><
ft1Rondt Mercredi 15 Juillet 2009 France 7
Légion d'honneur: pas de « rupture» sarkozyste « Le véritable bénéficiaire de la décoration, c'est celui qui la remet », explique le chercheur Olivier Ihl
L e/ournalofficielapublié,mardi 14 juillet, la nouvelle promotion de la Légion d'hon
neUf. Cet événement est attendu avec une égale gourmandise par les loyaux serviteurs de la France et les vils esprits caustiques. Les premiers y cherchent frénétiquement leur nom et les seconds, aussi avidement, des raisons de dénigrer l'institution. L'exercice est aussi vieux que J'ordre créé par Bonaparte en 1802. _ La blaguer mais la convoiter. Quand on l'obtient, toujours dire qu'on ne ra pas demandée", assurait Gustave Flaubert, qui reçut la distinction en 1866, sous Napoléon JIJ.
Mais, Nicalas Sarkozy président, les critiques se font plus mordantes sur les mérites de certains récipiendaires. On hurle au copinage. On mégote les contributions à la culture française de Didier Barbelivienoude Michel Leeb. On s'amuse des médailles de Nicole Choubrac,
la juge qui a prononcé ledivorcedu président, ou de Jacques Séguéla, le publicitaire qui a orchestré la rencontre avec Carla Bruni. On met en doute la valeur d'Isabelle Balkany, la femme du maire de Levallois, grand ami du président.
Les détracteurs soulignent d'un doigt accusateur les décorations accordées aux invités du Fou· quet's, aréopage convié au soir de l'élection présidentielle. Seize d' entre eux ont émargé depuis dans les promotions de la Légion d'honneur. Mais il ne s'agissait souvent que d'élévation en grade: ces capi· taines d'industrie avaient déjà été distingués pas les présidents précédents, sans que cela suscite à l'é~ que de tollé ... Ainsi de Bernard Arnault, de Vincent Bolloré, de Martin Bouygues ou de Serge Dassault. Au total, seize invités étaient ce soir·là déjà en droit d'arborer une rosette. Une notable exception : Jean-Claude Decaux. Le
grand patron a refusé par deux fois la distinction car, jeune appelé, il avait intrigué pourne pas partir en Algérie et, depuis, ne s'estime pas digne de porter les insignes.
Nicolas Sarkozy attache un intérêt personnel à cette décoration. Il est déjà intervenu par deux fois dans le fonctionnement des pro· motions. Dès 2007, il a instauré la parité, afin de corriger une inégali· té flagrante : moins d'un légionnaire sur cinq est une femme. La même année, il a envoyé des consi· gnes écrites à son premier minis· tre : _le note la tropfaible représentation des personnes de rang modeste, de celles issues des minori· tés, des bénévoles du monde associatif. enfin des acteurs du secteur privé, secteur qui constitue pour· tant ressentîel de notre tissu écono· mique. If Les de.rnières promotions se sont ainsi ouvertes plus largement aux métiers de la santé et
des affaires sociales, très fémini· sés. Le président a aussi comblé un oubli flagrant en décorant Simone Veil, promue directement au grade de grand officier.
Alors , la Légion d 'honneur, «hochet sarkozyste » 7 «La personnalité du chef de l'Etat conduit à
« Nous sommes au cœur de la vanité humaine»
Un responsable de l'ordre
plus de controverses mais elles ont toujours existé, tantcetobjetapparemment inoffensifet insignifiant suscite de passion s », constate Oli· vier Ihl, directeur de l'Institut d'études politiques à Grenoble et précieux exégète des honneurs républicains. ft Nous sommes au cœur de la vanité humaine", résu· me un responsable de l'ordre.
Nicolas Sarkozy le sait :« Le véri· table bénéficiaire de la décoration, c'est celui qui la remet. C'est une façon de marquer sa supériorité, de fidéliser et de récompenser. Il s'agit aussi de créer des obligations" , comme l'explique Olivier Ih!. Si Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing professaient un cer· tain dédain pour ce cérémonial, François Mitterrand avait très vite saisi l'intérêt de cette autocongra· tulation déguisée.
Durant ses deux mandats prési· dentiels, le président socialis te a ainsi épinglé personnellement une centaine de décorations par an. Des patrons, des vedettes, des journalistes se faisaient ainsi trousser le compliment à la chai· ne. Les fidèles, honorables comme Pierre Bergé ou justiciables comme Samir Traboulsi, se retrouvèrent promus.
A mesure que la polémiqueaugmente, le nombre de légionnai res
Deux entretiens du 14-Juilletvalent mieux qu'un pour Nicolas Sarkozy
Le président de la République estde tous les fronts médiatiques. Mieux que François
Mitterrand et Jacques Chirac, qui accordaient de manière parcimo· nieuse à la presse télévisée un entretien chaque 14 juillet, Nicolas Sarkozy a inventé le double entretien: il était interrogé lundi 13 juillet sur France 5, puis mardi 14 sur France 2. Deux émis· sions censées asseoir un peu plus sa stature présidentieUe.
Invité de Michel Drucker sur France 2, le chef de l'Etat devait aborder la défense nationale, au cours d'un entretien préenregis· tré lundi, en conclusion d'une émission à la gloire des armées françaises, avant de conclure sur le Tour de France, deuxième gloi· re de luilletaprès le défilé sur les Champs-Elysées.
Sur France S, les journalistes Christian MaJar et Bernard Vaillot avaient choisi de s'intéres· ser à l'irrésistible ascension de M. Sarkozy, en truffant leur émission « A visage découvert » d'en· tretiens exclusifs avec les grands de ce monde, dictateur (Bachar Al-Assad) ou démocrates (Tony Blair, Gordon Brown, Angela Merkel) .
La machine sarkozyenne Candidat à la présidentielle,
M. Sarkozy avait dit qu 'il supprimerait les entretiens du 14 juillet, souhaitant s'exprimer uniquement lorsqu'il le jugerait opportun. parchance, faute de faire des révélations, le nouveau président a toujours quelque chose à dire. Deux ans après avoir fait défiler des soldats des vingt-sept pays de l'Union européenne, un an après le lancement en grande pompe de l'Union pour la Méditerranée
Des soldats de la brigade franco-allemande, mardi 14 juillet, avant le défilé sur les Champs-Elysées J ·C. COUTAUSSEPOUR , lE MONO[ .
(UPM), mise en sourdine pour cause de guerre à Gaza, M. Sarkozy doit compenser la modestie du format de cette année: ses « seuls » hôtes d'honneur sont le premier ministre indien, Man.mohan Singh, et le président de la République allemande, Horst Kôhler.
Cinq mille invités devaient se presser mardi midi devant les buffets de la garden-party de l'Elysée, pas peu fiers et incapables de
s'avouer qu'on s'y ennuie ferme. D'autant que cette année, nulle vedette n'est attendue, comme le fut, en 2008, Ingrid Betancourt, l'otage tout juste libérée par l'armée colombienne.
Mais, très vite, la machine sarkozyenne va se remettre à tour· ner à plein régime : mercredi, le chef de l'Etat reçoità l'Elyséedes jeunes en formation en alternance. Jeudi, il se rendra au Havre, la ville du chiraquien Antoine Rufe-
nacht, pour évoquer l'avenir des ports. Le déplacement aura du mal à faire oublier le rapport de la Cour des comptes sur les dépenses de l'Elysée, sans doute plus transparentes, certainement plus coûteuses. La semaine s'achèvera à New York avec la participation de Carla Bruni-Sarkozy au concert de célébration des 91 ans de Nelson Mandela. Mais, chut l, rien d'officiel à l'agenda. M. Sarkozy s'y rend à titre privé.
En attendant, pour maintenir le Tout·Paris en haleine, nul ne sait quand interviendra la nomi· nation d'une poignée de secrétaires d'Etat, censée compléter l'équipe Fillon. Que va-t -il advenir de Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, contraint d'abandonner son mandat de député si André Santini, chassé du gouvernement, exige de retrouver son siège? Le suspense est insupportable . •
Arnaud Leparmentier
diminue. La folie démographique avait débuté après la première guerre mondiale pour atteindre son apogée sous la IV" République, pinacle de la courtisanerie politique. En '962, la France comptait 300000 légionnaires. Le général de Gaulle décidait alors de juguler cette inflation. Aujourd'hui, les décorés de la seconde guerre mon· diale tendant à disparaître, on ne recense plus que 94000 détenteurs. Du coup, il a été décidé de remonter les contingents. En 2008,4228 personnes ont été dis· tinguées contre 3436 en 1990, avec une proportion de deux tiers de civils et un tiers de militaires.
Mais à qui faut-il remettre la précieuse croix ? Le règlement est suffisamment vague pour permet· tre les dérives. La rosette devient la consécration d'une réussite socia· le plutôt que la récompense d'un mérite ou d'une action.« La Légion d 'honneur doit·elle servir à dire que tel chanteur est populaire ou que tel entrepreneur a réussi' », interroge Olivier Ih!.
Là encore, la suspicion est ancienne. Dès 1927, en réaction à des remises de complaisance, des protestataires créèrent)' (e Associa· tion des membres de la Légion d'honneur décorés au péril de leur vie »), l' intention étant dans le nom. L'association existe tou· jours, se donne pour mission de «concourir au maintien du prestige de l'ordre» et au respect de sa devise «honneur et patrie ). Elle recense 3 500 membres. Son président, Robert Gaget, _ ne porle pasà la presse» mais les discussions internes relayent souvent le cour· roux de ces valeureux devant le galvaudage. Certains noms de la promotion du '4 juillet ne devraient pas manquerde les faire bougonner .•
Benoît Hopquin
Les promus du 14-Julllet au « Journal officiel»
L'ancien ministre de la justice, Albin Chalandon, a été élevé à la dignité de grand·croix, dans la promotion de l'ordre de la Légion d'honneur, publiée mardi 14juillet au Journal ott/ciel. La comédienne Michèle Morgan, le chef d'orchestre Georges Prêtre et l'ancienne déportée résistante Anne·Marie Krug-Basse ont été élevés au grade de grand officier. Le maire du Havre, Antoine Rufenacht, devient comman· deur. La comédienne Bernadet· te Lafont, l'académicien JeanMarie Rouart, le patron d'Axa, Henri de Castries ou le journa· liste Philippe Tesson sont devenus officiers. Sont faits chevaliers la comédienne Firmine Richard, la championne de ski Karine Oubouchet, l'ancien joueur de rugby Serge Blanco ou l'ancien député de NouvelleCalédonie Jacques Lafleur.
Top Related