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UN BILAN NORD-SUDPRÉSIDENCE BELGE DE L’UNION EUROPÉENNE

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EDITO Six mois pour faire avancer la cohérence des politiques européennes 3

AVANT-PROPOSLes ONG belges et la présidence de l’Union Européenne 4-6

PRÉSENTATION Une présidence saluée par tous ? Oui mais… 7-8

FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT La Belgique défend une taxe sur les transactions financières pour financer le développement 9-11

SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE Prétendre vouloir et s’interdire de pouvoir ! 12-14

CLIMATLe processus est sauvé… pas le climat ! 15-17

TRAVAIL DÉCENTOu la difficulté de passer du discours à la pratique 18-20

ACTIVITÉSLes ONG belges mobilisentautour des Objectifs du millénaire pour le développement 21-23

Ont contribué à cette publication Nicolas Van Nuffel, Marc Maes, Rudy De Meyer, VéroniqueRigot, Jean-Pierre De Leener, Stéphane Desgain, Saartje Boutsen, Gert Vandermosten, Gérard Karlshausen, Caroline de Vrièse, Alexandra Breedeveld, Tania Farkh Graphisme Dominique Hambye / Impression Druk in de Weer, imprimé à base d”encres végétales, sans alcool ni solvant, sur papier recyclé / Photos de couvertures Michel Dubois/CNCD-11.11.11, Alexandreseron.be, Oxfam International, Tineke D'haese/Oxfam, Poffet.net,11.11.11, OIT / Éditeur esponsable Arnaud Zacharie, Quai du commerce 9 à 1000 Bruxelles

Cette publication est réalisée avec le soutien de l’Union européenne. Son contenutombe sous la responsabilité du CNCD-11.11.11 et de 11.11.11. Il ne peut enaucun cas être considéré comme l’expression du point de vue de l’Union euro-péenne. Pour plus d’informations sur l’Union européenne, voir http://ec.europa.eu

ÉDITOSIX MOIS POUR FAIRE AVANCER LA COHÉRENCE DES POLITIQUES EUROPÉENNES

Dix ans après l’adoption de la Déclaration du Millénaire pour le développement, lesNations Unies se sont réunies en septembre 2010 pour faire état de l’avancement deleurs engagements. Deux ans après la crise financière et alors qu’une nouvelle crisealimentaire se profilait, nos dirigeants ont bien dû admettre que les résultats étaientmaigres. Pourtant, l’aide au développement a augmenté, des mesures d’allégementde dette ont été annoncées, des engagements ont été pris pour améliorer l’efficacitéde l’aide. Mais le problème ne se situe pas à ce niveau.

Si les Objectifs du millénaire sont si loin d’être atteints, c’est principalement parceque la communauté internationale a échoué à mettre en place les réformes indis-pensables pour affronter la multiplication des crises. Crise financière, crise alimentaire,mais aussi crise sociale profonde et une crise climatique qui risque bien d’annihilerles maigres avancées engrangées dans la lutte contre la pauvreté.

L’Union européenne (UE), en panne d’un véritable projet commun, porte une lourderesponsabilité dans ces crises multiples. Premier bailleur mondial, elle a échoué àadapter l’ensemble de ses politiques aux objectifs de lutte contre la pauvreté et dedéveloppement durable, pourtant reconnus par le Traité de Lisbonne. C’est pourquoiles ONG belges ont tenu à faire de la présidence belge de l’UE un moment phared’interpellation. À cette occasion, elles ont choisi de ne pas se cantonner au suivi del’aide au développement, mais de questionner l’Europe autour de la nécessitéd’assurer des politiques cohérentes en faveur des objectifs de développement.

Durant six mois, les activités de sensibilisation du grand public, de formation, dedébat ou encore d’interpellation se sont multipliées. Elles ont appuyé la recherche desolutions durables dans des dossiers tels que la régulation de la finance internationale,la réforme de la Politique agricole commune, la lutte contre les changements clima-tiques ou encore le travail décent.

Six mois pour faire avancer les débats, engranger quelques avancées politiquesconcrètes, mais aussi mettre en évidence un combat mené sur le long terme à traversle suivi des politiques belges et européennes. Un combat de pleins droits.

ARNAUD ZACHARIE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CNCD-11.11.11

SOMMAIRE

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Les organisations belges de solidarité Nord-Sud ont travaillé, dans le cadre de la présidence, au sein de la plate-forme belge de Concord, la Confédération européennedes ONG d’urgence et de développement. Cette dernière est composée de 25plates-formes nationales et de 18 réseaux internationaux, soit près de 1.600 ONG issues de toute l’Europe.

Pour bien comprendre le contexte dans lequel ce programme d’action s’est mis enplace, il faut rappeler que la structuration des ONG belges est assez spécifique. Ilexiste en effet en Belgique deux fédérations, Acodev et Coprogram, officiellementchargées de représenter leurs membres dans les discussions avec les autorités publiques sur le statut juridique des ONG et les subsides. Par ailleurs, deux coupolesréunissent les organisations Nord-Sud autour de la sensibilisation de la population, duplaidoyer vers les décideurs politiques et d’une opération annuelle de récolte de fonds :le CNCD-11.11.11 du côté francophone et son homologue flamand 11.11.11.

Dans le cadre de la présidence belge, ce sont donc les deux coupoles qui ont porté leprogramme de sensibilisation et de plaidoyer. Ce programme était en lien étroit avecl’actualité, les priorités et les domaines d’expertise des organisations membres, ainsiqu’avec l’agenda de Concord. Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)ont constitué le fil rouge de cette campagne. Mais plus largement, les deux coupoles ontsouhaité profiter de ce moment pour donner un écho européen aux sujets qu’ellesportent depuis de nombreuses années : le financement du développement, la souve-raineté alimentaire, la lutte contre les changements climatiques et le travail décent.

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Assurer la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne signifieêtre sous les feux des projecteurs et se retrouver au devant de la scène eu-ropéenne durant six mois. L’occasion pour un État-membre d’attirer l’attentionde la population sur les politiques européennes et de mettre ses priorités àl’agenda de l’Union. La société civile porte, elle aussi, des revendications etprofite de cette occasion pour les mettre en évidence. Mise en contexte.

LES ONG BELGES ET LA PRÉSIDENCE DE L’UNION EUROPÉENNE

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UNE PRÉSIDENCE SALUÉE PAR TOUS ? OUI MAIS…À l’heure de faire le bilan des six mois de présidence belge de l’Union euro-péenne, tous les observateurs ont relevé à quel point notre pays avait joué sonrôle avec brio. Se plaçant résolument dans une vision renouvelée de la prési-dence, la Belgique s’est positionnée en coordinateur technique des dossiers duConseil des ministres. Mais, dans ce cadre, le « profil bas » de la Belgique a aussifavorisé l’émergence d’une haute représentante pour les Affaires étrangères quisemble faire peu de cas de la spécificité des pays en développement…

Dans le cadre de ce programme, un mémorandum commun a été élaboré, reprenanthuit grandes revendications au cœur des combats des ONG :

FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT1. Une aide plus importante (0.7% du RNB) et plus efficace2. Taxer les transactions financières et réguler les marchés financiers

SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE3. Plus d’attention pour l’agriculture dans les politiques européennes de développement4. Des politiques commerciales et agricoles favorables au développement

CLIMAT5. Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 20206. 35 milliard d’euros chaque année pour un fonds climatique des Nations Unies

TRAVAIL DÉCENT7. Des relations internationales au service du travail décent8. Une traçabilité sociale des produits vendus en Europe

Ces revendications n’ont bien entendu pas pu toutes aboutir en six mois. Mais la pré-sidence belge a permis d’attirer l’attention du public et des décideurs, d’approfondirla connaissance des thématiques, d’en débattre et d’obtenir quelques avancéesconcrètes.

Faire avancer les politiques européennes pour les mettre en cohérence avec les en-gagements internationaux est un travail de longue haleine. Les six mois de présidencebelge de l’UE ont été une excellente caisse de résonance pour ce travail, mais il devrase poursuivre dans les années à venir, pour que toutes les avancées présentées dansces quelques pages se transforment peu à peu en résultats concrets.

PRÉSENTATION

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La Belgique l’avait annoncé, elle a tenu son engagement. Le Traité de Lisbonne ayantprofondément modifié la répartition des rôles au sein de l’UE, la présidence tournantedu Conseil est désormais censée centrer son travail sur la coordination technique desdossiers qui arrivent à son agenda. L’Espagne avait occupé le poste « à l’ancienne » aupremier semestre 2010, en raison du délai nécessaire au rodage des nouvelles insti-tutions. En raison aussi de la volonté affichée de visibilité par le gouvernement espagnol.La Belgique, membre fondateur de ce qui est devenu l’UE, avait de son côté clairementfait part de sa volonté de montrer l’exemple en s’effaçant derrière ces nouveaux acteurs, et en particulier derrière le président du Conseil européen, le Belge HermanVan Rompuy, et la haute représentante pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton.

Au niveau de la politique étrangère, ce retrait a été évident, à l’exception du huitième som-met Asie-Europe, organisé début octobre à Bruxelles, et dont la Belgique a voulu fairel’un des phares de sa présidence. Cette attitude semble à première vue n’avoir qu’uneportée interne, liée au fonctionnement des institutions européennes. Mais elle pourraitbien avoir des conséquences à long terme pour la politique de l’Union vis-à-vis des paysen développement. Catherine Ashton s’impose en effet progressivement comme lapierre angulaire de la politique étrangère de l’Union. En ce compris la politique de développement. Elle préside le Conseil des Relations extérieures et a insisté pour quecelui-ci inclue le Conseil des ministres du développement. Ceci entraîne un risque de voirprogressivement les politiques de développement être subordonnées aux intérêts del’Europe en termes de politique étrangère. Et ce alors même que la Commission a prisdes engagements en faveur de la cohérence de ses politiques pour le développement.

Cependant, en dehors des affaires extérieures, divers dossiers qui concernent direc-tement ou indirectement les pays du Sud ont progressé sous la présidence belge,comme on le lira par ailleurs. La gouvernance économique et financière de l’Union a étérenforcée, ce qui devrait permettre de renforcer la lutte contre les effets néfastes de laspéculation tant au sein de l’Europe que vers l’extérieur. Le débat sur l’introductiond’une taxation des transactions financières fait son chemin et, si aucun progrès concretn’a été enregistré, la Belgique l’a mis à l’ordre du jour tant du Conseil des ministres desFinances que du sommet de New-York sur les Objectifs du millénaire, en septembre.

Autre succès important de la présidence belge en ce qui concerne les pays en déve-loppement : Cancún. Au Mexique, la délégation belge a contribué à rendre à l’Europeson rôle de pivot dans les négociations internationales sur le climat, comme on le verrapar ailleurs. Un succès non négligeable, quand on sait que les montants promis auxpays du Sud dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques avoisinentceux de l’aide au développement actuels !

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FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

La question du financement du développement a été un enjeu important durantla présidence belge de l’Union européenne. Le contexte de crise financière etle sommet des Nations Unies sur les Objectifs du millénaire pour le déve-loppement l’ont certainement stimulé. Les revendications ont porté essen-tiellement sur la quantité et la qualité de l’aide, la taxation des transactionsfinancières, et les mesures de contrôle du secteur financier.

LA BELGIQUE DÉFEND UNE TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES POUR FINANCER LE DÉVELOPPEMENT

PRÉSENTATION

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2010 était une année charnière pour la Belgique : elle s’était en effet engagée àconsacrer 0,7% de son revenu national brut (RNB) à l’aide au développement dès cette échéance. Les ONG belges ont donc mis une forte pression sur leur gou-vernement afin que cet objectif soit rempli, ne fût-ce que pour inciter les autres payseuropéens à faire de même. Actuellement la Belgique se situe autour de 0,65% du RNB, annulations de dettes comprises. Mais même si l’objectif annoncé n’est paspleinement rempli, les Belges n’ont pas évité le débat sur les moyens financiers lors des négociations au sein de l’UE du sommet des Nations Unies sur les Objectifsdu millénaire.

Par contre, le débat sur l’efficacité de l’aide a occupé une place peu importante surl’agenda de la présidence belge, hormis la préparation de la Conférence sur l’efficacitéde l’aide, prévue en Corée du Sud fin 2011. Autre sommet dont la préparation prendpeu à peu de l’ampleur : la Conférence sur les pays les moins avancés (PMA) qui auralieu en 2011 en Turquie. À ce sujet, la délégation belge a annoncé lors du sommetde New York qu’elle investirait 400.000 euros dans la préparation de la conférencesur les PMA.

Mais le débat sur la qualité de l’aide est surtout revenu sur le devant de la scènedans le cadre du transfert de pouvoir de décision de la présidence tournante vers lesservices de Mme Ashton. La question étant de savoir si ce transfert de pouvoir n’allaitpas diminuer les contributions des États-membres et détourner leur attention desobjectifs de développement. La Belgique n’est jamais entrée en confrontation avecMme Ashton, mais il faut relever qu’elle est parvenue à tenir les rênes des réunionsde préparation pour le Conseil des ministres de la Coopération au développement etce, jusqu’au dernier Conseil du 9 décembre.

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Cependant, comme ONG et mouvements sociaux le soulignent depuis des années,le débat sur le financement du développement ne se limite pas à l’aide. Et à ce titre,la taxation des transactions financières fait figure de symbole : cette idée qu’on pré-sentait comme saugrenue il y a quelques années à peine a massivement rallié des voixdepuis la crise financière. Au point de faire partie des priorités de la présidence belge.Tant le Premier ministre Yves Leterme que le ministre de la Coopération au dévelop-pement Charles Michel ont défendu très activement la mise en place d’une taxe surles opérations de change ou sur les transactions financières tant au sein de l’Unioneuropéenne que lors du sommet des Nations Unies. Même le ministre des Finances,Didier Reynders, naguère opposé à cette idée, s’en fait désormais le défenseur. LesONG se sont fortement impliquées, via Concord et d’autres réseaux, pour maintenirce point à l’ordre du jour au niveau européen, et ce par des interventions au Conseildes ministres de la Coopération, des contributions lors des consultations publiquesdes présidences espagnole et belge et de la Commission, et lors des tables rondesorganisées à New York. Le soutien politique s’est donc renforcé et élargi. Mais l’objectif n’est pas encore atteint. L’opposition de certains dirigeants reste forte, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Concernant les autres propositions de contrôle du secteur financier (lutte contre lesecret bancaire et les paradis fiscaux), les résultats restent très décevants. La prési-dence belge n’a pris aucune initiative. Aux niveaux européen et international (G-20),les efforts sont restés trop limités au regard des problèmes et des risques encourus. Avant de conclure, soulignons encore les excellents contacts avec les fonctionnairesbelges pour la préparation des conférences européennes de la présidence. Leurgrande capacité d’écoute a été très appréciée.

« CETTE IDÉE QU’ON PRÉSENTAIT COMME SAUGRENUE

A MASSIVEMENT RALLIÉ DES VOIX DEPUIS LA CRISE FINANCIÈRE,

AU POINT DE FAIRE PARTIE DES PRIORITÉS DE LA PRÉSIDENCE BELGE. »

FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

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SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

Etablir le bilan des politiques belges et européennes dans le domaine del’agriculture et de lutte contre la faim nous oblige à analyser les décisions prises par le monde politique et leurs impacts. Bref état des lieux des politiquesagricoles, commerciales, énergétiques et de coopération.

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Avant de porter des revendications au niveau européen, la meilleure manière pour unÉtat-membre de faire avancer le débat est de montrer l’exemple. En matière de politiquesde coopération, la Belgique s’est engagée à tripler la part de l’aide destinée à l’agri-culture, 15% pour 2015, et elle a proposé des engagements similaires au niveau européen. La Coalition contre la faim – qui rassemble les ONG belges actives dansle domaine – fait en effet pression depuis plus de 5 ans pour améliorer les politiquesde coopération en faveur de l’agriculture. Elle a joué un rôle non négligeable dans lanouvelle note stratégique « Agriculture et sécurité alimentaire », orientant davantageles projets de la Coopération belge vers une agriculture familiale destinée aux marchéslocaux. Reste à appliquer correctement ces nouvelles orientations aux projets, etparticulièrement l’aide apportée aux entreprises privées.

Mais les politiques de coopération sont souvent remises en cause par les politiquescommerciales et énergétiques : les accords de libre-échange signés par l’Union européenne défavorisent les marchés locaux et menacent l’agriculture familiale; la Directive sur l’énergie entraîne l’importation d’agrocarburants de pays qui souffrentde la faim; les traités de protection des investissements protègent les intérêts des investisseurs et consolident les accaparements de terres... Nombreux sont les exemplesentraînant des impacts négatifs sur les droits humains et entrant ainsi en contradictionavec les politiques de coopération, notamment celles visant à soutenir une agriculturefamiliale orientée vers les marchés locaux. C’est pourquoi l’amélioration des politiquesde coopération est indissociable de la lutte pour une plus grande cohérence despolitiques européennes dans le domaine agricole et commercial.

PRÉTENDRE VOULOIR ET S’INTERDIRE DE POUVOIR !

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En matière de politiques agricoles, le dossier « lait » et la préparation de la future Politique agricole commune (PAC) 2013-2020 ont fait partie des priorités duranttoute l’année 2010. La grève du lait de 2009 a montré que la politique européennede dérégulation menaçait l’agriculture européenne et renforçait les menaces sur lespaysans du Sud. Les résultats insuffisants du « Groupe de haut niveau sur le lait »créé par la Commission européenne, n’ont pas remis en cause la volonté de cette dernière d’abandonner les quotas et d’augmenter les quantités produites. Les expertsne misent que sur l’organisation de groupements de producteurs qui ne pourront niéviter les rapports de forces ni garantir un prix juste. La surproduction structurelle sepoursuivra, ainsi que l’exportation, ce qui renforcera le rôle destructeur de marchésinternationaux instables.

Concernant la PAC, la présidence belge n’a pas bougé, l’initiative étant en ce momentdans le camp de la Commission européenne. Le changement de commissaire a coïn-cidé avec un changement d’orientation et des positions moins libérales, amenant unfonctionnement plus démocratique avec des consultations sur la future PAC. Maisl’UE reste coincée dans un paradigme de compétitivité : la conquête de nouveauxmarchés et le renforcement de la position compétitive de l’agro-industrie. Cette postureentre en contradiction avec les objectifs sociaux, environnementaux et de coopérationinternationale que l’UE s’est elle-même fixés. Elle prétend donc vouloir maintenir sesagriculteurs et ne pas menacer ceux des autres pays mais elle persiste à s’interdirede pouvoir le faire !

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CLIMAT

Dans le contexte politique et économique actuel, l’environnement est quelquepeu relégué au second plan. En décembre, le sommet de Cancún – dont onne devait « rien attendre », nous disaient nos politiques en début d’année –, aclôturé l’année sur une impression d’avancées. Il n’en reste pas moins que lebilan de la présidence belge sur la question du climat est plutôt mitigé.

LE PROCESSUS EST SAUVÉ… PAS LE CLIMAT !

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Au lendemain de la désillusion de Copenhague, les ambitions pour la suite du proces-sus de négociations avaient été drastiquement revues à la baisse : les questions qui fâchent ont ainsi été évacuées, notamment les objectifs de réduction des émissions degaz à effet de serre et le caractère contraignant des engagements. La stratégie européenne est allée dans ce sens : annoncer des ambitions minimales pour le som-met, pour ensuite en qualifier l’issue de « réel progrès ». Relégitimer le processus denégociations des Nations Unies était la préoccupation principale pour Cancún, et pource faire, c’est la stratégie des petits pas qui a été privilégiée par la présidence mexi-caine. Derrière le succès affiché, le constat est cependant plutôt mitigé. Négociateurset observateurs s’y accordent : « Le processus est sauvé… mais pas le climat ! »

L’Union européenne a certes joué un rôle positif sur la scène internationale pourrestaurer la confiance entre les parties. Au cœur des discussions, les négociateursbelges ont jonglé avec la technicité des matières et les enjeux européens et interna-tionaux. Ils ont joué un jeu intelligent et fin qui a poussé les ambitions européenneset contribué à faire progresser les négociations.

Sur le plan politique, par contre, la Belgique a été peu visible. Outre l’absence de dialogue de la ministre Schauvliege (qui présidait le Conseil environnement de l’UE)avec la société civile, la Belgique n’a pas pris la place qu’elle aurait pu occuper surla scène européenne. À Cancún, la voix politique de l’Union a été celle de la Commis-saire européenne Hedegaard qui a marqué par son pragmatisme quant aux objectifsque l’UE s’était fixés : assumer des engagements financiers rapides et aboutir à unpaquet de décisions concrètes à Cancún.

Mais comme cela a déjà été souligné, les sujets qui fâchent avaient été laissés de côtédans la préparation de Cancún. Ainsi, la décision du passage à 30% de réductionsd’émissions de gaz à effet de serre, qui était attendue pour le Conseil des ministresde l’Environnement d’octobre, a été reportée au printemps 2011. Affaiblie par sestensions internes, l’Union européenne a donc manqué d’ambitions.

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Les engagements de Cancún sont loin d’être en ligne avec les recommandationsscientifiques. Prétendre limiter la hausse de la température moyenne de la planète à2°C est illusoire au vu des engagements actuels. Quant à mobiliser des moyens nou-veaux et additionnels à l’aide au développement pour les pays du Sud, la tâche sem-ble très difficile. Le rapport sur le Fast-Start 2010 de l’Union européenne nous montreainsi que l’argent promis et parfois déjà déboursé est surtout composé de financementdu développement recyclé. De plus, il s’agit pour une grande partie de prêts et nonde dons, ce qui contribue à alourdir la dette des pays en voie de développement.

Ces contradictions montrent le défi que représente la mise en place du « Fonds vert pourle climat » annoncée à Cancún. Son financement devra être non seulement nouveau etadditionnel, mais public et prévisible, ce qui est loin d’être garanti. Ces conditions sontnécessaires pour que les pays en voie de développement y trouvent les moyens nécessaires pour lutter contre les changements climatiques. Le Fonds vert est doncune réelle avancée, mais sa mise en œuvre devra être suivie de près.

La responsabilité historique de l’Europe dans le réchauffement climatique a par ailleursété pointée du doigt à plusieurs reprises lors des séminaires organisés par la plate-formebelge de Concord. La conséquence étant que l’Europe doit maintenant débloquer denouveaux fonds pour financer les mesures d’adaptation et d’atténuation dans lespays en développement. La gestion de ce financement ne pourra cependant être attribuée à la Banque mondiale qui soutient de nombreux projets d’énergies fossiles,ce qui rentre en contradiction avec les réductions d’émissions avancées par leGroupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC).

Enfin, il faut rappeler que, si le financement climatique est très important pour les paysen voie de développement, il ne doit pas dédouaner les pays industrialisés de leurobligation de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

« LES NÉGOCIATEURS BELGES ONT JOUÉ UN JEU INTELLIGENT

ET FIN QUI A POUSSÉ LES AMBITIONS EUROPÉENNES

ET CONTRIBUÉ À FAIRE PROGRESSER LES NÉGOCIATIONS. »

CLIMAT

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TRAVAIL DÉCENT

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Lancé par l’Organisation internationale du travail (OIT) à la fin des années 1990,l’agenda du travail décent s’est progressivement imposé dans le discours po-litique. La campagne internationale, initiée en 2007 et relayée en force au niveaubelge, y a sans aucun doute contribué. Mais face aux intérêts économiques etcommerciaux, le discours peine à se transformer en décisions concrètes…

De 2008 à 2010, les ONG belges et leurs deux coupoles, associées avec les syndicats,avaient mené campagne pour le travail décent. Fortes des résultats engrangés, ellesont décidé de maintenir ce thème à leur agenda durant la présidence belge del’Union européenne. En effet, si la prise de conscience de l’importance du travaildécent progresse en Belgique, beaucoup de décisions qui ont des répercussions sur les droits sociaux dans le Sud se prennent au niveau européen. La politique derégulation des grandes entreprises transnationales, d’une part, et la politique com-merciale, d’autre part, en sont deux exemples frappants.

En ce qui concerne la régulation des acteurs privés, des avancées ont pu être notéesdepuis la crise financière de 2008, mais elles concernent principalement la régulationfinancière. Et si les grandes entreprises sont tenues de publier un bilan de leur politiquesociale, la législation concernant leurs pratiques en dehors de l’UE est, elle, très faible.Elle peine particulièrement à prendre en compte la nécessité d’une approche globalede toute la chaîne de production. Si les multinationales offrent globalement d’assezbonnes conditions à leurs travailleurs, c’est en effet chez leurs nombreux sous-traitantset filiales que le bât blesse. C’est pourquoi la Coalition travail décent a profité de la présidence belge pour organiser le 5 octobre un séminaire sur la transparence, plusspécifiquement dans le secteur textile. Le Parlement européen a en effet demandé à la Commission de prendre une initiative dans les deux prochaines années pour met-tre en place un étiquetage social dans ce secteur. Cette demande devrait permettred’enregistrer des avancées concrètes pour le travail décent. Les consommateurs européens pourraient à l’avenir disposer des informations sur les conditions dans lesquelles leurs vêtements ont été produits.

OU LA DIFFICULTÉ DE PASSER DU DISCOURS À LA PRATIQUE

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Par ailleurs, la présidence belge de l’UE est intervenue à un moment clé de l’histoirede l’Union : la mise en place progressive du Traité de Lisbonne. Celui-ci transfèreune série de nouvelles compétences des États-membres aux Institutions européennes,dont la négociation d’accords de protection des investissements. Une évolution quipourrait avoir des conséquences majeures pour les travailleurs des pays du Sud. Ilest en effet primordial que le mandat donné à la Commission pour négocier ces futursaccords garantisse le respect des droits sociaux dans les pays partenaires. La définition de ce mandat se trouvant à l’agenda européen du deuxième semestre2010, la Coalition travail décent y a perçu l’une de ses priorités. Avec succès : la Belgique a en effet pris position en faveur d’un modèle d’accords incluant la présencede clauses sociales et environnementales assorties de mécanismes de contrôle. Ellea réussi à inclure une référence dans ce sens dans les conclusions du conseil. Le débat n’étant pas clos, il est difficile de savoir si ce positionnement sera reflétédans les premiers mandats des négociations spécifiques, mais il constitue une victoireimportante pour les ONG et les syndicats belges.

On le voit, les enjeux du travail décent, et en particulier l’intégration de celui-ci dansles politiques européennes sont un combat de longue haleine. Sa mise à l’agenda dela campagne pour la présidence belge de l’UE a cependant constitué une excellenteopportunité de poursuivre le combat entamé dans le cadre de la campagne travaildécent. Elle a en effet permis de questionner les politiques européennes en la matière.Elle a aussi ancré l’agenda européen au cœur de l’action de la Coalition travail décent.Une Coalition qui, même si la campagne organisée vers le grand public a pris fin le 7 octobre 2010 avec la remise de 167.269 signatures au Parlement belge, poursuivrason action au cours des prochaines années. La route est en effet encore longue pourfaire du travail décent l’un des piliers des politiques internationales de la Belgique etde l’Union européenne.

20-21TRAVAIL DÉCENT

ACTIVITÉS

« AVEC LE SUD POUR NE PAS PERDRE LE NORD »La campagne menée par le CNCD-11.11.11, « Avec le Sud pour ne pas perdre leNord », s’est inscrite dans le contexte de la présidence belge de l’Union européenneet de l’évaluation des OMD. Elle visait à sensibiliser la population belge aux enjeuxde la coopération Nord-Sud. Pour l’illustrer, le CNCD-11.11.11 s’est associé aucélèbre caricaturiste Pierre Kroll. Ce dernier a en effet croqué neuf situations enlien avec les thèmes de la solidarité internationale : la souveraineté alimentaire,l’accès à l’eau, la place des femmes, l’éducation et l’enseignement, etc…

Une série d’outils de sensibilisation aux OMD ont été élaborés à partir des dessinsde Kroll, et relayés par les bénévoles et volontaires du CNCD-11.11.11 dans denombreux festivals : Esperanzah, Woodscout, Tempo Color, Théâtres Nomades… Huit grandes villes ont en plus pris activement part à la campagne, ainsi que plu-sieurs écoles et centres culturels de Bruxelles et de Wallonie. Au total, plus de35.000 personnes ont été sensibilisées aux OMD. La qualité de cette campagne aété relevée de toutes parts, tant au niveau du grand public que des médias, et cegrâce à l’approche ludique et originale véhiculée par les caricatures de Pierre Kroll.

Le programme de la plate-forme belge de Concord pour la présidence a portésur trois types d’activités : la sensibilisation du grand public, le renforcementdes capacités des membres et le plaidoyer vers les décideurs politiques. L’année de la présidence belge correspondant aux dix ans de l’adoption de laDéclaration du Millénaire pour le développement, le choix de cette théma-tique semblait évident…

LES ONG BELGES MOBILISENTAUTOUR DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT

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22-23

Ainsi, le 23 mars, peu avant le lancement officiel du programme de la présidence,le Vlaams Overleg Duurzame Ontwikkeling (VODO), la Plate-forme souveraineté alimentaire (PFSA) et le Boerenbond ont organisé un colloque de grande enverguresur l’avenir de la Politique agricole commune après 2013. Y étaient notamment présents les ministres flamand et wallon de l’Agriculture. L’importance de l’agriculturefamiliale et de la souveraineté alimentaire a fortement été mise en avant.

Le lancement officiel de la campagne a eu lieu le 3 juin. Une septantaine de repré-sentants des organisations membres se sont réunis pour discuter des enjeux de laprésidence belge, des revendications communes et du programme des activités. Des représentants des plates-formes espagnole et hongroise de Concord étaient également présents dans le cadre du « trio » de présidences de l’Union. L’occasion departager leurs expériences et leurs projets.

Plusieurs journées thématiques ont été organisées durant la présidence. Elles ont ren-contré un franc succès auprès des participants et ont bénéficié de la participationd’intervenants de haut niveau et de la présence de responsables politiques pour venirconfronter et enrichir les analyses. Voici la liste de ces événements : séminaires sur leclimat le 15 juin; sur le travail décent et la transparence dans les chaînes de productionle 5 octobre; sur la politique européenne de développement vis-à-vis des pays lesmoins avancés (en collaboration avec la coalition Aidwatch) le 3 novembre; sur le financement du climat et la politique de la Banque mondiale le 17 novembre; et sur lastratégie UE-Afrique le 23 novembre.

Le point d’orgue du programme de la présidence belge a sans aucun doute été laconférence internationale sur les OMD du 14 octobre, en présence de 250 personnesdont des représentants des plates-formes nationales de Concord, des syndicats etdes organisations paysannes du Sud. Elle a permis d’évaluer les résultats du Sommetdes Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire en présence du Commissaire euro-péen Andris Piebalgs et du ministre belge de la Coopération au développement,Charles Michel.

ACTIVITÉS

Autre moment fort de la campagne : le concert « Millénaire » du 6 novembre à Liège.Keziah Jones, chanteur d’origine nigériane, et Arid, groupe belge de rock indépendant,ont en effet rassemblé plus de 1.300 personnes lors de cette soirée musicale et culturelle en faveur de la solidarité internationale. Le concert a permis de sensibiliser lepublic aux enjeux de la lutte contre la pauvreté et aux Objectifs du millénaire. Une bellesoirée qui s’est terminée au rythme des platines d’Albalianza dj. Le CNCD-11.11.11a bénéficié du soutien du Festival de Liège pour cet événement.

FORUM DES PEUPLES D’ASIE ET D’EUROPEParallèlement au huitième sommet Asie-Europe (Asia-Europe Meeting, ASEM), lasociété civile s’est fortement mobilisée pour mettre en évidence la place des peuples au cœur des relations entre les deux régions. 400 représentants des sociétésciviles d’Asie et d’Europe se sont ainsi réunis à Bruxelles début octobre pour mettreleurs dirigeants au défi de poser de nouvelles bases dans les relations entre les deuxrégions. Le CNCD-11.11.11 a coordonné l’organisation de ce forum, qui a permisd’aborder des questions telles que le commerce, la souveraineté alimentaire, le climatou le travail décent. Après un débat avec le Premier ministre belge Yves Leterme, desrencontres ont eu lieu avec la Commission européenne et des membres du Parlementeuropéen. www.aepf.info

WACHTMEE !En Flandres, 11.11.11, la coupole flamande du mouvement Nord-Sud, a menécampagne sur les OMD en collaboration avec la grande coalition d’ONG, « 2015-DeTijd Loopt» (créée en 2000 autour de ces mêmes OMD). Clips vidéos, pétitions surinternet et sur vidéo ont circulé durant l’été dans plusieurs festivals (Fêtes gantoises,Lokerse Feesten...), ainsi que dans les bibliothèques, les écoles ou lors de soiréesd’information, de concerts, etc. Le point d’orgue de la campagne de sensibilisation aété le rassemblement « La Nuit d’attente » (« Wacht Nacht ») sur la place Saint-Pierrede Gand le 11 septembre, qui a réuni 15.000 personnes. En plus des débats,concerts et stands d’infos sur les OMD, les participants ont pris part à l’enregistrementd’un message vidéo adressé aux responsables politiques belges et européens, dontle Premier ministre Yves Leterme, le ministre de la Coopération au développementCharles Michel, le Commissaire européen Andris Piebalgs et le président du Conseileuropéen Herman Van Rompuy.

PLAIDOYER ET DIALOGUE POLITIQUELa campagne de sensibilisation a permis de toucher le grand public, de l’informer et de l’inciter à soutenir nos revendications politiques. Parallèlement, des ateliers et séminaires ont été organisés par les membres de la plate-forme, les partenaires descoalitions belges et européennes avec des responsables politiques pour approfondiret coordonner le travail de plaidoyer.

Les programmes et comptes-rendus des activités mentionnées sont dispo-nibles sur les pages web du CNCD-11.11.11, d’11.11.11 et de Concordconsacrées à la présidence. www.cncd.be/présidenceUE www.11.be/EUvoorzitterschap www.concordeurope.org/presidency

PLUS D’INFOS

Page 13: Présidence belge de l'UE : un bilan Nord Sud

LA PLATE-FORME BELGE DE CONCORDest constituée des coordinations et fédérations suivantes :

CNCD-11.11.11 Quai du commerce, 9 – 1000 Bruxelles www.cncd.be

11.11.11 – Koepel van de Vlaamse Noord-ZuidbewegingVlasfabriekstraat, 11 – 1060 Brussel www.11.be

ACODEV Bld Léopold II, 184 D – 1080 Bruxelles www.acodev.be

COPROGRAM Vlasfabriekstraat, 11 – 1060 Brussel www.coprogram.be

CONCORDSq. Ambiorix, 10 – 1000 Brussels www.concordeurope.org