Download - Le Grand Arcane

Transcript
  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    1/110

    LE GRAND ARCANEouLOCCULTISME DVOIL

    LIPHAS LVI(Alphonse-Louis CONSTANT)

    INTRODUCTION

    Cet ouvrage est le testament de l'auteur ; c'est le plus important et le dernier

    de ses livres sur la science occulte. Il est divis en trois livres :LIVRE PREMIERLe mystre hiratique ou les documents traditionnels de la haute initiation.

    LIVRE SECONDLe mystre royal ou l'art de se faire servir par les puissances.

    LIVRE TROISIME

    Le mystre sacerdotal ou l'art de se faire servir par les esprits.

    Ce livre n'a besoin ni d'introduction ni de prface : les ouvrages prcdents del'auteur pouvant lui servir amplement de prface et dintroduction.Ici est le dernier mot de loccultisme et il est crit aussi clairement quilnous a t possible de le faire.Ce livre peut et doit-il tre publi ? Nous lignorons en lcrivant ; mais nousavons cru devoir et pouvoir lcrire.Sil existe encore de vritables initis dans le monde, cest pour eux que nous

    lcrivons et c

    est eux seuls qu

    il appartient de nous juger.

    LIPHAS LVI

    LIVRE SECONDLe Mystre royal ou l'Art de soumettre les puissances.

    -- CHAPITRE I --

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    2/110

    LE MAGNTISME

    Le magntisme est une force analogue celle de l'aimant ; il est rparti danstoute la nature.Ses caractres sont : l'attraction, la rpulsion et la polarisation quilibre.

    La science constate les phnomnes de l'aimant astral et de l'aimant minral.L'aimant animal se manifeste tous les jours par des faits que la science observeavec dfiance, mais qu'elle ne peut dj plus nier, bien qu'elle attende avecraison pour les admettre qu'on en puisse terminer l'analyse par une synthseincontestable.On sait que l'aimantation produite par le magntisme animal dtermine un sommeilextraordinaire pendant lequel l'me du magntis tombe sous la dpendance dumagntiseur avec cette particularit que la personne endormie semble laisseroisive sa vie propre et particulire pour manifester uniquement les phnomnes

    de la vie universelle. Elle reflte la pense des autres, voit autrement que parles yeux, se rend prsente partout sans avoir conscience de l'espace, peroitles formes bien mieux que les couleurs, supprime ou confond les priodes dutemps, parle de l'avenir comme s'il tait pass et du pass comme s'il tait venir, explique au magntiseur ses propres penses et jusqu'aux reprochessecrets de la conscience, voque dans son souvenir les personnes auxquelles ilpense et les dcrit de la manire la plus exacte sans que le somnambule ou lasomnambule les ait jamais vues, parle le langage de la science avec le savant etcelui de l'imagination avec le pote, dcouvre les maladies et en devine lesremdes, donne souvent de sages conseils, souffre avec celui qui souffre etpousse parfois d'avance un cri douloureux en vous annonant des tourments quidoivent venir.

    Ces faits tranges mais incontestables nous entranent ncessairement conclurequ'il existe une vie commune pour toutes les mes, ou du moins une sorte derflecteur commun de toutes les imaginations et de toutes les mmoires o nouspouvons nous voir les uns les autres, comme il arrive dans une foule qui passedevant un miroir. Ce rflecteur c'est la lumire odique du chevalier deReichembach, c'est notre lumire astrale, c'est le grand agent de la vie nommod, ob et aour par les Hbreux. Le magntisme dirig par la volont del'oprateur c'est Od, le somnambulisme passif c'est Ob : Les Pythonisses del'antiquit taient des somnambules ivres de lumire astrale passive. Cettelumire, dans nos livres sacrs, est appele esprit de Python parce que dans lamythologie grecque le serpent Python en est l'image allgorique.Elle est reprsente aussi dans sa double action par le serpent du caduce ; leserpent le droite est Od, celui de gauche est Ob, et au milieu, au sommet de laverge hermtique, brille le globe d'or qui reprsente Aour ou la lumirequilibre.Od reprsente la vie librement dirige, Ob reprsente la vie fatale. C'est pourcela que le lgislateur hbreu dit : Malheur ceux qui devinent par Ob, car ilsvoquent la fatalit, ce qui est un attentat contre la providence de Dieu etcontre la libert de l'homme.Il y a certes une grande diffrence entre le serpent Python, qui se tranaitdans la fange du dluge et que le soleil pera de ses flches ; il y a,

    disons-nous, une grande diffrence entre ce serpent et celui qui s'enrouleautour du bton d'Esculape, de mme que le serpent tentateur de l'Eden diffredu serpent d'airain qui gurissait les malades dans le dsert. Ces deux serpents

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    3/110

    opposs figurent en effet les forces contraires qu'on peut associer, mais qui nedoivent jamais se confondre. Le sceptre l'Herms, en les sparant, les concilieet en quelque sorte les runit ; et c'est ainsi qu'aux yeux pntrants de lascience, l'harmonie rsulte de l'analogie des contraires.Ncessit et Libert, telles sont les deux grandes lois de la vie ; et ces deuxlois n'en font qu'une, car elles sont indispensables l'une lautre.

    La ncessit sans libert serait fatale comme la libert prive de son freinncessaire deviendrait insense. Le droit sans devoir, c'est la folie. Ledevoir sans droit, c'est la servitude.Tout le secret du magntisme consiste en ceci : gouverner la fatalit de l'obpar l'intelligence et la puissance de l'od afin de crer l'quilibre parfaitd'aour.Lorsqu'un magntiseur, mal quilibr et soumis la fatalit par des passionsqui le matrisent, veut imposer son activit la lumire fatale, il ressemble un homme qui aurait les yeux bands et qui, mont sur un cheval aveugle, le

    stimulerait grands coups d'perons au milieu d'une fort pleined'anfractuosits et de prcipices.Les devins, les tireurs de cartes, les somnambules sont tous des hallucins quidevinent par ob.Le verre d'eau de lhydromancie, les cartes dEtteila, les lignes de la main,etc., produisent chez le voyant une sorte d'hypnotisme. Il voit alors leconsultant dans les reflets de ses dsirs insenss ou de ses imaginationscupides, et comme il est lui-mme un esprit sans lvation et sans noblesse devolont, il devine les folies et en suggre de plus grandes encore, ce qui estpour lui du reste une condition du succs.

    Un cartomancier qui conseillerait l'honntet et les bonnes murs perdraitbientt sa clientle de femmes entretenues et de vieilles filles hystriques.Les deux lumires magntiques pourraient s'appeler lune la lumire vive etl'autre la lumire morte, l'une le fluide astral et l'autre le phosphorespectral, l'une le flambeau du verbe et l'autre la fume du rve.Pour magntiser sans danger il faut avoir en soi la lumire de vie, c'est--direqu'il faut tre un sage et un juste.L'homme esclave des passions ne magntise pas, il fascine ; mais le rayonnementde sa fascination agrandit autour de lui le cercle de son vertige ; il multiplieses charmes et affaiblit de plus en plus sa volont. Il ressemble unearaigne qui s'puise et qui reste enfin prise dans ses propres rseaux.Les hommes jusqu' prsent n'ont pas encore connu l'empire suprme de laraison, ils la confondent avec le raisonnement particulier et presque toujourserron de chacun. Cependant M. de la Palice lui-mme, leur dirait que celui quise trompe n'a pas raison, la raison tant prcisment le contraire de noserreurs.Les individus et les masses que la raison ne gouverne pas sont esclaves de lafatalit, c'est elle qui fait l'opinion et l'opinion est reine du monde.

    Les hommes veulent tre domins, tourdis, entrans. Les grandes passions leursemblent plus belles que des vertus, et ceux qu'ils appellent de grands hommessont souvent de grands insenss. Le cynisme de Diogne leur plat comme le

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    4/110

    charlatanisme d'Empdocls. Ils n'admireraient rien tant qu'Ajax et que Capane,si Polyeucte n'tait pas encore plus furieux. Pyrame et Thisb qui se tuent sontles modles des amants. L'auteur d'un paradoxe est toujours sr de faire un nom.Et ils ont beau par dpit et par envie condamner loubli le nom dErostate, cenom est si beau de clmence qu'il surnage sur leur colre et s'imposeternellement leur souvenir !Les fous sont donc magntiseurs ou plutt fascinateurs, et cest ce qui rend la

    folie contagieuse. Faute de savoir mesurer ce qui est grand, on s'prend de cequi est trange.Les enfants qui ne peuvent pas encore marcher veulent qu'on les prenne et qu'onles remue.Personne n'aime tant la turbulence que les impotents. C'est lincapacit duplaisir qui fait les Tibre et les Messaline. Le gamin de Paris au paradis desboulevards voudrait tre Cartouche, et rit de tout son cur en voyantridiculiser Tlmaque.Tout le monde n'a pas le got des ivresses opiaces on alcooliques, mais presque

    tout le monde voudrait enivrer son esprit et se plairait facilement laisserdlirer son cur.Lorsque le Christianisme s'imposa au monde par la fascination du martyre, ungrand crivain de ce temps-l formula la pense de tous en s'criant : Jecrois parce que c'est absurde ! La folie de la Croix, comme saint Paul l'appelait lui-mme, tait alorsinvinciblement envahissante. On brlait les livres des sages, et saint Paulprludait Ephse aux exploits d'Omar. On renversait des temples qui taientles merveilles du monde et des idoles qui taient les chefs-duvre des arts. Onavait le got de la mort et l'on voulait dpouiller l'existence prsente detous ses ornements pour se dtacher de la vie.

    Le dgot des ralits accompagne toujours l'amour des rves : Quam sordettellus dum clumas picio ! dit un clbre mystique ; littralement : Que laterre devient sale quand je regarde le ciel ! Eh quoi, ton il en s'garant dansl'espace salit la terre ta nourrice ! Qu'est-ce donc que la terre si ce n'estun astre du ciel ? Est-ce parce qu'elle te porte qu'elle est sale ? Mais qu'onte transporte dans le soleil et tes dgots saliront bientt le soleil ! Le cielserait-il plus propre s'il tait vide ? Et nest-il pas admirable contemplerparce que dans le jour il illumine la terre, et parce que dans la nuit, ilbrille d'une multitude innombrable de terres et de soleils ! Quoi, la terresplendide, la terre aux ocans immenses, la terre pleine d'arbres et de fleursdevient une ordure pour toi, parce que tu voudrais tlancer dans le vide ?Crois-moi, ne cherche pas te dplacer pour cela : le vide est dans ton espritet dans ton cur !Cest J'amour des rves qui mle tant de douleurs aux rves de l'amour. L'amourtel que nous le donne la nature est une dlicieuse ralit, mais notre orgueilmaladif voudrait quelque chose de mieux que la nature. De l vient la foliehystrique des incompris. La pense de Charlotte, dans la tte de Werther, setransforme fatalement comme elle devait le faire, et prend la forme brutaled'une balle de pistolet. L'amour absurde a pour dnouement le suicide.L'amour vrai, l'amour naturel, est le miracle du magntisme. C'estl'entrelacement des deux serpents du caduce ; il semble se produire fatalement,mais il est produit par la raison suprme qui lui fait suivre les lois de la

    nature. La fable raconte que Tirsias ayant spar deux serpents quis'accouplaient, encourut la colre de Vnus et devint Androgyne ; ce qui annulachez lui la puissance sexuelle, puis la desse irrite le frappa encore, et le

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    5/110

    rendit aveugle parce qu'il attribuait la femme ce qui convient principalement l'homme. Tirsias tait un devin qui prophtisait par la lumire morte. Aussises prdictions annonaient-elles et semblaient-elles toujours dterminer desmalheurs. Cette allgorie contient et rsume toute la philosophie du magntismeque nous venons de rvler.

    -- CHAPITRE II --LE MAL

    Le mal dans ce qu'il a de ralit est l'affirmation du dsordre. Or en prsencede l'ordre ternel, le dsordre est essentiellement transitoire. En prsence del'ordre absolu qui est la volont de Dieu, le dsordre n'est que relatif.L'affirmation absolue du dsordre et du mal est donc essentiellement lemensonge.

    L'affirmation absolue du mal, c'est la ngation de Dieu, puisque Dieu est laraison suprme et absolue du bien.Le mal, dans l'ordre philosophique, c'est la ngation de la raison.Dans l'ordre social, c'est la ngation du devoir.Dans l'ordre physique, c'est la rsistance aux lois inviolables de la nature.La souffrance n'est pas un mal, c'est la consquence et presque toujours leremde du mal.Rien de ce qui est naturellement invitable ne saurait tre un mal. L'hiver, la

    nuit et la mort ne sont pas des maux. Ce sont des transitions naturelles d'unjour un autre jour, d'un automne un printemps, d'une vie une autre vie.Proud'hon a dit : Dieu c'est le mal ; c'est comme sil avait dit : Dieu c'est lediable, car le diable est pris gnralement pour le gnie du mal. Retournons laproposition, elle nous donnera cette formule paradoxale : Le diable c'est Dieu,ou en d'autres termes : Le mal c'est Dieu. Mais certes, en parlant ainsi, le roides logiciens que nous citons ne voulait pas, sous le nom de Dieu, dsigner lapersonnification hypothtique du bien. Il songeait au dieu absurde que font leshommes et, en expliquant ainsi sa pense, nous dirons qu'il avait raison, car lediable c'est la caricature de Dieu et ce que nous appelons le mal, c'est le bienmal dfini et mal compris.On ne saurait aimer le mal pour le mal, le dsordre pour le dsordre.L'infraction des lois nous plat parce qu'elle semble nous mettre au-dessus deslois. Les hommes ne sont pas faits pour la loi, mais la loi est faite pour leshommes, disait Jsus, parole audacieuse que les prtres de ce temps-l durenttrouver subversive et impie, parole dont l'orgueil humain peut prodigieusementabuser. L'on nous dit que Dieu n'a que des droits et point de devoirs parcequ'il est le plus fort, et c'est cela qui est une parole impie. Nous devons tout Dieu, ose-t-on ajouter, et Dieu ne nous doit rien. C'est le contraire qui estvrai. Dieu, qui est infiniment plus grand que nous, contracte en nous mettant au

    monde une dette infinie. Cest lui qui a creus le gouffre de la faiblessehumaine, ce doit tre lui de le combler.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    6/110

    La lchet absurde de la tyrannie dans le vieux monde nous a lgu le fantmed'un dieu absurde et lche, ce dieu qui fait un miracle ternel pour forcerl'tre fini tre infini en souffrances.Supposons un instant que l'un de nous a pu crer une phmre et qu'il lui a ditsans quelle puisse l'entendre : Ma crature, adore-moi ! La pauvre bestiole a

    voltig sans penser rien, elle est morte la fin de sa journe et unncromancien dit l'homme qu'en versant sur elle une goutte de son sang, ilpourra ressusciter l'phmre.L'homme se pique j'en ferais autant sa place voil l'phmre ressuscite.Que fera l'homme ? Ce qu'il fera, je vais vous le dire, s'crie un fanatiquecroyant. Comme l'phmre dans sa premire vie n'a pas eu l'esprit on la btisede l'adorer, il allumera un brasier pouvantable et y jettera l'phmre enregrettant seulement de ne pouvoir pas lui conserver miraculeusement la vie aumilieu des flammes afin quelle brle ternellement !Allons donc, dira tout le monde, il n'existe pas de fou furieux qui soit aussi

    lche, aussi mchant que cela !Je vous demande pardon, chrtiens vulgaires,l'homme en question ne saurait exister, j'en conviens ; mais il existe, dans

    votre imagination seulement, htons-nous de le dire, quelqu'un de plus cruel etde plus lche. C'est votre Dieu, tel que vous l'expliquez et c'est de celui-lque Proud'hon a eu mille fois raison de dire : Dieu c'est le mal.En ce sens le mal serait l'affirmation mensongre dun dieu mauvais et c'est cedieu-l qui serait le diable ou son compre. Une religion qui apporterait pourbaume aux plaies de l'humanit un pareil dogme les empoisonnerait au lieu deles gurir. Il en rsulterait l'abrutissement des esprits et la dpravationdes consciences ; et la propagande faite au nom d'un pareil Dieu pourraits'appeler le magntisme du mal. Le rsultat du mensonge c'est l'injustice. Del'injustice rsulte l'iniquit qui produit l'anarchie dans les tats, et dans

    les individus, le drglement et la mort.Un mensonge ne saurait exister s'il n'voquait dans la lumire morte une sortede vrit spectrale, et tous les menteurs de la vie se trompent eux-mmes lespremiers en prenant la nuit pour le jour. L'anarchiste se croit libre, le voleurse croit habile, le libertin croit qu'il s'amuse, le despote pense qu'opprimerc'est rgner. Que faudrait-il pour dtruire le mal sur la terre ? Une chosebien simple en apparence : dtromper les sots et les mchants. Mais ici, toutebonne volont se brise et toute puissance choue ; les mchants et les sots neveulent pas tre dtromps. Nous arrivons cette perversit secrte qui sembletre la racine du mal, le got du dsordre et l'attachement l'erreur. Nousprtendons pour notre part que cette perversit nexiste pas du moins commelibrement consentie et voulue. Elle n'est autre chose que lempoisonnement de lavolont par la force dltre de l'erreur.Lair respirable se compose comme on sait d'hydrogne, d'oxygne et d'azote.L'oxygne et lhydrogne correspondent la lumire de vie et l'azote lalumire morte. Un homme plong dans l'azote ne saurait respirer ni vivre, demme un homme asphyxi par la lumire spectrale ne peut plus faire acte devolont libre. Ce n'est point dans l'atmosphre que s'accomplit le grandphnomne de la lumire, c'est dans les yeux organiss pour la voir. Un jour, unphilosophe de l'cole positiviste, M. Littr, si je ne me trompe, disait quel'immensit n'est qu'une nuit infinie ponctue et l de quelques toiles. Cela est vrai, lui rpondit quelqu'un, pour nos yeux qui ne sont pas organiss

    pour la perception d'une autre clart que la lumire du soleil. Mais l'idemme de cette lumire ne nous apparat-elle pas en rve tandis qu'il fait nuitsur la terre et que nos yeux sont ferms ? Quel est le jour des mes ? Comment

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    7/110

    voit-on par la pense ? La nuit de nos yeux existerait-elle pour des yeuxautrement disposs ? Et si nos yeux n'existaient pas, aurions-nous consciencede la nuit ? Pour les aveugles, il n'existe ni toiles, ni soleil ; et si nousmettons un bandeau sur nos yeux, nous devenons aveugles volontaires. Laperversit des sens comme celle des facults de l'me rsulte d'un accident oud'un premier attentat aux lois de la nature ; elle devient alors ncessaire etcomme fatale. Que faire pour les aveugles ? Les prendre par la main et les

    conduire. Mais sils ne veulent pas se laisser conduire ? Il faut mettre desgarde-fous. Mais sils les renversent ? Alors ce ne sont plus seulement desaveugles, ce sont des alins dangereux et il faut bien les laisser prir si onne peut pas les enfermer.Edgar Allan Poe raconte la plaisante histoire d'une maison de fous o lesmalades avaient russi s'emparer des infirmiers et des gardiens et les avaientenferms dans leurs propres cabanons aprs les avoir accoutrs en btessauvages. Les voil triomphants dans les appartements de leur mdecin ; ilsboivent le vin de l'tablissement et se flicitent rciproquement d'avoir faitde trs belles cures. Pendant qu'ils sont table, les prisonniers brisent leurschanes et viennent les surprendre grands coups de bton. Ils sont devenus

    furieux contre les pauvres fous et les justifient en quelque sorte par desmauvais traitements insenss.Voil l'histoire des rvolutions modernes. Les fous, triomphant par leur grandnombre, qui constitue ce qu'on nomme les majorits, emprisonnent les sages etles dguisent en btes fauves. Bientt les prisons s'usent et se brisent, et lessages d'hier rendus fous par la souffrance s'chappent en hurlant et rpandentla terreur. On voulait leur imposer un faux dieu, ils vocifrent qu'il n'y apoint de Dieu. Alors les indiffrents devenus braves force de peur secoalisent pour rprimer les fous furieux et inaugurent le rgne des imbciles.Nous avons dj vu cela.Jusqu' quel point les hommes sont-ils responsables de ces oscillations et deces angoisses qui produisent tant de crimes, quel penseur oserait le dire ? On

    excre Marat et l'on canonise Pie V.Il est vrai que le terrible Ghisleri ne guillotinait pas ses adversaires, illes brlait. Pie V tait un homme austre et un catholique convaincu, Maratpoussait le dsintressement jusqu' la misre.Tous deux taient des honntes gens, mais c'taient des fous homicides sans treprcisment furieux.Or, quand une folie criminelle rencontre la complicit d'un peuple, elle devientpresque une raison terrible et quand la multitude, non dsabuse, mais tromped'une faon contraire, renie et abandonne son hros, le vaincu devient lafois un bouc missaire et un martyr. La mort de Robespierre est aussi belle quecelle de Louis XVI.J'admire sincrement cet affreux inquisiteur qui, massacr par les Albigeois,crit sur la terre avec son sang, avant d'expirer : Credo in unum Deum !La guerre est-elle un mal ? Oui sans doute, car elle est horrible. Mais est-ceun mal absolu ? La guerre, c'est le travail gnrateur des nationalits et descivilisations. Qui est responsable de la guerre ? Les hommes ? Non, car ils ensont les victimes. Qui donc ? Oserait-on dire que c'est Dieu ? Demandez auconte Joseph de Maistre. Il vous dira pourquoi les sacerdoces ont toujoursconsacr le glaive et comment il y a quelque chose de sacr dans l'officesanglant du bourreau. Le mal c'est l'ombre, c'est le repoussoir du bien. Allons

    jusqu'au bout et osons dire que c'est le bien ngatif. Le mal, c'est larsistance qui affermit l'effort du bien ; et c'est pour cela que Jsus-Christne craignait pas de dire : Il faut qu'il y ait des scandales !

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    8/110

    Il y a des monstres dans la nature comme il y a des fautes d'impression dans unbeau livre. Qu'est-ce que cela prouve ? Que la nature comme la presse sont desinstruments aveugles que l'intelligence dirige ; mais, me direz-vous, un bonprote corrige les preuves. Oui certes, et dans la nature C'est cela que sertle progrs. Dieu, si l'on veut me passer cette comparaison, est le directeur del'imprimerie et l'homme est le prote de Dieu.

    Les prtres ont toujours cri que les flaux sont causs par les pchs deshommes, et cela est vrai puisque la science est donne aux hommes pour prvoiret prvenir les flaux. Si, comme on l'a prtendu, le cholra vient de laputrfaction des cadavres amoncels l'embouchure du Gange, si la famine vientdes accaparements, si la peste est cause par la malpropret, si la guerre estoccasionne si souvent par l'orgueil stupide des rois et la turbulence despeuples, n'est-ce pas vraiment la mchancet, on plutt la btise des hommes quiest cause des flaux ? On dit que les ides sont dans l'air et l'on peut dire envrit, que les vices y sont aussi. Toute corruption produit une putrfaction ettoute putrfaction a sa puanteur spciale. L'atmosphre qui environne lesmalades est morbide et la peste morale a aussi son atmosphre bien autrement

    contagieuse. Un honnte cur se trouve l'aise dans la socit des gens debien. Il est serr, il souffre, il touffe au milieu des tres vicieux.

    -- CHAPITRE III --LA SOLIDARIT DANS LE MAL

    Dans son livre du mouvement perptuel des mes, le Grand Rabbin Isaac de Louriadit qu'il faut employer avec une grande vigilance l'heure qui prcde lesommeil. Pendant le sommeil, en effet, l'me perd pour un temps sa vie

    individuelle pour se plonger dans la lumire universelle qui, comme nous l'avonsdit, se manifeste par deux courants contraires. L'tre qui s'endort s'abandonneaux treintes du serpent d'Esculape, du serpent vital et rgnrateur, ou selaisse lier par les nuds empoisonns du hideux Python. Le sommeil est un baindans la lumire de la vie ou dans le phosphore de la mort. Celui qui s'endortavec des penses de justice se baigne dans les mrites des justes, mais celuiqui se livre au sommeil avec des penses de haine ou de mensonge se baigne dansla mer inerte o reflue l'infection des mchants.La nuit est comme l'hiver qui couve et prpare les germes. Si nous avons sem delivraie, nous ne rcolterons pas du froment. Celui qui s'endort dans l'impitne se rveille pas dans la bndiction divine. On dit que la nuit porte conseil.Oui sans doute. Bon conseil au juste, funeste impulsion au mchant. Telles sontles doctrines de Rabbi Isaac de Loria.Nous ne savons jusqu' quel point on doit admettre cette influence rciproquedes tres plongs dans le sommeil et dirige de telle sorte, par des attractionsinvolontaires, que les bons amliorent les bons et que les mchants dtriorentceux qui leur sont semblables. Il serait plus consolant de penser que la douceurdes justes rayonne sur les mchants pour les calmer et que le trouble desmchants ne peut rien sur l'me des justes. Ce qui est certain c'est que lesmauvaises penses agitent le sommeil et le rendent par consquent malsain, etqu'une bonne conscience dispose merveilleusement le sang se rafrachir et se reposer dans le sommeil.

    Il est trs probable toutefois que le rayonnement magntique dtermin pendantle jour par les habitudes et la volont ne cesse pas pendant la nuit. Ce qui le

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    9/110

    prouve, ce sont les rves o il nous semble souvent que nous agissons suivantnos plus secrets dsirs. Celui-l seul, dit saint Augustin, a vritablementconquis la vertu de chastet qui impose la modestie mme ses songes.Tous les astres sont aimants et tous les aimants clestes agissent etragissent les uns sur les autres dans les systmes plantaires, dans lesgroupes des univers et dans toute l'immensit ! Il en est de mme des tres

    vivants, sur la terre.La nature et la force des aimants est dtermine par l'influence rciproque desformes sur la force et de la force sur les formes. Ceci a besoin d'tresrieusement examin et mdit.La beaut qui est l'harmonie des formes est toujours accompagne d'une grandepuissance d'attraction ; mais il est des beauts discutables et discutes.Il est des beauts de convention conformes certains gots et certainespassions. On et trouv la cour de Louis XV que la Vnus de Milo avait unetaille paisse et de grands pieds. En Orient, les sultanes favorites sont obses

    et dans le royaume de Siam, on achte les femmes au poids.Les hommes n'en sont pas moins disposs faire des folies pour la beaut vraieou imaginaire qui les subjugue. Il est donc des formes qui nous enivrent etqui exercent sur notre raison l'empire des forces fatales. Quand nos gots sontdpravs, nous nous prenons de certaines beauts imaginaires qui sontrellement des laideurs. Les Romains de la dcadence aimaient le front bas etles yeux batraciens de Messaline. Chacun se fait ici-bas un paradis samanire. Mais ici commence la justice. Le paradis des tres dpravs esttoujours et ncessairement un enfer.Ce sont les dispositions de la volont qui font la valeur des actes. Car c'estla volont qui dtermine la fin qu'on se propose, et c'est toujours le but voulu

    et atteint qui fait la nature des uvres. C'est selon nos uvres que Dieu nousjugera, au dire de lEvangile, et non selon nos actes. Les actes prparent,commencent, poursuivent et achvent les uvres. Ils sont bons lorsque luvreest bonne. Si c'est le contraire, ils sont mauvais. Nous ne voulons pas dire icique la fin justifie les moyens, mais qu'une fin honnte ncessite des moyenshonntes et donne du mrite aux actes les plus indiffrents de leur nature.Ce que vous approuvez vous le faites, ou vous le faites faire en encourageant le faire. Si votre principe est faux, si votre but est inique, tous ceux quipensent comme vous agissent comme vous agiriez leur place ; et lorsqu'ilsrussissent, vous pensez qu'ils ont bien fait. Si vos actions semblent tre d'unhonnte homme tandis que votre but est celui d'un sclrat, vos actionsdeviennent mauvaises. Les prires de l'hypocrite sont plus impies que lesblasphmes du mcrant. En deux mots, tout ce qu'on fait pour l'injustice estinjuste ; tout ce qu'on fait pour la justice est juste et bon.Nous avons dit que les tres humains sont des aimants qui agissent les uns surles autres. Cette aimantation, naturelle d'abord, dtermine ensuite dans sonmode par les habitudes de la volont, groupe les tres humains par phalanges etpar sries, autrement peut-tre que le supposait Fourier. Il est donc vrai dedire avec lui que les attractions sont proportionnelles aux destines, mais ilavait tort de ne pas distinguer entre les attractions fatales et les attractionsfactices. Il croyait aussi que les mchants sont les incompris de la socit,

    tandis que ce sont eux au contraire qui ne comprennent pas la socit et qui neveulent pas la comprendre. Qu'eut-il fait dans son phalanstre de gens dontl'attraction, proportionnelle suivant lui leur destine, et t de troubler

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    10/110

    et de dmolir le phalanstre ?Dans notre livre intitul La Science des Esprits, nous avons donn laclassification des bons et des mauvais esprits suivant les traditionskabbalistiques. Quelques lecteurs superficiels auront dit peut-tre : Pourquoices noms plutt que d'autres ? Quel esprit descendu du ciel, ou quelle meremonte de l'abme a pu rvler ainsi les secrets hirarchiques de l'autre

    monde ? Tout ceci n'est que de la haute fantaisie et en disant cela, ceslecteurs se seront tromps. Cette classification n'est pas arbitraire, et sinous supposons l'existence de tels ou tels esprits dans l'autre monde, c'estqu'ils existent trs certainement dans celui-ci. L'anarchie, le prjug,l'obscurantisme, le dol, l'iniquit, la haine, sont opposs la sagesse, l'autorit, l'intelligence, l'honneur, la bont et la justice. Les nomshbreux de Kether, Chocmah, Binah ; ceux de Thamiel, de Sathaniel, etc.,opposs ceux d'Hajoth, d'Haccadosch, d'Aralim et d'Ophanim ne signifient pasautre chose.Il en est ainsi de tous les grands mots et de tous les termes obscurs des dogmes

    anciens et modernes ; en dernire analyse, on y retrouve toujours les principesde l'ternelle et incorruptible raison. Il est vident, il est certain que lesmultitudes ne sont pas encore mres pour le rgne de la raison et que les lusfous ou les plus fourbes les garent tour tour par des croyances aveugles. Etfolie pour folie, je trouve plus de vritable socialisme dans celle de Loyolaque dans celle de Proud'hon.Proudhon affirme que l'athisme est une croyance, la plus mauvaise de toutes, ilest vrai, et c'est pour cela qu'il en fait la sienne. Il affirme que Dieu c'estle mal, que l'ordre social, c'est l'anarchie, que la proprit c'est le vol !Quelle socit est possible avec de tels principes ? La socit de Jsus esttablie sur les principes contraires, ou sur les erreurs contraires peut-tre,et depuis plusieurs sicles, elle subsiste et elle est assez forte encore pour

    faire tte longtemps aux partisans de lanarchie.Elle n'est pas quilibrante, il est vrai, mais elle sait encore jeter dans labalance des poids plus lourds que ceux de notre ami Proudhon.Les hommes sont plus solidaires dans le mal qu'ils ne le supposent. Ce sont lesProud'bon qui font les Veuillot. Les allumeurs des bchers de Constance ont drpondre devant Dieu des massacres de Jean Zisca. Les protestants sontresponsables des massacres de la SaintBarthlemy, puisqu'ils avaient gorg descatholiques. C'est peut-tre en ralit Marat qui a tu Robespierre, comme c'estCharlotte Corday qui a fait excuter ses amis les Girondins. Madame Dubarry,trane la boucherie nationale comme une tte de btail beuglante et rtive,ne s'imaginait sans doute pas qu'elle avait expier le supplice de Louis XVI.Car souvent nos plus grands crimes sont ceux que nous ne comprenons pas. LorsqueMarat disait que c'est un devoir dhumanit de verser un peu de sang pourempcher une effusion de sang plus grande, il empruntait cette maxime, devinez qui ? Au doux et pieux Fnelon.Dernirement, on a publi des lettres indites de Madame Elisabeth, et, dansune de ces lettres, l'anglique princesse dclare que tout est perdu si le roin'a pas le courage de faire tomber trois ttes. Lesquelles ? Elle ne le dit pas,peut-tre celles de Philippe d'Orlans, de Lafayette et de Mirabeau ! Un princede sa famille, un honnte homme et un grand homme. Peu importe qui d'ailleurs,

    la douce princesse voulait trois ttes. Plus tard, Marat en demandait trois centmille ; entre l'ange et le dmon, il n'y avait qu'une diffrence de quelqueszros.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    11/110

    -- CHAPITRE IV --LA DOUBLE CHANE

    Le mouvement de serpents autour du caduce indique la formation d'une chane.Cette chane existe sous deux formes : la forme droite et la forme circulaire.Partant dun mme centre, elle coupe d'innombrables circonfrences pard'innombrables rayons. La chane droite, c'est la chane de transmission. Lachane circulaire, c'est la chane de participation, de diffusion, de communion,de religion. Ainsi se forme cette roue compose de plusieurs roues tournant lesunes dans, les autres, que nous voyons flamboyer dans la vision d'Ezchiel. Lachane de transmission tablit la solidarit entre les gnrations successives.Le point central est blanc d'un ct et noir de l'autre.

    Au ct noir se rattache le serpent noir ; au ct blanc se rattache le serpentblanc. Le point central reprsente le libre arbitre primitif, et son ct noircommence le pch originel.Au ct noir commence le courant fatal, au ct blanc se rattache le mouvementlibre. Le point central peut tre reprsent allgoriquement par la lune et lesdeux forces par deux femmes, l'une blanche et l'autre noire.La femme noire c'est Eve dchue, c'est la forme passive, c'est l'infernaleHcate qui porte le croissant et la lune sur le front.La femme blanche, c'est Maa ou Maria qui tient la fois sous son pied lecroissant de la lune et la tte du serpent noir.

    Nous ne pouvons nous expliquer plus clairement, car nous touchons au berceau detous les dogmes. Ils redeviennent enfants nos yeux, et nous craignons de lesblesser.Le dogme du pch originel, de quelque faon qu'on l'interprte, suppose laprexistence de nos mes, sinon dans leur vie spciale, du moins dans la vieuniverselle.Or, si lon peut pcher son insu dans la vie universelle, on doit tre sauvde la mme manire ; mais ceci est un grand arcane.La chane droite, le rayon de la roue, la chane de transmission rend lesgnrations solidaires les unes des autres et fait que les pres sont punis dansles enfants, afin que par les souffrances des enfants, les pres puissent tresauvs.Cest pour cela que, suivant la lgende dogmatique, le Christ est descendu auxenfers do, ayant arrach les leviers de fer et les portes d'airain, il estremont vers le ciel entranant aprs lui la captivit captive.Et la vie universelle criait : Hosannah ! Car il avait bris l'aiguillon de lamort !Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Osera-t-on lexpliquer ? Pourra-t-on le

    deviner ou le comprendre ?Les anciens hirophantes grecs reprsentaient aussi les deux forces figures

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    12/110

    par les deux serpents sous la forme de deux enfants qui luttaient l'un contrel'autre en prenant un globe de leurs pieds et de leurs genoux.Ces deux enfants taient Eros et Anteros, Cupidon et Herms, le fol amour etl'amour sage. Et leur lutte ternelle faisait l'quilibre du monde.Si l'on n'admet pas que nous ayons exist personnellement avant notre naissance

    sur la terre, il faut entendre par le pch originel une dpravation volontairedu magntisme humain chez nos premiers parents, qui aurait rompu l'quilibre dela chane, en donnant une funeste prdominance au serpent noir, c'est--dire aucourant astral de la vie morte et nous en souffrons les consquences comme lesenfants qui naissent rachitiques cause des vices de leurs pres, portent lapeine des fautes qu'ils n'ont pas personnellement commises.Les souffrances extrmes de Jsus et des martyrs, les pnitences excessives dessaints auraient eu pour but de faire contrepoids ce manque d'quilibre, assezirrparable d'ailleurs pour devoir entraner finalement la conflagration dumonde. La grce serait le serpent blanc sous les formes de la colombe et de

    l'agneau, le courant astral de la vie charg des mrites du rdempteur ou dessaints.Le diable ou tentateur serait le courant astral de la mort, le serpent noirtach de tous les crimes des hommes, caill de leurs mauvaises penses,venimeux de tous leurs mauvais dsirs, en un mot le magntisme du mal.Or, entre le bien et le mal, le conflit est ternel. Ils sont jamaisinconciliables. Le mal est donc jamais rprouv, il est jamais condamn auxtourments qui accompagnent le dsordre, et cependant ds notre enfance il necesse de nous solliciter et de nous attirer lui. Tout ce que la posiedogmatique affirme du roi Satan s'explique parfaitement par cet effrayantmagntisme d'autant plus terrible qu'il est plus fatal, mais d'autant moins

    craindre pour la vertu qu'il ne saurait l'atteindre, et qu'avec le secours de lagrce elle est sre de lui rsister.

    -- CHAPITRE V --LES TNBRES EXTRIEURES

    Nous avons dit que le phnomne de la lumire physique s'opre et s'accomplituniquement dans les yeux qui la voient. C'est--dire que la visibilitn'existerait pas pour nous, sans la facult de vision.Il en est de mme de la lumire intellectuelle, elle n'existe que pour lesintelligences qui sont capables de la voir. C'est la lumire intrieure endehors de laquelle il n'existe rien que les tnbres extrieures o, suivant laparole du Christ, il y a et il y aura toujours des pleurs et des grincements dedents.Les ennemis du vrai ressemblent des enfants mutins qui renverseraient etteindraient tous les flambeaux pour mieux crier et pleurer dans les tnbres.

    Le vrai est tellement insparable du bien que toute mauvaise action librementconsentie et accomplie sans que la conscience proteste, teint la lumire denotre me et nous jette dans les tnbres extrieures.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    13/110

    C'est l ce qui constitue l'essence du pch mortel. Le pcheur est figur dansla fable antique par dipe qui, avant tu son pre et outrag sa mre, finit parse crever les yeux.Le pre de lintelligence humaine, c'est le savoir et sa mre, c'est lacroyance.

    Il y avait deux arbres dans l'Eden, l'arbre de science et l'arbre de vie.C'est le savoir qui doit et qui peut fconder la foi ; sans lui, elle s'puiseen avortements monstrueux et ne produit que des fantmes.C'est la foi qui doit tre la rcompense du savoir et le but de tous ses efforts; sans elle, il finit par douter de lui-mme et tombe dans un dcouragementprofond, qui tourne bientt au dsespoir.Ainsi d'une part, les croyants qui mprisent la science et qui mconnaissent lanature, et de l'autre, les savants qui outragent, repoussent et veulent anantir

    la foi, sont galement les ennemis de la lumire et se prcipitent l'envi,les uns les autres, dans les tnbres extrieures o Proud'hon et Veuillot fontentendre tour tour leur voix plus triste que des pleurs, et passent engrinant des dents.La vraie foi ne saurait tre en contradiction avec la vraie science. Aussi,toute explication du dogme dont la science dmontrerait la fausset doit-elletre rprouve par la foi.Nous ne sommes plus au temps o l'on disait : je crois parce que c'est absurde.Nous devons dire maintenant : je crois parce qu'il serait absurde de ne pascroire ; Credo quia absurdum non credere.

    La science et la foi ne sont plus deux machines de guerre prtes s'entrechoquer, ce sont les deux colonnes destines soutenir le fronton dutemple de la paix. Il faut nettoyer lor du sanctuaire si souvent terni par lacrasse sacerdotale.Le Christ l'a dit : Les paroles du dogme sont esprit et vie et la matire n'yest pour rien. Il a dit aussi : Ne jugez point si vous craignez dtre jugs,car le jugement que vous aurez arrt vous sera applicable et vous serez mesursavec la mesure que vous aurez dtermine. Quel splendide loge de la sagesse dudoute ! Et quelle proclamation de la libert de conscience ! En effet, une choseest vidente pour quiconque aime couter le bon sens, cest que, sil existaitune loi rigoureuse, applicable tous et sans lobservation de laquelle il ftimpossible dtre sauv, il faudrait que cette loi ft promulgue de manire ce que personne ne pt douter de sa promulgation. En pareille matire, un doutepossible cest une ngation formelle, et si un seul homme peut ignorerlexistence dune loi, cest que cette loi nest point divine.

    Il ny a point deux manires dtre honnte homme. La religion serait-ellemoins importante que la probit ? Non sans doute, et cest pour cela quil ny ajamais eu quune religion dans le monde. Les dissidences ne sont quapparentes.Mais ce quil y a toujours eu dirrligieux et dhorrible, cest le fanatismedes ignorants, qui se damnent les uns les autres.

    La religion vritable, cest la religion universelle, et cest pour celaque celle qui sappelle catholique porte seule le nom qui indique la vrit.

    Cette religion, dailleurs, possde et conserve lorthodoxie du dogme, lahirarchie des pouvoirs, lefficacit du culte et la magie vritable descrmonies. Cest donc la religion typique et normale, la religion mre qui

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    14/110

    appartiennent de droit les traditions de Mose et les antiques oracles dHerms.En soutenant cela malgr le pape sil le faut, nous serons au besoin pluscatholique que le pape et plus protestant que Luther.

    La vraie religion, cest surtout la lumire intrieure, et les formesreligieuses se multiplient souvent et sclairent du phosphore spectral dans lestnbres extrieures ; mais il faut respecter la forme mme chez les mes qui ne

    comprennent pas lesprit. La science ne peut pas et ne doit pas user dereprsailles envers lignorance.Le fanatisme ne sait pas pourquoi la foi a raison, et la raison, tout enreconnaissant que la religion est ncessaire, sait parfaitement en quoi etpourquoi la superstition a tort.Toute la religion chrtienne et catholique est base sur le dogme de la grce,c'est--dire de la gratuit. Vous avez reu gratuitement, donnez gratuitement,dit saint Paul. La religion est essentiellement une institution debienfaisance. L'Eglise est une maison de secours pour les dshrits de laphilosophie. On peut se passer d'elle, mais il ne faut pas l'attaquer. Les

    pauvres qui se dispensent de recourir l'assistance publique n'ont pas pourcela le droit de la dcrier. Lhomme qui vit honntement sans religion se privelui-mme d'un grand secours, mais il ne fait point de tort Dieu. Les donsgratuits ne se remplacent point par des chtiments lorsqu'on les refuse, et Dieun'est point un usurier qui fasse payer aux hommes les intrts de ce qu'ilsn'ont pas emprunt. Les hommes ont besoin de la religion, mais la religion n'apas besoin des hommes. Ceux qui ne reconnaissent pas la loi, dit saint Paul,seront jugs en dehors de la loi. Or, il ne parle pas ici de la loi naturelle,mais bien de la loi religieuse, ou, pour parler plus exactement, desprescriptions sacerdotales.En dehors de ces vrits si douces et si pures, il n'y a que les tnbresextrieures o pleurent ceux que la religion mal comprise ne saurait consoler,

    et o les sectaires qui prennent la haine pour l'amour grincent des dents lesuns contre les autres.Sainte Thrse eut un jour une vision formidable. Il lui semblait qu'elle taiten enfer et qu'elle tait mure entre des murailles vivantes qui se resserraienttoujours sans pouvoir jamais l'touffer. Ces murailles taient faites avec desmurailles palpables et nous ont fait songer cette parole menaante du Christ : Les tnbres extrieures. Reprsentons-nous une me qui, par haine de lalumire, sest rendue aveugle comme dipe ; elle a rsist tous les attraitsde la vie et partout la vie la repousse ainsi que la lumire. La voil lancehors de l'attraction des mondes et de la clart des soleils. Elle est seule dansl'immensit noire jamais relle pour elle seule et pour les aveuglesvolontaires qui lui ressemblent. Elle est immobile dans l'ombre et souffre untouffement ternel dans la nuit. Il lui semble que tout est ananti except sasouffrance capable de remplir l'infini. douleur ! Avoir pu comprendre ets'tre obstin dans l'idiotisme d'une foi insense ! Avoir pu aimer et avoiratrophi son cur ! Oh ! Une heure seulement ou du moins une minute, rien qu'uneminute des joies les plus imparfaites et des plus fugitives amours ! Un peud'air ! Un peu de soleil ! Ou rien qu'un clair de lune et une pelouse pourdanser ! Une goutte de vie ou moins qu'une goutte, une larme ! Et lternitimplacable lui rpond : Que parles-tu de larmes, tu ne peux mme plus pleurer !Les pleurs sont la rose de la vie et le suintement de la sve d'amour ; tu t'esexile dans l'gosme et tu t'es mure dans la mort !Ah ! Vous avez voulu tre plus saints que Dieu ! Ah ! Vous avez crach au nez de

    Madame votre mre, la chaste et divine nature ! Ah ! Vous avez maudit lascience, l'intelligence et le progrs ! Ah ! Vous avez cru que pour vivreternellement, il faut ressembler un cadavre et se desscher comme une momie !

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    15/110

    Vous voil tels que vous vous tes faits, jouissez en paix de l'ternit quevous avez choisie ! Mais non, pauvres gens, ceux que vous appeliez pcheurs etmaudits iront vous sauver. Nous agrandirons la lumire, nous irons percer votremur, nous vous arracherons votre inertie. Un essaim d'amours ou, si vousvoulez, une lgion d'anges (ils sont faits de la mme manire) vous entortilleraet vous entranera avec des guirlandes de fleurs, et vous vous dbattrez envain comme le Mphistophls du beau drame philosophique de Gthe. Malgr vous,

    vos disciplines et vos visages ples, vous revivrez, vous aimerez, vous saurez,vous verrez et, sur les dbris du dernier clotre, vous viendrez danser avecnous la ronde infernale de Faust !Heureux, du temps de Jsus, ceux qui pleuraient ! Heureux, maintenant, ceux quisavent rire, pour ce que rire est le propre de lhomme, comme l'a dit le grandprophte Rabelais, le Messie de la Renaissance. Le rire c'est l'indulgence, lerire c'est la philosophie. Le ciel s'apaise quand il rit, et le grand Arcane dela toute puissance divine n'est rien qu'un sourire ternel !

    -- CHAPITRE VI --LE GRAND SECRET

    Sagesse, moralit, vertus : mots respectables, mais vagues sur lesquels ondispute depuis des sicles sans tre parvenu s'entendre !Je veux tre sage, mais serai-je bien sr de ma sagesse tant que je pourraicroire que les fous sont plus heureux ou mme plus joyeux que moi ?Il faut avoir des murs, mais nous sommes tous un peu comme les enfants ; lesmoralits nous endorment. C'est qu'on nous fait de sottes moralits qui ne

    conviennent pas notre nature. On nous parle de ce qui ne nous regarde pas etnous pensons autre chose.La vertu est une grande chose : son nom veut dire force, puissance. Le mondesubsiste par la vertu de Dieu. Mais en quoi consiste pour nous la vertu ? Est-ceune vertu de jener pour s'affaiblir la tte et s'macier le visage ?Appellerons-nous vertu la simplicit de l'honnte homme qui se laisse dpouillerpar des fripons ? Est-ce une vertu de s'abstenir dans la crainte d'abuser ? Quepenserions-nous d'un homme qui ne marcherait pas de peur de se casser la jambe ?La vertu en toutes choses est l'oppos de la nullit, de la torpeur et del'impuissance.La vertu suppose l'action ; car si l'on oppose ordinairement la vertu auxpassions, c'est pour faire entendre qu'elle seule n'est jamais passive.La vertu n'est pas seulement la force, mais la raison directrice de la force.C'est le pouvoir quilibrant de la vie.Le grand secret de la vertu, de la virtualit et de la vie, soit temporelle,soit ternelle, peut se formuler :Lart de balancer les forces pour quilibrer le mouvement.

    L'quilibre qu'il faut chercher n'est pas celui qui produit l'immobilit, maiscelui qui rgularise le mouvement. Car l'immobilit c'est la mort, et lemouvement c'est la vie.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    16/110

    Cet quilibre moteur, c'est celui de la nature elle-mme. La nature enquilibrant les forces fatales produit le mal physique ou mme la destructionapparente pour l'homme mal quilibr. L'homme s'affranchit des maux de la natureen sachant se soustraire par un usage intelligent de sa libert la fatalitdes forces. Nous employons ici le mot fatalit parce que les forces imprvues etincomprises par l'homme mal quilibr lui semblent ncessairement fatales.

    La nature a pourvu la conservation des animaux dous d'instinct, mais elle atout dispos pour que l'homme imprvoyant prisse.Les animaux vivent pour ainsi dire d'eux-mmes et sans efforts. L'homme seuldoit apprendre vivre. Or, la science de la vie, cest la science del'quilibre moral.Concilier le savoir et la religion, la raison et le sentiment, l'nergie et ladouceur, voil le fond de cet quilibre.La vraie force invincible, c'est la force sans violence. Les hommes violents

    sont des hommes faibles et imprvoyants dont les efforts se retournent toujourscontre eux-mmes.L'affection violente ressemble la haine et presque l'aversion.La colre violente fait qu'on se livre ses ennemis aveuglment. Les hrosd'Homre, lorsqu'ils s'attaquent, ont soin de sinsulter pour tcher de semettre rciproquement en fureur, sachant bien que, suivant toutes probabilits,le plus furieux des deux sera vaincu.Le bouillant Achille tait prdestin prir malheureusement. Il est le plusfier et le plus vaillant des Grecs et ne cause ses concitoyens que desdsastres.

    Celui qui fait prendre Troie, c'est le prudent et patient Ulysse, qui se mnagetoujours et ne frappe jamais qu' coup sr. Achille c'est la passion et Ulyssec'est la vertu ; et c'est suivant cette donne quil faut comprendre la hauteporte philosophique et morale des pomes d'Homre.L'auteur de ces pomes tait sans doute un initi de premier ordre, et le grandarcane de la Haute Magie pratique est tout entier dans l'Odysse.Le grand arcane de la magie, l'arcane unique et incommunicable, a pour objet demettre en quelque sorte la puissance divine au service de la volont del'homme.Pour arriver la ralisation de cet arcane, il faut SAVOIR ce qu'on doit faire,VOULOIR ce qu'il faut, OSER ce qu'on doit et SE TAIRE avec discernement.L'Ulysse d'Homre a contre lui les dieux, les lments, les cyclopes, lessirnes, Circ, etc. C'est--dire toutes les difficults et tous les dangers dela vie.Son palais est envahi, sa femme est obsde, ses biens sont au pillage, sa mortest rsolue, ses compagnons il les perd, ses vaisseaux sont submergs ; ilreste enfin seul et en lutte contre la nuit et contre la mer. Et seul, ilflchit les dieux, il chappe la mer, il aveugle le cyclope, il trompe lessirnes, il dompte Circ, il reprend son palais, il dlivre sa femme, il tueceux qui voulaient sa mort parce qu'il voulait revoir Ithaque et Pnlope, parce

    quil savait toujours se tirer du danger, parce qu'il osait propos et parcequ'il se taisait toujours lorsqu'il n'tait pas expdient de parler.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    17/110

    Mais, diraient avec dsappointement les amateurs de contes bleus, ceci n'estpoint de la magie. N'existe-t-il pas des talismans, des herbes, des racines quifont oprer des prodiges ? N'est-il pas des formules mystrieuses qui ouvrentles portes fermes et font apparatre les esprits ? Parlez-nous de cela etremettons une autre fois vos commentaires sur l'Odysse.Vous savez, enfants, car c'est des enfants sans doute que j'ai rpondre,

    vous savez, si vous avez lu mes prcdents ouvrages, que je reconnaislefficacit relative des formules, des herbes et des talismans. Mais ce sont ldes petits moyens qui se rattachent aux petits mystres. Je vous parlemaintenant des grandes forces morales et non des instruments matriels. Lesformules appartiennent aux rites de l'initiation, les talismans sont desauxiliaires magntiques, les racines et les herbes sont du ressort de lamdecine occulte et Homre lui-mme ne les ddaigne pas. Le Moly, le Lothos etle Npenths tiennent leur place dans ces pomes, mais ce sont l des ornementstrs accessoires. La coupe de Circ ne peut rien sur Ulysse qui en connat leseffets funestes et qui sait se dispenser d'y boire. Liniti la haute sciencedes mages n'a rien craindre des sorciers.

    Les personnes qui ont recours la magie crmonielle et qui viennent consulterles devins ressemblent celles qui, en multipliant lu pratiques de dvotion,veulent ou esprent suppler la religion vritable. Jamais vous ne lesrenverrez contentes en leur donnant de sages conseils.Toutes vous cachent un secret qui est bien facile deviner et qui est celui-ci: j'ai une passion que la raison condamne et que je prfre la raison ; c'estpourquoi je viens consulter l'oracle de la draison, afin qu'elle me dised'esprer, qu'elle m'aide tromper ma conscience, et qu'elle rende la paix mon cur. Elles viennent ainsi boire une source trompeuse qui, loin d'apaiserleur soif, les altre toujours davantage. Le charlatan dbite des oraclesobscurs, on y trouve ce qu'on veut y trouver et l'on revient chercher desclaircissements. On revient le lendemain, le surlendemain, on revient

    toujours et c'est ainsi que les tireuses de cartes font fortune.Les gnostiques basilidiens disaient que Sophie, la sagesse naturelle del'homme, devenue amoureuse d'elle-mme, comme le Narcisse de la fable, dtournases regards de son principe et s'lana hors de ce cercle trac par la lumiredivine qu'ils appelaient le plrme. Seule alors dans les tnbres, elle fit dessacrilges pour enfanter la lumire. Et comme l'hmorosse de l'vangile, elleperdait son sang qui se transformait en monstres horribles. La plus dangereusede toutes les folies, c'est la sagesse corrompue.Les curs corrompus empoisonnent toute la nature. Pour eux, la splendeur desbeaux jours n'est qu'un blouissant ennui et toutes les joies de la vie, mortespour ces mes mortes, se dressent devant eux pour les maudire, en leur disantcomme les spectres de Richard III : Dsespre et meure. Les beauxenthousiasmes les font sourire et ils jettent l'amour et la beaut, commepour se venger, les ddains insolents de Stnio et de Rollon. Il ne faut paslaisser tomber ses bras en accusant la fatalit, il faut lutter contre elle etla vaincre. Ceux qui succombent dans ce combat sont ceux qui n'ont pas su ou quinont pas voulu triompher. Ne pas savoir, c'est une excuse, mais ce n'est pasune justification, puisqu'on peut apprendre. Pre, pardonnez-leur, car ilsne savent ce qu'ils font, disait le Christ expirant. S'il tait permis de nepas savoir, la prire du Sauveur et manqu de justesse et le pre n'aurait eurien pardonner.

    Lorsqu'on ne sait pas, il faut vouloir apprendre. Tant qu'on ne sait pas, ilest tmraire d'oser, mais il est toujours bon de se taire.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    18/110

    -- CHAPITRE VII --LE POUVOIR QUI CRE ET QUI TRANSFORME

    La volont est essentiellement ralisatrice, nous pouvons tout ce que nouscroyons raisonnablement pouvoir.Dans sa sphre d'action, l'homme dispose de la toute puissance de Dieu ; il peutcrer et transformer.Cette puissance, il doit d'abord l'exercer sur lui-mme. Lorsqu'il vient aumonde, ses facults sont un chaos, les tnbres de l'intelligence couvrentl'abme de son cur, et son esprit est balanc sur lincertitude comme s'iltait port sur les ondes.La raison alors lui est donne, mais cette raison est passive encore, c'est

    lui de la rendre active ; c'est lui de faire rayonner son front au milieu desondes et de crier : Que la lumire soit !Il se fait une raison, il se fait une conscience ; il se fait un cur. La loidivine sera pour lui telle qu'il l'aura faite, et la nature entire deviendrapour lui ce qu'il voudra.L'ternit entrera et tiendra dans son souvenir. Il dira l'esprit : soismatire, et la matire : sois esprit, et l'esprit et la matire lui obiront!Toute substance se modifie par l'action, toute action est dirige par l'esprit,tout esprit se dirige suivant une volont et toute volont est dtermine par

    une raison.La ralit des choses est dans leur raison d'tre. Cette raison des choses estle principe de ce qui est.Tout n'est que force et matire, disent les athes.C'est comme si l'on affirmait que les livres ne sont que du papier et del'encre.La madre est l'auxiliaire de l'esprit, sans l'esprit elle n'aurait pas deraison dtre et elle ne serait pas.La matire se transforme en esprit par lintermdiaire de nos sens, et cettetransformation sensible, seulement pour nos mes, est ce qu'on nomme leplaisir.Le plaisir est le sentiment d'une action divine. Se nourrir, c'est crer la vieet transformer, de la manire la plus merveilleuse, les substances mortes ensubstances vivantes.Pourquoi la nature entrane-t-elle les sexes lun vers lautre avec tant deravissement et tant d'ivresse ? C'est qu'elle les convie au grand oeuvre parexcellence, l'uvre de l'ternelle fcondit.

    Que parle-t-on des joies de la chair ? La chair n'a ni tristesses ni joies :elle est un instrument passif. Nos nerfs sont les cordes du violon avec lequella nature nous fait entendre et sentir la musique de la volupt, et toutes les

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    19/110

    joies de la vie, mme les plus troubles, sont le partage exclusif de l'me.Qu'est-ce que la beaut, sinon lempreinte de 1esprit sur la matire ? Le corpsde la Vnus de Milo a-t-il besoin d'tre de chair pour enchanter nos yeux etexalter notre pense ? La beaut de la femme, cest l'hymne de la maternit ;la forme douce et dlicate de son sein nous rappelle sans cesse la premire soifde nos lvres ; nous voudrions pouvoir lui rendre en ternels baisers, ce qu'il

    nous a donn en suaves effusions. Est-ce alors de la chair que nous sommesamoureux ? Dpouills de leur adorable posie, que nous inspireraient cestampons lastiques et glanduleux recouverts d'une peau tantt brune, tanttblanche et rose ? Et que deviendraient nos plus charmantes motions si la mainde lamant, cessant de trembler, devait s'armer de la loupe du physicien ou duscalpel de lanatomiste ?Dans une fable ingnieuse, Apule raconte qu'un exprimentateur maladroit ayantsduit la servante d'une magicienne, qui lui procure une pommade prpare par samatresse, essaie de se changer en oiseau et n'arrive qu' se mtamorphoser enne. On lui dit que pour reprendre sa premire forme, il lui suffira de mangerdes roses, et il croit d'abord la chose bien facile. Mais il s'aperoit bientt

    que les roses ne sont pas faites pour les nes. Ds quil veut s'approcher d'unrosier, on le repousse coups de bton, il souffre mille maux et ne peut tre

    enfin dlivr que par lintervention directe de la divinit.On a souponn Apule d'avoir t chrtien, et on a cru voir, dans cette lgendede lne, une critique voile des mystres du Christianisme. Jaloux de s'envolerau ciel, les chrtiens auraient mconnu la science et seraient tombs sous lejoug de cette foi aveugle qui les faisait accuser, pendant les premiers sicles,d'adorer la tte d'un ne.Esclaves d'une austrit fatale, ils ne pouvaient plus s'approcher de cesbeauts naturelles qui sont figures par les roses. Le plaisir, la beaut, lanature mme et la vie taient vous l'anathme par ces rudes et ignorants

    conducteurs qui chassaient devant le pauvre ne de Bethlem. C'est alors que lemoyen ge rva le roman de la rose. Cest alors que les initis aux sciences del'antiquit, jaloux de reconqurir la rose sans abjurer la croix, en runirentles images et prirent le nom de Rose-Croix, afin que la rose ft encore la croixet que la croix son tour pt immortaliser la rose.Il n'existe de vrai plaisir, de vraie beaut, de vritable amour que pour lessages qui sont vraiment les crateurs de leur propre flicit. Ils s'abstiennentpour apprendre bien oser, et s'ils se privent, c'est pour acheter un bonheur.Quelle misre est plus dplorable que celle de l'me et combien sont plaindreceux qui ont appauvri leur cur ! Comparez la pauvret d'Homre la richesse deTrimalcyon, et dites-nous lequel des deux est le misrable ? Qu'est-ce que desbiens qui nous pervertissent et que nous ne possdons jamais puisqu'il fauttoujours les perdre ou les laisser d'autres ? A quoi servent-ils s'ils ne sontpas entre nos mains les instruments de la sagesse ? A augmenter les besoins dela vie animale, nous abrutir dans la satit et le dgot. Est-ce l le butde l'existence ? Est-ce le positif de la vie ? N'en est-ce pas au contrairel'idal le plus faux et le plus dprav ? User son me pour engraisser soncorps, ce serait dj une bien grande folie ; mais tuer la fois son me et soncorps pour laisser un jour une grande fortune un jeune idiot qui la jettera pleines mains dans le giron banal de la premire courtisane venue, n'est-ce pasle comble de la dmence ? Et voil pourtant ce que font des hommes srieux quitraitent les philosophes et les potes de rveurs.

    Ce que je trouve dsirable, disait Curius, ce nest point d'avoir des richesses,c'est de commander ceux qui en ont, et saint Vincent de Paul, sans songerpeut-tre la maxime de Curius, en a rvl toute la grandeur au profit de la

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    20/110

    bienfaisance. Quel souverain et jamais pu fonder tant d'hospices, doter tantd'asiles ? Quel Rotschild et trouv assez de millions pour cela ? Le pauvreprtre Vincent de Paul a vou1u, il a parl et les richesses ont obi.

    Cest qu'il possdait la puissance qui cre et qui transforme, une volontpersvrante et sage appuye sur les lois les plus sacres de la nature.Apprenez vouloir ce que Dieu veut et tout ce que vous voudrez, certainement

    s'accomplira.Sachez aussi que les contraires se ralisent par les contraires : la cupiditest toujours pauvre, le dsintressement est toujours riche.Lorgueil provoque le mpris, la modestie attire la louange, le libertinage tuele plaisir, la temprance pure et renouvelle les jouissances. Vous obtiendreztoujours, et coup sr, le contraire de ce que vous voulez injustement, etvous retrouverez toujours le centuple de ce que vous sacrifierez pour lajustice.Si donc vous voulez rcolter gauche, semez droite ; et mditez sur ceconseil qui a l'apparence d'un paradoxe et qui vous fait entrevoir un des plus

    grands secrets de la philosophie occulte.Voulez-vous attirer, faites le vide. Ceci s'accomplit en vertu d'une loiphysique analogue une loi morale. Les courants imptueux cherchent lesprofondeurs immenses. Les eaux sont filles des nuages et des montagnes etcherchent toujours les valles. Les vraies jouissances viennent d'en haut, nousl'avons dj dit : c'est le dsir qui les attire, et le dsir est un abme.Le rien attire le tout et c'est pour cela que les tres les plus indignesd'amour sont quelquefois les plus aims. La plnitude cherche le vide et levide suce la plnitude. Les animaux et les nourrices le savent bien.Pindare n'eut jamais aim Sapho, et Sapho devait se rsigner tous les ddains

    de Phaon. Un homme et une femme de gnie sont frre et sur ; leur accouplementserait un inceste et l'homme qui est seulement un homme n'aimera jamais unefemme barbe.Rousseau semblait avoir pressenti cela lorsqu'il pousait une servante, unevirago stupide et cupide. Mais il ne put jamais faire comprendre Thrse sasupriorit intellectuelle, et il lui tait videmment infrieur dans lesgrossirets de l'existence. Dans le mnage, Thrse tait l'homme et Rousseaula femme. Rousseau tait trop fier pour accepter une semblable position. Ilprotesta contre le mnage en mettant aux enfants trouvs les enfants deThrse. Il mit ainsi la nature entre elle et lui, et s'exposa toutes lesvengeances de la mre.Hommes de gnie ne faites point d'enfants ; vos seuls enfants lgitimes sont voslivres et ne vous mariez jamais ; votre pouse vous, c'est la gloire ! Gardezvotre virilit pour elle ; et quand mme vous trouveriez une Hlose, ne vousexposez pas pour une femme la destine d'Abailard !

    -- CHAPITRE VIII --LES MANATIONS ASTRALES ET LES PROJECTIONS MAGNTIQUES

    Un Univers, c'est un groupe de globes aimants qui s'attirent et se repoussent

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    21/110

    les uns les autres. Les tres produits par les diffrents globes participent leur aimantation spciale balance par l'aimantation universelle.Les hommes mal quilibrs sont des aimants drgls ou excessifs, que la naturebalance les uns par les autres jusqu' ce que le dfaut partiel d'quilibre aitproduit la destruction.

    Lanalyse spectrale de Bumsen conduira la science distinguer la spcialit desaimants et donner ainsi une raison scientifique des intuitions anciennes del'astrologie judiciaire. Les diverses plantes du systme exercent certainementune action magntique sur notre globe et sur les diverses organisations destres vivants qui l'habitent.Nous buvons tous les armes du ciel mls l'esprit de la terre et lis sousl'influence de diverses toiles, nous avons tous une prfrence pour une forcecaractrise par une forme, pour un gnie et pour une couleur.La Pythonisse de Delphes, assise sur un trpied au-dessus d'une crevasse de laterre aspirait le fluide astral par les parties sexuelles, tombait en dmence ou

    en somnambulisme et profrait des paroles incohrentes qui taient parfois desoracles. Toutes les natures nerveuses livres aux dsordres des passionsressemblent la Pythonisse et aspirent le Python, c'est--dire l'esprit mauvaiset fatal de la terre, puis elles projettent avec force le fluide qui les apntres, aspirent ensuite avec une force gale le fluide vital des autrestres pour l'absorber, exerant ainsi tour tour, la puissance mauvaise duJettatore et du vampire.Si les malades atteints de cet aspir et de ce respir dltres les prennent pourune puissance et veulent en augmenter l'ascension et la projection, ilsmanifestent leurs dsirs par des crmonies qui s'appellent vocations,envotement, et deviennent ce qu'on appelait autrefois des ncromants et dessorciers.

    Tout appel une intelligence inconnue et trangre, dont l'existence ne nousest pas dmontre et qui a pour but de substituer sa direction celle de notreraison et de notre libre arbitre, peut tre considr comme un suicideintellectuel, car c'est un appel la folie.Tout ce qui abandonne une volont des forces mystrieuses, tout ce qui faitparler en nous d'autres voix que celles de la conscience et de la raison,appartient l'alination mentale.Les fous sont des visionnaires statiques. Une vision lorsqu'on est veill estun accs de folie. L'art des vocations, c'est l'art de se procurer une foliefactice dont on provoque les accs.Toute vision est de la nature du rve. C'est une fiction de notre dmence. C'estun nuage de nos imaginations drgles projet dans la lumire astrale ; c'estnous-mmes qui nous apparaissons nous-mmes dguiss en fantmes, en cadavresou en dmons.Les fous, dans le cercle de leur attraction et de leur projection magntique,semblent faire extravaguer la nature : les meubles craquent et se dplacent, lescorps lgers sont attirs ou lancs distance. Les alinistes le savent bien,mais ils craignent d'en convenir, parce que la science officielle n'a pas encoreadmis que les tres humains soient des aimants et que ces aimants puissent tre

    drgls et fausss. L'abb Vianney, cur d'Ars, se croyait sans cesse turlupinpar le dmon ; et Berbiguier de TerreNeuveduThym se munissaitde longues

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    22/110

    pingles pour enfiler les farfadets.Or, le point d'appui existe dans la rsistance que leur oppose le progrsindisciplin. Dans la dmocratie, ce qui rend impossible l'organisation d'unearme, c'est que chaque soldat veut tre gnral. Il n'y a qu'un gnral chezles Jsuites.

    L'obissance est la gymnastique de la libert et pour arriver faire toujoursce qu'on veut, il faut apprendre faire souvent ce qu'on ne voudrait pas faire.Ce qui nous plat, c'est tre au service de la fantaisie, faire ce que nousdevons vouloir, c'est exercer et faire triompher la fois la raison et lavolont.Les contraires s'affirment et se confirment par les contraires. Regarder gauche lorsqu'on veut aller droite c'est de la dissimulation et de laprudence, mais jeter des poids dans le plateau de gauche d'une balancelorsquon veut faire monter le plateau de droite, cest connatre les lois dela dynamique et de lquilibre.

    En dynamique, c'est la rsistance qui dtermine la quantit de la force, mais iln'est point de rsistance qui ne soit vaincue par la persistance de l'effort etdu mouvement, c'est ainsi que la souris ronge le cble et que la goutte d'eauperce le rocher.L'effort renouvel tous les jours augmente et conserve la force, l'action enft-elle applique d'ailleurs une chose indiffrente en elle-mme ou biendraisonnable et ridicule. C'est une occupation peu srieuse en apparence quede rouler entre ses doigts les graines d'un rosaire en rptant deux ou troiscents fois : je vous salue Marie. Eh bien ! Qu'une religieuse se couche sansavoir dit son chapelet, elle se rveillera le lendemain dsespre, n'aura pasle courage de faire la prire du matin et sera distraite pendant loffice. Aussileurs directeurs leur rptent-ils sans cesse et avec raison de ne pas ngliger

    les petites choses.Les grimoires et les rituels magiques sont pleins de prescriptions minutieuseset en apparence ridicules :Manger pendant dix ou vingt jours des aliments sans sel, dormir appuy sur lecoude, sacrifier un coq noir minuit dans un carrefour au milieu d'une fort,aller dans un cimetire prendre une poigne de terre sur la fosse rcente d'unmort etc., etc., puis se couvrir de certains vtements bizarres et prononcer delongues et fastidieuses conjurations. Les auteurs de ces livres voulaient-ils semoquer de leurs lecteurs ? Leur rvlaient-ils des secrets vritables ? Non,ils ne se moquaient pas, et leurs enseignements taient srieux. Ils avaientpour but d'exalter limagination de leurs adeptes et de leur donner conscienced'une force supplmentaire qui existe ds qu'on y croit et qui s'augmentetoujours par la persvrance des efforts. Seulement, il peut arriver que par laloi de raction des contraires, on voque le diable en sobstinant prierDieu, et qu'aprs des conjurations sataniques, on entende pleurer les anges.Tout l'enfer dansait aux sonnettes, quand saint Antoine disait ses psaumes, etle paradis semblait renatre devant les enchantements du grand Albert ou deMerlin.C'est que les crmonies en elles-mmes sont peu de chose, et que tout dpend del'aspir et du respir. Les formules consacres par un long usage, nous mettenten communication avec les vivants et les morts, et notre volont qui entre ainsi

    dans les grands courants peut s'armer de toutes leurs effluves. Une servantequi pratique, peut, un moment donn, disposer de la toute puissance mmetemporelle de lEglise soutenue par les armes de la France, comme il a bien paru

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    23/110

    lors du baptme et de l'enlvement du juif Mortara. Toute la civilisation del'Europe, au XIXe sicle, a protest contre cet acte, et l'a subi parce qu'uneservante dvote l'avait voulu. Mais la terre envoyait pour auxiliaire cettefille les manations spectrales des sicles de saint Dominique et de Torquemada; saint Ghisleri priait pour elle. L'ombre du grand roi rvocateur de l'dit deNantes lui faisait un signe dapprobation, et le monde clrical tout entiertait prt la soutenir.

    Jeanne d'Arc, qui fut brle comme sorcire, avait, en effet, attir en elle,lesprit de la France hroque, et le rpandait d'une manire merveilleuse enlectrisant notre arme, et en faisant fuir les Anglais. Un pape l'arhabilite ; c'est trop peu, il fallait la canoniser. Si cette thaumaturgen'tait pas une sorcire, c'tait videmment une sainte. Qu'est-ce qu'un sorcieraprs tout ? C'est un thaumaturge que le pape n'approuve pas.Les miracles sont, si l'on veut me passer cette expression, les extravagances dela nature produites par l'exaltation de l'homme. Ils se produisent toujours envertu des mmes lois. Tout personnage d'une clbrit populaire ferait des

    miracles, en fait parfois sans le, vouloir. Du temps o la France adorait sesrois, les rois de France gurissaient les crouelles, et de nos jours la grandepopularit de ces soldats pittoresques et barbares quon nomme les zouaves advelopp chez un zouave nomm Jacob la facult de gurir par la voix et par leregard. On dit que ce zouave a quitt son corps pour passer aux grenadiers, etnous regardons comme certain que le grenadier Jacob n'aura plus la puissance quiappartenait exclusivement au zouave.Du temps des druides, il y avait dans les Gaules des femmes thaumaturges qu'onappelait les Elfes et les Fes. Pour les druides, c'taient des saintes, pourles Chrtiens, ce sont des sorcires. Joseph Balsamo, que ses disciplesappelaient le divin Cagliostro, fut con,damn Rome, comme hrtique et

    sorcier, pour avoir fait des prdictions et des miracles sans l'autorisation del'ordinaire. Or, en cela les inquisiteurs avaient raison, puisque l'Egliseromaine seule possde le monopole de la Haute Magie et des crmonies efficaces.Avec de l'eau et du sel, elle charme les dmons, avec du pain et du vin, ellevoque Dieu et le force se rendre visible et palpable sur la terre ; avec del'huile, elle donne la sant et le pardon.Elle fait plus encore, elle cre des prtres et des rois.Elle seule comprend et fait comprendre pourquoi les rois du triple royaumemagique, les trois mages, guids par l'toile flamboyante, sont venus pouroffrir Jsus-Christ dans son berceau, l'or qui fascine les yeux, et fait laconqute des curs, l'encens qui porte l'asctisme au cerveau, et la myrrhe quiconserve les cadavres et rend palpable en quelque sorte le dogme del'immortalit en faisant voir l'inviolabilit et l'incorruption dans la mort.

    -- CHAPITRE IX --LE SACRIFICE MAGIQUE

    Parlons d'abord, en gnral, du sacrifice. Qu'est-ce que le sacrifice ? Lesacrifice, c'est la ralisation du dvouement.

    Cest la substitution de l'innocent au coupable, dans luvre volontaire del'expiation.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    24/110

    C'est la compensation par la gnreuse justice du juste qui subit la peine de lalche injustice du rebelle qui a usurp le plaisir.Cest la temprance du sage qui fait contrepoids, dans la vie universelle, auxorgies des insenss.

    Voil ce que le sacrifice est en ralit, voil surtout ce qu'il doit tre.Dans l'ancien monde, le sacrifice tait rarement volontaire. L'homme coupabledvouait alors au supplice ce qu'il regardait comme sa conqute ou sa proprit.Or la magie noire est la continuation occulte des rites proscrits de l'ancienmonde. L'immolation est le fond des mystres de la nigromantie et lesenvotements sont des sacrifices magiques o le magntisme du mal se substitueau bcher et au couteau. En religion, c'est la foi qui sauve ; en magie noire,c'est la foi qui tue !Nous avons dj fait comprendre que la magie noire est la religion de la mort.

    Mourir la place d'un autre, voil le sacrifice sublime. Tuer un autre pour nepas mourir, voil le sacrifice impie. Consentir au meurtre dun innocent afin denous assurer limpunit de nos erreurs, ce serait la dernire et la plusimpardonnable des lchets, si l'offrande de la victime n'tait pas volontaireet si cette victime n'avait pas le droit de s'offrir comme suprieure nous etabsolument matresse d'elle-mme. C'est ainsi que pour le rachat des hommes, onen a senti la ncessit.Nous parlons ici d'une croyance consacre par plusieurs sicles d'adoration etpar la foi de plusieurs millions d'hommes, et comme nous avons dit que le verbecollectif et persvrant cre ce qu'il affirme, nous pouvons dire que cela estainsi.

    Or le sacrifice de la croix se renouvelle et se perptue dans celui de lautel.Et l peut-tre, il est plus effrayant encore pour le croyant. Le Dieu victimes'y trouve en effet sans avoir mme la forme de l'homme ; Il est muet et passif,livr qui veut le prendre, sans rsistance devant celui qui ose loutrager.Cest une hostie blanche et fragile. Il vient lappel d'un mauvais prtre etne protestera pas si on veut le mler aux rites les plus impurs. Avant leChristianisme, les Stryges mangeaient la chair des petits enfants gorgs ;maintenant, elles se contentent des saintes hosties.On ignore quelle puissance surhumaine de mchancet puisent les mauvaisesdvotes dans l'abus des sacrements. Rien n'est venimeux comme un pamphltairequi communie. Il a le vin mauvais, diton dun ivrogne qui bat sa femme quand ilest ivre : j'ai entendu dire un jour d'un prtendu catholique quil avait le bonDieu mauvais. Il semble que dans la bouche de certains communiants une secondetranssubstantiation s'opre. C'est Dieu qu'on a dpos sur leur langue, maisc'est le diable qu'ils ont aval.Une hostie catholique est quelque chose de vraiment formidable. Elle contienttout le ciel et tout lenfer, car elle est aimante du magntisme des sicles etdes multitudes, magntisme du bien lorsqu'on s'en approche avec la vraie foi,magntisme concentr du mal lorsqu'on en fait un indigne usage. Aussi rienn'est aussi recherch et n'est regard comme aussi puissant pour la confectiondes malfices que les hosties consacres par les prtres lgitimes, mais

    dtournes de leur pieuse fonction par quelque larcin sacrilge.Nous tombons ici au fond des horreurs de la magie noire, et personne ne suppose

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    25/110

    qu'en les dnonant, nous voulions en encourager les abominables pratiques.Gilles de Laval, seigneur de Raiz, dans une chapelle secrte de son chteau deMachecoul, faisait clbrer la menu noire par un jacobin apostat. A l'lvation,on gorgeait un petit enfant et le marchal communiait avec un fragment del'hostie trempe dans le sang de la victime.

    Lauteur du grimoire d'Honorius dit que loprateur des uvres de la magie noiredoit tre prtre. Les meilleures crmonies, selon lui, pour voquer le diable,sont celles du culte catholique, et en effet, de laveu mme du pre Ventura, lediable est n des uvres de ce culte. Dans une lettre adresse M. GougenotDesmousseaux et publie par ce dernier en tte dun de ses principaux ouvrages,le savant thatin ne craint pas daffirmer que le diable est le fou de lareligion catholique (telle du moins que lentendait le pre Ventura). Voici sespropres expressions.

    Satan, a dit Voltaire, cest le Christianisme ; pas de Satan, pas deChristianisme.

    On peut donc dire que le chef-d

    uvre de Satan, cest d

    tre parvenu sefaire nier.

    Dmontrer l'existence de Satan, cest rtablir un des dogmes fondamentaux quiservent de base au Christianisme et sans lequel il nest quun mot. (Lettre dupre Ventura au chevalier Gougenot Desmousseaux en tte du livre La Magie auXIXe sicle.)

    Ainsi, aprs que Proudhon na pas craint de dire : Dieu cest le mal, unprtre, qui passe pour instruit, complte la pense de lathe en disant : leChristianisme, cest Satan. Et il dit cela avec candeur croyant dfendre lareligion quil calomnie dune si pouvantable manire, tant la simonie et lesintrts matriels ont plong certains membres du clerg dans le Christianisme

    noir, celui de Gilles de Laval et du grimoire dHonorius. Cest pourtant ce mmepre qui disait au Pape : pour une motte de terre, ne compromettons pas leroyaume du ciel. Le pre Ventura tait personnellement un honnte homme et chezlui, le vrai chrtien lemportait parfois sur le moine et sur le prtre.

    Concentrer sur un point convenu et rattacher un signe toutes lesaspirations vers le bien, c'est avoir assez de foi pour raliser Dieu dans cesigne. Tel est le miracle permanent qui saccomplit tous les jours sur lesautels du vrai Christianisme.Le mme signe, profan et consacr au mal, doit raliser le mal de la mmemanire, et si le juste aprs la communion peut dire : ce nest plus moi quivis, cest Jsus-Christ qui vit en moi, ou en dautres termes : je ne suis plusmoi, je suis Jsus-Christ, je suis Dieu ; mme le communiant indigne peut direavec non moins de certitude et de vrit : je ne suis plus moi, je suis Satan.Crer Satan et se faire Satan, tel est le grand arcane de la magie noire, etcest ce que les sorciers complices du seigneur de Raiz croyaient accomplir pourlui et accomplissaient, en effet, jusqu un certain point, en disant la messedu diable.Lhomme se ft-il jamais expos crer le diable, sil navait jamais eu latmrit de vouloir crer Dieu en lui donnant un corps ? Navons-nous pas ditquun Dieu corporel projette ncessairement une ombre et que cette ombre c'estSatan ? Oui, nous l'avons dit, nous ne dirons jamais le contraire. Mais si le

    corps de Dieu est fictif, son ombre ne saurait tre relle.Le corps divin nest quune apparence, un voile, un nuage : Jsus l'a ralis

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    26/110

    par la foi. Adorons la lumire et ne donnons pas de ralit lombre puisque cenest pas elle qui est lobjet de notre foi ! La nature a voulu et elle veuttoujours quil y ait une religion sur la terre. La religion germe, fleurit et sedveloppe dans lhomme, elle est le fruit de ses aspirations et de ses dsirs ;elle doit tre rgle par la souveraine raison. Mais les aspirations de lhommevers linfini, ses dsirs du bien ternel et sa raison surtout, viennent de Dieu!

    -- CHAPITRE X --LES VOCATIONS

    La raison seule donne le droit la libert. La libert et la raison, ces deuxgrands et essentiels privilges de l'homme sont si troitement unis, qu'on nepeut abjurer lune sans renoncer lexercice de lautre. La libert veut letriomphe de la raison et la raison exige imprieusement le rgne de la libert.

    La raison et la libert sont pour l'homme plus que la vie. Il est beau de mourirpour la libert, il est sublime d'tre le martyr de la raison, parce que laraison et la libert sont lessence mme de limmortalit de lme.Dieu mme est la raison libre de tout ce qui existe.Le diable, au contraire, cest la draison fatale.Abjurer sa raison ou sa libert, cest renier Dieu. Faire appel la draison ou la fatalit, cest voquer le diable. Nous avons dit que le diable existe etqu'il est mille fois plus horrible et plus impitoyable qu'on ne le reprsentedans les lgendes mme les plus noires. Pour nous et pour la raison, ce nesaurait tre le bel ange dchu de Milton, ni le fulgurant Lucifer, tranant dans

    la nuit son aurole d'toile touche de la foudre. Ces fables titaniennes sontimpies. Le vrai diable est bien celui des sculptures de nos cathdrales et despeintres nafs de nos livres gothiques. Sa forme essentiellement hybride est lasynthse de tous les cauchemars ; il est hideux, difforme et grotesque. Il estenchan et il enchane. Il a des yeux partout, except la tte ; il a desvisages au ventre, aux genoux et la partie postrieure de son corps immonde.Il est partout o peut sintroduire la folie, et partout il trane aprs lui lestourments de lenfer.Par lui-mme, il ne parle pas, mais il fait parler tous nos vices ; est leventriloque des gloutons, le Python des femmes perdues. Sa voix est tanttimptueuse comme le tourbillon, tantt insinuante comme un sifflement lger.Pour parler nos cerveaux troubls, il insinue an langue fourchue dans nosoreilles et pour dlier nos curs, il vibre sa queue comme une flche. Dansnotre tte, il tue la raison, dans notre cur il empoisonne la libert et ilfait cela toujours, ncessairement sans relche et sans piti, car ce n'est pasune personne, c'est une force aveugle ; il est maudit, mais avec nous ; ilpche, mais en nous. Nous seuls sommes responsables du mal qu'il nous faitfaire, car lui, il n'a ni libert ni raison.Le diable c'est la bte. Saint Jean le rpte satit dans sa merveilleuseapocalypse ; mais comment comprendre l'apocalypse, si lon n'a pas tes cls dela sainte Kabbale ?Une vocation, c'est donc un appel la bte et la bte seule peut y rpondre.

    Ajoutons que pour faire apparatre la bte, il faut la former en soi, puis laprojeter au dehors. Ce secret est celui de tous les grimoires, mais il n'a tdit par les anciens matres que d'une manire trs voile.

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    27/110

    Pour voir le diable, il faut se grimer en diable, puis se regarder dans unmiroir, voil larcane dans sa simplicit et tel qu'on pourrait le dire unenfant. Ajoutons pour les hommes, que dans le mystre des sorciers, la grimacediabolique s'imprime l'me par le mdiateur astral, et que le miroir, ce sontles tnbres animes par le vertige.

    Toute vocation sera vaine si le sorcier ne commence par damner son me ensacrifiant pour jamais sa libert et sa raison. On doit facilement lecomprendre. Pour crer en nous la bte, il faut tuer l'homme, et cest ce quitait reprsent par le sacrifice pralable d'un enfant et mieux encore par laprofanation d'une hostie. L'homme qui se dcide une vocation est un misrableque la raison gne et qui veut agrandir en lui-mme lapptit bestial afin d'ycrer un foyer magntique dou d'une influence fatale. Il veut devenir lui-mmedraison et fatalit ; il veut tre un aimant drgl et mauvais afin d'attirer lui les vices et l'or qui les alimente. C'est le plus pouvantable crime quel'imagination puisse rver. C'est le viol de la nature. C'est l'outrage directet absolu jet la divinit ; mais aussi et heureusement, c'est une uvrepouvantablement difficile, et la plupart de ceux qui 1ont tente ont chou

    dans son accomplissement. Si un homme assez fort et assez pervers voquait lediable dans les conditions voulues, le diable serait ralis. Dieu serait tenuen chec et la nature pouvante subirait le despotisme du mal.On dit qu'un homme entreprit autrefois cette uvre monstrueuse et qu'il devintpape. On dit aussi qu'au lit de mort, il se confessa davoir envelopp toutel'Eglise des rseaux de la magie noire. Ce qui est certain, cest que ce papetait savant comme Faust, et quon le dit l'auteur de plusieurs inventionsmerveilleuses. Nous avons parl de lui dj dans un de nos ouvrages. Mais cequi, daprs la lgende mme prouverait qu'il nvoqua jamais le diable,cest--dire qu'il ne fut pas le diable, c'est qu'il se repentit. Le diable nese repent jamais.

    Ce qui fait que la plupart des hommes sont mdiocres, cest qu'ils sont toujoursincomplets. Les honntes gens font parfois le mal et les sclrats s'chappentparfois et soublient jusqu' vouloir et faire quelque bien. Or, les pchscontre Dieu affaiblissent en l'homme la force de Dieu, et les pchs contre lediable, je veux parler des bons dsirs et des bonnes actions, nervent la forcedu diable. Pour exercer soit en haut, soit en bas, soit droite, soit gauche,une puissance exceptionnelle, il faut tre un homme complet.La crainte et le remord chez les criminels sont deux choses qui viennent dubien, et c'est par l qu'ils se trahissent. Pour russir dans le mal, il fauttre absolument mchant. Aussi assure-t-on que Mandrin confessait ses brigandset leur imposait pour pnitence quelque meurtre d'enfant ou de femme, lorsqu'ilssaccusaient lui d'avoir ressenti quelque piti. Nron avait du bon, il taitartiste et ce fut ce qui le perdit. Il se retira et se tua par dpit de musicienddaign. S'il net t qu'empereur, il et brl Rome une seconde fois pluttque de cder la place au Snat et Vindex, le peuple se ft dclar pour lui ;il et fait tomber une pluie dor et les prtoriens l'eussent encore une foisacclam. Le suicide de Nron fut une coquetterie d'artiste.Russir se faire Satan serait un triomphe incomplet pour la perversit delhomme, s'il n'arrivait en mme temps se rendre immortel. Promthe a beausouffrir sur son rocher, il sait qu'un jour sa chane sera brise et qu'ildtrnera Jupiter, mais pour tre Promthe, il faut avoir ravi le feu du cielet nous n'en sommes encore qu'au feu de l'enfer !

    Non, le rve de Satan n'est pas celui de Promthe. Si un ange rebelle avaitjamais pu ravir le feu du ciel, c'est--dire le secret divin de la vie, il seserait fait Dieu. Mais l'homme seul est assez insens et assez born pour maire

  • 8/7/2019 Le Grand Arcane

    28/110

    croire la solution possible d'un thorme de cette espce. Faire que ce quiest, soit en mme temps et ne soit pas, que l'ombre soit la lumire, que la mortsoit la vie, que le mensonge soit la vrit et que le nant soit tout. Aussi lefou furieux qui voudrait raliser labsolu dans le mal arriverait-il enfin,comme lalchimiste imprudent, une explosion formidable qui lensevelirait sousles ruines de son laboratoire insens.

    Une mort instantane et foudroyante a t le rsultat des vocations infernales,et il faut convenir quelle n'tait que trop mrite. On ne va pas impunmentjusqu'aux limites extrmes de la dmence. Il est certains excsque la nature ne supporte pas. Si l'on a vu parfois mourir des somnambulesrveills en sursaut, si l'ivresse un certain degr produit la mort Mais,dira-t-on, quoi bon ces menaces rtrospectives ? Qui donc dans notre siclesonge faire des vocations avec les rites du grimoire ? A cette question, nousnavons rien rpondre. Car si nous disions ce que nous savons, peut-tre nenous croirait-on pas.On voque d'ailleurs le magntisme du mal autrement que par les rites delancien monde. Nous avons dit, dans notre prcdent chapitre, quune messe

    profane par des intentions criminelles devient un outrage fait Dieu et unattentat de l'homme contre sa propre conscience. Les oracles demands soit auvertige d'un hallucin, soit au mouvement convulsif des choses inertesmagntises au hasard, sont aussi des vocations infernales, car ce sont desactes qui tendent subordonner la fatalit la libert et raison. Il estvrai que les oprateurs de ces uvres de magie noire sont presque toujoursinnocents par ignorance. Ils font, il est vrai, appel la bte, mais ce n'estpas la bte froce qu'ils veulent asservir leur convoitise. Ils demandentseulement quelques conseils la bte stupide pour servir d'auxiliaires leurpropre stupidit.Dans la magie de lumire, la science des vocations est l'art de magntiser lescourants de la lumire astrale et de la diriger volont. Cette science tait

    celle de Zoroastre et du roi Salomon, si 1on en croit les traditions anciennes,mais pour faire ce quont fait Zoroastre et Salomon, il faut avoir la sagesse deSalomon et la science de Zoroastre.

    Pour diriger et dominer le magntisme du bien, il faut tre le meilleur deshommes. Pour activer et prcipiter le tourbillon du mal, il faut tre le plusmchant. Les sincres catholiques ne doutent pas que les prires dune pauvrerecluse puissent changer le cur des rois et balancer les destines des empires.Nous sommes loin de ddaigner cette croyance, nous qui admettons la viecollective, les courants magntiques et la toute puissance relative de lavolont.Avant les rcentes dcouvertes de la science, les phnomnes de llectricit