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L’Architecte
Pistes pédagogiques tous niveaux
Histoire des arts
« C’est l’histoire d’un garçon qui, saisi de terreur durant la projection du film Nosferatu le
vampire, a une vision de son futur.
F.W. Murnau présenta son film Nosferatu le vampire en 1923 à Berlin. Ce film est perçu comme
une prémonition de l’avènement du nazisme en Allemagne.
Murnau se tua dans un accident de voiture en Californie, au Nouveau Monde en 1931 »
Ces quelques lignes qui apparaissent au début du film, alors que la camera fait un travelling avant
dans un paysage montagneux, sont les seules indications qui nous permettent de situer
chronologiquement l’action. Mais la narration n’est pas linéaire sauf peut-être pour l’épilogue
qui se situe clairement en 1931.
Le film de F.W. Murnau qui est le point de départ, apparaît dans le story-board avec l’évocation
du château d’Orava en Slovaquie où furent tournées les scènes du château du Comte d’Orlok
(alias Nosferatu).
Dans le film, dès les premières images, la camera frôle un château juché sur un rocher qui n’est autre que le Kehlsteinhaus
construit dans les Alpes Bavaroises en 1937 afin de servir de centre de conférence pour le parti National Socialiste.
A la fin du film un autre élément architectural apparaît, dans lequel les deux jeunes garçons déambulent. Il s’agit de la
Volkshalle, construction emblématique de Germania (nom donné par les nazis au nouveau Berlin). Ce bâtiment pharaonique
haut de 320m, devait pouvoir recevoir 150000 à 180000 visiteurs. Imaginé tout
d’abord par Hitler des 1925 il est l’œuvre de l’architecte officiel du pouvoir Albert
Speer. Cette « halle du peuple » devait matérialiser l’esprit communautaire dans
une finalité idéologique dans cette nouvelle capitale du pouvoir nazi. Ce type de
projets architecturaux grandioses est caractéristique des pouvoirs autoritaires, le
palais de Ceaucescu à Bucarest en Roumanie en est un bel exemple.
Le projet de Speer trouve des similitudes avec le projet de Cénotaphe à Newton
imaginé par l’architecte Etienne-louis Boullée. Il réalise des projets utopiques et
« produit des visions imagées d'une grande capitale moderne, à la fois critique du
Paris de son temps et promesse d'infrastructures bénéfiques pour la société. »
(http://expositions.bnf.fr/boullee/index.htm)
Dessin
Alors qu’au cours du XXème siècle on n’a eu de cesse que d’annoncer la mort de la peinture cela n’a jamais été le cas pour le
dessin. « Est-ce, comme le fait remarquer malicieusement Emma Dexter, parce que le dessin était si insignifiant qu’il ne méritait
Etienne louis Boullée 1728-1799-
Cénotaphe de Newton
Etienne louis Boullée
1728-1799- Cénotaphe
de Newton
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pas d’être mentionné, ou bien le croyait-on déjà mort ? » (Emma Dexter Vitamine D, Nouvelles perspectives en dessin éditions
Phaïdon 2006, p8). Toujours est-il qu’il est bien vivant dans les pratiques artistiques contemporaines autant que dans celles des
élèves. Il apparaît clairement dans les programmes du collège, au même titre que la peinture ou le collage, dans le champ des
pratiques bidimensionnelles, graphiques et picturales. Au lycée le dossier préparé par les élèves pour l’évaluation terminale
prend en compte cette composante des arts plastiques. Le dessin est lié étroitement à la pratique, comme le fait remarquer
Richard Serra : « Tout ce que l’on peut projeter d’expressif par le dessin –idées, métaphores, émotions, structures linguistiques-
résulte de l’acte de faire. » (Cité par Emma Dexter Vitamine D, Nouvelles
perspectives en dessin éditions Phaïdon 2006, p7). Dans l'histoire de l'art en
Occident, le dessin a été considéré comme un élément essentiel de la
formation du peintre ou du sculpteur. Il a toujours été l'outil le plus
élémentaire de l'artiste, un moyen de concevoir et de préparer des œuvres
sculptées ou peintes achevées. Ainsi que le dit le sculpteur Henry Moore : « Le
dessin constitue un moyen de parvenir à une compréhension plus intime des
objets et une façon, plus rapide que ne le permet la sculpture, de constater
l'effet de certains essais ou expériences préliminaires. »
Pourtant, le statut du dessin a toujours été problématique, car il était asservi
aux autres arts, et associé à la préparation et à l'inachèvement. Cependant, en
tant que procédé reconnu comme fondement de toutes les techniques et
pratiques esthétiques, le dessin a toujours été extrêmement prisé. À la
Renaissance, le terme italien disegno signifiait l'acte de donner corps à l'idée créatrice à l'aide de la ligne, par opposition à la
couleur. Cette idée avait une dimension spirituelle (le dessin a toujours eu un côté miraculeux en soi). Léonard de Vinci le tenait
pour une manifestation du divin, car il offrait un simulacre des œuvres de la création divine tout en étant une science.
Traces
Tout ce qui fait le dessin est visible dans les œuvres de Marc Bauer. Il ne s’agit pas pour l’artiste de faire de belles images
achevées mais au contraire de laisser, voir d’accentuer toutes les traces, les salissures qui accompagnent l’image. Les « dessins
se manifestent dans l’hypersensibilité de leur forme, dans une constante vibration entre une dureté du trait et une fluidité
presque liquide de motifs ajourés, perforés, fragilisés par son utilisation si particulière de la gomme » écrit Jean-Charles Vergne
(catalogue de l’exposition Cinerama 2014)
Ce que cherche à faire Marc Bauer par ce travail sur le support, au-delà de la seule figuration de la forme, c’est de donner une
texture au dessin qui par définition n’en a pas. Le gommage, l’effacement, font un
peu écho à ce que disait Picasso «pour moi, un tableau est le résultat de
destructions. Je peins un tableau, puis je le détruis. Mais au bout du compte rien
n'a été perdu." C’est ce qui se joue dans ce jeu d’allées et venues auquel se livre
Marc Bauer.
Ces traces sont de différentes natures selon le médium utilisé. Le crayon, le
crayon noir, le fusain implique une gestuelle qui prend également en compte
l’étendue à travailler. On notera également les variations de valeurs de gris qui
naissent de ce traitement de la surface. Les coups de crayon répétés, en hachures,
ne produisent pas le même effet s’ils sont gommés ou pas. Dans tous les cas cette
trace de l’outil est à voir comme une affirmation du processus de réalisation.
Sur les plaques de plexiglas qu’il a utilisées pour réaliser son film, des effacements
successifs, des éclaboussures de térébenthine, sont visibles. Ils ne montrent qu’un état de la multitude par laquelle elles sont
passées. Des traces comme des cheveux sur l’objectif apparaissent pour donner l’impression que ce sont de vieilles bobines de
films qui ont été retrouvées et mises bout à bout sans raccord. Les visages changent mais ce qui permet de les reconnaître ce
sont leurs vêtements blancs « comme des tennisman » dit Marc Bauer.
Sans titre (Storyboard the Architect) 2012, Dessin, 20 x (~23x32), don de l'artiste – FRAC Auvergne
Sans titre (Storyboard the Architect) 2012, Dessin, 20 x (~23x32), don de l'artiste – FRAC Auvergne
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Les images animées
Le film L’Architecte est présenté ici avec le stoyboard. La réalisation s’est faite à l’aide de plaques de plexiglas, 300 environ. Ce
sont des sortes d’images tremblantes qui portent en elles le mouvement, une vibration qui déclenche la mémoire du spectateur
rattachant ce « photogramme » réel, aux instants d’avant et ceux d’après visibles dans le film. Toute la première partie du film
est ainsi faite en cinéma d’animation, à l’aide d’une table lumineuse, modifiant le dessin. Déclenchant pour chaque dessin
l’appareil photo fixé au dessus de la table, il en dessinait jusqu'à 350 par jour.
La dernière partie du film, l’épilogue, est en couleur et réalisée
numériquement. Deux esthétiques se confrontent, « symboliquement elles
coïncident aussi avec la confrontation de deux mondes et de deux idéologies »
(opus cité p12). A la destruction lente des images peintes dans une veine plutôt
expressionniste, se substituent des images plus fluides accompagnées d’une
ritournelle qui peu à peu va laisser place au thème musical central du film, alors
qu’apparaissent des images fixes en noir et blanc.
La question de l’histoire
« Dessiner, c'est préciser une idée. Le dessin est la précision de la pensée. Par le dessin les sentiments et l'âme du
peintre passent sans difficulté dans l'esprit du spectateur. Une œuvre sans dessin est une maison sans charpente » écrit Matisse
(opus cité p162 note8). Cette pensée est, dans le travail de Marc Bauer, intriquée avec la mémoire dans le sens où le dessin est
toujours passé au « filtre de sa mémoire ».
« Très souvent le point de départ de mon travail est la mémoire ; que ce soient des souvenirs personnels […] ou des
photographies de mon grand père faites pendant la Seconde Guerre mondiale. Je prends des évènements, je les remets en
ordre. L’histoire devient juste une réinterprétation d’évènements qui les inscrit dans une cohérence. C’est un artefact et non
quelque chose d’objectif. […] Qu’il s’agisse d’une histoire personnelle ou de l’Histoire, c’est une ré-écriture et ce n’est donc
qu’une question de point de vue, tout comme la morale » déclare l’artiste (Opus
cité p3)
Ce qu’il faut entendre par là c’est que le dessin n’est pas « fait sur le
motif ». Ainsi il ne dessinera jamais directement une image qu’il vient de découvrir
et qui l’intéresse. « Je la vois, (l’image), j’ai envie de la dessiner sur le moment et je
me dis : si dans quelques temps (ça peut aller d’une semaine à un an ou deux), j’ai
toujours ce désir, c’est que je peux le faire, c’est qu’elle entre en résonnance avec
moi et donc qu’elle a son importance. » (Catalogue de l’exposition entretien avec
Sophie Delpeux)
Jean-Charles Vergne parle de «réalité trouée, […] d’incomplétude des images »
(opus cité p1). Les images sont donc bien souvent fragmentaires, inachevées,
parfois accompagnées de textes.
« Je ne sais pas si ces images sont des souvenirs ou des scènes de film
Sans titre (Storyboard the Architect) 2012, Dessin, 20 x (~23x32), don de l'artiste – FRAC Auvergne
Quatre photogrammes du fil L’Architecte
Photogrammes du fil L’Architecte
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Il pensera à Pinocchio »
L’artiste passe ainsi de la première à la troisième personne, mêlant passé et présent, souvenir personnels ou empruntés à
l’histoire ou au cinéma. Ces dysfonctionnements mémoriels sont à l’œuvre dans toutes ses œuvres et ce tout particulièrement
dans L’Architecte.
Tout commence par un générique qui annonce une chronologie entre
1923 – F.W. Murnau présenta son film Nosferatu le vampire – et 1931 –mort
accidentelle du cinéaste en Californie. Mais le déroulement n’est pas linéaire. « Le
film est entièrement fondé sur une confusion des temps, sur une série de
paradoxes temporels qui croisent vérité historique, anachronismes, réécriture de
l’histoire sous forme d’uchronies » (Opus cité p7). Ainsi on voit apparaître dans le
film L’Architecte la Volkshalle, bâtiment emblématique de la Germania imaginée
par Hitler et son architecte Albert Speer, alors que sa construction était prévue
pour 1950. Sorte de réécriture d’une histoire dans laquelle Hitler aurait gagné la
guerre.
Document réalisé par Patrice Leray professeur correspondant culturel auprès du FRAC, permanence le jeudi de 11h à 14h tel : 04
73 90 50 00 [email protected]
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Sans titre (Storyboard the Architect) 2012, Dessin, 20 x (~23x32), don de l'artiste – FRAC Auvergne
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