8/14/2019 La Rumeur en Finance
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LA RUMEUR EN FINANCE
par Fadel AKASBI et Sophia OULHAJ
Mmoire soutenuen vue de lobtentiondu Diplme Grande Ecole
option de spcialisation Finance
Directeur de Recherche :M. Alain CHEVALIERProfesseur de Finance lESCP-EAP,
Doyen du Corps Professoral.Anne Universitaire 2005/2006Session de Juin 2006
NON CONFIDENTIEL
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Rsum
Avec le dveloppement des technologies de l'information, la propagation desrumeurs s'est accentue. Leurs consquences dans le domaine de la financesont exacerbes. Aprs avoir dtermin la Finance Comportementale comme
cadre gnral de l'tude de la rumeur en finance, une analyse dtaille desmcanismes de la rumeur s'impose. Cette tude montre que la rumeur natessentiellement de l'ambigut qui plane autour d'un sujet et de l'importancede ce sujet aux yeux de ses protagonistes. Elle montre aussi qu'il est difficilede sparer le processus de naissance d'une rumeur de son processus detransmission et que l'ambigut, l'importance mais aussi l'angoisse et lacroyance sont tant d'lments explicatifs pour l'un comme pour l'autre. Celatant, la transmission peut tre galement tudie selon une approchepsychologique, focalisant sur l'individu, puis par une approche sociologique,focalisant sur les phnomnes de groupe. Il en ressort que la rumeur est unphnomne potentiellement dangereux, notamment parce qu'elle est
facilement manipulable. Une tentative de mesure de ses effets est ce stadeembryonnaire. Parce qu'une valuation du risque induit semble peu raliste,l'tude conclut par des recommandations lintention des entreprises etautorits financires pour la prvention et la neutralisation des effets de larumeur en finance.
Abstract
Given the development of information technologies, the propagation of
rumors tends to be emphasized. Their consequences in the financialmarketplace are exacerbated. After setting Behavioral Finance as a generalframework for the study of rumor in finance, a detailed analysis of themechanisms of the rumor has become essential. This study shows that therumor is primarily generated by the ambiguity surrounding a subject and thematter importance to the protagonists of the rumor. It also shows that it isdifficult to separate the birth and the transmission processes of a rumor andthat ambiguity, importance but also anxiety and the belief are so much ofexplanatory elements for one as for the other. Furthermore, the transmissionprocess can be also studied according to a psychological approach focusingon the individual, or a sociological approach focusing on the groupphenomena. This reveals that the rumor is a potentially dangerousphenomenon, in particular because it is easily manipulating. An attempt ofmeasurement of rumor effects reminds embryonic. The study finallyconcludes by recommendations to companies and financial authorities inorder to prevent and neutralize the effects or the rumor in finance, as avaluation of the rumor s induced risk seems to be not very realistic.
Mots-cls
rumeur, information financire, efficience des marchs, financecomportementale, psychologie des investisseurs, manipulation delinformation.
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Sommaire
Introduction.............................................................................................................5
1 Rumeur et psychologie des investisseurs........................................................7
1.1 Dfinition et caractristiques de la rumeur..............................................7
1.1.1 La rumeur, le plus vieux media du Monde .................................7
1.1.2 Les caractristiques de la rumeur.......................................................8
1.2 Typologie de la rumeur............................................................................10
1.2.1 Faire linventaire des rumeurs..........................................................10
1.2.2 La rumeur dans le cadre de lentreprise ..........................................11
1.2.3 Typologie des rumeurs financires en fonction de leur contenu...13
1.3 Psychologie des acteurs, formation des prix et rumeur........................15
1.3.1
Efficience des marchs et rationalit des investisseurs...................15
1.3.2 Les apports de la Finance Comportementale .................................16
1.3.3 Heuristiques, biais et rumeur............................................................19
2 Composantes et mcanismes de la rumeur...................................................22
2.1 Naissance de la rumeur............................................................................22
2.1.1 Lincertitude et langoisse .................................................................22
2.1.2 Limportance et la croyance ..............................................................23
2.2 Transmission de la rumeur......................................................................25
2.2.1 Lindividu : approche psychologique .............................................26
2.2.2 Le groupe : approche sociologique..................................................28
2.3 La manipulation de la rumeur et ses limites..........................................30
2.3.1 Manipulation......................................................................................30
2.3.2 Rglementation ..................................................................................31
3 Mesures et limitation des effets de la rumeur en finance ............................34
3.1 Diffrentes approches pour la mesure de la rumeur.............................34
3.1.1
Le cas des rumeurs dacquisition .....................................................34
3.1.2 Mesure de lexpansion de la rumeur................................................36
3.1.3 Effets de la rumeur sur la formation des prix :................................37
3.2 Recommandations pour limiter les effets potentiellement dangereux
de la rumeur.......................................................................................................38
3.2.1 La prvention .....................................................................................39
3.2.2 La neutralisation: ...............................................................................40
Conclusion .............................................................................................................43
Bibliographie .........................................................................................................45
Annexe ...................................................................................................................48
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D'abord un bruit lger, rasant le sol commehirondelle avant l'orage, pianissimo murmure etfile, et sme en courant le trait empoisonn.Telle bouche le recueille, et piano, piano vous leglisse en l'oreille adroitement. Le mal est fait, ilgerme, il rampe, il chemine, et rinforzando de
bouche en bouche il va le diable ; puis tout coup, ne sais comment, vous voyez Calomniese dresser, siffler, s'enfler, grandir vue d'oeil ;elle s'lance, tend son vol, tourbillonne,enveloppe, arrache, entrane, clate et tonne, etdevient, grce au Ciel, un cri gnral, uncrescendo public, un chorus universel de haine et
de proscription. Qui diable y rsisterait ?
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais,Le Barbier de Sville, acte II, scne VIII
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Introduction
Il n'en avait pas fallu plus, hier, pour relancer les rumeurs sur une possiblefusion entre les numros un et deux franais Infogrames cde des actifs pour 20 millions d'euros ,
La Tribune
...alors que refaisaient surface des rumeurs rcurrentes d'une offre deVodafone 34 euros sur le groupe
La Bourse de Paris repasse sous les 5.300 points avant la Fed ,Reuters
...la rumeur indiquait que BAE et VT jugeaient leur projet trop cher BAE Systems et VT Group renoncent acheter Babcock ,
AFP FinWebPlus
...revt un intrt spculatif du fait de rumeurs rcurrentes sur unrapprochement entre Altadis et le britannique Imperial Tobacco...
Altadis affiche un excdent brut d'exploitation suprieur aux attentes ,AOF
...Eurotunnel n'a pas dmenti hier les rumeurs d'accord en vue qui circulentautour de sa dette....
Eurotunnel : accord sur la dette avant la fin de la semaine ? ,Boursier.com
Cette rapide revue de la presse financire du Mercredi 10 Mai 2006 est
assez rvlatrice de la prsence effective de la rumeur dans linformation
financire. Les mdias spcialiss semblent ainsi trs souvent prsenter la
rumeur, lorsquelle est cite, comme une explication des variations notables
de la cotation boursire des compagnies sur lesquelles elle porte. Celles-ci
seraient ainsi sujettes des spculations, craintes ou pertes de confiance des
investisseurs qui se rueraient sur le march pour acqurir des actions, ou au
contraire sen dlester, et ainsi par le jeu de loffre et de la demande,
influeraient sur la formation prix. La rumeur semble ainsi prendre le statut
dinformation, et avoir sur le march des consquences similaires celles de
toute information.
Aujourdhui avec lextraordinaire dveloppement que connaissent les
technologies de linformation, les sources sont de plus en plus nombreuses,
diverses, et faciles daccs, mais paralllement de moins en moins
contrlables. En tmoigne par exemple la polmique actuelle concernant la
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fiabilit des sources de Wikipedia remettant en cause la qualit voire vracit
de linformation qui y est propose. La rumeur se pose alors en quelque sorte
comme concurrent de linformation, car difficilement diffrentiable de celle-ci.
partir du moment o la rumeur vhicule une information fausse, elle
devient dangereuse, la fois pour les investisseurs, et pour les entreprises qui
en sont lobjet. Ds lors quelles stratgies adopter face la rumeur afin den
minimiser les effets ngatifs ?
Il semble ncessaire dans un premier temps de dfinir la rumeur de
manire gnrale, puis dtablir un cadre dtude de la rumeur dans la
finance en particulier. L'Hypothse d'Efficience des Marchs (HEM), une des
bases de la thorie financire classique, estime que dans un march
suffisamment large o l'information se rpand instantanment, les oprateursrationnels ragissent correctement et quasi immdiatement aux informations,
et ainsi le prix dun actif financier intgre en temps rel toute linformation
disponible. En dfinissant a priori la rumeur comme expansion d'une
information non vrifie, son essence mme s'avre ainsi la fois centrale
dans le cadre de lHEM car elle bien expansion, et contradictoire : ce nest pas
proprement parler de linformation. La thorie financire classique peut
ainsi poser des limites la comprhension du phnomne de la rumeur en
finance. Cest ds lors travers une grille de lecture alternative constitue par
la Finance Comportementale ou ensemble des approches analysant la
formation des prix travers la psychologie des investisseurs que nous
tenterons de dfinir la rumeur.
Nous analyserons ensuite les manifestations de la rumeur dans les
marchs financiers travers la dtermination de ses composantes et
mcanismes. En particulier, nous nous intresserons au cycle de vie de la
rumeur, de sa naissance sa mort, en dveloppant notamment ses modes detransmission. Lenjeu sera alors didentifier, parmi les acteurs de la rumeur
ceux qui interviennent directement pour la manipuler ou au contraire la
limiter.
L'objectif dans un troisime temps sera de sintresser aux tentatives de
mesures des effets de la rumeur en finance, pour en dgager une approche
permettant davoir des stratgies effectives de protection contre la rumeur.
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1 Rumeur et psychologie des investisseursLobjectif de cette premire partie est de dfinir la rumeur de manire
gnrale puis ses manifestations en finance. On sattachera ainsi en dgagerles principales caractristiques avant denvisager diffrentes typologies. Nous
introduirons ensuite un cadre thorique qui nous permettra dtudier la
rumeur en finance.
1.1 Dfinition et caractristiques de la rumeur1.1.1 La rumeur, le plus vieux media du Monde 1
La rumeur vient du mot latin rumor qui signifie le bruit qui court,le propos colport de la foule. Son sens volue par la suite au cours des
sicles. Ainsi au XIIme sicle, rimor est dsigne le bruit produit par une
arme en marche, et introduit ds lors la dimension de menace. Quant sa
forme actuelle, Pascal Froissart (1995) fait remarquer qu on en trouve les
premires traces dans un dit de 1274 du Parlement de Paris o elle dsigne
tout autre chose: le "haro" que tout citoyen est oblig au nom de la loi de
pousser s'il assiste un crime, de manire attirer l'attention de la
marchausse! Elle est ainsi devenue le cri pouss par la victime ou le
tmoin dun dlit. La dimension de danger est l encore bien prsente.
Paralllement, elle continue de signifier le bruit qui court.
Au XVme sicle, les deux dimensions de bruit de foule diffus et de
menace sont alors regroupes dans le mme sens. En tmoigne son utilisation
dans le Journal de Nicolas de Baye (1407), greffier du Parlement de Paris,
comme bruit sourd et menaant d'une foule, annonant quelque disposition
la rvolte 2
. partir du XVIme
sicle, la rumeur publique dsigne toujoursce bruit diffus, mais introduit une dimension de cacophonie, dincohrence,
de chaos sonore. Elle est le bruit confus que produit une assemble
mcontente, dispose la rvolte, la violence ou la protestation.
Notons que dans le sens de bruit qui court , les notions de vracit
et de fausset de la rumeur ninterviennent quau XVIIIme sicle : vrai bruit et
faux bruit, dmentit ou au contraire authentification de la rumeur. Lide du
1 Kapferer J.-N. (1987), Rumeurs. Le plus vieux mdia du monde, Seuil.2 rumeur , Trsor de la Langue Franaise Informatis, http://atilf.atilf.fr
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bouche a oreille, supposant une origine de la rumeur, napparat, comme le
fait remarquer Froissart (1995) qu la fin du XIXme sicle, impliquant la
diffrenciation des locuteurs ; perdus dans une masse, dans le corps d'une
foule anonyme, ceux-ci sont bientt les acteurs de la rumeur . Prenant le sens
de l on-dit , elle devient potentiellement injurieuse ou infamante . Le
concept de manipulation de la rumeur est ds lors prsent. Il nous intresse
tout particulirement car il reprsente probablement le plus grand danger que
celle-ci fait courir aux marchs financiers.
Aujourdhui, la rumeur est cette nouvelle qui apparat on ne sait trop
comment, se rpand au sein dun groupe, subit diverses altrations, samplifie
sans jamais tre vrifie car non vrifiable. DiFonzo, Rosnow et Bordia (1994)
qualifient les rumeurs de propositions ou allgations masques par dediverses nuances de doute, parce qu'elles ne sont pas accompagnes de
preuves pouvant les certifier. La rumeur prend alors bien le statut dune
information, la nuance prs quelle est invrifie. Cest galement en
rfrence la fonction de diffusion et de propagation de linformation (certes
non vrifie) que Kapferer (1987) qualifie la rumeur de plus vieux mdia du
monde .
1.1.2 Les caractristiques de la rumeurUne approche de la rumeur travers sa personnification dans la
littrature mythologique semble trs intressante puisqu'elle permet de
dgager les points essentiels des caractristiques et attributs majeurs de la
rumeur.
Fama, desse de la rumeur et de la renomme dans la mythologie
romaine est dcrite comme un monstre fabuleux muni de deux trompettes,
une trompette courte pour la rumeur et une longue pour la renomme.Ubiquiste et omnisciente, elle voit tout, entend tout et se fait l'cho de la Terre,
sa mre qui l'a engendre pour se venger des dieux, grce sa trompette.
Virgile dit son sujet dans son Livre IV de l'Enide1 (173,190) : La
Renomme, de tous les maux le plus vloce : [] rapide car dote de pieds et
d'ailes agiles, monstre horrible, gigantesque ; autant porte-t-elle de plumes
sur son corps, autant possde-t-elle sous ces plumes d'yeux vigilants, autant
1 l'Enide, traduction de la Bibliotheca Classica Selecta,http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/V04-Plan.html
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de langues, autant de bouches sonnantes, autant d'oreilles dresses. []
opinitre messagre d'inventions, de faux et de vrit. Elle se plaisait
rpandre partout les propos les plus divers et diffusait tout la fois ce qui
tait arriv et ce qui ne l'tait pas []
Ovide dans le Livre XII des Mtamorphoses (39-63)1 , imagine Fama
habitant un palais qui laisse percer tous les bruits du monde travers ses
nombreux trous et qui les renvoie ensuite de manire amplifie. Autour de
Fama, [] rsident [dans le palais], la Crdulit facile et l'Erreur tmraire,
la vaine Joie, la Crainte au front constern, la Sdition en ses fureurs soudaine,
et les Bruits vagues qui naissent des rapports incertains.
Cette approche mythologique est trs intressante en ce sens qu'elle
souligne plusieurs caractristiques de la rumeur. La premire est que larumeur, parce qu'elle dsigne une information invrifie, peut tre fausse et
donc source d' Erreur ou de Sdition . On peut constater ici la
connotation pjorative attribue la rumeur dans la mythologie, du fait des
consquences ngatives qu'elle est susceptible de provoquer car non
confirme et donc potentiellement fausse. C'est une manire de prvenir
contre les dangers et la perversit de la rumeur. En effet, dans le monde de
l'entreprise, plusieurs exemples de fausses rumeurs montrent que ces
dernires peuvent tre ravageuses et trs coteuses. En atteste l'exemple
d'une rumeur lance sur Morgan Stanley en Juillet 20002 selon laquelle la
banque aurait connu des pertes substantielles sur son desk junk bonds , en
particulier concernant des papiers sur des socits de tlcommunication.
L'action de Morgan Stanley a connu une baisse quasi-instantane de 10% et le
co-directeur du desk a du dmissionner le lendemain. La rumeur le
concernait galement puisqu'elle prcisait qu'il tait sur le dpart depuis
quelques semaines cause des pertes enregistres sur son desk. Aprs undmentit3, l'action a pu recouvrir l'essentiel de sa valeur. En revanche, une des
socits de tlcommunication IGC, dont la rumeur disait que Morgan
1 Les Mtamorphoses, traduction de la Bibliotheca Classica Selecta,http://bcs.fltr.ucl.ac.be/meta/12.htm2 Iyer S. (2000) Short Takes On High Yield , High Yield Report, October 16th, 11 (40),
p. 3-6.3 Gasparino C. & Aubin D. (2000), Morgan Stanley Damps Rumors On JunkBonds , Wall Street Journal - Eastern Edition, December 10th, 236 (72), p. C19.
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Stanley dtenait des centaines de millions de positions de ses bonds, a vu son
cours dgringoler et son action traiter sur le march 0.41$.
La prsence de la desse Terreur autour de Fama est trs rvlatrice
des conditions propices la naissance dune rumeur (que nous analyserons
plus en dtail dans la seconde partie) : ainsi une deuxime caractristique de
la rumeur est qu'elle jaillit des soucis collectifs. L information improvise
telle que formule par Shibutani (1966) vient en rponse ces soucis, et trouve
donc un public attentif. manent des esprits de ce mme public, elle reflte
forcment son anxit, ce qui explique ce que nous verrons par la suite
concernant la prpondrance des rumeurs ngatives. Cela confirme
galement le fait que les consquences de la rumeur peuvent tre facheuses.
La desse Crdulit accompagnant Fama renseigne sur une troisimecaractristique de la rumeur, juge essentielle par Allport et Postman (1947).
Les chercheurs montrent que la rumeur apparat comme substitut lorsque la
vritable information n'est pas disponible. Ainsi la rumeur est une
spculation qui rpond un besoin dinformation et comble une lacune. En
ceci elle se diffrencie des commrages, futiles.
Ces trois caractristiques de la rumeur vont nous permettre
dintroduire diffrentes typologies de la rumeur de manire gnrale, puis en
finance.
1.2 Typologie de la rumeur1.2.1 Faire linventaire des rumeurs
La tche est ardue, pour ne pas dire impossible. Par ailleurs, ce nest
pas lobjet de notre tude, mais intressons nous deux tentatives
particulirement intressantes : celle de Knapp (1944) dont la typologie est
souvent cite comme rfrence classique, et celle de Gritti (1978).
Knapp sintresse aux rumeurs circulant dans la ville de Boston en
1942, en temps de guerre, et en dresse une typologie selon leurs motivations.
Les conclusions sont difiantes : prs des 2/3 sont des rumeurs dagression
( wedge driving rumors ), 1/4 sont des rumeurs danxit (ou bogey
rumors ), 2% sont des rumeurs de dsirs ( pipe dream rumors ). Le reste
correspondant des rumeurs difficilement classifiables. Le constat est ainsi
trs clair : les rumeurs sont trs forte majorit ngatives, pessimistes, et
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celles portant lespoir sont trs rares. Ne gnralisons pas pour autant,
gardons lesprit que lexprience a eu lieu en temps de guerre, ce qui
pourrait expliquer ces rsultats extrmes.
Gritti dresse un inventaire que lui-mme avoue inachev des
rumeurs. Il mne une enqute dans six villes franaises en confiant des
journalistes localiers la tache de rapporter tous les bruits qui courent. La
question clairement pose concerne la possibilit de retrouver des
constances travers le temps et de retracer des figures typiques dans le vrac
des rumeurs anciennes ou modernes . Gritti balaye ainsi diffrents secteurs
dactivit dans lesquels la rumeur intervient : magistrats et policiers,
pdagogues et animateurs de groupe, militaires, informateurs, acteurs
conomiques, animateurs urbains, hommes politiques. Il en dtermine lesstratges, les vecteurs et les victimes, puis en tudie lorigine, le
dveloppement et la fonction sociale avant de se pencher sur les cas prcis de
la rumeur dans la presse et dans la rue. Gritti note que les enqutes urbaines
dbouchent sur un fort dsquilibre en les rumeurs roses , caractre
positif (exaltant ou trange), et les rumeurs noires , menaantes.
Lon retrouve ici une des caractristiques de la rumeur pralablement
cite : le fait que les rumeurs ngatives lemportent en nombre et en intensit
sur les rumeurs positives. En finance nous verrons que cela se traduira par
une prdominance des rumeurs annonciatrices dOffres Publiques dAchat
(OPA) hostiles, de rsultats financiers infrieurs aux prvisions, de scandales
touchant les dirigeants des socits, ou dautres scnarii catastrophes.
1.2.2 La rumeur dans le cadre de lentrepriseLe thme de la rumeur dans le monde de lentreprise est plus proche
de notre sujet quil ne parat a priori. Le primtre des entreprises nest pastanche linformation : en tmoigne lexistence de fuites dinformations
confidentielles. Ainsi linformation circulant dans une entreprise est
susceptible dtre transmise par ses employs lextrieur de cette entreprise,
et par consquent aux marchs financiers. Cette possibilit est encore plus
importante lorsquil ne sagit pas dinformation, mais de rumeur. Nous
verrons en effet que les marchs sont particulirement friands de rumeurs
manent des entreprises, et les mdias sen font facilement lcho.
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Difonzo, Bordia et Rosnow (1994) ont men une tude sur le sujet qui
sert aujourdhui de rfrence dans le domaine. travers plusieurs exemples
de rumeurs dans le monde de lentreprise, les chercheurs ont dress une
typologie des rumeurs dans les organisations. Ils distinguent ainsi les
rumeurs de rotation de personnel ( turnover ), de hirarchie ( pecking-
order ), de qualit ou scurit du travail ( Job-Security or Job-Quality ),
derreurs coteuses ( costly-error ) et dinquitude du consommateur
( consumer concern ). Intressons nous en particulier celles qui semnlent
pouvoir affecter directement ou indirectement les marchs financiers.
Les rumeurs de rotation de personnel et de hierarchie concernent
essentiellement les dparts des cadres dirigeants des entreprises. Celles-ci
inquitent alors la fois le management, les employs, mais aussi parextension les investisseurs inquiets de l'avenir de la compagnie.
Les rumeurs sur la scurit de l'emploi ont des effets encore plus
prononcs car elles concernent l'ensemble des employs. Une rumeur
d'acquisition ou de mauvais rsultats s'accompagne ainsi souvent de rumeurs
de rduction d'effectifs. Anxieux, les employs auront tendance a amplifier les
rumeurs. L'instabilit sociale cre au sein de l'entreprise inquite alors
galement les investisseurs.
Enfin, les rumeurs d'erreurs coteuses intressent directement les
marchs financiers. Les investisseurs parient en effet sur une rpercussion
immdiate et ngative sur la valeur des actions de l'entreprise. Paralllement,
les dirigeants s'inquitent quant aux consquences sur l'image de la
compagnie.
Il s avre que les rumeurs reprsentant un danger au sein mme dune
organisation ont des rpercussions potentielles sur les marchs dans le cas ou
lentreprise en question est cote. Cette constatation nous permettra par lasuite denvisager les mesures prendre en compte pour limiter les effets de la
rumeur sur les marchs financiers partir des recommandations labores
par Difonzo, Bordia et Rosnow concernant les rumeurs dans les organisations.
Lapproche qui consiste tudier la rumeur en finance en se basant sur
les recherches faites dans le monde de lentreprise est intressante, mais
probablement incomplte. Nous verrons ainsi que les rumeurs en finance ne
concernent pas toujours les compagnies.
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1.2.3 Typologie des rumeurs financires en fonction de leur contenuKimmel (2004) dresse une typologie de la rumeur en partant d'une
simple constatation : les rumeurs financires concernant les cotations
boursires ou les fusions acquisitions sont devenues tellement frquentes quede nombreux medias ont t spcialement cres pour reporter
systmatiquement ces rumeurs. Kimmel cite notamment les colonnes
Abreast of the Market et Heard on the street du Wall Street Journal
(nous reviendrons sur cette dernire en troisime partie de notre tude), ainsi
que Inside Wall Street de Business Week. partir de la lecture de ces
colonnes, il dgage alors trois types de rumeurs, selon quelles concernent des
compagnies, des individus, ou un environnement politique et conomique.
Les rumeurs portant sur les compagnies sont le plus souvent cellesrapportant lintention dune compagnie A de lancer une OPA sur une
compagnie B. titre dexemple, citons larticle paru dans Le Nouvel
Observateur1 dbut Mars 2006 lanant une rumeur selon laquelle Citigroup
chercherait lancer une offre sur la Socit Gnrale. La cours de laction de
la banque franaise enregistre une performance de 4% dans la journe (Cf.
Graphique 1) prenant ainsi la tte du CAC40.
Graphique 1 : Cours de laction Socit Gnralesuite la rumeur doffre de Citigroup
Source : Yahoo Finance, http://finance.yahoo.fr
1 Raid amricain sur la banque franaise ? , Le Nouvel Observateur, 9 Mars 2006.
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Kimmel explique que la seconde catgorie de rumeurs financires
concerne les personnalits du monde de l'entreprise dont l'activit peut avoir
des implications sur la stabilit de leurs compagnies ou les marchs financiers
de manire gnrale. Il peut s'agir de rumeurs de dmission d'un dirigeant,
ou de conflit internes une compagnie entre deux cadres haut placs, entre
les actionnaires et le management etc... Le 14 Mai 2005, The Wall Street Journal
lance une rumeur selon laquelle M. H. Greenberg, PDG du groupe
dassurances amricain AIG, pourrait dmissionner1. Ceci serait en rapport
avec linquitude du Conseil d'administration de la firme suite des soucis
avec les instances de rgulation amricaines. La rponse des marchs ne se
fait pas attendre : le titre dAIG chute de 3% Wall Street dans la journe (Cf ;
Graphique 2).Graphique 2 : Cours de laction AIG
suite la rumeur de dpart de son PDG
Source : Google Finance, http://finance.google.com
Enfin le dernier type de rumeurs financires expos par Kimmel
concerne les vnements des mondes conomique et politique. Il semble trs
clair que les rumeurs dans ces domaines peuvent avoir des influences fortes et
diverses sur l'activit des marchs. Citons les rumeurs rcurrentes concernantles politiques montaires des banques centrales, notamment de la Fed.
Chaque rumeur de remonte des taux directeurs, par exemple, se traduit
immdiatement pas une hausse des taux sur le march.
Aprs avoir vu les diffrents types de rumeurs qui peuvent influencer
les marchs financiers, dterminons les phnomnes expliquant la rumeur en
finance. En particulier, on sintresse ici la psychologie des investisseurs.
1 rapport dans AIG : chute en pr-sance sur la rumeur d'une dmission deGreenberg , www.boursier.com, 14 Mars 2005.
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1.3 Psychologie des acteurs, formation des prix et rumeur1.3.1 Efficience des marchs et rationalit des investisseurs
Pour analyser limpact de la rumeur sur les marchs financiers, il semble
tout dabord ncessaire de rappeler limpact de linformation sur la formation
des prix. ce sujet, lHypothse dEfficience des Marchs, une des bases de la
thorie financire moderne, formule par Fama (1970), considre qu chaque
instant donn, les prix refltent entirement toute l'information disponible,
publique (efficience semi-forte) voire prive (efficience forte). La question ds
lors serait de savoir si, dans cette conception, les prix refltent galement la
rumeur.
Une des dductions immdiates de lHEM consiste affirmer que seulesles informations non anticipes ont une influence sur le march, les autres
tant dj intgres dans les cours. Or de fait les marchs sont bousculs par
les rumeurs ce qui nous conduirait conclure que la rumeur, au moment o
elle apparat, est considre comme de linformation non anticipe. Par
ailleurs, la rumeur qui touche les marchs financiers est toujours prsente
comme une information confidentielle manant dune fuite, dune source
interne, dun insider . Et si le march ragit, cest en prvision de la
confirmation de cette nouvelle par les intresss. La rumeur revt ainsi la
forme dune anticipation dinformation, notamment dans le cas o celle-ci se
confirme en dfinitive. LHEM implique alors ce premier paradoxe :
lanticipation dune information incertaine serait apprhende par le march
comme une information non anticipe.
Intressons nous plus en dtail au processus par lequel une
information nouvelle impacte le prix dun actif. Reprenons lexemple cit par
Ferrillo, Dunbar et Tabak (2004) : une information sur une socit A arrive surun march un Lundi. Supposons, en contradiction avec lhypothse
defficience, que ses effets ne soient pas immdiatement incorpors dans le
prix de laction de A. Ceci signifierait que cette information renseigne
galement le march sur des changements futurs du prix de cette action. Le
scnario considr est le suivant : on suppose que linformation du Lundi a
fait passer le prix de laction de 20$ 25$, et que le march estime que le jour
suivant cette mme information fera passer le prix 30$. Dans ce cas, quel
intrt aurait un dtenteur de cette action la vendre 25$ Mardi en sachant
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bien quelle en vaudra 30 le lendemain ? Si en revanche le march estime que
linformation fera retomber le prix 20$ Mercredi, qui lachterait 25$
Mardi ? Ce raisonnement par labsurde montre ainsi que soit linformation est
effectivement intgralement intgre comme suppos par lHEM, soit il existe
sur le march des investisseurs suffisamment irrationnels pour effectuer des
transactions telles que celles cites. En dautres termes, cela montre que la
manire dont linformation nouvelle impacte le march est intimement lie
la rationalit des acteurs sur ce march. Linvestisseur est rationnel quand sa
raction linformation est cohrente avec la valeur de cette information, et a
pour but doptimiser sa satisfaction.
Quen est-il de la cohrence dune raction la rumeur ? Un des points
majeurs de la dfinition de la rumeur est limpossibilit de la vrifier. Cetteimpossibilit implique galement limpossibilit de mesurer la fiabilit de la
source (celle-ci tant par dfinition inconnue) et par consquent impossibilit
de mesurer le risque induit par une raction cette rumeur. Or le concept
mme de la rationalit de linvestisseur repose sur sa capacit mettre en
relation risque et esprance de rendement. En dautres termes, en thorie
classique, la rumeur prsenterait un risque trop important pour quun
investisseur rationnel y ragisse. Et pourtant de fait des acteurs y ragissent,
ceux qualifis par Black (1986) de bruiteurs , ou intervenants du march
qui prennent des positions sur ce quils estiment tre de linformation mais
nen nest pas rellement, commencer par le comportement des autres
investisseurs. Par leur mimtisme, ils contredisent lhypothse
dindpendance des individus suppose par lHEM. Par ailleurs, ce
phnomne particulier est un des amplificateurs des effets de la rumeur sur
les marchs financiers : il suffit que des acteurs ragissent la rumeur, pour
que dautres acteurs ragissent leur raction. Nous retrouverons dailleurscet effet boule-de-neige dans la transmission de la rumeur elle-mme
aborde plus tard.
1.3.2 Les apports de la Finance ComportementaleFaces aux limites imposes par le cadre de la finance classique
dveloppes ci-dessus, nous allons envisager la rumeur dans un cadre
thorique qui sest justement tabli en opposition aux trois principes de base
de la thorie financire classique, cest--dire : lHEM, lhypothse dabsence
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dopportunit darbitrage, et la maximisation de lesprance dutilit1. Lide
sous-jacente la Finance Comportementale est la suivante : la psychologie des
investisseurs influe sur les cours des actifs financiers. Ceux-ci ne sont pas
totalement rationnels, car soumis a des motions et biais.
Sans entrer dans le dtail du dveloppement de la Finance
Comportementale, notons que celle-ci sest dveloppe en rponse la
constatation danomalies rcurrentes, corrobor par des tudes empiriques
contredisant les hypothses de la finance classique, notamment lHEM. Les
premires anomalies manent de constatations de comportements influencs
par des cycles : le January effect (hausse gnrale des cours des marchs
pendant le mois de janvier) ou weekend effect (tendance des cours
douverture du Lundi tre infrieurs ceux de clture du Vendredi). Uneautre de ces anomalies par exemple est lexistence de portefeuilles qui ont sur
du long terme et en permanence sur perform le march (chose impossible au
vu de lHEM), le plus clbre tant celui gr par le lgendaire Warren Buffet.
Certains krachs boursiers comme celui de 1987 o le Down Jones perdu 20%
de sa valeur en une journe sont tout a fait inexplicables dans une optique de
lHEM. Plus rcemment, lclatement de la bulle spculative en 2000 a aussi
remis en cause le cadre de lHEM. La Finance Comportementale a dailleurs
t reconnue officiellement en tant que telle en 2002 lorsque le prix Nobel
dEconomie a t dcern Daniel Kahneman et Vernon L. Smith pour leur
travaux en Economie respectivement Comportementale et Exprimentale :
Kahneman pour avoir introduit en sciences conomiques des acquis de la
recherche en psychologie, en particulier concernant les jugements et les
dcisions en incertitude 1; et Smith pour avoir fait de l'exprience en
laboratoire un instrument d'analyse conomique empirique, en particulier
dans l'tude de diffrentes structures de march 2
.En Finance Comportementale, les anomalies de la thorie classique
nen sont plus, et des comportements tels que ceux qui sont induits par
exemple par la rumeur sont tout fait envisageables. Ils sont notamment
imputables lirrationalit, ou rationalit limite des acteurs sur le march.
Shefrin (2002) distingue deux types de comportements irrationnels communs :
1 Broihanne, Merli et Roger (2004).2
The Nobel Memorial Prize in Economics 2002. Press Release from the RoyalSwedish Academy of Sciences , Scandinavian Journal of Economics, 105 (2), p. 155156,2003.
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les jugements bass sur des strotypes, et la tendance privilgier la forme
sur le fond. Concernant les strotypes, le plus intressant dans le cadre de
notre tude sur la rumeur est celui qui consiste croire que plus on traite sur
le march, plus leve sera la rentabilit. Une tude statistique conduite par
Barber et Odean (2000) sur prs de 66 500 mnages intervenant via des
brokers sur le march entre 1991 et 1996 rvle pourtant que ceux qui traitent
le plus1 obtiennent une rentabilit annuelle moyenne de 11,4%, contre 17,9%
pour le march et 16,4% pour lensemble des mnages. Les chercheurs
expliquent en grande partie cette contre-performance par une surconfiance
des investisseurs les plus actifs. Odean (1998a) note ainsi que les stratgies
actives d'investissement sous performent les stratgies passives : les
investisseurs surconfiants ont tendance surestimer la valeur de l'informationprive dont ils disposent (ou pensent disposer), traiter encore plus
activement, et par consquent obtenir des rendements infrieurs la
moyenne. La moindre rumeur serait ainsi considre par ces derniers comme
information prive, donc une bonne raison de prendre de nouvelles positions
pour ne pas passer a cot de lopportunit de gains sous-jacente. Ce
comportement est aggrav par une tendance des acteurs chercher des
preuves confirmant leurs croyances en cartant celles qui les contredisent2. Un
investisseur qui prend une position sur une rumeur risque ainsi de la garder
voire de la multiplier tant que la rumeur nest pas infirme. Il sengage ainsi
dans un cycle vicieux et destructeur de valeur, entranant avec lui par effet de
mimtisme dj voqu dautres investisseurs puis lensemble du march.
Notons que Shefrin insiste sur le fait que lirrationalit nest pas le propre des
investisseurs individuels, mais tout aussi prsente chez les institutionnels.
En ce qui concerne le second type de comportement irrationnel,
rappelons que dans la thorie financire classique, les acteurs prennent desdcisions dinvestissement au regard du couple risque rentabilit quils
peuvent dgager de linformation leur disposition. Selon Shefrin, les
investisseurs sont galement trs influencs par la forme de cette information,
au point den ngliger parfois le contenu. Nous pouvons ainsi supposer que la
rumeur, car souvent prsente comme information prive, confidentielle, peut
1 i.e. qui effectuent plus de 48 oprations par an, ou qui dtiennent nimporte quel
moment plus de 100.000$ en actions, ce qui est le cas de prs de 40% des mnagesconsidrs.2 Bowen Jr. J. J. (2006)
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sembler tentante. Les investisseurs y ragissent ainsi en omettant de vrifier
son bien-fond.
1.3.3 Heuristiques, biais et rumeurLes thories financire et conomique classiques supposent que lors de
la prise de dcision dans un environnement incertain, un acteur rationnel se
rfre au lois de probabilit. partir de leurs recherches en psychologie,
Amos Tversky et Daniel Kahneman (1974) ont tabli la thorie suivante : des
individus confronts des choix complexes ont recours un petit nombre de
raccourcis de raisonnement, ou heuristiques. L'objectif tant de rduire les
taches complexes d'valuation des probabilits et de prdiction des valeurs,
de simples oprations . Leurs dcisions sont alors guides par des rglesintuitives dont lutilisation conduit des erreurs systmatiques, ou biais.
Rabin (2003) note que cette approche est particulirement intressante
et novatrice sur deux aspects essentiels. Dune part, elle ne renseigne pas
simplement sur le fait que les individus ne sont pas rationnels, mais sur la
manire dont les jugements dvient des modles thoriques. Par ailleurs, les
individus sont prsents comme certes non rationnels, mais intelligents dans
leur prise de dcision. Limplication dans notre tude de la rumeur est
importante : la raction une rumeur nest pas une erreur grave qui serait
due une incomptence de linvestisseur, mais le rsultat dun jugement
naturellement biais. Intressons nous alors aux heuristiques et biais qui
interviennent dans le phnomne de raction la rumeur en finance. Notons
que les chercheurs distinguent les biais de cognition (lis la mmoire des
individus et leur comprhension des situations) et les biais motionnels (ou
passions). La rumeur semble se nourrir de ces deux types de biais.
Lheuristique la plus classique est celle de reprsentativit. Elleconcerne la probabilit quun phnomne A induise un phnomne B. Plus B
sera reprsentatif de A, plus les individus associeront une probabilit leve
au lien entre A et B. Dans des rumeurs du type : la compagnie X a publi des
rsultats bien en de des prvisions des analystes financiers, et la rumeur
court sur ceux de la compagnie Y qui seraient tout aussi dcevants. Si le
march est convaincu que lactivit de Y est proche de celle de X, les acteurs
auront tendance accorder cette rumeur plus de crdit quelle nen mrite
rellement. L'heuristique de reprsentativit est par ailleurs associe un
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biais cognitif d'insensibilit aux frquences. L'exemple le plus souvent cit
ce sujet est celui des maladies rares : si un test mdical est toujours positif
pour les personnes porteuses d'une maladie rare, et occasionnellement pour
des patients sains, les individus tendent exagrer la probabilit d'tre
malade en cas de rsultat positif. Dans le domaine de la rumeur, les acteurs
auront tendance exagrer la probabilit que la rumeur se rvle vrifie, si
quelques conditions juges propices sa ralisation sont runies.
Lheuristique dancrage dsigne le fait que les individus ont un point
de rfrence, quils ajustent pour prendre leur dcision. Celui-ci induit un
biais cognitif dajustement, dsignant le fait que cet ajustement est
systmatiquement trop faible . Ainsi, lors de lapparition dune rumeur, les
acteurs peuvent parier sur sa ralisation (sa non ralisation) et prendre leurspositions. Au fur et mesure quarrivent de nouvelles informations, ils
ajustent leur position, mais trop faiblement (sous-raction). Une fois que
laccumulation dinformations infirme (confirme) sa ralisation, ils ajusteront
cette fois ci trop fortement et brusquement leur position (sur-raction). En
dcoulent des mouvements brusques et comportements chaotiques sur le
march.
Lheuristique de disponibilit dsigne le fait que les individus valuent
la probabilit dun vnement en fonction de la facilit avec laquelle ils
peuvent se rfrer des exemples similaires, biais cognitif l encore. Une
rumeur sera ainsi susceptible dtre prise plus au srieux si elle rappelle des
phnomnes qui se sont passs sur le march et que les investisseurs ont
facilement lesprit.
De nombreux biais motionnels dcoulent de ces heuristiques. Un des
plus intressants pour comprendre ltendue des pertes sur le march est la
thorie de laversion la perte, ou thorie de la perspective selon laquelle lesindividus valuent diffremment les pertes et les gains. Formulons
simplement une de ses consquences immdiates : les individus tendent
considrer la possibilit de recouper une perte comme plus intressante qu'un
gain quivalent. Une tude mene par Odean (1998b) sur 10 000 comptes
rvle que les dnouements de positions dficitaires sont bien moins
frquents que les dnouements de positions bnficiaires. Ce rsultat
confirme l effet de disposition, formul par Shefrin et Statman (1985), selon
lequel les investisseurs tendent garder des positions perdantes trop
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longtemps, et dnouer des gains trop tt. Les consquences dans le cadre de
la rumeur sont trs difiantes : non seulement, comme voqu prcdemment,
les investisseurs surconfiants pariant sur la rumeur vont tenir leurs positions
et ne ragir que trs lentement, mais quand bien mme la rumeur est
dfinitivement confirme ou infirme ils auront des rticences dnouer la
position lorsque celle-ci est une perte.
Jusque-l, nous ne nous sommes intresss quaux biais individuels.
Mais le champ des biais collectifs est tout aussi tendu. Nous ne nous
tendrons pas sur ce sujet ici car il sera abord plus en dtail par la suite dans
les mcanismes de transmission de la rumeur. Intressons nous nanmoins
leffet de mimtisme dj voqu. Il sagit dun biais cognitif collectif par
lequel les individus sont tents de suivre la tendance des marchs (vendrelorsque le march est vendeur et vice-versa), et ainsi la renforcer. Cet effet
est accentu par un biais motionnel de groupe qui sen rapproche beaucoup :
le herd instinct ou instinct de troupeau, qui pousse les individus suivre
la masse. Sans analyser les thories de transmission de linformation qui en
dcoulent, nous pouvons voir comment ce biais influe sur la propagation des
rumeurs et laggravation de leurs effets sur les marchs financiers.
Grce a la dfinition de la rumeur, ltude de ses caractristiques, et
son encrage dans la psychologie des acteurs financiers, nous allons tenter
maintenant danalyser ses composantes et mcanismes.
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2 Composantes et mcanismes de la rumeurEtant donn les diffrentes formes que la rumeur peut prendre tant dans
les marchs financiers que dans dautres domaines, il serait logique dendduire que les sources de la rumeur sont au moins aussi diverses et varies.
Il est ainsi difficile dessayer de comprendre pourquoi la rumeur nat dans un
premier temps, pourquoi et comment elle se transmet dun individu lautre
dans un deuxime temps. Toutefois, de nombreuses tudes se sont penches
sur cette question et il en ressort globalement quil est difficile dtablir une
nette sparation et distinction entre naissance et transmission concernant
leurs causalits.
2.1 Naissance de la rumeurSelon Bordia et DiFonzo (2002), Prasad est lun des tous premiers avoir
tudi le phnomne de naissance de la rumeur en 1935. Il tablit, travers sa
thorie, quatre lments explicatifs de base quant la naissance dune rumeur
qui vont tre repris par la suite des diffrences et variantes prs, par les
divers thoriciens: langoisse, lincertitude, limportance et la croyance.
2.1.1 Lincertitude et langoisseIl apparat travers les diffrentes tudes que la naissance de la
rumeur est habituellement une tentative de remplir le vide cr par l'absence
ou le manque d'information dans des situations peu claires. Une rumeur nat
de lincertitude, elle est une alternative en l'absence d'information vrifiable.
Cest ainsi que Allport et Postman (1947) ont tablit travers leur recherche
que plus une situation est claire pour un individu, plus il a de linformation et
moins il a recours des substituts tel que la rumeur. En dautres termes,lambigut qui plane autour dun sujet est un lment ncessaire la cration
de la rumeur.
Hormis lambigut contextuelle, un autre lment explicatif est
langoisse. Comme on la vu plus haut, Fama est entoure dans son palais de
la Crainte et de la Sdition. Celles-ci sont propices la naissance de la rumeur
en ce sens quelles crent un contexte de trouble, de crise et donc
dincertitude. Il nest pas anodin en effet que le travail dAllport et Postman
(1947) ait t men pendant la Seconde Guerre Mondiale, en temps de crise et
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de conflit international. Ils se sont penchs sur le cas des colporteurs de
rumeurs pendant la guerre, quils appellent rumormongers , et ont tablit
que langoisse suscite par un environnement ou un contexte instable et
incontrlable, favorise le dveloppement des rumeurs. Prasad (1935) avait
dj voqu cet aspect en notant que la naissance et la transmission de la
rumeur taient directement lies au niveau dangoisse constat : les rumeurs
samplifiant aux pics dangoisse et diminuant lorsque celle-ci disparaissait.
Pour tablir un lien avec le monde des affaires, on peut facilement se
rfrer aux exemples de rumeurs diffamantes qui ont circul au sujet de
certaines entreprises, et le rle que joue langoisse dans le dveloppement de
ces rumeurs. En effet, un certain nombre de rumeurs concerne directement les
craintes que peuvent avoir les consommateurs vis--vis des produits qui leursont proposs par les firmes. Kapferer (1989) analyse lexemple clbre de la
rumeur du tract de Villejuif qui a svit dabord en France partir de 1976
puis dans toute lEurope pendant plus de dix ans. Ce tract consistait faire
passer des conservateurs alimentaires, dont le E330, qui nest autre quun
acide citrique, pour des produits cancrignes. Il invitait ensuite boycotter
une dizaine de produits qui en contenaient (Coca-cola, Schweppes, Martini,
moutarde Amora). Lun des thmes essentiels sur lesquels cette rumeur a
jou et qui explique en partie son grand succs est le thme de la peur en
matire de scurit alimentaire. Dautre part, Kapferer montre que ce succs
est galement d lambigut produite par lencodage excessif des additifs
alimentaires dans le tract. En effet, trs peu de personnes ont une ide claire
de ce que les codes inscrits sur les emballages comme E330, E100, E267
veulent dire ; et supposer mme quon leur dtaille le nom chimique
complet de chaque additif, ils ne sauraient toujours pas dterminer son utilit
et encore moins tablir sa toxicit ou non-toxicit. Par ailleurs, cette tudeillustre galement, en dehors de lincertitude et langoisse, deux autres points
essentiels qui contribuent la naissance et la transmission des rumeurs :
limportance du sujet de la rumeur aux yeux des divers acteurs de cette
rumeur et le rle de la croyance.
2.1.2 Limportance et la croyanceReprenons donc lexemple du tract de Villejuif ; ltude de Kapferer
montre que la rumeur a connu le plus de succs auprs des individus qui se
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sentaient le plus concerns par son sujet : en loccurrence, les mres de famille
ayant des enfants en ge, susceptibles dtre affects par le type de produits
dnoncs par le tract. En dautres termes, pour que la rumeur naisse et
circule, il faut que son thme ait de limportance pour celui qui la transmet
comme pour celui qui la reoit. Une rumeur qui gnre une forte implication
personnelle de la part dun individu a plus de chances dtre transmise par
lui, contribuant ainsi sa propagation (Kimmel, 2004).
On peut galement noter que la corrlation entre rumeur et importance
est double sens. La rumeur circule parce quelle nourrit un sujet qui a de
limportance aux yeux de ses interlocuteurs et les sujets importants ou
dactualit appellent et nourrissent les rumeurs les plus varies. Lexemple du
11 Septembre est en ce sens difiant. Limportance de lvnement tait tellequil a suscit toutes les rumeurs possibles et imaginables : de lhistoire des
3000 juifs du World Trade Center qui ne staient pas rendus leur travail ce
jour l lhistoire du pompier volant qui survit une chute de 80 tages en
surfant sur les dbris !
Ainsi, dans leur analyse, Allport et Postman (1947) ont dgag ce quils
ont surnomm basic law of Rumor qui modlise la rumeur comme tant
une fonction de lincertitude (ou ambigut) et de limportance (du contenu de
la rumeur) comme ceci :
R = i * a
o R : lactivit de la rumeuri : limportancea : lambigut / incertitude
Cest une formule qui identifie assez bien ce qui sera considr par la suite,
travers les diffrentes tudes sur la rumeur en finance, comme tant les deux
principales variables explicatives de la naissance et vie dune rumeur.
Pour illustrer cela, un bref regard sur les marchs financiers, nous
permet de voir que lincertitude est une des variables principales rencontres
par un investisseur. Les marchs financiers ont en effet connu une
prolifration exponentielle des donnes en circulation grce au
dveloppement fulgurant des technologies de linformation (Internet, Reuters,
Bloomberg). Linformation sest ainsi noye parmi tant dautres, elle est
devenue difficilement identifiable, comprhensible et surtout valuable. Dans
ce contexte dambigut, lincertitude qui caractrise dj par dfinition les
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marchs financiers (gains futurs incertains, marchs en mouvement
perptuel) ne cesse daugmenter et dattiser la peur, langoisse des
investisseurs face ce qui devient de plus en plus incontrlable, imprvisible.
Ds lors, un sujet particulier (un titre, une fusion acquisition) qui intresse
tout particulirement un acteur sur le march, acquiert une tout autre
dimension : son importance est amplifie par cet tat dambigut, le manque
de contrle est palpable, langoisse monte crescendo et la rumeur trouve
son nid l o linformation claire na pas su rpondre prsente.
Enfin, une dernire variable qui a toute son importance du fait de la
polmique quelle suscite et qui est considre gnralement pour
lexplication du processus de transmission de la rumeur est la croyance.
Rosnow (1994) dfinit la rumeur comme une information invrifie,gnralement dintrt local, destine en premier lieu la croyance . Selon
lui, pour quune rumeur puisse vivre il faut que des gens puissent y croire,
sans cela, elle ne connatra jamais le jour. Par ailleurs, la croyance dun
individu est fonction de sa crdulit dune part et de son degr desprit
critique de lautre et la crdibilit de la rumeur en soi. Cela tant, des rumeurs
qui sont trs loin dtre crdibles ont pu tout de mme exister. De plus une
question nous interpelle ce propos : la croyance, tout comme langoisse,
lorsquil sagit purement de transmission de la rumeur, ne peuvent-ils pas
tre des phnomnes de groupe, donc des phnomnes sociologiques, plutt
quun tat psychologique individuel isol ? Nous allons donc nous intresser
de plus prs aux phnomnes de transmission de la rumeur afin de mieux
comprendre en quoi lindividu ou le groupe jouent un rle dans la circulation
de la rumeur.
2.2 Transmission de la rumeurComme nous venons de le voir, il est trs difficile de sparer naissance et
transmission lorsquil sagit didentifier les facteurs explicatifs. Il semble que
ce qui fait quune rumeur nat, pousse par la suite ce quelle soit transmise
dune personne lautre. Le point de dpart de la transmission, cest--dire la
source, reste quant elle la grande inconnue dans ltude du phnomne.
Ltude de la naissance de la rumeur est rendue de ce fait trs difficile, donc
peu tudie et la majeure partie des travaux sintresse aux modes et
processus de transmission.
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Deux approches semblent se profiler quant la transmission de la
rumeur : une approche psychologique centre sur lindividu et sa propre
ractivit par rapport la rumeur, une approche sociologique centre sur les
phnomnes de groupe et de foule.
2.2.1 Lindividu : approche psychologiqueLexprience dAllport et Postman (1947) est une simulation en
laboratoire du processus de transmission dun message. Un premier individu
doit observer une image figurant une scne de la vie courante et ensuite la
dcrire une deuxime personne qui la dcrit une autre par un processus en
chane. Limage de dpart tant ambigu (elle ne correspondait pas aux
habitudes sociales des individus slectionns pour lexprience), Allport etPostman ont constat une nette altration du message au fur et mesure de sa
transmission. Cest ainsi quils ont tablit trois niveaux dans la transmission
de la rumeur :
- la rduction ( leveling ) consiste liminer le superflu (bruits, dtails) qui
entoure la rumeur, le message devenant ainsi de plus en plus clair et concis au
fur et mesure quil est transmis dune personne lautre ;
- laccentuation ( sharpening ) est le fait quun individu retienne des mots
et ou les ides essentielles ses yeux lors de la transmission ;
- enfin lassimilation ( assimilation ) est le rsultat de lintroduction par cet
individu, de ses propres expectatives et interprtations avant de faire passer
le message.
Toutefois, cette approche considre que lindividu va transmettre
dune manire ou dune autre la rumeur dans tous les cas et que son
interaction avec elle rside uniquement dans le fait de la remodeler sa
manire. Or, ce nest pas toujours le cas : tout dpend de la disposition delindividu qui la reoit. Une tude de Buckner (1965) sur la transmission de la
rumeur prsente cette analyse comme un cas particulier dune typologie des
attitudes de transmission quun individu peut adopter face la rumeur.
Buckner tablit trois types dattitudes : une attitude critique, une attitude
acritique et une attitude de transmission.
Lindividu peut avoir une attitude critique ( critical set ) lorsque le
sujet de la rumeur touche de prs ou de loin son primtre de connaissance
de par son exprience passe, des informations prcises ou un contact direct
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avec le sujet. partir de l, il choisira de transmettre ou non une partie ou la
totalit de la rumeur en fonction de ce qui lui semble concorder avec ses
connaissances. Sur les marchs financiers, linvestisseur qui adopterait
typiquement cette attitude face une rumeur dacquisition par exemple, est
un investisseur qui serait soit directement inform du fait de sa contigut
avec lune des entreprises concerne par la rumeur, soit du fait de ses propres
connaissances ou expriences leur sujet.
Lindividu va adopter une attitude acritique ( uncritical set ) lorsquil
na pas dlments en main lui permettant dvaluer la vracit et la
crdibilit de la rumeur ou lorsque celle-ci satisfait un besoin quil a dy croire
du fait de son importance, sa concordance avec ses esprances ou lurgence de
la situation. Dans ce cas, lindividu va spculer sur le sens de la rumeur afinde ladapter ses propres besoins psychologiques. Cest souvent le cas pour
la majorit des acteurs sur le march, linformation y tant difficilement
vrifiable, la vlocit et la haute sensibilit des marchs obligent les
investisseurs ragir aux rumeurs dans lurgence en prenant une position qui
consiste simplement parier sur la vracit ou non de la rumeur.
Enfin lindividu a une attitude de transmission ( transmission set )
lorsquil naccorde pas dimportance au sujet de la rumeur et quil ne se
soucie que de la transmettre. Cest ici que son attitude de transmission rejoint
lanalyse dAllport et Postman. Lindividu va alors oprer sur cette rumeur
une srie de transformations : rductions pour liminer les nuisances (dtails,
parties qui lui semblent obscures) et accentuations afin de ne retenir que
lide essentielle (ne pouvant pas se souvenir de lintgralit). Enfin il va
lassimiler en la reformulant sa manire.
Pour rsumer, la transmission de la rumeur dpend de la crdibilit de
la rumeur mais surtout du degr de crdulit et desprit critique du relais.Cela tant, dautres facteurs rentrent en jeu : la fiabilit de la source ou
transmetteur si celle-ci est connue du rcepteur et la rptition tendent
encourager la transmission de la rumeur. Kimmel (2004) note ainsi que la
rptition a pour effet de renforcer la croyance. Un individu qui entendrait
une rumeur plus dune fois et qui na pas la possibilit dadopter une attitude
critique, aura tendance lui accorder encore plus de crdibilit.
Dautre part, on peut reprocher aux travaux dAllport et Postman le
fait mme quils aient t mens en laboratoire, de manire dconnecte de la
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ralit, en se basant de surcrot sur un modle testant plus la mmoire que la
transmission de la rumeur en soi. Ils considrent en effet la rumeur comme
nimporte quel autre message, qui est vrai au dpart et qui subit diverses
distorsions pour tre faux larrive, omettant ainsi laspect sociologique
de la rumeur. Cest dans ce sens que Peterson et Gist (1951) ont conduit leur
tude terrain afin de vrifier les rsultats empiriques dAllport et Postman.
2.2.2 Le groupe : approche sociologiquePeterson et Gist se sont penchs sur le cas rel de rumeurs qui ont
circul aux Etats-Unis concernant le double crime de viol et de meurtre dune
baby-sitter dans un petit village. En labsence de preuves et du fait de
lincapacit des autorits locales livrer lopinion publique un coupable,les rumeurs allrent vau-leau, accusant lemployeur dhomicide et la police
de complicit. En analysant les 71 rumeurs (sans compter les variantes) quils
ont pu rassembler sur le terrain, Peterson et Gist ont dgag un certain
nombre de caractristiques concernant la transmission de la rumeur :
- la similitude entre les rumeurs releves, quelques des dtails prs : la
trame principale est toujours la mme avec quelques variantes.
- la multiplication de ces dtails (qui se superposent au fur et mesure que
de nouvelles ides surgissent lors de la transmission) quils appellent effet
boule-de-neige . Buckner (1965) souligne dailleurs que cet effet est en
contradiction avec le phnomne de rduction constat par Allport et
Postman.
- labsence dinformation claire concernant lvnement a conduit le public
une sorte de chasse aux rumeurs. Buckner cite, toujours ce sujet, un tmoin
de lvnement : les gens allaient "faire des emplettes" aux rumeurs et les
ngociaient dans les bars et dans dautres lieux publics de runion. Certainsallaient de table en table dans les bars, donnant et recevant les dernires
rumeurs .
Peterson et Gist concluent au fait que les rumeurs apparaissent et se
transmettent par la formation dun public (groupe dindividus) qui se
constitue une opinion concernant un sujet dintrt commun (do public
opinion ) au fur et mesure dajustements mutuels lors de phases de
communication intense, dchanges et de discussions. Cest par ailleurs cette
phase qui permet aux dtails de se multiplier, chaque individu apportant sa
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2.3 La manipulation de la rumeur et ses limites2.3.1 Manipulation
La rumeur est, rappelons le, cette information non vrifie et dont la
source nest pas identifie. Nous avons vu que bien souvent pourtant, les
acteurs sur le march y ragissent comme si ctait de linformation. Un acteur
malintentionn poursuivant un but bien prcis peut ainsi lancer une rumeur
dont les effets lui seront avantageux. Lon peut tout fait envisager lexemple
dun investisseur qui prend une position courte sur une action, lance une
rumeur ngative sur la socit mettrice, attend la chute du cours, puis
dnoue sa position en empochant la plus value. Le seul point qui semble
dlicat dans cette hypothse concerne la facult de cet acteur lancer larumeur.
Il existe dans le domaine du marketing de nombreuses analyses
concernant la manipulation de la rumeur. Celle de Donavan, Mowen et
Chakraborty (1999) est particulirement difiante. L'tude s'intresse aux
facteurs qui influencent la diffusion d'informations ngatives via le bouche--
oreille. L'exprience conduite par les chercheurs a consist prendre une
lgende urbaine et en manipuler 3 aspects : l'intention du caractre central
(bonne ou mauvaise), le dnouement de l'histoire (heureux ou malheureux) et
la prsence ou nom d'un nom de marque. Les rsultats ont prouv que les
individus ont tendance a faire beaucoup plus circuler les rumeurs ngatives,
et plus encore si elles concernent des noms de socits connus. Ce qui nous
semble le plus intressant dans cet tude, au del de cette conclusion, est le
fait quelle montre que lont peut volontairement faire courir une rumeur
pour manipuler un march. Et cette manipulation est dautant plus efficace
que la rumeur est ngative, et touche des socits connues.Ces conclusions sont bien en adquation avec notre tude de la
rumeur. Sa manipulation est facilite car la rumeur elle mme repose sur des
biais psychologiques. Par ailleurs, en raison des phnomnes de mimtismes
dj voqus, il savre que les foules sont plus facilement influenables que
les individus. Tout sopre comme si le premier individu manipul participait
lui-mme la manipulation dautres individus et ainsi de suite, jusqu
manipuler tout le march.
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La manipulation est dautant plus efficace quand la rumeur est relaye
ensuite par les mdias spcialiss puis gnralistes. Il arrive mme que celle-ci
soit reprise et commente par des experts. Or un des biais dnonc par la
finance comportementale concerne la tendance des investisseurs donner
trop de crdits aux analyses et suppositions des analystes clbres.
A ce sujet, l'exemple de la rumeur d'OPA de Pepsi sur Danone en
Juillet 2005 est particulirement intressant. Lemaire (2005) en fait une
critique trs dtaille, et note que cette rumeur rapporte pour la premire
fois (lance ?) par le magasine conomique Challenges est trs bnfique la
fois au Groupe Danone (hausse du cours de 28%), et son dirigeant dont
limage ntait jusque l pas trs bonne. Laffaire implique les politiques, fait
couler beaucoup dencre au point que mme le prsident de la Rpubliquelvoque dans son intervention tlvise du 14 Juillet en citant les risques de
prise de contrle dentreprises franaises par des capitaux trangers . Puis on
sinterroge sur la source de la rumeur mais celle-ci est tenue secrte. Jusquau
jour ou lInternational Herald Tribune rvle que la sur du PDG de Danone
est rdactrice Challenges. Une association de consommateur dpose plainte
auprs de lAMF pour manipulation de cours . La rumeur enfin est
publiquement dmentie par PepsiCo interrog par lAMF.
La manipulation de la rumeur, car aise, fait donc courir de grands
risques sur les marchs financiers. La seule limite cette manipulation semble
provenir, comme le montre lexemple prcdent, de la rglementation.
2.3.2 RglementationEn France, lAutorit des Marchs Financiers (AMF) est lorganisme
rgisseur des marchs. Il est n de la fusion de la Commission des Oprations
de Bourse (COB), du Conseil des Marchs Financiers (CMF) et du Conseil deDiscipline de la Gestion Financire (CDGF). Il est public, indpendant et lune
de ses principales responsabilits est de [rglementer] et [contrler]
l'ensemble des oprations financires portant sur des socits cotes [] [et
de vrifier] que les socits publient, en temps et en heure, une information
complte et de qualit, dlivre de manire quitable l'ensemble des
acteurs 1.
1 Source : www.cob.fr
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En ce qui concerne la rglementation vis--vis de la rumeur sur les
marchs financiers, le rglement COB n 98-07, relatif l'obligation
d'information du public est clair. LArticle 2 prcise en effet: Linformation
donne au public doit tre exacte, prcise et sincre . Une rumeur tant
dfinie comme une information invrifie ou une affirmation gnrale
prsente comme vraie, sans quil existe de donnes concrtes permettant de
vrifier son exactitude 1, elle ne peut tre ni exacte, ni sincre. LArticle 3 du
mme rglement, vient complter larticle prcdant en introduisant la notion
de bonne information qui peut tre directement oppose la rumeur :
Constitue, pour toute personne, une atteinte la bonne information du public
la communication d'une information inexacte, imprcise ou trompeuse.
Constitue galement une atteinte la bonne information du public sadiffusion faite sciemment. Ainsi, ces deux articles mettent clairement une
limite lutilisation rglementaire des rumeurs sur les marchs financiers.
Toutefois, dans la pratique, il est difficile darrter la rumeur, tant donn que
la source de linformation inexacte, imprcise ou trompeuse nest pas
connue par dfinition. Qui punir dans ce cas l ? Peut-on parler dune
atteinte la bonne information due une personne ? En labsence de
punition, une loi ne perd- elle pas son pouvoir dissuasif ?
Une manire de rgler le problme est de considrer la chose sous un
angle diffrent : la rumeur sur les marchs financiers concernant
gnralement des entreprises (des faits ou des personnes lis celle-ci), il est
plus simple de contrler les sujets de la rumeur. Reprenons lexemple de
communiqu de lAMF au sujet de la rumeur dOPA de Pepsico sur Danone.
LAMF fait le point sur les rumeurs dOPA concernant DANONE
Par application de larticle L. 621-18 du code montaire et financier, qui dispose que
lAutorit des marchs financiers peut porter la connaissance du public les
informations quelle estime ncessaires, lAMF confirme quelle a reu, sa
demande, de PepsiCo, la confirmation que cette entreprise ntait pas, vis--vis de
Danone, dans la situation vise par larticle 222-7 du rglement gnral de lAMF.
LAMF a par ailleurs recommand PepsiCo de veiller au respect de son rglement
gnral en cas dvolution de la situation.
Il est rappel que larticle 222-7 du rglement gnral fait obligation toute personne qui prpare une opration financire susceptible davoir une incidence significative
1 Allport & Postman (1946)
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sur le cours dun instrument financier de porter la connaissance du public lescaractristiques de cette opration .
Source : www.cob.fr
Larticle 222-7 constitue une disposition rpressive face la rumeur en ce
sens que lAMF peut expressment demander aux sujets concerns de
dmentir ou dauthentifier la rumeur afin de mettre fin aux dbats. Cest une
mesure qui joue sur le cycle de vie et de transmission de la rumeur, celle-ci
tant, comme on a pu le constater, incontrlable la naissance.
Ainsi la manipulation de la rumeur fait peser un danger rel sur les
marchs financiers. Et le pouvoir du rgulateur pour lutter contre les
manipulations ou mme les rumeurs semble trs limit.
Il savre ainsi que la rumeur reposant sur des biais psychologiques des
investisseurs nat rapidement. En se basant sur des phnomnes
sociologiques elle se transmet facilement. Elle est de plus facilement
manipulable, et difficilement grable par la rglementation. Si lon ajoute
cela sa dangerosit sur les marchs, nous dressons bien le tableau dun
vritable flau. Il sagit maintenant den tudier la vritable porte. Peut-on
modliser les effets de cette rumeur ? Avec ou sans modlisation, comment
limiter les effets potentiellement dangereux ?
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3 Mesures et limitation des effets de la rumeur enfinance
Nous nous interrogeons sur la possibilit dune mesure des effets de larumeur en finance. Nous verrons ensuite quelles sont les stratgies adopter
pour limiter ces effets.
3.1 Diffrentes approches pour la mesure de la rumeurNous consacrons une premire tape de la mesure des effets de la rumeur
au cas spcifique des rumeurs dacquisitions. Celles-ci sont, comme explicit
prcdemment, parmi les plus frquentes. Lanalyse de leurs effets est assez
particulire.
3.1.1 Le cas des rumeurs dacquisitionLes rumeurs dacquisitions prsentent la particularit dtre facilement
comparables : dans toutes les situations, il y a un acqureur, une cible, un
moment ou apparat la rumeur, et en dfinitive sa confirmation ou
infirmation. Comme par ailleurs elles sont trs frquentes, on peut facilement
trouver un chantillon significatif de rumeurs prsentant des caractristiquescommunes. Ce qui permet de mener des tudes srieuses sur les rumeurs
dacquisitions passes et les rpercussions quelles ont eu sur le march. Nous
nous intresserons trois de ces tudes l qui apportent des conclusions trs
intressantes.
Pound et Zeckhauser (1990) ont ainsi constitu un chantillon de
rumeurs dacquisitions partir de celles publies dans la colonne Heard on
the Street du Wall Street Journal de 1983 1985. Ils ont ensuite examin a
posteriori les effets de ces rumeurs sur les cours des actions, en examinant
lhistorique des cours autour des dates des rumeurs. Une des premires
conclusions laquelle ils sont amens est que le march ragit de manire
efficiente au rumeurs. En dautres termes des stratgies simples qui consistent
acheter ou vendre des actions sur lesquelles porte la rumeur et porter ces
positions pendant un an donnent des rendements moyens qui sont gaux
ceux du march. Quant limpact des rumeurs sur les cours, les chercheurs
notent que les actions sur lesquelles portent les rumeurs connaissent deshausses de cours importantes dans le mois prcdant la publication des
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rumeurs d'acquisition. Alors mme que ces rumeurs ne sont vrifies que
moins d'une fois sur deux. Enfin Pound et Zeckhauser notent que la plupart
des rumeurs d'acquisitions sont galement prcdes par des niveaux levs
de volumes de trading des actions des compagnies sur lesquelles portent les
rumeurs.
Zivney, Bertin et Torabzadeh (1996) ont men une tude similaire qui
nuance ces rsultats. Ils ont fait remarqu quune autre colonne du Wall street
Journal , Abreast of the Market mentionne souvent ces mmes rumeurs
dacquisition avant quelles ne soient publies dans Heard on the Street .
Ce qui limite en fait leffet de surprise des rumeurs publies dans Heard on
the Street . Ils mnent ainsi une tude sur des chantillons constitus des
rumeurs des deux colonnes. Ils trouvent quentre 1985 et 1988, des positionsdachat ou vente maintenus pendant 80 jours donnent des rendements
moyens trs infrieurs (-4%) ceux du march. Quand ces positions sont
maintenues un an, la sous performance est rduite (-1,8%).
Gao et Oler (2004) se sont galement intresss aux activits de trading
qui prcdent les annonces d'acquisitions, mais en largissant le champs de
recherche des rumeurs des bases de donnes plus importantes. Leurs
recherches montrent que des volumes plus importants que la normale
prcdent des mouvements de prix significatifs d' peu prs 7 jours. Ils
confirment ainsi les tudes prcdentes qui dmontrent que le march
surragit aux rumeurs. Par ailleurs pendant la priode de 7 jours, les
oprations inhabituelles d'achat compensent les oprations inhabituelles de
vente : les cours sont donc stabiliss par les effets opposs des deux activits,
mais le volume de trading est trs lev. Ils notent ensuite que lorsque
lacquisition attendue na pas lieu (suffisamment souvent), laction retrouve
son cours davant la rumeur. Ces caractristiques prsentent alors desopportunits darbitrage : la stratgie qui consiste prendre des positions
courtes sur les cibles des rumeurs dgage des rendements positifs, qui restent
intressants mme une fois ajusts par les facteurs risque et cot de
transaction.
Ltude des rumeurs dacquisition est ainsi difiante parce quelle
montre trois choses essentielles : dune part, les marchs rgissent vraiment
la rumeur, en tmoignent les volumes dactivits levs leur apparition.
Mais ces surractions du march dues aux rumeurs naffectent pas
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normment les cours du fait de lquilibre entre les positions courtes et
longues . Pour schmatiser, sur 2 personnes qui rgissent la mme rumeur,
lune vend, lautre achte : le cours nest pas impact. Ceci montre que dune
certaine manire les effets des rumeurs dacquisition sautorgulent. Ce qui
quelque part les rend terme moins dangereuses pour le march et les
investisseurs que dautres types de rumeurs.
Enfin le dernier point important ce sujet concerne les opportunits
darbitrages prsentes : miser sur la rumeur, vendre les actions, puis collecter
les plus values. Cette stratgie est aussi connue sous lexpression buy the
rumour, sell the fact 1.
Indpendamment du cas particulier des rumeurs sur les acquisitions, ilnous a sembl lors de nos recherches quil serait intressant daborder une
modlisation de la rumeur et de ses effets sur les marchs financiers. Il savre
lessentiel du travail de modlisation qui a t ralis ce sujet concerne les
processus de transmission de la rumeur, prsents comme un cas particuliers
des processus dexpansion de linformation. Nous verrons en revanche que
limpact des rumeurs sur les prix de march sont eux trs peu tudis.
3.1.2 Mesure de lexpansion de la rumeurLtude thorique de Pittel (1987) prsente des rsultats sur le nombre
de boucles et le nombre de transmissions requises pour infecter chaque
processus de lexpansion de la rumeur, avec une probabilit leve. Pittel
analyse un modle simplifi, dans lequel la rumeur ne perd jamais d'intrt
lors de sa transmission, cest dire que (1) un individu qui reoit la rumeur la
retransmet invitablement (2) et ce jusqu' ce que toute la population soit
affecte.Soit n le nombre dindividus dune population. Supposons quune seule
personne sur n est au courant dune rumeur et quil la transmet une autre
personne dsigne alatoirement. Supposons aussi que cette personne va
suivre le mme processus de manire indpendante et ainsi de suite.
Soit Sn, le nombre dtapes de transmission ncessaire avant que toute la
population soit informe :
1 galement titre dun ouvrage : Maiello M. (2004), Buy the rumour, Sell the fact,McGraw-Hill Education - Europe.
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Alors Sn / (Log2 n + Log n) tend vers 1 lorsque n tend vers linfini.
i.e Sn = Log2 n + Log n + O(1)
Ce modle est applicable lorsque la rumeur suit un processus
pidmique. Le processus dexpansion de la rumeur est probabiliste par
nature : un relais choisit les interlocuteurs, qui il va transmettre le message,
de manire alatoire. De plus chaque relais transmet seulement un nombre
fixe de messages, indpendant du nombre dinterlocuteurs dans le groupe. Si
ce modle permet de chiffrer lexpansion de la rumeur, il ne nous renseigne
en rien ses effets.
3.1.3 Effets de la rumeur sur la formation des prix :Il semble quil ny ait pas de modlisation mathmatique des effets de la
rumeur sur la formation des prix. Nous dcouvrons en ralit que toute
tentative de modlisation supposerait de prendre des hypothses trop
simplificatrices, en totale opposition avec la complexit et diversit du
phnomne de la rumeur. Cela est d en grande partie l encore au fait
(dvelopp en premire partie de notre tude) que la raction la rumeur est
fortement lie lirrationalit des acteurs sur le march. Pour tudier
lconomie comportementale les chercheurs ont eu recours aux expriences en
laboratoire. De la mme manire, le meilleur moyen dtudier les effets de la
rumeur sur la formation des prix passe par la finance exprimentale.
Nous allons nous intresser dans ce qui suit une tude de Brandouy,
Barneto et Leger (2003). Lexprience mene en laboratoire est consiste en une
simulation de la formation des prix sur le march des actions.
Pour ce faire, ils ont utilis un programme informatique (ESLDA) duLaboratoire exprimental de lUniversit dArizona et ont demand douze
individus volontaires (les traders), tous tudiants en Master Banque et
Finance, aprs formation et instructions au pralable, de passer et dexcuter
des ordres de march en fonction des informations dont ils disposent.
Lexprience qui se droule en 5 sessions, consiste ensuite introduire
des insiders pour dupliquer les asymtries de linformation (notamment la
rumeur) afin de reproduire les conditions de leffet de troupeau ou
mimtisme que lon a voqu plus tt. Lobjectif tant de dmontrer que ce
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mimtisme est en grande partie responsable de la forte volatilit observable
sur les marchs.
Une premire session o les traders ne sont pas mis au courant de
lexistence des deux insiders , aboutit une quasi-efficience du march
quant la formation des prix. Chacun utilise linformation dont il dispose.
Une lgre augmentation de la volatilit rsultant de la spculation des
insiders est tout de mme constate.
Par la suite, lors des sessions 2, 3 et 4, o les insiders ont t
introduits sans que les traders puissent les identifier, des phnomnes de
mimtisme apparaissent et saccentuent, au fur et mesure que lasymtrie
de linformation se fait de plus en plus ressentir. Toutefois, cela nentrane pas
de survaluation des prix.Enfin, lors de la dernire session, les traders ont le droit de
communiquer entre eux. La spculation augmente et aboutit une
inefficience au vu de la formation des prix. Cette session permet aux traders
de parler librement et donc de faire circuler les rumeurs et daccentuer les
asymtries informationnelles.
Ainsi, la circulation de la rumeur sur les marchs financiers a pour effet
daugmenter les asymtries de linformation, poussant les acteurs sur le
march adopter une attitude de mimtisme ( imitative behaviour ) en
copiant les ractions dj observe sur le march, ou une attitude de troupeau
( herd behaviour ) qui conduit gnralement de forts mouvements des
prix (haute volatilit) et des possibles bulles spculatives ou krach. Cette
exprience confirme ainsi les liens entre rumeur et psychologie des acteurs
pralablement tudis.
Limpossibilit de mesurer de manire chiffre les effets de la rumeur
accentue encore le danger impliqu par celle-ci. Si lon ne peut pas valuer lerisque que la rumeur fait encourir au march, la question de limitation de ses
effets devient encore plus cruciale.
3.2 Recommandations pour limiter les effets potentiellementdangereux de la rumeur
Comment limiter les effets dangereux de la rumeur ? Cette question, en
apparence toute simple, cache une ralit bien complexe. Nous proposons nos
propres recommandations pour limiter les effets de la rumeur en finance
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partir de la structure expose par DiFonzo, Bordia et Rosnow (1994) traitant
de la rumeur dans les organisations. Les chercheurs ont rpertori les
attitudes et comportement que doivent adopter les managers pour combattre
la rumeur et ses effets nfastes au sein de leur entreprise. Un tableau
schmatisant leurs recommandations est prsent en Annexe. Notons que
nous nous inspirons de cette typologie, mais dtaillons la mise en uvre de
ces mesures dans le domaine de la finance
DiFonzo, Bordia et Rosnow ont catalogu deux types de mesures : les
actions de prvention et les actions de neutralisation. Cette structure classique
nous semble tout fait approprie ltude des mesures prendre en compte
pour limiter les effets de la rumeur en finance.
3.2.1 La prventionPour limiter les effets de la rumeur en finance, un premire optique
consisterait travailler sur prvention de la rumeur elle-mme. DiFonzo,
Bordia et Rosnow proposent 3 moyens de prvention.
Dans un premier temps, il sagira dempcher autant que possible
lapparition de la rumeur. Nous avons vu lorsque nous avons abord les
caractristiques de la rumeur que celle-ci apparaissait en rponse un besoin
dinformation, ou dans des climats danxit. Ainsi, dans un march financier,
pour empcher lapparition de la rumeur, il semble que cest le rle des
socits cotes de communiquer suffisamment, danticiper les besoins en
information que pourra prouver le march. Par ailleurs en privilgiant une
communication totalement honnte et transparente, les directions financires
parviendront apaiser les ventuelles inquitudes des acteurs du march, et
par consquent limiter lapparition de rumeurs.
Mais on narrivera pas couper court toutes les rumeurs. Quand bienmme les marchs seraient totalement transparent, des phnomnes externes
(conomiques, politiques) ou de cyclicit peuvent entraner une certaine
anxit des investisseurs propice aux dveloppement des rumeurs. Ds lors
ce que lon cherche prvenir, cest les ractions des acteurs du march la
ruemeur. Dans cette perspective, cest aux autorits de rgulation des
marchs quincombe la responsabilit dduquer les intervenants : en
rduisant leur crdulit, en les informant des dangers de la rumeur. DiFonzo,
Bordia et Rosnow prconisent ainsi d encourager le scepticisme propos
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des rumeurs . Les en
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