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Le

nucléaire

en question

Recueil de

Maryam RAHOU

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I. Crise nucléaire au Japon

I.1. Fukushima : une pollution radioactive infime arrive en France

I.2. "C’est médicalement restrictif de ne parler que de l’iode et du césium"-Entretien avec Perline,

du réseau Sortir du nucléaire

I.3. Le problème majeur concerne l’iode 131

II. Accidents nucléaires : les dangers pour les

populations

II.1. Incidents nucléaires : quels risques pour la santé ?

II.2. Risque nucléaire : l'iode, pour quoi faire ?

II.3. Nucléaire : quelle sécurité ?

II.4. Nucléaire : vivre à côté d'une centrale

II.5. Nucléaire : quel impact sanitaire et écologique ?

II.6. Incidents à Cadarache : la sécurité nucléaire en question

II.7. L'incident nucléaire de Tricastin : quelle portée ?

III. Nucléaire : quels risques ?

III.1. Nucléaire : comment ça marche ?

III.2. Le nucléaire, une énergie d'avenir ?

IV. Les dessous de l'énergie nucléaire

IV.1. Que deviennent les déchets nucléaires ?

IV.2. Déchets nucléaires : le cauchemar français

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La France a fait le pari du nucléaire dès fin de 1950. Même si ce choix permet de limiter ses émissions

de carbone, l'actualité nous rappelle que la production d'énergie nucléaire n'est pas sans danger. Au-

delà des accidents rarissimes, le problème des déchets reste entier. Alors pour ou contre le nucléaire ?

I. Crise nucléaire au Japon

D'heure en heure, la situation semble s'aggraver au Japon. Les nouvelles rassurantes ont laissé place à

un discours plus réaliste et des mesures de précaution étendues. Découvrez les risques sanitaires pour

les populations d'un tel incident et ses répercussions en France.

I.1. Fukushima : une pollution radioactive infime arrive en France

Depuis le 12 mars, les réacteurs nucléaires accidentés de la centrale de Fukushima, au Japon, rejettent des

particules radioactives dans l'atmosphère. Les masses d'air polluées, qui se déplacent au gré des vents,

survolent actuellement l'Amérique du Nord et devraient atteindre la France le 23 mars. Néanmoins la

concentration en particules radioactives devrait être infime, et donc sans danger.

La situation à Fukushima n'est toujours pas sous contrôle, même si l'arrosage intensif des piscines de

stockage des combustibles nucléaires a permis, jusqu'à présent, d'éviter la désintégration complète des barres

radioactives. Il est donc probable qu'une certaine quantité de radioactivité continue de s'échapper des

réacteurs endommagés par le terrible tsunami consécutif au séisme du 11 mars.

Modélisation de la dispersion du panache radioactif

Cette radioactivité est dispersée dans l'air en fonction des vents. Il en résulte une masse d'air faiblement

radioactive (essentiellement de l'iode et du césium radioactifs) qui se déplace, en se diluant, dans les courants

atmosphériques de l'hémisphère Nord. Afin d'évaluer les conséquences de cette dispersion, l'Institut de

Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a réalisé une animation modélisant la dispersion radioactive

durant la période du 12 au 26 mars, accessible sur leur site en cliquant ici.

Ruée vers l'iode : les dangers d'une prise irrationnelle

Les médias se font l’écho d’un possible rué vers les comprimés d’iode en pharmacie. Face à cet afflux

de questions et de demandes, le conseil national de l’Ordre des pharmaciens a adressé un courrier aux

23 000 officines adhérant au Dossier Pharmaceutique. Rappel sur le statut de ce médicament.

« Je suis enceinte, dois-je prendre des comprimés d’iode pour protéger mon enfant ? », « Je pars aux Etats-

Unis, dois-je emmener des comprimés d’iode ? »… Les pharmaciens doivent aujourd’hui répondre à un

afflux de questions sur ce composé. Doctissimo fait le point.

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Pourquoi l’iode est-il utile en cas d’incident nucléaire ?

L’iode est un oligo-élément naturel, indispensable au fonctionnement de la thyroïde. Il est naturellement

présent dans notre alimentation. En cas d’incident nucléaire, de l’iode radioactif peut être rejeté dans

l’environnement. Ce radionucléide va en cas d’ingestion se fixer sur la thyroïde. L’émission de radiations va

favoriser des processus de cancérisation, en particulier chez les enfants.

Pr Schlumberger, chef de service de médecine... par demonstration-video

Pour éviter un tel phénomène, la prise d’iode stable sous la forme de comprimés d'iodure de potassium va

protéger la thyroïde en empêchant l’iode radioactif de s’y fixer. La thyroïde est ainsi protégée. Pour entraîner

une réduction de plus de 90% de la fixation de l'iode radioactif, les doses nécessaires sont :

Dans la région où l'apport alimentaire en iode est "normal" : 1 dose ≥ à 30 mg d'iode ;

Là où il existe une carence relative en iode alimentaire (cas de la France) : 50 à 100 mg d'iode.

En pratique une dose unique de 130 mg est recommandée, soit 2 comprimés, à dissoudre dans un verre d'eau

(1 comprimé pour les enfants de moins de 12 ans, ½ comprimé pour les nourrissons de 1 à 36 mois, un quart

de comprimé pour les nouveau-nés de moins de 1 mois). On sait que la thyroïde des enfants est

particulièrement sensible à l’iode radioactif.

La protection est nécessaire pour les femmes enceintes, les enfants et les jeunes adultes. Au-delà de 30 ans,

la thyroïde est moins radiosensible et la protection est moins indiscutable. L’efficacité de cette protection est

maximale si le comprimé est ingéré 2 heures avant le rejet d’iode radioactif (proche de 100% dans les deux

heures suivant l’ingestion, 40% après 8 heures…). La protection ne perdure pas au-delà de 48 heures.

Pas de raison de prendre de l’iode aujourd’hui

Aujourd’hui, on ne sait pas dans quelle direction le nuage va se diriger. De plus, la durée de vie de l’iode

radioactif, iode 131, est relativement courte (8 js), ce qui en fonction du temps de trajet du nuage radioactif,

devrait limiter les doses d’exposition. Mais surtout, l’ingestion d’iode ne protège que durant un certain

temps. C’est pourquoi le comprimé doit être pris uniquement et immédiatement à la demande du préfet.

Pour ordonner la prise d’un comprimé d’iode, les pouvoirs publics utilisent alors tous les moyens

d’informations et d’alerte (radio, télévision, pompiers, gendarmerie, sirènes…). C’est l’Etat qui est

responsable d’une telle distribution via les préfectures. Mais on n’est bien entendu pas dans cette situation et

aucune menace ne justifie aujourd’hui une distribution d’iode par les autorités.

Les comprimés d’iodure de potassium ont en France un statut particulier. Ils sont stockés par l'État dans des

"zones défense" et ne peuvent être délivrés (à titre gracieux ou onéreux) qu'à la demande expresse des

autorités. C’est d’ailleurs la pharmacie centrale des armées qui a le monopole de sa fabrication. Aujourd’hui,

seules les officines situées près des centrales nucléaires en disposent.

La prise d’iode en dehors d’un tel contexte n’est pas recommandée. Comme tout médicament, ces

comprimés ont des effets secondaires, bien que rares. Il y a un risque d’induire des crises d’hyperthyroïdie

chez certains. Des cas d’allergie rares pourraient potentiellement survenir. Il existe enfin deux contre-

indications à la prise d'iodure de potassium, deux maladies auto-immunes excessivement rares : les

dermatites herpétiformes et les vascularites hypocomplémentaires.

David Bême, le 18 mars 2011

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Des sites pour aller plus loin

Le site perso de Perline

Réseau Sortir du nucléaire

Le site de l'ASN

L'IRSN

I.2. "C’est médicalement restrictif de ne parler que de l’iode et du césium"-Entretien avec Perline,

du réseau Sortir du nucléaire

A Fukushima, la situation est sur le point de devenir incontrôlable. Plus personne ne peut travailler

sur le site alors que piscines/réacteurs ont besoin d’eau pour contenir les radiations des combustibles

qui s’y trouvent. Entre l’optimisme de certains discours et la réalité, difficile de savoir quoi penser. Y

a-t-il des réels risques pour la population japonaise. Pour en savoir plus, nous avons interrogé Perline,

ingénieur, auteur de plusieurs ouvrages sur le nucléaire et porte-parole du réseau Sortir du nucléaire.

Doctissimo : Jeudi 17 mars, tous les regards se portent sur le réacteur 4 où la piscine de refroidissement

risque de se retrouver à sec. Quelle est la situation actuellement ?

Perline, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire : Tout d’abord, il faut bien rappeler la distinction entre

la situation dans les piscines et celles dans le cuves.

Le cœur du réacteur, dans lequel se trouvent les barres de combustibles qui s’y trouvent. Certaines de ces

barres ont déjà fondu : c’est la fusion du cœur du réacteur. Pour éviter que la pression ne soit trop élevée à

l’intérieur de la cuve, des dégazages sont réalisés et induisent donc des rejets "contrôlés" de radioactivité. La

situation dans les piscines où les combustibles usés sont normalement mis à refroidir. Or, contrairement aux

cuves, ces piscines ne sont pas protégées au sein d’une enceinte de confinement, elles se trouvent au-dessus

de cette même enceinte.

Lorsque le niveau d’eau diminue, la chaleur dégagée par les produits radioactifs n’est plus suffisamment

atténuée. Résultat : l’eau bout, de la vapeur d’eau radioactive est dégagée et le niveau descend. Les situations

sont très différentes d’un réacteur à l’autre mais toutes prennent la même direction, à savoir l’épuisement de

l’eau. Par ailleurs, il est possible qu’il y ait des fuites au niveau de la piscine, ce qui accélérerait la baisse du

niveau d’eau mais bien sûr, personne ne peut le vérifier.

Dans les piscines des réacteurs 3 et 4, l’eau est en ébullition. D’après les données dont on dispose, il reste 4

jours pour le n°4 et 7 pour le n°3 avant que la totalité de l’eau ne se soit évaporée. Le problème est que ces

piscines ne sont pas du tout protégées par une enceinte.

Le matériel radioactif serait donc à l’air libre. D’où l’idée de lancer de l’eau par des hélicoptères. Mais la

radioactivité étant trop élevée au-dessus de la centrale, le premier essai avait échoué (NDLR : le premier

essai avait eu lieu dans la nuit de lundi à mardi. Jeudi 17 mars, on parle de deux hélicoptères).

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Doctissimo : Comment faire pour refroidir les piscines ?

Perline : Comme il n’est plus possible de travailler au niveau de la centrale, l’idée était que des hélicoptères

versent des tonnes d’eau dans les piscines. Mais cela s’apparente plus à une opération kamikaze qu’à autre

chose : les personnes dans cet hélicoptère seraient soumises à d’énormes doses de radioactivité et

l’hélicoptère deviendrait lui aussi un énorme déchet nucléaire.

Par ailleurs, les Japonais tentent actuellement de ramener le courant à la centrale de Fukushima. C’est

d’ailleurs la solution la plus encourageante. En effet, ils disposaient d’un groupe électrogène censé

fonctionner en cas de panne mais celui-ci les a lâchés. Après, la TEPCO aura à choisir où ils veulent amener

l’électricité en premier lieu. C’est évidemment l’urgence des situations qui dictera ces choix.

Doctissimo : Les cuves des réacteurs sont-elles aussi source d’inquiétude ?

Perline : D’après nos informations, il semble que certains cœurs aient fondu : ce qui fait que les enceintes de

confinement sont constamment bombardées de produits radioactifs. Tout est en train de se fragiliser. La

question est de savoir combien de temps les enceintes de confinement tiendront…

Ces enceintes ne sont pas prévues pour résister à une fusion du cœur. Mais heureusement, grâce aux

systèmes mis en place, notamment les purges, permettent de souffler un peu et de gagner du temps. Mais

combien de temps ? L’urgence aujourd’hui en tout cas, c’est le refroidissement des piscines.

Doctissimo : A-t-on une idée des taux de radioactivité au niveau de la centrale ?

Perline : Pour le moment, nous ne disposons pas de données chiffrées sur les niveaux de radioactivité au-

dessus de la centrale. D’après la convention de l’AEIA, en cas de crises, les autorités locales sont censées

communiquer à l’agence internationale toutes les données dont elles disposent.

On peut vraisemblablement penser que le Japon s’y plie mais que la rétention d’informations est au niveau

de l’AEIA. Du coup, on ne sait pas non plus quelles mesures ont été prises, si ce n’est qu’ils tentent

actuellement de ramener le courant.

Doctissimo : Quels sont les risques associés à une piscine vide ?

Perline : Si les barres ne sont pas refroidies au sein des piscines, la radioactivité s’échappera dans

l’atmosphère. Or, certaines d’eux contiennent du MOX, un mélange de déchets nucléaires contenant du

plutonium qui est un élément radioactif extrêmement dangereux, il est létal. Mais nous ne savons ni où ce

MOX se trouve, ni en quelle quantité. Il aggrave notablement les risques sanitaires mais heureusement,

toutes les barres n’en ont pas. C’est médicalement restrictif de ne parler que de l’iode et du césium.

De manière plus générale, les combustibles produisent une multitude de produits radioactifs. Ce cocktail de

substances radioactives contient notamment de l’iode 131 et 132 (qui vont se fixer sur la thyroïde), du

césium bien sûr mais aussi une multitude d’autres produits. Certains ont des actions localisées, comme l’iode

et d’autres pas vraiment.

Pour ce qui concerne le césium, les inquiétudes sont nuancées dans la mesure où il existe un composé peu

cher et facilement disponible, le bleu de Prusse, qui permet d’évacuer de l’organisme toute trace de césium.

Mais il y a certains des produits sur lesquels on ne sait pas grand-chose. Plus inquiétant, on connaît encore

moins l’effet sur l’organisme d’un cocktail de ces substances.

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Doctissimo : La population aux alentours est-elle directement menacée par la radioactivité ?

Perline : Pour ce qui concerne les personnes vivant 30 km aux alentours de la centrale, aucune évacuation

n’a été faite, on leur a simplement indiqué de se calfeutrer chez eux. Mais comment être sûr que tous

respectent les consignes à la lettre ? Ne sortent-ils pas de chez eux en cas de réplique sismique ? N’ouvrent-

ils pas la porte pour recevoir le ravitaillement ?

Doctissimo : Ce périmètre de 30 km est-il réellement adapté à la réalité de la situation ?

Perline : Effectivement, la question se pose de savoir pourquoi cette limite de 30 km a été définie.

Certainement à cause de plusieurs raison : densité de population, politique, etc. Mais si on veut vraiment

effectuer sérieusement l’évacuation des populations, il faudrait se baser sur une carte météorologique. Par

exemple, les EU ont conseillé à tous leurs ressortissants de rester éloignés d’un périmètre de 80 km autour de

la centrale. Pour ce qui est des autres pays, il est très probable que la Chine ou la Corée récupèrent un peu de

radioactivité. Pour l’instant, les émanations restent contrôlées mais si les piscines ne sont pas rapidement

refroidies et si les enceintes de confinement ne résistent pas, la situation sera totalement différente.

Doctissimo : Les travailleurs œuvrant sur la centrale pour tenter de limiter les dégâts sont-ils en danger ?

Perline : Bien évidemment, on peut même dire pour certains que ce sont des morts-vivants. La limite

d’exposition externe aux rayonnements ionisants est de 1 millisiverts par an. Cela veut dire que si 100 000

personnes reçoivent cette dose, 5 d’entre elles auront un cancer létal causé par cette exposition et 5 autres

personnes auront un cancer non létal.

Pour les personnes qui travaillent dans les centrales, la dose est de 20 millisiverts/an. Le fait d’élever la dose

à 100 en cas de crise comme c’est le cas actuellement, est une mesure économique, pas sanitaire. En effet, au

lieu de faire travailler 5 personnes, une seule travaille même si elle reçoit une dose 5 fois plus importante.

La question est de savoir si les personnes qui travaillent à la centrale de Fukushima étaient réellement

volontaires ou si elles se sont retrouvées au pied du mur sans autre alternative que celle de s’exposer de

manière dangereuse à des niveaux de radiation élevés. C’est quand il n’y pas de problème que la question

devrait être posée aux employés d’une centrale (NDLR : c’est le cas en France).

Doctissimo : Au final, peut-on déjà tirer des enseignements de cette catastrophe ?

Perline : Tout à fait parce qu’on ne cessait de citer en exemple le modèle japonais, avec ses doubles

systèmes de protection, son système d’arrêt des centrales en cas de séisme, etc. Mais la situation actuelle

prouve qu’en dépit de tous les systèmes de protection possibles et imaginables, nous ne sommes jamais à

l’abri d’une catastrophe, d’une situation incontrôlable.

Cette expérience montre que même les pays les plus développés technologiquement et les mieux préparés ne

peuvent pas tout contrôler. Or, le discours de certains industriels et politiques est parfaitement irresponsables

en ce sens où ils assurent que tout est sous contrôle et que tout est maîtrisé…

Propos recueillis par Yamina Saïdj, le 17 mars 2011

Des sites pour aller plus loin

Le site perso de Perline

Réseau Sortir du nucléaire

Le site de l'ASN

L'IRSN

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I.3. Le problème majeur concerne l’iode 131

Depuis 5 jours, la centrale de Fukushima est le centre de toutes les attentions. Les efforts pour contenir

la radioactivité de plusieurs réacteurs en perdition se multiplient… avec des résultats mitigés. Pour en

savoir plus, nous avons interrogé Michel Bourguignon, commissaire à l’Autorité de Sûreté Nucléaire.

Doctissimo : Mercredi 16 mars, tous les regards se portent sur le réacteur 4 où la piscine de

refroidissement risque de se retrouver à sec. Quels sont les risques ?

Michel Bourguignon, commissaire à l’ASN, Docteur d'Etat en médecine, spécialiste en médecine

nucléaire, Docteur d'Etat en physique : Dans la piscine, on stocke les combustibles usés qui contiennent

les produits issus de la fission (dont l’iode 131 et le césium). Lors de leur refroidissement, ces éléments

émettent un rayonnement qui va chauffer le métal en présence. Cette charge thermique résiduelle diminue

avec le temps. Au 5ème

jour, elle est de 4 pour 1000, au bout d’un mois de 0,15%, d’un an de 0,03%...

D’après nos informations, ces combustibles se trouvaient dans la piscine depuis plus de 3 mois (novembre

2010). Actuellement, la charge thermique est donc de l’ordre du millième de la charge thermique initiale.

L’eau de la piscine se trouve généralement dans des températures aux alentours de 50°C. Mais si le niveau

d’eau est insuffisant, la charge thermique peut augmenter au point de fissurer les gaines de combustibles*

(fabriquées pour résister à une température de 1 100°C). Dans ce cas, un rejet d’éléments radioactifs

majoritairement composé de césium (puisqu’il ne reste pratiquement plus d’iode) est à craindre.

Contrairement à Tchernobyl, où une explosion nucléaire avait massivement rejeté des éléments radioactifs à

plus de 10 000 mètres d’altitude, la diffusion serait diffuse. D’après des modélisations réalisées par l’IRSN,

on trouverait très peu d’éléments radioactifs à plus de 20 km aux alentours de l’accident. Comme toute cette

zone a été évacuée, les risques ne devraient pas être trop élevés pour la population.

Doctissimo : Les réacteurs n°2 et n°3 pourraient également manquer d’eau. Quelles pourraient être les

conséquences ?

Michel Bourguignon : Les cuves des réacteurs de 16 cm d’épaisseur se trouvent dans une enceinte de

confinement étanche en béton d’un mètre d’épaisseur. Les problèmes rencontrés concernent également les

niveaux d’eau, même si les mécanismes en jeu sont différents puisque dans les cuves, les réactions nucléaires

sont arrêtées depuis seulement 5 jours et que les combustibles qui s’y trouvent ne sont pas usés…

Ainsi, si le niveau d’eau dans la cuve n’est pas suffisant, la pression à l’intérieur augmente (via la pression

liée à l’hydrogène et la vapeur d’eau) dans le réacteur. Pour éviter cela, la pression est rejetée via des filtres.

La vapeur contaminée par du césium et de l'iode radioactifs sort donc de l’enceinte mais de manière

volontaire.

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En outre, en l’absence d’eau dans la cuve, il y a des risques de fusion complète, c.-à-d. la formation d’une

boule métallique très chaude. Après, il est envisageable que cette boule fasse fondre le fond de la cuve et

qu’elle finisse par atteindre le niveau de la roche. A contrario, une explosion est difficilement envisageable.

Doctissimo : Les solutions dans un cas comme dans l’autre consistent donc à apporter de l’eau pour

réduire les risques ?

Michel Bourguignon : Oui mais le problème, c’est que le séisme et le tsunami ont détruit la quasi-totalité

des structures : lignes électriques coupées, stations de pompage endommagées, autoroutes inaccessibles, etc.

Avec ses difficultés pour rallier le Sud au Nord du pays (où se trouve la centrale), apparaissent également des

difficultés d’approvisionnement, ils ne peuvent donc pas amener de l’eau plate à la centrale de Fukushima.

Alors pour veiller à ce que la cuve du réacteur et la piscine de refroidissement soit immergée, ils ont dû avoir

recours à une solution alternative : l’eau de mer enrichie en bore (il absorbe les substances énergétiques).

Mais là encore, ils connaissent des difficultés pour accéder au site et tentent des méthodes alternatives

(NDLR : à l’heure où nous écrivons, la forte radioactivité au-dessus de la centrale nucléaire a empêché

mercredi un hélicoptère d'approcher du réacteur 4 pour y déverser de l'eau. Mercredi, Les Japonais tentent de

verser de l’eau via des canons à eau).

Doctissimo : Si les niveaux d’eaux ne peuvent être ramenés à la normale et que surviennent d’importants

rejets de substances radioactives, à quelle situation devront-ils faire face ?

Michel Bourguignon : La météo joue un grand rôle dans la dissémination des substances radioactives,

l’idéal étant bien évidemment que le vent aille vers le Pacifique, comme c’est le cas actuellement. Mais il

faut bien distinguer deux périodes :

1. Le passage d’un "nuage" radioactif qui devrait être rapidement dispersé. Pour le moment, la Corée et

la Chine n’ont rien à déplorer ;

2. Une période post-accidentelle qui verra faune et flore contaminés par les éléments radioactifs, cette

contamination étant favorisée en cas de pluies. Durant cette période, il y aura deux voies possibles

d’exposition : irradiation par l’extérieur et irradiation par l’ingestion d’aliments contaminés.

D’ailleurs, les contre-mesures en cas de rejets radioactifs prévoient l’interdiction de consommer tout ce qui

provient des zones contaminées (fruits, légumes, herbes, champignons… mais aussi lait de vache, eau). C’est

l’une des meilleures manières de réduire considérablement la dose de contamination des enfants. Cela n’avait

pas été fait à Tchernobyl, les familles n’avaient pas été informées de tels risques.

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Doctissimo : Quels peuvent être les conséquences sanitaires pour la population ?

Michel Bourguignon : Le problème majeur concerne l’iode 131 : en effet, la thyroïde étant un très petit

organe (20 g), elle peut rapidement être saturée en iode radioactif. La même dose de radioactivité va induire

des risques 1 000 fois plus élevés pour la thyroïde que pour les autres organes qui pourrait conduire à des

cancers thyroïdiens comme à Tchernobyl.

Le césium, lui, est ubiquitaire, c’est-à-dire qu’il peut se fixer n’importe où. L’exposition aux rayonnements

gamma du césium peut favoriser l’apparition de cancers, mais le risque est beaucoup plus faible. Tout

dépend des doses d’exposition.

Doctissimo : Quels risquent encourent les travailleurs présents sur le site de la centrale ?

Michel Bourguignon : Pour eux, effectivement, le danger va être particulièrement important. En fait, les

personnes travaillant sur les centrales sont soumis à des contraintes de dose. En temps normal, la dose est

limitée à 20 millisieverts par an et à 100 en cas d’urgence, comme c’est le cas actuellement. En effet, ce seuil

a été défini par des études épidémiologiques comme celui en-dessous duquel aucune augmentation de

cancers n’avait été observé. Du coup, en cas d’urgence, les travailleurs effectuent des rotations de manière à

ce que la contrainte dose ne soit pas atteinte. Ensuite, ce travailleur est sorti du circuit.

L’exposition à de telles doses, que ce soit dans un temps bref ou prolongé, n’est pas dommageable pour la

santé. Il faut bien savoir que le risque naturel pour un homme de contracter un cancer au cours de sa vie est

de 1/3. Et en cas d’exposition à des doses de 150 millisieverts par exemple, le risque est accru de 0,75%.

Propos recueillis par Yamina Saïdj, le 16 mars 2011

Des sites pour aller plus loin

Le site de l'ASN

L'IRSN

II. Accidents nucléaires : les dangers pour les

populations

En France, quelle est la sécurité des infrastructures ? Court-on un risque à vivre près d'une centrale ?

Quels sont les risques pour la santé en cas d'incidents ?... Doctissimo fait la lumière sur l'énergie de

l'atome.

II.1. Incidents nucléaires : quels risques pour la santé ?

Suite au séisme et au tsunami qui ont frappé le Nord du Japon, les dégâts provoqués dans les centrales

nucléaires nipponnes inquiètent fortement. Comment réagir face à un tel risque nucléaire ? Quelles

peuvent être les conséquences pour la santé ?

La centrale de Fukushima Daiichi a été touchée par les vagues géantes du tsunami. Alors que les systèmes de

refroidissement sont en panne, la température continue de monter et malgré les travaux des équipes de

secours, des explosions ont déjà eu lieu faisant redouter le pire.

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Un incident sous-évalué par les autorités nippones

Cet incident initialement classé au niveau 4 de l’échelle INES (International Nuclear and radiological Event

Scale) par les autorités nippones est évalué par l'Autorité de sécurité nucléaire française comme relevant

plutôt d'un niveau 6. L'échelle INES classe les accidents nucléaires en fonction de leurs conséquences dans le

site et à l’extérieur du site.

Le niveau 4 correspond à un "endommagement important" du cœur ou des barrières radiologiques ; dès

lors que l’endommagement est "grave", le classement passe aux niveaux 5, 6 ou 7 en fonction de

l’importance des rejets de radioactivité à l’extérieur de l’installation, importance qui conditionne

évidemment le niveau de risque d’exposition de la population :

Niveau 4 : correspond à un rejet mineur de radioactivité dans l’environnement ;

Niveau 5 : rejet limité susceptible d’entraîner l’application partielle de contre-mesures prévues ;

Niveau 6 : rejet important susceptible d’exiger l’application intégrale des contre-mesures prévues ;

Niveau 7 : rejet majeur avec effet considérable sur la santé et l’environnement.

Le niveau de cet accident a rapidement évolué alors que les autorités parlaient initialement de rejets

"faibles". On ne connaissait ni la composition isotopique des émissions radioactives (nature et proportion des

radionucléides qui déterminent leur radiotoxicité) ni les niveaux de contamination de l’air à différentes

distances de l’installation. Une situation dénoncée par le Criirad, commission de recherche et d’information

indépendantes sur la radioactivité, demande la publication des évaluations des rejets radioactifs.

Quels sont les risques pour la santé ?

Petit rappel : la radioactivité décrit un phénomène naturel au cours duquel des noyaux atomiques instables

(radio-isotopes) évoluent vers des formes plus stables spontanément (désintégration). Cette étape occasionne

un dégagement d'énergie sous forme de rayonnements divers (alpha, beta ou gamma). Des radio-isotopes

existent en faible quantité dans la nature (comment par exemple le carbone 14 utilisé pour les datations) mais

dans la cadre de la production d’énergie nucléaire, l’utilisation d’isotopes radioactifs de l’uranium dans les

centrales donne des rayonnements ionisants importants, à l’origine des risques nucléaires.

Ces rayonnements peuvent provoquer des modifications dans les molécules biologiques, en particulier

l’ADN. En cas de fortes expositions, les mécanismes naturels de réparation de l’ADN sont dépassés et les

mutations peuvent s’accumuler, entraînant la destruction des cellules ou sa cancérisation. Les risques pour la

santé sont de deux ordres :

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1. Risque d’irradiation à proximité de la source de rayonnement, qui concerne principalement le

personnel des centrales et les sauveteurs sur les lieux ;

2. Risque de contamination par des poussières ou des gaz radioactifs des populations environnantes. La

contamination peut être externe (dépôts sur la peau, les vêtements…) ou interne (inhalation par

respiration, absorption d’aliments contaminés, boissons contaminées, contamination via une

plaie…).

Dans les deux cas, les conséquences dépendent de la dose absorbée. Pour protéger les populations, on

dispose de trois leviers : le confinement, l’évacuation et l’iode. Les trois ont été mis en œuvre au Japon. Des

milliers de personnes ont été évacuées dans un rayon de 3, puis 10, puis 20 kilomètres. En attendant les

évacuations, le confinement est recommandé si possible en sous-sol après calfeutrage des fenêtres.

En cas de contact avec la peau, une douche (sans frotter) est recommandée. Porter ses mains à sa bouche ou

fumer est déconseillé. Les comprimés d’iode visent à saturer la thyroïde en iode stable non radioactif.

Ainsi, l’iode radioactif ne pourra plus s’y fixer et sera éliminé par les voies naturelles (pour plus

d’informations lire notre article "Risque nucléaire : l’iode pour quoi faire ?"). L’incident de Tchernobyl en

avril 1986 avait causé une progression importante de cancers de la thyroïde chez les enfants soumis aux

émanations radioactives.

Pour les personnes exposées aux irradiations (personnels ou sauveteurs), les effets dépendront de la dose

absorbée. Une augmentation des cancers, de mutations de l’ADN (avec transmission héréditaire) ou des

décès (syndrome d’irradiation aiguë lorsque les organes internes sont touchés) sont à craindre.

David Bême, le 15 mars 2011

II.2. Risque nucléaire : l'iode, pour quoi faire ?

Suite au tsunami au Japon, la menace pèse sur les populations de cet archipel d'une contamination

radioactive. Pourquoi, dans ce genre de cas, est-il recommandé de prendre de l'iode ? Est-ce efficace ? Faut-il

en stocker chez soi ou des distributions sont-elles prévues si besoin en France ?

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L'iode, une prévention contre la survenue d'un cancer de la thyroïde

Lorsqu'un réacteur nucléaire dysfonctionne, comme cela semble malheureusement être le cas depuis le

11 mars au Japon, il peut émettre de la radioactivité (fuite au niveau du confinement, explosion, etc.). Cette

radioactivité se présente notamment sous forme d'iode radioactif, qui va atteindre les personnes à proximité

de la zone de contamination. Cet iode a tendance à se fixer sur la thyroïde, ce qui augmente

considérablement le risque de nodules thyroïdiens, cancer de cette même glande ou survenue d'une

hypothyroïdie.

L'ingestion rapide de comprimés d'iode permet de diminuer ce risque : l'iode ingéré va se fixer sur la thyroïde

et saturer ses récepteurs, ce qui empêchera le mauvais iode (radioactif) de se fixer.

Dans quel délai faut-il prendre ces comprimés ?

Dans l'idéal il faut bien sûr prendre ces comprimés dès que l'alerte a été donnée pour obtenir une efficacité

proche de 100%. Dans les régions dites "riches en iode", 2 heures après le début de la contamination,

l'efficacité de la protection est encore de 80%, et de 40% 8 heures après. Dans les régions "pauvres en iode",

la protection est respectivement de 65% et de 15%.

En France, comment se procurer de tels comprimés si on habite près d'une centrale nucléaire ?

Le nombre important de centrales nucléaires en France, centrales de plus souvent vieillissantes, fait peser une

menace sur notre pays, comme le rappellent depuis des décennies les écologistes, en particulier en cas de

survenue d'un accident, d'un tsunami, d'un séisme majeur ou d'une attaque terroriste.

Devant ces risques, certes minimes mais impossibles à nier ou négliger, l'Autorité de Sûreté Nucléaire et les

pouvoirs publics organisent régulièrement des campagnes de distribution de comprimés d'iode aux

populations et collectivités résidant à proximité d'une centrale, avec le soutien financier d'EDF. Ainsi, les

personnes concernées pourraient, si les sirènes d'alerte d'une centrale retentissent, prendre immédiatement les

comprimés.

Comment cette distribution se passe-t-elle en pratique ?

Cette distribution est destinée aux familles et collectivités (école, mairies, entreprises, hôtels, etc.) situées

dans un périmètre de 10 km autour de chaque centrale nucléaire française, soit environ 400 000 foyers et

2 600 établissements recevant du public répartis sur 500 communes. Les personnes concernées reçoivent un

bon et sont invitées à retirer leurs comprimés en pharmacie.

La dernière campagne de ce type a eu lieu en 2009, avec un succès seulement partiel, selon le site

distribution-iode.com : seulement 22,5% des responsables d'entreprises et de collectivités situées dans un

périmètre de 10 km autour d'une centrale nucléaire se sont déplacés en pharmacie pour retirer leurs

comprimés, contre 51,9% pour les particuliers.

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En sus de cette prévention par de l'iode, qui sera probablement renforcée suite au drame japonais, la

principale manière de diminuer les risques est l'évacuation dans un périmètre de 10 à 20 km de la centrale, ce

qui a d'ailleurs été fait rapidement au Japon, malgré les difficultés liées aux dégâts des infrastructures.

Au-delà de la prévention des risques immédiats et retardés de la surchauffe actuelle des réacteurs, cet épisode

dramatique risque d'impacter durablement la perception de l'énergie nucléaire, jusqu'ici souvent qualifiée de

"durable", voire d'"écologique" par ses promoteurs, en particulier français...

Jean-Philippe Rivière

II.3. Nucléaire : quelle sécurité ?

Les conséquences potentielles d'un accident nucléaire ont amené les ingénieurs et les autorités à

prévoir tous les risques éventuels jusque dans leurs moindres détails, ainsi que les moyens d'en limiter

l'effet. Des rapports indépendants pointent néanmoins le fait que la situation n'est pas aussi rose que le

voudraient les rapports officiels. De quoi alimenter les craintes en la matière ?

Le risque nucléaire est à la fois d'une faible occurrence, et potentiellement lourd de conséquences. Cela

signifie d'une part qu'il a peu de chances de se produire : d'après les experts, dans l'état actuel des

technologies, un accident grave a une probabilité de survenir une fois tous les 2 000 ans.

Cependant, les retombées pour les populations à proximité et l'environnement pourraient se révéler

dramatiques. Sans d'ailleurs que l'on sache exactement à quoi s'en tenir : étant donné que le seul accident

majeur s'est produit à Tchernobyl en 1986, on manque d'exemples (et de recul dans le temps) pour en

connaître toutes les répercussions.

Un outil d'évaluation a d'ailleurs été mis en place suite à cette catastrophe, afin de classer ces accidents selon

leur degré de gravité. INES, dont l'acronyme anglais signifie « échelle internationale des évènements

nucléaires », possède huit niveaux, de l'anomalie sans incidence (niveau 0) jusqu'à l'accident entraînant des

effets étendus pour la santé et l'environnement (niveau 7), comme dans le cas de la centrale ukrainienne.

S'agissant de cette dernière, il a été établi ultérieurement que la technologie employée était gravement

défaillante, et que la gestion de l'évènement fut catastrophique. A première vue, nos pays connaissent une

situation bien différente. Mais qu'en est-il réellement ?

Une sécurité draconienne

Les ingénieurs nucléaires sont les premiers conscients des dangers de l'énergie qu'ils manipulent. C'est

pourquoi les installations actuelles prévoient plusieurs niveaux de sécurité afin d'en réduire au maximum les

risques. Les centrales confinent ainsi les produits radioactifs derrière une triple barrière : gaine métallique

recelant le combustible, cuve en acier hébergeant le cœur du réacteur, enceinte étanche en béton. Cette

enceinte est également conçue pour résister aux phénomènes naturels pouvant se produire dans

l'environnement du site, du type tremblement de terre ou tempête.

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Le fonctionnement des centrales fait également l'objet d'une surveillance minutieuse, avec des systèmes de

sécurité doublés voire triplés, et une analyse systématique de chaque dysfonctionnement afin d'améliorer le

degré de sécurité. Le personnel est lui-même formé en permanence afin d'être capable de réagir de façon

adaptée à toute anomalie éventuelle.

Si un accident se produisait malgré toutes ces précautions, des procédures spécialement consignées par écrit

indiquent la marche à suivre selon la nature de celui-ci. Une équipe de crise peut également intervenir au

niveau national pour assister les équipes sur place. L'exploitant doit en outre prévoir un plan d'urgence

interne (PUI) afin de limiter les conséquences de l'accident et protéger la santé des personnels.

Mesures en cas d'alerte

Dans le cas où les conséquences de l'accident déborderaient du périmètre de la centrale, c'est alors au préfet

de prendre les commandes à travers le PPI (plan particulier d'intervention). Celui-ci le met en liaison directe

avec les plus hautes autorités de l'état, y compris le premier ministre.

Il donne lieu à des simulations régulières afin d'en tester l'efficacité, et comprend une obligation d'informer le

public sur la nature des risques encourus et les moyens d'y faire face. Les maires des communes concernées

sont également impliqués dans le dispositif, notamment à travers le plan communal de sauvegarde (PCS)

prévoyant l'organisation des secours à son niveau.

Si la gravité de l'accident le nécessite, l'évacuation de la population sur un rayon de 10 km peut être décidée,

tandis que des pastilles d'iode stable sont distribuées afin de se prémunir contre les risques de cancer de la

thyroïde. Les mesures de protection peuvent également comprendre l'interdiction de la baignade dans les

cours d'eau de la zone contaminée, de la consommation de produits frais ou d'eau du robinet.

Se réfugier dans le bâtiment le plus proche est aussi recommandé pour se protéger contre les poussières

radioactives. Une fois l'accident passé, des accords internationaux mettent à la charge de l'exploitant

l'indemnisation des dommages subis.

Des failles dans le dispositif

On le voit, les autorités sont allées très loin dans la prévention des risques, ce qui constitue une différence

radicale avec le cas de Tchernobyl, où une succession d'erreurs et d'imprévoyances ont débouché sur une

catastrophe sans précédent. Néanmoins, un rapport commandé par la députée européenne Rebecca Harms à

un groupe d'experts indépendants amène à nuancer certaines de ces certitudes. Il est ainsi démontré que des

incidents surviennent régulièrement dans les installations de divers pays, dont certains auraient pu avoir de

lourdes retombées.

Le rapport pointe à la fois la complexité des installations et les risques liés aux défectuosités du matériel

ainsi qu'aux défaillances humaines, du fait notamment de la recherche d'une rentabilité à tout prix. La

fiabilité d'INES est également mise en cause, des incidents similaires aboutissant à des classements différents

selon les pays.

Plus généralement, on peut s'interroger sur le faible niveau d'information délivré par les sociétés

d'exploitation, et leurs tentatives régulières de masquer leurs lacunes. Il n'en demeure pas moins que l'énergie

atomique est une réalité concrète depuis une cinquantaine d'années, sans que cela n'ait débouché sur d'autres

accidents majeurs que celui de l'ex-URSS. Et la vigilance des anti-nucléaires n'est sans doute pas pour rien

dans cet état de fait, obligeant les exploitants à une plus grande exigence et à une transparence accrue.

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II.4. Nucléaire : vivre à côté d'une centrale

Après avoir essuyé coup sur coup séisme et tsunami, le Japon s'apprête à affronter un éventuel

accident nucléaire. Les 3 réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima sont en surchauffe. Samedi,

une 1ère

explosion a touché le réacteur 1 et 2 nouvelles explosions sont survenues ce lundi 14 mars sur

le réacteur 3, dont le toit a été soufflé. Face au risque, les autorités japonaises ont décidé d'évacuer des

centaines de milliers de personnes vivant dans un périmètre de 20 km autour de la centrale.

Les Japonais font face à ce que le Premier ministre Naoto Kan qualifie de « crise la plus grave depuis la

Seconde Guerre mondiale ». Suite au séisme et au dévastateur tsunami, l'explosion du réacteur n°1 de la

centrale de Fukushima a causé des rejets radioactifs très importants. Pour le moment, l'incertitude règne

quant aux deux autres réacteurs mais une chose est sûre, les habitants des environs sont terrifiés. Si ceux

vivant aux alentours des centrales ont été évacués, ça n'est pas le cas des habitants de la ville de Fukushima,

distante de 80 km des centrales.

Ce n'est pas la première fois que la question vient sur le devant de la scène : après la lutte intense des

associations anti-nucléaires dans les années 1970, l'accident de la centrale de Tchernobyl, le 26 avril 1986, a

entraîné un recul de cette industrie au niveau mondial. La France restait l'un des rares pays à placer sa

confiance dans l'atome, et aujourd'hui, 80% de l'électricité produite y est d'origine nucléaire.

Mais la découverte de l'effet de serre et des risques liés au réchauffement global a changé la donne. Car si le

nucléaire paraît comporter certains dangers, les conséquences éventuelles de cette nouvelle menace ont

dernièrement remis au gout du jour ce type d'énergie. Et les 19 centrales en activité dans l'hexagone ont

permis d'obtenir l'un des meilleurs résultats en termes d'émissions de gaz à effet de serre parmi les pays

développés. Le nucléaire apparaît désormais, paradoxalement, comme l'une des réponses possibles au

dérèglement climatique. La France, du fait de la poursuite de son programme y figure aujourd'hui en pointe.

Il y a donc ceux qui y voient une solution logique aux défis environnementaux, et les associations qui

réfutent cet argument en rappelant les dangers du nucléaire, tant liés à la gestion des déchets qu'à la survenue

d'incidents comme on en connaît aujourd'hui au Japon. Prises entre deux feux, les populations habitant à

proximité d'une centrale doivent quant à elles en assumer les conséquences au quotidien. Et faire face à des

peurs qui ne sont pas toujours rationnelles...

Des études contradictoires

Levons tout de suite une ambiguïté : comparé à la centrale de Tchernobyl, les mesures de sécurité en usage

dans les installations des grandes nations occidentales sont d'un très haut niveau. Chaque aspect (matériel,

humain, protection des populations) fait l'objet d'un suivi minutieux et de dispositifs adaptés. Même en cas

d'accident, dont la probabilité est jugée faible par les experts, de nombreuses mesures ont été prévues pour

que les retombées sanitaires et environnementales soient réduites au maximum.

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Outre les aspects liés au fonctionnement technique des installations, les plans de protection mis en place

comprennent ainsi une évacuation en cas d'urgence, la distribution de comprimés d'iode passif contre les

risques de cancer, ainsi qu'une information détaillée des comportements à adopter si l'alerte se déclenche. Du

maire au préfet, chaque autorité est également impliquée afin d'assurer la meilleure coordination possible.

Reste une autre question : au jour le jour, quels effets sur la santé peut avoir le fait de vivre dans le voisinage

d'une centrale ? Sur ce point, la plupart des études concluaient jusque là à une totale innocuité, les seuils

d'exposition à la radioactivité restant très en deçà des limites de dangerosité. Pourtant, une nouvelle étude

allemande a instillé le doute. D'après cette enquête conduite par l'Office fédéral de protection contre les

radiations, le risque de cancer augmenterait de 60% pour les enfants de moins de cinq ans habitant dans un

rayon de 5 km autour d'une centrale.

Une question de perception ?

Pourtant, ce chiffre impressionnant n'implique pas nécessairement une corrélation entre proximité des

installations nucléaires et augmentation du nombre de cancer. En effet, d'après les connaissances actuelles, il

faudrait une exposition mille fois plus importante aux radiations pour déclencher la maladie. D'où deux

hypothèses : soit les effets de la radioactivité sont mal connus, soit le différentiel constaté posséderait

d'autres causes. Parmi celles-ci pourrait figurer la saturation de l'environnement en produits chimiques.

De fait, les installations nucléaires sont généralement situées dans des zones industrielles aux rejets

conséquents. Généralement, le professeur Dominique Belpomme, président de l'association française pour la

recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac) et directeur du centre d'évaluation de la recherche sur le

cancer (Cerc), a publié en 2004 un ouvrage qui a fait grand bruit sur ce sujet : Ces maladies créées par

l'homme. D'après cet éminent spécialiste, acteur majeur du Plan Cancer lancé par le président Chirac, 80%

des 150 000 morts/an par cancer en France pourraient être imputables à des causes environnementales.

Ce qui est sûr, c'est que les inquiétudes liées au nucléaire ont déjà des conséquences mesurables : dans les

régions concernées, l'immobilier connaît une décote certaine, les acheteurs ne se bousculant pas pour y

investir. Autre dommage collatéral, les productions agricoles locales ont parfois du mal à trouver preneur.

Les viticulteurs bénéficiaires de l'appellation d'origine contrôlée "coteaux de Tricastin" envisagent ainsi de

changer de nom depuis les incidents de l'été 2008.

Mis à jour le 14 mars 2011

II.5. Nucléaire : quel impact sanitaire et écologique ?

L'industrie nucléaire est encore jeune, alors qu'elle manipule des éléments dont la durée de vie peut

être considérable. Connaître ses effets sur notre santé et celle des écosystèmes est donc indispensable,

surtout si cette activité était amenée à se développer. Or les informations dont nous disposons

aujourd'hui sont encore très lacunaires...

Cela peut paraître paradoxal, mais on ne connaît pas en détail les conséquences du nucléaire sur la santé des

populations et l'environnement. Certes, la radioactivité a fait l'objet d'études qui permettent d'en mesurer

l'impact sur les organismes vivants, à commencer par l'homme. Mais il s'agit de recherches en laboratoire,

qui sont loin de prendre en compte les interactions complexes du vivant et l'incroyable dissémination de cette

technologie, depuis son apparition en 1945 avec les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki.

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Des questions comme : quelles sont les effets d'une exposition à de faibles doses de radiations répétées, ou

celles sur le patrimoine génétique des prochaines générations, restent par exemple aujourd'hui encore

entourées d'incertitudes.

Les deux cités japonaises constituent d'ailleurs l'un des rares champs d'« expérimentation » existants, où l'on

a pu progresser dans cette connaissance à partir d'un constat effectué sur le terrain ; le seul autre cas de figure

comparable étant celui de Tchernobyl. Ces deux évènements ont représenté une immense tragédie pour des

dizaines de milliers de personnes. Mais ils ont aussi apporté de nombreux enseignements, sans pour autant

que toutes les inconnues ne soient levées...

Des mécanismes mal connus

Les 6 et 9 août 1945, deux bombes atomiques tombent sur les villes d'Hiroshima et Nagasaki, entraînant la

capitulation immédiate de l'empire nippon. Le nombre de décès immédiats est évalué à plus de 100 000

personnes par le Département de l'Energie des Etats-Unis (DOE). Mais le nombre total des victimes, affiché

au mémorial pour la paix d'Hiroshima, dépasserait les 230 000.

Certaines ont succombé instantanément ou dans les heures qui ont suivi, aux brûlures par le rayonnement

thermique au moment de l'explosion ; d'autres périront quelques jours à plusieurs années plus tard, des effets

de l'irradiation aiguë, de leucémies ou d'autres formes de cancer. Différentes affections toucheront également

les survivants : cataractes, stérilité, pathologies cardiaques, pulmonaires ou digestives... En revanche, aucune

anomalie génétique n'a pu être décelée chez les descendants de personnes irradiées.

La catastrophe de Tchernobyl, en avril 1986, représente un cas bien différent, puisqu'il s'agit d'un accident

civil consécutif à la fusion du réacteur de la centrale ukrainienne. Ainsi les habitants d'Hiroshima et Nagasaki

ont-ils été frappés par une irradiation externe intense et brève, tandis qu'à Tchernobyl il s'agissait surtout

d'une irradiation interne, moins forte mais répétée, suite notamment à l'ingestion ou à l'inhalation de

substances radioactives.

Les retombées sanitaires et écologiques sont donc plus difficiles à connaître, et les statistiques disponibles

font l'objet de sérieuses controverses. Tandis que l'AIEA (Agence Internationale pour l'Energie Atomique)

évoque 47 décès effectifs et 4 000 à venir, Greenpeace estime que le nombre actuel de victimes dépasse déjà

les 60 000. En réalité, dans l'état actuel des connaissances, ce chiffre est quasiment impossible à connaître :

on manque de recul dans le temps, et certains mécanismes comme la contamination à long terme des

écosystèmes restent une interrogation pour les scientifiques.

Le nucléaire, partout autour de nous

Si les conséquences de phénomènes ponctuels de ce type sont difficiles à évaluer avec exactitude, c'est

encore plus vrai, a fortiori, des différentes applications du nucléaire autour de nous. Or l'activité des centrales

et les retombées d'essais militaires ne génèreraient que 1% des radiations artificielles auxquelles nous

sommes soumis, les 99% restant étant d'origine médicale.

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Un rapport de 1999 pointait d'ailleurs les doses excessives reçues par les Français en matière de radiographie.

Et les surdosages reçus par plus de 4 500 personnes à l'hôpital d'Epinal, dans les Vosges, ont par exemple

entraîné à ce jour la mort de 5 d'entre elles.

Il ne s'agit évidemment pas de crier haro sur l'usage médical du nucléaire : celui-ci possède de nombreux

bénéfices qui ne sont plus à démontrer, en matière de radiothérapie notamment. Mais de pointer le fait qu'il

s'agit de technologies dangereuses à manipuler, pour lesquelles les doses et les procédures doivent être

scrupuleusement respectées.

Toujours dans le domaine médical, Annie Thébaud-Mony, directrice de recherches à l'Institut français de la

santé et de la recherche médicale (INSERM) et auteur de L'industrie nucléaire - Sous-traitance et servitude

(EDK/INSERM, 2001) souligne le manque de suivi des employés du secteur, surtout les sous-traitants.

Ceux-ci recevraient 80% des doses émises chaque année, mais ne seraient pas inclus dans les enquêtes sur le

sujet, comme celle conduite en 2005, dans 15 pays, par le Centre international de recherche sur le cancer. Un

« oubli » qui risque de fausser significativement les statistiques sur le sujet...

Du césium dans les champignons

C'est aussi le manque d'information, voire une volonté de dissimulation, que dénonce la CRIIRAD

(Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité) en ce qui concerne la

production d'énergie nucléaire. L'enfouissement parfois illégal de déchets, l'exploitation des sites miniers ou

les dangers du transport routier de matières radioactives sont quelques-unes des lacunes mises en cause.

Or cette approche s'appuie davantage sur des observations ponctuelles, tandis que l'accident de Tchernobyl a

permis de mesurer les conséquences globales sur l'environnement. Aujourd'hui, il apparaît que les substances

à vie courte type iode, susceptibles de contaminer la production agro-alimentaire, ont cessé d'être actives.

En revanche, des substances à vie plus longue comme le césium continuent d'être piégées dans les plans

d'eaux fermés, et de se retrouver à des taux anormalement élevés dans les baies, les champignons et chez les

animaux de la forêt. Un phénomène également constaté par une étude menée en 2007 en Finlande.

Au-delà de ces observations, nous ignorons encore quelles pourraient en être les conséquences à long terme,

sachant que certains éléments radioactifs possèdent une durée de vie qui dépasse de très loin celle humaine.

II.6. Incidents à Cadarache : la sécurité nucléaire en question

Le site nucléaire de Cadarache réserve bien des surprises ! Après la découverte de dépôts de

plutonium largement supérieurs aux estimations, ce sont désormais des quantités d'uranium enrichis

supérieures aux limites autorisées qui ont été mises à jour. Retour sur cette histoire rocambolesque.

Le site de Cadarache est au cœur d'une double polémique. Découverts en juin par le Commissariat à

l'Energie Atomique (CEA) mais révélés seulement en octobre à l'Autorité de sureté nucléaire (ASN), des

dépôts de plutonium initialement estimés à 8 kg se révèlent peser près de 39 kg !

Suite à un bilan des installations initié par le CEA, il apparaît que ce même site abrite des quantités

d'uranium légèrement enrichi (enrichissement inférieur à 1,65%) supérieures aux estimations et aux limites

autorisées…

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39 kg de plutonium au lieu de 8 kg !

Tout commence en octobre à l'occasion d'une visite de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à l'Atelier de

technologie du plutonium (ATPu) du centre du Commissariat à l'énergie atomique de Cadarache. Ce site est

en phase de démantèlement par l'exploitant Areva, sous la responsabilité du CEA. En 40 ans d'existence, plus

de 350 tonnes de combustible MOx (mélange d'uranium et de plutonium) pour des réacteurs nucléaires y ont

été produits.

Lors du processus de fabrication, uranium et plutonium sont mélangés dans ce qu'on appelle une "boîte à

gants". Sachant qu'une partie des opérations est manuelle, des résidus de plutonium et d'uranium peuvent s'y

accumuler. Dans le cadre du démantèlement, les dépôts de plutonium devaient être récupérés par aspiration

ou poussés par une raclette. Mais cette "infime partie" des poussières accumulées ne devait excéder 8 kg…

Une estimation largement revue à la hausse… Le 6 octobre, le CEA annonce à l'ASN avoir constaté une

sous-évaluation des dépôts de plutonium. Trois jours plus tard, une inspection de l'ASN révèle que « les

dépôts récupérés à ce jour sont, selon le CEA, de l'ordre de 22 kg et le CEA estime que la quantité totale

pourrait s'élever à près de 39 kg ». Autre constat de l'ASN, le CEA avait connaissance du problème depuis

juin 2009 ! L'incident est classé au niveau 2 de l'échelle internationale de gravité des événements nucléaires

(échelle INES) qui en comporte 7 et le démantèlement est suspendu.

Tempête politique dans une boîte à gants

Face à l'ampleur de cette affaire, des députés écologistes et socialistes demandent la création d'une

commission d'enquête parlementaire. Le 15 octobre, la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, Chantal

Jouanno qualifie cet incident de "scandaleux" et d'"inadmissible" sur l'antenne de RTL : « Il est totalement

anormal que sur cette filière que l'on dit extrêmement contrôlée, on découvre que la comptabilité est mal

tenue, qu'on ne sait pas exactement combien il y a (de plutonium) et surtout qu'on en soit informé si

tardivement ». Le même jour, le CEA déclare avoir informé "oralement" l'ASN en juin puis l'IRSN (Institut

de radioprotection et de sûreté nucléaire) en juillet des incidents…

Sous-estimation du plutonium : quels sont les risques ?

Comment 31 kg de plutonium peuvent-ils passer inaperçus ? Sans expliquer ce qui apparaît comme une

"erreur étonnante", rappelons que la densité du plutonium est très élevée (autour de 20). Ce qui signifie que

la différence de 31 kg constaté à Cadarache équivaut au volume d'une bouteille d'un litre et demi, répartie

dans plusieurs "boîtes à gants" de 10 m2 chacune. Cela n'est donc pas visible à l'œil nu.

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Interrogée sur les risques pour le personnel, l'ASN se veut rassurante, estimant que « l'incident n'a eu aucune

conséquence », un avis partagé par l'IRSN. Concrètement, les "boîtes à gants" sont hermétiques et soumises à

une aspiration constante de sorte qu'en cas de fuite, les poussières restent à l'intérieur et ne vont pas vers le

personnel.

Mais ce même communiqué estime que « Toutefois, la sous-estimation de la quantité de plutonium a conduit

à réduire fortement les marges de sécurité prévues à la conception pour prévenir un accident de criticité

dont les conséquences potentielles pour les travailleurs peuvent être importantes ». La criticité, c'est le

risque d'une réaction nucléaire en chaîne lorsqu'une masse de matière fissile trop importante est rassemblée

au même endroit. Dans le cas de Cadarache, ces poussières seraient très diffuses et donc le risque d'explosion

nucléaire extrêmement faible, selon l'IRSN.

Un optimisme que ne partage pas Bruno Chareyron, responsable du laboratoire de la Commission de

recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad). « Dans le cas de Cadarache, il est

encore difficile de déterminer jusqu'à quel point les erreurs de comptabilisation des quantités de plutonium

ont abaissé les marges de sécurité lors de l'exploitation de l'ATPu. Tout dépend de la manière dont ce

plutonium était réparti dans les différentes boîtes à gants. Il faut également tenir compte des risques liés à la

re-concentration éventuelle du plutonium lors de leur décontamination. Tant que le CEA n'aura pas apporté

la preuve que ses nouvelles estimations sont désormais fiables et que la répartition du plutonium est

maîtrisée, il subsistera des doutes ».

L'ASN a ainsi préféré stopper le démantèlement de l'installation et soumis leur reprise à son accord

préalable, pour s'assurer que’aucune accumulation des poussières ne pouvait se produire lors de la procédure.

Des dangers de dissémination de matériel nucléaire

« A travers l'affaire de l'ATPu de Cadarache, c'est toute la question du contrôle des matières nucléaires qui

est mise sur le devant de la scène. Le dossier est loin d'être refermé car les contrôles effectués depuis lors à

Cadarache confirment qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé » avance Bruno Chareyron.

En effet, depuis la révélation de l'affaire plutonium, la direction générale du CEA a ordonné un bilan complet

de la "rétention potentielle de matière dans toutes les installations faisant l'objet d'assainissement". Opération

qui a porté ses fruits puisque le CEA annonce le 25 octobre que « dans le cadre de cette opération, il a été

constaté l'existence d'une rétention d'uranium légèrement enrichi (enrichissement inférieur à 1,65%)

supérieure de 6 kg à la limite autorisée de 4 kg dans la cellule blindée C1 de l'installation STAR (station de

traitement d'assainissement et de reconditionnement) de Cadarache ».

Le CEA propose de classer cet incident au niveau 1 de l'échelle INES. Bruno Chapeyron pointe aussi du

doigt le risque de dissémination de matériel nucléaire dont des personnes mal intentionnées pourraient tirer

profit : « Est-il possible qu'au fil du temps, des personnes bien organisées puissent récupérer suffisamment

de plutonium pour réaliser une bombe sale, voire une bombe atomique ? Avec du plutonium 239 pur, la

masse critique théoriquement suffisante pour fabriquer une bombe atomique est de 4,4 kg. Elle est de 9,6 kg

pour un matériau contenant 50% de plutonium 239. Le dossier de démantèlement de l'ATPu précisait que la

teneur en Pu 239 des matières nucléaires récupérées pouvait être comprise entre 95% et 60% ».

Même si ce risque apparaît faible, on ne peut que s'étonner de ces erreurs d'estimation aussi larges pour une

industrie qu'on n'a de cesse de nous présenter comme étant la plus contrôlée et la plus sûre. Cela souligne

également un manque de transparence évident, avec un incident constaté en juin et finalement rapporté 4

mois plus tard.

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Yamina Saïdj et David Bême, le 28 octobre 2009

Des sites pour aller plus loin

La CRIIRAD

Cycle de l'énergie nucléaire et de l'acheminement de l'électricité d'Areva

Le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA)

L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN)

II.7. L'incident nucléaire de Tricastin : quelle portée ?

L'incident survenu à la centrale nucléaire de Tricastin durant l'été 2008 a fait la une des médias.

Malgré le discours rassurant des autorités, il a entraîné la mise en place de mesures de sécurité

exceptionnelles. De quoi se poser des questions sur l'ampleur exacte de la dissémination d'uranium

dans la région, mais aussi sur la sûreté réelle des installations...

Dans la nuit du 7 au 8 juillet 2008, l'une des cuves d'entreposage des effluents uranifères de l'usine Socatri de

la centrale de Tricastin, à Bollène dans le sud de la Drôme, laisse échapper une partie de son contenu. Les

autorités commencent par annoncer que 360 kg d'uranium se seraient ainsi répandus dans l'environnement

(atteignant notamment les rivières de la Gaffière et de l'Auzon), avant de réviser ce chiffre pour parler

finalement de 75 kg.

Les préfectures de la Drôme et du Vaucluse prennent aussitôt les mesures de précaution qui s'imposent. La

consommation d'eau potable en provenance de captages privés est ainsi interdite pour trois communes des

alentours : Bollène, Lapalud et Lamotte-du-Rhône. Les activités nautiques et la baignade sont également

proscrites sur les plans d'eau dépendant de ces localités, de même que la consommation de poissons pêchés

dans les rivières de la région.

Ces mesures seront finalement levées le 22 juillet 2008, et remplacées par un dispositif de surveillance

élargie. Malgré le discours plutôt rassurant des autorités et d'Areva, la société exploitant la centrale, l'incident

fait la une de l'actualité et provoque un vif émoi dans l'opinion. Car outre son degré de gravité, sur lequel les

analyses divergent selon les sources, cet évènement ranime la peur du nucléaire, et laisse subsister de

nombreuses zones d'ombre.

Quelles conséquences pour la région ?

Anne Lauvergeon, directrice d'Areva, commence par parler d'« incident sans gravité ». Il est vrai que celui-ci

est classé au niveau 1 sur l'Echelle Internationale des Evènements Nucléaires (INES), ce qui signifie juste

une « anomalie sortant du régime de fonctionnement autorisé ». Le renvoi du directeur de la Socatri est

néanmoins décidé dès le 17 juillet 2008, au motif du délai trop important pris pour avertir les autorités.

Un flou demeure également sur la nature et l'ampleur de la contamination. En effet, l'uranium possède

différents isotopes (atomes possédant un nombre de neutrons différents), à la radioactivité très variable. La

Socatri a laissé entendre que l'effluent comportait uniquement de l'Uranium 235, c'est-à-dire le minerai à

l'état naturel, ne comportant que 0,7% d'U 238 (l'isotope utilisé par l'industrie nucléaire). Pourtant, des

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analyses complémentaires réalisées par la CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information

Indépendantes sur la Radioactivité) laissent envisager la présence d'U 236, issu du retraitement.

Autre point d'interrogation, la quantité d'uranium ayant atteint la nappe alluviale, qui fournit une grande

partie des prélèvements d'eau potable. Toujours selon la Socatri, seul un tiers de l'effluent s'y serait déversé.

Toutefois, aucun résultat détaillé ne vient étayer cette affirmation. Les retards pris pour communiquer des

informations plus exhaustives pourraient traduire l'embarras des responsables concernés, attendant que les

valeurs diminuent pour les transmettre au public.

Un incident symptomatique

Davantage que les volumes disséminés ou leur composition, c'est la cause même de l'incident qui inquiète.

En effet, il s'avère que l'ASN (Autorité de Sûreté du Nucléaire) avait déjà mis en garde la Socatri en 2007

quant à la dégradation des tuyauteries à l'origine de la fuite.

Or cet état de fait s'inscrit dans une succession d'incidents récents dans les centrales françaises :

contamination de membres du personnel à la centrale de Nogent-sur-Seine, Gravelines et Saint-Alban,

rupture de canalisation à une usine de fabrication de combustible à Romans-sur-Isère, rejets illégaux de

carbone 14 à Tricastin, assemblages de combustible restés accrochés aux structures internes du réacteur dans

cette même centrale...

Chacun de ces évènements, pris isolément, n'est pas d'une gravité majeure. Leur multiplication démontre en

revanche que le discours systématiquement lénifiant des pouvoirs publics et des entreprises concernées n'est

pas forcément de mise. Ils pourraient même être le signe d'une dégradation des installations, notamment du

fait d'objectifs de rentabilité à court terme, au détriment de la sécurité.

Reste que par rapport à d'autres atteintes à l'environnement et à la santé des populations, le nucléaire est loin

de constituer l'industrie la plus néfaste : la chimie entraîne par exemple des dommages beaucoup plus lourds.

Anne Lauvergeon déclare d'ailleurs que « l'industrie nucléaire est sans doute la plus surveillée au monde ».

Une vigilance plus que jamais de mise.

III. Nucléaire : quels risques ?

Casser les noyaux des atomes au cœur de la matière pour produire de l'énergie, c'est le principe du

nucléaire. Mais en pratique, comment fonctionne une centrale ? Quel est l'avenir de cette technologie,

qui rejette moins de carbone ? Le débat reste vif.

III.1. Nucléaire : comment ça marche ?

Qu'on soit partisan du nucléaire ou son opposant déclaré, il est important de connaître les procédés

qui sont à l'œuvre afin d'en parler en toute connaissance de cause. Tout commence au début du XXe

siècle, avec la découverte de réserves d'énergie insoupçonnables cachées au cœur de la matière...

Les atomes, ces briques composant la matière qui nous entoure, recèlent en leur sein une énergie fabuleuse :

l'interaction nucléaire forte, l'une des quatre forces fondamentales de l'univers avec l'électromagnétisme, la

gravitation et l'interaction faible. C'est l'interaction forte qui permet de maintenir la cohésion des éléments du

noyau atomique (protons et neutrons).

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La découverte progressive des secrets de la matière a permis, dans certaines circonstances bien précises, de

libérer cette énergie et d'en faire usage. Pour cela, il est d'abord nécessaire de disposer du matériau adapté.

En effet, la plupart des éléments autour de nous possèdent des noyaux stables, sur la composition desquels il

ne va pas être possible d'agir.

En revanche, les noyaux de certains atomes sont dits « instables », permettant de générer l'énergie en

question. Pour cela, on va les bombarder au moyen d'un neutron, provoquant ainsi une fragmentation en deux

noyaux plus légers. C'est ce qu'on appelle la fission. Ce phénomène libère une importante quantité d'énergie

sous forme de chaleur, ainsi que des rayonnements alpha (α), bêta (β) et gamma (γ), ce qu'on appelle

généralement la radioactivité.

On l'a vu, un tel résultat ne peut être obtenu qu'avec certains éléments aux caractéristiques particulières. Dans

la pratique, un seul se trouve à l'état naturel sur notre planète : il s'agit du minerai d'uranium, composé de

différents isotopes du même élément, c'est-à-dire d'atomes possédant le même nombre de protons mais un

nombre différent de neutrons. Le minerai d'uranium est ainsi principalement composé d'U 238, et ne contient

que 0,7% d'U 235, le seul qui soit réellement fissile. C'est pourquoi ledit minerai va être soumis à différents

traitements, afin de libérer l'énergie qu'il contient... mais aussi de maîtriser celle-ci.

Un cycle complet, de l'extraction au retraitement

Le « cycle du combustible » désigne l'ensemble des opérations auxquelles va être soumis celui-ci dans son

exploitation. Ce cycle débute avec l'extraction du minerai, dont la concentration est faible (de l'ordre de 1 à 3

kg par tonne), au moyen de divers procédés chimiques. On obtient alors une pâte jaune, connue sous le nom

de « yellow cake », qui contient de 70 à 75% d'uranium.

Cette pâte est à nouveau traitée par fluoration jusqu'à obtenir un composé gazeux appelé hexafluorure

d'uranium. Dès lors, on en arrive à la phase d'enrichissement, qui consiste à augmenter progressivement la

teneur d'uranium 235 en employant l'un des deux procédés existants : la diffusion gazeuse et

l'ultracentrifugation, aboutissant à une teneur de l'ordre de 3 à 4% environ.

Voici le combustible transformé en oxyde d'uranium, une poudre noire qui est ensuite comprimée puis

insérée dans des tubes de plusieurs mètres de longs appelés « crayons ». Ceux-ci sont alors réunis pour

former des assemblages, eux-mêmes placés dans le cœur du réacteur nucléaire.

Ils vont y résider trois à quatre ans, le temps que l'uranium 235 poursuive sa réaction en chaîne et ne soit plus

utilisable comme combustible. Durant cet intervalle, le processus de fission va entraîner le réchauffement

d'un fluide caloporteur (l'eau dans un réacteur PER), déclenchant à son tour la rotation de la turbine

produisant l'électricité.

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Mais si le combustible extrait des centrales ne permet plus de produire de l'énergie, il n'en émet pas moins

une chaleur importante et de forts rayonnements gamma, à des doses dangereuses pour l'environnement et la

santé humaine. Des procédures particulières sont donc adoptées à cette étape, afin de protéger les personnes

impliquées.

Le refroidissement s'étend sur une année entière, puis le combustible est convoyé vers des centres de

retraitement pour en extraire l'uranium 235 encore utilisable. Les déchets résiduels sont quant à eux stockés

selon leur dangerosité, les produits de fission (vie longue et forte radioactivité) étant vitrifiés afin de réduire

leur volume, puis conservés sous chape de béton sur le lieu de production.

Centrales : le principe du REP

La mise au point des technologies appropriées a donné lieu à différents types de réacteurs. En France, ceux-

ci fonctionnent à l'eau pressurisée, et sont désignés par le sigle REP (à ne pas confondre avec une

technologie en cours de développement, l'EPR ou European Pressurized Reactor), ou Pressurized Water

Reactor (PWR) en anglais.

La technologie REP a été développée à l'origine par l'américain Westinghouse. Elle équipe 60% des centrales

nucléaires dans le monde, ainsi que la plupart des navires à propulsion nucléaire. La totalité des 58 réacteurs

en service en France y ont également recours.

L'intérêt d'une telle standardisation tient à la fois à la fiabilité des installations, garantissant une plus grande

sécurité, et aux réductions de coûts (une économie estimée à 150 millions d'euros dans le cas français). Le

principe d'une centrale REP est le suivant :

L'eau est portée à plus de 300° C. au sein d'un circuit primaire, et maintenue sous pression afin de

l'empêcher de bouillir ;

Cette eau chaude est ensuite injectée dans un circuit secondaire, où l'eau est réchauffée jusqu'à

transformer celle-ci en vapeur. C'est cette dernière qui va provoquer la rotation de la turbine,

entraînant l'alternateur et entraînant la production d'électricité ;

Enfin, la vapeur est refroidie afin de la ramener à l'état liquide, et réintroduite sous cette forme dans

le circuit secondaire.

C'est le refroidissement de la vapeur dans des tours prévues à cet effet qui va générer les panaches de fumée

blanche qu'on peut apercevoir à proximité des centrales.

III.2. Le nucléaire, une énergie d'avenir ?

Certains y voient l'avenir de nos approvisionnements énergétiques. Mais le nucléaire rencontre de

nombreuses limites : il s'appuie sur une ressource limitée, l'uranium, et son emploi requiert un haut

niveau de maîtrise technologique. À moins que des innovations spectaculaires ne viennent changer les

données du problème ?

Face à la menace du réchauffement climatique, l'énergie nucléaire apparaît aux yeux de certains comme un

moindre mal. En effet, si le nucléaire peut entraîner des dommages pour la santé ou l'environnement, il ne

représente pas une menace globale comme c'est le cas pour les gaz à effet de serre. Reste que sa contribution

à nos besoins est encore relativement marginale : 16% de l'électricité produite et 2,5% à 6% (selon les

méthodes de calcul) de l'énergie primaire consommée dans le monde sont aujourd'hui d'origine nucléaire.

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Autre obstacle de taille, le caractère limité des ressources. En effet, dans l'état actuel de nos connaissances,

un seul isotope, l'Uranium 238, est exploitable comme combustible. Or celui-ci se trouve en proportion

limitée dans le minerai (0,7%). Résultat, les réserves apparaissent limitées : 32 ans dans les conditions

d'exploitation actuelles, selon le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières).

Il est vrai que la prospection a décliné ces dernières années du fait du faible coût de la ressource, et que de

nouveaux gisements pourraient être mis à jour dans les années à venir. Mais cela ne s'avèrera sans doute pas

suffisant face à la probable augmentation des besoins, liée notamment à l'essor des pays émergents. Aussi les

partisans d'un recours accru au nucléaire placent-ils principalement leurs espoirs dans des innovations qui

permettraient de mieux utiliser les ressources disponibles, voire d'en valoriser de nouvelles. Mais ces

innovations arriveront-elles à temps, et seront-elles suffisantes ?

Mieux utiliser l'atome

En 2006, 442 réacteurs nucléaires étaient en service dans le monde, soit une puissance totale de 370

gigawatts (GW), à comparer avec les 3 870 GW de puissance installée pour la production d'électricité dans le

monde, dont plus des deux tiers de centrales thermiques fonctionnant aux hydrocarbures (pétrole, charbon,

gaz naturel). On le voit, une conversion significative au nucléaire n'est quasiment pas tenable... à moins de

développer des solutions nettement plus sobres.

C'est ce à quoi s'emploient actuellement les ingénieurs, à plus ou moins long terme selon les cas. La piste la

plus prometteuse dans l'immédiat est celle de l'EPR (European Pressurized Reactor), dit de 3ème

génération,

qui pourrait être opérationnel d'ici 10 à 15 ans. Mais si celui-ci représente un véritable bond en avant en

termes de sécurité, ses performances (15% de combustible consommé en moins) demeurent insuffisantes par

rapport aux enjeux.

C'est pourquoi les pays développés ont lancé des recherches pour la conception de réacteurs de 4ème

génération, avec un double objectif : améliorer l'efficacité énergétique et réduire la production de déchets.

Les principaux pays développés se sont ainsi rassemblés au sein au sein du Forum International Generation

IV pour soutenir les projets les plus prometteurs, au nombre de six :

1. VHTR (Very High Temperature Reactor) utilisant de l'hélium à haute température ;

2. GFR (Gas-Cooled Fast Reactor) où le gaz joue le rôle de fluide caloporteur ;

3. MSR (Molten Salt Reactor) à sels fondus fonctionnant au combustible liquide ;

4. SFR (Sodium-Cooled Fast Reactor) permettant de regénérer le combustible avec du sodium ;

5. LFR (Lead-Cooled Fast Reactor) obtenant le même résultat avec du plomb ;

6. SCWR (SuperCritical Water-Cooled Reactor) à l'eau supercritique ; soumise à de fortes pressions.

A l'exception du VHTR, toutes ces technologies reposent sur l'idée d'une meilleure valorisation du

combustible et de ses déchets, dont la majeure partie doit pouvoir être brûlée dans le réacteur. Enfin, dans un

horizon plus lointain (entre 2050 et 2100), l'avenir pourrait être à la surgénération, avec une nouvelle

génération de réacteurs produisant davantage d'énergie qu'elle n'en consomme.

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Incontournable ou superflu ?

On le voit, une source d'énergie quasi-inépuisable est peut-être au bout des recherches actuelles. L'ennui,

c'est que cette technologie ne sera pas disponible avant un long délai, quand bien même elle finirait par être

opérationnelle. Or l'évolution du réchauffement climatique réclame une forte inflexion de notre

consommation d'hydrocarbures d'ici 2050.

Face à ce constat, deux attitudes s'avèrent possible. La première table sur une poursuite de la hausse de la

consommation d'énergie : c'est le point de vue défendu par l'AIE (Agence Internationale de l'Energie), qui

évalue cette augmentation à 60% d'ici 2030 et recommande de construire de nouveaux réacteurs nucléaires

dans les mêmes proportions.

A contrario, Greenpeace a proposé un scénario dit de « (r)évolution énergétique » reposant sur la maîtrise de

la consommation, le développement des énergies renouvelables et un meilleur rendement énergétique de nos

équipements. Dans cette perspective, la part dévolue au nucléaire diminuerait progressivement jusqu'à une

disparition complète à l'horizon 2050.

Il faut dire que l'ONG écologiste fait partie des opposants les plus déterminés à l'usage de l'atome. Plus

largement, on voit ici aussi que les problématiques du développement durable font entrer en jeu de multiples

variables, dont l'une des principales est les comportements que nous adopterons à l'avenir.

IV. Les dessous de l'énergie nucléaire

Au-delà des accidents nucléaires heureusement rarissimes, l'un des principaux problèmes liés au

nucléaire concerne les déchets que cette industrie produit. Où et comment sont-ils traités ou stockés ?

Peut-on les détruire ? Quels sont les risques ?... Quelques éléments de réponse.

IV.1. Que deviennent les déchets nucléaires ?

Même si la production d'énergie électrique par les centrales nucléaires est très contrôlée et sécurisée,

nous ne sommes pas à l'abri d'un accident. Toutefois, le risque principal ne demeurerait-il pas plutôt

dans les déchets que cette industrie produit ? Où et comment sont-ils stockés ? Peut-on les détruire ?

Quels sont les risques sanitaires actuels ? Doctissimo fait le point…

Le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de Tchernobyl explosait, libérant une quantité phénoménale de particules

radioactives qui provoqueront des irradiations humaines, des malformations, des cancers et des milliers de

décès… Le risque d'observer à nouveau un accident de cette ampleur est théoriquement faible grâce à la

sécurité renforcée des sites de production. Mais une autre inquiétude perdure : que deviennent les déchets

radioactifs ?

Plusieurs sortes de déchets de l'industrie nucléaire

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L'utilisation de l'uranium dans les centrales nucléaires, en plus de l'énergie, produit des matières

radioactives dont la dangerosité varie selon leur niveau d'activité et leur durée de vie. Plus la demi-vie du

noyau est courte, plus il se désintégrera rapidement.

Mais lors de cette désintégration, il émet des rayonnements radioactifs, dangereux pour la santé. Selon la

dose de rayons à laquelle l'homme est exposé, ils peuvent entraîner des brûlures, des maladies voire la mort.

De plus, l'exposition à la radioactivité a un effet mutagène qui peut provoquer des cancers ou des

malformations chez les enfants à naître. Les déchets issus de l'industrie nucléaire peuvent être liquides,

solides ou gazeux. Ils se caractérisent par leur activité :

Très faible activité (TFA) ;

Faible activité à vie longue (FA-VL) ;

Faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) ;

Moyenne activité à vie longue (MA-VL) ;

Haute activité (HA) : les déchets HA sont les plus dangereux car essentiellement constitués des

produits issus de l'irradiation des combustibles ainsi que du retraitement.

Un élément à vie courte est un composant dont la demi-vie est inférieure à 30 ans. A contrario, un noyau à

vie longue a une demi-vie de plus de 30 ans. Les TFA et les FMA-VC représentent 90% du volume total de

déchets produits/an et sont stockés en surface. Les autres font l'objet d'études, notamment sur le site de Bure.

90% des déchets ne sont pas recyclables

Dans la centrale, l'uranium utilisé est l'U235. Une fois irradié, il devient un produit hautement dangereux car

radioactif et toxique. Mais il peut être retraité et transformé en uranium U238 et en plutonium P239. Seule

une faible proportion de ces produits de fission peut être réutilisée pour donner à nouveau un combustible, le

Mixed Oxyde (MOX). Mais après irradiation, le MOX contient toujours au minimum 5% de plutonium.

Le retraitement de l'uranium U238 ne permet donc pas de réduire le volume des déchets nucléaires. Au

contraire, il produit du plutonium qui est hautement dangereux : il s'agit là du composant principal de la

bombe nucléaire !

D'après Didier Anger, administrateur du réseau national "Sortir du nucléaire" et ancien vice-président de la

Commission Energie au Parlement Européen, le retraitement n'est en conséquence qu'une illusion : « Le

terme fait très écologique, mais il ne s'agit que d'extraire le plutonium du combustible irradié, qui est à la

base de la bombe nucléaire. Les autorités disent officiellement que 3 ou 4% des déchets ne sont pas

recyclables, mais en réalité, plus de 90% du combustible de départ ne le sont pas ». De plus selon lui, le

retraitement produit des eaux et des gaz dangereux pour l'environnement et pour la santé.

Le transport des déchets source d'inquiétudes

Le transport de ces matériaux pose également des problèmes : les produits sont en transit entre les usines de

retraitement, l'usine de fabrication de MOX et les centrales utilisant ce composé. « Les transports des

combustibles irradiés par chemins de fer sont faciles à contrôler mais quelqu'un de mauvaise intention peut

aisément connaître les trajets » confirme Didier Anger.

Guy Brunel, expert pour le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) dans la gestion des déchets ne nie pas

qu'il est possible de connaître les trajets empruntés par les convois, mais il précise que « chaque installation

nucléaire, les transports, la formation de colis, toutes ces actions concrètes doivent faire l'objet d'un dossier

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qui doit être soumis à l'Autorité de Sureté Nucléaire (ASN). Les conteneurs en acier ont été testés avec des

crash test. Ils l'ont également été aux explosifs. Ce ne sont que des conteneurs qualifiés qui vont sur la route.

De plus, ils sont encadrés par la gendarmerie et des leurres sont parfois utilisés ».

Des solutions de stockage existantes mais insuffisantes

Vu que les experts ignorent toujours comment vraiment recycler ces déchets, il est primordial de choisir un

moyen de les stocker de façon sûre, le temps que ces substances deviennent inoffensives pour

l'environnement et pour la santé. Mais il est difficile de savoir si une technologie sera fiable à très long

terme : la période radioactive du plutonium P 239 est en effet de 24 100 années, tandis que celle de

l'uranium 238 est de quelques milliards d'années !

Les experts se concentrent donc sur un mode de stockage le plus sécurisé possible, en sachant qu'il ne s'agit

toujours pas de la solution idéale.

Les déchets à vie courte et moyenne sont aujourd'hui stockés dans les centres de Soulaines et de Morvilliers,

dans l'Aube. Le Centre de Stockage de la Manche (CSM) à La Hague est définitivement fermé depuis 1994,

ses 527 000 m3 étant pleins.

« Aujourd'hui, le CSM de La Hague est saturé, fermé, recouvert et apparemment propre et sûr. Il y a même

de belles pelouses, mais le stockage a été fait dans de mauvaises conditions dans certaines zones, des flux de

déchets ont été mis directement sur le sol et les rivières rejettent de l'eau tritiée, donc radioactive » affirme

Didier Anger.

Les déchets à longue vie sont stockés à part en attendant qu'une méthode réversible d'enfouissement en

profondeur soit mise au point : « Les déchets à haute activité sont vitrifiés, incorporés dans du verre, à une

température supérieure à 1000°C, c'est la meilleure façon de piéger la radioactivité de telle manière à que

l'eau ne puisse pas récupérer la radioactivité » selon Guy Burnel.

Mais même si cette technique semble sûre, Didier Anger doute qu'elle soit dans les faits généralisée : « Tous

les déchets à haute activité sont vitrifiables, mais pas vitrifiés ».

Demain, l'enfouissement en profondeur ?

Dans le cadre de la loi de 2006 sur les déchets nucléaires, l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets

RAdioactifs (ANDRA) a construit un laboratoire situé à 500 mètres de profondeur à Bure, dans la Meuse,

afin de tester la faisabilité d'un stockage géologique profond des déchets radioactifs de haute activité et de

moyenne activité à vie longue.

L'ANDRA prévoit de demander en 2015 une autorisation de création d'un site de stockage, après débat

public. L'enfouissement de ces déchets radioactifs devrait ensuite être mis en route vers 2025, après un vote

du Parlement fixant les conditions de réversibilité.

Mais ce n'est pas non plus une solution pérenne pour les associations qui estiment de manière globale que la

gestion des déchets du nucléaire est trop dangereuse.

En effet, « Pour l'instant, on prend beaucoup de risques pour peu de rentabilité énergétique. C'est pour ça

que la filière de retraitement a été abandonnée par certains pays » conclut l’administrateur du réseau

national "Sortir du nucléaire" : Didier Anger.

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Les années qui viennent verront-elles la poursuite du développement du nucléaire civil en France avec

comme corollaire une accumulation forcément grandissante de déchets toxiques, ou les énergies alternatives,

voire l'hydrogène, le supplanteront-ils un jour ?

Valérie Chau, le 23 avril 2009

Pour en savoir plus

"Chernobyl Day", site lancé à l'occasion des Journées Internationales de Mobilisation Contre le nucléaire

Le site du réseau Sortir du Nucléaire

Ni nucléaire, ni effet de serre

IV.2. Déchets nucléaires : le cauchemar français

Entre le réchauffement climatique, l’affaire des pesticides ou des OGM, on en oublierait presque le

dossier explosif des déchets nucléaires. Pourtant, cette question épineuse est loin d’être réglée et

soulève encore aujourd’hui de nombreuses interrogations. Un récent film documentaire met en

lumière certains des aspects les plus sombres et méconnus du circuit des déchets nucléaires français.

Un édifiant documentaire réalisé par Laure Noualhat, journaliste à Libération et Eric Guéret, entend éclairer

les zones d'ombre qui subsistent sur l'obscur parcours de nos déchets nucléaires. Produit par Arte France et

Bonne pioche et diffusé mi-octobre sur Arte, ce film est le fruit de huit mois d'enquêtes qui ont mené les

deux auteurs, accompagnés par des scientifiques de la Commission de recherche et d'information

indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD) des Etats-Unis à la Russie en passant par l'Hexagone.

Des ados tatoués aux atomes

Plongeant dans les racines de l'histoire du nucléaire, le film nous emmène sur le site de Hanford, dans l'Etat

de Washington, là où tout a commencé. Le plutonium de Fat Man, la bombe qui explosa au-dessus de la ville

de Nagasaki le 9 août 1945 et causa la mort de 80 000 personnes, provenait de la centrale nucléaire de cette

ville. Depuis, loin d'être reniée par les habitants du coin, la centrale, première du monde, génère une sorte de

fierté locale, certains gamins du coin allant même jusqu'à se faire tatouer des atomes…

Le film nous montre les conséquences tant sociales, économiques que sanitaires du développement de

l'industrie nucléaire dans cette région, avec notamment le déversement dans la rivière voisine, depuis

soixante ans, des déchets liquides issus de la production du plutonium militaire.

Les déchets nucléaires et la France

Afin d'illustrer ce problème des déchets non sécurisés, le documentaire, avec l'appui de membres de la

CRIIRAD et de militants écologiques, nous raconte l'étonnant voyage des déchets nucléaires français.

La plupart des pays ont choisi de faire refroidir leurs déchets dans des piscines pour ensuite les stocker près

de leur centrale, faute de savoir quoi en faire et espérant que les développements technologiques futurs

trouvent une solution adéquate. Mais en France, les déchets de la combustion nucléaire sont en théorie

recyclés dans le but d'être réutilisés par la suite. Or selon les auteurs, ce circuit est tout sauf efficace et

imperméable.

Chiffres, interviews et recherches documentaires à l'appui, la journaliste et le réalisateur pointent du doigt

l'inefficacité effective, voire l'absurdité, du système de retraitement actuel français qui aboutit à l'aberrante

situation du site de Tomsk-7 en Sibérie.

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Un recyclage largement inefficace

Tout commence donc dans la Manche, à l'usine de La Hague d'Areva. Là-bas, l'industriel "trie", pour le

compte d'EDF, les combustibles usés. A la fin du processus, les déchets ultimes, ceux dont on ne peut rien

faire (4% du total) sont séparés du plutonium (1%) et de l'uranium de retraitement (95%).

Comme les déchets ultimes représentent, officiellement, ce qui ne peut être réutilisé, le chiffre de 96% est

avancé pour l'efficacité du taux de recyclage du nucléaire. Mais tout n'est pas si simple :

Les déchets ultimes : non recyclables, ils « concentrent 95% de la radioactivité de tous les déchets,

ils sont vitrifiés et destinés, selon la loi sur la gestion des déchets radioactifs de 2006, à être enfouis

dans le sous-sol français » ;

Le plutonium : il est généralement associé à de l'uranium appauvri pour former un nouveau

combustible appelé Mox, pour mélange d'oxyde. Une partie seulement des réacteurs français (22 sur

58) utilisent ce combustible, qui, une fois utilisé, contient toujours du plutonium. 120 tonnes de Mox

sont donc entreposées chaque année en France et non recyclées ;

L'uranium de retraitement : il va être transporté soit dans le Sud de la France sans être recyclé (à

85% selon EDF), soit jusqu'au complexe atomique de Tomsk-7, en Sibérie pour être réenrichi

(15%). Mais seulement 10% de ces 15% sont effectivement enrichis et réutilisables, les 90% restant

étant inutilisables et donc stockés sur place. Donc même si les matières sont recyclables à 96%, seuls

2,5% (1% de plutonium + 1,5% d'uranium provenant de Russie) le sont effectivement !

Un stockage à ciel ouvert

De plus, autant en France cet uranium restant est "conditionné sous forme stable et stocké", autant en Russie

la situation est différente : « Nous nous sommes rendus à Tomsk pour tenter d'approcher l'uranium de

retraitement français. Sans surprise, nous avons trouvé porte close », déplore Laure Noulhat. « Il a fallu se

contenter d'images glanées sur Google Earth pour apercevoir les containers d'uranium appauvri, stockés

sur d'immenses parkings à ciel ouvert. Voilà où EDF et Areva NC expédient les rebus du processus de

retraitement. Dans la plus grande discrétion ».

Chaque année, 108 tonnes d'uranium appauvri issues des centrales françaises sont ainsi stockées à ciel

ouvert. Même si la radioactivité est considérée comme faible, les conséquences d'un accident sur le site sont

potentiellement désastreuses. Sans parler des risques liés au transport de plusieurs tonnes de matières

radioactives tout au long des 8 000 km séparant l'usine de la Hague et le complexe atomique russe.

Donc non seulement il y a un choix contestable d'EDF de faire traiter une partie significative de son uranium

en Russie, mais de plus il y a une prise de risques inconsidérés. D'ailleurs avant même la diffusion du film, la

secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno demande une enquête au sein d'EDF… Il ne reste plus qu'à

souhaiter que cette situation inacceptable cesse…

Yamina Saïdj, le 13 octobre 2009

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La CRIIRAD

Cycle de l’énergie nucléaire et de l’acheminement de l’électricité d’Areva