui donne, dans la Frankfurter
Zeitung, une relation complète de cet
atroce événement, très conforme au récit.
que nous publions plus haut, constate
avec amertume que les coupables ne
seront pas châtiés parce que « l'état
présent de la constellation politique et
la situation en Extrême-Orient sont
cause que toutes les puissances, quiont quelque intérêt en Orient, s'effor-
cent de garder comme ami le Sultan
qui n'est pus un allié à dédaigner ».
Aussi, ajoute-t-il, seul, de tous les
consuls européens, le consul anglaisde Van s'est-il rendu sur le lieu du
massacre, mais « à contre-cœur et seu-
lement huit jours plus tard, et parce
que les intérêts de la mission améri-
caine détruite étaient confiés à sa sauve-
garde ». ("est pour les mêmes raisons
« que le monde n'est pas officiellement
informé de ces événements et d'autres
semblables qui sont simplement ense-
velis dans un silence de mort, si des
nouvelles privées qu on ne désirait point
ne viennent pas les révéler ».
Le docteur Waldemar Belek n 'est
pas un agitateur dangereux, ni un ré-
volutionnaire ; c'est un savant qui con-
naît admirablement le passé et le pré-
sent de Arménie; dans sa forme mo-
dérée, l'accusation qu'il porte implici-tement contre toutes les puissances
européennes n'en a que plus de poids.Par le fer ou par la faim, dans un
silence de mort, sans que leur dernier
appel de détresse parvienne même aux
peuples d'Europe, les Arméniens de-
vraient donc disparaître pour la plus
grande liesse du Sultan et la tranquil-lité des diplomates à courte vue.
Par le fer ou par la faim ? et s'ils
choisissaient une autre mort, la mort
dans une lutte désespérée, qui attein-
drait les intérêts matériels des peuplesdits civilisés ?
Les diplomates à courte vue n'ont
pas songé à cette alternative.
Pierre QUILLARD.
HK-
LE MOUVEMENT PRO-ARMÉNIEN
Angleterre.
Une conférence de M. JI. F. B. Lynch.— M. H. F. B. Lynch, l'auteur du
magistral ouvrage Armenia, a fait de-
vant la « London Institution » le 17 no-
vembre, une conférence dont nous
sommes heureux de donner ici l'ana-
lyse.« Une chose oubliée est comme per-
due et un pays oublié est au point de
vue de l'explorateur, comme un pavs
qui n'a pas encore été découvert. » Ce
passage des observations préliminairesde M. Lynch, peut servir à indiquer le
but de sa conférence.
Il a représenté l'Arménie, comme
faisant partie de la grande série des
plateaux qui s'étendent des montagnesoccidentales de l'Inde jusqu'aux eaux
de la Méditerranée. Ce fait explique la
définition la moins étendue des limites
géographiques du plateau Arménien à
l'est et à l'ouest puisque dans ces direc-
tions, il se trouve à l'ouest dans le pla-teau de l'Asie Mineure et à l'est dans
celui de la Perse. De ce dernier côté, la
limite peut être placée à la frontière de
Perse tandis qu'à l'ouest, l'EuphrateOriental constitue une bonne limite
géographique. Au nord et au sud, les
limites géographiques du pays sont
clairement définies par les grands mas-
sifs montagneux qui le séparent au
nord de la mer Noire, de la vallée du
Kour et de la Caspienne et au sud de
la plaine de la Mésopotamie.Entre ces limites, s'étend une con-
trée que M. Lvnch décrit comme une
unité géographique d'une superficieun peu moindre que celle de l'An-
gleterre et du Pays de Galles. C'est
l'Arménie. La population s'élève à
2.000.000 d'âmes, dont plus de 900.000
Arméniens, moins de 5oo.ooo Turcs,
et pour le reste un tiers de Kurdes et
un quart de Tartares. Une partie de la
contrée appartient à la Russie à la suite
des ses conquêtes récentes sur la Perse
et la Turquie; mais la plus grande
partie est encore incorporée à l'em pire
ottoman.
Après avoir montré, dans une série
de projections, les aspects naturels du
pays, les types des peuples qui l'ha-
bitent, des reproductions de monu-
ments, M. Lynch arrive à la seconde
partie de sa conférence : rechercher
au point de vue politique quel sera
l'avenir de la partie turque de l'Arménie.
Il a rejeté la solution d'une occupation
russe pour deux raisons : 1° Tant que
les pavs limitrophes appariiendront à
des gouvernements faibles, il est peu
probable que les puissances européen-nes permettent à la Russie d'occuper
une position dominante dans l'Asie
occidentale, telle que lui en assurerait
la possession de l'Arménie; 20 cette
solution ne serait pas la bienvenue pour
626 PRO ARMENIA Il
les Arméniens eux-mêmes. Restent
deux alternatives que M. Lynch exa-
mine en ces termes :
« Il reste, me semble-t-il, deux alter-
natives. L'une consiste à réformer le
gouvernement central de Constanti-
nople. Je la rejette, mais je n'ai pas le
temps de développer mes raisons. Qu'il
me suffise de dire que la tentative a été
faite maintes fois et a toujours échoué.
L'autre alternative est celle que j'ai
longuement exposée dans mon livre et
que je peux appeler une réforme pro-vinciale radicale. Je ne suis pas géné-reux aux dépens de Sa Majesté le Sul-
tan de Turquie. Mais je dis à son gou-vernement : quelqu'un se trouvera
pour être généreux à vos dépens, si
vous ne mettez pas vos affaires en ordre-
en Arménie. Ne vous fatiguez pas plus
longtemps la tête avec les réformes so-
nores qui vous sont présentées dans
des notes diplomatiques; formez une
seule province ou un seul gouverne-ment homogène sur le plateau d'Armé-
nie et donnez la main aux Arméniens.
Ils seront vos sujets dévoués. Cela, mes-
sieurs, c'est en substance mon remède.
J'ai pris la peine de dessiner soigneuse-ment les limites de la nouvelle pro-vince qu'il faudrait créer en harmonie
avec les faits géographiques et ethnolo-
giques. Mais je vais plus loin que cet
avertissement amical à un gouverne-ment ami. C'est un fait que l'article 61
du Traité de Berlin a été le résultat
d'une entente européenne. L'Europes'est engagée à faire introduire des ré-
formes en Arménie et plus encore à en
surveiller l'exécution. Et l'Angleterredevrait entreprendre, d'accord avec les
démocraties de France et d'Italie, de
faire disparaître sans délai ce dangereux
point pestiféré de la carte de l'Asie et de
la conscience du monde civilisé. Les
Etats-Unis, j'en suis sûr, ne manque-raient pas de faire entendre dans le
même sens par la voix du présidentRoosevelt. »
— -
Abdul. Hamid & Guillaume II
Le journal l'Éclair publie en ce moment,sous letitre de Guillaume Il inconnu, de curieux mé-moires attribués à une dame d'honneur de l'impé-ratrice. Ces mémoiresne doiventpas être accueilissans quelque réserve; mais ils donnent au moinsl'impression du vraisemblable.
Dans le numérodu 23 novembre on y lisait d'in-téressantesrévélationssur les sentiments que pro-fesse l'empereur à l'égard d'Abdul-Hamid:
— Qu'est-ce que notre frère peut bien
admirer dans ce misérable sultan, deman-
dait la princesse royale de Grèce à sa sœur
de Lippe quand la famille était réunie à
Friedrichshof en juin 1894?Victoria de Lippequi, sans l'intervention
de Bismarck et sans la mort de son premier
fiancé, le prince Alexandre de Battenberg,serait devenue une vassaled'Abdul-Hamid,
passa la réponse, qu'elle trouvait embarras-
sante, à son mari, lequel a la réputation de
recevoir les confidences de l'Empereur.— Guillaume, déclara le prince Adolphe,
admire dans le sultan, la personnificationde l'absolutisme. A ses yeux, Abdul-Hamid
est un maître qui gouverne, au risque de
voir la moitié de son peuple égorger l'autre
moitié, afin d'apprendre à celle-ci l'obéis-
sance. Bien des fois, il m'a dit : « Si Fré-
déric-Guillaume IV avait eu seulement une
parcelle du caractère de celui qu'on appelle« l'homme malade », je régnerais aujour-
d'hui, dans le vrai sens du mot, même si le
sang avait dû couler dans les ruisseaux de
Berlin pendant des semaines, en mars
1848. »
A ces mots, la duchesse de Sparte se ca-
cha la figure dans ses mains et s'écria :— Mais c'est horrible !— Ce sont pourtant là les vrais sentiments
de Sa Majesté, murmura la baronne de
Reischach. Du reste, rappelez-vous le dis-
cours de Francfort (1).— Laissez donc, conclut le Prince de
Hesse, essayant de corriger l'effet des paro-les de son trop communicatif beau-frère, si
Guillaume flatte le Sultan, c'est uniquement
pour qu'il lui donne la permission de visi-
ter son harem, quand il ira à Constanti-
nople.Je suis persuadée que le désir de Guil-
laume de fumer un tchiboukdans le harem
du sultan n'est pas vain, mais ce dont jesuis encore beaucoup plus persuadée, c'est
que l'idéal de gouvernement pour Sa Ma-
jesté est bien tel que l'a décrit le prince
Adolphe. Dès lors, il n'est pas étonnant que
l'Empereur admire Abdul-Hamid. En 1896,tout le monde put en être persuadé, lorsquele commandeur des Croyants ayant encore
les mains rouges du sang de quarante mille
chrétiens égorgés par ses soldats, il lui en-
voya une photographie coloriée représen-tant la famille impériale groupée.
— Mon maître, devait dire notre am bas-
sadeur Freiherr von Saurma, en remettant
la photographie, m'a ordonné de vous dire
qu'il espère que ce simple souvenir sera
accepté de Votre Majesté comme gage de
son affection.
(1) Le 16août 1888,à Francfort-sur-Oder,l'Em-
pereur dit : « qu'il aimerait mieux voir ses qua-rante-quatre millions de Prussiens morts sur lechamp de bataille plutôt que d'abandonner unpouce du terrain gagné dans la guerre franco-alle-mande. »
Par deux fois, le baron Saurma télégr
phia au prince de Hohenlohe pour demai
der de plus amples explications sur c
acte diplomatique. Son premier télégramnsemblait indiquer qu'il considérait qufallait remettre la photographie comme 11
cadeau de Pâques en retard ou quelq lchose d'approchant. On le détrompa. C'c
alors qu'il télégraphia qu'il aimait miel
donner sa démission plutôt que de se cha
ger, après les derniers événements de Tu
quie, d'une démarche aussi dégradant
Hohenlohe, effrayé du scandale qui résu
terait d'une pareille démission, fit l'imposible pour dissuader Saurma. Il y parvi let, finalement, le cadeau de Guillaume fi
remis en grande pompe au Sultan, à la s.
tisfaction des deux Majestés.Comme l'Impératrice faisait des obje
tions au sujet de l'envoi de son portrait <
de celui de ses enfants aux « meurtriers d
chrétiens », l'Empereur lui fit cette réponse— Lss femmes ne comprennent rien
ces sortes de choses. Les Arméniens so l
des rebelles et mon ami le Sultan les
traités comme je traiterais lesémeutiers qL
s'opposeraient à mon autorité.— Mais, continua l'Impératrice, Hei
von Marshall disait que cela avait con
mencé en Arménie par des rixes que de;
dissentiments religieux avaient provoquéeLes Musulmans tombèrent sur les Giaour
et en égorgèrent des quantités.
L'Empereur, en entendant ces objection ;
haussa les épaules et répliqua :— Je suis le berger des troupeaux luthu
riens de Prusse; ceux des pays étrangers n
me regardent pas.Un an plus tard, il envoyait le princ
Henri en Chine « à la nouvelle croisa
pour soutenir la Croix et punir les meu
triers des chrétiens ». Comme tout cela e;
inconséquent !
Il y a probablement une légèreerreur de date <la conversationa du avoir lieu, non en 1894,m;1en 1897.Les sentiments attribués à M. de Saurin;Yeltschet au baron Marshallvon Biebersteinsoiconformes à tout ce qu'on sait de ces deux diplmates qui furent ou qui sont, à Constantinopidans la même situation que M.Cambonsousministère Hanotaux.
Nouvelles d'Orient
MACÉDOINE.— Une agence viennoise 0
ficieuse a récemment publié une manier
de mémoire enregistrant avec la satisfactio
coutumière les résultats obtenus par k
agents civils austro-hongrois et russe dan
l'exécution du programme de Muertzeg.Dès le début la population comprit l'avai
tage qu'elle pourrait tirer des réformes <
envoya aux agents civils nombre de plainteet de requêtes : dans les six premiers moi
PRO ARMENIA 627
six cents cas ainsi signalés furent réglés au
mieux. Quant à la collaboration des agentscivils et des officiers étrangers, qui donc a
jamais osé dire qu'elle ne fut pas toujours
parfaite et que le général de Giorgis songeamême à donner sa démission? L'entente
fut tellement harmonieuse qu'elle n'éveilla
pas seulement la confiance de la populationmais qu'elle influa sur les autorités et de
plus en plus « on est convaincu qu'un re-
tour à l'ancien état de choses est devenu
impossible. »
Donc la situation s'améliore de jour en
jour; les paysans se sont remis à leurs tra-
vaux et le commerce a pris un essor comme
on ne lui en connut pas depuis plusieursannées. Les réfugiés'? Si l'on excepte le vi-
layet d'Andrinople, plus de 6.000 person-
nes, c'est-à-dire 86 o o de la population
émigrée sont rentrées dans leurs foyers.
Cependant la note officieuse signale quel-
ques points noirs : les réformes ne s'accom-
plissent pas toutes seules ; elles rencontrent
divers obstacles : résistance des cercles gou-
vernementaux, propagande révolution-
naire, hostilité entre les diverses confes-
sions chrétiennes, enfin situation financière.
C'est de ce côté que va porter l'effort pro-chain. Les revenus des trois vilayets don-
neraient, selon l'inspecteur général, une
plus-value de 15 millions si les finances
étaient bien administrées. Mais l'augmenta-tion des effectifs militaires et la contribution
insuffisante des caisses d'Etat ont entière-
ment ruiné la situation financière des pro-vinces. Pendant toute la dernière période ni
les appointements des fonctionnaires ni la
solde des troupes n'ont pu être payés régu-lièrement : le retard normal est de trois à
quatre mois.
D'autre part la reconstruction des mai-
sons est une condition nécessaire du réta-
blissement d'un ordre de choses régulier et
cette reconstruction n'est possible que
moyennant une forte subvention d'Etat.
Tout au moins les appointements de la
gendarmerie sont-ils assurés.
28 0 o des gendarmes sont chrétiens et
jusqu'ici aucune plainte n'a été formulée
contre ce corps à peu près réorganisé. Il en
est de.même du corps des gardes champê-tres qui donnait motif à tant de plaintes.Les violences des Arnautes sont devenues
plus rares et le personnel judiciaire a été
augmenté; l'élément chrétien s'est accru
parmi les fonctionnaires (311 jusqu'à la fin
de juillet). L'amnistie a eu lieu et a portésur 2000 personnes. La réforme de la dîme
est commencée et c'est un honneur pourHélim-Pachà d'en avoir esquissé le projet.
Aussi les agents civils ne cachent pasl'admiration qu'ils ont pour leur œuvre et
leur admiration s'étend même jusqu'au
panégyrique d'Hilmi-Pacha. Mais les faits
démentent la trop flatteuse opinion qu'ils
cherchent à répandre en Europe sur leur
action réelle. Et même à lire entre les
lignes, ils reconnaissent implicitementleur faillite quand ils constatent que les
autorités turques entravent leurs projets,
que la propagande révolutionnaire n'a pas
cessé, que les luttes entre exarchistes et
patriarchistes sont aussi vives que jamais et
surtout que l'état des finances demeure dé-
plorable.
En cela ils disent la vérité. Hilmi-Pacha
lui-même, dans une entrevue récente avec
un correspondant du Matin (27 novembre),déclare sans ambages que l'Europe est
cause de tout le mal, qu'elle a traité en
héros des gens qui sont des bandits et qu'aucontraire elle se montre injuste envers le
gouvernement paternel du Sultan. La pro-
pagande révolutionnaire n'a pas cessé non
plus : le manifeste de VOrganisation inté-
rieure le proclame sans réticence ; mais il yeu une sorte de trêve volontaire et le mo-
ment venu, les bandes circuleront de nou-
veau dans le pays. Les luttes entre exar-
chistes et patriarchistes sont également tropréelles et trop fréquentes et il est navrant de
voir une partie de la population oppriméefaire le jeu des oppresseurs.
Pour la situation financière, outre les
aveux de la note viennoise, il suffit d'enre-
gistrer la série d'émeutes militaires qui se
produisent presque quotidiennement pourcause de non paiement des soldes.
Et il ne s'agit que de la Macédoine propre.Mais on ne peut pas oublier que le vilayet
d'Andrinople exclu des réformes, sans doute
pour s'être soulevé trop tard, a terriblementsouffert. L'accord turco-bulgare y devait
ramener un peu de calme : mais cet accord
n'est pas plus exécuté que le programme de
Muerzteg : non seulement les perquisitionset arrestations de suspects continuent, mais
les dix mille réfugiés, dont le rapatriementavait été convenu, sont toujours en Bulga-rie et risquent d'y demeurer longtemps en-
core. En effet, il est très difficile au gouver-nement turc de tenir la promesse faite en
avril : dans les districts de Malko Tirnovo,de Lozengrad et de la région voisine d'An-
drinople, des Musulmans se sont emparésdes terres et des maisons abandonnées et il
faudrait d'abord les en déposséder; là-dessus
le ministère bulgare se fâche et le président
du Conseil Petrof adresse des notes très
dures à la Porte pour exiger l'exécution du
contrat. En même temps la Principauté à
qui les seuls émigrés d'Andrinople coû-
tent 180.000 francs par mois contracte un
nouvel emprnnt qui sera très probablementdestiné à compléter le matériel de guerre.
Ainsi l'inertie des puissances qui n'ont
pas su mettre à profit le temps de répit queleur avaient laissé les insurgés macédo-
niens, de propos délibéré, aura rendu pos-sible une reprise de l'action révolutionnaire
et la principauté bulgare qui était allée à
l'extrême limite des concessions dans l'ac-
cord Natchévitch se trouvera peut-être bon
gré mal gré entraînée à des aventures belli-
queuses qui risqueront d'amener une con-
flagration générale, et faute d'avoir à tempsfait entendre à Yldiz les paroles de 'menace
indispensables, les puissances signatairesdu traité de Berlin laisseront se déchaîner
en Orient une crise redoutable, alors qu'ellesont pu jusqu'ici échapper aux répercussionsde la guerre russo-japonaise.
DANSL'YÉMEN.— La convention pour le
règlement du litige touchant l'Hinterland
d'Aden allait être, disait-on, signée inces-
samment entre la Turquie et l'Angleterre.On avait compté sans Hamid qui prétend
employer là aussi les moyens dilatoires. Il
espère reprendre le dessus et venger les
défaites que lui a infligées autant qu'à Ibn-
Raschid le chef Ibn-Saïd : une expéditionse prépare même contre Ibn-Saïd qui semble
de connivence avec l'Angleterre. Mais il
n'est pas certain que le gouvernement bri-
tannique se prêtera complaisamment aux
desseins de Sa Majesté Impériale et on an-
nonce, au contraire, que si la Convention
n'est pas ratifiée dans un délai assez court,des troupes anglaises seront expédiées aux
points désignés par la Commission mixte
de l'hinterland d'Aden et en chasseront les
garnisons turques. C'est ainsi qu'une fois
de plus le Sultan aura mérité le nom de
Ghazi, qui veut dire victorieux, en se lais-
sant arracher un nouveau lambeau de son
empire qu'il aurait pu conserver s'il avait
tenu à l'égard des tribus arabes demi-sou-
mises une politique moins oppressive.
L'AFFAIREDESCUTARI.— On a mainte-
nant des détails sur l'affaire de Scutari :
venant après celle de Salonique, elle jettesur l'état de la décomposition hamidienne
une lumière révélatrice.
Les officiers, un beau jour de novembre,étaient allés réclamer leur arriéré de solde
de quatre mois : « Para yok » (Pas d'argent),
répondit laconiquement le gouverneur gé-néral. Sur quoi trente officiers s'emparèrentdu bureau télégraphique et, le revolver au
poing, obligèrent le directeur du télégrapheà envoyer au sultan un télégramme très res-
pectueux : il demandaient si vraiment
c'était par son ordre qu'on ne les payait
point ou si quelqu'un, à Constantinople,retenait l'argent; il exposaient leur grandemisère et faisaient observer que leurs fa-
milles manquaient de pain. Ils demandaientune réponse : le 10 novembre arriva l'ordre
de payer un mois et d'en acquitter un autre
le jour du Baïram. Pendant les trois jours
qui précédèrent la réponse impériale, les
officiers, maîtres du bureau télégraphique,
s'opposèrent à la transmission d'aucune
dépêche.
628 PRO ARM ENI A -
(Syndiquésen Commanditegénéralisée.)
Les consuls protestèrent en vain : le gou-verneur objecta qu'il craignait une révolte
et quand les drogmans russe et italien vin-
rent' en personne au bureau, on leur dit
que leurs dépêches ne pourraient partirtant que la réponse impériale ne serait pas
parvenue. Il leur fallut envoyer leurs télé-
grammes à Dulcigno, par bateau spécial.Les commerçants auraient aussi voulu pro-tester contre le trouble apporté à leurs
affaires : mais on les menaça de prison et
d'exil et ils se turent sagement.
Quelques jours plus tard 60 officiers
.d'Ipek imitèrent leurs camarades de Scu-
tari : ils s'emparèrent du télégraphe et de-
mandèrent six mois de soldes arriérées.
Jusqu'ici il ne leur a pas été donné satis-
faclion ; ils se feront payer probablementen employant des moyens plus énergiques.
UNE PLAISANTERIED'OPÉRETTE.— Le
Secolo raconte par quel tour de passe-passeles gouvernements russe et austro-hongroisauraient réussi à faire pénétrer en Turquieles officiers supplémentaires que le Sultan
refusait d'accepter pour la gendarmerie de
Macédoine.
Dans la seconde semaine de novembre
arrivèrent à Constantinople quelques Russes
qui avaient l'air de touristes ou de commis-
voyageurs; comme profession leur passe-
port indiquait vaguement particulier. Ces
particuliers, deux jours plus tard partirent
pour Salonique, surveillés comme il con-
vient par la police. Là, trois de ces mes-
sieurs, quittèrent tout à coup leur costume
de particuliers et sortirent de l'hôtel en
magnifiques uniformes d'officiers russes
pour se présenter au général de Giorgis; ils
s'appelaient Aghoura, Baraï Ktaroff et Froï-
loff et étaient les nouveaux officiers de la
gendarmerie macédonienne. A Uskub, des
officiers autrichiens étaient arrivés de la
même manière. MM. de Calice et Zino-
vieff allèrent à Yldiz annoncer la bonne
nouvelle à Sa Majesté; puisque le trésor
turc manquait de fonds pour les payer, les
nouveaux officiers seraient payés par leurs
gouvernements, mais garderaient leur uni-
forme national. On dit que la colère du
Sultan fut très vive et se manifesta surtout
contre le baron de Calice.
LA HAUTECOMMISSIONFINANCIÈRE.— La
haute Commission financière se réunit
presque journellement pour une vaine et
chimérique besogne : trouver de l'argentdans un pays ruiné par les gaspillages du
prince, épuisé par une administration vo-
race et famélique, saigné à blanc par la
racaille d'Yldiz. Et cependant il faut de
l'argent coûte que coûte, pour payer le
mois d'appointements qu'il est de règle de
donner au moment du Baïram, pour ac-
quitter en janvier l'indemnité de guerre
russe, pour donner au moins un acompte
aux fournisseurs qui tombent en faillite
parce que le ministère de la guerre leur
doit jusqu'à cinq millions de francs, pour
jeter de temps à autre un os à ronger aux
officiers et aux soldats non payés et qui
grognent trop fort.
Et. la Commission fait d'importantes ré-
formes : envoi le samedi, d'un rapport heb-
domadaire par les autorités provinciales;révocation des trésoriers payeurs géné-raux de Syrie, de Mossoul, Mamouret ul
Aziz et Billis ; mesures « pour assurer la
perception régulière et totale des impôtset particulièrement la taxe des moutons. »
Mais ce n'est point ainsi qu'on remplirala caisse et cela finira par un emprunt queconsentiront à des prix usuraires quelques
pirates de la finance internationale.
DÉCORATION.— On lit dans les journauxturcs du 26 octobre :
Hier, à une heure de l'après-midi,a eu lieu à Tchit
Kiosque, à Yildiz, la cérémoniede la remise de la
plaque en brillantsde l'ordre de Ylmtiaz, conféréré-cemmentà S. E. Izzet pacha, chambellanet 2e secré-taire. D'aprèsles statuts decet ordre, les insignesdoi-vent être attachéssur la poitrinedu récipiendaire,parles mainsmêmesdu souverain. Aussi, sur lm ordre
Impérial, S. E. Izzet pacha en granduniforme, a étéintroduit par S. E. Ibrahim pacha, en présencedeS. M.I. le Sultan.
S. E. Hadji Ali pacha, premierchambellan, a pré-sentéà Sa Majesté,sur un plateauen argent, la plaqueen brillantde YlmtiazqueSa Majestéa attachéesur la
poitrined'Izzetpacha.Tous les dignitaires de la Cour étaient présentsà
cette cérémonie.
Le syriaque Izzet pacha a été l'un des
principaux organisateurs des massacres
arméniens. Il faut s'étonner seulement
que la Bête ait tant tardé à lui accorder
une décoration aussi éminente, alors quedes comparses et complices subalternes,comme M. Gabriel Hanotaux, en furent
gratifiés aussitôt le crime accompli.P. Q.
:
UN RÉVOLUTIONNAIREARMÉNIEN
Arménag Ghazarian Mampréian
(Hraïr-Djokhk)
Hraïr naquit en 1866, au villaged'Aliaronk dans le Sassoun. Son père
qui était prêtre, le mit à l'Ecole du
Couvent de Sourp Garabet, où il
termina ses études en 1890. Sa vie
révolutionnaire commence des cette
époque ; avec ses camarades il combat
les Kurdes qui se livraient à des exac-
tions envers ses compatriotes.
AprèF l'enlèvement de Gulilizar, les
attentats étaient devenus courants, et
en 1890 les révolutionnaires étaient
apparus avec un programme précis.
En 1891 arrive à Moush, Miran Dama-
dian comme représentant du partiIleutchakiste : il y trouve déjà une
organisation anonyme placée sur un
terrain pratique. Damadian établit des
l'ela tions a vec cette organisation, et
dès lors Armenag devient son collabo-
rateur.
Ensemble, ils délibèrent sur plusieurs
questions. Ils visilent les villages du
Sassoun pour mieux étudier l'état des
choses.
Après l'arrestation de Damadian, le
rôle, de Hraïr devint plus important. Il
embrassa toutes les formes de l'action
révolutionnaire. Il était soldat, propa-
gandiste et correspondant. Après les
atrocités du Sassoun, en 1894, pendant
lesquelles il avait participé à plusieurs
combats, il quitte le pays momentané-
ment. Il voyage au Caucase, sur le lit-
toral de la Mer Noire, en Roumanie et.
en Bulgarie. Par ses discours ardents,
il suscite dans ces pays un grand en-
thousiasme. Il exhortait ses compa-
triotes à rentrer dans la patrie-mère.Avec ses 40 hommes, il s'adressa au
parti révolutionnaire fédéraliste quimit à sa disposition ses meilleures
armes. En 1895, au mois d'août, au
moment où les massacres se dessi-
naient une partie de la bande de Djo-khk réunie à celle d'Achod-Tatoul,
rentra dans le pays; quant à lui, il
passa la frontière juste au moment où
les massacres devenaient imminents à
Passcn. (A suivre.)
Le Secrétaire-Gérant : JEAN LONGUET.
L'Emancipairice(Imprimerie),RuedePondichéry.3. Paris.
Ed.GAUTHIER,Ad.-délégué.
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