L’effet MOOC,ou comment le fruit du hasard pourrait devenir un standard
Nicolas BalacheffCNRS - Laboratoire d’Informatique de [email protected]
Du MOOC au mooc,la banalisation d'un sigle Rapide rappel de ce que tout le monde répète :
2008, G. Siemens et S. Downes ouvrent un cours connectiviste sur le connectivisme, 25 étudiants présents, plus de 2200 étudiants à distance.Étonnement devant cette participation « massive »
Le sigle MOOC est forgéMassive Open Online Course / Dave Cornier /
2011, S. Thurn donne un cours en ligne d’introduction à l’intelligence artificielle, plus de 160 000 étudiants le suivent. Étonnement, création d’Udacity en 2012, d’autres suivent, des universités emblématiques emboîtent le pas
« MOOC » s’impose dans les médias
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobr 2014 2
Du MOOC au mooc,la banalisation d'un sigle Qu’il s’agisse de la mise en œuvre effective des principes du connectivisme ou de la diffusion d’un cours classique, c’est le phénomène de masse qui retient l’attention et conduit à choisir de le distinguer par une désignation particulière :
L’effet MOOC, fruit du hasard,phénomène inattendu, enchantement
La diffusion par les médias, le débat publique et l’ émergence d’un marché (un produit, une offre, une demande, un prix), imposent le substantif pour désigner un nouveau dispositif d’éducation ouverte et en ligne.
Mooc [muːk] n. m. dispositif d’apprentissage en ligne associant pleinement les réseaux sociaux dans un environnement technologique tolérant un très grand nombre d’utilisateurs -- Étymol. et Hist. 2008 Empr. à l'anglo-amér. MOOC (Dave Educational Blog, 2 octobre 2008) formé des lettres init. de Massive, Open, Online et Course dans l'expr. Massive Open Online Course.)
Proposition de définition à la manière de MacMillan dict. ou Cambridge Advanced Learners Dict.
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 3
Au-delà du « massif », le « social »L’audience massive, un qualificatif à nuancer
>2000 / significatif sur un modèle connectiviste d’implication des apprenants
>160 000 / significatif sur un modèle industriel de diffusion interactive aux apprenants
En commun Stratégie ouverte : impact, visibilité, rentabilité Socle technologique : robustesse, accessibilité,
adaptativité, adaptabilité Dynamique sociale : interactions humaines, communauté
d’intérêt, pratique ou culturel, alliances et conflits
Le cœur de l’innovation réside dans le recours aux… technologies de réseautage et fonctions associées de
partage, d’expression de préférence, de communication multi-canal
technologies de traçage, évaluation d’audience, systèmes de recommandation et de guidage
4Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014
à propos des universités
L’offre de moocs est très large : apprentissages fondamentaux (e.g statistique) formation professionnelle (e.g.
fabrication numérique) développement personnel (e.g. désir d’entreprendre
)
La cible potentielle est universelle et mondialeLes fournisseurs n’ont pas d’origine déterminéeLes modèles sous-jacents relèvent
d’une idéologie inspirée d’Ivan Illich d’une idéologie économique libérale
L’université est interpellée comme institution dominante et comme monopole
5Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014Exemples tirés de FUN
à propos des universités
Les missions universelles1. Recherche scientifique disciplinaire et
pluridisciplinaire La communauté académique est organisée pour permettre
le progrès collectif et ouvert de la connaissance, et en garantir la validité
2. Diffusion des savoirs au contact de la recherche Au-delà du texte, partage de la signification des savoirs et
des compétences associées Responsabilité d’assurer la qualité et la validité des
apprentissages
Le défi contemporain1. La « massification » du public étudiant2. Le développement économique et industriel
Universités vs Enseignement supérieur1. Différenciation des missions recherche/formation2. Différenciation des savoirs scientifiques/professionnels
6Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014
le connectivisme, oui et non…
Connectivism presents a model of learning that acknowledges the tectonic shifts in society where learning is no longer an internal, individualistic activity. (Siemens 2004)
Oui : la famille, la communauté, le village, la nation, la planète… le contexte social de l’apprentissage (learning) s’est élargi au cours de l’histoire
The starting point of connectivism is the individual. Personal knowledge is comprised of a network, which feeds into organizations and institutions, which in turn feed back into the network, and then continue to provide learning to individual.
Oui : l’apprentissage est une aventure individuelle reliée-à et dépendante-de la communauté humaine
Oui : considérer l’individu dans la complexité des relations sociales au potentiel augmenté par les réseaux sociaux
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 7
le connectivisme, oui et non…
Behaviorism, cognitivism, and constructivism are the three broad learning theories most often utilized in the creation of instructional environments. These theories, however, were developed in a time when learning was not impacted through technology.
Non : les théories psychologiques ne sont pas disqualifiées par l’évolution technologique, elles contribuent à en comprendre l’impact sur l’apprentissage et le développement. Le connectivisme n’est pas en opposition mais (potentiellement) complémentaire des théories existantes
Learning and knowledge rests in diversity of opinions
Non : savoir, connaissance, opinion et croyance sont des catégories épistémiques distinctes justiciables de règles différentes de fonctionnement et de légitimité, cependant en interaction dans la construction de l’individu
The pipe is more important than the content within the pipe. Our ability to learn what we need for tomorrow is more important than what we know today.
Non : connaître est à la fois un état et un processus, le potentiel d’évolution dépend de la qualité de la connaissance disponible
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 8
à propos de la connaissance…La connaissance
propriété d’un système dynamique sujet/milieu sous contraintes proscriptives de viabilité
Caractérisée parLa domaine de validité (ou sphère de pratique)Les moyens de l’action (ou rétroaction)Les représentations (langagières ou non langagières)Les systèmes de validation et de contrôle
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 9
S Mrétroaction
contraintes
action
Situation
à propos de la connaissance…Nécessaire travail sur les savoirs pour les rendre
Enseignables Apprenables
Distance didactique La transposition
Distance pédagogique La figure du « maître »
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 10
Savoir
de
référe
nce
Savoir
enjeu
d’apprentis
sage
Transposition didactique
à propos de la connaissance…
apprendre est un processus d’adaptation sous les contraintes conjuguées
du nouveau savoir de la stratégie
pédagogique
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 11
12
Mathématiques Physique Métiers du bâtiment Chirurgie Automatique Chimie
Percevoir Décider
Agir
Représentation Contrôle
Action/Feedback
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014
à propos de la connaissance…
apprendre est un processus d’adaptation sous les contraintes conjuguées
du nouveau savoir de la stratégie
pédagogique des caractéristiques
matérielles des situations
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 13
l’enseignement à distance en 3DDistance didactiqueDistance pédagogiqueDistance matérielle
Toute action dans l’une des trois dimensions implique les deux autres.
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 14
Projet Baghera, fin des années 90
l’enseignement à distance en 3Dau CHU de Grenoble, les années 90-Assurer la continuité de la scolarisation d’élèves en soins prolongés-Enseigner la géométrie (articuler observation et raisonnement)-Partager un espace d’action-Préserver la continuité des apprentissages malgré la diversité des intervenants-Créer la fiction de la présence et de la persistance mémorielle
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 15
Projet Baghera, fin des années 90
l’enseignement à distance en 3DLeçons à retenirL’enjeu d’apprentissage est une contrainte sur les technologies et la scénarisation pédagogiqueLes utilisateurs sont les apprenants et les agents enseignants humains ou artificiels (environnement hybride)La fonction d’enseignement est le produit d’un réseau d’interactions (émergence)La familiarisation avec l’environnement déplace les besoins, les attentes, et modifie les comportements (complexité)
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 16
Projet Baghera, fin des années 90
l’enseignement à distance en 3DDistance didactique
transposition des savoirs de référence caractérisation des situations qui donnent du sens critères d’acceptabilité de ce qui sera appris
Distance pédagogique dévolution de la situation d’apprentissage maintenir et accompagner le processus d’apprentissage incarner la référence (« figure » du professeur) assurer la qualité, la fiabilité et la confiance
Distance matérielle présence, distance, téléprésence, fiction de la présence synchronie, asynchronie, mémoire canaux et modalités de communication accessibilité, adaptativité, adaptabilité, personnalisation
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 17
Le cas de la PACES à Grenoble (1)PACES : Première Année Commune des Études de SantéMédecine – Pharmacie – Sage-femme – Dentaire Année d’étude sanctionnée par un concours très sélectifAvant 2005, cours en amphithéâtre sur le modèle universitaire
classique. - Effectifs très lourds – 811 étudiants en 2000, 1598 étudiants en
2014- Compétition et rivalités qui crée une ambiance « électrique »Depuis 2005, cours filmé et disponiblesur internet et support DVD
auto-apprentissage des cours formulation en ligne de questions,
tri des questions (vote) réponse en présence,
groupes de taille limitée (#120) tutorat en présence, petits groupes
(#30 et 2 tuteurs) , QCM à blanc, double feedback (correction, classement)
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 18[Source]
Le cas de la PACES à Grenoble (2)
Cours apprentissage (internet ou DVD) FLQ formulation de questions, (vote) SEPI réponse en présence (#120) TUTORAT en présence (#30, 2 tuteurs) ,
QCM
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 19
Semaine 1 S2 S3 S4[Source]
Le cas de la PACES à Grenoble (3)« Validation »
réussite au concours
(en 2014, 1598 étudiants pour 324 places dont 172 pour la médecine)
« Contrat »le contenu des cours
est la seule source de connaissances utilisée pour la rédaction des QCM du concours.
Primants< 7,5/20 au premier tutorat et pour toute mention au bac =>
aucun admis> 7,5/20 au premier tutorat avec mention B ou TB au bac =>
85% admisRedoublants > 10/20 au premier tutorat et > 6/20 au concours => 90% des
admis
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 20
Le cas de la PACES à Grenoble (4) Amélioration de la proximité à l’enseignant,
mais effet de masse résiduel : focalisation sur les questions majoritaires
Place donnée à l’étude, forte finalisation par le concours
Etudiants satisfaits et motivés Prévalence de la réussite au bac sur les
origines sociales
« Plus de 30 % des cours chaque année ont été modifiés ou totalement réenregistrés pour l’année suivante. »
Des entreprises privées satellites proposent d’accompagner la préparation au concours, la rénovation pédagogique place l’université clairement en concurrence.
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 21
ocTEL, une aventure personnelle (1) Un mooc pour mieux comprendre comment utiliser les technologies d’apprentissage pour enseigner, apprendre et évaluer
10 modules d’une semaine précédés d’une introduction pour se familiariser avec l’environnement
Un module est formé de 5 heures d’apprentissage, dont une heure de webinar et un ensemble d’activités diverses
Matériaux fournis, ou à trouver sur le web, ou à produire soi-même et proposer. Chacun doit composer son portfolio
Accent mis sur l’apprentissage collaboratif, mais des tuteurs sont disponibles
Un mooc satisfaisant plusieurs principes du connectivisme
Le contenu effectif est le produit des interactions entre l’ensemble des acteurs et de leurs apports
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 22
[en savoir plus]
ocTEL, une aventure personnelle (2)
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 23
[en savoir plus]
ocTEL, une aventure personnelle (3) L’environnement intégrant webinars, chat,
messagerie, blogs, ressources Classique et convivial, riche en ressources et potentiel
Échanges et événements foisonnants, difficile pour une personne isolée de faire surface et créer des liens La socialisation est une part significative de
l’apprentissage
Pas véritablement de cours mais un brainstorming très vivant articulé sur le partage de ressources, d’informations et de pistes de réflexion Chacun construit ses propres « connaissances »
(convictions)
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 24
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Évaluation, certification (1)
Tout enseignement doit garantir la qualité et la validité des savoirs dont il vise l’apprentissageTout étudiant a droit à la reconnaissance des acquisitions, connaissances ou compétences
Institutionnalisation : permettre d’identifier ce qui est l’enjeu d’apprentissage
Évaluation : donner les moyens de juger et mesurer l’apprentissage
Certification : prendre la responsabilité de valider la nature et la qualité de ce qui est appris
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 25
Évaluation, certification (2)
Valeur ajoutée des universitésVerrou de l’enseignement à distance
garantir la qualité et la validité des savoirs reconnaissance des acquisitions
De façon explicite ou implicite, acceptée ou déniée
L’enseignement est sous la contrainte des moyens de l’évaluation des apprentissages
Les objectifs d’acquisition de connaissances cohabitent avec des stratégies de réussite formelle
La mission de diffusion universelle des connaissances est en relation tendue avec un objectif de sélection
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 26
Conclusion (1)
L ’évolution, des environnements hybrides associant :
Espaces numériques & espaces matériels (blended)
Organisations sociales réglées (e.g. la classe) & organisations sociales ouvertes (e.g. communautés d’apprentissage)
Acteurs humains & agents artificielsL’enseignement à distance laisse la place aux
espaces d’apprentissageLes moocs se distinguent par deux caractéristiques:
Une durée marquée par un début et une fin liée à la disponibilité des enseignants
L’échelle potentielle de déploiement.Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 27
Conclusion (2)
Les moocs ont le potentiel pour devenir unstandard du cours oral
Séquence de vidéo courtes couvrant un sujet Stimulation de l’écoute attentive (QCM) Support des réseaux sociaux pour l’étude
articulé sur d’autres organisations pédagogiques
Des standards émergeront De l’industrialisation de l’offre Du besoin d’interfaces et de procédures
stables Des exigences de jugement des certifications
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 28
Post-scriptum
Pas de révolution pédagogique ou technologiqueLes moocs imposent à l’enseignement à distanceune quatrième dimension :
la distance économiqueLa peau d’âne*, produit sur le marché
L’enseignement est un moyen, la « valeur » est dans le badge, le crédit, le certificat, le diplôme…
L’économie peut imposer un standard…
Autre titre, pour un autre exposé :
Les moocs, ou la grande peur de l’acadustrie
Nicolas Balacheff, EJC 2014, Ottawa, 3 octobre 2014 29* academic sheepskin
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