Le magazine mondial de Leica Geosystems | 15
Le monde souterrain de Mulupar Kevin Dixon
À l'heure où Internet semble avoir réponse à
tout et où notre planète semble avoir dévoilé
tous ses secrets, il est rafraîchissant de trou-
ver une partie du monde toujours à l'état de
découverte après trente ans d'explorations. À
Mulu, au Sarawak, en Malaisie, ce que l'eau a
mis plusieurs millénaires à créer, en s'infiltrant
à travers les stratifications et les failles du cal-
caire pour trouver le chemin le plus court vers la
mer, est à présent un monde cristallisé, peuplé
de chauves-souris et de martinets. Les levés ont
été essentiels pour poursuivre la découverte,
car ils ont permis de créer des cartes pour guider
les explorateurs jusqu'à leur point de départ,
pour leur montrer de nouvelles entrées poten-
tielles à l'approche de la surface et pour les
mettre sur la piste de nouvelles découvertes.
Car dans les grottes, les passages suivent les
grandes failles, les plans de litage et l'horizon
des bassins de drainage. Mais quelle technolo-
gie et quelles méthodes de levés ont survécu à
cet environnement hostile afin de cartographier
ce labyrinthe en 3D ?
À Mulu, les conditions ne sont pas idéales pour le
matériel de topographie, ni pour les hommes, d'ail-
leurs. Habituellement l'humidité est de 100 % et la
température de 30 °C. Pour accéder aux grottes, il
faut toujours jouer de la machette parmi les joncs
et les vignes, escalader les racines et les pics de
calcaire, patauger dans les ruisseaux et la boue et
affronter les tempêtes tropicales. Souvent, les gens
restent couverts malgré la chaleur et l'humidité pour
éviter les égratignures qui s'infectent rapidement.
Cela permet également de se protéger des sangsues,
des taons et des moustiques.
La réussite des premières expéditions du « projet
des grottes de Mulu » dépendait grandement de la
qualité des levés. Les levés étaient nécessaires, non
seulement pour illustrer les fabuleuses découvertes
réalisées, mais également parce qu'une grande par-
tie du programme scientifique en dépendait. Presque
tous les passages des grottes ont été levés à mesure
de leur découverte par des petites équipes de deux
ou trois géomètres. Les instruments utilisés com-
prenaient principalement une boussole et un clino-
mètre, avec des mètres de 30 m en fibre de verre. De
retour au camp, les dessins des levés se limitaient au
transfert des notes sur du papier quadrillé, à l'aide
d'un rapporteur et d'une règle. Plus tard, les calcula-
trices programmables ont considérablement facilité
le travail. Les dessins de terrain se limitaient toujours
au papier quadrillé et étaient tracés à l'encre puis
au Letraset seulement lorsque l'équipe rentrait au
Royaume-Uni. >>
Robbie Shone dessine les grottes de Mulu.
16 | Reporter
Les levés d'aujourd'hui : avec les télémètres laser Leica DISTO™ L'expédition de 2011 avait de nombreux objectifs
ambitieux pour une expédition de six semaines, et
une grande partie était liée aux levés. Des équipes
de 2 à 4 personnes effectuaient les levés, avec un
preneur de notes qui dessinait des esquisses de la
grotte sur le terrain et qui listait les mesures sur un
carnet de note étanche. Un second équipier manipu-
lait les instruments et criait les résultats au preneur
de notes.
En plus des boussoles et des clinomètres, des télé-
mètres laser Leica DISTO™ DXT et DISTO™ D8 de
Leica Geosystems faisaient partie de l'expédition
Mulu 2011. Grâce au DISTO™ D8 avec son clinomètre
intégré, nous avons pu réduire le nombre de clino-
mètres utilisés. Il présentait en outre l'avantage de
fournir des mesures d'inclinaison plus précises, ainsi
que des mesures de distances jusqu'à 200 m. Nous
devions éviter l'eau et la boue avec le Leica DISTO™
D8, mais cela en valait la peine car nous avons pu
mesurer, avec des cibles réfléchissantes éclairées par
nos puissantes lampes frontales et grâce au viseur
numérique du Leica DISTO™ D8, des distances allant
jusqu'à 186 m éloignées. En levant de très longs tron-
çons, nous pensions obtenir une meilleure précision
qu'avec les tronçons classiques, plus petits.
C'était la première fois que nous utilisions le Leica
DISTO™ DXT. Son indice de protection plus élevé
(IP65) impliquait une meilleure résistance à la boue et
à l'eau. C'était un avantage, car nous pouvions gar-
der le DISTO™ DXT autour du cou, prêt pour mesurer
rapidement les dimensions des passages (habituel-
lement les parois gauches et droites, les plafonds
et les sols, dans le sens des levés). Nous utilisions
le même matériel pour les polygonations en sur-
face, afin de connecter les entrées aux stations de
référence fixes. Pour les deux télémètres laser, nous
avons particulièrement apprécié la mémoire interne
qui permettait au preneur de notes de vérifier les
résultats afin d'éviter les erreurs de transcription.
Mise en place des contrôles Un récepteur GPS bifréquence Leica SR530 faisait
également partie de l'expédition afin de déterminer
une série de points de contrôle cohérents dans toute
la zone de Mulu, en particulier pour la détermination
des hauteurs. La position des stations était déter-
minée par la disponibilité d'un ciel dégagé permet-
tant une bonne visibilité des satellites, ce qui n'est
pas facile à trouver dans la jungle primaire. Certaines
stations étaient situées dans des clairières aména-
gées dans le parc par les autorités locales en cas
d'évacuation d'urgence par hélicoptère. L'une des
positions, juste à l'extérieur du parc, avait été récem-
ment dégagée par les autochtones. Heureusement,
la visibilité des satellites était bonne et nous n'avons
pas eu besoin de refaire les levés. Le PPP (Position-
nement Ponctuel de Précision) des données GPS sta-
tiques des 30 secondes était assuré par Jet Propul-
sion Laboratory, par le biais de leur service en ligne
gratuit. Les positions absolues obtenues avaient une
précision de 0,02 à 1,09 m, avec une majorité supé-
rieure ou égale à 0,1 m. Le résultat de 1,09 m n'était
pas inattendu. Il s'agissait du site qui présentait la
moins bonne visibilité, au niveau de la résurgence de
la rivière Terikan, avec un champ d'observation étroit
au-dessus de la rivière et une haute falaise immédia-
tement à l'est.
Résumé de l'expéditionAu total, 15,2 km de nouveaux passages de grottes
ont été explorés et levés, ce qui a ajouté 13,4 km
au système de Clearwater, qui passe ainsi à 189 km
de longueur, soit la 8ème grotte la plus longue du
monde. Deux nouvelles grottes ont été découvertes
et levées. Huit points géodésiques GPS ont été levés.
Au total, 26,2 millions de points ont été levés lors
de la numérisation laser de la grotte du Cerf et de la
salle du Sarawak, soit une distance de 3,4 km et 36
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vrir des spéléothèmes en cristal, dont la formation
est toujours un mystère. De nombreuses grottes
regorgeants de calcaire de Mulu restent inconnues.
Nul doute qu'elles feront l'objet d'expéditions ulté-
rieures.
À propos de l'auteur :
Kevin Dixon est membre de la Royal Geographical
Society. Il est arpenteur-géomètre titulaire d'un
diplôme en informatique et en mathématique de
l'université d'York, au Royaume Uni, où il vit.
mises en station. La salle du Sarawak, l'une des plus
grandes salles souterraines du monde, a été photo-
graphiée au format panoramique à l'aide d'ampoules
Megaflash.
Qu'est-ce qui pousse des gens à se rendre à l'autre
bout du monde pour souffrir, prendre des mesures
tout en payant pour avoir ce privilège ? La curiosité
et l'émerveillement semblent jouer un rôle impor-
tant, ainsi que l'idée que vous êtes la première per-
sonne à explorer et à mesurer un endroit, l'envie de
voir ce qui se trouve au prochain tournant et y décou-
Projet des grottes de Mulu et Parc national du Gungung Mulu
Le projet des grottes de Mulu est un travail com-
mun entre des spéléologues britanniques et malai-
siens et les autorités de Sarawak, en Malaisie. Les
expéditions sont majoritairement auto-financées
par leurs membres et elles ont habituellement lieu
deux fois par an. Les préparations sont longues et
requièrent une assistance considérable des autorités
de Sarawak, des responsables de la Sarawak Forestry
Corporation et de la direction du parc national.
Le parc national du Gungung Mulu vaut le détour, sur-
tout pour la promenade dans la grotte du Cerf, avant
d'assister à l'exode nocturne d'environ 3 millions de
chauves-souris. Plusieurs circuits d'aventure dans les
grottes, accompagnés d'un guide expérimenté sont
disponibles, au départ du bureau d'administration
du parc, récemment rénové. Le camp 5, situé dans
un décor magnifique, sert de camp de base pour
observer les pics de calcaire acérés, dont certains
dépassent la canopée de la forêt pluviale qui se blot-
tit au milieu. Une grande partie de la vie sauvage est
nocturne. Une balade tranquille le long d'une piste
après le coucher du soleil est souvent récompensée.
Mulu dispose de son propre aéroport, avec des vols
réguliers depuis Miri et Kuching.
(www.mulupark.com)
Vous trouverez une galerie de photos de la région
de Mulu, avec les grottes et la vie sauvage, sur le
www.shonephotography.com.
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