Daniel Lacotte
Le pourquoi
du comment
Albin Michel
2004
Pour Dominique,
Guillaume et Mathilde.
Tout ce que je sais, cest que je ne sais pas.
Socrate, cit par Cicron
dans Academica (45 av. J.-C.)
Sommaire
Savoir et tolrance : le couple indissociable
1. Vie quotidienne
Quelle est l'origine de lexpression O.K. pour signifier daccord ?
Pourquoi habille-t-on les garons en bleu et les filles en rose ?
Quelle est lorigine du salut militaire ?
Pourquoi les vtements ont-ils un sens de boutonnage diffrent ?
Comment a t invente la cigarette ?
La tomate est-elle un lgume ou un fruit ?
Do vient le nom de la clbre marque Adidas ?
Qui est lorigine de la premire tasse de caf ?
Pourquoi a-t-on dans notre calendrier des mois de 28 jours ?
Do vient le nom du cocktail baptis bloody Mary ?
Pourquoi la fte de Nol tombe-t-elle le 25 dcembre ?
Pourquoi appelle-t-on scotch le ruban adhsif transparent ?
Depuis quand les hommes portent-ils la cravate
Quelle est lorigine du poisson d'avril ?
Pourquoi lanne est-elle rythme par les saisons ?
Pourquoi a-t-on sept jours dans la semaine ?
Un choc motionnel peut-il faire blanchir les cheveux en une nuit ?
Pourquoi les ongles des mains poussent plus vite que ceux des pieds ?
Pourquoi les Anglais conduisent-ils sur la gauche de la route ?
Combien de grains contient une poigne de sable ?
Do vient le nom du clbre sandwich baptis hot-dog ?
Pourquoi le blazer bleu est-il devenu un vtement classique ?
Quand a t construite la Grande Muraille de Chine ?
Comment lalphabet a-t-il t compos ?
Do vient l'expression : Cela fera du bruit dans Landerneau ?
Pourquoi le vendredi 13 est-il considr comme un jour de chance ?
Do vient le terme boycotter ?
Pourquoi sert-on les glaces dans des cornets ?
Do viennent le nom et le signe du dollar amricain ?
Les vnements curieux plus nombreux les nuits de pleine lune ?
Pourquoi la balle de golf possde-t-elle de petits alvoles ?
A quelle vitesse expulse t on les postillons lors dun ternuement?
Peut-on trouver de leau avec une baguette de sourcier ?
Comment a t tablie la longueur du mille anglais?
Pourquoi lOncle Sam personnifie-t-il les Etats-Unis ?
2. Animaux
Comment une mouche peut-elle se poser au plafond ?
Quappelle-t-on un cheval pur-sang?
Pour un chien, une anne correspond-elle sept ans chez un homme ?
Les lphants ont-ils une mmoire infaillible ?
Comment les poissons font-ils pour dormir ?
Quel animal est le plus grand athlte au monde ?
Une espce dont les sujets sont striles va-t-elle steindre ?
Lponge est-elle une plante ou un animal ?
Comment les hutres fabriquent-elles des perles ?
Qu'est-ce quun ver luisant ?
Pourquoi le chien a-t-il toujours la truffe humide?
3. Sciences
Existe-t-il une diffrence entre la mer et locan ?
Pourquoi le billement est-il contagieux ?
Est-il vrai que poils et ongles continuent de pousser aprs la mort ?
Pourquoi leau de mer est-elle sale ?
Peut-on casser un verre avec la voix ?
Quest-ce qui diffrencie le cyclone de la tornade ?
Pourquoi les feuilles des arbres changent de couleur lautomne ?
Pourquoi la mer est-elle bleue ?
Combien pse un nuage ?
Do vient la couleur des flammes dans un feu de bois ?
Pourquoi les droitiers sont-ils plus nombreux que les gauchers ?
4. Espace
Quest-ce quun arc-en-ciel ?
Comment sest form le Soleil ?
Combien y a-t-il de plantes dans le systme solaire ?
Quelle est la diffrence entre une comte et un astrode ?
Quand le Soleil sarrtera-t-il de briller ?
Quelle toile est la plus proche de la Terre ?
Pourquoi les toiles scintillent-elles ?
Pourquoi le ciel est-il bleu ?
La Terre sarrtera-t-elle de tourner ?
Combien y a-t-il de galaxies dans lunivers ?
5. Culture
Pourquoi la Vnus de Milo est-elle sans bras ?
Shakespeare naurait pas crit ses pices ?
Pourquoi le lion est-il lemblme de la Mtro Goldwin Mayer ?
Pourquoi les acteurs pensent-ils que le vert porte malheur sur scne ?
A quoi tient la renomme des stradivarius ?
Depuis quand les danseurs et les danseuses font-ils des pointes ?
Devenu sourd, comment Beethoven a-t-il pu continuer composer ?
Savoir et tolrance : le couple indissociable
Dabord, une certitude. En aucune faon ce livre ne
veut proposer larrogant talage dun hypothtique savoir.
Bien au contraire ! Il sinscrit clairement dans une
dmarche excluant tout pdantisme. Car lemphase et la
forfanterie ne font jamais bon mnage avec le souci de
comprendre le monde. Dailleurs, il suffit de commencer
chercher ici ou l des rponses aux questions que chacun
se pose pour se ranger immdiatement aux cts de ceux
que la modestie grandit.
Lexprience et lobservation du spectacle que nous
offre chaque jour la vie en socit prouvent que les pr-
tentieux infatus - et autres bouffis de suffisance - ne
savent gnralement pas grand-chose. Bien videmment,
la cuistrerie quils affichent exprime leur totale absence
dhumilit. Aussi bien face aux multiples facettes de la
connaissance que devant les insouponnables champs qui
restent encore dfricher.
De surcrot, une telle attitude refuse dintgrer la
notion essentielle du doute permanent, cette sage posture
qui devrait accompagner chaque tentative susceptible de
guider lesprit sur le chemin du savoir. Car un cerveau
humain en veil, toujours prt senrichir de nouvelles
analyses, cest un individu lcoute des autres. Donc un
adepte gagn pour le camp de la tolrance, celui qui
accepte lide que lautre a peut-tre raison. Ainsi lesprit
qui cherche savoir et comprendre ne semmure-t-il
jamais dans de striles convictions.
Alors quil pouvait sembler lgitime de laisser lhomme
assouvir sa soif de connaissance, daucuns ont toujours
pens quil convenait plutt de le laisser croupir dans
lignorance. Pour mieux lasservir. Pour le rduire en
esclavage. Aussi les tenants de lobscurantisme
sverturent-ils sans relche barrer la route aux
humanistes qui prchaient le libre accs du plus grand
nombre l'ducation.
Certes, en ce dbut de XXIe sicle, la raison, la science
et la logique semblent triompher. Cependant, si les efforts
des chercheurs contribuent attnuer les comportements
superstitieux, il nen reste pas moins vrai que peurs,
croyances et angoisses collectives empoisonnent encore les
rouages du quotidien. Comme si les avances du gnie
humain ne parvenaient toujours pas anantir des
craintes venues de la nuit des temps.
En fait, trop dhumains ont peur du lendemain. Par
ailleurs, ils fuient la remise en question de leurs
convictions et vitent de confronter leurs certitudes de
nouvelles hypothses. Ils vivent en vase clos. Dans le
confort dune prtendue vrit. Mais si jamais un
paramtre vient troubler ce fragile quilibre, plutt que de
chercher des explications solides, ils sen remettent aux
mains des illusionnistes, sorciers et charlatans de tout
poil. Quels que soient leurs fringants atours, ces
dangereux gourous se disent porteurs dune solution, voire
dtenteurs dinfaillibles secrets qui les hissent au rang de
mdiateurs entre la vie et le surnaturel. Et, comme tous
ces serviteurs d'un impntrable au-del promettent un
lointain paradis ou laissent habilement pointer une lueur
desprance susceptible de rsoudre les difficults de
linstant, les aigrefins ne manquent pas d'adeptes
fanatiss. A
Magiciens de lAntiquit, sorciers du Moyen Age,
devins ou gurisseurs vendaient des miettes de plaisir, de
joie ou de bonheur, selon le degr de lextase intimement
recherche par une clientle fidle et charme. A laube du
IIIe millnaire, rien na vraiment chang. Les chalands ne
manquent pas. Angoisses et utopies restent la cible des
nouveaux marchands du Temple. Par exemple, les jeux de
loterie nhsitent pas sapproprier le vendredi 13. Ils
vendent aux plus crdules le hasard et le mystre dune
force suprieure susceptible de transmettre la chance.
Dautres commerants vantent impunment les mrites de
leurs crmes amincissantes, glules aphrodisiaques et
produits miracles contre le vieillissement. Remdes qui
firent les beaux jours des plus anodins aspects de la
sorcellerie du Moyen Age.
Quant lternel et universel besoin de connatre
lavenir, il nen finit pas de faire recette. Au point de
saffirmer, de dcennie en dcennie, comme un des plus
florissants marchs de la supercherie. Astrologues,
voyants, marabouts, cartomanciennes et chiromanciennes
ne se contentent mme plus de consulter par tlphone. Ils
conjuguent sans scrupule le virtuel au surnaturel et
proposent dsormais leurs services sur le rseau
Internet.
Malgr les progrs de la science et de la mdecine, les
postures superstitieuses persistent donc. Ce qui nen finit
pas dintriguer. Certes, les audacieuses ballerines des
sabbats et lvocateur Satan ne donnent plus de spectacles
les soirs de pleine lune ! Toutefois, jeteurs de sorts,
radiesthsistes, Nostradamus doprette (en qute de
reconnaissance universitaire), gurisseurs et rebouteux
exercent toujours leurs lucratives occupations. Fondes
hier sur le terreau de lillettrisme, toutes ces activits
continuent de progresser allgrement en flattant la
navet. Et tous ces charlatans propagent sans scrupule la
btise en plumant promptement les gogos de leurs grigris.
La jubilation dapprendre
Il faut combattre toutes les formes dembrigadement
de lesprit, toutes les chimres qui se tapissent ici ou l
dans loccultisme, la divination, l'sotrisme, le mystre et
les dogmes. Pour chasser ces importuns, une seule
solution : promouvoir par tous les moyens lducation. En
effet, seul laccs la connaissance permettra lhumanit
de progresser. Car commencer apprendre dbouche
invariablement sur de nouvelles questions, et en aucun cas
sur une rponse fige ou sur la vrit affuble dun
grand V ! Et chaque nouvelle question permet davancer,
de senrichir. Daborder soudain une immense tendue
quil faudra semployer dcouvrir.
Certes, pour comprendre les bribes dun sujet, son
histoire et ses acteurs, il faut parfois marcher dun pied
hsitant. Et pas forcment en droite ligne. Mais cet
apprentissage qui ouvre les yeux sur dinnombrables
rivages inconnus conduit obligatoirement vers
lmerveillement. Et l, plus possible de sarrter. Le got
d'apprendre devient jubilation et le besoin de comprendre
s'installe. Crdulit, rumeurs, suppositions, -peu-prs et
ides reues refluent aussitt. Le bonheur de savoir
lemporte avec la discrtion qui sied au vrai curieux.
On ne dira jamais assez combien la vigilance doit rester
de mise. A chaque instant. Et y compris face ceux qui
pourraient demble bnficier dun inaltrable crdit de
sympathie spontane. Car lapproche de lindispensable
accs la connaissance prend parfois des dtours
inexplicables. Prenons lexemple du philosophe franais
Franois Marie Arouet (dit Voltaire, 16941778).
Brillant esprit, espigle, pris de libert, novateur,
dfenseur intransigeant des perscuts, Voltaire lutte
contre toutes les formes de superstition, notamment dans
son Trait sur la tolrance (1763). Mais il dnonce aussi
tous les fanatismes, principalement celui de lEglise
catholique, puis, finalement, celui de toutes les religions
puisquelles touffent la raison et condamnent les plaisirs.
Il attaque avec violence la guerre, les abus sociaux, les
lettres de cachet, la torture et laveuglement de la justice.
Voltaire se fait ainsi le chantre incontest - et respect -
de la lutte contre lintolrance. Par exemple, il soutient
crnement les protestants, notamment dans deux procs
retentissants de son temps (ceux de Jean Calas et de
Pierre-Paul Sirven dont il obtient la rhabilitation en 1765
et en 1771). Ce personnage ambigu savait galement flatter
servilement les grands dEurope quil inondait par ailleurs
de cinglants pamphlets anonymes.
Toujours est-il que Voltaire, peru juste titre comme
lun des inspirateurs de la Rvolution franaise (au cot de
Jean-Jacques Rousseau), va draper dans son abondante
correspondance. Le 19 mars 1766, il crit dans une missive
Damilaville : Il est propos que le peuple soit guid et
non pas quil soit instruit. Le philosophe rcidive le mois
suivant : Il me parat essentiel quil y ait des gueux
ignorants.
Trois ans plus tard, dans une lettre Tabareau, Vol-
taire senlise en voquant les gens du peuple : Ce sont
des bufs auxquels il faut un joug, un aiguillon et du foin.
Nous sommes ici des annes-lumire du plaidoyer de
Georges Danton (1759-1794) qui rclame la tribune de la
Convention (13 aot 1793) une instruction publique,
gratuite et obligatoire : Aprs le pain, lducation est le
premier besoin du peuple.
Chacun laura donc compris, lambition de ce modeste
ouvrage se rsume en une inextinguible foi dans les vertus
du savoir et de la raison. Les deux seules notions
lmentaires qui peuvent encore sauver lhumanit.
Dabord intrinsquement, mais aussi parce quelles
enfantent dautres bienfaits. A condition toutefois que
cette connaissance ne soit pas jalousement accapare par
une lite craintive et frileuse.
Cherchez, dcouvrez, apprenez et transmettez... Il en
restera toujours quelque chose dutile. Mais surtout,
noubliez jamais que tout individu qui prend conscience de
son ignorance fait dj un grand pas en direction du
savoir.
I
Vie quotidienne
Quelle est l'origine de l'expression
O.K. pour signifier d'accord ?
Il existe de multiples thories sur les origines de ce
fameux okay (O.K.) amricain qui se rpand en Europe
aprs la Seconde Guerre mondiale. Aujourdhui cette
abrviation familire est probablement devenue le mot
ou lexpression - car on ne sait trop comment la qualifier -
la plus utilise dans le monde.
Ainsi, pratiquement chaque langue rpertorie sur
lensemble de la plante acquiesce et opine du bonnet en
prononant ce magique okay. Encore que lexpression ne
se contente pas de signifier systmatiquement un oui
banal et standardis. En effet, si un O.K. bien plac dans la
conversation vise approuver, voire donner une
autorisation, il permet aussi de manier la nuance. Chacun
sait quil peut se traduire par daccord ou par
entendu , notamment dans le genre de rplique suivante :
O.K., jarrive ! Mais ces modestes petites lettres
poussent la subtilit expressive jusquau tout va bien .
Exemple : C'est O.K., on peut partir.
Au fil des dcennies, les acceptions ont continu de
prolifrer. Ainsi entend-on parler de vacances O.K.
(agrables), dune rponse O.K. (correcte), dun objet
O.K. (en ordre de marche ou prt fonctionner), dun
skieur O.K. aprs une chute (cest--dire sain et sauf)* dun
patient O.K. aprs une opration chirurgicale russie. Bref,
que ce soit sous la forme dun adverbe ou dun adjectif,
lanodine abrviation ne manque pas de ressources !
A limage de cette mosaque de significations, les his-
toires extravagantes censes expliquer les origines de lex-
pression puisent leurs racines dans un folklore bigarr. Par
exemple, beaucoup pensent que okay peut venir du mot
okeh, autrefois prononc dans certaines tribus indiennes
pour dire oui . Dautres lattribuent Obediah Kelly. Ce
brave employ des chemins de fer aurait eu pour habitude
de placer ses initiales au bas des papiers qui autorisaient
un convoi de marchandises quitter le quai. Mais
seulement une fois que tout tait en ordre. Cest--dire que
tout tait O.K.
Il y a aussi cette explication faisant rfrence la
guerre de Scession qui opposa vingt-trois Etats du Nord
onze Etats du Sud de lAmrique entre 1861 et 1865. Une
guerre civile qui se soldera par la victoire des Nordistes
(anti-esclavagistes et protectionnistes). Les soldats qui
rdigent chaque soir un rapport dactivit militaire
mentionnent le nombre de morts. Et lorsque aucun des
leurs na disparu au combat, ils marquent O.K. -
abrviation de lexpression 0 killed {zro killed), cest-
-dire zro tu. De surcrot, ce O.K a un double sens
puisquil laisse entendre que tout sest bien pass tout au
long de la journe.
Mais, lpoque, labrviation avait dj quelques
dcennies dexistence et elle ne tient donc pas son origine
de cette terrible guerre de Scession qui entrana la mort
de 617 000 soldats. Autant dire quils navaient pas eu le
loisir dcrire trop souvent O.K. !
Toujours parmi les explications fantaisistes, figure celle
des bateaux qui accostaient dans un port de lle dHati
portant le doux nom de Les Cayes. Les marins qui se
rendent dans cette ville (sur la cte sud de lle baigne par
la mer des Carabes) ont coutume de dire quils se rendent
aux Cayes. Ce quils prononcent vaguement okay . Et
comme la ville possde le meilleur rhum de lle, les marins
prennent lhabitude de dsigner la qualit dune bonne
marchandise en rfrence la rputation de lalcool de
leur port favori. This is really Aux Cayes stuff, donne
alors un produit une sorte dagrment. Quelque chose du
genre : Cest de la bonne qualit. Sous-entendu,
comme le rhum daux Cayes.
Cette explication haute en couleurs et senteurs exoti-
ques fit longtemps flors. Jusquau jour o Allen Walker
Read (professeur luniversit Columbia) mer tout le
monde daccord. Il montre que cette nigmatique abr-
viation vient en ralit de lexpression oll korrect , une
dformation pour le moins cocasse de all correct .
Mais do pouvait bien venir cette variante comique ?
Tout simplement dune faon humoristique dcrire cer-
taines phrases ou expressions en les rduisant des initia-
les, mais en ajoutant une explication entre parenthses.
Apparue la fin des annes 1830, cette marotte a un
immense succs dans les journaux de Boston. On relve
dans ces publications des K.Y. pour know yuse (no use,
cela ne vaut pas la peine) ; N.S. pour nujfsaid (enough
said, assez parl). Et, bien videmment, de multiples O.K.
pour oll korrect (ail correct, tout est correct), repr
pour la premire fois en mars 1839.
Tandis que les autres abrviations ne reviennent que
pendant quelques semaines dans les articles ou les des-
sins, le O.K. simmisce immdiatement dans les conversa-
tions de la vie courante. Et il simpose trs rapidement.
Peut-tre parce quil vhicule aussi un soupon dhumour :
pas plus le O que le K ne sont corrects !
De surcrot, un vnement politique dimportance va se
charger de promouvoir lexpression. En 1840, Martin Van
Buren (1782-1862) mne campagne pour sa rlection la
prsidence des Etats-Unis. Natif du petit village de
Kinderhook (Etat de New York), le huitime prsident
amricain (lu en 1837) na plus vraiment le vent en
poupe.
Dj trs aguerris dans lart du marketing politique, les
partisans de Van Buren cherchent fivreusement un
slogan qui puisse faire mouche. Ils dcident alors de sap-
puyer sur ces abrviations comiques trs en vogue. Et ils se
dcident pour le O.K en affublant leur poulain dun gentil
surnom : old Kinderhook. Les deux petites lettres
deviennent alors le signe - et le sigle - de ralliement des
supporters de Martin Van Buren. Ils fondent mme le O.K.
Dmocratie Club pour promouvoir les ides de leur favori.
A lpoque, on savait manifestement samuser pendant
les campagnes lectorales amricaines. Car les adversaires
de Van Buren semparent aussitt de lexpression pour
caricaturer le bilan du prsident toujours en exercice. On
voit alors fleurir de nombreux O.K. Par exemple : orrible
katastrophe (horrible catastrophe) ; orfiil kalamity
(awful kalamity, effroyable calamit) ; out of Kash
(Out of cash, sans argent), etc.
Finalement, Marin Van Buren subit une humiliante
dfaite. Mais son successeur, William Harrison, meurt des
suites dune pleursie, le 4 avril 1841, un mois aprs son
entre en fonction. Par un froid glacial, il avait commis
l'imprudence de prononcer son discours inaugural tte
nue. Ce qui ntait franchement pas O.K. ! Quoi quil en
soit, cette campagne lectorale marquera les dbuts
officiels du okay.
Il semble que le village de Kinderhook tenait absolu-
ment inscrire son nom dans l'histoire des origines du
okay. Situ dans le comt de Columbia (Etat de New
York), Kinderhook est cr par des colons hollandais qui
stablissent dans la rgion au dbut du XVIIe sicle peu
aprs lexploration par lAnglais Henry Hudson du fleuve
et de la baie qui portent son nom (1609-1610). Au cours de
ce voyage, Hudson aurait rencontr des Mohicans pour la
premire fois.
Un sicle plus tard, les vergers de la charmante rgion
de Kinderhook produiront des pommes savoureuses,
particulirement recherches et commercialises dans des
cagettes portant une sorte de mention dorigine : O.K.
(pour old Kinderhook). Les consommateurs se seraient
alors rfrs ces pommes dlicieuses pour dsigner un
produit de qualit.
Pourquoi habille-t-on les garons en bleu et les filles en rose ?
Il faut bien avouer que rien ne ressemble davantage
un nourrisson... quun autre nourrisson. La logique
pourrait donc nous laisser penser quil fut tout naturel de
distinguer fille et garon en attribuant chacun une
couleur de vtements particulire. Mais derrire cette
louable intention, a priori vidente, se cache de curieuses
considrations.
En effet, rien ne permet daffirmer que les deux cou-
leurs devaient dabord faciliter la reconnaissance du sexe
du bb. Avec, par exemple, lintention sous-jacente
dviter au visiteur la sempiternelle question en se pen-
chant au-dessus du berceau : Cest une fille ou un garon
? En ralit, les parents habillrent leurs fils de bleu
pour des raisons bien diffrentes.
Dans la tradition populaire, le bleu a la rputation de
chasser diable, dmons, esprits malveillants, sorciers et
maladies. Symbole de lazur, de la vote cleste et du
paradis, le bleu ddi lternit vhicule le pouvoir de
repousser les forces du mal. La prsence de dcorations
base de bleu est dailleurs dj trs frquente dans les
ncropoles de lAntiquit gyptienne (murs et coiffures des
dfunts).
Emblme de loyaut, de fidlit, de puret, mais aussi
de sagesse et de fermet, le bleu place donc sous une
bonne toile ceux qui portent des vtements de cette
couleur charge de moult vertus bienfaitrices.
Ces croyances superstitieuses, qui samplifirent conti-
nuellement tout au long du Moyen Age, incitrent les
parents habiller leurs fils de bleu. Non pour les distin-
guer des filles, mais avec pour objectif fondamental de les
protger de Lucifer et de ses serviteurs. Abandonnant ainsi
les demoiselles leur triste destin. Autrement dit, la
croyance populaire mettait toutes les chances du ct des
garons et laissait les filles se dbrouiller face Satan et
ses suppts !
Mais comme les garons bnficiaient dune couleur
spcifique, les parents se sentirent peut-tre coupables de
ne pas en attribuer une aux filles. Aussi dcrochrent- elles
bientt les faveurs du rose. Symbole de lamour et de la
sagesse divine, mais aussi emblme de la tendresse, de la
jeunesse et du bonheur, le rose ne manque finalement pas
de qualits !
Il convient cependant de souligner que le bleu ne gagne
ses lettres de noblesse qu partir du XIIe sicle. En effet,
la couleur pourpre dominait la culture de lEmpire romain.
Au point de devenir color officialis, synonyme de pouvoir.
En fait, les Romains considraient alors le bleu comme
une couleur barbare. Tout simplement parce que les
guerriers celtes se peignaient le corps de bleu fonc, ce qui
les rendait plus effrayants lorsquil fallait les affronter.
Lhistorien latin Tacite (55-120) voque dailleurs ces
redoutables armes de spectres .
Le bleu simposera donc progressivement, notamment
dans lart religieux (petit petit, sculptures polychromes et
tableaux reprsentent la Vierge habille de bleu). Dans les
cours dEurope, la couleur gagnera lentement le cur des
souverains, le plus souvent aux dpens de la puissance
symbolique du rouge. Et, la fin du Moyen Age, le bleu
aura acquis un vritable statut de couleur royale et
princire.
Nul doute que cette promotion sociale de lindigo ait
galement jou son rle dans le choix dune couleur des-
tine distinguer un garon. Pour les parents, le fils
porteur de lhritage prenait soudain ses galons de roi de
la maisonne. Dautant que le bleu voquait la fois
chrtient et pouvoir politique (cest--dire puissance
spirituelle et matrielle). En ajoutant une bonne dose de
superstition propre confrer la couleur le pouvoir de
chasser les dmons, on comprend aisment quaucun
adversaire ne put rsister aux arguments fracassants de la
layette bleue !
Quelle est lorigine du salut militaire ?
Dans la plupart des armes du monde, les militaires se
saluent mutuellement dun geste qui porte la main droite
hauteur du front, de la tempe ou de la visire de leur
couvre-chef. La main tant distinctement ouverte, doigts
serrs et paume visible.
Les origines prcises de ce rituel restent obscures.
Toutefois, il convient dobserver quune procdure de salut
existe dj dans larme de lEmpire romain. A lpoque,
les soldats saluent leur suprieur hirarchique en levant le
bras hauteur de lpaule, paume ouverte et tourne vers
la personne ainsi honore. Cependant, aucun texte ne fait
mention du dtail stipulant que la main devait toucher le
casque ou la tte pendant ce salut.
Quelques dtails prcis nous laissent penser que le
salut militaire moderne puise plutt sa gestuelle dans une
coutume du Moyen Age, tradition qui sapparentait une
sorte de rgle de politesse dont voici les principaux
acteurs.
Sur des chemins parfois peu frquents et en ces temps
belliqueux, lorsquun chevalier (harnach dans sa lourde
armure et juch sur son fringant destrier) sapprtait
croiser lun de ses collgues, la tradition voulait que lun et
lautre prouvent leur attitude pacifique. Aussi relevaient-
ils le ventail de leur heaume (schmatiquement, la visire
du casque !) afin de se faire reconnatre. Comme pour
dcliner leur identit. De surcrot, dans de telles
conditions, le chevalier en arme ne pouvait bien
videmment pas se saisir de son pe. Ce geste, qui
exprimait clairement des dispositions non violentes,
devint tout naturellement le signe dun salut amical. Et la
main gauche tant occupe maintenir les rnes de la
monture, on visualise aisment que ce mouvement de la
main droite sapparente trangement celui que nous
connaissons toujours aujourdhui.
Vivace dans lEurope mdivale, cette tradition gagna
galement les simples voyageurs qui sattachrent eux
aussi lever le bras droit en montrant distinctement la
paume dune main largement ouverte. Chacun prouvait ici
quil nenvisageait pas dutiliser son pe (ou tout autre
objet) des fins agressives. Non seulement ce geste
inspira-t-il le salut militaire, mais il serait galement
lorigine des signes amicaux de la main (toujours paume
largement visible) pour saluer de loin un ami (ou une
foule).
Tmoignage par le pass dune intention amicale et
pacifique, le salut, devenu militaire au fil des sicles,
exprime dsormais une marque de respect. On peut aussi
supposer quil contribue maintenir et renforcer la
notion de discipline. Pour sen persuader, il suffit de
regarder la prcision et le srieux de la gestuelle effectue
dans une tenue et une attitude impeccables.
Mais le salut militaire indique galement que le subal-
terne (quil soit du rang ou officier) se met la disposition
de son suprieur. En dautres termes, quil attend de
recevoir les ordres et quil est prt excuter sa mission.
Rompez !
Pourquoi les vtements des hommes et des femmes
ont-ils un sens de boutonnage diffrent ?
Vous avez bien videmment tous et toutes remarqu
que les boutons sont cousus droite de louverture sur les
vtements destins aux hommes et sur le bord gauche
pour ceux que portent les femmes. Quil sagisse de che-
mises, chemisiers, corsages, polos, gilets, vestes, man-
teaux, etc.
Il faut tout dabord souligner que ce problme ne se
pose que depuis le XIIe sicle, poque o apparaissent les
premiers boutons dont lusage ne se dveloppe rellement
quau cours du sicle suivant. Et ce pour une raison fort
simple : pendant les croisades (XIe-XIIIe), les Occidentaux
dcouvrent les merveilles de lOrient. Notamment les
avances de lEmpire byzantin dans le domaine de la
fabrication des toffes et de la confection des vtements.
Impression des tissus, mais aussi commerce du velours et
du satin engendrent de notables bouleversements dans la
faon dont llite du temps shabille. Sans que lon puisse
encore vritablement parler deffets de mode. Dicts par
les souverains et leur entourage, ceux-ci napparaissent
qu partir du XIVe sicle.
En cette priode charnire du Moyen Age baptise ge
fodal (XIe-XIIIe), hommes et femmes portent le bliaud,
sorte de cotte-chasuble ou de tunique qui couvre la
chemise. Pour sortir, on sabrite alors sous une cape ou un
surcot.
Des accessoires divers et varis ont envahi la mode du
XXIe sicle (sacs, ceintures, gants, foulards, cravates,
chapeaux, etc.). Au Moyen Age, la tradition vestimentaire
dispose galement dun accessoire de base : lpe. Certes,
certaines de ces pices ne manquent pas dafficher une
exceptionnelle valeur dcorative, voire artistique, mais
elles rpondent fondamentalement dautres exigences
potentielles, un combat inattendu.
Nous touchons ici la premire explication possible
propos de lnigmatique sens du boutonnage. Quils soient
gentilhommes ou chevaliers, espigles godelureaux ou
maraudeurs enclins aux carabistouilles, ces gens en armes
portent donc leur pe sur la gauche. Et pour dgager le
vtement qui peut la recouvrir, rien de plus facile que de se
dboutonner de la main gauche tout en saisissant
promptement son arme de la droite, le tout en ouvrant
dun geste ample le pan gauche de la cape... qui doit donc
recouvrir le pan droit de louverture. Conclusion : pour ne
pas gner lexcution de ce geste prcis voire vital ! il
fallait bel et bien coudre les boutons sur le pan droit du
vtement.
A ce jour, aucun chercheur na formellement dmontr
la vracit de cette explication pourtant largement
rpandue, y compris parmi les historiens de la mode. Mais
si cette hypothse ne touche que la gent masculine, une
seconde dmonstration repose cette fois sur une activit
exclusivement fminine. A savoir : lallaitement. Ainsi,
pour faciliter le dboutonnage laide de la main droite
(tandis que le bb se portait le plus souvent du bras
gauche), les boutons auraient t cousus sur la gauche de
louverture.
Par chance, ces deux explications se compltent effica-
cement, alors quelles sont pourtant rigoureusement
indpendantes lune de lautre. En ralit, il ne sagit l que
de suppositions logiques.
Si pe et allaitement sont peut-tre lorigine dun
sens de boutonnage, certains avancent dautres hypoth-
ses. Ainsi la version de lhabilleuse rassemble-t-elle de
nombreux suffrages. Cette thorie affirme que la range de
boutons a t cousue sur la gauche de la fermeture des
vtements de femme... pour faciliter lhabillage des reines,
princesses et autres dames de laristocratie.
Il semble en effet que le sens de boutonnage des vte-
ments fminins soit ainsi plus facile pour une habilleuse
droitire qui doit remplir sa tche, sachant quelle se
trouve alors en face de la femme quelle sapplique vtir
avec dextrit. Une thse qui ne manque pas de sduire.
Sauf que nombre daristocrates masculins disposaient
galement de domestiques pour les aider shabiller. A
croire quils taient donc tous gauchers !
Comment a t invente la cigarette ?
Dans les tribus de lAmrique prcolombienne, les
Indiens utilisaient le tabac au cours de crmonies reli-
gieuses ou lois de rituels coutumiers lis a la vie sociale.
Cette pratique remonte fort probablement aux premiers
sicles de notre re. Et la dcouverte dobjets que lon peut
considrer comme les anctres de la pipe prouve que les
Amrindiens fumaient dj du tabac. Dabord rserve
une lite ou aux grands prtres, la tradition prit peu peu
une place de choix dans les clbrations officielles.
En dbarquant au Nouveau Monde (1492), Christophe
Colomb rencontre donc les premiers fumeurs. Car, en
dehors du continent amricain, le tabac tait parfaitement
inconnu sur le reste de la plante. Aussi, dans les annes
qui suivent, les aventuriers espagnols qui se lancent
ensuite la conqute de lAmrique vont-ils trs largement
promouvoir cette plante herbace du genre nicotiana. Et
beaucoup se plaisent aussitt lentourer de sombres
mystres.
Etabli dans la rgion de lactuel Mexique, le peuple
aztque fumait du tabac sch travers des tubes
naturels : roseaux ou tiges de plantes. Dautres autochto-
nes roulaient du tabac pralablement hach dans les
feuilles de diffrents vgtaux. Ces curieux objets fumants
ressemblent dj nos cigares daujourdhui. Demble, ils
connaissent un immense succs auprs des conquistadors
du XVIe sicle qui vont aussitt lancer la mode ds leur
retour en Espagne. Et comme certains prtent la plante
des vertus mdicinales, le tabac va rapidement susciter un
rel engouement.
Les premiers fumeurs europens se recrutent ainsi
parmi les riches notables de Sville. Intrigus par cette
vogue curieuse et par la raret du produit (de surcrot
coteux), des mendiants ramassent les mgots de ces
cigares jets ici ou l dans les rues de la ville. Et en
roulant les restes de ce tabac dans des feuilles de papier,
ils crent les premires cigarettes quils baptisent
papeletes ou cigarillos.
Les plantations de tabac vont se multiplier travers le
monde. Elles apparaissent aux Antilles, au Portugal et en
Espagne vers 1520. Puis elles gagnent lAfrique (1530), la
Turquie et la Russie (1580), lInde et le Japon (1590). Et
au XVIIe sicle, il ny a pratiquement plus un seul pays
pour ignorer la culture du tabac.
En France, Andr Thevet, moine cordelier et grand
voyageur, entreprend en 1556 la culture de quelques plants
de tabac rapports de son expdition au Brsil. Mais cest
lambassadeur de France au Portugal, Jean Nicot (1530-
1600), qui envoie en 1559 des chantillons de feuilles de
tabac Catherine de Mdicis. Miracle ! L herbe Nicot
soulage les migraines de la reine mre qui vient de perdre
son mari, Henri II. Dabord connu sous le nom de
nicotiane et par de pouvoirs mdicinaux, le tabac fait
donc une entre remarque la cour de Franois II (1544-
1560). Le succs ne se dmentira plus.
Mais, lpoque, si quelques-uns fument le tabac,
beaucoup le consomment froid. Ils prfrent priser ou
chiquer. Lusage de la chique va surtout se rpandre chez
les marins, tandis que la pratique de la prise acquiert une
rputation dlgance. Ainsi nombre daristocrates et
decclsiastiques ont-ils pris jusquau XIXe sicle.
Evidemment, un tel engouement pour le tabac attisa
immdiatement les apptits... de ltat. La premire taxe
sur le tabac fut instaure au dbut du XVIIe sicle. Fabri-
cation et vente deviennent un privilge royal en 1674. Et
Napolon met en place ds 1811 un monopole dEtat
touchant culture, fabrication et commercialisation de cette
plante particulirement prise ! Notamment par
lEmpereur lui-mme.
La tomate est-elle un lgume ou un fruit ?
Quelle soit ronde ou oblongue (olivette), la tomate se
dguste en sauce, soupe ou salade, crue ou cuite, voire
farcie. Elle accompagne aussi trs souvent de nombreux
plats (notamment dans les recettes provenales ou dans
celles des pays du sud de lEurope). Autrement dit, la
tomate se consomme... comme un lgume. Et pourtant,
sans la moindre ambigut scientifique possible, la bota-
nique classe la tomate dans le camp des fruits.
Le mot tomate serait la dformation dun terme utilis
par les Incas, ce peuple du Prou qui domine la rgion des
plateaux andins entre le XIIe et le XVIe sicle. Les Incas
cultivaient de petites tomates qui ressemblaient nos
tomates cerises actuellement trs en vogue. Les Aztques
connaissaient galement ce fruit quils appelaient jitomalt.
Les marins espagnols qui se lancrent la conqute de
lAmrique du Sud au XVIe sicle rapportent donc des
plants de ce curieux fruit rouge. Et des monastres de
Sville qui nhsitent pas se spcialiser dans les rarets
vgtales du Nouveau Monde se mettent immdiatement
cultiver la tomate. Non seulement le fruit envahit-il
rapidement la cuisine de tout le bassin mditerranen,
mais il acquiert galement une rputation daphrodisiaque
qui ne manque pas de faciliter son dveloppement.
Dautant quun botaniste italien laffuble de mystrieuses
vertus magiques en classant la tomate aux cts de la
mandragore. Il nen faut pas davantage pour que ce fruit
rouge en forme de cur prenne le doux nom de pomme
damour.
Tandis que la tomate fait les beaux jours des gastrono-
mes du sud de lEurope, un scientifique anglais affirme
vers 1560 que ce fruit ne doit se manger sous aucune
forme. Et sous aucun prtexte. Dans son tude, cet
herboriste cout affirme mme que la tomate est tout
simplement toxique. Effrays, les Britanniques se dtour-
nent aussitt de ce fruit dfendu. Il faudra attendre 1730
pour que des Anglais courageux commencent rutiliser
la tomate dans la soupe. Entre-temps, la plante stait
contente dorner les jardins.
Quant aux Etats-Unis, ils mettront presque trois sicles
pour accepter une tomate qui, aujourdhui, accompagne
pourtant firement tous les repas amricains travers
linvitable bouteille de ketchup. Car au temps de sa
splendeur dans le bassin mditerranen, certains lui
trouvaient encore outre-Atlantique un cousinage trop
prononc avec des plantes suspectes de connivences
sataniques, comme la mandragore et la belladone.
Il faudra attendre le dbut du XIXe sicle pour que des
cuisiniers de Caroline du Sud introduisent la tomate dans
des sauces et des potages. Finalement, entre 1835 et 1840,
une gigantesque opration mdiatique conduite par des
mdecins va dlivrer la pomme damour des rumeurs
infondes qui lui collent la peau. La tomate devient le
produit la mode. Une sorte de tomatemania sempare du
pays : recettes, conseils, pilules, livres, chroniques dans la
presse. Le fruit simpose comme un aliment indispensable
pour garder la sant. Voire comme une plante miracle
capable de gurir la toux et de soigner le cholra ! Les
Amricains ne font jamais dans la demi- mesure.
D'ou vient le nom de la clbre marque Adidas ?
Une histoire trs simple ! La multinationale qui
commercialise aujourdhui vtements, matriel et chaus-
sures de sport fut cre en 1920 par un entrepreneur
allemand, Adol Dassler. Le jeune homme vient tout juste
de fter son vingtime anniversaire lorsquil invente,
notamment, les chaussures pointes destines la course
sur piste.
Quatre ans plus tard, Adol (Adi pour les intimes) fonde
avec son frre Rudol (Rudi) une socit baptise Gebreder
Dassler OHG. Ils sinstallent dans la ville de leur enfance
(Herzogenaurauch), l o leur pre tenait une choppe de
cordonnier. Et avoir un papa dans la bottine et la galoche,
a vous pousse forcment travailler... darrache-pied.
Lanne suivante (1925), les frres Dassler se concentre sur
le football, sport favori dAdi. Et ils mettent au point une
chaussure en cuir munie de crampons. Trente cinquante
paires sortent chaque jour des ateliers.
Dix ans plus tard, loccasion des Jeux olympiques de
Berlin (1936), un athlte noir, Jesse Owens (19131980),
remporte quatre mdailles dor (100 mtres, 200 mtres,
saut en longueur et 4 x 100 mtres). Un triomphe qui, aux
yeux du monde entier, ridiculise Hitler et les suppts
dune prtendue supriorit de la race aryenne. Aux pieds,
Jesse Owens porte des chaussures pointes conues par
les frres Dassler !
Aprs douze annes supplmentaires de complicit, les
deux frres se sparent en 1948. De son ct, Rudi cre
Puma (qui deviendra lun des plus gros concurrents
dAdidas en Europe). Quant Adol, il se souvient du
surnom qui lui colle la peau : Adi. Trois petites lettres en
forme de diminutif. Insuffisant son got ! Aussi dcide-t-
il d'ajouter trois autres lettres (das), celles qui composent
le dbut de son nom. Ainsi naquit Adidas.
Et comme le chiffre trois semble dcidment lobnu-
biler, Adol adopte lanne suivante les trois bandes comme
symbole signaltique de sa marque.
Qui est l'origine de la premire tasse de caf ?
Au sud de la pninsule Arabique, sur les plateaux de
lactuel Ymen, un berger nomm Kaldi accompagne
comme laccoutume son troupeau de chvres. Mais, en
ce jour de lanne 850, le jeune homme stonne de
lexceptionnel tat dexcitation de ses animaux.
Habituellement si calmes et paisibles, pas une seule de ses
btes ne tient aujourdhui en place. Certaines gambadent,
sautent et sparpillent dans les rocailles, tandis que
dautres se lancent dans des courses inexplicables.
Attentif, Kaldi remarque que ses chvres mangent les
baies rouges dun anodin arbuste qui navait jusquici
jamais retenu son attention. A son tour, le berger gote ces
curieuses graines qui semblent produire sur lui le mme
effet euphorisant. Intrigu, Kaldi dcide de rapporter
quelques chantillons de sa prcieuse dcouverte au
monastre du lieu.
Mais pas un seul religieux ne connat les mystrieux
petits fruits rouges. Cependant, tous prennent lhabitude
den prparer des infusions qui, ont-ils not, leur per-
mettent destomper les effets de la fatigue. De surcrot, une
rumeur se rpand aussitt : apparu lun des religieux du
monastre, Mahomet lui aurait conseill de boire
rgulirement cet trange et revigorant breuvage afin de
pouvoir prier plus longtemps. Ds lors, la potion prend le
nom de qahwah.
Peu de temps aprs, une branche du prcieux arbuste
serait tombe dans le feu. Attir par une odeur la fois
cre, tenace et envotante, un mollah du lieu se risque
alors craser les grains grills. Il verse de leau bouillante
sur la poudre ainsi obtenue, laisse reposer quelques
instants, puis boit cette infusion noirtre qui ressemble bel
et bien la premire tasse de caf.
Cette charmante lgende arabe a rendu le caf trs
populaire dans toute la pninsule Arabique ds la fin du
IXe sicle. Dautant quun mdecin et chimiste dorigine
iranienne (Rhazs, 860-923) produit lpoque une
imposante encyclopdie mdicale dans laquelle il vante les
bienfaits du caf (quil appelle dans ses crits bunchuni).
Dabord consomme sous la forme dune infusion base
de feuilles et de baies fraches, la boisson aurait ensuite
tait prpare avec des graines sches.
Toutefois, sur lautre rive de la mer Rouge, en Ethiopie
et au Kenya, certaines tribus africaines avaient dcouvert
le caf une dizaine de sicles avant lre chrtienne. Sauf
que ces peuples de nomades ne le buvaient pas ! En effet,
ils confectionnaient une sorte de bouillie en mlangeant
les baies du cafier des graisses animales. Fort
logiquement, certains historiens ont avanc que des
peuplades de lest de lAfrique auraient donc pu tenter des
infusions de feuilles et baies de cafier bien avant le IXe
sicle.
La culture du cafier va se dvelopper aux XIVe et XVe
sicles (notamment au Ymen, sige de la lgende de
Kaldi). La boisson se rpand immdiatement dans
lensemble du monde musulman o elle sduit autochto-
nes et smillants voyageurs europens qui sattachent
cette stimulante dcoction qui sait donner du cur
louvrage. Et, au XVIe sicle, le caf gagnera lInde et lEu-
rope dans une version trs proche de ce que nous
connaissons aujourdhui. Les grains dlicatement grills
taient rduits en une fine poudre que lon plaait dans
leau bouillante. Restait filtrer le liquide travers un
morceau de soie.
Le caf est commercialis Venise ds 1570 et Mar-
seille vers 1650. Pour leur part, les Hollandais commen-
cent cultiver le cafier Ceylan en 1660 et le Ymen va
rapidement perdre son rang de plus gros producteur de ce
produit en vogue. Les Franais implantent larbuste aux
Antilles et en Guyane (vers 1720), les Anglais la
Jamaque. Suivent des pays qui deviendront le paradis du
cafier : Brsil (1727), Mexique et Colombie (vers 1800).
A Paris, le premier caf se vend prix dor dans une
choppe de la Foire Saint-Germain en 1672. Aristocrates et
bourgeois de la capitale ne jurent plus que par ce breu-
vage euphorisant qui gagnera le cur des classes po-
pulaires prs dun sicle plus tard.
A dfaut dtre lorigine de la premire tasse de caf,
les clbres coffee-houses doutre-Manche contriburent
assurer une large promotion au produit. Le premier
souvre Londres en 1652. Et la fin du XVIIe, il y a deux
mille cafs dans la capitale anglaise. De quoi rendre furi-
bondes les douces pouses des Londoniens qui passent le
plus clair de leur temps libre dans ces endroits la mode.
Au point que les femmes font circuler un clbre brlot
baptis The Women s Ptition Against Coffee. Dans ce
texte vengeur, elles affirment avec vhmence que les
coffee-houses rendent leurs maris striles comme les
dserts do ces grains ont t rapports !
Pourquoi a-t-on dans notre calendrier des mois de 28 (ou 29), 30 et 31 jours ?
Il y a un million dannes (palolithique infrieur),
lhomme de la prhistoire prouve dj le besoin de percer
les mystres du temps. Dans la double acception du mot :
le temps quil fait et celui qui passe. Dans sa qute de
signes, lHomo erectus cherche donc des explications. Car
il voudrait mieux comprendre les soubresauts de la nature.
Dabord pour survivre. Ensuite pour tenter dintgrer plus
efficacement les consquences du climat dans ses rythmes
de vie.
Certes, cet Homo erectus ne dispose bien videmment
pas dun calendrier pour planifier son activit. Mais dans
le souci de guider son propre destin, il a su trs vite
organiser son temps en fonction des jours et des nuits,
puis en sappuyant sur les phases de la Lune (plus faciles
observer que le mouvement apparent du Soleil). Il sat-
tache galement reprer et matriser le passage rpti-
tif de moments chauds et secs, puis froids et humides,
cest--dire des priodes qui ne sappellent pas encore les
saisons. En fait, certains esprits plus veills que dautres
savent dj constater et dduire en se fondant sur lobser-
vation de phnomnes banals et rptitifs (amoncellement
de nuages, orages, vents, vols de certains oiseaux, course
des plantes et des toiles, etc.).
Les premiers rudits ont donc une sorte de calen-
drier virtuel dans la tte. Ce qui leur permet dorganiser
la vie quotidienne des tribus d'Homo erectus qui se
dplacent la cadence des nuits et des saisons, pour
sadonner leur occupation favorite : chasse et cueillette.
Vous laurez compris, limage daujourdhui, lhomme
prhistorique a parfaitement model son existence primi-
tive essentiellement fonde sur le principe de subsis-
tance en se rfrant des cycles naturels dont il ignore
tout : rotation de la Terre sur elle-mme, rotation de la
Lune autour de la Terre, rotation de la terre autour du
Soleil.
Des centaines de millnaires scoulent jusqu la
conqute du feu, qui napparaissait auparavant que sous la
forme dorages, dincendies naturels ou de projections
volcaniques. Vers - 400 000 av. J.-C., la production
volontaire dune flamme (lune des plus fondamentales
inventions dans lhistoire de lhumanit) apporte dabord
chaleur et lumire. Mais le feu enfin matris modifie aussi
de faon considrable les habitudes alimentaires en
popularisant la cuisson de la viande. Sans oublier quil va
aussi progressivement contribuer lbauche dune
cohsion sociale.
Dsormais, des groupes se rassemblent rgulirement
autour dun foyer, pour se rchauffer, manger, se protger
des animaux sauvages. Outre les soires et les saisons, des
phases rcurrentes plus labores se construisent. Et ces
attitudes nouvelles vont lentement mener aux prmices de
la sdentarisation, aux premires cultures de crales
(probablement vers 12 000 av. J.-C. dans la valle du Nil
et en Afrique de lEst), puis une agriculture et un
levage structurs dans le Proche-Orient (vers 7 500 av. J.-
C.).
A cette poque-l, les calendriers nexistent toujours
pas. Mais le temps semble scander ses rythmes de manire
plus imprieuse. Tout simplement parce que les exigences
dun travail planifi et dun repos ncessaire commencent
merger. Dautant plus que la sdentarisation se
dveloppe et que les balbutiements de la vie en socit
dboucheront sur une indispensable organisation
politique et administrative de la cit. Sans ngliger la place
considrable (et sans cesse croissante) quoccupent les
rituels religieux lis aux cultes paens de lpoque. Toutes
pratiques collectives qui exigent des points de repres
prcis. Ds lors, laube du nolithique (vers 6 000 av. J.-
C.), lbauche dun dcoupage scientifique du temps qui
passe (mesure, division et comptage) va mobiliser les
nergies.
De lancestral cadran solaire (marquage de lombre), en
passant par lobservation des astres ou par celle de
lcoulement dun fluide, lhomme sattache donc
rglementer le droulement du temps en un partage
rationnel de phases. Invent par les Chinois vers le IIIe
millnaire av. J.-C., le gnomon (cadran solaire rudi-
mentaire) reste le plus ancien instrument spcifiquement
conu pour la mesure du temps. Quant la clepsydre
(horloge eau), elle voit le jour en Egypte au IIe millnaire
av. J.-C. (une clepsydre date 1 530 av. J.-C. figure au
muse du Caire).
De son ct, le classique cadran solaire divise encore
les scientifiques. Certains situent son origine en Grce au
VIe sicle av. J.-C. Dautres chercheurs considrent quil a
t invent en Chine ou en Egypte une poque largement
antrieure (il existe de nombreux cadrans solaires grco-
romains dats du IVe sicle av. J.-C.). Enfin, beaucoup plus
prs de nous (vers le vie sicle de lre chrtienne), on sait
que les Byzantins faisaient brler des btons dencens dont
la combustion donnait une indication du temps coul. En
revanche, le sablier refuse toujours jalousement de livrer
la date et lhistoire de ses origines : pour toute rponse, il
nous suggre daller nous faire cuire un uf!
Au fil des sicles, llaboration dun calendrier visant
ltalonnage universel du temps na manqu ni dhsi-
tations ni dapproximations. Dans lAntiquit, Babylo-
niens, Egyptiens, Hbreux et Grecs ont entrepris de
multiples recherches, souvent convergentes. Dans un
premier temps, ces calendriers se fondent sur lobserva-
tion du cycle lunaire. Seulement voil, le mois lunaire ne
se divise pas en un nombre entier de jours. Il dure en
moyenne 29 jours 12 heures 44 minutes et 3 secondes.
Arrondissons 29 jours et demi. Quant lanne solaire
(cest--dire le temps que met la Terre pour parcourir sa
course elliptique autour du Soleil), elle ne se compose pas
dun nombre entier de mois lunaires : il lui faut douze
lunaisons plus 10,8 jours.
Ainsi, aux alentours du XVIIIe sicle avant notre re,
Babyloniens et Hbreux optent pour une version lunaire
de leur calendrier. Ils laborent un dcoupage qui repose
sur douze mois, en faisant alterner 29 ou 30 jours. Un
calcul fort simple conduit donc une anne de 354 jours.
Manquent 11 jours pour saligner sur la dure
approximative de lanne solaire (365 jours). Afin
dviter une rapide drive du calendrier par rapport aux
saisons, il convenait donc dajouter un treizime mois de
33 jours tous les trois ans (11 jours perdus par an au bout
de trois ans gale 33 !). Pour retomber sur 1 095 jours
(trois annes de 365 jours), il fallait que se succdent deux
annes de 354 jours, plus une de 387.
Passons sur la complexit des calculs qui sensuivirent
dans le calendrier hbreux lorsquil fallut caser les ftes
religieuses. On se retrouve alors avec six annes
diffrentes : 353, 354 et 355 jours pour les annes de
douze mois ; 383, 384 et 385 jours pour les annes de
treize mois. Et dire quon navait pas encore invent
laspirine !
Toute la difficult de llaboration dun calendrier qui
conserve son exactitude au fils des sicles (voire des mil-
lnaires) rside dans le fait que la Terre parcourt son
orbite autour du Soleil en 365 jours 5 heures 48 minutes et
45 secondes (365,2422 jours). Arrondissons 365,25 jours
(365 jours un quart) pour comprendre quun calendrier de
365 jours accuse un retard dune journe tous les quatre
ans.
Pour leur part, les Egyptiens mettent au point au V'
millnaire avant J.-C. un calendrier compos de douze
mois de 30 jours. Et ils ajoutent cinq jours la fin de
lanne. En 238 av. J.-C., le souverain Ptolme III, dit le
Bienfaiteur, fait mme campagne (sans succs) pour
ajouter un sixime jour tous les quatre ans.
De leur ct, les Grecs se dterminent dabord pour
une alternance de douze mois de 29 et 30 jours (354 jours
au total). Eux aussi dcident dajouter un treizime mois
tous les deux ou trois ans. Ce qui, on la vu, ne rgle
absolument pas le problme. Au VIIIe sicle avant 1re
chrtienne, ils contournent la difficult en raisonnant cette
fois sur une priode de huit ans. Les annes trois, cinq et
huit possdent treize mois. Restent cinq annes de douze
mois. Soit un total de quatre-vingt-dix-neuf mois, dont
quarante-huit de 29 jours et cinquante et un de 30 jours.
Croyez-moi sur parole (ou refaites le calcul !), nous
obtenons un total de 2 922 jours pour les huit annes
concernes. Et, miracle, 2 922 jours diviss par 8 donnent
comme rsultat : 365,25 jours. Bravo les Grecs ! Sauf que
le rythme de huit annes manquait un peu de simplicit
dans son application.
Le calendrier traditionnel chinois repose lui aussi sur
douze mois lunaires de 29 ou 30 jours auxquels sajoutent,
l encore, un treizime mois intercalaire. Mais le tout se
gre ici sur une priode de dix-neuf ans ! En rfrence au
cycle de Mton, un brillant astronome athnien du Ve
sicle av. J.-C. Celui-ci avait mis en vidence que dix-neuf
annes lunaires plus sept mois correspondent dix-neuf
annes solaires. Le calendrier chinois sarticulait
finalement autour de douze annes de douze mois, suivies
de sept de treize (pour les sept mois supplmentaires du
principe de Mton).
Mais venons-en aux Romains. Au VIIIe sicle avant
notre re, ils utilisent un calendrier de dix mois compos
alternativement de 29 et 30 jours (soit une anne de 295
jours). Puis ils passent des mois de 30 et 31 jours (total
de 304 jours sur lanne). Notons au passage que les mots
latins september, october, novembris et decembris sont
construits sur une racine signifiant respectivement sept,
huit, neuf et dix. Ce nom marquant leur rang dans une
anne qui commence par le mois de mars.
Aujourdhui, ltymologie de ces quatre mots ne cor-
respond plus du tout leurs rangs respectifs dans le
calendrier. Car ctait sans compter sur Numa Pompilius
(715-672 av. J.-C.) ! En effet, vers 700 avant J.-C., ce
souverain romain rajoute fort propos les mois de janvier
et de fvrier, ainsi que le dsormais clbre mois
intercalaire.
Aprs quelques nouveaux atermoiements, les Romains
en viennent composer le calendrier suivant : quatre mois
de 31 jours, sept de 29, plus un mois de 28 jours (fvrier).
Ce qui donne toujours une anne trs courte : 355 jours.
Au passage, soulignons que le choix de 31 et
29 jours tient au fait que les nombres impairs plaisent aux dieux bienfaisants. Avec un nombre de jours pair, fvrier
(februarius) incarne quant lui un mois maudit consacr
aux dieux malfiques (il en fallait bien un !).
Pour complter cette anne de 355 jours, un petit
mois supplmentaire vient donc la rescousse. Il ne pos-
sde que 22 ou 23 jours et sintercale, tous les deux ans,
entre les 23 et 24 fvrier. Mais, me direz-vous, pourquoi
diable ce curieux endroit ? Tout simplement pour donner
lillusion que fvrier conserve la vocation dmoniaque de
ses 28 jours (nombre pair). Ce petit mois de rattrapage
(mercedonius) sinsrait comme une espce de parenthse
au sein de fvrier. Quoi quil en soit, sur un cycle de quatre
ans, lanne romaine compte 355 jours, puis 377 (355+22),
puis de nouveau 355 jours et, enfin, 378 (355+23). Soit au
total 1 465 jours lissue des quatre annes. Cest--dire
une moyenne de 366 jours un quart.
Le calendrier romain du smillant Numa Pompilius est
manifestement trop long. De surcrot, au fil du temps, les
pontifes vont prendre quelques liberts avec la dure
lgale des fameux mois intercalaires. Jeux politiques et
magouilles faisant dj bon mnage, ils abuseront
largement de leur pouvoir et allongent ou courtent les
magistratures au gr de leurs propres intrts ou pour
favoriser un ami. Trs vite, de telles dcisions arbitraires
sloignent du souci initial : accorder au mieux calendrier
et saisons. Sensuit une invraisemblable pagaille qui ne fait
que crotre et embellir pendant six cents ans. Consquence
de ce dsordre : au dernier sicle avant notre re,
lquinoxe civil accuse un dcalage de trois mois sur
lquinoxe astronomique. On pratique donc les vendanges
en plein mois de janvier !
Conseill par lastronome grec Sogisne dAlexandrie,
Jules Csar va semployer remettre de lordre dans la
maison solaire. En 46 av. J.-C., pour rtablir les quilibres
entre calendrier et saisons, il commence par crer une
anne de... 445 jours connue sous le nom danne de la
confusion. Puis Sogisne propose sa rforme. Lastronome
se fonde sur un calcul parfaitement juste puisquil estime
lanne solaire 365 jours un quart. Il btit donc un
calendrier de 365 jours enfin compos dun nombre fixe de
douze mois. Et, pour rattraper le quart de journe
perdue, il ajoute un jour tous les quatre ans. Il vient
dinventer lanne bissextile.
Cette rforme sduit Csar et elle entre en vigueur ds
45 av. J.-C. Reste quune erreur grossire simmisce dans
cette belle mcanique baptise depuis lors calendrier
julien. Soit le brave Sogisne ne sexprimait pas claire-
ment, soit les Romains navaient rien compris ! Toujours
est-il que les brillants esprits au pouvoir rajoutent un jour
tous les trois ans (et non pas tous les quatre ans). La
plaisanterie va durer trente-six ans. Rsultat : la cration
de douze annes bissextiles sur la priode au lieu des neuf
indispensables.
Il faut donc attendre que lempereur Auguste corrige la
bourde et supprime trois annes bissextiles (entre 8 av. J.-
C. et 4 ap. J.-C.) pour que le calendrier julien se mette
fonctionner correctement. Le tout ordonnanc dans la
forme que nous connaissons encore aujourdhui. A savoir :
sept mois de 31 jours, quatre de et un mois de fvrier de 28
ou 29 jours. Et avec deux mois de 31 jours qui se suivent :
julius (en hommage Csar) et augustus (pour clbrer
Auguste). En initiant la rforme et en corrigeant lerreur,
lun et lautre ne mritaient pas moins que des mois de 31
jours (de surcrot impairs). Ce qui explique que les mois de
juillet et daot possdent la suite 31 jours.
Mais revenons linnovation fondamentale du calen-
drier julien, lanne bissextile. Ce mot vient de lexpression
suivante : bis sextus ante dies calendas Martii .
Autrement dit : deux fois un sixime jour avant les calen-
des de mars. Le mot calendes, qui donnera naissance
calendrier, dsigne le premier jour de chaque mois (celui
o lon rgle les factures).
Pour comprendre ce bis sextus, il faut savoir que les
Romains dcomptaient les jours par rapport une date
exemplaire future que lon inclut dans le comptage. Et
aussi se souvenir que le jour intercalaire tait primitive-
ment plac entre le 23 et le 24 fvrier. Ainsi, le 24 fvrier
est bien le sixime jour avant les calendes de mars (24
fvrier et 1er mars inclus). Une fois tous les quatre ans, on
ajoute deux fois un sixime jour. Et bis sextus va donner le
mot bissextile pour qualifier les annes o le mois de
fvrier possde 29 jours.
Globalement, lordonnancement du calendrier julien
ne va plus changer. Ordre des mois, nombre de jours de
chaque mois et nombre de mois ne bougeront plus. Sauf
que Sogisne avait commis une petite erreur qui va encore
ncessiter une correction. Et cest prcisment en agissant
sur les annes bissextiles que la rforme va soprer.
Lastronome grec avait ralis ses calculs en
considrant que la Terre tournait autour du Soleil en 365
jours et 6 heures. Or notre plante va plus vite puisquil lui
suffit de 365 jours, 5 heures 48 minutes et 45 secondes !
En considrant que la Terre se dplace sur son ellipse
moins vite que dans la ralit, le calendrier julien cumulait
chaque anne un retard de 11 minutes et 14 secondes sur
lanne solaire. Une broutille, me direz-vous ! Certes. Sauf
que laddition se solde par un retard de trois jours tous les
quatre sicles.
Au XVIe sicle, le pape Grgoire XIII charge un comit
dastronomes dlaborer une rforme du calendrier julien.
On constate quil accuse un retard de dix jours sur lanne
solaire. Pour faire de nouveau concider quinoxe civil et
astronomique, cest--dire calendrier et saisons, Grgoire
XIII prend deux dcisions. Tout dabord, il supprime dix
jours dans le calendrier julien. Ainsi, en cette anne de
rforme 1582, on passe du jeudi 4 octobre au vendredi 15
octobre (entre ces deux dates, il y a bien dix jours de
diffrence !). Ensuite, Grgoire XIII modifie le calcul des
annes bissextiles.
Ds lors, sont dcrtes bissextiles les annes divisibles
par quatre. Avec une particularit pour les annes scu-
laires (multiples de cent) qui deviennent bissextiles si elles
sont divisibles par 400. Ainsi, en bonne logique
arithmtique, les annes sculaires 1700, 1800 et 1900
nont pas connu de 29 fvrier. En revanche, linstar de
1600, lan 2000 fut une anne bissextile puisque divisible
par 400. En appliquant cette mme rgle, 2100, 2200 et
2300 ne seront pas bissextiles, tandis que lanne 2400 le
sera. Notez-le sur vos agendas !
Le calendrier grgorien fonctionne encore aujourdhui.
Mais il affiche toujours un dcalage sur lanne tropique
(dure entre deux quinoxes de printemps) : trois jours de
trop tous les dix mille ans. De surcrot, il ne tient pas
compte du ralentissement de la vitesse de rotation de la
Terre (un peu plus dune seconde tous les deux sicles).
Le calendrier grgorien fut appliqu ds octobre 1582
en Italie, en Espagne et au Portugal. La France ladopte en
dcembre 1582. On passe du dimanch 9... au vendredi 20.
Et nos anctres bnficirent de deux week-ends
conscutifs ! Si lAllemagne du Sud et lAutriche
appliquent la nouvelle norme ds 1584, dautres pays ne
sy rangent que beaucoup plus tard : 1610 pour la Prusse,
1700 pour lAllemagne du Nord, 1752 pour la Grande-
Bretagne, 1873 pour le Japon, 1912 pour la Chine, 1918
pour lUnion sovitique, 1923 pour la Grce...
Le dcalage dans la mise en application du calendrier
grgorien dbouche sur damusantes consquences. En
effet, les vnements qui se droulrent dans un pays
donn sont dats selon le calendrier en vigueur ce
moment-l sur le territoire en question. Par exemple, la
Russie appliquait encore le calendrier julien au moment de
la clbre rvolution bolchevique de 1917. Connue sous le
nom de rvolution dOctobre, elle sest en fait droule en
novembre daprs le calendrier grgorien. De la mme
faon, selon que lon se rfre des historiens
britanniques ou leurs collgues franais et espagnols, les
dates journalires des traits dUtrecht (1712-1713)
diffrent sensiblement. Quand cette paix met fin la
guerre de Succession dEspagne (Philippe V renonce la
couronne de France), la Grande-Bretagne (qui pour sa part
reoit de notables avantages outre-mer) utilise toujours le
calendrier julien. Do le dcalage.
Dans un tel environnement o certains pays utilisent le
calendrier grgorien tandis que dautres saccrochent
encore au bon vieux julien, lanarchie des dates rde.
Reprenons. Le 5 octobre 1582 du calendrier julien qui-
vaut au 15 octobre 1582 du calendrier grgorien (voir plus
haut). Un Anglais et un Italien ns tous les deux (selon
ltat civil de leurs pays respectifs) le 16 octobre 1582...
nont pas vu le jour le mme jour. En fait, litalien serait n
le 6 octobre dans le calendrier julien. Il faut donc attendre
dix jours pour que son jumeau anglais pousse le
premier cri.
Au fil des ans, de nombreuses tentatives de rformes
furent labores pour tenter de dtrner le calendrier
grgorien. En France, il y eut bien sr lexprience du
calendrier rpublicain, directement issu de la Rvolution.
Et, aujourdhui encore, des propositions damnagement
ou de refonte totale du calendrier grgorien continuent
d'attiser les passions. Des recherches parfois originales,
voire fantaisistes, mergent rgulirement. Le projet dun
calendrier universel a mme retenu lattention de quelques
pays.
Il semble toutefois bien dlicat de rompre avec une
pratique aussi fortement ancre dans nos habitudes quo-
tidiennes. Que ceux qui auraient lambition de satteler la
construction dun nouvel difice calendaire se nourrissent
dabord de cette tourneboulante histoire de valse terrestre
sous lil de lastre de feu. Juste pour leur viter de
redcouvrir la lune !
D'ou vient le nom du cocktail baptis bloody Mary ?
Souvent compliques les histoires de famille ! Y
compris dans laristocratie britannique du XVIe sicle.
Jugez plutt. Fille dHenri VIII dAngleterre (1491- 1547)
et de Catherine dAragon, la future Marie Tudor I" eut
souffrir de la disgrce de sa mre. Celle-ci fut en effet
remplace par sa demoiselle dhonneur, Anne Boleyn, qui
devint sa place reine dAngleterre. A la naissance de la
future Elisabeth Iere (1533), Anne chasse Marie de la cour.
Et la jeune femme doit mme reconnatre lillgitimit de
sa naissance.
Marie Tudor Iere succde cependant Edouard VI
(1537-1553), fils dHenri VIII et de Jeanne Seymour. Cette
dernire avait succd Anne Boleyn, condamne mort
pour adultre par un tribunal o sigeait son propre pre
(1536).
Le mariage de Marie Tudor Iere avec Philippe II dEs-
pagne provoque une rbellion qui dbouche sur un dur-
cissement du rgime. Marie impose le catholicisme, fait
emprisonner Elisabeth la Tour de Londres et perscute
les protestants. Tout cela ne se produit pas sans effusion
dhmoglobine qui vaut Marie Tudor Iere le surnom de
Marie la Sanglante. En langue anglaise, bloody Mary. Le
clbre cocktail compos de jus de tomate et de vodka a
pris le surnom de celle que daucuns appelaient galement
Marie la Catholique.
Lorsque Marie Tudor Iere steint (1558), Elisabeth Ire
prend sa revanche. Rpudie la mort de sa mre Anne
Boleyn, Elisabeth accde son tour au trne dAngleterre.
Elle marque son avnement dun geste fort : le
rtablissement de l'Eglise anglicane. Depuis, de par le
monde, on boit des bloody Mary ! Pour vnrer la
mmoire des protestants massacrs ou pour se rjouir de
la disparition de la Sanglante ? Sur ce point de dtail,
personne ne sait.
Pourquoi la fte de Nol tombe-t-elle le 25 dcembre ?
Dans sa tentative lgitime de mieux cerner le temps,
lhomme de la prhistoire allait tenter de mesurer,
dcouper puis finalement talonner les rythmes du jour,
de la nuit et des saisons (voir Pourquoi a-t-on dans notre
calendrier des mois de 28 (ou 29), 30 et 31 jours ?).
Seulement voil, lhomme prhistorique saperoit quil
vieillit. Et quil bute inexorablement sur la mort. Aussi,
environ cent mille ans avant lre chrtienne, dans un
ultime geste despoir et de confiance irraisonne en
lavenir, il prouve la ncessit denterrer ses dfunts.
Volontairement et religieusement. Cest--dire en
accompagnant cet acte dun rituel prcis, dune crmonie
structure. Lhomme dit primitif invente ici les premires
spultures qui ne laissent aucun doute sur la volont de
rendre hommage au disparu (offrandes dos danimaux,
racloirs, coquillages formant des parures, tte cale par
quelques pierres, fosses parfois fermes par une dalle).
Prs de cent millnaires sparent les Homo sapiens
archaques de la naissance du Christ. Et pourtant !
Croyances, angoisses, peurs ou certitudes guident dj ces
premiers comportements sociaux face la mort. Une
attitude qui marque en fait la naissance de l homme
moderne comme la si justement affirm lhistorien
Pierre Chaunu.
Ds lors, grands prtres, gourous, sorciers, devins,
gurisseurs, rebouteux, envoteurs, sages convaincus,
nafs bats, fous dsenchants ou habiles sceptiques
convertis en charlatans sans scrupule, tous vont - dune
faon ou dune autre se lancer dans la lecture de prsa-
ges censs annoncer lavenir. Et la dmarche fascine puis-
quelle touche aux mystres de la vie. Ces premiers
augures savent donc entrer en relation avec des puissances
inaccessibles qui peuplent le ciel, leau et les entrailles de
la terre.
A lpoque des premires religions paennes, les inter-
mdiaires spcialiss dans le dialogue avec lau-del affir-
ment quils savent se concilier les faveurs de puissances
caches. Rituels accompagns doffrandes, de danses et
dincantations contribuent conforter le pouvoir de ces
savants qui disposent lvidence dun ascendant sur
leurs compagnons. Et sous prtexte de dcrypter les
rouages de lunivers, ils initient alors des foules de fidles
aux lois de leurs propres certitudes. En profitant bien
videmment des faiblesses de lesprit et de linextinguible
soif de signes surnaturels.
Contrairement aux apparences, ce mcanisme ne nous
carte absolument pas de la clbration de Nol, car il
permet de comprendre la raction en chane qui sensuivit.
Les rituels primitifs ont dbouch sur les premiers
comportements religieux de masse qui portaient en eux les
germes des grands mythes fondateurs de lhumanit. De
telles attitudes enfantrent des crmonies paennes
structures qui donnrent leur tour naissance aux cultes
des multiples divinits, pour finalement engendrer les
religions monothistes.
Aux premiers sicles de 1re chrtienne, les promo-
teurs de la nouvelle religion sattachent dtourner leurs
fidles des chemins douteux. Logique : la foi en un seul
Dieu nest pas compatible avec dautres croyances. Et
surtout pas celles qui conduisent vers les idoles du pass.
Certes, la force de la doctrine naissante porte alors le plus
grand nombre vers lEglise. Pourtant, mme lorsquils se
disent convertis au christianisme, daucuns continuent de
se tourner vers les cultes paens. Les crmonies ddies
des symboles minemment vocateurs comme larbre, la
pierre et leau resteront populaires plus de trois sicles
aprs Jsus-Christ.
Les prtres chrtiens semploient donc chasser les
anciens dieux qui sincrustent encore dans lesprit de leurs
ouailles. Les divinits grco-romaines nont pas t les
plus difficiles vaincre, car les paysans les avaient
abandonnes depuis longtemps. En revanche, ils portaient
toujours une grande attention des idoles plus familires,
plus proches de la nature. Surtout celles qui protgent
champs, moissons et rcoltes (Pan, Priape, les faunes, les
satyres ou les nymphes des sources et des bois). Ces
petits dieux et divinits de seconde zone rsistent au
temps car chacun dans les campagnes redoute toujours les
colres des puissances tnbreuses.
Pendant les premiers sicles de la christianisation,
beaucoup tentent donc de concilier - en cachette ! - le
nouveau culte officiel avec les anciens rituels paens. Et au
sortir mme des crmonies chrtiennes, nombre de
convertis se prcipitent vers les vieilles divinits quils
craignent davoir offenses. LEglise va donc mettre au
point une vritable stratgie pour parvenir ses fins : elle
va faire concider la plupart de ses clbrations festives
avec les rituels paens qui nen finissent pas de disparatre.
Nol, commmoration du jour anniversaire de la nais-
sance du Christ, appartient sans contestation possible ce
type de dmarche. Situe le 25 dcembre, la fte de la
Nativit apparat Rome en 336. Objectif : supplanter une
crmonie trs populaire consacre au dieu Mithra qui se
droulait jusquici au moment du solstice dhiver (donc
sensiblement la mme date). Lempereur romain
Aurlien (212-275) avait mme port au rang de religion
dEtat le culte de Mithra.
Le nom de Mithra (divinit fondamentale de la
mythologie perse) voit le jour vers 500 av. J.-C. Son culte
(fort probablement issu de la tradition indienne qui
clbrait le dieu Mitra) se diffusera rapidement dans le
monde hellniste et romain o il incarne par excellence le
dieu solaire. Les crmonies voues Mithra se droulent
dans des grottes ou des cryptes. Et, au IIIe sicle de lre
chrtienne, elles conservent un faste certain rassemblant
encore une foule dadeptes. Le culte de Mithra tait fond
sur un principe initiatique de sept degrs : corbeau,
griffon, soldat, lion, Perse, courrier du soleil et, enfin, pre
(un pre des pres , sorte de futur pape ou de grand
matre, jouait le rle de chef suprme).
La fte de Nol clbrant la naissance de Jsus le 25
dcembre va finalement simposer lEurope occidentale
partir du IVe sicle. Elle substituera habilement le soleil
victorieux dorigine orientale au soleil de justice que
symbolise le Christ. De surcrot, pour mener bien cette
conqute des esprits, la hirarchie ecclsiastique sappuie
astucieusement sur des notions simples qui visent
imposer la vrit unique et globale (par opposition la
multitude des dieux du pass). Par parenthse, autour de
lan mil, les Vikings seront galement sduits par cette
unicit de Dieu. Eux qui vnraient une foule de divinits
se convertiront sans difficult ce principe rassurant de la
prire unique pour toutes choses.
Pour gagner la confiance des paens terrasss par les
peurs quotidiennes qui se nourrissent de lignorance et
favorisent lexplosion des superstitions en tout genre,
lEglise va donc calquer son attitude sur les rituels du
pass. Quitte emprunter dates et gestuelles de leurs
crmonies au patrimoine culturel (et cultuel) des sicles
antrieurs. Par exemple, les Celtes aspergeaient leurs
morts deau lustrale en utilisant une branche de buis ou de
gui (cette eau sacre avait le pouvoir de chasser les
mauvais esprits). Hasard, concidence troublante ou
mimtisme ? Toujours est-il que les chrtiens appliquent
une pratique identique en utilisant leau bnite. Quant aux
nombreux plerinages de lEglise catholique associs aux
sources et fontaines, ils ne sont le plus souvent que la
copie de ftes paennes lies au culte de leau purificatrice
qui figurait au rang de symbole universel dans la quasi-
totalit des traditions primitives.
De la mme faon, le sapin de Nol puise lui aussi ses
racines dans des coutumes ancestrales. Mme si larbre
dcor ne gagne les foyers franais qu la fin du XIXe, on
en trouve mention dans lAllemagne du VIIe sicle, lorsque
le moine saint Boniface place le sapin au rang de symbole
de la Nativit. Lvanglisateur sinspire alors de lpica,
arbre de lenfantement chez les Celtes. Certains voient
encore dans le sapin une survivance de la dcoration des
temples romains avec des branches de gui ou de houx.
Quant la tradition de lillumination du sapin (et non plus
de la simple dcoration), beaucoup lattribuent Martin
Luther. Il aurait plac des bougies sur larbre afin de
restituer lclat des toiles et den rappeler le rle dans
lpisode de la Nativit.
Lorigine de la bche de Nol, qui fait aujourdhui la
joie du tiroir-caisse des ptissiers, tient davantage du
porte-bonheur. Conserve prcieusement depuis lau-
tomne, la plus belle bche de la ferme tait brle pendant
la nuit de Nol, non sans avoir t asperge deau bnite
ou de sel (pour carter les dmons).
Pour sa part, la premire crche de Nol apparat dans
une grotte dItalie en 1223. Cherchant imiter grandeur
nature ltable de Bethlem, Franois dAssise y avait fait
installer une mangeoire remplie de paille, un buf et un
ne. Un prtre y clbra la messe de minuit en prsence de
cette mise en scne dont les santons de Provence seront les
hritiers.
De son ct, le Pre Nol ne simpose en Europe quau
dbut du XXe sicle. Il sagit ici dune rminiscence du
saint Nicolas germanique qui couvre les enfants de
cadeaux dans la nuit du 5 au 6 dcembre. Saint Nicolas
porte une grande soutane rouge, une longue barbe, une
mitre et une crosse dvque.
Ce que nous venons dexpliquer pour Nol sapplique
dailleurs tout aussi bien la fte de Pques qui comm-
more la rsurrection du Christ et prend place une poque
de lanne auparavant consacre au renouveau et au retour
de la lumire. Par exemple, dans les pays nordiques et en
Allemagne, on allumait des feux symbolisant la
renaissance de la vie agricole. Cette clbration, survi-
vance des anciens cultes solaires, clturait les ftes du
cycle des feux. Et, en 325, le concile de Nice tablit la fte
de Pques le premier dimanche qui suit la pleine lune
survenant aprs lquinoxe de printemps . Mais il fallut
attendre encore deux sicles avant que tous les catholiques
placent cette fte mobile du calendrier chrtien (et
grgorien) entre le 23 mars et le 25 avril.
Pourquoi appelle-t-on scotch le ruban adhsif transparent ?
Pass dans le langage courant pour dsigner un ruban
adhsif transparent, le mot scotch figure dsormais parmi
les noms communs dans tous les dictionnaires de franais,
bien quil sagisse toujours dune marque dpose. Mais le
nom de cette petite bande magique a une histoire
amusante.
Le principe mme du ruban adhsif fut invent en 1925
par lAmricain Dick Drew. Jeune et astucieux assistant au
laboratoire de lentreprise 3M, Dick travaille sur la mise au
point dun produit qui pourrait permettre aux industriels
du secteur automobile de peindre proprement leurs
voitures. Problme : il existe un vritable engouement
pour les carrosseries arborant deux couleurs, mais les
constructeurs prouvent la plus grande difficult raliser
de tels modles. En effet, la ligne qui spare les deux
teintes manque souvent de prcision. Et les vhicules qui
sortent de la chane ne possdent pas la qualit requise
(dlimitation impeccable, propre et nette entre les deux
tons).
Dick Drew met alors au point un adhsif de masquage.
Un produit comparable celui encore utilis actuellement
dans la peinture en btiment pour viter de tacher vitres et
moquettes, ou pour dlimiter deux zones de peinture. La
particularit de ces premiers rubans que la firme 3M livre
aux carrossiers va gnrer une sorte de quiproquo.
Dick a pens tout : pour que les ouvriers retirent plus
facilement les bandes de masquage, seuls les bords du
ruban sont adhsifs. De leur ct, les factieux peintres
carrossiers ne voient dans cette curiosit de fabrication
quun souci dconomiser de la colle. Et ils franchissent le
pas avec humour en baptisant Scotch (Ecossais en
langage familier) cette bande qui leur simplifie la vie. Une
dsobligeante allusion la lourde rputation davarice que
tranent les Ecossais. Quoi quil en soit, agressive ou
amusante, la boutade contribue la notorit grandissante
du ruban dans les usines automobiles de la fin des annes
1920.
En 1930, 3M commercialise un ruban adhsif cellulo-
sique trs proche de celui que nous connaissons aujour-
dhui. Et, plutt que dignorer la plaisanterie des
carrossiers, les dirigeants semparent habilement du sur-
nom que les peintres ont amicalement accol linvention
de Dick Drew. La firme poussera plus tard lallusion
jusqu embellir les botes (et lextrmit du ruban) dun
dessin de tartan (toffe traditionnelle dEcosse larges
bandes de couleurs se coupant angle droit). N sous le
signe de la radinerie, ce scotch-l fera fortune !
Depuis quand les hommes portent-ils la cravate ?
Les premiers phnomnes de mode voient le jour la
fin du Moyen Age. Et il faut attendre le milieu du XIVe
sicle pour que de vritables tendances vestimentaires
commencent simposer. Encore ne touchent-elles que
laristocratie. En fait, la cour s'empresse de copier les
habitudes du roi en matire dhabillement.
A priori fonde sur la recherche de llgance, la mode
conjugue avec plus ou moins de bonheur les notions de
frivolit, de superflu, dextravagance, voire de provocation.
De surcrot, elle a toujours permis la vanit humaine
dexprimer son arrogance. Ainsi, les codes que vhicule le
principe mme de la mode sattachent ranger dans des
catgories sociales ceux et celles qui portent tel ou tel type
de vtements.
Par exemple, jusquau XVIe, on interdisait aux roturiers
de shabiller comme les nobles. Mais, vers le XVIe sicle,
l'explosion de la bourgeoisie a pouss les parvenus et
autres nouveaux riches des classes moyennes imiter les
comportements vestimentaires de la noblesse. Tissus,
chapeaux, coupes des habits, broderies, dentelles, acces-
soires deviennent progressivement des signes ostentatoi-
res de pouvoir conomique et de puissance sociale.
Evolution du machinisme dans lindustrie textile,
apparition de matires synthtiques, baisse des cots de
production et dveloppement des grandes surfaces ont
achev le processus menant la commercialisation de
masse de vtements de prt--porter.
Finalement, cette raction en chane ne fera quexacer-
ber et soutenir les phnomnes de mode. Et comment ne
pas voir un signe de reconnaissance sociale dans lim-
muable costume-cravate que porte le jeune cadre dyna-
mique, lentre
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