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Les politiques familiales des pays nordiqueset leurs ajustements aux changements

socio-économiques des annéesquatre-vingt-dix

Marie-Thérèse Letablier*

Les politiques familiales des pays nordiques relèvent d’une même approchequi est d’être des politiques sociales d’aide aux familles et non des politi-ques de la famille. Cela signifie, en premier lieu, que les politiques familia-les se veulent neutres quant aux formes de vie privée. Elles ne se donnentpas pour objectif de protéger une conception de la famille mais plutôtd’aider les familles dans le respect de leur pluralité et de leurs modes de vie.Les politiques familiales du Danemark, de la Finlande et de la Suède sontréputées pour leur générosité et la qualité de leurs prestations. Le soutienque les pouvoirs publics apportent aux familles est à la fois financier et sousforme de services. Non seulement les prestations familiales visent à allégerle coût des enfants pour les parents, mais elles visent aussi à faciliter la viequotidienne des parents en prenant en charge une part de la responsabilitévis-à-vis de la garde des enfants. Les pays nordiques ont pu être qualifiés de« caring states » (Leira, 1992 et 1996) au sens où l’État prend en charge unepart de responsabilité vis-à-vis des enfants et des personnes dépendantes,adultes ou âgées. Le « care » y est conçu comme un droit à recevoir aide etsoins en tant que droit de citoyenneté sociale. La garantie de ce droitrecouvre non seulement une dimension financière mais aussi la garantied’une grande qualité de services. Cette garantie est coûteuse pour les Étatsqui, de la sorte, ont déchargé en grande partie la famille de ces tâches, per-mettant aux femmes de s’investir dans la vie professionnelle. Le fait quel’accès aux droits sociaux soit individualisé ne leur laisse pas de choix :seule une activité professionnelle procure des droits sociaux. L’interven-tion de l’État dans ce domaine jouit d’une forte légitimité qui dure depuislongtemps et qui ne semble pas remise en question en dépit des difficultéséconomiques rencontrées au cours de la dernière décennie dans la plupartdes pays scandinaves. Elle s’inscrit dans une philosophie du bien-être quiaccorde une grande place à la qualité de la vie quotidienne et à l’exercice dela citoyenneté. Elle cherche à promouvoir les principes de solidarité par destransferts sociaux, et d’égalité, notamment d’égalité entre hommes et fem-mes par un soutien accru à la conciliation de la vie professionnelle et de lavie familiale. Pour caractériser les traits communs au modèle nordique de

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* Sociologue, chercheur CNRS/Centre d’études de l’emploi.

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politique familiale, nous ferons une incursion dans l’histoire pour en évo-quer les inspirateurs, les époux Myrdal 1, et la trajectoire de leurs idées Puisnous examinerons successivement les trois grands piliers des politiquesd’aide aux enfants et aux familles que sont les prestations familiales, lescongés parentaux et les services d’accueil des enfants, le financement de lapolitique d’aide aux familles, ainsi que les évolutions récentes de ces politi-ques familiales.

� Les fondements du modèle nordique

Le concept de politique familiale doit beaucoup aux écrits d’Alva et Gun-nar Myrdal au début des années trente (A. et G. Myrdal, 1935) et aux écritsultérieurs d’Alva Myrdal (notamment 1941 et 1955). Dans l’ouvrage publiéen 1935, les Myrdal cherchaient des solutions à la crise démographique queconnaissait la Suède à cette époque. L’idée d’une politique de la famillereste donc associée à la question de la natalité. L’ouvrage publié en 1941par Alva Myrdal exposait les principes d’une politique de la population etde la famille. Ces ouvrages traitaient de la Suède qui était alors un paysd’avant-garde en matière de politique sociale. C’est en Suède que les prin-cipes de l’action politique en faveur des familles et des enfants ont été poséset c’est vers la Suède que les regards se sont tournés lorsque les États provi-dence se sont mis en place dans les pays proches. Les politiques familialesse sont développées en Suède dans les années soixante au moment où lesfemmes se sont portées massivement sur le marché du travail dans uncontexte de pénurie générale de main-d’œuvre. L’engagement des femmeset notamment des femmes mariées et des mères dans l’activité profession-nelle a entraîné des bouleversements profonds de la société. Il a remis enquestion la division traditionnelle des rôles au sein de la famille et de lasociété et a donné lieu à de nombreux et vifs débats publics. Les ménagesactifs sont devenus de plus en plus fréquents dans un contexte économiquemarqué par une croissance soutenue et une insuffisance de l’offre de travail.La politique familiale a été très tôt associée à la politique d’emploi.

La volonté politique de faire de la famille à deux revenus la norme a étéclairement exprimée en 1969 par le Comité sur les questions d’égalité,composé de la Confédération suédoise des syndicats et du Partisocial-démocrate. Ce comité défendait l’idée que la famille à deux revenusest un rempart efficace contre la pauvreté des familles et des enfants, et le

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1 Gunnar Myrdal a reçu le prix Nobel d’économie, en 1974, après une longue carrière univer-sitaire et politique en Suède et aux Nations unies. Alva Myrdal a reçu le prix Nobel de la paixen 1982. Elle a occupé plusieurs portefeuilles ministériels en Suède et des fonctions importan-tes aux Nations unies. Après 1945, elle s’est consacrée aux questions de désarment ainsiqu’aux problèmes du tiers-monde, sans pour autant abandonner ses engagements politiques enSuède.

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meilleur moyen de progresser vers une individualisation totale des droitssociaux à même de garantir l’égalité entre hommes et femmes. Une coali-tion formée du Parti social-démocrate, de la puissante centrale syndicaleLO et du Mouvement des femmes à la fin des années soixante a porté le pro-jet de moderniser la famille selon les recommandations du rapport d’AlvaMyrdal pour le Parti social-démocrate (Myrdal, 1971). Ce rapport stipulaitque l’indépendance économique des personnes mariées doit être un objectifmajeur pour les politiques familiales et que cette indépendance est unecondition première pour que l’égalité entre hommes et femmes se réalise.Ce fil conducteur devait servir de base à une révision du droit et de la légis-lation et, notamment, à une révision des règles concernant les obligationsfamiliales et le devoir d’entretien entre conjoints, aussi bien pendant lemariage qu’après sa dissolution. Le rapport précise aussi que la sécurité desindividus ne peut être assurée que par le revenu de leur propre travail, d’unepart, et par un système de protection sociale moderne, d’autre part (Myrdal,1971, op. cit.). En 1972, lors du congrès du Parti social-démocrate, le Pre-mier ministre Olof Palme reprenait ces idées et affirmait que l’égalité entreles sexes passe par le marché du travail et que le droit à l’emploi des fem-mes doit être soutenu.

Les politiques familiales dans les pays nordiques se sont construites plus oumoins sur ce projet politique inspiré des thèses des époux Myrdal qui ont euune influence très grande sur le développement des politiques familialesdans les pays scandinaves et hors des pays scandinaves, en France notam-ment (Boudet, 1954). Elles ont orienté l’action publique vis-à-vis desenfants et des familles dans trois grandes directions : la modernisation desrapports au sein de la famille, la mise au travail des femmes comme garantiede leur émancipation et la socialisation précoce des enfants. Solidarité, éga-lité et citoyenneté sont les grands principes qui fondent la société debien-être que les États providence doivent contribuer à ériger.

L’éducation et la socialisation des enfantsou la formation des futurs citoyens

À l’origine dans les années trente, il s’agissait de mettre en place des réfor-mes visant à limiter la crise démographique par une refondation de l’institu-tion familiale. L’extension de la sécurité sociale était le moyen préconisépar les socio-démocrates pour donner de nouvelles bases à cette institution.Sécuriser la famille et éliminer les obstacles à la procréation désirée enétaient les deux grands axes. L’octroi d’allocations pour les enfants étaitconçu comme le moyen d’égaliser les coûts des enfants pour les familles.Ces allocations sont complétées par des prestations en nature telles que nur-series, services de garde, livres gratuits, cantines, loisirs, etc.

Depuis près de trente ans, l’accueil des enfants est un secteur prioritairedans les pays nordiques et notamment en Suède où les réformes dans ce

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domaine ont trouvé un large appui au Parlement. Ce consensus politique apermis de mettre en œuvre la politique dont les grandes orientations avaientété définies dans les premières années soixante-dix. L’objectif était d’assu-rer aux enfants un accueil de bonne qualité couvrant pleinement les besoins,placé pour l’essentiel sous l’égide des communes et financé par l’impôt.Les principes moteurs étaient autant le souci du bien-être de la jeune géné-ration que l’aspiration à l’égalité entre femmes et hommes. La question dela garde des enfants a été débattue autour de deux idées force : d’une part,les charges parentales ne doivent pas handicaper l’engagement profession-nel des parents, mères et pères, d’autre part, les modes d’accueil doiventpréserver le bien-être des enfants et l’égalité face à l’éducation (Daune-Richard, 1999). Les services d’accueil des enfants reposent sur uneapproche globale du développement et de l’apprentissage dans laquelle lessoins, la garde, l’éducation et l’acquisition des savoirs forment un tout. Laqualité des soins est vue comme une condition nécessaire à l’épanouisse-ment des enfants. Le souci de leur bien-être a une dimension pédagogique(Borschort, 1993). Il s’appuie sur l’idée que la socialisation précoce desenfants passe par des processus collectifs. Par conséquent, le groupe joueun rôle pédagogique dans l’accueil de l’enfance et l’action pédagogiqueprend en compte l’enfant individuel aussi bien que le groupe. Il s’appuieaussi sur une large coopération avec les parents qui ont la possibilité de par-ticiper et d’exercer leur influence par le biais d’entretiens ou de réunions.L’éducation et la diffusion de principes éducatifs dès le plus jeune âgeapparaissent comme un pilier essentiel de la politique familiale (Jönsson etLetablier, 2003).

L’émancipation des femmes et l’égalité entre les sexes

L’égalité entre les hommes et les femmes constitue l’autre grand principed’action publique dans les pays scandinaves. L’égalité passe, en premierlieu, par l’engagement professionnel des femmes, et notamment des fem-mes mariées, gage de leur indépendance économique et de leur citoyennetésociale par l’accès à des droits propres. Dès la fin des années soixante, legouvernement suédois a pris des mesures pour promouvoir la famille àdeux revenus. Des aides, en nature et en espèces, ont été apportées auxparents pour faire garder leurs enfants afin que les mères continuent à tra-vailler de façon continue pendant leur vie adulte sans renoncer à leuremploi après la naissance des enfants. Non seulement la Suède, mais tousles autres pays nordiques ont fondé leur système de protection sociale surl’individu et non sur la famille (Hantrais et Letablier, 1996). L’une desmesures les plus marquantes de ce point de vue a sans doute été l’imposi-tion séparée des couples, facultative dès 1968 puis obligatoire en 1971 enSuède. En raison du taux d’imposition fortement progressif, il devenait plusintéressant pour un couple que la femme travaille plutôt que l’homme aug-mente son nombre d’heures de travail. Le système est tel que l’avantage

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optimum est obtenu lorsque les deux membres du couple apportent lamême somme au revenu familial. Par ailleurs, lors de leur mise en placedans tous les pays scandinaves, les politiques familiales se voulaient lesplus neutres possible quant aux formes de vie privée.

La question de l’égalité entre les hommes et femmes a été largementdébattue dans les pays nordiques. En Suède notamment, les mouvementsféministes présents dans les partis politiques traditionnels ont œuvré pourmettre cette question au centre des débats au moment où les politiquesfamiliales se sont construites. Si les socio-démocrates ont porté la revendi-cation de l’égalité entre les sexes, cette question a fait l’objet d’un largeconsensus dans tous les partis politiques. Non seulement les femmes ontparticipé aux débats publics sur cette question mais elles ont aussi intégréles lieux de décision politique à tous les niveaux ainsi que les instances dedécision des syndicats et des organisations professionnelles. Cette partici-pation à la vie publique et politique leur a permis de peser sur l’orientationdes politiques (Berqvist et Jungar, 2000).

Déjà dans les années trente alors que le modèle de la mère au foyer étaitdominant, les Myrdal défendaient l’idée que pour accroître la natalité, ilconvenait d’améliorer le niveau de vie des familles en même temps que lacondition des femmes. Constatant que les femmes qui travaillaient semariaient moins souvent et avaient moins d’enfants que les autres, ils con-cluaient à la nécessité de réformes permettant aux femmes de concilier tra-vail et famille. Les difficultés démographiques rencontrées par la Suèdedans les années trente ont été un levier pour la reconnaissance politique desfemmes et pour leur légitimité en tant que citoyennes, travailleuses etmères. Cette situation a sans aucun doute contribué à donner à la familleune place centrale dans les sociétés scandinaves, comme levier démogra-phique et économique et comme valeur centrale de la société. C’est dans cecontexte que les femmes se sont trouvées investies d’une forte responsabi-lité en tant que mères, consommatrices de services comme l’exige unesociété moderne, et en tant que productrices de biens et de services (Lalle-ment, 2002). L’ouvrage publié en anglais avec la sociologue britanniqueViola Klein (Myrdal et Klein, 1956) marque un changement radical deperspective par rapport à l’idéologie de la femme au foyer qui régnait àl’époque. Les auteurs défendent l’idée que le rôle des femmes dans lasociété passe à la fois par la maternité et par l’engagement professionnel, etque la collectivité doit les aider pour qu’elles n’aient pas à faire un choix.Ce livre a inspiré non seulement le Mouvement de femmes mais aussi lespartis socio-démocrates qui en ont fait leur référence. L’ouvrage a eu unécho bien au-delà de la Suède (Clarke, 2002 ; Hirdman, 1994). Il reformu-lait le dilemme des femmes entre travail et famille et l’inscrivait dans uneconception moderne de la famille et de la société où hommes et femmescontribuent aux ressources du ménage, ont peu d’enfants mais des enfantsdésirés, et où les responsabilités domestiques et parentales sont partagées.

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La question de la famille, de l’Étatet de la reproduction

Dans leur ouvrage Crisis in the population question (1935), Alava et Gun-nar Myrdal renversaient l’approche traditionnelle selon laquelle travail etfamille sont deux engagements antagoniques pour les femmes 1. Ils plai-daient en faveur d’une citoyenneté totale, civile et sociale pour les femmes,fondée sur le droit à la maternité pour les travailleuses plutôt que sur le droità l’emploi des mères. Ce renversement des termes du débat est essentielpour comprendre les principes sur lesquels sont fondés les politiques d’aideaux familles et aux enfants dans les pays nordiques. Dès la fin des annéestrente, la Suède prenait des mesures pour promouvoir le travail des femmesdans de meilleures conditions : gratuité des soins de maternité, congé dematernité rémunéré (1937-1938), etc.

Alors que la préoccupation des Myrdal était au départ d’augmenter la nata-lité, ce qu’ils prônaient était la maternité volontaire. En défendant la diffu-sion des méthodes contraceptives afin de donner plus de liberté aux femmeset promouvoir l’enfant « désiré », ils étaient l’emblème de la modernité :des mères modernes dans une société moderne. La question de la féconditéet de son traitement par les politiques est une question récurrente, surtout enSuède, mais à la différence de la France elle n’a pas été dissociée de la ques-tion de l’égalité entre les sexes et n’est pas antagonique avec l’activité pro-fessionnelle des femmes 2 (Le Bouteillec, 2002). Au contraire, laresponsabilité démographique des femmes est associée à leur statut poli-tique et économique. Et c’est aux pouvoirs publics de créer les conditionsfavorables à la natalité, qui passent par un soutien économique au revenudes familles avec enfants ainsi que par un soutien à l’exercice de la fonctionparentale. Celle-ci est depuis longtemps valorisée dans les politiques,notamment par un ensemble de congés familiaux permettant aux parentsd’accomplir leur rôle tout en étant investis dans leur emploi. La disponibi-lité des parents est une valeur importante reconnue par la société commeune condition de l’épanouissement des enfants.

Dans les pays nordiques, les deux mondes du travail et de la famille ne sontplus vécus comme deux mondes inconciliables, mais au contraire commedeux faces des modes de vie des individus (Bjornberg, 1992). Cependant, sila Suède a fait figure d’avant-garde de la modernité, tous les pays nordiquesn’ont pas connu la même évolution.

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1 Ils avançaient le slogan : « le droit des femmes actives aux enfants et au mariage ». Ce slogana eu un effet stimulant sur le Mouvement des femmes et sur le Parlement.2 La mise en place de la politique familiale de la Finlande est aussi, à l’origine, associée à unepolitique de population en réponse à la crise démographique d’avant-guerre, mais à la diffé-rence de la Suède, elle a été construite sous l’égide d’un organisme privé composé de partenai-res professionnels et sociaux.

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� L’aide aux familles et aux enfantsdans les pays nordiques

En 1999, les dépenses consacrées à la famille et aux enfants représentaient13 % de l’ensemble des dépenses sociales au Danemark, 12,8 % en Fin-lande, et 10,5 % en Suède (Eurostat, 2001). Le tableau 1 montre que la partdes dépenses sociales consacrées à la famille et aux enfants est plus élevéedans les pays nordiques que dans les autres pays européens à l’exception duLuxembourg et de l’Irlande. Elle ne représente cependant qu’une faible partdes dépenses sociales en comparaison de celles qui sont consacrées à lasanté ou aux personnes âgées ou handicapées.

Tableau 1 : Part des dépenses consacrées à la famille et aux enfantsdans l’ensemble des dépenses sociales des pays de l’UE, de l’Islandeet la Norvège, 1999 (%)

DanemarkFinlandeIslande

Norvège

Suède

13,012,8

12,1

13,2

10,5

AutricheBelgique

France

Allemagne

Grèce

Irlande

10,39,1

9,8

10,5

7,6

13,0

ItalieLuxembourg

Pays-Bas

Portugal

Espagne

Royaume-Uni

3,715,5

4,3

5,2

2,1

8,8

Source : Eurostat, 2001.

Ces dépenses sont réparties entre les trois grandes composantes de la poli-tique d’aide aux familles : les allocations familiales et le soutien au revenudes familles, les congés parentaux et leur rémunération, et les servicesd’accueil des enfants. Le soutien économique direct constitue l’élément cen-tral des politiques familiales des pays nordiques où le soutien par des mesuresfiscales est inexistant. Les objectifs de ce soutien peuvent varier, mais ilsemble que ceux du système suédois représentent la tendance générale :– mettre au même niveau les conditions de vie des femmes avec enfants etcelles des familles sans enfants ;– donner aux personnes la possibilité économique d’avoir les enfantsqu’elles souhaitent ;– dans la mesure du possible, fournir un soutien égal à tous à l’intérieur decapacités économiques limitées ;– fournir un soutien particulier aux familles vulnérables.

Les pays nordiques présentent certaines caractéristiques démographiquesspécifiques par rapport aux autres pays de l’Europe de l’Ouest. La famille yest fortement désinstitutionnalisée : les taux de mariage y sont les plus fai-bles en Europe et les taux de divorce les plus élevés ; les recompositionsfamiliales sont fréquentes et les naissances hors mariage nombreuses 1. La

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1 Les naissances hors mariage représentent plus de la moitié des naissances en Suède, et plusd’un tiers des naissances au Danemark et en Finlande.

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formation de la famille y est plus tardive que dans les autres pays euro-péens. Toutefois, le niveau de la fécondité s’y maintient plutôt mieuxqu’ailleurs (Tsuya, 2002). En revanche, l’âge d’émancipation des jeunes yest plus précoce que dans les pays de l’Europe continentale ou de l’Europedu Sud 1, ce qui contribue à limiter la taille des familles et surtout la cohabi-tation de plusieurs générations. L’âge d’entrée dans la vie active y est aussiplus précoce qu’ailleurs en raison des formules travail/études. Enfin, lestaux d’activité professionnelle des femmes y sont les plus élevés en Europe,bien au-dessus de la moyenne européenne. La présence d’enfants influe peusur le niveau de l’activité ; en revanche elle agit sur le niveau de travail àtemps partiel qui est plutôt élevé sauf en Finlande. Cependant, les durées detemps partiel sont longues en comparaison des autres pays de l’Union euro-péenne. Et les raisons données au travail à temps partiel varient sensible-ment d’un pays à l’autre : si plus d’une femme sur deux, au Danemark et enSuède, déclarent qu’elles ont choisi cette forme d’emploi, ce n’est le casque pour moins de 20 % des femmes en Finlande où le taux de chômage estaussi le plus élevé.

Le nombre élevé de familles monoparentales résultant de la séparation descouples (cf. tableau 2) et le niveau élevé de participation des mères au marchédu travail (cf. tableau 3) influent sur la répartition des dépenses de politiquefamiliale. Les transferts publics représentent une part plus grande du revenudisponible des familles monoparentales que des familles biparentales ou desfamilles sans enfants (Abrahamson, 1999). En effet, les revenus sociaux con-tribuent à environ 40 % du revenu des familles monoparentales dans les paysnordiques comparés à un peu plus de 20 % en France (Chambaz, 2000). Deplus, le taux élevé de participation des femmes au marché du travail induitune augmentation des besoins en matière de garde des enfants.

Tableau 2 : Structure des familles avec enfants (0-17 ans), 2000

Danemark Finlande Suède

Nombre de familles avec enfantsde 0-17 ans (1 000) 653 613 1 142Pourcentage de couples mariés 64 65 79Pourcentage de couples cohabitants 18 16 -Pourcentage de parents élevant seulsleurs enfants 18 19 21Total 100 100 100

Source : d’après Nososco, 2002.

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1 Moins de 25 % des jeunes de 16 à 30 ans vivent dans leur famille au Danemark et en Finlandecontre 65 % en Italie.

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Tableau 3 : Situation des femmes au regard de l’emploi (15-64 anset 25-49 ans), 2000 (%)

Tauxd’emploi

Tauxde chômage

Tauxd’inactivité

Taux de tempspartiel

25-49ans

15-64ans

25-49ans

15-64ans

25-49ans

15-64ans

25-4ans

15-64ans

Danemark 80,9 72,1 4,3 3,8 14,8 24,1 28,7 34,9Finlande 77,1 65,2 7,9 8,9 14,9 25,9 11,5 16,7Suède 80,3 69,7 4,3 3,7 15,4 26,6 34,3 35,7EU 15 67,2 53,8 6,8 5,9 26,0 40,2 32,7 33,4France 70,3 54,8 9,5 7,7 20,3 37,5 30,6 31,0

Source : Eurostat, 2001.

Les prestations familiales recouvrent à la fois des prestations monétaires etdes services. Les prestations monétaires sont de trois types : les allocationsfamiliales ou allocations pour enfants (« child benefits »), la rémunérationdes congés de maternité et des congés parentaux (que l’on désigne en Suèdesous le terme « d’assurance parentale »), et les allocations versées auxparents pour la garde de leurs enfants.

Les allocations familiales

Les allocations familiales sont payées à tous les enfants quel que soit lerevenu des parents. Elles servent à l’entretien des enfants, sont non imposa-bles et sont versées à la mère. Elles sont allouées jusqu’à l’âge de 18 ans del’enfant au Danemark, 17 ans en Finlande, 16 ans en Suède (20 ans sil’enfant est étudiant). Leurs règles d’attribution varient légèrement selonles pays (cf. tableau 4).

Tableau 4 : Règles d’attribution des allocations familiales, 2000

Danemark Finlande Suède

Conditions de ressources Non Non NonSoumission à l’impôt Non Non NonVariation avec l’âge des enfants Oui Non NonSupplément par enfant complémentaire Non Oui OuiComplément pour les familles monoparentales Oui Oui Non

Source : d’après Nososco, 2002.

Le dispositif danois peut être décrit comme mettant l’accent sur l’équitéhorizontale. Cela signifie que les familles avec enfants bénéficient toutesdu même soutien : plutôt que le revenu des parents, c’est le critère « pré-sence d’enfants » qui importe lorsqu’il s’agit d’octroyer des prestations.Les allocations ne sont pas soumises à conditions de ressources, en

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revanche, le montant des allocations décroît avec l’âge de l’enfant. Ellessont plus élevées pour les enfants de moins de 2 ans que pour les enfantsâgés de 3 à 6 ans qui eux-mêmes reçoivent des allocations plus élevées queles enfants de plus de 6 ans. Par ailleurs, des allocations spécifiques sontattribuées aux enfants dont l’un des parents est décédé ou bien lorsque lapaternité n’est pas établie.

Le dispositif suédois est de type forfaitaire et ne tient pas compte de l’âgedes enfants dans le calcul des allocations. En Suède, les allocations familia-les (Barnbidraget) sont allouées à tout enfant de moins de 16 ans résidanten Suède depuis au moins six mois. Les allocations ne sont pas indexées surle coût de la vie. Leur montant est fixé par le Parlement et aucune périodi-cité n’est fixée a priori pour leur réévaluation. Hormis des amendementsportant sur le montant, leur structure était restée inchangée depuis 1948lorsqu’en 1982 fut créée une allocation complémentaire destinée aux famil-les de plus de trois enfants. Les deux premiers enfants recevaient unesomme forfaitaire (l’allocation de base) et le troisième et les suivants rece-vaient 150 % de ce montant. Ces taux ont été réajustés à de nombreusesreprises : en 1983, les naissances de rang 4 et plus ont reçu 200 % du mon-tant de l’allocation de base ; ce barème est passé à 260 % en 1988, puis à290 % en 1989-1990 avant de redescendre à 250 % en 1991 et finalementêtre supprimé en 1996 dans un souci de limitation des dépenses publiques.Cette mesure de soutien aux familles nombreuses avait une tonalité nata-liste même si l’objectif n’était pas formulé explicitement. Elle modifiaitaussi la logique des allocations familiales fondée sur l’égalité de traitementde tous les enfants. Les allocations familiales représentent 38 % du total desdépenses d’aide aux familles en Suède et en constituent le premier postebudgétaire, suivi par l’assurance parentale qui absorbe 32 % des dépenses.

Dans tous les pays, à l’exception de la Suède, un complément est versé auxparents qui élèvent seuls leurs enfants, en sorte que les enfants vivant dansdes familles monoparentales reçoivent des allocations plus élevées que lesautres enfants. Toutefois, depuis 2000, le supplément versé aux famillesmonoparentales a été réduit au Danemark, tandis que l’allocation d’entre-tien due par le parent non gardien a été augmentée en proportion. L’avancesur pension alimentaire fait partie du soutien aux familles les plus nécessi-teuses. Tous les pays prévoient le versement de cette avance par les collecti-vités locales lorsque la pension alimentaire n’est pas réglée.

Dans tous les pays nordiques, les allocations familiales restent l’un despivots du soutien économique de l’État aux familles et aux enfants.

Les congés parentaux

Dans les pays scandinaves, le principe des congés parentaux était énoncédéjà avant la seconde guerre mondiale, mais ils se sont vraiment développésdans les années soixante-dix en tant que congés destinés aux parents actifs

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et avec un taux élevé de salaire de remplacement. Depuis le milieu desannées quatre-vingt-dix, la prise d’une partie de ce congé par les pères estdevenue obligatoire dans tous les pays à l’exception de la Finlande. Cescongés se caractérisent par leur longue durée, le niveau élevé du revenu desubstitution, la flexibilité de leur usage et par les mesures d’incitation endirection des pères (Moss et Deven, 1999).

Ces pays ont connu une période d’expansion sensible des congés parentauxentre le milieu des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt-dix. Peu de modifications ont été apportées depuis cette date. La durée ducongé parental est relativement longue en comparaison de ce qui existedans les autres pays européens (cf. tableau 5). En 2000, c’est en Suède quela durée du congé parental est la plus longue (60 semaines) suivie de la Fin-lande (44 semaines) et du Danemark (30 semaines).

La rémunération des congés de maternité et des congés parentaux constituele deuxième poste des prestations monétaires à destination des familles.Tous les pays versent des indemnités journalières en compensation de laperte de salaire pendant le congé de maternité ou le congé parental 1. Lemontant des indemnités est fonction du salaire antérieur. Au Danemark eten Finlande, les salariés du secteur public et de certaines branches du sec-teur privé perçoivent l’intégralité de leur salaire durant les premiers moisqui suivent la naissance. Seules les femmes peuvent percevoir les indemni-tés prénatales alors que les indemnités postnatales peuvent aussi êtreallouées au père mais selon des modalités variables selon les pays. AuDanemark, les personnes sans lien avec le marché du travail (ni salariées, nitravailleurs indépendants ou chômeurs) ne peuvent prétendre à ces indem-nités journalières alors que dans les deux autres pays, des allocations d’unniveau très faible leur sont allouées.

Dans les trois pays, les pères ont droit à un congé de paternité rémunéré àprendre immédiatement après la naissance. Les Suédois proposent uncongé de paternité (dix jours rémunérés à 80 % du salaire) qui doit être prisdans les soixante jours qui suivent la naissance. Cette mesure appelée les« jours des papas » est très populaire : en 1999, 73 % des pères avaientdemandé ce congé. En Finlande, les pères peuvent prendre un congé depaternité de six à douze jours à tout moment durant la période du congé dematernité. Ils peuvent disposer de six jours supplémentaires à prendre aumoment de leur choix pendant le congé de maternité ou le congé parental.Ces jours peuvent être pris un par un, ceci pour en faciliter le prise par lespères.

Le taux de rémunération du congé parental varie d’un pays à l’autre, maisdans tous les cas il correspond à un salaire de remplacement et non à une

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1 La frontière entre congé de maternité et congé parental n’est pas toujours bien établie. EnSuède par exemple, on ne parle plus de congé de maternité depuis 1974 mais de congé parental,une formulation qui est remise en question actuellement par les instances européennes.

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allocation forfaitaire. En 2000, le congé parental était rémunéré à 100 % dusalaire antérieur au Danemark, à 80 % en Suède mais avec un plafond et à70 % en moyenne en Finlande où il n’y a pas de plafond mais la compensa-tion est plus limitée pour les tranches supérieures de salaires (40 % et 25 %)(Salmi et Lammi-Taskula, 1999).

Tableau 5 : Règles relatives à la rémunération du congé parental, 2000

Danemark Finlande Suède

ACTIFS :Nombre maximun de semaines avec indemnitésjournalières 30 44 Appro. 64Allocations prénatales (en semaines) * 4* 5-8 Appro. 9Prestations liées à la naissance d’un enfant(en semaines) :– réservées à la mère– réservées au père– l’un ou l’autre parent

182

10

18-

26

44

Appro. 56Suppléments (pour le père et la mère) 2 3 2NON ACTIFS :Nombre maximum de semaines avec prestationsnaissance - 44 Appro. 64

* La période peut être prolongée en cas de grossesse difficile ou dans le cas de conditions de travailpénibles. Dans le secteur public et certaines branches du privé, les salariés ont droit à un congé rémunéréde huit semaines avant la naissance par convention collective.

Source : d’après Nososco, 2002.

Les congés parentaux restent très largement pris par les mères même si lenombre de pères prenant un congé ou une partie du congé parental est enaugmentation dans tous les pays. Le nombre d’hommes qui prennent uncongé parental varie d’un pays à l’autre (cf. tableau 6). En 2000, un peumoins de 14 % des pères avaient pris un congé ou une partie du congé enSuède contre seulement 4,1 % en Finlande et 5,5 % au Danemark 1. Cesvariations reflètent en partie les différences dans le taux de compensationdu salaire. Au Danemark, le droit des pères à un congé rémunéré a été aug-menté de deux semaines en 1998. En Finlande, les conditions de prise ducongé parental ont été assouplies : il peut être fractionné en plusieurs pério-des en accord avec l’employeur. La règle est que les deux parents ne peu-vent pas prendre le congé en même temps, sauf pendant le congé dematernité.

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1 La durée du congé pris par les pères est bien inférieure à celle du congé pris par les mères : en1999, les pères ont pris en moyenne 2,2 semaines, c’est-à-dire un peu moins de 4 % par rapportà leur droit, alors que les mères ont pris en moyenne 44,8 semaines (congé de maternité inclus).

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Tableau 6 : Proportion de pères qui ont pris un congé parental rémunéré(en %)

Danemark Finlande Suède

1990 4,1 2,4 8,81995 4,4 3,6 10,31999 5,4 4,0 12,82000 5,5 4,1 13,7

Source : d’après Nososco, 2002.

La situation de la Suède diffère de celle des autres pays en raison de la lon-gueur du congé parental et de sa rémunération. L’assurance parentalecouvre le droit au congé parental ainsi que la garantie de retour à l’emploi etle droit à une compensation financière pour la perte de revenu pendantl’interruption d’activité professionnelle de l’un des parents. L’assuranceparentale a été créée en Suède en 1974, plus de vingt ans avant la directiveeuropéenne, dans un contexte favorable à la mise en place d’un tel disposi-tif : la conjoncture économique était favorable et l’égalité entre les sexesétait sur l’agenda social et politique. Le système de l’assurance parentales’est substitué au congé de maternité qui ne concernait que les femmes. Ladurée du congé parental était de six mois lorsqu’il a été créé et a été progres-sivement allongé jusqu’à sa durée actuelle, 390 jours rémunérés à 80 % dusalaire antérieur auxquels s’ajoutent quatre-vingt-dix jours rémunérés sousforme d’allocation forfaitaire. Le congé parental est ouvert aux deuxparents dès le premier enfant, la mère conservant cependant son droit à uncongé rémunéré de soixante jours avant la naissance et vingt-neuf joursaprès (mesure relevant de la protection de la santé). L’assurance est depuislors inscrite dans la loi sur l’assurance publique comme l’un des droits fon-damentaux de tous les citoyens. Cette assurance est universelle au sens oùelle couvre tous les parents domiciliés en Suède. Le seul critère d’éligibilitéest d’être parent d’un nouveau-né. Le système est placé sous l’égide durégime national d’assurance maladie. Il comporte deux types de presta-tions : les indemnités journalières en remplacement du salaire et les presta-tions parentales temporaires.

Les indemnités journalières sont versées au père ou à la mère pendant unedurée totale de 450 jours, soit 15 mois. La caractéristique première ducongé parental suédois est sa grande flexibilité :– les jours de congé parentaux peuvent être pris à n’importe quel momententre la naissance et le huitième anniversaire de l’enfant. Dans la pratique,la plupart des couples épuisent leur capital de jours de congés avant ledeuxième anniversaire de l’enfant ;– souvent, les parents combinent cet avantage avec une réduction du tempsde travail journalier ou hebdomadaire, ce qui explique le taux élevé de tra-vail à temps partiel. Dans ce cas, l’indemnité d’assurance s’adapte enconséquence et s’ajoute au salaire versé par l’employeur. Le nombre total

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de jours est alors augmenté en proportion (dans le cas d’un mi-temps, ladurée du congé est doublée) ;– les parents peuvent également alterner des périodes de congé et de tra-vail, dans la limite de trois périodes de congé par an, ou plus avec l’accordde l’employeur ;– enfin, la loi sur le congé parental donne aux parents les moyens de resterauprès de leur enfant durant les dix-huit premiers mois de sa vie. Ils ont alorsl’opportunité d’alterner période de congé payé par l’assurance parentale etcongé sans solde afin d’utiliser ultérieurement les jours de congé parental(stockage). Le nombre total de jours d’absence est plafonné à 990 jours ;– depuis 1995, les pouvoirs publics ont instauré le « mois du père » :lorsque les parents ont la garde conjointe de l’enfant, trente jours sontexclusivement réservés au père et trente jours à la mère. Les 390 jours res-tant peuvent être pris indifféremment par l’un ou l’autre parent.

La rémunération du congé parental est fonction de l’activité professionnelleantérieure : pour prétendre à une indemnité proportionnelle au salaire anté-rieur, il faut avoir travaillé au moins 240 jours avant la naissance de l’enfantauquel cas, le parent en congé perçoit une indemnité journalière équiva-lente à 80 % de son salaire antérieur pendant 390 jours (13 mois) ; les90 jours restant étant indemnisés forfaitairement (60 couronnes par jour,soit environ 7 euros). Ce forfait journalier de 60 couronnes est alloué auxpersonnes inactives pendant toute la durée du congé.

Depuis 1980, une « prime de rapidité » (speed premium) a été introduitepour compenser la perte de revenu en cas de naissances rapprochées. Celarevient à accorder au père ou à la mère, une indemnité identique à la pre-mière et à la seconde naissance si le deuxième enfant naît au maximum30 mois après le premier (donc calée sur le salaire antérieur au premier).Cette indemnité qui a été revue à plusieurs reprises depuis sa créationsemble avoir eu un impact sur la remontée de la natalité dans les annéesquatre-vingt.

Outre les congés parentaux, les parents ont droit à des congés temporairespour garder leur enfant lorsqu’il est malade ou bien pour l’accompagnerlors de son entrée à l’école ou à la garderie.

L’accueil des enfants

Les services d’accueil pour les enfants sont l’un des grands piliers de lapolitique d’aide aux familles et aux enfants dans les pays nordiques. Cesservices sont essentiellement publics, offerts par les municipalités. Leurextension a commencé dans les années soixante-dix et s’est accélérée aucours des années 1980 et 1990. En dépit de l’investissement considérablede tous les pays dans ce domaine, des différences sensibles existent concer-nant le taux de fréquentation, notamment parmi les enfants de moins de3 ans et parmi les enfants d’âge scolaire. Ces services constituent une aide

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en nature consistante que les pouvoirs publics consentent aux familles. Cesservices ont une double mission : permettre aux parents de concilier travailou études avec une vie familiale, d’une part, et stimuler le développement etl’apprentissage chez l’enfant, d’autre part. Cette double orientation a étédéfinie au début des années soixante-dix en Suède, date à laquelle a com-mencé la grande expansion des services d’accueil dans ce pays 1. Avec lesallocations familiales et l’assurance parentale, l’accueil des enfants a été lapierre angulaire de la politique suédoise de la famille, offrant en mêmetemps un solide contenu pédagogique à la garde des enfants. La Suède et leDanemark ont été les premiers à développer des services d’accueil desenfants ; la Finlande a été plus lente à mettre en œuvre de tels services pourdes raisons qui tiennent à la moindre confiance dans le collectif et à unevision plus traditionnelle de l’éducation et des soins aux enfants.Aujourd’hui encore, le nombre d’enfants de moins de 5 ans accueillis dansles services municipaux est moins élevé dans ce pays où la garde parentalereste fréquente. Partout cependant, les gouvernements ont joué un rôleessentiel dans la mise en place de services d’accueil des enfants, ce qui per-met de parler d’un « service public de l’enfance » sans équivalent dans lesautres pays européens. Ces services sont accessibles à tous et leur universa-lité est garantie.

Malgré un développement intensif dans les années soixante-dix et les pre-mières années quatre-vingt, les listes d’attente pour l’accès aux servicesd’accueil ne parvenaient pas à être résorbées en Suède, ce qui a conduit leParlement à adopter une loi en 1985 stipulant que tous les enfants entredix-huit mois et l’âge d’entrée à l’école primaire devaient avoir accès à unservice d’accueil : crèche, écoles maternelles ouvertes, classes préparatoi-res à l’école, etc. Ces objectifs n’ayant pu être atteints en raison de l’aug-mentation du nombre des naissances et de l’accroissement du nombre demères en emploi, la législation a été renforcée en 1995, faisant obligationaux communes de mettre rapidement des places à la disposition des enfantsqui en ont besoin. Cette réglementation a conduit à la création d’un nombrerecord de nouvelles places d’accueil au milieu des années quatre-vingt-dix.Les listes d’attente ont été résorbées et aujourd’hui en Suède les équipe-ments couvrent l’essentiel des besoins. Les autres pays ont plus ou moinssuivi la même évolution. Toutefois, en Finlande, les débats sur la préfé-rence pour la garde à domicile par les parents moyennant une allocationsont récurrents. La Finlande avait pourtant fait passer une loi en 1973 (le

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1 La « Commission des maisons d’enfants » mise en place en 1968 par le gouvernement sué-dois pour répondre à la demande générée par la montée de l’activité professionnelle des mèresa eu un rôle déterminant dans les orientations de la politique d’accueil. En faisant le lien entrebesoins de garde et impératifs sociaux et pédagogiques, elle a formulé des idées et des princi-pes qui gardent encore leur validité. Cette commission a jeté les bases du modèle suédoisd’accueil préscolaire, permettant aux deux parents d’exercer une activité professionnelle. Cemodèle diffusé dans tous les pays nordiques rompait avec l’ancienne dichotomie entre gardedes enfants relevant de l’aide sociale et activités pédagogiques vues comme une stimulationpour les familles les plus aisées. Garde et pédagogie ont été intégrées dans une même approcheconcernant les enfants d’âge préscolaire et les enfants scolarisés.

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day-care Act) pour développer les services d’accueil. La controverse aresurgi devant le Parlement en 1983 et un projet de « home care allowancefor children » (HCA), sorte d’allocation parentale, fut approuvé en 1985.La Suède a aussi adopté le principe d’une allocation de garde parentale en1991 afin de limiter les files d’attente pour une place dans un serviced’accueil.

Actuellement dans tous les pays, des services d’accueil pour les enfantssont fournis par les communes : classes d’accueil préscolaire, crèches, gar-deries et activités périscolaires. Tous les pays offrent également des dispo-sitifs d’aide à domicile en cas de maladie, de naissance ou autres. Mais lestaux de fréquentation des services collectifs varient selon les pays et selonl’âge des enfants.

L’accueil des enfants d’âge préscolaireDans tous les pays nordiques, les communes doivent être en mesure desatisfaire la demande d’accueil des enfants, soit dans des institutions publi-ques soit à domicile. En 2000, 71 % des communes au Danemark garantis-saient un mode de garde à tous les enfants de moins de 9 ans, et 26 %garantissaient un mode de garde à une partie seulement de cette tranched’âge. Depuis 1998, les communes accordent aussi un soutien financier auxparents qui optent pour une garde privée par une assistante maternelle 1.

En Finlande, depuis 1996, tous les enfants de moins de 7 ans ont une placedans un service d’accueil municipal ou dans une crèche familiale. Et depuisle 1er août 1997, les parents qui ont recours à une personne privée pour gar-der leur enfant ont droit à une allocation qui est versée directement à la per-sonne en charge de la garde 2.

En Suède, les communes ont l’obligation d’offrir un mode de garde à tousles enfants dans les trois ou quatre mois qui suivent le dépôt de la demandepar les parents. Cette obligation ne concerne que les enfants dont les parentsont un emploi ou suivent des études, ou les enfants qui ont des besoins parti-culiers, comme par exemple ceux qui se préparent à entrer à l’écoleprimaire.

En plus des crèches collectives, dans tous les pays nordiques il existe descrèches familiales municipales qui accueillent essentiellement des enfantsde moins de 6 ans. Des nourrices sont employées et rémunérées par lescommunes pour recevoir les enfants à leur domicile. Comme pour les crè-ches collectives, les parents contribuent aux frais de garde.

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1 Fin 2000, un peu plus de 3 300 enfants étaient concernés par ce mode de garde au Danemark.2 Ce mode de garde par une personne privée concernait 14 000 enfants en 2000, en Finlande.

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Par ailleurs, presque tous les enfants suivent une préparation à l’école dansdes classes préparatoires. Les modalités de cette préparation facultativevarient selon les pays. Au Danemark, 98 % des enfants suivent cette forma-tion qui est de vingt heures par semaine au minimum. En Suède, depuis1998, les communes ont aussi l’obligation d’offrir à tous les enfants de6 ans un minimum de 525 heures de préparation à l’école dans une « classepréparatoire ». Fin 2000, 93 % des enfants de 6 ans suivaient cette forma-tion, tandis que 5 % des enfants fréquentaient l’école primaire 1. En Fin-lande, 82 % des enfants suivent cette préparation à l’école.

Dans l’ensemble, les besoins en structures d’accueil sont à peu près cou-verts pour les enfants dont les parents travaillent ou font des études. Enrevanche, les enfants des sans emploi en sont en partie exclus. C’est le casen Suède par exemple ou environ 40 % des communes retirent leur placeaux enfants dont l’un de parents perd son emploi. Seulement une communesur quatre offre une place aux enfants dont les parents ne travaillent pas. Eten ce qui concerne les enfants dont l’un de parents reste au foyer pours’occuper d’un enfant plus jeune, les règles sont encore plus restrictives.Néanmoins, c’est au Danemark, puis en Suède que les taux de fréquentationdes crèches et des écoles maternelles sont les plus élevés (cf. tableau 7).Mais, sauf au Danemark, c’est la garde parentale qui prévaut pour lesenfants de moins d’un an. Depuis quelques années, au Danemark et en Fin-lande, les parents peuvent bénéficier d’une allocation pour gardereux-mêmes leurs enfants à domicile, à temps plein ou à temps partiel. Enrevanche, les enfants de 3 à 6 ans sont gardés principalement dans des cen-tres d’accueil collectifs.

La garde des enfants scolarisésLes centres périscolaires accueillent les enfants aux heures où ils ne sontpas à l’école, c’est-à-dire avant et après la classe et pendant les congés sco-laires. La majeure partie des enfants inscrits ont entre 6 et 9 ans. Les centrespériscolaires sont ouverts toute l’année et leurs heures d’ouverture sontadaptées aux horaires de travail des parents. Les enfants doivent être ins-crits, et comme pour les crèches familiales ou l’école maternelle, lesparents versent une contribution qui est fonction de leurs revenus et/ou desheures de présence de l’enfant. Au Danemark et en Suède, ces activitésdépendent du ministère de l’Éducation.

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1 Bien que l’âge de la scolarité obligatoire soit de 7 ans en Suède, les enfants peuvent entrer àl’école primaire dès l’âge de 6 ans si les parents le souhaitent.

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Tableau 7 : Taux de fréquentation des services d’accueil par les enfantsde moins de 10 ans, 1990-2000 (%)

Danemark Finlande Suède*

19900-2 ans 48 31 293-6 ans 73 58 64Total : 0-6 ans 61 44 487-10 ans 34 7 38Total : 0-10 ans 52 30 442000moins d’un an 15 2 -1-2 ans 77 35 603-5 ans 92 67 86Total : 0-5 ans 75 46 666 ans 90 67 77Total : 0-6 ans 77 49 687-10 ans 63 3 51Total : 0-10 ans 72 31 60

* En raison de la création de classes préparatoires spéciales, en 1998, pour les enfants de 6 ans, ceux-cine sont pas comptés dans les modes de garde sauf s’ils fréquentent un autre mode d’accueil municipal.

Source : Nososco, 2002.

� Le financement de la politique d’aide aux familles

Tous les pays nordiques ont de grandes ambitions en matière de politiquessociales et les sommes qui y sont consacrées sont à la mesure de ces ambi-tions. Cela se répercute sur les taux d’imposition qui sont parmi les taux lesplus élevés au monde. Cependant, les sommes allouées aux enfants et auxfamilles varient sensiblement selon les pays, le Danemark étant le pays oùles dépenses par tête sont les plus élevées 1. Mais concernant les servicesd’accueil, c’est le Danemark qui dépense le plus et dans une moindremesure la Suède, et c’est la Finlande qui dépense le moins. Dans tous lespays nordiques, le financement public se répartit entre l’État central quifinance les prestations monétaires et les collectivités locales qui financentles services. On observe cependant de grandes différences entre les paysqui reflètent les priorités des politiques sociales ainsi que les formes definancement.

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1 Toutefois les comparaisons sont difficiles à établir dans ce domaine en raison des définitionsvariables du périmètre de la politique familiale. Tous les pays n’incluent pas les mêmes chosesdans les dépenses.

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Les transferts monétaires en direction des familleset des enfants

En 1999, les dépenses de protection sociale sous forme de transferts moné-taires représentaient, 17,1 % du PIB en Finlande, 18,7 % au Danemark et18,8 % en Suède (Nososco, 2002). La part du PIB consacrée aux presta-tions monétaires varie de 1,9 % en Finlande, 1,7 % en Suède et 1,5 % auDanemark. Au cours de la décennie quatre-vingt-dix, la part des dépensessociales consacrée aux prestations familiales a diminué au Danemark et enSuède alors qu’elle est restée la même en Finlande (Lagergren, 2002). Letableau 8 résume la répartition des dépenses pour le soutien aux enfants etaux familles dans les différents pays.

Tableau 8 : Répartition des dépenses allouées aux familles et aux enfants(montant par tête), 2000

Danemark Finlande Suède

Prestations monétaires– total par tête– par enfant 0-17 ans

4001 850

3791 720

3761 723

Services– par tête– par enfant 0-17 ans

5882 720

2681 216

3891 781

Dépenses totales– par tête– par enfant 0-17 ans

9874 570

6472 936

7663 504

Source : Nososco, 2002.

Au Danemark, l’État central ne finance les prestations monétaires qu’à hau-teur de 78 %, en Suède à hauteur de 57 % et de 68 % en Finlande. En Suède 1,ce sont les employeurs qui financent le reste et en Finlande ce sont lesemployeurs et les salariés. Au Danemark, les employeurs ne sont pas mis àcontribution dans le financement des prestations familiales monétaires.

Le financement des services de garde des enfants

Si la contribution des collectivités locales aux prestations monétaires estnulle ou très limitée (15 % en Finlande), en revanche les services de garde

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Les politiques familiales des pays nordiques et leurs ajustementsaux changements socio-économiques des années quatre-vingt-dix

1 En Suède, trois changements majeurs ont eu lieu dans les années quatre-vingt-dix concernantla contribution des employeurs au financement de la politique sociale : la réforme de l’assu-rance chômage en 1994-1995 a augmenté la part des employeurs ; en 1997, les cotisations desemployeurs au financement des retraites ont été réduites tandis que les salariés ont été appelés àcotiser. En même temps, les cotisations salariales à l’assurance maladie ont été supprimées etles cotisations patronales ont été augmentées en proportion, les employeurs contribuent ainsiau financement de l’assurance parentale destinée à rémunérer le congé parental financé parl’intermédiaire de l’assurance maladie.

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des enfants sont organisés et financés par les collectivités locales, en grandepartie par les impôts locaux, et dans une moindre mesure par les aides dugouvernement. Pour assurer leur mission (développer leurs activités etgarantir à tous les citoyens un accès égal à tous les services sociaux), lescollectivités locales reçoivent une dotation globale de la part de l’État cen-tral dont le montant varie selon les pays 1.

Les contributions tant patronales que salariales sont limitées dans les troispays : elles sont infimes au Danemark (1 % seulement), limitées en Fin-lande (9 %) mais plus élevées en Suède (43 %) bien qu’en baisse au coursdes années quatre-vingt-dix. Les contributions des salariés sont nulles enSuède et limitées en Finlande (9 %) et au Danemark (21 %) où elles ontdiminué dans la même période. Le financement de la politique familiale n’apas suivi la même tendance que les autres branches de la politique socialeoù en général la contribution des salariés au financement des services a aug-menté sensiblement, notamment en Suède où elle a plus que doublé entre1994 et 1999, passant de 10 % à 27 % du financement, au Danemark où lapart salariale est passée de 16 à 31 % au cours de la même période, et enFinlande dans une moindre proportion (Nososco, 2002).

Le trait commun à tous les pays nordiques est donc le financement sur fondspublics des services aux familles. Les différences concernent la répartitiondes contributions entre l’État central et les collectivités locales. Au Dane-mark et en Suède, la plus grande part du financement est assurée par les col-lectivités locales alors qu’en Finlande où les aides publiques sont plussectorisées, la contribution de l’État central est plus importante. Dans tous lescas, le financement par les cotisations salariales ou patronales est inexistant.

Les services de garde des enfants représentent entre 1 % et 2,2 % desdépenses publiques (en % du PIB) : 1,4 % en Finlande, 1,8 % en Suède et2,2 % au Danemark. Cette part est restée stable en Finlande au cours de ladécennie quatre-vingt-dix alors qu’elle a augmenté au Danemark et qu’ellea diminué sensiblement en Suède passant de 2,2 % en 1994 à 1,8 % en 1999(Nososco, 2002). Mais si l’on se réfère au taux de dépenses à prix constants,il apparaît que les dépenses consacrées aux services d’accueil des enfantsont augmenté dans tous les pays nordiques durant les dix dernières années.L’augmentation est surtout sensible en Finlande et au Danemark, et pluslimitée en Suède. L’observation des évolutions récentes fait apparaître unediminution sensible de la participation du gouvernement central au finance-ment des services de garde en Finlande, reflétant une tendance générale aureport de cette charge sur les collectivités locales qui n’est pas spécifique àla branche famille. Cette diminution traduit en fait un processus de dévolu-tion aux autorités locales du financement des services sociaux en général.

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1 Tous ces pays dans les années 1980 et 1990, ont réformé leur mode de gouvernance des aidespubliques de manière à améliorer l’efficacité des administrations locales, et ont remplacé lesaides sectorielles par une dotation globale afin de mieux réguler les dépenses publiques.

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Enfin, dans tous les pays, les parents paient pour la garde de leurs enfants.Normalement, le montant de leur revenu est pris en compte dans le calculdu prix à payer mais les enfants dont les parents ont des revenus très baspeuvent être gardés gratuitement. Au Danemark, les règles concernant lemaximum à la charge des parents, les réductions accordées à certainesfamilles, et les conditions de gratuité sont fixées au niveau national. En Fin-lande, le montant à la charge des parents est fixé nationalement alors que lescommunes définissent les conditions de la gratuité. En Suède, ce sont lescommunes qui décident du montant de la contribution des usagers, la partparentale est normalement fixée en fonction du revenu et du temps passépar les enfants, mais il peut y avoir une part fixe indépendante de ces critè-res. En principe, le montant de la part parentale est le même quel que soit lemode de garde, crèche collective, familiale ou garde privée. Malgré les dif-ficultés d’évaluation, on peut estimer que la part parentale, en Suède,s’élève en moyenne à 19 % du coût de la garde (16 % pour la garde présco-laire et 25 % pour les activités périscolaires) en 2000. Au Danemark, elleest approximativement de 19 % du coût courant des institutions municipa-les et de 15 % environ en Finlande. Dans l’ensemble, la contribution desusagers à la garde des enfants a peu évolué au cours des annéesquatre-vingt-dix, à part une légère augmentation au Danemark.

� Les réformes de la politique d’aide aux familles

Les débats sur la politique familiale ont resurgi, dans les années quatre-vingt-dix, dans la plupart des pays dans un contexte de crise économiquequi pousse à limiter les dépenses publiques, et de nouveaux débats idéologi-ques sur les valeurs familiales, l’influence de l’individualisme et la néces-sité de renforcer les obligations civiques des individus vis-à-vis de leurfamille. Ces débats sur le renouvellement de la social-démocratie ontopposé les tenants d’un renforcement des solidarités familiales et, pour cequi nous concerne ici, de la garde des enfants par les parents, d’une part, etles féministes prônant les droits sociaux des femmes et un partage pluséquitable des charges familiales, des activités parentales et domestiques,d’autre part. Les observateurs du système nordique de politique familiales’inquiétaient d’un possible démantèlement de l’action publique dans ledomaine de la garde des enfants et de l’égalité entre hommes et femmes(voir notamment Daune-Richard et Nahon, 1997). Le tournant néolibéraldes États providence scandinaves a-t-il eu lieu ?

Les politiques ont eu à s’adapter non seulement aux pressions économiquesmais aux changements profonds des structures familiales et du fonctionne-ment des familles. Dans les familles biparentales, l’activité professionnelledes deux parents est devenue une norme largement diffusée dans tousles pays nordiques qui enregistrent les taux d’activité des femmes les plus

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élevés en Europe. Cela signifie une demande accrue de moyens pour conci-lier travail et vie familiale, tant en temps parental qu’en services d’accueiladaptés au temps des familles et de bonne qualité conformément au stan-dard qui existe de longue date en suède et au Danemark. Parallèlement, lenombre de familles monoparentales a continué d’augmenter dans tous lespays, résultant principalement de l’accroissement du nombre des sépara-tions et des divorces. Or, les familles à un seul parent sont plus affectées parla pauvreté et ont donc besoin d’être aidées plus que les autres.

Dans tous les pays nordiques, les politiques ont pris en compte ces évolu-tions sans pour autant modifier fondamentalement leurs objectifs de solida-rité, d’égalité entre les sexes et de soutien à l’accueil et à l’éducation desjeunes enfants. Le soutien économique direct aux familles n’a pas diminuéquand bien même la conciliation entre travail et vie familiale est devenueun objectif prioritaire des politiques familiales dans tous les pays (Almqvistet Boje, 1999). Cependant les moyens mis en œuvre ainsi que les modes degouvernance de la politique familiale ont évolué sensiblement.

Changements dans les objectifs

Si l’on s’accorde sur le fait que les buts de l’action publique en matière depolitique familiale sont de deux ordres, orienter les comportements desfamilles et redistribuer les ressources pour favoriser des conditions de vieplus équitables, alors, des changements sensibles peuvent être notés. Lesincitations visent à promouvoir des comportements soit en matière defécondité (avoir plus d’enfants), d’activité professionnelle (incitation desmères à poursuivre une activité professionnelle ou à y renoncer), ou de par-tage des responsabilités entre les parents.

En Suède, la chute spectaculaire de la natalité au début des annéesquatre-vingt-dix a suscité de vifs débats. Cette baisse de la fécondité, duenotamment aux femmes les moins instruites et les plus touchées par le chô-mage a alerté les pouvoirs publics. Les mères qui élèvent seules des enfantssont aussi parmi les premières victimes de la crise et le modèle suédois a étéréinterrogé sur ses capacités à réduire les inégalités. Cependant, la questionde la fécondité est une question récurrente en Suède, qui n’est pas dissociéede la question de l’égalité entre les sexes et n’est pas considérée commeantagonique avec l’activité professionnelle des femmes. Elle n’est pasassociée à l’expression d’un courant nataliste et n’a jamais été focalisée surle retour des mères dans leur foyer. La chute de la natalité, au début de ladécennie, a mis en évidence le lien très ténu entre comportements démogra-phiques et situation du marché du travail. La baisse du taux de chômagedans la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix a été accompagnéed’une remontée de la natalité. Toutefois, depuis 1996, les familles de plusde deux enfants ne bénéficient plus des prestations forfaitaires à chaquenouvelle naissance, cette disposition de politique familiale a été supprimée.

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Concernant l’incitation à l’activité professionnelle des mères qui reste l’undes grands objectifs de la politique familiale dans les pays nordiques, on apu observer certaines orientations politiques qui visent à promouvoir lagarde des jeunes enfants par les parents. Ainsi, à son arrivée au pouvoir en1991 en Suède, la coalition bourgeoise proposait de créer une allocation degarde assez similaire à l’allocation de libre choix en France, ce qui permet-tait de rémunérer la garde à domicile soit par l’un des parents, soit par uneautre personne. Il s’agissait d’une allocation forfaitaire d’un montant assezfaible. La mesure a été supprimée en 1994 après le retour des socio-démo-crates au pouvoir, avec l’argument que c’était un salaire maternel déguiséqui avait pour but le retour des femmes au foyer. Les Finlandais ont intro-duit une telle mesure et l’ont maintenue. On a pu observer également depuisles années quatre-vingt-dix un allongement des congés parentaux ainsi queleur assouplissement.

Mais les congés parentaux étant pris majoritairement par les mères, leurimpact en termes d’égalité entre femmes et hommes est limité et va àl’encontre des objectifs que se donnent les pouvoirs publics dans cedomaine (Meilland, 2001).

Tous les pays, sauf un, ont introduit des mesures pour inciter les pères àprendre une partie du congé parental, en réponse aux fortes pressions politi-ques syndicales et féministes. Mais force est de constater que l’implicationdes pères dans les activités parentales est encore limitée au regard del’implication des mères, bien que sensiblement plus importante que dansles autres pays européens. Cette implication est cependant facilitée par lemontant des indemnités journalières perçues pendant le congé d’un mon-tant tel, que le ménage ne subit pas de baisse de revenu.

Nouvelles tendances dans l’accueil des enfants

Depuis les années quatre-vingt-dix, plusieurs mesures ont été introduites ensorte de laisser davantage de choix aux parents en matière de garde etd’introduire plus de flexibilité dans son organisation. Dans l’ensemble, onconstate une amélioration sensible de l’offre d’accueil des enfants de tousâges.

Au Danemark, le nombre d’enfants âgés de 6 mois à 9 ans qui sont accueil-lis dans un service de garde a augmenté de 70 % entre 1991 et 2001. Pen-dant la même période, le nombre d’enfants sur les listes d’attente pour uneplace en crèche ou en garderie a diminué de 20 % par rapport à 1994. Lenombre de municipalités qui garantissent aux parents une place dans un ser-vice d’accueil pour leurs enfants continue d’augmenter. Par ailleurs, uneffort a été fait pour introduire davantage de souplesse dans les conditionsd’accueil des services et pour accroître les possibilités de choix des parents.Une nouvelle allocation a été introduite au 1er juillet 2002 pour permettre àl’un des parents de s’occuper de son jeune enfant au lieu de le faire garder.

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Les parents d’enfants de moins de 6 ans peuvent désormais prendre descongés pour garder leurs enfants. En 2000, huit semaines minimum etvingt-six semaines maximum étaient attribuées pour un enfant de moinsd’un an. Ce congé peut être prolongé jusqu’à cinquante-deux semaines enaccord avec l’employeur. Toutefois, durant ce congé, l’enfant ne doit pasoccuper une place dans une garderie ou une crèche. Le nombre de parentsqui prennent ce congé reste faible et n’a pas varié depuis 1998. De plus, lesrègles qui régissent le congé parental ont été revues au 1er janvier 2002 : lesparents peuvent désormais prendre un congé parental d’un an après la nais-sance d’un enfant ; la part réservée aux pères est plus flexible et le congépeut être reporté en partie. Mais si ces réformes vont dans le sens d’une plusgrande souplesse dans la mise en œuvre des congés parentaux, elles ne vontpas pour autant dans le sens d’une plus grande égalité entre hommes et fem-mes (Meilland, 2001).

En Finlande, après leur congé parental, les parents peuvent choisir demettre leur enfant à la crèche municipale ou bien le garder ou le faire garderà la maison avec une allocation de garde de jeune enfant. L’allocation degarde à domicile est allouée aux enfants de moins de 3 ans. Elle consiste enune allocation de base à laquelle s’ajoute un supplément en fonction desrevenus des parents 1. Les parents d’enfants de moins de 3 ans ont aussi lapossibilité de réduire leur temps de travail et de recevoir une allocation par-tielle. Depuis août 2001, les municipalités sont contraintes d’offrir auxenfants de 6 ans une année de préparation à l’école gratuite (Pre-schooleducation). Cette préparation peut être prise en charge par le système édu-catif ou par le système de protection sociale. À l’automne 2000, 89 % desenfants de 6 ans suivaient cette préparation à l’école. Durant l’année acadé-mique 2001-2002, leur proportion a atteint 93 % (Nososco, 2002, préface).

En général, les moyens alloués à la garde des enfants se sont accrus danstous les pays. Et les contraintes faites aux municipalités de proposer unmode d’accueil à chaque enfant dont les parents en font la demande vontdans le sens d’un droit de l’enfant à une place d’accueil. Cependant, enmême temps le rôle de la famille dans le pourvoi de soins et d’éducation auxjeunes enfants a été renforcé en raison de l’allongement des congés paren-taux rémunérés. Mais ce renforcement bénéficie du soutien financier despouvoirs publics qui versent un salaire de remplacement permettant auxparents de s’investir dans leurs enfants et leur vie familiale qui reste unevaleur fondamentale dans les pays scandinaves. Enfin, dans certains payscomme la Suède ou la Finlande, les services privés financés sur fondspublics ont connu un grand essor. Il s’agit généralement de coopératives deparents ou d’associations à but non lucratif qui viennent compléter le ser-vice public. Enfin, l’accueil préscolaire s’est développé partout.

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1 L’allocation de base était de 252 euros par mois pour les enfants de moins de 3 ans et84 euros pour chaque enfant supplémentaire. L’allocation est de 50 euros pour les enfantsd’âge préscolaire.

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Les changements dans la redistribution des ressources

Globalement, le montant des dépenses publiques destinées aux enfants etaux familles a peu évolué au cours des dernières années. Au Danemark, lesdépenses en prestations monétaires sont restées inchangées depuis 1999alors que les prestations allouées aux services d’accueil des enfants ontaugmenté du fait surtout des dépenses liées au placement en institutiond’enfants ou d’adolescents. En Finlande, les dépenses de politique familialeont baissé de 3 % entre 1999 et 2000 du fait de la diminution du nombred’enfants. Néanmoins, les dépenses d’assistance sociale aux enfants et auxadolescents ont augmenté.

En définitive, malgré les importants changements qui ont eu lieu au cours desannées quatre-vingt-dix dans le financement de la protection sociale dans lespays nordiques, peu de modifications ont affecté les services de garde desenfants. Ceux-ci restant entièrement financés par les pouvoirs publics etnotamment par les collectivités locales. Si on a pu observer une tendance à laréduction de l’engagement de l’État central dans le financement des servicessociaux dans leur ensemble, en Finlande et en Suède notamment, les dépen-ses publiques affectées à la garde des enfants n’ont pas été affectées.

Toutefois, au Danemark, depuis le 1er juillet 2002, de nouvelles conditionsd’accès aux allocations familiales ont été définies. Seules les personnesrésidant dans le pays depuis au moins sept années ont droit aux allocationsen totalité. Les autres qui ne satisfont pas à cette condition de résidence ontdroit seulement à une allocation « d’assistance de départ ».

En Suède, où le taux de croissance continue sa régression, la diminution desdépenses publiques reste à l’ordre du jour, cependant cela affecte peu la poli-tique familiale : pour les enfants nés après le 1er janvier 2002, la rémunérationdu congé parental pourrait être prolongée de 30 jours jusqu’à un total de480 jours, dont 60 seraient réservés à chacun des parents lorsque ceux-ci separtagent les tâches parentales. En 2001, les allocations familiales sont pas-sées de 850 couronnes à 950 couronnes par mois. Les suppléments pour nais-sances multiples ont aussi augmenté. De même que les subsides en casd’adoption. Une réforme des allocations d’entretien dans le cas de gardealternée est à l’étude. Chaque parent pourrait recevoir jusqu’à la moitié del’allocation (586 couronnes par mois). Et les étudiants pourraient bénéficieraussi de cette allocation d’entretien dans certaines conditions.

� Conclusion

Dans les pays nordiques, la régulation de la vie familiale par l’État est enra-cinée dans l’histoire. Elle entretient une relation forte avec les questions depopulation ainsi qu’avec les questions d’emploi. Les politiques familiales sesont construites sur les valeurs social-démocrates fondées sur la solidarité et

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l’égalité, notamment entre les hommes et les femmes. Elles visent la créationd’un environnement favorable aux familles, à leur développement et à leurbien-être, par une approche cohérente et intégrée de l’action publique, tantdans la formulation des politiques que dans leur mise en œuvre. Leur objectifredistributif est fondé sur une conception de la solidarité sociale variableselon les pays mais qui se traduit néanmoins par un niveau élevé de presta-tions et de services et par une bonne qualité de prestations. À la fin du XXe

siècle, la part des dépenses publiques consacrées aux prestations familialesétait relativement élevée en comparaison des autres pays européens. Le sou-tien apporté par les pouvoirs publics à l’accueil des enfants permet aux mèresde se maintenir sur le marché du travail et d’avoir les taux d’emploi les plusélevés en Europe. La tension entre travail et vie familiale est gérée par l’inter-médiaire des pouvoirs publics qui consacrent une part importante des dépen-ses de politique familiale au financement des services d’accueil des enfantsainsi qu’à la rémunération des congés parentaux, et qui incitent les pères àpartager les responsabilités parentales. Enfin, l’accès aux prestations, moné-taires ou en nature, est un droit universel. Le financement de ces prestationsest assuré par l’impôt, des impôts d’un montant élevé prélevés sur l’ensemblede la population.

La dégradation de la situation économique avait suscité de nombreusesinterrogations quant au devenir du modèle social nordique et quant à lagénérosité des États vis-à-vis des familles et à la qualité des prestations etdes services. Le démantèlement annoncé des politiques d’aide aux enfantset aux familles n’a pas eu lieu : le soutien de l’État n’a pas été remis en ques-tion, ni dans ses objectifs, ni dans les moyens alloués. Toutefois, le soutienaux familles a subi des coupes budgétaires, souvent temporaires comme enSuède, et a été réorienté. Les aides à la conciliation entre travail et vie fami-liale ont été renforcées à travers un soutien aux services d’accueil desenfants et aux congés parentaux alors que le soutien économique direct auxfamilles a peu varié. Dans tous les pays, mais particulièrement au Dane-mark et en Suède, l’offre d’accueil des enfants a augmenté sensiblementdepuis le début des années quatre-vingt-dix. Cette offre s’est aussi diver-sifiée mais toujours avec le soutien des aides publiques, avec pour objectifd’accroître le temps parental consacré aux jeunes enfants. De plus, les poli-tiques relatives aux congés de paternité, de maternité et congés parentaux sesont développées considérablement.

Cependant, alors que tous les pays ont mis l’accent sur les systèmes degarde des enfants pour permettre aux parents de mieux concilier travail etvie familiale et d’atteindre un niveau élevé d’égalité entre femmes et hom-mes, l’accent mis sur la garde parentale à travers les congés divers a poureffet d’allonger les temps passés hors travail, surtout pour les mèrespuisque ce sont encore elles qui prennent, en premier lieu, les congés paren-taux en dépit des mesures incitatives pour les pères. Le résultat risqued’être, paradoxalement, un creusement des inégalités entre femmes et hom-mes dans les possibilités de conjuguer vie professionnelle et vie de famille.

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