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Page 1: Pour une Union Européenne bien gérée et transparente

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L E M E N S U E L D E L A F O N D AT I O N i F R A P

E n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N °   14 6

S O C I É T É C I V I L E

POUR UNE

UNIONEUROPÉENNEBIEN GÉRÉE ETTRANSPARENTE

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SOMMAIRE ❚ N° 146 - Mai 2014

Sommaire

4 ❙ FONCTION PUBLIQUERetour sur les quelques abus de droit de la puissance publique

6 ❙ TRANSPORTSFusion des régions : quel impact pour la SNCF ?

9 ❙ ÉTUDE Pour une Union européenne bien gérée et transparente

❚ L’inflation continue du personnel❚ Les rémunérations des agents de l’UE et des organismes associés❚ Le système des pensions❚ La place des agences dans les institutions européennes❚ L’indemnisation des députés européens❚ Les autres dépenses administratives de l’Union❚ Conclusion

26 ❙ ENTREPRISEAlstom, quel rôle pour l’État ?

28 ❙ RENCONTREEntretien avec Élie Cohen : changer de modèle

31 ❙ L’iFRAP ET LES MÉDIASPassages médias en mai 2014

est une publication de la Fondation iFRAP. Fondation reconnue d'util ité publique. Mensuel. Prix au numéro : 8 €. Abonnement annuel : 65 €. 5 rue Cadet, 75009 Paris. Tél. 01 42 33 29 15. [email protected]. Site Internet : www.ifrap.org

S O C I É T É C I V I L EDirecteur de la publication : Agnès Verdier-Molinié. Directrice de la rédaction : Sandrine Gorreri. Rédactrice en chef : Agnès Verdier-Molinié (institutions, santé, syndicats). Équipe de rédaction : Christian Arnault, Philippe François (retraites, santé), Bertrand Nouel (droit, économie), Samuel Servière (fiscalité), Charlotte Uher (éducation, culture). Responsable du service abonnements : Monique Olivet. Conception éditoriale et graphique, secrétariat de rédaction : (03 87 69 18 01). Mise en page, correction-révision : Pixel Image. Impression : Socosprint Imprimeurs, 36 route d’Archettes, 88000 Épinal. Dépôt légal : juin 2014. ISSN : 1299-6734. CPPAP : 0115 G 82410.

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ÉDITORIAL

Le cas de la chômeuse qui a interpellé le présidentLorsque le chef de l’État est intervenu sur RMC, une chômeuse l’a interpellé, insistant sur sa maigre allocation de solidarité et se plaignant que Pôle emploi ne puisse lui offrir de forma-tion. Il semblerait d’après le communiqué du préfet de Seine-Maritime que la situation de la chômeuse ait été très différente de ce qu’elle a avancé. Quoi qu’il en soit, voici un bon exemple des travers de notre réglementation sociale.

Il s’est en effet avéré que cette dernière :• avait refusé l’offre de formation que la société qui l’avait licenciée pour cause éco-nomique, lui avait faite ;• avait bénéficié de 12  rendez-vous avec Pôle emploi et de 10 offres d’emploi, toutes refusées ; • avait accepté 4  CDD, et était en cours d’emploi jusqu’à fin mai !Si dès le lendemain la jeune femme a modi-fié ses déclarations, la véritable question est de savoir comment une telle situation est possible ?

❚ D’abord, soulignons que celle qui a prétendu ne percevoir que l’ASS (Allocation spécifique de solidarité) de 490 euros, a finalement indiqué qu’elle recevait encore 1 050 euros des Asse-dic. Licenciée en 2011, voici donc 3 ans qu’elle reçoit une indemnité conséquente proche du Smic. Quant à l’ASS, c’est un revenu de rempla-cement versé sous condition de ressources à des personnes privées d’emploi, qui ont déjà épuisé leurs droits à l’assurance chômage. Elle répond donc à un concept de solidarité et non d’assu-rance et est logiquement plus faible.

❚ L’ASS comme le RSA, est cumulable avec un salaire de complément, pour un travail jusqu’à 78 heures par mois et 750 heures sur une période de 12 mois. Une solution avanta-geuse qui ne correspond pas au cas de cette chômeuse, qui a enchaîné 4 CDD.

❚ Comment peut-on refuser 10 offres d’em-ploi et continuer à recevoir l’allocation-chô-mage, puis après son épuisement, l’ASS ?

On touche ici à la réglementation de l’Offre raisonnable d’emploi (ORE)1. Selon la loi, un chômeur peut être radié s’il refuse deux ORE, mais le problème vient de la définition de l’ad-jectif « raisonnable ». Cette définition dépend des désirs exprimés par le chômeur dans le cadre de son plan personnel négocié avec Pôle emploi, et peut être très restrictive (description du secteur, conditions de travail, rémunération). Une offre d’emploi en CDD ne sera donc pas considérée comme « raisonnable » si le chômeur a spécifié postuler pour un CDI  ! Compte tenu du pourcentage d’embauches en CDD (83 % en 2013 dans les entreprises de plus de 10 salariés), on se doute que le chômeur qui cherche à éviter l’application de la réglemen-tation n’aura guère de mal à y parvenir.

En ce qui concerne le cas soulevé ici, on aime-rait en savoir plus : Pôle emploi était-il léga-lement incapable de sanctionner les 10 refus d’offres d’emploi (réglementation non effec-tive en matière d’ASS ou aucune offre « raison-nable »), ou y a-t-il laxisme dans l’application ?

Plus généralement, est-il normal qu’un chômeur puisse bénéficier des prestations publiques au nom d’un droit au travail signi-fiant que la société est dans l’obligation de pourvoir à des emplois correspondant à ses exigences ? Chez nos voisins européens, une telle prétention serait impensable2 et en France, il est temps de dire haut et fort qu’un travail, même insatisfaisant, est mieux, pour l’individu comme pour la société, que pas de travail du tout. Ceci n’empêcherait pas que la société complète les ressources de l’indivi-du au nom du principe de solidarité.

1 Encore qu’il ne soit pas totalement clair, à lire les textes, que cette réglementation s’applique, ou plutôt soit effectivement appliquée à l’ASS de la même façon qu’elle est censée être appliquée à l’assurance chômage. Dans l’hypothèse négative, la chômeuse pourrait, si elle le préférait pour une raison ou une autre, rester une abonnée permanente à l’ASS.

2 Et bien entendu en Allemagne, où l’on applique le principe « fordern und fördern », c’est-à-dire que la société doit suivre et protéger pour autant qu’elle soit en mesure d’exiger un comportement responsable de la part des individus.

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FONCTION PUBLIQUE ❚ Administrations

Retour sur quelques abus de droit de la puissance publique

ISF, Corse et autresDans le domaine du droit, le Conseil constitutionnel se situe au sommet de la hiérarchie des arbitres. Mais cela n’em-pêche pas les pouvoirs publics de cher-cher régulièrement à outrepasser ses juge-ments. Heureusement, son indépendance lui permet de se défendre vigoureusement.Jean-Louis Debré, président du Conseil c o n s t i t u t i o n n e l , a tenu à dire à l’Ély-sée1, qu’il jugeait « pré-occupantes  » les tenta-tives de contournement de ses décisions par le gouvernement et le Parlement. «  À plu-sieurs reprises au cours de ces derniers mois, des dispositions légis-latives ont été adoptées alors qu’elles contrevenaient directement à l’autorité de la chose jugée par le Conseil. » Le Conseil a été amené à «  censurer une deuxième, ou plutôt j’espère, une dernière fois » ces dispositions contestées sur «  les droits de succession en Corse, le plafonne-ment de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou la cotisation foncière sur les béné-fices non commerciaux ».

Électricité, gazL’augmentation rétroactive du prix de l’élec-tricité consommée quatre ans plus tôt consti-tue un cas d’école. En 2010, le Conseil de régulation de l’énergie (CRE) avait fixé à 4 % l’augmentation du prix de l’électricité. Pour mettre un terme à des débats incessants sur la fixation des prix régulés, cet organisme officiel avait été chargé de cette responsa-

bilité, en se basant sur les coûts de production et de distribution four-nis par EDF. Mais pour une raison conjonctu-relle (crise économique, élection, mauvais son-dage, baisse du pou-voir d’achat ou autre ?), le gouvernement avait décidé de refuser cette augmentation. Une déci-

sion prise en toute connaissance de cause, qui ne pouvait qu’être cassée par les tribu-naux. Ce qui vient de se produire quatre ans plus tard, par le Conseil d’État.Le même scénario s’est produit plusieurs fois pour les prix du gaz où une règle de calcul avait pourtant aussi été mise en place. Aux mêmes prétextes, le prix du gaz avait été gelé en 2011 par le gouvernement ; une déci-

Les particuliers et les entreprises sont sévèrement sanctionnés quand ils « abusent du droit ». C’est-à-dire, quand ils mettent en place un montage de mesures dont chacune est légale, mais dont le but principal est d’éluder l’impôt ou de détourner la loi de son objet (principe pourtant classique de la fraude à la loi). Mais pourquoi les responsables politiques de l’État et des collectivités locales restent-ils impunis quand ils violent sciemment l’esprit des lois, et s’en targuent ?

1 À l’occasion des vœux du Conseil consti-tutionnel pré-sentés au Palais de l’Élysée le 6 janvier 2014.

« L’État de droit est fondé sur le respect de la règle de

droit et des décisions de justice. La volonté générale

ne s’exprime que dans le respect de la Constitution. »

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FONCTION PUBLIQUE ❚ Administrations

2 http://www.ifrap.org/Abus-du-droit-de-preemption-urbain-pour-controler-les-prix,12010.html avant les élec-tions de 2014 (la maire n’a pas été réélue).

3 Source : La gazette des communes.

sion annulée par le Conseil d’État en 2012. Et la même année, le nouveau gouvernement n’avait «  accordé  » qu’une augmentation de 2 %, alors que les calculs de la CRE abou-tissaient à 7 %.Les conséquences de ces ukases gouverne-mentaux sont multiples. D’abord, la nécessité pour les fournisseurs de refacturer des années plus tard des sommes minimes à des dizaines de millions de clients représente une charge administrative importante et stérile. D’au-tant plus que nombre de ces destinataires ont déménagé, changé de situation person-nelle, changé de fournisseurs ou sont décédés. Pour les entreprises historiques, ces retards constituent une double pénalité injustifiée ; pour les nouvelles entrantes, une entrave à la concurrence, des prix ayant été main-tenus anormalement bas (dumping forcé) par leurs concurrents.

OGMLes décisions concernant les OGM sont prises à Bruxelles pour tous les pays européens. Et après des années d’études et de contesta-tions, au moins un OGM a été autorisé, le maïs Monsanto 810. À tout moment, les pays ont néanmoins le droit d’interdire sa culture mais « à condition d’apporter des preuves scientifiques sur la présence d’une situation susceptible de pré-senter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé ani-male ou l’environnement ». En 2008 et 2011, le gouvernement avait utilisé cette clause pour interdire la culture de cet OGM, mais la Cour européenne de justice, puis le Conseil d’État avaient estimé que les arguments scien-tifiques avancés par le gouvernement français « n’étaient pas suffisamment étayés ».En 2014, le gouvernement vient d’utiliser à nouveau le même prétexte pour interdire la culture OGM, sachant pertinemment que cet

arrêt sera à nouveau cassé. Avec un cynisme particulier, les ministres de l’Agriculture annoncent même, dès l’annonce de la déci-sion du Conseil d’État, et donc avant toute étude, qu’ils reprendront un décret similaire. Par exemple : « Si la clause française était annu-lée pour des questions procédurales, nous pren-drions une nouvelle clause de sauvegarde selon la procédure jugée adéquate par la Cour de Jus-tice de l’Union européenne, car les questions envi-ronnementales, elles, demeurent sans réponse. »

Permis de construire et préemptionDans le domaine de la préemption des ter-rains ou des immeubles, certains maires se sont fait une spécialité d’abuser de leur droit. Pour être légale, la préemption doit être motivée par un projet précis. Ce n’était pas le cas à Saint-Ouen2, d’après l’avocat Me Jorion. En préemptant fréquemment avec une forte baisse de prix, la maire estimait : « Pour nous, la préemption est avant tout une arme de dis-suasion. » Quitte, concède l’élue, « à tomber dans l’illégalité. C’est aux élus de faire évo-luer le cadre juridique quand c’est l’intérêt du bien commun ».3 La mairie a été condamnée à plusieurs reprises par le tribunal adminis-tratif, mais les victimes de ces préemptions préfèrent souvent s’incliner devant la déci-sion plutôt que de s’engager dans de longues procédures.On constate aussi ce genre de pratique pour les permis de construire, révélé par une forte baisse à la veille des périodes électo-rales. Interrogés sur ce mystère, des maires ont confirmé qu’il est facile de retarder une décision pour obtenir des maîtres d’ouvrage des modifications souhaitées par la mairie : logements sociaux, aménagements urbains ou autres. Il suffit de refuser un permis de construire sous un prétexte valable ou non. Les maîtres d’ouvrage, plutôt que de porter le

« Je n’évoque pas même le fait que, par instruction, le ministre du Budget ait repris une mesure législative censurée par le Conseil. »

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refus devant un tribunal, préfèrent générale-ment se conformer aux souhaits de la mairie plutôt que d’avoir raison quatre ans plus tard.

La fin ne justifie pas les moyens, en démocratieLa question traitée ici est une question de légalité. Il ne s’agit pas de savoir si les OGM sont utiles ou nuisibles, ni si l’ISF est un bon ou un mauvais impôt, ni s’il est habile pour les responsables politiques de retarder la déli-vrance des permis de construire ou les aug-mentations de prix de l’énergie. Les gouver-nants savent que leurs décisions sont illégales et destinées à être cassées, mais ils choisissent de se situer au-dessus des lois, sachant qu’ils ne seront pas sanctionnés. Un très mauvais exemple pour les citoyens, et une source de complexité et de frustration pour les juridic-tions qui doivent, année après année, répé-

ter aux gouvernants qu’on est dans un État de droit. Confrontée au même problème de la répétition des comportements infrac-tionnels, la Commission européenne a salué « l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire. Cette nou-velle approche des sanctions (ndlr financières) incitera les États à régulariser les infractions et permettra de limiter les saisines de la Cour ».Les responsables politiques et les agents publics qui se rendent coupables de tels comportements devraient être sanction-nés4. La Cour de justice de la République (ou les instances disciplinaires adéquates), doit les juger pour ces abus de droit ou fraude à la loi et leur infliger des peines dissuasives.

l Philippe FRANÇOIS et Samuel-Frédéric SERVIÈRE l

4 Lorsque de telles décisions leur sont impu-tables dans le cadre de leurs fonctions. Il s’agit selon les cas d’une faute professionnelle ou d’un détour-nement de pouvoir.

Fusion des régions : quel impact pour la SNCF ?

La séparation en 1997 de l’exploitation et de l’infrastructure en deux établis-sements, SNCF et RFF, en ne laissant

à RFF la possibilité de contracter qu’avec la SNCF pour les travaux sur le réseau, a conduit à une impasse. D’où le projet de loi en prépa-ration pour une application en janvier 2015

avec un « EPIC de tête », probablement nommé SNCF et deux filiales : SNCF réseau (ancien-nement RFF) et SNCF mobilités, qui exploi-tera les trains.La réforme doit permettre de désendetter le système ferroviaire et l’ouverture à la concurrence  ; néanmoins, les objectifs de

L’année 2014 devait se présenter sous les meilleurs auspices pour le chemin de fer : la réforme ferroviaire, qui devrait être présentée au Parlement en juin, devait répondre à l’impasse dans laquelle se trouve l’opérateur historique. Mais l’affaire des 341 Transports express régionaux (TER) non conformes à la largeur des quais, la réforme territoriale ou encore le plan d’économies du gouvernement, tout cela va forcément remettre en question le monopole de l’établissement sur le secteur ferroviaire1. Et alors que les régions d’aujourd’hui ne sont pas satisfaites de la SNCF, les super-régions de demain n’hésiteront pas à réclamer la mise en concurrence.1 Ce mono-

pole ne concerne plus que le trafic intérieur de voyageurs mais c’est encore le seg-ment le plus stratégique pour l’avenir du secteur fer-roviaire.

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TRANSPORT ❚ SNCF

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2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

SNCF 6,87 6,97 7,32 7,95 8,42 8,21 8,32 8,30 8,31 8,45 8,99

RFF 3,17 2,19 3,60 3,73 3,77 3,71 3,49 4,52 4,63 4,00 4,11

TOTAL 10,0 9,2 10,9 11,7 12,2 11,9 11,8 12,8 12,9 12,4 13,1

Source : Union routière de France/octobre 2013 – Faits et chiffres 2013, Statistiques des transports.

Concours publics au secteur ferroviaire

1. Le système ferroviaire dans son ensemble absorbe près de 13 milliards d’euros de contributions publiques annuelles

désendettement sont loin d’être ambitieux et l’ouverture à la concurrence assez peu pré-parée. En effet, le ministre des Transports compte sur des gains de productivité et d’ef-ficacité du nouveau système et sur le renonce-ment de l’État à son dividende, pour amélio-rer la situation financière. Néanmoins, il faudra à ce rythme attendre pas mal d’années pour

faire baisser la dette colossale du système fer-roviaire de plus de 30 milliards d’euros. Quant à la concurrence, l’objectif des responsables politiques était d’obtenir que le 4e paquet fer-roviaire en préparation ne précipite pas cette échéance qui est, pour l’instant, remise à 2019 pour le trafic intérieur, ce qui devrait laisser le temps de voir… Sauf que :

Or, dans le cadre du plan d’économies de 50 milliards d’euros annoncé par le gou-vernement, le système ferroviaire sera affec-té par la baisse des dotations aux collecti-vités territoriales  : les régions dépensent chaque année 25,7  milliards  d’euros, sur lesquels le budget transport est le premier des budgets avec 5,8 milliards, dont 3,7 pour le transport ferroviaire. Comme les régions disposent de faibles marges de manœuvre en matière fiscale et que les dotations

représentent la moitié de leurs recettes, il y a fort à parier qu’elles diminueront l’in-vestissement. L’autre solution serait d’aug-menter la contribution des voyageurs à la couverture des dépenses  : le voyageur ne paie que 20 à  30 % du coût complet de son transport alors que cette contribution se situe entre 40 et 50 % en Allemagne ou au Royaume-uni2. Mais les régions tente-ront-elles ce pari à la veille des élections ? Là aussi, c’est peu probable.

2. La réforme territoriale qui est en préparation risque aussi de bouleverser les choses

Les régions qui avaient l’autorité sur les transports régionaux, essentiellement TER avec pour seule possibilité de ne contrac-ter avec la SNCF, vont récupérer les com-pétences départementales de transport, à savoir les liaisons interurbaines et le trans-port scolaire. Parallèlement, il est prévu un renforcement du pouvoir des régions avec leur réduction de 22 à 14 en métro-

pole, ce qui en fera des « super-régions ». Aujourd’hui, lorsqu’elles sont insatisfaites du service proposé par la SNCF, les régions n’ont qu’une seule possibilité : réclamer des pénalités, c’est notamment le cas lorsque la SNCF décide de fermer des lignes et/ou des services et des gares. C’est aussi le cas lorsque les retards sur les TER sont trop importants. Nul doute que ces nouvelles

2 Selon Jean-Claude Favin-Lévêque, consultant expert du sec-teur ferroviaire cité par Ville Rail & Transport du 28 février 2014.

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TRANSPORT ❚ SNCF

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compétences qui rentrent dans leur giron vont accélérer l’ouverture à la concur-rence. Les régions pourront mettre en pra-tique cette mise en concurrence qu’elles appellent de leurs vœux sur le rail mais qui leur est interdite par la loi.L’« affaire » des TER va, elle aussi, exacerber la volonté des régions d’obtenir d’autres résultats de la SNCF. Que s’est-il passé ? Une commande a été faite par la SNCF de  341  nouveaux trains express régio-naux pour 14 milliards d’euros. Les deux fournisseurs de ces TER ont rempli leurs contrats : les trains Alstom et Bombardier sont conformes à ce qui avait été conve-nu. Si la modification des quais n’a pas été prévue, le problème vient donc de l’ache-teur, la SNCF. La SNCF possède une très longue expérience3 mais il serait intéressant de connaître les précautions qu’elle avait prises avant de pa s s e r commande. A-t-elle posé la question à RFF ou à ses clients, les régions ? Vu la proximi-té actuelle entre la SNCF et RFF, l’affaire ressemble plus à une bavure. Le président de RFF, qui reconnaît que les travaux sur les quais n’avaient pas été anticipés, assure qu’« il n’y aura aucun impact sur le prix du billet ». Une affirmation étrange puisque ce sont les régions qui fixent le prix des bil-lets, et choquante de la part du président de structures, dont la dette augmente de plus d’un milliard d’euros par an.Alain Rousset, président de la Région Aqui-taine, et de l’association des Régions de France, a aussi demandé « Qui va payer ? » et affirmé que «  les collectivités régionales refuseront de verser un seul centime sur cette réparation  ». Une attitude de prin-cipe qui traduit la mauvaise humeur géné-rale des régions vis-à-vis de la SNCF, mais sans conséquence  : les Français vont tous

payer. Le secrétaire d’État aux Transports, Frédéric Cuvillier, a cherché à tirer parti de ce dysfonctionnement, de cette situa-tion « rocambolesque et comiquement drama-tique » pour tenter de justifier le regroupe-ment de RFF et SNCF en un grand groupe public. Mais il est étrange que les respon-sables politiques semblent oublier pour-quoi ils les ont séparés  : réseau laissé en déshérence par cinquante années de ges-tion SNCF, coût d’entretien excessif, néces-sité, en vue de l’ouverture du ferroviaire à la concurrence, d’un service équitable entre la SNCF et les nouveaux entrants.Toutes ces raisons vont conduire à de rapides changements et redistribution des

cartes entre opérateurs et autorités organisa-trices. La SNCF qui avait su préserver son marché intérieur pour se montrer conqué-rante en remportant des marchés en Europe et dans le monde entier a sa carte à jouer mais il faut pour cela qu’elle se réforme profondé-

ment en devenant plus productive : à elle aussi de mettre en œuvre un vrai plan d’économies. Or, on le sait, une grande partie de ces surcoûts provient du statut des cheminots SNCF par rapport aux sala-riés des opérateurs privés, un écart de pro-ductivité estimé à 30 %. Le gouvernement prépare un décret fixant l’organisation et le temps de travail complété par une convention collective qui s’imposera à l’en-semble des salariés du secteur pour 2015. Mais les cheminots SNCF ne veulent pas entendre parler de droits inférieurs à ceux appliqués dans l’actuelle réglementa-tion SNCF. La partie s’annonce donc ten-due et si la SNCF cède à la pression syn-dicale ce seront des concurrents étrangers qui en profiteront.

3 En Île–de-France l’intro-duction des nouveaux trains franci-liens, 50 000 à partir de 2009, avait nécessité l’adaptation des quais de nombreuses gares, en hau-teur et en lar-geur. l Sandrine GORRERI et Philippe FRANÇOIS l

Lorsqu’elles sont insatisfaites du service proposé par la SNCF, les

régions n’ont qu’une seule possibilité : réclamer des

pénalités.

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EUROPE ❚ ÉTUDE

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ÉTUDE RÉALISÉE PAR L'ÉQUIPE DE LA FONDATION IFRAP, AVEC LA COLLABORATION DE STÉPHANIE HARAND ▪ ▪ ▪

L’Union européenne (UE) est au cœur de l’actualité : 500 millions d’Européens ont choisi leurs 751 représentants pour les cinq prochaines années. Fin juin, le Conseil européen nommera le président de la Commission européenne. Ledit président devra ensuite recevoir l’approbation du Parlement européen à la majorité absolue. Il aura notamment pour mission de nommer les 28 commissaires européens et de veiller à l’administration de l’UE. À l’heure où une majeure partie des pays européens s’imposent des mesures de rigueur budgétaire, quel modèle de gestion les institutions européennes renvoient-elles aux États membres ?

À l’issue d’une plongée approfondie dans les documents budgétaires européens, d’un accès difficile, il ressort que sur les 132,8 milliards d’euros de dépenses de l’Union européenne, les dépenses administratives officielles affichées pour 2013 à 8,4 milliards d’euros correspondent à 6 % du budget. Montant déjà élevé puisque, contrairement aux dépenses auxquelles les États membres doivent faire face, l’UE n’a pas d’enseignants, d’administration fiscale, etc.

Selon nos investigations, les dépenses administratives de l’UE seraient plus proches de 9,6 milliards d’euros, les dépenses de fonctionnement des agences étant oubliées. Si, une part de ces dépenses peut s’expliquer par le coût du multilinguisme induit par les vagues successives d’élargissement, cela n'explique pas tout. La fonction publique européenne compte aujourd’hui 55 000 agents, un nombre qui a considérablement augmenté ces dernières années, contribuant ainsi à l'augmentation des frais de rémunérations ou de fonctionnement dans la dépense européenne.

La Fondation iFRAP ne présente pas ici une étude à charge contre l’Europe mais s’inscrit dans la demande d’une Europe plus efficace, plus transparente et qui applique les principes qu’elle entend promouvoir auprès des États membres. Traitement des agents, des commissaires européens, des parlementaires européens, régimes de pensions, modalités de paiement de l’impôt des agents et des parlementaires, place des agences, la Fondation iFRAP soulève les questions que personne n’aborde et formule douze propositions qui seront à débattre et à méditer par le nouveau président de la Commission dans le cadre de cette mandature.

Les propositions clés de la Fondation iFRAP :

❚ faire décroître l'ensemble des agents de 55 000 à 45 000 tous statuts confondus, ❚ changer le mode d'imposition des agents et des eurodéputés pour les rendre imposables dans leur pays d’origine sur l'ensemble de leurs rémunérations, ❚ accroître la transparence des documents budgétaires européens en rendant obligatoire notamment la publication d'un bilan social, ❚ réduire de 28 à 20 le nombre de commissaires.

POUR UNE UNION EUROPÉENNE BIEN GÉRÉE

ET TRANSPARENTE

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ÉTUDE ❚ EUROPE

DES DÉPENSES D’ADMINISTRATION EN CONSTANTE ÉVOLUTION QU’IL FAUT DÉSORMAIS MAÎTRISER

❚ 1 www.toute-leurope.eu/ac-tualite/les-de-penses-de-lue-en-2013.html. ❚ 2 Jaune bud-

gétaire « Rela-tions finan-cières avec l'Union euro-péenne », p.139.

En 2013, sur un total de dépenses de 132,8  milliards  d’euros1, la majorité du budget a été allouée à la politique agricole commune et au développement rural (soit 44  % des dépenses totales), ainsi que vers la cohésion pour la croissance et l’emploi (33  % des dépenses totales). L’ensemble des dépenses de l’Union euro-péenne a continuellement augmenté sur la période 2007-2013 (+20,2 milliards d’eu-ros toutes rubriques confondues). Ceci est notamment dû à son élargissement mais pas seulement, comme on va le voir dans ce dos-sier. Concernant les dépenses d’administra-tion, ces dernières (dénommées titre 5 dans la présentation budgétaire), de 8,4 milliards

d’euros, ont augmenté officiellement de 1,7 milliard d’euros sur la même période. Le cadre financier pluriannuel 2014-2020, prévoit une augmentation de 2,5  mil-liards d’euros des dépenses de fonctionne-ment, soit un total de 69,6 milliards d’euros de dépenses pour les sept années consécu-tives mais oublie les dépenses de person-nel des agences de l’UE. En effet, quand on additionne toutes les dépenses de fonctionnement disséminées dans les agences de l’Union, on obtient non plus 8,4  milliards mais 9,6  milliards d’euros, soit 1,2  milliard de plus qu’affiché dans la rubrique 5 des dépenses d’administration (tableau ci-dessous).

2013

Total rubrique 5 dépenses administratives UE 8 418 Mds€

Dépenses d’appui pour la recherche + 781 Mds€

dont fonctionnaires et agents temporaires + 405 Mds€

dont personnel externe + 90 Mds€

dont agences exécutives (recherche) + 97 Mds€

Autres dépenses d’appui + 430 Mds€

dont agences exécutives (hors recherche) + 71 Mds€

Total hors rubrique 5 + 1 211 Mds€

Total dépenses administratives (exécution) 9 629 Mds€

1. L’INFLATION CONTINUE DU PERSONNELLa question complexe du nombre d’agents

Le chiffre est plus difficile à cerner  qu’il n’y paraît  : si les documents budgétaires indiquent 47 500 effectifs sur emplois per-manents et temporaires, le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, indiquait dans un discours à l’Ena à Strasbourg en 2012, que 56 000 fonctionnaires travail-laient pour l’Union européenne. Comment s’explique une telle différence ? En fait, un grand nombre d’agents contractuels travaillent

pour les instances de l’Union : selon l'annexe au PLF 20142 il faut compter 5 000 contrac-tuels à la Commission. Par ailleurs, il est écrit en note de bas de page dans un rapport d’au-dit de la Cour des comptes européenne sur les agences, que les chiffres des personnels pour 2012 ne comprennent pas 2 500 agents contractuels (voir partie 4). Enfin, on compte aussi près de 2 000 agents à la Banque cen-trale européenne, presque autant à la Banque

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Société Civile n° 146 ❚ Mai 2014

EUROPE ❚ ÉTUDE

❚ 3 C’est éga-lement le chiffre qui est évoqué dans le jaune bud-gétaire annexé au PLF 2014 (page 139)

❚ 4 http://eeas.europa.eu/de-legations/docs/50_years_bro-chure_en.pdf

❚ 5 Voir : Com-munication from the com-mission to the european par-liament and the council, Pro-gramming of human and fi-nancial res-sources for de-centralised agencies 2014-2020 : http://ec.europa.eu/budget/library/biblio/docu-ments/fin_ fwk1420/ COM_2013_ 519_en.pdf.

européenne d’investissement qui ne sont pas repris dans les décomptes officiels… La vérité serait donc plus proche des 60 000 agents3.Le nombre exact de personnel travaillant pour la Commission est lui-même difficile à établir car la Commission européenne sous-traite un certain nombre de tâches4. Un bon exemple est le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), créé à la suite du traité de Lisbonne, qui col-labore avec les services diplomatiques

des États membres dans le but de mener une action extérieure de l’Union plus effi-cace. Il comporte du personnel des services détachés des services diplomatiques natio-naux des États membres ainsi que des fonc-tionnaires des départements du secrétariat général de la Commission et du Conseil de l’Union. C’est au total plus de 5 000 per-sonnes qui travaillent au SEAE de la Com-mission européenne. Le SEAE comporte un réseau de 139 délégations de l’Union.

L’évolution globale des effectifs est-elle liée à l’élargissement ?

Sources : Budgets de l’UE, 2001-2014, Partie I. c. Effectifs, ainsi que Peter Nedergaard, European union administration, legitimacy and efficiency, 2006.

2005 2006 20071995 20081999 20092001 20102002 20112003 20122004 2013 201419901970 1980

La croissance des effectifs de la fonction publique européenne semble suivre une dynamique propre (+25  % depuis 2004), peu sensible aux nouvelles intégrations (qui concerne un accroissement de 20  % de la population de l’Union représentant un accroissement de 5 % de son PIB). Alors que des élargissements importants ont eu lieu en 2004 (avec 11 pays adhérents dont

la Pologne), puis avec l’adhésion de la Bulga-rie et de la Roumanie (2007) et l’entrée de la Croatie (2013), l’évolution des effectifs n’apparaît pas corrélée à ces événements. En réalité, si l’on se concentre sur la période 2004-2013 on voit que ce sont surtout les effectifs des agences qui accélèrent (+169 %, 163 % si on utilise les chiffres communiqués par la Commission5).

Total budgetTotal institutionsTotal emplois permanents dans les institutions

10 000

20 000

30 000

40 000

50 000

29 718

39 17436 37235 293

46 04940 27037 977

46 62540 67338 372

33 29731 604

La croissance continue des effectifs

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Société Civile n° 146 ❚ Mai 2014 Société Civile n° 146 ❚ Mai 2014

ÉTUDE ❚ EUROPE

170

160

150

140

130

120

110

100

901996 1998 2000 2002 2004 2010 20142006 2012 20162008

Évolution comparée des emplois publics France/Europe base 100

Sources : Insee, Budgets européens, DGAFP État de la fonction publique, 2013.

En fait, on voit sur ce graphique qu’un pre-mier décollage a lieu en 2004 suite à la pre-mière vague d’élargissement, mouvement qui perdure jusqu’en 2011. En 2012, malgré l’entrée en vigueur de la réforme Kinnock de maîtrise des dépenses (voir plus loin), les effectifs globaux s’accroissent. Par exemple, alors que la cible de réduction des effectifs concernant les institutions (stricto sensu) aurait dû être de - 413 postes en 2013, la réduction n'a concerné que 309 postes.La problématique de la dynamique des per-sonnels dans la fonction publique européenne et assimilée, s’apparente assez largement à celle que la France connaît ces dernières

années. La mise sous contrainte a obligé la Commission à privilégier des transferts massifs de postes vers les agences  ; agences qui sont maintenant amenées elles aussi à par-ticiper à l’effort. Loin des objectifs affichés de réduction de coût, les effectifs semblent en définitive peu maîtrisés. Dans le tableau ci-dessous, on voit bien que les effectifs totaux des agences ont augmenté, car les agents ins-titutionnels ont été basculés sur les agences pour afficher des réductions dans le cadre de la réforme Kinnock et que leurs effectifs ont continué d’augmenter entre 2013 et 2014, alors que l’Union s'était engagée à les réduire de 500 ETP par an…

Élargissements : Chypre, Estonie, Hongrie,

Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République-tchèque, Slovaquie,

SlovénieÉlargissements :

Bulgarie, Roumanie

Évolution des effectifs dans les opérateurs, la contrainte est très variable

Effectifs permanents Agents contractuels Experts nationaux détachés Total (ETP)

Exécuté 2012 Plafond 2013 Exécuté 2012 Plafond 2013 Exécuté 2012 Plafond 2013 Exécuté 2012 Plafond 2013

4 854 5 115 1 081 1 116 389,5 388,5 6 328,5 6 619,5

Exécuté 2013 Plafond 2014 Exécuté 2013 Plafond 2014 Exécuté 2013 Plafond 2014 Exécuté 2013 Plafond 2014

6 050 5 996 1 110 1 161 395,5 403,5 7 555,5 7 560,5

2012 / 2014+1 232

Sources : Draft General Budget of the European Commission for the financial year 2013 et 2014, Working doc.III.

Note : le tracé en petits pointillés correspond au tendanciel des effectifs si application stricte de la réforme Kinnock.

Élargissements : Croatie

Si réforme appliquée rigoureusement malgré

l’intégration de la Croatie

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EUROPE ❚ ÉTUDE

❚ Les dispositions de la réforme Kinnock :Depuis la réforme Kinnock, du nom du commissaire britannique qui, en 2004, avait décidé d’imposer la culture du management, il avait été évoqué la nécessité d’un « apprentissage des valeurs du privé » aux fonctionnaires européens. Cette réforme s'est traduite par un nouveau règlement financier, la création d’un comité de déontologie de la fonction publique et de codes de conduite, un nouveau statut du personnel, une réforme des rémunérations, un système de planification stratégique et l’instauration de processus de contrôle et d’éva-luation permanent.

❚ La réforme Sefcovic de 2011 :❚  Réduction du personnel des institutions de - 5 % d’ici 2017 par rapport à 2012 : la tota-

lité des départs à la retraite ne sera pas remplacée, ce qui devrait permettre de réduire 500 postes par an soit au total, 2 500 postes.

❚  Modification de la méthode d’ajustement des salaires et des pensions : « en fondant l’adap-tation des salaires et des pensions sur l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires nationaux d’un panel de dix États membres contre huit actuellement. ».

❚  Le taux du prélèvement spécial est fixé à 6 % de janvier 2014 au 31 décembre 2023.❚  La durée de travail hebdomadaire passe de 37,5 heures à 40 heures sans compensation

salariale.❚  Modification de la pension : l'âge normal de départ à la retraite passerait ainsi de 63 à

65 ans ; pour les nouveaux fonctionnaires, il passerait à 66 ans. L'âge de la retraite devrait par ailleurs, être assoupli en permettant de continuer à travailler volontairement jusqu'à 67 ans.

La réforme Kinnock avait permis le gel des dépenses et la baisse des salaires pour les nouveaux fonctionnaires s’étalant de 20 à 30 %6. Ainsi, les nouveaux fonctionnaires recrutés débutent désormais avec un traitement et un grade plus bas qu’auparavant7. La réforme a aussi rendu plus strictes les perspectives de promotion des fonctionnaires.

2. LES RÉMUNÉRATIONS DES AGENTS DE L’UE ET DES ORGANISMES ASSOCIÉS

❚ 6 Fonction-naires euro-péens : le cock-tail de réformes, Fondation iFRAP

❚ 7 Le revenu mensuel moyen d’un agent de l’UE s’élève à 6 500 euros nets tandis que la pension moyenne serait de l’ordre de 6 000 euros par mois, ce ni-veau de rému-nération devant beaucoup à la sur-représenta-tion des cadres A dans la fonction pu-blique commu-nautaire : 26 000 sur 38 500 fonc-tionnaires per-manents. Rap-port Massion : http://www.se-nat.fr/commis-sion/fin/pjlf2014/np/np32/np323.html.

En millions d’euros

Dépenses de personnel des fonctionnaires et agents

titulaires ou non des institutions

Dépenses de personnel des membres des différentes

institutionsDépenses liées Total

2009 3 423,7 63,7 1 024,3 4 511,7

2014 3 788,3 114 584,9 4 487,2

L’évolution des dépenses de rémunération

Évolution des dépenses de rémunération :

❚  les dépenses de personnel des agents titulaires ou contractuels des différentes institutions européennes (hors BCE et institutions financières BEI…) ont crû malgré la mise en place de la réforme Kinnock de près de 11 %,

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ÉTUDE ❚ EUROPE

Ainsi, l’ensemble des dépenses de per-sonnel au sens large parviennent-elles à baisser d’environ 1  % sur la période considérée (-  24,5  millions  d’euros), elles étaient de 4,5 milliards en 2009, elles sont de 4,487 milliards d’euros en 2014. Le pari est donc globalement tenu, bien que des dis-parités importantes soient perceptibles entre crédits de personnel attribués aux différentes

institutions. Il est probable que pour tenir les enveloppes à moyen terme, une nouvelle vague de rationalisation sera nécessaire et devra impacter directement le niveau des rémunérations ou jouer plus massive-ment sur les effectifs. Et ce, d’autant plus que les évolutions des rémunérations directes suivant les institutions présentent des ten-dances divergentes :

■ Service européen pour l'action extérieure + délégations ■ Contrôleur européen de la protection des données■ Médiateur européen ■ Comité des régions ■ Conseil économique et social européen ■ Cour des comptes■ Cour de justice de l'Union européenne ■ Conseil et Conseil européen ■ Parlement européen ■ Commission

Représentation cumulée des dépenses directes de personnel par institution, en milliards d’euros

2009 2010 2011 2012 2013 2014

4,3 �

3,8 ��

3,3 ��

2,8 ��

2,3 �

1,8 �

Le graphique, ci-dessus, permet de bien mettre en évidence les évolutions des différentes institu-tions émargeant au budget de l’UE :

❚  la plus forte rationalisation revient à la Commission européenne et à ses services dont les dépenses directes de personnel baissent de 3,8 % (soit - 81 millions d’euros) ;

❚  les dépenses de rémunération des membres des différentes institutions suite à la montée en puissance du traité de Lisbonne, ont massivement augmenté (hors commission et SEAE) de près de 79 % en valeur entre 2009 et 2014,

❚  on assiste par contre à une maîtrise inédite des crédits accordés aux dépenses liées (pensions, certaines indemnités…) qui baissent de 43 % et servent de gage aux augmentations précé-demment évoquées.

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EUROPE ❚ ÉTUDE

Les différents éléments de rémunération des fonctionnaires européens

Selon l’article 62 du statut des fonction-naires de l’Union européenne, « le fonction-naire à droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination (…) Cette rémunération com-prend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités. »Selon l’article 65 du statut des fonction-naires de l’Union européenne, «  les rému-nérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union européenne sont actua-lisées chaque année, en tenant compte de la politique économique et sociale de l’Union. Sont prises en considération en particulier l’augmentation éventuelle des traitements de la fonction publique des États membres et les nécessités du recrutement. »Les traitements mensuels de base dans les groupes de fonctions «  administra-teurs » AD, et « assistants » AST, se divisent en 16 échelons eux-mêmes divisés en cinq grades (d’ancienneté). L’échelon  1 du grade 1 correspond à un emploi de tech-nicien (2 854 euros/mois, c'est plus haut que celle appliquée en France ou en Bel-gique) et l’échelon 16 du grade 3 corres-pond à l’échelon le plus haut, par exemple un directeur général (18 370 euros/mois).

Malgré la réforme Kinnock et même si certaines primes ont été supprimées ces dernières années (notamment la prime de résidence), il existe toujours plus d’une dizaine d’indemnités et d’allocations en vigueur encore aujourd’hui, (un fonc-tionnaire européen dispose du rembour-sement des frais de déménagement, d’une prime de dépaysement (16 % du salaire puis 4 % après 5 ans sauf pour les Belges), du remboursement des frais de voyages, etc.).De plus, un fonctionnaire européen béné-ficie :❚ de la gratuité de l’école européenne pour les enfants ;❚ d’une allocation familiale de 373 euros par enfant et par mois jusqu’à 26 ans8 ;❚ d’une allocation de naissance de l’ordre de 198 euros à chaque enfant9,❚  d’une allocation foyer de 170  euros par mois majorés de 2 % du traitement de base10,❚  d’une allocation scolaire de 253  euros par enfant et par mois11,❚   d’une al location d’ instal lat ion de 839  euros pour une famille et de 497 euros pour un célibataire12,❚  les congés payés sont compris entre  24 et 30 jours ouvrables.

❚  par ailleurs, trois institutions historiques voient au contraire leurs crédits directs de person-nel augmenter significativement  : le Parlement (+ 19,9 %), la CJUE (+ 17,2 %) et la Cour des comptes (+ 16,3 %) ;

❚  enfin, de discrètes institutions ou de nouvelles sont apparues qui tirent également les dépenses de personnel à la hausse : comité des régions + 20,7 % (mais l’élargissement y joue nécessaire-ment un rôle moteur), médiateur européen (+ 21,5 %), contrôleur européen de la protection des données (+ 75,5 %) et Service européen de l’action extérieure qui représente une création du traité de Lisbonne et qui monte en puissance avec 264,5 millions d’euros, soit près de 7 % des crédits directs de personnel (coûts directs liés au développement de la diplomatie européenne).

Pour finir, s’agissant de la rémunération des membres des différentes institutions de l’UE, les rémunéra-tions liées aux fonctions politiques ou juridiques de premier plan ne sont pas du tout contraintes dans leur évolution globale, après l’année 2010 qui représente la « charnière budgétaire/institutionnelle », liée à la mise en place des attendus du traité de Lisbonne.

❚ 8 Art. 2 an-nexe VII du statut des fonctionnaires.

❚ 9 Art. 74 du statut des fonctionnaires.

❚ 10 Art. 1er annexe VII du statut des fonctionnaires.

❚ 11 Art. 3 an-nexe VII du statut des fonctionnaires.

❚ 12 Art. 94 de l'annexe XIII 1.

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ÉTUDE ❚ EUROPE

Les fonctionnaires européens sont dispen-sés de payer la TVA lors de la première année d’installation.Donc un fonctionnaire marié, deux

enfants, de grade  8 quatrième échelon (7 030 euros par mois), non belge, émar-gera à 9  716  euros bruts tous avantages confondus.

❚ Propositions de la Fondation iFRAP :●  rendre le paiement de la TVA obligatoire lors de la première année d’installation

des fonctionnaires européens ;●  réduire l’âge limite de l’attribution de l’allocation familiale (373 euros) par enfant

et par mois jusqu’à 26 ans à l’âge de 18 ans ;●  modifier le système d’imposition des agents publics de l’Union européenne

en rendant toutes les primes de dépaysement et celles liés à la situation de familles imposables ;

●  rendre obligatoire l’imposition sur le revenu des fonctionnaires européens en prenant pour base le taux d’impôt légal de leur pays d’origine.

Comparaison des rémunérations les plus basses perçues dans les fonctions publiques de la France, la Belgique et de l’Union européenne

En euros France Belgique Union européenne

Rémunération la plus basse 1 653 1 740 2 654

Réforme du statut, des rémunérations, la France n’est pas à l’aiseS’agissant de la réforme de la fonction publique européenne, la France n’est pas à l’aise. On peut la comprendre, puisque la fonction publique européenne est une fonction publique de carrière (et non d’emploi), conçue par des fonctionnaires français. « C’est un calque de ce qui existait en France dans la fonction publique de l’État dans les années 1950-1960  », explicite un site officiel13. Cependant, la France est tiraillée entre volonté affichée de réforme des fonctionnaires européens et attentisme. La France est contributrice nette au budget de l’Union : son solde net est d'ailleurs passé de - 1 milliard d'euros (solde net négatif équivalent à 0,08 % du revenu national brut) en 2000 à - 7 milliards en 2011 (soit 0,36 % du RNB). Des chiffres qui placent la France parmi les trois principaux pays contributeurs nets avec l'Alle-magne et le Royaume-Uni et qui expliquent que la France se soit positionnée pour une révision à la baisse du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Elle a par exemple, fait partie des délégations demandant à la Commission d’expliciter la ventilation des éco-nomies générées par la réduction des effectifs de la fonction publique proposée par la réforme Kinnock, par lettre du 17 septembre 201214. Mais dès qu’il s’agit de ▶

❚ 13 http://in-fos.emploipu-blic.fr/dossiers/changer-de-fonction-pu-blique-la-mobi-lite/fonction-naires-en-eu-rope/le-statut-des-fonction-naires-de-lu-nion-eu-ropeenne/apm-304/

❚ 14 http://www.u4unity.eu/document1/Council_20120917.pdf.

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EUROPE ❚ ÉTUDE

passer aux actes, la France se révèle en définitive beaucoup plus crispée. Ainsi, ne s’est-elle pas associée aux pays soutenant le Conseil contre la Commission au sujet du déclenchement de la clause d’exception de l’article 10 de l’annexe XI du sta-tut, permettant d’ajuster à la baisse la paie des fonctionnaires en cas de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union.15 ». Les fonctionnaires européens n’avaient pas bénéficié de la hausse de leurs salaires en 2011. En effet, c’est au titre d’une « détérioration subite et grave de la situation économique et sociale » que la Cour de Justice européenne, avait décidé d’autori-ser le gel des salaires des fonctionnaires de l’Union européenne. Par conséquent, les États membres pouvaient bloquer la hausse de 1,7 % des salaires et des pensions de leurs fonctionnaires européens. Par ailleurs, l’accord politique qui a permis une révision substantielle du statut de la fonction publique européenne au 1er janvier 2014, n’a pas vu de prise de position explicite de la France. En effet, les arbitrages rendus par le Conseil et le Parlement ne sont pas favorables à sa vision du statut de la fonc-tion publique : augmentation de l’âge de départ à la retraite, adaptation automatique des salaires au contexte macroéconomique, blocage des progressions de carrière, licenciement en cas d’insuffisance avérée, durcissement de la titularisation, mise en congé d’office au voisinage de la retraite dans l’intérêt du service.

Zoom sur les plus hautes rémunérations

60

30

20

10

Président de la Banque d’Angleterre

Présidente du Fonds monétaire international (FMI)

Président de la Banque centrale européenne

Président des Commissions européennes, Cour européenne de justice et Conseil européen

Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

Secrétaire général des Nations unies

Membre de la Cour européenne de justice, commissaire européen

Directeur général de la Commission européenne

Vice-directeur général de la Commission européenne

Président de la République française

Présidente de la FED

Député européen

63 333 €

31 727 €

31 177 €

26 770 €

23 882 €

23 550 €

21 275 €

18 371 €

16 918 €

11 580 €

11 100 €

7 057 €

▶ Soit 760 000 € par an

▶ Soit 380 727 € par an

▶ Soit 374 124 € par an

▶ Soit 321 238 € par an

▶ Soit 286 585 € par an

▶ Soit 283 000 € par an

▶ Soit 255 300 € par an

▶ Soit 220 452 € par an

▶ Soit 203 026 € par an

▶ Soit 138 960 € par an

▶ Soit 133 200 € par an

▶ Soit 95 482 € par an

❚ 15 Arrêt CJUE, 19 no-vembre 2013, C-63/12.

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ÉTUDE ❚ EUROPE

Les frais de mission des membres et personnels des institutions de l’UE

L’article 7 (24) (96) du statut des fonction-naires précise que « le fonctionnaire a droit au remboursement de ses frais de voyage, pour lui-même, son conjoint et les personnes à sa charge qui vivent effectivement sous son toit à l’occasion de l’entrée en fonction, du lieu de recrutement au lieu d’affectation. (…) Les frais de voyage couvrent également le prix de la location éventuel de places, ainsi que celui du transport de bagages et, le cas échéant, les frais d’hôtel nécessairement engagés. » En outre, l’article 11 du statut des fonctionnaires européens précise que « le fonc-tionnaire voyageant nanti d’un ordre de mission a droit au remboursement des frais de transport et aux indemnités journalières ».

Ainsi, la lecture du budget des institutions de l’UE a permis de faire un point sur le montant total de la dépense des frais de mission (déplacements et représentations) des membres et des personnels pour chacune de ces institutions. Notons une forte dépense pour les hauts-commissaires européens  : à titre d’exemple, le président de la Com-mission européenne, J.M Barroso, a effectué 66 déplacements en 2009, soit un coût total s’élevant à 697 000 euros. En comparaison, la commissaire aux Relations exté-rieures, Benita Ferrero Waldner, a dépensé 428  900  euros pour 60  déplacements, dont 21 missions à l’étranger.

Section 1 : Parlement européen

Section 2 : Conseil

Section 3 : Commission européenne

Section 4 : Cour de justice

de l’UE

Section 5 : Cour des

comptes de l’UE

2014M 72 200 000 € 293 000 € 319 000 €

P 800 000 € 3 791 000 € 62 451 546 € 348 000 € 3 700 000 €

Total 73 000 000 € 3 791 000 € 62 451 546 € 641 000 € 4 019 000 €

Section 6 : Comité

économique et social

Section 7 : Comité

des régions

Section 8 : Médiateur européen

Section 9 : Contrôleur

européen de la protection des

données

Section 10 : Service

européen pour l’action

extérieure

2014M 8 313 084 € 45 000 € 59 394 €

P 19 806 076 € 382 500 € 112 686 € 7 723 305 €

Total 19 806 076 € 8 695 584 € 45 000 € 172 080 € 7 723 305 €

M Membres P Personnel

La question du mode d’impositionLes fonctionnaires européens, du fait qu’ils soient considérés comme des fonctionnaires internationaux, ne sont pas soumis à l’im-pôt sur le revenu dans leur état de rési-dence fiscale. Néanmoins, les fonctionnaires européens paient un impôt sur le revenu, contrairement aux fonctionnaires travaillant dans les organisations internationales, telles que l’ONU, l’Unesco, ou encore les agents diplomatiques des pays. Cet impôt commu-nautaire est progressif, il fut instauré par le règlement du 29 février 196816. L’impôt

européen prélevé à la source, de 8 % jusqu’à 45  %, sur 14  tranches. Les revenus supé-rieurs à 83 260 euros17 sont imposés à 45 %.Mais à côté de cette imposition com-munautaire, un nouveau prélèvement a vu le jour en 2004 sous la dénomination de «  prélèvement spécial  ». Ce prélève-ment fut instauré pour une durée limitée, sa période d’existence devait aller du 1er mai 2004 jusqu’au 31 décembre 2012, et son taux était initialement de 2,5 % pour arriver à un taux de 5,5 % en 201218. Mais, comme

❚ 16 Règlement 260/68 du conseil du 29 février 1968.

❚ 17 (6 939.39 X 12 = 83 260).

❚ 18 http://ec.europa.eu/civil_service/docs/toc100_fr.pdf.

Page 19: Pour une Union Européenne bien gérée et transparente

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EUROPE ❚ ÉTUDE

un prélèvement une fois instauré, est rare-ment supprimé, le législateur européen l’a renommé prélèvement de solidarité puis a modulé son taux, passant 5,5  % à 6  % voire à 7 % pour les agents de catégories AD 15 échelon 2 et a repoussé son exis-tence jusqu’en 31 décembre 2023.Cependant, l’assiette imposable exclut les sommes et indemnités, forfaitaires ou non, représentant la compensation de charges supportées en raison des fonctions exercées, mais également les prestations et allocations sociales, regroupant en outre les allocations familiales. L’ensemble des impôts collectés à l’égard des fonction-naires européens représente une recette de 688 millions19 d’euros allouée au budget de l’Union, ce qui représente un montant moyen d’impôt de 12 500 euros20 par agent,

le taux moyen d’imposition des fonction-naires européens est aux alentours de 18 %. Ce taux d’imposition reste significatif, tou-tefois il demeure que l’assiette d’imposition des fonctionnaires et notamment des hauts fonctionnaires est avantageuse car une part significative de leur salaire est versée sous forme d’indemnité (heures supplémentaires, prime d’éloignement de 16 % de leur pays d’origine sauf pour les Belges).Un agent public de la Commission gagnant 4  243,55  euros par mois (ceci correspond à l’échelon 6, qui est le niveau auquel se font le plus d’embauches) sera imposé à hauteur de 6 723 euros, soit 560 euros par mois, alors qu’un fonctionnaire français pour un traitement d’un montant similaire sera imposé à hauteur de 9 600 euros, soit 800 euros par mois, auquel il faut ajouter 4 073 euros de CSG.

3. LE SYSTÈME DES PENSIONSLes États membres de l’Union européenne sont aujourd’hui tous frappés par des dif-ficultés budgétaires et économiques dont l’enjeu des retraites les concerne tous. Les pensions des personnels de l’Union européenne restent à la charge du budget communautaire. Elles sont aujourd’hui éle-

vées et vont tendre à augmenter de manière considérable durant les années à venir. Les fonctionnaires européens sont aussi soumis à des cotisations, qui représentent 11,6 % actuellement et vont passer à 15 %. Les cotisations retraites actuelles des fonc-tionnaires représentent un tiers du coût.

Les hauts fonctionnaires de l’Union européenne (commissaires européens, juges, avocat général de la Cour de Justice) n’acquittent aucune cotisation, contrairement aux fonctionnaires européens ordinaires qui doivent verser 10,90 % de leur traitement de base. Leur régime est donc pris en charge par le budget européen. Par ail-leurs, selon une étude menée par l’association Sauvegarde retraite21, ces retraites sont cumulables avec celles obtenues dans les pays d’origine. En cas de départ avant l’âge, les hauts fonctionnaires de l’Union touchent notamment une indemnité de déménagement et tous les coûts (transports, assurances…) sont pris en charge par l’Union européenne. Ajoutons à cela, une indemnité de transition servie mensuellement pendant 3 ans en proportion du salaire de base et de la durée du mandat effectué (40 % pour moins de 2 ans, jusqu’à 65 % au-delà de 15 ans).

❚ 19 Budget de l’Union euro-péenne, titre 4 recettes prove-nant des per-sonnes liées aux institu-tions.

❚ 20 688 mil-lions/55 000 (nombre de fonctionnaires européens)

❚ 21 http://www.sauve-garde-retraites.org/article-re-traite.php?n=574.

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ÉTUDE ❚ EUROPE

Les dispositions du régime de pension selon l’article 77 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne❚  « Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension

d’ancienneté. Toutefois, il a droit à cette pension sans condition de durée de service s’il a dépassé l’âge de la retraite, s’il n’a pu être réintégré au cours d’une période de dis-ponibilité, ou en cas de retrait d’emploi dans l’intérêt du service. »

❚  « Le montant maximum de la pension d’ancienneté est fixé à 70 % du dernier traite-ment de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins 1 an. 1,80 % de ce dernier traitement de base est acquis au fonctionnaire pour chaque année de service. »

❚  « Le montant de la pension d’ancienneté ne peut être inférieur à 4 % du minimum vital par année de service. »

❚  « Le droit à la pension d’ancienneté est acquis à l’âge de 66 ans. »

État du système de pension des fonctionnaires européens

État du système de pension imposé par la Troïka en Grèce

Avant la réforme Kinnock

Après la réforme Kinnock

Avant réforme de la Troïka

Après réforme de la Troïka

Taux d’accumulation 2 % 1,9 % 2 % - 3 % 0,8 % -1,5 %

Âge de la pension minimum 63 ans 65 ans 60 ans 65 ans

Taux de remplacement 70 % 70 % 70 % 60 %

Âge de départ à la retraite anticipée 55 ans 58 ans 60 ans 60 ans

❚ Propositions de la Fondation iFRAP :● supprimer les indemnités de déménagement et les indemnités de transition ;● diminuer le taux de remplacement à 60 %.

Le système de pension des fonctionnaires européens et les recommandations pour les pensions en Grèce formulées par la Troïka

Une révision du régime des pensions des per-sonnels de l’Union européenne a été deman-dée en 2011 par huit des États membres à la Commission : revoir l’âge de la retraite, le taux d’accumulation annuel, la base de calcul de la pension, etc. Ceci dans le but d’éviter un accroissement trop important de la charge budgétaire des pensions.Dans un rapport de 201022, la Commission

met en exergue l’augmentation du nombre de pensionnés passant de 17  500 en 2010 à 36  500 d’ici  2059. Ceci est notamment dû aux derniers élargissements de l’Union européenne, ainsi qu’à l'allongement de la durée de vie. Le coût annuel des pen-sions est aujourd’hui de 1,4 milliard d’eu-ros et la Commission estime qu'il se situera à 2,4 milliards d’euros par an en 2045.

❚ 22 European Commission, Eurostat study on the long-term budgetary implications of pension costs, 2010.

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4. LA PLACE DES AGENCES DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNESComme l’a souligné le sénateur Marc Massion dans la partie consacrée aux dépenses admi-nistratives du rapport spécial sur la partici-pation de la France au budget de l’Europe23, les dépenses liées aux agences européennes, au nombre de 52, ne sont pas retracées dans les dépenses administratives du budget de l'UE.On peut donc les retracer à partir du docu-ment intitulé « Programmation des ressources humaines et financières destinées aux organismes décentralisés pour 2014-2020 ». Il est indiqué qu’au total, celles-ci percevront sur la période 2014-2020 : 6 492,2 millions d’euros de sub-vention de l’Union européenne, soit 927 mil-lions en moyenne par an. Une hausse de 19 % par rapport à la dernière contribution 2013. Dans un précédent rapport d’information consacré aux agences européennes24, le séna-teur Badré s’était interrogé sur leur fonction-nement et leur multiplication. Même si son rapport date un peu (2009), un certain nombre des remarques qu’il soulevait demeure.Tout d’abord leur multiplication : de 12 dans les années 2000 elles sont maintenant  52 et leur poids combiné dans le budget européen est passé de 95 à 775 millions d’euros.Dans son rapport, le sénateur évoque comme causes de cette inflation l’accroissement pro-gressif des compétences de l’Union euro-péenne mais aussi les élargissements successifs, chaque État membre revendiquant son agence. « On rappellera que la France soutenait même deux villes candidates, Nantes et Marseille, pour recevoir le siège de l’Agence européenne de sécu-rité maritime, finalement dévolu à Lisbonne.  » Un choix contestable car comme l’avaient expliqué des responsables il y a des « difficul-tés pratiques entraînées par la localisation de

ces agences, en particulier l’importance des coûts induits par l’organisation de réunions dans des villes parfois difficilement accessibles en raison de leur mauvaise desserte par les transports depuis les capitales des différents États membres ».Comme le relève également le sénateur Badré, on constate que ce foisonnement conduit parfois à des recoupements de compétences : ainsi, la Fon-dation européenne pour l’amélioration des condi-tions de vie et de travail (Eurofound) et l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), respectivement implantées à Dublin et Bilbao, et aux domaines de compétences très proches. Par ailleurs, un certain nombre de ces agences coexistent avec des agences nationales exerçant sur le même champ de compétences, nécessitant une concertation accrue.Cependant, il faut bien dire que dans les agences qui voient aujourd’hui leurs budgets renfor-cés, ce sont surtout celles qui interviennent sur les questions de sécurité et de citoyenneté (dépense 3 du budget européen) qui sont le mieux dotées : Frontex (agence de coopération pour le contrôle aux frontières de l’Europe) et Europol Office européen de soutien aux demandes d’asile (EASO). Sur ce sujet, on relè-vera la remarque judicieuse de l’eurodéputée allemande Ingeborg Grässle « Vouloir gérer des bateaux militaires et des garde-côtes le long des côtes maltaises depuis Varsovie, c’est tout de même un drôle de choix » à propos du choix d’installer le siège de Frontex dans la capitale polonaise alors que la majorité des clandestins qui par-viennent chaque année à gagner l’Europe tran-sitent par les pays méditerranéens.Il existe par ailleurs des entreprises com-munes, comme ITER, ou l’Agence européenne des piles à combustible et à l’hydrogène.

❚ Il est nécessaire de revoir à la fois le nombre et l’implantation des agences, envisager des regroupements et s’appuyer en tout état de cause avec les agences nationales opérant sur les mêmes domaines d’expertise. Il faut aussi renforcer les procédures d’évaluation dont la Cour des comptes européenne a montré qu’elles n’étaient pas suffisamment poussées.

❚ 23 Rapport du Sénat, 2013.

❚ 24 Rapport d'information « Où vont les agences euro-péennes ? » au nom de la Commission des affaires européennes et de la Com-mission des finances, octobre 2009.

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ÉTUDE ❚ EUROPE

5. L’INDEMNISATION DES DÉPUTÉS EUROPÉENSPour les eurodéputés, le traitement est éga-lement très attractif. En effet, avant 2009, les eurodéputés étaient payés par leur Par-lement national. Les rémunérations pou-vaient donc être très disparates d’un pays européen à un autre (par exemple, un Ita-lien pouvait gagner environ 11 000 euros alors que son voisin Bulgare recevait envi-ron 1 000 euros…). Cependant, un euro-député reçoit désormais une rémunération mensuelle de 8  020  euros avant imposi-tion. Cette somme est payée par le bud-get du Parlement européen, quelle que soit la nationalité du député européen. Même si les eurodéputés paient aussi l’impôt européen ainsi que des cotisations avec un prélèvement à la source (en réalité quasi indolore), ces derniers sont très avantagés et reçoivent nombre d’indemnités :❚ une indemnité de frais généraux s’élevant à 4 299 euros par mois, permettant de fi nan-cer les outils administratifs ;❚ une somme d’environ 304 euros pour leur présence aux réunions des organes dont le parlementaire est membre ;❚ ajoutons à cela les remboursements de frais de voyage plafonnés à 4 243 euros ;❚ enfi n, une enveloppe leur est aussi attribuée chaque mois couvrant la rémunération des assistants parlementaires européens. Cette enve-loppe s’élevant à 21 209 euros par eurodéputé.Les eurodéputés sont imposés comme l’ensemble des contribuables de l’Union européenne, cependant cette imposition se révèle un peu particulière.

- Ils subissent une imposition de leur indemnité de parlementaire à l’impôt européen.- Ensuite, suivant les dispositions du règlement intérieur du Parlement européen entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2010, l’article 12 de la déci-sion n° 2005/685/CE-Euratom offre une alternative, autorisant les États membres qui le souhaitent à imposer les parle-mentaires européens qui en relèvent à concurrence de la rémunération restante. La France comme beaucoup d’autres, impose à l’IR la rémunération complémentaire et assujettie par ailleurs la totalité des rému-nérations perçues, y compris les indemni-tés complémentaires (dont l’indemnité de présentéisme) hors frais d’élus à la CSG et à la CRDS. Les indemnités de frais géné-raux de 4 299 euros par mois et les rem-boursements de frais de voyage pour maxi-mum 4 243 euros ne sont donc ni assujettis à l'IR ni à la CSG/CRDS. L’imposition est effectuée déduction faite de l’imposi-tion européenne, afin de neutraliser toute double imposition. Cependant, l’article 12 du règlement intérieur dispose que la fis-calité nationale s’applique sur le quantum restant à titre optionnel. Des pays comme l’Espagne par exemple, n’ont pas prévu un tel dispositif. Ces députés européens ne sont donc juridiquement assujet-tis qu’à l’imposition européenne. Enfin, pour les députés siégeant avant l’entrée en vigueur de la réforme des rémunérations

❚ Propositions de la Fondation iFRAP :● instaurer en parallèle de l’indemnité de présence un malus de présence du même montant pour chaque réunion non assistée ;● accroître la transparence en publiant le détail de l’enveloppe reçue par les euro-députés avec le montant alloué pour chaque bénéficiaire ;● rendre obligatoire l’imposition sur le revenu des eurodéputés en prenant pour base le taux d’impôt légal intégralement dans leur pays d’origine, y compris leurs frais de mandat et leurs frais de déplacement.

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EUROPE ❚ ÉTUDE

de 2009 (qui a opté pour la mise en place d’une indemnité européenne homogène), il existe un droit d’option entre le dispositif prévalant auparavant et le dispositif actuel.

Le cas des commissaires européensDepuis le 1er  juillet  2013, la Commission compte 28 commissaires (soit un pour cha-cun des pays de l’UE), dont le président et les vice-présidents. Chaque commissaire est proposé en fonction des recommandations de son État membre d'origine. Un commissaire gagne environ 20 000 euros par mois et que le salaire d’un porte-parole peut aller jusqu’à 8 000 euros. Le président de la Commission, M.  José Manuel Barroso, touche un salaire annuel pouvant aller jusqu’à 300 000 euros (soit 25 000  euros mensuels en moyenne). Au salaire du président de la Commis-sion, il faut ajouter une indemnité annuelle de 90 000 euros, qu’il touche pendant trois ans après la fi n de son mandat. L’ensemble des commissaires reçoivent également une telle indemnité à la fi n de leur mandat, certains postes dans le privé leur étant interdits

à la suite de leur mission à la Commission, même si cette interdiction est en réalité assez élastique.Plusieurs modifi cations des traités ont été faites au sujet du nombre de commissaire. Finalement, l’article  244 du TFUE prévoit que «  les membres de la Commission sont choisis sur la base d’une rotation égalitaire dont les modalités sont arrêtées par le Conseil statuant à l’unanimité  ». Ainsi, le traité de Nice a entériné cette idée et a ajouté le plafonnement du nombre de commis-saires à  26 lorsque l’Union aurait atteint 27 États membres. Par ailleurs, suite au traité de Lisbonne, l’article  17 du TUE, souligne qu’« À partir du 1er novembre 2014, la Commis-sion est composée d’un nombre de membres… correspondant aux deux tiers du nombre d’États membres, à moins que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, ne décide de modifi er ce nombre ». Ainsi, sur un sujet qui va multi-plier les mécontents, cette décision à l’una-nimité peut paraître illusoire. Il serait donc judicieux de revoir le nombre de commis-saires européens pour faire des économies.

❚ Propositions de la Fondation iFRAP :●  réduire le nombre de commissaires européens à 20, tel que mentionné

dans le traité d’Amsterdam ;●  supprimer l’indemnité annuelle de fi n de mandat (90 000 euros).

6. LES AUTRES DÉPENSES ADMINISTRATIVES DE L’UNIONUne Cour des comptes européenne marginaleLa Cour des comptes européenne siège à Luxembourg. Son rôle est de contrôler la gestion fi nancière de l’UE et de ses institutions. Aujourd’hui, la Cour des comptes européenne souffre d’un vide juridique qui ne lui permet pas d’exercer pleinement les missions qui lui sont octroyées. Elle est chargée de contrôler les recettes et les dépenses du budget européen. Cependant, aucun pouvoir juridictionnel autonome se matérialisant par la capacité de mener des poursuites ou des sanctions ne lui revient. Elle peut seulement émettre des avis ou voir ses rapports publiés au Journal offi ciel

de l’Union et alerter le Parlement européen ou les administrations concernées par les dérives constatées. Par ailleurs, la Cour des comptes européenne remplit une fonction de conseil en prononçant des avis à la demande des institutions concernées (ou d’offi ce en matière de textes fi nanciers et budgétaires), avis qui ne sont pas contraignants. Cette absence de pouvoir se manifeste par exemple en dépense, puisque 80  % des dépenses du budget de l’Union sont en réalité gérées et dépensées par les États membres eux-mêmes. Ainsi, la Cour des comptes européenne devrait

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ÉTUDE ❚ EUROPE

❚ Propositions de la Fondation iFRAP :●  redonner du pouvoir aux Cours des comptes des États membres (ou équivalent)

en obligeant celles des pays les plus importants de l’UE (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) à prendre position à tour de rôle, tout en développant de façon progressive un principe de subsidiarité dans le contrôle des comptes eux-mêmes ;

●  définir des méthodes d’audit communes liées à des standards de qualité communs, qui pourraient être développés selon le système de la Peer Review (contrôle des pairs) ;

●  rendre les avis de la Cour des comptes européenne plus rapidement et qu’ils soient contraignants pour les institutions communautaires ou nationales et susceptibles de recours devant la CJUE.

jouer un rôle plus important et contraignant qu’il ne l’est aujourd’hui :-  l’institution devrait être  plus transparente dans la publication et le nombre de ses rapports ;-  lancer des rapports d’audits joints avec les institutions supérieures de contrôle de l’ensemble des États membres (Cour des comptes française, NAO anglais…) ;-  se positionner sur l’évaluation impartiale de l’impact macro et microéconomique

des politiques publiques européennes, et sur la qualité de l’emploi des fonds.Le fonctionnement de cette Cour des comptes démontre la stratégie générale de l’Union  : les Cours des comptes nationales sont dépossédées de tout pouvoir de contrôle direct sous le prétexte de la création d’une Cour européenne. En défi nitive, le contrôle des États sur les dépenses de l’UE est aujourd’hui trop faible.

Les deux Parlements : Strasbourg et Bruxelles, deux sièges parlementaires…L’autre source d’économies, c’est la coexistence de deux Parlements européens. On avait à l’origine un seul Parlement européen se situant à Strasbourg, symbolisant la réconcilia-tion des nations. Dans un second temps, apparaît la création d’un deuxième Parlement à Bruxelles. Le coût annuel des infrastructures du Parlement de Strasbourg est de 33,5 mil-lions d’euros25 auquel s’ajoute l’organisation des 12 sessions à Strasbourg pour un coût opérationnel de 89,3 millions d’euros, soit au total 122,8 millions d’euros par an pour le coût du siège à Strasbourg. Le reste du temps, les eurodéputés se réunissent à l’Espace Léopold à Bruxelles, au sein des 20 Commissions parlementaires ou à l’occasion de mini-sessions. Ce sont donc des milliers de personnes qui déménagent pour quatre jours par mois, quasi-ment tous les mois de l’année. À l’heure où tous les pays cherchent à rationaliser leur organi-sation administrative, un éclatement du Parlement européen semble irrationnel. L’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit a proposé de transformer le Parlement en une Université européenne de troisième cycle. Ce serait donc des milliers d’étudiants européens qui auraient l’opportunité de venir étudier à Strasbourg, avec une rotation d’enseignants venants de toute l’Europe. Néanmoins, ces objectifs semblent être difficiles à réaliser dans la mesure où la vocation de Strasbourg en tant que siège du Parlement européen est dûment mentionnée dans les traités constitutifs.

❚ 25 http://www.europarl.europa.eu/document/ac-tivities/cont/201201/20120123ATT35922/20120123AT-T35922EN.pdf.

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EUROPE ❚ ÉTUDE

CONCLUSIONIl est aujourd’hui nécessaire de réformer l’Ad-ministration européenne, qui se doit d’être un exemple de bonne gestion vis-à-vis de ses États membres et de leurs citoyens. Les raisons de son coût peuvent certes s’expliquer en par-tie par le multilinguisme, le travail croisé entre des membres divers, la présence de nombreux fonctionnaires de catégorie  A, etc. Toutefois, les coûts réels sont bien plus élevés du fait du coût de personnels dans des contrats de sous-traitance établi par la Commission. Au total, les surcoûts de la fonction publique européenne

sont révélateurs de la faiblesse du contrôle des États, et de la puissance d’une Administra-tion centrale investie d’une mission supérieure, avec des privilèges en proportion. Une meilleure transparence et une meilleure lisibilité afin d’améliorer la légitimité de l’Union et aussi de limiter l’euroscepticisme, qui plus est dans une situation de crise économique, semblent plus que jamais nécessaires. Au moment où l’on parle d’ouvertures des données publiques, est-il cohérent qu’aucun bilan social ne soit disponible au sujet des agents européens ?

La Fondation iFRAP propose 12 mesures :

❚ redonner plus de pouvoir aux différentes Cours des comptes des pays les plus importants de l’UE (France, Italie, Grande-Bretagne, Alle-magne, Espagne, etc.), afin de vraiment auditer les comptes de l’UE,

❚ supprimer la migration mensuelle entre le Parlement de Strasbourg et le Parlement de Bruxelles. Économie : 18 millions d’euros,

❚ modifier le système d’imposition des agents publics de l’Union européenne en rendant toutes les primes de dépaysement et celles liées à la situation de famille imposables,

❚ rendre les agents de l’UE imposables dans leur pays d’origine y compris les frais de mandats et les frais de transports pour les députés euro-péens et les eurodéputés,

❚ faire cotiser pour leur retraite les hauts postes des institutions européennes (commissaires, juges, avocats généraux et greffiers),

❚ accroître la transparence en publiant le détail de l’enveloppe (frais d’assistance parlemen-taire) et l’indemnité de frais généraux (équiva-lent de l’IRFM) reçue par les eurodéputés avec le montant alloué pour chaque bénéficiaire ou chaque poste de dépense (sur le modèle britannique),

❚ accroître la transparence des documents budgétaires européens, publier tous les ans un rapport spécial sur les dépenses de fonction-nement, la masse salariale, le nombre d’agent total (y compris contractuels des agences de l’UE) et un bilan social,

❚ réduire l’âge limite de l’attribution de l’allo-cation familiale  (373  euros) par enfant et par mois jusqu’à 26 ans à l’âge de 18 ans,

❚ imposer un plafond limitatif des effectifs travail-lant dans les institutions européennes, y com-pris contractuels, et s'engager à faire décroître l'ensemble (55 000) à 45 000 agents tous statuts confondus. Soit un prolongement de la réforme Kinnock pendant cinq années supplémentaires,

❚ réduire le nombre de commissaires en passant de 28 à 20,

❚ le montant des pensions doit suivre l’évolution de la rémunération des fonctionnaires du pays de résidence, et non plus la clé d’indexation liée à la rémunération d’activité,

❚ simplifier l’évolution de la rémunération des fonctionnaires européens en lui faisant suivre la plus faible des deux valeurs suivantes  : la croissance de la zone euro ou l’inflation de cette même zone.

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ENTREPRISE ❚ Politique industrielle

Alstom, quel rôle pour l’État ?

Non au patriotisme cocardier !On a vu un ministre affirmer sa préférence pour Siemens, le chef de l’État recevoir toutes affaires cessantes les protagonistes, puis sai-sir l’AMF et gagner du temps, le dirigeant de General Electric prendre de très impor-tants engagements écrits, Siemens déclarer de son côté refaire une offre, enfin, le conseil d’administration d’Alstom décider à l’una-nimité d’accepter l’offre de General Electric (GE) sous la réserve toutefois, d’une période de négociation ouverte à toutes les parties. C’est dans un amalgame brouillon d’arguments où se mêlaient le patrio-tisme, un certain anti-américanisme, un appel à l’Europe de l’« Airbus de l’énergie », des préoccupa-tions de nature stratégique et pour finir la volon-té de préserver l’emploi, que s’est noué le débat.Alstom est une société mondiale depuis toujours, et aussi depuis plus de cent ans alliée avec GE (voir encadré).Personne ne conteste que la restructuration du groupe s’impose. Pesant un quart de Siemens et un cinquième de GE, Alstom, qui a frôlé la faillite en 2004, n’a pas le niveau suffisant pour jouer dans la cour des très grands, alors que de nouvelles consolidations mondiales sont iné-vitables. On voit resurgir l’idée d’une natio-nalisation partielle et temporaire : mais pour quoi faire sinon pour en terminer au même endroit ? Une solution purement française ? Mais elle a évidemment déjà été explorée, et personne n’est semble-t-il candidat  ; quant à Bouygues, l’actionnaire de référence depuis

2006 et après l’échec de sa tentative de mettre la main sur Areva, veut céder sa participation.Alstom n’est pas d’importance « stratégique » à proprement parler !Alstom est-elle d’importance stratégique, comme on a commencé à nous le faire entendre, assez curieusement de tous côtés ? Confusion à ne pas commettre, Alstom est un fleuron technique, mais pas une entre-prise stratégique. Car l’indépendance éner-gétique de la France – si c’est la significa-tion qu’on veut donner au terme - n’est pas en jeu, pas même dans le domaine nucléaire,

où cette indépendance est entre les mains de pro-ducteurs comme Areva et EDF, voire Total pour le pétrole, mais pas de fournisseurs de turbines qui sont sur le marché mondial comme tout autre équipement. Il y a

à ce propos, un discours pour le moins ambigu de la part du gouvernement, dont le Premier ministre évoque l’indépendance énergétique de la France, cependant que le chef de l’État a pris soin de proclamer qu’il ne se prononce-rait que sur le critère de l’emploi et du main-tien des capacités techniques, recentrant ainsi le débat en ce qui le concerne.L’État n’est pas illégitime à donner son avis sur la base des objectifs sociaux d’intérêt géné-ral qu’il a pour mission de poursuivre, voire d’utiliser les moyens de pression dont il dis-pose pour obtenir les meilleures conditions de ce point de vue, et éventuellement faire pencher la balance, mais il ne dispose pas de pouvoirs coercitifs et n’a pas à se substituer

Mais qu’est-ce que ce tintamarre ? Au-delà d’une communication désastreuse de la part du gouvernement, de mots inadmissibles prononcés, et une fois l’écume de la tempête retombée, y a-t-il place pour une intervention justifiée de l’État et à quel titre ?

On sait déjà que les capitaux étrangers détiennent la moitié

environ des entreprises cotées et nettement plus

des entreprises du CAC 40.

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ENTREPRISE ❚ Politique industrielle

aux entreprises privées dans la décision finale. C’est toute la différence, et c’est le sens de la décision que vient de prendre le conseil d’admi-nistration d’Alstom en acceptant l’offre de GE et en recadrant ainsi implicitement l’interven-tion de l’État après les déclarations tonitruantes du ministre de l’Économie. Même si cet accord a été accompagné de l’ouverture d’une période de réflexion en cas « d’offres non sollicitées » (la précision est d’importance). C’est d’ailleurs l’intérêt d’Alstom de faire monter les enchères, tout en ménageant une porte de sortie hono-rable à l’État.

Une cocarde européenne ?Il y a quelque temps, le chef de l’État évo-quait son souhait d’un « Airbus de l’énergie », afin de favoriser les solutions européennes. Airbus est à vrai dire le seul succès de l’Europe dans cette direction, et les rapports de Siemens et d’Alstom, au-delà du fait qu’ils sont assez exécrables au niveau des dirigeants, sont ceux de concurrents. Siemens est quatre fois plus importante qu’Alstom, les deux entreprises sont fréquemment en litige, et tout rapproche-ment se traduirait selon toute vraisemblance par la disparition de la seconde. Au demeu-rant, Siemens n’a pas les yeux de Chimène pour Alstom, et son intérêt pour cette dernière paraît bien découler d’une démarche pure-ment défensive, Alstom n’étant que l’instru-ment de la dispute entre l’allemande et GE et l’objectif étant de neutraliser la française, pour empêcher l’américaine de dominer le secteur de l’industrie. Pas très encourageant pour Alstom… En tout cas, on est loin des préoccupations européennes et parler d’Air-bus de l’énergie pour évoquer le rapproche-ment entre deux très anciens concurrents et ennemis (ce qui n’était pas le cas d’Airbus), relève de la naïveté.Mais là encore, ce n’est pas à l’État de dic-ter sa solution, et l’État allemand, quant à lui, a rappelé qu’il n’avait pas pour politique d’intervenir à la place de ses industriels. Dans de telles conditions, pourquoi Alstom devrait-elle préférer des capitaux allemands à

des capitaux américains ?

Les capitaux étrangers font la richesse de la France !

La France manque de capitaux pour soutenir ses champions. À qui la faute, si faute il y a ?La France possède un nombre record de cham-pions mondiaux. Mais ceux-ci ne peuvent tenir leur rang que grâce à des capitaux très importants, qui leur font défaut. On sait déjà que les capitaux étrangers détiennent la moi-tié environ des entreprises cotées et nette-ment plus des entreprises du CAC 40. Et bien entendu, ce sont aussi les capitaux étrangers qui détiennent en grande partie la dette sou-veraine française. Aurait-on déjà oublié l’appel des filiales des grands groupes américains, ainsi que le discours de François Hollande au début de l’année, découvrant la chute des investisse-ments étrangers en France et payant de sa per-sonne au cours de son voyage aux États-Unis pour persuader que « la France n’a pas peur des capitaux étrangers » ?Il est certainement impossible pour une nation dont le PIB est inférieur à 3 % du PIB mon-dial, de penser que ses si nombreux cham-pions mondiaux peuvent se maintenir à leur rang en disposant seulement des capi-taux nationaux. Mais il est paradoxal qu’avec de tels champions une bonne partie de la France se dresse contre le capitalisme, que son chef déclare normal que les capitaux doivent être taxés comme le travail et les pénalise comme aucun autre pays ne le fait. Faut-il vraiment au surplus agiter la cocarde au risque de faire fuir un investisseur étranger disposé à payer 10  milliards  d’euros pour développer une activité qui précisément manque de capitaux et de taille mondiale ?L’expérience a-t-elle montré qu’il fallait se méfier des capitaux étrangers et des entreprises contrôlées par des actionnaires étrangers ?À commencer par General Electric elle-même, n’avons-nous pas l’exemple d’un partenaire très ancien et fiable ? Ce groupe, c’est notam-ment 11 000 salariés en France et 4,5 milliards

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ENTREPRISE ❚ Politique industrielle

d’exportations. Le principal succès de Safran, leader mondial français en matière de pro-pulsion aéronautique, est le moteur CFM56 fabriqué et commercialisé par la société CFM International, une coentreprise à parité entre Safran et General Electric. Dans leur lettre ouverte de décembre 2012, les responsables français des entreprises étrangères implantées en France ont exprimé à la fois leur impor-tance et l’inquiétude que leur inspirait la poli-tique suivie par la France1.Il ne faut pas confondre nationalité des action-naires de contrôle et présence territoriale des investissements : alors que l’industrie auto-mobile française, propriétaire de ses marques prestigieuses, peine à maintenir son activité en France, le Royaume-Uni s’apprête à deve-nir, devant la France et derrière l’Allemagne, le deuxième producteur automobile euro-

péen. Et pourtant, pas une des marques qui y sont exploitées n’appartient à une entreprise britannique ! Nissan a beau être une filiale du français Renault, sa production est plus éle-vée au Royaume-Uni qu’en France2 ! C’est cela la compétitivité et la richesse d’un pays : pouvoir attirer les capitaux de partout. Et non pas l’esprit de cocarde…Que d’errements et de prises de position contradictoires dans cette affaire  ! Deman-dons à l’État d’accueillir à bras ouverts les capi-taux étrangers dont nous avons cruellement besoin, de retenir les capitaux français en France (par une fiscalité qui ne soit pas aberrante), et de les développer (notamment par la création de fonds de pension), et enfin de ne pas vouloir se substituer aux entreprises françaises dans les décisions qu’elles ont à prendre dans le cadre de la recherche de partenaires.

1 « Depuis quelques années, nous avons de plus en plus de mal à les [les mai-sons mères] en convaincre, et nombre d’entre elles se sont ins-tallées dans une attitude pru-dente et atten-tiste vis-à-vis de notre pays, qu’elles ont mis « sous observa-tion ». L’affaire n’est pas indiffé-rente : les 20 000 entreprises qui partagent notre identité emploient 2 mil-lions de per-sonnes, soit 13 % de la population sala-riée, un quart dans le seul sec-teur industriel, contribuent à hauteur de 29 % au chiffre d’af-faires de l’indus-trie française, assurent le tiers des exportations françaises, réa-lisent 29 % de l’investissement corporel de l’in-dustrie française et assurent 29 % de la R&D des entreprises œuvrant en France. ».

2 Grâce en par-ticulier à l’usine de Sunderland, 7 000 employés, qui produit à elle seule 500 000 voi-tures par an, dont la nouvelle version du célèbre modèle Qashqai.

▶ Fondation iFRAP : Dans votre récent ouvrage « Changer de modèle », vous évoquez le « keynésianisme primitif », comment décririez-vous ce keynésianisme et ses idées fausses ?Élie Cohen : Depuis 40 ans l’État, sous toutes ses formes, dépense plus qu’il ne prélève ce qui signifi e qu’il ne sait pas gérer le cycle d’activités en accumulant des ressources en phase haute du cycle et en pratiquant, quand c’est nécessaire, des politiques contra-

cycliques. Depuis 40 ans, chaque fois que l’on assiste à un retournement conjoncturel récessif le diagnostic est le même : on incri-mine un ralentissement de la demande inté-rieure et la solution est la même, on accroît la dépense publique en creusant le défi cit et on assiste, impuissant, au creusement du défi cit extérieur. Facteur aggravant, comme il faut parfois combler les défi cits, on aug-mente les impôts et les charges payées par les

Élie Cohen, directeur de recherche au CNRS et professeur à Sciences Po, répond aux questions de la Fondation iFRAP sur son dernier ouvrage, coécrit avec Philippe Aghion et Gilbert Gette (Odile Jacob, avril 2014).

Entretien avec Élie Cohen : changer de modèle

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RENCONTRE ❚ Changer de modèle

entreprises, pour préserver la consommation et on aggrave la crise d’offre qui était à la base du retournement conjoncturel. Le keynésia-nisme primitif consiste en une lecture pauvre de la théorie keynésienne puisqu’elle généra-lise des prescriptions qui devraient être réser-vées aux équilibres de sous-emploi. Depuis 15 ans, l’appartenance de la France à la zone Euro nous a privés de l’arme de la poli-tique de change et nous contraint à respec-ter des règles strictes de gestion des finances publiques  : un déséquilibre durable passe nécessairement par la dévaluation fiscale, elle peut prendre la forme d’une baisse de coût du travail par transfert d’assiette fiscale vers le consommateur or, nos keynésiens primaires s’y refusent alors même que Keynes dans Les Conséquences économiques de Mr Chur-chill (1925), avait explicitement prévu le cas où une politique fiscale pouvait répliquer les effets d’une dévaluation monétaire. La question devient alors pourquoi ce keyné-sianisme primitif a-t-il triomphé en France ? L’explication en est simple : la croissance conti-nue de la dépense publique est légitimée par la théorie, elle sert donc les élites politiques, syndicales et administratives.

▶ Vous mettez aussi en exergue la réussite des ajustements budgétaires pratiqués par l’Australie, le Canada et la Suède. Quelles stratégies convergentes ou divergentes ces trois pays ont-ils adoptées pour rétablir leurs comptes publics ?Il est frappant de constater que la thématique de la réforme de l’État est ancienne en France, il y eut même des Premiers ministres pour la mettre en exergue. Il est également notable que toutes les techniques du new public mana-gement, de la constitution d’agences, de l’indi-vidualisation des rémunérations, de la gestion prévisionnelle des compétences, de la priva-tisation d’entreprises publiques à vocation commerciale, ont été pratiquées en France. Enfin, les réformes de la protection sociale et la rationalisation du millefeuille territo-rial sont des thèmes récurrents de la politique

française qui débouchent périodiquement sur des demi-réformes. À l’arrivée, tout finit par de l’échenillage de dépenses ou des coups de rabot et la réforme est renvoyée à plus tard ou émasculée. Peut-on pour autant transposer les règles qui ailleurs, ont permis de réussir ? La France s’est jusqu’ici refusée à un débat national sur le périmètre de l’État et de l’ac-tion publique, elle n’a pas mené de manière rigoureuse et contradictoire de «  spending review », elle n’a pas réussi à faire partager un diagnostic par les forces politiques et syndicales, elle n’a pas été capable de mener sur la durée une action conséquente, elle n’a pas été capable de créer la bonne structure d’incitations et de rétributions pour atteindre ses objectifs. La France ne sait pas pratiquer les compromis de réforme en amont, elle ne sait pas davantage pratiquer les compromis de crise. L’actuel gouvernement tente d’ac-climater, en France, le mode négocié et apai-sé de la réforme, sans grand succès jusqu’ici. Notre mode de réforme est plus convul-sif, il suppose une dramatisation extrême, une contrainte extérieure incontour-nable, la mobilisation des thématiques de la patrie en danger, du risque du déclin… Nous n’y sommes pas encore.

▶ Vous proposez des pistes pour s’attaquer en France durablement à la dépense publique. À quelles conditions et dans quels secteurs, selon vous, les 50 milliards d’euros d’économies annoncés par le gouvernement seront-ils véritablement efficaces ?Il faut bien comprendre l’équation impos-sible dans laquelle s’est laissé enfermer le gouvernement actuel. Au départ, Fran-çois Hollande s’engage à résorber les déficits, pour cela il fait un pari, celui de taxer forte-ment les Français et il compte sur la sortie de crise mondiale pour soutenir la conjonc-ture française. Il va échouer car d’une part, la contraction de la dépense publique par-tout en Europe et la stratégie de désendet-tement de l’ensemble des acteurs dépri-ment l’activité, d’autre part, la surtaxation

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RENCONTRE ❚ Changer de modèle

bute sur la courbe de Laffer, le rendement de l’impôt baisse, la baisse des déficits pro-grammée n’est pas au rendez-vous. D’où le deuxième pari, celui des 50  milliards, le président entend le respecter mais il ne permettra pas de descendre en dessous des 3 % en 2015. Faut-il faire davantage de coupes et faire replonger la France en récession ? Je crois qu’on ne peut pas blo-quer tous les canaux de l’action conjonctu-relle en même temps, c’est ce qui explique l’attitude critique du FMI de Washing-ton et de Manuel Valls à l’égard de la BCE et de la Commission européenne. Quant à la ventilation des 50 milliards de baisses de dépenses, je la crois équilibrée 10 sur la santé, 11 sur les prestations sociales, 10 sur les territoires et 19 sur l’État et ses appareils.

▶ Pour un ajustement budgétaire réussi, il faut créer les ingrédients de la croissance. Or, celle-ci repose pour partie sur un marché du travail plus flexible. Vous évoquez à ce propos la possibilité de « territorialiser » le Smic. En quoi consiste cette réforme ?Le Smic en France est parmi les plus éle-vés dans le monde, il représente 65 % du salaire médian. Le Smic produit deux effets bien documentés, il écrase la pyramide des salaires, on peut faire une carrière de smi-card, et il dissuade l’embauche des moins qualifiés. C’est tellement vrai que tous les gouvernements pratiquent la même politique  : une baisse massive de charges au voisinage du Smic, ce qui signifie que l’emploi non qualifié doit être subvention-né à hauteur de 22 milliards aujourd’hui et de 27 demain pour être solvabilisé. Alors que faire ? Nul ne songe à baisser le Smic mais nous proposons de remettre à plat le dispositif en dissociant politique sala-riale et lutte contre la pauvreté et en privi-légiant l’emploi, pour cela il convient 1/de cesser la politique des coups de pouce pour redonner de l’oxygène à la gestion des car-rières ; 2/de revenir éventuellement au Smig qui était régionalisé pour tenir compte des

différentiels de coût de la vie  ; 3/de pré-voir comme en Allemagne avec le nouveau Smic, des dispositifs d’accompagnement pour les jeunes non qualifiés et les chômeurs de longue durée.

▶ Changer de modèle, c’est également s’interroger sur une remise à plat de notre fiscalité. Vous optez pour un retour à une fiscalité duale entre imposition du travail et imposition du capital, avec un prélèvement proportionnel de 30 % sur le second. Pensez-vous qu’il s’agisse uniquement d’un objectif de concurrence par rapport à nos voisins européens ou est-ce la reconnaissance légitime de la prise de risque (impôt risque) ?Nous sommes le pays des paradoxes : nous avons à la fois la fiscalité du capital la plus lourde (taxation du stock, ISF, des revenus au barème de l’IRPP, des transactions, des plus-values, des successions…) et en même temps des responsables du parti au pouvoir s’étonnent qu’on ne se décide pas à enfin taxer le capital !Notre argument est triple : 1/l’épargne, c’est-à-dire la fraction non consommée du revenu est taxée au titre des revenus : 2/l’épargne qui s’investit produit des externalités posi-tives en termes de croissance et d’innova-tion, elle ne doit pas être pénalisée ; 3/dans un univers de concurrence fiscale au sein d’un marché unique régi par une monnaie unique des systèmes fiscaux violemment contras-tés sont source d’inefficacités allocatives. Un exemple : selon que vous être du côté belge ou français de la frontière vous payez sur les plus-values mobilières à court terme 0 % de taxe ou 62 %. Pour toutes ces raisons, nous combattons l’idée qu’il faut appliquer la même règle pour les revenus du travail et du capital. Mais aller au-delà de l’expérience de pays pratiquant la stratégie de la taxation duale comme la Suède nous semble probant, en témoignent les résultats des politiques menées au sortir de la grande crise du début des années 1990 tant en termes de croissance que d’innovation et d’emploi.

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En mai 2014 ❚ L’iFRAP ET LES MÉDIAS

❚ Suivez au jour le jour

l’actualité de la Fondation

iFRAP dansles médias sur www.ifrap.org,

rubrique « Médias ».

Mars 2014L’assistanat incite-t-il au chômage ?Le mensuel Entreprendre reprend l’étude de la Fondation iFRAP « Chô-mage : Remettre à plat les politiques de l’emploi ».

7 avril 2014Transition énergétique : arrêtons les objectifs irrationnelsAgnès Verdier-Molinié et Philippe Fran-çois signent une tribune dans le journal Les Échos sur la transition énergétique.

22 avril 2014Rapport Lambert-Malvy « Pour un redressement des fi nances publiques »Agnès Verdier-Molinié et Samuel-Frédé-ric Servière étaient auditionnés lors de la rédaction du rapport Lambert-Malvy sur les fi nances publiques. Ils sont inter-venus notamment sur les solutions à la dérive des fi nances locales et la question de la réforme territoriale.

22 avril 2014La protection des données personnelles dans l’open dataAgnès Verdier-Molinié et Samuel-Frédé-ric Servière étaient tous les deux audi-tionnés au Sénat par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur l’open data et la protection de la vie privée. L’open data permettrait de mieux éva-luer l’effi cacité des politiques publiques pour proposer des mesures d’améliora-tion, ainsi que l’a expliqué la Fondation iFRAP.

5 mai 2014Fusion des régions, des économies accessoires face à l’ampleur des enjeuxL’hebdomadaire La Gazette des com-munes cite la Fondation iFRAP et ses

travaux dans un dossier consacré à la fusion des régions. « La Fondation iFRAP, think tank dédié à l’analyse des politiques publiques prévoit une économie « d’envi-ron 1 milliard d’euros en année pleine, dont 275,6 millions sur les dépenses de personnel sur cinq  ans  » dans l’hypo-thèse où les départs en retraite (53 % des départs potentiels en 2025) ne seraient pas remplacés entre 2015 et 2020 ».

6 mai 2014C dans l’airAgnès Verdier-Molinié était invitée sur le plateau de C dans l’air pour débattre de la réforme territoriale avec Jean-Paul Delevoye, président du Conseil écono-mique, social et environnemental, Clau-dy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France et Gérard-François Dumont, professeur de géo-graphie à l’université de Paris-IV-Sor-bonne et président de la revue Popula-tion et avenir.

Mai 2014 La Fondation iFRAP, un organisme indépendantLa Revue française de comptabilité signe un article sur la Fondation iFRAP dans son numéro de mai 2014 et liste une partie des propositions d’écono-mies de la Fondation. « L’aridité de cer-tains rapports publics ne facilite pas leur lecture et l’attrait que l’on pourrait porter à ce domaine qui impacte pourtant la vie de tous les Français. Qui plus est, ces orga-nismes sont le plus souvent des émanations de la sphère publique. Dès lors, à côté de leur indépendance se pose la question de leur aptitude à se faire force de proposi-tions. C’est dans ce contexte que la Fonda-tion iFRAP apporte une contribution pour le moins utile, voire salvatrice ».

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AVANTAGE FISCAL*Vous êtes une personne morale : réduction d’impôt de 60 % à imputer directement sur l’impôt sur les sociétés, dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires HT (report possible durant 5 ans).Vous êtes une personne physique : au titre de l’impôt sur le revenu, vous bénéficiez d’une réduction d’impôt de 66 % de vos versements, dans la limite de 20 % du revenu imposable ; au titre de l’ISF, vous bénéficiez d’une réduction d’impôt, dans la limite de 45 000 euros, de 75 % de vos dons versés.

* Seuls les dons donnent droit à déduction fiscale.

SC146

❏ OUI, je soutiens la Fondation iFRAP et fais un don de ......................... € que je règle par chèque*, libellé à l’ordre de la Fondation iFRAP

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❏ OUI, je m’abonne à Société Civile pour 1 an, soit 65 € au lieu de 88 € que je règle par chèque*, libellé à l’ordre de la Fondation iFRAP

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Bulletin à retourner à : Fondation iFRAP 5 rue Cadet 75009 Paris - Tél. : 01 42 33 29 15 - E-mail : [email protected]

Une missionLa Fondation iFRAP est une fondation d’utilité publique, reconnue par décret

en Conseil d’État paru au Journal officiel le 19 novembre 2009. Fondation unique à la fois par son objet : « Effectuer des études et des recherches scientifiques sur l’effica-cité des politiques publiques, notamment celles visant la recherche du plein-emploi et le développement économique, faire connaître le fruit de ces études à l’opinion publique, proposer des mesures d’amélio-ration et mener toutes les actions en vue de la mise en œuvre par le gouvernement et le Parlement des mesures proposées » et par son financement exclusivement privé. Elle est le résultat de 25 années de recherches et de publications visant la performance des dépenses publiques.

Une équipeLa Fondation iFRAP est dirigée par un conseil d’administration dont le président

est Olivier Mitterrand et le directeur Agnès Verdier-Molinié. Bernard Zimmern est pré-sident d’honneur. L’équipe de chercheurs

réalise un travail d’investigation, s’appuyant sur des faits et chiffres objectifs, fruits de recherches économiques et économé-triques, publiés dans sa revue mensuelle Société Civile. L’équipe de la Fondation est également présente au quotidien auprès des médias et des décideurs.

Des résultatsNombre de propositions de l’iFRAP sont d’ores et déjà devenues réalité dans la

législation.

❚ La création d’un Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques à l’Assemblée nationale

❚ L’inscription de l’obligation de transpa-rence pour le financement des syndicats dans la loi

❚ La déduction d’ISF pour les investisse-ments dans les PME

❚ Les sociétés de capitaux à transparence fiscale (SCT)

❚ L’ouverture du recrutement des directeurs d’hôpitaux publics aux diplômés du privé

Budget 2014entre économies virtuelles et incertitudes sur les recettes

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En partenariat avec l’association ODIS