Download - PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

Transcript
Page 1: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

David Senechal

PHYSIQUE SUBATOMIQUE

NOTES DE COURS(PHQ-636)

Universite de SherbrookeFaculte des Sciences

Avril 2005

Page 2: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

PHYSIQUE SUBATOMIQUE

NOTES DE COURS(PHQ-636)

par

David SenechalProfesseur

Departement de physique

Faculte des SciencesUniversite de Sherbrooke

Avril 2005

c©2005, David Senechal, Faculte des Sciences, Universite de Sherbrooke.

Tous droits reserves.

Page 3: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 1

Processus elementaires

Notre connaissance du monde subatomique est tiree d’experiences et d’observations faisant inter-venir des processus de desintegration et de collisions. Ces processus sont gouvernes par la mecaniquequantique, et sont donc essentiellement probabilistes. C’est en mesurant, de maniere statistique,les probabilites de ces processus et en identifiant leurs produits, qu’on parvient a imaginer et corro-borer les differentes theories sur la composition de la matiere et sur les interactions fondamentales.Il est donc important de bien comprendre comment les probabilites de ces differents processsussont reliees aux produits, a l’energie disponible, et ainsi de suite. C’est ce que veux presenter cechapitre.

Note importante : systeme d’unites naturellesNous utiliserons dans ce cours un systeme d’unites naturelles, dans lequel h = 1 et c = 1. Ainsi,nous ne distinguerons plus l’impulsion du vecteur d’onde, ou l’energie de la frequence et de la masse.Dans ce systeme d’unites, il n’y a qu’une seule unite fondamentale, soit l’energie. La longueur n’estqu’une energie inverse, tout comme le temps. Une fois en presence d’une expression en unitesnaturelles, il est toujours possible de revenir au systeme d’unites usuel par analyse dimensionnelle.Un facteur de conversion tres utile dans ce cas est le produit hc = 197MeV fm.

1.1 Probabilite de transition

Les processus de desintegration et de collision (ou diffusion) sont illustres schematiquement ci-dessous :

1 3

N

2

… 1

24

N

3

désintégration collision

(1.1)

Les particules (ou objets) en jeu sont numerotes de 1 a N , et le temps s’ecoule de gauche a droite.Une desintegration implique au moins trois objets : la particule instable (1) et au moins deuxproduits de desintegration (numerotes de 2 a N). On parle d’une desintegration a deux corps, atrois corps, etc, selon le nombre de produits. Une collision implique au moins quatre objets : deuxreactants (1 et 2) et au moins deux produits (numerotes de 3 a N).

D’un point du vue quantique, ces processus sont un passage d’un etat quantique initial |i〉 versun etat quantique final |f〉 different. On suppose que les particules en cause, a l’etat libre, sont

Page 4: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

4 1. Processus elementaires

decrites par un certain hamiltonien H0. Par exemple, dans le cas non relativiste, ce hamiltonienest simplement

H0 =∑i

P2i

2mi

(1.2)

ou Pi est l’operateur de qantite de mouvement de la particule i etmi est la masse correspondante. SiH0 etait le hamiltonien total du systeme, alors les particules seraient stables et aucune interaction(ou collision) ne serait possible. Les processus de desintegration et de collision sont donc attribuablesa un hamiltonien supplementaire, note V et qualifie d’interaction, qui porte les particules a setransformer : on decompose donc le hamiltonien total en H = H0 + V . Par exemple, si uneparticule se desintegre, c’est que son etat de particule n’est pas un etat propre du hamiltonientotal H, mais de H0 seulement. Ainsi, un etat excite de l’atome d’hydrogene est un etat propredu hamiltonien de l’atome d’hydrogene lui-meme, mais n’est pas un etat propre du hamiltoniencomplet qui comprend l’interaction entre l’atome et le champ electromagnetique. C’est donc pourcela que les etats excites sont instables, et qu’ils se “desintegrent” en un atome d’hydrogene a l’etatfondamental et un photon.

1.1.1 Regle d’or de Fermi

Si, dans un certain sens, le terme d’interaction V est “petit” devant H0, alors il ne se manifesteque par des processus, comme la desintegration et les collisions, qui se produisent suffisammentrarement pour que les particules isolees soient concevables. Autrement, les etats de particules libresseraient si eloignes des veritables etats propres du hamiltonien, que la notion meme de particulen’aurait pas beaucoup de sens. Il est alors raisonnable de traiter V comme une perturbation,d’autant plus que la resolution du hamiltonien complet est impossible. On applique alors la theoriedes perturbations dependantes du temps, via la fameuse regle d’or de Fermi :

ωi→f = 2π|Mfi|2δ(Ef − Ei) (1.3)

ou ωi→f est la probabilite par unite de temps (ou taux de transition) pour que l’etat initial |i〉 setransmute en etat final |f〉. L’energie etant conservee, la fonction delta δ(Ei−Ef ) nous assure queles energies des deux etats sont les memes. Enfin, Mfi est l’amplitude de transition entre les etatsinitial et final, donne au premier ordre de la theorie des perturbations par l’element de matrice dela perturbation V entre ces deux etats :

Mfi = 〈f |V |i〉 (1.4)

Il s’agit bien sur d’une approximation, au premier ordre en V . Aux ordres suivants, l’amplitudecomporte en plus une sommation sur des etats intermediaires :

Mfi = 〈f |V |i〉+∑n

〈f |V |n〉〈n|V |i〉Ei − En + i0+ +

∑n,m

〈f |V |n〉〈n|V |m〉〈m|V |i〉(Ei − En + i0+)(Ei − Em + i0+)

+ · · · (1.5)

Le deuxieme terme est une somme sur les etats propres |n〉 du hamiltonien non perturbe H0, dontles energies sont En. Le troisieme terme comporte deux sommations sur des etats intermediaires,et ainsi de suite. La partie imaginaire infinitesimale au denominateur sert parfois a resoudre desambiguites analytiques lors de la sommation sur les etats intermediaires. Le deuxieme terme doitetre considere si le premier s’annule, ou afin d’ameliorer la precision du calcul (nous allons nouslimiter au premier terme dans ce qui suit, mais le deuxieme ordre interviendra dans un chapitreulterieur, lors de l’introduction des diagrammes de Feynman).

Page 5: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.2. Normalisation des etats et espace des phases 5

1.2 Normalisation des etats et espace des phases

Les etats de particules libres sont caracterises par un certaine impulsion p. La normalisation deces etats est matiere a convention. Trois de ces conventions seront utilisees ici : une normalisationdiscrete (ND), une normalisation continue (NC) et une normalisation relativiste (NR) invariantede Lorentz.

Dans la normalisation discrete, on suppose que l’espace physique est contenu dans une boıte rect-angulaire dont les cotes sont de longueurs Lx, Ly et Lz, et on impose des conditions aux limitesperiodiques aux fonctions d’onde. Une onde plane a alors la forme (non normalisee)

ψ(r) = eip·r = eipxxeipyyeipzz (1.6)

La condition de periodicite restreint les valeurs possibles de l’impulsion. Il faut en effet que latranslation x→ x+ Lx (ou l’equivalent en y et z) n’affecte pas la fonction d’onde. Donc,

eipxLx = 1 =⇒ px =2πnxLx

(1.7)

ou nx est un entier. Les impulsions possibles sont donc

p = 2π(nxLx,nyLy,nzLz

)(1.8)

ou nx, ny et nz peuvent prendre toutes les valeurs entieres possibles (∈ Z). Une seule valeur de pxest admise dans une intervalle ∆px = 2π/Lx, correspondant a ∆nx = 1. Il y a donc un seul etat(une seule valeur possible des entiers) dans un element de volume donne par

∆px∆py∆pz =(2π)3

V(1.9)

ou V = LxLyLz est le volume de l’espace physique. Le nombre d’etats dans un element de volumed3p est donc simplement le rapport

V

(2π)3 d3p (1.10)

Exprime autrement, le nombre d’etats d’onde plane par element de volume d3p de l’espace desimplusions est

d3n

d3p=

V

(2π)3 (1.11)

Notons qu’on peut aussi exprimer ce resultat comme un nombre d’etats par unite de volume dansl’espace des phases, c’est-a-dire l’espace decrit par les positions (r) et les impulsions (p) :

d3n

d3pd3r=

1(2π)3 ou =

1h3 (1.12)

si on retourne aux unites usuelles. C’est sous cette forme que le resultat est le plus simple amemoriser : une cellule d’espace des phases de volume h3 (ou (2π)−3 en unites naturelles) contientexactement un etat quantique.

Les etats d’impulsion donnee, dans cette normalisation, forment un ensemble discret : les valeursde p sont nettement separees. Les etats sont donc normalisables et on peut imposer la condition

〈p′|p〉 = δp,p′ et∑p

|p〉〈p| = 1 (ND) (1.13)

Page 6: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6 1. Processus elementaires

La fonction d’onde associee est

〈r|p〉 =1√V

eip·r (1.14)

L’avantage de cette normalisation est sa clarte du point de vue du decompte des etats, qui sontdiscrets. Son desavantage est la reference au volume V de l’espace physique, qui est artificiel (lalimite V → ∞ doit etre prise a la fin des calculs, et le resultat final ne doit pas dependre de V).Un autre desavantage de cette normalisation est qu’elle n’est pas invariante de Lorentz : en effet,le volume est contracte d’un facteur γ = 1/

√1− β2 lorsqu’on passe d’un referentiel ou le volume

est au repos, a un referentiel ou il est en mouvement a une vitesse β. Comme l’invariance deLorentz est une symetrie fondamentale de la Nature, particulierement visible dans le domaine departicules elementaires, il est souhaitable d’adopter une autre normalisation des etats d’impulsion,sans reference a un volume fini de l’espace.

A cette fin, notons premierement que la somme sur les vecteurs d’onde peut etre remplacee parune integrale, dans la limite ou le volume V est grand :∑

p

→ V

∫d3p

(2π)3 (1.15)

Ceci provient directement de (1.11). En consequence, le delta de Kronecker δp,p′ peut etre remplacepar une fonction delta de Dirac :

δp,p′ →(2π)3

Vδ3(p− p′) (1.16)

Il suffit, pour s’en convaincre, de constater l’equivalence de∑p

δp,p′ avec V

∫d3p

(2π)3

(2π)3

Vδ3(p− p′) (1.17)

Une premiere modification a la normalisation ND serait de supprimer le facteur de volume, c’est-a-dire de considerer des etats d’impulsion dans le spectre continu tels que

〈p′|p〉 = (2π)3δ3(p− p′) et∫

d3p

(2π)3 |p〉〈p| = 1 (NC) (1.18)

La fonction d’onde associee est alors〈r|p〉 = eip·r (1.19)

Cependant, cette normalisation continue (appelons-la NC) n’est toujours pas invariante de Lorentz.En effet, la mesure d’integration d3p n’est pas invariante : il s’agit d’un element de volume dansl’espace des impulsions. Lors d’un changement de referentiel, cet element de volume est contracted’un facteur γ.

Par contre, un element de volume dans l’espace des quadri-impulsions

d4p = d3pdp0 (1.20)

ou p0 = E est l’energie de la particule, est invariant. En effet, la transformation de Lorentz impliqueune contraction des longueurs d’un facteur γ et une dilatation du temps d’un meme facteur, desorte que l’element de volume d’espace-temps d3rdt est invariant. Il en est de meme pour toutquadri-vecteur, en particulier pour l’element de volume de la quadri-impulsion. Nous ne pouvons

Page 7: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.3. Desintegration et espace des phases 7

cependant pas remplacer d3p par d4p sans autre forme de proces, car l’energie p0 est determineepar la quantite de mouvement p, en vertu de la relation

(p0)2 − p2 = E2 − p2 = m2 ou E =√

p2 +m2 (1.21)

On impose donc cette relation par une fonction delta supplementaire, c’est-a-dire qu’on adopte lamesure d’integration suivante :∫

d3p

(2π)3 →∫

d4p

(2π)3 δ((p0)2 − p2 −m2)θ(p0) (1.22)

ou la fonction de Heaviside θ(p0) s’assure qu’on ne conserve que la racine positive, soit p0 =+√

p2 +m2. Notons que cette mesure d’integration est manifestement invariante de Lorentz, car(i) la mesure d4p est invariante, comme note ci-haut; (ii) l’argument de la fonction delta est uninvariant de Lorentz et (iii) comme le quadrivecteur (p0,p) est toujours de genre temps, si p0 > 0dans un referentiel, il le sera dans tous les referentiels et donc θ(p0) est un invariant. On montredans ce qui suit que cette mesure peut aussi d’exprimer comme∫

d4p

(2π)3 δ((p0)2 − p2 −m2)θ(p0) =

∫d3p

(2π)32E(1.23)

En effet, la fonction delta peut s’ecrire comme

δ((p0)2 − p2 −m2) = δ((p0 − E)(p0 + E)) ou E =√

p2 +m2 (1.24)

En integrant sur p0, seule la racine p0 = E est consideree en raison du facteur θ(p0). Au voisinagede cette racine, on peut remplacer p0 + E par 2E et la fonction delta se reduite a

δ((p0 − E)(p0 + E)) → δ(2E(p0 − E)) =1

2Eδ(p0 − E) (1.25)

On integre ensuite sur p0 pour retrouver le resultat annonce, en remplacant partout p0 par E.

Une normalisation relativiste des etats d’impulsion est donc fixee par les conditions

〈p′|p〉 = 2E(2π)3δ3(p− p′) et∫

d3p

(2π)32E|p〉〈p| = 1 (NR) (1.26)

ou E =√

p2 +m2.

1.3 Desintegration et espace des phases

1.3.1 Forme generale du taux de desintegration

Lors d’une desintegration, il existe un tres grand nombre (en pratique, un continuum) d’etatsfinaux possibles. Ces etats ont la meme energie que l’etat initial, mais sont caracterises par desimpulsions differentes des particules emises. La quantite pertinente est la probabilite totale parunite de temps pour qu’un transition se produise vers l’un des etats finaux appartenant a unensemble experimentalement identifiable.

Considerons un processus dans lequel une particule de massem1 se desintegre enN−1 particules, demasses mi (i = 2, . . . , N). Les energies des etats initial et final sont Ei = E1 et Ef = E2 + · · ·+EN ,respectivement. Le taux de transition de l’etat initial vers un ensemble d’etats finaux compris dans

Page 8: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8 1. Processus elementaires

un element d’espace des phases d3p2 d3p3 · · ·d3pN est (nous adoptons la normalisation NC des etatsd’impulsions, eq. (1.18))

dω = 2π|Mfi|2d3p2

(2π)3

d3p3

(2π)3 · · ·d3pN(2π)3 δ(E1 − E2 − E3 − · · · − EN ) (1.27)

En general, le hamiltonien d’interaction V conserve la quantite de mouvement totale, de sorteque l’amplitude de transition n’est non nulle que si les impulsions respectent la condition p1 =p2 + p3 + · · ·+ pN . On peut donc ecrire l’amplitude comme

Mfi = Mfiδp1−p2−p3−···−pN (1.28)

dans la normalisation discrete ND, eq. (1.13) Cette relation definit en fait Mfi, qu’on appelle aussiamplitude de transition. Au carre, cette relation est simplement

|Mfi|2 = |Mfi|2δp1−p2−p3−···−pN (1.29)

car le carre du delta de Kronecker est encore un delta de Kronecker. Notons ici que la normalisationdiscrete des etats (ND) est la plus sure quand vient le temps de compter les etats ou de calculer lecarre d’un delta de Kronecker. Par contre, quand vient le temps d’effectuer un calcul pratique, onlui prefere la normalisation continue NC, eq. (1.18). Avec cette nouvelle definition de l’amplitude,le taux de desintegration devient

dω = |Mfi|2d3p2

(2π)3

d3p3

(2π)3 · · ·d3pN(2π)3 (2π)4δ4(p1 − p2 − p3 − · · · pN ) (1.30)

ou pi denote le quadrivecteur (Ei,pi).

Dans la normalisation relativiste NR, eq. (1.26), cette formule devient plutot

dω = |Mfi|21

2E1

d3p2

(2π)32E2

d3p3

(2π)32E3· · · d3pN

(2π)32EN

(2π)4δ4(p1 − p2 − p3 − · · · pN ) (1.31)

Notons que dans ce cas, un facteur 2E1 a ete introduit pour tenir compte du changement denormalisation de l’etat initial, qui affecte l’amplitude Mfi. Cette derniere est alors une quantiteinvariante de Lorentz, qui a les dimensions (unites) de l’energie.

1.3.2 Exemple : desintegration a deux corps

Appliquons le resultat general (1.31) au cas d’une desintegration a deux corps. La formule est, dansce cas,

dω = |Mfi|21

2E1

d3p2

(2π)32E2

d3p3

(2π)32E3(2π)4δ4(p1 − p2 − p3) (1.32)

ou E2 =√

p22 +m2

2 et E3 =√

p23 +m2

3. Placons-nous dans le referentiel de la particule instable,de sorte que E1 = m1 et p1 = 0. Le taux de desintegration total est obtenu en integrant sur lesetats finaux possibles :

ω =∫

d3p2

(2π)32E2

d3p3

(2π)32E3

|Mfi|2

2E1(2π)4δ4(p1 − p2 − p3) (1.33)

Utilisons la fonction delta pour integrer sur p3 :

ω =∫

d3p2

(2π)3

|Mfi|2

8m1

(2π)δ(m1 −√p2 +m2

2 −√p2 +m2

3)√p2 +m2

2

√p2 +m2

3

(1.34)

Page 9: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.3. Desintegration et espace des phases 9

ou on a utilise le fait que p23 = p2

2 et ou on pose simplement p = |p2|. Il est clair, par symetrie, quel’amplitude ne peut pas dependre de la direction de p2. On peut donc integrer sur les angles et ontrouve

ω =∫p2dp

|Mfi|2

8πm1

δ(m1 −√p2 +m2

2 −√p2 +m2

3)√p2 +m2

2

√p2 +m2

3

(1.35)

La derniere integrale se fait facilement si on procede au changement de variable suivant : on pose

E =√p2 +m2

2 +√p2 +m2

3 (1.36)

alorsdEdp

=p√

p2 +m22

+p√

p2 +m23

=Ep√

p2 +m22

√p2 +m2

3

(1.37)

On trouve ensuite

ω =∫

dE p|Mfi|2

8πm1Eδ(m1 − E) = |p2|

|Mfi|2

8πm21

(1.38)

en autant que les impulsions des deux produits permettent a leur energie totale E d’etre egale am, c’est-a-dire que la desintegration soit energetiquement possible. Dans cette formule |p2| est laquantite de mouvement de l’un ou l’autre des produits de la desintegration, dans le referentiel de laparticule instable. Ce resultat est tres simple et pourtant tres general, car nous n’avons pas besoinde connaıtre la forme detaillee de l’amplitude Mfi pour le demontrer.

1.3.3 Loi exponentielle de desintegration

Le resultat essentiel du calcul precedent est que la presence d’une interaction qui met en contact uneparticule et un continuum d’etats rend cette particule instable, et mene a un taux de desintegrationfixe, c’est-a-dire une probabilite par unite de temps pour qu’une desintegration ait lieu. Ceci menedirectement a la loi exponentielle de desintegration : Si N(t) represente la population de particulesse desintegrant a un instant t, alors le nombre de desintegration ayant lieu entre les temps t ett+ dt est ωdt. Donc on trouve l’equation differentielle suivante :

N(t+ dt) = N(t)− ωNdt =⇒ dNdt

= −ωN (1.39)

dont la solution est la loi exponentielle

N(t) = N(0)e−ωt (1.40)

ou N(0) est le nombre de particules au temps t = 0.

Quelques definitions :

1. vie moyenne : τ = 1/ω. Duree moyenne de la vie d’une particule.

2. Demi-vie : t1/2 = τ ln 2, temps au bout duquel la moitie de la population initiale s’est desintegree.

Remarques :

1. La loi exponentielle est statistique. Il s’agit de probabilites. Lorsque la population de particulesn’est pas tres grande, les fluctuations peuvent etre importantes. Ces fluctuations sont gouverneespar la loi de Poisson (voir Williams, section 2.11).

2. L’activite I (ou intensite) d’une source est definie simplement comme le nombre de desintegra-tions par unite de temps. Dans le cas d’un echantillon ne contenant qu’une espece de particule

Page 10: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10 1. Processus elementaires

instable, I = ωN = −dN/dt. L’activite se mesure fondamentalement en secondes inverses : unBecquerel (Bq) est l’activite d’une source qui produit une desintegration par seconde. Un Curie(Ci) est l’activite d’un gramme de radium pur, soit 3.7× 1010 Bq.

3. La loi exponentielle suppose qu’aucun processus de regeneration n’existe. En general, un noyauinstable est lui-meme le fruit de la desintegration d’un autre noyau. Les equations de populationd’especes sont dans ce cas plus complexes, mais impliquent toujours des fonctions exponentielles.Par exemple, si un noyau 1 se desintegre en un noyau 2 avec un taux ω1, et que le noyau 2 sedesintegre en autre chose avec un taux ω2, les populations N1 et N2 des deux especes seraientregies par les equations differentielles suivantes :

dN1

dt= −ω1N1

dN2

dt= −ω2N2 −

dN1

dt= −ω2N2 + ω1N1

(1.41)

et des modeles plus complexes sont possibles.

4. La loi exponentielle est etroitement liee a l’existence du continuum d’etats finaux. S’il n’yavait qu’un seul etat final de meme energie que l’etat initial, il n’y aurait pas decroissanceexponentielle de l’etat initial, mais plutot oscillation entre les deux etats (les oscillations deRabi).

5. L’element de matrice Mfi depend en general de l’energie E. Mais abstraction faite de cettedependance, on constate que le taux de desintegtation augmente avec l’energie disponible, plusprecisement de maniere proportionnelle a p. Plus p est eleve, plus le nombre d’etats finauxpossibles est grand et plus la probabilite totale est grande. En contrepartie, la desintegrationne peut pas se produire si aucun etat d’onde plane n’est disponible, c’est-a-dire si la masse desproduits est plus grande que celle de la particule initiale (m1 < m2 +m3).

6. Une particule ou noyau instable peut avoir plusieurs modes de desintegration, c’est-a-direplusieurs types de produits. Dans ce cas, chaque mode est caracterise par son propre tauxde desintegration. Par exemple, si deux modes sont possibles, deux taux (ω1 et ω2) existent etle taux total de desintegration en est la somme : ω = ω1 + ω2. Dans un intervalle de tempsdonne, le rapport des nombres N1 et N2 de desintegrations des deux types et N1/N2 = ω1/ω2.

1.4 Collisions et section efficace

1.4.1 Diffusion par un potentiel

Considerons le probleme d’un projectile de masse m qui entre en collision avec une cible qu’onsuppose fixe. L’etat initial du projectile est une onde plane d’impulsion p1, et son etat final, apresla collision, est une onde plane d’impulsion p2. Une quantite de mouvement q = p2 − p1 a etetransferee a la cible, mais nous allons negliger l’energie cinetique associee, comme si la cible etaitinfiniment massive. Dans un premier temps, nous supposerons aussi que l’etat de la cible ne changepas, de sorte que la collision est elastique et que l’effet de la cible puisse etre compris par un potentieldiffuseur V (r). Il s’agit en somme d’un probleme a un corps. Nous traiterons ce probleme dans leregime non relativiste, et adopterons la normalisation continue des etats (1.18).

La probabilite de transition d’un etat |p1〉 du projectile vers un etat |p2〉, par unite de temps, estdonnee par la regle d’or de Fermi :

ωi→f = 2π|Mfi|2δ(E1 − E2) (1.42)

Page 11: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.4. Collisions et section efficace 11

Le taux de transition vers un ensemble d’etats finaux compris dans un element de volume d3p2 est

dω = 2π|Mfi|2d3p2

(2π)3 δ(E1 − E2) (1.43)

En coordonnees polaires, d3p2 = dΩp22dp2 ou dΩ = sin θ dθ dϕ = dcos θ dϕ. La probabilite de

transition par unite de temps vers un ensemble d’etats d’impulsions comprises dans un angle solidedΩ est donc

dωdΩ

=1

(2π)2 |Mfi|2p22dp2δ(E1 − E2) (1.44)

Comme d|p2|/dE2 = E2/|p2|,

dωdΩ

=1

(2π)2 |Mfi|2p2E2dE2δ(E1 − E2) (1.45)

L’integrale sur E2 peut maintenant se faire grace a la fonction delta et

dωdΩ

=1

(2π)2 |Mfi|2pE (1.46)

ou maintenant E = E1 = E2 et p = |p1| = |p2|.Calculons maintenant l’element de matrice, au premier ordre en theorie des perturbations :

Mfi = 〈p2|V |p1〉 =∫

d3r 〈p2|r〉V (r)〈r|p1〉

=∫

d3r e−i(p2−p1)·rV (r)

= V (q)

(1.47)

ou V (q) designe la transformee de Fourier du potentiel V (r), evaluee au vecteur d’onde q. Ontrouve donc le taux de transition suivant :

dωdΩ

=1

(2π)2 |V (q)|2pE (1.48)

Cette quantite en soi n’est pas directement reliee a l’experience, car en pratique on n’envoie pasun projectile a la fois, mais un faisceau de projectiles. Ce faisceau possede un certain flux Φ,c’est-a-dire un nombre de projectiles par unite de temps et par unite de surface. Le flux Φ estegal a la densite de courant de projectiles, soit la vitesse v multipliee par la densite ρ. Dans notrenormalisation, ρ = |〈r|k〉|2 = 1 et la vitesse est egale a p/E, donc Φ = p/E. La quantite etudieeen pratique est la section differentielle de diffusion, soit le taux de transition divise par le fluxincident de projectiles :

dσdΩ

=1Φ

dωdΩ

=E2

4π2 |V (q)|2 (1.49)

Dans le domaine non relativiste, on peut remplacer E par m (l’energie de repos) et cette formuledevient

dσdΩ

=m2

4π2 |V (q)|2 (1.50)

La section efficace, elle, est l’integrale de la section differentielle sur les angles solides :

σ =∫

dΩdσdΩ

(1.51)

Page 12: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

12 1. Processus elementaires

1.4.2 Interpretation de la section efficace

D’apres la definition donnee ci-haut, la probabilite que le projectile soit devie (par unite de tempset dans n’importe quelle direction) est σΦ, le produit de la section efficace par le flux Φ associea un seul projectile. Si N projectiles identiques et independants sont impliques, le flux incidentest multiplie par N , de meme que le taux de probabilite de collision, mais la section efficace restela meme : c’est une caracteristique d’une collision individuelle entre un projectile et la cible. Or,dans le cas d’une interaction de contact entre des projectiles classiques ponctuels et une cible (oudiffuseur), ceux-la ne sont diffuses que s’ils entrent en contact direct avec la cible. Le nombrede projectiles dans cette situation (par unite de temps) est precisement Φ, multiplie par l’airetransversale A de l’objet. Donc, dans ce cas, on trouve σ = A, d’ou le nom de section efficace.En somme, dans un probleme plus general (sans interaction de contact), la section efficace nousindique la capacite d’une cible a devier les projectiles, en donnant la superficie equivalente d’unobjet qui diffuserait uniquement par contact.

1.4.3 Longueur d’attenuation

Considerons maintenant un milieu comportant une densite % de cibles (nombre par unite de vol-ume), ainsi qu’un faisceau de projectiles incident sur ce milieu. Apres avoir traverse une epaisseurdx du milieu, la fraction de projectiles diffuses sera %σdx. On peut le voir comme suit : consideronsune aire A transversale au flux incident. Dans le volume delimite par cette aire et par l’epaisseur dxil y a %Adx cibles. La probabilite qu’un projectile soit diffuse par une cible en particulier en passantdans cette aire A est σ/A. Donc la probabilite qu’il soit diffuse par l’une des cibles presentes est

%Adx× σ

A= %σdx (1.52)

Le flux Φ(x) du faisceau decroıt en rapport avec la proportion de particules diffusees entre lespositions x et x+ dx :

Φ(x+ dx) = Φ(x)− Φ(x)%σdx =⇒ dΦdx

= −Φ%σ (1.53)

Il s’ensuit que l’intensite du faisceau incident diminuera de facon exponentielle en fonction de x:

Φ(x) = Φ(0)e−%σx (1.54)

On peut aussi decrire cette attenuation par une longueur caracteristique ξ = (%σ)−1.

1.4.4 Formule de Rutherford

Etudions le cas particulier de la collision entre une particule chargee (masse m, charge e1) et unecible massive (masse M m, charge e2), sous l’effet de la seule force electrique entre les deuxparticules. Le potentiel associe est1

V (r) =e1e2

r(1.55)

1 Nous adoptons le systeme d’unites cgs pour l’electromagnetisme. Plusieurs formules SI equivalentes peuvents’obtenir simplement en remplacant e2 par e2/4πε0, ou e est la charge elementaire.

Page 13: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.4. Collisions et section efficace 13

Le probleme, mathematiquement parlant, est de calculer la transformee de Fourier de ce potentiel.On procede comme suit, en coordonnees spheriques :

V (q) = e1e2

∫r2dr sin θ dθ dϕ

1re−iqr cos θ

= e1e22π∫ ∞

0dr r2

∫ 1

−1dz

e−iqzr

r(z = cos θ)

=4πe1e2

q

∫ ∞

0dr sin qr

(1.56)

Malheureusement, cette derniere integrale est mal definie. Ce probleme est lie au fait que le potentielde Coulomb a un rayon d’action infini et que sa section efficace est, strictement parlant, infinie.

Pour remedier a cette situation, modifions le potentiel de Coulomb pour lui donner un rayond’action fini (ce qu’on appelle le potentiel de Yukawa) :

e1e2

r→ e1e2

e−µr

r(1.57)

Ici µ−1 est une longueur caracteristique (on fera tendre µ vers 0 a la fin du calcul). Sa transformeede Fourier est alors

V (q) =4πe1e2

q

∫ ∞

0dr e−µr sin qr =

4πe1e2

q2 + µ2 (1.58)

On peut ensuite prendre la limite µ→ 0 pour trouver

V (q) =4πe1e2

q2 (1.59)

La section differentielle associee est donc

dσdΩ

= 4m2e21e

22

1q4 (1.60)

En posant p = pz et p′ = pr (coordonnees spheriques), on calcule que

q2 = p2(2− 2 cos θ) = 4p2 sin2 θ/2 (1.61)

On peut donc ecriredσdΩ

=m2e2

1e22

4p4 cosec4 θ

2(1.62)

En fonction de l’energie cinetique non relativiste T = p2/2m, ceci s’exprime comme

dσdΩ

=e21e

22

16T 2 cosec4 θ

2(1.63)

Il s’agit ici de la celebre formule de Rutherford. La diffusion est maximale quand l’angle est faible.De plus, on constate que la section efficace σ est infinie, ce qui est encore du au rayon d’actioninfini du potentiel de Coulomb. En pratique, le potentiel de Coulomb est ecrante par d’autrescharges et son rayon d’action effectif est fini, ce qui elimine ce probleme. Par exemple, lors dela diffusion d’une particule α par un atome d’or, la charge electronique entourant le noyau rendl’atome effectivement neutre sur une distance d’environ 10−10m, ce qui elimine le caractere nonintegrable de la singularite a θ = 0.

Page 14: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

14 1. Processus elementaires

1.4.5 Forme relativiste generale de la section efficace

Allons maintenant au-dela du probleme a un corps. Considerons le processus illustre a droitede (1.1), ou deux particules d’impulsions p1 et p2 se transforment en N − 2 autres particulesd’impulsions p3, . . . ,pN . Le taux de transition associe est, toujours dans la normalisation NC etpar analogie avec la relation (1.30),

dω = |Mfi|2d3p3

(2π)3

d3p4

(2π)3 · · ·d3pN(2π)3 (2π)4δ4(p1 + p2 − p3 − · · · pN ) (1.64)

Placons-nous dans le referentiel du laboratoire, tel que p2 = 0. La section differentielle s’obtient,dans cette normalisation (NC) en divisant par la vitesse du projectile, soit par |p1|/E1 :

dσ = |Mfi|2E1

|p1|d3p3

(2π)3

d3p4

(2π)3 · · ·d3pN(2π)3 (2π)4δ4(p1 + p2 − p3 − · · · pN ) (1.65)

Passons maintenant a la normalisation relativiste (1.26), ce qui implique un changement dans lamesure d’integration, ainsi que de diviser par 2E1 2E2 = 4E1m2, pour tenir compte du changementde normalisation des etats initiaux :

dσ =|Mfi|2

4m2|p1|d3p3

(2π)32E3· · · d3pN

(2π)32EN

(2π)4δ4(p1 + p2 − p3 − · · · pN ) (1.66)

Cette expression n’est valable que dans le referentiel du laboratoire. Pour la generaliser a unreferentiel quelconque, on doit trouver une expression manifestement invariante de Lorentz qui sereduise a la forme ci-haut dans le repere du laboratoire. En effet, la section efficace est un invariantde Lorentz, car elle est une aire transversale a la direction de l’impulsion du projectile, et donc n’estpas affectee par une transformation de Lorentz effectuee dans cette direction. Vu differemment, lasection efficace est une probabilite par unite de temps, divisee par un flux, qui est un nombre departicules par unite de temps de de surface. Le fait de proceder a une transformation de Lorentzdans la direction de l’impulsion apporte certainement un facteur de dilatation du temps, mais demaniere egale au numerateur et au denominateur, sans par ailleurs affecter les aires transversalesa la quantite de mouvement. Dans l’expression (1.66), la mesure d’integration est invariante deLorentz, de meme que l’amnplitude (car nous avons adopte une normalisation des etats qui estaussi invariante de Lorentz). Il reste l’expression m2p1 du denominateur qui ne l’est pas. Maiscette expression est un cas particulier dans le referentiel du laboratoire de l’expression invariante√

(p1·2 )2 − (m1m2)2. En effet, dans ce referentiel, p1 = (E1,p1) et p2 = (m2, 0), donc p1 ·p2 = E1m2et

(p1 · p2)2 − (m1m2)

2 = E21m

22 −m2

1m22 = (E2

1 −m21)m

22 = |p1|2m2

2 (1.67)

Donc√

(p1 · p2)2 − (m1m2)2 → |p1|m2. L’expression generale de la section differentielle est donc,dans la normalisation relativiste et dans un referentiel quelconque,

dσ =|Mfi|2

4√

(p1 · p2)2 − (m1m2)2

d3p3

(2π)32E3· · · d3pN

(2π)32EN

(2π)4δ4(p1 + p2 − p3 − · · · pN ) (1.68)

Page 15: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.5. Resonances et masse invariante 15

1.5 Resonances et masse invariante

Le processus de collision de deux particules peut en principe mener a la creation de nouvellesparticules. L’apparition d’une particule de masse m est possible d’un point de vue energetiquesi l’energie totale des particules entrant en collision est au moins egale a m dans le referentiel ducentre d’impulsion. En fait, quel que soit le referentiel utilise, l’energie disponible peut etre obtenueen calculant la masse invariante associee aux impulsions et energies des particules impliquees.Expliquons de quoi il s’agit. Si E1 et E2 designent les energies des deux particules, et p1 et p2leurs impulsions, alors on appelle masse invariante M l’invariant associe au quadrivecteur (E1 +E2,p1 + p2), soit

M 2 = (E1 + E2)2 − (p1 + p2)

2 (1.69)

Dans le referentiel du centre d’impulsion, p1 + p2 = 0 et la masse invariante est simplement lasomme des energies des particules, soit l’energie disponible pour la creation d’une particule demasse M (en supposant que les particules 1 et 2 sont annihilees). L’invariant M 2 est aussi note set appele premiere variable de Mandelstam.

S’il est possible de creer une particule de masse m en annihilant deux particules de masses m1 etm2, alors la section efficace σ, si on la considere comme une fonction de la masse invariante M ,devrait comporter un maximum evident a M = m, car a cette energie une nouvelle possibilite detransition quantique apparaıt, qui n’existait pas a plus faible energie. Cette possibilite s’ajoute a lapossibilite de diffusion elastique, ou les produits de la collision sont les particules initiales, quoiquedans des etats differents. D’autre part, la possibilite de creation de cette nouvelle particule n’existequ’a cette valeur de M et a aucune autre, car elle ne peut pas avoir d’autre energie que m dansson propre referentiel. Donc, si cette particule etait stable, un pic delta apparaıtrait dans la sectionefficace σ a une valeur de l’energie incidente telle que la masse invariante M vaut m.

Or, la particule ainsi creee ne peut etre stable. En effet, s’il est possible de la creer, il est egalementpossible qu’elle se desintegre, par le processus inverse qui a mene a sa creation, a savoir l’emissionde deux particules. Cette particule possede donc une vie moyenne τ = Γ−1, Γ etant le taux dedesintegration (note ω dans la section 1.3).

Par le principe d’incertitude temps-energie, cela implique que son energie dans son propre referentieln’est pas bien definie, mais comporte une incertitude ∆E ∼ Γ. On montre plus bas que la densited’etats ρ(E) associee n’est plus une fonction delta δ(E −m), mais plutot une lorentzienne :

ρ(E) =12π

Γ(E −m)2 + (Γ/2)2 (1.70)

Il est donc possible, par une mesure de la largeur du pic lorentzien apparaissant dans la sectionefficace, de mesurer le temps de vie d’une particule creee lors d’un processus de collision. Cesconsiderations sont a la base de toutes les decouvertes experimentales de la physique des particules,mais s’appliquent aussi a des domaines en apparence aussi eloignes que la physique du solide, carles meme principes de base sont en jeu (exception faite de l’invariance relativiste).

Justifions maintenant la forme lorentzienne de la courbe. Si un etat quantique |ψ〉 est instable, c’est que saprojection sur sa valeur initiale decroıt exponentiellement. Autrement dit,

〈ψ(0)|ψ(t)〉 = e−iE0te−Γt/2 (1.71)

ou E0 est l’energie approximative de l’etat. En effet, la probabilite de trouver le systeme au temps t dans lememe etat ou il etait au temps t = 0 est

|〈ψ(0)|ψ(t)〉|2 = e−Γt (1.72)

Page 16: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

16 1. Processus elementaires

ce qui correspond bien a la notion de vie moyenne τ = Γ−1. Introduisons ici le concept de fonction spectraleA(E) associee a l’etat |ψ〉. Si on designe par |n〉 les veritables etats stationnaires du systeme physique etudie(donc les etats propres du hamiltonien complet), la fonction spectrale A(E) est la probabilite qu’une mesurede l’energie dans l’etat |ψ〉 donne E :

A(E) = 〈ψ|δ(E −H)|ψ〉 =∑n

δ(E − En)|〈ψ|n〉|2 (1.73)

La fonction spectrale est reliee a la resolvente G(z), definie comme suit :

G(z) = 〈ψ| 1z −H

|ψ〉 (1.74)

ou z est une variable complexe. En effet, on montre sans peine que

A(E) = − 1π

limη→0+

Im G(E + iη) (1.75)

Il suffit pour cela d’exprimer la resolvente en fonction de la base des etats |n〉 :

G(z) =∑n

|〈ψ|n〉|2 1z − En

(1.76)

et de constater que

− 1π

Im1

E − En + iη=

η

(E − En)2 + η2 (1.77)

Or, la fonction1π

η

x2 + η2 (1.78)

tend vers la fonction δ(x) quand η → 0+. Donc, dans cette limite, on retrouve bien la fonction spectrale.

D’autre part, si on calcule la fonction d’autocorrelation

S(E) =∫ ∞

0eiEt−ηt〈ψ(0)|ψ(t)〉 (η → 0+) (1.79)

on trouveS(E) =

∑n

i

E − En + iη|〈ψ|n〉|2 = iG(E + iη) (1.80)

Donc on peut retrouver la fonction spectrale A(E) en calculant S(E). Pour un etat en decroissance exponen-tielle, on a justement

S(E) =∫ ∞

0e−iE0t−Γt/2eiEt−ηt =

i

E − E0 + iΓ/2(1.81)

Notons que nous avons pu prendre la limite η → 0 des a present, car Γ joue le meme role que η dansl’integration, et donc le facteur de convergence e−ηt n’est plus necessaire. Ceci correspond a une resolvante

G(z) =1

z − E0 + iΓ/2(1.82)

et donc a une fonction spectrale

A(E) =12π

Γ(E − E0)2 + (Γ/2)2

(1.83)

ce qui est bien le resultat cherche.

La notion de masse invariante est utilisee dans l’analyse des produits d’une reaction, afin dedeterminer si une particule instable n’aurait pas ete produite lors de la reaction, meme si elle

Page 17: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.5. Resonances et masse invariante 17

n’est pas detectee dans les produits finaux en raison de sa desintegration subsequente. Par exem-ple, considerons une reaction ou deux particules (1 et 2) donnent lieu a trois produits (3, 4 et 5)detectes. Les techniques de detection nous donnent acces a la quantite de mouvement et a l’energiedes produits et on peut former la masse invariante M =

√(E4 + E5)2 − (p4 + p5)2. Si la section

efficace, portee en fonction de M , presente un pic significatif a une valeur precise (appelons-la m∗),c’est qu’on peut interpreter la reaction comme donnant naissance a deux particules, de masses m3et m∗. Cette reaction particuliere ne peut se produire que si la masse invariante M est egale am∗ (modulo l’incertitude reliee au temps de vie de la particule de masse m∗). Par contre, dans uncanal de reaction different, les particules 4 et 5 pourraient etre produites directement (sans passerpar la resonance m∗) et alors la section efficace ne serait pas piquee a M = m∗, mais affecteraitune forme etendue (appelee “fond d’espace de phase”). En realite, on assiste a une superpositionde ces deux processus.

Problemes

Problme 1.1Le positronium est un atome instable forme d’un electron et d’un positron. Il se desintegre rapidement endeux photons. Dans son etat singulet (c’est-a-dire quand le spin total des deux particules est nul), sa viemoyenne inverse, calculee en electrodynamique quantique, est donnee par la formule τ−1 = 1

2mα5, ou m est

la masse de l’electron et α est la constante de structure fine. (i) Exprimez τ en restaurant les constantes h etc et (ii) evaluez sa valeur numerique en secondes.

Problme 1.2Le meson π− (masse 139,569 MeV) se desintegre par interaction faible en un muon µ− (masse 105,659 MeV)et un antineutrino νµ (masse nulle). En supposant que le pion est initialement au repos, calculez la vitessedu muon produit par sa desintegration. Indice : la solution a ce probleme est particulierement simple dans lelangage des quadri-vecteurs.

Problme 1.3Une particule A, de masse mA et d’energie E, est incidente sur une particule B au repos, de masse mB . Lacollision est inelastique et produit N particules dans l’etat final. On definit l’energie de seuil comme la valeurminimale de E en-deca de laquelle la reaction est impossible. Exprimez l’energie de seuil en fonction seulementde mA, de mB et de la masse totale M des produits de la reaction. Notez que ce calcul est particulierementsimple dans le langage des quadrivecteurs, en utilisant la notion de masse invariante, surtout si on se placedans le referentiel du centre d’impulsion dans l’analyse des produits.Appliquez ensuite la formule obtenue pour evaluer numeriquement l’energie de seuil (en MeV) de la reaction

p + p → p + p + π0

ou p designe le proton (masse 938.280 MeV) et π0 le pion neutre (masse 134.964 MeV).

Problme 1.4Considerons un processus de collision elastique 1 + 2 → 3 + 4 comme dans le devoir no 1, ou m1 = m3 etm2 = m4. Nous nous placons dans le referentiel du laboratoire, ou la particule 2 est initialement au repos.La particule 1 est deviee d’un angle θ (l’angle de diffusion) par rapport a sa direction initiale. Expliquercomment determiner l’energie E3 du projectile apres la collision en fonction de l’energie incidente E1 et del’angle θ. Indice: Appliquez la conservation de l’energie et de la quantite de mouvement et calculez l’invariantp24 = (p1 + p2 − p3)2.

Page 18: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

18 1. Processus elementaires

Problme 1.5L’isotope 210

83Bi se desintegre par emission β en 21484Po avec une vie moyenne de 7.2 jours. A son tour, le 214

84Pose desintegre en 206

82Pb par emission α avec une vie moyenne de 200 jours. Si la source ne contient que du21083Bi initialement, apres combien de jours le taux de production de particules α est-il maximum? (rep. : 24.8

jours).

Problme 1.6Le potassium naturel a un poids atomique de 39.089 et contient une proportion egale a 1.18×10−4 de l’isotope4019K. Cet isotope est instable et comporte deux modes de desintegration :

4019K → 40

20Ca + e− + νe et 4019K + e− → 40

18Ar + γ + νe

Le premier est une desintegration β− (emission d’un electron), le deuxieme une capture d’electron atomique.L’intensite de la desintegration β− est de 2.7× 104 kg−1s−1 (par kilogramme de potassium naturel). De plus,en moyenne, 12 rayons γ sont emis pour chaque centaine de rayons β. A partir de ces donnees, calculez la viemoyenne du 40

19K.

(reponse : 1.9× 109 annees)

Problme 1.7Une meteorite, soumise a l’analyse chimique, se revele contenir 1g de potassium et 10−5g d’argon. En supposantque tout cet argon provient de la desintegration du 40

19K, qu’aucune partie de l’argon ne s’est echappe, et quele potassium n’est pas renouvele par la desintegration d’autres elements, calculez l’age de cette meteorite(c’est-a-dire le temps ecoule depuis que les hypotheses ci-dessus sont valables). Servez-vous des donnees duprobleme precedent.(reponse : 1.1× 109 annees)

Problme 1.8La forme generale de la section differentielle est

dσ =|Mfi|2

4√

(p1 · p2)2 − (m1m2)2d3p3

(2π)32E3· · · d3pN

(2π)32EN(2π)4δ4(p1 + p2 − p3 − · · · pN )

Considerons maintenant une collision a deux reactants et deux produits. Placons-nous dans le referentiel ducentre d’impulsion des reactants, de sorte que p1 + p2 = 0.

a) Demontrez que, dans ce referentiel,√(p1 · p2)2 − (m1m2)2 = |p1|(E1 + E2)

b) Demontrez que la section differentielle dans ce referentiel est

dσdΩ

=|Mfi|2

(8π)2pfpi

1E2

ou pi est la grandeur de l’impulsion d’un des reactants, et pf celle de l’un des produits, et E l’energie totaledes reactants.

Page 19: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

1.5. Resonances et masse invariante 19

Problme 1.9Considerons une collision 1 + 2 → 3 + 4, dans le referentiel du laboratoire (particule 2 au repos) et supposonsque les produits sont les memes que les reactants (m3 = m1 et m4 = m2).

a) En partant de la relation (1.68), demontrez que la section differentielle de diffusion (par unite d’angle solidede la particule 3, c’est-a-dire du projectile diffuse) est

dσdΩ

=1

(8π)2p2

3|Mfi|2

m2|p1| (|p3|(E1 +m2)− |p1|E3 cos θ)

ou Ei designe l’energie de la particule i. Notez qu’un changement de variable semblable a celui effectue en(1.36) est requis.

b) Montrez que, dans le cas d’un projectile de masse nulle (m1 = 0), comme dans l’effet Compton, on a larelation

1E3

=1E1

+1m2

(1− cos θ)

et que la formule ci-haut se reduit adσdΩ

= |Mfi|2(

E3

8πE1m2

)2

Problme 1.10Dans ce probleme nous allons etudier la cinematique de l’emission β par un noyau. On considere un noyauinstable (masse M) qui se desintegre en emettant un electron (masse me), un neutrino (masse mν qu’onsuppose non nulle dans les calculs) et un noyau de masse M ′. Les masses des noyaux sont tres grandes parrapport a me ou mν . Une energie E est liberee par la desintegration, c’est-a-dire que

E = (M −M ′)c2

Cette energie sert a creer l’electron, le neutrino et a donner de l’energie cinetique aux trois produits (electron,neutrino et noyau). On suppose que E Mc2.

Etablissons d’abord la notation. Si n represente le nombre d’etats finaux possibles, alors dn/dE representele nombre d’etats par intervalle d’energie liberee, ce qu’on appelle habituellement la densite d’etats finaux etqu’on note ρ(E). Mais des distributions plus fines peuvent etre considerees : par exemple,

d3n

d|pe|dΩedE=

d2ρ

d|pe|dΩe

represente le nombre d’etats finaux par unite d’energie liberee, par unite d’angle solide de l’electron et parunite d’impulsion |pe| de l’electron. En effet, comme l’energie de l’electron n’est pas fixe dans ce probleme(parce qu’il y a trois produits de desintegration et non deux), on peut s’interesser au spectre en impulsiondes electrons produits.

a) Expliquer pourquoi on peut negliger l’energie cinetique du noyau produit, par rapport a celle donnee auneutrino et a l’electron. Autrement dit, l’electron et le neutrino se partagent l’energie E.

b) Pour une energie liberee E fixe, quel est l’intervalle de valeurs possibles pour l’energie de l’electron?

c) Montrez que l’element de matrice associe au processus est proportionnel au volume de l’espace, ce quisignifie qu’on peut l’ecrire comme suit :

〈f |V |i〉 = MfiV−1

Page 20: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

20 1. Processus elementaires

ou Mfi est independant du volume dans la limite V →∞. On supposera par la suite que Mfi ne depend pasde la direction d’emission des particules.

d) Montrez que

d2n

d|pe|dEν= V2 1

4π4h6c2p2eEνpν

ou E et p designent respectivement l’energie (de repos et cinetique) et la grandeur de la quantite de mouvement;les indices e et ν referent a l’electron et au neutrino.

e) Montrez que le taux d’emission par unite de quantite de mouvement de l’electron est

dωd|pe|

=1

2π3h7c3|Mfi|2p2

e(E − Ee)2

√√√√1−

(mνc

2

E − Ee

)2

f) Si N(|pe|)d|pe| est le nombre de desintegrations, dans un intervalle de temps donne (et assez long), pourlesquelles l’impulsion de l’electron est comprise entre |pe| et |pe|+d|pe|, alors il decoule de la partie precedentequ’un graphique de

√N(|pe|)/|pe| porte en ordonnee et de (E−Ee) porte en abcisse est une droite (dite droite

de Kurie*) si la masse du neutrino est nulle. Faites un graphique (par exemple, a l’aide de Mathematica) de√N(Ee)/|pe| en fonction de E−Ee pour les parametres suivants : E = 1,1 mec

2 et mν/me = 0, 0,01 et 0,05.L’analyse des droites de Kurie obtenues experimentalement a permis d’obtenir une limite superieure de 60 eVa la masse des neutrinos.

* Oui, c’est un ‘K’. Rien a voir avec Curie.

Page 21: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 2

Modeles elementaires du noyau

2.1 Composition des noyaux

En 1912, peu apres la proposition du modele nucleaire de l’atome, Frederick Soddy decouvre queles atomes d’un meme element ne sont pas tous identiques. Un meme element comporte parfoisplusieurs varietes d’atomes, appeles isotopes, qui ont des masses differentes. L’abondance relativede chaque isotope pour un element donne est inscrite au tableau 2.1. La masse de chaque isotopeest tres proche d’un multiple entier de la masse de l’hydrogene. On note A ce multiple, qu’onappelle le nombre de masse, alors que la charge de chaque isotope est un multiple Z de la chargeelementaire, ou Z est le numero atomique. Chaque isotope est alors represente symboliquementpar la notation

AZSy (2.1)

ou Sy est le symbole chimique de l’element associe. La masse quasi-entiere des isotopes suggerenaturellement que les noyaux ne sont pas elementaires, mais constitues d’un nombre entier A deprotons (comme on appelle le noyau de l’isotope courant de l’hydrogene). Pour assurer la bonnevaleur de la charge, on a suppose assez tot que le noyau contenait egalement A−Z electrons. Cettehypothese fut renforcee lors de l’observation, par le groupe de Rutherford, de la premiere reactionnucleaire, en 1919. On decouvrit en effet que l’impact des particule α sur les noyaux d’azote del’atmosphere produisait des protons, selon la reaction suivante :

42He + 14

7N → 178O + 1

1H (2.2)

Cette reaction est naturellement interpretee comme une fusion de la particule α avec le noyaud’azote, suivie de l’ejection d’un proton surnumeraire. Le fait que le noyau contienne des electronsexpliquait la desintegration beta, au cours de laquelle des electrons sont emis par des noyauxinstables. Par contre, on s’explique mal pourquoi les electrons atomiques jouiraient d’une certaineindependance, alors que d’autres seraient perpetuellement prisonniers du noyau. Cette hypothesesur la composition du noyau fut en vogue jusqu’en 1932, annee de la decouverte du neutron. Oncomprit alors que le noyau (A,Z) comporte Z protons et N = A−Z neutrons, et ne comporte pasd’electrons. Le neutron est une particule neutre, de masse legerement superieures a celle du proton,et instable a l’etat isole; sa desintegration produit un proton, un electron et un antineutrino.

Page 22: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

22 2. Modeles elementaires du noyau

Abondance relative des isotopes, recommandée par l'IUPACP. De Bievre and P.D.P. Taylor, Int. J. Mass Spectrom. Ion Phys. 123, 149 (1993).

Isotope Abondance1H 99.9852H 0.015

3He 0.0001374He 99.999863

6Li 7.57Li 92.5

9Be 100

10B 19.911B 80.1

12C 98.9013C 1.10

14N 99.63415N 0.366

16O 99.76217O 0.03818O 0.200

19F 100

20Ne 90.4821Ne 0.2722Ne 9.25

23Na 100

24Mg 78.9925Mg 10.0026Mg 11.01

27Al 100

28Si 92.2329Si 4.6730Si 3.10

31P 100

32S 95.0233S 0.7534S 4.2136S 0.02

35Cl 75.7737Cl 24.23

36Ar 0.33738Ar 0.06340Ar 99.600

39K 93.258140K 0.011741K 6.7302

40Ca 96.94142Ca 0.64743Ca 0.13544Ca 2.08646Ca 0.00448Ca 0.187

45Sc 100

46Ti 8.047Ti 7.348Ti 73.849Ti 5.550Ti 5.4

50V 0.25051V 99.750

50Cr 4.34552Cr 83.78953Cr 9.50154Cr 2.365

Isotope Abondance54Fe 5.856Fe 91.7257Fe 2.258Fe 0.28

55Mn 100

58Ni 68.07760Ni 26.22361Ni 1.14062Ni 3.63464Ni 0.926

59Co 100

63Cu 69.1765Cu 30.83

64Zn 48.666Zn 27.967Zn 4.168Zn 18.870Zn 0.6

69Ga 60.10871Ga 39.892

70Ge 21.2372Ge 27.6673Ge 7.7374Ge 35.9476Ge 7.44

74Se 0.8976Se 9.3677Se 7.6378Se 23.7880Se 49.6182Se 8.73

75As 100

78Kr 0.3580Kr 2.2582Kr 11.683Kr 11.584Kr 57.086Kr 17.3

79Br 50.6981Br 49.31

84Sr 0.5686Sr 9.8687Sr 7.0088Sr 82.58

85Rb 72.16587Rb 27.835

89Y 100

90Zr 51.4591Zr 11.2292Zr 17.1594Zr 17.3896Zr 2.80

92Mo 14.8494Mo 9.2595Mo 15.9296Mo 16.6897Mo 9.5598Mo 24.13

100Mo 9.63

93Nb 100

Isotope Abondance96Ru 5.5298Ru 1.8899Ru 12.7

100Ru 12.6101Ru 17.0102Ru 31.6104Ru 18.7

102Pd 1.02104Pd 11.14105Pd 22.33106Pd 27.33108Pd 26.46110Pd 11.72

103Rh 100

106Cd 1.25108Cd 0.89110Cd 12.49111Cd 12.80112Cd 24.13113Cd 12.22114Cd 28.73116Cd 7.49

107Ag 51.839109Ag 48.161

112Sn 0.97114Sn 0.65115Sn 0.34116Sn 14.53117Sn 7.68118Sn 24.23119Sn 8.59120Sn 32.59122Sn 4.63124Sn 5.79

113In 4.3115In 95.7

120Te 0.096122Te 2.603123Te 0.908124Te 4.816125Te 7.139126Te 18.95128Te 31.69130Te 33.80

121Sb 57.36123Sb 42.64

124Xe 0.10126Xe 0.09128Xe 1.91129Xe 26.4130Xe 4.1131Xe 21.2132Xe 26.9134Xe 10.4136Xe 8.9

127I 100

130Ba 0.106132Ba 0.101134Ba 2.417135Ba 6.592136Ba 7.854137Ba 11.23138Ba 71.70

133Cs 100

Isotope Abondance136Ce 0.19138Ce 0.25140Ce 88.48142Ce 11.08

138La 0.0902139La 99.9098

141Pr 100

142Nd 27.13143Nd 12.18144Nd 23.80145Nd 8.30146Nd 17.19148Nd 5.76150Nd 5.64

144Sm 3.1147Sm 15.0148Sm 11.3149Sm 13.8150Sm 7.4152Sm 26.7154Sm 22.7

151Eu 47.8153Eu 52.2

152Gd 0.20154Gd 2.18155Gd 14.80156Gd 20.47157Gd 15.65158Gd 24.84160Gd 21.86

156Dy 0.06158Dy 0.10160Dy 2.34161Dy 18.9162Dy 25.5163Dy 24.9164Dy 28.2

159Tb 100

162Er 0.14164Er 1.61166Er 33.6167Er 22.95168Er 26.8170Er 14.9

165Ho 100

168Yb 0.13170Yb 3.05171Yb 14.3172Yb 21.9173Yb 16.12174Yb 31.8176Yb 12.7

169Tm 100

174Hf 0.162176Hf 5.206177Hf 18.606178Hf 27.297179Hf 13.629180Hf 35.100

175Lu 97.41176Lu 2.59

180Ta 0.012181Ta 99.988

Isotope Abondance180W 0.13182W 26.3183W 14.3184W 30.67186W 28.6

184Os 0.02186Os 1.58187Os 1.6188Os 13.3189Os 16.1190Os 26.4192Os 41.0

185Re 37.40187Re 62.60

190Pt 0.01192Pt 0.79194Pt 32.9195Pt 33.8196Pt 25.3198Pt 7.2

191Ir 37.3193Ir 62.7

196Hg 0.15198Hg 9.97199Hg 16.87200Hg 23.10201Hg 13.18202Hg 29.86204Hg 6.87

197Au 100

203Tl 29.524205Tl 70.476

204Pb 1.4206Pb 24.1207Pb 22.1208Pb 52.4

209Bi 100

232Th 100

234U 0.0055235U 0.7200238U 99.2745

Tableau 2.1 Abondance relative des isotopes de tous les elements, en pourcent.

Page 23: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.2. Taille des noyaux 23

2.1.1 Terminologie

Definissons maintenant quelques termes utilises dans la classifications des noyaux, ou rappelonsdes definitions deja connues :Nucleon : designe un proton ou un neutronNuclide : Une espece de noyaux, avec Z et N fixe.Isobares : Nuclides ayant le meme nombre de masse A, mais des numeros atomiques Z differents.Isotones : Nuclides ayant le meme nombre de neutrons N , mais des numeros atomiques Z differents.Isotopes : Nuclides ayant le meme nombre de protons, mais des N differents.Isomeres : Nuclides de meme Z et N mais dans un etats nucleaire excite, identifiable par une viemoyenne suffisamment longue (par exemple τ > 10−6 s).

2.2 Taille des noyaux

En 1911, Rutherford, Geiger et Marsden realiserent une serie d’experiences qui demontrerent quel’essentiel de la masse de l’atome est concentree dans un noyau de rayon inferieur a 10−14m, alorsque le rayon de l’atome est de l’ordre de 10−10m. Ces experiences consistaient a diffuser un faisceaude particules α (en fait, des noyaux d’helium) sur une mince feuille d’or, dans une enceinte evacuee,et a mesurer la section differentielle de diffusion dσ/dΩ. Le resultat observe etait compatible avecla section differentielle de Rutherford

dσdΩ

=e21e

22

16T 2 cosec4 θ

2(2.3)

ou e1 = 2e et e2 = Ze, Z etant le numero atomique de l’or. Rien n’indique a cette epoque que lenoyau est non ponctuel.

Les experiences de diffusion seront plus tard effectuees a l’aide d’electrons, a des energies beau-coup plus grandes, qui permettront une resolution spatiale superieure. La section differentielle ob-servee n’est plus compatible avec une cible ponctuelle, mais plutot avec une distribution de chargenucleaire etendue. Voyons comment la section differentielle de Rutherford doit etre modifiee enconsequence.

Premierement, la grande energie des electrons utilises comme projectiles rend necessaire l’emploid’une version relativiste de la formule de Rutherford, que nous ne demontrerons pas ici. Il s’agitde la formule de Mott, donnee simplement par

dσdΩ

∣∣∣∣Mott.

=dσdΩ

∣∣∣∣Ruth.

(1− β2 sin2 θ

2

)(2.4)

ou θ est l’angle de diffusion et β la vitesse de l’electron (en rapport a celle de la lumiere).

Deuxiemement, l’effet d’une charge non ponctuelle est representee par un autre facteur multipli-catif, appele facteur de forme. Supposons a cet effet qu’une charge ponctuelle (comme l’electron,e1 = −e) soit diffusee sur une charge e2 = Ze caracterisee par une distribution de probabilite ρ(r),telle que ∫

d3r ρ(r) = 1 (2.5)

Le potentiel electrostatique cree par cette distribution est

V (r) = −Ze2∫

d3r′ρ(r′)|r− r′|

(2.6)

Page 24: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

24 2. Modeles elementaires du noyau

car un element de volume d3r′ situe a r′ contient une charge dq = Zeρ(r′)d3r′ et cause une energiepotentielle −edq/|r − r′|. D’apres la regle d’or de Fermi, La section differentielle de diffusion estproportionnelle a la transformee de Fourier du potentiel diffuseur. Or, le potentiel (2.6) a justementla forme d’une convolution :

V (r) =∫

d3r′ ρ(r′)U(r− r′) U(r) = −Ze2

|r|(2.7)

et doncV (q) = U(q)ρ(q) (2.8)

En somme, la section differentielle a la forme suivante :

dσdΩ

=dσdΩ

∣∣∣∣ponc.

|ρ(q)|2 (2.9)

ou |ρ(q)|2 est appele facteur de forme, et contient l’information relative a la forme du noyau.

0 5 10 15 20

0.0001

0.001

0.01

0.1

1

qa

ρ(q)˜| |2

Figure 2.1. Facteur de forme associe au modele de la sphere dure, en echelle logarith-mique. Notons l’annulation quasi periodique, consequence de la forte oscillation presentedans ρ(q), attribuable a la discontinuite dans ρ(r).

Considerons, comme exemple, une distribution de charge uniforme (et normalisee) a l’interieurd’une sphere de rayon a :

ρ(r) =

( 43πa

3)−1 (r < a)0 (r > a)

(2.10)

On calcule sans trop de peine que

ρ(q) = 3sinx− x cosx

x3 (x = qa) (2.11)

Le facteur de forme associe est illustre a la figure 2.1. Il comporte de fortes oscillations en fonctionde q, en raison de la discontinuite dans la densite a r = a.

Une forme plus realiste de la densite nucleaire comporterait une transition plus douce entre lesregions de densite nulle et celles de densite non nulle. Un modele phenomenologique souvent utiliseutilise la forme dite de Saxon-Woods :

ρ(r) =ρ0

1 + e(r−a)/d (2.12)

Page 25: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.3. Masse des noyaux 25

Figure 2.2. Facteur de forme associe a la diffusion d’electrons de 450 MeV sur desnoyaux de 58

28Ni. Les points (avec barres d’erreur) sont les resultats experimentaux. Lacourbe pleine est le facteur de forme theorique associe au modele de densite illustre adroite, proche du modele de Saxon-Woods. Notons que le facteur de forme a ete mesuresur 11 ordres de grandeur! Tire de Sick et al., Phys. Rev. Lett. 35, 910 (1975).

ou a est encore le rayon de la distribution, mais ou la surface est floue, caracterisee par une epaisseurd. La figure 2.2 illustre (i) le facteur de forme obtenue experimentalement de la diffusion d’electronsde haute energie (450 MeV) sur des noyaux de 58

28Ni et (ii) le facteur de forme theorique associes aun modele proche de celui de Saxon-Woods (a droite sur la figure). Ceci demontre l’utilite reelledes experiences de diffusion dans la determination de la dimension des noyaux. Il se trouve que lataille des noyaux est assez bien representee par la valeur

a = (1.18A1/3 − 0.48)fm d = 0.55fm (2.13)

Le fait capital qui ressort de cette etude est que la densite nucleaire est a peu pres constante. Eneffet, le rayon du noyau se comporte comme la racine cubique du nombre de nucleons, sauf pourune correction qui est de moins en moins importante au fur et a mesure que A augmente. Donc,dans la limite ou A est grand, chaque nucleon occupe un volume a peu pres identique pour tousles noyaux.

2.3 Masse des noyaux

2.3.1 Les noyaux stables

On doit distinguer les noyaux stables, qui ne se desintegrent jamais, des noyaux instables. Cesderniers ont des vies moyennes variables, allant du milliard d’annees (comme 238

92U ou 23592U) jusqu’au

milliardieme de seconde. Il est bien-sur impossible de dire qu’un noyau est absolument stable : ilsuffit de dire qu’aucune desintegration de ce noyau n’a jamais ete observee. Les noyaux stables sontrepartis etroitement autour d’une courbe dans le plan Z −N , appelee courbe de stabilite, commeillustre a la figure 2.3. On note que cette courbe tend vers la droite Z = N pour les petites valeurs de

Page 26: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

26 2. Modeles elementaires du noyau

Z, mais s’en ecarte pour les Z plus eleves, et que le nombre de neutrons peut alors etre jusqu’a 50%plus eleve que le nombre de protons. L’un des problemes fondamentaux de la physique nucleaire estde comprendre justement pourquoi certains noyaux sont stables – en particlier pourquoi le long decette courbe – et de comprendre les differents mecanismes de desintegration des noyaux instables.

0 20 40 60 800

20

40

60

80

100

120

N

N

=Z

Z

Figure 2.3. Repartition des noyaux stables sur le plan Z −N .

2.3.2 Energie de liaison

Soit M(A,Z) la masse d’un noyau (et non d’un atome) de nombre de masse A et de numeroatomique Z. Si mp et mn designent respectivement la masse du proton et du neutron, alors ondefinit l’energie de liaison B(A,Z) comme

B(A,Z) = Zmp + (A− Z)mn −M(A,Z) (2.14)

(souvenons-nous que nous travaillons en unites naturelles et que c = 1). L’energie de liaison estl’energie qu’il faudrait fournir pour dissocier completement un noyau en ces constituants, protonset neutrons.

La figure 2.4 illustre l’energie de liaison par nucleon (B(A,Z)/A) en fonction de A, pour uneserie de noyaux representatifs. Cette quantite (B/A) est pertinente, car elle permet d’identifierles noyaux les plus stables, situes autour de A ∼ 60. En principe, il serait avantageux pour unnoyau plus lourd (A 60) de se scinder en fragments plus petits (de l’ordre de A ∼ 60), commeil serait avantageux pour des noyaux plus petits (A 60) de se fusionner en noyaux plus grands.Comme les noyaux illustres sont stables, aucun mecanisme naturel n’est a l’oeuvre pour effectuerces transformations, au moins dans l’environnement terrestre.

Page 27: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.3. Masse des noyaux 27

0 50 100 150 200 250nombre de masse A

4 He 56Fe12C 16O

éner

gie

de li

aiso

n pa

r nuc

léon

B(A

,Z)/A

Figure 2.4. Energie de liaison par nucleon, pour quelques noyaux representatifs, sur uneechelle allant de 0 a 10 MeV.

2.3.3 Modele de la goutte liquide et formule semi-empirique des masses

Dans les annees 1930, un modele phenomenologique fut propose pour comprendre commentl’energie de liaison des noyaux depend de Z et de A. Le fait que la densite nucleaire soit a peu presla meme pour tous les noyaux porte naturellement a comparer la matiere nucleaire a un liquideincompressible. La cohesion d’un liquide est due a des forces intermoleculaires de courte portee.Ces forces n’agissent efficacement que d’une molecule vers une molecule voisine et ne se transmet-tent pas “a travers” une molecule vers d’autres molecules plus eloignees. En consequence, chaquemolecule du volume de la goutte est liee a un nombre donne de molecules, c’est-a-dire ses voisinesimmediates, en nombre fixe si le liquide est incompressible. C’est donc dire que l’energie de liaisond’une goutte de liquide est en premiere approximation proportionnelle au nombre de moleculesqui la composent. Cependant, les molecules qui forment la surface de la goutte ont un nombrede voisines plus petit (environ la moitie) et donc on doit soustraire de l’energie de liaison unecontribution proportionnelle a la surface pour tenir compte de cet effet. On ecrirait donc l’energiede liaison de la goutte ainsi, si n est le nombre de molecules de la goutte :

B = αn− βn2/3 (2.15)

ou α et β sont des constantes, car n1/3 est proportionnel au rayon de la goutte et n2/3 a sa surface.

Par analogie, l’energie de liaison d’un noyau aurait la forme suivante en premiere approximation :

B(A,Z) = avA− asA2/3 (2.16)

Ces deux termes sont respectivement appeles terme de volume et terme de surface. On voit que,d’apres cette formule, le terme dominant de l’energie de liaison par nucleon B/A est une constante(av), ce qui est grosso modo conforme aux observations (fig. 2.4).

Cependant, comme les noyaux sont charges, l’energie de liaison doit aussi etre diminuee par l’energiepotentielle electrostatique. Par exemple, une sphere uniformement chargee de charge q et de rayon

Page 28: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

28 2. Modeles elementaires du noyau

a cree un champ electrique donne par

E =

qr

a3 (r < a)q

r2 (r > a)(2.17)

et l’energie emmagasinee dans ce champ dans tout l’espace est

U =18π

∫d3rE2 = 3

5q2

a(2.18)

De toute maniere, quelle que soit la distribution de charge a l’interieure de la sphere, cette energiedoit etre proportionnelle au carre de la charge et inversement proportionnelle au rayon de lasphere (ou a une taille caracteristique), ne serait-ce que pour des raisons dimensionnelles. Cetteenergie electrostatique est l’energie necessaire pour assembler la distribution de charge a partir deconstituants initialement infiniment eloignes. On ajoute donc un terme electrostatique a l’energiede liaison nucleaire, dit terme de Coulomb, proportionnel a la charge au carre (Z2) et inversementproportionnel au rayon (A1/3) du noyau :

B(A,Z) = avA− asA2/3 − ac

Z2

A1/3 (2.19)

Les trois contributions a l’energie de liaison que nous avons identifiees jusqu’ici proviennent toutesd’une forme ou l’autre d’energie potentielle. Or l’energie cinetique des constituants des nucleons vaaussi diminuer l’energie de liaison. Cette contribution doit etre evaluee en mecanique quantique.Le modele utilise a cette fin est celui d’un gaz de fermions degenere. Un calcul soigne, dans le cadrede ce modele, montre que l’energie de liaison doit etre diminuee encore d’un terme proportionnela (N −Z)2/A. On peut intuitivement comprendre le necessite de ce terme par l’argument suivant.En supposant qu’on puisse representer les etats quantiques d’un noyau comme ceux d’un atome,c’est-a-dire par un ensemble de niveaux d’energie occupes par des particules obeissant au principed’exclusion de Pauli, on arrive a la conclusion que, pour une valeur fixe de A, ce sont les noyauxqui ont N = Z qui ont la plus basse energie. En effet, les protons et les neutrons sont des fermionsde spin 1

2 qui obeissent au principe d’exclusion. On ne peut donc placer plus de deux protons (despins opposes) dans un meme niveau, ou plus de deux neutrons, mais les protons et les neutronsne s’excluent pas mutuellement. Un niveau d’energie donne peut donc contenir au plus 2 protonset 2 neutrons. Si un noyau contient trop de protons par rapport au nombre de neutrons, alors ledernier niveau occupe est plus eleve, en raison de l’accumulation des protons et de leur exclusionmutuelle dans les niveaux. La meme chose se dit des noyaux qui contiennent un nombre trop elevede neutrons. La modelisation quantitative de cette effet se fait dans le cadre d’un modele tressimple ou les nucleons sont traites comme des particules libres dans un volume restreint (celui dunoyau). L’energie de ce gaz de nucleons comporte deux termes (en supposant que N − Z n’estpas trop grand) : (i) un terme de volume proportionnel a A et qui s’ajoute au terme de volumedeja obtenu plus haut et (ii) une correction en (N − Z)2/A, qui definit ce qu’on appelle le termed’asymetrie.

Enfin, on ajoute un dernier terme a l’energie de liaison, lie a l’observation que cette energie esttoujours plus grande quand le nombre de protons ou le nombre de neutrons est pair. On note cettecontribution

δ(A,Z) = ap/A1/2 ou ap =

− 12 MeV (Z et N impairs, cas impair-impair)

0 (Z +N impair, cas pair-impair ou impair-pair)12 MeV (Z et N pairs, cas pair-pair)

(2.20)

Page 29: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.4. Le modele en couches des noyaux 29

50 100 150 200

2

4

6

8

10

12

14

16

A/) A,Z (B

A

terme devolume av

terme desurface as

terme deCoulomb ac

eirtémysaʼd emret aa

Énergie de liaison nette

Figure 2.5. Contribution de chaque terme dans la formule de Bethe-Weizsacker pourl’energie de liaison par nucleon. Les parametres utilises sont ceux de l’eq. (2.22), et lavaleur de Z choisie pour chaque valeur de A est celle qui maximise B/A.

On ecrit enfin une formule complete pour l’energie de liaison des noyaux, dite formule de Bethe-Weizsacker :

B(A,Z) = avA− asA2/3 − ac

Z2

A1/3 − aa(A− 2Z)2

A+ δ(A,Z) (2.21)

On l’appelle aussi la formule semi-empirique des masses nucleaires (car l’energie de liaisondetermine la masse des noyaux). Les parametres de cette formule empirique ont ete determines parun lissage sur les donnees observees :

av = 15.56 MeV as = 17.23 MeV ac = 0.697 MeV aa = 23.285 MeV (2.22)

et leur roles sont illustres a la figure 2.5.

Il est clair que la formule de Bethe-Weizsacker n’est pas derivee d’un modele fondamental du noyau.Elle n’est qu’une formule empirique qui repose sur un modele vaguement collectif du noyau, c’est-a-dire un modele ou les nucleons n’agissent pas de maniere quasi-independante, mais comme unensemble. Cette formule a le merite de faire ressortir certaines caracteristiques physiques impor-tantes mais simples du noyau et de bien representer les masses observees. La figure 2.6 demontrea quel point elle s’approche de la realite. Les deviations entre les energies de liaison observees et laformule de Bethe-Weizsacker sont l’un des arguments en faveur du modele en couches du noyau,etudie plus bas.

2.4 Le modele en couches des noyaux

2.4.1 La force nucleaire

Etant donne le succes de la mecanique quantique dans l’explication de la structure atomiqueet moleculaire, on pourrait s’attendre au meme succes dans l’etude de la structure des noyaux.Malheureusement, on ne connait pas bien la nature de la force nucleaire, contrairement a la force

Page 30: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

30 2. Modeles elementaires du noyau

Figure 2.6. Comparaison entre l’energie de liaison par nucleon decrite par la formulede Bethe-Weizsacker et les observations, pour les noyaux a A impair (ce qui permetd’exclure le terme d’appariement). Notons les deviations occasionnelles autour de cequ’on appelle les “nombres magiques”.

electromagnetique. On sait que (i) cette force est de courte portee et (ii) qu’elle comporte unecomposante attractive plus intense que la repulsion electrique, de sorte que les charges positives al’interieur du noyau forment une structure stable. Cependant, cette force nucleaire ne se manifestepas a de grandes echelles de longueur, contrairement a la force electrique, de sorte qu’elle estbeaucoup moins bien comprise. De plus, depuis les annees 1970, on accepte le fait que les nucleons nesont pas des particules elementaires, mais plutot qu’ils sont composes d’elements plus fondamentauxappeles quarks, et que la force nucleaire est en quelque sorte une force effective, derivee d’uneinteraction plus fondamentale. La situation est analogue a celle des forces interatomiques a courteportee qui lient des objets neutres entre eux, mais qui derivent fondamentalement de la forceelectrique. Il n’est d’ailleurs pas clair que cette force nucleaire peut se preter a une description nonrelativiste, en fonction d’un potentiel d’interaction qui ne depend que de la distance entre deuxnucleons.

Cependant, des signes existent qu’un modele des noyaux analogue au modele en couches utilise enphysique atomique possede un fond de verite. Expliquons d’abord en quoi consiste le modele encouches usuel.

2.4.2 Fondements du modele en couches dans les atomes

L’equation de Schrodinger pour un atome a plusieurs electrons n’admet pas de solution exacteconnue. On doit donc avoir recours a des methodes approximatives. La plus usitee consiste aremplacer l’energie potentielle mutuelle des electrons, qui depend des positions de tous les electronssimultanement, par une energie potentielle moyenne. Autrement dit, on suppose qu’un electrondonne se deplace dans le potentiel moyen cree par tous les autres electrons, plutot que dans lepotentiel instantane cree par les autres electrons dans une configuration precise de leurs positions.On se trouve alors a remplacer un probleme a N corps par un probleme a un corps. Cependant, lepotentiel moyen V (r) doit etre calcule en connaissant les fonctions d’ondes des autres electrons, car

Page 31: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.4. Le modele en couches des noyaux 31

on se doit de connaıtre la densite de charge qui en resulte afin de determiner V . On fait donc facea un probleme auto-coherent (on doit connaıtre V pour calculer les fonctions d’ondes, et on doitconnaıtre les fonctions d’onde pour calculer V ). Ce type de probleme se resout de maniere iterative.L’important est que, dans un probleme a un corps, les electrons sont effectivement independants,de sorte que les etats propres d’un systeme a plusieurs electrons sont simplement des produitstensoriels des etats a un electron. Autrement dit, il suffit de determiner les etats propres a unelectron, et les etats a plusieurs electrons sont obtenus en “remplissant des niveaux”, tout enveillant a respecter le principe d’exclusion de Pauli qui interdit l’occupation d’un etat par plusd’un electron (on doit considerer que l’orientation du spin est comprise dans la description d’unetat, de sorte que des orbitales identiques associees a des orientations de spin differentes definissentdes etats differents).

Comme le potentiel moyen ne depend que de la coordonnee radiale de l’electron, le momentcinetique de l’electron est conserve et les etats propres a un electron sont caracterises par unevaleur donnee de L2 et de Lz, soit par des nombres quantiques orbital l et magnetique m, en plusd’un nombre quantique principal n. Tous les etats associes a une meme valeur de n forment unecouche electronique. A l’interieur d’une couche, les etats associes a des valeurs differentes de l for-ment des sous-couches d’energies differentes. Les electrons peuplent des sous-couches electroniquessuccessives, en ordre croissant d’energie. Cette description est cependant trop simpliste, car elleneglige les effets importants de l’interaction spin-orbite, qui sera discutee plus bas dans le contextenucleaire.

2.4.3 Les nombres magiques

Le modele en couche des atomes predit qu’un atome est plus stable et son energie d’ionisation pluselevee si toutes les couches occupees sont remplies a pleine capacite. Des maximums dans l’energied’ionisation sont observes aux valeurs suivantes de Z :

2 (He), 10 (Ne), 18 (Ar), 36 (Kr), 54 (Xe), 80 (Hg), 86 (Rn) (2.23)

Ce sont tous des gaz rares, sauf le mercure. Les configurations electroniques correspondantes com-portent des sous-couches completement remplies. En particlier, les gaz rares correspondent a descouches s et p completement remplies.

Des nombres magiques sont aussi observes dans les noyaux, par exemple en observant l’energienecessaire pour faire passer le noyau a un etat excite, ou pour extraire un neutron. Ces nombresmagiques nucleaires sont differents des nombres magiques atomiques, et appartiennent a la listesuivante :

2, 8, 20, 28, 50, 82, 126 (2.24)

De plus, ils s’appliquent separement aux neutrons et aux protons, car ces deux especes ne sontpas identiques et le principe de Pauli qui regit le remplissage des couches ne s’applique qu’entreprotons ou entre neutrons. Un noyau qui comporte a la fois un nombre magique de protons et deneutrons est qualifie de “doublement magique”.

Les evidences experimentales appuyant l’existence des nombres magiques dans les noyaux sont lessuivantes :

1. L’energie de liaison montre des deviations par rapport a la formule de Bethe-Weizsacker quandN ou Z est magique.

2. L’energie de separation des protons a un maximum local aux nombres magiques; l’energie deseparation est l’energie requise pour enlever un proton au noyau. La meme remarque s’appliquea l’energie de separation des neutrons.

Page 32: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

32 2. Modeles elementaires du noyau

3. Les elements a Z magique possedent plus d’isotopes que la moyenne. De meme, les nuclides aN magique possedent plus d’isotones que la moyenne.

4. Les elements a Z magique ont une abondance plus grande que celle des elements voisins dansle tableau periodique.

5. Les nuclides a N magique ont une section d’absorption de neutrons plus petite que la normale.Autrement dit, ils ont une probabilite plus faible d’absorber un neutron qui passe.

6. Les premiers etats excites de spin-parite 2+ ont une energie d’excitation anormalement eleveesi Z ou N est magique.

2.4.4 Forme du potentiel nucleaire

Nous allons presenter un argument semi-quantitatif en faveur d’un potentiel nucleaire impliquantune interaction spin-orbite, en se basant sur les nombres magiques observes. Considerons a cet effetla figure 2.7.

A gauche, on indique la position des niveaux d’energie d’une particule dans un potentiel harmoniquetridimensionnel. Remarquons que les niveaux d’energie sont espaces de maniere uniforme. Chaqueniveau, sauf les deux premiers, comptent des etats de plusieurs valeurs differentes du nombrequantique orbital l : les etats a l pairs alternent avec les etats a l impair.1 On indique a cote dechaque niveau le nombre de protons (ou de neutrons) associe a un remplissage complet de ce niveauet des niveaux qui lui sont inferieurs, en comptant 2 particules par etat, en raison du spin- 1

2 desnucleons.

Au milieu, on indique les niveaux correspondant a un potentiel nucleaire realiste, different dupotentiel quadratique de l’oscillateur harmonique. Ce potentiel ressemble a celui de l’oscillateurharmonique, sauf qu’il est tronque a une valeur a du rayon, correspondant a la portee courte dupotentiel nucleaire moyen. L’effet de cette troncature est de diminuer l’energie de tous ls etats,a des degres variables. Plus la fonction d’onde s’etale sur les grandes valeurs de r, plus l’energieest diminuee. En particulier, plus l est eleve, plus le potentiel centrifuge est important et plus lafonction d’onde est deplacee vers l’exterieur, et donc plus l’energie du niveau est abaissee. Ceci acomme consequence immediate de lever la degenerescence des niveaux de l’oscillateur harmoniquetridimensionnel, comme indique sur la figure. On a ici aussi indique le nombre de nucleons d’uneespece donnee (proton ou neutron) associe a un remplissage complet d’un niveau et de ceux quilui sont inferieurs. Cependant, il y a maintenant des “sous-couches”.

Les nombres magiques doivent correspondre a des differences d’energie importantes entre desniveaux successifs, de sorte qu’il coute une energie anormalement elevee pour ajouter un nucleonde l’espece consideree au noyau. On voit que les trois premiers nombres magiques (2, 8 et 20) secomprennent facilement a la fois dans le potentiel harmonique comme dans le potentiel nucleairerealiste. Cependant, les nombres magiques plus eleves ne peuvent pas etre observes dans le potentielnucleaire realiste simple.

Ils peuvent cependant etre compris si on ajoute au potentiel realiste une interaction spin-orbite :on suppose que le potentiel nucleaire total a la forme

V (r) +W (r)L · S (2.25)

1 Nous verrons, dans un chapitre ulterieur, comment cette degenerescence est reliee a une symetrie plusgrande que la seule invariance par rotation, caracterisee par le groupe SU(3).

Page 33: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.4. Le modele en couches des noyaux 33

1j 198

1684s3d 1662g 156

1i 138

1123p2f 106

1h 92

703s2d 68

1g 58

40

20

28

50

82

126

8

2

2p

1f 34

20

8

2

2s

1d1p

1s

Potentielréaliste

Potentielréaliste et interaction

spin-orbite

4s1/22g7/21j15/22g9/2

3p1/23p3/2

1h9/2

1h11/23s1/2

1g7/2

1g9/21f5/2

1f7/2

2s1/2

1p1/21p3/2

1s1/2

Oscillateurharmonique

3d3/2

3d5/21i11/2

2f5/21i13/22f7/2

2d3/22d5/2

2p1/22p3/2

1d3/2

1d5/22

8

20

40

70

112

1684s, 3d, 2g, 1i

3p, 2f, 1h

3s, 2d, 1g

2p, 1f

2s, 1d

1p

1s

Figure 2.7. Schema des niveaux d’energie et des couches dans trois modeles : (I)l’oscillateur harmonique 3D, (II) un oscillateur harmonique tronque (modele realiste) et(III) le modele realiste additionne d’une interaction spin-orbite.

Comme explique dans l’annexe qui suit, ce potentiel prend des formes differentes selon la valeurdu moment cinetique total j du nucleon :

V (r) +W (r)L · S =

V (r) +

l

2W (r) (j = l + 1

2 )

V (r)− l + 12

W (r) (j = l − 12 )

(2.26)

Page 34: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

34 2. Modeles elementaires du noyau

En supposant queW (r) < 0, il cause un diminution supplementaire de l’energie des etats a j = l+ 12 ,

et une augmentation chez les etats a j = l− 12 . L’effet global est illustre sur la troisieme colonne de

la figure 2.7 : les niveaux a l donne sont separes en sous-niveaux a j et l donnes, et plus l est grand,plus la separation des sous-niveaux est grande. Ceci fait qu’un sous-niveau peut se rapprocher d’ungroupe de niveaux initialement eloigne, et changer du tout au tout les nombres magiques. C’estainsi qu’on retrouve les nombres magiques observes et indiques sur la figure.

2.5 Annexe : L’addition des moments cinetiques et l’interactionspin-orbite

Considerons une particule (par exemple un electron autour du noyau, ou encore un nucleon dansle potentiel nucleaire moyen) possedant un moment cinetique orbital L et un moment cinetiquede spin S. Ces deux moments cinetiques agissant dans des espaces differents, ils commutent :[La, Sb] = 0, ou a, b = x, y, z. Le moment cinetique total de la particule est la somme vectorielle

J = L + S (2.27)

Les composantes de J agissent dans l’espace global (orbital + spin), et obeissent aussi aux reglesde commutation generales du moment cinetique.

Si le hamiltonien commute avec toutes les composantes de L et de S, il est alors utile d’utiliser unebase des etats propres communs a L2, Lz, S

2 et Sz. Comme S2 est une constante pour une particuledonnee, sa valeur n’est pas necessaire pour specifier un etat, de sorte qu’on peut parametriser unetat par trois nombres quantiques : l, lz et sz. Cependant, dans certains cas, le hamiltonien decommute pas avec L et S separement, mais seulement avec le moment cinetique total J. Autrementdit, le moment cinetique de spin et le moment cinetique orbital ne sont pas separement conserves;seul le moment cinetique total l’est. C’est le cas notamment d’une interaction spin-orbite, c’est-a-dire d’un potentiel qui a la forme suivante :

W (r)L · S (2.28)

Dans ce cas, il est preferable d’utiliser une base des etats propres de J2 et de Jz. On remarquecependant que L2 et S2 commutent aussi avec J, et donc que les quatre operateurs

L2 S2 J2 Jz (2.29)

commutent mutuellement. On peut donc choisir une base dont les etats propres sont specifies parles nombres quantiques (l, s, j, jz) associes aux operateurs ci-dessus (dans le meme ordre).

On constate que

J2 = (L + S)2 = L2 + S2 + 2L · S =⇒ L · S =12(J2 − L2 − S2) (2.30)

et donc que les valeurs propres de l’operateur L · S sont

12

[j(j + 1)− l(l + 1)− s(s+ 1)] (2.31)

Il reste a voir quelles sont les valeurs possibles de j pour des valeurs donnees de l et de s. C’estle fameux probleme de la composition des moments cinetiques, que nous n’expliquerons pas ici endetail. Contentons-nous de donner le resultat principal : Les valeurs possibles de j vont de |l − s|a l + s, par pas entier, et un seul multiplet existe pour une valeur donnee de j (c’est-a-dire qu’il

Page 35: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.5. Annexe : L’addition des moments cinetiques et l’interaction spin-orbite 35

n’y a qu’une serie d’etats avec un j donne). En particulier, pour un spin 12 , les deux valeurs de j

possibles sont j = l − 12 et j = l + 1

2 , pourvu que l ≥ 1. Si l = 0, alors j ne peut prendre que lavaleur j = s. Resumons differemment : le nombre d’etats de spin 1

2 associes a un moment cinetiqueorbital l est 2(2l+1). Parallelement, le nombre d’etats associes a un moment cinetique j est 2j+1.Le nombre total d’etats associes a j = l − 1

2 et j = l + 12 est donc

[2(l − 12 ) + 1] + [2(l + 1

2 ) + 1] = [2l] + [2l + 2] = 4l + 2 = 2(2l + 1) (2.32)

soit exactement le meme nombre d’etats, comme il se doit.

L’operateur L · S peut prendre deux valeurs differentes, selon j :

L · S =

12[(l + 1

2 )(l +32 )− l(l + 1)− 3

4

]=l

2(j = l + 1

2 )

12[(l − 1

2 )(l +12 )− l(l + 1)− 3

4

]= − l + 1

2(j = l − 1

2 )(2.33)

Ainsi, les 2l + 2 etats associes a j = l + 12 ont une valeur positive de L · S et correspondent a des

valeurs de L et de S qui sont dans le meme sens. Par contre, les 2l etats associes a j = l − 12 ont

une valeur negative de L · S et correspondent a des valeurs de L et de S orientees dans des sensopposes.

Signalons enfin la notation utilisee pour specifier un etat de nombres quantiques l et j :

nLj

ou n est le nombre quantique principal (caracterisant la partie radiale de la fonction d’onde), L estla lettre associee au nombre quantique orbital (s, p, d, f, h, i, etc.) et j est le nombre quantique dumoment cinetique total. Par exemple, on ecrit1p1/2, 2d3/2, etc.

Problemes

Problme 2.1Si ρ(r) represente la densite de charge dans un noyau de numero atomique Z, alors le facteur de forme F (q2)est defini comme

F (q2) =1Ze

∫d3r e−iq·rρ(r)

On suppose ici que la densite ρ ne depend que de la distance au centre du noyau et non de la direction dansl’espace.

a) Montrez que

F (q2) =1Ze

4πq

∫ ∞

0dr rρ(r) sin qr

b) Montrez que

dF (q2)dq2

∣∣∣∣q2=0

= −16〈r2〉

ou 〈r2〉 represente la valeur moyenne de r2 dans la distribution de charge du noyau. Indice : un developpementlimite de resultat de (a) en puissances de q peut etre la voie a suivre, mais ce n’est pas la seule.

Page 36: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

36 2. Modeles elementaires du noyau

c) Calculez le facteur de forme dans le modele I :

ρ(r) =ρ0 (r ≤ a)0 (r > a)

et dans le modele II :ρ(r) =

ρ0

1 + exp(r−ad

)avec les parametres a = 7fm et d = 0.5fm (le parametre a s’applique aux deux modeles). Notez que ρ0 estajuste de maniere a ce que F (0) = 1. Faites le calcul analytiquement pour le modele I et numeriquement(avec Mathematica) pour le modele II. Faites un graphique de q2F (q2) en fonction de q dans l’intervalleq ∈ [0, 4]fm−1, pour les deux modeles (superposez les graphiques) et commentez sur la difference entre lesdeux modeles.

Problme 2.2Le muon est une particule elementaire, cousin massif de l’electron avec les memes proprietes que celui-ci, saufpour sa masse (105.7 MeV) et le fait qu’il soit instable (vie moyenne dans le vide de 2.197µs). Les muonssont un produit secondaire des rayons cosmiques, et peuvent etre egalement produits copieusement par desfaisceaux de protons incidents sur la matiere.Un muon qui penetre dans un materiau sera ralenti par ses collisions successives avec les electrons et finirasouvent, avant meme de se desintegrer, par etre capture par un atome. Il tombe alors dans une orbite, commel’electron, sauf qu’il n’est pas exclu des orbitales basses par le principe de Pauli (n’etant pas identique al’electron) et que le rayon de son orbite (c’est-a-dire la dimension de son orbitale) est beaucoup plus petiten raison de sa plus grande masse. On utilise couramment ces atomes “muoniques” pour determiner plusprecisement la taille et la forme des noyaux.

a) Quel est le rayon caracteristique (l’equivalent du rayon de Bohr pour l’atome d’hydrogene) de l’orbitale 2s

du muon en presence d’un noyau de 126C ? Exprimez votre reponse en fm. Supposez que le noyau est ponctuel.

b) Quelle est l’energie de liaison de cet etat 2s, en eV?

Si le noyau n’est plus ponctuel, mais de rayon a, avec une distribution de charge uniforme, l’energie de cet etat2s est legerement modifiee. La theorie des perturbations stationnaires dicte que le changement d’energie d’unetat |ψ〉 attribuable a une perturbation V est ∆E = 〈ψ|V |ψ〉. Dans le cas qui nous occupe, la perturbationV est la difference entre le potentiel d’une charge ponctuelle et celui d’une distribution de charge uniformedans une sphere de rayon a :

V (r) = −Ze2∫

d3r′ρ0

|r− r′|− 1r

ou l’integrale est prise dans la sphere de rayon a et ρ−1

0 = 43πa

3. Cette perturbation, naturellement, s’annulesi r > a, car le champ electrique en dehors d’une sphere uniformement charge est le meme que celui d’unecharge ponctuelle.

c) Calculez le deplacement du niveau d’energie de l’etat 2s du muon du au caractere etendu de la distributionde charge du noyau. Vous pouvez supposer que a est beaucoup plus petit que le rayon de Bohr du muon,de sorte que la fonction d’onde du muon est pratiquement constante a l’interieur de la sphere. Vous pouvezutiliser une connaissance prealable du rayon de Bohr et de la forme explicite de la fonction d’onde de l’etat2s. Il est en fait pratique de faire ce calcul en fonction des transformees de Fourier et d’utiliser le resultat desnotes pour le facteur de forme associe a la distribution de charge. Exprimez votre reponse en fonction de Z,e, a et mµ (la masse du muon). Reponse partielle : pour 12

6C et a = 2.75 fm, le deplacement est d’environ 42eV.

Page 37: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

2.5. Annexe : L’addition des moments cinetiques et l’interaction spin-orbite 37

Problme 2.3La plupart des termes qui sont motives par le modele de la goutte liquide sont des termes d’energie potentielle.Il faut aussi tenir compte de l’energie cinetique, qui donne naissance au terme d’asymetrie. Pour cela, nousadoptons ici le modele du gaz de Fermi, qui traite les nucleons comme des particules libres dans un volumerestreint egal au volume du noyau, soit V = 4

3πr30A, ou r0 est le “rayon” d’un nucleon. Les neutrons et les

protons obeissent separement au principe de Pauli, mais pas ensemble, et ont chacun un spin 12 . Le modele

s’applique strictement au cas ou N et Z sont grands. Pour les fins du probleme, on negligera la difference demasse entre proton et neutron.

a) Montrer que l’energie de Fermi dans un gaz de N neutrons, soit l’energie du dernier neutron ajoute augaz, est

EF =1

2mr20

(9πN4A

)2/3

Que vaut cette energie numeriquement, si r0 = 1.2 fm et N = A/2?

b) Montrez que l’energie cinetique totale du gaz de nucleons (protons et neutrons) est

E = 35 (NEF (n) + ZEF (p))

ou EF (n) est l’energie de Fermi du gaz de neutrons et EF (p) celle du gaz de protons.

c) En posant ε = N − Z, montrez que l’energie cinetique totale du gaz de nucleons est approximativement(pour ε petit)

E(A) =35EFA+

13EF

ε2

A

Ceci justifie le terme d’asymetrie (le permier terme ci-haut contribue au terme de volume de la formulesemi-empirique).

Problme 2.4Jouons avec la formule de Bethe-Weizsacker.a) A l’aide des coefficients de cette formule donnes dans les notes et en ne considerant que les noyaux aA impair, tracez un graphique sur le plan Z − N sur lequel on retrouve (i) la courbe de stabilite, (ii) lacourbe d’emission de protons (proton drip line) et (iii) la courbe d’emission de neutrons (neutron drip line).Rappelons que la courbe de stabilite est fixee par la valeur de Z qui, pour un A donne, maximise l’energie deliaison. La courbe d’emission de protons est le lieu geometrique dans le plan Z −N ou l’emission d’un protonest tout juste favorable energetiquement, et pareillement pour la courbe d’emission de neutrons. UtilisezMathematica pour faire les calculs et les graphiques. La fonction Mathematica FindRoot sera utile poursolutionner numeriquement les conditions energetiques requises.

b) Toujours avec les meme outils informatiques, trouver la valeur de Z sur la courbe de stabilite a partir delaquelle l’emission d’une particule alpha est energetiquement favorable. L’energie de liaison de la particulealpha est de 28.3 MeV.

Page 38: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 3

Instabilites nucleaires

3.1 Processus alpha, beta et gamma

On sait depuis le tout debut du XXe siecle que les substances radioactives emettent trois typesde particules (ou rayons, comme on les appelait a l’epoque) : alpha, beta et gamma. Les rayonsalpha sont des noyaux d’helium (4

2He), les rayons beta sont des electrons et les rayons gammasont des photons de haute energie. Ces trois types de rayonnement sont associes a trois types dedesintegrations tres differents, impliquant trois interactions fondamentales distinctes.

239

82U

24924Pu

0+

0+2+4+6+

α 4,983 MeV 74%4,938 26%4,835 0,11%4,676 1,5x10−3%

4307,2 keV148,4

44,9 0

4+

4+

3+

2+

2+

0+

6,01 MeV5,244,244,12

1,37

(28%)

(72%)

21

42Mg

γ

γ

γ

(a) (b)

Figure 3.1. (a) diagramme de transition entre differents etats d’un nuclide, par emissiongamma. On indique le spin et la parite de chaque etat. (b) La meme chose, pour uneemission alpha.

3.1.1 Emission gamma

L’emission d’un rayon gamma par un noyau est comparable en principe a celle d’un photon par unatome dans un etat excite. Cette emission n’entraıne aucun changement dans la composition dunoyau, mais seulement en changement dans son etat. Le modele en couche explique cette emissioncomme le fruit de la desexcitation d’un nucleon d’une couche superieure vers une couche inferieure.Independamment du modele utilise pour decrire le noyau, il s’agit en fait d’un passage du noyau

Page 39: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

3.1. Processus alpha, beta et gamma 39

d’un etat excite, souvent indique par un asterisque (AZSy∗), vers l’etat fondamental du noyau, ouvers un autre etat excite, d’energie plus basse :

AZSy∗ → A

ZSy + γ

Cependant, comme c’est un photon qui est emis, le processus de transition est necessairement gou-verne par l’interaction electromagnetique, meme si les etats initial et final du noyau sont determinesen majeure partie par l’interaction forte. Les vies moyennes associes a ces processus peuvent varierenormement, en fonction de l’energie du photon emis et du spin de l’etat excite. La figure 3.1a il-lustre un diagramme de transition entre differents etats d’un noyau de 24

12Mg. Chaque etat nucleaireest caracterise par une energie, une valeur du moment cinetique total du noyau et une parite (+ou −).1 Plusieurs transitions gamma possibles sont indiquees.

3.1.2 Emission beta

La forme elementaire d’emission beta est la desintegration du neutron libre :

n→ p+ e− + νe (τ = 886 s) (3.1)

Il s’agit d’une desintegration a trois corps. Le neutrino, cependant, est difficilement detectable.L’hypothese de son existence a ete formulee par Pauli (1930) afin d’expliquer l’apparente nonconservation de l’energie, de la quantite de mouvement et du moment cinetique dans l’emissionbeta si on admet qu’il n’y a que deux particules dans l’etat final. Ce processus est gouverne parl’interaction faible. Les vies moyennes relativement longues (par rapport a l’emission gamma)s’expliquent justement par la faiblesse de l’interaction.

La desintegration du neutron est un processus impliquant 4 particules : le neutron, le proton,l’electron et le neutrino. Un processus equivalent peut se produire lors d’une reaction, par exemple

p+ e− ↔ n+ νe

Nous verrons plus tard comment la plupart des particules elementaires peuvent aussi exister sousla forme d’une antiparticule, ayant les memes proprietes que la particule en ce qui a trait a la masseet aux interactions, sauf pour l’inversion de la charge electrique (ou des autres “charges” relieesaux interactions fondamentales). Ainsi, l’anti-electron est appele positron et note e+. Le neutrinoνe possede aussi une antiparticule, notee νe. Une regle fondamentale de la theorie des particuleselementaires stipule que lorsqu’une particule participe a un processus dans un etat initial, un autreprocessus est possible dans lequel l’antiparticule existe dans l’etat final, ou vice-versa. Ainsi, lareaction n+ νe → p+ e− correspond a la desintegration n→ p+ e− + νe, ou le neutrino initial estdevenu un antineutrino dans l’etat final. De meme, ce pourrait etre l’electron qui change de roleet on pourrait en principe observer la desintegration du proton

p→ n+ e+ + νe (3.2)

sauf, evidemment, que la masse du neutron est plus elevee que celle du proton et donc ce processusest impossible par conservation de l’energie.

Cependant, le bilan energetique peut etre different dans un noyau. L’emission beta peut alorsprendre trois formes :

1 Rappelons que la parite d’un etat est son comportement, pair ou impair, face a une inversion des coor-donnees.

Page 40: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

40 3. Instabilites nucleaires

1. L’emission par le noyau d’un electron et d’un antineutrino, accomagnee de la conversion d’unneutron en proton :

(A,Z) → (A,Z − 1) + e− + νe emission β− (3.3)

2. L’emission par le noyau d’un positron et d’un neutrino, accompagnee de la conversion d’unproton en neutron :

(A,Z) → (A,Z + 1) + e+ + νe emission β+ (3.4)

3. La capture, par un proton du noyau, d’un electron atomique dans un etat s, suivi de leurconversion en neutron et neutrino :

(A,Z) + e− → (A,Z − 1) + νe capture d’electron (EC) (3.5)

On designe par la lettre Q l’energie cinetique disponible dans l’etat final, soit la difference entreles masses des constituants initiaux et les constituants finaux. Il faut bien sur que Q > 0 pour quele processus se realise. En clair,

Qβ− = M(A,Z)−M(A,Z + 1)−me

Qβ+ = M(A,Z)−M(A,Z − 1)−me

QEC = M(A,Z)−M(A,Z − 1) +me

(3.6)

Il peut etre utile d’exprimer ces conditions non pas en fonction des masses nucleaires M(A,Z),mais des masses atomiques

M(A,Z) = M(A,Z) + Zme (3.7)

ou nous avons ajoute les masses des Z electrons de l’atome. Nous avons neglige ici l’energie deliaison des atomes, de l’ordre de quelques eV, tres petite en comparaison de l’energie de liaisonnucleaire. En fonction des masses atomiques, les valeurs de Q deviennent

Qβ− = M(A,Z)−M(A,Z + 1)

Qβ+ = M(A,Z)−M(A,Z − 1)− 2me

QEC = M(A,Z)−M(A,Z − 1)

(3.8)

L’emission beta, lorsqu’elle est energetiquement possible, va se produire inevitablement. Ce pro-cessus change Z sans affecter A, et permet typiquement a des nuclides eloignes de la courbe destabilite de s’en rapprocher.

De plus, l’emission beta est generalement suivie d’un emission gamma. Les noyaux produits parl’emission beta ne sont pas dans leur etat fondamental, et emettent un ou plusieurs photons avantd’y acceder. Les deux processus (beta et gamma) sont donc etroitement lies en pratique.

Page 41: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

3.1. Processus alpha, beta et gamma 41

3.1.3 Emission alpha

L’emission alpha est un processus d’ejection d’un noyau d’helium par un noyau instable. Ce pro-cessus est gouverne par l’interaction forte, principalement, quoique l’interaction electrique joue unrole important, comme nous allons le voir. L’emission alpha est en principe possible si Qα > 0, ou

Qα = M(A,Z)−M(A− 4, Z − 2)−M(4, 2) (3.9)

Un calcul rapide base sur la formule de Bethe-Weizsacker montre que le bilan energetique estfavorable a l’emission alpha le long de la courbe de stabilite si A > 150 environ. Cependant, dansle domaine A ≥ 144, seuls 7 emetteurs alpha existent parmis les nuclides “naturels”.

En fait, le plus frappant dans l’ensemble des emissions alpha possibles est la variation des viesmoyennes d’un processus a l’autre. Le plus lent des processus observes est

23290Th → 228

88Ra + α (τ = 2.03× 1010 y) (3.10)

alors que le plus rapide est

21284Po → 208

82Pb + α (τ = 4.3× 10−7 s) (3.11)

22 ordres de grandeurs separent ces deux vies moyennes. Nous verrons que cette diversite de viesmoyennes se comprend par une theorie de l’emission alpha basee sur l’effet tunnel.

La figure La figure 3.1b illustre un diagramme de transitions alpha entre le 24294Pu et le 238

93U. Lesdifferentes emissions correspondent a des etats differents du nuclide 238

93U, et sont suivies, saufpour la plus energetique, par une emission gamma. Les differentes energies des particules alphaimpliquees sont indiquees, ainsi que les rapports d’embranchements, c’est-a-dire les probabilitesrelatives de transition.

41 42 43 44 45 46 47

93995

94000

94005

40 41 42 43 44 45 46 4793060

93065

93070

93075

93080

)Ve

M( euqimota essa

m

Z Z

EC,β +EC,β +

EC,β +

EC,β +

EC

β –

β –

β –

β –

β –β –

EC,β +

EC,β +

Figure 3.2. A Gauche : Diagramme de masse atomique des nuclides associe a A = 101.A droite : la meme chose, pour les nuclides associes a A = 100.

Page 42: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

42 3. Instabilites nucleaires

3.2 Sequences radioactives

3.2.1 Stabilite des nuclides par emission beta

Considerons la partie gauche de la figure 3.2. Elle indique les masses atomiques des isobares aA = 101. Les cercles noirs sont obtenus de la formule de Bethe-Weizsacker (BW), alors que lescercles vides sont les valeurs reelles. En raison de la dependance quadratique en Z de l’energie deliaison dans la formule de Bethe-Weizsacker, les cercles noirs tombent sur une parabole. Le nuclideayant la plus petite masse atomique est le 101

44Ru. Tous les nuclides situes a sa gauche peuvent seconvertir en 101

44Ru par emissions β− successives, et tous les nuclides situes a droite peuvent subir lememe sort par captures electroniques successives, car les conditions Q > 0 sont toujours satisfaitesd’apres l’eq. (3.8), a la fois pour les valeurs predites par la formule de Bethe-Weizsacker et pour lesvaleurs reelles des masses atomiques. De plus, tous les nuclides situes a droite (Z > 44) peuvent seconvertir par emissions β+ successives, d’apres les valeurs donnees par la formule semi-empirique.En realite, l’emission β+ n’est pas energetiquement possible entre Z = 45 et z = 44, mais la captureelectronique l’est. Conclusion : le seul nuclide stable est le 101

44Ru. En general, la meme conclusions’applique a tous les isobares a A impair, en raison de l’absence du terme d’appariement :

Il n’y a au plus qu’un seul isobare stable pour les valeurs impaires de A.

Cette regle est verifiee par l’observation. Le “au plus” est ajoute pour laisser la porte ouverte ad’autres formes d’instabilite, par emission alpha par exemple.

Considerons maintenant la partie droite de la figure 3.2. Elle indique maintenant les masses atom-iques des isobares a A = 100. Les masses atomiques tirees de la formule de Bethe-Weizsacker sontsituees sur deux paraboles, en alternance, en raison du terme d’appariement qui distingue les nu-clides pair-pair des nuclides impair-impair. Cette alternance fait que la chaıne de desintegrationsbeta peut etre interrompue par une condition energetique defavorable, et donc que plus d’un iso-bare stable peuvent coexister. En fait, la formule de Bethe-Weizsacker nous pousse a emettre leshypotheses suivantes :

1. Il n’y a pas de nuclide impair-impair stable.

2. Les nuclides pair-pair peuvent avoir plus d’un isobare stable.

La deuxieme hypothese est vraie. La premiere est presque vraie : les exceptions sont rares. Parmisles nuclides legers, quatre nuclides impair-impair stables existent : 1

1H, 63Li, 10

5 B et 147 N. Seule-

ment deux autres nuclides impair-impair sont stables : 5023V et 180

73Ta; en fait, la desintegration estenergetiquement possible dans ces deux cas, mais les taux de transitions sont trop petits pour etreobserves.

3.2.2 Sequences d’emission alpha et beta

L’emission alpha, lorsqu’elle est possible, diminue A par 4 et Z par deux. Dans le plan Z −N , elle procede par sauts de (∆Z,∆N) = (−2,−2). Typiquement, l’emission alpha d’un nuclidelourd donnera naissance a une sequence radioactive, tel qu’illustre a la figure 3.3. Dans une tellesequence, emissions alpha et beta se succedent afin de ramener les produits le plus pres possible dela courbe de stabilite. Bien entendu, toutes ces transmutations sont ponctuees d’emissions gamma(non indiquees) car les noyaux produits ne sont pas toujours dans leur etat fondamental. Si unetelle sequence est observee aujourd’hui, c’est que le debut de cette sequence est un processusextremement lent, avec une vie moyenne excedant le milliard d’annees. En supposant que desnuclides tres massifs aient un jour existe, ils seraient disparus de longue date par emission alpha,dans une sequence radioactive qui aurait trouve son goulot d’etranglement dans une transitionparticulierement lente, comme la desintegration du 238

92U. Comme l’emission alpha change A par

Page 43: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

3.2. Sequences radioactives 43

Q

ab

α τ(MeV)

U4,27

Th Pa U

Th

Ra

Rn

Po

Pb Bi Po

,

,

,

,

,

( ) ,( ) ,

92238

90234

91234

92234

90230

88226

86222

84218

82214

83214

84214

4 86

4 77

4 87

5 59

611

5 627 83

Tl Pb Bi Po

Pb

81210

82210

83210

84210

82206

5 41,

(a) (b)

6.45×109 a

3.53×105 a

1.12×105 a

2 310 a

5.51 j

4.40 m

94 j237 µs

200 j

Figure 3.3. Sequence radioactive issue de 23892U.

4, on pourrait s’attendre a 4 sequences distinctes. En fait, trois sont observees, car une emissionalpha particulierement lente les empeche de se vider dans un temps comparable a l’age du systemesolaire. Les points de depart et les aboutissements de ces trois sequences sont :

23892U → 206

82Pb 23592U → 207

82Pb 23290Th → 208

82Pb (3.12)

3.2.3 Equilibre seculaire

Le caracteristique fondamentale d’une telle sequence est la lenteur de la premiere emission alpha :sa vie moyenne excede le milliard d’annees. Tous les autres processus sont beaucoup plus rapides,allant de 300 000 ans a 10−4 s. Meme si certains processus de la sequence sont extremement rapides,on peut en observer tous les chaınons, car ils sont constamment alimentes par la desintegrationdes elements superieurs de la sequence. Ainsi, meme si le 226

86Ra a une vie moyenne de 2 300 ansseulement, on en retrouve encore dans les mineraux d’uranium, en faible concentration cependant.

Voyons comment les populations des differents nuclides de la sequence sont reliees. Numerotonsles nuclides d’une sequence de 1 jusqu’a n, et soit N1, N2, etc. les populations des differentsnuclides dans un echantillon naturel. Pour simplifier, supposons que chaque nuclide se desintegrevers le suivant, selon un seul canal (ou chemin) de desintegration. Si on note ω1, ω2, etc les tauxde desintegration, les populations des differents nuclides sont gouvernees par le systeme suivant

Page 44: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

44 3. Instabilites nucleaires

d’equations differentielles :dN1

dt= −ω1N1

dN2

dt= −ω2N2 + ω1N1

dN1

dt= −ω3N3 + ω2N2

· · ·

(3.13)

On peut representer ce systeme en notation matricielle, comme suit :

dNdt

= WN ou N =

N1N2N3...

et W =

−ω1 0 0 0 · · ·ω1 −ω2 0 0 · · ·0 ω2 −ω3 0 · · ·0 0 ω3 −ω4 · · ·...

......

.... . .

(3.14)

La solution generale a un tel systeme d’equations est de la forme

N(t) =∑a

Na(0)eλat (3.15)

ou les valeurs propres de la matrice W sont notees λa (a = 1, 2, 3, . . .). Comme la matrice W estnulle au-dessus de sa diagonale, ses valeurs propres sont justement ses elements diagonaux. On adonc

N(t) =∑a

Na(0)e−ωat (3.16)

On suppose maintenant que ω1 ωa (a > 1), c’est-a-dire que la premiere desintegration dela sequence est beaucoup plus lente que toutes les autres. Comme le temps initial remonte a laformation meme des elements (lors d’une explosion de supernova), on peut negliger tous les facteurse−ωat sauf le premier, et ne rechercher que la premiere de ces solutions, soit celle qui decroıt dansle temps comme e−ω1t. Cette solution est telle qu’on peut remplacer, dans le systeme d’equations,toutes les derivees temporelles par −ω1 et on obtient l’equation du vecteur propre associe a lavaleur propre −ω1 :

−ω1N1 = −ω1N1

−ω1N2 = −ω2N2 + ω1N1

−ω1N3 = −ω3N3 + ω2N2

· · ·

(3.17)

En negligeant maintenant ω1 devant ω2, ω3, etc., on trouve la condition

ω1N1 = ω2N2 = ω3N3 = · · · (3.18)

qui caracterise un equilibre seculaire des populations, c’est-a-dire des valeurs presque constantes,en fait variant tres lentement dans le temps. Ainsi, la population d’un nuclide dans un echantillonnaturel (qu’on peut supposer avoir ete compose exclusivement du nuclide initial de la sequencedans un passe lointain) est inversement proportionnelle a son taux de desintegration.

Page 45: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

3.3. Theorie de l’emission alpha 45

3.3 Theorie de l’emission alpha

3.3.1 Mecanisme de l’emission alpha

La caracteristique la plus frappante de l’emission alpha est la grande variation dans les taux dedesintegration observes, comme mentionne plus haut. Ceci mene a l’hypothese que l’emission alphaest le resultat d’un effet tunnel, car il est bien connu que le taux de penetration d’une barriere pareffet tunnel depend de maniere tres sensible de la hauteur de de la largeur de la barriere.

R rb

V (r)

E

ppnn

α

Figure 3.4. Formation d’une particule alpha dans un noyau et diagramme energetiquecontrolant son emission par effet tunnel.

On peut comprendre l’emission alpha a peu pres de cette maniere. Considerons deux protonset deux neutrons du noyau, dans la couche occupee la plus elevee. Si ces quatre nucleons for-maient, a l’interieur du noyau, une particule alpha, l’energie de liaison gagnee par ce processus(28.3 MeV) pourrait propulser la particule vers une energie superieure a zero a l’interieur du noyau(voir fig. 3.4).2 Cependant, cette particule ne peut pas s’echapper du noyau, car le potentiel V (r)qu’elle subit, domine par l’interaction forte, comporte tout-de-meme une barriere electrostatiqueconsiderable. Cette barriere, bien-sur, peut empecher une particule alpha provenant de l’exterieurde penetrer dans le noyau, comme dans l’experience de Rutherford. Mais elle joue aussi le roleinverse. Classiquement, la particule alpha est donc prisonniere du noyau. Lord Kelvin, au debutdu siecle, avait emis l’hypothese que la radioactivite, en particulier l’emission de particules alpha,etait un phenomene d’activation thermique, par lequel certaines parties de l’atome (c’est-a-diredu noyau) etaient ejectees par-dessus une barriere de potentiel. Rutherford a clairement demontrela faussete de cette interpretation, en remarquant que l’energie des particules alpha emises parles sources courantes etait trop faible pour penetrer a l’interieur des noyaux (car celles-ci etaientdiffusees par la repulsion coulombienne). Elle n’avaient donc pas l’energie necessaire pour traversercette barriere de potentiel. C’est donc par effet tunnel qu’elles doivent s’echapper.

2 Plus precisement, on peut affirmer que la fonction d’onde des quatre nucleons (ppnn) dans le noyaucomporte une projection non nulle vers la fonction d’onde de l’etat fondamental du noyau d’helium. Il n’ya donc pas “formation” de particule alpha, mais la particule alpha est toujours presente, avec une certaineamplitude de probabilite.

Page 46: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

46 3. Instabilites nucleaires

3.3.2 Calcul elementaire du taux de desintegration

L’effet tunnel est le plus souvent etudie dans le contexte d’un probleme simple : celui d’une barrierede potentiel en une dimension. Considerons donc une telle barriere, de largeur ` et de hauteur V0.Supposons que cette barriere s’etend de x = 0 a x = ` et considerons une particule dans un etatd’onde plane d’energie cinetique E, incidente sur la barriere en provenance de la gauche. Dans lestrois regions de l’espace, la fonction d’onde de cette particule a les formes suivantes :

ψ(x) =

eikx +Ae−ikx (x < 0)Be−qx + Ceqx (0 < x < `)Deikx (x > `)

k =√

2mE , q =√

2m(V − E) (3.19)

La probabilite que la particule franchisse la barriere est T = |D|2 et porte le nom de coefficient detransmission. Les constantes A,B,C,D sont determinees en imposant la continuite de la fonctiond’onde et de sa derivee a x = 0 et x = `. On montre que

T = |D|2 =

1 +(k2 + q2)2

8q2k2 [cosh(2q`)− 1]−1

≈(

4qkk2 + q2

)2

e−2q` si (eq` 1) (3.20)

Essentiellement, si le coefficient de transmission est petit, c’est qu’il decroıt exponentiellement avecla largeur de la barriere et avec q =

√2m(V0 − E).

La situation presente n’est pas tout-a-fait equivalente, car la particule alpha a l’interieur du noyaun’est pas dans un etat d’onde plane en provenance d’un point eloigne. Un traitement elementaire etintuitif de la probabilite d’emission suppose que la particule alpha fait des aller-retour a l’interieurdu noyau, a une frequence v/2R, ou v est sa vitesse, et qu’a chaque fois qu’elle frappe la paroielle tente une percee par effet tunnel, reussie avec une probabilite T . Pour une barriere de formequelconque (et non simplement carree), le coefficient de transmission aurait la forme suivante :

T ∼ e−G ou G = 2∫ b

R

dr√

2m(V (r)− E) (3.21)

ou r = R et r = b sont les bornes de la barriere de potentiel (voir fig. 3.4), soit les points ou levecteur d’onde de la particule alpha redevient reel. Cette expression est l’extension naturelle ducoefficient de transmission d’une barriere carree, ou q` est remplace par une integrale

∫dr q(r)

et q(r) =√

2m(V (r)− E). Bref, on peut presumer que la probabilite d’emission aura la formesuivante :

ω =v

2RD0 exp

(−2∫ b

R

dr√

2m(V (r)− E))

(3.22)

ou D0 est un nombre sans dimensions dependant de k et de la forme du potentiel, mais dont lavaleur est de l’ordre de l’unite, en tout cas pas tres differente de cet ordre de grandeur.

3.3.3 Traitement plus rigoureux de la barriere spherique

Le traitement elementaire de l’emission alpha donne ci-haut est certainement insatisfaisant pourles esprits epris de rigueur. En voici donc un autre, plus rigoureux. On suppose que la particulealpha est dans un etat quasi-stationnaire, c’est-a-dire que sa fonction d’onde a la forme suivante :

ψ(r, t) = ψ(r)e−iEt (3.23)

ou E est l’energie de l’etat. Cependant, a la difference d’un etat stationnaire ordinaire, cetteenergie comporte une petite partie imaginaire : E = E0 − iω/2. Ainsi, l’evolution temporelle de

Page 47: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

3.3. Theorie de l’emission alpha 47

l’etat est reellement e−iE0te−ωt/2, et la probabilite que la particule reste a l’interieur d’un rayondonne decroıt comme le carre de la fonction d’onde, soit comme e−ωt. On peut donc identifier ω autaux de desintegration de la particule.

Supposons que l’etat quasi-stationnaire est un etat s, donc independant des angles en coordonneesspheriques. Pour simplifier le probleme, supposons que la barriere de potentiel s’annule exactementpour une valeur suffisamment grande de r, de sorte que la forme de la fonction d’onde dans cetteregion est celle d’une onde sortante :

ψ(r) = Ceikr

r(3.24)

Le courant de probabilite associe a cette forme est

J =1m

Im(ψ∗∂ψ

∂r

)r ≈ k

m

|C|2

r2 r (3.25)

Le flux de ce courant de probabilite a travers une sphere de rayon r est precisement la probabilitepar unite de temps que la particule s’echappe a l’infini, et est precisement

ω =4πkm|C|2 (3.26)

La perte de probabilite de presence a l’interieur de la barriere spherique est directement reliee auflux sortant de probabilite, a l’exterieur de la barriere. En pratique, il est plus simple de calculerla partie imaginaire de l’energie que de calculer C. C’est ce qui est fait dans le probleme 3.1. Ceprobleme est conseille a tous ceux qui desirent approfondir le sujet. On y traite d’une barrierespherique de hauteur V0 et de largeur `, situee entre r = R et r = R + `. On montre que le tauxd’emission est

ω =v

2R

(4kq

k2 + q2

)2qR

1 + qRe−2q` (3.27)

ou v = k/m et k et q sont definis comme plus haut, dans l’exemple de la barriere unidimensionnelle.Ce resultat suppose cependant que e−2q` 1.

3.3.4 Relation entre l’energie et le taux d’emission

Appliquons la relation (3.22) au cas specifique d’une barriere coulombienne autour d’un noyau denumero atomique Z :

G = 2∫ b

R

dr√

2m(V (r)− E)

= 4√mZe2

∫ b

R

√(1r− 1b

)dr

= 4√mZe2b

(cos−1

√R

b−√R

b− R2

b2

) (3.28)

Supposons maintenant que R b, ce qui est raisonable etant donne la petitesse de R en com-paraison de la distance d’approche d’une particule alpha de E = 1MeV. On peut alors poser quecos−1

√R/b ≈ π/2 et que R/b (R/b)2. De plus, l’energie cinetique de la particule alpha a l’infini

est egale a son energie potentielle au point d’emergence b de la barriere : Q = 2Ze2/b. En exprimantb en fonction de l’energie de la particule alpha, on trouve donc

G ≈ 2πZe2√

2mQ

− 4√mRZe2 (3.29)

Page 48: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

48 3. Instabilites nucleaires

et

ω =v

2Rexp−

(−2πZe2

√2mQ

+ 4√mRZe2

)(3.30)

En fonction du logarithme, on ecrit

lnω = lnv

2R− 4

√mRZe2 + 2πZe2

√2mQ

(3.31)

Nous avons jusqu’ici neglige le recul du noyau. Pour en tenir compte, nous devons passer duprobleme a un corps au probleme a deux corps, en remplacant la masse m de la particule alpha parla masse reduite µ = mM/(m + M), ou M est la masse du noyau. L’essentiel est cependant quele logarithme du taux d’emission varie comme Q−1/2. Ceci est a peu pres confirme par l’experienceet tend a confirmer la theorie de l’emission alpha par effet tunnel.

Effet de la barriere de moment cinetiqueIl arrive que le noyau produit par l’emission alpha n’ait pas le meme spin que le noyau initial.Comme la particule alpha a un spin nul, ceci implique necessairement que le moment cinetiqueorbital entre la particule alpha emise et le noyau produit est non nul. Le potentiel ressenti parla particule alpha dans un etat de moment cinetique orbital l n’est plus simplement le potentielelectrostatique, mais comporte aussi un potentiel centrifuge L2/2mr2 :

V (r) =l(l + 1)2mr2 +

2Z2e2

r(3.32)

Ceci contribue a augmenter la vie moyenne (diminuer le taux d’emission) dans ce cas.

Problemes

Problme 3.1Dans ce probleme, nous cherchons a calculer le taux de desintegration d’un etat quasi-stationnaire formed’une particule prisonniere d’un puits de potentiel spherique simple. On considere une particule de masse mdans un potentiel spherique ayant la forme suivante :

V (r) =

0 (r < R)V0 (R < r < R+ `)0 (r > R+ `)

Autrement dit, la particule est confinee par une barriere spherique de hauteur V0 et d’epaisseur `.On pose ici que la fonction d’onde de la particule se factorise comme

ψ(r, t) = ψ(r)e−iEt

ou E = E0 − iω/2 et on considere un etat s, de sorte que ψ(r) ne depend que de la coordonnee radiale r. Onpeut supposer que ω E0. On definit aussi, comme c’est habituellement le cas dans les problemes spheriques,u(r) = rψ(r).

a) Etablissez les equations differentielles obeies par u dans les trois regions d’interet : (i) r < R, (ii) R < r <

R+ `, (iii) r > R+ `. Exprimez vos solutions en fonction de

k =√

2mE et q =√

2m(V0 − E)

Page 49: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

3.3. Theorie de l’emission alpha 49

b) En appliquant les conditions de continuite approrpiees a r = R et r = R + `, montrez qu’une solution al’equation de Schrodinger n’est possible que si la contrainte suivante est respectee :

tan(kR) +k

q= e−2q`

(tan(kR)− k

q

)q + ik

q − ik

c) Supposons maintenant que `→∞, de sorte que la particule est prisonniere a jamais du puits, c’est-a-direque ω = 0. Quelle est la valeur minimum de V0 afin qu’il y ait au moins un etat lie dans le puits? Que sont ket E0 a cette valeur de V0?

d) Supposons maintenant que V0 est assez grand pour qu’au moins un etat lie existe dans le puits. Supposons

maintenant que ` est fini, mais que e−2q` est tout-de-meme tres petit. En posant que k0 est la valeur de kassociee a un etat stationnaire dans la limite e−2q` → 0 et que, en dehors de cette limite, on puisse poserk = k0 + δk ou δk k0, montrez que le taux de desintegration est

ω =v

2R

(4kq

k2 + q2

)2 qR

1 + qRe−2q`

ou v est la vitesse de la particule dans le puits.

Page 50: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 4

Reactions nucleaires

4.1 Modele du noyau compose

N. Bohr est a l’origine non seulement du modele de la goutte liquide, mais aussi d’une idee quilui est etroitement reliee : le noyau compose. L’idee de base est qu’un projectile qui entre encollision avec un noyau forme avec celui-ci un noyau compose, qui a une existence propre pendantun bref laps de temps avant de se desintegrer. Plus precisement, les nucleons du noyau cible secomportent de maniere collective face au projectile – comme dans le modele de la goutte liquide– et les interactions du projectile se font avec l’ensemble du noyau et non avec un nucleon enparticulier dans le noyau. Il existe plusieurs canaux de desintegration, qui peuvent etre en principeautant de canaux de formation du noyau compose. L’important est que le noyau compose n’a pasla memoire de la maniere dont il a ete forme, de sorte qu’il se desintegre selon les differents canauxdans des proportions (les rapports d’embranchement) qui sont les memes quelle que soit le canalde formation du noyau (voir Fig. 4.1).

p + n + Cuα + Ni6028

6229

n + n + Zn6230p + Cu63

29

n + Zn6330

Zn6430

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

Figure 4.1. Exemple d’application du modele du noyau compose. Les 3 canaux dedesintegration du 64

30Zn (numerotes de 3 a 5) ont des rapports d’embranchement sontles memes quel que soit le canal de formation (1 ou 2). De plus, cette relation a eteobservee pour chaque energie incidente (Goshal, 1950).

La validite du modele du noyau compose n’est pas universelle, mais est corroboree dans un tresgrand nombre de cas. Les exceptions sont appelees reaction directes et correspondent a la situation

Page 51: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

4.2. Fission induite 51

ou le projectile interagit directement avec l’un des nucleons (presumement a la surface du noyau)sans affecter l’ensemble des nucleons.

4.2 Fission induite

L’une des reactions nucleaires les plus importantes en pratique est l’absorption d’un neutron parun noyau, suivi de la fission de ce noyau en fragments. C’est la fission induite. Cette reactionlibere une quantite d’energie importante (variable selon la nature precise des fragments) en plusde liberer des neutrons (generalement 2 ou 3). Ces neutrons secondaires peuvent a leur tour reagiravec d’autres noyaux, induire une fission et liberer d’autres neutrons, etc. Il s’ensuit une reactionen chaıne qui peut soit s’attenuer, devenir explosive, ou etre controlee.

La fission peut aussi se produire spontanement, mais c’est un processus tres rare. En principe,ce processus est energetiquement permis, mais il necessite une deformation transitoire du noyaucouteuse en energie de surface. Il y a donc une barriere de potentiel a franchir – la barriere de fission– ce qui peut se faire par effet tunnel, mais entraıne d’ordinaire des temps caracteristiques treslongs. Par exemple, la fission spontanee du 238

92U est 1.6 × 108 fois plus rare que sa desintegrationalpha, qui pourtant ne se produit qu’avec une vie moyenne de 6.45 milliards d’annees.

La capture d’un neutron par un noyau produit un etat excite qui peut grandement accelerer lepassage de la barriere de fission. Les nuclides qui peuvent subir une fission par absorption d’unneutron lent sont qualifies de fissiles. 235

92U et 23994Pu sont les nuclides fissiles par excellence. Ils

possedent un nombre impair de neutrons et pair de protons, de sorte que l’absorption d’un neutronsupplementaire mene a un etat excite d’un noyau pair-pair. Comme les noyaux pair-pair sontplus lies que les autres, l’energie de cet etat excite, par rapport a celle de l’etat fondamental, estparticulierement elevee, et cette energie peut etre suffisante pour faire franchir au noyau la barrierede fission.

La fission induite est cependant en concurrence avec d’autres processus, en particulier l’absorptionradiative, par laquelle le noyau excite emet un rayon gamma plutot que de se fissioner. La possibilited’une reaction en chaıne de fission depend de l’importance relative de l’absorption radiative et dela fission, ce qui depend de la composition isotopique du milieu et de l’energie des neutrons. Lafigure 4.2 illustre la probabilite d’absoprtion d’un neutron dans un micron d’uranium naturel (cetteprobabilite est proportionnelle a la section efficace et a la densite de l’uranium), pour les processusdecrits par

1. A92 U(n,γ) : capture d’un neutron par le A

92 U, suivie d’une emission gamma (A = 235 ou 238).

2. A92 U(n,f) : capture d’un neutron par le A

92 U, suivie d’une fission (A = 235 ou 238).

On notera les caracteristiques suivantes de ces courbes :

1. La capture radiative est tres importante entre 5 eV et 1 keV et comporte un tres grand nombrede resonances, associees aux etats excites des noyaux. Cependant, la capture radiative parl’U238 mene a la formation de plutonium, aussi une substance fissile, par la sequence suivante :

23892U + n −→ 239

92U + γ

23992U

34m−→ 23993Np + e− + νe

23993Np

81j−→ 23994Pu + e− + νe

(4.1)

2. La fission induite de l’U238 possede un seuil eleve (environ 1 MeV), mais devient apres cela leprocessus le plus probable.

Page 52: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

52 4. Reactions nucleaires

Figure 4.2. Probabilite d’absorption d’un neutron dans un micron d’uranium naturel(compose a 99.3% de 238

92U et de 0.7% de 23592U) menant soit a la fission ou a l’absorption

radiative. Notez l’echelle logarithmique des deux axes.

3. La fission induite de l’U235 est le processus dominant dans l’uranium naturel (et a fortiori dansl’uranium enrichi) pour des neutrons de basse energie (< 500 meV). Notez que la temperatureambiente (293 K) est indiquee sur l’echelle.

Pourquoi la section de capture des neutrons augmente-t-elle autant a basse energie? Remarquonsd’abord l’evidence : le neutron ne fait pas face a une barriere de Coulomb et son absorption parle noyau est relativement directe, voire geometrique. En fait, etant donne l’intensite de la forcenucleaire et sa courte portee, la section efficace pourrait etre purement geometrique. Cependant,ce raisonnement classique sous-estime la section efficace. La taille du neutron a considerer est plutotdonne par sa longueur d’onde de de Broglie, et la section geometrique associee est

πλ2 = π

(2πp

)2

=2.5× 109

Tn(eV)fm2 (4.2)

ou p est la quantite de mouvement du neutron et Tn son energie cinetique. La section efficaceobservee est une fraction de cette section geometrique, mais la section geometrique se comportecomme l’inverse de l’energie cinetique, ce qui la rend tres importante aux basses energies.

Page 53: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

4.2. Fission induite 53

4.2.1 Reaction en chaıne

La fission d’un noyau entraıne l’ejection, parmi les fragments plus massifs, de deux ou trois neutronssecondaires : en moyenne 2.47 pour l’U235 et 2.89 pour Pu239. Appelons k le nombre moyen deneutrons secondaires qui causent aussi une fission induite. Bien-sur, k n’est pas egal a 2 ou 3,car en general des neutrons s’echappent du materiau, ou encore leur capture ne mene pas a unefission, mais a un emission gamma. Si k est superieur a l’unite cependant, une reaction en chaınese produit. On dit que la reaction est critique si k = 1, sur-critique si k > 1 et sous-critique sik < 1.

Les neutrons secondaires possedent au depart une energie comprise entre 0.1 et 1 MeV. Dans del’U235 pur ou dans le l’uranium suffisamment enrichi (∼ 20% d’U235), le sort le plus probable deces neutrons est la capture par un noyau d’U235, suivie d’une autre fission. Il est donc possibled’obtenir un k > 1 dans ce cas, si la geometrie de l’echantillon le permet. En clair, il faut assemblerune masse critique d’U235, afin que les neutrons secondaires aient une probabilite suffisante d’etreabsorbes avant de s’echapper de l’echantillon. Les bombes atomiques sont basees sur ce principe.

Dans l’uranium naturel, ou insuffisamment enrichi, les neutrons secondaires subiront preferablementune capture radiative par l’U238 et la reaction s’arretera. Afin de maintenir la reaction en chaınedans un reacteur nucleaire, il faut donc ralentir les neutrons a l’aide d’un moderateur. Unmoderateur est un materiau qui fait subir des collisions elastiques aux neutrons, donc sans lesabsorber. Plus le nuclide moderateur est leger, plus grande est la part de l’energie du neutron quilui est cedee a chaque collision: on montre sans peine que lors d’une collision elastique, le neutronperd en moyenne une fraction 2A/(1+A)2 de son energie cinetique. Le neutron finit par etre ther-malise, c’est-a-dire que son energie cinetique est decrite par la distribution de Maxwell-Boltzmann,a la temperature ambiante (∼ 300K). Les moderateurs les plus utilises sont le carbone (sous formede graphite) et l’eau lourde (D2O, ou D symbolise le deuterium, dont le noyau est le deuteron 2

1H).

4.2.2 Les reacteurs nucleaires

Un reacteur nucleaire est un dispositif de conversion d’energie nucleaire en chaleur, base sur unereaction en chaıne controlee. Il s’agit en fait d’une machine thermique, qui alimente une turbine agaz, sauf pour le fait que la source de chaleur est une reaction de fission controlee plutot qu’unereaction de combustion ordinaire. La fission d’un noyau d’U235 peut produire environ 200 MeVd’energie cinetique pour les produits, soit environ 107 fois ce que produit une reaction chimiquetypique. Plus precisement, un gramme de matiere fissile produit 7× 1010 J, alors qu’un gramme decharbon produit, par combustion, 3.3× 104 J. On distingue les elements suivants d’un reacteur :

1. Le combustible : il contient un materiau fissile, mais en faible pourcentage. Par exemple :l’uranium naturel (0.7% d’U235), l’uranium enrichi (jusqu’a 3%) ou meme un melange contenantdu thorium ou du plutonium.

2. Le moderateur : du graphite, de l’eau lourde, ou meme de l’eau ordinaire.

3. Le caloporteur : le fluide qui circule entre le reacteur pour en evacuer la chaleur. Dans la plupartdes cas, ce fluide circule dans un circuit primaire, et un echange thermique a lieu avec un autrefluide (de l’eau, typiquement) qui circule dans un circuit secondaire et qui est transformee envapeur au contact de l’echangeur de chaleur. C’est cette vapeur qui alimente la turbine a gazqui fournit le travail mecanique et genere la puissance electrique. Certains types de reacteursne comportent qu’un circuit : c’est le caloporteur qui alimente directement la turbine dans cescas. Le gaz est alors recycle : condense et recircule dans le reacteur.

4. Le controleur : le materiau qui sert a controler la criticalite de la reaction en chaıne. Typiquementdes barres de cadmium ou de bore qu’on peut mecaniquement introduire dans le reacteur afind’absorber des neutrons.

Page 54: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

54 4. Reactions nucleaires

De plus, comme un reacteur est une machine thermique, son fonctionnement requiert un reservoirchaud (le reacteur lui-meme) et un reservoir froid, fourni par un circuit de refroidissement alimentetypiquement par un cours d’eau situe a proximite.

Il existe plusieurs technologies nucleaires ou filieres, qui different notamment par le type de com-bustible utilise, le moderateur et le caloporteur. Le tableau 4.1 resume les caracteristiques prin-cipales de chacune des filieres. Elles ont chacune leurs avantages et inconvenients, a la fois tech-niques et economiques. Les reacteurs fonctionnement a l’uranium naturel ont l’avantage de dimin-uer les couts en combustible, mais aussi de contourner les difficiles technologies d’enrichissementde l’uranium (avantage notable pour les pays qui n’ont pas acces a ces technologies). Par con-tre, la filiere CANDU, la seule encore en fonction qui utilise l’uranium naturel, requiert de l’eaulourde comme moderateur et caloporteur, et la separation isotopique de l’hydrogene, meme si elleest moins couteuse que celle de l’uranium, est toute de meme dispendieuse. L’utilisation de l’eaulourde (plutot que l’eau ordinaire) comme caloporteur dans de CANDU est necessaire car la plusfaible concentration en matiere fissile demande un caloporteur qui absorbe tres peu les neutrons.

La filiere la plus repandue dans le monde est celle du reacteur a eau sous pression (REP) qui formele gros de la puissance nucleaire francaise et une bonne partie de la puissance americaine. La Franceet la Belgique sont les pays ou la fraction de la puissance electrique d’origine nucleaire est la pluselevee (environ 70%).

Tableau 4.1 Liste abregee des principales filieres nucleaires.

Filiere combustible moderateur caloporteur remarque

UNGG U naturel graphite gaz Royaume-Uni, France.Abandonne depuis1969.

eau lourde U naturel D2O D2O sous pres-sion

CANDU (CANadaDeuterium Uranium)

REP U enrichi 3% eau eau sous pression France, USA. 50%de la puissance mon-diale installee.

BWR U enrichi eau eau & vapeur USA, Suede, Alle-magne, Japon

HTR U enrichi + thorium graphite helium (1 circuit) experimental (USA,Allemagne)

RBMK U enrichi 1.8% graphite eau (1 circuit) 45% de l’ex URSS,dont Tchernobyl

Stabilite du reacteurUn reacteur nucleaire doit etre concu de sorte que le facteur de multiplication k soit controlableet stable. Les barres de controle en cadmium ou en bore sont essentielles, mais insuffisantes :l’insertion mecanique requiert un temps de l’ordre de la seconde, alors que l’echelle de tempscaracteristique de la reaction en chaıne est de l’ordre de la milliseconde. Une reaction surcritique par1% seulement (k = 1.01) pourrait doubler un intensite en 30 ms et la situation serait catastrophique.La situation est sauvee par l’emission retardee de neutrons : parmi les produits de la fission,plusieurs sont des emetteurs beta avec des vies moyennes de plusieurs secondes, et les produitssecondaires de ces emetteurs peuvent emettre des neutrons. Ces neutrons contribuent au bilan

Page 55: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

4.3. Nucleogenese 55

general des neutrons, mais ont un effet temporisateur en raison du temps caracteristique plus longqui gouverne leur emission. Ces neutrons retardes representent 0.7% des neutrons dans un reacteura l’uranium, mais permettent de garder le reacteur sous controle si k n’excede pas l’unite de plusd’un millieme, environ. D’autre part, il faut concevoir le reacteur de maniere a ce que le gradient dek en temperature soit negatif (dk/dT < 0), de sorte qu’un emballement du reacteur provoque unediminution de k. La filiere RBMK, dont le reacteur de Tchernobyl, avait au contraire un dk/dTpositif; mais la situation a semble-t-il ete corrigee apres l’accident de 1986.

4.3 Nucleogenese

L’univers foisonne de reacteurs nucleaires, car les etoiles ne sont autre chose que des machinesnucleaires controlees par la pression gravitationnelle. Nous allons brievement decrire les principalesreactions qui ont lieu dans les etoiles, en commencant par les reactions qui ont forme la plus grandepartie de l’helium existant, bien avant que les etoiles ou les galaxies soient formees.

4.3.1 Nucleogenese primordiale

Nous ne decrirons pas en detail ici la theorie du big bang, selon laquelle l’univers connu est le fruitd’une expansion qui a commence il y a 13.7 milliards d’annees. Dans son evolution, le rayon del’univers a augmente en meme temps que diminuait sa densite et sa temperature. Environ 225 sapres le big bang, l’univers est constitue principalement de protons, de neutrons, d’electrons, deneutrinos et de photons. Les neutrons existent non seulement parce que leur vie moyenne est pluslongue (∼ 900s), mais aussi parce que leur desintegration par emission beta est compensee par leprocessus inverse, egalement probable a cette temperature.

A partir de ce moment, la reaction suivante est en rupture d’equilibre :

n + p → d + γ + 2.22 MeV (4.3)

Ceci signifie que la reaction de photodesintegration du deuteron (c’est-a-dire la reaction inverse)s’effectue moins rapidement que la reaction directe, de sorte que le deuteron vit assez longtempspour etre implique dans les reactions suivantes :

p + d → 32He + γ + 5.49 MeV

n + d → t + γ + 6.26 MeV(4.4)

ou t symbolise le tritium (31H), un isotope d’hydrogene avec une vie moyenne d’envrion 18 ans.

Comme ces deux reactions sont plus exothermiques que la premiere, les reactions inverses (pho-todesintegration) sont moins probables. Une fois cette etape franchie, les reactions suivantes ontlieu :

t + p → α+ γ + 19.81 MeV32He + n → α+ γ + 20.58 MeV

t + d → α+ n + 17.59 MeVd + d → α+ γ + 23.85 MeV

(4.5)

De l’helium est alors forme, et les modeles cosmologiques prevoient que la quasi-totalite de l’heliumexistant dans l’univers (soit environ 24%) provient de cette nucleogenese primordiale.

Apres 30 minutes d’existence, ces reactions cessent : la temperature et la densite ont trop diminuepour les soutenir. Les reactions nucleaires ne reprendront qu’une fois les etoiles formees, un milliond’annees plus tard. . .

Page 56: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

56 4. Reactions nucleaires

Notons qu’apres environ un million d’annees, la temperature de l’univers sera suffisamment bassepour que les atomes se forment. Les photons, qui sont environ un milliard de fois plus nombreuxque les electrons, se decouplent en majeure partie de la matiere et subissent un decalage vers lerouge, en fait vers les micro-ondes qui constituent le rayonnement fossile observable aujourd’hui.

4.3.2 Le cycle du proton

Une fois les etoiles formees, d’autres reactions nucleaires se produisent au coeur des etoiles, la oula densite et la temperature sont suffisantes. La condensation du plasma stellaire, causee par lagravite, est freinee par la pression de degenerescence electronique, provenant du principe d’exclusionde Pauli : toute reduction du volume dans lequel evoluent les electrons cause une augmentation del’energie du gaz d’electrons, comme dans la matiere condensee. Si la masse de l’etoile est superieurea 0.1M (M est la masse du soleil), alors la temperature du coeur peut atteindre 107K et lacombustion de l’hydrogene peut commencer.1 L’effet net de cette combustion est :

4p + 2e− → α+ 2νe + 26.7 MeV (4.6)

Dans le detail, ceci est produit par les quatre reactions suivantes :

p + p → d + e+ + νe + 0.42 MeV (a)p + d → 3

2He + γ + 5.49 MeV (b)32He + 3

2He → p + p + α+ 12.86 MeV (c)e+ + e− → 2γ + 1.02 MeV (d)

(4.7)

La reaction (a) est causee par l’interaction faible. Sa section efficace est infime, de l’ordre de10−21 fm2. C’est donc cette reaction qui controle la vitesse de toutes les autres. On montre quela vie moyenne d’un proton dans cet environnement est de 1010 annees. C’est la lenteur de cettereaction qui fait que les etoiles ne sont pas des bombes thermonucleaires et que leur combustionest suffisamment lente, entre autres, pour permettre a la vie d’apparaıtre et d’evoluer sur Terre.

Les reactions catalytiquesLa production d’helium a partir de protons peut aussi se faire dans deux cycles de reactions quicomportent un catalyseur, c’est-a-dire un nuclide qui participe a la chaıne de reaction, mais quiest produit en quantite egale a la quantite consommee. Il s’agit de la chaıne catalysee a l’helium,et de la chaıne CNO (carbone-azote-oxygene). Voir Williams pour plus de details.

4.3.3 Combustion de l’helium

Lorsque la combustion d’hydrogene s’acheve par epuisement du combustible, le destin de l’etoiledepend de sa masse. Se celle-ci est inferieure a 0.25M, l’etoile s’eteint progressivement et devientune naine blanche. Sinon, la contraction gravitationnelle, qui etait contenue par la pression derayonnement resultant de la combustion de l’hydrogene, peut parvenir a augmenter la temperaturejusqu’a 108 K au coeur de l’etoile.2 A ce stade, la combustion de l’helium commence. L’effet netest le suivant :

3α→ 126C + 7.27 MeV (4.8)

1 On emploie librement le mot “combustion” dans ce contexte, mais il s’agit bien sur de reaction nucleairesans aucun rapport avec la combustion chimique.2 La densite est fixee par la temperature, via l’equation d’etat de l’etoile.

Page 57: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

4.3. Nucleogenese 57

Les reactions separees sont les suivantes :

α+ α→ 84Be− 0.09 MeV

α+ 84Be → 12

6C + 2γ + 7.37 MeV(4.9)

La premiere de ces reactions est endothermique et le 84Be est tres instable, avec une vie moyenne

de 10−16s. Fort heureusement, la deuxieme reaction possede une section efficace considerable enraison de la presence d’une resonance a 287 keV d’energie relative. Sans cette resonance, la suite desreactions ne pourrait avoir lieu et l’univers serait encore compose d’elements legers; la vie ne seraitpas apparue. Le soleil n’a pas encore atteint ce stade de combustion : il devrait l’atteindre dansenviron 5 milliards d’annees. Les etoiles plus massives franchissent cette etape plus rapidement.

4.3.4 Combustion du carbone et de l’oxygene

Une fois terminee la combustion de l’helium, un autre processus s’ensuit apres contraction etaugmentation de la temperature si M > 4M : la combustion du carbone, qui necessite unetemperature de l’ordre de 6×108 K. La temperature requise est plus elevee, parce que les reactionsimpliquees doivent vaincre des barrieres coulombiennes de plus en plus elevees au fur et a mesureque les noyaux participants sont plus gros. Les reactions particulieres sont :

126C + 12

6C → 2010Ne + α+ 4.62 MeV

→ 2311Na + p + 2.24 MeV

→ 2312Mg + n− 2.61 MeV

→ 2412Mg + γ + 13.93 MeV

→ 168O + 2α− 0.114 MeV

(4.10)

Lorsque la temperature atteint 2× 109 K, un cycle de combustion de l’oxygene se produit :

168O + 16

8O → 2412Mg + 2α− 0.393 MeV

→ 2814Si + α+ 9.59 MeV

→ 3115P + p + 7.68 MeV

→ 3116S + n + 1.46 MeV

→ 3216S + γ + 16.54 MeV

(4.11)

4.3.5 Combustion du silicium et au-dela

Une temperature encore plus grande pourrait en principe favoriser la combustion d’elements commele silicium selon un schema similaire a celui du carbone ou de l’oxygene. Mais une temperatureplus elevee favorise aussi une photodesintegration (endothermique) du silicium :

γ + 2814Si → 27

13Al + p− 11.58 MeV γ + 2814Si → 24

12Mg + α− 9.98 MeV (4.12)

Cette photodesintegration permet aux noyaux deja present de capturer les protons et particulesalpha ainsi produites et de construire peu a peu des noyaux plus lourds. Ce processus se poursuitjusqu’a l’obtention des noyaux les plus stables, autour du fer. On appelle ce processus la combustiondu silicium.

Les elements plus lourds que le fer sont formes par capture progressive de neutrons. Ces processusne sont pas energetiquement favorables, mais possible a haute temperature. Ces captures sont

Page 58: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

58 4. Reactions nucleaires

suivies d’une emission beta, qui ramene les nuclides vers la courbe de stabilite. On distingue deuxchaınes de processus :

1. le processus lent : le taux de capture de neutrons (ωn) est inferieur au taux d’emission beta(ωn ωβ). Dans ce cas, les nuclides produits se rapprochent de la courbe de stabilite avantd’absorber d’autres neutrons, et l’evolution se produit essentiellement le long de la courbe destabilite. La source de neutrons pour ce processus n’est pas encore clairement elucidee.

2. Le processus rapide : dans le cas contraire (ωn ωβ), la capture de neutrons est rapide et lesnuclides evoluent vers des valeurs elevee de A un peu au-dessous de cette courbe. La source deneutrons pour ce processus est probablement l’explosion d’une supernova. Il est possible doncque les elements plus lourds que le fer ne soient formes que lors de l’explosion de supernovas.Le systeme solaire serait alors un systeme de deuxieme generation, fruit de la condensation desreste d’une etoile primitive, plus lourde, qui aurait explose il y a environ 6 milliards d’annees.

4.3.6 La fusion nucleaire sur Terre

La reaction de fusion est possible sur Terre, mais pas sous la forme du cycle proton-proton, qui estbeaucoup trop lent en raison de la reaction (4.7a). Les bombes thermonucleaires (ou “bombes H”)sont basees sur les deux reactions suivantes :

d + t → α+ n + 17.6 MeV63Li + n → α+ t + 4.79 MeV

(4.13)

Le deuterium et le tritium sont donc des elements essentiels (combustible) de ces engins de de-struction. Ils entrent sous la forme des composes chimiques LiD et LiT. La chaleur necessaire pourinitier la reaction (pour vaincre la barriere de coulomb) est fournie par une explosion atomiqueordinaire qui fait office de detonateur et qui produit une quantite enorme de rayons X. Cet effetest amplifie en entourant le combustible de matiere plastique qui emet des rayons X suite a sa de-struction par le detonateur atomique. C’est le schema dit de Teller-Ulam. La puissance des bombesH est illimitee. La plus puissante jamais testee (par les sovietiques) faisait 58 megatonnes de TNTequivalent, soit 4 000 fois la puissance de la bombe d’Hiroshima.

La fusion controlee est un domaine de recherche tres actif (et tres couteux). Plusieurs pays met-tent maintenant leurs ressources en commun afin de realiser un plasma controle, confine dans untokamak, qui pourrait peut-etre produire plus d’energie qu’il en consomme; c’est le projet ITER.

Problemes

Problme 4.1Imaginons un savant fou cherchant a assembler une masse critique de matiere fissile de maniere a provoquerune reaction en chaıne explosive (eh oui, une arme de destruction massive). Il est certain que cette masseminimale doit etre assemblee en forme de sphere, car c’est la forme qui minimise la surface en rapport avecle volume, et que les neutrons secondaires qui s’echappent par la surface ne peuvent plus contribuer a lareaction en chaıne. Considerons une sphere de rayon R et possedant une densite ρ de matiere fissile (nombrede noyaux fissiles par unite de volume). On note la section efficace d’absorption des neutrons par ces noyaux (aune energie qui est celle des noyaux secondaires) par σ. On appelle ξ le nombre moyen de neutrons secondairesemis a chaque fission (entre 2 et 3) et λ le rapport d’embranchement de la fission sur la capture radiativesuite a l’absorption d’un neutron.

Page 59: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

4.3. Nucleogenese 59

a) Montrez que la probabilite qu’un neutron s’echappe de la sphere s’il est emis a une distance r du centreest

f(r,R) =12

∫ 1

−1dz exp

[−ρσ(rz +

√z2r2 +R2 − r2)

]Calculez cette integrale dans les cas limites suivants : (i) r = 0 et (ii) r = R. Le resultat est-il raisonnabledans ces cas?

b) Demontrez une condition approximative (en vous servant de la fonction f(r,R) sans l’expliciter) qui puissenous aider a determiner le rayon critique Rc de la sphere.

Problme 4.2La reaction la plus lente du cycle proton-proton a l’interieur du soleil est

p+ p→ d+ e+ + νe + 0.42 MeV

ou d represente le deuteron.

a) Demontrez que le taux de la reaction (le nombre de reactions par unite de temps et de volume) est

R = n2〈σv〉, ou n est la densite (nombre par unite de volume) des protons, v leur vitesse relative et σla section efficace de la reaction. La notation 〈· · ·〉 designe une valeur moyenne sur les differents protons.Demontrez aussi que la vie moyenne d’un proton dans cet environnement, c’est-a-dire le temps moyen avantque le proton ne participe a la reaction, est τ = (n〈σv〉)−1.

b) Adoptons un modele naıf de cette reaction. Supposons que les deux protons doivent surmonter classique-ment la barriere de potentiel electrostatique qui les separe avant de pouvoir reagir. Supposons donc que lerayon d’un proton est de a = 1 fm, qu’en deca de cette distance la barriere ne joue plus mais que l’interactionforte est en jeu. Calculez l’energie de seuil E0 (en keV) de cette reaction dans le referentiel du centre de masseet la temperature associee.

c) Supposons que la section efficace soit nulle si l’energie est inferieure au seuil E0, et egale a la section

geometrique proton-proton (4πa2) si E > E0. Supposons aussi que l’energie des protons est repartie selonla distribution de Boltzmann. Supposons enfin que la temperature du plasma est celle qu’on suppose existerau coeur du soleil, soit T = 1.6× 107 K. Demontrez que dans un tel modele, la vie moyenne d’un proton estimpossiblement longue, incompatible avec une evolution stellaire se produisant sur une echelle de milliardsd’annees. La densite au coeur du soleil est approximativement de 105kg/m3.

d) Supposons, a l’oppose, que la barriere electrostatique n’est pas franchie classiquement, mais par effettunnel. Expliquez pourquoi nous sommes justifies de poser comme hypothese que la section efficace a la formesuivante en fonction de la vitesse relative des protons :

σ = σ0 exp−2πe2

v

e) Sachant que la vie moyenne d’un proton dans le soleil est de 1010 annees et que la temperature est celle

donnee ci-haut, estimez la valeur correspondante de σ0. Reponse : 2.5× 10−21 fm2.Note : les calculs necessaires dans ce probleme sont bien evidemment des ordres de grandeurs. Inutile deconserver 4 chiffres apres la virgule partout! Les facteurs de conversion necessaires se trouvent dans plusieurslivres, en particulier au debut du Particle Physics booklet.

Page 60: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

60 4. Reactions nucleaires

Problme 4.3La chaıne de reactions de fusion qui se produisent au coeur du Soleil peut se resumer par la reaction nette

4p→ 42He + 2e+ + 2νe + 26.72 MeV

La luminosite du Soleil est de 3.83×1026W. On suppose que 2% de l’energie emise par le soleil est indetectable(c’est-a-dire sous forme de neutrinos).

a) D’apres ces donnees, quel devrait etre le flux de neutrinos sur Terre (en nombre de neutrinos par seconde

par m2)? La distance Terre-Soleil est de 1.49× 1011m.

b) Un detecteur de neutrinos en operation en 1968 etait forme de 600 tonnes de C2Cl4 (perchlorethylene, le

solvant utilise dans l’industrie du nettoyage a sec). Le chlore naturel est compose a 24.47% de 3717Cl, et les

neutrinos participent a la reaction3717Cl + νe → e− + 37

18Ar (4.14)

Cependant, le seuil de cette reaction est de 5.8 MeV et la vaste majorite des neutrinos solaires ne peuventconvenir. Le seuls neutrinos ayant assez d’energie sont ceux qui proviennent de la desintegration

85B → 8

4Be∗ + e+ + νe + 14.02 MeV (4.15)

et le nombre de neutrinos produits par cette desintegration represente un dix-millieme (10−4) du nombre totalde neutrinos emis par le soleil. La section efficace de la reaction (4.14) (moyennee sur les energies possibles duneutrino provenant de la desintegration (4.15)) est de 1 × 10−46 m2. A combien de reactions comme celle-cidoit ont s’attendre par jour, dans le detecteur en question?

Page 61: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 5

Particules elementaires : generalites

L’objectif de ce cours chapitre est de servir de transition entre la premiere partie du cours, qui traitede la physique nucleaire de maniere relativement descriptive et phenomenologique, et la deuxiemepartie, qui traite de la description theorique des particules elementaires et de leurs interactionsfondamentales. Plusieurs concepts evoques dans cette courte introduction seront decrits en detaildans les chapitres suivants.

5.1 Le modele standard

Toute explication scientfique, simple ou complexe, repose sur ce qu’on appelle un “paradigme”,c’est-a-dire un modele avec ses hypotheses et concepts fondamentaux. Une “super-theorie”, enquelque sorte. La physique subatomique repose sur un tel paradigme, couramment appele le modelestandard1.

Ce modele standard est provisoirement considere comme la theorie correcte des phenomenes sub-atomiques. “Provisoirement” signifie depuis la fin des annees 1970, et jusqu’a ce qu’une theorieplus satisfaisante soit proposee, ce qui n’est toujours pas le cas trente annees apres.

A la base du modele standard est un outil theorique fondamental : la theorie quantique des champs(TQC). La TCQ est une description quantique d’objets qui s’etendent dans tout l’espace, commele champ electromagnetique, qui en est l’exemple le plus ancien. La TCQ doit aussi etre formuleedans le cadre de la relativite restreinte, car toute description des particules elementaires se doit derespecter le principe de relativite.

Le developpement historique qui a mene au modele standard a partir des premieres theories quan-tiques des particules elementaires a la fin des annees 1920 est long et tortueux. Ses jalons les plusimportants sont :

1. La quantification du champ electromagnetique et la comprehension de la nature du photon(nom propose en 1926) comme quantum du champ electromagnetique.

2. L’equation de Dirac (1929) pour decrire les particules relativistes de spin 12 .

3. La premiere theorie des interactions faibles de Fermi (1933), et la notion de champ de fermionsqui l’accompagnait.

4. 1934 : L’hypothese de Yukawa sur l’existence de bosons associes a l’interaction forte.

5. 1947 : La theorie de la renormalisation (Feynman, Schwinger, Tomonaga et, avant, Stuckelberg)qui donne un sens a la theorie des perturbations dans l’electrodynamique quantique en partic-ulier et dans la TQC en general. Les diagrammes dit “de Feynman” sont introduits.

1 ou, plus longuement, modele standard des particules elementaires, pour le distinguer d’autres modelesstandards qui prevalent dans d’autres disciplines comme la cosmologie ou la biologie moleculaire. . .

Page 62: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

62 5. Particules elementaires : generalites

6. 1964 : Le modele des quarks, propose par Gell-Mann et Zweig.

7. La theorie electrofaible, construite dans les annees 1960 par Glashow (1961), Weinberg et Salam(1967).

8. La theorie de l’interaction forte (QCD) proposee au debut des annees 1970 par Gross, Wilcecket Politzer.

Le modele standard offre une description des phenomenes subatomiques compatible avec essentielle-ment toutes les donnees experimentales, exception faite des oscillations de neutrinos soupconneesdepuis les annees 1980 et confirmees plus solidement au debut des annees 2000. Il decrit les inter-action forte, faible et electromagnetique a l’aide de ce qu’on appelle des “theories de jauge”. Cesinteractions agissent sur des particules de matiere, des fermions, qui sont rangees en trois famillessemblables et comptent quarks et leptons (voir classification ci-dessous).

5.2 Classification des particules elementaires

Le concept fondamental de la theorie quantique des champs est que les particules elementaires sontconsiderees comme des quanta, c’est-a-dire comme des oscillations ou fluctuations quantifiees dechamps. Ces particules (et par extension, les champs correspondants) sont soit des bosons ou desfermions. Les champs de bosons peuvent etre formules plus intuitivement dans la limite classique,comme par exemple le champ electromagnetique; ils correspondent a aux interactions fondamentale.les champs de fermions n’ont pas de limite classique; ce sont des objets purement quantiques quicorrespondent aux particules de matiere (quarks et leptons).

famille 1

νe(neutrino e)

e(électron)

u(up)

d(down)

famille 2

νµ(neutrino µ)

µ(muon)

c(charm)

s(strange)

famille 3

ντ(neutrino τ)

τ(tauon)

t(top)

b(bottom)

snotpel

eguaj ed snosob

skrauq

fermions (matière)bosons (interactions)

γ photon (inter. électromagnétique)

W± bosons intermédiaires

Z0 (inter. faible)

g gluons (inter. forte)

H Higgs ?

0

–1

– 13

23

Q

Figure 5.1. Tableau des particules elementaires dans le modele standard.

Page 63: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

5.2. Classification des particules elementaires 63

FermionsCommencons par les fermions, tous de spin 1

2 comme l’electron. Ils sont organises en trois famillesdistinctes, semblables dans la maniere avec laquelles ils interagissent (comme par exemple la chargeelectrique Q) mais tres differentes dans leurs masses (les familles sont numerotees dans l’ordrecroissant des masses). On distingue les leptons, qui ne ressentent pas l’interaction forte, des quarks,qui la ressentent et qui, par une propriete singuliere des interactions forte appelee confinement,ne peuvent etre observees en tant que particules libres. Chaque quark, de surcroıt, existe en troiscouleurs, c’est-a-dire trois exemplaires equivalents (non repete sur le tableau). En tenant comptede ce fait, on voit que la charge electrique totale de chaque famille est nulle.

Les fermions elementaires ont tous un spin 12 et sont tous decrits par l’equation de Dirac (c’est-a-

dire que les champs correspondants sont des “champs de Dirac”, mathematiquement decrits pardes spineurs a 4 composantes). Ils ont tous des antiparticules (non inscrites sur le tableau), qu’onnote generalement par une barre au-dessus du symbole (par exemple, e designe l’anti-electron, oupositron).

Les quarks, qui ne sont pas observables individuellement, forment des particules composites dedeux types : les mesons sont formes d’un quark et d’un antiquark (on ecrirait qq, q signifiant unquark quelconque) et les baryons, formes de trois quarks (qqq). Les mesons sont des bosons, car ilssont formes de deux fermions, mais ne sont pas elementaires. Les baryons, dont les plus connus sontle proton (uud) et le neutron (udd) sont des fermions. Les baryons et les mesons sont collectivementappeles hadrons, terme qui designe toutes les particules sensibles a l’interaction forte.

La nature fermionique des quarks et des leptons, c’est-a-dire le fait qu’ils obeissent au principe dePauli, donne justement a la matiere la propriete de solidite, d’impenetrabilite qui la distingue desondes electromagnetiques et, par extension, des objets formes de bosons elementaires seulement.

BosonsLes bosons sont associes aux interactions. Ceci signifie que les fermions n’interagissent pas di-rectement entre eux, mais uniquement par l’intermediaire des bosons. Un concept important quisurvient dans la theorie des perturbations appliquee a la TCQ est celui de particule virtuelle. Uneparticule virtuelle n’est pas observable et ne constitue pas un objet se propageant librement, maisconstitue plutot un objet transitoire, une fluctuation du champ correspondant, dont l’existence sedefinit sur un temps tres court. On dit que les fermions interagissent en echangeant (c’est-a-direen emettant et absorbant) des bosons virtuels.

Les trois interactions fondamentales decrites dans le modele standard (celui-ci ignore la gravite)sont :

1. L’electromagnetisme. La particule correspondante est le photon (γ). Ceci signifie que les oscil-lations quantifiees du champ electromagnetique forment des objets detectables qu’on appelledes photons et que les particules chargees peuvent echanger des photons virtuels.

2. L’interaction faible. Les particules correspondantes n’ont pas de nom, mais sont notees W± etZ0. La faiblesse de l’interaction faible aux basses energies est liee a la masse tres grande de cesparticules (de l’ordre de 100 GeV). En fait, l’interaction faible et l’interaction electromagnetiquesont intimement reliees et forment ensemble l’interaction dite electrofaible.

3. L’interaction forte. La particule correspondante est le gluon (g). Ceux-ci (car il y en a huit) sontinobservables comme les quarks car ils sont soumis a la regle du confinement. En principe, desobjets composees de deux gluons ou de trois gluons (les boules de glue ou glueballs) ne sont pasinterdits par cette regle, mais aucun n’a ete observe. Cependant, l’existence des gluons laissedes traces dans les experiences de diffusion de protons a haute energie.

Ces trois interactions reposent sur un principe theorique important appele invariance de jauge. Ensomme, les theories de ces interactions sont modelees sur l’interaction electromagnetique, quoique

Page 64: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

64 5. Particules elementaires : generalites

la theorie electrofaible et la theorie des interactions fortes (appelee chromodynamique quantiqueou QCD) soient plus complexes.

L’un des ingredients de la theorie electrofaible est le mecanisme de Higgs qui explique entre autrepourquoi les particules W± et Z0 sont massives alors que le photon est sans masse. Ce mecanismerequiert l’existence d’un bosons supplementaire, dit boson de Higgs (note H), qui n’a pas a ce jourete observe. Le boson de Higgs aurait une spin zero, alors que les bosons de jauge ont necessairementun spin unite.

De tous ces bosons et fermions elementaires, seuls l’electron, le photon et les trois especes de neu-trino existent de maniere stable en tant que particules individuelles. Tous les autres sont instablesou n’existent qu’a l’interieur d’objet composites. La proton est le seul baryon stable. Aucun mesonstable n’existe. Bien sur, des neutrons existent a l’interieur des noyaux, car leur environnementimmediat change les conditions de stabilite. De meme, de la matiere “etrange” (c.-a-d. comportantdes particules composees en partie de quarks s) existe vraisemblablement dans le coeur des etoilesa neutron, la encore parce que les canaux de desintegration de ces objets sont “obstrues” par lapre-existence des produits de desintegration dans l’environnement.

5.3 Plan du reste du cours

Dans le chapitre 6, on abordera la theorie quantique des champs en procedant a la quantificationdu champ electromagnetique. Le concept de quantum du champ sera introduit avec le photon. Deplus, on introduira le champ scalaire decrivant un boson de spin 0 et le champ de Schrodinger,decrivant des fermions non relativistes, dans le but d’introduire les diagrammes de Feynman. Enfin,le formalisme lagrangien sera utilise, car c’est dans ce langage que les theories des champs sonthabituellement decrites.

Le chapitre 7 est consacre a l’equation de Dirac. La notion d’antiparticule y est aussi introduite.Le couplage au champ electromagnetique, et donc l’electrodynamique quantique (ou QED), y estaussi decrit, ainsi que les regles de Feynman correspondantes.

Le chapitre 8 est de nature plus mathematique et peut etre survole plus rapidement si necessaire.Il s’agit d’une introduction a la theorie des groupes, prealable a la discussion des theories de jauge.La classification des hadrons formes des trois quarks (u,d,s) y est aussi abordee.

Le chapitre 9 decrit les theories de jauge non abeliennes, en particulier la chromodynamique quan-tique (QCD). L’accent est mis sur l’invariance de jauge et la forme du lagrangien que cela implique.Les proprietes de la QCD sont (tres) sommairement discutees.

Enfin, le chapitre 10 decrit les premieres theorie de l’interaction faible ainsi que la theorieelectrofaible du modele standard, incluant le mecanisme de Higgs. Il se conclut par une discus-sion de la violation de la symetrie CP dans les systemes de kaons neutres.

Page 65: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 6

Quantification du champ et interactions

Le but de ce chapitre est d’introduire la notion de champ quantique, un concept fondamental dansla theorie des particules elementaires. Nous commencons pas une revision de l’electromagnetisme(equations de Maxwell), pour demontrer que le champ electromagnetique classique peut etre con-sidere comme un ensemble continu d’oscillateurs harmoniques. La quantification de ces oscillateursmene au concept de photon ou, plus generalement, de quantum du champ. Ensuite, nous faisonsinteragir ce champ avec de la matiere non relativiste, decrite par le champ de Schrodinger et nousintroduisons les diagrammes de Feynman, qui sont une representation graphique des termes de latheorie des perturbations. En chemin, nous remplacons le champ electromagnetique par un champscalaire simple, dans le but de simplifier quelque peu la discussion.

6.1 Ondes electromagnetiques

6.1.1 Equations de Maxwell et transformees de Fourier

Rappelons les equations de Maxwell dans le systeme gaussien (mais dans les unites naturellesc = 1):

∇·E = 4πρ ∇∧E +∂B∂t

= 0

∇·B = 0 ∇∧B− ∂E∂t

= 4πJ(6.1)

ou ρ est la densite de charge et J la densite de courant.

Ces equations peuvent aussi s’ecrire en fonction des transformees de Fourier spatiales des champs.Adoptons pour ce faire un espace de volume fini V avec des conditions aux limites periodiques.Placer le systeme physique dans une telle “boıte” presente l’avantage de quantifier les vecteursd’ondes possibles et donc de discretiser les modes de vibrations du champ electromagnetique. Lestransformees de Fourier s’expriment alors comme suit :

E(r) =1V

∑k

Ekeik·r Ek =

∫d3rE(r)e−ik·r (6.2)

et de meme pour toute autre quantite (B, J, ρ, etc.). Il est sous-entendu ici que E(r) et Ekdependent du temps. Comme le champ electrique est reel (par opposition a complexe), on voitaisement que

E∗k = E−k (6.3)

Page 66: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

66 6. Quantification du champ et interactions

et il en est de meme de la transformee de Fourier de tout champ reel. Notons enfin qu’on peuttoujours retourner a un volume infini a la fin des calculs en remplacant la somme sur les vecteursd’ondes par une integrale :

1V

∑k

→∫

d3k

(2π)3 (6.4)

La traduction des equations de Maxwell dans l’espace reciproque (i.e. en fonction des transformeesde Fourier) se fait par la substitution ∇ → ik, de sorte que

∇·E(r) → ik ·Ek et ∇∧E(r) → ik ∧Ek (6.5)

Les equations de Maxwell prennent donc la forme suivante :

k ·Ek = −4πiρk k ∧Ek − iBk = 0k ·Bk = 0 k ∧Bk + iEk = −4πiJk

(6.6)

ou un point (˙) designe la derivee par rapport au temps. L’avantage de cette formulation dansl’espace reciproque est que les equations associees a des valeurs differentes de k sont decouplees.Autrement dit, nous avons reduit le probleme d’un systeme d’equations differentielles aux deriveespartielles a un systemes d’equations differentielles ordinaires.

6.1.2 champs transverses et longitudinaux

Un champ vectoriel F(r) est qualifie de transverse si ∇·F = 0. Il est qualifie de longitudinal si∇∧F = 0. Dans l’espace reciproque, ces conditions sont respectivement

k · Fk = 0 et k ∧ Fk = 0 (6.7)

Autrement dit, la transformee de Fourier d’un champ transverse est perpendiculaire au vecteurd’onde, alors que celle d’un champ longitudinal y est parallele. Mais tout vecteur Fk peut etre ecritcomme la somme d’une composante parallele a k et d’une composante perpendiculaire a k :

Fk = F‖k + F⊥

k F‖k = (Fk · k)k , F⊥

k = Fk − F‖k (6.8)

ou k est le vecteur unitaire dans la direction de k. Ceci demontre, par les transformees de Fourier,que tout champ est la somme d’un champ transverse et d’un champ longitudinal :

F(r) = F‖(r) + F⊥(r) (6.9)

De plus, on montre facilement que la partie transverse est le rotationnel d’un autre champ devecteur, alors que la partie longitudinale est le gradient d’une fonction :

F‖(r) = ∇φ F⊥(r) = ∇∧G(r) (6.10)

En effet, il suffit de contempler ces relations dans l’espace reciproque :

F‖k = ikφk F⊥

k = ik ∧Gk (6.11)

et de voir qu’elles peuvent etre satisfaites si on choisit

φk = − i

kk · Fk Gk =

i

kk ∧ F⊥

k (6.12)

Page 67: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.1. Ondes electromagnetiques 67

Les equations de Maxwell separent nettement les composantes transverses et longitudinales deschamps :

k ·E‖k = −4πiρk (6.13a)

B⊥k = −ik ∧E⊥

k (6.13b)

k ·B‖k = 0 (6.13c)

E⊥k = ik ∧B⊥

k − 4πJ⊥k (6.13d)

E‖k = −4πJ‖k (6.13e)

La troisieme de ces equations (c) nous dit que le champ magnetique est purement transverse :B‖ = 0. Nous ne ferons donc plus la distinction entre B et B⊥. La premiere et la derniere deces equations gouvernent la partie longitudinale de E. En les combinant, on retrouve la loi deconservation de la charge : en effet,

∂tk ·E‖

k = −4πk · J‖k = −4πiρk (6.14)

ce qui revient a ecrire

ik · Jk + ρk = 0 =⇒ ∇·J +∂ρ

∂t= 0 (6.15)

ce qui est l’equation de continuite. La partie longitudinale de E est de fait completement determineepar la densite de charge :

E‖k = −4πi

kkρk (6.16)

ce qui signifie que le probleme de resolution des equations de Maxwell est resolu en ce qui concernecette composante.

6.1.3 Variables normales

Nous allons maintenant formuler les equations de Maxwell pour les composantes transverses deschamps (les seules qui nous restent a etudier) en fonction de nouvelles variables qui permettent dedecoupler les equations (6.13b) et (6.13d). On definit le vecteur

ak = − i

2Ck

(E⊥

k − k ∧Bk

)(6.17)

ou Ck est une constante de normalisation a determiner (on supposera qu’elle est reelle et qu’elle nedepend que de la grandeur k du vecteur d’onde). Ce vecteur n’est pas reel dans l’espace ordinaire,de sorte que a∗−k 6= ak. En fait,

a∗−k =i

2Ck

(E⊥

k + k ∧Bk

)(6.18)

On peut exprimer E⊥k et Bk en fonction de a, a partir des deux equations precedentes :

E⊥k = iCk

(ak − a∗−k

)Bk = iCkk ∧

(ak + a∗−k

)(6.19)

Page 68: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

68 6. Quantification du champ et interactions

L’avantage de la nouvelle variable a est la simplicite de son evolution temporelle. En effet, d’apresles equations (6.13),

ak = − i

2Ck

(E⊥

k − k ∧ Bk

)=

12Ck

(k ∧Bk + 4πiJ⊥k + k ∧ (k ∧E⊥

k ))

=1

2Ck

(−k(E⊥

k − k ∧Bk) + 4πiJ⊥k)

= −ikak +2πiCk

J⊥k

(6.20)

En definissant la frequence ωk = k = |k|, on peut enfin ecrire

ak + iωkak =2πiCk

J⊥k (6.21)

Il s’agit d’une simple equation differentielle lineaire du premier ordre, a coefficients constants. Elleest inhomogene, cependant.

Dans le cas d’un champ sans source (J = 0), la solution est immediate :

ak(t) = ak(0)e−iωkt (6.22)

Comme le vecteur a est transverse, on peut l’exprimer en fonction d’une base orthonormee de deuxvecteurs ejk (j = 1, 2) perpendiculaires a k :

ak = a1,ke1,k + a2,ke2,k (6.23)

Ces deux vecteurs correspondent aux deux polarisations possibles d’une onde electromagnetique.

6.2 Quantification du champ electromagnetique

6.2.1 Hamiltonien du champ

En toute rigueur, nous devrions deriver le hamiltonien du champ electromagnetique a partir deson lagrangien et trouver par la meme occasion les variables canoniques qui y figurent. L’approcheque nous suivons ici est un raccourci qui nous menera au meme point d’arrivee. Nous poserons quele hamiltonien du champ est donne par son energie totale (ce qui est naturel). L’energie du champest (voir a cet effet les notes de cours de PHQ-420)

H =18π

∫d3r (E2 + B2) (6.24)

On peut recrire ce resultat en fonction des transformees de Fourier, en utilisant le theoreme deParseval :

H =1V

18π

∑k

(|Ek|2 + |Bk|2

)(6.25)

Exprimons maintenant cette energie en fonction de la variable normale a. Notons tout d’abord queseul E⊥ contribue a l’energie dans ce cas, car en l’absence de sources E‖ est nul. Apres un courtcalcul, on trouve

H =∑k

C2k

2πVa∗k · ak =

∑j,k

C2k

2πVa∗jkajk (6.26)

Page 69: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.2. Quantification du champ electromagnetique 69

Trouver le hamiltonien n’est pas tout. Il faut aussi connaıtre le statut des variables ajk du pointde vue canonique, c’est-a-dire leur crochet de Poisson. Comme la methode des crochets de Poissonn’est peut-etre pas familiere, nous pouvons directement passer a la version quantique du probleme,car la quantification canonique procede par le remplacement des crochets de Poisson par les com-mutateurs. La variable normale ajk devient alors un operateur, et le conjugue complexe devientl’operateur conjugue hermitique a†jk. Le hamiltonien est alors

H =∑j,k

C2k

2πVa†jkajk (6.27)

et ce hamiltonien doit mener aux equations de Maxwell, c’est-a-dire a l’equation d’evolution

ajk = −iωkajk (6.28)

On constate ici la similitude avec la theorie de l’oscillateur harmonique. Dans ce cas, le hamiltonienest H = ωa†a et le commutateur des operateurs d’echelle est [a, a†] = 1, ce qui mene a l’equationd’evolution

a = i[H, a] = iω[a†a, a] = iω(a†aa− aa†a) = −iωa =⇒ a(t) = a(0)e−iωt (6.29)

Dans le cas qui nous occupe, on retrouve la forme habituelle du hamiltonien de l’oscillateur har-monique en posant

Ck =√

2πωkV (6.30)

et alorsH =

∑j,k

ωka†jkajk (6.31)

Si on pose ensuite que

[ajk, a†j′,k′ ] = δjj′δk,k′ (6.32)

alors, exactement comme dans l’oscillateur harmonique, on retrouve l’evolution temporelle correctedes variables ajk, ce qui est en principe equivalent aux equations de Maxwell. Nous avons doncrealise la quantification du champ electromagnetique : le champ electromagnetique libre de sourcesest en fait une collection d’oscillateurs harmoniques, un pour chaque vecteur d’onde et chaquepolarisation.

Resumons maintenant comment exprimer les champs E et B en fonction des operateurs d’echelle(ex variables normales); nous combinons pour cela les equations (6.2), (6.19) et (6.30) :

E(r) = i∑j,k

√2πωk

V

(ajkejke

ik·r − c.h.)

B(r) = i∑j,k

√2πωk

V

(ajkk ∧ ejke

ik·r − c.h.)

(6.33)

6.2.2 Photons

Nous avons etabli que le hamiltonien du champ electromagnetique sans sources est celui d’unecollection d’oscillateurs harmoniques decouples, un pour chaque vecteur d’onde et polarisation, defrequences ωk = k. Rappelons que, dans le cas d’un oscillateur harmonique simple, les etats propresdu hamiltonien sont notes |n〉 (n un entier positif ou nul), avec les proprietes :

a|n〉 =√n|n− 1〉 a†|n〉 =

√n+ 1|n+ 1〉 a†a|n〉 = n|n〉 (6.34)

Page 70: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

70 6. Quantification du champ et interactions

L’etat fondamental est |0〉 et l’energie de l’etat |n〉 est nω, par rapport a celle de l’etat fondamental.L’operateur N = a†a prend des valeurs propres entieres et est appele l’operateur du nombre. Lehamiltonien s’exprime ensuite comme H = ωN (modulo une constante additive).

Dans le cas d’une collection d’oscillateurs decouples, l’etat fondamental est le produit tensorieldes etats fondamentaux de tous les oscillateurs. On le note encore |0〉. L’interpretation physiquefondamentale du champ electromagnetique quantifie est que l’operateur

Njk = a†jkajk (6.35)

represente le nombre de photons de vecteur d’onde k et de polarisation j. Ainsi, l’energie du champest la somme des energies des photons :

H =∑j,k

ωkNjk (6.36)

Il est egalement simple de demontrer que la quantite de mouvement du champ, definie comme

P =14π

∫d3rE ∧B (6.37)

s’exprime ainsi en fonction des operateurs de nombre :

P =∑j,k

kNjk (6.38)

Donc les quantites physiques (energie, quantite de mouvement) sont quantifies, et Njk representele nombre de ces quantas associes a un vecteur d’onde et une polarisation donnes, donc le nombrede photons.

Comme l’operateur a†jk augmente de 1 la valeur propre de ce nombre, on dit qu’il cree un photonet on l’appelle operateur de creation. De meme, l’operateur ajk diminue de 1 la valeur de Njk etest appele operateur d’annihilation ou de destruction de photons.

L’etat fondamental |0〉, qui ne contient aucun photon puisque 〈0|Njk|0〉 = 0, est appele vide. Lesetats quantiques qui ne contiennent qu’un seul photon sont obtenus par application sur le vide del’operateur de creation :

a†jk|0〉 (6.39)

Les photons sont des bosons : il est possible d’en mettre autant qu’on veut dans un mode de vecteurd’onde et de polarisation donne : l’etat suivant

1√n!

(a†jk)n|0〉 (6.40)

represente un etat ou n photons occupent le mode de vecteur d’onde k et de polarisation j. D’autrepart, comme les operateurs de creation et d’annihiliation associes a des modes differents commutententre eux, l’etat quantique obtenu par application des operateurs de creation ne depend pas del’ordre dans lequel les operateurs sont appliques (i.e. le signe est le meme dans tous les cas).

Page 71: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.3. Fermions 71

6.3 Fermions

6.3.1 Electrons non relativistes : champ de Schrodinger

Voyons maintenant comment notre traitement du champ electromagnetique peut etre generaliseau cas de particules materielles, comme les electrons. L’equivalent des equations de Maxwell pourles ondes de matiere est l’equation de Schrodinger :

i∂ψ

∂t= − 1

2m∇2ψ (6.41)

(nous considerons ici le cas des electrons libres). On ne voit plus ici la fonction d’onde ψ commeassociee a une seule particule, mais on la considere comme un champ, le champ de Schrodinger,dont les oscillations quantifiees sont les electrons, de la meme maniere que les oscillations quantifieesdu champ electromagnetique sont les photons. On peut ainsi traiter le cas d’un nombre arbitraired’electrons, et non seulement celui d’un seul electron.

En fonction de la transformee de Fourier du champ ψ, l’equation de Schrodinger prend la forme

iψk =k2

2mψk (6.42)

dont la solution est

ψk(t) = ψk(0)e−iεkt ou εk =k2

2m(6.43)

Par analogie avec ce qui a ete fait ci-haut, on cherche a exprimer le hamiltonien du champde Schrodinger comme une combinaison d’oscillateurs. Ce hamiltonien n’est autre que la valeurmoyenne de l’energie cinetique :

H =∫

d3r ψ∗−12m

∇2ψ =1V

∑k

ψ∗kk2

2mψk (6.44)

Le passage a un formalisme quantique se fait en remplacant le champ ψ∗ par un operateur ψ† eton trouve ainsi le hamiltonien

H =1V

∑k

εkψ†kψk (6.45)

Pour mettre a profit l’analogie avec les oscillateurs, on introduit les operateurs de creation etd’annhiliation d’electrons ayant la bonne normalisation :

ck =1√Vψk c†k =

1√Vψ†k (6.46)

et enfinH =

∑k

εkc†kck (6.47)

Mais attention! Les electrons sont des fermions : on ne peut pas en mettre plus d’un dans un modede vecteur d’onde donne (nous ignorons le spin pour le moment). Donc les operateurs ck et c†k nepeuvent pas se comporter comme les operateurs d’echelle de l’oscillateur harmonique. L’operateurdu nombre Nk = c†kck ne peut prendre que les valeurs 0 et 1. De plus, dans un etat comportantplus d’un electron, il doit y avoir un changement de signe lorsque deux electrons sont echanges.Ces contraintes importantes peuvent etre respectees si on impose aux operateurs de creation etd’annhiliation des relations d’anticommutation :

ckc†k′ + c†k′ck = δk,k′ ckck′ + ck′ck = 0 c†kc

†k′ + c†k′c

†k = 0 (6.48)

Page 72: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

72 6. Quantification du champ et interactions

On utilise couramment la notation suivante pour l’anticommutateur de deux operateurs A et B :

A,B = AB +BA (6.49)

et on ecrit les relations de commutation ci-dessus comme

ck, c†k′ = δk,k′ ck, ck′ = 0 c†k, c

†k′ = 0 (6.50)

Dans le cas k = k′, ces relation assurent que

(c†k)2 = 0 (ck)

2 = 0 (6.51)

ce qui signifie qu’il est impossible de creer (ou detruire) plus d’un electron dans un mode donne.D’autre part, un etat a deux electrons est antisymetrique lors de l’echange des deux electrons, telque prescrit par la statistique de Fermi-Dirac :

c†kc†k′ |0〉 = −c†k′c

†k|0〉 (6.52)

Les relations d’anticommutation nous assurent donc que la nature fermionique des electrons estbien representee, mais il faut aussi que la dynamique le soit : verifions donc que l’equation deHeisenberg s’applique correctement a l’operateur d’annihilation :

ck = i[H, ck]

= iεk[c†kck, ck]

= iεk

(c†kckck − ckc

†kck

)= −iεkckc

†kck

= −iεkck(c†kck + ckc

†k)

= −iεkck

(6.53)

ce qui est bien la bonne equation d’evolution (la meme que pour ψk).

Resumons. Les electrons libres non relativistes peuvent etre concus comme les excitations quan-tifiees d’un champ ψ(r) qui se developpe ainsi en fonction des operateurs de creation et d’annihilation :

ψ(r) =1√V

∑k

ck eik·r (6.54)

Le hamiltonien correpondant est une somme de termes decouples, un pour chaque mode d’oscillation(i.e. chaque vecteur d’onde) :

H =∑k

εkc†kck (6.55)

et les operateurs de creation et d’annihilation obeissent aux relations d’anticommutation (6.50).On montre egalement que la quantite de mouvement associee au champ de Schrodinger, soit lavaleur moyenne de la quantite de mouvement

P =∫

d3r ψ∗(−i∇ψ) (6.56)

devient l’expression suivante en fonction des operateurs de nombre :

P =∑k

kNk (6.57)

Page 73: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.3. Fermions 73

Remarque : deuxieme quantification et limite classiqueNous avons traite le champ de Schrodinger comme un champ classique qu’on quantifie, commepour le champ electromagnetique. Comment est-ce possible? L’equation de Schrodinger n’est-ellepas fondamentalement quantique? En fait, la procedure que nous avons suivi porte le nom dedeuxieme quantification, ce qui encourage l’equivoque. Pour resoudre ce paradoxe, il faut reflechira la limite classique. Dans le cas de bosons, cette limite est atteinte quand le nombre moyen dequanta (i.e. de photons, dans notre cas) dans un mode donne est grand. Plus precisement encore, ilest bon de reflechir a la limite classique de l’oscillateur harmonique, car c’est precisement de quoiil s’agit ici. Dans la limite classique, l’oscillateur harmonique n’est pas typiquement dans un etatpropre du hamiltonien, mais plutot dans un etat coherent, sorte de superposition d’etats propres,de paquet d’onde, qui se rapproche de la description d’un objet en oscillation. Par contre, dans lecas des fermions, ces etats n’existent pas, du fait que le nombre de quanta dans chaque mode nepeut etre superieur a un. Donc la limite classique du champ de Schrodinger n’existe pas vraiment,du moins pas au sens habituel. il n’y a pas vraiment de “deuxieme quantification”, car la “premierequantification” ne correspond pas a la limite classique du champ de Schrodinger, mais plutot a larestriction de ce champ quantique aux etats qui ne comportent qu’un seul electron.

6.3.2 Interaction electrons-photons

Tout l’interet du formalisme de deuxieme quantification vient du traitement des interactions entreles electrons et le champ electromagnetique quantifie. Rappelons ici le hamiltonien d’un electronen presence d’un champ electromagnetique :

H =1

2m(P− eA)2 + eΦ (6.58)

L’important ici est que ce sont les potentiels electromagnetiques qui interviennent dans le hamil-tonien, et non les champs electrique et magnetique directement.

L’une des proprietes fondamentales du champ electromagnetique est l’invariance de jauge. Leschamps electrique et magnetique sont derives de potentiels electromagnetiques A et Φ de la manieresuivante :

E = −∇Φ− ∂A∂t

B = ∇∧A (6.59)

Ces potentiels ne sont pas definis de maniere unique : on peut proceder a une transformation dejauge, par laquelle les potentiels sont modifies de la maniere suivante :

A → A +∇ξ Φ → Φ− ∂ξ

∂t(6.60)

ou ξ est une fonction quelconque des coordonnees et du temps. Cette transformation n’affecte pasdu tout les champs E et B. Exprimons ces relations dans l’espace reciproque :

Ek = −ikΦk − Ak Bk = ik ∧Ak (6.61)

etAk → Ak + ikξk Φk → Φk − ξk (6.62)

Le fait que les potentiels electromagnetiques ne soient pas definis de maniere unique nous permetde leur imposer des conditions supplementaires, appelees conditions de jauges. Celle que nousutiliserons est la jauge de Coulomb, egalement appelee jauge transverse, car elle impose l’annulationde la partie longitudinale du potentiel vecteur :

∇·A = 0 ou k ·Ak = 0 (6.63)

Page 74: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

74 6. Quantification du champ et interactions

Il est clair d’apres la relation (6.62) qu’on peut toujours choisir une fonction ξ de maniere aannuler A‖. Dans ce cas, la partie longitudinale de E est entierement fixee par le potentiel scalaireΦ. Le champ B de toute maniere n’est pas affecte par la partie longitudinale de A. Comme A estdorenavant transverse, la relation entre B et A peut egalement s’ecrire

Ak =i

kk ∧Bk (6.64)

ce qu’on verifie comme suit :

Bk = ik ∧Ak = −k ∧ (k ∧Bk) = Bk (6.65)

On tire donc de cette equation et de (6.33) une expression du potentiel vecteur en fonction desoperateurs de creation et d’annihilation :

A(r) =∑j,k

√2πωkV

(ajkejke

ik·r + c.h.)

(6.66)

Cette expression sera utile pour exprimer le hamiltonien d’interaction entre electrons et photons.

A cette fin, ecrivons le hamiltonien du champ de Schrodinger en interaction avec le champelectromagnetique comme la valeur moyenne de le hamiltonien (6.58) dans le cas Φ = 0 :

H =1

2m

∫d3r ψ∗(P− eA)2ψ

=1

2m

∫d3r

ψ∗P2ψ − eψ∗(P ·A + A ·P)ψ + e2ψ∗ψA2

=1

2m

∫d3r

ψ∗P2ψ − 2eψ∗A ·Pψ + e2ψ∗ψA2

(6.67)

Dans la troisieme equation, nous avons utilise le fait que

P ·A = A ·P− i∇·A = A ·P (jauge transverse) (6.68)

En introduisant les hamiltoniens d’interaction suivants

H1 = − e

m

∫d3r ψ∗A ·Pψ H2 =

e2

2m

∫d3r ψ∗ψA2 (6.69)

Le hamiltonien global (photons et electrons) s’ecrit donc comme

H = Hem +He +H1 +H2 (6.70)

ou Hem est le hamiltonien du champ electromagnetique libre donne par l’eq. (6.31) et ou He

est le hamiltonien des electrons libres. Le deuxieme terme (He) est le hamiltonien du champ deSchrodinger etudie precedemment. Les troisieme et quatrieme termes (H1 et H2)) represententl’interaction du champ de Schrodinger (donc des electrons) avec le champ electromagnetique.

Afin de comprendre en detail le mecanisme d’interaction associe au hamiltonien H1, exprimons-leen fonction des operateurs de creation et d’annihilation des photons et des electrons, en utilisantles developpements (6.66) et (6.54) :

H1 = − e

m

∫d3r

1V2

∑k,k′,q

eir·(k−k′+q)c†k′k ·Aqck (6.71)

Page 75: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.3. Fermions 75

L’integrale sur les coordonnees produit un delta de Kronecker Vδk′,k+q et on trouve

H1 = − e

m

1V

∑k,q

c†k+qk ·Aqck (6.72)

D’autre part,

Aq =

√2πV

ωq

∑j

(ajqejq + a†j−qe∗j,−q) (6.73)

On trouve donc finalement

H1 = − e

m

∑k,q,j

√2πVωq

((ejq · k)ajqc

†k+qck + (e∗jq · k)a†jqc

†k−qck

)(6.74)

Le hamiltonienH2 a lui-aussi son expression en fonction des operateurs de creation et d’annhiliation,mais nous allons nous concentrer dans ce qui suit sur H1 seulement. Remarquons premierementque H1, contrairement a Hem, ne conserve pas le nombre de photons. Autrement dit, l’operateurdu nombre total de photons

Nγ =∑q,j

a†jqajq (6.75)

ne commute pas avec H1. Par contre, H1 commute avec l’operateur du nombre total d’electrons

Ne =∑k

c†kck (6.76)

Donc, au total, le nombre d’electrons est conserve, mais pas le nombre de photons. Le premierterme dans H1 represente un processus au cours duquel un photon d’impulsion q est absorbe parun electron d’impulsion k qui se retrouve par la suite avec une impulsion k + q. Plus precisement,l’electron d’impulsion k est detruit et un electron d’impulsion k + q est cree a sa place (le nombretotal d’electrons est conserve). Le deuxieme terme de H1 represente un processus au cours duquelun electron d’impulsion k emet un photon d’impulsion q et se retrouve apres avec une impulsionk− q.

Graphiquement, on represente ces deux termes par les diagrammes suivants :

qk

k + q q

k

k – q

(6.77)

Dans ces diagrammes, on represente les particules de matiere (les electrons, par exemple) par destraits pleins, et les photons par des lignes ondulees. Chaque ligne porte une quantite de mouvementprecise, et le point de rencontre de ces lignes represente un terme dans le hamiltonien. On peutimaginer, a cette etape, que les particules annihilees apparaissent en bas du diagramme, et lesparticules creees en haut.

Page 76: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

76 6. Quantification du champ et interactions

6.3.3 Theorie du champ scalaire

Dans le but de simplifier au maximum notre discussion des diagrammes de Feynman, nous allonsremplacer le champ electromagnetique par une theorie plus simple, celle du champ scalaire. Danscette theorie, il n’existe qu’une seule “polarisation” et le champ associe, note φ, n’est pas de naturevectorielle (on peut penser, pour fixer les idees, a des ondes longitudinales). Le hamiltonien de cechamp, en fonction des operateurs de creation et d’annihilation, est

Hφ =∑k

ωka†kak (6.78)

L’equivalent de la relation (6.66) est

φ(r) =∑k

√2πωkV

(ake

ik·r + c.h.)

(6.79)

Il s’agit en somme d’une simplification de l’electrodynamique, ou l’aspect vectoriel a ete supprime.Les photons sont alors remplaces par une autre sorte de bosons, sans spin. L’operateur du nombrede ces bosons est alors

N =∑k

a†kak (6.80)

et l’operateur de la quantite de mouvement est

P =∑k

ka†kak (6.81)

L’equivalent du hamiltonien H1 ci-haut est

Heφ = g

∫d3r φψ∗ψ (6.82)

ou g est une constante, appelee constante de couplage. En fonction des operateurs de creation etd’annihilation, ce hamiltonien d’interaction devient

Heφ = g∑k,q

√2πVωq

(aqc

†k+qck + a†qc

†k−qck

)(6.83)

Nous retrouvons en fait le hamiltonien (6.74), mais sans les references a la polarisation. Les ter-mes de ce hamiltonien on exactement la meme interpretation, en fonction de particules creees ouannihilees, que ceux du hamiltonien (6.74) et sont representes par les memes symboles graphiques,sauf qu’on remplace generalement les lignes ondulees par une ligne pointillee lorsqu’on traite duchamp scalaire :

qk

k + q q

k

k – q

(6.84)

Page 77: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.4. Theorie des perturbations et diagrammes de Feynman 77

6.4 Theorie des perturbations et diagrammes de Feynman

Comme il est impossible de resoudre exactement le hamiltonien global (6.70), on a recours a latheorie des perturbations, d’autant plus que H1, dans un certain sens, est petit devant Hem etHe, comme nous le verrons par la suite. La theorie des perturbations nous permet de calculer uneprobabilite de transition par unite de temps d’un etat initial |i〉 vers un etat final |f〉, tous deux etatspropres du hamiltonien non perturbe, soit He+Hφ dans le cas qui nous occupe (celui d’un champ deSchrodinger en interaction avec un champ scalaire). En particulier, nous pouvons ainsi calculer unesection differentielle de diffusion. Cependant, la theorie des perturbations n’est pas adequate pourdeterminer, par exemple, les etats lies d’electrons sous l’influence de la force coulombienne, ou dela force associee au champ scalaire. Le probleme des etats lies est essentiellement non perturbatif.

La theorie des perturbation utilisee ici est la version dependante du temps, en l’occurence la regled’or de Fermi, sauf qu’il faut aller au-dela de l’ordre le plus bas. Rappelons cette regle, qui donnele taux de transition d’un etat initial |i〉 vers un etat final |f〉 :

ωi→f = 2π|Mfi|2δ(Ef − Ei) (6.85)

ou l’amplitude Mfi est, aux deux ordres les plus bas de la theorie des perturbations,

Mfi = 〈f |V |i〉+∑n

〈f |V |n〉〈n|V |i〉Ei − En

+ · · · (6.86)

ou V est la perturbation etudiee (ici V = Heφ) et ou le deuxieme terme est une somme sur les etatspropres |n〉 du hamiltonien non perturbe, qualifies d’etats virtuels, dont les energies sont En. Ledeuxieme terme doit etre considere si le premier s’annule. Dans le cas qui nous occupe (V = H1),le premier terme s’annule toujours, car H1 change le nombre de bosons, alors que les etats propresde Hφ + He ont un nombre fixe de bosons. Il faut donc toujours effectuer une somme sur desetats virtuels. Chacun des termes de Mfi peut etre represente par un diagramme illustrant l’etatintermediaire implique. Un exemple detaille est discute ci-apres.

6.4.1 Diffusion des electrons par un champ scalaire

Comme exemple fondamental d’application de la theorie des perturbations, considerons la collisionde deux electrons. Les quantites de mouvement initiales des deux electrons sont k1 et k2, et lesquantites de mouvement finales (apres la collision) sont k3 et k4. Les etats initial et final sont donc

|i〉 = c†k1c†k2|0〉 |f〉 = c†k3

c†k4|0〉 (6.87)

Les etats intermediaires possibles contiennent forcement un boson, car les termes d’interactions(6.83) changent le nombre de bosons par 1 ou −1. Nous ne sommes interesses que par les etatsintermediaires |n〉 tels que 〈f |Heφ|n〉〈n|Heφ|i〉 est non nul. Quatre possibilites existent. Deux deces possibilites sont illustrees graphiquement ci-dessous :

q q

k1

k3 k4 k3 k4

k2 k1 k2

(i) (ii)

|f

|n

|i

|f

|n

|i(6.88)

Page 78: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

78 6. Quantification du champ et interactions

Les deux autres sont obtenues en echangeant k3 et k4. Expliquons, en commencant par le di-agramme de gauche (cas (i)). Dans ce cas, les trois etats (initial, intermediaire et final) sontrepresentes successivement de bas en haut. Un sommet (ou vertex) du diagramme correspond al’action du hamiltonien d’interaction Heφ, qui nous fait passer successivement de l’etat |i〉 a l’etat|n〉 = c†k3

c†k2a†q|0〉, a l’etat |f〉. Le premier vertex represente l’action du terme a†qc

†k3ck1

de Heφ, quidetruit l’electron de vecteur d’onde k1 et le remplace par un electron de vecteur d’onde k3, encreant un boson de vecteur d’onde q = k1 − k3. On associe a ce vertex l’element de matrice

〈n|Heφ|i〉 = g

√2πVωq

q = |k1 − k3| (6.89)

Le deuxieme vertex represente l’action du terme aqc†k4ck2

de Heφ, qui detruit l’electron de vecteurd’onde k2 et le remplace par un electron de vecteur d’onde k4, tout en annihilant le boson devecteur d’onde q = k1 − k3 = k4 − k2. On associe a ce vertex l’element de matrice

〈f |Heφ|n〉 = g

√2πVωq

(6.90)

En ajoutant le denominateur figurant dans l’amplitude (6.86), ce diagramme a la valeur numeriquesuivante :

diagramme (i) =g2

Ei − En

2πVωq

= g2 2πV

1ωq

1ε1 − ε3 − ωq

q = |k1 − k3| (6.91)

ou ε1 = ε(k1) et ainsi de suite.

Le diagramme de droite (ii) differe de (i) en ce que l’etat intermediaire est maintenant |n〉 =c†k4c†k1a†q|0〉 et q = k2−k4, soit l’oppose de la valeur correspondante dans le diagramme (i); notons

cependant que ωq est le meme dans les deux cas. La valeur numerique du diagramme (ii) est plutot

diagramme (ii) = g2 2πV

1ωq

1ε2 − ε4 − ωq

= g2 2πV

1ωq

1ε3 − ε1 − ωq

(6.92)

(on a utilise la conservation de l’energie ε1 + ε2 = ε3 + ε4). En notant ε13 = ε1 − ε3, il est d’usagede combiner les deux contributions (i) et (ii) en une seule expression :

g2 2πV

1ωq

1

ε13 − ωq− 1ε13 + ωq

= g2 4π

V

1ε2

31 − ω2q

(6.93)

et de l’associer a un seul diagramme, dit diagramme de Feynman :

k1

q

k3

k2

k4

(6.94)

Ce diagramme ne comporte plus un etat intermediaire bien defini, car il est la combinaison dedeux termes associes a des etats intermediaires differents. Cependant, il comporte un boson virtuel,

Page 79: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.4. Theorie des perturbations et diagrammes de Feynman 79

auquel on attribue une energie ω = ε1 − ε3 et un vecteur d’onde q = k1 − k3. Cette energie et cevecteur d’onde resultent de la conservation de l’energie et de la quantite de mouvement appliqueea chaque vertex. La valeur du diagramme est alors

g2 4πV

1ω2 − ω2

q

= g2 4πV

1ω2 − q2 (6.95)

Ce boson virtuel est emis par l’electron 1 et absorbe par l’electron 2, qui tous deux voient leurenergie et leur quantite de mouvement changer en consequence. Le boson est virtuel, et non reel :son energie et sa quantite de mouvement ne respsectent pas la condition ω = |q|. On dit aussi qu’iln’est pas sur la “couche de masse”.

6.4.2 Calcul de l’amplitude de diffusion complete

Terminons maintenant le calcul de l’amplitude Mfi. Nous devons ajouter au diagramme ci-hautcelui associe a l’echange des deux particules finales, qui est aussi une possibilite. Ce diagrammecomprend les deux autres etats intermediaires possibles evoques ci-haut.

k1

q

k3

k2

k4

k1

q

k3

k2

k4

(6.96)

Le signe − entre les deux diagrammes tient au fait que le deuxieme se calcule exactement commele premier si on echange les indices 3 et 4, sauf pour le fait que l’etat final, lui ne change pas,et que changer les indices 3 et 4 dans l’etat final revient a en changer le signe (antisymetrie parechange de deux fermions). L’amplitude totale, d’ou on a factorise le delta de Kronecker assurantla conservation de la quantite de mouvement, est

Mfi = g2 4πV

1

ω2 − q2

∣∣∣∣q=k1−k3

− 1ω2 − q2

∣∣∣∣q=k1−k4

(6.97)

Calculons la section differentielle de diffusion dans le referentiel du centre de masse. Posons donc

k1 = kx k2 = −kx k3 = kn k4 = −kn (6.98)

ou n est le vecteur unitaire dans la direction de la particule diffusee, faisant un angle θ avec l’axedes x. Dans le premier terme de l’amplitude,

q = k1 − k3 = k(x− n) =⇒ q2 = k2(2− 2 cos θ) = 4k2 sin2 θ/2 (6.99)

alors que, dans le second,

q = k1 − k4 = k(x + n) =⇒ q2 = k2(2 + 2 cos θ) = 4k2 cos2 θ/2 (6.100)

Dans le deux cas, ω = 0, car ε1 = ε2 = ε3 = ε4 dans ce referentiel. On calcule que (voir probleme1.8) que

dσdΩ

=12|Mfi|2

(8π)2

|p3||p1|

1E2 (6.101)

Page 80: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

80 6. Quantification du champ et interactions

ou E est l’energie totale des deux electrons incidents, energie de masse comprise, soit 2m. Leprefacteur 1

2 devant la premiere expressions de dσ/dΩ tient compte de l’identite des particules :il faut eviter, dans le decomtpe des etats finaux, de compter comme deux etats distincts les con-figurations qui s’obtiennent l’une de l’autre par echange de particules identiques. Ce resultat estcependant obtenu dans la normalisation relativiste des etats. Pour adapter l’amplitude que nousvenons de calculer a cette normalisation, nous devons la multiplier par 4E1E2 = 4m2 et supprimerles facteurs de volume :

Mfi = 16πg2m2

14k2 sin2 θ/2

− 14k2 cos2 θ/2

=

16πg2m2 cos θk2 sin2 θ

(6.102)

La section differentielle est alors

dσdΩ

=12|Mfi|2

(8π)2

14m2 =

14

(2g2m

k2 sin θ tan θ

)2

=14

(g2

T sin θ tan θ

)2

(6.103)

ou T est l’energie cinetique de chacune des particules incidente. Notons que cette formule est lameme si θ est remplace par π−θ, ce qui equivaut a echanger les deux particules de l’etat final. Ceciest la consequence de l’identite des particles, qui se manifeste par la somme sur les deux termes del’eq. (6.97). La section differentielle est piquee autour de θ = 0 et θ = π, et chute comme le carrede l’energie cinetique des particules incidentes, comme la section de Rutherford.

6.5 Equation de Klein-Gordon

L’equation de Schrodinger habituelle pour les particules libres

i∂ψ

∂t= − 1

2m∇2ψ (6.104)

n’est pas compatible avec la theorie de la relativite restreinte. Elle decrit des particules dontl’energie et la quantite de mouvement sont reliees par E = p2/2m. Cela se constate immediatementpar la correspondance entre energie, quantite de mouvement et les operateurs differentiels, soit

E → i∂

∂tp → −i∇ (6.105)

Une version relativiste de l’equation d’onde pour les ondes de matiere a ete proposee par Klein etGordon (1927) et suit de pres les idees originales de Louis de Broglie. En appliquant la relationrelativiste entre energie et quantite de mouvement, soit E2 = p2+m2, a la correspondance ci-dessus,on ecrit l’equation suivante :

−∂2ψ

∂t2= −∇2ψ +m2ψ ou

(∇2 − ∂2

∂t2−m2

)ψ = 0 (6.106)

habituellement appelee equation de Klein-Gordon. Cette equation est tres semblable a l’equationd’onde ordinaire, sauf pour un terme supplementaire impliquant la masse. Si on substitue danscette equation une solution en forme d’onde plane

ψ(r, t) = ei(p·r−Et) (6.107)

on trouve la contrainte evidente :

(−p2 + E2 +m2)ψ = 0 (6.108)

Page 81: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.5. Equation de Klein-Gordon 81

L’une des raisons pour lesquelles Schrodinger proposa une equation differente pour decrire les ondesde matiere est que l’equation de Klein-Gordon est du deuxieme ordre dans le temps, et donc quel’energie de la particule peut etre a la fois negative ou positive : E = ±

√p2 +m2. On ne savait

pas, a l’epoque, comment interpreter ces solutions a energie negative. La raison fondamentale pourlaquelle cette equation ne peut s’appliquer aux electrons est un peu plus subtile : cette equation,pour etre fondamentale, ne peut decrire que des bosons.

6.5.1 Le champ scalaire massif

Revenons a la theorie du champ scalaire, introduite plus haut comme modele-jouet dans le butde simplifier la discussion de l’interaction entre electrons et photons. Comme le potentiel vecteur,dans la jauge de Coulomb, obeit a l’equation d’onde :(

∇2 − ∂2

∂t2

)A = 0 (6.109)

le champ scalaire, qui correspond en fait a une sorte de champ electromagnetique duquel on auraitretranche l’aspect vectoriel, devrait lui-aussi obeir a cette equation :(

∇2 − ∂2

∂t2

)φ = 0 (6.110)

Une consequence de cette equation est que les quanta du champ φ, crees par les operateurs a†k, ontla relation de dispersion suivante : E = |p| (ou ωk = k, comme ecrit ci-haut).

Une autre consequence est que la force que ce champ represente decroıt comme l’inverse du carrede la distance. En effet, en presence de matiere, le potentiel vecteur electromagnetique obeit a uneequation inhomogene : (

∇2 − ∂2

∂t2

)A = −4πJ (6.111)

ou J est la densite de courant. Par analogie, le champ scalaire, obtenu en elimimant la naturevectorielle du potentiel vecteur, doit obeir a l’equation inhomogene suivante :(

∇2 − ∂2

∂t2

)φ = −4πgρ (6.112)

ou ρ est la densite de particules de matiere (nous avons extrait de cette densite la constante g,l’equivalent de la charge elementaire pour le champ scalaire, au lieu d’utiliser une “densite decharge”). Si on place une particule de matiere fixe a l’origine, le champ scalaire cree par cetteparticule ne depend pas du temps et obeit a l’equation

∇2φ = −4πgδ(r) (6.113)

C’est l’equation de Poisson, la meme qui regit le potentiel electrique en presence d’une chargeponctuelle. La solution est donc la meme :

φ(r) =g

r(6.114)

et la force correspondante, soit F = −∇φ, decroıt comme l’inverse du carre de la distance.

Supposons maintenant que les quantas du champ φ ont une masse m, au lieu d’etre sans massecomme les photons. Le champ devrait alors obeir a l’equation de Klein-Gordon et l’equation (6.112)

Page 82: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

82 6. Quantification du champ et interactions

devrait etre modifiee de la maniere suivante : En coordonnees spheriques, cette equation a la formesuivante : (

∇2 − ∂2

∂t2−m2

)φ = −4πgρ (6.115)

Pour une source ponctuelle fixe a l’origine, cette equation devient(∇2 −m2)φ = −4πgδ(r) (6.116)

En coordonnees spheriques, cette equation est

1r

∂2

∂r2 (rφ)−m2φ = 0 (r > 0) (6.117)

en autant qu’on ne soit pas exactement a l’origine (r = 0). Si on definit la variable u = rφ, cetteequation devient

u′′ −m2u = 0 =⇒ u(r) = Ae−mr +Bemr (6.118)

ou A et B sont des constantes a determiner. On peut immediatement affirmer que B = 0, carune solution exponentiellement croissante n’est pas physiquement acceptable. La solution pour φa donc la forme suivante :

φ(r) =A

re−mr (6.119)

La valeur de la constante A peut etre tiree de la solution connue dans la limite m→ 0, soit A = g,et donc

φ(r) = ge−mr

r(6.120)

La forme de ce champ en fonction de r est appelee potentiel de Yukawa. La force tiree de ce potentieldecroıt exponentiellement, avec une distance caracteristique r0 = m−1, la portee du potentiel.

Autrement dit, si des particules de matiere interagissent par l’intermediaire d’un champ scalairede masse m (au lieu d’interagir en echangeant des photons), leur force mutuelle va decroıtre expo-nentiellement, avec une portee egale a la longueur d’onde de Compton des bosons intermediaires.

6.5.2 Theorie de Yukawa de l’interaction forte

Le physicien japonais Hideki Yukawa propossa, en 1935, que la force nucleaire devait sa tres courteportee au fait qu’elle etait transmise par des particules massives, decrites par le champ scalaire ci-haut. On appela ces particules hypothetiques mesons. En supposant que la portee de l’interactionforte est de 1 a 2 fm, on conclut que la masse des mesons doit etre situee entre 100 et 200MeV.

Notons qu’il doit y avoir trois type de mesons, de charges electriques ±e et zero, qu’on noterespectivement π± et π0. Le meson neutre π0 est echange lors de collisions entre protons ou entreneutrons, comme illustre a l’eq. (6.96). Ce processus mene alors a une section differentielle dediffusion semblable a celle que nous avons calculee a l’eq. (6.103), avec une diffusion prononceequand l’angle de diffusion est proche de zero ou proche de π.

C’est effectivement ce qui est observe. Mais on observe la meme dependance angulaire lors de ladiffusion de neutrons sur des protons, ce qui peut laisser perplexe, car les protons et neutronsne sont pas des particules identiques, et que le fait que la section differentielle soit piquee a θ =π provient justement de l’indiscernabilite des particules diffusantes, tel que representee par ledeuxieme diagramme de (6.96). La solution a ce paradoxe est que des processus d’echange de

Page 83: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.6. Formulation lagrangienne 83

mesons charges ont aussi lieu, qui permettent de convertir un neutron en proton ou vice-versa. Lesdiagrammes de Feynman contribuant a la diffusion neutron-proton sont donc de la forme suivante :

+

n

n

p

p

n

p

p

n

π0 π+(6.121)

Le diagramme de droite joue alors le meme role que dans le diagramme (6.96) : il donne a la sectiondifferentielle une symetrie par rapport a l’echange θ → π − θ. Notons que nous avons affuble laligne du champ π+ d’une fleche, mais pas celle du champ π0. Ceci est lie au fait que le champ π0

est sa propre antiparticule, alors que l’antiparticule du meson π+ est le meson π−. Ceci sera clarifieplus loin.

Decouverte des mesonsLa decouverte, en 1937, parmi les rayons cosmiques, de particules de masse ∼ 105 MeV, fit penserque la particule hypothetique de Yukawa etait enfin revelee. On se rendit compte tres rapidementque cette particule n’avait pas les proprietes voulues. C’etait en fait le muon, qu’on appelait ini-tialement le meson-µ. Le veritable meson, le meson-π ou pion, fut decouvert en 1947. Le mesonneutre (π0) a une masse de 135.0 MeV et le meson charge une masse de 139.6 MeV. En fait,une plethore de particules analogues au meson furent decouvertes dans les annees qui suivirent.La theorie de Yukawa n’est manifestement pas une theorie fondamentale de l’interaction forte,quoiqu’elle represente bien certaines de ses proprietes. Fondamentalement, les mesons sont formesde quarks, comme les nucleons. Plus precisement, les mesons sont formes d’un quark lie a unantiquark, et l’echange de mesons entre deux nucleons peut etre vu comme la manifestation del’echange de quarks entre deux nucleons. Nous reviendrons sur ce sujet dans le chapitre portantsur la classification des hadrons, les particules qui interagissent par l’interaction forte.

6.6 Formulation lagrangienne

La mecanique quantique est habituellement formulee en termes d’operateurs agissant sur des etatsappartenant a un espace de Hilbert. L’operateur le plus important est le hamiltonien H, qui decritcomment les etats evoluent dans le temps, par l’equation de Schrodinger :

i∂

∂t|ψ〉 = H|ψ〉 (6.122)

Cette formulation de la mecanique quantique porte le nom de “formalisme canonique”, car elle esten correspondance directe avec la mecanique classique dans le formalisme canonique de Hamilton.

Cette formulation est tres pratique dans le traitement des problemes non relativistes, mais ellesouffre d’un defaut important : elle n’est pas manifestement invariante de Lorentz. En effet, letemps, a travers l’operateur de Hamilton H, joue ici un role privilegie par rapport aux autrescoordonnees. Il est difficile de juger, a partir de la forme du hamiltonien, si la theorie est invariantede Lorentz ou non. Jusqu’ici, nous avons juge de l’invariance de Lorentz a partir des equationsd’ondes associees, comme l’equation de Klein-Gordon ou l’equation de Dirac.

Page 84: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

84 6. Quantification du champ et interactions

6.6.1 Rappels de mecanique de Lagrange

Les symetries d’une theorie sont beaucoup plus explicites dans le formalisme lagrangien. Rappelonsque, pour une theorie decrite par N coordonnees generalisees qi, le lagrangien L(qi, qi) est unefonction des coordonnees et de leurs derivees par rapport au temps et que les equations classiquesdu mouvement, dites equations de Lagrange, ont la forme suivante :

ddt∂L

∂qi− ∂L

∂qi= 0 (6.123)

Ces equations proviennent d’un principe variationnel, dit principe de la moindre action, qui stipuleque le mouvement reel (classique) du systeme qi(t) est celui qui rend l’action stationnaire, oul’action est l’integrale sur le temps du lagrangien :

S[q] =∫

dt L(qi, qi) (6.124)

En effet, la variation de l’action qui accompagne une variation δqi(t) du mouvement entre les tempsinitial et final consideres est

δS[q] =∫

dt∂L

∂qiδqi +

∂L

∂qiδqi

=∫

dt∂L

∂qi− d

dt∂L

∂qi

δqi (6.125)

ou on a suppose que la variation δqi s’annule aux temps initial et final et ou on a integre parparties le deuxieme terme. Si on demande que la variation δS soit nulle pour toute variation δqi(t)possible, on doit admettre que l’expression entre accolades s’annule en tout temps et donc que lesequations de Lagrange s’appliquent.

Le passage de la formulation lagrangienne a la formulation hamiltonienne se fait premierement endefinissant les variables conjuguees

pi =∂L

∂qi

et la fonction de Hamilton, qui est simplement la transformee de Legendre du lagrangien parrapport a la variables qi (sommation sur i implicite) :

H = piqi − L (6.126)

Les N equations de Lagrange, du deuxieme ordre dans le temps, sont alors equivalentes aux 2Nequations de Hamilton, du premier ordre dans le temps :

qi =∂H

∂pipi = −∂H

∂qi(6.127)

6.6.2 Densite lagrangienne

Dans un theorie des champs, le nombre de degres de libertes N tend vers l’infini. Pour fixer lesidees, considerons un champ scalaire φ. L’equivalent des coordonnees generalisees dans ce cas estconstitue de la valeur du champ φ(r) a chaque position de l’espace. La fonction de Lagrange estalors l’integrale sur l’espace d’une fonction L(φ, ∂µφ) qu’on appelle la densite lagrangienne ou, parabus de langage, lagrangien tout simplement :

L =∫

d3rL(φ, ∂µφ) (6.128)

Page 85: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.6. Formulation lagrangienne 85

Cette fonction depend de la valeur du champ φ a un endroit donne et de ses derivees spatiales ettemporelle, regroupees sous le symbole covariant ∂µφ. Le meme principe variationnel s’applique :le champ φ(r, t) doit evoluer dans le temps et varier dans l’espace de maniere a ce que l’action

S[φ] =∫

dt L =∫

d3rdtL(φ, ∂µφ) (6.129)

soit stationnaire. On voit facilement que la variation de l’action associee a une variation δφ(r, t)est

δS[φ] =∫

d3rdt(∂L

∂φδφ+

∂L

∂∂µφδ∂µφ

)=∫

d3rdt(∂L

∂φ− ∂

∂xµ∂L

∂∂µφ

)δφ (6.130)

ou nous avons integre par parties sur tout l’espace et tout le temps pour obtenir la deuxiemeegalite, en supposant que les termes aux frontieres (a l’infini de l’espace-temps) sont nuls, en raisonde la decroissance suffisamment rapide du champs dans l’espace et dans le temps. Pour que l’actionsoit stationnaire pour toute variation δφ, il faut que la quantite entre parentheses s’annule en touttemps et en tout lieu, et donc que l’equation suivante soit satisfaite :

∂L

∂φ− ∂

∂xµ∂L

∂∂µφ= 0 (6.131)

6.6.3 Action du champ scalaire

Appliquons ce raisonnement au champ scalaire et a l’equation de Klein-Gordon. Montrons quedans ce cas la densite lagrangienne est simplement donnee par

Lφ =12∂µφ∂

µφ− 12m2φ2 (6.132)

Une application directe de l’equation (6.131) donne

∂Lφ

∂φ= −m2φ ,

∂Lφ

∂∂µφ= ∂µφ =⇒ −m2φ− ∂µ∂

µφ = 0 (6.133)

ce qui n’est rien d’autre que l’equation de Klein-Gordon.

Notons tout de suite que l’invariance de Lorentz de cette equation est une consequence del’invariance de Lorentz de la densite lagrangienne : si la densite lagrangienne est invariante, alorsl’action S, qui est son integrale sur l’espace-temps, l’est aussi; si l’action est stationnaire dans unreferentiel, elle le sera donc dans tous les referentiels et l’equation d’onde correspondante devraetre satisfaite dans tous les referentiels. On doit pour cela supposer que le champ scalaire φ estinvariant de Lorentz. Ceci s’exprime par l’equation de transformation suivante :

φ′(x′) = φ(x) (6.134)

ou les quantites primees sont definies dans un referentiel S ′ et les quantites non primees dansle referentiel S (x sert d’abreviation pour les composantes xµ du quadrivecteur position). Etantdonne que le champ φ est un invariant de Lorentz, alors ∂µφ forme un quadrivecteur covariant etla densite lagrangienne ci-haut est manifestement invariante.

Ceci est un principe general tres important. Les theories qui decrivent les particules fondamentalessont toutes des theories de champs. Elles peuvent toutes etre definies par une densite lagrangiennequi doit etre invariante de Lorentz. Dans le prochaine section, nous verrons comment definir unetheorie des electrons relativistes en se basant sur ce principe.

Page 86: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

86 6. Quantification du champ et interactions

Problemes

Problme 6.1

a) La densite d’impulsion du champ electromagnetique est proportionnelle au vecteur de Poynting :

π =14π

E ∧B

Demontrer comment passer de cette relation a la relation suivante pour l’impulsion du champ electromagnetique :

P =∑j,k

ka†jkajk

b) Faites de meme pour l’impulsion totale des electrons. A partir de l’expression de l’impulsion du champ deSchrodinger, montrez que

P =∑k

kc†kck

c) Etant donne l’expression de la densite d’impulsion du champ electromagnetique, il est naturel de poser quele moment cinetique du champ est donne par l’expression suivante :

L =14π

∫d3r r ∧ (E ∧B)

Dans la jauge de Coulomb, on montre que cette expression est equivalente a l’expression suivante :

L =14π

∫d3r

E ∧A +

∑i

Ei(r ∧∇)Ai

(6.135)

On associe le dernier terme au moment cinetique orbital du champ, alors que le premier terme est le momentcinetique intrinseque. Exprimez le premier terme en fonction des operateurs de creation et d’annihilation.Utilisez a cette fin une base de polarisations circulaires, c’est-a-dire

e1 =x + iy√

2e2 =

x− iy√2

ou l’axe des z est dans la direction du vecteur d’onde. Interpretez votre resultat : quel est le spin du photon?

Problme 6.2Considerons un champ quantique scalaire φ, dont le developpement en modes est le suivant :

φ(r) =∑q

√2πVωq

(aqeiq·r + a†qe−iq·r

)Imaginons que nous avons un moyen de “mesurer” ce champ en un endroit donne, mais que nos appareils sontentaches d’une certaine erreur, de sorte qu’ils ne mesurent pas le champ φ(r) directement, mais une certainemoyenne de ce champ autour d’une position donnee, qu’on definit comme

Φ(r) =∫

d3r′ φ(r′)f(r− r′)

Page 87: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.6. Formulation lagrangienne 87

ou f est une fonction qui ne depend que de la distance, qu’on prend comme etant une gaussienne de largeurR :

f(r) = A exp− r2

R2 A =1

(πR2)3/2

La constante A est choisie de maniere a normaliser la fonction f a l’unite. Cette fonction caracterisel’imprecision de l’“appareil de mesure” et R est en quelque sorte la resolution de l’appareil.

a) Montrez que la valeur moyenne dans le vide du “champ flou” Φ(0) est nulle.

b) Calculez la fluctuation de ce champ dans le vide, c’est-a-dire sa variance, definie dans ce cas-ci comme

∆Φ2 = 〈0|Φ(0)2|0〉. Montrez que

∆Φ2 =1π

∫ ∞

0dq

q2

ωqe−q

2R2/2

c) Montrez que cette variance tend vers l’infini quand R → 0. Calculez l’integrale dans les deux cas limitesou (i) R 1/m et (ii) R 1/m, m etant la masse du champ φ.Indice : n’hesitez pas a vous servir du theoreme de Parseval et de la notion de convolution. Toutes les integralesen jeu se font analytiquement, mais l’usage de tables ou de Mathematica est bien sur permis.Ceci demontre que les champs quantiques sont des quantites aux tres fortes fluctuations. . .

Problme 6.3Un champ scalaire ordinaire φ (∈ R) represente un boson neutre. Pourquoi ne peut-il pas representer un bosoncharge electriquement?Montrer que pour representer un boson charge electriquement, on doit utiliser deux champs scalaires reels φ1et φ2 de proprietes identiques (i.e. de meme masse). Comment effectuer le couplage de ces champs avec lechamp electromagnetique? Quels sont les diagrammes de Feynman possibles?Montrez que ces deux champs decrivent non seulement des bosons charges, mais aussi leurs antiparticules.

Page 88: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 7

Theorie relativiste de l’electron

7.1 Spin et transformations de Lorentz

L’equation de Klein-Gordon (ou, si on prefere, le champ correspondant) ne peut pas decrire desparticules de spin 1

2 comme les electrons ou autres particules de matiere. Lors d’une rotation, parexemple, les deux composantes d’un spineur se combinent entre elles, alors qu’un champ scalairereste inchange. Le probleme est ici de trouver comment un spineur se transforme quand on passed’un referentiel a l’autre, de maniere a pouvoir ecrire une equation d’onde pour un spineur quisoit la meme dans tous les referentiels. Ceci nous menera a l’equation de Dirac. Alors seulementpourrons-nous decrire des electrons relativistes.

En guise d’introduction, considerons un spineur ψ = (ψ1, ψ2) et rappelons-nous que l’operateur dumoment cinetique de spin S, dans ce langage, est

S =12σ = (σ1, σ2, σ3) (7.1)

ou les trois matrices de Pauli sont donnees par

σ1 =(

0 11 0

)σ2 =

(0 −ii 0

)σ3 =

(1 00 −1

)(7.2)

Lorsqu’on procede a une rotation des axes, la valeur moyenne

ψ†σψ (7.3)

se comporte comme un vecteur, mais les composantes du spineur se transforment differemment.Plus precisement, le spineur transforme ψ′ est

ψ′ = Rψ ou R = cos θ/2 + in · σ sin θ/2 (7.4)

ou n est la direction de l’axe de rotation et θ l’angle de rotation. Cette matrice R a la proprieteque

R†σR = R(σ) (7.5)

ou R est la matrice de rotation des axes associee a la rotation (n, θ). Par exemple, une rotationd’angle θ dans le plan xy correspond a la matrice

R(z, θ) =

cos θ sin θ 0− sin θ cos θ 0

0 0 1

(7.6)

Page 89: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.1. Spin et transformations de Lorentz 89

Comment peut-on generaliser cette loi de transformation d’un spineur a une transformation deLorentz? Considerons pour ce faire la matrice hermitique suivante, construite a l’aide des com-posantes du quadrivecteur position (ou en fait de tout autre quadrivecteur) :

X(x) =(

x0 − x3 −x1 + ix2

−x1 − ix2 x0 + x3

)= xµσ

µ (7.7)

ou on a introduit la notation σ0 = 1 et σµ = (σ0, σ1, σ2, σ3). La matrice X est la matrice hermitique2× 2 la plus generale qui soit. Son determinant est

detX(x) = (x0)2 − (x1)2 − (x2)2 − (x3)2 = xµxµ (7.8)

et est invariant de Lorentz.

Considerons la transformation matricielle suivante :

N †X ′N = X (7.9)

ou N est une matrice complexe unimodulaire (c’est-a-dire de determinant unite). Notons que pardefinition, X ′ = x′µσ

µ et donc que la matrice N met en correspondance un quadrivecteur xµ avecun quadrivecteur transforme x′µ. Comme le determinant d’un produit de matrices est le produitdes determinants et que detN = detN † = 1, on trouve detX ′ = detX et donc

(x′0)2 − (x′1)2 − (x′2)2 − (x′3)2 = (x0)2 − (x1)2 − (x2)2 − (x3)2 (7.10)

C’est donc qu’une matrice N preserve les invariants de Lorentz et correspond donc a une transfor-mation de Lorentz bien precise, specifiee par une matrice de transformation 4× 4 Λ :

x′µ = Λµνx

ν ou x′µ = Λµνxν (7.11)

ou la matrice Λµν est l’inverse de la transposee de Λµ

ν (i.e. ΛµαΛν

α = δµν ). Notons qu’il faut 4×2 = 8parametres pour specifier une matrice complexe 2× 2 generale, et que la condition de determinantunite impose une contrainte complexe qui reduit le nombre de parametres a 6. Il faut aussi 6parametres pour specifier une transformation de Lorentz generale (3 composantes pour la vitesserelative des deux referentiels et 3 pour specifier une rotation relative des axes). La transformation(7.9) peut aussi s’ecrire

N †x′µσµN = N †Λµ

νxνσµN = xνσ

ν (7.12)

Comme cette relation vaut pour toute valeur de x, on en deduit que σµ se comporte comme unquadrivecteur contravariant, soit

N †ΛµνσµN = σν ou N †σµN = Λµ

νσν (7.13)

On aurait tout aussi bien pu considerer la matrice suivante :

X(x) =(x0 + x3 x1 − ix2

x1 + ix2 x0 − x3

)= xµσ

µ (7.14)

ou σµ = (σ0,−σ1,−σ2,−σ3), et introduire une transformation

M †X ′M = X (7.15)

pour aboutir a la proprieteM †σµM = Λµ

νσν (7.16)

Les matrices N et M sont reliees; on montrera plus bas que M = (N−1)†.

Page 90: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

90 7. Theorie relativiste de l’electron

Considerons maintenant des exemples precis de transformations. La matrice

N = P =(

e−η/2 00 eη/2

)(7.17)

correspond a une transformation de Lorentz de rapidite η dans la direction z. En effet,

P †σ0P =(

e−η 00 eη

)=(

cosh η − sinh η 00 cosh η + sinh η

)= σ0 cosh η − σ3 sinh η (7.18)

et

P †σ3P =(

e−η 00 −eη

)=(

cosh η − sinh η 00 − cosh η − sinh η

)= σ3 cosh η − σ0 sinh η (7.19)

alors que

P †σ1P =(

e−η/2 00 eη/2

)(0 eη/2

e−η/2 0

)= σ1 (7.20)

et pareillement pour σ2. On verifie aussi que changer le signe de σ1,2,3, donc passer de N a M ,requiert changer le signe de η, et donc que la meme transformation de Lorentz correspond plutota M = P−1.

Comme deuxieme exemple, considerons la matrice

N = R =(

eiθ/2 00 e−iθ/2

)(7.21)

On verifie dans ce cas que R† = R−1 et donc que P †σ0P = σ0. D’autre part,

R†σ3R =(

e−iθ/2 00 eiθ/2

)(eiθ/2 00 −e−iθ/2

)= σ3 (7.22)

Enfin,

R†σ1R =(

e−iθ/2 00 eiθ/2

)(0 e−iθ/2

eiθ/2 0

)=(

0 e−iθ

eiθ 0

)= σ1 cos θ + σ2 sin θ (7.23)

et

R†σ2R =(

e−iθ/2 00 eiθ/2

)(0 −ie−iθ/2

ieiθ/2 0

)=(

0 −ie−iθieiθ 0

)= σ2 cos θ − σ1 sin θ (7.24)

On constate donc que cette matrice R correspond a une rotation d’angle θ par rapport a l’axez. Il s’agit en fait de la meme matrice de rotation qu’a l’eq. (7.4), dans le cas particulier n = z.L’eq. (7.4) donne la forme de la matrice R correspondant a une rotation generale. On verifie quela meme rotation est obtenue en posant M = R.

Par contre, une transformation de Lorentz associee a une vitesse v generale correspond plutot a lamatrice

N = P (v, η) = cosh η/2− v · σ sinh η/2 (7.25)

alors qu’une transformation generale (changement de referentiel plus rotation) peut toujours s’ecrirecomme N = PR. La matrice M correspondante est alors M = P−1R = (N †)−1. En somme, larelation entre M et N est

M = (N †)−1 (7.26)

Page 91: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.1. Spin et transformations de Lorentz 91

7.1.1 Spineurs droits et gauches

La comparaison avec la transformation des spineurs non relativistes (eq. (7.4)) nous porte a posersimplement qu’un spineur se transforme comme ψ′ = Nψ ou ψ′ = Mψ lors d’une transformationde Lorentz. Pour distinguer ces deux possibilites, on definira un spineur droit ψR et un spineurgauche ψL tels que

ψ′R = NψR et ψ′L = MψL (7.27)

Les qualificatifs droit et gauches seront justifies plus bas. La distinction entre spineurs gauche etdroit n’a pas d’importance si on se limite a des rotations, sans changement de referentiel.

Maintenant que nous savons comment les spineurs se transforment lors d’une transformationgenerale de Lorentz, nous pouvons construire un lagrangien invariant L impliquant ces spineurs,afin de construire theorie relativiste des particules de spin 1

2 . Pour cela, nous devons identifier desinvariants construits a partir de ces spineurs. Comme demontre plus haut, N †σµN = Λµ

νσν et

M †σµM = Λµν σ

ν . Donc les combinaisons

ψ†RσµψR et ψ†Lσ

µψL (7.28)

se transforment comme des quadrivecteurs. Par exemple,

ψ′†Rσµψ′R = ψ†RN

†σµNψR = Λµνψ

†Rσ

νψR (7.29)

D’autre part, comme M = (N †)−1, la combinaison ψ†RψL et son conjugue complexe ψ†LψR sont desinvariants de Lorentz :

ψ′†Rψ′L = ψ†RN

†MψL = ψ†RψL (7.30)

Les expressions suivantes sont donc des termes possibles d’une densite lagrangienne construite al’aides de spineurs :

iψ†Lσµ∂µψL iψ†Rσ

µ∂µψR (ψ†LψR + ψ†RψL) i(ψ†LψR − ψ†RψL) (7.31)

Notons que toutes ces quantites sont reelles, ce qui necessite la premultiplication par i dans lesdeux premiers cas. En effet, l’action S correspondant au premier terme est

S = i

∫d4xψ†Lσ

µ∂µψL (7.32)

Son conjugue complexe est alors

S∗ = −i∫

d4x ∂µψ†Lσ

µψL = −i∫

d4x∂µ

(ψ†Lσ

µψL

)− ψ†Lσ

µ∂µψL

(7.33)

Le premier terme entre accolades est une derivee totale et disparaıt de l’action, car il se transformeen integrale sur une hypersurface d’espace-temps a l’infini par utilisation du theoreme de Gauss,et la variation du lagrangien est toujours supposee nulle sur la frontiere du domaine d’integration(ici, l’infini). On trouve donc

S∗ = −i∫

d4x−ψ†Lσ

µ∂µψL

= S (7.34)

L’action est donc reelle, grace au prefacteur i.

Considerons donc une theorie construite a l’aide d’un seul type de spineur, droit ou gauche. Lelagrangien le plus simple, quadratique dans le champ ψ, serait

L = iψ†Lσµ∂µψL ou L = iψ†Rσ

µ∂µψR (7.35)

Page 92: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

92 7. Theorie relativiste de l’electron

Une variation du champ ψR ou ψL mene directement aux equations d’onde suivantes :

σµ∂µψL = 0 σµ∂µψR = 0 (7.36)

Pour voir quel type d’objet est decrit par ces equations, posons une solution de type onde plane :

ψL = uLe−ipµxµ ψR = uRe−ip

µxµ (7.37)

En substituant dans les equations d’ondes ci-haut, on trouve

σµpµuL = 0 σµpµuR = 0 (7.38)

Supposons de plus que ces ondes se deplacent dans la direction +z, de sorte que pµ = (E, 0, 0,−p)(covariant). Ces equations deviennent explicitement(

E + p 00 E − p

)uL = 0

(E − p 0

0 E + p

)uR = 0 (7.39)

En supposant que l’energie est necessairement positive, on est force d’admettre uniquement lessolutions suivantes :

uL =(

01

)(E = p) et uR =

(10

)(E = p) (7.40)

On constate que les objets decrits par ces solutions ont une masse nulle, car E = |p|. D’autre part,la projection de spin associee a ψL est negative, et celle associee a ψR est positive.

7.1.2 helicite

On definit l’helicite comme la composante du spin s le long de la quantite de mouvement :

h = s · p (7.41)

L’helicite d’une particule sans masse est un invariant. En effet, la combinaison s · p est un produitscalaire, et donc deja invariante par rotations dans l’espace. Il suffit de montrer ici qu’elle estaussi invariante par rapport aux transformations de Lorentz dans la direction du mouvement dela particule. Posons justement que la particule se dirige le long de l’axe des z, de sorte que p = z.Dans ce cas, h = sz. Mais lors d’une transformation de Lorentz dans la direction z, le momentcinetique dans cette direction reste inchange, car en general son expression est Lz = xpy−ypx et lescomposantes de r et de p perpendiculaires a la direction de la transformation ne sont pas affecteespar la transformation. Cette propriete du moment cinetique s’etend aussi au moment cinetiqueintrinseque (spin), meme si celui-ci n’est pas exprime en fonction de la position et de la quantitede mouvement. La seule maniere de changer l’helicite serait de changer la direction de p, ce quipeut se faire si la transformation de Lorentz nous permet de “depasser” la particule, de sorte queh = s · p change de signe. Mais une particule sans masse se deplace toujours a la vitesse de lalumiere et ne peut etre depassee. Donc l’helicite h est un invariant de Lorentz.

Les solutions trouvees ci-haut montrent que le spineur ψL a une helicite negative, soit un spinantiparallele a sa vitesse. On dit que ceci correspond a une polarisation circulaire gauche, d’ou lequalificatif “gauche” associe a ce type de spineur. Le contraire prevaut pour le spineur ψR.

Page 93: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.2. Equation de Dirac 93

7.2 Equation de Dirac

Un champ de spineur ψR ou ψL ne peut decrire, en soi, que des particules de spin 12 sans masse

comme les neutrinos. Pour decrire une particule massive comme l’electron, nous devons combinerdes spineurs droit et gauche. Nous devons ecrire une densite lagrangienne invariante de Lorentzimpliquant a la fois ψR et ψL, a l’aide des termes figurant dans (7.31). Si nous demandons en plusque la theorie soit invariante par inversion de l’espace (transformation de parite), il faut aussi quela densite lagrangienne reste la meme lorsqu’on intervertit ψL et ψR. En effet, une inversion del’espace change la polarisation droite en polarisation gauche et vice-versa. Une autre facon de levoir est que l’inversion de l’espace change le signe du vecteur vitesse (ou quantite de mouvement)mais preserve l’orientation du vecteur moment cinetique, de sorte que l’helicite h = s · p change designe. La seule possibilite simple pour la densite lagrangienne est

LD = iψ†Lσµ∂µψL + iψ†Rσ

µ∂µψR −m(ψ†LψR + ψ†RψL) (7.42)

Nous verrons que le parametre m correspond a la masse des particules.

Plutot que de travailler avec des spineurs droit et gauche separes, on les combine generalement enun seul spineur a quatre composantes, dit spineur de Dirac :

ψ =(ψLψR

)(7.43)

On peut alors ecrire la densite lagrangienne ainsi :

L = iψ†(σµ 00 σµ

)∂µψ −mψ†

(0 11 0

)ψ (7.44)

On definit en outre les matrices 4× 4 suivantes :

γ0 =(

0 11 0

)γk =

(0 σk

−σk 0

)(7.45)

ce qui equivaut a

γµ = γ0(σµ 00 σµ

)(7.46)

On les appelle matrices de Dirac. Enfin, on definit le spineur conjugue ψ comme

ψ = ψ†γ0 (7.47)

La densite lagrangienne peut alors s’ecrire de la maniere suivante :

LD = iψγµ∂µψ −mψψ (7.48)

L’avantage de definir le spineur conjugue ψ est que la combinaison ψψ est un invariant de Lorentz,alors que la combinaison ψγµψ est un quadrivecteur.

Une fois la forme de la densite lagrangienne etablie, nous pouvons appliquer le principe de lamoindre action et trouver les equations de Lagrange correspondantes. Lors d’une variation δψ duspineur de Dirac, le spineur conjugue varie comme δψ = δψγ0. La variation de l’action de Diracqui s’ensuit est

δS[ψ] =∫

d4xδψ(iγµ∂µψ −mψ

)+(iψγµ∂µδψ −mψδψ

)=∫

d4xδψ(iγµ∂µψ −mψ

)+(−i∂µψγµ −mψ

)δψ (7.49)

Page 94: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

94 7. Theorie relativiste de l’electron

ou on a integre par parties dans la derniere parenthese. Comme le champ ψ est complexe, on peutconsiderer que ses parties reelle et imaginaire varient de maniere independante, ce qui se traduitpar des variations δψ et δψ independantes. Le principe de la moindre action se traduit donc parles equations separees

iγµ∂µψ −mψ = 0 et − i∂µψγµ −mψ = 0 (7.50)

On montre que ces equations sont en fait equivalentes. La premiere de ces equations est la celebreequation de Dirac.

7.2.1 Proprietes des matrices de Dirac

Avant d’etudier les solutions a l’equation de Dirac, signalons que les matrices de Dirac ne prennentpas toujours la forme (7.45). Il est possible d’appliquer une transformation unitaire ψ → Uψ surles spineurs de Dirac et de modifier en meme temps les matrices de Dirac par γµ → UγµU † sansmodifier ni l’action, ni l’equation de Dirac.

La representation (7.45) est qualifiee de chirale, alors que nous allons surtout utiliser la representationde Dirac :

γ0 =(

I 00 −I

)γi =

(0 σi−σi 0

)(7.51)

On verifie que cette representation s’obtient de (7.45) par la transformation

γµ → UγµU † ou U =1√2

(I I−I I

)(7.52)

ceci correpond a l’utilisation du spineur

ψ =1√2

(ψL + ψR−ψL + ψR

)(7.53)

Quelle que soit la representation, on verifie que les matrices de Dirac ont les proprietes suivantes :

γµγν + γνγµ = 2gµν γ0γµγ0 = (γµ)† (7.54)

7.2.2 Solution de l’equation de Dirac

Trouvons maintenant les solutions a l’equation de Dirac sous la forme d’ondes planes :

ψ = ψpei(p·r−Et) = ψpe−ipµxµ

(7.55)

En substituant dans l’equation de Dirac, on trouve(iγ0(−iE) + i

∑j

γj(ipj)−m

)ψp = 0 (7.56)

Apres premultiplication par γ0, on trouve(E −

∑j

γ0γjpj −mγ0

)ψp = 0 ou

(m p · σ

p · σ −m

)ψp = Eψp (7.57)

Page 95: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.2. Equation de Dirac 95

(avec la representation de Dirac (7.51)). Il s’agit d’une equation aux valeurs propres : les valeurs pos-sibles de E sont les valeurs propres de la matrice qui multiplie ψp et les spineurs ψp sont les vecteurspropres associes. Les valeurs propres se trouvent en solutionnant l’equation caracteristique :∣∣∣∣m− E p · σ

p · σ −m− E

∣∣∣∣ = 0 =⇒ E2 −m2 − p2 = 0 (7.58)

Si on definit Ep =√

p2 +m2, alors les valeurs propres sont E = ±Ep. Il y a donc des solutions aenergie positive et d’autres a energie negative.

Determinons maintenant la forme des vecteurs propres associes. Pour faciliter les choses, com-mencons par le cas de particules immobiles (p = 0). L’equation aux valeurs propres prend alors laforme tres simple (

m 00 −m

)ψ0 = Eψ0 (7.59)

et les vecteurs propres normalises, notes ui (i = 1, 2, 3, 4) sont simplement

E = m : u1 =

1000

u2 =

0100

E = −m : u3 =

0010

u4 =

0001

(7.60)

Utilisons ensuite un truc pour trouver les solutions associees a des valeurs non nulles de p.L’equation qu’on veut resoudre est (iγµ∂µ − m)ψ = 0 et la solution recherchee a la formeψ = ψpe−ipµx

µen fonction du quadrivecteur impulsion covariant pµ = (Ep,−p). Appliquer la

derivee ∂µ sur l’exponentielle revient a remplacer ∂µ par −ipµ et l’equation de Dirac devient(pµγ

µ −m)ψp = 0. Or, tout spineur de la forme (pµγµ +m)ψ0 est une solution a cette equation,

car(pµγ

µ −m)(pνγν +m) = pµpνγ

µγν −m2 = (7.61)

etpµpνγ

µγν =12pµpν(γ

µγν + γνγµ) = pµpνgµν = E2 − p2 (7.62)

Donc(pµγ

µ −m)(pνγν +m) = E2

p − p2 −m2 = 0 (7.63)

Il suffit donc d’appliquer l’expression matricielle (pνγν + m) aux solutions trouvees ci-haut pour

p = 0 pour obtenir les solutions correspondant a une quantite de mouvement p 6= 0. Apresnormalisation, on trouve

Ep

up,1 =

1√2Ep

√m+ Ep

(10

)σ · p√m+ Ep

(10

)

up,2 = idem avec(

01

)

−Ep

up,3 =

1√2Ep

−σ · p√Ep +m

(10

)√Ep +m

(10

)

up,4 = idem avec(

01

)

(7.64)

Page 96: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

96 7. Theorie relativiste de l’electron

Ces quatre vecteurs propres sont orthonormes :

u†juk = δjk (j, k = 1, 2, 3, 4) (7.65)

Il est clair que les solutions trouvees correspondent a des particules de spin 12 , mais l’existence de 4

solutions (au lieu de deux) et la presence de solutions a energie negative souleve des questions! Nousy repondrons dans la section suivante, en procedant a la deuxieme quantification de l’equation deDirac.

7.3 Deuxieme quantification du champ de Dirac

En multipliant l’equation de Dirac par γ0, on trouve une forme qui nous rapproche de l’equationde Schrodinger :

i∂ψ

∂t= Hψ ou H = −i

∑j

γ0γj∂

∂xi+mγ0 =

(m −iσ · ∇

−iσ · ∇ −m

)(7.66)

La forme du hamiltonien en deuxieme quantification devrait donc etre

H =∫

d3r ψ†Hψ (7.67)

En introduisant les transformees de Fourier :

ψ(r) =1V

∑p

ψpeip·r (7.68)

on trouve plutot

H =1V

∑p

ψ†p

(m p · σ

p · σ −m

)ψp (7.69)

Notons que les spineurs trouves plus haut (7.64) sont precisement les vecteurs propres de la matricequi apparaıt dans cette expression. En fonction de ces spineurs, on introduit la decomposition

ψp =√

V(cp,1up,1 + cp,2up,2 + cp,3up,3 + cp,4up,4

)(7.70)

et on trouve le hamiltonien

H =∑p

Ep

(c†p,1cp,1 + c†p,2cp,2 − c†p,3cp,3 − c†p,4cp,4

)(7.71)

Nous avons procede exactement de la meme maniere que pour le champ de Schrodinger, et lesoperateurs cp,j doivent egalement obeir a des relations d’anticommutation :

cp,j , c†p′,j′ = δp,p′δjj′ cp,j , cp′,j′ = 0 (7.72)

On pourrait egalement calculer l’operateur de la quantite de mouvement, et trouver facilement

P =∫

d3r ψ†(−i∇)ψ =∑p,j

p c†p,jcp,j (7.73)

De meme, l’operateur du nombre de particules serait

N =∫

d3r ψ†ψ =∑p,j

c†p,jcp,j (7.74)

Page 97: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.3. Deuxieme quantification du champ de Dirac 97

7.3.1 Antiparticules

Nous n’avons toujours pas regle la question des etats d’energie negative, crees en agissant avec lesoperateurs c†p,3 et c†p,4. Il s’agit d’un probleme en apparence tres serieux, car si on peut creer desetats d’energie negative en appliquant c†p,3 et c†p,4 sur le vide |0〉, c’est que le vide n’est pas l’etatfondamental. Dans ce cas, l’etat fondamental serait obtenu en occupant tous les etats d’energienegative, et il y en a deux pour chaque valeur de quantite de mouvement possible! Cet etat fonda-mental contiendrait un nombre infini de particules et serait l’analogue de ce qu’on appelle la merde Fermi en physique de l’etat solide. On l’appelle de fait la mer de Dirac. Annihiler une particuled’energie negative de la mer de Dirac revient a augmenter l’energie du systeme de Ep et modifier laquantite de mouvement du systeme de −p. En fait, point n’est besoin d’imaginer la mer de Diracpour resoudre le probleme des etats d’energie negative. C’est un simple probleme d’interpretation.Il suffit de definir de nouveaux operateurs :

dp,1 = c†−p,3 et dp,2 = c†−p,4 (7.75)

Ces operateurs obeissent aux meme relations d’anticommutation que les autres :

dp,j , d†p′,j′ = δp,p′δjj′ dp,j , dp′,j′ = 0 (7.76)

(ceci ne serait pas vrai pour des bosons, car un changement de signe des commutateurs seraitsurvenu). On definit ensuite le vide |0〉 ainsi :

cp,1|0〉 = cp,2|0〉 = dp,1|0〉 = dp,2|0〉 = 0 (7.77)

Le hamiltonien prend alors la forme suivante :

H =∑p

Ep

(c†p,1cp,1 + c†p,2cp,2 − dp,1d

†p,1 − dp,2d

†p,2

)(7.78)

ce qui devient, en utilisant les relations d’anticommutation,

H =∑p

Ep

(c†p,1cp,1 + c†p,2cp,2 + d†p,1dp,1 + d†p,2dp,2

)− 2

∑p

Ep (7.79)

Le dernier terme est une constante. Une constante infinie, malheureusement, mais une constantetout de meme, et on peut la laisser tomber, car l’energie est de toute maniere definie a une constantepres. Une autre facon de voir les choses, est que le hamiltonien intervient a travers l’equation deHeisenberg A = i[H,A], et qu’une constante additive a H ne contribue pas au commutateur, etdonc n’a aucun impact. Cette constante est en fait l’energie de la mer de Dirac definie plus haut.

Comme les definitions (7.75) font intervenir un changement dans le signe de la quantite de mou-vement, on preserve quand meme la forme correcte de l’operateur quantite de mouvement :

P =∑p

p(c†p,1cp,1 + c†p,2cp,2 + d−p,1d

†−p,1 + d−p,2d

†−p,2

)=∑p

p(c†p,1cp,1 + c†p,2cp,2 − d†−p,1d−p,1 − d†−p,2d−p,2

)=∑p

p(c†p,1cp,1 + c†p,2cp,2 + d†p,1dp,1 + d†p,2dp,2

) (7.80)

Par contre, l’operateur du nombre de particules est vraiment modifie par la transformation (7.75) :

N =∑p

(c†p,1cp,1 + c†p,2cp,2 − d†p,1dp,1 − d†p,2dp,2

)(7.81)

Page 98: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

98 7. Theorie relativiste de l’electron

et rien ne peut changer les signes des deux derniers termes. Mais c’est ici que l’interpretation dessolutions prend toute sa richesse : les particules creees par les operateurs d†p,j ne sont pas desparticules, mais des antiparticules! Elles ont les memes proprietes que les particules creees par lesoperateurs c†p,j , mais une charge opposee. L’operateur N represente le nombre de particules, moinsle nombre d’antiparticules, soit la charge electrique (divisee par −e dans le cas des electrons).Autrement dit, les antiparticules contribuent de maniere negative au nombre de particules et a lacharge electrique.

La theorie de Dirac predit donc l’existence d’antiparticules a l’electron, et en fait a toutes lesparticules de spin 1

2 . L’anti-electron porte le nom de positron et a ete identifie des 1931 par CarlAnderson.

Notons enfin que, en fonction des operateurs de creation et d’annihilation, le champ de Dirac al’expression suivante :

ψ(r) =1√V

∑p

∑j=1,2

(cp,jup,je

ip·r + d†p,jvp,je−ip·r

)(7.82)

ou on a definit des spineurs appropries aux antiparticules :

vp,1 = u−p,3 vp,2 = u−p,4 (7.83)

7.4 L’electrodynamique quantique

7.4.1 Transformations de jauge et couplage minimal

Rappelons les proprietes des transformations de jauge du champ electromagnetique. Le potentielelectromagnetique Aµ = (Φ,−A) n’est pas defini de maniere unique, pour une configuration donneedes champs E et B. On peut proceder a une transformation

Aµ → A′µ = Aµ − ∂µξ

ou ξ est une fonction quelconque de l’espace-temps. Cette transformation n’affecte pas les champsE et B, qui sont contenus dans le tenseur de Faraday, car

F ′µν = ∂µA

′ν − ∂νA

′µ = ∂µAν − ∂νAµ − ∂µ∂νξ + ∂ν∂µξ = Fµν

D’un autre cote, le potentiel electromagnetique apparaıt aussi dans le couplage de la matiere auchamp electromagnetique, par exemple, dans l’equation de Schrodinger

i∂tψ =1

2m(−i∇− eA)2ψ + Φψ (7.84)

Le potentiel electromagnetique, dans cet exemple, intervient par la substitution suivante :

∂µ → Dµ = ∂µ + ieAµ

ou Dµ est appelee la derivee covariante. En effet, D0 = ∂t + ieΦ et ~D = ∇− ieA, et l’equation deSchrodinger dans un champ electromagnetique peut alors s’ecrire comme suit :

iD0ψ = − 12m

~D2ψ (7.85)

Page 99: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.4. L’electrodynamique quantique 99

Il est clair que la transformation de jauge doit aussi affecter la fonction d’onde ψ de la manieresuivante :

ψ → ψ′ = ψeieξ

Dans ce cas, la derivee covariante Dµψ se transforme de la meme maniere que ψ :

D′µψ

′ = (∂µ + ieA′µ)ψ′ = (∂µ + ieAµ − ie∂µξ)(e

ieξψ)

= eieξ∂µψ + ie(∂µξ)eieξψ + ieAµ(e

ieξψ)− ie∂µξ(eieξψ)

= eieξ(∂µψ + ieAµ

= eieξDµψ

De meme, si on applique la derivee covariante plusieurs fois, un seul facteur de phase emerge. Parexemple,

DµDνψ → eieξDµDνψ

comme cela se verifie facilement, puisque Dνψ se transforme exactement comme ψ, et ainsi desuite.

L’equation de Schrodinger transformee est simplement

ieieξD0ψ = − 12m

eieξ ~D2ψ (7.86)

c’est-a-dire la meme qu’avant, puisque le facteur de phase s’elimine de l’equation.

L’introduction d’un champ electromagnetique permet donc d’elargir la symetrie de phase de lafonction d’onde en mecanique quantique. Au lieu d’avoir une symetrie de la theorie lors de la mul-tiplication de la fonction d’onde ψ par une phase globale (i.e. constante) eiθ, nous avons maintenantune symetrie lors de la multiplication par une phase locale eieξ(r,t) quelconque. Une symetrie car-acterisee par des changements ou transformations locales comme celle-ci porte le nom de symetriede jauge. La prescription qui consiste a remplacer les derivees ordinaires ∂µ par des derivees co-variantes Dµ afin de garantir l’invariance de jauge porte le nom de couplage minimal.

Appliquons le couplage minimal a l’equation de Dirac (iγµ∂µ −m)ψ = 0. On trouve alors

(iγµDµ −m)ψ = (iγµ∂µ − eAµγµ −m)ψ = 0 (7.87)

Le lagrangien associe a cette equation est alors

LD = ψ(iγµDµ −m)ψ = ψ(iγµ∂µ − eAµγµ −m)ψ (7.88)

Le couplage du champ de Dirac avec le champ electromagnetique prend la forme

L1 = AµJµ Jµ = −eψγµψ

ou Jµ est le quadrivecteur courant associees au particules decrites par ψ (par exemple, les electronset les positrons).

La charge electrique est l’integrale sur l’espace de la densite de charge, soit ρ = J0 = eψγ0ψ =eψ†ψ :

Q =∫

d3r ρ(r) = e

∫d3r ψ†ψ

Ceci coıncide (au facteur e pres) avec l’expression de l’operateur N du nombre de particules intro-duit plus haut. En substituant le developpement en modes (7.82), on trouve

Q =∑p

∑j=1,2

(c†p,jcp,j − d†p,jdp,j

)

Page 100: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

100 7. Theorie relativiste de l’electron

ce qui demontre que les antiparticules ont la charge opposee des particules.

7.4.2 Hamiltonien d’interaction electron-photon

Le Hamiltonien d’interaction electron-photon est l’oppose du lagrangien d’interaction, soit

H = e

∫d3r Aµψγ

µψ = (7.89)

Dans la jauge de Coulomb, A0 = 0 et donc

H = −e∫

d3rA · ψγψ = (7.90)

En substituant les developpements en mode (7.82) et (6.66), on trouve

H = − e

V

∫d3r

∑j,k

∑s,s′,p,p′

√2πωkV

(ajkejke

ik·r + a†jke∗jke

−ik·r)·

(c†p,sup,se

−ip·r + dp,svp,seip·r)γ(cp′,s′up′,s′e

ip′·r + d†p′,s′vp′,s′e−ip′·r

) (7.91)

Le developpement s’effectue comme suit :

HI = −e∫

d3r∑p,p′,q

∑j,j′,r

1V

√2πωqV

c†p,jcp′,j′arq(up,jγup′,j′) · er,qeir·(−p+p′+q) + c†p,jd

†p′,j′arq(up,jγvp′,j′) · er,qeir·(−p−p′+q)

c†p,jcp′,j′a†rq(up,jγup′,j′) · e∗r,qeir·(−p+p′−q) + c†p,jd

†p′,j′a

†rq(up,jγvp′,j′) · e∗r,qeir·(−p−p′−q)

dp,jcp′,j′arq(vp,jγup′,j′) · er,qeir·(p+p′+q) + dp,jd†p′,j′arq(vp,jγvp′,j′) · er,qe

ir·(p−p′+q)

dp,jcp′,j′a†rq(vp,jγup′,j′) · e∗r,qeir·(p+p′−q) + dp,jd

†p′,j′a

†rq(vp,jγvp′,j′) · e∗r,qeir·(p−p′−q)

L’integrale sur r permet d’eliminer l’un des vecteurs d’ondes :

HI = −e∑p,q

∑j,j′,r

√2πωqV

c†p,jcp−q,j′arq(up,jγup−q,j′) · er,q + c†p,jd

†−p+q,j′arq(up,jγvp−q,j′) · er,q

c†p,jcp+q,j′a†rq(up,jγup+q,j′) · e∗r,q + c†p,jd

†−p−q,j′a

†rq(up,jγvp+q,j′) · e∗r,q

dp,jc−p−q,j′arq(vp,jγu−p−q,j′) · er,q + dp,jd†p+q,j′arq(vp,jγvp−q,j′) · er,q

dp,jc−p+q,j′a†rq(vp,jγu−p+q,j′) · e∗r,q + dp,jd

†p−q,j′a

†rq(vp,jγvp+q,j′) · e∗r,q

Chacun de ces huit termes correspond a un processus particulier et a un type de vertex distinctdans la theorie des perturbations ordinaires. En fonction de veritables diagrammes de Feynman,ces huit termes ne representent qu’un seule vertex, soit le vertex fondamental de la QED. Les huittermes sont illustres a la figure 7.1, dans le meme ordre que ci-haut. Par convention et afin deles distinguer, les lignes associees au electrons sont munies d’une fleche orientee de l’etat initialvers l’etat final, alors que les lignes associees aux positrons sont munies de fleches orientees ensens contraire. Dans les veritables diagrammes de Feynman, ces fleches sont conservees, mais on ne

Page 101: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.4. L’electrodynamique quantique 101

Figure 7.1. Les huit differents vertex associes a l’interaction electron-photon dans latheorie des perturbations ordinaire. Dans la theorie covariante des perturbations, c.-a-d. dans les diagrammes de Feynman, tous ces vertex se fondent en un seul.

distingue pas les electrons des positrons virtuels; on se doit cependant de conserver la continuite desfleches aux vertex. Selon une interpretation commune, les antiparticules sont comme des particulesqui se propagent a l’envers dans le temps (d’ou le signe negatif de l’energie dans l’exponentielleassociee a la dependance temporelle).

7.4.3 Regles de Feynman

Le calcul des diagrammes de Feynman peut se faire en suivant les regles suivantes, dites regles deFeynman:

1. Pour un processus donne, identifier les etats inital et final et dessiner les lignes correspondantes.Les lignes sont affublees de fleches pour distinguer les particules (fleches dirigees vers les haut)des antiparticules (fleches dirigees vers le bas). Un photon est represente par une ligne ondulee,sans fleche (le photon est sa propre antiparticule).

2. Construire les diagrammes possibles a un ordre donne de la theorie des perturbations en re-liant les lignes par des vertex et en inserant des lignes internes, correspondant a des particulesvirtuelles, au besoin. Le nombre de vertex correspond a l’ordre dans le theorie des perturbations.Dans l’amplitude au carre, a chaque vertex correspond un facteur e2 = α ≈ 1/137.

3. Chaque ligne porte une certaine quadri-impulsion: notons-la pi pour les lignes externes, et qipour les lignes internes. La direction de cette quadri-impulsion est arbitraire, c.-a-d. affaire deconvention. On peut faire une analogie avec les lois de Kirchhoff dans la theorie des circuits. Laquadri-impulsion est conservee a chaque vertex.

4. La contribution du diagramme a iM, ou M est l’amplitude invariante du processus (normalisa-tion relativiste) se calcule ensuite comme indique au tableau 7.1.

a) A chaque ligne externe est associe un facteur associe au type de particule entrante ou sor-tante.

b) A chaque ligne interne est associe un propagateur.

c) A chaque vertex est associe un facteur proportionnel a e, et a une fonction delta imposantla conservation de la quadri-impulsion.

Page 102: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

102 7. Theorie relativiste de l’electron

5. La conservation de la quadri-impulsion entre les etats initial et final est une consequence desa conservation a chaque vertex. Cependant, le facteur global (2π)4δ(p1 + p2 + · − pn) associea la conservation de l’energie-impulsion doit etre ampute, pour obtenir l’amplitude M (paropposition a M . Voir a cet effet la discussion du chapitre 1).

6. On doit integrer sur toute quadri-impulsion interne qi qui n’est pas fixee par la conservation dela quadri-impulsion a chaque vertex. En pratique, a chaque boucle du diagramme correspondune integration. On doit aussi sommer sur tout indice de polarisation ou de spineur associe aune ligne interne.

7. Les diagrammes qui different par la permutation de deux lignes externes associees a des fermionsindiscernables doivent etre combines avec un signe relatif. De plus, toute boucle interne defermions doit etre accompagnee d’un facteur −1.

Tableau 7.1 Facteurs associes aux differents elements d’un diagramme de Feynman.

fermion initial uα(p)α

fermion final uα(p)α

antifermion initial vα(p)α

antifermion final vα(p)α

photon initial εµµ

photon final ε∗µ

µ

fermion virtuel i(pµγ

µ +m)βαp2 −m2 α β

photon virtuel −igµνq2 µ ν

vertex −ie(γµ)βα(2π)4δ(q1 − q2 + q3)α

β

µ

Ces regles sont applicables dans la normalisation relativiste des etats. Dans cette normalisation,les facteurs (2Ep)−1/2 qui apparaissent devant les spineurs (7.64) disparaissent. Les spineurs ont

Page 103: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.4. L’electrodynamique quantique 103

les proprietes suivantes :

up,jup,j′ = 2mδjj′ vp,jvp,j′ = −2mδjj′ up,jvp,j′ = vp,jup,j′ = 0 (7.92)

Les spineurs forment aussi une base complete dans l’espace des spineurs, ce qui se traduit par lesrelations∑

j=1,2

(up,j)α(up,j)β = (pµγµ +m)αβ

∑j=1,2

(vp,j)α(vp,j)β = (pµγµ −m)αβ (7.93)

Somme sur les polarisations et formules des tracesTres souvent, on doit faire la somme de la section efficace sur les polarisations possibles de l’etatfinal (si la polarisation des particules finales n’est pas observee dans une experience) et la moyennesur les polarisations des particules initiales (si les particules initiales ne sont pas preparees dansun etat de polarisation donnee). Il s’agit d’une somme des carres des amplitudes, et elle permetgeneralement de simplifier considerablement le resultats. La formule suivante, dite formule deCasimir, permettent d’effectuer cette somme :∑

j=1,2

[u(p1)Γu(p2)][u(p1)Γ′u(p2)]

∗ = Tr [Γ(p2 · γ +m2)Γ′(p1 · γ +m2)] (7.94)

ou Γ et Γ′ sont des matrices 4× 4, comme des matrices de Dirac ou des combinaisons ou produitsde matrices de Dirac. L’expression p · γ signifie bien sur pµγ

µ.

Le calcul des traces s’effectue en utilisant les formules suivantes :

Tr (γµγν) = 4gµν Tr (γµγνγργλ) = 4(gµνgρλ − gµρgνλ + gµλgρν) (7.95)

7.4.4 Exemples de processus

Indiquons quelques processus decrits par la theorie de l’interaction electron-photon, et les dia-grammes de Feynman associes a l’ordre le plus bas de la theorie des perturbations.

1. Diffusion electron-muon:

1

3

2

4

(7.96)

Dans ce processus, l’important est que les deux fermions qui diffusent l’un sur l’autre ne soient pasidentiques. Le muon est represente par une ligne pointillee pour le distinguer de l’electron, maisceci est tout-a-fait arbitraire. Une application des regles de Feynman mene a l’amplitude suivante :

M = − e2

(p1 − p3)2 [up3,j3γµup1,j1

][up4,j4γµup2,j2

] (7.97)

La somme sur les polarisation (j1,2,3,4) du carre de l’amplitude, effectuee a l’aide de la formule deCasimir et des formules de traces, donne

〈|M|2〉 =8e4

(p1 − p3)4

[(p1 · p2)(p3 · p4) + (p1 · p4)(p2 · p3)−M 2(p1 · p3)−m2(p2 · p4)− 2m2M 2]

(7.98)

Page 104: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

104 7. Theorie relativiste de l’electron

ou m est la masse de l’electron et M celle du muon.

A partir de cette formule, on peut demontrer la formule de Mott pour la section differentielle dediffusion dans le repere du muon initial, en supposant que celui-ci est infiniment massif par rapporta l’electron :

dσdΩ

=(

e2

2p2 sin2(θ/2)

)2 [m2 + p2 cos2 θ/2

](7.99)

ou p est la quantite de mouvement de l’electron initial et θ est l’angle de diffusion.

1. Diffusion electron-electron ou Diffusion de Møller:

_

1 2

3 4

1 2

3 4

(7.100)

Dans ce cas, l’identite des deux particules en cause nous force a considerer deux diagrammes quidifferent par une permutation des lignes sortantes.

1. Diffusion electron-positron ou Diffusion Bhabba:

+

1 2

3 4

1 2

3 4

(7.101)

1. Diffusion electron-photon ou Diffusion Compton:

+

1 2 1 2

3 4 3 4

(7.102)

Notons ici que deux diagrammes sont necessaires, differant par une permutation des photons initialet final.

7.4.5 Corrections radiatives

Pour un processus donne, les diagrammes a l’ordre le plus bas de la theorie des perturbations,comme ceux illustres ci-haut, ne comportent aucune boucle, c.-a-d. qu’ils ont la topologie d’unarbre. Ces diagrammes sont tous relativement simples a calculer, en depit d’un certain nombre detraces de matrices de Dirac a effectuer.

Pour un processus donne, comme par exemple la diffusion electron-muon, les diagrammes con-tribuant a l’ordre suivant comportent tous une boucle, comme indique a la figure 7.2. On montre

Page 105: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.4. L’electrodynamique quantique 105

Figure 7.2. Diagrammes contribuant a l’amplitude de diffusion electron-muon, a l’ordre4 de la theorie des perturbations.

que la presence d’une boucle entraıne l’existence d’une quadri-impulsion libre, non determinee parla conservation de la quadri-impulsion a chaque vertex. En fait, il est assez clair que la quadri-impulsion circulant dans une boucle inseree dans une ligne externe ou interne peut prendre unevaleur arbitraire sans affecter la conservation de la quadri-impulsion le long de cette ligne. Leprobleme est que l’integrale correspondante sur la quadri-impulsion est divergente. Ces divergencesdans la theorie des perturbations sont apparues tres tot dans le theorie – avant qu’elle soit for-mulee a l’aide de diagrammes – et en ont retarde le developpement pendant presque vingt ans.C’est le travail de Bethe, Feynman, Schwinger et Tomonaga a la fin des annees 1940 qui a permit decontourner cette difficulte. Une procedure, appelee renormalisation, a ete elaboree afin d’absorberdes quantites formellement infinies – mais en pratique inobservables – dans une redefinition de lacharge e, des masses des particules et de la normalisation des champs (d’ou le nom de renormali-sation). Cette procedure est essentielle afin de donner un sens aux ordres plus eleves de la theoriedes perturbations et permet dans quelques cas d’effectuer des calculs d’une remarquable precision.Les corrections aux ordres superieurs de la theorie des perturbations portent generalement le nomde corrections radiatives.

L’exemple le plus remarquable est le calcul du moment magnetique anormal de l’electron, le celebrefacteur g. Rappelons que le moment magnetique de l’electron est de grandeur gµB , ou µB = e/2me

est le magneton de Bohr et g le facteur de Lande, communement appele “facteur g”. Si l’electronse comportait comme une distribution de charge classique tournant sur elle-meme comme unemicroscopique boule de billard, son facteur g serait l’unite. On montre que l’equation de Diracmene a la valeur g = 2, ce qui constitue l’un des succes de cette equation. Par contre, la valeurmesuree de g est differente de 2, meme si elle en est tres proche. La valeur experimentale acceptee,provenant d’experiences de resonances tres precises, est la suivante :

g = 2(1 + a) a = 0.001 596 521 884(43) (7.103)

L’electrodynamique quantique permet de calculer a, c.-a-d. la deviation de g par rapport a 2. Cettedeviation provient exclusivement de corrections radiatives. Le calcul a ete mene jusqu’a l’ordre 8en theorie des perturbations – correspondant a quatre boucles par diagrammes – et un total depres de 1000 diagrammes ont ete calcules, la vaste majorite par des methodes numeriques, pourparvenir au resultat suivant (Kinoshita 1989) :

a = C1(α/π) + C2(α/π)2 + C3(α/π)3 + C4(α/π)4 + δa (7.104)

Page 106: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

106 7. Theorie relativiste de l’electron

ou les coefficients Ci sont le resultats d’integrales cinematiques et le δa (∼ 4, 46× 10−12) provientd’autres effets (boucles de muons, de taus, effets hadroniques et electrofaibles). La valeur numeriquebasee sur la valeur de α obtenue par l’effet Hall quantique est

a = 0.001 596 521 92(17)(73)(108) (7.105)

Les trois sources d’erreur proviennent respectivement de C3, C4 et α. L’accord entre la theorieet l’experience pour cette quantite est sans egal dans toute la physique theorique (10 chiffressignificatifs). En fait, on peut utiliser cet accord pour redefinir la constante de structure fine :

α−1 = 137.035 991 4(11) (7.106)

Problemes

Problme 7.1Essayons maintenant d’arriver a l’equation de Dirac d’une maniere differente de celle que nous avons utiliseeen classe. Dans l’espace reciproque (impulsion et energie), l’equation de Klein-Gordon prend la forme

(gµνpµpν −m2)ψ = 0

ou pµ = (E,−p) est le quadrivecteur d’energie impulsion.

Dans le but d’avoir une equation du premier ordre en derivees – et donc lineaire en pµ – essayons de factorisercette equation comme suit :

(gµνpµpν −m2) = (βµpµ +m)(γνpν −m)

ou βµ et γν sont des quantites a determiner.

a) Demontrer que βµ et γν ne peuvent etre des nombres ordinaires (reels ou complexes), c’est-a-dire que lafactorisation ne peut pas fonctionner dans ce cas.

b) Demontrez que la factorisation fonctionne si les βµ, γν sont des matrices telles que βµ = γµ et

γµγν + γνγµ = 2gµν

c) Demontrez qu’en quatre dimensions d’espace-temps, ces matrices sont au moins de dimension 4.

d) Demontrez qu’en dimension 3 d’espace-temps (donc deux dimensions d’espace), on pourrait choisir unerepresentation des matrices de Dirac de dimension 2.

Page 107: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.4. L’electrodynamique quantique 107

Problme 7.2

a) Etant donne un spineur de Dirac ψ, comment peut-on calculer la valeur des composantes (sx, sy , sz) duspin dans cet etat?

b) Considerons en particulier un spineur associe a un electron de quantite de mouvement p = pz, mais dont

l’orientation de spin est quelconque, c’est-a-dire une superposition αu1 +βu2, ou |α|2 + |β|2 = 1. Montrer quela projection du spin sur z est 1

2 (|α|2 − |β|2), alors que les projections du spin le long de x et y sont

m

EpRe (α∗β) et

m

EpIm (α∗β)

c) Que conclure de ceci pour un electron ultrarelativiste?

Problme 7.3On definit l’operation de parite – ou inversion de l’espace – par la transformation r → −r. L’effet de cettetransformation sur le champ de Dirac est le suivant :

ψ(r, t) → ψ′(r, t) = ηγ0ψ(−r, t)

ou η = ±1 est la parite intrinseque du champ de Dirac.

a) Partez de l’action associee au champ de Dirac :

S =∫

d4x (iψγµ∂µψ −mψψ)

et demontrez que cette action est invariante lorsqu’on procede a une transformation de parite.

b) Appliquez la transformation de parite a un spineur de Dirac representant une particule au repos. Pourquoi,d’apres ce calcul, affirme-t-on que la parite d’une antiparticule est l’opposee de la parite de la particule?

c) Comment le champ de jauge electromagnetique Aµ se transforme-t-il lorsqu’on procede a une inversion del’espace? Raisonnez de deux facons independantes: (a) a l’aide de ce que vous savez du caractere axial oupolaire des champs E et B. (b) a l’aide de la forme du couplage minimal entre le champ Aµ et un champ dematiere comme le champ de Dirac.

Problme 7.4Nous allons etudier l’interaction des electrons et des positrons, decrits par le champ de Dirac, avec les bosonsdecrits par le champ scalaire. Il s’agit ici d’une version simplifiee de l’electrodynamique quantique (QED) oule photon a ete remplace par un boson sans polarisation. L’hamiltonien d’interaction Heφ entre le champ deDirac et le champ scalaire doit, pour respecter l’invariance de Lorentz, avoir la forme suivante :

Heφ = g

∫d3r ψψφ

ou ψ = ψ†γ0.

a) Ecrivez une expression de l’hamiltonien d’interaction Heφ en fonction des operateurs de creation etd’annihilation des electrons (cp,j), des positrons (dp,j) et des bosons (aq). Laissez les spineurs (u, u, v,v) intacts dans l’expression.

Page 108: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

108 7. Theorie relativiste de l’electron

Considerons un processus de collision electron-positron au cours duquel l’electron annihile le positron pourdonner deux bosons. Soit p1 et p2 les quantites de mouvement de l’electron et du positron, respectivement.Les quantites de mouvement des deux bosons de l’etat final sont notees p3 et p4.

b) Montrez que l’amplitude de diffusion Mfi s’annule au premier ordre de la theorie des perturbations, maispas au deuxieme ordre et que quatre etats intermediaires y contribuent. Representez graphiquement les termescorrespondants, comme a l’eq. (6.88) des notes.

c) Les quatre termes peuvent etre groupes deux par deux : les deux derniers etant obtenus des deux premierspar un echange des deux bosons dans l’etat final, de maniere similaire a l’exemple discute dans les notes(chap. 5). Montrez que les deux premiers termes peuvent etre combines de maniere a obtenir

2πg2

V√ω3ω4

vp2,j2q · γ +m

q2 −m2 up1,j1

ou q = p1−p3. Ici, pi designe le quadrivecteur energie-impulsion de la particule no i. L’expression q ·γ signifieq0γ0 −

∑3i=1 q

iγi.Note : vous devrez utiliser les formule suivantes pour les sommes sur les spins :∑

j=1,2

vαq,j vβq,j =

12εq

(q · γ −m)αβ (q0 = εq)

∑j=1,2

uαq,j uβq,j =

12εq

(q · γ +m)αβ (q0 = εq)

Les deux derniers termes, quant a eux, sont obtenus en remplacant q par q = p1 − p4. L’amplitude totale estdonc donnee par l’expression

Mfi =2πg2

V√ω3ω4

vp2,j2Aup1,j1 ou A =q · γ +m

q2 −m2 +q · γ +m

q2 −m2

Pour calculer la section efficace, nous devons mettre cette amplitude au carre. Si l’electron et le positron nesont pas prepares dans des etats precis de spin, il faut sommer le resultat sur les differentes valeurs possibledu spin, c’est-a-dire sur j1 et j2.

d) Montrez que ∑j1,j2

|Mfi|2 =π2g4

V2ω3ω4ε1ε2Tr ((p2 · γ −m)A(p1 · γ +m)A)

e) Placez-vous dans le referentiel du centre de masse de l’electron et du positron. Soit E l’energie de chacune

des particules incidentes et sortantes et posons p1 = pz, p3 = E(cos θz + sin θx). A l’aide de Mathematica,completez le calcul et demontrez que la section differentielle de diffusion est

dσdΩ

=g4

64x2

E220 + x2 − 12 cos 2θ − x2 cos 4θ

(1 + x2 sin2 θ)2x ≡ p

m

Indice : definissez les matrices de Dirac dans Mathematica, ainsi que des quadrivecteurs et un tenseur metrique.

f) Illustrez la dependance angulaire de la section differentielle (i.e. un graphique en fonction de θ de θ = 0 aθ = π pour p/m = 0.1, 1 et 10. Que remarquez-vous?

Page 109: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

7.4. L’electrodynamique quantique 109

Problme 7.5Dessinez tous les diagrammes contribuant a la diffusion electron-photon (effet Compton) au quatrieme ordrede la theorie des perturbations.

Problme 7.6

a) Etant donne un spineur de Dirac ψ, on definit le spineur conjugue ψc par

ψc = iγ2ψ∗

Demontrez que le spineur conjugue obeit aussi a l’equation de Dirac, mais avec une charge opposee. Vousdevez pour cela inclure le couplage a un potentiel electromagnetique Aµ dans l’equation de Dirac. Le spineurconjugue est ce qu’on obtient si on echange les roles des particules et des antiparticules.

b) On definit un operateur unitaire de conjugaison de charge, C, tel que

CψC† = ψc

ou maintenant ψ est le champ de Dirac quantifie. Avec la definition donnee ci-haut de ψc et l’expressionexplicite des spineurs de base up,j et vp,j , obtenez l’effet de cette transformation sur les operateurs de creationet d’annihilation. Autrement dit, calculez

Ccp,jC† et Cdp,jC

Problme 7.7Quelle sont les dimensions (au sens des unites) du champ de Dirac, du champ electromagnetique Aµ et duchamp scalaire φ? Si un champ scalaire est couple a un champ de Dirac par le lagrangien d’interaction suivant

LI = gφψψ

quelle est la dimension de la constante de couplage g? Partez du fait que l’action est sans unites dans lesysteme naturel.

Problme 7.8Demontrez les formules de completude (7.93).

Problme 7.9Demontrez les formules de trace (7.95).

Problme 7.10Demontrez la formule de Casimir (7.94).

Problme 7.11Demontrez les formules (7.97), (7.98) et (7.99) concernant la diffusion electron-muon.

Page 110: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 8

Introduction a la theorie des groupes

La theorie des groupes est l’un des outils les plus puissants de la physique mathematique. Sesapplications sont nombreuses dans plusieurs branches de la physique, de la theorie des particuleselementaires a la physique des changements de phases, en passant par la physique du solide. Nousnous interesserons ici aux groupes de Lie, qui interviennent plus particulierement en physique desparticules elementaires dans deux contextes differents : (i) la classification des hadrons et (ii) lestheories de jauge, qui decrivent les interactions fondamentales. Le but de ce chapitre est d’offrir uneinitiation relativement rapide a la theorie des groupes de Lie, en particulier a leurs representationsmatricielles. Comme cette theorie se construit par generalisation de SU(2), familier a tous ceuxqui ont etudie la theorie du moment cinetique en mecanique quantique, elle peut etre exposeerelativement rapidement.

8.1 Definitions et concepts de base

8.1.1 Definition d’un groupe

Un ensemble G forme un groupe si une loi de composition (appelons-la multiplication) a ete definiesur cet ensemble, telle que

1. L’ensemble est ferme par cette loi : si a ∈ G et b ∈ G, alors ab ∈ G. Dans ce qui suit, cettecondition sera souvent appelee la regle de groupe.

2. La loi est associative : (ab)c = a(bc).

3. Il existe un element neutre e, tel que ea = ae = a, pour tout element a de G.

4. Tout element a possede un inverse a−1 dans G tel que a−1a = e.

Si la multiplication est commutative (ab = ba), le groupe est dit abelien. Dans le cas contraire,plus interessant de notre point de vue, le groupe est dit non-abelien.

Un sous-ensemble H de G est appele sous-groupe de G s’il est lui-meme un groupe, avec la memeloi de multiplication que G.

Groupes finis, discrets et infinisUn groupe est dit fini s’il compte un nombre fini d’elements. Il est infini dans le cas contraire. Il estdit discret si ses elements sont clairement separes, plus precisement s’ils sont denombrables. Il estcontinu si ses elements forment un espace ou la notion de continuite est definie. Plus precisement,un groupe de Lie est un groupe dont les elements groupe peuvent etre reperes par un systeme decoordonnees tire de Rn (on dit alors que la dimension du groupe est n, le nombre de parametresnecessaire pour specifier un element du groupe).

Page 111: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.1. Definitions et concepts de base 111

8.1.2 Groupes definis par des matrices

Il est plus simple a ce stade-ci de proceder directement a la definition des groupes de Lie qui nousinteresseront par la suite. Ceux-ci peuvent etre definis par des matrices. La loi de multiplication dugroupe est alors la loi de multiplication des matrices (reelles ou complexes). Les matrices formantle groupe doivent toutes etre regulieres (c.-a-d. avoir un inverse). Le groupe general de toutesles matrices regulieres d’ordre n est appele GL(n). Tous les groupes de Lie “classiques” sont dessous-groupes de GL(n). Il est evident que GL(n) est un groupe : la multiplication des matricesest associative et chaque matrice de GL(n) possede un inverse par definition. D’autre part, leproduit de deux matrices regulieres est encore une matrice reguliere. Les groupes matriciels lesplus importants sont :

1. Le groupe unitaire U(n), forme des matrices complexes unitaires d’ordre n. Bien entendu,le produit de deux matrices unitaires est encore unitaire et la regle de groupe est respectee.Le nombre de parametres necessaires pour specifier une matrice complexe d’ordre n est 2n2.L’unitarite U †U = 1 impose n+2 1

2n(n−1) conditions supplementaires, ce qui reduit le nombrede parametres a n2. La dimension du groupe U(n) est donc d = n2.

2. Son sous-groupe SU(n), restreint par la condition detU = 1. Cette condition respecte la reglede groupe. Une condition supplementaire est imposee et le nombre de parametres est reduit ad = n2 − 1.

3. Le groupe orthogonal O(n), forme des matrices reelles orthogonales d’ordre n. Ici encore la reglede groupe est respectee, car le produit de deux matrices orthogonales est aussi une matriceorthogonale. Le nombre de parametres est n2, moins le nombre de contraintes independantesimposees par l’orthogonalite, soit 1

2n(n+ 1). Il reste d = 12n(n− 1) parametres.

4. Son sous-groupe SO(n), restreint par la condition detO = 1. Notons que cette condition nechange pas la dimension du groupe, car de toute maniere detO = ±1 dans O(n). Topologique-ment, elle restreint le groupe a une composante connexe. Autrement dit, tous les elements deSO(n) peuvent etre obtenus en procedant de maniere continue a partir de l’identite, ce qui n’estpas le cas de O(n), puisque les matrices dites impropres (detO = −1) produisent une inversionde l’espace a n dimension sur lequel elles agissent. Le groupe des rotations en trois dimensionsest precisement SO(3).

Symbole R ou C Definition Dimension Rang

U(n) C U †U = 1 n2 n

SU(n) C U †U = 1 , detU = 1 n2 − 1 n− 1

O(n) R OtO = 1 n(n− 1)/2 [n/2]

SO(n) R OtO = 1 , detO = 1 n(n− 1)/2 [n/2]

Remarques :

1. SO(n) est bien sur un sous-groupe de SU(n).

2. SU(n− 1) est un sous-groupe de SU(n), comme SO(n− 1) de SO(n) et ainsi de suite.

Page 112: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

112 8. Introduction a la theorie des groupes

8.2 Rotations en mecanique quantique

L’etude des rotations constitue une introduction naturelle a la theorie des groupes de Lie. Unerotation est une transformation des coordonnees de l’espace, caracterisee par un axe n et un angleθ. Cette transformation des coordonnees peut etre designee par le symbole R(n, θ) et prend laforme d’une action matricielle sur le vecteur-position. L’action de cette matrice sur deux vecteurs-colonnes quelconques X1 et X2 ne change pas leurs produit scalaire :

X ′1,2 = RX1,2 =⇒ X ′

1tX ′

2 = X t1R

tRX2 = X t1X2 (8.1)

ce qui entraıne la conditionRtR = 1 (8.2)

Autrement dit, les matrices de rotation sont orthogonales. Elles forment donc le groupe SO(3)(la condition de determinant unite est imposee pour interdire les rotations qui contiennent uneinversion de l’espace et qui correspondent a des matrices de determinant −1). Par exemple,

R(z, θ) =

cos θ − sin θ 0sin θ cos θ 0

0 0 1

(8.3)

correspond a une rotation d’angle θ par rapport a l’axe des z. Notez que cette matrice differe dela matrice equivalente definie en (7.6) par le signe de θ. C’est que la transformation ci-haut estune transformation active: le vecteur sur laquelle agit la matrice est transforme alors que les axesrestent fixes. La matrice de rotation (7.6) definit plutot comment les composantes d’un vecteur Afixe changent lors d’une rotation des axes, ce qu’on appelle une transformation passive. Les deuxpoints de vue different en ce que les matrices de rotations correspondantes sont les inverses l’unede l’autre, mais l’invariance d’une theorie d’un point de vue actif est equivalente a son invariancedu point de vue passif.

En mecanique quantique, la rotation doit avoir un effet sur le vecteur d’etat d’un systeme physique,si on la considere comme une veritable operation qui affecte le systeme. Cet effet, d’apres Wigner,doit prendre la forme d’un operateur unitaire R(n, θ) agissant sur l’espace de Hilbert : si le systemese trouve dans un etat |ψ〉 avant la rotation, il se trouvera dans un etat |ψ′〉 = R(n, θ)|ψ〉 apresla rotation. En particulier, si on considere les etats propres |r〉 de la position, on doit trouver, pardefinition,

R|r〉 = |R(n, θ)r〉 (8.4)

Ceci a comme consequence que la fonction d’onde de l’etat transforme est

ψ′(r) = 〈r|ψ′〉 = 〈r|Rψ〉 = 〈R−1r|ψ〉 = 〈R−1(n, θ)r|ψ〉 = ψ(R−1(n, θ)r) (8.5)

Notons que la rotation inverse s’applique sur les coordonnees de la fonction d’onde, et queR−1(n, θ) = R(n,−θ).Nous allons maintenant demontrer que l’operateur de rotation s’obtient par exponentiation del’operateur du moment cinetique. Plus precisement,

R(n, θ) = exp (−iθn · J) (8.6)

Considerons pour cela une rotation infinitesimale, d’un angle δθ. L’effet sur la position d’une tellerotation est

r′ = r + δθn ∧ r (8.7)

Page 113: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.2. Rotations en mecanique quantique 113

Cette formule est une version differentielle de l’expression connue pour la vitesse d’un point enrotation avec une vitesse angulaire ω = θn, soit v = ω∧r. L’effet d’une telle rotation infinitesimalesur la fonction d’onde est

ψ′(r) = ψ(r− δθn ∧ r) = ψ(r)− δθεijknjxk∂

∂xiψ(r) (8.8)

Mais l’operateur du moment cinetique orbital, en representation des coordonnees, est justement

L = R ∧P = −iR ∧∇ ou Lj = −iεijknjxk∂

∂xi(8.9)

On peut donc ecrire que

ψ′(r) = ψ(r)− iδθnjLjψ(r) = (1− iδθn · L)ψ(r) (8.10)

Donc, dans le cas d’un systeme decrit par des coordonnees seulement (ce qui exclut le spin), ontrouve

R(n, δθ) = 1− iδθn · L (8.11)

au premier ordre en δθ. Pour exprimer une rotation d’angle θ fini, il suffit maintenant d’appliquerN fois une rotation d’angle θ/N , dans la limite N → ∞, de maniere a pouvoir utiliser la formuleci-haut. On trouve alors

R(n, θ) = limN→∞

(1− i

θ

Nn · L

)N= exp (−iθn · L) (8.12)

par definition de l’exponentielle. Cette equation se generalise par definition au cas d’un systemeavec spin, c’est-a-dire que l’operateur de rotation sur un systeme de moment cinetique J generalest defini par la relation (8.6).

On dit que les composantes du moment cinetique sont les generateurs des rotations, justementparce que les rotations sont obtenues par application successives de Jx,y,z, a travers l’exponentielle(8.6).

Revoyons le meme raisonnement differemment. Considerons un operateur unitaire de rotation tresproche de l’operateur identite (c’est-a-dire correspondant a un angle de rotation infinitesimal). Onpeut ecrire un tel operateur comme

R = 1− iδθH (8.13)

La condition d’unitarite devient, dans ce cas,

R†R = 1 =⇒ (1 + iδθH†)(1− iδθH) = 1 =⇒ H† = H (8.14)

en supposant qu’on neglige les termes en δθ2, qui sont du deuxieme ordre de petitesse. L’operateurH doit donc etre hermitique afin que R soit unitaire. Par exponentiation, on trouve encore unefois que

R(θ) = e−iθH (8.15)

L’operateur H est justement la projection J · n.

Page 114: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

114 8. Introduction a la theorie des groupes

8.3 Representations du moment cinetique

La relation (8.6) donne la forme explicite de l’operateur de rotation agissant dans l’espace deHilbert. Une action concrete de cet operateur requiert donc de connaıtre precisement l’action del’operateur J du moment cinetique. Or, ce que la theorie du moment cinetique nous apprend,c’est que l’action de J est bien definie sur des ensembles finis d’etats quantiques qui forment cequ’on appelles des representations du moment cinetique. Plus precisement, une representation dumoment cinetique est definie par un nombre j (entier ou demi-entier) et compte 2j + 1 etats.L’action des trois operateurs Jx,y,z est fermee sur ces 2j+ 1 etats, ce qui signifie que si on appliquel’une des composantes de J sur l’un de ces etats, on produit une combinaison lineaire des 2j + 1etats en question, sans sortir de ce sous-espace. Dit autrement, si on restreint l’espace de Hilberta ce sous-espace fini de dimension 2j + 1, alors l’action des composantes du moment cinetique surce sous-espace est bien definie.

Comme premier exemple, considerons toutes les fonctions d’ondes quadratiques, c’est-a-dire de laforme xixj , ou i et j prennent les valeurs 1 a 3 (ou x, y et z). Il y a six fonctions quadratiqueslineairement independantes :

x2 y2 z2 xy xz yz (8.16)

Lorsqu’on procede a une rotation des axes, une fonction quadratique se transforme encore enfonction quadratique. Ainsi, suite a une rotation d’angle θ par rapport a l’axe des z, la fonction x2

devientx2 → (x cos θ − y sin θ)2 = x2 cos2 θ + y2 sin2 θ − 2xy sin θ cos θ (8.17)

ce qui illustre le fait que les fonctions quadratiques se transforment entre elles lors des rotations.Cependant, on peut ecrire une fonction quadratique qui est en soi invariante par rotation; il s’agitbien sur de

r2 = x2 + y2 + z2 (8.18)

C’est donc qu’il reste cinq autres fonctions qui doivent se transformees les unes dans les autres lorsd’une rotation. Ces cinq fonctions correspondent en fait aux harmoniques spheriques associees al = 2 :

Y ±22 =

√1532π

sin2 θe±2iϕ =

√1532π

1r2 (x2 + y2 ± 2xy)

Y ±12 = ∓

√158π

sin θ cos θe±iϕ = ∓

√158π

1r2 (zx± izy)

Y 02 =

√1516π

(3 cos2 θ − 1) =

√1516π

1r2 (2z2 − x2 − y2)

(8.19)

Or ces cinq fonctions forment un sous-espace sur lequel l’action des composantes du momentcinetique orbital L est bien definie.

Comme deuxieme exemple, considerons les deux etats qui forment la representation de spin 12 .

Dans ce cas, les etats sont de nature plus abstraite, c’est-a-dire qu’ils ne correspondent pas a desfonctions des coordonnees (le spin n’est pas defini en fonction des coordonnees). il est bien connuque, dans ce cas, la forme explicite des matrices de rotation est

R(n, θ) = exp (−iθn · J) = cos θ/2− in · σ sin θ/2 (8.20)

Page 115: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.3. Representations du moment cinetique 115

Rappelons la demonstration de cette relation. Dans le sous-espace des etats de spin 12 , les com-

posantes du moment cinetique ont la representation matricielle J = 12σ en fonction des matrices

de Pauli. Les matrices de Pauli ont la propriete suivante :

σaσb = δab + iεabcσc (8.21)

et ceci entraıne que(n · σ)2 = nanbσaσb = nana = n2 = 1 (8.22)

de sorte que

(n · σ)m =

1 (m pair)n · σ (m impair)

(8.23)

et donc que

exp (−iθn · J) =∞∑

m pair

1m!

(−iθ2

)m+

∞∑m impair

1m!

(−iθ2

)mn · σ = cos θ/2− in · σ sin θ/2 (8.24)

8.3.1 SU(2)

Le groupe SU(2) des matrices unitaires 2 × 2 de determinant unite est precisement decrit parl’ensemble des matrices de rotations associees au spin 1

2 . En fait, toute matrice unitaire dedeterminant unite peut etre representee comme l’exponentielle d’une matrice hermitique sans trace :U = e−iH . Notons a cette fin que, pour une matrice generale A, Tr lnA = ln detA, ce qui entraıneque si detA = 1, alors lnA est sans trace. Le fait que J · n soit un operateur hermitique de tracenulle entraıne donc necessairement que R(n, θ) est unitaire et de determinant unite.

Il y a donc une relation etroite entre le groupe de rotation SO(3) et le groupe unitaire SU(2). Ilse trouve que la distinction entre les deux groupes est de nature topologique.1. En fait, a chaqueelement de SO(3), donc a chaque rotation physique, correspondent deux elements de SU(2). Plusexplicitement, a une rotation (n, θ) de SO(3) on peut associer les matrices R(n, θ) et R(n, θ+ 2π),qui different par leur signe, mais qui correspondent a la meme operation physique. Comme lesspineurs transformes par θ et par θ + 2π ne different que par leur signe, c’est-a-dire une phaseglobale, la distinction n’a pas de consequences physiques.

8.3.2 Construction des representations du moment cinetique

Nous presentons dans cette section une revue de la construction explicite des representations dumoment cinetique.

A l’aide des trois operateurs Ja, on peut construire un operateur quadratique en J qui commuteavec tous les generateurs. Un tel operateur porte le nom d’operateur de Casimir en general, maisdans le cas de SU(2) il correspond simplement au carre du moment cinetique :

J2 = J21 + J2

2 + J23 (8.25)

On verifie sans peine que [J2, Ja] = 0. Donc, par le lemme de Schur, cet operateur est proportionnela l’identite dans le module considere. Nous designerons la valeur propre de cet operateur par j(j+1),sans presumer tout-de-suite de la valeur (entiere ou non) de j.

1 Dans le jargon, SU(2) est simplement connexe, alors que SO(3) est doublement connexe.

Page 116: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

116 8. Introduction a la theorie des groupes

Ensuite, nous construisons des operateurs d’echelle

J± = J1 ± iJ2 tels que [J3, J±] = ±J± [J+, J−] = 2J3

Ces relations de commutation signifient que l’operateur J+, agissant sur un etat propre |m〉 de J3,produit un autre etat propre de J3 avec valeur propre m+ 1. Ceci se voit facilement a partir de larelation de commutation [J3, J+] = J+ :

J3(J+|m〉) = (J+J3 + J+)|r〉 = (m+ 1)J+|m〉 (8.26)

Autrement dit, on a des relations du genre

J+|m〉 = αm|m+ 1〉 J−|m〉 = βm|m− 1〉

Pour determiner ces constantes αm et βm, on utilise les relations de commutation pour ecrire

J2 = J23 + 1

2 (J+J− + J−J+) = J23 + J3 + J−J+ = J2

3 − J3 + J+J− (8.27)

et on procede aux calculs suivants :

α2m =

∣∣J+|m〉∣∣2 = 〈m|J−J+|m〉 = 〈m|(J2 − J2

3 − J3)|m〉 = j(j + 1)−m(m+ 1) (8.28)

et

β2m =

∣∣J−|m〉∣∣2 = 〈m|J+J−|m〉 = 〈m|(J2 − J23 + J3)|m〉 = j(j + 1)−m(m− 1) (8.29)

et donc

J+|m〉 =√j(j + 1)−m(m+ 1)|m+ 1〉 J−|m〉 =

√j(j + 1)−m(m− 1)|m− 1〉 (8.30)

On constate que J+|m = j〉 = 0 et que J−|m = −j〉 = 0. La dimension de la representation estdonc finie, pourvu que m = j et m = −j soient toutes les deux des valeurs propres de J3. Commeces valeurs propres sont espacees de 1, il faut donc que 2j soit un entier.

Des lors, on peut construire explicitement les representations possibles : a chaque valeur entiereou demi-entiere de j correspond une representation irreductible de SU(2). Les elements de matricedes generateurs J3 et J± (et, par la, de J1 et J2) sont donnes par

〈m′|J3|m〉 = mδm′,m

〈m′|J+|m〉 = δm′,m+1

√j(j + 1)−m(m+ 1)

〈m′|J−|m〉 = δm′,m−1

√j(j + 1)−m(m− 1)

(8.31)

Par exemple, dans le cas j = 1, on trouve

J3 =

1 0 00 0 00 0 −1

J1 =1√2

0 1 01 0 10 1 0

J2 =1√2

0 −i 0i 0 −i0 i 0

Page 117: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.4. Representations : concepts generaux 117

8.4 Representations : concepts generaux

Le concept de representation, que nous avons introduit de maniere informelle dans la sectionprecedente dans le cas du groupe des rotations, est central a la theorie des groupes. Nous allonsmaintenant le definir de maniere plus generale.

Une representation de dimension n d’un groupe G (plus precisement, une representation vecto-rielle) est un ensemble de matrices d’ordre n qui sont en correspondance avec les elements dugroupe (isomorphisme). Si on designe par a et b des elements de G et par R(a) et R(b) les matricescorrespondantes, on doit avoir

R(ab) = R(a)R(b) R(a−1) = R(a)−1 (8.32)

Un meme groupe a generalement plusieurs representations de dimensions differentes. Les groupes deLie definis plus haut ont une infinite de representations differentes. Parmi toutes ces representations,celle qui sert a definir le groupe est qualifiee de fondamentale. Par exemple, la representationfondamentale de SU(2) est formee des matrices definies en (8.20). La representation fondamentalede SO(3) serait plutot donnee par les matrices de rotation 3× 3 dont (8.3) est un cas particulier.

L’espace vectoriel de dimension n sur lequel les matrices d’une representation agissent est appelele module de la representation. Malheureusement, un abus de langage courant donne aussi a cetespace le nom de representation; le contexte aide generalement a distinguer les deux concepts.C’est sur cet espace que resident les objets qui sont transformes par la representation du groupe. Lemodule de la representation fondamentale de SO(3) est simplement l’espace cartesien de dimension3. En mecanique quantique, les modules sont des sous-espaces de l’espace des etats. Par exemple,l’ensemble des etats de moment cinetique orbital l dans un atome (oublions le spin pour le moment)forme le module associe a la representation de dimension 2l+ 1 de SO(3). Il ne faut pas confondrela dimension d’un groupe de Lie (le nombre de parametres necessaires pour reperer un element dugroupe) et la dimension d’une representation du meme groupe.

Une representation est dite reductible si le module V correspondant peut etre divise en une sommedirecte (V = V1 ⊕ V2) telle que V1 et V2 ne sont pas melanges par l’action du groupe. Cela signifiequ’il est possible de choisir une base dans V telle que toutes les matrices de la representation sontdiagonales par blocs, c.-a-d. qu’un element de V1 (ou de V2) demeure dans V1 (resp. V2) quandun element du groupe agit sur lui. Dans le cas contraire, la representation est dite irreductible.Ce sont ces dernieres qui sont interessantes, puisque les representations reductibles peuvent etreobtenues par somme directe de representations irreductibles.

8.4.1 Lemme de Schur

Un des resultats importants de la theorie des groupes est le lemme de Schur, qui stipule quesi une matrice H commute avec tous les elements d’une representation irreductible, alors H estproportionnel a l’identite. Si H commute avec tous les elements d’une representation reductible,alors H est diagonal, et egal a un multiple de l’identite dans chaque sous-module irreductible, laconstante de proportionnalite etant a priori differente dans chaque sous-module.

L’application de ce lemme a la mecanique quantique est particulierement utile : si, en raison d’unesymetrie, le hamiltonien H commute avec tous les elements d’un groupe de transformation, alorsH est une constante dans chaque module irreductible du groupe, c’est-a-dire que tous les etatsappartenant a un meme module irreductible ont la meme energie. C’est ici le principal avantagede la theorie des groupes en mecanique quantique : la classification des niveaux d’energie. Onvoit comment la presence de symetries dans un systeme quantique est reliee a une degenerescencedes niveaux d’energie : les n etats independants d’une representation (module) irreductible de

Page 118: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

118 8. Introduction a la theorie des groupes

dimension n d’un groupe de symetrie du hamiltonien ont tous la meme energie, par le lemme deSchur.

Si un groupe est abelien, chaque element du groupe commute avec tous les autres et le lemmede Schur s’applique a tous les elements! On conclut que la seule representation irreductible d’ungroupe abelien est de dimension 1.

Une representation est dite unitaire si toutes ses matrices sont unitaires (ne pas confondre avec legroupe unitaire U(n)). En mecanique quantique on s’interesse uniquement aux representations dece type. Deux representations sont dite equivalentes si elles sont reliees par une transformation desimilitude, provenant par exemple d’un simple changement de base sur le module. En clair, si A estun element d’une representation, alors la representation formee des elements SAS−1 est equivalentea la premiere, pourvu que la matrice S soit la meme pour tous les elements de la representation.

8.4.2 Representation projective

Pour etre plus precis, les representations qui sont pertinentes a la mecanique quantiques ne sontpas les representation vectorielles proprement dites, mais les representations dites projectives, quisont caracterisees par la relation

D(a)D(b) = e(a, b)D(ab)

ou e(a, b) est une phase qui depend des deux elements a et b Ceci provient du fait que la proprietede groupe doit etre satisfaite non pas par des matrices agissant sur des vecteurs, mais sur des etatsphysiques, qui sont des vecteurs modulo une phase arbitraire. L’espace des etats est en realite unespace projectif, c.-a-d. un espace vectoriel sur lequel deux vecteurs qui ne different que par uneconstante multiplicative sont identifies. La propriete de groupe s’enonce alors comme suit : lesetats D(a)D(b)|ψ〉 et D(ab)|ψ〉 doivent etre equivalents, ce qui mene a la relation (8.32). Wignera demontre qu’on pouvait toujours ramener une representation projective a une representationvectorielle, parfois multivoque. C’est ce qui se produit dans le cas du groupe SO(3) et des spinsdemi-entiers et qui explique l’equivalence de fait entre SO(3) et SU(2) en mecanique quantique.

8.5 SU(3)

Le groupe SU(3) est defini par l’ensemble des matrices unitaires 3 × 3 de determinant unite. Ilintervient en physique des particules dans la classification des hadrons et, plus fondamentalement,dans la theorie des interactions fortes (la chromodynamique quantique).

Nous allons esquisser comment les representations de SU(3) sont construites, par analogie avec lesrepresentations de SU(2). Il faut premierement identifier l’analogue pour SU(3) des operateursdu moment cinetique, c.-a-d. les generateurs du groupe. Comme toute matrice unitaire dedeterminant unite peut s’exprimer comme l’exponentielle d’une matrice hermitique de trace nulle,les generateurs de SU(n) correspondent a toutes les matrices hermitiques de trace nulle possibles.Dans le cas n = 2, il y a trois matrices lineairement independantes de ce type, soit les trois matri-ces de Pauli, et leurs relations de commutation sont celles des composantes du moment cinetique(modulo un facteur multiplicatif de 2). Dans le cas n = 3, il y a n2 − 1 = 8 matrices hermitiquessans trace. La convention est d’utiliser les matrices suivantes, dites matrices de Gell-Mann :

Page 119: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.5. SU(3) 119

λ1 =

0 1 01 0 00 0 0

λ2 =

0 −i 0i 0 00 0 0

λ3 =

1 0 00 −1 00 0 0

λ4 =

0 0 10 0 01 0 0

λ5 =

0 0 −i0 0 0i 0 0

λ6 =

0 0 00 0 10 1 0

λ7 =

0 0 00 0 −i0 i 0

λ8 =1√3

1 0 00 1 00 0 −2

Ces matrices sont une generalisation des matrices de Pauli. Elles sont normalisees afin queTr (λaλb) = 2δab.

Par analogie avec le moment cinetique, on definit les operateurs (ou generateurs) Ta qui obeissentaux meme relations de commutation que les matrices 1

2λa, soit

[Ta, Tb] = ifabcTc ou

f123 = 1f147 = f246 = f257 = f345 = f516 = f637 = 1

2

f458 = f678 =√

32

fijk = −fjik = −fikj fiij = fijj = 0

(8.33)

Dans la representation fondamentale de SU(3), les generateurs sont simplement donnes par Ta =12λa, mais leur forme est differente dans les autres representations. Notons que le generateur T3 deSU(3) est souvent note I3, et on introduit aussi l’operateur d’hypercharge Y = (2/

√3)T8.

Deux des generateurs de SU(3) commutent entre eux : T3 et T8. On peut donc designer les etatspropres d’une representation par les valeurs propres associees a ces deux operateurs :

T3|m, y〉 = m|m, y〉 T8|m, y〉 = y|m, y〉

Dans la representation fondamentale, on peut lire les valeurs propres directement de la formeexplicite de T3 et T8 en fonction des matrices de Gell-Mann (8.32) :

(m, y) = ( 12 ,

12√

3) , (− 1

2 ,1

2√

3) , (0,− 1√

3) (8.34)

En portant ces valeurs sur un plan cartesien, on forme un triangle equilateral inverse. Cetterepresentation fondamentale est aussi designee par la lettre 3 (un chiffre en caracteres gras in-diquant la dimension de la representation).

Une fois construite une representation des generateurs Ta, les matrices du groupe SU(3) s’obtiennentsimplement par exponentiation, exactement comme dans le cas des rotations et du momentcinetique. Huit parametres ωa (a = 1, . . . , 8) sont requis pour specifier precisement la combinaisonrequise ωaTa des generateurs, et la matrice SU(3) correspondante est simplement l’exponentielle

R(ω) = e−iωaTa (8.35)

Mais generalement nous nous interessons plus aux modules des representations qu’aux representationsproprement dites, de sorte que l’exponentiation ne sera pas calculee en pratique.

Page 120: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

120 8. Introduction a la theorie des groupes

8.5.1 Representations conjuguees

Supposons que nous ayons une certaine representation des generateurs Ta, de dimension quel-conque, et obeissant donc aux relations de commutation [Ta, Tb] = ifabcTc. La representation con-juguee a celle-ci est definie en appliquant la conjugaison complexe et un changement de signeaux generateurs : T (c)

a = −T ∗a . Ces operateurs conjugues forment aussi une representation, car ilsobeissent aux meme relations de commutation; cela se verifie en appliquant la conjugaison com-plexe :

([Ta, Tb])∗ = −ifabcT ∗c =⇒ [−T ∗a ,−T ∗b ] = ifabc(−T ∗c ) (8.36)

Dans le cas de SU(2), la representation conjuguee est equivalente a la representation d’origine, etle concept n’est pas utile. Ce n’est plus le cas en general : la representation conjuguee est vraimentdistincte, autrement dit, elle n’est pas reliee a la representation d’origine par un simple changementde base. En particulier, le changement de signe fait que les valeurs propres de (T3, T8) associees ala representation conjuguee sont opposees a celle de la representation d’origine. Par exemple, larepresentation conjuguee a la representation fondamentale 3 de SU(3) est notee 3c, et les valeurspropres associees sont

(m, y) = (− 12 ,−

12√

3) , ( 1

2 ,−1

2√

3) , (0, 1√

3) (8.37)

qui forment un triangle equilateral droit dans le plan cartesien.

3 8

3c 6

15

Figure 8.1. Quelques representations de SU(3), representees sur le plan (m, y) desvaleurs propres de T3 et T8. Un point encercle designe deux etats degeneres.

8.5.2 Representation adjointe

Le commutateur de deux generateurs est une combinaison lineaire des generateurs. C’est le sensde l’expression [Ta, Tb] = ifabcTc. Cette linearite signifie qu’on pourrait representer l’action d’ungenerateur Ta sur un autre generateur Tb par son commutateur avec lui, et former une matrice(Ta)cb = ifabc. Ces matrices forment une representation du groupe qu’on appelle representationadjointe. Les valeurs propres associees a cette representation s’obtiennent en considerant lesoperateurs d’echelle, definis comme suit :

I± = T1 + iT2 V± = T4 + iT5 U± = T6 + iT7 (8.38)

Page 121: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.6. Produits tensoriels 121

et qui sont des generalisations des composantes J± du moment cinetique. On calcule les relationsde commutation suivantes avec T3 et T8 :

[T3, I±] = ±I± [T8, I±] = 0

[T3, V±] = ± 12V± [T8, V±] = ±

√3

2V±

[T3, U±] = ∓ 12U± [T8, U±] = ±

√3

2U±

(8.39)

Ces relations confirment le caractere “echelle” de ces operateurs, et demontrent aussi que cesoperateurs sont des vecteurs propres de T3 et T8 dans la representation adjointe. En effet, unoperateur A qui est vecteur propre de T3 et T8 dans cette representation est tel que

[T3, A] = mA [T8, A] = yA (8.40)

par definition de l’action des generateurs dans cette representation. On peut donc lire les valeurspropres (m, y) de cette representation par les coefficients qui apparaissent dans (8.39) :

(m, y) = ±(1, 0) , ±( 12 ,√

3/2) , ±(− 12 ,√

3/2) (8.41)

sans oublier (m, y) = (0, 0) deux fois, c’est-a-dire une fois pour chacun des operateurs T3 et T8, quicommutent entre eux. Si on trace ces valeurs propres sur le plan cartesien, on trouve une figurehexagonale. La representation ajdointe de SU(3) est de dimension 8 (car il y a 8 generateurs) etest notee 8.

8.6 Produits tensoriels

Lorsqu’on reunit deux systemes physiques en un seul, l’espace des etats en mecanique quantiqueest le produit tensoriel des espaces associes aux deux systemes qu’on reunit. De meme, si on disposedans chacun de ces espaces d’une representation d’un groupe de symetrie, les operateurs du groupeagissant sur l’espace-produit seront des produits tensoriels d’operateurs :

R1 = e−iωaT(1)a et R2 = e−iωaT

(2)a menent a R1 ⊗R2 = e−iωaT

(tot.)a (8.42)

ou on a defini le generateur total

T (tot.)a = T (1)

a ⊗ 1 + 1⊗ T (2)a (8.43)

La theorie de l’addition des moments cinetiques est le prototype de la theorie plus generale duproduit tensoriel des representations.

Dans le cas de SU(2), le produit tensoriel s’effectue simplement. Sans nous attarder a la question descoefficients de Clebsch-Gordan, ne nous attardons qu’aux valeurs propres de la somme des momentscinetiques. Supposons qu’on additionne deux moments cinetiques, dans les representations j1 et j2.Cette somme produira plusieurs representation irreductibles de SU(2), avec des valeurs de j allantde j1 + j2 a |j1 − j2|. On peut obtenir ce resultat en additionnant simplement les valeurs propresde T3 pour les deux representations, comme indique a la figure 8.2.

On procede de la meme maniere pour les produits tensoriel de SU(3). Un exemple est illustre a lafigure 8.3. On peut, en procedant a des produits tensoriels repetes, generer toutes les representationsirreductibles de SU(3). Les diagrammes associes ont tous cette symetrie par rotation de 120. Lesrepresentations les plus simples sont appelees triangulaires, et ont dimension 1

2n(n+1), c’est-a-dire3, 6, 10, 15, 21, etc. Les diagrammes correspondant ont une forme de triangle et aucune des valeurs

Page 122: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

122 8. Introduction a la theorie des groupes

m

j=5/2

j=3/2

j=1/2

Figure 8.2. Addition des moments cinetiques, c’est-a-dire des generateurs du groupe,dans le cas de SU(2). On combine ici une representation de spin j = 3

2 a unerepresentation de spin j = 1. On ajoute a chaque valeur propre de la premiererepresentation les valeurs propres de la deuxieme, ce qui produit un ensemble de3 × 4 = 12 valeurs propres, la plupart degenerees. On forme la representation j = 5

2 apartir de la plus elevee de ces valeurs propres. Si on enleve les valeurs propres corre-spondantes, il ne reste qu’une copie de la valeur propre m = 3

2 , a partir de laquelle onsait qu’une representation j = 3

2 existe dans la somme; si on enleve les valeurs proprescorrespondantes, il ne reste que les deux valeurs propres associee a la representationj = 1

2 . Donc on sait, symboliquement, que

( 32 )⊗ (1) = ( 5

2 )⊕ ( 32 )⊕ ( 1

2 )

m

y

Figure 8.3. Combinaison de deux copies de la representation fondamentale de SU(3).On constate que 3⊗ 3 = 6 + 3c.

propres n’est degeneree. En general, les representations ont la forme de triangles tronques (commela representation non triangulaire de dimension 15 ilustree a la fig. 8.1) ou la representation dedimension 42 illustree a la figure 8.4). Si p + 1 est le nombre de points sur le cote superieur dudiagramme et q+1 le nombre de points sur le cote inferieur, alors on peut designer la representationpar le couple (p, q). La figure 8.4, par exemple, illustre la representation (2, 3). La representationfondamentale est (1, 0), l’adjointe est (1, 1) et les representation triangulaires sont de la forme(n, 0) ou n = 1, 2, 3, . . .. La representation conjuguee a (p, q) est (q, p). La degenerescence desvaleurs propres est determinee par les regles suivantes :

1. Les valeurs propres situees sur la peripherie du diagramme sont non degenerees.

2. La degenerescence augmente de 1 a mesure qu’on penetre dans le diagramme a partir de laperipherie, mais arrete d’augmenter des qu’on rencontre une forme triangulaire a l’interieur.Voir la figure 8.4 comme exemple.

Page 123: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.6. Produits tensoriels 123

Figure 8.4. Representation de dimension 42. Les valeurs propres representees par lescercles simples sont non degenerees. Celles representees par les cercles doubles sontdegenerees deux fois, et celles representees par les cercles triples sont degenerees troisfois. Cette representation est aussi notee (2, 3).

On indique dans ce qui suit quelques produits tensoriels simples :

3⊗ 3 = 3c ⊕ 6

3⊗ 3c = 8⊕ 1

3⊗ 6 = 8⊕ 10

3c ⊗ 6 = 3⊕ 15

3⊗ 8 = 3⊕ 6c ⊕ 15

3⊗ 10 = 15⊕ 15′

(8.44)

ou par definition la representation 15′ est triangulaire et correspond a (4, 0). Ces produitss’ecriraient plutot comme suit dans la notation (p, q) :

(1, 0)⊗ (1, 0) = (0, 1)⊕ (2, 0)(1, 0)⊗ (0, 1) = (1, 1)⊕ (0, 0)(1, 0)⊗ (2, 0) = (1, 1)⊕ (3, 0)(0, 1)⊗ (2, 0) = (1, 0)⊕ (2, 1)(1, 0)⊗ (1, 1) = (1, 0)⊕ (0, 2)⊕ (2, 1)(1, 0)⊗ (3, 0) = (2, 1)⊕ (4, 0)

(8.45)

Page 124: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

124 8. Introduction a la theorie des groupes

8.7 Symetrie de saveur des quarks

Considerons les trois quarks les plus legers : u, d et s. On peut considerer ces trois quarks commetrois composantes d’un meme objet (u, d, s). Les interactions fortes traiteront ces trois quarks dela meme maniere, et si on neglige les differences de masses parmi ces trois quarks, alors la physiquedes interactions fortes devrait etre identique pour les trois.

Plus precisement, le lagrangien de ces trois quarks, en l’absence d’interaction, serait de la formesuivante :

L =∑α

ψα(iγµ∂µ −mα)ψα (8.46)

ou le spineur de Dirac ψα represente les quarks (u, d, s) pour α = 1, 2, 3. Si les trois masses sontegales, alors ce lagrangien est invariant lorsqu’on procede a une rotation unitaire

ψα → Uαβψβ ou, plus court, ψ → Uψ (8.47)

Il s’agit d’une rotation dans l’espace des saveurs de quarks et le groupe de symetrie est SU(3).

Les trois quarks (u, d, s) forment a eux trois la representation fondamentale de SU(3), soit 3 =(1, 0). Les trois antiquarks (u, d, s), obtenus par conjugaison de charge, forment la representationconjuguee 3c = (0, 1).

Les mesons sont obtenus en assemblant un quark et un antiquark. Les representations correspon-dantes viennent du produit tensoriel de 3 et de 3c, c’est-a-dire un octet 8 = (1, 1) et un singulet1 = (0, 0). L’assignation des mesons a ces etats est illustree a la figure 8.5.

_

J = 0 J = 1

K0

K0 _K*0

K+

K–

K*0 K*+

K*–

π– π0 π+ ρ– ρ0 ρ+

Figure 8.5. La classification des mesons dans des multiplets du SU(3) de saveur. Agauche, les etats de spin 0, a droite ceux de spin 1. Dans les deux cas, les octets sontillustres. Il y a aussi un singulet η′ de spin 0 et un singulet φ de spin 1.

Les baryons sont obtenus en assemblant trois quarks. Les representations correspondantes viennentdu triple produit tensoriel de 3 avec lui-meme, c’est-a-dire

3⊗ 3⊗ 3 = 3⊗ (3c ⊕ 6) = 1⊕ 8⊕ 8⊕ 10

Le decuplet et l’octet sont illustres a la figure 8.6.

Page 125: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.8. Symetrie de couleur 125

pn

Σ –

∆ – ∆ 0 ∆ + ∆ ++

Ξ – Ξ 0 Ξ *– Ξ *0

Σ 0 Σ + Σ *– Σ *0 Σ *+

Λ

Ω 0

J=1/2 J=3/2

Figure 8.6. La classification des baryons dans des multiplets du SU(3) de saveur. Agauche, les etats de spin 1

2 dans un octet; a droite ceux de spin 32 dans un decuplet.

8.8 Symetrie de couleur

Les quarks possedent aussi une “couleur”, c’est-a-dire que chaque saveur de quark existe dans descombinaisons lineaires de trois composantes ψi (i = 1, 2, 3). Les transformations de couleur sontdonc formellement semblables aux transformations de saveur et appartiennent aussi a un groupeSU(3) – qu’on designe souvent par SU(3)c pour le distinguer du groupe SU(3)s des saveurs. Ladifference importante est que la symetrie de couleur est exacte et a en plus rang de symetrie locale(voir le chapitre sur les theories de jauge), alors que la symetrie de saveur est approximative, desorte que les differents etats de saveurs appartenant a une meme representation n’ont pas en realitela meme masse.

L’une des proprietes fondamentales de l’interaction forte, basee sur la couleur, est que seuls lessingulets de couleurs sont des etats physiques. Les representations de dimensions plus grandes quel’unite sont, en quelque sorte, infiniment massives et n’apparaissent pas dans le spectre des etatsphysiques. Ainsi, les quarks libres, qui appartiennent a la representation fondamentale de SU(3),ne sont pas des etats physiques.

On peut tirer des produits tensoriels etudies plus haut qu’il est possible de construire un singuletde couleur en combinant (i) un quark et un antiquark et (ii) trois quarks. En effet, les produitstensoriels 3⊗3c et 3⊗3⊗3 contiennent chacun un singulet, et donc un etat physique possible. Cecin’est pas vrai pour une combinaison de deux quarks (3⊗3) ou de quatre quarks (3⊗3⊗3⊗3). Ilse trouve que l’etat singulet a trois quarks est l’etat completement antisymetrique lors de l’echangede deux quarks. On peut l’ecrire comme suit :

1√6

(|RGB〉+ |GBR〉+ |BRG〉 − |GRB〉 − |RBG〉 − |BGR〉) (8.48)

ou (R,G,B) designent les trois etats de couleur qui forment une base conventionnelle dans l’espacedes couleurs. Dans le cas d’une combinaison quark-antiquark, la combinaison invariante est plutot

1√3

(|RR〉+ |GG〉+ |BB〉

)(8.49)

ou (R, G, B) designent les trois etats de couleur pour les antiquarks.

L’autre particule fondamentale des interactions fortes est le gluon, ou plutot les gluons, car il yen a huit. Ils appartiennent a la representation 8 = (1, 1) (l’octet) de SU(3). En soi, les gluons nesont pas des etats physiques, mais des combinaisons de deux gluons ou de trois gluons – appelees

Page 126: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

126 8. Introduction a la theorie des groupes

glueballs (ou boules de glue) – ne sont pas interdites par la regle de neutralite de couleur. En effet,on a le produits tensoriel suivant :

8⊗ 8 = 1⊕ 8⊕ 8⊕ 10⊕ 10c ⊕ 27 (8.50)

et, a partir de ce produit tensoriel, on montre facilement que 8⊗ 8⊗ 8 contient aussi un singulet.

La theorie du groupe SU(3)c sera abondamment utilisee dans le chapitre portant sur les theoriesde jauge.

Problemes

Problme 8.1Considerez le probleme d’un oscillateur harmonique en trois dimensions, avec la meme constante de ressortdans les trois directions. Les niveaux d’energie de ce systeme sont Enmr = ω(n + m + r) + E0 ou ω estla frequence caracteristique de l’oscillateur, E0 est l’energie du fondamental, et les entiers (n,m, r) sont lesnombres quantiques entiers associes a chacune des directions de l’espace.

a) Quels sont les quatre premiers niveaux d’energie de ce systemes, avec leur degenerescence? Ces degeneres-cences peuvent-elles etre expliquees uniquement par l’invariance par rotation (c’est-a-dire par des multipletde moment cinetique orbital l entier), ou existe-t-il une degenerescence accidentelle?

b) Montrez que ce systeme possede une symetrie SU(3). Cela est facile a voir lorsque l’hamiltonien est exprimeen fonction des operateurs d’echelle.

c) Dans cette optique, expliquez la degenerescence des niveaux en fonction de representations irreductiblesde SU(3).

Problme 8.2

u

u

d

s

d s

J=0

u

u

d

s

d s

J=1

J=1/2 J=3/2

uuu

uud

udd

ddd

uus

uds

dds

uss

dss

sss

Dressez un catalogue des hadrons construits a l’aide desquarks u, d et s en les classant selon leur spin, en sup-posant que le moment cinetique orbital est nul. Ignorezles degres de liberte de couleur ainsi que le principe dePauli.Autrement dit, remplissez les tableaux ci-contre, en specifiantle symbole de chaque hadron, ainsi que sa masse. Vous pou-vez bien sur vous aider du livret de physique des particules(Table of particle properties). Notez que les mesons “diag-onaux en saveur”, c’est-a-dire ceux situes le long de la di-agonale du tableau, peuvent presenter des ambiguites sur leplan de leur composition. Y a-t-il des cases vides dans letableau des baryons? Pourquoi?

Page 127: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

8.8. Symetrie de couleur 127

Problme 8.3On peut montrer que le seul etat de couleur qui soit neutre lorsqu’on combine trois quarks est l’etatcompletement antisymetrique

|ψ〉 =1√6

(|RGB〉+ |GBR〉+ |BRG〉 − |GRB〉 − |RBG〉 − |BGR〉)

Supposons qu’au lieu de trois couleurs, il n’y en ait que deux, et que les baryons soient composes de deuxquarks, au lieu de trois, ceci afin de simplifier les choses. Dans ce cas, quelle serait la combinaison completementantisymetrique? Demontrez que ce serait aussi la seule combinaison neutre possible. Pour guider votre imag-ination, notons ces deux couleurs ↑ et ↓, de maniere a profiter de l’analogie avec le spin que suggere lasymetrie de couleur simplifiee. Cette symetrie est l’invariance par rapport a un melange des couleurs via lamultiplication par une matrice unitaire d’ordre 2.

Problme 8.4

a) Demontrez la formule suivante pour une matrice carree d’ordre 3 :

εijkUilUjmUkn = εlmn detU

ou une sommation sur les indices repetes est implicite.

b) En vous servant de la formule demontree en (a), demontrez maintenant que l’etat de couleur completementantisymetrique

|ψ〉 =1√6

(|RGB〉+ |GBR〉+ |BRG〉 − |GRB〉 − |RBG〉 − |BGR〉)

est invariant par rapport a toute transformation de couleur, c’est-a-dire que U |ψ〉 ∝ |ψ〉 pour toute matriceunitaire U d’ordre 3.

c) Demontrez aussi que la combinaison suivante

|ψ〉 =1√3

(|RR〉+ |GG〉+ |BB〉

)est invariante. Remarquez cependant que les antiparticules se transforment avec la matrice conjuguee complexeU∗.

Problme 8.5

a) Montrez que le produit tensoriel correspondant a la representation reductible d’un ensemble de trois quarksest

3⊗ 3⊗ 3 = 1 ⊕ 8 ⊕ 8 ⊕ 10

b) Montrez par la meme technique qu’un etat neutre de couleur a 4 quarks est impossible.

Page 128: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 9

Theories de jauge

9.1 Symetrie de jauge non abelienne

En 1954, Yang et Mills ont generalise l’idee d’un symetrie de phase locale a une symetrie plus vasteimpliquant des rotations unitaires de plusieurs champs. La theorie obtenue est appelee theoriede jauge non abelienne, car elle implique des transformations qui ne commutent pas entre elles(des transformations unitaires, par exemple) et que ces transformations forment un groupe non-commutatif, ou groupe “non-abelien”. Ces theorie forment maintenant la base du modele standarddes interactions fondamentales.

Nous adopterons comme modele la theorie dynamique de la couleur, ou chromodynamique, quiest la theorie fondamentale des interactions fortes entre quarks. Considerons donc un spineur ψdecrivant un quark dans ses trois couleurs, c’est-a-dire que le spineur ψin comporte un indice deDirac (i = 1, 2, 3, 4) et un indice de couleur (n = 1, 2, 3). L’indice de Dirac sera toujours implicite,alors que l’indice de couleur sera implicite la plupart du temps. Les transformation de jauge agissantsur ce spineur sont en fait des rotations unitaires dans l’espace des couleurs, autrement dit

ψn → ψ′n = Unmψm ou ψ → ψ′ = Uψ (9.1)

ou U est une matrice unitaire.

Le lagrangien de DiracL = ψ(iγµ∂µ −m)ψ (9.2)

est certainement invariant lors d’une transformation de couleur globale. Autrement dit, si U estune matrice unitaire agissant dans l’espace des couleurs et independante de la position et du temps,alors le lagrangien est invariant lorsqu’on procede a la transformation ψ → ψ′ = Uψ, car alorsψ′ = ψU † et les deux facteurs U † et U se combinent pour former la matrice unite. Notons bien surque la matrice U agissant dans l’espace des couleurs seulement, commute avec toutes les matricesde Dirac, qui agissent dans l’espace des spineurs seulement.

Cependant, le lagrangien n’est plus invariant si la matrice U depend de la position ou du temps,en raison de la derivee agissant sur ψ. Nous devons definir encore une fois une derivee covarianteDµ = ∂µ + igAµ, ou g est une constante de couplage (l’analogue dans les interactions fortes de lacharge electrique). Il faut definir la transformation de jauge du champ Aµ de maniere a ce que laderivee covariante se transforme simplement, comme le champ ψ lui-meme :

Dµψ → D′µψ

′ = U(Dµψ) (9.3)

Dans le detail, ceci entraıne que

(∂µ + igA′µ)Uψ = (∂µU)ψ + U∂µψ + igA′µUψ

Page 129: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

9.2. Le tenseur de Faraday 129

doit etre egal aU(∂µψ + igAµ)ψ

et donc que

∂µU + igA′µU = igUAµ =⇒ A′µ = UAµU† +

i

g∂µUU

† (9.4)

L’action de Dirac invariante de jauge est alors simplement obtenue par couplage minimal, c’est-a-dire en remplacant les derivees ordinaires par des derivees covariantes :

L = ψ(iγµDµ −m)ψ = ψ(iγµ∂µ − gAµγµ −m)ψ (9.5)

Le champ Aµ est appele champ de jauge et est une combinaison des generateurs du groupe SU(3).En effet, toute matrice U peut etre representee comme une exponentielle U = eiωaTa . Dans ce cas,

i

g∂µUU

† =i

g(i∂µωa)Ta (9.6)

et ce terme de la relation (9.4) est une combinaison lineaire des generateurs. Il en va de memedu premier terme de la relation (9.4). En effet, en posant H = −iωaTa et d’apres la relation deHausdorf, ce premier terme est

e−HAµeH = A+ [A,H] +

12!

[[A,H],H] +13!

[[[A,H],H],H] + · · · (9.7)

Comme H est une combinaison des generateurs Ta et que le commutateurs deux combinaisonslineaires des Ta est encore une combinaison lineaire des Ta, toute l’expression ci-haut est encoreune combinaison lineaire des generateurs. Ceci demontre la coherence de la loi de transformation(9.4) avec la fait que le champ de jauge Aµ est une combinaison lineaire des generateurs du groupe.On ecrit donc la decomposition suivante :

Aµ = AaµTa (9.8)

ou les champs Aaµ, qui sont au nombre des generateurs du groupe de jauge, sont maintenant des

champs reels non matriciels.

9.2 Le tenseur de Faraday

Une fois la symetrie de jauge accomplie pour le champ de Dirac et le champ de jauge Aµ introduit,il faut construire une theorie dynamique pour le champ Aµ lui-meme, modelee sur la theorieelectromagnetique. Il faut en fait construire une densite lagrangienne pourAµ, en suivant autant quepossible le modele electromagnetique et en s’assurant que cette densite lagrangienne soit egalementinvariante de jauge.

La premiere etape consiste a construire le tenseur de Faraday

Fµν = ∂µAν − ∂νAµ

Malheureusement, cette expression est loin d’etre invariante de jauge dans le cas non-abelien. Lasolution est de remplacer ici aussi les derivees ordinaires par des derivees covariantes :

Fµν = DµAν −DνAµ

= ∂µAν − ∂νAµ + ig[Aµ, Aν ](9.9)

Page 130: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

130 9. Theories de jauge

Voyons comment cette expression se comporte lors d’une transformation de jauge :

Fµν → F ′µν = D′

µA′ν −D′

νA′µ (9.10)

Calculons d’abord

D′µA

′ν =

(∂µ + igUAµU

† − ∂µUU†)(UAνU

† +i

g∂νUU

†)

= ∂µUAνU† + U∂µAνU

† + UAν∂µU† +

i

g∂µ∂νUU

+i

g∂νU∂µU

† + igUAµAνU† + UAµ∂νU

† − ∂µUAνU† +

i

g∂µU∂νU

(9.11)

ou nous avons utilise a deux reprises le fait que U †∂µU = ∂µ(U†U) − ∂µU

†U = −∂µU †U . Notonsque le premier et huitieme termes se compensent mutuellement. D’autre part, comme nous devonssoustraire de cette expression une expression equivalente ou les indices µ et ν sont echanges, nouspouvons eliminer de cette expression tous les termes qui sont symetriques lors de l’echange µ↔ ν.Or, le troisieme terme se combine avec le septieme pour former une expression symetrique en(µ, ν). La meme chose est vraie des cinquieme et neuvieme termes. Enfin, le quatrieme terme estmanifestement symetrique de lui-meme. Il reste les deuxieme et sixieme termes :

U∂µAνU† + igUAµAνU

En echangeant µ↔ ν et en soustrayant, on trouve

F ′µν = U(∂µAν − ∂νAµ)U

† + igU [Aµ, Aν ]U† = UFµνU

† (9.12)

Donc le tenseur de Faraday Fµν n’est pas invariant de jauge, mais se transforme de maniere simple.

9.3 Le lagrangien de la QCD

Le lagrangien du champ electromagnetique est

Lem = − 116π

FµνFµν (9.13)

Cette forme doit etre adaptee au cas non-abelien, car en soi elle n’est pas invariante de jauge (enfait, ce n’est pas un scalaire, mais une matrice dans ce cas). La solution consiste a prendre la trace :

LQCD = − 18π

Tr (FµνFµν) (9.14)

Ce lagrangien est bel et bien invariant de jauge car

L′QCD = − 1

8πTr (F ′

µνF′µν) = − 1

8πTr (UFµνUU

†F µνU) = − 18π

Tr (FµνFµν) (9.15)

en raison de la propriete cyclique de la trace d’un produit de matrices : Tr (ABC) = Tr (BCA) =Tr (CAB).

En fonction des generateurs Ta, le tenseur de Faraday s’ecrit

Fµν = (∂µAaν − ∂νA

aµ)Ta + igAb

µAcν [Tb, Tc] (9.16)

Comme [Tb, Tc] = ifbcaTa, on peut ecrire

Fµν = F aµνTa ou F a

µν = ∂µAaν − ∂νA

aµ − gfbcaA

bµA

cν (9.17)

Page 131: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

9.3. Le lagrangien de la QCD 131

Le lagrangien devient alors

LQCD = − 18πF aµνF

bµν Tr (TaTb) (9.18)

La convention habituelle sur la normalisation des generateurs est de les choisir tels que

Tr (TaTb) = 12δab (9.19)

C’est le cas notamment des generateurs de SU(2) et de SU(3) introduits dans le chapitre portantsur la theorie des groupes. On trouve alors

LQCD = − 116π

F aµνF

aµν (9.20)

Dans la limite ou la constante de couplage g tend vers zero, F aµν devient simplement equivalent au

tenseur de Faraday electromagnetique, et alors on se trouve en presence d’une theorie equivalentea N copies de l’electromagnetisme, N etant le nombre de generateurs (8 pour la QCD). Ainsi,N bosons, similaires au photon, apparaissent dans la theorie. En QCD, ces bosons sont appelesgluons, et ils transmettent l’interaction forte de la meme maniere que les photons transmettentl’interaction electromagnetique. Par exemple, les quarks pourraient diffuser l’un sur l’autre parl’echange d’un gluon virtuel, etc.

Si g est non nul, cependant, les choses sont plus complexes. Le lagrangien comporte des termescubiques et des termes quartiques en A, comme le montre l’expression explicite suivante :

LQCD = − 116π

(∂µA

aν − ∂νA

aµ − gfbcaA

bµA

) (∂µAaν − ∂νAaµ − gfdeaA

dµAeν)

(9.21)

Les termes cubique en A sont d’ordre g, et les termes quartiques d’ordre g2. Ce lagrangien, ou lehamiltonien correspondant, est impossible a resoudre. Autrement dit, les etats propres de cettetheorie ne sont pas connus, et en tout cas ne correspondent pas a des bosons libres, comme dansle cas du champ electromagnetique. Bref, meme en l’absence de quarks, la QCD est une theoriecomplexe. Si g etait petit, alors on pourrait utiliser la theorie des perturbations (les diagrammes deFeynman) pour decrire les effets de termes cubiques et quartiques. Des vertex comme ceux illustresci-dessous seraient des ingredients des diagrammes de Feynman de la QCD.

(9.22)

Notez qu’on represente la propagation d’un gluon par une ligne ayant l’apparence d’un ressort,pour symboliser l’intensite de l’interaction forte!

Le lagrangien complet de la QCD comporte l’expression ci-haut (9.21), plus les termes decrivantles quarks et leur interaction avec les gluons, soit l’expression (9.5).

Page 132: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

132 9. Theories de jauge

9.4 Proprietes de la QCD

Terminons ce chapitre avec quelques remarques sur la QCD et les theories de jauge en general.

Une propriete de la QCD, commune a toutes les theories de jauge, est la renormalisabilite. Unetheorie quantique des champs, pour etre utile et bien definie, doit etre renormalisable. Expliquonsbrievement. Si on applique la theorie des perturbations aux ordres plus eleves, on trouve desexpressions infinies, divergentes. Ceci se produit pratiquement a chaque fois qu’un diagramme deFeynman comporte une ou plusieurs boucles fermees. Pour corriger ce probleme, on doit supposerque l’espace n’est pas continu a une echelle tres petite ou, ce qui est equivalent, supposer queles vecteur d’ondes ne peuvent pas prendre des valeurs arbitrairement grandes. Si une theorie deschamps est renormalisable, on peut proceder a certains ajustements d’un nombre fini de parametres(comme la masse, la constante de couplage, ou la normalisation du champ) afin d’eliminer cesinfinites (ou plutot, de les balayer sous le tapis). Par contre, si la theorie n’est pas renormalisable,un nombre infini de parametres ajustables est necessaire pour les eliminer, et la theorie perdtout son sens en tant que theorie fondamentale. Il se trouve que toutes les theories de jauge sontrenormalisables. En fait, les theories de jauge sont les seules theories, avec celle d’un champ scalaire,qui ont cette propriete.

L’un des effets de cette procedure de renormalisation est que la constante de couplage g n’estpas vraiment une constante. Elle depend faiblement d’une echelle d’energie q, echelle d’energiecaracteristique des phenomenes etudies. Il se trouve que la constante αs = g2 se comporte commesuit en fonction de l’echelle d’energie q :

αs =12π

(33− 2Nq) ln(q2/Λ)(9.23)

ou Λ est l’echelle d’energie de la QCD, egale a 200±100 MeV (la precision n’est pas enorme) et Nq

est le nombre de saveurs de quarks, soit six. Ce resultat est obtenu par la theorie des perturbations(diagrammes de Feynman a une boucle) et n’est valable que si αs est petit, mais indique que laconstante de couplage tend vers zero aux tres grandes energies. Cette propriete porte le nom deliberte asymptotique. Les diagrammes de Feynman qui menent a cette formule sont illustre a lafigure 9.1. L’une des consequences de la liberte asymptotique est que lors de processus impliquant untres grand transfert de quantite de mouvement, comme dans les experiences de diffusion inelastiqueprofonde, la constante de couplage effective est petite et les quarks se comportent comme desparticules quasi-libres.

Figure 9.1. Diagrammes contribuant a la polarisation de couleur du vide en QCD.Celui du haut comporte l’emission de paires virtuelles quark-antiquarks et ceux du basa l’emission de gluons virtuels. Les deux contributions (qq et gluons) ont des signesopposes.

Une facon de presenter la liberte asymptotique est de parler d’effet anti-ecran. L’effet d’ecran estbien connu en physique du solide : dans un milieu polarisable, la charge effective d’une source est

Page 133: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

9.4. Proprietes de la QCD 133

de plus en plus grande lorsqu’on l’observe de plus en plus proche, car la polarisation du milieuentourant la charge tend a la masquer partiellement. Le vide aussi est polarisable, car des pairesvirtuelles electron-positron peuvent etre creees, et donc la charge elementaire, ou la constante destructure fine α = e2, augmente avec la resolution spatiale, c’est-a-dire augmente avec l’echelled’energie associee au processus. C’est l’inverse de la liberte asymptotique. En QCD, la polarisationde couleur du vide par emission de paires virtuelles quark-antiquark agit dans le meme sens qu’enelectrodynamique, et donc contre la liberte asymptotique. Par contre, une polarisation de couleurdans le sens oppose (donc un anti-ecrantage) est causee par les gluons (les deux diagrammes dubas de la figure 9.1), et la contribution des gluons domine. Au total, l’effet anti-ecran domine et ily a liberte asymptotique.

La contrepartie de la liberte asymptotique est l’augmentation presumee de g2 quand l’echelled’energie diminue. On peut presumer que, en deca d’une certaine echelle d’energie Λ, la theoriedes perturbations perd toute son utilite et qu’il est vain de penser en termes de diagrammesde Feynman. D’autres approches theoriques, dites “non perturbatives”, sont requises. De tellesmethodes, en particulier numeriques, sont un sujet de recherche tres actif en physique theoriquedes particules. Une consequence presumee de cette augmentation de la constante de couplage estle confinement : le fait que seuls les etats neutres de couleurs puissent exister.

Problemes

Problme 9.1Montrez que, dans une theorie de jauge non-abelienne, le tenseur de Faraday Fµν = DµAν − DνAµ setransforme comme Fµν → UFµνU

−1.

Problme 9.2Dans une theorie de jauge comme la chromodynamique (QCD), on peut en principe definir des champschromo-electrique et chromo-magnetiques, Ea et Ba, qui figurent dans le tenseur de Faraday :

F aµν :

0 Ea

x Eay Ea

z

−Eax 0 −Ba

z Bay

−Eay Ba

z 0 −Bax

−Eaz −Ba

y Bax 0

(a = 1, 2, . . . , 8) (9.24)

a) Ecrivez l’expression explicite de ces champs en fonction des potentiels Aa et Φa (la version “couleur” despotentiels vecteur et scalaire).

b) L’equivalent des equations de Maxwell pour les champs de couleurs s’obtient en remplacant les derivees

ordinaires par des derivees covariantes. Ecrivez l’equivalent de la loi de Gauss. En quoi differe-t-elle de la loide Gauss pour le champ electromagnetique? Qu’est-ce qui, selon vous, en rend la resolution difficile?

Page 134: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

CHAPITRE 10

Modele standard des interactionselectro-faibles

10.1 Interactions faibles

Les interactions faibles ont les proprietes suivantes :

1. Elle affectent toutes les particules materielles connues.

2. Leur portee est tres courte, et leur intensite est tres faible.

3. Elles peuvent changer la saveur des quarks. Par exemple, les particules comportant un quark sse desintegrent par interaction faible.

4. Elle ne respectent pas l’invariance par inversion de l’espace (parite).

Cette derniere propriete (la brisure de la parite) est apparue premierement dans la desintegration(faible) des kaons. Les kaons peuvent se desintegrer parfois en des produits ayant une parite paire,parfois en des produits ayant une parite impaire, ce qui contredit la loi de conservation de la parite.Lee et Yang ont propose que l’interaction faible brisait peut-etre la parite. Une experience meneepar Mme Wu en 1956 confirma cette hypothese.

I1p1

p2

I2

I2p2

p1

I1

S S

Figure 10.1. Schema de l’experience de Wu sur la violation de la parite. A gauche, leschema direct. A droite, celui obtenu par inversion de l’espace.

Page 135: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.1. Interactions faibles 135

Dans cette experience, on etudie la desintegration d’un noyau de 60Co en presence d’un champmagnetique :

60Co → 60Ni + e− + ν (10.1)

Le champ magnetique permet d’imposer au noyau de cobalt une orientation fixe de son spin1.

On detecte ensuite les electrons emis dans des directions opposees, comme indique sur le schemade la fig. 10.1 : deux detecteurs comptent les electrons et recoivent des intensites I1 et I2 (un seulelectron est emis par desintegration, bien-sur, mais on compte ici les electrons emis par un tresgrand nombre de desintegrations). Si on effectue une reflexion de l’espace (comme indique), alors lesdeux detecteurs sont echanges, alors que le spin reste inchange. Si la parite etait conservee, alors lesdeux detecteurs devraient recevoir la meme intensite d’electrons (I1 = I2), car les deux situationsseraient indiscernables. En pratique, on procede non pas a un echange des deux detecteurs, mais aune inversion du spin en changeant le sens du champ magnetique applique. En effet, si on procedea une rotation de 180 par rapport a un axe perpendiculaire a la fois a p1 et a S, on retrouve lasituation originale, sauf que l’orientation du spin a ete inversee. On trouve que l’intensite I1 n’estpas la meme avant et apres le changement de sens du champ magnetique. Donc la parite n’est pasconservee dans les interactions faibles.

10.1.1 Premiere theories des interactions faibles

La premiere theorie des interactions faibles a ete proposee par Fermi en 1933. Elle est basee sur lelagrangien d’interaction suivant :

LI =GF√

2(pγµn)(eγµν) (10.2)

ou nous avons defini γµ = gµνγν . Dans cette expression, les symboles p, n, e et ν designent des

spineurs de Dirac decrivant respectivement un proton, un neutron, un electron et un neutrino.Cette theorie fut la premiere ou le concept de creation et d’annihilation de particules materiellesfit son apparition.

Ce lagrangien d’interaction mene au vertex suivant (a gauche) :

n

p e

ν d

u e

ν

(10.3)

ou, de maniere equivalent, a celui de droite, si on remplace le proton par un quark u et le neutronpar un quark d (les deux autres quarks du nucleon ne jouant aucun role dans le processus). Ladesintegration β s’explique dans cette theorie par un diagramme de Feynman simple avec unneutron comme etat initial et un proton, un electron et un antineutrino dans l’etat final. Laconstante de couplage GF , appelee constante de couplage de Fermi, a les unites d’une masse inverseau carre, et vaut

GF = 1.166× 10−5GeV−2 (10.4)

1 Pourvu que la temperature soit suffisamment basse pour que l’orientation du spin ne soit pas desordonneepar les fluctuations thermiques. Ceci necessite des temperatures de l’ordre de 10 mK et un processus dedesaimantation adiabatique.

Page 136: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

136 10. Modele standard des interactions electro-faibles

La theorie de Fermi, cependant, ne brise pas la parite et donc ne peut pas bien representer tous lesprocessus causes par l’interaction faible, en particulier les processus dans lesquels la polarisationdes particules n’est pas moyennee.

10.1.2 Spineurs droit et gauche

Feynman et Gell-Mann ont modifie la theorie de Fermi pour y ajouter un ingredient qui briseexplicitement la parite. Pour cela, ils ont utilise la decomposition d’un spineur de Dirac en com-posantes droite et gauche (ou composantes chirales), que nous introduisons ici. Revenons pour celaaux spineurs a deux composantes ψR et ψL qui composent le champ de Dirac, telles qu’introduitesa la section 7.1.1. Rappelons que, dans la representation chirale, le spineur de Dirac a quatrecomposantes est forme des spineurs droit et gauche a deux composantes de la maniere suivante :

ψ =(ψLψR

)(rep. chirale) (10.5)

Dans le but d’extraire ces composantes dans le cadre de spineurs a 4 composantes, on introduit lamatrice suivante :

γ5 = iγ0γ1γ2γ3 (10.6)

La forme explicite de cette matrice est la suivante, dans les deux representations utilisees desmatrices de Dirac :

γ5 =(−1 00 1

)(rep. chirale)

(0 11 0

)(rep. de Dirac) (10.7)

On definit ensuite les composantes droite et gauche du spineur de Dirac comme

ψR = 12 (1 + γ5)ψ ψL = 1

2 (1− γ5)ψ (10.8)

En effet, dans la representation chirale,

12 (1 + γ5)ψ =

(0 00 1

)ψ =

(0ψR

)(10.9)

et12 (1− γ5)ψ =

(1 00 0

)ψ =

(ψL0

)(10.10)

Notons qu’ici nous utilisons la meme notation (ψR et ψL) pour les spineurs droit et gauche adeux composantes, et pour les spineurs a quatre composantes correspondants. Notons aussi quela definition (10.8) est valable dans toutes les representation des matrices de Dirac; c’est la formematricielle precise de γ5 qui change d’une representation a l’autre.

En fonction de ces spineurs chiraux, on verifie facilement que l’action de Dirac a la forme suivante :

LD = iψLγµ∂µψL + iψRγ

µ∂µψR −m(ψLψR + ψRψL) (10.11)

On constate que le terme de masse couple les spineurs gauches et droits, alors que le reste dulagrangien se separe bien en deux termes, l’un gauche et l’autre droit.

Dans le cas sans masse, les spineurs droit et gauche decrivent des particules d’helicite bien definie,comme nous l’avons entrevu a la section 7.1.2. Dans ce cas, les spineurs droit et gauche peuvent etreconsideres separement, c’est-a-dire qu’on peut definir une theorie ne comportant que la composantegauche ou que la composante droite, car les deux ne sont pas couplees par le terme de masse et doncsont independantes. Dans le cas massif, les composantes chirales ne decrivent plus des particules

Page 137: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.1. Interactions faibles 137

d’helicite bien definie, mais demeurent utiles dans la description d’interactions qui brisent la parite,comme nous le verrons dans les prochaines sections.

Une inversion de l’espace a comme effet d’echanger les composantes droite et gauche d’un spineurde Dirac. Explicitement, dans la representation chirale, la transformation de parite est

ψ(r, t) =(ψL(r, t)ψR(r, t)

)→ ψ′(r, t) =

(ψR(−r, t)ψL(−r, t)

)= γ0ψ(−r, t) (10.12)

Cette forme de la transformation de parite reste la meme dans toutes les representations desmatrices de Dirac.

Etant donnes deux spineurs de Dirac ψ1 et ψ2, la matrice γ5 nous permet de definir un pseudo-scalaire et un pseudo-vecteur :

ψ1γ5ψ2 et ψ1γ

µγ5ψ2 (10.13)

Ces deux quantites se transforment respectivement comme un scalaire et un vecteur lors des trans-formations de Lorentz qui n’impliquent pas d’inversion de l’espace. On verifie, a l’aide de la formedonnee ci-haut de la transformation de parite sur un spineur de Dirac, que la premiere quantite(ψ1γ

5ψ2) change de signe lors d’une reflexion de l’espace : ce qu’on appelle un pseudo-scalaire. Dememe, la partie spatiale de la deuxieme quantite (ψ1γ

µγ5ψ2) est un vecteur axial, c’est-a-dire unvecteur qui ne change pas de signe lors d’une inversion de l’espace, aussi appele pseudo-vecteur.Rappelons que les vecteurs positions, quantite de mouvement, champ electrique sont des vecteurspolaires, qui changent de signe lors d’une inversion de l’espace, alors que les vecteurs momentcinetique et champ magnetique sont des pseudo-vecteurs.

10.1.3 Theorie V–A

Feynman et Gell-Mann on forme les quadri-courants a caractere polaire et axial suivants :

pγµn pγµγ5n et eγµν eγµγ5ν (10.14)

et ont propose le lagrangien suivant pour les interactions faibles :

L =GF

4√

2(pγµn− pγµγ5n)(eγµν − eγµγ

5ν) + c.h. (10.15)

appele communement V–A, car il provient de la soustraction d’un vecteur axial (A) d’un vecteurpolaire (V). Ce lagrangien peut aussi etre vu comme un couplage de type Fermi, mais seulementavec la composante gauche du neutron et du neutrino :

L =GF√

2(pγµnL)(eγµνL) + c.h. (10.16)

Cette theorie de Feynman et Gell-Mann corrige les imperfections de la theorie de Fermi, c’est-a-direqu’elle contient une brisure explicite de la parite, et est conforme a tous les phenomenes impliquantl’interaction faible connus a l’epoque.

Insuffisance de la theorie V–ALa theorie V–A, comme la theorie de Fermi originale, ne peut pas etre consideree comme unetheorie fondamentale des interactions faibles. La raison en est qu’elle n’est pas renormalisable.Autrement dit, tous les calculs perturbatifs qui sont fait au-dela de l’ordre le plus bas n’ont pas desens. L’une des consequences de ce fait, assez simple a demontrer, est la violation de l’unitarite.Expliquons. Considerons la section efficace pour la diffusion par interaction faible entre un electronet un neutrino. Ce processus doit etre tres peu probable. Dans le referentiel du centre d’impulsion

Page 138: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

138 10. Modele standard des interactions electro-faibles

des deux particules, la section efficace doit, au premier ordre de la theorie des perturbation, etreproportionnelle a G2

F (car GF apparaıt lineairement dans le diagramme de Feynman associe et doncdans l’amplitude de diffusion). Mais l’amplitude de diffusion est sans unites, alors que GF a lesunites d’une masse inverse au carre. Il faut donc que l’amplitude de diffusion soit proportionnellea une quantite ayant les unites de la masse au carre, soit la masse invariante de la reaction (laseule possibilite). Donc l’amplitude croıt comme le carre de la masse invariante, et cette dernierequantite est proportionnelle a l’energie de l’electron incident. Ceci signifie que la section efficaceva croıtre sans bornes avec l’energie, ce qui est absurde. A un moment donne, la probabilite decollision d’un electron avec un neutrino sera plus grande que un! C’est ce qu’on appelle une violationde l’unitarite, en somme une non-conservation de la probabilite. Le probleme est que les ordressuperieurs de la theorie des perturbations devraient etre inclus, et qu’ils ne peuvent l’etre parceque la theorie n’est pas renormalisable.

10.2 Theorie de jauge SU(2)× U(1)

La solution proposee au problemes de la theorie V–A est de la considerer comme une theorie effec-tive, une approximation d’une theorie plus fondamentale qui serait, elle, renormalisable. Des 1961,Glashow proposa une theorie incomplete qui unifiait l’interaction electromagnetique et l’interactionfaible en une seule interaction electro-faible. En 1967, Weinberg et Salam proposerent qu’il devaits’agir d’une theorie de jauge non abelienne, mais que l’etat fondamental (le vide) ne serait pasinvariant de jauge, ce qu’on appelle une brisure spontanee de la symetrie. En 1971, t’Hooft et Velt-man demontrerent que cette theorie compliquee est renormalisable. Glashow, Weinberg et Salamrecurent le prix Nobel en 1979 pour l’elaboration de cette theorie; t’Hooft et Veltman le recurentune vingtaine d’annees plus tard pour avoir demontre que la dite theorie etait coherente. Nousallons maintenant decrire cette theorie.

La theorie electro-faible est une theorie de jauge basee sur le produit de groupes SU(2)×U(1). C’estdonc qu’elle comporte trois champs de jauge pour SU(2) (le nombre de generateurs), qu’on noteraAaµ (a = 1, 2, 3) et un champ de jauge pour U(1), qu’on notera Bµ. Ce champ de jauge U(1) se

comporte en principe de la meme maniere que le champ electromagnetique, sauf qu’il ne se couplepas a la charge electrique, mais a une autre quantite Y appelee hypercharge faible2. Par analogieavec le spin, l’espace abstrait sur lequel agit le groupe SU(2) est appele espace d’isospin faible.

Les fermions fondamentaux qui se couplent a ces champs de jauge doivent occuper des representa-tions bien precises de SU(2) et avoir une valeur precise de l’hypercharge Y . Dans la theorieelectrofaible, tous les fermions sont sans masse au depart (la masse est generee plus tard, parle mecanisme de Higgs decrit plus bas). Donc les composantes droites et gauches des fermions sontindependantes a ce stade, et peuvent appartenir a des representations differentes du groupe SU(2),ce qui permet d’introduire une violation maximale de la parite.

Commencons par traiter le cas d’une seule famille de particules elementaires, soit les quarks u et d,l’electron et le neutrino electronique. Les champs associes a ces particules sont agences come suit :

`L =(νLeL

)qL =

(uLdL

)eR , uR , dR (10.17)

ou on remarque deux doublets d’isospin faible, forme des composantes gauches des leptons etdes quarks, respectivement. Les composantes droites forment des singulets d’isospin faible, ce qui

2 Ne pas confondre avec l’hypercharge introduite dans la classification des hadrons, qui est une combinaisonde l’etrangete et de la charge electrique.

Page 139: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.2. Theorie de jauge SU(2)× U(1) 139

signifie qu’ils n’interagissent pas avec le champ de jauge SU(2). Ces different doublets et singuletsont les valeurs suivantes de l’hypercharge :

champ Y Q = 12Y + T3

`L = (ν, e)L −1 (0,−1)

qL = (u, d)L13 ( 2

3 ,−13 )

eR −2 −1

uR43

23

dR − 23 − 1

3

On a aussi indique pour chaque champ la valeur de la charge electrique, qui est une combinaisonde l’hypercharge et du troisieme generateur de SU(2).

Le lagrangien de la theorie est simple : l’action de Dirac s’applique a tous les champs, la deriveecovariante remplacant la derivee ordinaire :

Dµ = ∂µ + igAaµT

a + ig′ 12Y Bµ (10.18)

ou les T a sont les generateurs de SU(2) dans la representation consideree, et ou le facteur 12 devant

Bµ est conventionnel : il affirme simplement que le champ Bµ se couple a l’hypercharge diviseepar deux, et non a l’hypercharge directement. Les constantes de couplage g et g′ sont distinctes,car elles n’ont pas besoin d’etre identiques pour garantir l’invariance de jauge de la theorie. Parexemple, sur le doublet de leptons gauches, on a

Dµ`L =(∂µ + ig 1

2Aaµσ

a − i 12g

′Bµ

)`L (10.19)

ou les generateurs de SU(2) sont les matrices de Pauli (divisees par 2), alors que pour l’electrondroit, on a simplement

DµeR =(∂µ − ig′Bµ

)eR (10.20)

ou les generateurs de SU(2) sont nuls (correspondant a la representation triviale de SU(2), ou tousles elements du groupe sont associes au nombre 1).

Aux lagrangiens des fermions, on doit ajouter ceux des champs de jauge :

LAB = − 116π

F aµνF

aµν − 116π

GµνGµν (10.21)

ou F aµν est le tenseur de Faraday du champ de jauge SU(2) Aa

µ, alors que Gµν est celui du champde jauge abelien Bµ :

F aµν = ∂µA

aν − ∂νA

aµ − gεabcA

bµA

cν Gµν = ∂µBν − ∂νBµ (10.22)

Notons que les constantes de structure de SU(2) sont simplement fabc = εabc d’apres les relation decommutation des matrices de Pauli divisees par deux, qui sont celles des composantes du momentcinetique.

Si cette theorie en restait la, alors nous aurions affaire a un ensemble de particules sans masses(oublions la QCD et le confinement pour le moment) interagissant via deux champs de jaugedistincts associes a 4 bosons de spin 1 similaires au photon. La difference serait que les trois bosonsassocies aux champs SU(2) interagissent entre eux et forment ensemble une theorie non lineaire.

Page 140: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

140 10. Modele standard des interactions electro-faibles

La realite est plus complexe, car les interactions faibles ont une portee tres courte et les trois bosonsen questions n’ont ete decouverts qu’en 1983 et ont des masses de l’ordre de 80–90 GeV. C’est labrisure spontanee de l’invariance de jauge qui explique cet etat de fait.

10.3 Brisure spontanee de la symetrie : mecanisme de Higgs

Le mecanisme de Higgs modifie le contenu physique de la theorie electrofaible decrite ci-haut enconferant une masse a trois des quatre bosons de jauge et en donnant une masse non nulle auxfermions. Il se base sur la presence dans la theorie d’un champ scalaire Φ, en plus des fermionsdecrits plus haut et des champs de jauge. Ce champ scalaire represente un boson de spin zero, quiforme cependant un doublet complexe d’isospin faible et qui possede une hypercharge Y = 1. Onpeut exprimer ce doublet comme

Φ =(φ+

φ0

)(10.23)

ou l’assignation des charges electriques des membres du doublet correspond bien a Q = 12Y + T3.

Rappelons qu’un champ scalaire ordinaire, obeissant a l’equation de Klein-Gordon, est decrit parle lagrangien suivant :

L = 12∂µφ∂

µφ− 12m

2φ2 (10.24)

Un tel champ, cependant, ne peut pas etre incorpore a une theorie de jauge (abelienne ou non)car il n’admet aucune transformation de symetrie : il ne possede qu’une seule composante, reellede surcroıt. Pour qu’un champ scalaire puisse se coupler au champ electromagnetique, il doitrepresenter une particule chargee et donc doit necessairement etre complexe (par opposition areel). En effet, il doit pouvoir admettre une transformation de jauge, qui prend alors la forme

φ→ φ′ = eieξφ (10.25)

Un champ scalaire complexe peut etre vu comme forme de deux champ scalaires reels (un pour sapartie reelle, l’autre pour sa partie imaginaire), de sorte que φ = (φ1 + iφ2)/

√2 (le facteur de

√2

est conventionnel). Le lagrangien du champ scalaire complexe est alors

L =∑i=1,2

12∂µφi∂

µφi − 12m

2φ2i = ∂µφ

∗∂µφ−m2|φ|2 (10.26)

Ce champ complexe peut se coupler au champ electromagnetique par couplage minimal, soit enremplacant ∂µφ par Dµφ.

On pourrait, raffinement supplementaire, ajouter un terme en |φ|4 a ce lagrangien :

L = (Dµφ)∗Dµφ−m2|φ|2 − λ|φ|4 (10.27)

Dans ce cas, la theorie n’est plus soluble exactement. Le terme en |φ|4 correspond a une interactiondu champ avec lui-meme, un peu comme dans la theorie de Fermi des interactions faibles, sauf queles particules impliquees sont des bosons. Notons que la constante de couplage λ n’a pas d’unites,ce qui entraıne que la theorie est renormalisable et qu’elle constitue donc une theorie physiqueacceptable en principe.

Pour qu’un champ scalaire puisse aussi interagir avec les champs de jauge Aaµ de SU(2), il ne doit

pas former un singulet de SU(2), mais appartenir a une representation non triviale de SU(2). Lapossibilite la plus simple est le doublet decrit plus haut.

Page 141: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.3. Brisure spontanee de la symetrie : mecanisme de Higgs 141

Le lagrangien de ce doublet, dit doublet de Higgs, est

LH = (DµΦ)†(DµΦ)− V (Φ) V (Φ) = −µ2Φ†Φ + λ(Φ†Φ)2 (10.28)

Le premier terme du lagrangien est simplement le lagrangien d’un champ scalaire ordinaire, oules derivees ordinaires ont ete remplacees par des derivees covariantes pour assurer l’invariance dejauge. Comme Φ est un doublet d’hypercharge 1, on a

DµΦ = ∂µΦ + 12 igA

aµσ

aΦ + 12 ig

′BµΦ (10.29)

|Φ|

V(|Φ|)

ν/√

2–

Figure 10.2. Le potentiel de Higgs V (|Φ|).

Le deuxieme terme du lagrangien est un potentiel V (Φ) qui ne depend que de la grandeur Φ†Φ =|φ+|2 + |φ0|2. Le potentiel V (|Φ|) associe a ceci de particulier que, en raison du signe negatif duterme quadratique, son minimum n’est pas situe a |Φ| = 0, mais a une valeur non nulle de |Φ|qu’on note v/

√2 (voir fig. 10.2). Ceci signifie que la valeur du champ Φ n’est pas nulle dans

l’etat fondamental, mais telle que |Φ| = v/√

2. Mais il faut voir le potentiel V dans un espacea 4 dimensions (Φ possede l’equivalent de 4 composantes reelles) dont seule une coupe dans unedirection particuliere est illustree a la fig. 10.2. En effet, le potentiel, comme le reste du lagrangien,est invariant par transformation de jauge

Φ → Φ′ = UeiθΦ (10.30)

ou U est une matrice appartenant a SU(2) et θ est un facteur de phase associe a la symetrie de jaugeU(1) de l’hypercharge. Dans l’etat fondamental, le systeme choisit une direction dans cet espacequadri-dimensionnel. Il y a donc brisure de la symetrie de jauge dans l’etat fondamental, meme sile lagrangien est invariant. Ce phenomene porte le nom de brisure spontanee de la symetrie, etintervient couramment dans les theories d’unification des particules et, surtout, en physique de lamatiere condensee. La consequence de cette brisure spontanee, c’est-a-dire de la valeur constantenon-nulle de Φ, est que les champs de jauge qui interagissent avec ce champ constant deviennentmassifs. Ils sont en quelque sorte “alourdis” par leur interaction avec un champ qui possede unevaleur constante, comme nous allons maintenant le voir en detail.

En premiere approximation, supposons que le champ de Higgs est exactement egal a sa valeur dansl’etat fondamental, c’est-a-dire

Φ =(

0v/√

2

)(10.31)

et negligeons les fluctuations du champ Φ autour de cette valeur constante. Nous avons manifeste-ment choisi une direction dans l’espace interne du doublet, en supposant que la valeur de φ+ dansle vide est nulle – ce qui signifie a posteriori que le vide n’est pas charge electriquement et doncque l’invariance de jauge electromagnetique est preservee – et que la valeur de φ0 est reelle.

Page 142: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

142 10. Modele standard des interactions electro-faibles

Voyons maintenant ce que produit le lagrangien du doublet de Higgs quand on substitue cettevaleur de Φ. Toutes les derivees sont nulles, bien sur, mais il reste les couplages aux champs dejauge, qui deviennent

DµΦ → v√2( 1

2 igAaµσ

a + 12 ig

′Bµ)(

01

)=

iv

2√

2

(gA1

µ − igA2µ

g′Bµ − gA3µ

)(10.32)

Le lagrangien du doublet devient alors

LH →v2

8

(gA1

µ − igA2µ

g′Bµ − gA3µ

)†(gA1µ − igA2µ

g′Bµ − gA3µ

)=v2

8g2(A1

µA1µ +A2

µA2µ) + (g′Bµ − gA3

µ)(g′Bµ − gA3µ)

(10.33)

On voit que des termes quadratiques dans les champs de jauge sont generes, ce qui corresponda conferer a ces champs une masse. En effet, un terme quadratique (de signe negatif) dans lelagrangien du champ scalaire est associe a une masse de ce champ. Ceci vaut aussi pour chacunedes composantes d’un champ vectoriel, comme pour un champ scalaire. Mais ce ne sont pas tousles champs de jauge qui acquierent une masse dans ce mecanisme. Il est pratique alors de definirles combinaisons suivantes :

W±µ =

1√2

(A1µ ± iA2

µ

)(W−

µ = (W+µ )∗)

Z0µ =

−g′Bµ + gA3µ√

g2 + g′2

Aµ =gBµ + g′A3

µ√g2 + g′2

(10.34)

En fonction de ces combinaisons, les termes de masses du lagrangien deviennent

LH →(vg

2

)2(W+µ)∗W+

µ +12v2

4(g2 + g′2)Z0µZ0

µ (10.35)

alors que la combinaison Aµ, qui est en fait le champ electromagnetique, demeure sans masse. Onexprime souvent les combinaisons de champs A et Z en fonction de l’angle de Weinberg θW , definipar

sin θW =g′√

g2 + g′2cos θW =

g√g2 + g′2

tan θW =g′

g(10.36)

On ecrit alorsZ0µ = cos θWA

3µ − sin θWBµ

Aµ = sin θWA3µ + cos θWBµ

(10.37)

D’apres l’eq. (10.35), le rapport de masse du W± au Z0 est

mW

mZ

=

√g2

g2 + g′2= cos θW (10.38)

et les valeurs observees sont :

mW = 80.42 GeV mZ = 91.19 GeV sin2 θW ≈ 0.23 (10.39)

Page 143: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.3. Brisure spontanee de la symetrie : mecanisme de Higgs 143

Note : Le champ complexe W+µ porte une charge electrique et son conjugue complexe est W−

µ .Ceci signifie que le boson W+ interagit avec le photon (il peut en emettre et en absorber) et quele boson W− est son antiparticule. Le couplage du champ W+

µ au photon est en fait un couplageau champ A3

µ et resulte de la nature non-abelienne de la symetrie de jauge SU(2).

10.3.1 Courants charges, neutres et electromagnetique

En fonction des nouveaux champs de jauge W±, Z0 et A, le lagrangien d’interaction entre lesfermions et les bosons de jauge a une apparence differente. Pour mieux l’exprimer, nous utilisonsla notion de courant et ecrivons les termes d’interaction comme

LI = gJaµAaµ + g′JY µBµ (10.40)

ouJaµ = 1

2¯Lγ

µσa`L + 12 qLγ

µσaqL

JY µ = 12

∑α

Yαfαγµfα

(10.41)

ou la somme dans la deuxieme equation est prise sur toutes les especes de fermions fα presentes,droites et gauches, et Yα est l’hypercharge de chaque espece.

On voit facilement que les courant J1 et J2 peuvent etre reorganises en J± = J1± iJ2, ce qui menea un premier terme d’interaction

LCC =g√2

(J+µW+

µ + J−µW−µ

)(10.42)

Les courants J± sont appeles courants charges parce qu’ils sont couples a des particules chargeeset parce qu’en tant qu’operateurs, ils ne sont pas invariants lors d’une transformation de jaugeelectromagnetique (d’ou l’indice CC).

Par ailleurs, on peut verifier sans probleme que les combinaisons lineaires suivantes de J3 et JY secouplent respectivement a A et Z0 :

Jem = 12J

Y + J3 J0 = J3 − sin2 θWJem (10.43)

c’est-a-dire que

LCN = eJemµAµ +g

cos θWJ0µZ0

µ (10.44)

ou on a introduit la constante de couplage electromagnetique e = g sin θW , alors que le quotientg/ cos θW represente la constante de couplage faible. L’indice CN signifie courants neutres.

W

u

d

e

ν

W

u

d

e

ν

Z0

u

u

ν

ν

Figure 10.3. Diagrammes typiques resultants des interactions des bosons W± et Z0

avec les courants charges et neutres, respectivement.

Page 144: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

144 10. Modele standard des interactions electro-faibles

Des diagrammes de Feynman typiques resultant des lagrangiens LCC et LCN et representant desinteractions faibles sont representes a la figure 10.3. Notons que les courants neutres impliquentdes fermions de la meme espece, car ils sont construits a partir de generateurs diagonaux. Parcontre, les courants charges impliquent un changement d’espece de fermions, a l’interieur d’unmeme doublet d’isospin faible.

10.3.2 Relation avec la theorie V–A

Pourquoi les interactions faibles sont-elles faibles? Parce que les bosons de jauge associes sontmassifs. Ainsi, dans un processus d’interaction comme ceux illustres a la figure 10.3, la particulevirtuelle emise (le boson) represente une enorme fluctuation d’energie (en raison de sa grande masse)et doit donc exister pour un temps extremement court. Une facon plus exacte de traiter le problemeest de se souvenir de notre traitement de la theorie des perturbations du champ de Schrodingeravec un champ scalaire relativiste. Nous avons alors calcule les diagrammes explicitement et lesavons combines de maniere a faire ressortir un denominateur de la forme 1/(ω2 − q2), ou ω estl’energie de la particule virtuelle (obtenue par conservation de l’energie au vertex du diagramme)et q sa quantite de mouvement (obtenue de la meme maniere). Si la particule virtuelle avait etemassive, un resultat legerement different aurait ete obtenu et un facteur

1ω2 − q2 −m2 (10.45)

serait apparu, m etant la masse de la particule virtuelle. Dans le cas des bosons W± et Z0, et deprocessus impliquant des transferts d’energie et d’impulsion faibles devant m, ce facteur se reduita 1/m2. L’amplitude de diffusion obtenue du diagramme de Feynman est donc de l’ordre g2/m2

W

pour les courants charges, et en fait identique pour les courants neutres.

On pourrait en fait remplacer l’interaction de jauge par une interaction effective courant-courantqui aurait la forme suivante :

Leff.CC = − g2

2m2W

J+µ J

+µ Leff.CN = − g2

2m2Z

J0µJ

0µ (10.46)

On verifie que cette interaction (du moins la partie courants charges) coıncide avec l’interactionV–A. La relation entre les constantes de couplage est

GF√2

=g2

8m2W

(10.47)

La dimension (unites) de la constante GF et sa petite valeur trouvent ici une explication naturelle.

En fait, les interaction faibles ne sont faibles qu’aux petites energies. Dans les processus a treshaute energie, impliquant des transferts d’energie et de quantite de mouvement de l’ordre de lamasse mW ou plus grands, les interactions faibles sont d’une force comparable a l’interactionelectromagnetique. En fait, a ces grandes energies, les masses des bosons intermediaires perdentde leur importance. La constante de couplage g2 = e2/ sin2 θW ≈ 1/30 est en fait plus grandeque la constante de structure fine electromagnetique, de sorte que ces interactions sont en faitplus intenses que l’interaction electromagnetique, mais restent tout de meme dans le regime ou latheorie des perturbations est applicable.

Page 145: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.5. Replication des familles et melange des quarks 145

10.4 Generation des masses

Jusqu’ic, dans notre traitement de la theorie electrofaible, les fermions sont toujours sans masse.Il est possible de leur conferer une masse par le mecanisme de Higgs, comme pour les bosons dejauge. Il suffit pour cela de postuler que le doublet de Higgs Φ est couple aux fermions par unterme d’interaction simple, dit de Yukawa :

LfH = f (e) ¯LeRΦ + f (u)qLuRΦ + f (d)qLdRΦ + c.h. (10.48)

ou les constantes de couplage f (e,u,d) sont des parametres supplementaires de la theorie electro-faible, et ou Φ = iσ2Φ∗ est le champ de Higgs conjugue.

Ces interactions de Yukawa ne sont pas arbitraires : elles sont invariantes de Lorentz et invariantesde jauge (le doublet de Higgs est toujours apparie a un doublet d’isospin faible). Lorsque le dou-blet de Higgs a une valeur moyenne non nulle (0, v/

√2) dans le vide, ces couplages, en premiere

approximation, deviennent des termes de masse pour les fermions :

LfH → f (e) v√2eLeR + f (u) v√

2uLuR + f (d) v√

2dLdR + c.h. (10.49)

et les masses des fermions sont simplement

me = f (e) v√2

mu = f (u) v√2

md = f (d) v√2

(10.50)

Ainsi, tous les fermions – sauf les neutrinos, qui n’ont pas, dans ce modele, de composante droite– acquierent une masse par brisure spontanee de la symetrie de jauge.

10.5 Replication des familles et melange des quarks

Une subtilite de la theorie electro-faible apparaıt lorsqu’on l’applique non seulement a une famille departicules elementaire, mais aux trois familles. Rappelons l’agencement des particules elementairesconnues dans ces trois familles, en enumerant tous les doublets d’isospin faible :(

νee

)(ud

)(νµµ

)(cs

)(νττ

)(tb

) (10.51)

Chaque famille (i.e. colonne) de ce tableau est couplee aux champs de jauge exactement de lameme maniere. Cependant, les couplages de Yukawa peuvent etre plus generaux, et melanger desfermions de familles differentes : Combinons les trois familles dans une notation succintes pour lesdifferents membres des doublets (a = 1, 2, 3) :

ea = (e, µ, τ) pa = (u, c, t) na = (d, s, b) (10.52)

Les couplages de Yukawa generaux peuvent alors s’ecrire comme

LfH = f(e)ab

¯a,Leb,RΦ + f

(p)ab qa,Lub,RΦ + f

(n)ab qa,Ldb,RΦ + c.h. (10.53)

Les termes de masse correspondants sont

LfH →v√2

f

(e)ab ea,Leb,R + f

(p)ab ua,Lub,R + f

(n)ab da,Ldb,R

+ c.h. (10.54)

Page 146: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

146 10. Modele standard des interactions electro-faibles

Nous avons donc affaire a des matrices de masse

M(e,p,n)ab =

v√2f

(e,p,n)ab (10.55)

qu’il faut diagonaliser. Cette diagonalisation peut se faire a l’aide d’une transformation biunitaire

M = SMdT† (10.56)

ou ls matrice Md est diagonale et les matrices S et T sont unitaires.3

La diagonalisation est necessaire afin de pouvoir interpreter les interactions en fonction de particulesbien definies. Il s’agit ici de l’equivalent des modes normaux dans un systeme d’oscillateurs. On doitd’abord identifier les modes normaux avant de traiter les effets non lineaires dans un tel systeme,c’est-a-dire l’equivalent ici des interactions.

Adoptons maintenant un changement de notation : tous les champs consideres precedemment serontaffubles d’un prime (′) et seront qualifies d’etats propres de jauge, en ce sens que les courants chargeset neutres sont diagonaux en fonction de ces champs. Les termes de masses, cependant, ne le sontpas, et ont la structure ψ′LMψ′R, ou ψ′ designe e′, p′ ou n′. Apres diagonalisation, on trouve

ψ′LMψ′R = ψ′LSMdT†ψ′R = ψLMdψR (10.57)

ou on a defini les champs diagonaux (etats propres de la masse) ψL = S†ψ′L et ψR = T †ψ′R.

Ceci implique que les courants charges et neutres ne sont pas diagonaux dans les nouveaux champse, p et n et donc que les interactions faibles peuvent effectuer des transitions entre les differentesfamilles. Voyons comment cela fonctionne : la contribution des quarks au courant charge J+µ

devient, en fonctions des etats propres de la masse,

J+µ = q′Lγµσ+q′L = p′Lγ

µn′L = pLS(p)†γµT (n)nL = pLγ

µUnL (10.58)

ou la matrice U = S(p)†T (n) est unitaire, et caracterise un melange des quarks (d, c, b) se couplantau quark u dans le courant charge.

Ceci signifie, par exemple, que dans les diagrammes de la fig. 10.3, le quark d devrait etre remplacepar la combinaison Uddd + Udss + Udbb, et donc que des processus sont possibles par lesquels unquark s se desintegre en quark u et en leptons. On pourrait reprendre le meme raisonnement avecles courants neutres. La matrice U porte le nom de matrice de Cabibbo-Kobayashi-Masakawa(matrice CKM), et ses elements forment aussi des parametres du modele standard (en fait, seuls 4parametres sont vraiment independants dans la specification de cette matrice).

Qu’en est-il des leptons? Les neutrinos n’ayant pas de masse (en raison de l’absence des neutrinosdroits νR de la theorie), la contribution des leptons au courant charges s’ecrit plutot

J+µ = ¯′Lγ

µσ+`′L = ν ′Lγµe′L = ν ′Lγ

µT (e)eL (10.59)

Mais les neutrinos n’ayant pas de masse, les trois especes sont degenerees. Donc on peut sans peinedefinir ν = T (e)†ν ′ sans affecter les masses (nulles) des neutrinos : ν ′ et ν representent tous les deuxdes etats propres de la masse. Le courant charge leptonique reste donc diagonal en fonction desfamilles de leptons :

J+µ = νLγµeL (10.60)

3 On peut montrer relativement facilement – ce que nous ne prenons pas le temps de faire ici – que toutematrice M peut etre diagonalisee de cette facon. Si M est diagonalisable au sens habituel du terme, c’est queS = T ; c’est le cas si M est hermitique.

Page 147: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.6. La symetrie CP et sa brisure 147

10.5.1 Angle de Cabibbo

Le cas de deux familles est plus simple, et a ete etudie plus tot. Dans ce cas, la matrice CKM est2× 2 et ne comporte comme parametre independant qu’un angle θc appele angle de Cabibbo :

U =(

cos θc sin θc− sin θc cos θc

)(10.61)

ce qui donne le courant neutre hadronique suivant :

J+µ = pLγµUnL = ( uL cL ) γµ

(cos θc sin θc− sin θc cos θc

)(dLsL

)= cos θcuLγ

µdL + sin θcuLγµsL − sin θccLγ

µdL + cos θccLγµsL

(10.62)

De cette maniere, on conclut que l’amplitude du processus de desintegration s → ueν est tan θcfois l’amplitude correspondante pour la desintegration du quark d. La valeur observee de l’anglede Cabibbo est θc = 0.222. Mais gardons a l’esprit que la matrice CKM est en realite 3× 3 et qued’autres angles et phases interviennent. Mais le melange entre la premiere et la deuxieme familleest le plus important.

10.6 La symetrie CP et sa brisure

Les interactions faibles brisent la parite, car seuls les fermions gauches interviennent dans lasymetrie de jauge SU(2). Cette violation est maximale, en ce sens qu’elle n’est pas caracteriseepar un petit parametre, mais est aussi grande qu’elle pourrait l’etre. Cette brisure de la parite Ps’accompagne d’une brisure correspondante de la conjugaison de charge C.

En effet, lorsqu’on applique l’operateur de conjugaison de charge sur un spineur droit, on obtientun spineur gauche :

CψR = iγ2ψ∗R = 12 iγ

2((1 + γ5)ψ)∗ = 12 (1− γ5)iγ2ψ∗ = (ψc)L (10.63)

parce que γ5 anticommute avec γ2. En clair, l’operation de conjugaison de charge remplace lacomposante droite d’une particule par la composante gauche de son antiparticule. Or, dans latheorie electrofaible, on trouve des neutrinos gauches et des antineutrinos gauches, mais pas deneutrinos et d’antineutrinos droits. Donc cette theorie n’est pas invariante par conjugaison decharge.

Notons cependant qu’elle est invariante sous l’action combinee de la parite et de la conjugaison decharge. L’operation de parite echange les composantes droite et gauche, de sorte que l’operationCP change un neutrino droit en un antineutrino droit, et la theorie est bel et bien invariante parcette operation. On dit alors qu’elle conserve CP.

L’une des consequences de cette conservation de CP est le melange des kaons neutres, explique parGell-Man et Pais en 1955. Les kaons neutres K0 et K0 sont les antiparticules l’une de l’autre. Leurcontenu en quarks est

K0 = sd K0 = sd (10.64)

Ces particules sont, en quelque sorte, des etats propres des interactions fortes, qui les cree souscette forme lors de reactions hadroniques. Par contre, ces particules ne sont pas des etats propresde C, car, symboliquement, C|K0〉 = |K0〉 et C|K0〉 = |K0〉. Ce sont cependant des etats propresde P , avec une parite intrinseque η = −1. Comme la desintegration des ces particules est gouvernee

Page 148: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

148 10. Modele standard des interactions electro-faibles

par les interactions faibles, il est normal de chercher a les decrire par des etats propres de CP, quiest conserve par les interactions faibles. On construit donc les combinaisons lineaires suivantes :

|K1〉 =1√2

(|K0〉 − |K0〉

)|K2〉 =

1√2

(|K0〉+ |K0〉

)(10.65)

qui sont des etats propres de CP avec valeurs propres +1 et −1 respectivement. Par exemple,

CP |K1〉 =1√2

(CP |K0〉 − CP |K0〉

)=

1√2η(C|K0〉 − C|K0〉

)=

1√2η(|K0〉 − |K0〉

)= |K1〉

(10.66)

Les deux etats K1 et K2 ne se desintegrent pas de la meme facon. K1 peut se desintegrer en deuxpions : K1 → π+π− ou K1 → π0π0. En effet, placons-nous dans le referentiel du kaon; l’etat initialet l’etat final on un spin nul et le moment cinetique orbital des deux pions est donc nul. La paritede la fonction d’onde des deux pions est donc +1. Lorsqu’on applique une inversion de l’espace,les deux pions, qui s’en vont dans des directions opposees, sont echanges, et ils sont echanges denouveau losrqu’on applique la conjugaison de charge, car ils sont l’antiparticule l’un de l’autre (leπ0 est, quant a lui, sa propre antiparticule, ce qui revient au meme). Donc l’etat final est invariantpar CP, c’est-a-dire qu’il est un etat propre de CP avec valeur propre +1. La desintegration estdonc permise, en vertu de la conservation de CP dans les interactions faibles. Par contre, K2 ayantCP = −1, ne peut pas se desintegrer en deux pions, mais il peut se desintegrer en trois pions :K2 → πππ. Comme l’energie cinetique disponible dans l’etat final est moindre dans ce cas, l’espacedes phases est plus restreint et le taux de desintegration est plus faible, menant a des vies moyennesdifferentes :

τ1 = 0.9× 10−10 s τ2 = 0.5× 10−7 s (10.67)

Le K2 vie en moyenne 550 fois plus longtemps que le K1.

2 4 6 8 10 12

0.2

0.4

0.6

0.8

1

_K0

K0

t/τ1

Figure 10.4. Evolution dans le temps de la probabilite de trouver un kaon K0 et unantikaon K0 dans un faisceau ne contenant initialement que des k0.

Nous pouvons caracteriser la propagation de ces particules en specifiant leur masse et leur viemoyenne inverse Γ = τ−1. En fonction, du temps, l’etat |K1〉 evolue de la maniere suivante :

|K1(t)〉 = a1(t)|K1〉 ou a1(t) = a1(0)e−im1t−Γ1t/2 (10.68)

Page 149: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.6. La symetrie CP et sa brisure 149

et pareillement pourK2. Les conditions initiales font que seuls lesK0 sont produits a t = 0. En effet,la production associee de quarks s et s fait que l’etat sd est forme, mais pas l’etat sd, simplementparce qu’il n’y a pas de quark d dans la cible frappee par le faisceau de l’accelerateur. Le s secombine a d (ou a u) pour former un kaon, et le s au reste des quarks pour former un baryon.Comme

K0 =1√2

(|K1〉+ |K2〉) K0 =1√2

(|K1〉 − |K2〉) (10.69)

Les conditions initiales sont a1(0) = a2(0) = 1/√

2, et la probabilite de trouver un K0 ou un K0

au temps t dans le faisceau de kaons ainsi cree est

I(K0) = 12 |a1(t) + a2(t)|2 = 1

4

(e−Γ1t + e−Γ2t + 2e−(Γ1+Γ2)t/2 cos(∆mt)

)I(K0) = 1

2 |a1(t)− a2(t)|2 = 14

(e−Γ1t + e−Γ2t − 2e−(Γ1+Γ2)t/2 cos(∆mt)

) (10.70)

ou ∆m = |m1 − m2|. Ce comportement est illustre a la fig. 10.4. On a mesure que ∆mτ1 =0.477± 0.002. Ceci equivaut a une difference de masse ∆m = 3.49× 10−12 MeV.

Nous avons vu que les K0 sont produits par impact d’un faisceau de protons sur un cible, alorsque les K0 ne peuvent etre produits de cette facon, car ils contiennent un quark d qui n’existe pasdans la cible. Ce quark est genere par les interactions faibles au cours de la propagation du kaon.Lorsque le faisceau de kaons frappe une cible, la situation est inversee : l’antikaon K0 peut reagirfacilement avec la matiere de la cible, car le quark anti-d qu’il contient peut facilement s’annihileravec les quarks d de la cible, alors que le quark s du kaon ne peut pas s’annihiler avec un anti-s, absent de la cible. Donc les anti-kaons reagiront facilement avec la cible pour produire d’autrechose alors que les kaons seront beaucoup moins affectes par la cible et pourront la traverser intacte(ce sont toutes les deux des particules neutres et donc seules les interactions fortes les affectentd’une maniere importante dans la cible). Ce phenomene est appele regeneration, meme si en realiteles kaons ne sont pas regeneres : ce sont les anti-kaons qui sont elimines du faisceau qui traversela cible. En mesurant le flux de kaons sortant de la deuxieme cible, en fonction de la distanceentre la premiere cible (qui produit les kaons en premier lieu) et la deuxieme, on arrive a mesurerl’amplitude |a1(t) + a2(t)|2 et a confirmer les predictions de la fig. 10.4.

La physique des kaons est une application particulierement frappante de la mecanique quantiqued’un systeme a deux niveaux, et illustre tres bien la notion de particule en mecanique quantique,avec les superpositions possibles qu’elle implique.

10.6.1 Brisure de CP

Les kaons neutres existent donc en deux especes, qu’on a appele K1 et K2, mais qu’on devrait demaniere plus prudente appeler K0

S et K0L (S et L pour short et long) designant respectivement les

etats a vie moyenne courte et longue. Si la symetrie CP est exacte, alors KS coıncide avec K1 etKL avec K2.

En 1964, les equipes de Cronin et Fitch ont montre que le kaon KL, qui en principe ne devraitpas se desintegrer en deux pions en raison de la conservation de CP, parvient quand meme a sedesintegrer dans ce canal, avec un rapport d’embranchement toutefois assez petit :

K0L → π+π−

K0L → modes charges

= 0.002 (10.71)

Donc K0L, un etat propre des interactions faibles, n’est pas un etat propre parfait de CP; il y a

une petite deviation. Cette revelation crea une onde de choc dans le monde de la physique desparticules, comparable a celle qu’avait cree la decouverte de la brisure de la parite en 1957.

Page 150: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

150 10. Modele standard des interactions electro-faibles

Un theoreme tres robuste de la physique theorique des particules stipule que la combinaison desoperations C, P, et T doit vraiment laisser l’univers invariant. En clair, selon ce theoreme CPT,notre univers est entierement equivalent a un autre univers obtenu en inversant l’espace, en inver-sant le cours du temps et en remplacant la matiere par l’antimatiere. Il decoule de ce theoreme, parexemple, que la masse des particules doit etre rigoureusement identique a celle des antiparticules.Pratiquement personne ne met en doute la conservation de CPT.

La violation de CP entraıne donc que la symetrie T est violee egalement, c’est-a-dire que les loismicroscopiques de la physique ne sont pas invariantes par inversion du temps. Cette asymetrie nese manifeste que dans les interactions faibles, et de maniere assez petite, mais elle existe tout dememe.

En fait, les kaons neutres sont a ce jour le seul systeme physique ou cette brisure de CP (ou de T) aete observee. On presume qu’elle devrait l’etre de maniere plus importante dans les mesons formesde quarks b, et pour cette raison on pousse pour la construction d’accelerateurs speciaux dedies ala productions de mesons B (on appelle de telle machine des “usines de B” ou B-factories).

L’importance de la brisure de CP vient de la cosmologie. Notre univers comporte, heureusement,un excedent de matiere sur l’antimatiere. Le nombre de nucleons dans l’univers est environ unmilliard de fois plus petit que le nombre de photons. Si on suppose que ces photons sont venus del’annihilation des quarks avec les antiquarks (et des electrons avec les positrons), on doit supposerqu’a l’epoque ou le rayonnement etait en equilibre avec la matiere (c’est-a-dire qu’il y avait autantde creations de paires particule-antiparticule que d’annihilations), l’excedent de quarks sur lesantiquarks devrait etre de l’ordre d’un milliardieme :

nq − nqnq + nq

∼ 10−9 (10.72)

Cette petite difference a permis a la matiere de survivre; autrement, l’univers ne contiendrait quedes photons. En 1967, le physicien russe A. Sakharov – plus connu en tant que pere de la bombeH sovietique et plus tard comme le plus celebre des dissidents russes – a enonce trois conditionsqui, ensemble, peuvent expliquer l’excedent de matiere sur l’antimatiere dans notre univers :

1. Une brisure de l’inversion du temps dans les lois fondamentales.

2. Une phase dans l’evolution de l’Univers, peu apres le big bang, ou l’equilibre thermodynamiqueetait rompu.

3. Un mecanisme, dans les interactions fondamentales, qui viole la conservation du nombre debaryons, i.e., qui peut changer le nombre net de quarks.

La premiere condition est remplie par les interactions faibles, meme si on ne connaıt pas explicite-ment la cause profonde de cette brisure.4 La deuxieme est acquise aussi, car il suffit que l’expansionde l’univers apres le big bang soit, a un moment donne, plus rapide que le temps moyen d’unereaction importante. La troisieme necessite d’aller au-dela du modele standard, vers un modeled’unification des forces fondamentales.

4 On sait cependant comment la parametriser : un element complexe de la matrice CKM suffit. Mais celan’explique pas comment une telle phase dans la matrice CKM est apparue.

Page 151: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.7. L’unification des forces 151

10.7 L’unification des forces

Depuis les annees 1970, plusieurs theories ont ete proposees dans le but d’unifier les interactionselectro-faible et forte dans une meme theorie de jauge. Aucune de ces theories n’a ete retenuedefinitivement, car leur predictions sont tres difficiles a verifier. De telles theories portent le nomde theories de grande unification, ou GUTs (grand unified theories). L’idee de base est de supposerqu’un groupe de jauge superieur G gouverne toutes les forces egalement. Les groupes de jauge dela QCD et de la theorie electrofaible sont des sous-groupes de G :

SU(3)× SU(2)× U(1) ⊂ G (10.73)

La theorie de jauge basee sur G subit un mecanisme de brisure spontanee de la symetrie, semblableau mecanisme de Higgs, mais a une echelle d’energie beaucoup plus elevee, appelee “echelle degrande unification”. La constante de couplage unique gu de cette theorie, qui depend de l’echelled’energie comme dans toute theorie des champs, se separe en trois constantes gs, g et g′ pour lesparties forte et electro-faible de la theorie resultant de la brisure spontanee, et ces trois constantesde couplage evoluent differemment en fonction de l’echelle d’energie, comme illustre a la figure 10.5.L’echelle d’energie a laquelle se produit cette unification, c’est-a-dire l’echelle d’energie au-dela delaquelle les interactions deviennent toutes equivalentes, est de l’ordre de 1014 GeV, une energiecent milliards de fois plus grande que celle que peut produire le plus puissant des accelerateurspresentement en fonction. C’est donc dire que la physique des interactions unifiees est loin de noscapacites experimentales.

log q

gs

gu

g

g′

Figure 10.5. Evolution schematique, en fonction de l’echelle d’energie, des constantesde couplages de la QCD (gs) et de la theorie electro-faible (g et g′). Les trois constantesconvergent a peu pres a une echelle d’energie appelee echelle de grande unification, etqui vaut environ 1014 GeV, apres quoi une seule constante de couplage gu emerge.

Nous allons decrire brievement la plus connue d’entre elles, basee sur le groupe de jauge SU(5).Dans cette theorie, les quarks des trois couleurs et les leptons sont integres, famille par famille, dansdes representations du groupe SU(5). La plus simple de ces representations est la representationfondamentale, de dimension 5, et on y agence les quarks d et les leptons comme suit :

5 : (d1, d2, d3, ec,−νc)R 5c : (dc1, d

c2, d

c3, e,−ν)L (10.74)

ou l’indice 1,2,3 des quarks designe la couleur, et le symbole c designe l’antiparticule (i.e. ec = e+).SU(5) possede aussi une representation de dimension 10, sous la forme d’une matrice anti-

Page 152: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

152 10. Modele standard des interactions electro-faibles

symetrique. Les fermions restant y sont agences comme suit :

10 :

0 uc3 −uc2 uc1 d1

0 uc1 u2 d20 u3 d3

0 ec

0

L

(10.75)

Notons que (uci)L contient en fait uiR, et donc le contenu de ces trois representations est exaustif.

Les champs de jauge de la theorie SU(5) sont au nombre de 52 − 1 = 24. De ce nombre, 8 sont lesprecurseurs des gluons et 4 les precurseurs des bosons W±, Z0 et du photon. Il reste 12 bosons dejauge qui acquierent, presumement, une masse de l’ordre de 1014 GeV lors de la brisure spontaneede SU(5). Ces douze bosons de jauge sont notes X±

α et Y ±α et forment des doublets d’isospin faible

(X,Y ) et des triplets de couleur (X1, X2, X3) et (Y1, Y2, Y3). Les bosons X portent en outre uncharge electrique ± 4

3 et les bosons Y une charge ± 13 .

X

u

uc

d

e+

Y

d

uc

d

νc

Y

d

uc

u

e+

Figure 10.6. Diagrammes de Feynman impliquant les bosons X et Y de la theorie degrande unification SU(5). Notez qu’une antiparticule entrante, comme uc, equivaut aune particule sortante, de sorte que les processus illustres ici ne conservent pas la nombrebaryonique (ou le nombre de quarks).

L’une des caracteristiques interessantes des theorie d’unification est qu’elles expliquent la quantifi-cation de la charge electrique. La theorie SU(5) explique naturellement que la charge des quarksdoit etre en multiples de 1

3 et celle des leptons en multipes de 1. Une autre caracteristique est quecette theorie fournit un mecanisme pour la non conservation du nombre baryonique. Autrementdit, il existe des processus qui permettent la transformation d’un quark en lepton, par emission ouabsorption d’un boson de jauge X. Les diagrammes de Feynman typiques impliquant les bosonsX et Y sont illustre a la fig. 10.6.

En particulier, un processus possible est la desintegration du proton, qui pourrait s’effectuer parl’intermediaire d’un boson X, comme illustre ci-dessous :

X

u

u

d

dd

e+

p

π0

(10.76)

La vie moyenne estimee du proton par ce processus est situee entre 1028 et 1032 annees. L’estimationexperimentale de la vie moyenne du proton dans le processus p→ e+π0 est superieure a un valeur

Page 153: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10.7. L’unification des forces 153

allant de 1031 et 1033 annees. La prediction de la theorie SU(5) est donc marginalement rejetee parl’experience. Mais les incertitudes sont enormes tant que la masse des hypothetiques bosons X etY n’est pas estimee avec plus de precision.

Problemes

Problme 10.1

a) Demontrez, a partir de la transformation de parite (10.12), que l’expression ψ1γ5ψ2 est un pseudo-scalaire.

ψ1 et ψ2 sont deux spineurs de Dirac quelconques.

b) De meme, demontrez que la partie spatiale du quadri-vecteur ψ1γ5γµψ2 est un vecteur axial, ou pseudo-

vecteur.

Problme 10.2

a) Demontrez que ψL, defini comme etant ψ†Lγ0, est en fait egal a 1

2 ψ(1 + γ5). De meme, montrez que

ψR = 12 ψ(1− γ5).

b) Demontrez que la conjugaison de charge echange les composantes droite et gauche. Autrement dit, (ψc)R =(ψL)c et vice-versa.

Problme 10.3Dans la theorie de Fermi des interactions faibles, l’hamiltonien d’interaction est donne par l’expression suiv-ante :

HI = −GF√2

∫d3r (pγµn)(eγµν) (10.77)

ou p, n, ν, et e sont les spineurs decrivant respectivement le proton, le neutron, le neutrino et l’electron.Considerez que l’etat initial |i〉 du systeme est un neutron au repos, et que l’etat final |f〉 contient un proton,un electron et un antineutrino. Supposons que le proton, l’electron et le neutrino sont respectivement dansdes etats de spineur up(pp), ue(pe) et vν(pν), et que le neutron d’origine a un spin ‘up’.Utilisez la regle d’or pour calculer l’amplitude associe a ce processus de desintegration.

Problme 10.4Exprimez comment les doublets d’isospin faible `L et qL se couplent au bosons de jauge W±. Partez dulagrangien d’interaction de ces doublets avec les champs A1

µ et A2µ et de la definition W±

µ = A1µ ± iA2

µ.

Problme 10.5Demontrez explicitement, dans le lagrangien, qu’un terme de masse pour les leptons ou les quarks viole lasymetrie de jauge SU(2).

Problme 10.6D’apres la forme de l’interaction entre le champ de Higgs et les leptons et quarks, comment se desintegreraitla particule de Higgs?

Page 154: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

154 10. Modele standard des interactions electro-faibles

Problme 10.7A l’aide d’un diagramme de flot de particules (quarks ou autres), illustrez comment peut se desintegrer lesparticules suivantes : Essayez de donner plusieurs possibilites la ou c’est possible et consultez le livret desparticules pour verifier que les desintegrations peuvent se produire comme vous le suggerez, et notez le rapportd’embranchement ainsi que la vie moyenne.a) Le neutron b) Le muon c) Le lepton tau (τ) d) Le meson lourd Υ (bb) e) Le pion π+ f) Le pionneutre π0

Page 155: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

Table des Matieres

1. Processus elementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.1. Probabilite de transition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1. Regle d’or de Fermi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.2. Normalisation des etats et espace des phases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.3. Desintegration et espace des phases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1. Forme generale du taux de desintegration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72. Exemple : desintegration a deux corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83. Loi exponentielle de desintegration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.4. Collisions et section efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101. Diffusion par un potentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102. Interpretation de la section efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123. Longueur d’attenuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124. Formule de Rutherford . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125. Forme relativiste generale de la section efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

1.5. Resonances et masse invariante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

2. Modeles elementaires du noyau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212.1. Composition des noyaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

1. Terminologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.2. Taille des noyaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.3. Masse des noyaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

1. Les noyaux stables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252. Energie de liaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263. Modele de la goutte liquide et formule semi-empirique des masses . . . . . . . . . . . . . 27

2.4. Le modele en couches des noyaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291. La force nucleaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292. Fondements du modele en couches dans les atomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303. Les nombres magiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314. Forme du potentiel nucleaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

2.5. Annexe : L’addition des moments cinetiques et l’interaction spin-orbite . . . . . . . . . . . . . 34Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

iii

Page 156: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

3. Instabilites nucleaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383.1. Processus alpha, beta et gamma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

1. Emission gamma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 382. Emission beta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393. Emission alpha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

3.2. Sequences radioactives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421. Stabilite des nuclides par emission beta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422. Sequences d’emission alpha et beta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423. Equilibre seculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

3.3. Theorie de l’emission alpha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451. Mecanisme de l’emission alpha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 452. Calcul elementaire du taux de desintegration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463. Traitement plus rigoureux de la barriere spherique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464. Relation entre l’energie et le taux d’emission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

4. Reactions nucleaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504.1. Modele du noyau compose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504.2. Fission induite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

1. Reaction en chaıne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 532. Les reacteurs nucleaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

4.3. Nucleogenese . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551. Nucleogenese primordiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 552. Le cycle du proton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563. Combustion de l’helium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 564. Combustion du carbone et de l’oxygene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 575. Combustion du silicium et au-dela . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 576. La fusion nucleaire sur Terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

5. Particules elementaires : generalites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615.1. Le modele standard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615.2. Classification des particules elementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 625.3. Plan du reste du cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

6. Quantification du champ et interactions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 656.1. Ondes electromagnetiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

1. Equations de Maxwell et transformees de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 652. champs transverses et longitudinaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 663. Variables normales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

6.2. Quantification du champ electromagnetique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 681. Hamiltonien du champ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 682. Photons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

6.3. Fermions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711. Electrons non relativistes : champ de Schrodinger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 712. Interaction electrons-photons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 733. Theorie du champ scalaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

6.4. Theorie des perturbations et diagrammes de Feynman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 771. Diffusion des electrons par un champ scalaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 772. Calcul de l’amplitude de diffusion complete . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

iv

Page 157: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

6.5. Equation de Klein-Gordon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 801. Le champ scalaire massif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 812. Theorie de Yukawa de l’interaction forte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

6.6. Formulation lagrangienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 831. Rappels de mecanique de Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 842. Densite lagrangienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 843. Action du champ scalaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

7. Theorie relativiste de l’electron . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 887.1. Spin et transformations de Lorentz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

1. Spineurs droits et gauches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 912. helicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

7.2. Equation de Dirac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 931. Proprietes des matrices de Dirac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 942. Solution de l’equation de Dirac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

7.3. Deuxieme quantification du champ de Dirac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 961. Antiparticules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

7.4. L’electrodynamique quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 981. Transformations de jauge et couplage minimal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 982. Hamiltonien d’interaction electron-photon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1003. Regles de Feynman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1014. Exemples de processus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1035. Corrections radiatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

8. Introduction a la theorie des groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1108.1. Definitions et concepts de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

1. Definition d’un groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1102. Groupes definis par des matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

8.2. Rotations en mecanique quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1128.3. Representations du moment cinetique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

1. SU(2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1152. Construction des representations du moment cinetique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

8.4. Representations : concepts generaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1171. Lemme de Schur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1172. Representation projective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

8.5. SU(3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1181. Representations conjuguees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1202. Representation adjointe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

8.6. Produits tensoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1218.7. Symetrie de saveur des quarks . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1248.8. Symetrie de couleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

9. Theories de jauge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1289.1. Symetrie de jauge non abelienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1289.2. Le tenseur de Faraday . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1299.3. Le lagrangien de la QCD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1309.4. Proprietes de la QCD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

v

Page 158: PHYSIQUE SUBATOMIQUE - Sciences.ch · PHYSIQUE SUBATOMIQUE NOTES DE COURS (PHQ-636) par David S´en´echal Professeur D´epartement de physique Facult´e des Sciences Universit´e

10. Modele standard des interactions electro-faibles . . . . . . . . . . . . 13410.1. Interactions faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

1. Premiere theories des interactions faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1352. Spineurs droit et gauche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1363. Theorie V–A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

10.2. Theorie de jauge SU(2)× U(1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13810.3. Brisure spontanee de la symetrie : mecanisme de Higgs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

1. Courants charges, neutres et electromagnetique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1432. Relation avec la theorie V–A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144

10.4. Generation des masses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14510.5. Replication des familles et melange des quarks . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

1. Angle de Cabibbo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14710.6. La symetrie CP et sa brisure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

1. Brisure de CP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14910.7. L’unification des forces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151Problemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

vi