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Campus adventiste du Salève

Faculté adventiste de théologie

Collonges-sous-Salève

Les dix rois Une interprétation d’Apocalypse 17:12-14, 16-17

mémoire présenté en vue de l’obtention

du Master en théologie adventiste

par

Paulo LIMA

Directeur de recherche: Richard Lehmann

Assesseur: Marcel Ladislas

Mai 2010

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Introduction

Depuis que J. N. Andrews (1829-1883) a identifié, dans la deuxième

moitié du XIXe siècle, la bête aux cornes d’agneau d’Apocalypse 13 comme

étant le symbole apocalyptique des Etats-Unis d’Amérique, les Adventistes du

Septième Jour ont conféré une importance toujours grandissante au rôle des

Etats-Unis dans les événements de la fin des temps. Ainsi, les Etats-Unis

apparaissent, dans les ouvrages adventistes qui traitent de l’eschatologie,

comme la superpuissance qui a pour destin de soumettre le monde entier aux

dessins de la papauté1. Cette vision « américanisée » du scénario

eschatologique adventiste n’est pas seulement caractéristique des auteurs

adventistes américains. Les auteurs adventistes européens suivent les traces

de leurs collègues américains2. Cependant, une lecture plus attentive de

l’Apocalypse et de Daniel nous met en garde contre cette américanisation de

l’interprétation adventiste du scénario eschatologique. En effet, l’interprétation

des chapitres 2 et 7 de Daniel nous fait voir clairement que l’Europe a aussi un

rôle déterminant dans le temps de la fin. L’importance de l’Europe dans le

scénario eschatologique a été mise en valeur récemment par un auteur

adventiste européen, Jean Zurcher. Mais cet auteur se limite à dégager

l’importance eschatologique de l’Europe à partir de l’étude de Daniel 2 et 73. Or,

nous pensons que l’Apocalypse, notamment dans son chapitre 17, a quelque

chose d’important à dire sur le rôle eschatologique de l’Europe. En fait, une

lecture attentive de ce chapitre permet de mettre en évidence le rôle crucial de 1 Quelques exemples récentes de l’accent mise sur le rôle des Etats-Unis par des auteurs adventistes qui discutent le scénario eschatologique : Marvin MOORE, The Crisis of the End Tme – Keeping Your Relationship With Jesus in Earth’s Darkest Hour, Nampa, Id. : Pacific Press, 1992, pp. 89-98 ; Mark A. FINLEY, Revelation’s Predictions for a New Millennium, Fallbrook, Cal.: Hart Books, 2000, pp. 379-392 ; Glen WALKER, Prophecy Made Easy – Experience de Future Now, Fort Wayne, Ind.: Prophecy Press, 2001, pp. 135-36 ; Marvin MOORE, Could it Really Happen ? – Revelation 13 in the Light of History and Current Events, Nampa, Id.: Pacific Press, 2007, pp. 96-151. 2 Par exemple, des auteurs comme Pierre LANARÈS, Qui dominera le monde ?, Dammarie-les-Lys : Èditions SDT, 1960. La prépondérance que Pierre LANARÈS attribue aux Etats-Unis d’Amérique dans le scénario eschatologique (pp. 165-181) est en contraste avec le peu d’importance qu’il attribue à l’Europe (pp. 21-41). 3 Jean ZURCHER, L’avenir de l’Union européenne à la lumière de la prophétie biblique, Dammarie-les-Lys : Editions Vie et Santé, 2000, pp. 39-141. Jean ZURCHER discute très brièvement la prophétie d’Ap. 17 :12-18 aux pp. 139-140, sans développer toutes les implications de la prophétie de Jean concernant le destin eschatologique de l’Europe.

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l’Europe dans le temps de la fin. Cette mise en évidence de l’Europe dans le

scénario eschatologique vient donner de l’équilibre à l’eschatologie adventiste,

puisque nous découvrons que l’Europe a aussi, côte à côte avec les Etats-Unis

d’Amérique, un rôle déterminant à jouer dans le temps de la fin. Nous croyons

que le rôle eschatologique de l’Europe, exposé dans le chapitre 17 de

l’Apocalypse, est manifesté par les actions attribuées au symbole apocalyptique

des « dix cornes » ou « dix rois » d’Ap. 17 :12-14, 16-17.

Ainsi, le présent Mémoire a comme objectif d’établir une identification

historique précise du symbole des « dix rois » d’Ap. 17 :12-14, 16-17 à partir

d’une exégèse préalable de ces cinq versets. Après cette identification

historique des « dix rois », nous serons en mesure de comprendre son rôle

dans le scénario eschatologique défini par le chapitre 17 du livre de Jean.

Cependant, pour aboutir à une interprétation historique du symbole des « dix

rois », il est nécessaire de procéder avant à une exégèse de tout le chapitre 17

et d’interpréter historiquement les symboles les plus importants de ce chapitre,

ceux de la « prostituée Babylone » et de la « bête écarlate ». Cela nous le

ferons aussi.

Or, le chapitre 17 de l’Apocalypse dans sa globalité est sûrement un

des plus difficiles à interpréter. En tout cas, il a donné lieu à une multiplicité

d’interprétations. Ces interprétations varient énormément, selon que l’exégète

appartient à l’école historiciste, prétériste ou futuriste. Cependant, puisque les

interprètes adventistes appartiennent tous à l’école historiciste et partagent

donc les mêmes principes méthodologiques, nous espérerions trouver un

consensus interprétatif parmi les auteurs adventistes. Ce n’est pas le cas.

Même s’il y a sûrement des lignes de force interprétatives communes aux

auteurs adventistes, on observe aussi l’existence de fluctuations importantes

dans l’interprétation des symboles et du scénario eschatologique d’Apocalypse

17. On observe aussi souvent un manque de rigueur et de cohérence

interprétative et même, chez beaucoup d’auteurs adventistes, une absence

presque totale de procédure exégétique. En plus, l’interprétation adventiste –

fondée sur les principes méthodologiques historicistes – apparaît souvent

comme très étrange aux yeux des autres chrétiens, qui appartiennent plutôt aux

écoles prétériste (libérale) ou futuriste (conservatrice) d’interprétation de

l’Apocalypse. Ainsi, dans les conversations qui eurent lieu entre les théologiens

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adventistes et les théologiens du Conseil Mondial des Eglises en 1965-1969,

les remarques que ces derniers ont fait concernant l’interprétation

eschatologique adventiste montre bien le caractère étrange à leurs yeux de

l’interprétation adventiste de Daniel et de l’Apocalypse4. Pour éviter ces

critiques, souvent pertinentes, des chrétiens non adventistes, nous allons

essayer d’établir une interprétation historiciste solide et rigoureuse – axée sur

une exégèse bien développée - de tout le chapitre 17 du livre de Jean et, en

particulier, des versets 12-14, 16-17.

Ainsi, dans le premier chapitre de notre Mémoire, nous avons pour

objectif de présenter la structure de l’Apocalypse selon la proposition de

l’exégète adventiste Kenneth Strand et de déterminer par la suite le sens

structurel du chapitre 17 à l’intérieur de la structure du livre de Jean. Dans le

deuxième chapitre nous avons pour objectif d’établir une interprétation

d’Apocalypse 17 :1-11, puisque ce texte constitue le contexte proche du

passage qui développe la caractérisation des « dix cornes » ou « dix rois »

mentionnés dans Apocalypse 17 (vv. 12-14 et 16-17). Cette interprétation aura

deux temps : premièrement, nous ferons une exégèse d’Apocalypse 17 :1-11 ;

deuxièmement, nous réaliserons une interprétation historique des symboles de

la prostituée « Babylone » et de la bête écarlate aux sept têtes. Dans le

troisième chapitre, nous avons pour objectif de procéder à une interprétation

d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17, puisque c’est ce texte qui développe la

caractérisation des « dix cornes » ou « dix rois » qui font objet de notre étude.

Cette interprétation aura aussi deux temps : premièrement, nous effectuerons

une exégèse d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17, destinée à comprendre à fond les

versets où est décrite l’action des « dix rois » et son alliance avec la « bête »

écarlate ; deuxièmement, nous réaliserons une interprétation historique du

symbole des « dix rois » et du symbole de la « bête » écarlate dans sa

manifestation eschatologique. Finalement, ce Mémoire s’achève avec les

conclusions qui nous semblent pertinentes. Nous avons aussi inclus une 4 Par exemple: « Seventh-day Adventists tend to identify certain biblical statements with particular historical events; e. g. they hold the view that several passages, in particular Revelation 13, point to the papacy. While participants on the WCC side did not agree with such identification and fail to see how the transition from the text to such an interpretation can be made, SDA expositors feel that the evidence supporting their interpretation is substantial. » Lukas VISCHER & B. B. BEACH, So Much in Common – Documents of Interest in the Conversations Between the World Council of Churches and the Seventh-Day Adventist Church, Geneva: World Council of Churches, 1973, p. 103 (c’est nous qui soulignons).

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Annexe qui expose et justifie les principes de la méthode historiciste que nous

suivons dans l’interprétation du chapitre 17 de l’Apocalypse de Jean.

Partons donc à la découverte de l’identité des « dix rois » et de leur rôle

dans le scénario eschatologique décrit par le chapitre 17 du livre de Jean.

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Chapitre 1

Le chapitre 17 au sein de la structure globale de l’Apocalypse

1. Introduction

Les exégètes ne sont pas d’accord sur l’organisation et la structure

littéraire de l’Apocalypse. Plusieurs propositions de description de la structure

de l’ouvrage de Jean ont été faites aux cours des années, mais aucune n’a été

capable de susciter un consensus5. Cette absence de consensus sur

l’organisation structurelle de l’Apocalypse relève de deux facteurs : (1) la

complexité structurelle effective de l’ouvrage et (2) la façon arbitraire qu’ont

souvent les interprètes d’identifier des « marqueurs textuels » pour déterminer

les parties de la structure de l’Apocalypse. Cependant, même s’il y a un

désaccord généralisé parmi les interprètes, toutes les propositions qui ont été

faites n’ont pas la même valeur. Certaines propositions sur l’organisation de la

structure de l’ouvrage de Jean sont manifestement fondées sur l’imposition au

texte de principes déterminées a priori par l’exégète. Telle est le cas des

propositions qui voient une répartition de la structure en sept parties, divisées

elles-mêmes en sept sous-parties, seulement parce que le chiffre sept lui-

même semble être important pour Jean6. Par contre, d’autres propositions sont

plus axées sur les indications que le texte lui-même donne au lecteur, essayant

5 Pour une vision générale des propositions avancées par les exégètes, voir : Ugo VANNI, La struttura letteraria dell’Apocalisse, Roma: Herder, 1971, pp. 9-104 ; André FEUILLET, L’Apocalypse, état de la question, Paris/Bruges : Desclée de Brouwer, 1969, pp. 19-30 et Alfred LÄPPLE, L’Apocalypse de Jean – Livre de vie pour les chrétiens, trad. Charles Chauvin, Paris : Cerf, 1970 (ed. orig. 1966), pp. 61-68. Edith McEwan HUMPHREY, The Ladies and the Cities – Transformation and Apocalyptic Identity in Joseph and Aseneth, 4 Ezra, the Apocalypse and the Shepherd of Hermas, Sheffield : Sheffield Academic Press, 1995, pp. 85-97, procède aussi à une recension des principales propositions savantes concernant la structure de l’Apocalypse. 6 Un exemple typique est celui de John Wick BOWMAN, « The Revelation to John: Its Dramatic Structure and Message », Interpretation, 9(4), 1955, pp. 436-453. Il a été suivi par Leroy C. SPINKS, « A Critical Examination of J. W. Bowman’s Proposed Structure of the Revelation », The Evangelical Quarterly, 50(4), 1978, pp. 211-222. Voir aussi Daniel AYUCH, « La instauración del Trono en siete septenarios – La macronarrativa y su estructura en el Apocalipsis de Juan », Biblica, 85(2), 2004, pp. 255-263.

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de trouver une organisation structurelle qui puisse traduire l’articulation sous-

jacente de l’ouvrage de Jean. Parmi ces propositions axées sur le texte, on

trouve celle de l’exégète adventiste Kenneth A. Strand7. En effet, il nous

semble que cet auteur à réussi à identifier les principales articulations de

l’Apocalypse à partir d’un examen attentif de son texte. Les mérites de la

proposition de Strand ne peuvent être appréciés que par l’examen attentif de

celle-ci.

Dans la première partie du présent chapitre, nous présenterons la

structure de l’Apocalypse selon Strand. Nous essaierons aussi de montrer les

accords partiels existant entre la proposition de Strand et les propositions

d’autres exégètes, indiquant ainsi qu’il existe tout de même des consensus

partiels sur des points précis concernant la structure de l’Apocalypse.

Dans la deuxième partie du présent chapitre, nous allons essayer de

déterminer le sens structurel du chapitre 17 de l’Apocalypse. Munis des

connaissances acquises sur la structure du livre de Jean, nous commencerons

par déterminer le sens structurel d’Apocalypse 17 par rapport à la division

décisive du livre de Jean en deux parties : la partie historique et la partie

eschatologique. Ensuite, nous évaluerons le sens structurel d’Apocalypse 17 à

l’intérieur de l’organisation en chiasme du livre de Jean, qui met en « rapport de

miroir8 » les quatre visions de la partie historique avec les quatre visions de la

partie eschatologique.

7 Il a proposé sa description de la structure de l’Apocalypse dans les textes suivants : Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation – Hermeneutical Guidelines With Brief Introduction to Literary Analysis, 2nd ed., Naples, Flo. : Ann Arbor, 1979, pp. 43-52 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation – Essays on Apocalyptic Interpretation, Worthington, Oh.: Ann Arbor, 1978, pp. 46-48 ; Kenneth A. STRAND, « Chiastic Structure and Some Motifs in the Book of Revelation », Andrews University Seminary Studies, 16(2), 1978, pp. 401-408 ; Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », In: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation – Book 1 – Introductory and Exegetical Studies (Daniel and Revelation Committee Series, vol. 6), Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 2000 (1st ed., 1992), pp. 35-50 = Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions in the Book of Revelation », Andrews University Seminary Studies, 25(1), 1987, pp. 107-121 ; Kenneth A. STRAND, « “Victorious-Introduction” Scenes », In: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation – Book 1 – Introductory and Exegetical Studies (Daniel and Revelation Committee Series, vol. 6), Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 2000 (1st ed., 1992), pp. 51-72 = Kenneth A. STRAND, « The “Victorious-Introduction” Scenes in the Visions in the Book of Revelation », Andrews University Seminary Studies, 25, 1987, pp. 267-288 ; Kenneth A. STRAND, « The “Spotlight-on-Last-Events” Sections in the Book of Revelation », Andrews University Seminary Studies, 27(3), 1989, pp. 201-221. 8 Par l’expression « rapport de miroir » nous voulons dire que les huit visions se trouvent organisées dans un parallélisme inversé, c’est-à-dire, dans un chiasme.

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2. La structure de l’Apocalypse selon Kenneth Strand

A partir d’une analyse littéraire minutieuse du texte de l’Apocalypse,

Kenneth Strand a établi un schéma qui met en évidence les articulations de la

structure de l’ouvrage de Jean. Ce schéma structurel montre que l’Apocalypse,

exception faite de son Prologue et de son Epilogue, est articulée en huit visions

globales. Ces huit visions se répartissent en deux groupes et chaque groupe

constitue une des deux parties de l’ouvrage : la première partie est

essentiellement historique et la deuxième essentiellement eschatologique. La

ligne de division entre la partie historique et la partie eschatologique se situe

entre les chapitres 14 et 159. Effectivement, les quatre visions des 14 premiers

chapitres traitent des événements dans l’histoire : l’Eglise encore défectueuse

et en besoin d’admonestation (Ap. 2-3), le cri d’impatience des martyrs qui

demandent le jugement de leurs persécuteurs (Ap. 6 :10-11), les

avertissements des trompettes aux égarés (Ap. 8-9) et l’offensive des pouvoirs

du Mal contre Jésus et ses fidèles pendant un temps bien déterminé (Ap. 12-

13). Les quatre visions qui ont comme départ le chapitre 15 traitent des

événements dans l’accomplissement eschatologique : L’Eglise récompensée

(Ap. 21-22), les acclamations de joie concernant le jugement rendu par Dieu sur

les persécuteurs des martyrs (Ap. 16 :6 ; 18 :20 ; 19 :2), les châtiments en

forme de plaies sur les adorateurs de la bête (Ap. 16), et le jugement global de

Dieu sur les forces du Mal (Ap. 17-19)10.

Cependant, dans les visions II, III, et IV, qui constituent la partie

historique, chaque séquence culmine avec une section qui décrit le temps du

jugement eschatologique ; et dans les visions V, VI, et VII, qui constituent la

partie eschatologique, il y a deux genres de matériaux qui appartiennent au

temps historique : explications (communiquées selon la perspective de Jean

dans l’histoire) et exhortations ou appels (qui ont du sens pour les lecteurs

9 Hans K. LARONDELLE, Light For the Last Days – Jesus’ End-Time Prophecies Made Plain in the Book of Revelation, Nampa, Id.: Pacific Press, 1999, pp. 54-55, divise de la même façon la structure de l’Apocalypse en deux parties, historique et eschatologique, dans la jonction des chapitres 14 et 15. 10 Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », pp. 35-37 ; Kenneth A. STRAND, «Chiastic Structure and Some Motifs in the Book of Revelation », pp. 407-408.

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seulement avant le jugement eschatologique). Par exemple, dans les trois

visions historiques, les scènes du septième sceau (vision II), de la septième

trompette (vision III) et de la moisson de la terre (vision IV) décrivent

l’accomplissement eschatologique de l’histoire. Par contre, dans les visions

eschatologiques, l’appel du Christ à être vigilant (Ap. 16 :15), l’appel à sortir de

Babylone adressé aux fidèles (Ap. 18 :4), comme les explications sur les têtes

de la bête d’Ap. 17 :9-11, sont tous réalisés dans la perspective du moment

historique des lecteurs et auditeurs du livre de Jean. Ces apparentes

exceptions au thème du contenu majoritaire (historique ou eschatologique) de

chaqune des deux parties de l’Apocalypse ne doivent pas être comprises

comme étant structurellement déplacées. En vérité, ces matériaux sont une

partie importante des visions auxquelles ils appartiennent et sont correctement

placés dans le contexte où ils se trouvent. Ils sont des unités textuelles qui, à

l’intérieur des visions auxquelles ils appartiennent, sont significatives et bien

déterminés par rapport à leur nature, position textuelle et intention signifiante11.

Les huit visions qui composent l’Apocalypse (auxquelles on doit encore

ajouter le prologue constitué par Ap. 1 :1-10a12 et l’épilogue constitué par Ap.

22 :6-2113) sont structurées de façon similaire. Dans la partie historique de

11 Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », pp. 35-37 ; Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, p. 50. 12 Proches de la position de STRAND (qui considère Ap. 1 :1-10a comme le Prologue de l’Apocalypse), les exégètes suivants considèrent Ap. 1 :1-8 comme le Prologue du livre de Jean : Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, trad. Renza Arrighi, Paris: Seuil, 1984 (ed. orig. 1980), p. 60 ; Richard BAUCKHAM, « Structure and Composition », in: Richard Bauckham, The Climax of Prophecy – Studies on the Book of Revelation, Edinburgh: T. & T. Clark, 1998 (1st ed. 1993), pp. 3, 21 ; Elisabeth FIORENZA, « The Eschatology and Composition of the Apocalypse » Catholic Biblical Quarterly, 30(4), 1968, pp. 561-562 ; elle réaffirme sa proposition dans Elisabeth FIORENZA, « Composition and Structure of the Book of Revelation », Catholic Biblical Quarterly, 39(3), 1977, pp. 363-364 ; José Adriano FILHO, « The Apocalypse of John as an Account of a Visionary Experience – Notes on the Book’s Structure », Journal for the Study of the New Testament, 25(2), 2002, p. 215 ; Daniel AYUCH, « La instauración del trono en siete septenarios », p. 258 ; Christopher R. SMITH, « The Structure of the Book of Revelation in Light of Apocalyptic Literary Conventions », Novum Testamentum, 36(4), 1994, p. 392 ; Ralph J. KORNER, « “And I Saw…” An Apocalyptic Literary Convention for Structural Identification in the Apocalypse », Novum Testamentum, 42(2), 2000, p. 174 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, Missoula, Mon.: Scholar Press, 1976, p. 19 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation – A Commentary on the Greek Text, Grand Rapids, Mich./Carslile : William B. Eerdmans/The Pater Noster Press, 1999, pp. 108, 114 ; David E. AUNE, Revelation 1-5 (Word Biblical Commentary, vol 52a), Dallas : Word Books, 1997, p. C ; Jon PAULIEN, « The Role of the Hebrew Cultus, Sanctuary, and Temple in the Plot and Structure of the Book of Revelation », Andrews University Seminary Studies, 33(2), 1995, p. 248 ; Jon PAULIEN, The Deep Things of God – An Insider’s Guide to the Book of Revelation, Hagerstown : Review and Herald, 2004, p. 123. 13 Les exégètes suivants sont d’accord avec STRAND, dans la mesure où ils considèrent Ap. 22 :6-21 comme constituant l’épilogue ou conclusion du livre de Jean : Eugenio CORSINI,

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l’Apocalypse nous trouvons quatre visions qui, sauf la première, ont la même

structuration. La vision I (Ap. 1 :10b-3 :22)14 se découpe seulement en deux

parties : (A) une scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 1 :10b-20) et (B) une description prophétique de l’Histoire (Ap. 2-

3). Ensuite, les visions II (Ap. 4 :1-8 :1)15, III (Ap. 8 :2-11 :18)16 et IV (Ap.

l’Apocalypse maintenant, p. 61 ; John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 445 ; Richard BAUCKHAM, « Structure and Composition », pp. 3, 22 ; Elisabeth FIORENZA, « The Eschatology and Composition of the Apocalypse », p. 561 ; José Adriano FILHO, « The Apocalypse of John as an Account of a Visionary Experience », p. 215 ; Felise TAVO, « The Structure of the Apocalypse – Re-examining a Perennial Problem », Novum Testamentum, 47(1), 2005, p. 61 ; Domingo MUÑOZ LEÓN, « La estructura del Apocalipsis de Juan – Una aproximación a la luz de la composición del 4º de Esdras y del 2º de Baruc », Estudios Bíblicos, 43(1-2), 1985, p. 171 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, p. 19 ; Jan LAMBRECHT, « A Structuration of Revelation 4,1-22,5 » in: J. Lambrecht (ed.), L’Apocalypse johannique et l’apocalyptique dans le Nouveau Testament, Gembloux/Leuven : Éditions J. Duculot/Leuven University Press, 1980, p. 78 ; Ugo VANNI, La struttura letteraria dell’Apocalisse, p. 112 ; Jon PAULIEN, « The role of the Hebrew Cultus, Sanctuary, and Temple in the Plot and Structure of the Book of Revelation », p. 248 ; Jon PAULIEN, The Deep Things of God, p. 123. Christopher R. SMITH, « The Structure of the Book of Revelation in the Light of Apocalyptic Literary Conventions », p. 392, propose Ap. 22:10-21 ; David E. AUNE, Revelation 1-5, p. C propose aussi Ap. 22:10-21. 14 Les exégètes suivants sont proches de la proposition de STRAND, qui considère Ap. 1 :10b-3 :22 comme une partie bien déterminée de la structure de l’Apocalypse. Ils proposent tous Ap. 1 :9-3 :22 comme première section du livre de Jean : Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, pp. 60, 61 ; François ROSSEAU, L’Apocalypse et le milieu prophétique du nouveau testament – structure et préhistoire du texte, Tournai/Montréal : Desclée/Bellarmin, 1971, pp. 19-20 ; John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 440 ; Richard BAUCKHAM, «Structure and Composition », pp. 6, 21 ; Elisabeth FIORENZA, « The Eschatology and Composition of the Apocalypse », pp. 561-562 ; elle réaffirme sa proposition dans Elisabeth FIORENZA, « Composition and Structure of the Book of Revelation », pp. 363-364 ; José Adriano FILHO, « The Apocalypse of John as an Account of a Visionary Experience », p. 229 ; Daniel AYUCH, « La instauratión del Trono en siete septenarios », p. 258 ; Christopher R. SMITH, « The Structure of the Book of Revelation in Light of Apocalyptic Literary Conventions », p. 392 ; Ralph KORNER, « “And I Saw…” An Apocalyptic Literary Convention for Structural Identification in the Apocalypse », p. 174 ; Mark Seaborn HALL, « The Hook Interlocking Structure of Revelation: The Most Important Verses in the Book and How They May Unify its Structure », Novum Testamentum, 44(3), 2002, p. 294 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, p. 19 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 108, 114 ; David E. AUNE, Revelation 1-5, p. C ; Jon PAULIEN, « The role of the Hebrew Cultus, Sanctuary, and Temple in the Plot and Structure of the Book of Revelation », p. 248 ; Jon PAULIEN, The Deep Things of God, p. 123. Les exégètes suivants sont aussi proches de STRAND : Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs – Une lecture de l’Apocalypse de saint Jean, Paris : Pneumathèque, 1984, pp. 14-15, propose Ap. 1 :1-3 :22 ; Felise TAVO, « The Structure of the Apocalypse », p. 61, propose Ap. 1 :4-3 :22 ; Bruno CORSANI, L’Apocalisse et l’apocalittica del nuovo testamento, Bologna : Edizioni Dehoniane Bologna, 1996, pp. 123-124 propose Ap. 2 :1-3 :22 ; Jan LAMBRECHT, « A Structuration of Revelation 4,1-22,5 » in: J. Lambrecht (ed.), L’Apocalypse johannique et l’apocalyptique dans le Nouveau Testament, p. 79, propose Ap. 1:4-3 :22 ; Ugo VANNI, La struttura letteraria dell’Apocalisse, p. 175, propose aussi Ap. 2 :4-3 :22 ; 15 Les exégètes suivants sont proches de la proposition de STRAND, qui considère Ap. 4 :1-8 :1 comme une partie bien déterminée de la structure du livre de Jean : Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, p. 61, propose aussi Ap. 4 :1-8 :1 ; John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 441, propose aussi Ap. 4 :1-8 :1 ; Daniel AYUCH, « La instauratión del Trono en siete septenarios », p. 258, propose aussi Ap. 4 :1-8 :1 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 108, propose aussi Ap. 4 :1-8 :1 ; Jon PAULIEN, « The role of the Hebrew

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11 :19-14 :20)17 se divisent en quatre parties : (A) une scène d’introduction

victorieuse située dans le contexte du Temple (Ap. 4-5//8 :2-6//11 :19), (B) une

description prophétique de l’Histoire (Ap. 6//8 :7-9 :21//12-13), (C) un interlude

focalisé sur les événements finaux (Ap. 7//10 :1-11 :13//14 :1-13) et (D)

l’apogée eschatologique comme climax de l’Histoire (Ap. 8 :1//11 :14-

18//14 :14-20). Dans la partie eschatologique de l’Apocalypse nous trouvons

aussi quatre visions qui, sauf la première, sont structurées de la même façon.

La vision VIII (Ap. 21 :5-22 :5)18 est aussi articulée en deux parties seulement :

(A) une scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du Temple (Ap.

21 :5-11a) et (B) une description prophétique du jugement final (Ap. 21 :11b-

Cultus, Sanctuary, and Temple in the Plot and Structure of the Book of Revelation », p. 248 et Jon PAULIEN, The Deep Things of God, p. 123 propose aussi Ap. 4 :1-8 :1. Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs, pp. 14-15, propose 4 :1-7 :17 ; Dominique VISEUX, L’Apocalypse, son symbolisme et son image du monde, Milano : Archè Milano, 1985, pp. 28-29 propose Ap. 4 :1-7 :17 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, p. 19, propose Ap. 4 :1-8 :5 ; David E. AUNE, Revelation 1-5, propose Ap. 4.2b-7 :17. 16 Les exégètes suivants sont proches de la proposition de STRAND, qui considère Ap. 8 :2-11 :18 comme une partie bien déterminée de la structure de l’Apocalypse : François ROSSEAU, L’Apocalypse et le milieu prophétique du nouveau testament, pp. 28, 30 propose aussi Ap. 8 :2-11 :18 ; John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 441, propose aussi Ap. 8 :2-11 :18 ; Jon PAULIEN, « The role of the Hebrew Cultus, Sanctuary, and Temple in the Plot and Structure of the Book of Revelation », p. 248 et Jon PAULIEN, The Deep Things of God, p.123 propose aussi Ap. 8 :2-11 :18 ; Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, p. 61, propose Ap. 8 :2-11 :19 ; Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs, pp. 14-15 propose Ap. 8 :1-11 :19 ; Dominique VISEUX, L’Apocalypse, son symbolisme et son image du monde, p. 29, propose Ap. 8 :2-11 :19 ; Daniel AYUCH, « La instauración del Trono en siete septenarios », p. 258 propose Ap. 8 :2-11 :19 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, p. 19, propose Ap. 8 :2-11 :19 ; Ugo VANNI, La struttura letteraria dell’Apocalisse, pp. 191-195, propose Ap. 8 :1-11 :14 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 108, propose Ap. 8.2-11 :19 ; David E. AUNE, Revelation 1-5, propose Ap. 8 :1-11 :14. 17 Les exégètes suivants sont proches de la proposition de STRAND, qui considère Ap. 11 :19-14 :20 comme une partie discrète de la structure du livre de Jean : John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 442, propose aussi Ap. 11 :19-14 :20 ; Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs, pp. 14-15 propose Ap. 12 :1-14 :20 ; Richard BAUCKHAM, « Structure and Composition », p. 15, propose Ap. 12 :1-14 :20 ; Felise TAVO, « The Structure of the Apocalypse », p. 61, propose Ap. 12 :1-14 :20 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 108, propose Ap. 21 :1-14 :20 ; 18 Les exégètes suivants sont proches de la proposition de STRAND, qui considère Ap. 21 :5-22 :5 comme une partie bien determinée de la structure de l’Apocalypse : Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs, pp. 14-15 propose Ap. 21 :1-22 :21 ; José Adriano FILHO, « The Apocalypse of John as an Account of a Visionary Experience », p. 229, propose Ap. 21 :1-22 :9 ; Felise TAVO, « The Structure of the Apocalypse », p. 61, propose Ap. 21 :9-22 :5 ; Christopher R. SMITH, « The Structure of the Book of Revelation in Light of Apocalyptic Literary Conventions », p. 392, propose Ap. 21 :9-22 :9 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, p, 19, propose Ap. 21:9-22:5 ; David E. AUNE, Revelation 1-5, propose Ap. 21 :9-22 :9 ; Jon PAULIEN, « The role of the Hebrew Cultus, Sanctuary, and Temple in the Plot and Structure of the Book of Revelation », p. 248 et Jon PAULIEN, The Deep Things of God, p. 123, propose Ap. 21:1-22:5.

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22 :5). Les visions V (Ap. 15 :1-16 :17)19, VI (Ap. 16 :17-18 :24) et VII (Ap.

19 :1-21 :4) se divisent aussi en quatre parties : (A) une scène d’introduction

victorieuse située dans le contexte du Temple (Ap. 15 :1-16 :1//16 :17-

17 :3a//19 :1-10), (B) une description prophétique du jugement final (Ap. 16 :2-

14//17 :3b-18 :3//19 :11-20 :5), (C) un interlude sous forme d’exhortation ou

appel (Ap. 16 :15//18 :4-8, 20//20 :6), et (D) le point culminant eschatologique

dans le jugement final (Ap. 16 :17//18 :9-19, 21-24//20 :7-21 :4)20.

Cette nette organisation structurelle des huit visions qui constituent

l’Apocalypse doit encore être éclairée par les considérations suivantes.

Premièrement, on doit remarquer que le bloc A – les scènes d’introduction

victorieuse – de chacune des huit visions ont comme contexte l’imagerie du

Temple céleste et/ou de son mobilier sacré. Dans les scènes d’introduction des

visions IV (Ap. 11 :19) et V (Ap. 15 :1-16 :1), le Temple est explicitement

mentionné. Dans les scènes d’introduction des visions I (Ap. 1 :10b-20), II (Ap.

4-5) et III (Ap. 8 :2-6) l’allusion au mobilier du Temple céleste indique celui-ci

comme fournissant le contexte introducteur des visions. Dans la scène

d’introduction de la vision VII (Ap. 19 :1-10), le contexte est le trône de Dieu qui

se situe à l’intérieur du Temple céleste (cf. Ap. 4 :2-11). Même les scènes

d’introduction des visions VI et VIII ont comme contexte l’imagerie du Temple

céleste. Dans la vision VI (Ap. 16 :17-17 :3a), le verset 17 du chapitre 16, qui

est un élément de liaison bilatérale avec la vision antérieure, mentionne le

Temple. Dans la vision VIII (Ap. 21 :5-11a), il y a la référence à Celui qui siège

sur le trône (Ap. 21 :5a), situé dans le Temple céleste21. Deuxièmement, nous

19 Les exégètes suivants sont proches de la proposition de STRAND, qui considère Ap. 15 :1-16 :17 comme une partie bien déterminée de la structure du livre de Jean : Bruno CORSANI, l’Apocalisse et l’apocalittica del nuovo testamento, p. 127, propose aussi Ap. 15 :1-16 :17 ;John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 442, propose Ap. 15 :1-16 :21 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, p. 19, propose Ap. 15 :1-16 :20 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 109, 114 propose Ap. 15 :1-16 :21. 20 Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », pp. 38-39, 46-47. 21 Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », p. 46. Pour une discussion plus détaillée des scènes d’introduction victorieuses voir Kenneth A., STRAND, « “Victorious-Introduction” Scenes », In: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation, pp. 51-72 = Kenneth A. STRAND, « The “Victorious-Introduction” Scenes in the Visions in the Book of Revelation », Andrews University Seminary Studies, 25, 1987, pp. 267-288. John Wick BOWMAN, « The Revelation of John », pp. 448-449, a aussi remarqué que les grandes divisions de la structure de l’Apocalypse sont inaugurées par des scènes dans lesquelles le mobilier du Temple apparaît en évidence. Il mentionne Ap. 1 :9-20, 4 :1-5, 8 :3-5, 11 :19, 15 :5-8, 17 :1-2 et 20 :4-6. David E. AUNE, Revelation 1-5, p. XCVII, voit aussi l’importance des scènes du trône céleste dans la structure du livre de Jean. Jon PAULIEN, « The role of the Hebrew Cultus, Sanctuary, and Temple in the Plot and Structure of the Book of Revelation », pp. 248-254 et Jon PAULIEN, The

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devons avoir à l’esprit que le bloc C – l’interlude - n’est pas présent seulement

dans les visions II-IV, comme le reconnaissent plusieurs interprètes, mais aussi

(même si c’est de façon plus succincte) dans les visions V-VII. La fonction de

ce bloc de texte C est de mettre l’accent sur le message du bloc B, la

description prophétique, et de l’amplifier. Dans les visions II-IV, l’interlude est

une description détaillée et élargie des événements de la fin prenant place dans

l’histoire, avant son achèvement eschatologique (le retour de Jésus). Il

développe et accentue significativement certains faits importants en rapport

avec la partie finale de la description prophétique de l’Histoire. Dans les visions

V-VII, qui décrivent le jugement eschatologique, l’interlude interrompt

brièvement la description des scènes eschatologiques et prend la forme

d’exhortation à la persévérance dans la foi et d’appels à la repentance à

l’intention des lecteurs et auditeurs du livre de Jean22. Troisièmement, il faut

noter que le bloc D – le point culminant eschatologique dans l’Histoire (le

jugement final) - qui clôture chacune des huit visions est naturellement

l’extension et l’achèvement de la précédente description prophétique (bloc B)

qui constitue le corps central de chaque vision23.

L’organisation structurelle de l’Apocalypse que nous avons décrite ici

succinctement peut être présentée sous forme de schéma.

Deep Things of God, pp. 126-132, soutient aussi que les principales sections de la structure du livre de Jean commencent avec des scènes introductrices qui ont comme contenu le Temple et son mobilier. Cependant, il diffère de STRAND dans la mesure où il voit sept (et non huit) sections dans la structure de l’Apocalypse. Il indique donc comme scènes introductrices (I) Ap, 1 :9-20, (II) 4 :1-5 :14, (III) 8 :2-6, (IV) 11 :19, (V) 15 :5-8, (VI) 19 :1-10, (VII) 21 :1-8. Il faut dire que les scènes I-IV et VI-VII sont identiques aux scènes d’introduction indiquées par STRAND. Ranko STEFANOVIC, Finding Meaning in the Literary Patterns of Revelation », Journal of the Adventist Theological Society, 13(1), 2002, pp. 32-33, est d’accord avec la proposition de PAULIEN. Richard M. DAVIDSON, « Sanctuary Typology », In: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation – Book 1 – Introductory and Exegetical Studies (Daniel and Revelation Committee Series, vol. 6), Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 2000 (1st ed., 1992), pp. 111-115, soutient aussi que les principales sections de la structure de l’Apocalypse commencent avec des scènes introductrices qui ont comme contenu le Temple et son mobilier. Seulement il voit sept scènes, comme PAULIEN, et non huit comme STRAND. Il indique comme scènes introductrices : (I) Ap. 1 :12-20, (II) Ap. 4 :1-5 :14, (III) Ap. 8 :2-5, (IV) Ap. 11 :19, (V) 15 :5-8, (VI) Ap. 19 :1-10, (VII) Ap. 21 :1-22 :5. 22 Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », pp. 39, 43, 47. Pour une discussion élargie sur la structure et sur la matière des interludes des visions II, III, et IV, voir Kenneth A. STRAND, « The “Spotlight-On-Last-Events” Sections in the Book of Revelation », pp. 201-221. Jan LAMBRECHT, « A Structuration of Revelation 4,1-22,5 », pp. 95-97, discute aussi des deux premiers interludes, qu’il appelle « intercalations ». 23 Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », pp. 39, 47.

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2.1. Schéma de la structure de l’Apocalypse

Le schéma de la structure de l’Apocalypse suggéré par Strand24 peut

être présenté de la façon suivante :

Prologue (Ap. 1 :1-10a) Les quatre visions historiques (Ap. 1 :10b-14 :20)

Vision I (Ap. 1 :10b-3 :22) – L’Eglise militante

Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 1 :10b-20).

Bloc B – Description prophétique de l’Histoire (Ap. 2-3)

Vision II (Ap. 4 :1-8 :1) – L’œuvre de Dieu pour le salut de l’Homme

Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 4-5).

Bloc B – Description prophétique de l’Histoire (Ap. 6).

Bloc C – Interlude : gros plan sur les événements finaux (Ap. 7).

Bloc D – Point culminant eschatologique : climax de l’Histoire (Ap. 8 :1).

Vision III (Ap. 8 :2-11 :18) – Dieu alerte les égarés Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 8 :2-6).

Bloc B – Description prophétique de l’Histoire (Ap. 8 :7-9 :21).

Bloc C – Interlude : gros plan sur les événements finaux (Ap. 10 :1-

11 :13).

Bloc D – Point culminant eschatologique : climax de l’Histoire (Ap.

11 :14-18).

Vision IV (Ap. 11 :19-14 :20) – Dieu combat contre les forces du Mal

24 Kenneth A. STRAND, « The Eight Basic Visions », pp. 40-46 ; Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, p. 51.

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Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 11 :19).

Bloc B – Description prophétique de l’Histoire (Ap. 12-13).

Bloc C – Interlude : gros plan sur les événements finaux (Ap. 14 :1-13).

Bloc D – Point culminant eschatologique : climax de l’Histoire (Ap.

14 :14-20).

Les quatre visions de jugement eschatologique (Ap. 15 :1-22 :5)

Vision V (Ap. 15 :1-16 :17) – Dieu punit les méchants

Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 15 :1-16 :1).

Bloc B – Description prophétique du jugement final (Ap. 16 :2-14).

Bloc C – Interlude : exhortation ou appel (Ap. 16 :15).

Bloc D – Point culminant eschatologique : le jugement final (Ap. 16 :17).

Vision VI (Ap. 16 :17-18 :24) – Dieu juge les forces du Mal Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 16 :17-17 :3a).

Bloc B – Description prophétique du jugement final (Ap. 17 :3b-18 :3)

Bloc C – Interlude : exhortation ou appel (Ap. 18 :4-8, 20).

Bloc D – Point culminant eschatologique : le jugement final (Ap. 18 :9-19,

21-24).

Vision VII (Ap. 19 :1-21 :4) – Dieu achève son ouvre de salut Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 19 :1-10).

Bloc B – Description prophétique du jugement final (Ap. 19 :11-20 :5).

Bloc C – Interlude : exhortation ou appel (Ap. 20 :6).

Bloc D – Point culminant eschatologique : le jugement final (Ap. 20 :7-

21 :4).

Vision VIII (Ap. 21 :5-22 :5) – L’Eglise triomphante Bloc A – Scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du

Temple (Ap. 21 :5-11a).

Bloc B – Description prophétique du jugement final (Ap. 21 :11b-22 :5).

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15

Epilogue (Ap. 22 :6-21)

2.2. Le chiasme dans la structure de l’Apocalypse Dans son analyse minutieuse de la structure de l’Apocalypse, Kenneth

Strand a aussi trouvé l’existence d’un parallélisme entre les huit visions qui

constituent le livre de Jean. Ce parallélisme a la forme d’un chiasme et il place

les visions des deux parties – historique et eschatologique – de l’Apocalypse

dans une « relation de miroir ». On peut donc dire qu’il y a une corrélation

structurelle entre chacune des sections de la première partie (historique) et

chacune des sections de la deuxième partie (eschatologique) du livre de Jean.

Cette corrélation structurelle est rendue évidente par l’existence manifeste de

parallèles thématiques entre les sections correspondantes que constituent les

deux parties du livre. Observons de façon détaillée, pour chaque paire de

visions, ces parallèles thématiques qui établissent la structure en chiasme de

l’Apocalypse.

2.2.1. Le Prologue et l’Epilogue

Le prologue (Ap. 1 :1-10a) et l’épilogue (Ap. 22 :6-21) de l’Apocalypse

présentent des parallèles thématiques qui établissent entre eux une corrélation

structurelle. Dans ces deux sections du livre, non seulement est présent

l’exposition de son propos et de son thème global, mais il y a d’autres aspects

thématiques qui sont communs. Ces parallèles thématiques sont évidents dans

le tableau suivant25 :

25 Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, pp. 44-45 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, p. 46. Franco MONDATI, « La struttura generale dell’Apocalisse », Rivista Biblica, 45(3), 1997, p. 293, voit aussi un parallélisme thématique entre l’introduction (Ap. 1) et la conclusion (Ap. 22). Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, p. 6, est aussi de l’avis que la Préface (Ap. 1 :1-8) est en relation avec l’Epilogue (Ap. 22 :6-20). De même Ugo VANNI, La struttura letteraria dell’Apocalisse, pp. 112-113. Jon PAULIEN, The Deep Things of God, pp. 121-122, découvre aussi un parallélisme thématique entre le Prologue (Ap. 1 :1-8) et l’Epilogue (Ap. 22 :6-21). Ranko STEFANOVIC, « Finding Meaning in the Literary Patterns of Revelation », p. 38, est d’accord pour voir un parallélisme thématique entre Ap. 1 :1-8 et Ap. 22 :6-21. Desmond FORD, Crisis ! A Commentary on the Book of Revelation, 2 vols, Newcastle, CA : Desmond Ford, 1982, vol. 1 : A Hermeneutic for Revelation, p. 60, découvre aussi un parallèle thématique entre Ap. 1 :1-10 et Ap. 22 :6-21.

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16

Prologue Epilogue

Ap. 1 :1

Révélation de Jésus, envoyée par un ange sur « ce qui doit arriver bientôt »

Un ange envoyé pour montrer « ce qui doit arriver bien tôt »

Ap. 22 :6

Ap. 1 :3 Bénédiction sur ceux qui gardent ce qui est écrit dans le livre

Bénédiction sur ceux qui gardent ce qui est écrit dans le livre

Ap. 22 :7

Ap. 1 :3a Les paroles de la prophétie

Les paroles de la prophétie Ap. 22 :10, 18

Ap. 1 :3b Le temps est proche Le temps est proche Ap.. 22 :10b

Ap. 1 :4-6 Salutations aux Eglises Exhortation et témoignage aux Eglises

Ap. 22 :16

Ap. 1 :7-8 « Il vient », Alpha et Oméga

« Je viens bientôt », Alpha et Oméga Ap. 22 :12-13

Ap. 1 :9-10 Scène d’ouverture Scène de clôture Ap. 22 :8

2.2.2. L’Eglise militante et triomphante

La première vision de l’Apocalypse (1 :10b-3 :22) est constituée par les

messages aux sept Eglises, atravers lesquelles on a une description de l’Eglise

militante dans l’histoire. Par contre, la dernière vision du livre de Jean (21 :5-

22 :5) offre une description de la Nouvelle Jérusalem et du peuple de Dieu

récompensé comme l’Eglise triomphante. Les promesses faites à l’Eglise

militante dans la vision I sont présentées comme étant accomplies dans l’Eglise

triomphante de la vision VIII. Dans la vision I, Jean voit l’Eglise sous la

protection et le jugement de son Seigneur, dans la vision VIII Jean voit l’Eglise

comme la communauté sauvée et parfaite, représentée par la Nouvelle

Jérusalem. On voit donc ainsi clairement que la vision I est historique et la

vision VIII est eschatologique. Il faut noter que la corrélation structurelle entre la

vision I et la vision VIII n’est pas seulement axée sur leur thème commun :

l’Eglise. En effet, une comparaison entre les deux visions nous permet de

découvrir plusieurs parallèles thématiques26. Remarquons les suivants :

26 Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, p. 45 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, p. 46 ; Kenneth A. STRAND, « Chiastic Structure and Some Motifs in the Book of Revelation », p. 407. Hans K. LARONDELLE, Light for the Last Days, pp. 55-56, voit exactement le même parallèle thématique entre les visions I et VIII. John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 452, découvre aussi un parallèle thématique entre les parties constituées par Ap. 1 :9-3 :22 et Ap. 20 :11-22 :5. Il est suivi par Leroy C. SPINKS, « A Critical Examination of J. W. Bowman’s Proposed Structure of the Revelation », p. 218. Elisabeth FIORENZA, « The Eschatology and Composition of the Apocalypse », p. 563,

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17

Eglise Militante Eglise triomphante

Ap. 1 :16 Eclat du Christ Ap. 21 :23

Ap. 1 :17 ; 2 :8 Premier et dernier Alpha et Omega Ap, 22 :13

Ap. 2 :7 Arbre de vie Ap. 22 :2 Ap. 3 :5 Livre de vie Ap. 21 :27 Ap. 2 :11 Deuxième mort Ap. 21 :8 Ap. 2 :28 Étoile du matin Ap. 22 :16 Ap. 3 :12 Nouvelle Jérusalem Ap. 21 :10

Ap. 3 :12 Nom de Dieu écrit sur son peuple Ap. 22 :4

Ap. 3 :21 Trône Ap. 22 :3 Ap. 3 :14 Fidèle et vrai Ap. 21 :5 Ap. 2 :7, 11, 17, 26 Ap. 3 :5, 12, 21

Mention des vainqueurs

Ap. 21 :7

2.2.3. L’œuvre de Dieu pour le salut de l’Homme

Le rapport structurel en chiasme des sections de l’Apocalypse est aussi

observé dans la relation en miroir que unit les visions II (Ap. 4 :1-8 :1) et VII

(Ap. 19 :1-21 :4). Le contenu de ces deux visions montre la progression de

l’œuvre de Dieu pour le salut de l’Homme (vision II) et l’achèvement de cette

œuvre divine (vision VII). On observe l’existence de plusieurs parallèles

thématiques entre les deux visions. En plus, une lecture attentive des deux

visions montre bien que la vision II décrit des circonstances historiques et la

vision VII décrit des événements du jugement eschatologique. Cette différence

de perspective temporelle est manifeste, par exemple, dans la comparaison

entre Ap. 6 :10 (« Jusqu’à quand… tardes-tu à juger, à venger notre

sang… ? ») et Ap. 19 :2 (« Il a jugé la grande prostituée… et il a vengé le sang

de ses esclaves en le lui réclamant. »). Le premier verset a naturellement sa

place dans le temps historique, tandis que le deuxième verset a sa place dans voit aussi l’existence d’un parallèle thématique entre Ap. 1 :9-3 :22 et 21 :1-22 :5. José Adriano FILHO, « The Apocalypse of John as an Account of a Visionary Experience », pp. 217-218, découvre aussi un parallèle entre Ap. 1 :9-3 :22 et 21 :1-22 :5(?) ; Felise TAVO, « The Structure of the Apocalypse », pp. 65-66, est d’accord sur l’existence d’un parallèle thématique entre Ap. 1 :4-3 :22 et Ap. 21 :9-22 :5 ; Franco MONDATI, « La struttura generale dell’Apocalisse », pp. 293-294, voit aussi un parallèle thématique entre le septénaire des églises (Ap. 2-3) et la description de la Nouvelle Jérusalem (Ap. 21). Jon PAULIEN, The Deep Things of God, p. 122, trouve aussi un parallèle thématique entre les sections constituées par Ap. 1 :9-3 :22 et Ap. 21 :1-22 :5. Ranko STEFANOVIC, « Finding Meaning in the Literary Patterns of Revelation », pp. 38-39, soutient aussi qu’il y a un parallèle thématique entre Ap. 1 :9-3 :22 et Ap. 21 :5-22 :5. Desmond FORD, Crisis !, vol. 1, p. 62, trouve aussi un parallélisme entre Ap. 1-3 et Ap. 21-22.

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18

le temps de l’accomplissement eschatologique. Voyons quelques parallèles

thématiques entre les visions II et VII27 :

L’œuvre progresse L’œuvre achevée Ap. 4 :2 Trône Ap. 19 :4, 20 :11 Ap. 4 :4 24 anciens Ap. 19 :4 Ap. 4 :6 4 êtres vivants Ap. 19 :4

Ap. 4 :9-11 ; 5 :8-10 Louange des 4 êtres vivantes et des 24 anciens Ap. 19 :4

Ap. 5 :13 Toutes les créatures louent Ap. 19 :1, 6 Ap. 5 :6 ; 7 :10, 17 L’agneau Ap. 19 :7, 9 Ap. 6 :2 Cavalier sur un cheval blanc Ap. 19 :11 Ap. 6.4 Épée Ap. 19 :15, 21 Ap. 6 :10 Jugement et vengeance Ap. 19 :2 Ap. 6 :15 Angoisse des grands, rois, etc Ap. 19 :17-18 Ap. 7 :9 ; 6 :11 Vêtements blancs Ap. 19 :8 Ap. 7 :15 Dieu habite avec son peuple Ap. 21 :3

Ap. 7 :15 Temple ou tabernacle avec les hommes Ap. 21 :3

Ap. 7 :17 Larmes essuyées Ap. 21 :4

2.2.4. Dieu avertit les égarés et punit les méchants

La structure en chiasme qu’on découvre dans l’Apocalypse établit aussi

un lien thématique entre la vision III (Ap. 8 :2-11 :18) et la vision V (Ap. 15 :1-

16 :17). Le contenu de ces deux visions a comme thème l’action de Dieu vis-à-

vis des égarés (vision III) et des méchants (vision V). Le contenu des visions

montre de manière évidente que la vision III décrit les châtiments des infidèles

qui ont lieu dans l’histoire et que la vision V décrit les châtiments

eschatologiques de tous les hommes qui ne se sont pas repentis. En effet, les

châtiments des trompettes tombent seulement sur un tiers de la terre, parce

que leur objectif est d’amener les humains à la repentance. Il est encore temps

pour que les hommes se tournent vers Dieu. Par ailleurs, les plaies tombent sur

toute la terre et sur la dernière génération des méchants, immédiatement avant

27 Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, p. 46 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, pp. 46-47 ; Kenneth A. STRAND, « Chiastic Structure and Some Motifs in the Book of Revelation », p. 407. Ranko STEFANOVIC, « Finding Meaning in the Literary Patterns of Revelation », p. 39, partage aussi l’opinion qu’il existe un parallèle thématique entre Ap. 4 :1-8 :1 et Ap. 19 :1-21 :4. Jon PAULIEN, The Deep Things of God, pp. 122-124, découvre aussi un parallèle thématique entre Ap. 4 :1-8 :1 et Ap. 19 :1-20 :15. Desmond FORD, Crisis !, vol. 1, pp. 62-63, voit aussi un parallèle thématique entre Ap. 4 :1-8 :1 et Ap. 19-20.

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19

le retour de Jésus (cf. Ap. 15 :1-8). Une lecture attentive des deux visions nous

indique l’existence de plusieurs parallèles thématiques, notamment un

important parallèle structurel. En effet, les deux visions sont construites sur le

schéma littéraire des plaies d’Egypte du livre de l’Exode (Ex 7-12) et sur la

tradition de la chute de Babylone par l’assèchement de ses eaux (Es 21 :1-10 ;

Jr 50 :35-38 ; Jr 51 :36-37). Voyons les principaux parallèles entre les deux

visions28 :

Trompettes

Plaies

Ap. 8 :6 Sept anges Ap. 16 :1 Ap. 8 :7 Sur la terre Ap. 16 :2 Ap. 8 :8 Sur la mer Ap. 16 :3 Ap. 8 :10 Sur les rivières et sur les

sources Ap. 16 :4

Ap. 8 :12 Sur les Corps célestes, sur le soleil

Ap. 16 :8

Ap. 9 :2 Obscurité Ap. 16 :10 Ap. 9 :14 Sur l’Euphrate Ap.16 :12

Ap. 11 :15 Proclamation du gouvernement du

Christ : « c’est fait »

Ap. 16 :17

2.2.5. Dieu combat et juge les forces du Mal

Finalement, l’existence d’un rapport structurel en chiasme entre les

visions du livre de Jean est aussi constaté dans la relation « en miroir » qui unit

les visions IV (Ap. 11 :19-14 :20) et VI (Ap. 16 :18-18 :24). Le contenu de ces

deux visions révèle le combat historique de Dieu contre les forces du Mal

(vision IV) et le jugement eschatologique de Dieu sur ces forces (vision VI). On

28 Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, pp. 46-47 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, p. 47 ; Kenneth A. STRAND, « Chiastic Structure and Some Motifs in the Book of Revelation », p. 407. Hans K. LARONDELLE, Light For the Last Day, p. 57, voit aussi la même corrélation thématique entre les deux visions. John Wick BOWMAN, « The Revelation to John », p. 446, découvre aussi un parallélisme structurel entre Ap. 8:2-11:18 et Ap.15 :1-16 :21. Il est suivi par Leroy C. SPINKS, « A Critical Examination of J. W. Bowman’s Proposed Structure of the Revelation », pp. 218-219 ; Felise TAVO, « The Structure of the Apocalypse », p. 65-66, voit lui aussi un parallélisme thématique entre Ap. 8 :1-11 :14 et Ap. 15 :1-16 :16 ; Desmond FORD, Crisis !, vol. 1, p. 64, découvre aussi un parallèle thématique entre Ap. 8 :2-11 :19 et Ap. 15-16.

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20

observe l’existence de plusieurs parallèles thématiques entre les deux

visions29 :

Lutte de Dieu avec les puissances du Mal

Jugement de Dieu sur les puissances du Mal

Ap. 11 :19 Voix, tonnerres, éclairs, tremblement de terre, forte grêle

Ap. 16 :18.21

Ap. 12 :1 Femme vêtue du Soleil versus prostituée

Ap. 17 :1

Ap. 12 :3 ; 13 :1 Bête avec 7 têtes et 10 cornes

Ap. 17 :3

Ap. 12 :14 Femme dans le désert Ap. 17 :3 Ap. 14 :8 Babylone est tombée Ap. 18 :2

On doit remarquer que les parallèles thématiques que nous observons

ici sont plutôt d’ordre structurel. L’opposition symbolique entre la femme pure et

la prostituée traverse tous les chapitres 12 et 17. De la même façon, le rapport

d’identité symbolique existant entre le Dragon et la Bête des chapitres 12 et 13

et la Bête du chapitre 17 établit une relation de parallélisme structurel entre ces

chapitres.

Après cette observation détaillée de l’existence de parallèles

thématiques « en miroir » entre les sections qui composent la structure de

l’Apocalypse, nous pouvons conclure que le livre de Jean est effectivement

organisé structurellement sous la forme d’un parallélisme inversé, cet-à-dire,

d’un chiasme30. On doit aussi remarquer que d’un côté du chiasme se situent

29 Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, pp. 46-47 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, p. 47 ; Kenneth A. STRAND, « Chiastic Structure and Some Motifs in the Book of Revelation », p. 407. Hans K. LARONDELLE, Light for the Last Days, pp. 61-65, voit aussi dans Ap. 12-14 une unité littéraire qui compose une partie bien déterminée de la structure du livre de Jean. Desmond FORD, Crisis !, vol. 1, p. 62, trouve aussi dans Ap. 12 :1-14 :20 une unité littéraire intégrant la structure de l’Apocalypse. 30 Cette perspective de STRAND sur l’organisation en chiasme de l’Apocalypse est suivie, avec des différences ponctuelles, par C. Mervyn MAXWELL, God Cares – The Message of Revelation for You and Your Family, Boise, Id.: Pacific Press, 1985, pp. 54-61. Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs, p. 15, propose aussi une organisation en chiasme de la structure de l’Apocalypse, mais seulement avec sept parties et avec un point central: (A) Ap. 1-3, (B) Ap. 4-7, (C) Ap. 8-11, (D) Ap. 12-14, (C’) 15-18, (B’) Ap. 18-20, (A’) Ap. 21-22. Jon PAULIEN, The Deep Things of God, pp. 123 voit aussi la structure de l’Apocalypse comme un chiasme, mais aussi seulement avec sept parties (plus le Prologue et l’Epilogue) et un point central. Il propose : (A) Ap. 1 :9-3 :22, (B) Ap. 4:1-8:1, (C) Ap. 8:2-11:18, (D) Ap. 11:19-15:4, (C’) Ap. 15:5-18:24, (B’) Ap. 19:1-20:15, (A’) Ap. 21 :1-22 :5. Ranko STEFANOVIC, « Finding Meaning in the Literary Patterns of Revelation », p. 38, propose aussi une organisation en

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des visions historiques, et de l’autre côté se situent des visions

eschatologiques. Les deux côtés sont reliés par des rapports thématiques.

2.3. La récapitulation dans la structure de l’Apocalypse

Pour compléter les observations sur l’organisation structurelle de

l’Apocalypse, il faut encore dire quelques mots concernant l’existence d’un

mouvement de récapitulation à l’intérieur de la structure du livre de Jean.

Effectivement, dans les visions II (Ap. 4 :1-8 :1), III (Ap. 8 :2-11 :18) et IV (Ap.

11 :19-14 :20) de la partie historique de l’Apocalypse on trouve des indices de

récapitulation31. Dans ces trois visions la même période historique – qui

commence au temps de Jean - est traversée trois fois, à partir de trois

perspectives différentes, culminant chaque fois dans le même climax

eschatologique32.

En effet, on trouve présents, dans les trois visions, trois motifs

récurrents : (A) la persécution des fidèles, (B) le châtiment final des impies par

Dieu et (C) le triomphe final de Dieu, de l’Agneau et/ou des fidèles. Dans la

vision II (Ap. 4 :1-8 :1), le cinquième sceau (Ap. 6 :9-11) et la déclaration de Ap.

7 :14 montrent l’existence de la persécution des saints sur la terre ; le châtiment

final des méchants par Dieu est manifeste dans le sixième sceau (Ap. 6 :12-17)

et le triomphe final de Dieu et des saints est décrit dans l’interlude (Ap. 7). Dans

la vision III (Ap. 8 :2-11 :18) la persécution des fidèles est implicite dans

l’épisode de Ap. 8 :3-5, puisque la juxtaposition de l’acte symbolique de lancer

l’encensoir plein de feu de l’autel sur la terre avec l’offrande des prières des

chiasme de la structure de l’Apocalypse, mais avec onze sections: (A) Ap. 1:1-8, (B) Ap. 1:9-3:22, (C) Ap. 4:1-8:1, (D) Ap. 8:2-9:21, (E) Ap. 10:1-11:18, (F) Ap. 11:19-13:18, (E’) Ap. 14:1-20, (D’) Ap. 15:1-18:24, (C’) Ap. 19:1-21:4, (B’) Ap. 21:5-22:5, (A’) Ap. 22:6-21. 31 Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, p. 49 et Perspectives in the Book of Revelation, p. 47, soutient encore la thèse qu’il y a aussi de la récapitulation dans la partie eschatologique de l’Apocalypse. Il donne comme exemple le fait que la scène de jugement du chapitre 17 concernant la prostituée explique et développe les deux dernières plaies du chapitre 16. Cependant, il nous semble qu’on n’a pas vraiment de récapitulation dans la partie eschatologique, puisque les événements concernant la fin qui y sont décrits ont un caractère unique. L’exemple que STRAND donne n’est pas un cas de récapitulation, mais plutôt une instance de simple amplification et explication, par une partie de la vision VI, du contenu d’une autre partie de la même vision. En effet, si nous comparons la nature du phénomène récapitulatif présent dans la partie historique de l’Apocalypse avec l’exemple donné par STRAND concernant la partie eschatologique, nous constatons qu’il s’agit de phénomènes structurels clairement différents. C. Mervyn MAXWELL, God Cares, pp. 61-62, voit aussi la présence de récapitulation seulement dans les visions II, III et IV. 32 Ranko STEFANOVIC, « Finding Meaning in the Literary Patterns of Revelation », p. 30.

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saints indique que les plaies qui suivent sont des actes de jugement en réponse

à la persécution des fidèles ; la punition des méchants est indiquée par la

sixième trompette (Ap. 9 :13-21) et proclamée par les vingt quatre anciens dans

la scène de la septième trompette (Ap. 11 :18) ; dans cette même scène, le

triomphe de Dieu et la récompense des fidèles sont déclarés par les mêmes

vingt quatre anciens (Ap. 11 :15, 17-18). Finalement, dans la vision IV (Ap.

11 :19-14 :20), on trouve les mêmes motifs. On y observe l’existence de la

persécution des saints par les forces du Mal (Ap. 12-13) ; ensuite, il y a

l’allusion métaphorique au châtiment final des méchants et des pouvoirs du Mal

par Dieu pendant le retour du Christ (Ap. 14 :14-18) ; et, enfin, on témoigne

dans l’interlude du triomphe des saints et de l’Agneau (Ap. 14 :1-5)33. On peut

donc conclure que, dans les visions II-IV, on observe le même schéma

thématique : (A) la persécution des saints par les méchants et par les pouvoirs

du Mal pendant l’Histoire ; (B) le châtiment des méchants au long de l’histoire

par Dieu et la défaite finale des pouvoirs du Mal dans l’accomplissement

eschatologique, par le retour de l’Agneau ; et (C) la description du triomphe final

de Dieu, de l’Agneau et des fidèles. Nous devrons aussi remarquer que la

répétition de la mention d’une période de trois ans et demi de persécution des

fidèles en Ap. 11 :2, 3 et aussi en Ap. 12 :6, 14 et 13 :5, implique que les

chapitres 11 et 12-13 ne se succèdent pas chronologiquement, puisque ils font

référence au même événement historique. Cet événement mentionné en Ap. 11

est donc récapitulé en Ap. 12 et 1334. On peut ainsi conclure qu’il y a une vraie

récapitulation des mêmes événements historiques dans les trois visions

mentionnés35.

33 Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, pp. 32-38. 34 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 132. 35 Charles Homer GIBLIN, « Recapitulation and the Literary Coherence of John’s Apocalypse », The Catholical Biblical Quarterly, 56(1), 1994, pp. 81-95, soutient aussi l’existence de récapitulation dans la structure du livre de Jean. De même Jürgen ROLOFF, The Revelation of John – A Continental Commentary, Minneapolis, MI: Augsburg Fortress Press, 1993, p. 15 et G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation (New Century Bible Commentary), Grand Rapids. Mich./London : Wm. B. Eerdmans/Marshal, Morgan & Scott, 1983 (1st ed. 1974), p. 30. G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 121-144 présente plusieurs arguments pour soutenir l’existence de récapitulation dans l’Apocalypse. Marko JAUHIAINEN, « Recapitulation and Chronological Progression in John’s Apocalypse : Towards a New Perspective », New Testament Studies, 49(4), 2003, pp. 543-559, propose une lecture alternative des phénomènes littéraires dans le livre de Jean qui sont habituellement interprétés comme donnant évidences de récapitulation. Cependant, ses arguments ne semblent être suffisamment forts pour expliquer autrement les évidences de récapitulation dans l’Apocalypse. La progression qu’il voit dans la succession des sceaux, des trompettes, de la vision des bêtes et des coupes n’est pas

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La présence de récapitulations dans la partie historique du livre de Jean

est aussi rendue manifeste par l’existence d’une même forme d’organisation

structurelle symétrique des trois visions, qui parait indiquer l’existence d’un

parallélisme chronologique36. Voyons en détail cette organisation :

Vision II (Ap. 4 :1-8 :1) - L’œuvre de Dieu pour le salut de l’Homme 1. Scène d’introduction victorieuse : La salle du trône dans le Ciel,

l’Agneau est digne d’ouvrir le livre (Ap. 4 :1-5 :14)

2. La vision de l’histoire : les 6 sceaux (Ap. 6 :1-17)

3. Gros plan sur les événements finaux : le travail de scellement,

la grande multitude (Ap. 7 :1-17)

4. Climax eschatologique de l’Histoire : le 7ème sceau (Ap. 8 :1)

Vision III (Ap. 8 :2-11 :18) – Dieu alerte les égarés 1. Scène d’introduction victorieuse : Encens mélangé avec les

prières des saints (Ap. 8 :2-5)

2. La vison de l’Histoire : les 6 trompettes (Ap. 8 :7-9 :21)

3. Gros plan sur les événements finaux : L’ange et le livre, le

temple et les deux témoins (Ap. 10 :1-11 :14)

4. Climax eschatologique de l’Histoire : 7ème trompette (Ap.

11 :15-18)

Vision IV (Ap. 11 :19-14 :20) – Dieu combat contre les forces du Mal 1. Scène d’introduction victorieuse : Le temple ouvert, l’Arche (Ap.

11 :19)

nécessairement chronologique, comme il le prétend, mais peut facilement être expliquées comme le résultat d’un approfondissement de la description d’une même période historique par l’adoption de plusieurs perspectives événementielles. David E. AUNE, Revelation 1-5, pp. XCII-XCIII, rejette aussi l’existence de récapitulations dans l’Apocalypse, parce qu’il soutient que le texte n’a pas d’indications littéraires formelles et claires qui indiquent une récapitulation. En plus, AUNE argumente que Jean donne des indices formels qui indiquent qu’il avait l’intention de constituer une narration chronologique unifiée concernant les événements eschatologiques éminents. Cependant, nous pouvons répondre que (1) les indices formels qu’AUNE considère comme indiquant une narration chronologique unifiée ne nous paraissent pas décisifs et que (2) AUNE ne prend pas suffisamment en considération les parallélismes structurels et thématiques – indiqués par nous supra et infra - qui existent entre Ap. 4 :1-8 :1, Ap. 8 :2-11 :18 et Ap. 11 :19-14 :20. Dans la page XCV AUNE lui-même admet que les sections des sept sceaux (Ap. 5 :1-8:1), des sept trompettes (Ap. 8 :2-11 :18) et des sept coupes (Ap. 13 :1-16 : 21) présentent « une relation structurelle spéciale ». 36 Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, pp. 48-49 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, pp. 47-48.

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2. La vision de l’Histoire : Les forces du Mal attaquent le peuple de

Dieu (Ap. 12 :1-13 :18)

3. Gros plan sur les événements finaux : 144.000 sauvés, les

messages des trois anges (Ap. 14 :1-12)

4. Climax eschatologique de l’Histoire : La moisson et la vendange

de la Terre (Ap. 14 :14-20).

L’existence de récapitulations dans le livre de Jean ne doit pas nous

surprendre, puisque le phénomène de la récapitulation est une caractéristique

de la littérature prophétique et apocalyptique. En effet, le livre de Daniel est

structuré avec cinq visions parallèles (Dn 2, 7, 8, 9, 10-12) qui sont clairement

récapitulatives, puisqu’elles sont l’expression de perspectives légèrement

différentes concernant le même période historique future. Or, nous savons que

le livre apocalyptique de Daniel a beaucoup influencé Jean dans sa rédaction

de l’Apocalypse, puisqu’il y fait fréquemment allusion dans son livre. Il n’est

donc pas étrange que Jean ait eu des visions récapitulatives et ait structuré ces

visions de façon récapitulative, comme Daniel avant lui37. De plus, le

phénomène de récapitulation qu’on découvre en Daniel est aussi présent dans

d’autres ouvrages du mouvement apocalyptique juif, comme par exemple, les

Oracles Sibyllins, Les Similitudes d’Enoch ou 4 Ezra38. Ainsi, le phénomène de

récapitulation présent dans la partie historique de l’Apocalypse est parfaitement

normal pour un ouvrage apocalyptique tel que celui de Jean.

Cependant, on doit aussi remarquer que la récapitulation présente dans

les visions II-IV n’est pas une simple répétition. Les trois visions progressent

dans la description qu’elles donnent des événements historiques et de

l’accomplissement eschatologique. Une comparaison de la vision II (Ap. 4 :1-

8 :1) avec la vision IV (Ap. 11.19-14 :20) montre bien que la dernière vision

décrit avec plus de détails la persécution du peuple de Dieu par l’action des

puissances du Mal, ainsi que le châtiment eschatologique des méchants et le

triomphe des saints39.

37 Contra Austin FARRER, The Revelation of St. John the Divine, Oxford: Oxford University Press, 1964, p. 20. 38 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 136-137; Adela Yarbro COLLINS, The combat Myth in the Book of Revelation, pp. 43-44. 39 Jan LAMBRECHT, « A Structuration of Revelation 4,1-22,5 », pp. 90-92.

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3. Le sens structurel d’Apocalypse 17

Après avoir découvert l’organisation structurelle de l’Apocalypse, nous

sommes en mesure de déterminer le sens structurel du chapitre 17 du livre de

Jean. A cet effet, nous commencerons par évaluer le sens structurel

d’Apocalypse 17 par rapport à la division importante du livre de Jean en deux

parties bien déterminées : la partie historique (Ap. 1-14) et la partie

eschatologique (Ap. 15-22). Ensuite, nous évaluerons le sens structurel

d’Apocalypse 17 à l’intérieur de l’organisation en chiasme du livre de Jean, qui

met en « rapport de miroir » les quatre visions de la partie historique avec les

quatre visions de la partie eschatologique. Ainsi, après avoir considéré le sens

structurel du chapitre 17 du livre de Jean, nous obtiendrons des lignes

directrices qui guideront notre interprétation exégétique et historique du contenu

de ce chapitre.

3.1. Le sens eschatologique d’Apocalypse 17

Commençons par situer le chapitre 17 à l’intérieur de la structure

bipartite de l’Apocalypse. Ce chapitre est intégré dans la partie eschatologique

du livre de Jean. En effet, il appartient à la vision VI (Ap. 16 :17-18 :24), où Dieu

juge les forces du Mal. Dans la structure de cette vision VI, les trois premiers

versets du chapitre 17 (Ap. 17 :1-3a) sont intégrés dans le Bloc A, c’est-à-dire,

dans la scène d’introduction victorieuse située dans le contexte du Temple. Les

versets restants du chapitre 17 (Ap. 17 :3b-18) appartiennent au Bloc B de la

vision VI, c’est-à-dire, à la description prophétique du jugement final.

Les éléments textuels qui montrent l’appartenance d’Apocalypse 17 à la

partie eschatologique de l’ouvrage de Jean sont clairs. (1) Le chapitre 17 suit la

description des effets des sept dernières plaies symbolisées par les sept

coupes de la colère de Dieu (Ap. 16.1-21). Ces sept plaies sont clairement

eschatologiques. Or, le chapitre 17 est directement lié aux événements de ces

plaies, puisque dans Ap. 17 :1-3a c’est un des sept anges chargés des sept

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coupes qui s’adresse à Jean ; et il le fait précisément pour montrer à Jean la

condamnation de la grande prostituée (Ap. 17 :1). Cette prostituée, qui

s’appelle « la grande Babylone » (Ap. 17 :5), est identifiée avec « la grande ville

qui règne sur les rois de la terre » (Ap. 17 :18). Elle est donc la même entité qui

a subi le châtiment de la septième plaie représenté par le versement de la

septième coupe (Ap. 16 : 17-21), puisque cette dernière entité est décrite

comme étant « la grande ville » qui s’appelle « Babylone » (Ap. 16 :19). (2) Le

premier verset du chapitre 17 nous indique aussi que ce chapitre décrit des

événements eschatologiques, puisque dans ce verset l’ange dit à Jean qu’il va

lui montrer « la condamnation » de la prostituée (Ap. 17 :1). Et effectivement le

chapitre 17 est axé sur le châtiment final de la prostituée (Ap. 17 :16-17). Or, la

description de ce châtiment dans la dernière partie du chapitre 17 est

manifestement un développement et une amplification de la description du

châtiment de « la grande ville » appelée « Babylone » par la septième plaie (Ap.

16 :17-21). La « condamnation » de la prostituée décrite dans le chapitre 17 est

donc précisément son châtiment final, eschatologique. (3) Les versets 12-14 du

chapitre 17 nous indiquent aussi que ce chapitre a comme contenu des

événements eschatologiques. En effet, ces trois versets font allusion à la

bataille eschatologique qui aura lieu entre les dix rois et la bête écarlate d’un

côté et de l’autre côté l’Agneau, qui est « le Seigneur des seigneurs et le Roi

des rois » (Ap. 17 :14), et ses fidèles. Or, nous savons que le texte d’Ap.

17 :12-14 est une allusion au dernier combat entre la Bête et l’Agneau, la

bataille eschatologique, parce qu’il est thématiquement parallèle au texte d’Ap.

19 :11-21, où est décrite avec détails le dernier combat entre la Bête,

accompagnée des rois de la terre, et le « Verbe de Dieu » (appelé aussi « le

Seigneur des seigneurs et Roi des rois » [Ap. 19 :16]) et son armée de fidèles.

Ce combat est la dernière bataille eschatologique, puisqu’il s’achève avec la

mort de tous les sectateurs de la Bête et avec la condamnation de celle-ci à

l’étang de feu (Ap. 19 :20-21).

Nous avons donc des raisons textuelles considérables pour prendre la

vision d’Apocalypse 17 comme partie intégrante de la partie eschatologique du

livre de Jean. Ainsi, notre interprétation exégétique et historique de ce chapitre

doit être guidée par ce constat : les principaux événements décrits dans le

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27

chapitre 17 du livre de Jean ont lieu pendant le climax eschatologique de

l’histoire de la terre.

Cependant, nous devons aussi prendre en considération l’existence

d’allusions à des événements historiques (pré-eschatologiques) dans le

chapitre 17 de l’Apocalypse. Il est vrai que les entités symboliquement décrites

par l’ange dans le chapitre 17 sont caractérisées dans l’horizon temporel du

climax eschatologique, mais il est aussi vrai que ces entités (la prostituée, la

bête, ses sept têtes et ses dix cornes) ont une indéniable profondeur historique.

Par « profondeur historique » nous voulons exprimer le fait que la description

symbolique des entités présentes dans le chapitre 17 implique elle-même des

événements antécédents, qui se sont déroulés dans la période de l’histoire

humaine qui précède le climax eschatologique. Par exemple, la prostituée

symbolise une entité qui a eu un parcours historique avant d’arriver à son

« jugement » eschatologique décrit dans le chapitre 17. Cette histoire

commence sûrement dans le temps de Jean et aboutit au jugement

eschatologique décrit par le chapitre 17. Que l’entité symbolisée par la

prostituée possède une profondeur historique est rendu évident par la

description même que l’ange fait de la prostituée : (1) dans le passé elle s’est

prostituée avec les rois de la terre et elle a enivré les habitant de la terre avec le

vin de sa prostitution (Ap. 17 :2) ; (2) au moment de son jugement

eschatologique, elle est ivre du sang des martyrs qu’elle a tués dans le passé

(Ap. 17 :6). Cette profondeur historique des entités décrites symboliquement

dans Apocalypse 17 est aussi manifeste dans la description de la bête écarlate

avec ses sept têtes (Ap. 17 :3b, 7-11). La bête a un parcours historique bien

détaillé par l’ange : elle était, elle n’est plus et elle remontera de l’abîme pour

aller à la perdition (Ap 17 :8). Ses sept têtes, qui représentent sept « rois », ont

aussi une succession historique qui culminera dans le climax eschatologique

(Ap. 17 :10-11). Finalement, les « dix cornes » de la bête, qui symbolisent « dix

rois », ont aussi une profondeur historique. Elles font partie du corps de la bête,

elles partagent donc son parcours historique (Ap. 17 :3b, 7-8). En plus, il est

clair dans le texte d’Apocalypse 17 que les dix rois existent déjà en liaison avec

la bête avant même qu’arrive le moment de prendre le pouvoir avec elle

pendant « une seule heure » (Ap. 17 :12). Les « dix rois » n’ont donc pas

seulement un futur eschatologique bien déterminé (Ap. 17 :12-14, 16-17), ils ont

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aussi un passé qui est implicitement indiqué par le texte du chapitre 17. Ce

passé est implicite dans le fait que les dix rois sont associés à l’histoire de la

bête, puisqu’ils font partie de son corps même (Ap. 17 :3b, 7).

Ainsi, s’il est vrai que notre interprétation exégétique et historique du

chapitre 17 du livre de Jean doit prendre en considération le fait que les

principaux événements décrits dans ce chapitre ont lieu pendant le climax

eschatologique de l’histoire, nous devons aussi avoir présent à l’esprit le fait

indéniable de l’existence d’une profondeur historique manifeste dans les entités

symbolisées en Apocalypse 17. Nous devons donc avoir identifié et décodé les

caractéristiques historiques des entités symbolisées par Apocalypse 17 avant

de pouvoir comprendre son destin eschatologique annoncé par ce même

chapitre. Sans reconnaître l’identité historique – à partir d’une exégèse pointue

du texte - de la prostituée, de la bête, de ses têtes et de ses cornes, nous ne

pouvons pas comprendre pleinement les événements eschatologiques

auxquels ces entités participeront.

3.2. Le chiasme structurel et Apocalypse 17

Nous pouvons maintenant évaluer le sens structurel d’Apocalypse 17 à

l’intérieur de l’organisation en chiasme du livre de Jean, qui met en « rapport de

miroir » les quatre visions de la partie historique avec les quatre visions de la

partie eschatologique. En effet, l’existence d’un rapport structurel en chiasme

entre les visions du livre de Jean est aussi constaté dans la relation « en

miroir » qui unit les visions IV (Ap. 11 :19-14 :20) et VI (Ap. 16 :18-18 :24). Or,

le chapitre 17 est partie intégrante de la vision VI et considérer la relation « en

miroir » existante entre la vision IV et la vision VI permet effectivement de

mieux comprendre et de mieux interpréter le contenu du chapitre 17 de

l’Apocalypse.

Nous avons constaté l’existence de parallèles thématiques entre les

chapitres 12 et 13, du côté de la vision IV, et le chapitre 17, du côté de la vision

VI. Ces parallèles étaient plutôt d’ordre structurel. Ils consistaient dans (1)

l’opposition symbolique entre la femme pure du chapitre 12 et la prostituée du

chapitre 17 et (2) dans le rapport d’identité symbolique existant entre le dragon

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et la bête des chapitres 12 et 13 et la bête écarlate du chapitre 17. Ce

parallélisme structurel existant entre les chapitres mentionnés est très important

pour l’interprétation du chapitre 17, puisque il nous permet de mieux saisir

l’identité de la prostituée et de la bête écarlate.

Effectivement, la relation thématique existant entre la femme pure du

chapitre 12 et la prostituée du chapitre 17 est indéniable. Il s’agit d’une relation

par opposition symbolique. Dans le chapitre 12 nous avons une « femme vêtue

du soleil, qui avait la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles sur

sa tête » (Ap. 12 :1), cette femme accouche du Messie (Ap. 12 :2, 5), elle fuit

dans le désert sous la protection de Dieu (Ap. 12 :6, 14), et elle souffre de la

persécution du dragon (Ap. 12 : 13, 15-17). Dans le chapitre 17 nous avons une

« femme » « vêtue de pourpre et d’écarlate, parée d’or, de pierres précieuses et

de perles » (Ap. 17 :4), cette femme est une prostituée et elle s’est prostituée

avec les rois de la terre (Ap. 17 :1-2), elle est dans le désert sous la malédiction

de Dieu (Ap. 17 : 3) et elle est en association avec une bête écarlate, ayant

persécuté les saints (Ap. 17 :3, 6-7). Cette opposition symbolique entre la

femme pure du chapitre 12 et la prostituée du chapitre 17 paraît être voulue par

Jean. Elle peut nous faciliter la tâche d’interpréter le symbole de la prostituée et

de déterminer son identité historique. Il suffit que nous ayons une bonne idée

du sens symbolique et de l’identité historique de la femme pure. Alors, nous

pouvons, par la comparaison des oppositions symboliques, interpréter aussi le

symbole de la prostituée. Or, le sens symbolique et l’identité historique de la

femme pure sont relativement faciles à déceler. La majorité des exégètes sont

d’accord pour dire que la femme pure symbolise le peuple de Dieu dans

l’histoire, son Eglise pure et vraie. Par opposition, la prostituée doit donc

symboliser une entité qui est l’opposé du peuple de Dieu, une « Eglise »

corrompue et fausse. Sans vouloir entrer ici dans l’exégèse et dans

l’interprétation historique du chapitre 17, nous pouvons voir déjà comment le

rapport en chiasme des chapitres 12 et 17 peut nous aider dans la tâche de

compréhension des symboles du chapitre 17.

Voyons maintenant le rapport d’identité symbolique existant entre le

dragon et la bête des chapitres 12 et 13 et la bête écarlate du chapitre 17. Le

dragon est « rouge feu » et il a « sept têtes et dix cornes » (Ap. 12 :3), il

poursuit l’Eglise de Dieu (Ap. 12 :13) et fait la guerre « au reste de sa

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descendance », c’est-à-dire, aux saints (Ap. 12 : 17). La bête qui monte de la

mer a « dix cornes et sept têtes » (Ap. 13 :1), elle a sur ses têtes « des noms

blasphématoires » (Ap. 13 :1), elle fait « guerre aux saints » (Ap. 13 :7), elle a le

pouvoir sur « toute tribu, tout peuple, toute langue et toute nation » (Ap. 13 :7).

De son côté, la bête du chapitre 17 est « écarlate » (Ap. 17 :3), elle a « sept

têtes et dix cornes » (Ap. 17 :3), elle est « pleine de noms blasphématoires »

(Ap. 17 :3), elle fait « la guerre à l’Agneau » (Ap. 17 :13-14) et elle étonne tous

« les habitants de la terre » (Ap. 17 :8). Ces similitudes entre le dragon et la

bête de la mer, d’un côté, et la bête écarlate, de l’autre côté, nous permettent

de conclure qu’il y a un rapport d’identité symbolique entre les trois entités.

Donc, nous pouvons enrichir et évaluer notre interprétation de la bête écarlate

du chapitre 17 par la considération des symboles parallèles du dragon et de la

bête de la mer des chapitres 12 et 13. Ainsi, il est manifeste que le rapport en

chiasme des chapitres 12 et 13, d’un côté, et du chapitre 17, de l’autre côté,

peut considérablement nous aider à comprendre les symboles du chapitre 17.

Nous pouvons conclure que le rapport structurel en chiasme existant

entre les chapitres 12 et 13 et le chapitre 17 a deux effets décisifs : (1) il donne

encore plus de sens aux symboles les plus importants d’Apocalypse 17 et (2) il

nous permet de déceler plus facilement le sens symbolique des images qui

constituent la trame du chapitre du livre de Jean que nous voulons interpréter

dans ce Mémoire.

Après cette considération réfléchie du sens structurel d’Apocalypse 17,

nous avons obtenu des lignes directrices qui guideront notre interprétation

exégétique et historique du contenu de ce chapitre.

4. Conclusion

Dans la première partie du présent chapitre, nous avons exposé la

structure de l’Apocalypse, telle qu’elle est comprise par l’exégète adventiste

Kenneth A. Strand, montrant aussi les accords partiels existants entre ses

propositions et les propositions d’autres exégètes. Nous avons vu que,

exception faite du prologue et de l’épilogue, l’Apocalypse est structurée en huit

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visions et que ces huit visions sont en « rapport de miroir » entre elles parce

qu’elles sont organisées dans un parallélisme inversé, c’est-à-dire, dans un

chiasme.

Dans la deuxième partie de notre chapitre, nous avons déterminé le

sens structurel du chapitre 17 de l’Apocalypse. Munis des connaissances

acquises sur la structure du livre de Jean, nous avons commencé par évaluer le

sens structurel d’Apocalypse 17 par rapport à la division convaincante du livre

de Jean en deux parties : la partie historique et la partie eschatologique. Nous

avons conclu que le chapitre 17 appartient à la partie eschatologique du livre de

Jean et nous avons tiré toutes les conséquences de ce fait pour son

interprétation future. Après, nous avons évalué le sens structurel d’Apocalypse

17 à l’intérieur de l’organisation en chiasme du livre de Jean, qui met en

« rapport de miroir » les quatre visions de la partie historique avec les quatre

visions de la partie eschatologique, et nous avons identifié les rapports

structurels existants entre le chapitre 17 et les chapitres 12 et 13 de

l’Apocalypse.

En considérant le sens structurel du chapitre 17 de l’Apocalypse, nous

avons obtenu des lignes d’orientation qui guideront notre interprétation

exégétique et historique du contenu de ce chapitre du livre de Jean.

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Chapitre 2

La prostituée et la bête - Interprétation d’Apocalypse 17:1-11

1. Introduction

Dans ce deuxième chapitre nous procéderons à une interprétation

d’Apocalypse 17 :1-11, puisque ce texte constitue le contexte proche du

passage qui développe la caractérisation des « dix cornes » ou « dix rois »

mentionnés dans Apocalypse 17 (vv. 12-14 et 16-17). Dans un premier temps,

nous effectuerons une exégèse d’Apocalypse 17 :1-11, exégèse destinée à

comprendre les textes concernant la prostituée « Babylone » (Ap. 17 :1-6) et la

bête écarlate aux sept têtes (Ap. 17 :7-11). Dans un deuxième temps, nous

réaliserons une interprétation historique des symboles de la prostituée

« Babylone » et de la bête écarlate aux sept têtes. Cette interprétation

historique tiendra compte, naturellement, des données acquises par l’exégèse.

L’objectif est d’identifier avec précision les entités historiques symbolisées par

les deux symboles dominants d’Apocalypse 17 :1-11. En effet, il faut identifier

les entités historiques symbolisées par la prostituée « Babylone » et par la bête

écarlate si on veut être en mesure d’identifier historiquement les « dix cornes »

ou « dix rois » d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17.

Nous essaierons de démontrer que la prostituée « Babylone » est le

symbole de la ville de Rome, premièrement Rome impériale païenne et ensuite

Rome chrétienne papale, siège de l’Eglise romaine. Nous essaierons aussi de

démontrer que la bête écarlate aux sept têtes est le symbole de l’empire

multiethnique transnational qui s’est manifesté plusieurs fois de manière

concrète au long de l’histoire du peuple de Dieu. Ces manifestations impériales

concrètes sont représentées dans leur individualité historique par chacune des

sept « têtes » de la bête. Nous soutenons donc la thèse selon laquelle les sept

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têtes de la bête écarlate sont le symbole de sept royaumes ou empires qui ont

persécuté le peuple de Dieu pendant son histoire : Egypte, Assyrie, Babylonie,

Médo-Perse, Grèce-Macédoine, Rome et le Saint-Empire Romain.

2. Exégèse d’Apocalypse 17 :1-11

2.1. La prostituée « Babylone » (Ap. 17:1-6)

2.1.1. Ap. 17 :1

Cette première partie du chapitre 17 d’Apocalypse s’ouvre par

l’intervention d’un ange interprète auprès de Jean. Or, l’ange qui révèle la vision

sur la prostituée et la bête écarlate (Ap. 17 : 3-6) et qui l’interprète (Ap. 17 : 7-

18) c’est « l’un des sept anges qui tenaient les sept coupes » (Ap. 17 :1 ; cf.

15 :1, 6 ; 16 :1). Par cette référence il nous est implicitement indiqué que la

vision du chapitre 17 amplifie et explique la vision antérieure concernant le

versement des sixième et septième coupes de la colère de Dieu sur « Babylone

la grande » et sur ses eaux, l’« Euphrate » (Ap. 16 : 12-21). L’ange dit

clairement à Jean que le but de la nouvelle vision du chapitre 17 est de montrer

avec plus de détails « le jugement de la grande prostituée qui est assise sur de

grandes eaux » (Ap. 17 :1). Ce jugement de « la grande prostituée »,

« Babylone la Grande » (cf. Ap. 17 :5), qui sera décrit dans les versets 16-17,

est la réponse de Dieu à la prière des saints que demandait le jugement sur les

pouvoirs persécuteurs qui avaient versé le sang des témoins de Jésus (Ap.

6 :10)40.

La condamnation de « Babylone » avait déjà été annoncée deux fois

avant (Ap. 14 :8 ; 16 :19). Le chapitre 17 va exposer le procès qui conduit à

cette condamnation. Dans les versets 3-6 sont exposés les crimes de

40 David E. AUNE, Revelation 17-22 (Word Biblical Commentary, vol. 52C), Nashville: Thomas Nelson Publishers, 1998, p. 928 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation – A Commentary on the Greek Text, Grand Rapids, Mich./Carslile: William B. Eerdmans/The Paternoster Press, 1999, pp. 847-848 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean (Commentaire du Nouveau Testament, 14), ed. rev. et aug., Genève: Labor et Fides, 2000, p. 375 ; Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, rev. ed., 7 vols., Hagerstown, MD: Review and Herald, 1980 (1st ed. 1957), vol. VII, p. 849 ; Eugenio CORSINI, l’Apocalypse maintenant, trad. Renza Arrighi, Paris: Seuil, 1984, p. 242.

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« Babylone » et dans les versets 16-17 est décrite l’exécution de la sentence

sur elle41. La caractérisation de « Babylone » comme « prostituée » est inspirée

de l’usage que l’Ancien Testament fait de l’image de la « prostituée » pour

décrire des villes impies et hostiles à Dieu : Tyr (Es 23 :15-17) et Ninive (Na

3 :4), mais aussi Jérusalem dans son infidélité (Es 1 :21 ; Ez 16 :35). En effet,

dans le discours prophétique de l’Ancien Testament, l’image de la

« prostituée » est fréquemment employée pour indiquer l’apostasie religieuse,

l’idolâtrie et l’infidélité à Dieu ; la « prostitution », dans ce contexte, symbolise

l’idolâtrie. Ainsi, le peuple d’Israël plongé dans l’idolâtrie est comparé

fréquemment par les prophètes à une « prostituée » (Jr 2 :20-31 ; 3 :3-10 ;

13 :27 ; Ez 16 :15-26 ; 23 :1-49 ; Os 2 :4-5 ; 3 :3 ; 4 :10-18 ; 5 :3-4). On peut

même dire que l’usage métaphorique du terme « prostituée » dans l’Ancien

Testament sert à décrire majoritairement l’Israël apostat42.

Le fait que la « prostituée » est « assise » sur de « grandes eaux » ou

sur la « bête » (cf. Ap. 17 :3, 9, 15) signifie qu’elle contrôle pleinement les

peuples qu’elle domine grâce à sa puissante influence politico-religieuse. Le

verset d’Ap. 18 :7, où Babylone affirme « Je suis assise en reine », confirme

cette interprétation. Le fait qu’elle est « assise » signifie donc sa qualité de

suprême souveraine intronisée sur les peuples qu’elle contrôle avec son

pouvoir despotique43.

La « prostituée » est assise sur de « grandes eaux » (Ap. 17 :1). Ce

symbole topographique est interprété dans le verset 15 comme représentant

« peuples, foules, nations et langues ». Cette équation symbolique entre

« eaux » et « peuples » est fondée sur une métaphore provenant de l’Ancien 41 R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John (The International Critical Commentary), 2 vols, Edinburgh: T. & T. Clark, 1979 (1st ed. 1920), vol. II, p. 62 ; Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, vol. 7, p. 849. 42 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 929 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation (The New International Commentary on the New Testament), Grand Rapids, Mich.: William B. Eerdmans, 1977, p. 307 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, 5e ed., Genève: Labor et Fides, 1966, p. 277 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation (New Century Bible Commentary), Grand Rapids, Mich./London: Wm. B. eerdmans/Marshal, Morgan & Scott, 1983 (1st ed. 1974), p. 251 ; Adela Yarbro COLLINS, Crisis and Catharsis – The Power of the Apocalypse, Philadelphia, Penn.: The Westminster Press, 1984, p. 121 ; Friedrich HAUCK, « πορνη », in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm. B. Eerdmans, 1964, vol. 6, p. 587. 43 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 848 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 930 ; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, Minneapolis. Min.: Augsburg Publishing House, 1963 (1st ed. 1943), p. 490 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, Grand Rapids, Mich.: William B. Eerdmans, 1978 (1st ed. 1972), p. 221 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 505.

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Testament, dans laquelle les « eaux » symbolisent peuples ou armées (Ps

144 :7 ; Es 8 :6-7 ; 17 :12-14 ; 28 :17 ; Jr 47 :2)44. La « grande prostituée » a

donc sous son contrôle un grand nombre de nations. Il faut aussi se rappeler

que la caractérisation de la « Babylone » spirituelle comme étant assise sur de

« grands eaux » s’appliquait originellement à la Babylone historique (Ps 137 :1).

Cette caractérisation de la Babylone spirituelle est donc inspirée de la situation

de la Babylone historique. Babylone était effectivement traversée par l’Euphrate

(Hérodote, Histoire, 1.185 ; Strabon, Géographie, 16.1.5), raison qui a amené le

prophète Jérémie à parler d’elle comme de la ville qui demeure « près des

grandes eaux » (Jr 28 :13 LXX ; 51 :13 TM). Cette description de Jérémie est

sûrement à la base de la caractérisation, par Jean, de la « prostituée » comme

étant assise sur « de grandes eaux »45. Cependant, la « grande prostituée »

appelée « Babylone » ne représente point la Babylone historique, puisque celle-

ci était en ruines à l’époque de Jean (Strabon, Géographie, 1.738 ; Dio Cassius,

Histoire romaine, 68.30.1). Elle est le symbole d’un autre pouvoir, comme nous

le verrons dans la section sur l’interprétation historique46.

2.1.2. Ap. 17 :2

L’ange décrit maintenant les crimes qui ont amené la prostituée

« Babylone » en jugement : les rois de la terre se prostituèrent avec elle et les

habitants de la terre s’enivrèrent avec le vin de sa prostitution (Ap. 17 :2 ; cf.

18 :2-3). La « prostitution » des « rois de la terre » avec Babylone est un crime

dénoncé plusieurs fois dans l’Apocalypse (Ap. 18 :3, 9 ; 19 :2). Elle symbolise

l’acceptation, par ces « rois », de la suzeraineté politique et de la religion

idolâtre promue par la « grande prostituée ». En effet, dans son livre, Jean fait

constamment la liaison entre la « prostitution » et l’idolâtrie (cf. Ap. 2 : 14, 20-

21 ; 9 :20-21). Cette métaphore vient à Jean de l’Ancien Testament, puisque -

44 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 929 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 249. 45 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 929 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 308 ; Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, trad. Maria Poggi Johnson, Grand Rapids, Mich.: William B. Eerdmans, 2006, p. 251 ; Grant R. OSBORNE, Revelation (Baker Exegetical Commentary on the New Testament), Grand Rapids, Mich.: Baker Academic, 2002, p. 609 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ – Commentary on the Book of Revelation, Berrien Springs, Mich.: Andrews University Press, 2002, p. 505. 46 Bruce J. MALINA, On the Genre and Message of Revelation – Star Visions and Sky Journeys, Peabody, Mass.: Hendrickson, 1995, p. 208.

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comme nous l’avons vu précédemment – l’emploi de l’image de la

« prostitution » pour désigner l’infidélité idolâtre du peuple d’Israël est courante

chez les prophètes (e. g. Os 2 :4 ; Jr 2 :20 ; Ez 16 :36-43 ; 23 :2-21). Les rois de

la terre – c’est-à-dire, les dirigeants des nations du monde47 - ont accepté de

s’associer à l’idolâtrie diffusée par Babylone avec le but politique de garantir sa

sécurité économique et politique (cf. Ap. 13 :16-17)48. Ils sont entrés en relation

avec Babylone pour partager avec elle son pouvoir et sa prospérité, et, en

contrepartie, ils ont aussi partagé son idolâtrie. Cette association étroite de

l’idolâtrie, du commerce et de la politique dans les relations entre Babylone et

les nations est manifestement affirmée dans Ap. 18 :3, 9-1949. Puisque ceux qui

se sont prostitués avec Babylone sont « rois », on peut penser que Jean avait

effectivement aussi à l’esprit les alliances politiques entre eux et Babylone

quand il fait référence à la prostitution de ces rois avec la « grande prostituée ».

Ces alliances politiques avaient, nécessairement, des implications non

seulement sociales et économiques, mais aussi religieuses, propageant ainsi

l’idolâtrie diffusée par « Babylone ». Il faut donc remarquer que les « rois » eux-

mêmes sont aussi des « prostitués », puisque ils se sont « prostitués » avec

Babylone. Ils se sont vendus eux-mêmes à Babylone pour obtenir des

contreparties politiques et économiques50.

Mais l’influence de la « grande prostituée » ne touche seulement les

« rois », elle se fait sentir aussi abondamment parmi « les habitants de la

terre », puisque ceux-ci sont aussi « ivres du vin de sa prostitution » (Ap. 17 :2 ;

cf. 14 :8). Il y a ici une allusion à la prophétie de Jérémie sur la Babylone

historique (Jr 28 :7 LXX ; Jr 51 :7 TM). Les « habitants de la terre » sont

mentionnés fréquemment dans l’Apocalypse (3 :10 ; 6 :10 ; 8 :13 ; 11 :10 ;

13 :8, 14 ; 17 :8) et ils sont caractérisés comme étant ceux que n’ont pas leur

noms écrits sur le « livre de vie » (Ap. 13 :8 ; 17 :8) parce qu’ils adhérent aux

pouvoirs dressés contre Dieu et persécutent le peuple de Dieu. Ils sont ceux qui

ont tous les désirs et les ambitions liées à la vie sur la terre. Ils n’ont pas

47 Ces « rois de la terre » sont à distinguer des « dix rois » d’Ap. 17 :12-14, 16-18, comme on le verra dans le Chapitre 3. 48 Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 506. 49 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 848-849 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 222. 50 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 931 ; Pablo RICHARD, Apocalypse – A People’s Commentary on the Book of Revelation, Maryknoll, NY: Orbis Books, 1995, p. 129.

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d’attachement au ciel et à l’Agneau. Cette influence négative de Babylone sur

les habitants de la terre est son deuxième grand crime, qui attire le jugement de

Dieu sur elle. Ce même crime imputé à Babylone est dénoncé plusieurs fois

dans l’Apocalypse (14 :8 ; 18 :3a ; 19 :2)51. Le fait que les « habitants de la

terre » sont ivres du vin de la prostitution de Babylone signifie qu’ils participent

pleinement au culte idolâtre diffusé par elle. La métaphore du « vin » de la

« prostitution » de Babylone est employée ici pour désigner les doctrines et

pratiques idolâtres qu’elle propage parmi l’humanité. Les hommes sous son

influence sont « ivres » : leur jugement moral et leur perception spirituelle ont

été anesthésiés. Ainsi, en conséquence de la politique religieuse idolâtre suivie

par les « rois de la terre » en connivence avec Babylone, les « habitants de la

terre » eux aussi sont amenés à collaborer avec la politique idolâtre de la

« grande prostituée ». Par sa domination sur les rois de la terre et sur les

habitants de la terre, Babylone a réussi à diffuser sur toute la terre son idolâtrie

et sa rébellion contre le vrai Dieu52.

2.1.3. Ap. 17 :3

Jean est emporté en esprit dans un désert par l’ange qui l’accompagne.

L’expression « en esprit » est un datif d’instrumentalité et de sphère et signifie

que Jean a été le sujet d’une expérience visionnaire extrasensorielle et

extatique déclenchée par l’action directe de l’Esprit de Dieu sur son esprit.

Cette expression – être « en esprit » - est une formule stéréotypée utilisée par

Jean pour introduire des rapports de visions (Ap. 1 :10 ; 4 :2 ; 17 :3 ; 21 :10).

Elle est similaire aux formules de commission prophétique présentes dans le

livre du prophète Ezéchiel (Ez 2 :2 ; 3 :12, 14, 24 ; 8 :3 ; 11 :1, 24 ; 43 :5). Dans

chaque cas, le prophète Ezéchiel est pris par l’Esprit et amené dans un endroit

où il a une expérience visionnaire. La mention de cette expérience surnaturelle

vécue par le prophète est destinée à montrer que son message prophétique

51 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 932 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, vol. 2, p. 63 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 308 ; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 491 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 376. 52 Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, vol. 7, p. 850 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 506 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 609 ; Jürgen ROLOFF, The Revelation of John – A Continental Commentary, trad. John E. Alsup, Minneapolis: Augsburg Fortress Press, 1993, p. 196.

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vient de Dieu. Dans le cas de Jean, l’attribution de l’origine de ses expériences

visionnaires à l’influence de l’Esprit a aussi pour but de signifier clairement que

le message prophétique résultant est inspiré par Dieu. La formule être « en

esprit » traduit donc la mission et l’autorité prophétique de l’auteur de

l’Apocalypse53.

Jean est emporté dans un « désert ». Dans la tradition biblique, le

symbole du « désert » peut avoir une connotation positive – ce peut être un

endroit de repos protégé et de révélation divine (Ex 19 ; 1 R 19 :4-6 ; Es 40 :3 ;

Ez 34 :25 ; Mc 1 :35, 45 ; 6 :31-35) - ou une connotation négative – c’est alors

un endroit d’épreuve et de dévastation (Ps 95 :7-11 ; Es 1 :7 ; 37 :25 ; Jr

51 :36 ; Mt 4 :1 ; Hé 3 :8, 17). Dans l’Apocalypse, le « désert » peut être un

endroit de protection pour le peuple de Dieu dans les derniers temps (Ap. 12 :6,

14-16), mais dans Ap. 17 :3 le désert a une connotation négative. En effet, le

désert est mentionné ici en rapport avec la vision de la prostituée Babylone et

de la bête écarlate précisément parce qu’il est l’endroit où habitent les animaux

féroces et les esprits impurs (Mc 1 :13 ; Lc 11 :24). Or, une des conséquences

du jugement divin sur Babylone est le fait qu’elle deviendra un désert, peuplée

seulement par des esprits impurs et des animaux impurs (Ap. 18 :2, 19). Les

prophètes avaient aussi prophétisé concernant l’ancienne Babylone qu’elle

deviendrait un désert (Es 13 :21 ; 14 :23 ; Jr 51 :26, 29, 43). Le fait que Jean

est emporté dans « le désert » pour voir la condamnation de « Babylone » est

probablement une allusion à un oracle d’Ésaïe contre la Babylone historique, où

la vision divine révélée au prophète est décrite comme « arrivant du désert »

(Es 21 :1-2). Qu’il s’agisse d’une allusion est rendu manifeste par le fait que (1)

Es 21 :1-10 est un oracle contre Babylone et que (2) le cri « tombée, tombée

est Babylone » de Es 21 :9 est aussi cité par Jean en Ap. 18 :2 et Ap. 14 :8. En

plus, le titre de l’oracle d’Es 21 :1-10 fait la synthèse des images antagonistes

du « désert » et de la « mer » (« sentence sur le désert de la mer » Es 21 :1) et

les associe avec la condamnation de Babylone. De la même façon, dans sa

53 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 850 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 933 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 308.

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vision, Jean décrit « Babylone » dans le « désert » et aussi « assise sur des

grandes eaux » (Ap. 17 :1-3). On a donc une allusion d’Ap. 17 :3 à Es 21 :1-254.

Jean voit dans le désert « une femme assise sur une bête écarlate,

pleine de noms blasphématoires, qui avait sept têtes et dix cornes » (Ap.

17 :3b). Le fait que la femme soit « assise » indique, comme nous avons déjà

dit précédemment (cf. commentaire à Ap. 17 :1), qu’elle est dans une position

de domination. Elle domine la « bête écarlate » qui la porte. Elle est donc la

suprême souveraine, intronisée sur les peuples contrôlés par son pouvoir. En

effet, la « bête écarlate » – qui est mentionnée neuf fois dans le chapitre 17 –

représente elle aussi un empire constitué par des peuples et des nations. Ce

sens symbolique de la « bête écarlate » est évident si on considère qu’il y a un

parallélisme entre le symbole des « grandes eaux » (Ap. 17 :1) et le symbole de

la « bête » (Ap. 17 :3, 7), dans la mesure où la « femme » est décrite comme

étant « assise » sur les deux réalités symboliques. Or, puisque le symbole des

« eaux » est interprété comme signifiant « des peuples, des foules, des nations

et des langues » (Ap. 17 :15), le symbole de la « bête écarlate », qui est

équivalent à celui des « grands eaux », doit aussi représenter « des peuples,

des foules, des nations et des langues », c’est-à-dire, un empire multinational et

multiethnique. Nous procèderons à l’exégèse du symbole de la « bête

écarlate » dans la section 2.2 de ce chapitre.

2.1.4. Ap. 17:4

Jean voit alors que la « femme » est « revêtue de pourpre et d’écarlate,

parée d’or, de pierre précieuse et de perles ». Cette description de la

« femme » Babylone est très proche de la description de la « grande ville » du

chapitre 18 (cf. Ap. 18:16)55. La similitude de la description de la « femme »

appelée Babylone et de la description de la « grande ville » montre bien que la

première est une représentation symbolique de la seconde. Le fait que la

54 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 851 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 933 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, vol. 2, p. 63 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, Paris: J. Gabalda, 1921, p. 246 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 308 ; Josephine Massyngberde FORD, Revelation (The Anchor Bible, vol. 38), New York: Doubleday, 1975, p. 287. 55 Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, pp. 253-254.

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« femme » est appelée « Babylone la grande » dans Ap. 17 :5 et identifiée

comme la « grande ville » dans Ap. 17 :18 vient confirmer la conclusion qui

affirme que la « femme » est le symbole d’une « ville ». La caractérisation de la

« femme » dans ce verset (et dans les versets précédents) indique que cette

« ville » est le siège d’un système religieux idolâtre d’extension internationale.

Le vêtement coûteux et l’ornementation précieuse de la « femme »,

appelée auparavant « la grande prostituée » (Ap. 17.1), sont destinés à la

rendre attractive et séduisante pour ceux avec qui elle se prostitue. En effet, la

description de l’habillement de la « femme » conduirá l’image ancienne de la

prostituée enrichie par son commerce (Cebes, Tabula 9.1 ; Lucian, Dial.

meretr., 286, 294). Le fait que la « femme » soit revêtue de pourpre et

d’écarlate indique aussi son caractère immoral. Chez les prophètes, l’écarlate

est fréquemment associée à des comportements marqués par le pêché (cf. Es

1 :18). Ésaïe fait référence aux vêtements en écarlate des filles égarées de

Sion (Es 3 :23 LXX), et Jérémie censure aussi la prostituée Sion vêtue

d’écarlate (Jr 4 :30). Mais pourpre et écarlate – deux couleurs coûteuses à

produire dans l’antiquité - sont aussi les couleurs du luxe, de la richesse et du

pouvoir royal. Dans l’antiquité les vêtements de pourpre symbolisaient la

possession d’un haut statut social et même de la royauté impériale (Jg 8 :26 ;

Est 8 :15 ; Lm 4 :5 ; Dn 5 :7, 16, 29 ; 1 M 10 :20, 62, 64 ; 11 :58 ; 14 :43, Si

40 :4 ; Mc 15 :17 ; Jn 19 :2). L’empereur romain s’habillait d’un manteau

pourpre – le paludamentum – qui représentait son pouvoir royal. Le pouvoir

royal de la « femme » est un fait établi dans l’Apocalypse (Ap. 17 :18 ; 18 :7).

Les vêtements écarlate traduisait dans l’antiquité la richesse et le pouvoir

économique (2 S. 1 :24 ; Pr 31 :21 ; Jr 4 :30). La richesse et le luxe de la

« femme » Babylone est aussi un fait bien établi dans le livre de Jean (Ap.

18 :3, 7, 9, 17, 19). Finalement, les deux couleurs de tonalité rouge peuvent

aussi représenter symboliquement le caractère persécuteur de la « femme » en

liaison avec la « bête écarlate», le rouge symbolisant le sang du peuple de Dieu

versé par elle. En effet, elle est décrite comme une persécutrice. En elle a été

trouvé « le sang des prophètes et des saints » (Ap. 18 :24 ; cf. 19 :2) et elle est

« ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus » (Ap. 17 :6). Les

parures de la « femme » en or, pierres précieuses et perles sont aussi le

symbole de son extraordinaire richesse et de son luxe. La « femme » est donc

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le symbole d’un pouvoir qui non seulement a prétention à la royauté, mais qui

possède aussi d’amples moyens financiers. On doit remarquer que cette parure

coûteuse est carrément en opposition avec la modestie chrétienne, qui rejetait

un telle habillement (Cf. 1 Tm 2 :9-10 ; 1 P 3 :3). Elle est aussi en contraste

avec l’habillement blanc pur – comme celui des prêtres de l’ancienne alliance

(Ex 28 :39-43 ; 39 :27-28 ; Lv 16 :4) - des saints mentionnés dans l’Apocalypse

(Ap. 3 :4, 5, 18 ; 6 :11 ; 7 :9, 13, 14 ; 19 :14)56.

Jean nous dit que la « femme » « tenait à la main une coupe d’or,

pleine d’abominations et des impuretés de sa prostitution ». Il répète ici la

métaphore de Ap. 14 :8 et 17 :2, où il est dit de « Babylone » qu’elle enivre les

nations avec le vin de sa prostitution. La référence à la coupe d’or dans la main

de Babylone est une allusion partielle au texte de Jérémie où il est dit que

« Babylone était dans la main du Seigneur une coupe d’or, qui enivrait toute la

terre; les nations ont bu de son vin » (Jr 28 :7 LXX ; 51 :7 TM). Jean transpose

simplement le symbolisme de la coupe. Elle n’est plus « Babylone », mais est

dans la main de Babylone. C’est « Babylone », et non Dieu, qui donne à boire

aux nations la coupe enivrante. Le fait que la « coupe » soit faite d’or symbolise

une fois de plus la richesse et le luxe de la « femme ». Cette « coupe » invite à

boire son contenu, puisque l’on imagine qu’une telle coupe est pleine de la plus

délicieuse boisson. Mais, en fait, la « coupe » est pleine « d’abominations ».

C’est une référence aux pratiques idolâtriques promues par la « femme ». En

effet, le terme grec « abominations » (βδελυγµα) est employée dans la Septante

pour désigner les idoles et leur culte (e. g. Jr 13 :27 ; 39 :35 [32 :35 TM] ; 51 :22

[44 :22 TM] ; Ez 5 :9, 11 ; 6 :9 ; 11 :18 ; Sg. 14 :11-12). La « coupe » dans la

main de Babylone est aussi pleine « des impuretés de sa prostitution ». On doit

avoir à l’esprit que pour Jean, comme pour l’Ancien et le Nouveau Testament,

les idoles ont derrière elles des démons. Or, en Ap. 16 :13-14, des « esprits de

démons » sont définis comme des « esprits impurs » et en Ap. 18 :2 on a à

56 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 854-855 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 934-935 ; Otto MICHEL, « Κοκκος, κοκκινος », in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm. B. Eerdmans, 1964, vol. 3, pp. 812-813 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 309 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 279 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John (Black’s New Testament Commentaries), Peabody, MA: Hendrickson Publishers, 2006, p. 242 ; Jonathan KNIGHT, Revelation, Sheffield: Sheffield Academic Press, 1999, p. 115 ; John M. COURT, « The Beast and the Harlot », in: John M. Court, Myth and History in the Book of Revelation, London: SPCK, 1979, p. 147.

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nouveau une référence à des « démons » qui sont des « esprits impurs ». Cette

liaison établie entre « impureté » et « démons » indique que les « impuretés »

de la « prostitution » de la « femme » font référence aussi à sa promotion de

l’idolâtrie, à un culte qui est dirigé vers les démons. Le fait que Jean parle « des

impuretés de sa prostitution » montre bien qu’il fait référence à l’idolâtrie,

puisque que – comme nous l’avons montré dans le commentaire de Ap. 17 :2 -

la « prostitution » est un symbole d’idolâtrie dans l’Apocalypse (Ap. 2 :14, 20-

21 ; cf. 9 :21)57.

2.1.5. Ap. 17:5

Jean voit que sur le front de la femme « était écrit un nom, un mystère:

Babylone la Grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre. »

Ce nom inscrit sur le front de la femme vient révéler d’avantage encore son

identité et sa nature ou son caractère spirituel. En effet, dans le livre de Jean, le

fait d’avoir un nom écrit sur le front révèle le caractère spirituel des individus

concernés, c’est-à-dire sa fidélité à Dieu (Ap. 7 :3 ; 9 :4 ; 14 :1 ; 22 :4) ou à

Satan (Ap. 13 :16-17 ; 14 :9 ; 20 :4). Le nom sur le front de la femme montre

bien qu’elle est en opposition à Dieu. Le fait que la femme, prostituée et mère

des prostituées, a son nom écrit sur le front rappelle la coutume des prostituées

de Rome de porter leur nom écrit sur des bandeaux fixées sur le front (Seneca,

Controversiae, 1.2.7 ; Juvénal, Satirae 6.122ss). Le nom de la femme est « un

mystère » qui doit être décodé ou interprété58. En effet, la caractérisation du

nom de la femme comme étant « un mystère » indique qu’il est un nom

cryptique. Il ne doit pas être compris littéralement, mais « spirituellement » ;

c’est-à-dire, comme étant mystique ou symbolique (cf. Ap. 1 :20 ; 11 :8). Ce

57 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 855-856 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 935-936 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 252 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, p. 242 ; G. B. CAIRD, A Commentary on the Revelation of St. John the Divine (Black’s New Testament Commentary), London: Adam & Charles Black, 1966, p. 214 ; John M. COURT, Revelation (New Testament Guides), Sheffield: Sheffield Academic Press, 1999 (1st ed. 1994), p. 64 ; Ben WITHERINGTON III, Revelation (The New Cambridge Bible Commentary), Cambridge: Cambridge University Press, 2003, p. 219. 58 G. K. BEALE, John’s Use of the Old Testament in Revelation, Sheffield: Sheffield Academic Press, 1998, pp. 255- 270, discute amplement le sens du mot « mystère » dans l’Apocalypse.

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« mystère de la femme » (Ap. 17 :7), le sens de son symbolisme, sera expliqué

par l’ange dans la partie interprétative du chapitre 17 (cf. Ap. 17 :18)59.

Le titre « Babylone la Grande » - déjà mentionné en Ap. 14 :8 et 16 :19

– est une allusion claire à Daniel 4 :30 LXX (4 :27 TM), où il est placé dans la

bouche du roi de Babylone. Nabuchodonosor décrit par ce titre la magnificence

de sa capitale et, par conséquence, l’ampleur de sa gloire et de son pouvoir

personnel. Il tombe alors immédiatement sous le jugement divin (Dn 4 : 28-30).

De la même façon, cette « femme », appelée « Babylone la Grande », est prête

à tomber sous le jugement divin à cause de son orgueil et de son iniquité (cf.

Ap. 17 :1). « Babylone » est aussi le nom de la capitale d’un ancien empire

idolâtre qui figure dans la tradition biblique comme étant foncièrement hostile à

Dieu, puisqu’il a détruit la ville sainte de Jérusalem et le Temple de Dieu (2R

25 :1-2, 8-10 ; 2Ch 36 :17-19). Ainsi, par son identification en tant que

« Babylone la Grande », la « femme » se révèle aussi comme étant la capitale

d’un empire mondial idolâtre qui s’oppose à Dieu et à son peuple (cf. Ap.

16 :17-21)60.

La femme est aussi appelée « la mère des prostituées et des

abominations de la terre ». Le terme « mère » est employé dans deux sens.

Premièrement, il a le sens de « archétype ». La femme est, en tant que

prostituée elle-même, l’archétype parfait de toutes les prostituées. Elle est la

prostituée absolue. Le terme « Mère » est employé donc pour désigner un état

superlatif de la femme en tant que prostituée. Deuxièmement, le terme

« mère » a le sens de « génitrice », c’est-à-dire, de « cause première » ou

« source ». La femme est la génitrice d’autres prostituées ; celles-ci ont été

générées par elle. Qui sont ces autres « prostituées », filles de « Babylone » ?

Si la « femme » représente la « ville » où siège un système religieux idolâtre qui

s’oppose au culte du vrai Dieu, alors ses filles sont aussi des « villes » qui se 59 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 857-858 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 936 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 246 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, pp. 377-378 ; Karl Georg KUHN, « Βαβυλων » in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm. B. Eerdmans, 1964, vol. 1, p. 515. Contra Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, pp. 257-258. 60 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 858 ; G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, Lanham, MD: University Press of America, 1984, p. 250 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 937 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 253 ; Divo BARSOTTI, L’Apocalypse, trad. E. de Solms, Paris: Éditions Pierre Téqui, 1974, p. 252 ; Karl Georg KUHN, « Βαβυλων », p. 515.

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confondent avec les sièges des systèmes religieux idolâtres qui reproduisent,

au moins en partie, celui de « Babylone la Grande ». Leur identité sera discutée

plus tard, dans la section sur l’identification historique de la « femme ». La

référence à des « prostituées » et à des « abominations » a un sens clair,

comme nous l’avons vu précédemment (cf. commentaire à Ap. 17 :2, 4). Il s’agit

d’une indication sûre concernant le caractère spirituel idolâtre de la « femme »

et de ses filles. La « femme » est « mère des prostituées » dans le sens qu’elle

est la grande promotrice de la « prostitution », c’est-à-dire, de l’idolâtrie. En

plus, cette même « prostitution » - idolâtrie - est aussi reproduite et promue par

ses filles. La « femme » est aussi la mère « des abominations de la terre ». Le

terme « abominations » est encore une référence sûre aux pratiques idolâtres.

Donc, la « femme » est la promotrice d’un système idolâtre et ce système

idolâtre est répandu mondialement, puisque il atteint toute « la terre »61.

2.1.6. Ap. 17:6

Jean voit que la « femme » est « ivre du sang des saints et du sang des

témoins de Jésus ». Cette « femme », qui rend ivres tous les habitants de la

terre avec le vin de sa prostitution, est elle-même ivre. Cet état présent

d’ébriété de la « femme » symbolise son action persécutrice (cf. Ap. 18 :24 ;

19 :2). Son intoxication aiguë avec le « sang » de ses victimes transmet avec

puissance non seulement la réalité de son obstination féroce dans la

persécution, mais aussi le plaisir qu’elle trouve dans cette persécution62. Dans

l’Antiquité, l’association se faisait naturellement entre le sang et le vin rouge,

puisque le vin était décrit comme le « sang du raisin » (cf. Gn 49 :11 ; Dt

32 :14 ; Si 39 :26 ; 50 :15 ; 1M 6 :34 ; Pline, Hist. Nat., 14.58). L’image - être

« ivre de sang » humain - est aussi présente dans l’Ancien Testament (Dt

61 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 858-859 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 937 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalype, p. 246 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 310 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, pp. 612-613. 62 Fergus KING, « Travesty or Taboo? “Drinking Blood” and Revelation 17:2-6 », Neotestamentica, 38(2), 2004, pp. 303-325, voit dans la description de la femme ivre de sang avec une coupe d’or à la main un travesti idolâtre du geste de l’eucharistie dans le rituel de l’Eglise primitive. Nous pensons que l’évidence textuelle n’est pas assez forte pour soutenir cette thèse. Pour une analyse du symbolisme du sang dans le livre de Jean voir Paul B. DECOCK, « The Symbol of Blood in the Apocalypse of John », Neotestamentica, 38(2), 2004, pp. 157-182.

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32 :42 ; Ez 39 :18-19 ; Es 34 :5-7 LXX; 49 :26 ; Jr 46 :10 ; Jdt 6 :4) et son écho

a certainement inspiré Jean dans sa description de la « femme ». « Boire du

sang » humain était aussi une image pour exprimer la réalité de l’oppression

dans le monde ancien (Josèphe, Bellum, 5.343-344 ; Philo, Leg. Alleg., 3.202).

Il faut aussi avoir présent à l’esprit que la tradition vétérotestamentaire

interdisait au croyant la consommation du sang (e. g. Gn 9 :4 ; Lv 17 :10). Dans

notre verset, le « sang » est celui des « saints » et des « témoins de Jésus ».

Jean peut avoir à l’esprit deux groupes distincts de personnes, mais le « et »

(και) peut aussi avoir le sens explicatif. Dans ce cas, les « saints » sont

précisément les « témoins de Jésus ». Les vrais « saints » sont ceux qui sont

« témoins de Jésus », c’est-à-dire, simultanément ceux qui ont rendu un

témoignage concernant Jésus et qui appartiennent à Jésus comme ses témoins

(cf. Ap. 1 :2 avec 6 :9). Le terme « témoin » (µαρτυς) signifie ici clairement ceux

qui ont été mis à mort à cause de leur loyauté vis à vis Jésus ; Il signifie donc

manifestement le « martyr ». Jean a à l’esprit les chrétiens persécutés63. La

persécution des chrétiens au temps de Jean parait avoir été sporadique.

Cependant, les chrétiens qui étaient remarqués à cause du rejet de toute forme

d’idolâtrie pouvaient être persécutés et condamnés à l’exil (Ap. 1 :9), à

l’emprisonnement (Ap. 2 :10) ou à la mort (Ap. 2 :10, 13)64.

En conséquence de la contemplation de « Babylone la grande », Jean

est « étonné d’un grand étonnement ». La mention de cet « étonnement » de

Jean, causé par la vision d’Ap. 17 :3b-6, est destinée à faire comprendre au

lecteur la perplexité et l’incertitude de Jean vis-à-vis du sens de la vision. Il est

clair que l’explication fournie par l’ange interprète dans les versets suivants met

en relief la stupéfaction du prophète (Ap. 17 :7), mais elle est aussi la réponse à

l’« étonnement » de Jean. On doit remarquer que le même verbe « s’étonner »

(θαυµαζω) est utilisé dans Daniel 4 :17a LXX et 4 :19a LXX pour décrire l’état

de perplexité et de stupéfaction du prophète Daniel face à une vision qui prédit

63 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 860-861 ; G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, p. 250 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 937-938 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 253 ; Robert G. BRATCHER & Howard A. HATTON, A Handbook on the Revelation to John, p. 246 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 509. 64 Pour une exposition des dangers que les chrétiens au temps de Jean sont susceptibles d’avoir à affronter voir Sjef VAN TILBORG, « The Danger at Midday : Death Threats in the Apocalypse », Biblica, 85(1), 2004, pp. 1-23.

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des conséquences néfastes. De la même façon, Jean est perplexe et stupéfait

à cause du pouvoir impie et persécuteur de la « femme » et du fait que Dieu

permet une telle manifestation d’impiété et de cruauté persécutrice. Le verbe

« s’étonner » (θαυµαζω) peut avoir ce sens de perplexité et de stupéfaction

dans d’autres passages du Nouveau Testament (Mt 27 : 14 ; Mc 12 :17 ; 15 :5 ;

Lc 1 :21 ; 4 :22 ; Jn 3 :7 ; Ac 2 :7 ; 13 :41). La perplexité et stupéfaction de Jean

sont compréhensibles, puisque l’ange lui avait annoncé qu’il serait témoin du

« jugement de la grande prostituée » (Ap. 17 :1), mais la vision que suit cette

annonce est celle de la richesse, du luxe, et du pouvoir sans limites, impie et

persécuteur, de la « femme » en association avec la « Bête écarlate » (Ap.

17 :3b-6). Jean est surpris par la vision et n’arrive pas à la comprendre. Cette

incompréhension de la part de Jean est mise en relief par le fait que l’ange

interprète se dispose à lui expliquer « le mystère de la femme », c’est-à-dire, le

sens de la vision la concernant (Ap. 17 :7b). L’explication de l’ange donnera à

Jean une compréhension pleine du symbole de la « femme »65.

2.2. La bête écarlate aux sept têtes (Ap. 17 :7-11)

2.2.1. Ap. 17 :7

Jean est perplexe et stupéfait à cause de la vision de la « prostituée »

et de la « Bête écarlate » qui la porte (cf. commentaire à Ap. 17 :6). Devant la

perplexité de Jean, l’ange interprète lui pose la question : « pourquoi t’étonnes-

tu ? ». On doit remarquer que la question de l’ange implique une censure de

l’étonnement de Jean. Le prophète ne devrait pas être perplexe et stupéfait à

cause de la vision, il devrait la comprendre, puisqu’elle a un sens spirituel clair.

Cette question de l’ange n’est pas déclenchée seulement à cause de

l’étonnement effectif du prophète. Elle est aussi une question rhétorique,

destinée à introduire à une explication de la vision. En effet, pour la première

fois dans l’Apocalypse (excepté Ap. 7 :13-17) on a l’explication d’une vision.

L’ange se propose de révéler à Jean « le mystère de la femme et de la bête qui 65 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 861-862 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 938 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, pp. 378-379 ; Martin KIDDLE, The Revelation of St. John, p. 344 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 614 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 513.

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la porte » et il le fera, mais dans l’ordre inverse. Un seul « mystère » est

impliqué dans les deux symboles et l’un ne peut pas être interprété sans l’autre.

Les deux symboles sont inséparables à cause du caractère inséparable des

réalités qu’ils décrivent. Le mot « mystère » implique ici le sens caché et

spirituel des images symboliques qui constituent la vision (cf. Ap. 1 :20). Les

symboles de la « femme » et de la « bête » ont un sens codifié qui doit être

interprété « spirituellement » (cf. Ap. 11 :8). L’ange se propose de décrypter ce

sens symbolique pour le bénéfice de Jean et de ses lecteurs. Le « mystère » de

la « bête » est décrypté premièrement (Ap. 17 :8-14), avant l’explication

concernant le « mystère » de la « femme » (Ap. 17 :15-18)66.

La description de la « bête écarlate » est semblable à celle de la

« bête » de la mer d’Ap. 13 :1. Il y a quelques différences entre les deux

descriptions : la « bête » de la mer a des diadèmes sur les cornes et les noms

blasphématoires sont sur ses têtes ; la « bête écarlate » n’a pas de diadèmes,

les noms blasphématoires sont partout et elle a une couleur « écarlate » (Ap.

17 :3b, 7b). Il faut aussi dire que la « bête écarlate » est introduite dans la vision

sans l’utilisation de article défini (cf. Ap. 17 :3b). Donc, apparemment, Jean

n’aurait pas l’intention de renvoyer le lecteur à la mention de la « bête » de la

mer du chapitre 13. Cependant, puisque la « bête » de la mer et la « bête

écarlate » ont essentiellement les mêmes caractéristiques morphologiques et

comportementales, on peut conclure qu’il s’agit probablement de la même

« bête », seulement vue sous des angles différents et dans des moments

différents de sa carrière historique67. Jean nous donnera le sens des sept têtes

66 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 861-863 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 939 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 247 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 312 ; John SWEET, Revelation (TPI New Testament Commentaries), London/Philadelphia: SCM Press/Trinity Press International, 1990 (1st ed. 1979), p. 255 ; Austin FARRER, The Revelation of St. John the Divine, p. 184 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 513. 67 Les auteurs suivants pensent qu’il s’agit de la même « bête », vue dans des moments différents de son existence historique : Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 309 ; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 494 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 376 ; Jean-Pierre CHARLIER, Comprendre l’Apocalypse, 2 vols, Paris : Cerf, 1991, vol. II, p. 75 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, p. 241 ; Martin KIDDLE, The Revelation of St. John (The Moffatt New Testament Commentary), London: Hodder & Stoughton, 1963 (1st ed. 1940), p. 340 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 223 ; Josephine Massyngberde FORD, Revelation, p. 278 ; Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs – une lecture de l’Apocalypse de Saint Jean, Paris: Pneumathèque, 1984, p. 126 ; Alfred LÄPPLE, L’Apocalypse de Jean – Livre de vie pour les chrétiens, trad. Charles chauvin, Paris : Cerf, 1970, p. 196 ; Austin FARRER, The Revelation of St. John the Divine, Oxford: Oxford University Press, 1964, p. 183 ; Hanns LILJE, L’Apocalypse

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et dix cornes de la « bête » dans les versets 9 et 12. Nous discuterons alors ces

traits de la « bête ». En plus de sa description physique, la couleur « écarlate »

de la « bête » d’Ap. 17 :3b établit aussi une liaison de proximité symbolique

avec le « dragon » d’Ap. 12 :3 qui a aussi sept têtes, dix cornes et qui a le

« rouge feu » comme couleur. La couleur « écarlate » est celle du luxe, de la

richesse et de la royauté impériale, mais peut aussi signifier la nature

persécutrice et sanglante de la « bête » dans son rapport avec le peuple de

Dieu. Elle peut aussi être comprise, dans la tradition prophétique, comme la

couleur du péché en opposition avec le blanc (Es 1 :18). Dans l’Apocalypse, le

blanc est la couleur des saints (Ap. 7 :9 ; 19 :14). La couleur « écarlate » de la

bête se trouve coordonnée avec la couleur des vêtements de la « femme » (Ap.

17 :4). Les « noms blasphématoires » éparpillés sur le corps de la « bête

écarlate » (Ap. 17 :3b) sont des titres honorifiques assumés par la « bête » qui

vont à l’encontre des prérogatives divines et qui ne sont correctement

applicables qu’à Dieu68.

Comme la description de la « bête » de la mer en Ap. 13 :1-2, la

description de la « bête écarlate » en Ap. 17 :3 et 7 est, en partie, une allusion

claire à Daniel 7 :3-7, 20, 23, 24 (LXX et Theodocion)69. La référence à la

« bête » (θηριον) en Ap. 17 :3 et 7 reprend la mention de la quatrième « bête »

(θηριον) dans Dn 7 :23 (LXX et Theodocion). L’indication sur les « dix cornes »

(δεκα κερατα) de la « bête » en Ap. 17 :3 et 7 s’inspire de l’indication sur les

« dix cornes » (δεκα κερατα) de la quatrième « bête » en Dn 7 :7, 20, 24 (LXX

et Theodocion). Finalement, la mention des « sept têtes » (επτα κεφαλας) de la

« bête » en Ap. 17 :3 et 7 est sûrement basée sur le fait que l’addition des

– Le dernier livre de la Bible, trad. Jean-Luc Pidoux, Paris : Payot, 1959, p. 220 ; Robert G. BRATCHER & Howard A. HATTON, A handbook on the Revelation to John, New York: United Bibles Societies, 1993, p. 244 ; Pablo RICHARD, Apocalypse, p. 129 ; Bruce J. MALINA & John J. PILCH, Social-Science Commentary on the Book of Revelation, Minneapolis: Fortress Press, 2000, p. 204 ; Donald Grey BARNHOUSE, Revelation – An Expository Commentary, Grand Rapids, Mich.: Zondervan, 1982 (1st ed. 1971), p. 320 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 507 ; Antonio LLAMAS VELA, « Dios y los poderes del mundo en el libro del Apocalipsis », Naturaleza y Gracia, 50(2), 2003, pp. 349-350, 353. 68 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 853 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 908, 934 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 245 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 309 ; Pierre PRINGEANT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 376 ; Josephine Massyngberde FORD, Revelation, p. 287 ; Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, p. 253. 69 Werner FOERSTER, « θηριον », in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm B. Eerdmans, 1964, vol. 3, p. 134.

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« têtes » (κεφαλας) des quatre « bêtes » de Dn 7 :3-7 (LXX et Theodocion)

donne comme résultat sept têtes (puisque la troisième « bête », semblable au

léopard, possède « quatre têtes » [Dn 7 :6]). Ainsi, la « bête écarlate » d’Ap.

17 :3, 7 est manifestement une reprise johannique de la quatrième « bête » de

Daniel 7, avec l’addition du détail des sept têtes. Mais, comme nous avons vu,

ce dernier détail est lui aussi inspiré d’une lecture midrashique de Daniel 7 :3-

770. En plus, si on considère que la « bête » d’Ap. 17 :3, 7 est à identifier avec

la « bête » d’Ap. 13 :1-2 (comme nous avons soutenu supra), nous avons

encore plus de raisons pour affirmer que la vision de la « bête » d’Ap. 17 :3, 7

par Jean est fondée sur une reprise de la vision de Daniel 7. En effet, dans Ap.

13 :2 la « bête » qui monte de la mer est décrite comme étant « semblable à un

léopard, ses pattes étaient comme celles d’un ours et sa gueule comme la

gueule d’un lion ». Elle a aussi « dix cornes » (Ap. 13 :1). Cette « bête »

reprend évidemment des caractéristiques des trois premières « bêtes » de Dn

7 :3-6 et de la quatrième « bête » de Dn 7 :7. Si l’on peut considérer cette

description de la « bête » d’Ap. 13 :1-2 comme applicable implicitement à la

« bête » d’Ap. 17, 3, 7, alors l’influence de la vision de Dn 7 :3-7 sur la vision de

Ap. 17 : 3, 7 est encore plus importante et plus manifeste.

Finalement, il faut dire que la bête écarlate d’Apocalypse 17 est le

symbole de l’empire transnational dans plusieurs manifestations concrètes au

long de l’histoire du peuple de Dieu. Nous avons deux arguments pour soutenir

cette thèse. Premièrement, puisque la bête écarlate est une composition

midrashique effectuée à partir des caractéristiques morphologiques des bêtes

de Daniel 7 et puisque ces bêtes sont interprétées comme symbolisant chacune

un « royaume » ou empire (Dn 7 :23-24), alors la bête écarlate doit aussi

représenter l’empire qui a assumé au long de l’histoire plusieurs manifestations

concrètes. Ces manifestations concrètes sont représentées dans leur

individualité historique par chacune des « têtes » de la bête, comme nous le

verrons infra. La bête avec ses sept têtes représente l’empire dans la totalité de

ses manifestations historiques dans le passé, le présent et même le futur.

Deuxièmement, on considère qu’il y a un parallélisme entre le symbole des

« grandes eaux » (Ap. 17 :1) et le symbole de la « bête » (Ap. 17 :3, 7), dans la 70 G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, p. 252-253.

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mesure où la « femme » est décrite comme étant « assise » sur les deux

réalités symboliques, les « eaux » et la « bête ». Puisque le symbole des

« eaux » est interprété comme signifiant « des peuples, des foules, des nations

et des langues » (Ap. 17 :15), le symbole de la « bête écarlate », qui est

équivalent à celui des « grands eaux », doit aussi représenter « des peuples,

des foules, des nations et des langues ». La bête symbolise donc un empire

multinational et multiethnique avec plusieurs manifestations concrètes au long

de l’histoire du peuple de Dieu.

2.2.2. Ap. 17 :8

L’ange dit à Jean : « la bête que tu as vue était, et elle n’est pas, et elle

va monter de l’abîme et elle s’en va à la perdition. » La phrase ο ειδες « que tu

as vue » est ici la première des cinq occurrences (Ap. 17 :8, 12, 15, 16, 18) de

cette expression stéréotypée dans la section interprétative du chapitre 17 (Ap.

17 :8-18). Le fait que ειδες est à l’aoriste indique que Jean n’est plus en train de

recevoir la vision d’Ap. 17 :3-6. L’ange communique maintenant avec Jean de

façon verbale. Il commence par une interprétation du symbole de la « bête ». La

formule d’Ap. 17 :8a sur la course existentielle de la « bête » est reprise deux

fois dans l’explication que l’ange donne à Jean (cf. Ap. 17 :8b et 11a). La

comparaison synoptique des trois formules nous donne un aperçu plus complet

du parcours ontologique de la « bête »71 :

Ap. 17 :8a Ap. 17 :8b Ap. 17 :11a La bête… La bête… La bête…

était et elle n’est pas Etait et elle n’est pas était et elle n’est pas…

et elle va monter et elle sera présente est elle-même un

huitième [roi]

de l’abîme et

elle s’en va à la perdition elle s’en va à la perdition

71 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 939 ; Jean-Pierre CHARLIER, Comprendre l’Apocalypse, vol. 2, p. 82 ; Robert G. BRATCHER & Howard A. HATTON, A Handbook on the Revelation to John, p. 247 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 615.

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Ainsi, la « bête » doit passer par trois phases dans son existence : elle

« était », c’est-à-dire qu’elle avait une existence dans le passé ; «elle « n’est

pas », c’est-à-dire que dans un sens, elle ne possède plus d’existence dans le

temps de référence de la vision du chapitre 17 ; et elle « va monter de

l’abîme », elle « sera présente », elle « est elle-même un huitième [roi] », c’est-

à-dire qu’elle aura une manifestation future qui durera un certain temps jusqu’à

ce qu’elle tombe définitivement dans la « perdition ». Cette formule ontologique

de la « bête » contraste ironiquement avec la formule que Jean emploie dans

l’Apocalypse pour décrire le parcours ontologique de Dieu : « Celui qui était, qui

est et qui vient » (Ap. 4 :8) ou « Celui qui est, qui était et qui vient » (Ap. 1 :4,

8). Mais, à l’opposé de Dieu, dans la deuxième partie de la formule, la « bête »

« n’est pas », en dépit de ses prétentions à la divinité. La formule appliquée à la

« bête » montre son infériorité ontologique par rapport à Dieu. La

caractérisation de Dieu comme « Celui… qui vient » indique la manifestation

eschatologique de Dieu dans le dernier jour, avec la parousie de Jésus. De la

même façon, la caractérisation de la « bête » comme celle qui « va monter de

l’abîme » (Ap. 17 :8a) ou qui « sera présente » (Ap. 17 :8b) est construite pour

indiquer la manifestation eschatologique de la « bête » dans les derniers jours.

On peut comparer cette ascension hors de l’abime de la « bête » d’Ap. 17 avec

la guérison de la plaie mortelle de la « bête » d’Ap. 13 :2-3, 12, 14. La

conclusion de la formule ontologique de la « bête » - « elle va monter de

l’abîme et elle s’en va à la perdition » - présente un contraste ironique avec la

conclusion de la formule ontologique de Dieu – Celui « qui vient ». La venue

eschatologique de Dieu dans les derniers jours marque sa victoire dans le

conflit avec les pouvoirs impies, tandis que la tentative de la « bête » de

s’approprier le pouvoir suprême dans sa venue eschatologique s’achève dans

sa défaite et sa perdition. Ainsi, l’application adaptée à la « bête » de la formule

qui décrit le parcours ontologique de Dieu est destinée à rendre dérisoires les

efforts de la « bête » dans son combat contre Dieu et son Christ, les seuls Êtres

éternels. La formule de la manifestation ontologique de Dieu est appliquée ou

adaptée au parcours de la « bête » pour montrer ironiquement le contraste

ontologique entre Dieu, l’Eternel, et la « bête » mortelle qui s’oppose à lui. Dans

la première et deuxième parties de la formule sur le parcours ontologique de la

« bête », les indications « était » et « n’est pas » signifient que la « bête »

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« vivait » et qu’elle « ne vit plus ». Cette interprétation s’appuie sur l’hypothèse

selon laquelle la formule employée par Jean est inspirée d’une épitaphe très

répandue dans le monde ancien : « Je n’étais pas, je suis devenu, je ne suis

pas » ou « Je n’étais pas, j’étais, je ne suis pas »72. L’introduction de la

description ontologique négative « n’est pas » et de l’indication eschatologique

« elle va monter de l’abîme » dans la description du parcours existentiel de la

« bête » est aussi destinée à parodier le parcours existentiel du Christ. Celui-ci

a été mort et il s’est réveillé de la mort (cf. la formule ontologique sur le Christ

dans Ap. 1 :18a et 2 :8). La « bête » aussi semblera mourir et ressusciter, et

elle aura aussi son avènement en gloire dans l’adoration des habitants de la

terre. Cependant, l’imitation que la « bête » fait du parcours ontologique du

Christ est destinée à l’échec, puisque, si la résurrection de Jésus entraine le fait

qu’il sera « vivant pour l’éternité », la résurrection de la « bête » a pour résultat

sa totale « perdition ». En plus, on doit remarquer que la troisième partie de la

formule ontologique de la « bête », qui désigne sa manifestation

eschatologique, est formulée dans Ap. 17 :8b ainsi : « elle sera présente »

(παρεσται). Il y est donc établi un parallèle contrastant avec la manifestation

eschatologique du Christ, qui est désignée dans tout le Nouveau Testament (e.

g. 1 Co 15 :23 ; 1 Th 2 :19 ; 1 Jn 2 :28) par le terme « présence » (παρουσια).

Dans l’Apocalypse, Jésus fait plusieurs fois référence à sa parousie quand il dit

« je viens » (Ap. 3 :11 ; 16 :15 ; 22 :7, 12, 20). La « bête » aura donc aussi

sa parousie comme l’« Agneau », mais elle viendra de l’abîme et non du ciel73.

Dans sa troisième phase d’existence, la « bête » « va monter de

l’abîme » (Ap. 17 :8b ; cf. Ap. 11 :7 et 13 :1). C’est un mouvement de la « bête »

qui était encore à venir dans le temps de Jean et qui sera bref. Le fait que le

lieu d’origine de la « bête », dans sa résurrection, est l’ « abîme » (Ap. 17 :8 ; cf.

Ap. 11 :7) indique l’origine démoniaque de l’essence et du pouvoir de la

72 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 940. 73 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 864-865 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 939-940 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 312 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 379 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 254 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 226 ; Josephine Massyngberde FORD, Revelation, p. 288 ; Claude TRESMONTANT; Apocalypse de Jean – traduction et notes, 3e ed., Paris: François-Xavier de Gilbert, 2005, p. 273 ; M. Eugene BORING, Revelation (Interpretation – A Bible Commentary for Teaching and Preaching), Louisville, Kent.: John Knox Press, 1989, p. 181 ; Dominique VISEUX, L’Apocalypse, son symbolisme et son image du monde, Milano:Archè Milano, 1985, p. 169.

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« bête ». En effet, dans la LXX, αβυσσος peut avoir une connotation négative

(Jb 41 :22-23 ; Ps 70[71] : 20-21 ; 76[77] :17 ; 105[106] : 9 ; 106[107] : 26 ;

148 :7 ; Si 42 :18). Ce mot αβυσσος est employé dans la LXX pour traduire le

mot hébreu tehom, signifiant les eaux primordiales (e. g. Gn 1 :2) et le royaume

des morts (e. g. Ps 71 :20). Dans le judaïsme tardif αβυσσος signifiait l’intérieur

de la terre rendue impure par la présence des morts et le lieu d’habitation des

esprits démoniaques (Jubilées 5 :6-11 ; 1 Enoch 10 :4-6, 11-14 ; 18 :11-16 ; Lc

8 :31 ; Jd 6 ; 2 P 2 :4). Dans l’Apocalypse, αβυσσος a manifestement une

connotation négative, indiquant le lieu d’origine des forces du Mal (comme dans

Ap. 9 :1-2, 11 ; 11 :7) et le lieu d’emprisonnement de Satan pendant le

millenium ( Ap. 20 :1-3, 7). Finalement, cette « bête » d’origine démoniaque est

destinée à la « perdition » (cf. Ap. 17 :11), puisque son opposition à Dieu et à

son Christ s’achèvera par un échec. La mention de la « perdition » de la

« bête » fait référence au fait qu’elle sera jetée dans l’ « étang de feu » (Ap.

19 :20)74.

L’ange dit aussi à Jean que « les habitants de la terre, ceux dont le nom

n’a pas été inscrit dans le livre de la vie depuis la fondation du monde,

s’étonneront à la vue de la bête ». Les « habitants de la terre » sont mentionnés

fréquemment dans l’Apocalypse (3 :10 ; 6 :10 ; 8 :13 ; 11 :10 ; 13 :8, 14 ; 17 :8)

et ils sont caractérisés deux fois comme ceux que n’ont pas leur nom écrit sur

le « livre de la vie » (Ap. 13 :8 ; 17 :8). Avoir son nom écrit dans le « livre de la

vie » (« de l’agneau » [Ap. 13 :8 ; 21 :27]) c’est la conséquence du fait de croire

en l’évangile de Jésus et implique que l’on a la certitude du salut par Christ (cf.

Ap. 3 :5 ; 21 :27). Par contraste, n’avoir pas son nom dans le « livre de la vie »

signifie ne pas avoir le salut et être perdu. Il n’y a pas de prédestination,

puisque les noms enregistrés dans « le livre de vie » peuvent aussi être effacés

(cf. Ap. 3 :5). Les « habitants de la terre » sont donc ceux qui sont perdus, qui

n’ont aucun lien avec le ciel, Dieu et l’Agneau. Au contraire, ils adhérent aux

pouvoirs qui combattent contre Dieu et persécutent le peuple du Christ. Ces 74 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 865 ; G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, p. 254 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 940 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 312 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 226 ; Josephine Massyngberde FORD, Revelation, p. 280 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 514 ; Joachim JEREMIAS, « αβυσσος », in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm B. Eerdmans, 1964, vol. 1, pp. 9-10.

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« habitants de la terre » vont s’étonner devant la résurrection eschatologique de

la « bête » qui était morte. Le verbe « s’étonner » (θαυµαζω) a ici une

connotation d’« admiration » qui mène à l’adoration. Cette connotation présente

ici est confirmée par l’emploi du même verbe dans Ap. 13 :3-4, 8, où il est dit

que « toute la terre s’émerveilla à la suite de la bête » et que tous les habitants

de la terre se « prosternèrent » devant la « bête ». Que l’étonnement des

habitants de la terre dans Ap. 17 :8b entraîne l’adoration de la « bête » est

aussi implicite dans le fait que ce sont précisément les « habitants de la terre »

(qui n’ont pas leur nom dans le livre de vie) qui sont sujet du verbe

« s’étonner ». Comme nous l’avons vu, la désignation « habitants de la terre »

est une sorte de terme technique dans le livre de Jean pour indiquer les

idolâtres qui ne croient pas en l’évangile de Jésus. Ainsi, dans Ap. 17 :8

(comme dans Ap. 13 :8, 14), les « habitants de la terre » sont amenés à adorer

la « bête » à la suite de leur « étonnement »75.

Cet étonnement des « habitants de la terre » devant la « bête », qui les

conduit à l’adoration, est provoqué par la résurrection eschatologique de la

« bête » : « elle était, elle n’est plus, et elle sera présente ». Comme nous

l’avons vu, cette affirmation est une réaffirmation de plus du parcours

ontologique en trois étages de la « bête » (cf. Ap. 17 :8a et 17 :11a). Elle

signifie que la « bête » a vécu, qu’elle est morte au temps de référence de la

vision du chapitre 17 et qu’elle reviendra à la vie dans le futur. Le verbe

παρειναι - « être présente » - appliqué à la « bête » indique effectivement,

comme nous l’avons vu, sa parousie eschatologique, dans une parodie ironique

de la parousie du Christ. Si, dans Ap. 13 :3b, la réaction d’étonnement et

d’adoration des « habitants de la terre » en face de la « bête » était déclenchée

par la guérison de la plaie mortelle que la « bête » avait soufferte dans une de

ses têtes, ici la réaction d’étonnement des « habitants de la terre » en face de la

« bête » est aussi déclenchée par une résurrection et une réapparition de la

« bête » à la fin des temps. Cette résurrection de la « bête » est un événement

déterminant dans son existence, puisque elle est mentionné trois fois dans le

75 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 866 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 940 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 247 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 313 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 281 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 227 ; John H. ALEXANDER, L’Apocalypse verset par verset, Genève: La Maison de la Bible, 1979, p. 311.

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chapitre 13 (Ap. 13 :3, 12, 14) et aussi trois fois dans notre chapitre (Ap. 17 :8a,

8b, 11a)76.

2.2.3. Ap. 17 :9

L’ange dit alors à Jean : « ceci est l’intelligence qui a de la sagesse ».

Cette affirmation n’a pas pour intention d’introduire l’interprétation des sept

têtes de la « bête » qui suivra, mais fait référence à l’énigme antérieure

concernant le parcours ontologique de la « bête » (Ap. 17 :8). Elle a la même

fonction que l’affirmation « ici est la sagesse » dans Ap. 13 :18, qui clôt aussi

une énigme sur la « bête ». Les deux phrases sont destinées à faire remarquer

au lecteur que les symboles apocalyptiques mentionnés non seulement ont

besoin d’interprétation, mais qu’ils ont sûrement une interprétation historique

axée sur le temps de Jean. Cependant, le vrai sens de ces symboles qui

procèdent de Dieu est seulement accessible à ceux qui ont un discernement

spirituel. De plus, les croyants dans l’Agneau, qui ont ce genre de

discernement, sont capables de percevoir le caractère démoniaque de la

« bête » ; ils sont donc préservés de la fascination de son parcours existentiel

et de la participation, avec les « habitants de la terre », à son adoration. De

toute façon, ceux qui ont montré qu’ils possédaient de « l’intelligence qui a de la

sagesse » pour percer le langage symbolique du verset 8, sont aussi en

mesure de comprendre la suite de l’explication de la vision sur la « bête » et la

« femme » (Ap. 17 :9-18) offerte à Jean par l’ange interprète. Cette phrase

d’Ap. 17 :9a adressée par l’ange interprète à Jean peut faire allusion aux

paroles d’exhortation – faisant mention d’« intelligence » et de « sagesse » -

que l’ange Gabriel a adressé à Daniel pour l’encourager à comprendre une

vision particulièrement difficile (Dn 9 :22-23, 25 ; cf. aussi Dn 11 :33 et

12 :10)77.

76 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 866 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 941 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 313 ; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 500 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 617. 77 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 867 ; G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, pp. 256-257 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 941 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, vol. 2, p. 68 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 248 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, p. 245 ; Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, vol. 7, p. 854 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 515 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 617.

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L’ange interprète explique ensuite à Jean que « les sept têtes sont sept

montagnes, sur lesquelles la femme est assise. » L’ange donne ici la première

de deux interprétations concernant le symbole des « têtes » de la « bête

écarlate ». La deuxième interprétation viendra par la suite et elle comprendra

les sept « têtes » comme étant « sept rois » (Ap. 17 :9b). Cette première

interprétation des « têtes » de la « bête » comme étant « sept montagnes » ou

« sept collines » (το ορος peut signifier les deux78) où siège la « femme » donne

une indication précieuse pour l’identification historique du symbole de la

« femme ». Le fait que la « femme » siège sur les « têtes » de la « bête » -

lesquelles représentent « sept montagnes » - montre bien la proximité des

rapports entre la « femme » et la « bête ». Il y a des exégètes qui considèrent

que la mention des « sept montagnes » doit elle aussi être considérée comme

un symbole à interpréter. Dans cette ligne de raisonnement, les « sept

montagnes » symboliseraient sept royaumes. Cette argumentation soutient

que, dans l’Apocalypse, le terme « montagne » (ορος) a un emploi symbolique

(Ap. 8 :8 ; 14 :1) et que « montagnes » symbolisent royaumes dans l’Ancien

Testament et dans des écrits apocalyptiques (e. g. Es 2 :2 ; Jr 51 :25 ; Ez

35 :3 ; Dn 2 :35 ; Za 4 :7 ; 1 Enoch 52)79. Cependant, cette théorie n’est pas

acceptable, puisqu’il est évident que la mention des « sept montagnes » par

l’ange est une claire interprétation d’un symbole (les « sept têtes » de la

« bête »). Elle est destinée à éclairer le sens référentiel des « sept têtes ». Elle

ne peut pas donc être aussi un autre symbole à interpréter. La mention des

« sept montagnes » par l’ange n’est pas avancée comme un symbole de plus

qui ferait partie de la description symbolique de la « bête ». La mention des

« sept montagnes » est destinée à indiquer la réalité historico-géographique

symbolisée par le symbole des « sept têtes ». Ainsi, la mention des « sept

montagnes » nous donne une indication historico-géographique qui nous aide à

78 Werner Foerster, « ορος », in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm B. Eerdmans, 1964, vol. 5, p. 475. 79 C’est le cas de G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 868-869 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, pp. 227-228 ; John H. ALEXANDER, L’Apocalypse veret par verset, pp. 311-312 ; Donald Grey BARNHOUSE, Revelation, p. 329. Werner FOERSTER, « ορος », p. 487. Cette position est aussi soutenue par Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 314. Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 380, refuse cette thèse.

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identifier historiquement la « femme » d’Ap. 17. Nous le ferons dans la section

3.1.2 du présent chapitre80.

L’ange continue à interpréter pour Jean le symbole de la « bête »,

indiquant que les « sept têtes » de la « bête » « sont aussi sept rois ». Les

« sept têtes » ont déjà été interprétées comme désignant « sept montagnes ».

Maintenant, l’ange offre une deuxième interprétation du même symbole : les

« sept têtes » sont « sept rois ». Le nombre « sept » peut être compris comme

littéral ou symbolique. En faveur d’une interprétation littérale milite le fait que le

nombre « sept » est donné dans l’explication - « sept rois » - d’un symbole -

« sept têtes ». Il est donc indiqué comme le référent d’une réalité historique

concrète : « sept rois ». En faveur d’une interprétation symbolique, on peut

présenter deux raisons : (1) le sept est un nombre amplement utilisé de façon

symbolique dans l’antiquité et dans l’Apocalypse (près de 45 fois); (2) le

nombre des « sept têtes » de la « bête », qui sont interprétées comme étant

« sept rois », est prédéterminé par la nature même de l’image mythique du

« dragon » ou de la « bête » à « sept têtes » répandue dans le monde ancien

que Jean a utilisé. Le nombre des « rois » est donc lui aussi prédéterminé par

le symbole qu’il interprète. Ainsi, ce nombre peut aussi être symbolique. En

vérité, nous pensons que le nombre « sept » dans l’interprétation « sept rois » à

un double sens. Un sens symbolique, en tant que chiffre qui représente la

totalité, la complétude, la plénitude et la perfection81 et un sens littéral qui fait

référence à une réalité historique concrète que l’on peut compter avec

précision. Les « sept rois » sont donc un ensemble complet de « rois » et ils

sont aussi précisément sept « rois ». Le terme « rois » (βασιλεις) désigne une

réalité concrète, puisque il fait partie de l’interprétation donnée par l’ange

interprète du symbole des « sept têtes ». Cependant, il peut être compris

comme désignant sept individus en possession de la royauté ou il peut être

80 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 944 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 282 : R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 504. 81 Karl Heinrich RENGSTORF, « επτα », in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm B. Eerdmans, 1964, vol. 3, pp. 632-633 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, pp. 90-91. Adela Yarbro COLLINS, « Numerical Symbolism in Jewish and Early Christian Apocalyptic Literature », in: Adela Yarbro Collins, Cosmology and Eschatology in Jewish and Christian Apocalypticism, Leiden: E. J. Brill, 1996, pp. 122-127 est une peu méfiante par rapport à cette interprétation du symbolisme du numéro sept. Elle préfère considérer que le sept symbolise un principe d’ordre dans tous les aspects de la réalité physique et de la vie humaine.

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compris comme désignant sept royaumes. Nous pensons que la dernière

possibilité est la bonne. En effet, cette dernière possibilité est en accord avec

l’usage dans le livre eschatologique de Daniel, où « rois » et « royaumes » sont

interchangeables. Dans Daniel 2 :36-45, la tête d’or symbolise le roi

Nabuchodonosor, mais les autres parties de la statue sont interprétées comme

des royaumes que devront succéder Nabuchodonosor. Dans Daniel 7 :17ss, les

quatre bêtes sont interprétées comme étant quatre rois, mais, dans Daniel

7 :23, la quatrième bête est interprétée comme « un quatrième royaume qui

sera sur la terre, différent de tous les royaumes » (cf. Dn 7 :17 et 23 LXX et

Theodocion). Le fait que le livre de Daniel dans sa globalité a eu une

considérable influence sur l’Apocalypse et le fait que le chapitre 7 de Daniel est

manifestement une des sources bibliques du chapitre 17 de l’Apocalypse sont

des raisons suffisantes pour nous faire penser que, dans Ap. 17 :9, il est très

probable que le terme « rois » ait le sens de « royaumes ». Jean suit l’exemple

apocalyptique de Daniel82. Une autre raison que soutient cette interprétation est

fondée sur le texte même d’Ap. 17. En effet, dans Ap. 17 :11, il est dit que « la

bête … est elle-même un huitième [roi] ». Or, nous savons que la « bête » est le

symbole d’un empire ou royaume transnational, puisque le symbole de la

« bête » dans Ap. 17 :3 est interchangeable avec le symbole des « eaux » dans

Ap. 17 :1, et le symbole des « eaux » est interprété comme signifiant « des

peuples, des foules, des nations et des langues » dans Ap. 17 :15 (voir

commentaire d’Ap. 17 :7). Ainsi, si la « bête » est « un huitième [roi] », le terme

« roi » doit avoir ici le sens d’empire ou royaume. Les « sept rois » symbolisés

par les « sept têtes » sont donc sept royaumes ou empires. Nous verrons dans

le commentaire du verset suivant que ces royaumes ou empires se manifestent

successivement et que cette succession a comme point de référence le temps

présent où Jean reçoit la révélation83.

82 M. MIGUÉNS, « Los “Reyes” de Apocalipsis 17, 9ss », Estudios Bíblicos, 32(1), 1973, pp. 8-10. 83 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 948-949 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp.868-869 ; Jean-Pierre CHARLIER, Comprendre l’Apocalypse, vol. 2, p. 85 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 257 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, pp. 246, 247 ; Martin KIDDLE, The Revelation of St. John, p. 348 ; John SWEET, Revelation, p. 257 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 515.

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2.2.4. Ap. 17 :10

L’ange continue à interpréter le symbole des « sept têtes » de la

« bête ». Après avoir indiqué qu’elles représentent « sept rois », il dit à Jean

que « cinq sont tombés, l’un est, l’autre n’est pas encore venu et quand il

viendra, il lui faudra demeurer peu. » Le principal objectif de l’ange interprète,

dans ce verset 10, est d’informer Jean sur le point où il se trouve dans la

séquence historique des royaumes ou empires qui ont eu un rôle persécuteur

dans l’histoire du peuple de Dieu. Ce verset confirme donc la nature

transhistorique de la « bête écarlate ». Cette nature transhistorique est

exprimée symboliquement par la succession historique de ses « sept têtes »84.

Ces « têtes » se sont succédées dans l’histoire mondiale et dans l’histoire du

peuple de Dieu. Cinq « rois » ou royaumes ont déjà disparu de la scène

géopolitique. Le verbe « tomber » (πιπτω) est utilisé dans l’Apocalypse pour

décrire la chute violente des pouvoirs spirituels (Ap. 8 :10 ; 9 :1). Il est utilisé ici

pour indiquer une disparition violente de ces cinq « rois » ou royaumes, leur

chute d’une position élevée comme puissances politiques (cf. Es 21 :9). Ils se

sont surement substitué les uns aux autres dans la possession du pouvoir

géopolitique85.

L’expression « l’un est », faisant référence au sixième « roi » ou

royaume, indique que celui-ci était contemporain de Jean et dominait la scène

géopolitique au temps du prophète. Jean a reçu la révélation prophétique,

condensée dans le chapitre 17 de son livre, pendant le temps de ce sixième

« roi » ou royaume. C’est l’identification de ce « roi » ou royaume contemporain

de Jean qui nous permettra d’identifier les cinq royaumes passés et le septième

84 La thèse sur la nature transhistorique de la « bête » avec ses « sept têtes » est aussi soutenue par l’argument suivant. Nous avons vu que le symbole de la « bête écarlate » avec « sept têtes » et « dix cornes » du chapitre 17 est inspiré d’une lecture midrashique de Dn 7 :4-7 (cf. commentaire à Ap. 17 :7). Or, de la même façon que les quatre royaumes (avec un total de sept têtes) de Dn 7 :4-7 couvrent la durée historique du temps de Babylone jusque au temps de la fin, de la même façon la « bête écarlate » d’Ap. 17 avec ses « sept têtes » - qui est elle-même une synthèse des principales caractéristiques des symboles de Dn 7 :4-7 – doit couvrir semblablement la durée historique qui commence au temps du premier pouvoir persécuteur du peuple de Dieu et qui se termine au temps de la fin. Les « sept têtes » de la « bête écarlate » sont donc sept royaumes ou empires, dans leur succession historique, qui ont persécuté le peuple de Dieu, depuis son origine jusqu’au temps de la consommation eschatologique. 85 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp.870-871 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 229 ; Josephine Massyngberde FORD, Revelation, p. 280 ; John SWEET, Revelation, p. 259.

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royaume à venir. Jean avait dit, dans le verset 8, que la « bête » « n’est pas ».

Cependant, ici il affirme qu’une de ses « têtes » - la sixième – « est ». L’état de

non-être de la « bête » doit être compris dans un sens relatif. Elle « est » sous

un rapport, elle « n’est pas » sous un autre86.

L’affirmation que le septième « roi » ou royaume « n’est pas encore

venu » est une prophétie qui fait référence à l’apparition future d’un « roi » ou

royaume qui remplacera le « roi » ou royaume qui existait au temps de Jean.

Ce septième « roi » durera « peu » (ολιγος) pendant l’étape finale de l’histoire

humaine. Cette indication temporelle concernant le septième « roi » ou

royaume signifie implicitement que les premiers six « rois » ou royaumes ont

duré pendant beaucoup de temps, tout au long de l’histoire. De plus, l’indication

que le septième « roi » ou royaume durera « peu » n’est pas nécessairement à

comprendre à partir de la perspective temporelle humaine. Elle peut être

comprise comme indiquant la durée du septième « roi » ou royaume d’un point

de vue divin, c’est-à-dire du point de vue du Dieu Eternel qui communique à

Jean la révélation de l’histoire future. En effet, dans Ap. 12 :12, il est dit que

Satan a « peu de temps » pour exercer son pouvoir après sa chute du ciel. Le

terme « peu » traduit ολιγος, comme dans notre verset 10. Or, le « peu de

temps » de Satan dure déjà près de deux mille ans. Il est donc possible que le

« peu » de temps que durera le septième « roi » doit être mesuré selon une

échelle temporelle divine et non selon les standards temporels humains. En

plus, il est implicite que le septième royaume durera « peu » en comparaison de

la durée conjointe des six premiers royaumes. Cependant, il doit

nécessairement (δει) subsister pendant un certain temps, selon la volonté de

Dieu, mais il est condamné à la disparition comme les autres87.

Ainsi, on peut conclure que les sept « rois », royaumes ou empires

symbolisés par les « sept têtes » de la « bête écarlate » sont les sept empires

de grande envergure géographique et de fort pouvoir politique et militaire qui

ont dominé la scène géopolitique pendant toute l’histoire du peuple de Dieu,

depuis son origine jusqu’à la consommation eschatologique. Au temps de Jean,

cinq de ces empires étaient déjà des souvenirs du passé. Un empire possédait 86 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 949 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 249. 87 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 949 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 872 ; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 505 ; Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, vol. 7, p. 856.

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alors le pouvoir géopolitique : c’est précisément celui qui était contemporain de

Jean. Finalement, un septième empire devrait succéder à celui-ci et durer un

« peu » de temps.

2.2.5. Ap. 17:11

L’ange continue à interpréter le symbole de la « bête » et de ses

« têtes ». Il dit à Jean : « Et la bête qui était, et n’est pas, est elle-même un

huitième [roi]; et il est des sept et il s’en va à la perdition ». Cette formule

descriptive est parallèle aux formules ontologiques sur la bête présentes dans

le verset 8a et 8b. Comme nous l’avons déjà vu (cf. commentaire à Ap. 17 :8),

cette formule ontologique est une parodie du titre divin (« qui est, qui était, et

qui viendra ») qui caractérise le mode ontologique de Dieu dans l’Apocalypse

(Ap. 1 :4, 8 ; 11 :17 ; 16 :5). Cette formule ontologique sur les modes

d’existence de la bête est donc réaffirmée. Cependant, il faut avoir présent à

l’esprit que la version de la troisième partie de la formule ontologique de la bête

dans ce verset 11 – « est elle-même un huitième [roi] » - est à mettre en

parallèle avec les troisièmes parties de la même formule ontologique dans le

verset 8a (« elle doit monter de l’abime ») et 8b (« elle sera présente »).

Maintenant il y a une précision dans la troisième partie de la formule : la bête

« est elle-même un huitième [roi] ». Cette précision met en rapport plus proche

la bête et ses têtes. La bête n’est pas seulement décrite comme ayant des

« têtes », mais elle est identifiée avec une huitième « tête » ou un huitième

« roi ». Ainsi, il est affirmé que la manifestation de la bête dans une de ses têtes

dans l’histoire est équivalente à la présence pleine de la bête elle-même. Nous

avons vu avant que la bête elle-même symbolisait l’empire universel trans-

temporel (cf. commentaire à Ap. 17 :7) et chacune de ses sept têtes

symbolisaient un royaume particulier qui détenait l’hégémonie géopolitique

pendant une période de l’histoire du peuple de Dieu. L’identification de la bête

elle-même avec une « huitième » tête dans ce verset 11 vient montrer que

chaque tête est une particularisation historique de l’empire universel trans-

temporel. Chaque tête est un royaume ou un empire particulier. Le fait que la

troisième partie de la formule ontologique de la bête dans ce verset 11 fait

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référence à la dernière manifestation de la bête sous la forme d’une huitième

« tête » ou d’un huitième « roi » vient nous éclairer sur la nature de cette

manifestation finale ou eschatologique. La bête « doit monter de l’abime » (v.

8a) et « sera présente » (v. 8b) sous la forme d’une huitième « tête » ou d’un

huitième « roi » (v. 11). La réapparition finale de la bête dans sa pleine

puissance se fera par l’apparition d’un « huitième » royaume possédant

l’hégémonie géopolitique. Cette apparition était encore future pour Jean et elle

est aussi future pour nous. Il faut avoir présent à l’esprit que cette manifestation

finale de la bête en tant que « huitième » roi ou royaume a aussi un aspect

hautement symbolique. En effet, Jésus est le vrai huitième, puisque l’équivalent

numérique du nom grec « Jésus » (Ιησους) est 888 (ι = 10 ; η = 8 ; σ = 200 ; ο

= 70 ; υ = 400 ; ς = 200). Le fait que la bête soit caractérisée dans sa parousie

comme « huitième [roi] » est un point de plus qui nous indique qu’elle veut

imiter la destinée eschatologique de Jésus (cf. commentaire à Ap. 17 :8)88.

L’ange dit aussi à Jean que la bête en tant que « huitième [roi] » ou

royaume « est des sept [rois] ». On ne doit pas interpréter l’expression grecque

και εκ των επτα εστιν comme signifiant que l’huitième roi est un des sept. La

formulation de la phrase en grec ne permet pas de dire nécessairement que le

huitième a déjà existé comme un des sept. Pour soutenir cette dernière

interprétation nous devrions avoir dans le grec εις εκ των επτα, ce qui n’est pas

le cas. Le huitième appartient aux sept dans la mesure où il est de la même

essence et il a le même rôle : un royaume ou empire hégémonique qui

persécutera le peuple de Dieu et s’opposera à Dieu. Nous devons donc

attendre que le septième « roi » ou royaume ait pour successeur un huitième

« roi » ou royaume. En tant que huitième, il fait éclater la série déjà complète

des sept : c’est le commencement d’un nouveau et dernier chapitre de l’histoire,

celui de la fin du temps. Cependant, si on considère que l’expression grecque

και εκ των επτα εστιν implique nécessairement que le huitième est un des sept

(cela n’est pas une impossibilité syntaxique), alors on peut penser que ce

huitième royaume est la réapparition eschatologique sur la scène géopolitique

88 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 950 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 875-876. ; Jean-Pierre CHARLIER, Comprendre l’Apocalypse, vol. 2, p. 87 ; Elisabeth Schüssler FIORENZA, Revelation – Vision of a Just World (Proclamation Commentaries), Minneapolis, MN: Augsburg Fortress Press, 1991, p. 97 ; M. Eugene BORING, Revelation, p. 183 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, pp. 620-621.

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d’un des sept royaumes disparus de l’histoire. Pour déterminer laquelle des

sept têtes est celle qui doit réapparaitre sous la forme d’une huitième tête,

nous devons attendre l’interprétation historique que nous ferons de la bête et de

ses têtes89.

Finalement, la troisième partie de cette version de la formule

ontologique de la bête dans le verset 11 réaffirme la conclusion de la même

formule dans le verset 8a et nous informe aussi que la bête sera détruite à la

fin, puisque elle s’en va « à la perdition ». Cette description de la fin de la bête

écarlate dans le verset 11 fait allusion à la prophétie de la destruction de la

quatrième bête en Daniel 7 :11, 17 (LXX). Dans Ap. 17 :11 et dans Dn 7 :11, 17

nous avons le symbole d’une « bête » qui symbolise un « roi » ou royaume qui

a comme destinée la destruction. Ainsi, nous pouvons conclure que la

manifestation de la bête sous sa huitième tête est la dernière. Le huitième

royaume doit être la manifestation eschatologique de la bête90.

3. Interprétation historique d’Apocalypse 17 :1-11

3.1. La prostituée « Babylone »

Nous commencerons l’interprétation historique des deux principaux

symboles d’Apocalypse 17 :1-11 par l’interprétation du symbole de la prostituée

« Babylone ». Cette interprétation se fera en trois étapes. Premièrement, nous

procéderons à une caractérisation chronologique de la vision d’Apocalypse 17.

De cette façon, nous aurons des repères temporels pour déterminer l’époque

historique des entités symbolisées dans cette péricope du livre de Jean. Cette

définition de l’époque historique nous aidera à identifier historiquement l’entité

symbolisée. Deuxièmement, nous montrerons par cinq arguments distincts que

le symbole de la prostituée « Babylone » d’Apocalypse 17 :1-6 doit être

89 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 876 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 316 ; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 507 ; Hanns LILJE, L’Apocalypse, p. 225 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 620 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 515 ; Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, p. 276. 90 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 876-877 ; G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation, p. 258.

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interprété historiquement comment faisant référence à la ville de Rome.

Finalement, nous montrerons que « Babylone » symbolise dans le chapitre 17

simultanément la Rome impériale païenne et la Rome chrétienne papale.

3.1.1. Caractérisation chronologique de la vision d’Ap. 17

Pour que nous puissions déterminer l’époque historique – et ainsi

déterminer par la suite l’identité historique - de l’entité symbolisée par la

prostituée « Babylone » d’Apocalypse 17, nous devons procéder à une

caractérisation chronologique de la vision ; c’est-à-dire que nous devons isoler

et comprendre les repères temporels présents dans ce chapitre du livre de

Jean. Or, une analyse attentive du chapitre dans le cadre de toute l’œuvre nous

permet de dire qu’il a comme point chronologique initial l’époque contemporaine

de Jean et qu’il a comme point chronologique final la culmination

eschatologique déterminée par le retour du Christ. Ces deux repères

chronologiques sont établis par les arguments suivants.

On peut affirmer que le point chronologique initial du chapitre 17 est

l’époque contemporaine de Jean (la fin du premier siècle de notre ère) en

considérant deux arguments.

Le premier argument est fondé sur l’exégèse du verset 10. En effet,

dans ce verset l’ange interprète présente à Jean une succession de sept

« rois », symbolisées par les sept têtes de la bête. Nous avons vu dans la

section sur l’exégèse que ces sept « rois » sont sept royaumes ou empires qui

auront successivement l’hégémonie géopolitique tout au long de l’histoire du

peuple de Dieu, depuis son origine jusqu’à la fin des temps (cf. commentaire

d’Ap. 17 :10). Or, dans la présentation de la succession de ces sept royaumes,

l’ange dit à Jean que de tous les sept « rois » ou royaumes, « un est ». Il s’agit

du sixième « roi » ou royaume. Ce sixième « roi » ou royaume est donc

contemporain de Jean. C’est vrai que cinq des sept « têtes » ou « rois » sont

déjà « tombés », ce qui implique que le symbole des « têtes » de la bête a une

certaine profondeur historique. Mais cette profondeur historique du symbole des

« têtes » n’annule pas le fait que la sixième « tête » est nécessairement

contemporaine de Jean. La sixième « tête » symbolise le royaume ou empire

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sous lequel Jean vivait quand il a reçu la vision du chapitre 17. Ainsi, puisque la

femme « Babylone » est contemporaine de la sixième « tête » de la bête qui

« est », et puisque cette sixième « tête » est contemporaine de Jean, alors

l’entité historique symbolisé par la femme « Babylone » est aussi

contemporaine de Jean. Cette contemporanéité de l’entité historique

symbolisée par la « femme » est aussi soutenue par le verset 18, puisque ici les

verbes appliqués dans l’interprétation de la « femme » entant que « la grande

ville » sont tous au présent. La « femme » est interprétée comme étant une

« grande ville » qui est contemporaine de Jean. Ainsi, la vision sur la femme

« Babylone » et sur la « bête » a donc comme point chronologique initial

l’époque de Jean, c’est-à-dire la dernière décade du premier siècle de notre

ère.

Le deuxième argument pour affirmer que le point chronologique initial

du chapitre 17 est l’époque contemporaine de Jean est fondé sur la

considération des repères chronologiques donnés par le Prologue et l’Epilogue

de l’Apocalypse. Jean ouvre le Prologue avec une affirmation claire sur la

brévité des événements que seront décrits symboliquement dans son livre. En

effet, dans Ap. 1 :1 il affirme que l’Apocalypse est une révélation « pour montrer

à ses esclaves ce qui doit arriver bientôt » et, dans le verset 3, il affirme que

« le temps est proche » pour l’accomplissement des « paroles de la prophétie ».

Dans l’Epilogue (Ap. 22 : 6, 10), Jean réaffirme exactement avec les mêmes

expressions la brévité du temps d’accomplissement des prophéties de son livre.

Il nous parait évident que Jean fait ici référence, non à l’accomplissement final

de toutes les prophéties de l’Apocalypse, mais au commencement de

l’accomplissement de ses visions. Ainsi, les événements prophétisés par Jean

dans son livre doivent « arriver bientôt » et leur « temps est proche » parce que

leur accomplissement commence dans l’époque contemporaine de Jean et de

ses premiers lecteurs. Jean croyait donc que la partie initiale de ses visions

commençait dans son temps. Cette précision chronologique donnée par le

Prologue et l’Epilogue du livre de Jean s’appliquerait aux événements du

chapitre 17, puisque – comme nous l’avons vu - nous avons des raisons de

croire que la ligne chronologique de la vision de ce chapitre commence au

temps de Jean. Ainsi, les références dans le Prologue et l’Epilogue à la brévité

du temps de l’accomplissement initial des prophéties de l’Apocalypse

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soutiennent la conclusion que le point chronologique initial de la vision du

chapitre 17 est le temps contemporain de Jean et de ses lecteurs.

On peut aussi affirmer que le point chronologique final du chapitre 17

est l’époque de la culmination eschatologique déterminé par le retour du Christ,

à partir de la considération de l’argument suivant.

Les versets 12-14 du chapitre 17 font allusion à la bataille

eschatologique qui aura lieu entre les dix rois et la bête écarlate d’un côté et de

l’autre côté l’Agneau, qui est « le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois »

(Ap. 17 :14), et ses fidèles. Or, nous savons que le texte d’Ap. 17 :12-14 est

une allusion au dernier combat entre la Bête et l’Agneau, la bataille

eschatologique, parce qu’il est thématiquement parallèle au texte d’Ap. 19 :11-

21, où est décrite avec détails le dernier combat entre la Bête, accompagnée

des rois de la terre, et le « Verbe de Dieu » (appelé aussi « le Seigneur des

seigneurs et Roi des rois » [Ap. 19 :16]) et son armée de fidèles. Ce combat est

la dernière bataille eschatologique qui a lieu pendant le retour de Jésus,

puisqu’il s’achève avec la mort de tous les sectateurs de la Bête et avec la

condamnation de celle-ci à l’étang de feu (Ap. 19 :20-21). On peut donc

conclure que la vision du chapitre 17 s’achève chronologiquement à la fin des

temps, avec le retour de Jésus. Les entités historiques qui sont

symboliquement représentées par la femme « Babylone » et par la « bête

écarlate » seront présentes dans l’histoire humaine jusqu’au retour en gloire du

Christ.

Cette caractérisation chronologique de la vision du chapitre 17 nous

permet de conclure que la femme « Babylone », la « grande prostituée », doit

symboliser une entité historique qui existe depuis le temps de Jean jusqu’au

temps de la consommation eschatologique. Elle existe déjà à la fin du premier

siècle de notre ère puisqu’elle est contemporaine de la sixième « tête » ou du

sixième « roi », qui « est » au temps de Jean (Ap. 17 :3, 10). Elle existera

encore au temps eschatologique du retour de Jésus puisqu’elle sera détruite

par les « dix cornes » ou « dix rois » de la bête écarlate pendant les

événements qui culminent avec le retour du Christ (Ap. 17 :14, 16).

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3.1.2. L’identification de « Babylone » avec la ville de Rome

L’identification de la réalité historique symbolisée par la « femme »

« Babylone », la « grande prostituée » qui est une « grande ville », doit prendre

en considération la caractérisation chronologique de la vision du chapitre 17

que nous venons de déterminer. Cette réalité historique doit donc exister à la

fin du premier siècle de notre ère et continuer à exister jusqu’au retour de

Jésus. Ces deux repères chronologiques nous permettront de contrôler

objectivement notre essai d’identification historique du symbole de

« Babylone ». Procédons maintenant à l’identification historique de

« Babylone ». Nous croyons que dans l’Apocalypse – notamment dans le

chapitre 17 - la « femme Babylone » est un symbole destinée à représenter la

ville de Rome. Nous avons cinq arguments pour soutenir cette thèse.

Le premier argument nous est fourni par le verset 9 du chapitre 17.

Dans ce verset, il nous est dit que « les sept têtes sont sept montagnes, sur

lesquelles la femme est assise ». Or, le verset 18 du même chapitre nous dit

que la « femme » symbolise une « grande ville ». Ainsi, de la conjonction de

ces deux versets, nous apprenons que « Babylone » est une « grande ville »

qui est située sur « sept montagnes » ou « sept collines » (ορη peut avoir les

deux sens). La ville de Rome satisfait à cette indication précise. En effet, Rome

était proverbialement connue, dans la fin du premier siècle avant J.-C. et dans

tout le premier siècle AD, comme la ville des sept collines (Aventin, Caelian,

Capitolin, Esquilin, Palatin, Quirinal, Viminal sont leurs noms selon Strabon et

Varron). Plusieurs auteurs latins font référence à la situation de la ville de Rome

sur sept collines (Virgil, Aeneid, 6.782-783, Virgil, Georg., 2.5.534-535 ;

Propertius, Lib. 3, Eleg. 9 ; Horace, Carmen Saeculare, 5.7 ; Martial, Lib. 4,

Epist. 64 ; Symmachus, Lib. 2, Epist. 9 ; Pline, Hist. Nat., 3.66-67 ; Cicero, Ad

Atticum, 6.5 ; Juvenal, Satir., 9.130). La localisation de Rome, selon Varron,

était appelée Septimontium (les sept collines) et pendant le règne de l’empereur

Domitien – sous lequel Jean a écrit son livre – il avait une fête aussi appelée

Septimontium qui célébrait la fondation de Rome sur les sept collines (Suétone,

Domitian, 4.5). Même si l’expression επτα ορη ne se trouve pas dans la

littérature grecque pour désigner les sept collines de Rome, le singulier ορος

est employée par Denys d’Halicarnasse (Antiq. Rom., 2.50.1) et Dion Cassius

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(Hist. Rom., 44.25.3, 53.27.5 et 62.182.2) pour désigner quelques unes des

sept collines de Rome91. En plus, la description de « Babylone » comme une

« femme » assise sur « sept collines » reproduit l’iconographie de la déesse

Roma, la personnification de la ville de Rome, qui était adorée avec

enthousiasme dans la province proconsulaire de l’Asie (où Jean a vécu et où

l’Apocalypse fut écrite). En effet, la déesse Roma était fréquemment

représentée assise et même assise sur les sept collines. C’est ce que l’on voit

sur un sestertius de bronze du temps de l’empereur Vespasien (71 AD.),

certainement encore en circulation dans la province d’Asie au temps de Jean :

une représentation de la déesse Roma assise sur les sept collines de Rome

avec une épée dans la main. La description de Rome assise sur sept collines

était donc usuelle en Asie au temps de Jean. Ainsi, la description de

« Babylone » comme une « grande ville » « assise sur sept collines » est une

indication claire que « Babylone » symbolise Rome92.

Le deuxième argument nous est donné par une clé d’interprétation

offerte par l’ange interprète à Jean. Cette clé est le verset 18 du chapitre 17.

Dans ce verset l’ange dit que « la femme que tu as vue, c’est la grande ville qui

a la royauté sur les rois de la terre ». Or, la grande ville qui avait l’hégémonie

politique, dans le monde méditerranée, au temps de Jean était naturellement

Rome. Quelle autre « grande ville » impériale Jean et ses premiers lecteurs

pouvaient-ils connaître ? La ville de Rome est quelque fois appelée « la grande

ville Rome » dans des sources rabbiniques (TB Sanhedrin 21b ; TB Pesahim

118b) et elle était fréquemment appelée ainsi par les auteurs gréco-latins (e. g.

Aelius Aristides, Or. 26.3 ; Dion Cassius, 76.4.4-5 ; Porphyre, De Abst., 2.56.9 ;

Pline, Hist. Nat., 3 :38)93.

91 Karl Georg KUHN, « Βαβυλων », p. 516. ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 617 ; Ben WITHERINGTON III, Revelation, p, 223 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 944-945 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, p. 69 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 282 ; G. B. LAIRD, A Commentary on the Revelation of St. John the Divine, p. 216 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, pp. 243-244 ; G. BIGUZZI, « Is the Babylon of Revelation Rome or Jerusalem ? », Biblica, 87(3), 2006, p.384. 92 Pour une discussion et une description du sestertius voir : David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 920-922, Robert BEAUVERY, « L’Apocalypse au risque de la numismatique – Babylone, la grande prostituée et le sixième roi Vespasien et la déesse Rome », Revue Biblique, 90(2), 1983, pp. 243-260, David E. AUNE, « Revelation 17 – A Lesson in Remedial Reading », in : David E. Aune, Apocalypticism, Prophecy and Magic in Early Christianity – Collected Essays, Tübingen ; Mohr Siebeck, 2006, pp. 242-245 ; Ben WITHERINGTON III, Revelation, p, 218 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 608. 93 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 889 ; David E. AUNE, Revelation, p. 959.

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Le troisième argument est fondé sur la caractérisation de la « femme »

comme étant « assise sur une bête écarlate » (Ap. 17 :3). Nous avons vu que le

symbole de la « bête écarlate » représente un empire trans-temporel et que cet

empire s’actualisait au temps de Jean dans une sixième « tête » ou un sixième

« roi » (Ap. 17 :10). Cette sixième « tête » ou ce sixième « roi » contemporain

de Jean était l’empire qui dominait la Méditerranée au temps du prophète. En

plus, le verset 18 nous dit que la « femme » est en réalité une « grande ville ».

Ainsi, de la conjonction des versets 3, 10 et 18 nous obtenons la conclusion

suivante : la « femme » est une « grande ville » qui contrôle un puissant empire

au temps de Jean. À quelle autre ville, à part Rome, cette description pourrait-

elle convenir ?

Le quatrième argument sort du cadre de l’exégèse du chapitre 17,

mais il est aussi très pertinent. En effet, il était commun dans le bas judaïsme –

contemporain de Jean – d’appeler Rome par le nom de code «Babylone»,

puisque Babylone était devenue un type du pouvoir opposé à Dieu et Rome

était vue comme étant un tel pouvoir impie. Babylone avait détruit Jérusalem et

le Temple de Dieu en 586 avant J.-C. De la même façon, Rome avait détruit

Jérusalem et le Temple de Dieu en 70 AD. On peut ainsi trouver le nom de

code « Babylone » appliquée à Rome dans l’Apocalypse de Baruch 11 :1ss,

67 :7, dans les Oracles Sibyllins 5.143 et 5.159, dans II Esdras 3 :1-3 et dans

plusieurs passages rabbiniques94.

Finalement, le cinquième argument est aussi axé sur l’emploi du nom

de code « Babylone » pour désigner Rome. En effet, les chrétiens du premier

siècle avaient aussi repris du bas judaïsme la coutume de désigner Rome par

le nom de « Babylone ». Pierre est sûrement en train de le faire en 1 P 5 :13

puisque (a) comme juif, il s’inscrivait dans la tradition juive environnante qui

consistait à appeler Rome ainsi ; et que (b) l’absence du moindre indice que

Pierre ait travaillé dans la Babylone historique s’oppose à la tradition solide qui

nous dit qu’il a habité et travaillé à Rome. Eusèbe (Hist. Eccl., 2.15.2) et

Tertullien (Adv. Marc., 3.13) identifient aussi Rome à « Babylone ». Ainsi,

94 Karl Georg KUHN, « Βαβυλων », p. 516 ; M. Eugene BORING, Revelation, p. 180 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 960 ; G. BIGUZZI, « Is the Babylon of Revelation Rome or Jerusalem ? », p. 385. Pour les passages rabbiniques voir Hermann STRACK & Paul BILLERBECK (eds), Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud und Midrasch, 6 vols, München: C. H. Beck’sche Verlagsbuchhandlung, 1978 (1st ed. 1921), vol. 3, p. 816.

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comme judéo-chrétien, Jean aurait aussi employé le nom de code « Babylone »

pour désigner Rome de façon cryptique95.

Les cinq arguments que nous venons de voir montrent de façon claire

que le symbole de la « femme Babylone », la « grande prostituée », représente

la ville de Rome96. Cette identification de « Babylone » avec Rome est en plein

accord avec la caractérisation chronologique de la vision du chapitre 17. Il est

évident que la ville de Rome existait déjà comme puissance politico-religieuse à

la fin du premier siècle de notre ère et que la puissance de cette ville était

ressentie par Jean. Concernant l’existence de Rome comme puissance politico-

religieuse jusqu’à la consommation eschatologique, il faut dire que c’est aussi le

cas. Rome continue effectivement à exercer un ample pouvoir politico-religieux

jusqu’à présent et il est prévisible qu’elle continuera à exercer un tel pouvoir

jusqu’à la fin des temps. Naturellement, nous ne pensons pas ici à la Rome des

Césars, mais à la Rome des Papes. Si nous pouvons démontrer que le

symbole de la « femme Babylone » représente non seulement la Rome

impériale païenne, mais aussi la Rome papale chrétienne, alors notre

identification de « Babylone » avec Rome sera en plein accord avec la

caractérisation chronologique du chapitre 17. Or, notre prochaine étape

consistera précisément à démontrer que le symbole de « Babylone » signifie la

Rome impériale païenne et aussi la Rome chrétienne papale.

3.1.3. « Babylone » : Rome païenne et Rome chrétienne

Dans cette section nous allons montrer que le symbole de « Babylone »

dans le chapitre 17 du livre de Jean représente non seulement la Rome 95 Karl Georg KUHN, « Βαβυλων », p. 516 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, p. 244 ; John M. COURT, « The Beast and the Harlot », p. 142. 96 Certains exégètes soutiennent que « Babylone » symbolise Jérusalem et non Rome. C’est le cas de Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, pp. 248-280 ; Josephine Massyngberde FORD, Revelation, pp. 276-293 ; Alan James BEAGLEY, The « Sitz im Leben » of the Apocalypse with particular Reference to the Role of the church’s Enemies, pp. 92-111 ; Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, pp. 240-257 ; Claude TRESMONTANT, Apocalypse de Jean, pp. 266-277 et Margaret BARKER, The Revelation of Jesus Christ, pp. 279-301. Il nous semble que les arguments avancés pour soutenir la thèse qui identifie « Babylone » avec Jérusalem ne sont pas assez forts. Pour une évaluation et une réfutation des arguments de cette thèse minoritaire, voir Giancarlo BIGUZZI, « Interpretazione antiromana e antigerosolimitana di Babilonia in Apocalisse », Rivista Biblica, 49, 2001, pp. 439-471 et Giancarlo BIGUZZI, « Is the Babylon of Revelation Rome or Jerusalem ? », Biblica, 87(3), 2006, pp. 371-286.

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impériale païenne, mais aussi la Rome chrétienne papale. Le fait que le

symbole de « Babylone » représente la Rome impériale païenne a été déjà

suffisamment démontrée, puisque il est évident que si « Babylone » est

identifiée avec la ville de Rome (cf. 3.1.2) et si la caractérisation chronologique

du chapitre 17 nous a indiqué que la vision de la « femme Babylone » et de la

« bête écarlate » s’initie dans le premier siècle de notre ère (cf. 3.1.1), alors on

doit conclure que « Babylone » symbolise, dans une première approche, la

Rome impériale païenne du temps de Jean. Mais, est-ce que « Babylone » est

seulement le symbole de la Rome impériale du premier siècle, comme le

veulent les commentateurs préteristes ? Nous pensons que le contenu de la

description de la « femme Babylone » et que la caractérisation chronologique

du chapitre 17 impliquent que le symbole « Babylone » représente beaucoup

plus que seulement la Rome impériale du temps de Jean. La description de la

« femme Babylone » inclut des traits qui sont clairement applicables non

seulement à Rome impériale, mais aussi à la Rome papale et la caractérisation

chronologique du chapitre 17 nous indique que le temps de la vision nous

amène jusqu’à la fin des temps, alors que la Rome impériale a déjà disparue et

a été remplacée par la Rome papale depuis des siècles. Nous présenterons

donc deux arguments afin de montrer que le symbole de la « femme

Babylone » représente non seulement la Rome impériale païenne mais aussi la

Rome chrétienne papale. Chacun de ces deux arguments sera développé par

la suite.

3.1.3.1. L’opposition structurelle entre la « femme » d’Ap. 17 et la « femme » d’Ap. 12

Le premier argument pour montrer que la « femme Babylone »

représente aussi la Rome chrétienne papale est fondé sur l’opposition

structurelle entre la « femme » d’Apocalypse 12 et la « femme » d’Apocalypse

1797. Dans le premier chapitre de notre essai nous avons constaté l’existence

97 Les auteurs suivants sont d’accord sur l’existence d’une telle opposition structurelle entre la « femme » du chapitre 12 et la « femme » du chapitre 17 : G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 889 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, p. 64 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, pp. 244, 246 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 277 ; Jean-Pierre CHARLIER, Comprendre l’Apocalypse, vol. 2,

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d’un parallèle thématique entre le chapitre 12, du côté de la vision IV, et le

chapitre 17, du côté de la vision VI. Ce parallèle était plutôt d’ordre structurel. Il

consistait dans l’opposition symbolique entre la « femme » pure du chapitre 12

et la « femme » prostituée du chapitre 17. Or, ce parallélisme structurel nous

permet de mieux saisir l’identité historique de la « femme » prostituée.

Effectivement, la relation thématique existant entre la « femme » pure du

chapitre 12 et la « femme » prostituée du chapitre 17 est indéniable. Il s’agit

d’une relation par opposition symbolique.

La « femme » du chapitre 12 est un « grand signe » (Ap. 12 :1) ; la

« femme » du chapitre 17 a un nom qui est « mystère » (Ap. 17 :5). La

« femme » du chapitre 12 est pure et mère de fils légitimes (Ap. 12 :2, 5, 17). La

« femme » du chapitre 17 est une prostituée impure (Ap. 17 :1). La « femme »

pure a son siège dans le ciel (Ap. 12 :1) ; la « femme » prostituée a son siège

dans le désert (Ap. 17 :3). La « femme » pure est auréolée d’une parure céleste

et porte les ornements du ciel (Ap. 12 :1)98 ; la « femme » prostituée est ornée

de beautés terrestres et est caractérisée par le luxe terrestre (Ap. 17 :4). La

« femme » pure est ennemie du Dragon, maître de la bête, et souffre la

persécution de celui-ci (Ap. 12 :4-5, 13, 15) ; la « femme » prostituée est

solidaire de la bête, lieutenant du Dragon, et persécute les saints (Ap. 17 : 3, 6).

Pour la « femme » pure, le désert – terre de rencontre nuptiale avec Dieu – est

son refuge sous la protection de Dieu (Ap. 12 :6, 14) ; pour la « femme » pp. 71, 78 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, pp. 250-251 ; Martin KIDDLE, The Revelation of St. John, pp. 343-344 ; Dominique AUZENET, Lettre ouverte aux martyrs – une lecture de l’Apocalypse de Saint Jean, p. 126 ; John SWEET, Revelation, p. 252 ; Donald Grey BARNHOUSE, Revelation, pp. 314-315 ; Jacques B. DOUKHAN, Secrets of Revelation – The Apocalypse Through Hebrew Eyes, Hagerstown, MD: Review and Herald, 2002, pp. 160-161 ; José Carlos CARVALHO, « A “mulher” hebraica do Apocalypse», Humanística e Teologia, 26(1), 2005, pp. 17-18 ; J. Edgar BRUNS, « The Contrasted Women of Apocalypse 12 and 17», Catholic Biblical Quarterly, 26(4), 1964, pp. 459-460 ; Gordon CAMPBELL, « Antithetical Feminine-Urban Imagery and a Tale of Two Women-Cities in the Book of Revelation », Tyndale Bulletin, 55(1), 2004, pp. 89-91 ; Hans LARONDELLE, « Jérusalem et Babylone : signification théologique », in : Johannes Mager (ed.), Études sur l’Apocalypse – signification des messages des trois anges aujourd’hui - Conférences bibliques Division Euroafricaine, 2 vols, [s.l.] : Institut Adventiste du Salève, 1988, vol. 2, p. 95. Adelio PELLEGRINI, Il popolo di Dio e l’anticristo attraverso i secoli – nei libri di Daniele, Apocalisse e nelle dichiarazioni profetiche dell’apostolo S. Paolo, Scurzolengo-Asti : Minigraf, 1980, p. 539. Pour une discussion des sources littéraires de la caracterisation des deux femmes et de leur opposition, voir J. Edgar BRUNS, « The Contrasted Women of Apocalypse 12 and 17», pp. 460-462 et Barbara R. ROSSING, The Choice Between Two Cities – Whore, Bride and Empire in the Apocalypse, Harrisburg, Penn.: Trinity Press International, 1999, pp. 17-59. 98 Dietmar NEUFELD, « Under the Cover of Clothing: Scripted Clothing Performances in the Apocalypse of John », Biblical Theology Bulletin, 35(2), 2005, pp. 74-75 offre une interprétation du sens de la parure céleste de la femme pure.

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prostituée, le désert – terre maudite peuplée d’esprits mauvais – est le lieu de

son châtiment sous la malédiction de Dieu (Ap. 17 : 3). Les eaux menacent en

vain la « femme » pure (Ap. 12 : 15-16) ; les eaux sont les assises naturelles de

la « femme » prostituée (Ap. 17 : 1). La « femme » pure est la mère du Messie

et des chrétiens, « le reste de sa descendance » (Ap. 12 :5, 17) ; la « femme »

prostituée est mère des « prostituées et des abominations de la terre » (Ap.

17 :5). La « femme » pure est délivrée selon le dessein de Dieu (Ap. 12 :15-

16) ; la « femme » prostituée est détruite selon le dessein de Dieu (Ap. 17 :16-

17).

Cette opposition symbolique entre la femme pure du chapitre 12 et la

prostituée du chapitre 17 est manifestement voulue par Jean. Elle nous aide à

interpréter le symbole de la prostituée et à déterminer son identité historique. Le

sens symbolique et l’identité historique de la femme pure du chapitre 12 sont

relativement faciles à déceler. La grande majorité des exégètes sont d’accord

pour dire que la « femme » pure symbolise le peuple de Dieu dans l’histoire,

son Eglise pure et vraie de l’Ancien et du Nouveau Testament. En tant que

mère du Messie, elle est la « fille de Sion » (cf. Mi 4 :10 ; 5 :2) et en tant que

mère du « reste de sa descendance, ceux qui gardent les commandements de

Dieu et qui portent le témoignage de Jésus » (Ap. 12 :17), elle est l’Eglise de la

nouvelle alliance99. Son identité historique est donc bien déterminée. Par

opposition symbolique, la prostituée doit donc symboliser une entité qui est

l’opposé du peuple de Dieu, une Eglise corrompue et fausse100. Comment

99 E. g. Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, p. 189 ; Ben WITHERINGTON III, Revelation, pp. 167-168 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 456 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, pp. 378, 380 ; Jacques B. DOUKHAN, Secrets of Revelation, pp. 107-108 ; J. Edgar BRUNS, « The Contrasted Women of Apocalypse 12 and 17», p. 459 ; Adela Yarbro COLLINS, « Feminine Symbolism in the Book of Revelation », Biblical Interpretation, 1(1), 1993, p. 24. 100 Sont de cet avis: Roy Allan ANDERSON, Unveiling Daniel and Revelation, Nampa, Id.: Pacific Press, 2006, pp. 342-343 ; Jacques B. DOUKHAN, Secrets of Revelation, pp. 160-161 ; J. E. GREGORY, The Love of Christ Portrayed by John the Revelator, Passadena, Calif.: J. E. Gregory, 1959, p. 54 ; Stephen N. HASKELL, The Story of the Seer of Patmos, Nashville, Ten.: Southern Publishing Association, 1905 (facsimile ed. 1977), p. 291 ; Jean VUILLEUMIER, L’Apocalypse, hier, aujord’hui, demain, Dammarie-les-Lys, Editions Les Signes des Temps, 1938, p. 308 ; Robert J. WIELAND, The Gospel in Revelation – Unlocking the Last Book of the Bible, Paris, Oh.: Glad Tidings, 1989, p. 132 ; Ch. WINANDY, L’Apocalypse révèle les choses qui doivent arriver bientôt – 19 conférences sur l’Apocalypse, Collonges-sous-Salève : Fides, 1956, p. 173 ; C. Mervyn MAXWELL, God cares – The Message of Revelation for you and your Family, Boise, ID: Pacific Press, 1985, p. 458 ; Gordon A. FRASE, « Babylon and the Beast », The Ministry, 42(12), December 1969, p. 12 ; Giovanni LEONARDI, « La prostitute di Apocalisse 17 », Rolando Rizzo (ed.), Dal flauto dolce ai timpani – cose chiare di Daniele e dell’Apocalisse, Impruneta, FI: Araldo della Verità/Istituto Avventista di Evangelizzazione, 1994,

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pouvons-nous comprendre que la ville de Rome puisse représenter

concrètement une Eglise corrompue qui est en opposition à la vraie Eglise de

Dieu de tous les temps ? La solution à cette question est simple : la vision de la

« femme Babylone » du chapitre 17 n’a pas seulement en vue la Rome

impériale païenne, mais aussi la Rome chrétienne papale qui lui a succédée

dans l’histoire. En effet, la Rome papale est le siège géographique et la

représentation concrète de l’Eglise romaine. Or, cette Eglise a apostasié au

cours des siècles, abandonnant sa profession de foi originelle et s’associant

avec le pouvoir politique séculier de l’empire. Ainsi, « Babylone » symbolise

aussi la Rome chrétienne papale et l’Eglise romaine qui est représentée et

dirigée par celle-ci.

L’histoire de la ville de Rome montre bien l’existence d’une transition

graduelle du pouvoir impérial païen au pouvoir papal chrétien. Cette transition

commence avec la conversion de l’empereur Constantin (313 AD) et continue

avec la lignée d’empereurs chrétiens que lui ont succédé jusqu’à Augustule

(476 AD). La ville impériale de Rome devient alors la capitale de l’empire

romain converti officiellement au christianisme. Dans cette Rome impériale

chrétienne, nous avons la première phase de la transition de la Rome impériale

païenne à la Rome chrétienne papale. Dans cette phase, c’est l’empereur –

encore Pontifex Maximus – qui dirige les destins de l’Eglise. Le Pape essaie de

conquérir une plus grande influence à l’intérieur de l’Eglise, mais il a encore une

position dépendante de la volonté de l’empereur101. Avec la fin de l’empire

romain d’occident en 476 la papauté exerce progressivement plus d’influence

sur l’Eglise en Occident et plus de pouvoir dans l’administration civile de la ville

de Rome. Avec le pape Grégoire Ier (590-604) une étape importante est

franchie dans l’émergence de la Rome papale, puisque ce pape prend

carrément l’administration de la ville et du Duché de Rome. Dans les deux

siècles et demi que suivent la papauté essaiera – avec une fortune variable - de

maintenir le contrôle sur la ville et le Duché de Rome. En 754 le roi franc Pépin

p. 247 ; Hans K. LARONDELLE, « Babylon: Anti-Christian Empire », in: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation – Book 2 – Exegetical and General Studies (Daniel and Revelation Committee Series, vol. 7), Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 1992, p. 161. 101 Pour l’histoire de l’empire romain chrétien et de la domination de l’empereur sur les affaires de l’Eglise chrétienne, voir : André PIGANIOL, L’Empire chrétien (325-395), Paris : Presses Universitaires de France, 1972.

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le Bref, après avoir écarté la menace des lombards qui essayaient de

s’approprier Rome, reconnaît à la papauté le droit de possession et

d’administration du Duché et de la ville de Rome et de l’Exarchat de Ravenne.

L’Etat pontifical était né. La possession de la ville de Rome par la papauté sera

reconnue aussi par Charlemagne en 774 et, plus tard, en 800, après le

couronnement de ce dernier comme empereur des Romains102. Le processus

de transition de la Rome impériale chrétienne à la Rome chrétienne papale était

accompli. A partir de 800 et jusqu’à 1870, la ville de Rome sera gouvernée par

le pape. La Rome chrétienne papale sera ainsi le siège de l’Eglise romaine.

Après un interrègne de plus de cinquante ans, le traité de Latran de 1929

reconnaîtra la souveraineté du pape sur la cité du Vatican. Aujourd’hui nous

pouvons dire que Rome papale – réduite à la cité du Vatican - est encore le

siège de l’Eglise romaine éparpillée dans le monde. Nous avons donc une

continuité historique indéniable dans la réalité symbolisée par la « femme

Babylone » du chapitre 17, puisque la Rome chrétienne papale a effectivement

remplacé la Rome impériale païenne dans l’histoire et continue à exercer son

influence sur le monde par le moyen de l’Eglise catholique romaine. Nous

pouvons donc conclure que « Babylone est la Rome païenne, mais aussi le

symbole de la contre-église de l’antéchrist »103.

3.1.3.2. Les traits de la description de « Babylone » comme éléments identificateurs de la Rome impériale et de la Rome papal

Le deuxième argument destiné à montrer que la « femme Babylone »

représente non seulement Rome païenne, mais aussi la Rome chrétienne

papale, est fondé sur la considération des cinq principaux traits qui constituent

la description de « Babylone » dans le chapitre 17 du livre de Jean. Ces traits

sont : (1) la promotion de l’idolâtrie ; (2) la persécution du peuple de Dieu ; (3) la

domination politique sur un empire multinational et sur les « rois de la terre » ;

(4) l’extension mondiale de son influence politico-religieuse et (5) son ample

pouvoir financier et économique. Nous montrerons brièvement que ces cinq 102 Pour l’histoire de l’appropriation de la ville de Rome par la papauté, voir : Marcel PACAUT, Histoire de la Papauté – de l’origine au concile de Trente, Paris : Fayard, 1976, pp. 37-96 et Pierre PIERRARD, Histoire de l’Eglise Catholique, Paris : Desclée, 1978, pp. 49-58, 67-73. 103 E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 244.

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caractéristiques ne s’appliquent pas seulement à la Rome impériale païenne,

mais aussi à la Rome chrétienne papale.

La première caractéristique de « Babylone » est la promotion de

l’idolâtrie dans le monde. Nous avons vu que la « femme » « Babylone » était

caractérisée comme étant la « grande prostituée » et que cette image était

employée par Jean pour indiquer l’apostasie religieuse, l’idolâtrie et l’infidélité à

Dieu caractéristique de « Babylone » (cf. commentaire d’Ap. 17 :1). La

« prostitution » de « Babylone » était donc le symbole de sa promotion de

l’idolâtrie parmi les rois de la terre et les habitants de la terre. La réalité de cette

idolâtrie – avec ces pratiques et ses doctrines – était représentée par l’image du

« vin de prostitution » que « Babylone » donnait à boire à toute l’humanité (cf.

commentaire d’Ap. 17 :2, 4). Le caractère idolâtre de « Babylone » était aussi

exprimé dans sa description comme « mère des prostituées et des

abominations de la terre », impliquant qu’elle était la grande promotrice de

l’idolâtrie (cf. commentaire d’Ap. 17 :5). Cette caractérisation de la ville

« Babylone » indiquait donc qu’elle est le siège d’un système idolâtre

d’extension internationale qui s’oppose au culte du vrai Dieu. Or, cette

description de « Babylone » comme promotrice d’un système d’idolâtrie opposé

au culte du vrai Dieu s’applique aussi bien à la Rome impériale païenne qu’à la

Rome chrétienne papale. La Rome impériale païenne a promu deux types

d’idolâtries différents : celle caractéristique de son système religieux polythéiste

syncrétique et celle plus spécifique du culte à la déesse Roma et à l’empereur.

Les deux types de cultes idolâtres étaient en opposition directe avec le culte du

vrai Dieu unique, mais le culte de Roma et de l’empereur était spécialement

sacrilège pour les chrétiens, parce que l’empereur vivant, un simple mortel,

assumait des titres – « Seigneur » et « Dieu » - que les chrétiens considéraient

comme radicalement blasphématoires. La Rome chrétienne papale a aussi

promu une idolâtrie de deux types. Celle qui découle de la proposition du culte

de Marie et des Saints et celle qui dérive de la vénération extrême de la figure

du Pape comme Vicaire du Christ et Saint Père doué de l’infaillibilité. Ces deux

types de culte sont aussi en opposition directe avec le culte de Dieu, mais la

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vénération extrême de la personne du Pape – avec sa titulature semi-divine -

apparaît comme spécialement blasphématoire104.

La deuxième caractéristique de « Babylone » est la persécution du

peuple de Dieu. Nous avons vu que « Babylone » était parée de vêtements de

tonalité rouge, symbolisant son caractère persécuteur (cf. commentaire d’Ap.

17 :4). Ce caractère persécuteur de « Babylone » était aussi explicitement

affirmé par sa description comme étant « ivre du sang des saints et du sang

des témoins de Jésus ». L’image de l’intoxication aigue avec le sang des

martyrs symbolisait la réalité de l’obstination féroce de « Babylone » dans la

persécution (cf. commentaire d’Ap. 17 :6). Or, cette description de « Babylone »

comme persécutrice du peuple de Dieu s’applique aussi bien à la Rome

impériale païenne qu’à la Rome chrétienne papale. La Rome impériale a

persécuté et martyrisé les chrétiens depuis le premier siècle (la persécution

déclenchée par Néron à Rome en 64 AD) jusqu’au quatrième siècle (la grande

persécution ordonnée par Dioclétien de 303 à 313 AD). Des centaines de

milliers de chrétiens ont péri de façon atroce des mains des autorités romaines,

jusqu’à ce que l’empereur Constantin fasse publier l’Édit de Milan en 313 qui

conférait la liberté de croyance et de culte aux chrétiens. La Rome chrétienne

papale a aussi persécuté et martyrisé les témoins de Jésus. Elle a influencé les

autorités civiles de l’Europe et les a poussées à mettre à mort les

« hérétiques » par tous les moyens possibles ; fréquemment par le moyen de

« croisades » menées par les États contre les adversaires religieux de l’Eglise

romaine, comme celles plusieurs fois organisées contre les vaudois, les

franciscains spirituels, les hussites ou, plus tard, contre les huguenots ;

systématiquement (depuis le XIIIe siècle) par le moyen de l’Inquisition en Italie,

104 Concernant la religion polythéiste gréco-romaine, voir : Mary BEARD, John NORTH & Simon PRICE, Religions de Rome, Paris : Picard, 2006 et Hans-Josef KLAUCK, The Religious Context of Early Christianity – A Guide to Graeco-Roman Religions, Edinburgh : T. & T. Clark, 2000. Pour le culte de Roma et l’empereur, voir : Hans-Josef KLAUCK, op. cit, pp. 252-330, Steven J. FRIESEN, Imperial Cults and the Apocalypse of John – Reading Revelation in the Ruins, Oxford: Oxford University Press, 2001 et J. Nelson KRAYBILL, Imperial Cult and Commerce in John’s Apocalypse, Sheffield: Sheffield Academic Press, 1996. Concernant le culte rendu à Marie et aux saints par l’Eglise romaine, voir : Catéchisme de l’Eglise Catholique, Paris : Mame/Plon, 1992, pp. 205-209 ; pour la caractérisation de la figure du Pape, voir : idem, pp. 193-195.

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au Portugal, en France, en Allemagne, en Espagne et dans les colonies

espagnoles et portugaises105.

La troisième caractéristique de « Babylone » est la domination politique

sur l’empire et sur les « rois de la terre ». Nous avons vu que « Babylone » était

« assise » sur de « grandes eaux » et sur une « bête ». Ces deux symboles

représentaient la domination politique de « Babylone » sur un empire

comprenant un grand nombre de nations (cf. commentaire d’Ap. 17 : 1, 3).

« Babylone » était aussi représentée comme ayant des relations d’alliance avec

« les rois de la terre », c’est-à-dire, les dirigeants des nations du monde (cf.

commentaire d’Ap. 17 :2). « Babylone » était encore décrite comme revêtue de

pourpre. Or, la couleur pourpre symbolisait la dignité royale de la femme.

« Babylone » a donc des prétentions à la royauté (cf. commentaire d’Ap. 17 :4).

Finalement, « Babylone » obtient son nom symbolique de la capitale d’un

ancien empire idolâtre, ainsi elle doit représenter une ville qui est aussi la

capitale d’un empire mondial idolâtre. Or, cette description de « Babylone »

comme ayant une domination politique sur l’empire et sur « les rois de la terre »

s’applique aussi bien à la Rome impériale païenne qu’à la Rome chrétienne

papale. La Rome impériale païenne a construit un empire immense qui, à son

apogée, incluait tous les territoires autour de la mer Méditerranée, et qui a duré

plus de mille ans. En plus de cet empire, Rome avait des liens privilégiés avec

des rois clients situés à l’extérieur de l’empire. De son côté, la Rome chrétienne

papale a eu aussi des liens privilégiés avec le Saint-Empire Romain

Germanique qui a duré plus de neuf siècles. En plus, elle a fait sentir son

influence politique sur les destins des états de l’Europe occidentale pendant

son hégémonie politico-religieuse. A son apogée politique, elle a reconnu

l’autonomie de nouveaux états et elle a légitimé le droit de gouverner des

empereurs et des rois en occident.

105 Concernant les persécutions des chrétiens par l’Empire romain, voir : Jacques MOREAU, La persécution du christianisme dans l’empire romain, Paris : Presses Universitaires de France, 1956 ; Élie GRIFFE, Les persécutions contre les chrétiens aux Ier et IIe siècles, Paris : Letouzey & Ané, 1967 ; W. H. C. FREND, Martyrdom and Persecution in the Early Church – A Study of a Conflict from the Maccabees to Donatus, Oxford : Basil Blackwell, 1965 ; Marie-Françoise BASLEZ, Les persécutions dans l’Antiquité – victimes, héros, martyrs, Paris : Fayard, 2007, pp. 263-387. Pour la persécution menée par la Rome papale à travers l’Inquisition, voir : Guy TESTAS & Jean TESTAS, L’Inquisition, Paris : Presses Universitaires de France, 1969 et Peter GODMAN, L’histoire secrète de l’inquisition – de Paul III à Jean-Paul II, [s.l.] : Perrin, 2007.

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79

La quatrième caractéristique de « Babylone » est l’extension mondiale

de son influence politico-religieuse. Nous avons vu qu’un des traits de

« Babylone » était la promotion d’un système religieux idolâtre. Cette promotion

de l’idolâtrie est réalisée par « Babylone » dans le cadre de son influence

politico-religieuse et est effectuée avec une amplitude mondiale. En effet, Jean

nous dit que « Babylone » exerce son influence politico-religieuse sur les « rois

de la terre » et, aussi, à travers eux, sur tous les « habitants de la terre » (cf.

commentaire d’Ap. 17 :2). Comme conséquence de la politique religieuse des

rois de la terre sous l’orientation de « Babylone », les habitants de la terre eux

aussi sont amenés à participer à la religion idolâtre de la « grande prostituée ».

Ainsi, par sa domination politico-religieuse sur les « rois de la terre » et sur les

« habitants de la terre », « Babylone » a réussi à diffuser sur toute la terre

habitée son système idolâtrique. Or, cette description de « Babylone » comme

ayant une influence politico-religieuse d’extension mondiale s’applique aussi

bien à la Rome impériale païenne qu’à la Rome chrétienne papale. La Rome

impériale païenne non seulement a répandu sa religion polythéiste partout

autour de la Méditerranée (en alliance syncrétique avec les cultes païens

locaux), comme elle a promu le culte spécifique de la déesse Roma et de

l’empereur dans les provinces sous sa domination. En plus, elle a utilisé la

religion – notamment le culte de la déesse Roma et de l’empereur – comme

instrument de contrôle et de domination politique. Ainsi tous les peuples qui

intégraient l’empire romain sont tombés sur l’influence politico-religieuse de la

Rome impériale païenne. De son côté, la Rome chrétienne papale a répandu

graduellement son système religieux idolâtrique partout dans le monde,

établissant son influence politico-religieuse sur les nations qui acceptaient ce

système. Elle a souvent utilisé et elle continue à utiliser son système religieux

idolâtrique comme instrument de contrôle et d’influence politique. Actuellement,

la Rome chrétienne papale – à travers l’Eglise romaine qu’elle représente et

contrôle – est présente ou est en cours d’installation dans presque toutes les

nations du monde. Avec son influence politico-religieuse, elle continue à

répandre son système religieux idolâtre parmi les habitants de la terre avec la

connivence des autorités politiques des diverses nations du monde.

Finalement, la cinquième caractéristique de « Babylone » est son

ample pouvoir financier et économique. Nous avons vu que « Babylone » était

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représentée avec un vêtement coûteux en pourpre et écarlate et avec une

ornementation précieuse en or, pierres précieuses et perles. Cet habillement de

« Babylone » symbolisait son extraordinaire richesse et son luxe, donc son

pouvoir économique et financier. « Babylone » est ainsi le symbole d’un pouvoir

politico-religieux qui possède d’amples moyens financiers (cf. commentaire

d’Ap. 17 :4). Or, cette description de « Babylone » comme ayant un ample

pouvoir financier et économique s’applique aussi bien à la Rome impériale

païenne qu’à la Rome chrétienne papale. La Rome impériale païenne était

enrichie par les tributs annuels des rois clients et par les impôts collectés dans

tout l’empire. La politique officielle d’offrir « pain et cirque » aux citoyens

romains habitant la ville de Rome montre bien la richesse de la capitale de

l’empire. La Rome chrétienne papale a accumulée pendant des siècles des

richesses de toute espèce. Nous ne pensons pas simplement au patrimoine de

l’Eglise romaine (les trésors artistiques et bibliographiques, les monuments et

les églises), mais aussi à l’argent que l’Eglise récolte à travers le monde et les

profits qu’elle obtient de l’investissement financier de cet argent. Effectivement,

la Rome papale est aussi une institution capitaliste et un centre financier.

Simplement ses opérations financières sont entourées de mystère, parce

qu’elle garde secrètes ses affaires financières. Ces affaires sont si complexes

et si ramifiées qu’il est probable que même le Pape n’a pas une vision complète

de l’ensemble106.

Nous pouvons donc conclure que « Babylone » symbolise bien la ville

de Rome dans l’histoire, depuis l’époque de Jean jusqu’à la fin des temps.

Ainsi, le symbole représente la Rome impériale païenne et la Rome chrétienne

papale que lui a succédé jusqu’à aujourd’hui107. Evidemment la Rome papale

est considérée en tant que siège directeur de l’Eglise romaine.

106 Pour une vision d’ensemble de la puissance financière de la Rome papale, voir Nino Lo BELLO, L’or du Vatican, Paris : Robert Laffont, 1969. 107 Les auteurs suivants ont bien vu le double caractère de « Babylone » en tant que Rome païenne et Rome papale : Ch. WINANDY, L’Apocalypse révèle les choses qui doivent arriver bientôt, pp. 174-175 ; Jean VUILLEUMIER, L’Apocalypse, hier, aujourd’hui, demain, p. 311 ; Jules REY, L’Apocalypse ou les révélations de St. Jean, Tramelan-dessus ; Imprimerie du Progrès, 1937, pp. 158, 160 ; Stephen N. HASKELL, The Story of the Seer of Patmos, pp. 293-294 ; Giovanni LEONARDI, « La prostituta di Apocalisse 17 », p. 252n13. Alfred- Félix VAUCHER, Les prophéties apocalyptiques et leur interprétation, Collonges-sous-Salève : Fides/Commision Advent Sources and Defense, 1972, pp. 49-50, présente trois objections contre l’identification de « Babylone » avec la Rome païenne : (1) l’étonnement de Jean devant la vision de la « prostituée » ne se comprend pas si elle symbolise la Rome impériale

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3.2. La bête écarlate et ses sept têtes

Nous conclurons l’interprétation historique des deux principaux

symboles d’Apocalypse 17 :1-11 par l’interprétation du symbole de la bête

écarlate aux sept têtes. Cette interprétation partira des données acquises

pendant notre exégèse pour aboutir à une détermination de l’identité historique

de la bête écarlate et de ses sept têtes. Nous verrons que l’identification

historique des sept têtes sera déterminante pour l’identification de la bête

écarlate.

Cette interprétation historique de la bête écarlate à sept têtes se fera

dans le cadre de la caractérisation chronologique de la vision d’Apocalypse 17

effectuée auparavant (cf. 3.1.1), de façon à avoir des repères temporels pour

déterminer l’époque historique de la bête et de ses sept têtes et ainsi pouvoir

identifier historiquement les entités symbolisées. Or, comme nous l’avons vu, la

caractérisation chronologique de la vision d’Apocalypse 17 nous permet de dire

qu’elle a comme point chronologique initial l’époque contemporaine de Jean et

qu’elle a comme point chronologique final la culmination eschatologique

déterminée par le retour du Christ. Nous pouvons donc conclure que la bête

écarlate aux sept têtes doit symboliser une entité historique dont l’existence

s’étend depuis le temps de Jean jusqu’au temps de la consommation

eschatologique. Elle est déjà existante à la fin du premier siècle de notre ère

puisqu’elle possède une sixième « tête » qui « est » au temps de Jean (Ap.

17 :3, 10). Elle sera encore existante au temps eschatologique du retour de

Jésus puisque elle est alliée avec les « dix cornes » ou « dix rois » qui

détruiront « Babylone » et qui feront la guerre à l’Agneau avant même le retour

du Christ (Ap. 17 :12-14, 16).

Cependant, s’il est vrai que la bête écarlate aux sept têtes décrite par

l’ange dans le chapitre 17 est caractérisée dans l’horizon temporel du premier

persécutrice des chrétiens, puisque Jean devait connaître déjà son caractère persécuteur. Nous répondons que Jean s’est aperçu par la vision que la persécution qu’il expérimentait sous Domitien était seulement le commencement des persécutions menées par Rome païenne et papale. (2) L’accusation de fornication avec les rois de la terre ne semble pas convenir à la Rome païenne. Nous répondons que, au contraire, cette accusation convient très bien à la Rome païenne (avec ses rois clients) et à la Rome papale (avec ses relations politiques mondiales). (3) Le châtiment annoncé ne s’est pas encore vérifié. Nous répondons que le châtiment eschatologique sur Rome viendra à la fin des temps. Il est donc naturel qu’il ne soit pas encore arrivé.

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siècle de notre ère et du climax eschatologique, il est aussi vrai qu’elle a une

indéniable profondeur historique. Cette profondeur historique de la bête

écarlate aux sept têtes est manifeste dans sa description (Ap. 17 :3b, 7-11). La

bête a un parcours historique bien détaillé : elle était, elle n’est plus et elle

remontera de l’abîme pour aller à la perdition (Ap. 17 :8). Ses sept têtes, qui

représentent sept « rois », ont aussi une succession historique qui culminera

dans le climax eschatologique (Ap. 17 :10-11). Cette profondeur historique de la

bête et de ses sept têtes signifie que les entités historiques symbolisées par

elles existaient déjà avant le point initial de la vision, c’est-à-dire, au premier

siècle de notre ère. En effet, par rapport au temps de Jean, la bête « n’est

plus », mais « elle était » dans l’histoire passée. Les cinq premières têtes de la

bête qui représentent cinq « rois » appartiennent aussi à l’histoire passée avant

le temps de Jean, puisque ces « cinq [rois] sont tombés » déjà au temps de

Jean (Ap. 17 :10). Ainsi, notre interprétation historique de la bête écarlate et de

ses sept têtes doit prendre en considération cette profondeur historique

présente dans ces symboles.

3.2.1. Identification historique de la bête écarlate aux sept têtes

Nous avons vu dans la partie exégétique de ce chapitre que la bête

écarlate d’Apocalypse 17 est le symbole de l’empire multiethnique transnational

qui s’est manifesté plusieurs fois de manière concrète au long de l’histoire du

peuple de Dieu (cf. commentaire d’Ap. 17 :7). Ces manifestations impériales

concrètes sont représentées dans leur individualité historique par chacune des

sept « têtes » de la bête. Nous soutenons donc la thèse selon laquelle les sept

têtes de la bête écarlate sont le symbole de sept royaumes ou empires qui ont

persécuté le peuple de Dieu pendant son histoire (cf. commentaire d’Ap. 17 :9-

10). Cependant, une bonne partie des interprètes soutiennent que les sept têtes

sont le symbole de sept empereurs romains qui ont régné successivement sur

l’empire romain. On peut donc se demander laquelle de ces deux hypothèses

est celle qui donne la vraie identification historique du symbole des sept têtes

et, donc, du symbole de la bête écarlate. Pour trouver une réponse à cette

question, nous examinerons les fondements exégétiques et historiques des

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deux hypothèses concurrentes, c’est-à-dire, celle des sept empereurs et celle

des sept empires.

3.2.1.1. L’hypothèse des sept empereurs romains

L’hypothèse selon laquelle les « sept rois » sont le symbole de sept

empereurs romains est soutenue par un grand nombre d’exégètes. Cependant,

l’identité précise des « sept rois » compris comme sept empereurs romains est

très discutée par les commentateurs. Jusqu’à aujourd’hui aucune solution n’a

trouvé un ample appui parmi les érudits. Nous pouvons même affirmer qu’il est

impossible de trouver une solution à cette énigme à cause de quatre

incertitudes qui se présentent à nous. En effet, il y a quatre problèmes dans

l’identification des sept têtes avec une série de sept empereurs romains :

(1) Avec quel empereur doit-on commencer la série ? Il est possible de

commencer par Jules César, César Auguste, Caligula (le premier empereur qui

a demandé à être adoré vivant) ou même Néron (le premier empereur à

persécuter les chrétiens). Il y a des commentateurs qui considèrent Jules César

comme le premier empereur officiel, puisque il a pris le titre d’Imperator. Cette

hypothèse est soutenue par certains auteurs romains et juifs (Suétone, Vie des

douze Empereurs, Jules Déifié, 76 ; Dio Chrysostome, Or., 34.7 ; Josèphe,

Ant. 18.29-35 ; Sib. Or., 5.12-14 ; 4 Esdras 11-12), mais elle n’était pas

nécessairement acceptée par tous les auteurs classiques. Tacite et Virgile

considéraient Auguste comme le premier empereur romain (Virgile, Enéide,

6.789-797 ; Tacite, Annales, 1.1, Hist. 1.1.) et ils sont suivis par un grand

nombre de commentateurs modernes. Nous avons donc ici un premier

problème de taille108.

(2) Est-ce que nous devons compter tous les empereurs qui ont régné à

partir d’Auguste, seulement ceux qui ont été déifiés par le Sénat, seulement 108 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 872 ; David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 946-947 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, p. 69 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 256 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 314 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 283 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 371 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, p. 246 ; John SWEET, Revelation, p. 256 ; Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, p. 243 ; G. B. LAIRD, A Commentary on the Revelation of St. John, p. 217 ; M. Eugene BORING, Revelation, p. 182 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 618 ; M. MIGUÉNS, « Los “Reyes” de Apocalipsis 17, 9ss », p. 7.

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ceux qui ont promu le culte de l’empereur, seulement ceux qui ont eu une mort

violente (qui sont « tombés »), ou seulement ceux qui ont eu des rapports avec

la Palestine ? Quels empereurs appartenant à la liste complète des Césars

devront donc être pris en compte109 ?

(3) Est-ce que nous devons exclure de la liste des empereurs Galba,

Othon et Vitellius, parce qu’ils ont eu des règnes très courts pendant les dix-huit

mois entre la mort de Néron (68 AD) et la capture de Rome par Vespasien

(Décembre 69 AD) ? En effet, Galba a assumé le pouvoir en juin 68 et fut

assassiné sept mois plus tard. Othon est devenu empereur au début de 69 et

s’est suicidé en avril 69. Vitellius a alors assumé le pouvoir, mais il est mort

avant la fin de 69. Certains auteurs anciens les ont considérés comme des

empereurs légitimes (Sib. Or., 5.35 ; Josèphe, Bellum, 4.491-499, 4 Esdras

12 :20ss), mais d’autres auteurs anciens ont mis en doute leur légitimité

(Suétone, Vie des douze Empereurs, Vespasien, 1). Les exégètes se partagent

aussi entre la possibilité d’inclure les trois empereurs éphémères et la

possibilité de les exclure de la liste110.

(4) Quel empereur doit être identifié avec le sixième « roi », c’est-à-dire,

quel empereur est le César contemporain de Jean111 ? Néron, Vespasien,

Titus, Domitien ? Cette question est liée au problème de la datation de

l’Apocalypse.

Ces quatre problèmes inhérents à l’identification des « sept rois » avec

sept empereurs romains ont été à l’origine d’une multiplicité d’hypothèses de

solution proposées par les commentateurs. Ces hypothèses sont trop

109 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 873 ; G. B. LAIRD, A Commentary on the Revelation of St. John, p. 217 ; M. Eugene BORING, Revelation, p. 182. 110 G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 873 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, p. 69 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 256 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 314 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 283 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 371 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, p. 246 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, pp. 228-229 ; John SWEET, Revelation, p. 256 ; Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, p. 243 ; T. F. GLASSON, The Revelation of John, p. 99 ; G. B. LAIRD, A Commentary on the Revelation of St. John, p. 217 ; M. MIGUÉNS, « Los “Reyes” de Apocalipsis 17, 9ss », p. 7. 111 Jürgen ROLOFF, The Revelation of John, p. 198 ; Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, p. 273.

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nombreuses pour que nous les reproduisions ici112. Le tableau suivant présente

schématiquement les principales hypothèses proposées par les exégètes113.

a b c d e f g h i

Julius Caesar 1 1 1

Augustus 2 2 1 1 2

Tiberius 3 3 2 2

Gaius 4 4 3 3 1 1

Claudius 5 5 4 4 2 3 2

Nero 6 6 5 5 3 1 3

Galba 7 - 6 - 4 2 1 -

Otho 8 - 7 - 5 3 2 -

Vitellius - - 8 - 6 4 3 -

Vespasien - 7 - 6 7 5 4 4 4

Titus - - - 7 8 6 5 5 5

Domitien - - - 8 - 7 6 6 6

L’ « Autre » (Ap. 17 :10b) 7

Antéchrist Néronien 7 8

Nerva 7

Nous pouvons donc conclure que l’hypothèse préteriste qui essaie

d’interpréter les « sept rois » d’Apocalypse 17 :10-11 comme étant sept

empereurs romains est incapable de présenter une solution consensuelle parmi

les exégètes. Elle est vouée à l’échec et plusieurs commentateurs l’ont reconnu

explicitement114. En vérité, toutes les hypothèses d’interprétation des « sept

112 Nous pouvons trouver une discussion des propositions de solution pour l’énigme chez les commentateurs suivants : David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 946-947 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, pp. 283-284 ; John SWEET, Revelation, pp. 256-257 ; Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, pp. 273-274 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, pp. 618-619 ; Alan James BEAGLEY, The « Sitz im Leben » of the Apocalypse With Particular Reference to the Role of the Church’s Enemies, New York: De Gruyter, 1987, pp. 104-105 113 Notre tableau suit le tableau présenté par David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 947. 114 « La référence aux sept « rois » est loin d’être transparente pour nous. » Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 282 ; « Les exégètes s’accordent généralement pour reconnaître que derrière le symbole des sept têtes, c’est une série de sept empereurs romains qu’il faut savoir discerner. Reste à déterminer les modalités du calcul, et c’est ici que les difficultés se multiplient, ainsi que les solutions proposées. » Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 371 ; « L’exégèse contemporaine s’efforce d’identifier ces indication, en les faisant coïncider avec la liste des empereurs romains. La diversité des essais d’interprétation montre combien il est difficile de tirer des données précises de ces allusions apocalyptiques. » Alfred LÄPPLE, L’Apocalypse de Jean, p. 198 ; « Les hypothèses les plus diverses s’amoncellent sans résultat

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rois » par une succession de sept empereurs romains demandent quelques

ajustements arbitraires de la liste historique des empereurs au texte

d’Apocalypse 17 :10-11. Cette manipulation des données historiques est très

suspecte, parce qu’elle est contraire aux principes d’une interprétation saine et

objective. Nous avons donc ici un premier argument qui infirme l’hypothèse des

sept empereurs romains115.

Le deuxième argument contre l’hypothèse des sept empereurs est

fondé sur l’impertinence et l’impossibilité d’un tel raisonnement pour les lecteurs

du temps de Jean. En effet, les premiers lecteurs et auditeurs de l’Apocalypse

dans l’Asie de la fin du premier siècle seraient aussi perplexes que les exégètes

modernes dans leur tentative de trouver une liste d’empereurs romains capable

de correspondre à l’énigme des « sept rois ». En plus, les lecteurs originaux de

Jean à la fin du premier siècle de notre ère seraient manifestement incapables

de connaître par cœur une liste séquentielle correcte des cinq derniers

empereurs (surtout avec l’exclusion des trois empereurs de 69 AD). Il faut avoir

présent à l’esprit que la durée moyenne du règne des empereurs romains,

d’Auguste (27 av. J.-C.) à Domitien (96 AD) – à l’exception des trois empereurs

de 69 AD - a été de quinze années. Effectivement, depuis qu’Auguste a

instauré l’Empire jusque à la fin du règne de Domitien 123 années ont passé.

Ainsi, il était très difficile pour un lecteur du temps de Jean d’être en mesure

d’interpréter l’énigme des « sept rois » comme renvoyant à sept empereurs

satisfaisant. » Eugenio CORSINI, L’Apocalypse maintenant, p. 243. ; « Depuis des siècles, des érudits s’appliquent à déterminer la liste de ces empereurs romains, sans se mettre d’accord entre eux. » Claude TRESMONTANT, Apocalypse de Jean, p. 274 ; « However one tries to calculate the seven kings as Roman emperors, he encounters difficulties which cast considerable doubt on the entire approach. » Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation p. 315 ; « The awkward fact is that no arrangement of the line of emperors yields a satisfactory solution to the problem which John unintentionally set us. » G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 256 ; « The fact is that those who seek in the reference to seven kings a list of seven individual monarchs must admit that the text is enigmatic beyond hope, and that a mere approximation to intelligibility is to be reached only by the arbitrary mutilation of the text, or the performance of extraordinary mental gymnastics. » Martin KIDDLE, The Revelation of St. John, p. 350 ; « All sort of speculative solutions to the problem have been suggested. » George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 229 ; « The identity of these kings has exercised many scholars. » Josephine Massyngberde FORD, Revelation, p. 289 ; « It is impossible to be certain about the identity of these emperors despite the apparent simplicity of the allusions, as the different interpretations that have been proposed for this passage show all too clearly. » Jonathan KNIGHT, Revelation, p. 117. 115 Kenneth A. STRAND, « The Seven Heads: Do They represent Roman Emperors ? » in: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation – Book II – Exegetical and General Studies (Daniel and Revelation Committee Series, vol. 7), Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 1992, p. 190.

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romains. Jean ne pouvait donc pas espérer être bien compris s’il avait eu

l’intention de faire référence en Apocalypse 17 :10-11 à sept empereurs

romains116.

Finalement, nous pouvons présenter un troisième argument contre

l’hypothèse des sept empereurs. Nous avons déjà vu que le chapitre 7 du livre

de Daniel a eu une forte influence sur le chapitre 17 de l’Apocalypse et que le

symbole de la bête écarlate est une composition fondée sur une lecture

midrashique des symboles des quatre bêtes de Daniel 7 (cf. commentaire d’Ap.

17 :7). Or, dans le chapitre 7 de Daniel, les « têtes » des animaux ne sont

jamais employées pour représenter des individus en possession de la royauté,

des rois. Au contraire, les têtes sont la représentation de royaumes. Ainsi, les

quatre têtes du léopard (Dn 7 :6 ; cf. 8 :8, 22) symbolisaient les quatre

royaumes résultants de la division de l’empire gréco-macédonien symbolisé par

le léopard. Nous devons donc nous attendre au fait que les sept têtes de la bête

écarlate représentent sept royaumes, et non sept individus en possession de la

royauté117.

Ces trois arguments nous amènent à la conclusion que l’hypothèse des

sept empereurs romains destinée à expliquer l’énigme des sept têtes de la bête

écarlate doit être abandonnée. Elle est inconsistante dans son exégèse et est

incapable de nous donner une identification historique correcte des « sept

têtes ».

3.2.1.2. L’hypothèse des sept empires

Nous pouvons maintenant évaluer l’hypothèse qui interprète

historiquement les « sept têtes » de la bête écarlate comme étant le symbole de

sept empires. Au cours de notre exégèse d’Apocalypse 17 :7-11, nous avons vu

les fondements exégétiques qui soutiennent l’hypothèse des sept empires. Ici

nous allons récapituler brièvement les arguments exégétiques et ensuite

présenter les arguments historiques fondateurs de l’hypothèse des sept

empires.

116 Ibidem. 117 Idem, p. 177.

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Nous avons vu que le numéro « sept » dans l’interprétation des « sept

rois » proposée par l’ange concernant le symbole des « sept têtes » de la bête

écarlate a un double sens. Un sens symbolique : il représente la totalité, la

complétude et la plénitude. Un sens littéral : il signifie une réalité historique

concrète et dont on peut énumérer les éléments avec précision. Les « sept

rois » sont donc un ensemble complet de « rois » et ils sont aussi précisément

sept « rois » (cf. commentaire d’Ap. 17 :9). Nous avons aussi vu que le terme

« rois » (βασιλεις) devait être compris comme désignant symboliquement des

royaumes et non des individus en possession de la royauté. Pour soutenir cette

interprétation exégétique nous avons présenté deux arguments qui nous

semblent décisifs (cf. commentaire d’Ap. 17 :9). Nous avons donc conclu que

les « sept rois » symbolisés par les « sept têtes » de la bête écarlate sont sept

royaumes ou empires.

L’ange a aussi informé Jean que ces « sept rois » ou sept royaumes

possédant le pouvoir géopolitique se succéderaient dans l’histoire du peuple de

Dieu, que cinq avait déjà disparu de la scène géopolitique, que Jean vivait au

temps du sixième « roi » ou royaume et qu’un septième « roi » ou royaume

devait encore venir et durer un « peu » (cf. commentaire d’Ap. 17 :10). Ces

consignes de l’ange nous permettent d’identifier historiquement les sept « rois »

ou royaumes symbolisés par les « sept têtes » de la bête écarlate. Nous

devons évidemment partir de l’identification du sixième « roi » ou royaume, qui

était contemporain de Jean118. Le royaume ou empire contemporain de Jean

118 La sixième « tête » ou « roi » qui « est » doit nécessairement être compris comme étant contemporain de Jean à l’époque de la rédaction de son livre, puisque l’ange explique le sens des sept têtes à Jean. Cette explication doit donc nécessairement avoir un sens pour Jean au temps dans lequel il reçu la révélation et a écrit son livre ; sinon, on n’aurait pas une vraie explication. L’explication des sept têtes est ainsi donnée à partir de la perspective de la réalité existante au temps de Jean. Le sixième « roi » ou royaume est celui qui existe au temps de Jean. En plus, l’Apocalypse fut premièrement adressée aux chrétiens de l’époque de Jean. Ainsi, il est naturel que les repères chronologique du livre en général et du chapitre 17 en particulier aient une référence compréhensible pour les lecteurs contemporains de Jean. Finalement, si nous partons de l’hypothèse selon laquelle le temps de la sixième tête qui « est » n’est pas le temps contemporain de Jean et que Jean avait été transporté dans une autre époque de l’histoire, alors nous sommes dans l’impossibilité de trouver une interprétation du chapitre 17, puisque il n’y a pas aucun moyen de déterminer à quelle date Jean fut transporté en esprit (soit les premiers siècles de notre ère, l’âge médiéval, immédiatement après 1798 ou à un autre moment de l’histoire). Mais, alors, une prophétie avec repères chronologiques comme celle du chapitre 17 n’aurait aucun sens. Nous devons donc conclure qu’il est vrai qu’en vision, le prophète peut voyager dans le temps, mais que quand la vision est expliquée au prophète par un ange interprète, cette explication est toujours donnée dans le temps et dans le lieu du prophète. C’est précisément le cas d’Ap. 17:10-11. Ranko STEFANOVIC, Revelation of

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était naturellement l’empire romain. Jean a vécu toute sa vie dans l’empire

romain (en Palestine et ensuite en Asie) et il a écrit son ouvrage dans la

province romaine d’Asie. Cette identification historique du sixième royaume

nous permet aussi d’identifier historiquement les cinq royaumes passés au

temps de Jean et le septième royaume encore à venir dans le futur de Jean. La

question que nous devons nous poser est la suivante : quels sont les cinq

royaumes ou empires qui ont dominé successivement la scène géopolitique

pendant l’histoire du peuple de Dieu avant l’empire romain ? Si nous

considérons que le peuple de Dieu commence avec la formation d’Israël et si

nous suivons les indications historiques de l’Ancien Testament concernant les

empires qui ont dominé la scène géopolitique pendant l’histoire d’Israël jusque

à la formation de l’Eglise chrétienne, la réponse est simple. Les cinq empires

antérieurs à l’empire romain sont l’Égypte, l’Assyrie, la Babylonie, l’empire

médo-perse et la Grèce-Macédoine119.

Jesus Christ, p. 512 ; Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation – Hermeneutical Guidelines With Brief Introduction to Literary Analysis, 2nd ed., Naples, FL: Ann Arbor Publishers, 1979, p. 55 ; Ekkehardt MUELLER, « The Beast of Revelation 17 – A Suggestion », Reflections – A BRI Newsletter, 9, January 2005, p. 6. 119 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 874-875, présente six objections à l’hypothèse des sept empires. Cependant, il nous semble que chacune de ces objections à une réponse adéquate. Voyons les objections de BEALE et nos réponses : (1) selon l’hypothèse des sept empires, les empires d’Apocalypse 17 seraient différents de ceux de Daniel 7. Nous répondons que cette différence est seulement partielle, puisque les empires de Babylonie, Médo-Perse, Grèce-Macédoine et Rome sont communs aux deux livres. Simplement la bête écarlate d’Apocalypse 17 a une amplitude symbolique plus grande que les quatre bêtes de Daniel 7. Elle représente tous les empires qui ont eu l’hégémonie géopolitique pendant l’histoire du Peuple de Dieu depuis son origine jusqu’à la fin des temps. On comprend ainsi le rajout de l’Egypte et de l’Assyrie avant la Babylonie et du Saint-Empire Romain et du huitième royaume après Rome. (2) L’application de Jean des sept têtes à une bête indique une réalité trans-temporelle et non sept empires distincts. Nous répondons qu’il n’a pas de contradiction entre l’effective réalité trans-temporelle de la bête et le symbolisme de ses sept têtes comme sept empires. En vérité, la bête est une réalité trans-temporelle précisément parce que ces sept têtes sont la représentation de sept empires successifs dans l’histoire du peuple de Dieu. (3) La considération littérale de sept empires n’est pas cohérente avec l’emploi symbolique des nombres – particulièrement du numéro sept – dans l’Apocalypse. Nous répondons que le numéro sept dans Apocalypse 17 :9-10 est simultanément symbolique et littéral (cf. commentaire d’Ap. 17 :9). (4) Comment le sixième et septième de ces empires historiques pouvaient-ils survivre à la destruction de la prostituée et se lamenter de sa disparition (Ap. 18 :9) ? Nous répondons qu’Ap. 18 :9 fait mention des « rois de la terre » et non d’un empire. En plus, la destruction de la prostituée sera réalisée seulement à la fin des temps. Les sixième et septième empires (Rome et le Saint-Empire Romain) ont disparu avant la destruction de la prostituée. (5) Historiquement, comment le huitième empire pourrait être aussi un des sept empires (Ap. 17 :11) ? Nous répondons que le huitième empire est effectivement une renaissance actualisée du septième empire (le Saint-Empire Romain) et nous le montrerons dans le chapitre 3. (6) L’hypothèse des sept empires ne tient pas compte de l’apparition de plusieurs empires mondiaux depuis la disparition de l’empire romain. Nous répondons qu’il n’est pas nécessaire de rendre compte de l’émergence de tous les empires depuis l’empire romain. Le texte de l’Apocalypse 17 :9-10 prévoit seulement un empire (le septième) depuis Rome (le

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En plus, si nous considérons que le sixième « roi » ou royaume était

effectivement l’empire romain, nous pouvons aussi déterminer l’identité du

septième « roi » ou royaume qui devait lui succéder pendant « un peu [de

temps] ». Nous devons nous demander quel royaume ou empire a

effectivement succédé à l’empire romain dans la possession de l’hégémonie

géopolitique en Europe et a été actif et influent pendant toute l’histoire du

peuple de Dieu, maintenant identifié avec l’Eglise chrétienne, jusqu’au temps de

la fin (1798) ? La réponse est unique : le Saint-Empire Romain.

A la déposition du dernier empereur romain d’occident, Romulus

Augustule, en septembre de 476, par le chef barbare Odoacre, l’empire romain

d’occident arrivait à sa fin. Mais l’idée de l’empire romain en Europe occidentale

n’a pas disparue. Elle s’est maintenue vivante parmi les cercles intellectuels,

politiques et religieux d’Europe occidentale. En 25 décembre 800, le pape Léon

III couronne empereur, à Saint-Pierre de Rome, Charlemagne, le roi des

Francs. La bulle immédiatement promulguée par Charlemagne annonça la

« rénovation de l’empire romain » dans l’occident. Cette renaissance de

l’empire romain dure jusqu’à la mort de l’empereur franc Bérenger de Frioul en

924. Mais l’idée de l’empire continuait à vivre. Ainsi, le 2 février 962 le

souverain allemand Othon I est sacré et couronné empereur dans la basilique

de Saint-Pierre de Rome par le pape Jean XII. Après un interrègne de trente-

huit ans, l’empire en occident renaissait, sur la forme du Saint-Empire romain

germanique. Il devait durer huit cent quarante quatre ans, jusqu’au 6 août 1806,

lorsque Napoléon a forcé, par ultimatum, François II à déposer la couronne

impériale. Ainsi s’éteignait l’Empire d’Occident fondé par Charlemagne et relevé

en Saint-Empire romain à la suite d’Othon I, après plus de huit siècles

d’histoire. Nous pouvons conclure que, historiquement, le Saint-Empire romain

est le successeur naturel de l’Empire romain en Occident. Or, le Saint-Empire

romain a été depuis Charlemagne l’allié privilégié du Saint-Siège à Rome. Le

signe le plus notoire de cette alliance entre le pouvoir impérial et le pouvoir

papal est le fait que Charlemagne en 774 confirme, à Rome, la donation au

Saint-Siège par son père Pépin, des territoires qui constitueront le noyau des

sixième) jusqu’à la fin des temps et à l’émergence du huitième empire (la manifestation eschatologique de la bête). Il suffit donc que le septième empire ait duré depuis la disparition de Rome jusqu’au temps de la fin. Telle est le cas du Saint-Empire Romain.

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États Pontificaux ; et Othon I viendra confirmer en 962 la possession par le

Saint-Siège de ces États. Le lien entre le Saint-Empire romain et la papauté

sera ainsi très étroit tout au long de l’histoire commune de ces deux institutions,

même si des conflits d’intérêts éclateront aussi à l’intérieur de cette alliance

politique et religieuse. Le Saint-Empire romain germanique est donc, il nous

semble, le candidat idéal pour accomplir historiquement le symbole de la

septième tête de la bête écarlate120. Cette adéquation entre le symbole de la

septième tête et le Saint-Empire romain est encore plus évidente si l’on

considère que les prophéties de Daniel 2 et 7 indiquent que la dernière

puissance politique, celle qu’existe jusqu’au temps eschatologique, est romaine.

Or, le Saint-Empire romain, comme son nom l’indique clairement, est la

continuation, par d’autres moyens, de l’ancien empire romain. Ainsi, notre

interprétation de la septième tête sauvegarde les indications claires de Daniel

concernant le fait qu’aucun empire non romain ne viendra succéder à l’empire

romain. Le Saint-Empire romain succède à l’empire romain, mais il est aussi

romain. En effet, il est la continuation de l’ancien empire sous une autre forme.

Le fait que le septième « roi » ou royaume devait durer « peu » (ολιγος)

n’est pas une objection à son identification avec le Saint-Empire romain.

Premièrement, la mention temporelle signifie seulement que cet empire devait

durer beaucoup moins de temps que les six empires antérieurs ensemble. Le

Saint-Empire romain a duré environs huit cents cinquante ans (962-1806). Or,

la durée conjointe des six empires – de l’Égypte à Rome – en interaction avec

le peuple de Dieu est de deux mille ans, de circa 1500 av. J.-C., la date

probable de l’exode d’Israël, jusqu’à 476 AD, la chute de l’empire romain

d’occident. L’extension de la durée exprimée par « peu (de temps) » (ολιγος)

dépend donc de la réalité avec laquelle elle est comparée. Dans ce cas, le

Saint-Empire romain à duré « peu (de temps) » en comparaison de ce qu’ont

duré tous les empires antérieurs. Deuxièmement, l’indication que le septième

« roi » ou royaume durera « peu » doit être comprise dans la perspective du

Dieu Eternel qui communique à Jean la révélation de l’histoire future.

Effectivement, dans Ap. 12 :12 il est aussi dit que Satan a « peu de temps »

120 Pour une histoire succincte du Saint-Empire romain germanique voir : Jean-François NOËL, Le Saint-Empire, Paris : Presses Universitaires de France, 1976 et Francis RAPP, Le Saint Empire Romain Germanique – d’Othon le Grand à Charles Quint, Paris : Tallandier, 2000.

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(ολιγος) pour exercer son pouvoir après sa chute du ciel subséquente à

l’ascension de Jésus. Or, le « peu de temps » de Satan dure déjà depuis près

de deux mille ans. Il est donc probable que le « peu » de temps que devait

durer le septième royaume doit être mesuré selon une échelle temporelle

divine, et non selon des standards humains.

La considération attentive du texte du chapitre 17 nous permet aussi

d’affirmer que c’est la septième tête de la bête qui a les « dix cornes ». Le

septième empire est donc en association avec les « dix rois ». Il y a deux

raisons qui soutiennent cette conclusion. Premièrement, le texte d’Ap. 17 :12-14

nous montre clairement que les « dix rois » sont actifs dans le temps

eschatologique : (1) ils sont alliés de la bête et ont le pouvoir politique

« pendant une seule heure » aux derniers moments de l’histoire humaine et (2)

ils existent et sont agissants jusqu’au retour de l’ « agneau ». Ainsi, ils doivent

appartenir à la dernière tête de la bête, la septième tête. Deuxièmement,

comme nous le verrons plus en détail dans le troisième chapitre, les « dix

cornes » ou « dix rois » sont le symbole des nations européennes qui sont

apparues après la dissolution de l’empire romain symbolisé par la sixième tête

de la bête. Ils doivent donc être partie de la septième tête qui a succédé à la

tête romaine. Cela ne veut pas dire que les « dix cornes » constituent la

septième tête. La présence des dix cornes sur la septième tête veut simplement

dire qu’elles sont contemporaines de la septième tête, le Saint-Empire romain

germanique.

Une partie des exégètes adventistes soutien une forme particulière de

l’hypothèse des sept empires qui est différente de celle que nous avons

avancée jusqu’ici. Selon cette hypothèse particulière, les « sept têtes » sont

sept empires. Cinq sont tombés : Babylonie, Médo-Perse, Grèce-Macédoine,

Rome païenne et la Papauté persécutrice (de 538 AD à 1798 AD). Un est : la

papauté sans pouvoir persécuteur (de 1798 AD jusqu’à un point dans le futur).

L’autre n’est pas encore venu : la papauté à nouveau persécutrice (à la fin des

temps)121. Cette hypothèse a deux points d’appui. Le premier c’est la croyance

121 Sont partisans de cette hypothèse – avec quelques variations sur l’identité de la septième tête - les exégètes adventistes suivants : C. Mervyn MAXWELL, God Cares – The Message of Revelation for you and your Family, pp. 471-475. J. E. GREGORY, The Love of Christ Portrayed by John the Revelator, pp. 63-64 ; Roy Allan ANDERSON, Unveiling Daniel and Revelation, pp. 347 ; Roy C. NADEN, The Lamb Among the Beasts – A Commentary on the

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que le temps dans lequel Jean a la vision du chapitre 17 est celui du

« jugement » de la « femme » (Ap. 17 :1). Ainsi, le temps de la sixième tête –

qui « est » quand Jean a la vision – doit être le temps du jugement de la

« femme » (après 1798 et 1844). Le deuxième point d’appui c’est la croyance

que les têtes doivent symboliser nécessairement des empires qui ont déjà été

présentés dans le livre de Daniel et de l’Apocalypse122.

Cependant, cette forme particulière de l’hypothèse des sept empires est

insoutenable. Nous avons trois arguments pour démontrer l’impossibilité de

cette hypothèse. Premièrement, le temps d’existence de la sixième « tête » ou

du sixième « roi » qui « est » doit nécessairement être compris comme étant

contemporain de Jean à l’époque de la rédaction de son livre, puisque l’ange

explique le sens des sept têtes à Jean. Cette explication doit donc

nécessairement avoir un sens pour Jean au temps dans lequel il a reçu la

révélation et a écrit son livre ; si non, on n’aurait pas de véritable explication.

L’explication des sept têtes est ainsi donnée à partir de la perspective de la

réalité existante au temps de Jean. Le sixième « roi » ou royaume est donc

celui qui existe au temps de Jean. Ainsi, l’hypothèse des sept empires qui

considère le temps de la sixième tête comme celui postérieur à 1798 ou à 1844

– le temps du jugement – et identifie cette sixième tête avec la papauté

contemporaine n’est pas soutenable. La sixième tête qui « est » doit être

nécessairement la Rome impériale et non la Papauté contemporaine. Revelation of John that Unlocks the Meaning of its Many Numbers, Hagerstown, MD: Review and Herald, 1996, p. 244 ; Jean VUILLEUMIER, L’Apocalypse, hier, aujourd’hui, demain, pp. 314-315 ; Ch. WINANDY, L’Apocalypse révèle les choses qui doivent arriver bientôt, p. 177 ; George McCready PRICE, The Time of the End, Nashville, Ten.: Southern Publishing Association, 1967, pp. 31-32, 41-45 ; Adelio PELLEGRINI, Il popolo di Dio e l’anticristo attraverso I secoli – nei libri di Daniele, Apocalisse e nelle dichiarazioni profetiche dell’apostolo S. Paolo, pp. 566-567. 122 Ces deux points d’appui de l’hypothèse en discussion sont très discutables. Le premier point est clairement faux, puisque le temps du « jugement » de « Babylone » est le temps de la culmination eschatologique décrit par Ap. 17 :12-14, 16-17 – la destruction de la prostituée par les dix rois et la bête - et non celui du jugement d’investigation de l’humanité. En plus, il est évident que le temps de la vision de la femme et de la bête (Ap. 17 :1-11) ne peut pas être le temps de son jugement eschatologique, puisque elles sont vues avec leur plein pouvoir maléfique. Le deuxième point est aussi peu pertinent, puisque les sept têtes symbolisent la totalité des pouvoirs qui se sont opposés au peuple de Dieu dans l’histoire et il n’y a rien qui nous oblige à restreindre ces pouvoirs aux seuls empires mentionnés en Daniel. Pour déterminer l’identité des sept empires nous devons avoir en considération toute l’histoire du peuple de Dieu depuis son commencement. L’Egypte et l’Assyrie sont naturellement indiqués par l’historiographie biblique comme les premiers pouvoirs à s’opposer au peuple de Dieu depuis son apparition dans l’histoire. Ils sont donc des candidats plausibles pour faire partie du symbole – les sept têtes - qui représente la totalité des pouvoirs persécuteurs du peuple de Dieu dans l’histoire.

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Deuxièmement, la Papauté – quelle que soit sa forme – ne peut pas être une

tête de la bête écarlate, si on considère la prostituée « Babylone » comme

symbole de la Rome papale, siège de l’Eglise romaine. En effet, dans Ap. 17 :

16, il est clairement dit que les dix cornes et la bête écarlate (avec ses têtes)

détruiront la « prostituée ». Or, si on considère que la Papauté est une tête de

la bête écarlate, on est obligée de conclure que la Papauté participera à la

destruction de la Rome papale, siège de l’Eglise Romaine, c’est-à-dire, que la

Papauté se détruira elle-même. Cette conclusion est clairement absurde. La

prémisse qui fait de la Papauté une tête de la bête est donc fausse.

Troisièmement, le fait que cette hypothèse particuliere des sept empires

identifie les trois dernières têtes de la bête écarlate d’Ap. 17 avec des avatars

de la papauté entre en conflit avec l’interprétation des sept têtes de la bête de

la mer d’Ap. 13. En effet, dans cette dernière bête, une seule tête a été blessée

mortellement. Cette tête blessée représente donc la réalité politico-religieuse

unie de la papauté et du Saint-Empire romain dans trois phases : avant la

blessure, pendant la blessure et après la guérison de la blessure. Mais il s’agit

d’une seule tête. Or, tous les exégètes adventistes reconnaissent qu’il doit

exister une identité entre les sept têtes de la bête de la mer d’Ap. 13 et les sept

têtes de la bête écarlate d’Ap. 17, même si la bête d’Ap. 13 représente

unitairement le pouvoir religieux et politique et la bête d’Ap. 17 représente

seulement le pouvoir politique (puisque le pouvoir religieux est représenté par la

« femme »). Mais avec l’hypothèse des sept empires qui identifie les trois

dernières têtes de la bête écarlate avec la Papauté, nous avons détruit

l’homologie entre la bête d’Ap. 13 et la bête d’Ap. 17. Cette hypothèse doit donc

être fausse.

Par contre, notre hypothèse des sept empires nous paraît être bien

soutenue par l’exégèse et par l’interprétation historique d’Apocalypse 17 :7-

11123. Les sept têtes de la bête sont donc le symbole de sept empires qui ont

123 George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 229, soutient aussi que les sept têtes de la bête symbolisent une succession de sept empires adversaires de Dieu dans l’histoire, mais il ne les identifie pas. Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, vol. 7, p. 854-855, avance aussi l’hypothèse des sept empires, avec la seule différence qu’il identifie le septième empire avec la papauté. John H. ALEXANDER, L’Apocalypse verset par verset, p. 312, propose aussi l’hypothèse des sept empires, mais il identifie le septième empire avec « la confédération de l’Antéchrist », c’est-à-dire, avec « l’empire romain reconstitué sous l’Antéchrist ». Donald Grey BARNHOUSE, Revelation, pp. 329-330, soutient aussi l’hypothèse des sept empires, avec la seule différence qu’il identifie le

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persécuté le peuple de Dieu pendant son histoire. L’Egypte a réduit Israël en

esclavage et a essayé de le détruire dans la Mer Rouge (Ex 1 :8-14 ; 14 :9-30).

L’Assyrie a détruit le royaume d’Israël et a essayé de détruire le royaume de

Juda (2 R. 15 :29 ; 17.1-6 ; 18 :9-12 ; 18 :13-19 :37 ; Es 36 :1-22 ; 37 :1-37).

Babylone a détruit le royaume de Juda et a amené les juifs en captivité (2 R

24 :8-17 ; 25 :1-21 ; Jr 39 :1-10 ; 52 :1-30). La Médo-Perse a essayé

d’exterminer les juifs au temps de Haman (Est 3 :8-9 ; 7 :4 ; 9 :1-6). La Grèce-

Macédoine, sous la forme du royaume hellénistique d’Antiochus Epiphanes, a

essayé d’effacer l’identité religieuse des juifs (1 M 1 :20-64 ; 3 :42). Rome a

détruit Jérusalem et le Temple et a persécuté férocement les juifs et les

chrétiens (Mt 24 :15, 21 ; Lc 21 :20-24 ; Ap. 2 :10, 13). Finalement, le Saint-

Empire romain a prêté main forte à la Papauté pour soumettre le peuple de

Dieu et persécuter tous les « hérétiques ».

L’hypothèse des sept empires nous permet aussi de poser les

fondements exégétiques et historiques sur lesquels s’appuiera l’interprétation

de l’énigme du huitième « roi » ou royaume (la manifestation eschatologique de

la bête écarlate) associé pendant « une heure » aux « dix cornes » ou « dix

rois ». Nous pourrons ainsi être en mesure d’interpréter historiquement les

symboles de la huitième tête et des « dix rois » d’Apocalypse 17 : 12-14, 16-17.

Nous le ferons dans le chapitre 3.

septième empire avec l’empire romain restauré par l’Antéchrist. Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, pp. 512, 515 propose aussi l’hypothèse des sept empires, mais il interprète le septième empire comme étant « medieval ecclesiastical Christianity ». Robert J. WIELAND, The Gospel in Revelation, p. 135, accepte aussi l’hypothèse des sept empires, mais propose que le septième empire soit la papauté. Gordon A. FRASE, « Babylon and the Beast », p. 14, avance aussi l’hypothèse des sept empires et caractérise même la septième tête comme étant l’Eglise Catholique appuyée par le Saint-Empire romain. Giovanni LEONARDI, « La bestia di Apocalisse 17 », in : Rolando Rizzo (ed.), Dal flauto dolce ai timpani – cose chiare di Daniele et dell’Apocalisse, Impruneta, FI: Araldo della Verità/Istituto Adventista di Evangelizzazione, 1994, pp. 272, 275-276, soutient aussi que les sept têtes sont sept empires, mais il suggère que la sixième tête est la Rome païenne et papale et la septième tête est une réapparition de l’empire romain à la suite de l’union des dix rois au temps de la fin. Ekkehardt MUELLER, « The Beast of Revelation 17 – A Suggestion », Reflections – A BRI Newsletter, 9, January 2005, p. 7, propose aussi l’hypothèse des sept empires, mais identifie le septième empire avec la papauté. Herbert KIESLER, « Concordances, différences et interprétation des visions d’animaux dans Apocalypse 12, 13 :1-10, 17 », in : Johannes Mager (ed.), Études sur l’Apocalypse – signification des messages des trois anges aujourd’hui - Conférences bibliques Division Euroafricaine, 2 vols, [s.l.] : Institut Adventiste du Salève, 1988, vol. 1, pp. 135, 139, soutient aussi l’hypothèse des sept empires, mais il maintient que la septième tête est la papauté ; Louis F. WERE, The Woman and the Beast in the Book of Revelation – Studies in Revelation 12-20, Berrien Springs, MI : First Impressions, 1983, pp. 206-207, soutient aussi que les sept têtes sont sept empires, mais il suggère que la sixième tête est la Rome païenne et papale et la septième tête une réapparition de la Rome papale.

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3.2.2. Le parcours ontologique de la bête et la huitième tête

Il faut dire quelques mots concernant le parcours ontologique de la

bête, tel qu’il est présenté dans la formule des versets 8a, 8b et 11a. Comme

nous l’avons vu, la bête traverse trois phases dans son existence. Elle « était »,

c’est-à-dire, qu’elle existait dans le passé ; elle « n’est pas », c’est-à-dire,

qu’elle ne possède pas d’existence dans le temps de référence de la vision du

chapitre 17 ; elle « va monter de l’abîme », elle « sera présente », elle « est

elle-même un huitième [roi] », c’est-à-dire, qu’elle aura une manifestation

eschatologique qui durera un certain temps, jusqu’à sa « perdition ». On peut

comparer ce parcours ontologique de la bête du chapitre 17 avec le processus

de blessure et guérison de la bête de la mer du chapitre 13. Ainsi, la bête du

chapitre 17 semblera mourir et ressusciter dans l’histoire mondiale. Dans sa

troisième phase d’existence, la phase eschatologique, la bête « va monter de

l’abîme » (Ap. 17 :8b). Comme nous l’avons vu, le fait que le lieu d’origine de la

bête dans sa résurrection est l’« abîme » indique l’origine démoniaque de son

essence et de son pouvoir (cf. commentaire d’Ap. 17 :8). Or, la bête « va

monter de l’abîme » pour être « présente » dans l’histoire sous la forme d’un

« huitième [roi] » (Ap. 17 :11). Cette précision vient nous éclairer sur la nature

de la manifestation eschatologique de la bête. Sa réapparition finale avec une

pleine puissance se fera par l’apparition d’un « huitième » royaume ou empire

possédant l’hégémonie géopolitique. Cette apparition était encore future pour

Jean et elle est aussi future pour nous. Ce « huitième » royaume ou empire

surpasse la série complète des sept empires dans la mesure où il est le

commencement du dernier chapitre de l’histoire humaine, celui de la fin des

temps. Cependant, puisqu’il est « un des sept » (Ap. 17 :11), ce « huitième »

empire sera la réapparition sur la scène mondiale d’un des sept empires qui

sont tombés. Il faut se rappeler que la bête a vraiment seulement sept têtes.

La « huitième » tête est ainsi appelée parce qu’elle est la résurrection d’une des

sept têtes. Nous proposerons une tentative d’identification pour ce huitième

empire dans le troisième chapitre de notre travail. Ici il faut simplement dire que

ce « huitième » empire exercera l’hégémonie géopolitique en coopération

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étroite avec les « dix rois ». La fin de cet empire sera la « perdition », en

conséquence de la guerre qu’il fera – avec l’aide des « dix rois » - à

l’ « agneau ».

Pour clôturer cette brève discussion sur le sens du parcours

ontologique de la bête, il faut rendre clair le sens chronologique de ce parcours.

Quelle est la perspective temporelle à partir de laquelle le parcours ontologique

de la bête est déterminé ? Si la sixième tête qui « est » existe au temps de

Jean, est-ce que la phase durant laquelle la bête « n’est pas » est établie aussi

à partir du temps de Jean ? Ekkehardt Mueller nous offre quatre raisons qui

nous permettent de conclure que le parcours ontologique de la bête n’est pas

déterminé à partir de la perspective historique du temps de Jean124.

Premièrement, même si la caractérisation de la sixième tête – qui « est » - et de

deuxième phase de la bête – qui « n’est pas » - est faite dans le temps présent,

il est difficilement concevable que la bête « n’est pas » alors qu’une de ses

têtes « est ». On aurait ici une contradiction grossière. Deuxièmement, les

affirmations sur le parcours ontologique de la bête le décrivent dans une

perspective eschatologique et indiquent son jugement futur. Ainsi, l’expression

« n’est pas » ne relie pas nécessairement cette période au temps historique de

Jean. Troisièmement, l’expression « n’est pas » peut être comprise comme un

développement futur, parce que le temps présent est fréquemment utilisé par

Jean dans un sens futur (e. g. Ap. 17 :11-13 ; 16 :15). En plus, la proposition

« elle s’en va à la perdition » dans la même phrase (Ap. 17 :11) est aussi

construite au présent, même si elle décrit le futur de la bête. Quatrièmement, la

deuxième partie d’Ap. 17 :8 établit une connexion entre les phases

existentielles « n’est pas » et « elle va monter de l’abîme » de la bête d’un côté

et les « habitants de la terre » de l’autre. Or, ce rapport entre la bête et les

« habitants de la terre » est strictement un développement futur, qui aura lieu

dans le temps eschatologique, puisque les « habitants de la terre » « seront

étonnés » (temps futur) par le parcours ontologique de la bête. On peut donc

conclure que la perspective temporelle qui détermine le parcours ontologique

de la bête n’est pas celle du temps de Jean, mais celle de son jugement

eschatologique. Nous ne devons pas prendre les phases ontologiques de la

124 Ekkehardt MUELLER, « The Beast of Revelation 17 – A Suggestion », p. 6.

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bête et la succession des sept têtes de la bête comme des spécifications

parallèles dans le temps. Au contraire, le parcours ontologique de la bête inclut

et dépasse le temps de la succession de ses sept têtes. Les sept têtes sont

toutes placées dans le temps historique, mais le parcours de la bête couvre non

seulement le temps historique, mais aussi le temps eschatologique – le temps

de son jugement.

Comment envisager alors chronologiquement le parcours ontologique

de la bête125 ? La phase « était » de la bête couvre toute l’ère historique. C’est

sous cette phase que se succèdent les sept têtes : les cinq premières qui sont

tombés (Égypte, Assyrie, Babylonie, Médo-Perse, Grèce-Macédoine), la

sixième qui « est » au temps de Jean (Rome) et la septième qui, au temps de

Jean, « n’est pas encore venu » (le Saint-Empire romain). La phase « n’est

pas » de la bête est celle dans laquelle la bête est dans l’ « abîme ». Cette

phase a lieu aussi dans l’ère historique. Elle commence avec la chute du

septième empire – le Saint-Empire romain – en 1806 et continue jusqu’au

temps présent. La bête « n’est pas » parce qu’il n’y a, dans cette phase, aucun

empire hégémonique qui persécute le peuple de Dieu. La bête, en tant

qu’empire oppresseur, est morte depuis l’effacement du Saint-Empire romain.

Finalement, la troisième phase de la bête, dans laquelle elle « va monter de

l’abîme et s’en aller à la perdition », est celle de sa « présence » sur la forme de

la « huitième » tête. Cette phase est purement eschatologique. Elle sera

inaugurée par l’apparition sur la scène mondiale d’un huitième empire

hégémonique qui sera la réapparition ou la résurrection d’un des sept empires

antérieurs. Ce dernier empire sera en alliance avec les « dix rois » qui

« recevront le pouvoir comme rois pendant une seule heure avec la bête ».

Nous discuterons l’identité possible de ce dernier empire – dans son rapport

avec les « dix rois » - dans notre troisième chapitre.

4. Conclusion

125 Nous suivons la proposition de Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, pp. 55-56, avec la seule différence que nous considérons la phase « n’est pas » de la bête comme située dans l’ère historique (et non dans l’ère eschatologique). En plus, nous identifions explicitement le commencement de cette phase « n’est pas » avec la chute du septième empire – le Saint-Empire romain – en 1806.

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Dans ce deuxième chapitre nous avons procédé à une interprétation

d’Apocalypse 17 :1-11, puisque ce texte constitue le contexte proche du

passage qui développe la caractérisation des « dix cornes » ou « dix rois »

mentionnés dans Apocalypse 17 (vv. 12-14 et 16-17). Nous avons identifiée la

réalité historique correspondante aux symboles de la prostituée « Babylone » et

de la bête écarlate aux sept têtes. La prostituée « Babylone » est le symbole de

la ville de Rome ; premièrement Rome impériale païenne et ensuite Rome

chrétienne papale, siège de l’Eglise romaine. La bête écarlate aux sept têtes

est le symbole de l’empire multiethnique transnational qui s’est manifesté

plusieurs fois de façon concrète au long de l’histoire du peuple de Dieu. Ces

manifestations sont représentées dans leur individualité historique par chacune

des sept « têtes » de la bête, symboles de sept royaumes ou empires qui ont

persécuté le peuple de Dieu pendant son histoire : Egypte, Assyrie, Babylonie,

Médo-Perse, Grèce-Macédoine, Rome et Saint-Empire romain.

Maintenant, puisque nous sommes en possession de la clé des

symboles qui constituent le contexte d’Apocalypse 17 :12-17, nous sommes

aussi en mesure d’identifier historiquement les « dix cornes » ou « dix rois »

d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17. Nous pouvons donc partir à la découverte du

sens historico-prophétique des « dix cornes » ou « dix rois » d’Apocalypse 17.

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Chapitre 3

Les dix rois - Interprétation d’Apocalypse 17:12-14, 16-17

1. Introduction

Dans ce troisième chapitre, nous allons procéder à une interprétation

d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17, puisque c’est ce texte qui développe la

caractérisation des « dix cornes » ou « dix rois » qui font objet de notre étude.

Premièrement, nous effectuerons une exégèse d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17,

pour comprendre à fond les versets où sont décrites l’action des « dix rois » et

son alliance avec la « bête » écarlate. Deuxièmement, nous réaliserons une

interprétation historique du symbole des « dix rois » et du symbole de la

« bête » écarlate dans sa manifestation eschatologique (sous l’égide de la

huitième tête). Cette interprétation historique tiendra compte naturellement des

données acquises par l’exégèse. Notre objectif est d’identifier avec précision les

entités historiques représentées par les symboles dominants d’Apocalypse

17 :12-14, 16-17.

Nous essaierons de montrer que les « dix rois » sont, premièrement, le

symbole des dix peuples barbares germaniques qui ont détruit l’empire romain

d’occident et, deuxièmement, le symbole des nations de l’Europe occidentale et

centrale qui sont venues à l’existence par le mélange des peuples barbares

avec les peuples romanisés. Nous essaierons aussi de montrer que la

prophétie concernant l’activité politique des « dix rois » - les nations de l’Europe

occidentale et centrale – indique qu’ils seront la cause d’une résurrection du

pouvoir de l’empire transnational, symbolisé par la « bête » écarlate sous

l’égide d’une huitième tête. En effet, la prophétie nous fait croire que les nations

de l’Europe vont s’unir politiquement dans une Fédération d’États européens.

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101

Finalement, nous esquisserons une interprétation hypothétique du scénario

eschatologique prophétisé par Apocalypse 17 :12-14, 16-17.

2. Exégèse d’Apocalypse 17:12-14, 16-17

2.1. Les dix rois contre l’agneau (Ap. 17 :12-14)

2.1.1. Ap. 17 :12

Après avoir interprété la bête écarlate et ses sept têtes, l’ange initie

dans ce verset l’interprétation des dix cornes de la bête. Il commence par dire à

Jean : « les dix cornes que tu as vues sont dix rois, qui n’ont pas encore reçu la

royauté ». Dans la pensée sémitique les « cornes » sont le symbole de la force

et de la puissance humaine ou divine. Ils sont donc un moyen adéquat pour

représenter, dans la pensée apocalyptique, des puissances ou pouvoirs

politiques126. C’est exactement cette démarche qui est en vue ici, avec

l’identification des « dix cornes » avec « dix rois ». Le nombre « dix » peut être

interprété comme symbolique ou comme littéral. En tant que symbole, il est un

autre nombre rond traditionnel qui indique complétude ou totalité127. En tant

qu’expression littérale, il indiquerait le nombre précis de « rois » qui s’allièrent à

la bête : dix rois. Nous pensons que le numéro « dix » a ici les deux valeurs. Il

est symbolique, les « dix cornes » ou « dix rois » représentent la totalité du

pouvoir politique, mais il indique aussi un nombre bien défini et bien précis de

« rois »128.

126 Pour une discussion sur les « cornes » comme symbole employé dans la Bible et dans la pensée sémitique, voir Margit L. SÜRING, « The Horn-Motifs of the Bible and the Ancient Near East », Andrews University Seminary Studies, 22(3), 1984, pp. 327-340. Pour une approche exhaustive, voir Margit SÜRING, The Horn-Motif in the Hebrew Bible and Related Ancient Near-Eastern Literature and Iconography (Andrews University Seminary Doctoral Dissertations Series, vol. 4), Berrien Springs, Mich.: Andrews University Press, 1980. 127 Friedrich HAUCK, « δεκα », in: Gerhard Kittel (ed.), Theological Dictionary of the New Testament, 10 vols, Grand Rapids, Mich.: Wm B. Eerdmans, 1964, vol. 2, pp. 36-37. 128 R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, Minneapolis, Min.: Augsburg Publishing House, 1963 (1st ed. 1943), p. 507 ; Ian BOXALL, The Revelation of St. John (Black’s New Testament Commentaries), Peabody, MA: Hendrickson Publishers, 2006, p. 92 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, Grand Rapids, Mich.: William B. Eerdmans, 1978 (1st ed. 1972), p. 231 ; Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, rev. ed., 7 vols, Hagerstown, MD: Review and Herald, 1980 (1st

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102

L’image des « dix cornes » comme symboles de « dix rois » est

sûrement dérivée du livre de Daniel. Effectivement, Dn 7 :7-8, 20, nous parle

des « dix cornes » de la quatrième bête et Dn 7 :24 les interprète comme étant

le symbole de « dix rois » qui surgiront à partir du quatrième royaume

représenté par la bête terrible. Dans l’interprétation historique des « dix

cornes » nous verrons avec plus de détails la dépendance littéraire qui existe

entre le chapitre 7 de Daniel et le chapitre 17 de l’Apocalypse concernant les

« dix cornes » ou « dix rois »129.

Les « dix rois » ne se succèdent pas, ils sont contemporains, puisque

ils font ensemble la guerre à l’agneau et sont vaincus par lui (Ap. 17 :14). Ils ont

le pouvoir royal simultanément et constituent une unité. Puisqu’ils n’avaient pas

encore reçu la royauté au temps de Jean, ils appartenaient au futur. Ils sont

clairement des figures eschatologiques, dans la mesure où ils combattent

contre l’agneau dans le temps de la fin (Ap. 17 :14). Cependant, le fait que les

« dix rois » ont un rôle important dans le scénario eschatologique n’empêche

pas qu’ils aient aussi une existence historique avant la fin des temps. En effet,

leur existence était future pour Jean, mais n’est pas nécessairement future pour

nous. Il est aussi clair que les « dix cornes » appartiennent à la septième tête

de la bête, puisque seules la septième tête et les dix cornes étaient encore des

réalités à venir pour Jean. Mais elles sont aussi en rapport direct avec

l’huitième tête, parce qu’elles se manifesteront dans la dernière heure de

l’histoire humaine, quand la bête montera de l’abîme sous la forme

du « huitième » royaume ou empire130.

ed. 1957), vol. 7, p. 856 ; Pablo RICHARD, Apocalypse – A People’s Commentary on the Book of Revelation, Maryknoll, NY: Orbis Books, 1995, p. 132. 129 David E. AUNE, Revelation 17-22 (Word Biblical Commentary, vol. 52c), Nashville: Thomas Nelson Publishers, 1998, p. 950 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation – A Commentary on the Greek Text, Grand Rapids: Mich.: Paternoster Press, 1999, p. 878 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John (The International Critical Commentary), 2 vols, Edinburgh: T. & T. Clark, 1979 (1st ed. 1920), vol. 2, p. 72 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, Paris: J. Gabalda, 1921, p. 251 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, 5e ed., Genève: Labor et Fides, 1966, p. 285 ; Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, ed. rev. et aug., (Commentaire du Nouveau Testament, 14), Genève: Labor et Fides, 2000, p. 381 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation (New Century Bible Commentary), Grand Rapids, Mich./London: Wm. B. Eerdmans/Marshal, Morgan & Scott, 1983 (1st ed. 1974), p. 257 ; G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, Lanham, MD: University Press of America, 1984, pp. 259-260 ; Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, Grand Rapids, Mich.: William B. Eerdmans, 1999, p. 276. 130 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 950 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 878-879; Ian BOXALL, The Revelation of St. John, p. 247 ; Dominique AUZENET, Lettre ouverte

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103

Le symbole des « dix rois » doit être interprété comme faisant référence

à dix royaumes. Ces dix royaumes sont d’une nature différente des « sept rois »

ou sept royaumes symbolisés par les « sept têtes » de la bête, qui étaient des

empires possédant l’hégémonie géopolitique. Les « dix rois » symbolisent des

unités politiques plus petites et moins puissantes. Cependant, la raison

principale qui nous amène à considérer les « dix rois » comme le symbole de

dix royaumes est la même que nous avons avancée pour montrer que les

« sept rois » étaient sept royaumes. Il s’agit de l’usage du terme « roi » dans le

livre eschatologique de Daniel, où « rois » et « royaumes » sont

interchangeables. Dans Daniel 2 :36-45, la tête d’or symbolise le roi

Nabuchodonosor, mais les autres parties de la statue sont interprétées comme

des royaumes qui devront succéder à celui de Nabuchodonosor. Dans Daniel

7 :17ss les quatre bêtes sont interprétées comme étant quatre rois, mais dans

Daniel 7 :23 la quatrième bête est interprétée comme « un quatrième royaume

qui sera sur la terre, différent de tous les royaumes » (cf. Dn 7 :17 et 23 LXX et

Theodocion). Le fait que le livre de Daniel dans sa globalité ait eu une influence

considérable sur l’Apocalypse et le fait que le chapitre 7 de Daniel soit

manifestement une des sources bibliques du chapitre 17 de l’Apocalypse sont

des raisons suffisantes pour nous faire penser que, dans Ap. 17 :12-14, 16-17

aussi, il est très probable que le terme « rois » ait le sens de « royaumes ».

Jean suit l’exemple apocalyptique de Daniel.

L’ange dit alors à Jean que les « dix rois » ou royaumes « reçoivent le

pouvoir comme rois pendant une heure avec la bête ». Ils n’avaient encore reçu

le pouvoir ou l’autorité au temps de Jean. Apparemment, les « dix rois »

reçoivent de quelqu’un le pouvoir pour devenir rois. Ce sujet implicite qui donne

le pouvoir aux dix rois ou royaumes est probablement Dieu, dans la mesure où

il permet leur manifestation comme rois. Deux raisons nous conduisent à cette

déduction. Premièrement, c’est Dieu qui contrôle clairement les événements qui

dérivent de l’activité des « dix rois » (cf. Ap. 17 :17). Deuxièmement, Dieu est le

sujet implicite d’un grand nombre de passifs d’autorisation dans le livre de Jean

aux martyrs – une lecture de l’Apocalypse de Saint-Jean, Paris: Pneumathèque, 1984, p. 128 ; Austin FARRER, The Revelation of St. John the Divine, Oxford: Oxford University Press, 1964, p. 185 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ – Commentary on the Book of Revelation, Berrien Springs, Mich.: Andrews University Press, 2002, p. 516 ; Edmondo F. LUPIERI, A Commentary on the Apocalypse of John, pp. 276-277.

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(Ap. 6 :2, 4, 8 ; 7 :2 ; 9 :1, 3, 5 ; 13 :5, 7 ; 16 :8). Ici on découvre la pleine

souveraineté de Dieu sur l’histoire et le monde, même quand il s’agit de

pouvoirs qui lui sont opposés et qui s’associent pour faire la guerre à son

Christ. De toute façon, il est clair que le sujet qui donne le pouvoir aux dix rois

ou royaumes n’est pas la bête elle-même, puisque (1) ils reçoivent son pouvoir

avec la bête et (2) ce sont les dix rois qui donnent son pouvoir à la bête (cf. Ap.

17 :13)131.

Le pouvoir futur des « dix rois » en association avec la bête durera

pendant « une heure ». Le terme « heure » (ωρα) est fréquemment employé

pour faire référence à une période de temps non spécifiée, mais très court, et

seulement rarement pour désigner la douzième partie du jour ou de la nuit (cf.

Mt 20 :3, 5, 6, 9 ; 27 :45 ; Jn 1 :39 ; 4 :6 ; Ac 2 :15). En effet, « heure » était la

plus courte période de temps connue dans le monde ancien. L’expression en

« une heure » (µια ωρα) est aussi employée dans Ap. 18 :10, 17, 19 pour

désigner le période de temps de la destruction soudaine de « Babylone ». Le

mot « heure » est en plus utilisé pour parler du « temps désigné par Dieu »

dans le Nouveau Testament (Mt 24 :36, 44, 50 ; 25 :13). Ainsi, nous pouvons

penser que l’exercice du pouvoir par les « dix rois » avec la bête pendant le

temps eschatologique sera très court et aura lieu selon le dessein de Dieu.

C’est pendant cette période qu’ils feront la guerre à l’Agneau et qu’ils détruiront

« Babylone » (Ap. 17 : 14, 16)132.

2.1.2. Ap. 17 :13

L’ange fait noter à Jean que les dix rois ou royaumes « ont un même

dessein et ils donnent leur puissance et leur autorité à la bête ». Les termes

« même dessein » en grec (µια γνωµη) constituent une expression technique

prise dans la sphère de la politique. Elle exprime l’existence d’un total accord

131 David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 951-952 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 879; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 507. 132 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 952 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 879 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 285 ; Jean-Pierre CHARLIER, Comprendre l’Apocalypse, 2 vols, Paris: Cerf, 1991, vol. 2, p. 88 ; Grant R. OSBORNE, Revelation (Baker Exegetical Commentary on the New Testament), Grand Rapids, Mich.: Baker Academic, 2002, p. 622.

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d’intérêts et d’opinions parmi les citoyens d’un État. Avoir un « même dessein »

est un des éléments qui rend un État heureux, parce qu’il permet à l’État d’agir

en pleine unité et en totale harmonie. Il est donc un bien à rechercher et est

accordé aux citoyens de l’État sous l’inspiration des dieux. Ainsi, l’expression

« même dessein » (µια γνωµη) est employée pour désigner la concorde à

l’intérieur d’un État (Dio Chrysostome, Or. 36.22 ; 39.8 ; Isocrate Or. 4.138 ;

Thucydide 1.122.2 ; 6.17.4 ; Démosthène Or. 10.59), mais peut désigner aussi

la concorde entre nations (Dionysos d’Halicarnasse, Ant. Rom. 6.77.1). Dans le

cas que Jean envisage ici, le « même dessein » est partagé par des nations

indépendantes, les « dix rois » ou royaumes133.

Apparemment le fait que les « dix rois » ont un « même dessein »

(µια γνωµη) est quelque chose de remarquable, puisque Jean insiste pour nous

faire noter l’existence de cette unité de dessein par un nouvel emploi de la

même expression dans le verset 17. En effet, Jean veut souligner que les « dix

rois » ou royaumes ne sont pas seulement de simples alliées de circonstance,

ils partagent une même opinion et un même dessein politique. Ce dessein est

celui de mettre, librement et spontanément, leur pouvoir et leur autorité au

service de la bête et de se soumettre à son autorité. Cette unanimité de propos

est remarquable, si nous considérons que nous sommes en présence de dix

entités politiques différentes et autonomes. Le verset 17 nous expliquera

l’origine de cette extraordinaire unité de dessein. C’est sous l’inspiration divine

que ces dix rois se sont mis d’accord sur un même dessein : mettre leur pouvoir

au service de la bête. C’est l’ironie de l’histoire. Dieu réalise son plan dans

l’histoire par l’utilisation même des intentions iniques de ses adversaires. Il faut

remarquer que les « dix rois » n’ont pas reçu originalement leur pouvoir et leur

autorité de la bête, puisque ce sont eux qui donnent leur pouvoir et leur autorité

à la bête. Le pouvoir futur de la bête dépend donc du pouvoir qui lui est apporté

par les « dix rois ». La renaissance du pouvoir de la bête sous la huitième tête

se fera a partir du pouvoir délégué par les « dix rois ». Ils vont abdiquer d’une

133 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 952 ; W. C. van UNNIK, « ΜΙΑ ΓΝΩΜΗ, Apocalypse of John XVII 13, 17 », in: Studies in John – Presented to Professor Dr. J. N. Sevenster, Leiden: E. J. Brill, 1970, pp. 211-218 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 622.

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partie de leur autorité pour la mettre en commun au service de la bête et ainsi la

faire renaître sous l’égide de la huitième tête134.

2.1.3. Ap. 17 :14

L’ange continue son discours sur les « dix rois » ou royaumes. Selon

lui, « ceux-ci feront la guerre à l’agneau et l’agneau les vaincra ». On voit ici

que la raison d’être de l’alliance des « dix rois » avec la bête décrite dans le

verset antérieur est de faire la guerre à l’agneau. Il s’agit du combat

eschatologique qui est aussi mentionné dans les parallèles de Ap. 16 :14-17 et

Ap. 19 :19 (où les « dix rois » sont mentionnés implicitement par la mention de

la « bête » qui les possède en tant que « dix cornes »). Ce combat

eschatologique – Armageddon - aura son point culminant dans le retour en

gloire de l’agneau, mais commencera un peu de temps avant, puisque avant

d’être détruit par le retour en gloire de l’agneau, les « dix rois » et la bête auront

encore la tâche de se retourner contre « Babylone » et de la détruire (Ap.

17 :16). La mention de la victoire de l’agneau sur les « dix rois » au verset 14

est donc une prolepse, qui anticipe l’issue de la guerre eschatologique. Ainsi,

Ap. 17 :14 répond à la question finale d’Ap. 13 :4 qui demandait : qui peut faire

la guerre à la bête ? La réponse est : l’agneau135.

L’ange donne ensuite la raison de la victoire de l’agneau sur les « dix

rois » : « il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois ». Ce double titre

est aussi utilisé – dans un ordre inverse – en Ap. 19 :16, appliqué au cavalier

céleste, vainqueur de la bête. L’agneau et le cavalier sur le cheval blanc sont

donc identifiables comme étant la même personne : Jésus Christ. L’application

de ce titre à Jésus met en évidence non seulement sa souveraineté absolue sur

le monde, mais surtout son caractère divin, puisque le même double titre est

appliqué à Dieu par Paul dans 1 Tm 6 :15. Ce double titre – « Seigneur des

134 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 952 ; W. C. van UNNIK, « ΜΙΑ ΓΝΩΜΗ, Apocalypse of John XVII 13, 17 », pp. 218-219 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 880 ; E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, p. 252 ; R. C. H. LENSKI, The Interpretation of St. John’s Revelation, p. 508 ; Jean-Pierre CHARLIER, Comprendre l’Apocalypse, vol. 2, p. 89 ; Austin FARRER, The Revelation of St. John the Divine, p. 185. 135 David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 952-953 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 880; T. F. GLASSON, The Revelation of John (The Cambridge Bible Commentary), Cambridge: Cambridge University Press, 1965, p. 100 ; Adela Yarbro COLLINS, The Combat Myth in the Book of Revelation, Missoula, Mon.: Scholars Press, 1976, p. 221 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 623.

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seigneurs et Roi des rois » - est utilisé, avant le Nouveau Testament, seulement

dans deux passages : 1 Enoch 9 :4 et Dn 4 :37 LXX. Il est très probable que le

texte de Daniel soit la source de ce titre attribué à l’agneau ici en Ap. 17 :14,

étant donné le degré élevé d’influence du livre de Daniel sur Jean. Le titre

christologique d’Ap. 17 :14 a donc son origine dans le titre divin de Dn 4 :37

LXX. Ainsi, son application à l’agneau implique la divinité de celui-ci136.

L’ange fait alors mention des compagnons de l’agneau dans le combat

eschatologique : « ceux [qui sont] avec lui, appelés et élus et fidèles ». Même

s’il n’est pas explicitement dit, il est impliqué que ceux-ci combattent à côté de

l’agneau contre les dix rois et la bête137. Ces « appelés et élus et fidèles » sont

naturellement les disciples de l’agneau qui sont sur terre (cf. Ap. 2 :10 ; 2 :13 ; 1

Pi 1 :10 ; Rm 8 :28 ; 1 Co 1 :2 ; Jd 1). Ils prouveront ainsi leur loyauté envers

l’agneau et participeront à sa victoire. Nous pouvons donc conclure que le

dernier combat contre les forces du mal sur cette terre impliquera la

participation des chrétiens qui seront vivants au temps de la fin. En effet, la

seule manière par laquelle les « dix rois » peuvent faire la guerre à l’agneau est

de faire la guerre à ses disciples sur terre. Ainsi, le combat eschatologique ne

sera donc pas limité au moment du retour de Jésus. Il commencera un peu

avant la parousie du Christ et il aura la forme d’un affrontement entre les « dix

rois » et la bête d’un côté et les disciples de l’agneau de l’autre côté. Puisque

les « dix rois » et la bête vont déployer leur pouvoir politico-militaire dans ce

combat final, les disciples de l’agneau seront sûrement sujets à une féroce

persécution. Ainsi, le combat eschatologique commence avec l’attaque des

« dix rois » et de la bête contre l’agneau, dans les personnes de ses disciples,

et se termine avec la destruction des armées des « dix rois » au moment de la 136 David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 953-954 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, p.881; G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, pp. 262-263. R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, vol. 2, p. 75 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation (The New International Commentary on the New Testament), Grand Rapids, Mich.: William B. Eerdmans, 1977, p. 318 ; Jonathan KNIGHT, Revelation, Sheffield: Sheffield Academic Press, 1999, p. 118 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 623 ; Ben WITHERINGTON III, Revelation (The New Cambridge Bible Commentary), Cambridge: Cambridge University Press, 2003, p. 224. Pour les arguments qui établissent le rapport d’influence entre Dn 4:37 LXX et Ap. 17 :14 concernant le titre christologique, voir : G. K. BEALE, « The origin of the title ‘King of kings and Lord of lords’ in Revelation 17:14 », New Testament Studies, 31(4), 1985, pp. 618-620 et Thomas B. SLATER, « ‘King of kings and Lord of lords’ revisited », New Testament Studies, 39(1), 1993, pp. 159-160. 137 Contra William KLASSEN, « Vengeance in the Apocalypse of John », Catholic Biblical Quarterly, 28(3), 1966, pp. 306-308.

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parousie de l’agneau (Ap. 19 : 19-21). Les disciples de l’agneau qui

maintiendront leur persévérance jusqu’à la fin et qui seront « fidèles » jusqu’à la

mort (Ap. 2 :10), si nécessaire, seront les vainqueurs de l’histoire et auront le

pouvoir sur les nations dans le nouveau monde (Ap. 2 :26-27)138.

2.2. Les dix rois contre la prostituée (Ap. 17 :16-17)

2.2.1. Ap. 17 :16

L’ange dit alors a Jean : « et les dix cornes que tu as vues et la bête, ils

haïront la prostituée, ils la rendront déserte et nue, ils mangeront ses chairs et

ils la brûleront au feu ». Nous avons déjà interprété le symbole de la

« prostituée » dans le chapitre précédent (cf. commentaire à Ap. 17 :1-6 et la

respective interprétation historique). Ici nous voyons que les forces sur

lesquelles la prostituée « Babylone » s’appuyait pour exercer sa domination

politico-religieuse mondiale vont se tourner contre elle, à la fin des temps,

immédiatement avant la parousie du Christ. Cette révolte des forces politico-

militaires qui soutenaient « Babylone » est décrite par la succession de quatre

actions métaphoriques qui s’appliquent à la prostituée « Babylone » en tant que

femme et en tant que ville139. Premièrement, la prostituée est rendue déserte

comme une ville qui est détruite (cf. Ap. 18 :19). Elle est complètement vidée de

ses habitants à la suite de l’attaque exterminatrice menée par ses ennemis.

Tous ceux qui l’habitaient sont tués. Deuxièmement, elle est mise à nu comme

une prostituée dépouillée de ses vêtements par la force. Jean s’inspire ici des

passages de Nahum 3 :4-5, où Ninive, la ville prostituée, est châtiée par la mise

à nu, et d’Esaïe 47 :3, où Babylone est aussi divinement châtiée par la mise à

138 R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, vol. 2, p. 75 ; Charles BRÜTSCH, La clarté de l’Apocalypse, p. 286 ; Jürgen ROLOFF, The Revelation of John – A Continental Commentary, Minneapolis: Augsburg Fortress Press, 1993, p. 200 ; G. B. LAIRD, A Commentary on the Revelation of St. John the Divine (Black’s New Testament Commentaries), London: Adam & Charles Black, 1966, p. 220. 139 Barbara R. ROSSING, The Choice Between Two Cities – Whore, Bride and Empire in the Apocalypse, Harrisburg, Penn.: Trinity Press International, 1999, pp. 87-97, essaie de démontrer que, dans le verset 16, « Babylone » est caractérisée seulement comme une ville assiégée. Nous pensons que la métaphore de la « femme » est aussi présente dans la description de « Babylone » détruite par les dix rois.

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nu. La mise à nu de la prostituée « Babylone » symbolise sa totale dévastation.

Troisièmement, la prostituée est dévorée comme la victime d’une bête féroce.

Dans l’antiquité il était courant que les cadavres non inhumés dans les villes et

dans les champs soient dévorés par les chiens et par les oiseaux nécrophages

(Ap. 19 :17-18 ; 1 R 14 :11 ; 16 :4). La prostituée sera donc tuée et totalement

anéantie par la fureur vorace de la bête et de ses dix cornes. Quatrièmement, la

prostituée est totalement brûlée comme une ville assiégée (cf. Ap. 18 :8-9). Elle

souffre donc le châtiment approprié à une fille de prêtre devenue prostituée (Lv

21 :9). Ce châtiment est particulièrement approprié dans la mesure où

« Babylone » représente une Eglise apostate, comme nous avons vu

précédemment. Ainsi, la « prostituée » est totalement détruite par les dix rois et

la bête, ses anciens alliés. Cette guerre de totale destruction qui fait rage entre

anciens alliés correspond au dessein de Dieu (Ap. 17 :17) et est typiquement le

moyen que Dieu utilise pour détruire ses ennemis (cf. Ez 38 :21 ; Ag 2 :22 ; Za

14 :13). Le Mal est autodestructeur140.

Le chapitre 17 ne donne pas les raisons de cette volteface dans

l’alliance des dix rois ou royaumes et de la bête avec « Babylone ». Nous

savons seulement que la destruction de la prostituée « Babylone » par ses

alliés (Ap. 17 :16) aura lieu après la guerre que ces pouvoirs mèneront contre

l’agneau et ses fidèles disciples pendant la période de la fin (Ap. 17 :14). La

rébellion des dix rois et de la bête contre « Babylone » aura sûrement lieu à la

suite d’un événement qui dévoilera les fausses prétentions religieuses de la

prostituée. Cet événement sera peut-être l’incapacité de la coalition

antichrétienne de vaincre l’agneau et ses fidèles dans la guerre qu’elle mènera

contre eux. Or, puisque cette guerre aura son point culminant avec la parousie

de l’agneau (Ap. 19 :19-21), nous pouvons penser que la destruction de

« Babylone » (le pouvoir politico-religieux de la coalition) par les dix rois et la

bête (les pouvoirs politico-militaires) en révolte aura lieu pendant les derniers

moments de l’histoire de ce monde. Après avoir pris conscience de la fausseté

140 David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 956-957 ; G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 883-886 ; George Eldon LADD, A Commentary on the Revelation of John, p. 233 ; Francis D. NICHOL (ed.), The Seventh-Day Adventist Bible Commentary, vol. 7, p. 858 ; John SWEET, Revelation (TPI New Testament Commentaries), London/Philadelphia: SCM Press/Trinity Press International, 1990, p. 262 ; Robert G. BRATCHER & Howard A. HATTON, A Handbook on the Revelation to John, New York: United Bible Societies, 1993, p. 252 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 517.

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des prétentions religieuses de la prostituée « Babylone », ses alliés la haïront et

seront donc amenés à se venger de sa tromperie par la violence. Les forces

populaires et militaires des dix rois ou dix royaumes et de la bête tueront ses

anciens guides religieux et livreront au feu leur palais et leurs édifices sacrés.

« Babylone » sera anéantie par ses anciens sectateurs. Ce verset 16 constitue

donc le point culminant du chapitre 17, décrivant le « jugement de la grande

prostituée » annoncé au verset 1.

2.2.2. Ap. 17:17

L’ange conclut son discours sur les « dix rois » par une explication sur

la cause ultime de leur comportement paradoxale décrit dans les versets 12-

16 : « car Dieu a donné à leurs cœurs de réaliser son dessein, de réaliser un

seul dessein et de donner leur royauté à la bête, jusqu’à ce que soient

accomplies les paroles de Dieu ». Cette explication du comportement paradoxal

des « dix rois » est exprimée par trois propositions infinitives, toutes objets de la

proposition principale « Dieu a donné à leurs cœurs » : (1) « réaliser son

dessein » (v. 17a), (2) « réaliser un seul dessein » (v. 17b), et (3) « donner leur

royauté à la bête » (v. 17c). La proposition principale « Dieu a donné à leurs

cœurs » est une expression idiomatique sémitique qui est utilisée quelquefois

dans l’Ancien Testament (Né 2 :12 ; 7 :5 ; Ex 35 :30-35, Esd 7 :27) pour

désigner l’orientation qui vient directement de Dieu. La première proposition

infinitive – « réaliser son dessein » - a un caractère très général et indique que

les événements prophétisés dans les versets 12-16 sont contrôlés par la

volonté souveraine et arrivent selon le projet de Dieu. La deuxième proposition

infinitive – « réaliser un seul dessein » - indique un des moyens par lequel Dieu

conduit les dix rois à réaliser son dessein divin. Elle est une allusion au verset

13a, où il est simplement dit que les dix rois « ont un même dessein » politique.

Cette deuxième proposition indique donc que c’est Dieu lui-même qui a inspiré

aux dix rois cet état de concorde politique. La troisième proposition infinitive –

« donner leur royauté à la bête » - indique un deuxième moyen par lequel Dieu

conduit les dix rois à réaliser son dessein divin. Elle fait référence au verset

13b, où il est dit que les dix rois « donnent leur puissance et leur autorité à la

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bête ». Dans cette troisième proposition, la mention de la « royauté » des dix

rois est une façon alternative d’exprimer leur « puissance et leur autorité »

mentionnées dans le verset 13b. Finalement, la phrase « jusqu’à ce que soient

accomplies les paroles de Dieu » fait référence à la prophétie sur la destruction

de la prostituée « Babylone » du verset 16. Cette phrase indique que la volonté

souveraine de Dieu contrôle l’histoire et que sa divine prescience permet de

connaître en avance cette histoire future par la prophétie – les « paroles de

Dieu » - révélée à Jean141.

On peut donc conclure que les « dix rois » ou royaumes vont avoir un

seul dessein politique et donner leur royauté à la bête dans le temps de la fin

selon l’inspiration directe de Dieu. En conséquence de la réalisation de ce

dessein politique unique (inspiré par le dessein de Dieu), non seulement la bête

ressuscitera sous l’égide de la huitième tête, mais finalement la prostituée

« Babylone » sera détruite par la révolte de ses alliées politiques. Façonné par

la volonté souveraine de Dieu, le dessein ultime de l’alliance des dix rois et de

la bête sera la destruction de « Babylone ». C’est donc Dieu qui conduit les

forces politico-militaires de l’alliance impie à finalement attaquer et détruire la

force politico-religieuse, « Babylone ». Dieu exécute ainsi sa volonté

omnipotente à travers les « cœurs » des injustes comme à travers les

« cœurs » des justes (Ex 4 :21 ; 7 :3 ; 9 :12 ; 10 :1 ; 14 :4, 8 ; 2 Ch 36 :22-23 ;

Esd 1 :1 ; Ac 2 :23 : 4 :27-28 ; 2 Ch 30 :12, 1 R 10 :24 ; Esd 7 :27 ; Né 2 :12 ;

7 :5 ; Jr 32 :40). Il contrôle pleinement l’histoire humaine et les forces du Mal qui

y agissent. Finalement, les puissances maléfiques, qui croyaient servir leurs

propres intérêts et leurs propres desseins, servent les projets du Dieu

omniscient jusqu’à leur propre destruction. Les pouvoirs du Mal auront pleine

liberté pour réaliser leurs desseins néfastes, jusqu’à que les « paroles de

Dieu », c'est-à-dire, les prophéties données par Dieu à Jean concernant le

destin de l’alliance du Mal, soient accomplies intégralement. Le Mal sera détruit

par le Mal142.

141 David E. AUNE, Revelation 17-22, pp. 957-958 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 627. 142 G. K. BEALE, The Book of Revelation, pp. 887-888 ; R. H. CHARLES, A Critical and Exegetical Commentary on the Revelation of St. John, p. 73 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, pp. 329-320 ; G. R. BEASLEY-MURRAY, The Book of Revelation, p. 260 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, p. 518 ; Grant R. OSBORNE, Revelation, p. 627.

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112

3. Interprétation historique d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17

3.1. Les dix rois

3.1.1. Repères chronologiques

Pour que nous puissions déterminer l’époque historique – et ainsi

déterminer postérieurement l’identité historique – des entités symbolisées par

les dix rois d’Apocalypse 17, nous devons isoler et comprendre les repères

temporels qui concernent les dix rois dans ce chapitre du livre de Jean. Or, une

analyse attentive du chapitre nous permet de dire que l’activité des dix rois à

comme point chronologique initial la fin de l’empire romain symbolisé par la

sixième tête de la bête écarlate et qu’elle a comme point chronologique final

l’apogée eschatologique déterminé par le retour du Christ. Ces deux repères

chronologiques sont établis par les arguments suivants.

On peut aussi affirmer que le point chronologique final de l’activité des

dix rois est l’époque de l’apogée eschatologique déterminé par le retour du

Christ. En effet, les versets 12-14 du chapitre 17 font allusion à la bataille

eschatologique qui aura lieu entre les dix rois et la bête écarlate d’un côté et de

l’autre côté l’Agneau, qui est « le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois », et

ses disciples (Ap. 17 :14). Or, nous savons que le texte d’Ap. 17 :12-14 est une

allusion au dernier combat entre la Bête et l’Agneau, la bataille eschatologique,

parce qu’il est thématiquement parallèle au texte d’Ap. 19 :11-21, où est décrit

avec détails le dernier combat entre la Bête, accompagnée des rois de la terre,

et le « Verbe de Dieu » (appelé aussi « le Seigneur des seigneurs et Roi des

rois » [Ap. 19 :16]) et son armée de fidèles. Ce combat est la dernière bataille

eschatologique qui a lieu pendant le retour de Jésus, puisqu’il s’achève avec la

mort de tous les sectateurs de la Bête et avec la condamnation de celle-ci à

l’étang de Feu (Ap. 19 :20-21). On peut donc conclure que l’activité des dix rois

s’achève chronologiquement seulement à la fin des temps, avec le retour du

Christ. Les entités historiques qui sont symbolisées par les « dix cornes » ou

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113

« dix rois » seront donc présentes dans l’histoire de ce monde jusqu’au retour

en gloire de l’agneau.

On peut affirmer que le point chronologique initial de l’activité des dix

rois est la fin de l’empire romain symbolisé par la sixième tête de la bête

écarlate à partir de la considération de l’argument suivant. Les dix rois

appartiennent manifestement à la septième tête de la bête, donc ils suivent

immédiatement la sixième tête dans l’histoire de l’Europe. Nous avons deux

raisons pour soutenir cette affirmation. Premièrement, le fait que les dix rois ne

sont mentionnés en rapport avec aucune des six premières têtes de la bête et

le fait que, au temps de Jean – qui était contemporain de la sixième tête –, les

dix rois étaient encore des entités à venir (Ap. 17 :12) sont une indication que

les dix rois appartiennent à la septième tête, puisque seule la septième tête

était encore à venir pour Jean (Ap. 17 :10). Deuxièmement, le fait que les dix

rois sont en étroite liaison avec la dernière manifestation de la bête (Ap. 17 :12-

13), sous l’égide de l’huitième tête, et le fait que cette dernière tête est

clairement et simplement la résurrection de la septième tête, montrent que les

dix rois appartiennent à la septième tête de la bête. Ainsi, puisque les dix rois

appartiennent à la septième tête de la bête, ils entrent dans l’histoire et dans la

prophétie immédiatement après que la sixième tête est tombée. Puisque cette

tête symbolisait l’Empire romain et puisque l’Empire romain en occident a

trouvé sa fin en 476 AD, nous pouvons penser que les dix rois symbolisent des

entités historiques qui sont apparues dans l’histoire de l’Europe après cette

date.

Nous pouvons donc conclure que les entités historiques symbolisées

par les « dix cornes » ou « dix rois » de Apocalypse 17 sont en activité dans

l’histoire de l’Europe depuis la fin de l’Empire romain d’occident et le seront

jusqu’à la fin des temps et au retour de Jésus. Avec ces repères

chronologiques nous pourrons procéder avec plus d’assurance à l’identification

historique de ces entités.

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114

3.1.2. Identification historique des dix rois

Nous soutiendrons que les « dix rois » d’Apocalypse 17 sont le symbole

des dix peuples et des dix royaumes barbares qui ont détruit et remplacé

l’empire romain en l’Europe occidentale et centrale à partir de 476 AD et qui ont

ainsi donné naissance à l’Europe des nations qui existe jusqu’à présent (pour

l’argumentation qui soutient l’interprétation des « dix rois » comme dix

royaumes, cf. commentaire d’Ap. 17 :12)143. Nous présenterons deux

arguments distincts pour soutenir cette thèse. Le premier argument est fondé

sur le rapport d’influence existant entre le symbole des « dix cornes » de Daniel

7 et le symbole des « dix cornes » dans Apocalypse 17. Le deuxième argument

est fondé sur les données chronologiques internes du chapitre 17 du livre de

Jean.

3.1.2.1. Les « dix rois » de Daniel 7 et d’Apocalypse 17

La grande majorité des exégètes sont d’accord sur l’existence d’une

forte influence du livre de Daniel sur l’Apocalypse. Cette influence se traduit

dans la présence de plusieurs allusions au texte de Daniel dans le texte du livre

de Jean144. Cette influence est notamment manifeste dans la présence

143 Les exégètes adventistes suivants ont la même position: Uriah SMITH, The Prophecies of Daniel and the Revelation, Hagerstown, MD: Review and Herald, 1972 (ed. rev. 1944), p. 712; Jules REY, L’Apocalypse ou les revelations de St. Jean, Tramelan-dessus: Imprimerie du Progrès, 1937, p. 161 ; Stephen N. HASKELL, The Story of the Seer of Patmos, Nashville, Ten: Southern Publishing Association, 1905 (facsimile ed. – 1977), p. 296 ; W. L. EMMERSON, God’s Good News, Watford: The Stanbourough Press, [s.d.], p. 538 ; Robert J. WIELAND, The Gospel in Revelation – Unlocking the Last Book of the Bible, Paris, Oh.: Glad Tidings, 1989, pp. 135-136 ; Ch. WINANDY, L’Apocalypse révèle les choses qui doivent arriver bientôt – 19 conferences sur l’Apocalypse, Collonges-sous-Salève : Fides, 1956, p. 173 ; A. S. MELLO, A verdade sobre as profecias do Apocalipse, São Paulo : Edigraf, 1959, pp. 503-504 ; Giovanni LEONARDI, « La bestia di Apocalisse 17 », in: Rolando Rizzo (ed.), Dal flauto dolce ai timpani – cose chiare di Daniele e dell’Apocalisse, Impruneta, FI: Araldo della Veritá/Istituto Avventista di Evangelizzazione, 1994, p. 276. L’exégète catholique E.-B. ALLO, Saint Jean – L’Apocalypse, pp. 251, 260, identifie aussi les « dix rois » avec les peuples barbares. 144 Concernant les allusions à Daniel dans l’Apocalypse, voir Steve MOYISE, The Old Testament in the Book of Revelation, Sheffield : Sheffield Academic Press, 1995, pp. 45-63, G. K. BEALE, « The Use of Daniel in the Synoptic Eschatological Discourse and in the Book of Revelation », in: David Wenham (ed.), Gospel Perspectives – The Jesus Tradition Outside the Gospels, Sheffield: JSOT Press, 1984, pp. 129-153, Richard LEHMANN, « Les liens de parenté entre Daniel et l’Apocalypse », in: General Conference of Seventh-Day Adventists, Prophétie et eschatologie, 2 vols, Berne : Institut pour la Recherche Biblique de la Conférence Générale, 1982, vol. 1, pp. 408-410 = Richard LEHMANN, « Relationship between Daniel and

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115

d’allusions abondantes au chapitre 7 de Daniel dans le chapitre 17

d’Apocalypse145. Or, une de ces allusions met en rapport étroit le symbole des

« dix cornes » ou « dix rois » de Daniel 7 et les « dix cornes » ou « dix rois »

d’Apocalypse 17. Cette allusion fait partie d’un ensemble d’allusions qui

établissent un lien de dépendance entre la description de la bête terrible de

Daniel 7 et la bête écarlate d’Apocalypse 17.

En effet, la description de la « bête écarlate » en Ap. 17 :3 et 7 est, en

partie, une allusion claire à Daniel 7 :3-7, 20, 23, 24 (LXX et Theodocion). La

référence à la « bête » (θηριον) en Ap. 17 :3 et 7 reprend la mention de la

quatrième « bête » (θηριον) dans Dn 7 :23 (LXX et Theodocion). L’indication

sur les « dix cornes » (δεκα κερατα) de la « bête » en Ap. 17 :3 et 7 s’inspire de

l’indication sur les « dix cornes » (δεκα κερατα) de la quatrième « bête » en Dn

7 :7, 20, 24 (LXX et Theodocion). Finalement, la mention des « sept têtes »

(επτα κεφαλας) de la « bête » en Ap. 17 :3 et 7 est sûrement basée sur le fait

que l’addition des « têtes » (κεφαλας) des quatre « bêtes » de Dn 7 :3-7 (LXX et

Theodocion) donne comme résultat sept têtes (puisque la troisième « bête »,

semblable au léopard, possède « quatre têtes » [Dn 7 :6]). Ainsi, la « bête

écarlate » d’Ap. 17 :3, 7 est manifestement une reprise johannique de la

quatrième « bête » de Daniel 7, avec l’addition du détail des sept têtes. Mais,

comme nous l’avons vu, ce dernier détail est lui aussi inspiré d’une lecture

midrashique de Daniel 7 :3-7.

Or, cette influence de Daniel 7 sur Apocalypse 17 concernant la

description globale de la bête écarlate et concernant le détail des « dix cornes »

est cruciale pour une interprétation historique du symbole des « dix cornes » ou

« dix rois » dans le livre de Jean. En effet, il y a un consensus parmi les

exégètes adventistes concernant l’interprétation historique des « dix cornes »

Revelation», In: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation – Book 1 – Introductory and Exegetical Studies (Daniel and Revelation Committee Series, vol. 6), Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 2000 (1st ed., 1992), pp. 139-141. 145 G. K. BEALE, The Use of Daniel in Jewish Apocalyptic Literature and in the Revelation of St. John, Lanham, MD: University Press of America, 1984, pp. 249-267, montre que plus de la moitié des allusions à l’Ancien Testament dans le chapitre 17 d’Apocalypse sont de Daniel. Il y a quatorze allusions claires ou probables à Daniel et sept de ses allusions proviennent de Daniel 7. En plus, le chapitre 7 de Daniel et le chapitre 17 d’Apocalypse ont en commun la même structure – (1) vision, (2) réaction du prophète, (3) interprétation – et le contenu est fondamentalement le même : (1) vision des bêtes avec têtes et cornes, (2) réponse émotive du prophète suivie par l’explication angélique, (3) grand plan interprétatif sur la bête et ses cornes.

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116

ou « dix rois » de la bête terrible de Daniel 7 :7-8, 20, 24. Ces « dix rois » sont

identifiés comme le symbole des dix peuples barbares germaniques qui ont

envahi et détruit l’empire romain d’occident et qui ont fondé des royaumes en

occident à la place de l’empire ébranlé. Ces peuples et ses royaumes seraient

à l’origine des nations qui ont évolué dans l’histoire de l’Europe occidentale et

centrale jusqu’à présent146. Ainsi, si les « dix cornes » ou « dix rois »

d’Apocalypse 17 sont la reprise des « dix cornes » ou « dix rois » de Daniel 7,

chose qui est certaine, alors l’interprétation historique qui est proposée pour les

« dix cornes » ou « dix rois » de Daniel 7 doit aussi être acceptée pour les « dix

cornes » ou « dix rois » d’Apocalypse 17. Les « dix rois » du chapitre 17 du livre

de Jean sont donc le symbole des dix peuples et dix royaumes barbares

germaniques qui ont détruit l’empire romain d’occident et ont donné naissance

à l’Europe des nations.

3.1.2.2. Les « dix rois » et la chronologie interne d’Apocalypse 17

Le deuxième argument qui soutient l’identification des « dix rois »

d’Apocalypse 17 avec les dix peuples barbares qui ont conquis l’Empire romain

d’occident est fondé sur la chronologie interne du chapitre mentionné. Nous

avons vu que les « dix rois » doivent appartenir à la septième tête de la bête

écarlate. Ils suivent donc immédiatement la sixième tête dans l’histoire

européenne. En effet, les « dix rois » ne sont pas mis en rapport avec aucune

des six premières têtes et au temps de Jean – c’est-à-dire, au temps de la

sixième tête – les dix rois étaient encore dans le futur (Ap. 17 :12). Ils

appartiennent donc à la septième tête, elle aussi encore à venir pour Jean (Ap.

17 :10). En plus, les « dix rois » sont en rapport étroit avec la bête dans sa

phase eschatologique (Ap. 17 :12-13), c’est-à-dire, sous la huitième tête. Or,

comme nous allons le voir par la suite, la huitième tête de la bête est

146 Quelques exemples récents de ce consensus parmi les exégètes adventistes qui ont étudié le livre de Daniel: Jacques B. DOUKHAN, Secrets of Daniel, Hagerstown, MD : Review and Herald, 2000, pp. 105-106 ; Gerhard PFANDL, Daniel – The Seer of Babylon, Hagerstown, MD : Review and Herald, 2004, p. 63 ; William H. SHEA, Daniel – A Reader’s Guide, Nampa, Ida. : Pacific Press, 2005, p. 205 ; Roy Allan ANDERSON, Unveiling Daniel and Revelation, Nampa, Ida.: Pacific Press, 2006, p. 93 ; Zdravko STEFANOVIC, Daniel, Wisdom to the Wise – Commentary on the Book of Daniel, Nampa, Ida.: Pacific Press, 2007, p. 280.

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117

simplement la résurrection de la septième tête. Ainsi, nous pouvons conclure

que les « dix rois » appartiennent à la septième tête de la bête écarlate.

Dans ce cas, les « dix rois » entrent dans l’histoire immédiatement

après la chute de la sixième tête. Puisque cette tête est le symbole de l’Empire

romain et puisque cet empire a trouvé sa fin en occident vers 476 AD, nous

pouvons conclure que les « dix rois » sont le symbole apocalyptique d’entités

politiques et étatiques qui se manifesteront dans l’Europe occidentale et

centrale après 476 AD. Nous pouvons ainsi aisément identifier historiquement

les « dix rois » avec les dix peuples et royaumes barbares qui ont remplacé

l’empire romain en occident et sont à l’origine des nombreuses nations qui ont

évolué dans l’histoire de l’Europe occidentale et centrale.

3.1.2.3. Les « dix rois » et les dix peuples barbares germaniques

Pour identifier historiquement les dix peuples barbares qui ont envahi et

détruit l’Empire romain d’occident et ont donné naissance à l’Europe des

nations, nous devons avant tout établir les critères historiques suivants. Nous

devons considérer seulement les peuples barbares qui, après la pénétration

dans le territoire de l’Empire romain d’occident, s’y sont établis et ont fondé des

royaumes autonomes qui ont continué en existence après la chute de l’empire

en 476 AD. Ainsi, des peuples non-germaniques comme les Huns ou les

Avares ne doivent pas être considérés comme faisant partie des peuples

barbares qui sont à l’origine des nations modernes, puisqu’ils ne se sont pas

établis comme nations organisées dans un royaume à l’intérieur du territoire de

l’empire d’occident après 476 AD. En vérité, il y a seulement dix peuples

barbares qui correspondent aux critères historiques que nous avons indiqués et

tous sont des peuples germaniques.

Les Wisigoths ont envahi l’Italie en 401 et ont saccagé Rome en 410.

Ils ont fondée le royaume de Toulouse en Gaule, qui a duré de 416 à 507.

Après leur expulsion de la Gaule par les Francs, ils ont émigré vers la péninsule

ibérique où ils ont fondé le royaume de Tolède qui durera de 531 à 711, jusqu’à

la conquête de l’Espagne par les musulmans. Les Ostrogoths sont entrés dans

le territoire de l’Empire en 489 et ont fondé un royaume en Italie qui a duré

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jusqu’à 555. À cette date, les forces armées de l’Empire romain d’orient ont

effacé le royaume Ostrogoth de la carte de l’Europe. Les Vandales ont envahi

la Gaule en 405, ont passé en Espagne en 409 et ont initié la conquête de

l’Afrique nord-occidentale en 429, où ils ont fondé un royaume qui durera

jusqu’à 534, date de la reconquête de l’Afrique par Bélisaire, général de

l’Empire romain d’orient. Les Suèves ont envahi l’empire en 406 et sont passés

en Espagne en 409. En 411 ils fondent le royaume de Braga, dans le Nord-

Ouest de la péninsule ibérique. En 585 ce royaume est absorbé par le royaume

Wisigoth. Les Burgondes s’installent en 413 dans la gaule rhénane. En 461 ils

fondent un royaume au sud de la Gaule qui a Lyon comme capitale. Ce

royaume sera absorbé par le royaume franc en 534. Les Francs commencent la

conquête de la Gaule avec le roi Clovis à partir de 486. En 511 le royaume

franc était la première puissance de l’Europe Occidentale. Le royaume français

sera la continuation du royaume franc. Les Alamans envahissent l’empire en

406 et établissent un royaume en Alsace et dans le Palatinat qui durera jusqu’à

496. Les Lombards pénètrent en Italie en 568 et fondent le royaume de Pavie. Il

sera détruit par les armées de Charlemagne. Les Hérules fondent un royaume

en Italie à l’initiative d’Odoacre en 476, mais il sera détruit en 493 par l’action

des Ostrogoths. Finalement, les Anglo-Saxons pénètrent graduellement en

Grande Bretagne à partir de 449 et y fondent plusieurs petits royaumes que

seront unifiées seulement au IXe siècle147.

Nous avons donc dix peuples barbares germaniques qui ont détruit

l’empire romain d’occident, se sont installés dans son territoire et y ont fondé

des royaumes indépendants. Ces dix peuples se sont graduellement intégrés

aux populations de l’empire et sont ainsi à l’origine des nations de l’Europe

occidentale et centrale en existence jusque à aujourd’hui. Ainsi, ces dix peuples

barbares germaniques correspondent précisément aux « dix rois » qui les

symbolisent dans le chapitre 17 du livre de Jean. En plus, ce chiffre « dix » non

seulement à une valeur littérale, mais il acquiert aussi une valeur symbolique

(celui de la totalité du pouvoir politique européen), puisque les dix peuples

147 Pour une histoire des envasions de l’empire romain par les peuples barbares germaniques, voir : Lucien MUSSET, Les invasions – les vagues germaniques (Nouvelle Clio, nº 12), Paris : Presses Universitaires de France, 1965 ; Pierre RICHÉ, Les invasions barbares, Paris : Presses Universitaires de France, 1968 et Jean-Pierre LEGUAY, L’Europe des États barbares – Ve-VIIIe

siècles, Paris : Belin, 2002.

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barbares germaniques sont à l’origine du nombre variable de nations qui

évolueront dans l’histoire de l’Europe occidentale et centrale, depuis la chute de

l’Empire romain d’occident jusqu’à présent (sur le symbolisme du nombre dix cf.

commentaire d’Ap. 17 :12). Les « dix rois » deviennent donc le symbole

apocalyptique de la totalité des puissances politiques de l’Europe occidentale et

centrale, depuis 476 AD jusqu’à aujourd’hui.

En plus, nous remarquons que cette identification des « dix rois » avec

les dix peuples barbares germaniques, qui sont à l’origine des nations

européennes après la destruction de l’empire romain d’occident, est en plein

accord avec les repères chronologiques qui nous sont proposés par le texte

même d’Apocalypse 17. Nous avons vu que la date initiale d’action des « dix

rois » était située après la fin de l’hégémonie géopolitique de la sixième tête de

la bête, qui symbolisait l’empire romain ; c'est-à-dire, après 476 AD. Or, c’est

précisément au tour de cette date que les dix peuples barbares sont apparus et

se sont installés dans le territoire de l’empire romain d’occident. Tous les

royaumes fondés par les dix peuples barbares mentionnés par nous se sont

prolongés après 476 AD. Finalement, comme nous l’avons dit précédemment,

les dix peuples barbares sont à l‘origine des nations qui ont évolué dans

l’histoire de l’Europe occidentale et centrale jusqu’au présent. Toutes les

nations européennes d’occident ont leurs racines dans le mélange de ces dix

peuples barbares avec les populations autochtones romanisées. Ainsi, sous la

forme des nations modernes d’Europe occidentale et centrale, ils existent

encore et existeront sûrement jusqu’à l’apogée eschatologique. La date finale

de la chronologie concernant l’action des « dix rois » est donc aussi respectée.

3.1.2.4. Les « dix rois » et les « rois de la terre »

Il faut dire ici quelques mots sur une hypothèse alternative

d’interprétation historique des « dix rois ». En effet, il y a quelques exégètes qui

identifient les « dix rois » d’Apocalypse 17 avec les « rois de la terre »

d’Apocalypse 16 :14 ; 17 :2, 18 ; 18 :3, 9 et 19 :19148. Deux arguments sont

148 Deux exemples sont G. K. BEALE, The Book of Revelation, p. 878 et Pierre PRINGENT, L’Apocalypse de Saint Jean, p. 382.

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avancés pour soutenir cette identification. Premièrement, l’idée symbolique de

pouvoir universel présente dans le symbole des « dix rois » suggère que ceux-

ci sont à identifier avec les « rois de la terre », symbole, eux aussi, du pouvoir

royal universel. L’existence de cette équivalence symbolique est démontrée par

l’usage parallèle, dans le contexte de la bataille eschatologique, du symbole

des « dix rois » dans Ap. 17 :12-14 et des « rois de la terre » dans Ap. 16 :14 et

19 :19. Dans les trois textes les « rois » sont les alliés de la « bête » dans sa

bataille finale contre l’agneau. Deuxièmement, le parallèle existant à l’intérieur

même du chapitre 17 entre les « rois de la terre » (Ap. 17 :2, 18) et les « dix

rois » (Ap. 17 :12-14), paraît indiquer l’identité des deux groupes d’alliés de la

« femme ».

Cependant, ces deux arguments ne sont pas décisifs et les

arguments suivants montrent que l’identification des « dix rois » avec les « rois

de la terre » est impossible. Premièrement, les « dix rois » ne peuvent pas être

identifiés avec les « rois de la terre », puisque les premiers abandonnent leur

alliance avec « Babylone » pour devenir ses destructeurs implacables (Ap.

17 :16), mais les deuxièmes maintiennent leur relation d’alliance avec

« Babylone » jusque à la destruction de celle-ci et ils se lamentent de sa

destruction (Ap. 18 :9-10). Cet argument montre aussi que le deuxième

argument en faveur de l’identification des « dix rois » avec les « rois de la

terre » n’est pas valide, puisque les « rois de la terre », qui « se sont

prostitués » avec « Babylone » (Ap. 17 :2 et 18 :3), non seulement ne sont pas

responsables de la destruction de « Babylone », mais regrettent même sa

destruction (Ap. 18 :9-10). Ainsi, on ne peut pas établir une identification des

« rois de la terre » d’Ap. 17 :2, 18 avec les « dix rois » d’Ap. 17 :12-14.

Deuxièmement, les « dix rois » ne peuvent pas être identifiés avec les « rois de

la terre », parce que les « dix rois » appartiennent à la bête d’Ap. 13 et 17 alors

que clairement les « rois de la terre » ne lui appartiennent pas. En effet, en tant

que « cornes » de la bête, les « dix rois » ont avec la bête un rapport organique

étroit, ils sont intégrés dans la bête. Ainsi, quand la bête est nommée, ils sont

aussi implicitement mentionnés. Les « rois de la terre » d’Ap. 16 :14 ne sont

donc pas identiques aux « dix rois » d’Ap. 17:12, puisque les premiers sont

convoqués par la bête à la bataille d’Armageddon (Ap. 16 :13-14), et donc n’en

font pas partie intégrante tandis que les « dix rois » font partie de la bête elle-

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121

même en tant qu’organisation politique (Ap. 17 :3, 7) et sont donc implicitement

présents à la bataille par leur présence même dans le corps de la bête. Cet

argument est aussi valide pour interpréter la mention des « rois de la terre »

dans Ap. 19 :19. Ces « rois de la terre » sont là à côté de la bête, mais ne lui

appartiennent pas, au contraire des « dix rois » qui font partie de la bête et qui

sont implicitement mentionnés comme présents à la bataille par la mention de

la bête elle-même. Cet argument détruit le premier argument présenté en

faveur de l’identification des « dix rois » avec les « rois de la terre », puisque il

montre que le parallélisme entre Ap. 17 :12-14 d’une part et Ap. 16 :14 et 19 :19

d’autre part n’est pas aussi décisif qu’il le paraît. En effet, les « dix rois » sont

effectivement présents dans Ap. 16 :14 et Ap. 19 :19 autant que dans Ap.

17 :12-14, dans le mesure où ils sont implicitement nommés dans Ap. 16 :14 et

19 :19 quand la bête est explicitement nommée. Troisièmement, si les « dix

rois » étaient simplement identifiables avec les « rois de la terre », dire qu’ils

n’ont pas encore reçu l’autorité, mais qu’ils recevront le pouvoir avec la bête

pendant « une heure » à la fin des temps (Ap. 17 :12) n’a aucun sens, puisque

cette affirmation impliquerait que les « rois de la terre » entière acquièrent leur

pouvoir et leur autorité seulement au temps de la fin et que la terre était donc

sans gouvernement jusqu’au temps du combat eschatologique.

Quatrièmement, si on interprète le symbole de la bête d’Apocalypse 17 avec

ses « dix cornes » à la lumière de Daniel 7, chose à faire nécessairement, on

voit bien que les « dix cornes » ou « dix rois » symbolisent les peuples barbares

germaniques qui ont divisé l’empire romain d’occident et qui sont à l’origine de

l’Europe des nations. Ils ne sont donc pas tous les « rois de la terre ». Après la

considération de ces quatre arguments, il ne nous semble pas étrange que

plusieurs exégètes soutiennent explicitement que les « dix rois » ne sont pas à

identifier avec les « rois de la terre »149. Nous, comme eux, pensons qu’une

telle identification est effectivement à rejeter.

149 David E. AUNE, Revelation 17-22, p. 957 ; Robert H. MOUNCE, The Book of Revelation, p. 317 ; Martin KIDDLE, The Revelation of St. John, p. 352 ; John SWEET, Revelation, pp. 253, 262, 263 ; Elisabeth Schüssler FIORENZA, Revelation – Vision of a Just World, Minneapolis, MN: Augsburg Fortress Press, 1991, p. 98 ;

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122

3.2. La huitième tête de la bête écarlate et les dix rois

Après avoir identifié historiquement les « dix rois » comme étant,

premièrement, les dix peuples barbares germaniques qui ont envahi l’empire

romain et, deuxièmement, les nations d’Europe occidentale et centrale qui ont

surgit comme conséquence de l’intégration des dix peuples germaniques à

l’ancien Empire romain d’occident, nous passons à la compréhension du rôle

des « dix rois » dans le scénario eschatologique dessiné par le chapitre 17 de

l’Apocalypse. Effectivement, les « dix rois » auront un rôle particulièrement

important au temps de la fin. Mais pour comprendre le rôle des « dix rois » - les

nations d’Europe occidentale et centrale – au temps de la fin, il faut que nous

comprenions bien le rapport existant entre les « dix rois » et la bête écarlate

dans le scénario eschatologique. A cet effet, nous devons comprendre

préalablement les phases ontologiques de la bête, notamment sa phase

dernière sous l’égide du « huitième [roi] » ou de la huitième tête.

3.2.1. Le parcours ontologique de la bête, l’huitième roi et les dix rois

Nous avons déjà vu que la bête a trois phases dans son parcours

ontologique décrit dans la formule des versets 8a, 8b et 11a du chapitre 17. Elle

« était », elle « n’est pas » et elle «sera présente » à la fin des temps sous la

forme d’un « huitième [roi] ».

La bête « était » dans l’ère historique, pendant laquelle se sont

manifestées successivement ses sept têtes. Il faut dire ici que les « dix rois »

apparaissent dans l’histoire précisément avec la septième tête de la bête. Nous

pouvons déduire cette constatation du fait que les « dix rois » ne sont

mentionnés en relation avec aucune des premières six têtes de la bête et du fait

qu’ils étaient encore des entités à venir au temps de Jean (Ap. 17 :12), qui était

contemporain de la sixième tête. Ils appartiennent donc à la septième tête,

puisque seule la septième tête était encore à venir pour Jean (Ap. 17 :10). Or,

nous avons vu que la septième tête est le symbole du Saint-Empire romain

germanique. Les « dix rois » - les dix peuples barbares germaniques qui sont à

l’origine des nations d’Europe occidentale qui existent encore aujourd’hui - sont

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donc contemporains du Saint-Empire romain symbolisé par la septième tête,

succédant avec lui à la sixième tête qui symbolisait l’empire romain. Le Saint-

Empire romain a existé jusqu’en 1806, date où lui aussi est « tombé ».

Avec la disparition du Saint-Empire romain de la scène géopolitique en

1806, la bête est alors entrée dans sa deuxième phase ontologique. Dans cette

phase, elle « n’est pas ». Elle est dans l’ « abîme ». L’empire transnational

symbolisé par la bête et ses têtes a cessé d’être. Cette phase se situe donc à la

fin de l’ère historique, puisqu’elle a commencé avec la chute de la septième tête

ou empire – le Saint-Empire romain – en 1806 et continue jusqu’au temps

présent. Cependant, les nations de l’Europe occidentale et centrale

symbolisées par les « dix rois » ont continué à exister comme entités politiques,

même pendant la disparition de l’empire transnational.

La bête aura finalement une troisième phase ontologique. En effet, elle

« va monter de l’abîme », elle « sera présente », elle « est elle-même un

huitième [roi] » symbolisé implicitement par une huitième tête. Cette phase de

la bête sous l’égide d’une huitième tête sera sa phase eschatologique, qui aura

lieu un peu avant la parousie de l’agneau et qui se prolongera pendant un

certain temps jusqu’à sa « perdition ». La réapparition finale de la bête, avec

une pleine puissance, se fera donc par l’apparition sur la scène mondiale d’un

« huitième [roi] » ou empire possédant l’hégémonie géopolitique. Cependant, ce

« huitième » empire sera la réapparition d’un des sept empires qui sont tombés.

Ainsi, la bête aura l’apparence de mourir et de ressusciter dans l’histoire

mondiale. En effet, il faut se rappeler que la bête a vraiment seulement sept

têtes (symbolisant sept empires) et non huit têtes. Le « huitième [roi] » - qui est

implicitement symbolisé par une huitième tête - est ainsi appelé parce qu’il est

la résurrection d’une des sept têtes ou empires qui sont tombés. C’est

précisément parce qu’il est une des sept têtes ressuscitée qu’Ap. 17 :11 nous

dit que le « huitième [roi] » est, en vérité, « un des sept [rois] » ou empires

symbolisés par les sept têtes. Ainsi, de la même façon qu’une des sept têtes de

la bête du chapitre 13 reçoit une plaie mortelle et est finalement guérie, la bête

du chapitre 17 a une de ses sept têtes ressuscitée. L’apparition du « huitième

[roi] » ou empire est donc le résultat d’une résurrection.

Mais on peut se demander : quelle est la tête de la bête qui va resurgir

à la fin des temps comme « huitième [roi] » ou empire ? Nous pensons qu’il

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s’agit de la septième tête, qui symbolise le Saint-Empire romain et qui a sur elle

les « dix cornes » ou « dix rois » : les nations d’Europe occidentale et centrale

qui existent depuis 476 AD. En effet, la septième tête est spécialement

caractérisée par la présence des « dix cornes » ou « dix rois ». Or, ceux-ci sont

clairement la cause de la réapparition eschatologique de la bête sous l’égide du

« huitième [roi] » ou huitième tête. Dans Ap. 17 :12-13 il est clairement dit que

les « dix rois » recevront le pouvoir pendant « une heure » avec la bête et qu’ils

donneront « leur puissance et leur autorité » à la bête. Or, telle qu’elle est

mentionnée dans les versets 12-14, la bête se trouve clairement dans sa phase

eschatologique, sous l’égide du « huitième [roi] », puisqu’elle utilise le pouvoir

qui lui vient des « dix rois » pour s’engager dans la bataille finale contre

l’agneau (Ap. 17 :14 ; cf. Ap. 19 :19). Ainsi, Jean associe clairement les « dix

rois » - les nations d’Europe occidentale et centrale – à la dernière phase

ontologique de la bête symbolisée par le « huitième [roi] » ou la huitième tête.

La tête qui resurgit est donc la septième tête avec les dix cornes, celle qui

représente le Saint-Empire romain germanique et les nations de l’Europe

occidentale et centrale.

3.2.2. La résurrection de la bête sous l’égide du huitième roi

Nous pouvons maintenant nous poser la question : comment se fera la

résurrection eschatologique de la bête sous l’égide du « huitième [roi] » ou

empire ? La réponse se trouve dans les versets 12-14, 17 du chapitre 17. Ils

nous indiquent que les « dix rois » - les nations de l’Europe occidentale et

centrale – auront un rôle fondamental dans la réapparition de la bête dans le

temps de la fin. En effet, un peu avant la parousie de l’agneau, les « dix rois »

vont promouvoir la réapparition de la « bête » – l’empire transnational – par la

mise en route d’un processus politique international négocié. Les nations de

l’Europe occidentale et centrale – les « dix rois » - vont se mettre politiquement

d’accord – avoir « un même dessein » (Ap. 17 :13, 17, cf. le commentaire à ces

versets) – pour donner « leur puissance et leur autorité à la bête » (Ap. 17 :13).

Puisque la « bête » est le symbole de l’empire transnational, cela signifie que

les nations d’Europe iront volontairement ressusciter l’ancien empire par leur

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action politique concertée. Les nations européennes donneront donc « leur

royauté » (Ap. 17 :17) – c'est-à-dire, leur souveraineté – à une institution

politique supranationale européenne. Ainsi, elles feront revenir l’empire à

l’existence en Europe. Comme nous l’avons vu, cet empire – la « bête » sous

l’égide d’une huitième tête – sera la résurrection géopolitique de la septième

tête de la bête, le Saint-Empire romain germanique, mais avec plus d’amplitude

géographique et plus de puissance politique, économique et militaire. Il faut

remarquer que ce nouvel empire européen symbolisé par le « huitième [roi] »

sera construit et constitué par un processus d’union politique des « dix rois » (le

symbole apocalyptique des nations de l’Europe occidentale et centrale). Cette

union politique des « dix rois » qui reconstituera l’empire transnational en

Europe durera très peu de temps – « une heure » (Ap. 17 :12) – et se terminera

avec sa destruction par le retour en gloire du Christ (Ap. 17 :14).

3.2.3. Identification historique de l’huitième roi ou tête de la bête

La pleine résurrection de la « bête » - l’empire transnational – grâce aux

nations d’Europe occidentale et centrale symbolisés par les « dix rois » est

encore dans notre futur. Cependant, il est aussi envident que depuis 1957 nous

assistons, dans la politique internationale européenne, au processus d’

« intégration européenne » qui progresse vers la constitution d’une fédération

des nations de l’Europe. Ce processus, qui dure depuis plus de cinquante ans,

a jusqu’ici abouti à la constitution de l’Union européenne intégrant vingt sept

nations. L’histoire de ce processus d’ « intégration européenne » nous indique

une tendance politique très forte qui progresse inexorablement vers la

constitution d’une fédération des nations de l’Europe occidentale et centrale150.

Le projet d’union des nations de l’Europe a commencé avec la création

du Marché Commun de la Communauté Economique Européenne (CEE) en

1957 par la signature du traité de Rome. Six nations ont signé le traité : France,

150 Pour une histoire du processus d’intégration européenne, voir: François ROTH, L’invention de l’Europe – de l’Europe de Jean Monnet à l’Union européenne, Paris: Armand Colin, 2005 ; Charles ZORGBIBE, Histoire de l’Union européenne, Paris : Albin Michel/Fondation Robert Schuman, 2005 ; Marie-Thérèse BITSCH, Histoire de la construction européenne de 1945 a nous jours, [s. l.] : Editions Complexe, 1996 ; Philippe VALADE, Histoire de l’Europe – L’idée européenne de 1945 à l’élargissement à 25 membres, Paris : Éditions De Vecchi, 2004.

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126

Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg. L’objectif du traité de

Rome était de promouvoir l’union des peuples européens et de créer un espace

économique européen sans barrières. La Communauté Economique

Européenne recevait ainsi une personnalité juridique internationale. Il faut

remarquer la portée symbolique du choix de Rome comme lieu de signature du

traité. Les nations signataires du traité signifiaient ainsi que l’objectif final de la

CEE était celui de promouvoir l’unité européenne, unité qui n’avait eu une

réalité dans l’histoire européenne que pendant l’existence de l’Empire romain.

Le projet d’union représenté par la CEE a rapidement attiré d’autres pays

européens. En 1973 le Royaume-Uni, l’Irlande et la Danemark deviennent États

membres de la CEE. La Grèce adhère en 1981 et le Portugal et l’Espagne

rejoignent la CEE en 1986. Ces douze pays vont signer en 1986 l’Acte Unique.

Ce traité avait pour objectif essentiel la réalisation d’un espace européen sans

frontières internes pour permettre la libre circulation de marchandises, services,

capitaux et personnes. Le Marché commun était ainsi parachevé par la

suppression de contrôles aux frontières internes de la CEE. L’Acte Unique est

venu donner un coup de pouce à l’installation d’un vrai Marché Unique dans

l’espace politique européen.

En 1992 est signé par les douze pays de la CEE le traité de Maastricht

qui institue l’Union Européenne. Ce traité établit une union économique et

monétaire (la création d’une monnaie européenne et d’une Banque Centrale

Européenne), augmente les pouvoirs du Parlement européen (l’accent est mis

sur la démocratie représentative européenne), institue la citoyenneté

européenne (droit de vote et d’élection dans les élections européennes et

locales pour les nationaux d’un pays communautaire résidents dans un autre

pays communautaire) et met en place la PESC (Politique externe et de sécurité

commune). Ce traité consacre donc le transfert de prérogatives des États

signataires vers l’Union Européenne. Il y a ainsi un vrai transfert de

souveraineté. Apparemment, ce projet européen a augmenté l’attractivité de

l’idéal européen, puisqu’en 1995 la Suède, la Finlande et l’Autriche adhèrent

aussi à l’Union européenne. De plus, en 1995, est appliquée la Convention de

Schengen concernant la libre circulation des personnes qui renforce le contrôle

des frontières extérieures et supprime totalement les frontières intérieures entre

l’Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche,

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l’Espagne, l’Italie et le Portugal. A ces neuf pays viendront se joindre l’Islande,

la Finlande, la Norvège et la Suède en 1999. Finalement, encore en 1995, sont

crées les embryons d’une armée européenne : l’Eurocorps, force terrestre qui

rassemble cinquante mille hommes originaires de cinq pays européens,

l’Euroforce, force d’intervention rapide de dix mille hommes crée par la France,

l’Espagne et l’Italie, l’Euromarfor, force maritime et aéronavale, et le Groupe

aérien européen. Une des missions de ces quatre forces est clairement celle de

contribuer à la défense commune des Alliés européens.

En 1999 entre en vigueur le traité d’Amsterdam signé par les quinze

pays de l’Union Européenne. Ce traité est une version consolidée du traité de

Maastricht. Il prévoit diverses dispositions qui accélèrent la mécanique de

dessaisissement de la souveraineté des États membres. Ainsi, les pouvoirs du

Parlement européen sont accrus, les pouvoirs de la Cour de justice sont aussi

augmentés par l’assimilation du droit communautaire à un droit fédéral,

l’autorité du président de la Commission est renforcée et un mécanisme de

sanction politique des États membres est institué. On observe donc un nouveau

transfert de souveraineté des États vers l’Union. En 2001 est signé le Traité de

Nice par les quinze. Il établit quelques mesures de portée « fédéraliste »,

notamment la désignation du président et des membres de la Commission à la

majorité qualifiée, l’uniformisation du statut des députés européens, la création

d’un statut et d’un financement des parties politiques européens. En 2002 est

crée la zone monétaire Euro par onze pays de l’Union avec plus de trois cent

millions d’utilisateurs. L’institution de l’Euro est un pas de plus dans le transfert

des prérogatives des États vers l’Union européenne.

En 2004 l’Union européenne est élargie par l’adhésion de dix pays :

Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie,

Hongrie, Malte et Chypre. L’Union compte alors vingt cinq membres. Les chefs

d’État et de gouvernement de ces vingt cinq États membres vont signer le 29

Octobre 2004 à Rome un nouveau traité. Il s’agit du Traité constitutionnel de

l’Union européenne. Ce traité a pour but donner une personnalité juridique

internationale à l’Union européenne. Il comporte plusieurs mesures de portée

« fédéraliste », parmi lesquelles l’institution d’un Président du Conseil européen

élu à la majorité qualifiée par deux tiers des États, le renfort des pouvoirs de la

Commission européenne pour faire d’elle un vrai gouvernement européen,

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l’augmentation des pouvoirs et des compétences du Président de la

Commission destiné à devenir le Premier-ministre de l’Union. Une fois de plus,

le choix de la ville de Rome comme lieu de signature du Traité constitutionnel à

un message clair : l’Union refondée juridiquement par le traité se présente

comme un retour à l’union politique du continent européen réalisée dans

l’histoire par l’Empire romain. Malheureusement pour la classe politique

européenne, le traité a été rejeté par referendum par les peuples hollandais et

français. Le processus de ratification du traité a donc été arrêté. Pour sortir de

l’impasse politique et institutionnelle, les chefs d’état et de gouvernement des

pays de l’Union ont signé à Lisbonne un nouveau traité qui reprend les

principales propositions du traité constitutionnel. Ce traité de Lisbonne a été

déjà ratifié par les vingt sept États membres (puisque la Bulgarie et la Romanie

ont adhéré à l’Union des vingt cinq en 2007).

Cette brève histoire du processus d’« intégration européenne » nous

montre que les vingt sept États qui composent l’Union Européenne se dirigent

progressivement vers la création d’un État fédéral en Europe. Les transferts de

souveraineté des États vers l’Union se sont réalisés progressivement avec

chaque nouveau traité. La ratification du traité de Lisbonne par l’ensemble des

vingt sept États signifiera la création d’une Union Européenne fort qui sera

proche, par sa nature, d’un État fédéral en Europe. Selon notre interprétation de

la prophétie d’Apocalypse 17, le processus d’ « intégration européenne » mené

par les États européens aboutira effectivement, tôt ou tard, à la création d’un

État fédéral européen. Cet État fédéral apparaîtra comme la résurrection de la

« bête » sous l’égide de l’« huitième [roi] » ou huitième tête par l’action politique

concerté des « dix rois ».

3.2.4. « Babylone » et la bête sous l’égide de l’huitième roi

Il faut encore dire quelques mots concernant le rôle de la prostituée

« Babylone » (Rome papale) dans la résurrection eschatologique de la « bête »

(l’empire transnational) promue par les « dix rois » (les nations de l’Europe

occidentale et centrale). Le pouvoir de Rome, soit sous sa forme païenne, soit

sous sa forme papale, a toujours été associé au pouvoir politique et militaire de

l’empire transnational symbolisée par la « bête ». Rome contrôlait politiquement

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l’empire. Avec la disparition de l’empire – la phase de non-être de la « bête »

dans l’abîme après la disparition de la septième tête (le Saint-Empire romain

germanique) - la Rome papale a perdu la possibilité de mettre l’État impérial au

service de ses objectifs politico-religieux. Ainsi, avec la disparition de l’empire,

la Rome papale a vu disparaître l’instrument politique le plus puissant qu’elle

possédait dans l’arène politique européenne. Cependant, la prévision

prophétique d’une renaissance de l’empire transnational en Europe – la

réapparition de la « bête » sous l’égide d’un « huitième [roi] » – sous la forme

d’un État fédéral européen implique que la Rome papale ait une fois de plus à

sa disposition un instrument politique et militaire. Avec la renaissance de la

« bête », il y aura aussi une renaissance du pouvoir politique et militaire de la

prostituée « Babylone ». En effet, la prophétie d’Apocalypse 17 implique que la

renaissance eschatologique de la « bête » - l’empire transnational - conduira à

une renaissance du pouvoir politique de « Babylone » - Rome papale – dans

l’espace européen, parce que la « bête » a été et est toujours au service de

« Babylone ». Ainsi, la bête sera au service de « Babylone » - Rome papale -

dans sa phase eschatologique comme elle l’a été dans sa phase historique.

Or, l’influence de la Rome papale dans le développement du processus

d’ « intégration européenne » est discrète mais irréfutable. Cette influence se

fait sentir par l’intermédiaire des politiciens européens catholiques. Il faut se

rappeler que les « pères » du projet européen, Robert Schuman et Jean

Monnet, était des catholiques engagés. Après eux, l’influence discrète des

politiciens catholiques membres des parties démocrates-chrétiens à été

cruciale pour la progression de l’« intégration européenne » vers la création

d’une Europe fédérale. Avec la sympathie du Vatican, la famille politique

démocrate-chrétienne européenne a été de loin la plus favorable au projet

européen d’un État fédéral. L’influence des partis démocrates-chrétiens s’est

manifestée de deux façons. Premièrement, les démocrates-chrétiens présents

dans les gouvernements des divers États membres ont toujours cherché à faire

avancer le projet européen. Deuxièmement, les démocrates-chrétiens présents

dans les institutions européennes, notamment dans le Parlement européen et

dans la Commission, ont aussi utilisé leur influence dans le sens du

développement du projet européen. La fondation en 1976 du Parti Populaire

Européen, qui associe les partis démocrates-chrétiens européens représentés

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dans le Parlement européen, marque un moment important dans l’histoire de la

construction européenne. Il faut dire que, dans le Parlement européen qui est

sorti des élections de 2004, le Parti Populaire Européen était la plus grande

force politique, avec deux cents soixante douze députés. Après l’élection pour

le parlement européen de 2009, le Parti Populaire Européen est vu sa position

dominante maintenue, puisque deux cents soixante sept sièges sur les sept

cents trente six sièges du parlement sont occupées par des députés

appartenant au PPE. Mais l’influence des démocrates-chrétiens se fait aussi

sentir dans la Commission européenne conduite par Durão Barroso. En effet,

dix commissaires appartiennent au Parti Populaire Européen. Il faut encore dire

que les politiciens d’inspiration démocrate-chrétienne ont été parmi les plus

vigoureux défenseurs du traité constitutionnel de Rome et sont encore les plus

grands défenseurs du traité de Lisbonne. Finalement, il faut dire aussi que le

problème de l’adhésion de la Turquie à l’Union met en évidence l’aspect

religieux de la construction européenne, puisque le problème posé par la

Turquie est aussi un problème d’incompatibilité religieuse. La Turquie est un

pays de tradition religieuse musulmane, donc incompatible avec la tradition

chrétienne des vingt sept États membres de l’Union Européenne. Il est donc

naturel que beaucoup de politiciens européens – et parmi eux une grande

majorité des politiciens démocrates-chrétiens – rejettent la possibilité d’accueillir

la Turquie comme état membre de l’Union.

Ainsi, le fait que le projet d’« intégration européenne » vers un État

fédéral européen a été soutenu jusqu’ici principalement par les politiciens

catholiques et le fait que les politiciens catholiques, influents au niveau national

à travers les partis démocrates-chrétiens et au niveau européen à travers le

Parti Populaire Européen, sont une des forces politiques le plus influentes dans

le cadre politique européen, nous montrent qu’une prise de contrôle politique

d’un futur État fédéral européen par la Rome papale – par le moyen des partis

catholiques européens - est un scénario clairement possible.

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3.3. Interprétation du scénario eschatologique de Ap. 17 :12-14, 16-17

Après avoir interprété historiquement les symboles des « dix rois » et

de la « bête » sous l’égide du « huitième [roi] » ou tête, nous sommes en

mesure de procéder à une brève interprétation du scénario eschatologique

d’Apocalypse 17 :12-17. Cette interprétation sera aussi fondée sur l’exégèse

que nous avons préalablement réalisée de ces six versets.

Le premier élément constitutif de ce scénario eschatologique est la

création politique d’un État fédéral européen par les nations de l’Europe

occidentale et centrale. Cet État fédéral sera constitué un peu avant la parousie

du Christ et il aura une durée temporelle limitée, achevant ses jours avec le

retour de Jésus (cf. commentaire d’Ap. 17 :12-13). Il sera dominé politiquement

par les partis démocrates-chrétiens d’inspiration catholique et il sera ainsi

contrôlé indirectement par la Rome papale. Cet État fédéral européen sera

finalement au service de l’agenda politique du Vatican. Il faut dire que cette

renaissance sui generis de l’empire en Europe implique préalablement un

accord politico-théologique concernant la primauté du Pape entre Rome papale

et les Eglises orthodoxes de l’Europe orientale, puisque une bonne partie des

nations qui intègrent présentement l’Union Européenne sont de matrice

religieuse orthodoxe.

L’État fédéral européen sera naturellement une puissance économique,

politique et militaire sur la scène internationale. Son influence politique

internationale sera énorme. En effet, il comptera dans son sein les anciennes

puissances européennes – comme le Royaume-Uni, la France, l’Espagne ou le

Portugal – qui ont colonisé le monde et qui ont encore une considérable

influence politique sur les nations nées des anciennes colonies. L’influence de

la Fédération européenne sur l’Amérique Latine, sur l’Afrique et sur l’Océanie

sera très grande. Cette influence sera utilisée au service de la politique de la

Rome papale. Nous pouvons ainsi comprendre pourquoi dans Ap. 16 :13-16 la

« bête » est placée en parité de pouvoir et d’influence avec le « faux prophète »

(la bête de la terre avec les cornes d’agneau) dans la convocation de tous les

« rois de la terre » pour la bataille de l’Armageddon, la dernière bataille contre

l’Agneau. En effet, nous savons que le « faux prophète » symbolise les Etats-

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132

Unis, la superpuissance mondiale. Or, le texte d’Apocalypse 16 indique

clairement que la « bête » - la Fédération européenne contrôlée par Rome

papale - a une influence politique mondiale aussi puissante que celle des États-

Unis. Ainsi, selon le scénario eschatologique de l’Apocalypse, le monde dans

ses derniers jours comptera non seulement une superpuissance – les Etats-

Unis – mais deux. La Fédération européenne sera cette deuxième

superpuissance. Cependant, comme l’indique le texte du livre de Jean, il n’y

aura pas compétition entre ces deux superpuissances, mais concertation

d’efforts et d’influences. Les deux superpuissances seront amenées par la

Rome papale à s’aligner sur son agenda politico-religieux.

La Fédération européenne – avec son rayonnement mondial - sera

utilisée par la Rome papale pour faire la guerre au Christ. Puisque les pouvoirs

politiques terrestres ne peuvent pas atteindre le Christ qui est au ciel, il est

évident que la guerre menée contre Jésus est menée contre les disciples de

Jésus présents sur terre (cf. commentaire d’Ap. 17 :14). La bataille

d’Armageddon (cf. Ap. 16 : 13-14, 16) assumera donc probablement le

caractère d’une persécution des disciples du Christ. Cette persécution finale

menée par la Fédération européenne n’aura pas seulement lieu dans l’espace

européen, mais sera mondiale, puisque la Fédération européenne emploiera

sûrement son influence politique mondiale pour réussir l’extension des mesures

contre les disciples de Jésus partout dans le monde. La persécution s’arrêtera

seulement avec le retour en gloire du Christ.

Finalement, il y aura une volteface dans les rapports entre les États

européens et la Fédération européenne d’un côté et la Rome papale et l’Eglise

catholique de l’autre côté (cf. commentaire d’Ap. 17 :16). Les forces des nations

européennes et de la Fédération européenne sur lesquelles la Rome papale

s’appuyait pour exercer sa domination politico-religieuse mondiale vont se

retourner contre elle à la fin des temps, immédiatement avant la parousie du

Christ. La Rome papale et l’Eglise romaine qu’elle représente seront ainsi

détruites. La destruction de la Rome papale et de son Eglise par ses anciens

alliés politiques aura lieu après la guerre que ces pouvoirs mèneront contre les

disciples du Christ pendant la période de la fin. La rébellion des États

européens et de la Fédération européenne aura sûrement lieu à la suite d’un

événement qui montrera la fausseté des prétentions religieuses de la Rome

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papale. Cet événement sera peut-être l’incapacité de la coalition antichrétienne

d’éliminer les disciples du Christ de la face de la terre. La guerre menée contre

eux par la Fédération européenne sera perdue. Puisque cette guerre aura son

point culminant avec la parousie du Christ, nous pouvons croire que la

destruction de la Rome papale et de l’Eglise romaine par les nations

européennes et par la Fédération européenne en révolte aura lieu pendant les

derniers moments de l’histoire du monde, un peu avant le moment crucial de la

destruction de tous les impies par la gloire du retour de Jésus. Les forces

populaires et militaires européennes tueront ses anciens guides religieux et

livreront au feu leur palais et leurs édifices sacrés. La Rome papale et l’Eglise

romaine seront anéanties par ses propres sectateurs.

4. Conclusion

Dans ce chapitre final de notre travail nous avons procédé à une

interprétation d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17, le texte où est exposée l’activité

des « dix cornes » ou « dix rois » que nous avons choisis comme l’objet de

notre étude. Nous avons premièrement effectuée une exégèse du texte. A partir

de cette exégèse nous avons effectué une interprétation historique du symbole

des « dix rois » et du symbole de la « bête » écarlate dans sa manifestation

eschatologique. Cette interprétation historique nous a permis d’identifier avec

précision les entités historiques représentés pas les deux symboles dominants

d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17.

Nous avons vu que les « dix rois » sont, premièrement, le symbole des

dix peuples barbares germaniques qui ont détruit l’empire romain d’occident et,

deuxièmement, sont le symbole des nations de l’Europe occidentale et centrale

qui sont venues à l’existence par l’intégration des peuples barbares aux

peuples romanisés. Nous avons aussi vu que, selon la prophétie, l’activité

politique des « dix rois » - les nations de l’Europe occidentale et centrale – sera

la cause d’une résurrection du pouvoir de l’empire transnational, symbolisée par

la « bête » écarlate sous l’égide d’une huitième tête. Cela veut dire que les

nations de l’Europe vont s’unir politiquement dans une Fédération d’États

européens. Ce processus futur d’union politique fédérative européenne est déjà

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manifeste aujourd’hui dans l’élan du mouvement d’ « intégration européenne ».

Ce mouvement a abouti, à présent, à la constitution de l’Union Européenne. La

prophétie nous fait croire qu’il aboutira, dans le futur, à la constitution d’un État

fédéral européen.

Finalement, nous avons esquissé une interprétation du scénario

eschatologique prévu par Apocalypse 17 :12-14, 16-7. Cette interprétation est

nécessairement hypothétique, puisque il s’agit d’une prophétie dont la

réalisation est encore à venir. Cependant, il est clair que la proposition de cette

interprétation du scénario eschatologique prévu par le chapitre 17 de

l’Apocalypse permet d’évaluer la justesse de l’interprétation globale que nous

avons proposée concernant ses symboles. Nous saurons que notre

interprétation globale d’Apocalypse 17 est juste ou fausse précisément dans la

mesure où les événements historiques futurs viendront confirmer ou infirmer

notre interprétation du scénario eschatologique d’Apocalypse 17 : 12-14, 16-17.

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135

Conclusion

Dans notre introduction nous avons établi comme objectif de notre

essai l’identification historique précise du symbole des « dix rois » d’Ap. 17 :12-

14, 16-17 à partir d’une exégèse préalable de ces cinq versets. Cette

identification historique des « dix rois » devait nous permettre de comprendre

leur rôle dans le scénario eschatologique défini par le chapitre 17 du livre de

Jean. Cependant, pour aboutir à une interprétation historique du symbole des

« dix rois », nous avons trouvé nécessaire de procéder préalablement à une

évaluation du sens structurel du chapitre 17 dans la structure globale de

l’Apocalypse et, ensuite, de réaliser une exégèse des versets 1-11 du chapitre

17 et une interprétation historique des symboles les plus importants de ces

onze versets, ceux de la « prostituée Babylone » et de la « bête écarlate ».

C’est seulement après ces préliminaires que nous avons procédé à une

exégèse de Ap. 17 :12-14, 16-17 et à une interprétation historique du symbole

apocalyptique des « dix rois ».

Après l’interprétation d’Ap. 17 :12-14, 16-17 dans le contexte de tout le

chapitre 17, nous pouvons maintenant conclure que les « dix rois » sont le

symbole apocalyptique, premièrement, des dix nations barbares germaniques

qui ont envahi et détruit l’Empire romain d’occident autour de 476 AD et,

deuxièmement, des nations d’Europe occidentale et centrale qui sont apparues

comme résultat de la fusion de ces peuples barbares avec les peuples

autochtones romanisés. Ces nations européennes ont évolué sur différentes

configurations géographiques et étatiques dans l’histoire européenne depuis

476 jusqu’à présent. Ainsi, actuellement les « dix rois » peuvent être identifiés

aux nations de l’Europe occidentale et centrale contemporaine.

Après avoir identifié historiquement les entités symbolisées par les « dix

rois », nous avons essayé de comprendre le rôle des « dix rois » - les nations

de l’Europe occidentale et centrale - dans le scénario eschatologique dessiné

par le chapitre 17 de l’Apocalypse. Pour arriver à cet objectif, nous avons

interprété le rapport existant entre les « dix rois » et la bête écarlate dans le

scénario du temps de la fin établi par Apocalypse 17 :12-14, 16-17. Nous avons

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136

découvert que ces cinq versets indiquent que les nations de l’Europe

occidentale et centrale vont faire renaître l’Empire dans l’espace géographique

et géopolitique de l’Europe. Cette renaissance de l’Empire transnational

symbolisé par la bête dans sa manifestation eschatologique – sous la forme

d’un huitième empire – sera le résultat direct d’une alliance politique des

nations de l’Europe occidentale et centrale. Motivées par un même dessein

politique, les nations de l’Europe vont s’unir politiquement et céder une partie

de leur souveraineté pour construire un État fédéral supranational. Nous avons

vu que cette Fédération européenne n’est pas encore venue à l’existence.

Cependant, nous avons aussi vu que le processus d’« intégration

européenne », qui dure déjà depuis plus de cinquante ans, montre clairement

l’existence d’un fort élan politique parmi les nations européennes. Cet élan

politique a comme objectif final la création d’un État fédéral en Europe. Ce

processus d’ « intégration européenne » a abouti, à présent, à la constitution de

l’Union Européenne. La prophétie nous donne à penser qu’il aboutira, dans le

futur, à la constitution d’une Fédération européenne.

Nous avons vu aussi que la future Fédération européenne émergente à

la fin des temps sera contrôlée politiquement et religieusement par la Rome

papale. Le scénario eschatologique tracé par la partie finale du chapitre 17 du

livre de Jean nous indique que la Rome papale utilisera les moyens de la

Fédération européenne – avec sa puissante influence politique mondiale – pour

persécuter les disciples de Jésus. Mais, un peu avant la parousie du Christ, une

volteface aura lieu. Les pouvoirs politiques des nations européennes et de la

Fédération européenne se retourneront contre la Rome papale et contre l’Eglise

romaine et les détruiront.

Cette interprétation du scénario eschatologique d’Apocalypse 17 :12-

14, 16-17 est nécessairement hypothétique, puisque il s’agit d’une prophétie

encore non réalisée. Mais, notre proposition de cette interprétation des

événements eschatologiques prévus par ces cinq versets du chapitre 17 du

livre de Jean ouvre la possibilité d’une évaluation de la justesse de

l’interprétation globale que nous avons proposée concernant les symboles et

les événements du chapitre 17. Nous saurons que notre interprétation

d’Apocalypse 17 est correcte ou non dans la mesure où les événements

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137

historiques futurs viendront confirmer ou infirmer notre interprétation du

scénario eschatologique d’Apocalypse 17 : 12-14, 16-17.

Si nous interprétons correctement Apocalypse 17 :12-14, 16-17, alors

les contours du scénario eschatologique qui est habituellement présenté par les

auteurs adventistes doivent être partiellement révisés. En effet, le rôle de

protagoniste géopolitique unique attribué aux Etats-Unis d’Amérique dans les

temps de la fin est le résultat d’une interprétation partielle des prophéties de

Daniel et d’Apocalypse. Le chapitre 17 du livre de Jean – comme d’ailleurs les

chapitres 2 et 7 du livre de Daniel – nous montrent clairement que les nations

de l’Europe occidentale et centrale auront un rôle aussi important que les États-

Unis dans le déroulement du scénario eschatologique. La Fédération

européenne qui sera née de l’unité de dessein politique des nations de l’Europe

aura, elle aussi, une influence considérable dans les événements qui

conduiront à Armageddon. Cette bataille finale entre les pouvoirs politiques de

toute la terre et Jésus, l’Agneau, ne sera pas seulement conduite par les Etats-

Unis. Les puissances européennes fédérées auront aussi un important mot à

dire.

Ainsi, la future émergence politique d’un État fédéral européen apparaît

comme un signe de plus de la progression de l’histoire de ce monde vers le

temps de la fin et vers la parousie de Jésus. Lorsque la Fédération européenne

apparaitra dans la scène géopolitique mondiale, nous saurons que les

événements finals commencent et que la venue de notre Seigneur est proche.

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138

Annexe 1

Fondements de la méthode historiciste

L’histoire de l’herméneutique de l’Apocalypse depuis le première siècle

révèle l’emploi de quatre méthodes d’interprétation différentes. Ces différentes

méthodes sont essentiellement caractérisées par la perspective temporelle

différente qu’ils adoptent comme point de départ pour l’étude de l’œuvre de

Jean. La méthode préteriste soutient la thèse que l’Apocalypse s’adresse

principalement à la situation des chrétiens d’Asie au premier siècle et, ainsi, elle

attribue l’accomplissement du message du livre exclusivement à cette époque

de l’histoire de l’Eglise. La méthode futuriste est fondée sur la croyance que

l’Apocalypse s’adresse aux chrétiens de la dernière génération, dans la mesure

où il est une prophétie d’événements qui auront lieu immédiatement avant et

après la parousie du Christ. La méthode idéaliste s’appuie sur l’idée

fondamentale que le message de l’Apocalypse est atemporel et non-historique,

dans la mesure où ses symboles ne font aucune référence à des événements

historiques et sont simplement destinés à décrire la lutte intemporelle entre le

Bien et le Mal. Finalement, la méthode historiciste est fondée sur la thèse que

l’Apocalypse nous donne une vraie description prophétique du déroulement de

l’histoire de l’Eglise, du temps de Jean jusqu’au temps de la fin151.

151 Pour une discussion élargie concernant les quatre écoles méthodologiques voir : Desmond FORD, Crisis ! A Commentary on the Book of Revelation, 2 vols, Newcastle, CA : Desmond Ford, 1982, vol. I : A Hermeneutic for Revelation, pp. 134-165 ; Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ – Commentary on the Book of Revelation, Berrien Spring, MI: Andrews University Press, 2002, pp. 9-12 ; Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation – Hermeneutical Guidelines, With Brief Introduction to Literary Analysis, 2nd ed., Naples, FL: Ann Arbor, 1979, pp. 11-16 ; Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation – Essays on Apocalyptic Interpretation, Worthington, OH : Ann Arbor, 1978 (1st ed. 1975), pp. 44-45 ; Jon PAULIEN, The Deep Things of God – An Insider’s Guide to the Book of Revelation, Hagerstown, MD: Review and Herald, 2004, pp. 28-29 ; Grant R. OSBORNE, Revelation (Baker Exegetical Commentary on the New Testament), Grand Rapids, Mich.: Baker Academic, 2008 (1st ed. 2002), pp. 18-22; Alfred-Felix VAUCHER, Les prophéties apocalyptiques et leur interpretation, Collonges-sous-Salève: Fides/Commission Advent Sources and Defense, 1972, pp. 33-37; Stanislas GIET, « Les raisons d’une interprétation nouvelle » in : Stanislas Giet, L’Apocalypse et l’histoire - étude historique sur l’Apocalypse Johannique, Paris : Presses Universitaires de France, 1957, pp. 212-122.

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139

Pour notre étude d’Apocalypse 17 nous adopterons la méthode

historiciste. Nous commencerons donc cette réflexion sur l’herméneutique de

l’Apocalypse par une définition et une discussion des principes fondamentaux

de l’historicisme. Ensuite, nous essaierons de donner les raisons qui justifient la

supériorité herméneutique de l’historicisme dans l’étude de l’Apocalypse.

1. Définition d’« Historicisme »

On peut définir l’historicisme comme étant l’approche herméneutique

qui interprète l’apocalyptique historique en tant que prophétie destinée, par son

auteur, à révéler une information concernant des événements historiques réels

qui ont cours dans le temps situé entre l’époque de vie de l’auteur et les temps

de la fin152.

L’historicisme est donc une méthode destinée à être appliquée à un

certain type d’ouvrages apocalyptiques, les apocalypses historiques. On exclut

ainsi, par exemple, les apocalypses mystiques, où est décrit le voyage spirituel

de l’auteur dans les régions célestes. À l’intérieur même d’un seul ouvrage

apocalyptique, comme l’Apocalypse, on peut avoir des sections d’apocalyptique

historique (e. g. Ap 12) et des sections d’apocalyptique mystique (e .g. Ap 4).

C’est à l’interprète de montrer que la section qu’il analyse est de type

apocalyptique historique, c’est-à-dire qu’elle est destinée à prophétiser sur le

cours de l’histoire jusqu’à la fin des temps. C’est à ces sections qu’on doit

appliquer l’approche historiciste153. En plus, la méthode historiciste essaye de

152 Reimar VETNE, « A Definition and Short History of Historicism as a Method for Interpreting Daniel and Revelation », Journal of the Adventist Theological Society, 14(2), 2003, p. 7. L’école historiciste se divise en deux factions. La première faction comprend les historicistes qui ont une compréhension continuelle de la ligne temporelle-structurelle de l’Apocalypse. Ils voient les événements prophétisés dans les sceaux, les trompettes, les plaies, etc., comme étant successives dans le temps historique. La deuxième faction comprend les historicistes qui ont une compréhension récapitulationiste de la ligne temporelle-structurelle du livre de Jean. Ils voient les églises, les sceaux, les trompettes, etc., comme des séries historiques parallèles prophétisant des événements historiques pendant la dispensation chrétienne. Les exégètes adventistes appartiennent normalement à ce dernier groupe. Cf. Kenneth A. STRAND, Interpreting the Book of Revelation, pp. 12-13. 153 Jon PAULIEN à définit les caractéristiques qu’un passage apocalyptique doit posséder pour être considéré comme de l’apocalyptique historique. Elles sont quatre : (1) la présence de marqueurs textuels de séquence temporelle, (2) une séquence consistante de symboles et d’explications, (3) une ample succession d’événements qui commence dans le temps du visionnaire et se termine à la fin des temps, et (4) des parallèles avec des textes antérieures d’apocalyptique historique. Cf. Jon PAULIEN, « The End of Historicism ? Reflections on the

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découvrir l’intention signifiante de l’auteur du texte apocalyptique historique,

montrant que celui-ci avait l’intention de prophétiser sur l’histoire future. Il s’agit,

aussi, d’interpréter objectivement le texte, sans tomber dans une projection

subjective, qui nous conduirait à des interprétations fantaisistes sur son

prétendu accomplissement historique. Ainsi, si on peut prouver que l’auteur

d’un certain texte apocalyptique avait l’intention de décrire prophétiquement des

événements que devraient survenir dans la période de temps comprise entre la

date de rédaction de l’œuvre et le temps de la fin, alors l’approche historiciste

est l’approche herméneutique à retenir154.

L’approche historiciste du livre de l’Apocalypse a été jusqu’à présente

celle adoptée par les exégètes adventistes. Ces exégètes se placent ainsi dans

une longue lignée d’interprètes, qui commence avec les Pères de l’Eglise et qui

se termine dans la dernière moitié du XIXe siècle155. Ces interprètes

considèrent la méthode historiciste comme une approche herméneutique totale

à appliquer aux ouvrages apocalyptiques de la Bible, qui exclut tout compromis

avec les autres approches méthodologiques. Ainsi, choisir d’appliquer la

méthode historiciste implique de refuser les approches préteriste, futuriste ou

idéaliste156. Mais le refus, par l’interprète historiciste, des conclusions

interprétatives des autres approches n’implique pas le rejet total des

perspectives temporelles qu’elles utilisent. En vérité, la perspective temporelle

historiciste implique et inclut nécessairement les périodes temporelles du

prétérisme (la période proche de l’auteur et des premiers destinataires de

l’ouvrage apocalyptique) et du futurisme (la période des événements

eschatologiques)157. Ainsi, quand un interprète historiciste a devant soi un

Adventist Approach to Biblical Apocalyptic – Part Two », Journal of the Adventist Theological Society, 17(1), 2006, pp. 186, 193. 154 Reimar VETNE, « A Definition and Short History of Historicism as a Method for Interpreting Daniel and Revelation », pp. 7-9. 155 Pour une histoire de l’application de la méthode historiciste aux deux ouvrages apocalyptiques de la Bible (Daniel et Apocalypse), voir Reimar VETNE, « A Definition and Short History of Historicism as a Method for Interpreting Daniel and Revelation », pp. 9-14 ; Hans HEINZ, « Les écoles d’interprétation prophétique », in : Conférence Générale des Adventistes du Septième Jour, Prophétie et eschatologie, 2 vols, Berne : Institut pour la Recherche Biblique de la Conférence Générale, 1982, vol. 1, pp. 32-65 et surtout Leroy Edwin FROOM, The Prophetic Faith of Our Fathers – The Historical Development of Prophetic Interpretation, 4 vols, Washington, D.C. : Review and Herald, 1946-54, passim. 156 Voir, par exemple, William H. SHEA, « Historicism, the Best Way to Interpret Prophecy », Adventists Affirm, 17(1), 2003, pp. 22, 23, 24. 157 C’est ce qu’a aussi bien vu Reimar VETNE, « A Definition and Short History of Historicism as a Method for Interpreting Daniel and Revelation », p. 3.

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passage de l’Apocalypse qui commence par faire référence à des événements

du temps de son auteur ou qui se termine par des événements

eschatologiques, l’interprétation de ce passage ne sort pas vraiment des limites

temporelles incluses dans l’approche historiciste et est aussi passible d’une

interprétation historiciste.

La position herméneutique nouvelle apparue chez quelques exégètes

adventistes contemporains est fondée donc sur une équivoque. Effectivement,

des auteurs adventistes comme Ranko Stefanovic et Jon Paulien ont soutenu la

nécessité d’avoir une approche herméneutique plus souple. Ils argumentent

que la méthode historiciste n’est pas adéquate pour l’interprétation de toutes les

sections de l’Apocalypse. Ainsi, l’interprétation du livre de Jean ne doit favoriser

aucune des approches herméneutiques traditionnelles. Si la section qu’on

étudie est temporellement située dans l’époque de Jean et de ses lecteurs, on

doit appliquer l’approche préteriste ou idéaliste ; si elle discute des temps

eschatologiques, on doit recourir à une approche futuriste. De toute façon, pour

appliquer la méthode historiciste, on doit démontrer préalablement, par des

preuves solides, qu’un passage apocalyptique fait référence à des événements

qui se dérouleront à travers l’histoire158. Mais, cette position nouvelle est fondée

sur l’incompréhension du fait – mentionné avant - que la perspective temporelle

de la méthode historiciste inclut les perspectives temporelles des autres

méthodes (sans inclure nécessairement leurs conclusions interprétatives). Il

n’est donc pas nécessaire d’adopter la position préteriste pour interpréter un

passage d’Apocalypse qui implique une référence au temps de l’auteur,

puisque cette période temporelle est aussi incluse dans la perspective

temporelle historiciste. De même, l’interprétation d’un passage qui implique une

référence au temps de la fin n’exige pas qu’on change l’approche historiciste en

faveur de l’approche futuriste. La perspective temporelle de la méthode

historiciste inclut les perspectives temporelles du prétérisme et du futurisme.

158 Ranko STEFANOVIC, Revelation of Jesus Christ, pp. 11-12 ; Jon PAULIEN, « The End of Historicism? Reflections on the Adventist Approach to Biblical Apocalyptic – Part One », Journal of the Adventist Theological Society, 14(2), 2003, pp. 17, 20, 28-29, 32-33, 37-38 ; Jon PAULIEN, « The End of Historicism ? … – Part Two », pp. 181-182 ; Jon PAULIEN, The Deep Things of God,, p. 30. Apparemment Reimar VETNE, « A Definition and Short History of Historicism as a Method for Interpreting Daniel and Revelation », p. 7, partage la même position.

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2. Justification de la méthode historiciste

L’emploi de la méthode historiciste pour l’interprétation des livres

apocalyptiques de la Bible est justifié par trois arguments distincts qui se

renforcent mutuellement. Ces arguments sont (1) la perspective historique de

l’apocalyptique biblique, (2) l’emploi de temps symbolique dans l’apocalyptique

biblique et (3) la simplicité de la méthode historiciste.

2.1. La perspective historique de l’apocalyptique biblique

La structure même des livres de Daniel et d’Apocalypse est organisée

selon une perspective historique intrinsèque et continuelle. Si on regarde les

chapitres 2 et 7-12 de Daniel on comprend rapidement qu’ils représentent

symboliquement une dimension historique continue, qui part de l’époque de son

auteur et se déroule jusqu’à l’époque eschatologique de l’instauration du

royaume de Dieu. Ainsi, la ligne historico-temporelle commence avec l’Empire

néo-babylonien (Dn 2 :38 ; 7 :4), suivi par une séquence de trois autres empires

(Dn 2 :39-40 ; 7 :5-7, 17) et par une période finale de division politique (Dn

2 :41-43 ; 7 :7, 24). Dans les chapitres huit à onze, il y a une répétition plus

détaillé de la même séquence historique. On observe donc dans la structure

même du livre apocalyptique de Daniel l’existence d’un processus historico-

temporel continu qui a son commencement dans l’époque de l’auteur et se

termine à la fin des temps159.

Les évidences fournis par la structure de l’Apocalypse vont dans le

même sens. Ainsi, si on considère, à titre d’exemple, la section qui commence

avec 12 :1 et se termine avec 14 :20, on remarque l’existence d’une

progression historique dans les événements symbolisés. La femme qui

représente le peuple de Dieu est présentée comme étant en train d’accoucher

le messie. Le Dragon commence par essayer de tuer l’enfant, mais celui-ci

monte au ciel pour s’asseoir à côté de Dieu. Alors, le Dragon persécute la

femme, qui fuit dans le désert et y reste pendant 1260 jours prophétiques. À la

fin de cette période, le Dragon commence à faire la guerre au reste de la 159 Kenneth A. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, pp. 24-25.

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descendance de la femme. Après, dans le chapitre 13 nous sont décrites la

bête de la mer et la bête de la terre qui sont employées par le Dragon comme

instruments dans la persécution des saints pendant quarante-deux mois

prophétiques. Finalement, la section aboutit au jugement eschatologique

symbolisé par la moisson et la vendange (Ap 14 :14-20). On observe donc dans

cette section de l’Apocalypse la présence d’un déroulement d’événements

successifs dans l’histoire du peuple de Dieu sous les attaques du Dragon. Ce

processus historique commence avec l’Eglise de Dieu qui donne naissance au

Messie, traverse toute la dispensation chrétienne et se termine avec le

jugement eschatologique160. Mais la présence d’un processus historico-

temporel progressif inhérent à la structure de l’Apocalypse n’est pas réservée à

la section qu’on vient d’analyser. En effet, dans la partie historique du livre de

Jean (qui va jusqu’au chapitre 14) on observe que plusieurs séries (comme

celles des sceaux, des trompettes, etc.) montrent l’existence intrinsèque d’une

progression historico-temporelle qui s’achève dans un climax eschatologique.

Les sceaux sont ouverts successivement et les trompettes sont sonnées

successivement. Ainsi, en plus de découvrir le phénomène de récapitulation

présent dans ces sections de l’Apocalypse, on découvre aussi qu’elles sont

structurées sur une dimension historique séquentielle qui commence avec

l’époque de Jean et se termine avec le retour du Christ161.

L’existence d’un processus historico-temporel continu dans la structure

même des livres apocalyptiques de la Bible nous indique donc naturellement

que la méthode la plus adéquate pour interpréter ces livres est la méthode

historiciste162. En effet, c’est celle-ci seule qui relève l’existence d’une telle ligne

historico-temporelle continuelle dans son processus interprétatif. Le prétérisme 160 Pour une discussion détaillée de la présence d’une perspective historico-temporelle continuelle dans le chapitre 12 d’Apocalypse, on peut voir Jon PAULIEN, « The End of Historicisme ? … - Part Two », pp. 193-206 et Jon PAULIEN, « The hermeneutics of Biblical Apocalyptic », in: George W. Reid (ed.), Understanding Scripture – An Adventist Approach, Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-day Adventists, 2005, pp. 261-266. 161 Kenneth S. STRAND, « Foundational Principles of Interpretation » in: Frank B. Holbrook (ed.), Symposium on Revelation – Book 1 – Introductory and Exegetical Studies (Daniel and Revelation Committee Series, vol. 6), Silver Spring, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 2000 (1st ed., 1992), p. 17; Kenneth S. STRAND, Perspectives in the Book of Revelation, pp. 27-28. 162 Selon Jon PAULIEN, l’existence d’une séquence historico-temporelle commençant dans le temps du visionnaire et s’arrêtant à la fin des temps est une des quatre caractéristiques qui définissent l’essence même de l’apocalyptique historique, à interpréter nécessairement par la méthode historiciste. Cf. Jon PAULIEN, « The End of Historicism ? … - Part Two », p. 186.

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144

et le futurisme ignorent ce phénomène historico-temporel dans leurs approches

herméneutiques respectives163.

2.2. L’emploi de temps symbolique dans l’apocalyptique biblique

Les textes apocalyptiques de Daniel et de l’Apocalypse mentionnent

des périodes de temps prophétique. La question se pose : comment interpréter

ces périodes temporelles ? Les adeptes de la méthode préteriste et de la

méthode futuriste interprètent littéralement ces périodes de temps (placés dans

le passé ou dans le futur), considérant qu’il s’agit de temps historique. Les

interprètes historicistes considèrent ces périodes de temps comme

symboliques, représentent des périodes de temps historique plus long. Or, une

analyse attentive du contexte des passages qui mentionnent des périodes de

temps prophétique vient donner raison à l’interprétation historiciste. En effet,

ces mentions de temps prophétique sont présentes dans des contextes truffés

de symboles. Par exemple, on découvre une série de bêtes symbolisant des

empires dans Daniel 7, et après il nous est dit que la petite corne de la

quatrième bête persécutera les saints pendant trois temps et demi (Dn 7 :25).

Si les bêtes et la corne sont symboliques, comme tous les interprètes le

reconnaissent, alors le temps dans lequel ces entités symboliques agissent doit

aussi être symbolique. Considérer ce temps comme littéral est une violation de

son évident contexte symbolique. Ce raisonnement est aussi valable pour les

périodes de temps prophétique présentes dans des passages hautement

symboliques de l’Apocalypse (e. g. Ap 12 :6, 14 ; 13 :5).

Un autre indice qui tend à montrer que le temps apocalyptique est

symbolique se trouve dans le fait qu’il est énoncé avec des unités numériques

symboliques. Par exemple, les « soirs et matins » de Daniel 8 :14 ne sont pas

des unités temporelles communes dans le monde de l’Ancien Testament.

Aucun juif ne parlerait usuellement de 2300 « soirs et matins » pour se référer à

six ans et quatre mois de temps littéral. Dans l’Apocalypse, on constate aussi

l’emploi d’unités numériques symboliques, non utilisées dans le quotidien du

monde grec du temps de Jean, comme « un temps, des temps et la moitié d’un

temps » (Ap 12 :14).

163 Kenneth S. STRAND, « Foundational Principles of Interpretation », p. 18.

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La nature symbolique du temps prophétique exige qu’il soit décodé par

une l’utilisation du principe historiciste « un jour pour une année » (Nb 14 :34 ;

Ez 4 :5-6). Le livre de Daniel lui-même indique qu’il faut appliquer ce principe

d’interprétation du temps prophétique parce que celui-ci est symbolique. Dans

son chapitre 8, nous avons les 2300 soirs et matins qui couvrent le temps

historique des rois perses, gréco-macédoniens et de leurs successeurs. Dans

le chapitre 11, qui est l’interprétation du chapitre 8, nous remarquons que les

mêmes rois agissent dans l’histoire selon les unités temporelles usuels

d’ « années » (Dn 11 :6, 8, 13). Ainsi, les symboles du bélier et du bouc dans le

chapitre 8 sont interprétés comme représentant les rois des royaumes perse et

gréco-macédonien dans le chapitre 11, et les « soirs et matins » du chapitre 8

sont interprétés comme représentant les « années » du chapitre 11. Le texte

même de Daniel nous indique donc le principe « un jour pour une année »

comme la clé des temps prophétiques de l’apocalyptique biblique, précisant

ainsi que ce temps est symbolique. La méthode historiciste – qui voit le temps

apocalyptique comme symbolique - est donc la méthode plus adéquate pour

l’interprétation de Daniel et de l’Apocalypse164.

2.3. La simplicité de la méthode historiciste

Une comparaison entre la méthode historiciste et les méthodes

préteriste et futuriste nous montre que l’approche de la méthode historiciste est

la plus simple et la plus facile à défendre. On peut constater la supérieure

simplicité de la méthode historiciste dans sa stratégie d’interprétation du livre

apocalyptique de Daniel. Les interprètes historicistes commencent par

interpréter le chapitre 2. Après l’identification des empires dans Dn 2, ils

interprètent aussi le chapitre 7, qui leur donne plus d’informations sur les

mêmes empires. Ensuite, les historicistes passent à l’interprétation du chapitre

8 et finalement ils interprètent le chapitre 11 avec ses multiples rois du nord et

164 William H. SHEA, « Historicism, the Best Way to Interpret Prophecy », Adventists Affirm, 17(1), 2003, pp. 28-29 ; pour une présentation plus développée de cette ligne d’argumentation voir William H. SHEA, « Year-Day Principle – Part 1 », in: William H. Shea, Selected Studies on Prophetic Interpretation (Daniel & Revelation Committee Series, vol. 1), rev. ed., Silver Springs, MD: Biblical Research Institute of the General Conference of Seventh-Day Adventists, 1992, pp. 73-78.

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du sud. Cette stratégie d’interprétation est la plus logique et la plus simple,

puisque les chapitres initiaux (Dn 2, 7, 8) font référence seulement à des

empires, mais Dn 11 est plus détaillé, parlant de plusieurs rois appartenant aux

empires précédemment mentionnés. Par contre, les interprètes préteristes

suivent le chemin inverse dans leur stratégie interprétative. Ils commencent

avec Dn 11, parce qu’ils pensent y trouver une référence détaillée au roi

séleucide Antiochos Epiphanes. Après, ils essaient d’interpréter les chapitres 9,

8, 7 et 2 par une projection des données sur Antiochos qu’ils ont cru trouver

dans le chapitre 11. Ainsi, leur stratégie consiste à projeter leur lecture de Dn

11 dans l’interprétation des chapitres précédents. Or, une évaluation de la

valeur méthodologique et logique des deux stratégies différentes nous indique

que la stratégie historiciste est supérieure. En effet, commencer l’interprétation

par Dn 2 (constituée par des indications plus générales sur des empires) et

terminer avec Dn 11 (avec ses nombreux détails sur des rois) est plus logique

et plus méthodique, parce qu’on doit forcément commencer par le plus général

pour arriver au plus spécifique. Si on n’est pas capable d’identifier les empires

de Dn 2 et 7, on n’est pas en position d’identifier les rois de Dn 11.

D’un autre côté, la comparaison de la méthode historiciste avec la

méthode futuriste nous montre aussi la supériorité de l’historicisme. Les

interprètes futuristes sont d’accord avec l’interprétation historiciste des

symboles du chapitre 2 et 7 de Daniel jusqu’au quatrième empire, mais après

ils insèrent une espace de temps de deux mille ans (la dispensation chrétienne)

entre le quatrième empire et le royaume divisée des dix orteils ou des dix

cornes. En effet, ils croient que ces derniers symboles représentent le royaume

du futur Antéchrist qui se manifestera à la fin des temps. Cependant, les

symboles de Dn 2 et 7 ne laissent pas aucune place pour cette espace de deux

mille ans qui vient interrompre la continuité symbolique de ses images. On doit

donc rejeter cet espace temporel indéfini comme incompatible avec une saine

interprétation des symboles de Daniel. La stratégie d’interprétation continue de

l’historicisme est ainsi supérieure, parce que plus proche de la continuité

symbolique inhérente aux images de Dn 2 et 7165.

165 William H. SHEA, « Historicism, the Best Way to Interpret Prophecy », pp. 27-28.

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Table des matières Introduction ..................................................................................................................... 1

Chapitre 1 ........................................................................................................................ 5

Le chapitre 17 au sein de la structure globale de l’Apocalypse ............................. 5

1. Introduction ................................................................................................................. 5

2. La structure de l’Apocalypse selon Kenneth Strand ............................................ 7

2.1. Schéma de la structure de l’Apocalypse .......................................................... 13

2.2. Le chiasme dans la structure de l’Apocalypse ................................................ 15

2.2.1. Le Prologue et l’Epilogue ................................................................................. 15

2.2.2. L’Eglise militante et triomphante .................................................................... 16

2.2.3. L’œuvre de Dieu pour le salut de l’Homme .................................................. 17

2.2.4. Dieu avertit les égarés et punit les méchants .............................................. 18

2.2.5. Dieu combat et juge les forces du Mal .......................................................... 19

2.3. La récapitulation dans la structure de l’Apocalypse ....................................... 21

3. Le sens structurel d’Apocalypse 17 ...................................................................... 25

3.1. Le sens eschatologique d’Apocalypse 17 ........................................................ 25

3.2. Le chiasme structurel et Apocalypse 17 ........................................................... 28

4. Conclusion ................................................................................................................ 30

Chapitre 2 ...................................................................................................................... 32

La prostituée et la bête - Interprétation d’Apocalypse 17:1-11 ............................. 32

1. Introduction ............................................................................................................... 32

2. Exégèse d’Apocalypse 17 :1-11 ........................................................................... 33

2.1. La prostituée « Babylone » (Ap. 17:1-6) ........................................................... 33

2.1.1. Ap. 17 :1 ................................................................................................. 33

2.1.2. Ap. 17 :2 ................................................................................................. 35

2.1.3. Ap. 17 :3 ................................................................................................. 37

2.1.4. Ap. 17:4 .................................................................................................. 39

2.1.5. Ap. 17:5 .................................................................................................. 42

2.1.6. Ap. 17:6 .................................................................................................. 44

2.2. La bête écarlate aux sept têtes (Ap. 17 :7-11) ................................................ 46

2.2.1. Ap. 17 :7 ................................................................................................. 46

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2.2.2. Ap. 17 :8 ................................................................................................. 50

2.2.3. Ap. 17 :9 ................................................................................................. 55

2.2.4. Ap. 17 :10 ............................................................................................... 59

2.2.5. Ap. 17:11 ................................................................................................ 61

3. Interprétation historique d’Apocalypse 17 :1-11 ................................................. 63

3.1. La prostituée « Babylone » ................................................................................. 63

3.1.1. Caractérisation chronologique de la vision d’Ap. 17 ............................... 64

3.1.2. L’identification de « Babylone » avec la ville de Rome ........................... 67

3.1.3. « Babylone » : Rome païenne et Rome chrétienne ................................ 70

3.1.3.1. L’opposition structurelle entre la « femme » d’Ap. 17 et la « femme »

d’Ap. 12 ............................................................................................................ 71

3.1.3.2. Les traits de la description de « Babylone » comme éléments

identificateurs de la Rome impériale et de la Rome papal ............................... 75

3.2. La bête écarlate et ses sept têtes ..................................................................... 81

3.2.1. Identification historique de la bête écarlate aux sept têtes ..................... 82

3.2.1.1. L’hypothèse des sept empereurs romains ........................................... 83

3.2.1.2. L’hypothèse des sept empires ............................................................. 87

3.2.2. Le parcours ontologique de la bête et la huitième tête ........................... 96

4. Conclusion ................................................................................................................ 98

Chapitre 3 .................................................................................................................... 100

Les dix rois - Interprétation d’Apocalypse 17:12-14, 16-17................................. 100

1. Introduction ............................................................................................................. 100

2. Exégèse d’Apocalypse 17:12-14, 16-17 ............................................................ 101

2.1. Les dix rois contre l’agneau (Ap. 17 :12-14) .................................................. 101

2.1.1. Ap. 17 :12 ............................................................................................. 101

2.1.2. Ap. 17 :13 ............................................................................................. 104

2.1.3. Ap. 17 :14 ............................................................................................. 106

2.2. Les dix rois contre la prostituée (Ap. 17 :16-17) ........................................... 108

2.2.1. Ap. 17 :16 ............................................................................................. 108

2.2.2. Ap. 17:17 .............................................................................................. 110

3. Interprétation historique d’Apocalypse 17 :12-14, 16-17 ................................ 112

3.1. Les dix rois .......................................................................................................... 112

3.1.1. Repères chronologiques ....................................................................... 112

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3.1.2. Identification historique des dix rois ...................................................... 114

3.1.2.1. Les « dix rois » de Daniel 7 et d’Apocalypse 17 ................................ 114

3.1.2.2. Les « dix rois » et la chronologie interne d’Apocalypse 17 ................ 116

3.1.2.3. Les « dix rois » et les dix peuples barbares germaniques ................. 117

3.1.2.4. Les « dix rois » et les « rois de la terre » ........................................... 119

3.2. La huitième tête de la bête écarlate et les dix rois ....................................... 122

3.2.1. Le parcours ontologique de la bête, l’huitième roi et les dix rois .......... 122

3.2.2. La résurrection de la bête sous l’égide du huitième roi ........................ 124

3.2.3. Identification historique de l’huitième roi ou tête de la bête .................. 125

3.2.4. « Babylone » et la bête sous l’égide de l’huitième roi ........................... 128

3.3. Interprétation du scénario eschatologique de Ap. 17 :12-14, 16-17 .......... 131

4. Conclusion .............................................................................................................. 133

Conclusion .................................................................................................................. 135

Annexe 1 ..................................................................................................................... 138

Fondements de la méthode historiciste ................................................................. 138

1. Définition d’« Historicisme » ................................................................................ 139

2. Justification de la méthode historiciste .............................................................. 142

2.1. La perspective historique de l’apocalyptique biblique .............................. 142

2.2. L’emploi de temps symbolique dans l’apocalyptique biblique .................. 144

2.3. La simplicité de la méthode historiciste ................................................... 145

Bibliographie ............................................................................................................... 147

Table des matières .................................................................................................... 163