Prise en charge thérapeutique de l’arthrose des membres:principes et spécificités
Pr Éric TOUSSIROTCentre d’Investigation Clinique - Biothérapie 506
RhumatologieCHU Besançon
Département Universitaire de Thérapeutique EA 4266 Agents Pathogènes et Inflammation,
SFR FED 4234Université de Franche-Comté
Arthrose
• Pathologie dégénérative chronique
• Facteurs de risque multiples
• Aspects cliniques variés
• Prise en charge complexe, globale
• Spécificité du sportif
• Soulager la douleur
• Améliorer la fonction et maintenir
les activités physiques
• Informer, éduquer
• Ralentir la dégradation cartilagineuse
• Structuro-modulation: capacité d’un produit à ralentir, stabiliser, prévenir, ou réparer des lésions arthrosiques
→ Aucun médicament (?) ne répond à cette définition
Mais progrès méthodologiques dans l’évaluation
Objectifs des traitements de l’arthrose
• Prise en charge multidisciplinaire
• Prise en charge personnalisée
• Prise en compte:
- facteurs généraux: âge, comorbidités, co-prescriptions
- facteurs de risque locaux: obésité, facteurs mécaniques, activité physique, dysplasie, désaxation
- degré douleur, gène et handicap fonctionnel
- localisation, importance des lésions radiologiques
Principes de bases du traitement de l’arthrose
• Essais randomisés, études ouvertes
• EBM, avis d’experts
• Recommandations internationales (EULAR)
→ Moyens non pharmacologiques
→ Moyens pharmacologiques
→ Moyens chirurgicaux
Moyens thérapeutiques dans l’arthrose
Moyens non pharmacologiques
• Education: « l’éducation des patients et l’information font partie intégrante du traitement de toute maladie chronique. Il s’agit d’une obligation professionnelle pour le médecin, et cela doit inclure des détails sur la maladie, les examens et la prise ne charge
thérapeutique »
• Meilleure observance• Informa9on ≠ Educa9on• Effet modeste sur douleur
(ES 0,12) et fonction (ES 0,07)
Réduction pondérale
Auteur IMC RR
Andersen > 40 RR x 4,5 gonalgies
Okoro > 40 Handicap ↑ 2,75
Coggon > 36 Risque gonarthrosex 13,6
Stürmer > 30> 25
Gonarthrose: 8,1Gonarthrose: 5,4
Sharma Relation sévérité gonarthrose et importance
IMC
→ Corrélation entre perte de masse grasse etamélioration douleur, indice de Lequesne ou du WOMAC.
Effets du régime sur l’arthrose
Christensen(Osteoarthritis Cart 2005)
- Gonarthroses, IMC > 28, durée suivi 8 semaines
- Régime hypoénergétique vs régime contrôle
- Variables: IMC, masse grasse, WOMAC (douleur, raideur, fonction), indice de Lequesne, HAQ
- 96 participants- Perte de poids dans 2 groupes
(-11 et 4,4 kg) (11% et 4%)- Amélioration WOMAC (total,
fonction) > gpe hypo-énergétique
Corrélation variation masse grasse et amélioration du WOMAC
→ Réduc-on 10% poids (masse grasse)améliore fonction 28%
Exercices et rééducation
• Améliore fonction
• Favorise autonomie
• Améliore qualité de vie
• Adapter l’activité au potentiel : personnalisation
• Diversifier, combiner, exercices isométriques, aérobie
• Observance: progression, suivi personnel: rôle du kiné, médecin rééducateur
Renforcement musculaire et exercices aérobies: réduisent douleur et améliorent la fonction en
cas de gonarthrose et coxarthrose
Peu de contre indications exercices de renforcement musculaires et aérobie
Travail général (entraînement aérobie) et travail local (renforcement musculaire): aspect
fondamental
Conseils et éducation pour efficacité des programmes d’exercices
Exercices en groupe ou individuels: efficacité équivalente
Assiduité: facteur prédictif du résultat des exercices
Exercices individualisés: conseillés
Efficacité des exercices est indépendante de la sévérité radiologique
Amélioration de la force musculaire et de la proprioception obtenue à partir du programme
d’exercices doit réduire la progression de l’arthrose
Moyens Preuve Commentaires
Education A Un malade informé recours moins au soins et tolère mieux son handicap
Amaigrissement A Perdre 10% de son poids améliore de 15% le handicap chez l’obèse avec gonarthrose
Exercices A Améliorent l’état du malade sans doute possible, mais aucun exercice n’est meilleur qu’un autre
Acupuncture B 3 essais cliniques récents montrent son efficacité par rapport à une acupuncture factice
Cure thermale B La prise en charge globale que peut constituer une cure thermaleest un atout qui rend service à bon nombre de malades.
Aides techniques (semelles, cannes orthèses)
C Bien que non démontrée, leur utilité semble manifeste (consensus professionnel)
Additifs alimentaires (sels minéraux, vitamines)
C Rien de probant
Champs électromagnétiquespulsés, ultrasons, stimulation
électriques transcutanée
C idem
Moyens non pharmacologiques dans l’arthrose
A: essais thérapeutiques randomisés et contrôlés concluants; B: essais de moins bonne qualité; C: consensus professionnel
Traitements pharmacologiques locaux: corticoïdes
• Méta-analyses: corticoïdes > placebo
• Poussée hydarthrodiale ++
• Durée effet: quelques semaines
• NNT: 3-4 gonarthrose
• Pas de critères de réponse
• Pas de différence entre corticoïdes injectables (Hexatrione®).
• Respect au plus 3 infiltr/ articul/an
Traitements pharmacologiques locaux: acide hyaluronique
• Dispositif médicaux / médicament• Essais randomisés, contrôlés versus placebo• Résultats contradictoires• Méta-analyse: contradictoires• Position sociétés savantes: ACR, EULAR, OARSI: préconisent
l’utilisation ac hyaluronique• Effet décalé: 2-4 sem à 2 mois• Effet prolongé: 6 mois (12-24 mois)• Effet sur douleur (EVA), fonction (indices algo fonctionnels) • Baisse consommation antalgique, AINS• Pas de preuve efficacité structurale• Impact médico-économique: ↓ coûts gonarthrose dans les
6 mois après visco (Mazieres B, JBS 2007)
Moyens Preuves Commentaires
AINS locaux B Plusieurs études positives à court terme (mais une
méta-analyse réticente)
Corticoïdes intra-articulaires
A Efficaces à court terme (environ 1 mois) à ne pas
renouveler plus de 2-3 fois par an
Acide hyaluronique A Efficacité meilleure que placebo mais faible. Ne
pas faire si épanchement
Lavage articulaire B Améliore 50% des maladespendant 6 mois
Moyens pharmacologiques locaux
Classe Traitements symptomatiques
Antiarthrosiquesymptomatique
d’action lente (AASAL)
Structuro modulateurs
Mode d’action Activité antalgiqueanti-inflammatoire
Action anti-inflammatoire différée, synthèse
composant matrice, (-) production cytokines
ou métallo-protéases
Rétablir l’anatomie
Durée d’action À court terme Moyen termeEffet rémanent
Long terme
Moyens d’évaluation EVA douleur Indices algo fonctionnels, qualité de vie
Hauteur interligne articulaire
Produits disponibles ParacétamolPaliers II
AINSCoxib
Chondroïtine sulfate, insaponifiables soja avocat , diacerhéine,
glucosamine
Aucun
Moyens pharmacologiques généraux: classification
Traitements symptomatiques
Antalgiques
• Efficacité > placebo
• Paracétamol +++ (recommandation EULAR)
• 1ère ligne
• Bonne tolérance, faible coût
• Dose 4 (3) g / j
• Efficacité moyenne mais durable
AINS• Efficacité > placebo• Moyenne, durable• Dès dose antalgique• Dose min utile• Variabilité individuelle• Taux maintien thérapeutique à
1 an: 5 – 20% (tolérance)• AINS coxarthrose >
gonarthrose• Tolérance au long cours• Respect contre indications• IPP et risque digestif• Coxib
DCI Nom commercial
Posologie Indication Prix
Chondroïtinesulfate
ChondrosulfStructum
400 mg x3 / J500 mg x 2 / J
- Traitement symptomatique à action retardée des
manifestations fonctionnelles de la gonarthrose et de la
coxarthrose- Traitement d’appoint des
douleurs arthrosiques
0,77 €/j0,52€/j
Insaponifiables d’avocat
Piasclédine 300 mg/ J Traitement d’appoint des douleurs arthrosiques
0,53€/j
Diacerhéine ART 50Zondar
50 mg x 2 / J Traitement symptomatique des
manifestations fonctionnelles de
l’arthrose
1,31€/j
Glucosaminesulfate ou
chlorhydrate
OscartCartilamineArtrofortilStructoflexOsaflexanDolenioFlexea
≈ 1500 mg/ J Soulagement des symptômes liés à une
arthrose légère à modérée du genou
0,43 à 0,75€/j
Les AASAL disponibles
• Agissent sur douleur• Délai d’action > semaines• Effet rémanent (1 à 2 mois après l’arrêt)• Bonne tolérance• Efficacité études contrôlées > placebo• Cités dans les recommandations internationales du
traitement de l’arthrose:« les AASAL ont un effet symptomatique et pourraient être
chondroprotecteur »
« Les AASAL ont un effet symptomatique et une faible toxicité, mais leur efficacité thérapeutique est faible, les patients pouvant en bénéficier sont mal définis, et la pertinence clinique de leur action structuro-modulatrice comme les aspects pharmaco-économiques ne sont pas bien établis »
Propriétés générales des AASAL
Données d’efficacité des AASAL
• Méta-analyse 2007: efficacité douleur, fonction
• Biais méthodologiques
• Effet « mitigé »
chondroitine
Forest plot of 20 trials comparing chondroitin with control.I2 = 92% (P < 0.001).
Reichenbach S et al. Ann Intern Med 2007;146:580-59 0
Efficacité de la Piasclédine dans le traitement de la gonarthrose et coxarthrose
164 gonarthrose ou coxarthrosePiasclédine 300 vs PBO6 moisCritère de jugement Ire: indice de LequesneAutres: douleur, handicap
Maheu E, Arthritis Rheum, 1998
Chondroïtinesulfate
Glucosamine sulfate
Diacerhéine Insaponifiables d’avocat soja
ES douleur 0,78 0,41 0,29 0,31
ES fonction 0,63 0,41 0,35 0,51
Effets thérapeutiques symptomatiques des différents AASAL
ES: effet taille
Efficacité symptomatique arthrose genou, hanche > PBOLatence 4-8 semRémanence 4-6 sem après l’arrêtÉpargne AINSTolérance bonne (diacérhéine)
Auteur Molécule Site de l’arthroseet Nbrepatients
Durée de traitement
Perte de l’interligne
art sous verum
Perte de l’interligne
sous placebo
p
Reginster2001
Glucosamine
Genou212
3 ans - 0,06 -0,31 0,043
Pavelka2002
Glucosamine
Genou202
3 ans -0,04 -0,19 0,001
Lequesne2002
Extraits d’avocat soja
Hanche81
2 ans -0,44 -0,85 Résultats sur sous
population
Dougados2001
Diacerhéine Hanche507
3 ans -0,18 -0,23 0,042
Michel2005
Chondroïtinesulfate
Genou300
2 ans -0,14 0 0,04
Reginster2006
Chondroïtinesulfate
Genou622
2 ans -0,10 -0,24 < 0,01
Effet structuro-modulateur des AASAL
Etude STOPP
622 GonarthrosesChondroitine sulfate vs PBO X 2 ansEvaluation pincement interligne Rx
- 0,07 mm CS vs - 0,31 mm PBO
Arthritis Rheum, 2009
Etude ERADIAS
• Essai randomisé, contrôlé double aveugle x 3 ans
• Coxarthrose, indice Lequesne 3-10
• Pincement interligne 1-4 mm
• Piasclédine ou Placebo
• Critère principal: pincement interligne à 3 ans
• Progression Piasclédine /PBO : -0,638 vs - 0,672 mm (NS)
• Moins progresseurs (pincement > 0,5 mm) groupe Piasclédine
Maheu E, ARD 2012
• Lente évolutivité (genou: 0,06 à 0,14 mm/ an; hanche: 0,2 à 0,4 mm/an)
• Technique de mesure: reproductibilité, sensibilité au changement• Variation d’au moins 0,5 mm du pincement interligne est pertinente• Interprétation clinique des résultats: pertinence clinique épargne
radiologique de 1/10ème mm à 3 ans ?• Conséquences cliniques sur douleur, fonction, retard à la mise en
place prothèse ?• Pas de corrélation effet structural et effet symptomatique:
conséquences trop modestes ?• Pincement interligne articulaire: bon outil d’évaluation ? Ou recours
à la prothèse ??• Autres outils: - Marqueurs biologiques cartilage
- IRM cartilage
Limites des études sur structuro-modulation
Moyens Preuve Commentaires
Paracétamol A Bien toléré, il faut savoir le prescrire à bonne dose (jusqu’à 4 g) en multipliant les prises (3-4/j) pendant une période suffisante
(environ 1 semaine), régulièrement plutôt qu’à la demande
AINS classiques & coxibs A Quand le paracétamol devient inefficace ou d’emblée en cas de poussée, pour casser la crise. Coxib ou AINS classique + IPP chez les sujet à risque (plus de 65 ans, antécédent d’ulcère). Eviter les coxibs chez les sujets à risque cardiovasculaire ou
aspirine à doses anti-agrégantes
Opioïdes faibles / forts A Peu indiqués en pratique sinon dans certaines situations bloquées (sujet âgé ne supportant plus les AINS, chez qui le paracétamol est inefficace et après échec des moyens non
pharmacologiques)
AASAL A Action modeste mais suffisante chez de petits arthrosiques où ils peuvent jouer un rôle d’épargne en AINS. Bonne tolérance
(sauf diarrhée sous diacerhéine)
Psychotropes B Parfois utile lors de dépression associée où il faut traiter le problème
Moyens pharmacologiques généraux
• AASAL ≠ Paracétamol, AINS, injec9ons cor9coïdes• Meilleure indication des AASAL: arthrose débutante,
peu douloureuse avec gène modérée• Effet d’épargne autres traitements pharmacologiques• En association avec moyens non pharmacologiques• Effet retardé et rémanent• Efficacité < AINS, équivalente paracétamol• Pas de critères de choix (tolérance, prix)• Pas de données comparatives• Pas de rationnel pour alterner/ associer AASAL• Si pas de réponse clinique à 3 (6 mois), stop-
changement AASAL
AASAL en pratique
Recommandations ACR 2012 prise en charge arthrose genou hanche
• Mesures non pharmacologiques:
- exercices aérobie, contre résistance , balnéothérapie, perte de poids.
- Arthrose du genou: semelles correction, physiothérapie, tai chi, programme d’autorééducation
• Mesures pharmacologiques:
- Paracétamol
- AINS local ou général
- Tramadol
- Injections intra articulaires CTC
- +/- ac hyaluronique, duloxetine, opiïdes chez patients réponse insuffisante aux TmTs initiaux
- Opoïdes si CI ou refus chirurgie prothétique
Hochberg M, Arthritis Care Res 2012
Pratique du Sport et Arthrose: recommandations et spécificités thérapeutiques
• Activité haut niveau et sport de contact:
OR développement coxarthrose et gonarthrose élevé (1,5-3,7)
• Apparition arthrose: impact sur activité sportive dans 21% des sujets
• Arthrose des membres modérée/débutante: compatible poursuite activité
Recommandations sportives chez le sujet arthrosique
• Exercice physique bénéfique: entretien mobilité articulaire, trophicité musculaire, douleur, consommation antalgiques …
• Influence âge, sévérité lésions arthrosiques, capacité physique, motivation …
• Activité adaptée: course et distance raisonnable, pas sols durs …
• Activité modérée, dosée, régulière
Sports autorisés/déconseillés et arthrose
Activité sportive
Déconseillés - Sports de compétition- Sports avec impact traumatique élevé, avec pivot contact: football, handball, rugby et genou, basket et cheville- Sports de combat-Sports avec pressions et vibrations :tennis, course
Autorisés - sports en charge (marche, randonnée)- vélo sans résistance
Recommandés - Sports en décharge: natation, marche, vélo, tennis ±- aquagym, gymnastique douce au sol.
Conduite à tenir devant souffrance articulaire chez un sportif
Facteurs de risque :* Facteurs généraux:âge, IMC,
* Facteurs locaux:désaxation MItraumatismesentorselésion méniscale…
Activité sportive :Type de sport, niveau de pratiquesport pivot de contactsol dur …
Lésion cartilagineuse débutante(IRM, arthro-TDM):
Repos, antalgiques, AINSHygiène pondérale, adaptation pratique
sportive, rééducation (renforcement musc, contrôle proprioceptif)
Réaction synoviale :Ponction infiltration CTC
Chondropathie débutante:viscosupplémentation
œdème sous chondral (médullaire) (IRM)Bisphosphonates IV
Lésion méniscaleÉconomie méniscale
Conclusion
• Prise en charge globale
• Mesures générales, locales, non médicamenteuses
• Viscosupplémentation
• Place AASAL , efficacité « modeste » mais à ne pas négliger
• Arthrose et poursuite activité sportive: mesures médicales, adaptation activité (quantitative)
• Pas d’évaluation des antiarthrosiques sportifs
• Anti -TNF, anti -IL1, (-) NO, CSH, PRP …
• Tanezumab et effet antalgique, ranelate de strontium et effet chondroprotecteur
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