2° édition 2011
© Antoine Grimaud © Au Zoo de Lausanne ISBN 978-2-9529638-2-4
www.auzoodelausanne.fr
Publié en décembre 1998 (et en 50 exemplaires qui constituent l’édition originale)
ce texte, dans la forme des "Je me souviens" découverts chez Perec,
reprend la question posée par Gil J Wolman et Guy (encore Ernest à l'époque) Debord,
dans le numéro 22 de Potlatch, du 9 septembre 1955.
Pourquoi le Lettrisme ?
Détournement
Antoine Grimaud
2° édition mai 2011
Au Zoo de Lausanne
Pourquoi le Lettrisme ?
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le trois mai exactement, parce que Je me souviens de dix neuf cent soixante sept,
ce soir là, mécanique-ment, j’ai longue-
ment masturbé mes
veines à la lame de rasoir.
Mais ce n’était pas
ma pre-mière
manifes-tation
d’art corpo-rel.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens aujourd’hui que
ce trois mai, était l’anniver-
saire par anticipation du joli mois de mai.
J’avais alors déjà lu quelques numéros de l’Internationale Situationniste que
m’avait passés Schmidt, un copain de
Jo-Marron.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens
avoir adoré les
écrits d’Eric
Satie, immense
musi- cien de
ce siècle.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens d’avoir tou-
jours préféré Tzara,
iconoclaste diony-siaque, au sérieux
et pontifiant Pape Breton.
Comme lui j’aurais aimé me
Trou- ver très sympa-thique
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens d’avoir écrit bien sûr,- que faire d’autres à seize ans ?
mais que je ne gardais rien de tout cela. Comme le vieux Nietzsche dévalant la mon-
tagne avait proclamé la mort de Dieu, Dada avait définiti-
vement enterré l’art. Nous er-rions alors dans un monde vide. Je ne savais pas encore
que quelques uns avaient sérieusement commencé à le remplir, en secouant cette vieille pute de planète.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens que le premier texte
d’Isou que
j’ai lu était contre les
Situationnistes,
et qu’il ne m’a pas convaincu.
Même à l’époque il
écrivait
la plupart du temps comme
un cuistre.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens d’avoir ensuite lu
l’Introduction à une nouvelle poésie, et
que ce livre m’a rendu la vie pos-
sible, et l’écriture. Mes premiers poèmes,
au Ranelagh,
je les ai récités dans le noir complet, et à
genoux,
tellement je tremblais, mais j’avais l’impres-
sion de naître.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens que cela m’amu-
sait, de prendre le
chemin à l’en-
vers : l’IS
d’abord
puis le Lettrisme,
la quête des racines. Il y
eut la Pre-mière Inter-
nationale
Lettriste, la plus impor-
tante de tous les courants
de l’époque bien évi-
demment. Il y eut la Deuxième,
la DIL, “ ce sigle creux qui
défiera toujours les exé-
gètes et qui nous liera à ja-
mais, in-défectible-
ment, François,
Gil, et moi. ”
disait Brau. Il y eut,
éphémère, une Troisième
Internationale Lettriste. François me faisait part
de son désir de fon-der la Quatrième.
Vivement la Quille !
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens d’avoir toujours
été aussi
l’Oulipo ! Mais
Queneau ! Ah ! Isou,
Pérécolâtre que Georgeophile. Lettriste bien sûr, mais
“ quel sacré nom de dieu de bougre de mâtin
de mille foutre couillon tu fais ”, jamais tu n’as rien
compris à la jubilation gratuite.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens
que , pour Harry Mathews, Georges
Perec le fai-sait
penser à un faune, à un ourson, ou
à un loir.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens de ma ren-contre avec François
Letaillieur, ce bon FL que j’ap-
pelais Gustave, et des heures
la recherche de nos sources, la
joyeuse quête de nos grands
Les innom-brables tracts,
manuscrits, livres, photos, qu’il m’a
donné à voir.
anciens.
que nous avons pas- sées dans
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens de cette génération, venue de la Grande Guerre,
qui avait vingt ans quand cela avait du sens d’être antifasciste. Et les meilleurs d’entre eux étaient tout
autant anti-staliniens. Mon père en fut,
et Emmanuel Peillet, le Grand Satrape ou Curateur, ou
dont je
n’aimais pas spécialement
la peinture mais que je retrouvais systémati
quement
et Noël Arnaud, plus jeune à
peine, qui apporte le Surréalisme
Révolutionnaire,
dans tout ce
je-ne-sais-quoi de la Grande Gidouille Pataphysicienne;
et Asger Jorn
tandis que le Pape Breton fait découvrir le Canada à sa bien aimée. Les balles des pelotons d’exécution
faisaient-elles entendre le même délicat vrombissement que les
maringouins ?
que je découvrais et qui me passionnait,
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens d’avoir rencontré Gil J
Wolman, le plus intelligent de tous
sans doute, le plus créatif, et Jean-Louis Brau, et
Jacques Spacagna avec
François
Dufrêne. J’ai
aperçu Debord aussi, qui n’avait
visiblement
rien à me dire
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me sou-viens, dès le début
de mes rela- tions avec lui, de n’avoir pas
compris pourquoi
Isou voulait cacher
tous ces êtres là.
De l’avoir haï pour
plus tard. Lamentable Isi-
lède du Lettrisme, ce
qui
n’était pas bien aimable. C’est
alors je crois que j’ai imaginé
qu’Isou
était un banc sur une route. Il était important de repérer ceux qui, à un moment, s’étaient assis sur
ce banc avant de repartir, pleins de forces,
et de les suivre alors.
dore, qui m’appela alors le Paul Dérou- ça,
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens d’avoir enfin compris, une
nuit, devant les tours de Saint Sulpice,-Où l’autre, Quand il les
rencontre, Pisse,
Contre-, combien le groupe actuel pouvait être falsificateur dans
sa réécriture du passé, et désireux, enfin, d’entrer au chaud dans la cita-delle qu’il prétendait
détruire. Il ne s’agissait plus de
remettre les choses en place mais de se faire une place au centre
des choses.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens d’avoir servi de
chauffeur à Jacques Spacagna, étant le seul alors
à posséder une
voiture. Jean-Louis Brau l’avait sans
doute ba- lancé au
travers de la fenêtre, au cours d’une discussion
théorique animée.
Je crois que Jacques habitait alors au deuxième étage. Il avait du mal à marcher. A part ça, Jean-Louis était un
charmant garçon. Dans la même période j’effectuais de petits travaux pour Maurice Lemaître,
qui me donnait ainsi les moyens de vivre. Une de nos premières
fâcheries vint de
là. Il ne pouvait comprendre que je
fréquente quelqu’un
ennemi mortel
qu’il considérait comme un
pour lui.
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens que Dufrêne,
avec Heidsieck, est le plus grand poète de ce
temps. Quel plaisir
d’entendre
la Cantate des mots camés, ou
Le cœur qui bat, ou Le Tombeau de Pierre Larousse,
provocation à devenir meilleur!
quelle jubilation ! quelle
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens que la
première réunion
du groupe de l’Ours dans
son ensemble
lieu à Vienne et Budapest.
a eu
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens qu’Isou, (dont le sens de
l’humour n’est pas très
connu),
à un
Culture qui lui donnait du “ Maître ”
et du “ Pape du Lettrisme ”,
répondit
“Kilomètre” et “Soupa
pe”.
journaliste de France
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens
chez Marcel
Fleiss de la première
exposition où l’on
pouvait voir
presque tous les
acteurs
de ces cinquante dernières années, sans
invective ni falsification.
Je me souviens que Gabriel Pomerand fut
réintégré dans
suicidé. Debord, depuis
qu’il en fit autant,
C’était joyeux ! le groupe dès qu’il se fut
croule sous les publications, les hommages. Résiste à la tentation du succès,
Isou !
Pourquoi le Lettrisme ?
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Je me souviens
Situationniste
n’a jamais
viré de bord.
est le seul
mouvement qui
que l’Internationale
Achevé d’imprimer pour le compte du Groupe de l’Ours
le 2 décembre 1998.
Juillet - Août - Décembre 1998
© au Zoo de Lausanne
2° édition: mai 2011
Pourquoi le Lettrisme
ISBN : 978-2-9529638-2-4
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Pourquoi le Lettrisme ?
Détournement Antoine Grimaud
On y parle entre autres choses de Gil J Wolman , d'Isidore Isou,
du Lettrisme et de l'Internationale Lettriste, du Situationisme (qui pourtant n'existe pas) et de Debord,
d'Eric Satie, de Tristan Tzara, de Jean-Louis Brau, (le plus appliqué des singes),
de Georges Perec, de l'Oulipo, et de Dada, de la ‘Pataphysique aussi,
de Jacques Spacagna et de François Letaillieur, (et de ses points communs avec Gustave Eiffel),
d'Emmanuel Peillet, d'Asger Jorn, de Noël Arnaud et, de François Dufrêne,
de Bernard Heidsieck, de Queneau, d’ours et de poésie, et de mai 1968 ...
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