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  • 7/25/2019 L'Union europenne contre le Bien commun

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    L U N I O N E U R O P E N N E C O N T R EL E B I E N C O M M U N

    C L A U D E R O C H E [email protected]

    Rsum : Le dficit dmocratique de la construction europenne est aujourdhuichose admise par les europistes les plus ardents, qui se proposent dy remdier. La thsedfendue ici est que ce dficit est consubstantiel au dispositif de lUnion europenne, et quefaire plus de la mme chose en intensifiant la marche vers le fdralisme ne peut

    quaccrotre son caractre non dmocratique. Pour lvaluer, on recourra la notion de biencommun, qui, au c ur de notre conception rpublicaine, est la plus ancienne de la philosophie

    politique, et bnficie de lapport des sciences de la complexit.

    1) IL N Y A SOCIT QUE SIL Y A BIEN COMMUN.............................................. 22) LES TROIS DIMENSIONS DU BIEN COMMUN................................................... 3 Le bien de la communaut..................................................................................... 3 La communaut du bien ........................................................................................ 3 Le bien du bien commun........................................................................................ 3

    3) LINCONSISTANCE DU BIEN COMMUN EUROPEN .......................................... 4

    Le tout est suprieur la somme des parties .................................................. 5 Le tout est soumis la loi de lentropie et ne peut survivre que sil a un projet. 5 Le bien commun nest pas donn, mais est une ralit mergente qui suppose de linteraction

    entre les parties et entre les parties et le tout.................................................................................... 6 Il y a une intelligence collective propre aux systmes vivants :............................ 7 Les systmes ouverts sont indtermins. ............................................................... 8 Le systme de pilotage doit tre plus complexe que le systme pilot. ................. 9

    4) LUNION EUROPENNE: UN SYSTME CONSTRUIT CONTRE LE BIEN COMMUN 10 Les conceptions de Jean Monnet :....................................................................... 10 Le poids de lhglianisme.................................................................................. 12 Une vision mcaniste du monde qui limine la dmocratie ................................ 14 Si lEurope existait, il y aurait......................................................................... 15 Pense unique, pense zro et intimidation......................................................... 19 LUnion europenne, un ordre nouveau ? ..................................................... 21

    5) POURQUOI LUNION EUROPENNE EST-ELLE UNE MAUVAISE IDE? ....... 22 Leuropisme a le savoir..................................................................................... 22 Le savoir donne le droit au pouvoir.................................................................... 24 Leurope va dans le sens de lhistoire................................................................. 25

    Mis jour le 16/05/00

    Repris dans "Gouverner par le bien commun", Ed. F.X de Guibert, 2001

    exte de 1999, paru dans "gouverner par le Bien commun" (2001).

    y actualiser, mais tout se rvle exact... (25/6/2016) CR

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    Si nous comprenons un peu plus ce que nous sommes en train de faire, peut-tretrouverons-nous ainsi plus facilement une issue cet cheveau dhallucinations quenous avons tiss autour de nous mmes.

    Gregory Bateson Vers une cologie de lesprit

    Le dficit dmocratique de la construction europenne est aujourdhui chose admisepar les europistes les plus ardents, qui se proposent dy remdier. La thse dfendue ici estque ce dficit est consubstantiel au dispositif de lUnion europenne, et que faire plus de lamme chose en intensifiant la marche vers le fdralisme ne peut quaccrotre son caractrenon dmocratique. Pour lvaluer, on recourra la notion de bien commun, qui, au c ur denotre conception rpublicaine, est la plus ancienne de la philosophie politique, et bnficie delapport des sciences de la complexit.

    1 ) I L N Y A S O C I T Q U E S I L Y A B I E N C O M M U N

    Une socit qui perd le sens du bien commun est une socit qui meurt. Gardons en vuela dfinition que nous en donne Thucydide. Le bien commun :

    transcende les intrts privs et nen est pas la somme.nest pas dfini au sens dune loi ou dune norme quil suffirait dappliquer : ilsuppose le dbat, la dlibration au regard de ce qui semble juste et bien.est diffrent des valeurs dfinies par voie de convention.

    Au c ur de la construction de la Rpublique, le bien commun et repose sur trois piliers: Le droit de lEtat, qui est le garant de la cohsion nationale et sociale face aux

    particularismes, et a un pouvoir rgalien dinnovation qui nest pas subordonn la ralisation pralable dun consensus chez les citoyens. Les premiers lgistes ontrepris le principe dUlpien Princeps a legibus solutus est.Le prince nest pas li

    par les lois existantes pour en crer de nouvelles. Cest ce droit qui a permis

    lEtat de saffranchir de la tutelle tant de lEmpire que de la seigneurie et descorporations.

    Les droits de lHomme, sont les droits imprescriptibles de la personne humainequelle que soit la forme de la socit, le temps et le lieu. Ils traduisent en droit les

    principes de la loi naturelle et sont le contrepoids incontournable au droit de lEtat. Les droits du citoyen,en dcrivant le lien civil qui unit les citoyens entre eux et

    au corps social organis, sont la convergence du droit de lEtat et des droits delHomme et. Par dfinition, les droits du citoyen sont universalistes et nereconnaissent pas de droits particuliers une catgorie de citoyens, pas oppositionau communautarisme qui fait prolifrer les catgories particulires de droits (bassur lappartenance ethnique, lorientation sexuelle, le sexe).

    Lhomme, le citoyen et lEtat : toute construction sociale est linteraction de ces troislments. Elles sont trs diverses en Europe, avec trois modles dominants : le modlegermanique fond sur lunit du peuple par la culture, le modle anglo-saxon fond sur la

    primaut de lindividu, et le modle franais fond sur lEtat unitaire et galitaire incarn dansla Nation. Ces modles ne sont pas de circonstances, mais reposent sur des structuresanthropologiques et dorganisation familiale prcises1quil est vain de vouloir rduire par unacte administratif quelconque.

    1On renverra ici aux travaux essentiels dEmmanuel Todd sur les relations entre les structures familiales et les modles

    anthropologiques dorganisation sociale et politique.

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    2 ) L E S TR O I S D I M E N S I O N S D U B I E N C O M M U N

    Les thories librales anglo-saxonnes qui dominent chez les europistes proclament quilsuffit de sen remettre au march pour rguler le systme (rappelons la formule de MargaretThatcher la socit nexiste pas2 ). Des auteurs comme Amartya Sen3, Bernard Perret4ou

    Jean-Claude Guillebaud

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    rappellent que chez Adam Smith la socit fonde sur des valeursntait pas nie, mais tait suppose prexistante et stable, car structure par un cadre normatiftranger au march. La lecture quen font nos libraux est donc fausse.

    Posons maintenant la question lenvers : si le bien commun est ncessaire sur le planthique, quest-ce quil rapporte ? Empruntons Gaston Fessard6sa distinction fort utile destrois composantes du bien commun:

    1 ) L e b i e n d e l a c o m m u n a u t

    Le bien commun commence par la dcision de mettre en commun des ressources

    matrielles ou immatrielles. Lacte le plus vident est la cration de services publics etdinfrastructures collectives. Mais cela nest pas en soiporteur de sens

    2 ) L a c o m m u n a u t d u b i e n

    Chaque citoyen a-t-il rellement accs au bien de la communaut ? Les services publicssont-ils rellement au service du public ou au service des fonctionnaires, ou encore seulementau service de quelques citoyens qui seraient plus gaux que les autres ? Cet accs est-ileffectif ou en reste -t-on un formalisme juridique que critique avec justesse Amartya Sen,qui introduit la distinction entre les liberts ngatives (ne pas tre empch de fairequelque chose) et les liberts positives (pouvoir effectivement disposer de sa libert). Pour

    les pauvres, les handicaps, les exclus de toutes sortes la jouissance effective du bien de lacommunaut requiert de mettre en place des mcanismes appropris qui nont rien attendrede la main invisible du march et qui devront aller au-del des thories formalistesrawlsiennes de lquit.

    3 ) L e b i e n d u b i e n c o m m u n

    Cest la valeur systmique du bien commun : partage-t-on un projet commun et desvaleurs ? Quelle est la nature de linteraction entre le citoyen et le bien commun ? Quel

    bnfice en retire-t-on ? Cela peut aller de lindividualisme au totalitarisme absolu. Unesocit dmocratique forte suppose une interaction dense entre le citoyen et la socit, entreles droits du citoyen et de lEtat, entre les droits de lEtat et les droits de lhomme.

    Ds lors que lon admet cette valeur du bien commun, trois impasses se dessinent :

    2 There is nothing such as society 3Amartya Sen Ethique et conomie , PUF, 19944Bernard Perret Les nouvelles frontires de largent 1999

    5J.C. Guillebaud, La refondation du monde , Seuil, 19996Gaston Fessard Autorit et bien commun

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    Celle de lconomisme, qui rduirait la recherche de lharmonie sociale lamaximisation de lintrt individuel. Amartya Sen a dnonc les limites delconomie utilitariste classique (optimum de Pareto) et ses tentativesdadoucissement par le formalisme que veut introduire la thorie de la justicede John Rawls, pour une ncessaire de prise en compte de la situation relle des

    gens par des actions diffrentes selon des situations diffrentes. Une actionpolitique fonde sur des critres thiques est donc ncessaire pour assurer le bien-tre.

    Celle du relativisme, prn avec succs aux Etats-Unis par Richard Rorty, quipostule que tout systme de valeur est lgitime du seul fait quil est un systme devaleur, aucun systme de valeur unifiant ne peut et ne doit tre recherch. Lerelativisme est la ngation de la possibilit pour la raison humaine de rechercherune vrit qui puisse servir de cadre de rfrence une communaut, et donc delexistence mme de cette communaut au-del dune simple collectiondindividus, ou de minorits .

    Celle de lhistoricisme et tout lattirail idologique de lhglianisme et de ses

    drivs sur le sens de lhistoire . Lhistoricisme, qui inclut le relativisme en tantque relativisme historique, est un des nombreux crimes commis par lesintellectuels. Cest une trahison de la raison et de lhumanit selon la formule deKarl Popper, qui en a t avec Leo Strauss, ladversaire le plus radical. Cest sur la

    prdominance de lhistoricisme dans lintelligentsia et la technostructureeuropiste que se fonde le discours sur la soumission aux impratifs de toutessortes, qui nie radicalement la libert de lhomme de dterminer et dtrecomptable de son avenir.

    QUEST-CE QUE LHISTORICISME? Il est n de la peur; car nous prenons peur en dcouvrant que nous sommes

    responsables des rgles thiques que nous reconnaissons. Mais ce genre de tentative,ne de la peur me semble revenir exactement ce quon appelle communment unesuperstition. Car lhistoricisme part de lide que nous pouvons rcolter ce que nousnavons pas sem: il essaie de nous persuader que tout finira bien et devra bien finir sinous marchons avec lhistoire; que nous navons pas prendre de dcisionsimportantes; et il tente de faire endosser notre responsabilit lhistoire, cest direun jeu de puissances dmoniaques qui s droulent au del de nous.... Cest un espoirdgnr et une croyance dgnre, une tentative visant remplacer lespoir et lacroyance -laquelle est fonde sur notre enthousiasme moral et sur le mpris de larussite- par une certitude qui correspond une pseudo science (...).

    Karl Popper Toute vie est rsolution de problme t.2,1999

    3 ) L I N C O N S I S TA N C E D U B I E N C O M M U N E U R O P E N

    La construction europenne est-elle une construction du bien commun ? Lexamen de sesmcanismes conduit en douter.

    Fondamentalement, le bien commun est la conjugaison de lunit et de la diversit :universalit de la loi, diversit des conditions dapplications. Cest un des principes les plusanciens de la philosophie politique puisquon le trouve dans les Ecritures : luniversalit dela Loi que dcrit saint Paul dans lEptre aux Romains, correspond la multiplicit desconditions dcoute et de mise en uvre dcrites dans Actes2 des Aptres. Le bien communnest donc pas une Babel totalitaire qui nierait lindividu, mais un processus qui va unir

    lindividu libre et capable de dlibration sur son destin, au corps social organis.

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    Comprendre cette dynamique du bien commun, cest comprendre la dynamique dessystmes vivants. Au-del des cadres de la philosophie politique classique, la thorie gnraledes systmes et les nouveaux apports des sciences fondamentales lpistmologie ouvrentdes voies nouvelles. La philosophie politique classique nous invitait au discernement thique ce principe thique reoit aujourdhui un support thorique et scientifique. On peut

    dsormais considrer lthique de faon formelle, rigoureuse, logique, mathmatique et lonpeut la fonder sur dautres bases que de simples sermons faits dinvocations. Nous navonsplus ressentir les choses dune faon ou dune autre ; nous pouvons parfois savoir cequi est bien et ce qui est mal 7

    Poser le problme de la construction europenne en termes de dynamique des systmes,cest utiliser quelques points cls danalyse :

    LE TOUT EST SUPRIEUR LA SOMME DES PARTIES

    Le tout , en loccurrence lUnion Europenne, doit avoir une valeur suprieure cellede laddition de ses parties, les tats membres. Ce tout est cr par linteraction des partiesentre elles, il a une valeur systmique propre. Cest ce tout , ou projet, ou bien commun dusystme qui lui permet dtre en interaction avec son environnement et de garder son identit -donc son projet- tout en se modifiant pour intgrer linformation reue et lexprienceacquise.

    Btir une confdration dEtats ne vise pas crer un tout , mais seulement unecoopration entre les parties autour de programmes de construction en commun (Arianespace,le Concorde, lEuratom) ou une zone de libre-change.

    Btir une fdrationsuppose au contraire de crer un tout ncessairement suprieur la somme des parties, et donc bien sr chaque partie. Ce sont deux logiques de nature

    profondment diffrentes. En prenant comme exemple, lappui de la construction duneEurope fdrale, les russites des programmes de coopration comme la PAC ou lesprogrammes de coopration industrielle, les europistes commettent un abus de langage et tout le moins une erreur pistmologique : plus de coopration ne mne pas une fdration !Il y a l un changement de projet que lon ne peut se cacher sans risque grave dchec, car onne peut parvenir un changement en faisant plus de la mme chose .

    LE TOUT EST SOUMIS LA LOI DE LENTROPIE ET NE PEUT SURVIVRE QUESIL A UN PROJET.

    Un systme est quelque chose -nimporte quoi- qui a des activits, change de

    linformation avec son environnement et est capable de garder son identit au service dunefinalit. Si lon cre une Union, cet ensemble va se trouver confront des problmes rsoudre qui vont lobliger se modifier, rechercher de nouveaux quilibres internes pourenrichir le tout et le rendre capable daffronter des problmes de plus en plus complexes.En recherchant ces nouveaux quilibres, le systme se dsorganise et dpense de lnergie :cest le phnomne dentropie.

    7G. Bateson De Versailles la cyberntique , in Vers une cologie de lesprit, Seuil, 1978

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    La complexit des systmes vient de ce quils fonctionnent en boucle : lordre tend sedgrader en dsordre, son tour porteur dordre au travers des interactions quil suscite entreles lments de lorganisation : Il y a des ordres dans le dsordre dirait Edgar Morin.Comprendre le mcanisme de ces interactions, analyser les problmes, identifier lesarborescences causes-effets, pour rendre le systme pilotable, capable dapprendre et de faire

    face lvolution de plus en plus rapide de son environnement : tel doit tre le projet duconcepteur dun systme. Il lui faut donc une cohrence interne trs forte pour recrer enpermanence de lordre partir du dsordre.

    Lexistence dun bien commun qui permette au systme de dlibrer sur son projet estdonc indispensable pour crer de lordre face au dsordre. A dfaut, cest le systme entier qui

    priclite. Les interactions au sein dun systme engendrent de toutes faons un modle, soit uncorps de rgles thiques. Si ces rgles implicites sont en dissonance avec les rgles explicitesaffiches, le systme se drgle et se dgrade trs vite. Cest ce qui est arriv au systmedquilibre europen issu de la premire guerre mondiale, bas sur les traits de paix. Cesystme stait cr en affichant le principe de la paix universelle et sur une capitulation de

    lAllemagne sur la base modre des 14 points de Wilson . Le Trait de Versaillesappliqua dans la pratique des principes inverses, corrompant le systme, et installant unfacteur dentropie trs puissant au travers dun sous-systme trs faible : lAllemagne, que le

    principe des rparations condamnait la faillite. La Rpublique de Weimar ne put gnrerassez de cohrence interne pour garantir sa stabilit. Dpourvue de projet interne,lAllemagne allait en trouver un et retrouver une dynamique en luttant contre le systmecentral, celui des traits, quelle estimait lorigine de ses problmes, et qui ltaiteffectivement. La dynamique qui sen est suivie a t parfaitement dcrite par GregoryBateson dun point de vue systmique : Ainsi non seulement la II guerre mondiale fut larponse approprie dune nation qui avait t indignement traite, mais surtout ce genre detraitement eut comme consquence ncessaire la corruption de la nation. Et la corruption de

    lAllemagne entrana notre propre corruption8

    LE BIEN COMMUN NEST PAS DONN, MAIS EST UNE RALIT MERGENTE QUISUPPOSE DE LINTERACTION ENTRE LES PARTIES ET ENTRE LES PARTIES ET LETOUT.

    Un systme est arborescent. Cette arborescence relie les parties entre elles par ordre decomplexit croissante. Chaque partie est un (sous) systme, qui peut tre un systme partentire ou une simple brique. Le systme va essayer toutes les arborescences possibles pourne retenir que celles qui sont adquates son projet. Ce principe de tentatives et de slectiondes solutions par adquation des arborescences est la base des thories de lvolution : la

    nature tente toutes les possibilits et les combinatoires possibles pour ne retenir en fin decompte que les plus stables. Ce processus nest pas linaire mais rcursif : ltat dquilibreobtenu est compar au projet, et ne sont retenues que les architectures juges adquates. Le

    processus est itratif et progresse par essais et erreurs. Il permet davoir une meilleureintelligence du but que le systme peut sassigner : des hypothses sont limines car nonviables, tandis que dautres, beaucoup plus ambitieuses que les hypothses initiales,apparaissent comme viables.

    8De Versailles la cyberntique, in Vers une cologie de lesprit , t1,p. 230

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    Au cours de ces itrations, le systme accumule de lexprience, enrichit sa capacit comprendre ses propres lois de fonctionnement : il devient un systme apprenant. Le couplefranco-allemand a t un systme apprenant : le projet commun de De Gaulle et deAdenauer tait de se rconcilier et dapprendre vivre ensemble. Ils ont donc dfini un cadrede coopration par le Trait de Paris qui allait permettre dentreprendre des projets ensemble.

    Mais qua-t-on appris ? Quil tait possible, avec des modes opratoires appropris,dentreprendre des projets en commun pour un bnfice mutuel partir de cadres culturels ethistoriques diffrents au point quils aient t pendant deux sicles considrs commeantagonistes. On na nullement appris que ces identits taient rductibles et solubles etencore moins quil tait ncessaire de les dissoudre- dans un quelconque ensemble thr : untel projet, nous le verrons, procde dune vue idologique qui ne repose pas sur lexprienceacquise.

    IL Y A UNE INTELLIGENCE COLLECTIVE PROPRE AUX SYSTMES VIVANTS :

    Le laboratoire du Santa F Institute qui a vu natre les plus grandes perces de la

    physique et leurs prolongements pistmologiques depuis la fin de la IIguerre, se consacre des recherches sur le fonctionnement des systmes bass sur linteraction dagents ditsautonomes et intelligents. De ses conclusions9 on retient que linteraction entre agentshtrognes permet de crer une structure cognitive commune qui vaut plus par lintensit deses interactions que par son contenu. Ds lors quexiste cette structure cognitive, de nouveauxconcepts peuvent merger de lensemble des alternatives gnres par la mise en relation des

    prfrences individuelles des acteurs. Le systme peut ainsi faire merger des solutionsstables partir de linteraction rellement collective des individus, et non la victoire dun

    point de vue sur un autre. Il est donc possible de btir des solutions consensuelles stables. Onpeut montrer que les systmes sociaux sont capables de grer les conflits entre les besoinsdivergents exprims par les sous-systmes, et sans perte de vitalit et de viabilit. Ils ont doncune intelligence symbiotique qui se construit par leur capacit crer un bagage commun deconnaissance10. Il est donc bon de cooprer et dentreprendre des projets ensemble.

    Une des questions essentielles pose par cette approche est celle de la relation entrelaction dun individu ou dune organisation et la dynamique du systme global. Les systmescentraliss du XX sicle, que ce soient des systmes totalitaires ou plus simplement desmega-organisations publiques ou prives ont montr leur incapacit traiter lnorme quantitdinformations qui leur arrive, car ce sont des organisations plus compliques que complexes.Par contre, dans les systmes qui font des tres humains les premiers acteurs de la rsolutionde problmes face une quantit limite dinformations traiter au niveau qui leurcorrespond, on peut profiter de cette dynamique auto-organisatrice de cration dintelligence.

    Mais une condition : que le systme soit dcentralis et sorganise par arborescence de sous-systmes. De la sorte, les acteurs peuvent interagir par niveaux dinfrences successifs et

    prendre des dcisions collectives satisfaisantes.

    9 Collective choice and mutual knowledge structure", http://www.santafe.edu/sfi/publications/Working-

    Papers/98-04-032.ps10

    Voir "Symbiotic intelligence: self-organizing knowledge on distributed networks driven by human interaction",article rdig par cinq chercheur du Santa F Institute et du Laboratoire National de Los Alamos.http://www.santafe.edu/sfi/publications/98wplist.html (WP 98-05-039)

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    Les dcisions obtenues sont-elles stables ? Cela dpend de la rigueur et de latransparence du processus suivi. Dans les expriences du Santa F Institute, on observe queles solutions peuvent se dgrader trs rapidement. Premirement, sous leffet du bruit . Le

    bruit, tel que dfini par la thorie de linformation de Claude Shannon, est constitudlments dinformations (des bits ) gnrs de manire alatoire (du blablabla ) et qui

    donc brouillent le message. Le processus de dcision doit donc tre rigoureux pour trier lesinformations qui contribuent crer de la connaissance collective et celles qui ne sont quebruit. Pour faire des choix, le systme va en valuer la valeur au regard de leurs consquencespossibles, et donc, pour revenir un langage philosophique, du point de vue thique. Sansthique, mesure laune du bien commun, le systme ne peut donc dcider.

    Deuximement, les systmes ouverts ont un comportement stochastique11lorsquils sontsoumis un intrant alatoire externe : ils vont commencer par diverger en explorant toutes lescombinaisons possibles, puis converger autour des solutions qui assurent la prservation et leredploiement du systme. Lerreur est ici de rduire la diversit du systme de dcision, quichoisirait de se concentrer sur les meilleurs lments . Pour quune solution collective soit

    stable, il faut quelle soit rellement collective et que chacun ait pu en tre activement acteur.La participation du plus grand nombre est un gage de stabilit de la dcision, la rduction dela prise de dcision sur une lite une source dinstabilit.

    LEurope se construit-elle sur un projet stable n dun processus rigoureux et collectifdinteraction entre tous ses membres ? Les exigences et les conclusions de la sciencerejoignent ici celles de la philosophie politique.

    LES SYSTMES OUVERTS SONT INDTERMINS.

    Dans un systme fermqui est labri de variables externes non matrises et donttoutes les interactions peuvent tre dnombres on peut prdire de manire dterministe les

    relations entre les causes et les effets. On peut imaginer de prdire la consquence prcise dela baisse de 1 point de TVA sur le niveau de lemploi, par exemple.

    Il nen est rien dans un systme ouvert pour les raisons prcdemment dcrites ducomportement stochastique de ces systmes. Cest pour cette raison que toutes les politiques

    publiques fondes sur les prmisses du type Je vais faire pour obtenir chouentsystmatiquement et aboutissent gnralement leffet inverse. Dans un systme ouvert, ilfaut suivre un parcours apprenant et procder par hypothses successives que lon va liminer

    pour retenir la moins mauvaise. Les hommes politiques qui russissent en conomie ontgnralement eu cette humilit de procder par itrations que lon value laune du bonsens M. Pinay a toujours attribu sa lgende son bon sens et sa modestie, plus qu ungnie particulier.

    La question du dterminisme nous rapproche encore un peu plus de la philosophiepolitique : le dterminisme, alors mme quil voit ses fondements pistmologiques rduits nant par les progrs des sciences, domine toujours en politique. Les hommes politiquescontinuent proposer des solutions qui produiront des effets . Churchill, lui, na promisque du sang, de la sueur et des larmes au peuple britannique. De Gaulle na mobilis le

    peuple franais quautour dune certaine ide de la France . Ils proposaient leur peuple unprojet leur permettant denrichir leur bien commun et leur cohsion sociale en dveloppantlengagement dans le dbat public autour du respect des droits naturels de lhomme, grce une scurit garantie par le respect des droits de lEtat. Ils ont fait faire leur pays bien plusde progrs fondamentaux et durables que tous les vendeurs de solutions runis.

    11Stochastique : capacit atteindre un but au travers de la gnration alatoire dune multitude de possibilits

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    LUnion europenne est un systme ouvert fort complexe, tant par la complexit gnrepar les interactions entre les 15 tats membres que par la complexit externe gnre par lesinteractions des tats membres et celle de lunion avec le reste du monde. De quel systmeintelligent sest-elle dote pour la piloter ?

    LE SYSTME DE PILOTAGE DOIT TRE PLUS COMPLEXE QUE LE SYSTMEPILOT.

    Pour quun systme en pilote un autre, il faut que sa complexit soit gale ou suprieure celle du systme pilot. dfaut, il y a inversion du pilotage : ce sont les parties qui pilotentle tout , qui va rapidement se dsagrger.

    Piloter, cest prendre des dcisions. Le systme dcisionnel de lEurope reste bas surlunanimit, ce qui est ncessaire pour assurer la stabilit des dcisions. Nous avons vu quilest possible, par un processus de dlibration adquat, de parvenir des dcisions stables. deux conditions : quil existe un projet europen partag, un bien commun, congruent avec les

    projets de chaque partie, le bien commun des Etats. Pratiquement, dcider 15 veut dire queles 15 partagent un systme de valeurs, un bien commun suffisamment fort pour rvaluerleur projet particulier et leur position la lumire de lintrt gnral. Cest une dmarchevertueuse qui peut alors sengager ou chacun va lcher un peu individuellement pour gagner

    beaucoup collectivement. Cela suppose que chaque reprsentant des Etats ait accompli lemme processus de dlibration en son sein au regard de ce mme systme de valeurscommune, ce mme bien commun europen.

    Il est clair aujourdhui quun tel processus dcisionnel nexiste pas. Les demandes desfdralistes de passer au vote la majorit au lieu de lunanimit, et le blocage prvu dusystme de dcision en cas dlargissement de lunion aux PECO, sont la reconnaissance delinexistence dun bien commun europen qui puisse permettre au systme de dcider.

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    4 ) L U N I O N E U R O P E N N E : U N S Y S T M E C O N S TR U I T C O N TR E L EB I E N C O M M U N

    ce point de lexpos, nous avons fait le constat de lignorance par les europistes de laphilosophie politique et des cadres pistmologiques de comprhension des systmes

    humains. Cela na rien dextraordinaire. Ni lun, ni lautre ne sont enseigns dans les colesdo sortent nos dcideurs tombs sous le charme du mythe europen. Comme la soulignLeo Strauss, la philosophie politique moderne a t remplace par lidologie12, soit desconstructions intellectuelles pr-tablies, des mcaniques dterministes auxquelles la ralitest mise en demeure de se conformer. Quant la science des systmes et aux acquis dessciences fondamentales, ils sont tout simplement ignors. Il nest pas anormal que les gourousde leuropisme qui chaque jour se rient de la ringardise de leurs contradicteurssouverainistes - lignorent, et en soient rests aux cadres pistmologiques positivistes de lafin du XIX sicle. Souvenons-nous quErwin Schrdinger dclarait en 195113quil faudraitune cinquantaine dannes pour que les acquis des sciences dont Bachelard commenait tirer les premires leons dans les annes trente14- finissent de ruiner les anciens cadres de

    rfrence dterministes du public cultiv. Le dlai arrive son terme et il semble bien que larsistance soit plus forte que prvue, car rien na chang chez les europistes depuis le credopositiviste de Monnet.

    Lexamen des mcanismes actuels de la construction europenne montre quil ne sagitpas dun retard qui pourrait tre somme toute bnin et corrig mais quelle est enserredans un vritable corps idologique dterministe, incompatible avec toute forme dedmocratie autre que cosmtique.

    LES CONCEPTIONS DE JEAN MONNET :

    Si lide europenne est sympathique aux Franais, cest dabord parce que cest une idefranaise au dpart, et oriente vers la rconciliation franco-allemande. Son picentre, avecRobert Schumann, tait lAlsace, terre franaise sil en est. Ensuite, lide europenne vue deloin sent bon luniversalisme et la fraternit entre les peuples, valeurs auxquelles noussommes, juste titre, trs attachs.

    Lexamen du parcours du pre de lEurope , Jean Monnet, nous conduit de toutesautres conclusions.

    12 Quant la philosophie politique moderne, elle a t remplace par lidologie : ce qui tait lorigine une

    philosophie politique est devenue une idologie. Ce fait en lui-mme est peut-on dire au coeur de la crise contemporaine deloccident .Leo Strauss La cit et lhomme

    13 Les cinquante annes qui viennent de scouler la premire moiti du XX sicle ont vu un dveloppement dela science en gnral, et de la physique en particulier, qui exerce une action transformatrice sans quivalent sur notreconception occidentale de ce quon appelle souvent la condition de l homme. Je suis presque certain quil faudra encorecinquante ans pour que la portion cultive du grand public devienne consciente de ce changement Confrence faite

    Dublin en 1951, in Physique quantique et reprsentation du monde , Seuil.14 Le nouvel esprit scientifique , Bachelard, 1938

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    4 ) L e m p r i s d e l e x p ert p o u r l a N a t i o n :

    Jean Monnet a gard la nationalit franaise, mais a pass la plupart de sa vie aux Etats-Unis, o il sest install avant la premire guerre. Sollicit par de Gaulle en juin 40 pourrejoindre la France libre, il dclare son absence de foi en cette ide et retourne aux Etats-Unis

    o il alimentera, au travers de son amiti avec le conseiller de Roosevelt, Hopkins, le mprisdu Prsident pour les nations europennes dcadentes, part lAngleterre. Il sera un dfenseurdu maintien des relations entre les Etats-Unis et Vichy, puis de la solution Giraud, avant de serallier lvidence de la victoire de la France libre. Ds le dpart du Gnral des affaires, en1946, il redeviendra un farouche anti-gaulliste. Monnet fut en charge du plan amricain derarmement, puis de la prparation du plan de ravitaillement de lEurope aprs la Libration.Ctait un technocrate excellent - qui croyait au pouvoir des experts, mais certainement pas la source de vie que sont le peuple et la nation, qui taient des notions qui lui faisaienthorreur. La conclusion du Trait de lElyse entre de Gaulle et Adenauer le 22 janvier 1963signait la rconciliation entre la France et lAllemagne. Cette construction de la paix et de lacoopration en Europe par des traits bilatraux ne plut pas lidologue Jean Monnet. Elle

    ne plut pas non plus aux Etats-Unis qui voyaient dun mauvais il lAllemagne prendre sonautonomie. Ils invitrent donc le Bundestag faire prcder la ratification du Trait dun

    prambule atlantiste qui le vidait largement de sa substance. Sur quel conseiller sappuya leBundestag pour rdiger sa dclaration ? sur Jean Monnet !15. Et comme beaucoup de Franaiscultivs, il prouva le besoin de se livrer - de prfrence devant des trangers- lexercicesado-masochiste du dnigrement de la France comme pays arrir et la trane .Exercice promis, 50 ans plus tard, au plus grand succs.

    En crivant que Monnet aurait plus sa place au cimetire dArlington quau Panthon,Jean-Claude Barreau16 a la dent dure, mais sagissant dun symbole, sa rflexion nest pasdpourvue de pertinence.

    5 ) L a s u p r a r a t i o n a l i :

    Monnet tait un positiviste : il croyait au pouvoir de la science pour parvenir uneconnaissance parfaite du monde et de la technique pour lorganiser de manire rationnelle.Pour ce faire, le pouvoir devait revenir aux experts, et tout dbat politique ne pouvait que

    perturber la srnit et donc la rationalit de leurs dlibrations et de leurs dcisions. Cest lla source fondamentale de lide fdraliste : btir un ordre technique rationnelsupranational, labri des perturbations du dbat dmocratique, qui viendrait imposer sarationalit aux nations ncessairement versatiles car y restant soumises.

    15 Jean Monnet, Mmoires, T. II, p. 70616Jean-Claude Barreau Le coup dtat invisible , 1999

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    La systmique de Monnet est bien loin des exigences que nous avons exposes. PourMonnet, le bien collectif nest pas une construction partir de linteraction avec le bien

    particulier, cest une construction tablie directement par les experts dont dcoule le bienparticulier : Le bien collectif est donc identique avec le bien particulier, mais il faut dabordrechercher le premier, le second est induit. On ne part pas du premier pour arriver au

    consensus communautaire, ce serait la coopration que rcuse fermement Jean Monnet. Aucontraire, on part dun accord sur le problme dans sa globalit et les consquencesparticulires sont facilement drives 17. Il ny a aucune place pour les exigences ditrationet de dbat dmocratique que suppose la construction dun systme robuste.

    Il sagit de btir un ordre suprarationnel quil faut protger des interventionsperturbatrices des Etats, : Nous exercerons nos fonctions en pleine indpendance danslintrt gnral de la communaut Nous prenons acte de lengagement des tats membresde respecter le caractre supranational et de ne pas chercher nous influencer danslexcution de nos tches 18. Nous entrons dans la supra-rationalit du sage, que la supra-nationalitdoit garantir.

    LE POIDS DE LHGLIANISME

    Lapproche technocratique de Monnet allait trouver un terrain favorable danslintelligentsia, trs largement domine, et de plus en plus, par la philosophie hglienne. Son

    procs a t fait avec vigueur par Karl Popper, qui, rfugi en 1940 en Nouvelle-Zlande, afait de son ouvrage La socit ouverte contre ses ennemis sa contribution la lutte contrele nazisme, quil inscrivait dans le droit fil de la philosophie hglienne. Ce qui a fait la forcedu nazisme et sa capacit btir et maintenir jusquau bout un systme cohrent, cest soninscription dans la continuit du romantisme allemand de Fichte, Schelling et Hegel qui arelgu aux archives les acquis de lAufklrung, la philosophie des lumires allemande19. La

    philosophie politique de Karl Popper se fonde sur ses travaux de scientifique etdpistmologue et peut se rsumer en quelques points majeurs :

    Lavenir est ouvert et aucun dterminisme historique ne peut nous dire ce que seralavenir. Nous sommes entirement libres, et ce qui adviendra demain sera lesfruits de nos dcisions et non-dcisions implicites ou explicites (rejet delhistoricisme).

    Il est parfaitement possible de parvenir des dcisions communes et de btir le biencommun ( public good ) ds lors que lon a le souci dapprendre lun de lautre, ce quiveut dire ne pas noyer les diffrences dans un magma mais den faire une ressource pour

    progresser vers la vrit (rejet du relativisme).

    17 Jean-Claude Lavigne, Le bien commun, approches philosophiques et politiques , ESPACES (association

    dominicaine qui a ralis une importante tude sur LEurope et le bien commun )18Jean Monnet, Mmoires p. 438

    19Sur la cohrence culturelle du nazisme avec le romantisme allemand, voir louvrage incontournable de Peter Reischel La fascination du nazisme , O. Jacob.

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    En philosophie politique, la question nest pas de savoir QUI doit gouverner la socit,mais COMMENT elle doit tre gouverne et POUR QUOI. La question du QUI est unequestion platonicienne et vise assurer le rgne des philosophes et des sages sur lasocit - doctrine entirement reprise par Hegel- qui soppose au COMMENT qui est laquestion socratique du progrs par questionnement et rsolution de problmes. Le dbat

    sur le QUI mne aux oppositions gauche-droite qui occultent le dbat sur la nature de lasocit dmocratique. Le critre discriminant dune socit dmocratique nest pas desavoir qui la gouverne, mais de pouvoir en permanence dlibrer sur le Quoi? et dtreassur de pouvoir renverser le gouvernement sans effusion de sang (rejet absolu delhglianisme)20.

    Le lien entre hglianisme et europisme sera fait en France par Alexandre Kojve,philosophe, puis haut fonctionnaire la DREE jusqu sa mort. Il a form llite deladministration et de lintelligentsia franaise la vnration de Hegel. Il se qualifiait lui-mme de marxiste de droite , croyant la fin de lhistoire, quil datait trs prcisment du13 octobre 1806 (date de la bataille dIna). La fin de lhistoire annonait la fin de la

    construction du monde par la dialectique matre esclave et la possibilit du rgne du sagesur lEtat universel et socialiste mondial. Kojve sest oppos radicalement Leo Strauss,dfenseur de la philosophie politique du droit naturel En promettant lEtat universel ethomogne comme terme et fin de lhistoire (), Kojve annonce lavenir probable du dernier homme , en se fondant sur la croyance que seule luniversalit reconnue du

    particulier humain peut rendre heureux tous les hommes 21. Fin des nations donc, hritage dela dialectique matres esclaves .

    Linfluence de Kojve fut immense dans la haute administration franaise. Elle apportaittout ce que lintelligentsia aime : lesprit brillant, une intelligence formelle absolue, de lasduction par une rhtorique hermtique qui donne ceux qui la matrisent un fort sentiment

    dappartenance une caste culte et la capacit dembobiner les contradicteurs, et lajustification de la domination du monde par les sages .

    Il mourut en 1968. Au moment o entrait en scne Benard-Henri Lvy. Avec moinsdintelligence compense par plus de malhonntet, la relve tait assure.

    20 Pour une dcouverte et une synthse de l uvre de Karl Popper (en philosophie politique), lire Toute vie est

    rsolution de problme , Actes Sud 1999.

    21 Dominique Auffret Alexandre Kojve , 1990, Grasset. Sur Kojve lire galement Les pense du premiereurocate http://www.republique-des-lettres.com/dossiers.html/kojeve.html

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    LHGLIANISME Hegel doit surtout sa rputation ceux qui, aux disciplines ardues de la science,

    prfrent une initiation superficielle aux secrets de lunivers. Grce la logiquehglienne, mthode magique substitue laride logique formelle, les problmes les

    plus difficiles peuvent tre rsolus rapidement et avec toutes chances de succs. Elle a,en effet, toutes les apparences dune mthode scientifique rigoureuse, sans exigerbeaucoup de connaissance ni dexprience. Le succs de Hegel marqua le dbut delge de la malhonntet, selon lexpression de Schopenhauer qui deviendra ensuite lpoque de lirresponsabilit , cest dires celle du totalitarisme moderne, olirresponsabilit morale succde lirresponsabilit intellectuelle. Cest lre des

    formules ronflantes et du verbiage prtentieux 22.Ce sera celle, aussi, de la construction europenne.

    UNE VISION MCANISTE DU MONDE QUI LIMINE LA DMOCRATIE

    Leuro est sans doute la quintessence enfin ralise de cette pense, aussi prtentieuse

    que non scientifique.

    6 ) L e d t erm i n i s m e , o u l l i m i n a t i o n p a r d cre t d e l a c o m p l e x i t d u m o n d e

    A dfaut de construire un Etat, on cre une monnaie apolitique cense venir bout delindiscipline des Etats. Ce sont les conceptions de Monnet appliques la lettre. Certes, leseuropistes nous expliquent que nous vivons une premire historique, puisque la crationde la monnaie va prcder la cration de lEtat23.

    Derrire la rhtorique, examinons la cohrence du systme ainsi cr :La monnaie va devenir le systme central de pilotage de lensemble du dispositif. Pour le

    mettre labri des parasites provoqus par les Etats, on lisole en en confiant la gestion unbanque centrale indpendante . Il nest pas prvu dinstance dinteraction entre la BCE etles autres parties du systme (hormis une prothse cre la demande de Lionel Jospin, le Conseil de lEuro , qui na aucun pouvoir). Question : comment leuro va-t-il piloter lesystme ? Rponse : il ne va pas le piloter puisquil na quun objectif et un seul : la stabilitdes prix. Qui donc va piloter le systme, puisquil ny a pas de systme de pilotage politique ?La seule rponse possible est : le march.

    Mais le march va accrotre les diffrences de dveloppement entre les pays. Il vaaccrotre la complexit du systme, requerrant donc principe du pilotage un systme pluscomplexe. Non, nous rpondent les experts, on va au contraire rduire la complexit dusystme par la politique des rformes structurelles , qui vont essentiellement en

    lalignement des rgimes sociaux et du cot des services publics. Il est ncessaire que cesdiffrents lments qui constituent le c ur du pacte social de chaque nation et affecte laconception qua chaque citoyen de la qualit de ce pacte, puissent graduellement treharmoniss, et quen particulier la proportion des dpenses publiques par rapport au produitnational diminue dans beaucoup de pays. 24. Leuro va donc bien imposer une uniformisationradicale de lEurope par lalignement des rgimes sociaux. Cet alignement, sil doit se faire,interviendra en priode de rcession. On se doute dans quel sens il se fera.

    22 La socit ouverte et ses ennemis Seuil, p. 18-19

    23Toutes les autres tentatives de ce type ont chou, nous rappelle lconomiste Jean-Jacques Rosa dans Lerreureuropenne , 1998

    24Jean-Ren Bernard, Commentaire, printemps 99

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    7 ) L e d b a t d m o cra t i q u e r e m p l a c p a r l a m o n n a i e

    Nous entrons donc dans un ordre ou le seul rgulateur sera montaire. Que deviennent lesconsidrations thiquesdans la prise de dcision, dont nous avons mesur limportance pour

    btir des systmes robustes et une conomie efficace ? Que devient la culture, si importante

    pour la cohsion sociale ? Que devient la dlibration dmocratique qui assure la stabilit desdcisions ? Trop complexe! rayes du systme! Lordre montaire doit tre critiqu en tantquil rduit la diversit des formes dchange social et quil appauvrit le contenu desinteractions entre le dveloppement conomique et la culture. Le projet de spcialiser larationalit conomique en rduisant au minimum ses points de contact avec lthique ()

    pourrait savrer mortel pour la socit (y compris du point de vue des changesconomiques) sil est pouss jusquau terme de sa logique 25.

    Pousser la logique son terme, cest pourtant le projet des europistes qui entendent syadonner avec enthousiasme : Profitons donc, pour lancer des rformes du choc salutaire dela monnaie unique, bouleversante nouveaut, fantastique ouverture sur lair du large, propre dissiper les miasmes attards de notre vieux dlire social tatiste et national protectionniste.Leuro est un instrument de la libert pour les particuliers, mais de discipline pour lesgouvernants. Et quon ne vienne pas prtendre que la monnaie est un attribut desouverainet 26

    Largument du choc salutaire par la monnaie est spcieux. Les systmiciens saventquun systme ne change que sous leffet de sollicitations externes. Mais pour que lechangement se produise, il faut que cette sollicitation soit perue comme un problme rsoudre par le systme, dclenche un processus de dlibration entre les acteurs du systme

    pour le faire voluer au regard du projet commun. Or, de projet commun, lEurope nen a paspuisquil sagit, selon lexpression dlicieuse de Jean-Louis Bourlanges, dune fdrationsans fdrateur .27Ensuite, cela suppose que les parties du systme puissent agir comme des

    agents intelligents capables de dlibration pour faire merger un systme de pilotage pluscomplexe. Dans la configuration qui nous est propose, les acteurs sont considrs commeinintelligents, attards dans le dlire social et national protectionniste . La relationest telle quon la voit aujourdhui : linaire, autoritaire, mprisante, toute objection tantcouverte danathmes.

    A ce stade, nous pouvons dire que si les concepteurs et les pilotes actuels du projet de construction europenne prsentaient leur projet devant un jury pluridisciplinairerunissant quelques grands noms des sciences, de lpistmologie et de la philosophie

    politique, ils seraient renvoys vers la librairie la plus proche pour se procurer, pour quelquescentaines de francs, les lments dune culture de base en pistmologie et en science des

    systmes qui leur font dfaut.

    SI LEUROPE EXISTAIT, IL Y AURAIT.

    Il y aurait bien sr un bien commun et lon serait tent de se poser les trois questions pourvaluer le monde promthen que lon construit labri de nos yeux.

    25Bernard Perret Les nouvelles frontires de largent , 1999 Seuil

    26Claude Fouquet Adieu au franc, Vive leuro Commentaire, printemps 9927Commentaire, op. cit.

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    1) U n b i e n d e l a C o m m u n a u t ?

    Pour nous conduire sur les sentiers merveilleux du sens de lhistoire, les europistesimposent depuis 20 ans, au nom des impratifs , des sacrifices inous aux europens. Voil vingt ans que les Etats de lUnion europenne () courent aprs des impratifs

    conomiques avec une vidente radicalisation depuis une dizaine dannes. Le soutien aufranc fort, la rduction du dficit budgtaire 3 % et enfin la bataille range contre touteinflation (au risque dune dflation larve) peuvent inscrire un bilan vertigineux :aggravation du chmage, cration dun radical foss des ingalits sociales, et enfin,

    prcipitation dans la pauvret de 57 millions de citoyens europens 28

    Les services publics sont sacrifis au nom des ajustements structurels . Leuro auracot, daprs lconomiste amricain Paul Krugman29, deux points, en moyenne, de chmageaux pays europens. Une Europe plus forte ? Il a fallu au nom de la suprmatie de la logiquede march sur laquelle est bti leuro louvrir tous vents, entranant une destruction massivedactivit.

    Mais laissons notre prix Nobel dconomie, Maurice Allais, le soin de conclure sur cepoint :

    En ralit, ceux qui, Bruxelles et ailleurs, au nom des prtendues ncessits dunprtendu progrs, au nom dun libralisme mal compris, et au nom de lEurope,veulent ouvrir la Communaut Europenne tous les vents dune conomie mondialistedpourvue de tout cadre institutionnel rellement appropri et domine par la loi de la

    jungle, et la laisser dsarme et sans aucune protection raisonnable ; ceux qui, par lmme, sont dores et dj personnellement et directement responsables dinnombrablesmisres et de la perte de leur emploi par des centaines de milliers de chmeurs; ne sonten ralit que les dfenseurs dune idologie abusivement simplificatrice etdestructrice, les hrauts dune gigantesque mystification, et les naufrageurs de la

    Construction Europenne. Ignorants et inconscients, ils nen sont pas moinsresponsables et coupables. 30

    2) U n e c o m m u n a u t d u b i e n ?

    A dfaut dun accroissement de la richesse globale, le bien de la communaut se rsumesurtout en institutions dispensatrices de crdits. Comment y a t on accs ? En prenant sontlphone et en appelant Bruxelles. On vous rpond dans un sabir de 1500 mots qui sevoudrait ressembler langlais (le recours systmatique langlais est principalement le faitdes fonctionnaires franais, qui semblent, plus que les autres, avoir besoin de marquer leurallgeance) quil faut faire une proposition et une dmarche marketing auprs des

    Institutions clientes , gnralement en recrutant un lobbyiste rmunr. Notion nouvelle !Dans la tradition des interventions publiques, celles-ci sont destines mettre en uvre despolitiques dintrt gnral. Elles recherchent des initiatives prives qui y rpondent, et leuraccordent des financements. Il nen est plus rien dans lEurope administrative : elle est sa

    propre finalit, elle est le client. Le citoyen, lentrepreneur ne sont plus que des fournisseurs !

    28Germain Latour Rapport moral sur largent dans le monde 98 , p. 477

    29http://web.mit.edu/krugman/www/30Maurice Allais Combats pour lEurope 92-94 Clment-Juglar 94

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    En laissant de ct ou la marge chaque fois un peu plus de citoyens, on peut se poserlgitimement la question pour quoi ou pour qui court lEtat ? . Car, de toute vidence, cenest nullement la cration ou la production de richesses qui sont en cause, mais bien pluttleur redistribution effective et quitable de plus en plus confisque 31. Triste bilan : on devaitgagner beaucoup en perdant un peu, on a perdu beaucoup pour des gains virtuels.

    3) U n b i e n d u b i e n c o m m u n ?

    On peut considrer ce stade que ces dfauts sont des dfauts de jeunesse, et que lamaturit venant, lUnion europenne va parvenir combler son dficit dmocratique .

    Nest-ce pas ce que nous disent chaque jour nos lites? LEurope ne va pas bien? Mais cestparce que nous navons pas encore fait assez dEurope! Ce raisonnement a t celui ducommunisme pendant les 70 ans de son existence: il fallait supporter les imperfections daujourdhui pour accder aux lendemains qui chantent. On sait aujourdhui que le vers taitdans le fruit. La logique de la construction europenne serait-elle suffisamment saine pourtre capable de se rformer?

    Une dmocratie impossible : on a bti non pas un systme complexe mais unsystme compliqu.

    Dans un article du rput Journal of theoretical politics Models of democracy and theeuropean unions democracy deficit 32, John Coultrap value la possibilit mme dunrgime dmocratique europen. Aprs une analyse rigoureuse des fonctionnementsinstitutionnels actuels, lauteur conclut limpossibilit dune dmocratie parlementaireeuropenne Using a democratic model that is fundamentally irrelevant to the EU, the

    parliamentary analysis must paradoxically conclude not only that the present form asupranational european democracy is deficient, but also that it cannot be possiblyotherwise. .

    Le systme mis en place par lUnion est too big and complex pour supporter unesouverainet parlementaire et un gouvernement responsable ! Si nous traduisons ce too bigand complex dans notre langage systmique, cela veut dire quau contraire le systme misen place nestpas assez complexepour piloter la complexit du systme constitu par les 15tats membres. LUnion europenne est un systme compliqu(une imbrication de dispositifset de procdures o lon ne se retrouve pas et qui ne cre pas de valeur),pas complexe et doncinapte au pilotage.

    Alors, que nous reste-t-il ? Le pouvoir dinfluence des groupes de pression33: A dfaut dedmocratie nous aurons les lobbies it may nevertheless operate in a way to permitsocietal influence on such policy making via interest groups. soit une culture totalementnord-amricaine, avec laquelle certains pays dEurope comme les Pays-bas sont coutumiers,mais trangre la tradition rpublicaine franaise. Adieu, donc, les droits de lEtat, les droitsde lhomme et les droits du citoyen, place au droit des minorits et au communautarismechers Alain Madelin et Daniel Cohn-Bendit

    31Germain Latour, RMAM, p. 47932John Coultrap, Journal of theoretical politics 11 (1) : 107-135

    33Ce qui en anglais sappelle pluralism - qui na rien voir avec notre pluralisme- et veut dire a theory of societyas several autonomous but interdependent groups (Collins)

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    Une fermeture sur le monde.Systme faible, lUnion est incapable de stendre aux frontires naturelles de lEurope.

    Ladhsion des PECO fragilera l'difice du fait decette faiblesse du systme, car ceux-ci vontaccrotre sa diversit et rendre encore plus complexe son pilotage. Nous sommes loin delEurope de lAtlantique lOural !

    Contrairement ce que proclament les europistes, lUnion europenne est non pas uneouverture mais une fermeture de lEurope. Toute adhsion nouvelle conduirait accrotre lafragilit de cette nouvelle tour de Babel. Adieu lalliance turque, dont Franois 1 soulignaitla ncessit pour affirmer lEtat contre lEmpire. Adieu lalliance avec la Russie, dont deGaulle soulignait la contribution essentielle la construction de lEurope comme espacegopolitique. Adieu, enfin, lalliance avec la Serbie qui nous assurait une prsence et un rlede mdiateur dans les Balkans entre les empires ottomans et germaniques. Cette Europefaible, cette fdration sans fdrateur , risque de connatre le mme sort que lEuropedaprs la I guerre mondiale : faute dtre porteuse dun projet, les Balkans pourraientdevenir le maillon faible qui contaminera tout le systme. Ce ne sera pas lEurope dans les

    Balkans, mais lUnion europenne balkanise.

    4) L E u r o p e v ers l a g u err e ?

    Sil y avait un bien commun europen, il y aurait donc un projet commun, suprieur lasomme des projets individuels des Etats-membres, qui en serait la fois lmanation et lasource. Chaque pays retrouverait dans le projet commun la continuit de son identit et de satradition historique, et trouverait dans ce projet commun une source pour le revivifier et lerenforcer. Le projet europen serait alors un mta systme assurant la cohrence densembledes systmes fdrs.

    Cest largument massue des europistes: lUnion europenne sonnerait le glas desnationalismes, et donc des guerres!

    Voil qui est totalement faux. Les europistes, notamment les franais, ignorent unediscipline: la gopolitique. Prsente tort comme ractionnaire par lintelligentsia - il estvrai quelle fut lie, en Allemagne, la conception imprialiste de lespace vital - lagopolitique ne fait que rappeler une ralit essentielle: chaque Etat fait la politique de sagographie. Comment comprendre la politique extrieure anglaise en faisant abstraction delinsularit? Il faut avoir travers la plaine dAllemagne du nord pour comprendrelinexistence du concept de frontire naturelle dans lespace germanique. Lambivalencefranaise, entre une puissance maritime et une puissance tente par le repli continental ne secomprend que par son ambivalence gographique entre une ouverture vers les mers et une

    richesse des territoires qui fait dfaut lAngleterre.Si lEurope existait, elle mettrait donc un terme - par la vertu de lEtat universel de

    Hegel!- ces traditions gopolitiques. Elle aurait cr un systme o les parties -les Etats-convergeraient vers un tout .Il nen est rien: bien au contraire, elle les accentue, commelont fort bien rappel Paul Marie Coteaux et Pierre-Marie Gallois.34

    34 P.M Coteaux LEurope vers la guerre et P.M Gallois La France sort-elle de lhistoire, LAge d(homme.

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    La runification allemande a remis lordre du jour la vielle vision pangermanique:lEurope, cest la matrise par lAllemagne de son hinterland et le leadership de lEurope doitnaturellement lui revenir. W.V. Goldenbach (pseudonyme dun fonctionnaire du ministre desaffaires trangres de Bonn) et Hans Rdiger Minow, ont rvl dans un ouvrage non traduitVon Krieg Zu Krieg(Berlin, Verlag 8, 1997) la politique allemande de soutien aux minorits

    ethniques et finance par le Centre pour le rglement du sort des minorits de Flensburg qui finance les mouvements rgionalistes franais comme la ligue savoisienne- qui est dedcouper les Etats en entits rgionales trop faibles pour sopposer au pouvoir centraleuropen. Vieux rve du pangermanisme qui remonte au XIX sicle, la France est dcoupeen sept rgions ethniquement homognes. Une seule puissance demeure intacte parcequethniquement homogne : lAllemagne, qui dominera ainsi lEurope. M. Goldenbachconclut la politique allemande sest engage sur une voie qui conduit au dsastre endcoupant lEurope en rgimes ethniques, estimant que les restes des Etats-nations ainsidtruits orbiteront autour de la grande puissance quest lAllemagne. Plus rapidement seraoppose cette tragdie, plus limit sera le sacrifice quil faudra accomplir pour rsister auxrevendications allemandes la puissance .

    LAngleterre ne sest convertie leuropisme quen raison de la politique libre-changiste de lUnion, qui ne remet pas le moins du monde en cause sa tradition dorientationvers le large et latlantisme. Ces deux piliers essentiels de lhistoire europenne ne viennentvers lUnion que parce quelle est un vhicule de leur politique extrieure traditionnelle. Et

    pendant ce temps l les europistes franais poussent des cocoricos de coqs cacochymes parceque lon a confi une franaise le strapontin de la prsidence du parlement de Strasbourg !

    PENSE UNIQUE, PENSE ZRO ET INTIMIDATION

    Ce suppos bien commun europen devient un vritable mal commun par la rduction

    nant du dbat dmocratique. Nous en avons vu les raisons et la ncessit. A systmeinconsistant, pense pauvre. On a donc invent la pense unique , dont Jean-Ren Bernardnous dcrit avec admiration lefficacit : Une des raisons pour lesquelles lide de lamonnaie unique europenne est venue bout de tous les obstacles en dpit de son audace ()et des partages de souverainet quelle implique, rside dans le fait que tout homme politiquequi aurait os sopposer ce projet ou mme suggrer den diffrer la ralisation se serait trsclairement dfini comme prt anantir lespoir dune Europe unie. Or, aucun homme

    politique au pouvoir ou cherchant y arriver ntait prt prendre ce risque 35.

    Voil le projet : neutraliser tous ceux qui voudraient sopposer . Le mcanisme esthuil et fonctionne merveille :

    Lide europenne est prsente comme une vidence et un progrs historique en enrestant un niveau de gnralit et dabstraction qui carte toute analyse des faits. Si analysedes faits il y a, la prgnance de cette vidence doit tre telle quelle doit induire la rponse,

    pour laquelle les services de lunion fournissent toute sorte de prt penser.Le dbat politique doit cder le pas aux considrations techniques. Leuro est justifi par

    la russite du projet informatique de bascule dans la nuit du 31/12/98. Le public est noy sousdes gadgets prparant la conversion. De quoi pourrait-il sagir dautre sagissant dune monnaie apolitique ?

    35Jean Ren Bernard, Commentaire, printemps 99, p. 67

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    Largument de la modernit est utilis systmatiquement pour introduire les rformes defond prparant au communautarisme : le PACS (reconnaissance du communautarisme fondsur lorientation sexuelle), la parit (reprsentation des communauts sur la base de quotas),les langues rgionales toutes ces voies utilisent des atours sympathiques et apparemment

    progressistes, la mode , de son temps , de manire renvoyer le contradicteur dans le

    camp des ringards , sinon des fascistes . Un antiracisme douteux devient la sourceidologique du mythe de lhtrognit sur lequel veut se construire lUnion europenne. Lerapport de la baronnesse britannique Sarah Ann Ludford36, adopte le 17/03/00 par le

    parlement de Strasbourg, va jusqu prciser que les prjugs raciaux constats en Europesont complexes et fonds sur toute une srie de facteurs, dont la religion, la culture, la

    perception des notions de nation et de patriotisme, et pas seulement sur la couleur de lapeau et conclut sur la ncessit de rejeter les aspects du nationalisme contemporain fondssur des ides, obsoltes et destructrices, dhomognit, qui favorisent la division et lhostilitraciale, et convaincu que lEurope doit saffranchir de lide dune culture fondamentalementblanche et redfinir la nation au profit de la communaut place sous la juridiction deltat, et que lidentit europenne doit intgrer lexprience et la culture des communauts

    minoritaires . Exit la nation, vive le communautarisme ethnique! La conclusion simposedelle-mme par linstauration de quotas ethniques dans les entreprises, aussi le parlement demande que le suivi ethnique devienne obligatoire pour toutes les entreprisescomptant plus de 250 salaris et que les rsultats soient publis . Lantiracisme de salonaboutit donc son rsultat inverse habituel: la mise en fiche sur la base de lorigine ethnique.

    Le dispositif est verrouill par la matrise de la presse et des mdias qui gnralisent lapratique de linjure et du lynchage mdiatique des contradicteurs. Qui ne se plie pas estdnonc publiquement, de louting dAct-Up (dont Emmanuel Leroy-Ladurie rappelaitque ce ntait certainement pas une pratique nouvelle, mais quelle remontait au moyen ge etavait dj un nom : linquisition) la lepnisation des esprits prsente par Le Monde

    comme le premier des dangers, au lynchage mdiatique de Jean-Pierre Chevnement quisannonce avec celui du Conseil Constitutionnel - qui a commis la faute, linverse duConseil dEtat, de ne pas encore avoir reconnu la supriorit du droit europen sur le droitfranais- avec la campagne contre le cesaro-papisme des dfenseurs de cet attributessentiel de la souverainet et de lunit nationale quest la langue franaise.

    Une pense qui devient unique en termes de contenu est une pense zro en termes deprocessus. Elle tourne le dos la pratique du dbat qui veut que plusieurs options soientexamines, et que, dans la transparence et sous le regard du peuple, ce soit celle qui est le plusconforme la poursuite du bien commun qui soit choisie. Une telle pense ne pense plus, elleaboie. Le verbe penser est dailleurs devenu intransitif : on pense que . Le penser de la philosophie politique classique est retourn dans la caverne des opinions37.

    36Rapport sur la lutte contre le racisme et la xnophobie dans lUnion europenneCOM(1999) 268 C5-0310/1999

    + C5-0015/2000 1999/2205(COS)) Commission des liberts et des droits des citoyens, de la justice et des affairesintrieures Rapporteur: Baroness Sarah Ludford

    37

    La caverne, cest le monde des opinions oppos celui de la connaissance . Leo Strauss, dans Droit naturel ethistoire avait prdit les consquences probables de labandon de la philosophie politique et du droit naturel au profit delhistoricisme et du relativisme dont leuropisme est le dernier avatar.

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    LUNION EUROPENNE, UN ORDRE NOUVEAU ?

    Pouvait-il en tre autrement? La lecture des doctrines des europistes rvle une pratiquefonde sur le fantasme accompli dans le secret, labri du regard des peuples vus comme le

    premier obstacle. Ces fantasmes atteignent un niveau dlirant sous la plume de M. Tommaso

    Paddoa-Schioppa, administrateur de la Banque Centrale Europenne, dans un article de la fortintressante revue Commentaire 38. M. Paddoa-Schioppa a gagn. LEurope existe par saBanque centrale. Il nous rvle donc ses secrets en nommant son papier Les enseignementsde laventure europenne .

    On y apprend que Laventure europenne a galement fait merger tout en montrantleur efficacit, des modes daction politique bien diffrents de ceux qui caractrisent lesdmocraties contemporaines (). Libre de toute contrainte de parti, de groupe dintrt, denationalit, dexigence lectorale, de ncessit de gain, elle confre qui ladopte une grandelibert daction et, de ce fait, une efficacit dcuple. () En ralit ce mode daction

    politique est celui des rvolutionnaires, qui se rsume ainsi: cration dun ordre nouveau;dsintressement, conspiration, idalisme () La construction europenne est une rvolution,

    mme si ses rvolutionnaires ne sont pas des conspirateurs blmes et maigres, mais desemploys, des banquiers et des professeurs .

    Ordre nouveau, des rvolutionnaires qui font notre bonheur notre insu, dbarrasss denos contingences versatiles: tout ce discours est celui du totalitarisme. Ce nest pas la fin delhistoire, cest son recommencement! Quun article aussi dlirant occupe autant de place (10

    pages, toutes sur le mme ton) dans une revue qui nous avait habitus plus dexigencepistmologique nous dit o nous en sommes.

    Nous y allions ds le dbut dailleurs, nous rvle M. Paddoa-Schioppa. Evoquant leTrait de Rome, il crit Rtrospectivement le trait ntait pas (comme le pensait JeanMonnet lui-mme et bien dautres fdralistes) un simple accord international pour la libertdes changes, mais le noyau de la Constitution europenne. Trait certes, car rdig dans lesformes classique de convention entre gouvernements, et soumis la ratification desParlements. Mais Constitution aussi car il transforme tout notre cadre conomique et

    juridique, et complte les textes organiques des tats membres. Nouveau docteur Folamour,M. Paddoa-Schioppa nous a bien eus. Il est content39.

    Laissons la conclusion Philippe Meyer Cest un progrs : il nous dbarrasse de toutesles incertitudes lies la dmocratie et cette ide, donc, selon laquelle la pluralit desopinions tant la richesse dune socit, chacune delles doit jouir du droit dtre discut. Demme que nous avons remplac linformation par la communication, bien plus efficace, quimche le travail du lecteur de journal ou du tlspectateur, nous sommes en train de remplacer

    la rflexion par lanathme et cela va nous faire gagner du temps. 40

    38 Commentaire, automne 99

    39 M. Paddoa-Schioppa sous-estime ici Jean Monnet qui ds mai 1953, en tant que Premier prsident de la CECA,revendiqua les prrogatives protocolaires d'un chef d'Etat, que les amricains lui accordrent immdiatement en le recevant Blair House dans les formes appropries. Il alla jusqu' exiger d'avoir le pas sur le Prsident de la Rpublique franaise et sevit pour cela exclut des rceptions l'Elyse. Une procdure fut mme envisag son encontre pour faute de service devantla Cour permananete de justice internationale de La Haye. Voir Patrick Samuel "Michel Debr, l'architecte du gnral" 2000,

    A. Frenel, p. 11740Chronique sur France-Inter 07H47, reproduite dans Commentaire, op. cit.

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    La cohrence interne de lUnion europenne, en raison mme de ses principes fondateurs,apparat comme bien faible et sans issue. Par sa volont de poser des actes irrversibles, elleva dtruire les cadres existants des Etats et des nations qui ont assur la paix, la prosprit etla coopration, sans tre mme de construire un nouveau cadre stable. Plus tard sera lachute, plus dure elle sera. Plus tt cette nouvelle Babel seffondrera, dans un grand fracas de

    bureaux amorti par le matelas de ses directives, plus vite et moindre cot il sera possibledentreprendre une construction europenne base sur la coopration dEtats adultes faisant deleur diversit naturelle une ressource, tournant le dos aux fariboles hgliennes pour dlibreren pleine lumire.

    5 ) P O U R Q U O I L U N I O N E U R O P E N N E E S T - E L L E U N E M A U VAI S EI D E ?

    Leuropisme nest pas une ide, une toile qui se dessine dans limagination dunconcepteur pour tracer une voie possible et saffiner dans un va-et-vient avec le rel.

    Leuropisme est une idologie, soit un ensemble ferm autosuffisant et autorfrentiel, unetotalit. Par dfinition, lidologie est totalitaire, cest--dire quelle contient toutlappareillage conceptuel pour sautojustifier et se reproduire, indpendamment du rel.Lidologue exclut toute confrontation au rel. Lorsque le rel montre que lidologie a tort,lidologie ne change pas : elle exclut le rel. Lidologue sait, il na pas apprendre delexprience ni tenir compte des faits.Lidologue a un droit absolu au pouvoir qui lui vientde son savoir, il na tre ni discut ni mis en cause. Lidologue est hors du temps, il va versles lendemains qui chantent, peu importe que le prsent gmisse.

    Roland Hureaux41a tabli un parallle saisissant sur les similitudes de leuropisme avecles idologies totalitaires du XX sicle. Leuropisme, la diffrence des deux autres grands

    totalitarismes qui lont prcd, ne prne pas la violence physique pour parvenir ses fins eten reste la violence verbale de la pense unique. Cest un totalitarisme soft qui nen prsentepas moins tous les attributs du totalitarisme.

    LEUROPISME A LE SAVOIR

    Leuropisme repose sur des principes abstraits : Les idologies sduisent pardes formules, aprs la proprit cest le vol de Joseph Proudhon, lecapitalisme cest lexploitation de lhomme par lhomme de Marx, leuropismenous dit les nations cest la guerre et lunion fait la force . Ces formulessont censes tre auto-videntes et ne supporter aucune discussion. Peu importe

    que les tats les plus riches du monde soient des petits tats comme la Suisse. Peuimporte que, mondialisation aidant, les hommes manifestent leur attachementhistorique et naturel au terroir. Peu importe que tous les empires aient toujours fini

    par seffondrer. Peu importe que les organisations les plus performantes cherchentaujourdhui sorganiser en arborescence dorganisations moyennes. Peu importeque, moins dun an quaprs que le prsident Mitterand eut dclar LEurope,cest la pax loccasion du Trait de Maastricht, elle entra en guerre et pourlongtemps sur linitiative unilatrale et conjointe de lAllemagne et du Vatican dereconnatre la Slovnie.

    41Roland Hureaux Les hauteurs bantes de lEurope - la drive idologique de la construction europenne. F.X deGuibert, 1999.

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    Les ides simples se rient de ces ralits dpasses. Le seul problme avec cespseudos ides simples cest quelles ne sont que simplistes : LAllemagne estune puissance industrielle et a une monnaie forte, ayons une monnaie forte, nousserons une puissance industrielle . Le discours europiste est truff didessimplistes intemporelles qui ne sont jamais compares la ralit, mais que la

    ralit se charge de rappeler.

    Leuropisme se prend pour une science: Le marxisme lninisme avait inventle socialisme scientifique, explication dfinitive et absolue du monde du dbut lafin de lhistoire. Le nazisme inventa la deutsch physik. Leuro fait contre luilunanimit des Prix Nobel dconomie vivants ( lexception du canadien RobertMundell) ? Peu importe, lidologie sassimile une science. Ce sont les autres quine comprennent pas ou sont mus par des motifs troubles et non avouables, toutcomme la biologie fut condamne comme une thorie capitaliste et la thorie de larelativit comme une thorie juive.

    Leuropisme est dune logique implacable : Lidologie procde parengrenages censs provoquer des effets de cliquet interdisant le retour en arrire etimposant quon fasse encore plus. Le march commun requerrait le marchunique, lui-mme appelant la monnaie unique qui requiert son tour lunion

    politique. La logique de la construction europenne est dautant plus folle quunefois la mcanique mise en marche par les technocrates, il nexiste aucun pouvoir

    politique pour arrter le processus. Nous avons lanc une machine folle ? raison deplus pour acclerer la construction politique, dit leuropisme, logique ferme quia rponse tout.

    Leuropisme a une ambition mondiale: Jean Monnet le dit sans ambigut dans

    ses mmoires, la construction europenne prfigure lorganisation du monde dedemain. Aprs la monnaie unique europenne, la monnaie unique mondiale ! Dole soin que met leuropisme se brunir pour faire oublier ses origines

    blanches et catholiques : son got pour la promotion de lhtrognit lintrieur en dtruisant toutes les structures dintgration dans les culturesnationales, en promouvant le communautarisme, en faisant du musulman

    bosniaque le nouveau hros du droit de lhommisme. Cest une perversion delesprit universaliste des Lumires qui tait un universalisme des ides, pas ununiversalisme politique. Cette perversion explique sans doute pourquoi, alors queles fonctionnaires europens dfendent en gnral les intrts de leur pays, lesfonctionnaires franais de Bruxelles prennent un soin particulier le renier, en

    commenant par leur propre langue.

    Leuropisme est une langue de bois : Les textes europens sont dlibrmentincomprhensibles : le Trait dAmsterdam renvoie aux articles du Trait deMasstricht qui renvoie lActe unique qui renvoie au Trait de Rome. Nimportequelle circulaire sur la fabrication des caramels ou sur le sperme de cochon compte

    plus de vingt mille mots. La Constitution franaise de 1958, lorigine un texteprcis et concis, devient progressivement un magma dides la mode pourintgrer les lubies du droit europen. Ces textes ne sont pas clairs ? Pas de

    problme rpond leuropisme, remplaons les par une constitution europennequi sanctionnera le fait accompli.

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    LE SAVOIR DONNE LE DROIT AU POUVOIR

    Le projet europen rejette la dmocratie : Alors que, dans la traditionrpublicaine, Vive la Nation ! quivaut Vive la Rpublique , lesfondateurs de lEurope ont install lide que nation quivaut nationalisme et

    quil fallait imprativement dtruire les nations pour assurer la paix. Or, lespeuples sont lgitimement attachs la nation. Pour assurer le triomphe de ladmocratie sur la nation, il faut donc procder de manire non dmocratique, afinde dtacher les peuples de leurs vieux dmons . Lhistorien britannique JohnLaughland souligne que les idologues de leuropisme sont des disciples deClausewitz pour qui la guerre est la continuation de la politique par dautresmoyens. Bien sr, la guerre nest pas la continuation mais lchec de la politique.Donc pour les europistes pour supprimer la guerre, il faut supprimer la politiquela politique, qui est est la quintessence de la libert humaine, est perue commeune menace - et la seul antidote possible () est dendormir le peuple avec lescertitudes soporifiques dune planification conomique anonyme42. Tout comme

    Lnine expliquait que pour librer la classe ouvrire il fallait avoir recours desrvolutionnaires professionnels et non lexpression spontane de la classeouvrire qui ne peut parvenir qu la conscience petite bourgeoise trade-unioniste , les europistes considrent quils ont une conscience plus claire quela masse, qui les exonrent du formalisme de la dmocratie.

    Le projet europen refuse le dbat: il est autovident. Les dbats sur leuro neporte jamais sur le Quoi ? , mais uniquement sur le Comment ? . Il ne peuttre question que de problmes de mise en uvre face larchasme des peuples,de campagne dducation et de communication. Jamais de dbat sur lessentiel.

    Le projet europen limine ses adversaires: il ne les limine pas physiquementcomme les deux autres totalitarismes prcdents, mais intellectuellement en lesfaisant passer pour des arrirs mentaux ou desfanatiques attards. Ou encore enfrappant la caisse en fermant laccs de la haute fonction publique auxeurosceptiques ou en coupant les recettes publicitaires ou laccs aux mdias aux

    journaux eurosceptiques.

    LEurope nest pas fdrale, mais centraliste : tout autant que lUnionsovitique se prtendait une fdration de rpubliques autonomes, lEurope nestfdrale que sur le papier. La subsidiarit a t vide de son sens : au lieu de

    partir du bas pour nattribuer au pouvoir central que le strict ncessaire, elle part

    du haut pour ne laisser aux tats-membres que les futilits. Toutes lesrglementations europennes sont centralises, de la Laponie Gibraltar : oninterdit aux lapons la commercialisation de la viande de rne faute de chambresfroides, les dates de la chasse sont les mmes sans tenir compte des diversits desrythmes de vie de la faune.

    42 John Laughland "The Tainted Source: the undemocratic origins of the european idea". - Warner Books - London1997

  • 7/25/2019 L'Union europenne contre le Bien commun

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    LEurope est bureaucratique : ses textes vont jusqu rglementer linclinaisonde la pente des rampes daccs des animaux dans les camions. La bureaucratieeuropenne cre sa langue propre partir dun volapuk apatride et fonde sur lacomplication des textes, et que seuls les bureaucrates sont capables de comprendre,tout comme les mandarins de lancienne Chine taient les seuls pouvoir

    comprendre le droit quils dictaient.

    LEUROPE VA DANS LE SENS DE LHISTOIRE

    LEurope promet des lendemains qui chantent : ils justifient tout, commencer par laujourdhui qui dchante. Les peuples doivent consentir dessacrifices aujourdhui pour construire des lendemains plus beaux.

    LEurope est dans le mouvement de lhistoire : ce mouvement est irrsistible,comme lorsque le monde marchait vers la vrit incontournable du socialisme. Cemouvement est tellement irrsistible quil exonre leurocratie du recours aureferendum et au suffrage universel. Dans la pratique, la construction europnnesassocie au dclin de la vie politique et une progression sans prcdent delabstention aux lections.

    LEurope ne peut faire que plus de la mme chose : mouvement irrsistible,vidence historique, si lEurope ne marche pas cest quil faut faire encore plusdEurope, tout comme les pannes du socialisme rclamaient encore plus desocialisme.

    LEurope combat lhomme et la nature : tout comme dans les autres idologies,lhomme ne peut saccomplir que par le dpassement de soi dans un dterminismehistorique strict qui nie la libert individuelle. Lide europenne est ne dans laculture jansniste de la dmocratie chrtienne, fond sur un pessimisme radicalquant la nature humaine, aux antipodes de lhumanisme de de Gaulle nourri lhumanisme dIgnace de Loyola. Il se fixe pour but de combattre les mauvaisinstincts de lhomme, au premier rang desquels le sentiment national. LEuropedteste par dessus tout les traditions populaires, commencer par les traditionsculinaires donc franaises en premier lieu auxquelles il livre une guerre sansmerci au nom de lhygine et de luniformisation.

    Esprit ferm, dogmatisme, autisme par rapport au rel, lEurope est une nouvelle Babel.Elle connatra la mme fin.