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Jean ChristopheSchwaab

> Le conseiller nationalsocialiste vaudoisappelle le Conseil fédé-ral à inscrire dans la loisuisse le droit à l’oubli.Il réagit à la mise enligne par Google du for-mulaire de droit à l’oubli.

Alors, vous avez gagné?Pas encore. Que Google ait mis sur pied une

procédure non bureaucratique constitue un trèsbon début. Mais il faudra analyser avec quelquesmois de recul comment les demandes de droit àl’oubli seront traitées en pratique. L’arrêt de laCour européenne de justice y met, semble-t-il,des restrictions. Et puis, qui fera la pondérationentre intérêt public et droit à l’oubli? Si c’estGoogle, il aura beau jeu d’opposer une fin de non-recevoir aux particuliers qui revendiquent l’effa-cement de liens les concernant, car beaucouprenonceront à saisir la justice.

Une loi suisse sur le droit à l’oublis’impose-t-elle toujours à vos yeux?

Oui. La Suisse n’est pas membre de l’Union euro-péenne. Juridiquement, elle n’est donc pas sou-mise aux décisions de la Cour européenne dejustice. Par ailleurs, la Commission européennesemble vouloir durcir les règles en matière dedroit à l’oubli, dans le sens d’une meilleure pro-tection de la personnalité. Le pire qui puisse arri-ver, c’est donc que le droit à l’oubli s’appliquedans toute l’Union, mais pas en Suisse… Or il estdans l’intérêt de notre pays de garder une pro-tection des données très stricte, c’est unemarque suisse de qualité à même d’attirer icides entreprises.

Ce droit à l’oubli est-il absolu pour vous?Au vu des dégâts que peuvent causer cer-

taines informations ou images, il est importantque chaque individu conserve sa souveraineténumérique. Et c’est à la justice de déterminer cequi relève de la sphère privée ou de l’intérêtpublic, en privilégiant par principe le droit à l’oubli.Il ne s’agit pas d’interdire l’accès aux archivesnumériques des médias, qui travaillent en prin-cipe en suivant les règles de la déontologie jour-nalistique. Mais aujourd’hui, un tas d’informationsnon vérifiées ou ne relevant pas de l’intérêt publicsont rendues accessibles à beaucoup de mondesur internet. J’ajoute que le droit à l’oubli doitvaloir également pour les informations que l’onmet soi-même en ligne. Etre maître de ses don-nées numériques, c’est pouvoir décider non seule-ment de les publier, mais aussi de les retirer.

PROPOS RECUEILLIS PAR SERGE GUMY

LA LIBERTÉSAMEDI 31 MAI 2014

3LE FAIT DU JOUR

Répondant à une décision de la Cour européenne de justice, le géant américain a lancéun formulaire de droit à l’oubli numérique aux Européens. La Suisse est concernée.

GOOGLE

Le droit à l’oubli s’ouvre sur internet

THIERRY JACOLET ET KESSAVA PACKIRY

C’est une révolution: les Européenssouhaitant se faire «oublier» sur inter-net peuvent désormais le demanderaux services de recherche de Google.Le géant américain a lancé jeudi unservice en ligne dans ce but. Le pre-mier site mondial de recherche sur in-ternet – 90% des requêtes le sont surGoogle en Europe – n’avait pas lechoix: il s’est conformé à une décisionde la Cour européenne de justice,tombée à lami-mai, en faveur du droità l’oubli numérique. Une décision quitouche également la Suisse. «Et quis’adresse à tous les autres moteurs derecherche: il n’y a pas de raison qu’ilsne soient pas logés à la même en-seigne», avance Nicolas Capt, avocatgenevois spécialisé dans le droit desmédias et des nouvelles technologies.

Sur son formulaire en ligne, Goo-gle précise toutefois qu’il y aura desconditions: «Lors de l’évaluation devotre demande, nous vérifierons si lesrésultats comprennent des informa-tions obsolètes vous concernant.»Nous chercherons également à déter-miner si ces informations présententun intérêt public. Par exemple, si ellesconcernent des escroqueries finan-cières, une négligence profession-nelle, des condamnations pénales…»

«Il était temps»«C’est une décision historique.

Une révolution enmarche», insiste Sé-bastien Fanti, avocat valaisan spécia-lisé dans le droit des technologiesavancées, qui affirme que la décision

vaut tant pour les particuliers quepour les personnes morales. «MaisGoogle sera juge et partie: si le moteurde recherche refuse de désindexer oud’effacer un contenu, le privé devra al-ler en justice, ce qui coûte cher.»

Jusqu’ici, il était très difficile d’ob-tenir le retrait d’un contenu sur Goo-gle. «Il fallait très souvent produire unjugement démontrant que le contenuétait illégal. Mais la procédure pouvaitprendre de longsmois. Et dans l’inter-valle, le contenu restait en ligne», ex-plique Nicolas Capt. Il était aussipossible de se tourner vers des entre-prises qui proposent de créer descontenus positifs et qui garantissentun résultat. «Mais c’est très cher,jusqu’à 20000 francs par article. Etcela ne permet pas d’effacer les avisdéplaisants», indique Sébastien Fanti.

Comment va-t-il faire?Pour Nicolas Capt, la grande ques-

tion qui se pose à présent est de savoircomment le géant américain va trierles innombrables demandes qui vontlui parvenir. «Google va probablementrecevoir des dizaines demilliers de re-quêtes. Aura-t-il la capacité de gérerun nombre aussi important de de-mandes? De plus, la décision euro-péenne est assez nuancée: elle consi-dère que s’il y a un intérêt public àconserver l’information en ligne, ledroit à l’oubli ne s’appliquera pas.Mais où placer le curseur? Google lui-même ne le sait probablement paspour l’heure et devra nécessairementcoopérer avec les autorités euro-

péennes aux fins d’établir une pra-tique raisonnable et respectueuse dela liberté d’expression.»

Autre problème que voit Sébas-tien Fanti: le défi qui attend lapresse. «Il peut y avoir une atteinte audroit à l’information. Imaginez queGiroud Vins en Valais demande àGoogle d’effacer tous les articles depresse défavorables…»

Il saute dans la brècheLa Suisse se mettra probablement

au diapason, même si la décisionémane de la Cour de justice de l’Unioneuropéenne et ne concerne dès lorsque les pays de l’Union. «Ce qui estsingulier dans le formulaire de Goo-

gle, c’est que la Suisse figure dans laliste déroulante des pays», constateNicolas Capt. «Je suis surpris: dans lescommuniqués de presse notamment,on parle en effet des seuls citoyens eu-ropéens. Je ne sais pas si c’est une er-reur de la part de Google ou alors si,dans une vision globalisée et proac-tive, l’entreprise considère qu’elle veutappliquer à la Suisse les mêmes règlesqu’elle doit respecter en Europe.»

Sébastien Fanti n’a pas hésité àsauter dans la brèche: hier après midi,il a déposé auprès de Google une dou-ble requête contre un blog et un sited’information suisses pour supprimerun article déplaisant. «Si Google re-fuse, je l’attaque en justice.» I

Google va avoir du pain sur la planche à trier les innombrables demandes qui risquent de lui parvenir. KEYSTONE-A

Des taxis sauvages à CointrinOnze personnesont été interpel-lées pour avoirpratiqué du taxisauvage et ducabotage entrel’aéroport deGenève et lesstations valai-sannes de Ver-bier et deHaute-Nendaz.La police a inter-cepté six véhi-cules immatriculés en Lituanie,en Lettonie et en France. L’en-quête a permis de mettre àjour «une importante» activitéde taxis sauvages et de cabo-tage, soit de transports profes-sionnels de personnes avecdes véhicules immatriculés àl’étranger. L’enquête a étémenée avec la douane. Elle a

permis d’interpeller onze per-sonnes, dont dix Lituaniens etun Grec. Deux véhicules sur lessix interceptés ont été séques-trés puis restitués aprèsdédouanement. Les amendesprononcées se montent à10000 francs, précise la policevalaisanne.

ATS/KEYSTONE

POLICE

Le prince Albert et Charlène attendent un enfantLe prince Albert II de Monaco et son épouseCharlène attendent leur premier enfant. La nais-sance est prévue «à la fin de l’année», a annoncéhier le palais princier dans un communiqué. L’en-fant sera héritier du trône dès sa naissance.La rumeur d’une naissance prochaine courait surle Rocher depuis plusieurs jours, notammentdepuis un «malaise» de la princesse au coursd’une visite d’Etat en France, rapporté par lapresse locale.Peu après l’arrivée du couple princier dans lecomté de Carladès, territoire qui fut jadis moné-gasque, Charlène avait dû s’isoler à cause d’une«fatigue» passagère, avait-on alors indiqué offi-ciellement côté français. Le couple s’était uni enjuillet 2011 au cours d’une fastueuse cérémonie.Depuis ces noces, les Monégasques attendaientavec impatience l’annonce de la naissance pro-chaine d’un héritier pour perpétuer une dynastiedes Grimaldi vieille de 700 ans.L’annonce de la grossesse de Charlène intervientdeux semaines après la présentation en ouver-ture du Festival de Cannes d’un film controversésur Grace de Monaco.

Le souverain monégasque, âgé de 56 ans, areconnu deux enfants hors mariage: un fils qu’il aeu en 2003 avec une ex-hôtesse de l’air françaiseoriginaire du Togo et une fille en 1992 avec uneancienne serveuse américaine. Charlène, elle, a36 ans. ATS/AFP/REU/KEYSTONE

PEOPLE

Paris privatiseles images dela cérémonieDes dizaines de millions detéléspectateurs pourraient êtreprivés d’images en direct descérémonies du 70e anniversairedu Débarquement. La prési-dence française a en effetdécidé d’en faire payer l’accèsaux grandes agences de pressemondiales. Ces dernières sesont dites choquées et conster-nées. Les droits exclusifs deretransmission en direct descérémonies ont été attribués àla chaîne de télévision privéeTF1 et au groupe public FranceTélévisions. Les commémora-tions réuniront le 6 juin en Nor-mandie une vingtaine de chefsd’Etat, dont le président Obamaou la reine d’Angleterre. ATS

DÉBARQUEMENT

TROIS QUESTIONS À...

UNE BALLE DANS LE PIEDLa décision des juges européensest la conclusion d’une affaire quiremonte à 1998, en Espagne: unjournal local publie dans sa versionpapier des annonces concernantune adjudication sur saisie immo-bilière pour recouvrement dedettes, en donnant le nom de lapersonne concernée. Le journal pu-bliera plus tard sur son site onlinel’info. Près de dix ans plus tard, lapersonne estime que la mention deson nom n’a plus lieu d’être, sesproblèmes ayant été réglés depuis.Il dépose une réclamation auprèsde l’Agence espagnole de protec-

tion des données visant Google.Mais Google refuse d’ôter le nom.Pour Sébastien Fanti, le géant s’esttiré une balle dans le pied. «Ce quiest fou c’est que les avocats deGoogle ont provoqué cet arrêt de laCour de justice de l’UE qui les des-sert. Leur service juridique estpourtant basé à Londres et connaîtle droit européen. C’était risquéd’attaquer une décision qui ne leurétait pas si défavorable. Il faut direqu’ils ne s’attendaient pas du toutà cette conclusion de la Cour dejustice, car l’avocat général avaitsoutenu leur position.» TJ/KP

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