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ROYAUME DU MAROC

INSTITUT SUPERIEUR DE COMMERCE

ET D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES

LLAA RREESSPPOONNSSAABBIILLIITTEE CCIIVVIILLEE,, PPEENNAALLEE EETT DDIISSCCIIPPLLIINNAAIIRREE

DDUU CCOOMMMMIISSSSAAIIRREE AAUUXX CCOOMMPPTTEESS EETT LLEE

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CCAAUUSSEE

MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L’OBTENTION DU

DIPLÔME NATIONAL D’EXPERT COMPTABLE

PAR

Tarik SBAA

MEMBRES DU JURY

Président : M. Abdelkader MASNAOUI – Expert-Comptable DPLE

Directeur de recherche : M. Aziz EL KHATTABI – Expert-Comptable DPLE

Suffragants : Maître Mohamed AFARKOUS – ProfesseurUniversitaire, Université Hassan II

M. Mohamed BOUMESMAR – Expert-Comptable DPLE

NOVEMBRE 2007

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A ma famille, à tous ceux quim’ont soutenu…

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REMERCIEMENTS

Au terme de ce travail, il m’est agréable d’exprimer mesremerciements envers tous ceux et toutes celles qui ont contribué dequelque manière que ce soit à son aboutissement.

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à monDirecteur de recherche Monsieur Aziz EL KHATTABI. Je leremercie vivement de m’avoir fait confiance, de m’avoir encadré etfait bénéficier de son savoir et son expérience.

J’exprime ma gratitude et tout mon respect à MonsieurMohamed HDID pour son encadrement et ses conseils précieux.

Mes remerciements s’adressent également à l’ensemble desmembres du jury qui ont bien voulu évaluer mon travail.

Je ne saurai terminer sans remercier tous mes collègues d’étudeset de travail pour leurs commentaires pertinents, leurs conseils etaides précieux.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION…………………………………………………………….………………1

PREMIERE PARTIE : LES DIFFERENTS ASPECTS DE LA RESPONSABILITEDU COMMISSAIRE AUX COMPTES

Chapitre 1 : Responsabilité civile et disciplinaire du commissaire aux comptes…………6

Section 1 : La responsabilité civile du commissaire aux comptes………………...………..6

1 – La faute : nécessité d’une faute ou d’une négligence………………….…………...9

1-1 – La faute du commissaire aux comptes………..……..…………...…….…….10

a – Nature des obligations qui pèsent sur le commissaire aux comptes………10

b – Appréciation de la faute par les juges ………………….…...………….…14

1-2 – La faute d’autrui……...……………………………………………………....33

a – Fautes d’experts ou de collaborateurs….………………………………….33

b – Fautes commises par les dirigeants de la société contrôlée…………….…34

c – Fautes commises par les salariés de la société contrôlée……………….…35

2 – Le préjudice……………………………………………………………………….36

3 – Le lien de causalité………………………………………………………………..40

4 – Les causes d’exonération de la responsabilité civile……………………………...42

5 – L’assurance responsabilité civile…………………………………………………45

Section 2 : La responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes………………..46

1 – Les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire…………….……….46

a – Le fondement juridique de la responsabilité disciplinaire………………...46

b – La faute disciplinaire………………………………………………..…….47

c – L’auteur de l’infraction……………………………………………………48

2 – Les sanctions disciplinaires…………………………………………………….…49

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Chapitre 2 : Responsabilité pénale du commissaire aux comptes…………………… ….50

Section 1 : L’application au commissaire aux comptes du droit pénal commun………..50

Section 2 : Le commissaire aux comptes, auteur principal d’une infraction……………51

1 – Les incriminations pénales relatives à l’exercice de sa profession…………...…..52

a – L’atteinte aux monopoles professionnels……………………...………….52

b – L’atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes……...………...53

2 – Les incriminations pénales relatives à l’exercice de la mission…………….…….54

a – La fourniture ou la confirmation d’une information mensongère………...55

b – La fourniture d’une information confidentielle : la violationdu secret professionnel…………………….......………………….………58

Section 3 : Le commissaire aux comptes, complice des délits commispar les dirigeants..................................................................................................62

1 – Les principes du droit commun de la complicité……...……………………………62

2 – L’application au commissaire aux comptes du droit commun de la complicité……63

a – L’élément moral de la complicité…………………………………………63

b – L’élément matériel de la complicité………………………………………64

DEUXIEME PARTIE : LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DUCOMMISSAIRE AUX COMPTES ET COMPORTEMENTA ADOPTER EN CAS DE MISE EN CAUSE

Chapitre 1 : La mise en œuvre des responsabilités : procédure civile,disciplinaire et pénale…………………………………………………………68

Section 1 : De la responsabilité civile………………………………….………….………..68

1 – Les parties à l’action……………………………………..……………….………69

a – Les demandeurs……………………………………………...……………69

b – Les défendeurs…………………………………………………………….70

c – Personnes mises en causes ou appelées en garantie par le défendeur….…71

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2 – Compétence…………………………….…………………………………………72

a – Compétence d’attribution…………………………………………………72

b – Compétence territoriale…………………………………...………………73

3 – Extinction de l’action……………………………………………………………..73

4 – Demande reconventionnelle du commissaire aux comptes……………….………77

Section 2 : De la responsabilité disciplinaire………………………………………………77

1 – L’exercice de l’action disciplinaire devant le conseil régional………………...…78

a – L’instruction des plaintes………………………….………………………78

b – La décision du conseil régional…………………………………………...80

2 – L’exercice de l’action disciplinaire devant le conseil national…………………...80

Section 3 : De la responsabilité pénale………………………………………………….….82

1 – L’action publique…………………………………………………………………83

a – Les parties à l’action publique………………………………….…………83

b – Modalités et moyens de l’action publique………………………….……..84

c – Extinction des poursuites ou les causes d’extinction de l’action publique..85

2 – L’action civile…………………………………………………………………….85

3 – L’enquête préliminaire……………………………………………………………86

4 – L’instruction préparatoire……………………….…………………...……………87

5 – Le jugement et les voies de recours………………………………………………89

Chapitre 2 : Comportement à adopter par le commissaire aux comptes en casde mise en cause et gestion de la crise………………………………………..92

Section 1 : Comportement à adopter par le commissaire aux comptes en casde sa mise en cause……………………………………………………………...92

1 – Les témoignages et auditions………………………………………………..……93

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2 – Les saisies et perquisitions………………………………………………………..95

3 – La garde à vue…………………………………………………………………….97

4 – La mise en examen………………………………………………………………..99

5 – Les mesures d’accompagnement de l’instruction……………………………….100

Section 2 : La gestion de la mise en cause du commissaire aux comptes…………….....102

1 – L’aspect traumatisant pour le commissaire aux comptes de sa mise en cause……102

a – Réagir face à cette épreuve…………………….………………………...103

b – Organiser son assistance et sa défense…………………………………..105

2 – Maîtriser les répercussions au sein et autour du cabinet……………...…………...108

a – Maintenir un climat de solidarité interne………………………………...108

b – Préserver les relations externes du cabinet……………………………....110

CONCLUSION…………………………………………………………………………......112

TABLE DES ANNEXES………..…………………………………………………………114

BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………....……....144

LISTE DES ABREVIATIONS…..……………………………………………..................148

LEXIQUE ARABE-FRANÇAIS………………………………………………………….150

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1

INTRODUCTION

La judiciarisation du comportement des acteurs de la vie économique dans les sociétés

modernes est aujourd’hui une réalité incontournable. En effet, les individus affichent

désormais une propension accrue à rechercher un responsable face à la survenance

d’événements défavorables. Le commissaire aux comptes n’échappe pas à cette règle, la mise

en cause de la responsabilité des professionnels est de plus en plus courante.

La certification des comptes est un art difficile et risqué. En effet, longtemps enfermé dans un

rôle de mandataire des actionnaires, le commissaire aux comptes a vu, au cours des deux

dernières décennies, sa mission considérablement élargie sous l’action d’un législateur de plus

en plus exigent.

D’Enron à Ahold en passant par Parmalat, les récents scandales financiers exposent à la

critique les commissaires aux comptes, ils sont suspectés de ne pas remplir pleinement leur

rôle de contrôle ou d’alerte.

Dans le scandale d’Enron un cabinet d’audit a payé le prix fort : Andersen premier cabinet

mondial d’audit s’est désagrégé en quelques mois, sa responsabilité a été mise en cause et

l’image des commissaires aux comptes fortement dégradée.

C’est ainsi que les commissaires aux comptes sont en première ligne et leur crédibilité a été, à

tort ou à raison, mise à mal, eu égard à leur rôle déterminant quant à la confiance des

investisseurs dans la sincérité des comptes de la société.

Le Maroc n’a pas été épargné et au moins deux commissaires aux comptes ont été inquiétés

par la justice.

Conscientes que tous les commissaires aux comptes, quelle que soit la taille de leur cabinet,

peuvent être confrontés un jour ou l’autre à la mise en cause de leur responsabilité, les

instances de la profession se sont mobilisées pour prévenir les risques de mise en cause de la

responsabilité des commissaires aux comptes. Elles accordent une attention particulière à cet

aspect préoccupant et ne manquent pas d’en faire un sujet d’actualité. Le conseil national et

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2

les deux conseils régionaux de l’Ordre ont mené des conférences et des séminaires pour

débattre de ce thème.

Le risque est d’autant plus accentué par le fait que la solvabilité des cabinets de commissaires

aux comptes pousse certains conseillers juridiques à rechercher l’indemnisation de leurs

clients en puisant dans la responsabilité des commissaires aux comptes.

Il est de plus en plus évident, au Maroc comme ailleurs, que le danger de mise en cause de la

responsabilité est réel et que bien souvent, les professionnels sont démunis face à cette

situation. Par conséquent, l’objectif de cette étude est de proposer une démarche et un

comportement à adopter lorsque le commissaire aux comptes est poursuivi au titre de sa

responsabilité.

C’est ainsi que nous avons voulu à travers ce sujet, donner tous les éléments de réflexion en

exposant les différents cas de responsabilité relatifs à l’exercice de la profession de

commissaire aux comptes afin de lui permettre de gérer au mieux ces types de risques. Cela

va d’une prise de conscience d’une réelle pédagogie de la responsabilité à la préparation de sa

défense en cas de la mise en cause.

Ce mémoire s’articulera autour de deux parties.

La première partie débutera dans un esprit plus général afin de se familiariser avec les notions

des trois types de la responsabilité que peut engager le commissaire aux comptes (civile,

disciplinaire et pénale). Dans l’étude de la responsabilité civile et pénale, l’analyse sera étayée

uniquement de décisions jurisprudentielles en laissant délibérément de côté les questions

purement théoriques sans application concrète. Ce qu’il faut préciser à ce sujet c’est que vu la

rareté des décisions judiciaires à l’encontre des commissaires aux comptes au Maroc, nous

nous sommes basés essentiellement sur la jurisprudence française, abondante dans ce

domaine, en précisant à chaque fois les similitudes entre les deux réglementations et en

écartant les différences.

Les commentaires qui vont suivre concernent la responsabilité des commissaires aux comptes

dans les sociétés par actions. Ils s’appliquent également, sauf exception tenant à la différence

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des institutions, à la responsabilité des commissaires exerçant dans les S.A.R.L., les

groupements d’intérêt économique, les entreprises d’assurances, les personnes morales de

droit privé non commerçantes, les associations...

Après avoir exposé les principales caractéristiques et les particularités des différentes phases

des procédures civile, disciplinaire et pénale, la deuxième partie préconise au commissaire

aux comptes le comportement à adopter lorsqu’une action pénale est pressentie à son égard.

En effet, le manque de vigilance et l’impréparation du commissaire aux comptes face aux

instances judiciaires s’avèrent préjudiciables à un dénouement favorable de l’affaire. Nous

analyserons par la suite, la gestion de la mise en cause de la responsabilité du commissaire

aux comptes. Des recommandations seront suggérées pour permettre au professionnel de

surmonter cette épreuve et de prendre en main sa défense. Celui-ci devra aussi maîtriser les

répercussions au sein et autour de son cabinet qui pourraient perturber gravement son

fonctionnement.

Il y a lieu de noter que nous avons jugé utile de ne traiter que du comportement à adopter dans

les cas de mise en œuvre de la responsabilité pénale. Etant donné que les développements la

concernant englobent nécessairement le comportement du commissaire aux comptes et

l’attitude à adopter pour gérer la crise en cas de poursuites civile ou disciplinaire.

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PREMIERE PARTIE : LES DIFFERENTS ASPECTS DE LA RESPONSABILITE

DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

Il reste évident que la perfection dans l’exercice de la mission légale du commissaire aux

comptes n’est qu’un objectif à caractère relatif eu égard au mode d’exercice des diligences

professionnelles. Notamment, le recours légitime à la technique des sondages exclut que le

contrôle du commissaire aux comptes mette les personnes intéressées à l’abri des effets

néfastes de la commission d’une maladresse, d’une irrégularité ou d’une infraction au sein de

la société contrôlée.

Parallèlement, le contrôle du commissaire aux comptes, bien que permanent dans sa

définition, n’implique pas sa présence ou celle d’un collaborateur au sein de la société à tout

instant. En outre, le commissaire aux comptes a des moyens, matériels et intellectuels,

d’investigation limités ; il ne doit ni s’immiscer dans la gestion, ni refaire la comptabilité de la

société ; il doit seulement faire en sorte que les comptes présentés par la société soient

réguliers et sincères et que les opérations juridiques soient régulières.

A cet effet, il doit mettre en œuvre les moyens normaux et appropriés que la loi, la

jurisprudence et les instances professionnelles ont établis. Le commissaire aux comptes dans

l’exercice de ses missions n’est « qu’un réducteur d’incertitudes »(1). Il ne saurait, sauf dans

quelques cas particuliers offrir la certitude que tout est correct au sein de la société contrôlée.

Dès lors, la victime d’un fait dommageable, le dirigeant, l’associé, l’actionnaire, agissant au

nom de la société ou en son nom propre, l’investisseur, le repreneur ou le créancier de la

société, sera toujours tentée de rechercher la responsabilité professionnelle du commissaire

aux comptes. La victime agira en responsabilité civile, directement ou par le biais d’une

action pénale, ou encore après avoir exercé une action disciplinaire.

Ces trois formes de responsabilité, bien que proches et souvent liées restent autonomes : la

faute peut être la même, l’action civile peut être exercée devant la juridiction pénale, l’action

disciplinaire est mise en œuvre pour faciliter la reconnaissance de la faute professionnelle.

(1) J. Monéger et Th. Granier, in le commissaire aux comptes n° 481.

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Classiquement, en dépit des liens entre les ordres de responsabilité (civile, disciplinaire et

pénale), ceux-ci seront examinés séparément. En effet, les trois formes de la responsabilité ne

sont pas de même nature :

La responsabilité civile a pour objet la condamnation de l’auteur d’une faute

professionnelle à réparer le dommage qui en est résulté ;

La responsabilité pénale vise à sanctionner les comportements fautifs édictés par la loi

pénale ;

La responsabilité disciplinaire a pour objectif de faire respecter les règles déontologiques

et vise à sanctionner le comportement fautif, abstraction faite de l’existence ou de la

gravité du dommage.

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Chapitre 1 : Responsabilité civile et disciplinaire du commissaire aux

comptes

Dans l’exercice de ses fonctions, le commissaire aux comptes peut engager sa responsabilité

civile (section 1) ou disciplinaire (section 2).

Section 1 : La responsabilité civile du commissaire aux comptes

La responsabilité civile des commissaires aux comptes est régie par deux articles de la loi 17-

95, promulguée par le Dahir n°1-96-124 du 14 rabii II 1417 du 30 août 1996, relative aux

sociétés anonymes(2):

Art. 180 : « Le ou les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la

société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux

commises dans l’exercice de leurs fonctions.

Ils ne sont pas civilement responsables des infractions commises par les administrateurs ou

les membres du directoire ou du conseil de surveillance sauf si, en ayant eu connaissance lors

de l’exécution de leur mission, ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l’assemblée

générale ».

(2) En France depuis l’ordonnance n°2005-1126 du 8 septembre 2005, la responsabilité civile est régie par deuxarticles du titre II (« Des commissaires aux comptes ») du livre VIII du Code de commerce (« De quelquesprofessions réglementées ») :

Art. L. 822-17 : « Les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la personne ou del’entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dansl’exercice de leurs fonctions.

Leur responsabilité ne peut toutefois être engagée à raison des informations ou divulgations de faitsauxquelles ils procèdent en exécution de leur mission.

Ils ne sont pas civilement responsables des infractions commises par les dirigeants et mandataires sociaux,sauf si, en ayant eu connaissance, ils ne les ont pas signalées dans leur rapport à l’assemblée générale ou àl’organe compétent mentionnés à l’article L. 823-1 ».

Art. L. 822-18 : « Les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans lesconditions prévues à l’article L. 225-254 ».

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Art. 181 : « Les actions en responsabilité contre le commissaire aux comptes se prescrivent

par cinq ans à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé de sa révélation ».

À l’origine, la doctrine s’est interrogée sur la nature contractuelle ou délictuelle de la

responsabilité civile du commissaire aux comptes, moins vis-à-vis des tiers (créanciers), pour

lesquels il n’est pas douteux que la responsabilité est délictuelle, que vis-à-vis de la société et

des associés.

A l’égard de la société qu’il contrôle et des associés, le commissaire est-il tenu d’une

responsabilité contractuelle ou délictuelle(3) ?

Le dahir du 11 août 1922 relatif aux sociétés par action, édictait dans son article 43 que

l’étendue et les effets de la responsabilité des commissaires aux comptes envers la société

sont déterminés par les règles générales du mandat.

La situation du commissaire aux comptes était alors analysée comme celle d’un mandataire. Il

ne faisait aucun doute qu’à l’égard de la société et des associés, sa responsabilité ne pouvait

être que contractuelle.

Dans la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes, toute référence au mandat ou à la

responsabilité du mandataire a disparu.

La question de la nature juridique de la responsabilité civile du commissaire aux comptes ne

suscite plus le débat. Nommés par les actionnaires, qu’ils ne représentent cependant pas, les

commissaires aux comptes ont une mission légale de surveillance.

Le commissaire aux comptes n’est pas un mandataire. En effet, en matière de responsabilité

civile, on pouvait – théorie contractuelle – mettre l’accent sur le lien juridique existant entre la

(3) Les intérêts de la distinction sont bien connus. En matière de responsabilité contractuelle, le dommage doitêtre prévu ou prévisible lors du contrat ; la validité des clauses supprimant ou limitant la responsabilité esten principe admise ; une mise en demeure préalable est souvent nécessaire ; la solidarité n’existe en matièrecontractuelle que si la loi ou le contrat l’a prévue, alors qu’en matière délictuelle les coauteurs d’undommage sont tenus in solidum ; les règles relatives aux prescriptions ne sont pas nécessairementidentiques. Cf. F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les Obligations, Précis DALLOZ, 2005, n°870.

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société et son contrôleur ; ou bien – théorie institutionnelle – insister, comme le firent la

majorité des auteurs, sur le caractère légal de son intervention. Or c’est la loi qui définit les

règles de son statut et non pas l’assemblée générale. Ceci s’oppose à l’organisation

contractuelle classique du mandat, qui veut que l’obligé révocable ad nutum, accomplisse des

actes juridiques dont il rend compte à son mandat.

Le commissaire aux comptes qui est désormais chargé d’une véritable mission d’intérêt

général « est une pièce du mécanisme juridique organisé par la loi »(4). Ses prérogatives ne

sont pas contractualisables. Il les tient de la loi, et ce, même dans les groupements où son

office n’est pas obligatoire. C’est pourquoi, à partir du moment où un commissaire aux

comptes est désigné, pour garantir une bonne gestion, dans un domaine d’intervention extra-

légal, la jurisprudence française (T.G.I. Nice 19 avr. 1978, pour une S.C.I., et Versailles 14

mai 1986, pour un syndicat de copropriétaires régi par la loi du 10 juillet 1965)(5) considère

que « les deux parties contractantes entendent placer leur convention sous l’empire de la loi »,

et non de leur loi, avec toutes les conséquences de droit que cela emporte. Les parties ne

peuvent donc pas se placer dans le champ des conventions privées pour modifier à leur gré le

contenu et les limites de la mission du commissaire aux comptes.

En effet, la responsabilité du commissaire aux comptes résulte de l’inexécution des

obligations fixées par la loi et non pas de celles qui auraient été stipulées dans un contrat.

C’est parce qu’il n’a pas respecté les normes professionnelles, c’est-à-dire effectué les

diligences requises du professionnel normalement consciencieux et prudent que le

commissaire aux comptes engage sa responsabilité à l’égard de ceux qui ont subi un

dommage en relation avec le manquement constaté. On ne saurait tirer argument en sens

contraire du fait qu’il est nommé par l’assemblée générale et que le commissaire aux comptes

et les dirigeants de la société ou de l’organisme fixent conventionnellement l’échéancier de

déroulement du travail et le montant des honoraires.

Les conditions dans lesquelles le commissaire aux comptes engage sa responsabilité à l’égard

de la personne morale contrôlée, des actionnaires, associés, sociétaires ou membres ou encore

(4) G.RIPERT et R.ROBLOT, T.I, vol 2, par M.GERMAIN, 2002, n°1720.

(5) Respectivement : Bull C.N.C.C. 1978, p. 341 inédit, réformant T.G.I. Nanterre 17 mai 1984 : Bull C.N.C.C.1984, p. 475 note E. du Pontavice.

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à l’égard des tiers sont celles du droit commun de la responsabilité civile. Elles sont, on le

verra, particulièrement délicates à établir car, sauf cas particulier établi clairement par la loi,

la faute du commissaire aux comptes est celle de l’homme de l’art, du prestataire de services,

et les difficultés que l’on rencontre ailleurs sont présentes ici.

La responsabilité civile du commissaire aux comptes exige, comme toute responsabilité

civile, la réunion de trois éléments, une faute (1), un préjudice (2) et un lien de causalité (3)

entre le fait générateur de responsabilité et le dommage. La condamnation suppose en outre

que le commissaire aux comptes n’ait pas pu s’exonérer de sa responsabilité (4). L’obligation

de contracter une assurance pour couvrir le risque de responsabilité civile professionnelle est

un moyen posé par la loi pour pouvoir faire face à la mise en cause de cette responsabilité (5).

1 – La faute : nécessité d’une faute ou d’une négligence

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 180 de la loi 17-95 :

« Le ou les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la société

que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux

commises dans l’exercice de leurs fonctions… »

La faute susceptible d’engager la responsabilité du commissaire aux comptes doit être une

faute personnelle constitutive d’un manquement aux obligations professionnelles. Les fautes

et les négligences peuvent être variées, tantôt il s’agira d’un défaut ou d’une insuffisance de

contrôle dû à une négligence ou à une incompétence technique ; tantôt d’appréciations ou

d’approbations inexactes ou injustifiés concernant les comptes et les renseignements donnés

par les dirigeants aux associés sur la situation de la société.

Selon l’article 180 de la loi 17-95, la faute ou la négligence doit avoir été commise par le

commissaire aux comptes lui-même (1-1), mais il convient d’envisager également l’incidence

de la faute d’autrui sur la responsabilité du commissaire aux comptes (1-2).

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1-1 – La faute du commissaire aux comptes

Dire que la faute du commissaire aux comptes consiste dans le manquement aux obligations

professionnelles fixées par la loi, les règlements et les normes et usages de la profession est

exact, mais peu éclairant. Il faut savoir quelles sont les dites obligations et leur nature. Il faut

ensuite apprécier le comportement ou la carence par rapport à un comportement modèle.

La détermination de la faute du commissaire aux comptes impose la connaissance des

obligations qui pèsent sur lui. Ce qui retient ici l’intérêt, c’est, d’une part, la distinction faite

par la doctrine et par la jurisprudence entre les différentes obligations quant à leur preuve (a),

c’est, d’autre part, l’appréciation de la faute par les juges (b).

a – Nature des obligations qui pèsent sur le commissaire aux comptes

La faute du commissaire aux comptes résulte de l’inexécution de l’obligation que la loi et les

normes professionnelles lui imposent. En raison de la diversité des obligations, il convient de

dissocier, selon la distinction traditionnelle, les obligations de résultat des obligations de

moyens qui pèsent sur le commissaire aux comptes. Il s’agit de savoir si, comme tous les

prestataires de services et hommes de l’art, le commissaire aux comptes a une obligation de

moyens ou s’il est tenu d’une obligation de résultat.

L’idée qui est à l’origine de cette distinction (entre obligation de résultat et obligation de

moyens) consiste à rechercher ce que le débiteur a promis et ce que le créancier peut

raisonnablement attendre. Tantôt le débiteur s’engage à procurer au créancier un résultat

précis (dans le contrat de transport, le transporteur s’engage à faire parvenir le voyageur à

destination) ; tantôt le débiteur s’engage seulement à employer les moyens appropriés dans

une tâche à accomplir, mais il ne garantit en rien le résultat (le médecin s’engage à apporter à

son patient les soins conformes aux données actuelles de la science, mais il ne promet pas de

le guérir).

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Cette distinction, mise au point par DEMOGUE(6) a connu un grand succès, est surtout

utilisée par les tribunaux sur le terrain de la charge de la preuve : lorsque le débiteur est tenu

d’une simple obligation de moyens, il appartient au créancier de prouver que l’inexécution de

l’obligation est due à un manquement, à une faute du débiteur qui ne s’est pas comporté

comme un « bon père de famille », comme un « professionnel normalement diligent ». En

revanche, lorsque le débiteur est tenu d’une obligation de résultat, l’inexécution de son

obligation fait présumer sa faute et il ne peut se dégager de sa responsabilité qu’en établissant

l’existence d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable.

Cette opposition entre obligation de moyens et obligation de résultat qui commande le régime

de la responsabilité contractuelle n’a évidemment pas sa place en matière de responsabilité

délictuelle et elle ne devrait pas être utilisée à propos de la responsabilité du commissaire aux

comptes qui est en principe une responsabilité délictuelle. Mais cette appellation commode

continue à être employée par la plupart des commentateurs et nous la retiendrons ici bien

qu’elle ne soit pas conforme à la stricte terminologie juridique.

Le principe : Le commissaire aux comptes n’est tenu que d’une obligation de moyens

La doctrine est unanime pour considérer que le commissaire aux comptes n’est tenu en règle

générale que d’une simple obligation de moyens(7).

Cette solution s’appuie sur plusieurs arguments tenant à l’étendue de la mission du

commissaire aux comptes : l’article 175 alinéa 1er de la loi 17-95, texte capital sur le rôle du

contrôleur légal, lui impose de certifier non pas l’exactitude des comptes, mais seulement leur

régularité et leur sincérité. De son côté, l’article 169 alinéa 1er de la loi 17-95 admet

expressément que le commissaire puisse procéder par sondages, technique qui ne permet

évidemment pas de découvrir toutes les irrégularités. Quant à la permanence de la mission du

(6) Traité des obligations 1923, Tome V, n° 1237.

(7) Par ex. D. LANGE, in Jcl. sociétés fasc. 134-25, 2000, n° 21 ; J. MONÉGER et Th. GRANIER n° 509 ; G.RIPERT et R. ROBLOT, par M. GERMAIN, n° 1742 ; Ph. MERLE, Sociétés commerciales, n° 519 ;MEMENTO LEFEBVRE Sociétés commerciales n° 13020 ; MEMENTO LEFEBVRE, Audit etcommissariat aux comptes, n° 12255 ; D. VIDAL, op. cit., n° 260 ss. ; A. SAYAG et alii, Le commissariataux comptes, renforcement ou dérive ? Créda-Litec 1989, T. I, n° 466.

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commissaire aux comptes, on sait qu’elle signifie que celui-ci a un pouvoir permanent de

contrôle, mais qu’il n’est pas chargé du contrôle permanent de la comptabilité(8).

Cette limite irréductible à l’exercice de la mission du commissaire aux comptes laisse

nécessairement subsister une part d’aléa quant aux résultats de ses travaux, aléa qui est le

critère habituellement utilisé pour distinguer l’obligation de moyens de l’obligation de

résultat.

La conséquence de cette analyse de la mission du commissaire aux comptes en une obligation

de moyens est capitale sur le terrain de la preuve puisqu’il en résulte que c’est au demandeur

qu’il appartient de prouver la faute ou la négligence du professionnel. À défaut, la

responsabilité civile de ce dernier ne pourrait pas être retenue.

En l’absence de cas de jurisprudence au Maroc, nous citons le cas français où les juges de

fond se sont ralliés assez vite à cette position doctrinale(9). La position de la Cour de Cassation

a été plus lente à se dégager. Dans ses premiers arrêts, la Chambre commerciale a pu retenir la

responsabilité civile d’un commissaire aux comptes sans décider si l’intéressé était lié par une

obligation de moyens ou une obligation de résultat(10). Mais la Haute juridiction, sans

employer l’expression, s’est nettement prononcée en faveur de l’obligation de moyens, en

exigeant que la preuve de la faute du commissaire aux comptes soit rapportée par le

demandeur(11).

(8) E. du PONTAVICE, note sous Paris 16 oct. 1979, Rev. sociétés 1980, p. 719. V. sur les conséquences de lapermanence de la mission, Com. 19 oct. 1999, Bull. CNCC n° 117– 2000, p. 60, Ph. MERLE ; Bull. JOLY2000, p. 43, n° 6 ; F. PASQUALINI et V. PASQUALINI-SALERNO, Dr. sociétés 2000, n° 12, D. VIDALet Com. 24 oct. 2000, Bull. CNCC n° 120-2000, p. 542, Ph. MERLE.

(9) Rennes 27 mai 1975, Rev. sociétés 1976, 121, Y. GUYON ; RTD com. 1976, p. 561, n° 29, R. HOUIN),(T.G.I. Lyon 19 déc. 1984, Bull. CNCC n° 58, p. 224, E. du PONTAVICE confirmé par Lyon 27 novembre1986, Bull. CNCC n° 66 p. 220, E. du PONTAVICE. Cf. égal. Aix-en-Provence 7 juin 1985, Bull. CNCC n°60-1985, p. 487, E. du PONTAVICE), (Paris 25 avril 1989, Bull. CNCC n° 77, p. 94. Cf. égal. T.G.I. Paris12 juillet 1984, Bull. CNCC n° 60-1985, p. 478 ; TGI Toulouse 9 juin 1986, Bull. CNCC n° 64-1986, p.415, E. du PONTAVICE ; T.G.I. Albi 19 mars 1986, Bull. CNCC n° 65-1987, p. 76, E. du PONTAVICE.

(10)Com. 2 juillet 1973, Rev. sociétés 1973, 662, E. du PONTAVICE ; D. 1973, 674, Y. GUYON.

(11)Bull. CNCC n° 60-1985, p. 487, E. du PONTAVICE.

Page 20: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

13

L’exception : L’obligation de résultat

Si, en principe, le commissaire aux comptes n’est tenu que d’une obligation de moyens, à

l’occasion de certaines missions, où il n’y a place à aucun aléa, il est exceptionnellement tenu

d’une obligation de résultat(12).

Ainsi en va-t-il pour :

– la vérification des règles relatives aux actions dont doivent être propriétaires les

administrateurs et les membres du conseil de surveillance (art. 47 et 85 de la loi 17-95) ;

– le fait de devoir présenter un rapport spécial sur les conventions entre la société et ses

dirigeants, qui ont été portées à sa connaissance (art. 174 de la loi 17-95), alors que la charge

de découvrir les conventions qui ne lui ont pas été signalées n’est pour lui qu’une obligation

de moyens comme le montre cet extrait d’un arrêt rendu par le tribunal de Lyon :

« Attendu que si, à chaque assemblée générale, le commissaire aux comptes doit faire

un rapport spécial sur les conventions entre la société et un de ses administrateurs,

lesquelles sont soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration, sa

mission, selon l’article 103 de la loi du 24 juillet 1966, est de pure information ; qu’il

n’a pas l’obligation de rechercher les conventions qui n’ont pas été soumises à

l’autorisation préalable du conseil d’administration alors qu’elles auraient dû l’être,

mais qu’au cas où il en découvre l’existence, il doit, conformément à l’article 230 de

la loi, les porter à la connaissance du conseil d’administration, comme constituant

une irrégularité, afin que celles qui ont des conséquences dommageables pour la

société puissent être annulées en application de l’article 105 de la loi précitée ... »(13).

Il résulte donc de l’analyse de la doctrine et de la jurisprudence française, aussi bien des juges

du fond que de la Cour de Cassation, qu’en principe le commissaire aux comptes est tenu

d’une obligation de moyens. La solution est classique dès lors qu’il y a un aléa et l’on sait

(12) J. MONÉGER et Th. GRANIER, in le commissaire aux comptes n° 517.

(13)Lyon 21 janv. 1986, Bull. CNCC n° 62–1986, p. 182, E. du PONTAVICE.

Page 21: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

14

que, quelles que soient les diligences effectuées par le commissaire aux comptes, sa mission

laisse toujours place à une incertitude. C’est donc à celui qui intente l’action en responsabilité

civile de prouver l’existence de la faute. Il convient alors de préciser comment les juges

doivent apprécier la faute.

b – Appréciation de la faute par les juges

La faute est appréciée in abstracto au regard de la nature de l’obligation qui n’a pas été

respectée. Le juge recherche si la preuve a été rapportée que le commissaire aux comptes a eu

un comportement normalement diligent. Cette notion de diligence normale apparaît comme la

condition nécessaire au bon exercice de la mission du contrôleur et comme la condition

suffisante pour le dégager de toute responsabilité, en dépit de l’existence d’un préjudice. Mais

qu’est ce qu’une diligence normale ? En pratique, ce ne peut être que le respect des usages

professionnels, et plus spécialement ceux édictés par les normes de la profession. Nous nous

posons la question sur l’importance qu’accorderaient les juges marocains aux normes de la

profession sachant qu’en France les normes professionnelles sont homologuées par des arrêts

du garde des sceaux et elles ont une force juridique probante.

L’appréciation de la faute est d’autant plus difficile que la diligence est une notion variable.

La tâche du juge est parfois facilitée. Les agissements étaient-ils aisément décelables ? Ne

pouvaient-ils pas échapper à l’œil du technicien ? Il est certain que le contrôle a posteriori du

commissaire aux comptes n’empêche pas, par définition, la réalisation des faits ; ce contrôle,

à l’effet imparfaitement intimidant, ne fait que rendre possible leur constatation.

N’ayant pas connaissance de cas de mise en cause de responsabilité civile du commissaire aux

comptes devant les tribunaux marocains, nous allons exposer dans ce qui suit quelques

exemples de situations dans lesquelles la faute du commissaire aux comptes a pu être retenue

ou écartée par les tribunaux en France. Les fautes pouvant engager la responsabilité des

commissaires aux comptes sont très variées, compte tenu de l’extrême diversité de leurs

missions.

Page 22: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

15

Faute et erreur

Le constat du défaut de régularité des comptes certifiés ne suffit pas, en lui-même, à établir

que le commissaire aux comptes a manqué à ses obligations professionnelles(14). Certains

arrêts ont même considéré que la commission de simples erreurs était insuffisante pour

entraîner la condamnation de son auteur :

« …Les erreurs comptables reprochées à Monsieur N. [commissaire aux comptes]

pour les comptes arrêtés au 31 décembre 1992 et certifiés par lui, portent sur une

immobilisation … et des valeurs d’exploitation … ; si ces erreurs, ayant pour

conséquence la certification de comptes erronés, ne sont pas contestées, Monsieur J.

ne démontre l’existence d’aucune faute à l’encontre du commissaire aux comptes. La

seule existence d’erreurs est ici insuffisante au niveau probatoire. Pareillement, il

n’est invoqué aucun manquement de Monsieur N. à ses obligations professionnelles et

au respect des normes de sa profession. Par ailleurs, ces erreurs ponctuelles

n’apparaissent pas de celles qui auraient dû être rectifiées par un commissaire aux

comptes normalement diligent. Le manquement du commissaire aux comptes à son

obligation de moyens n’est donc pas établi… » (15).

« … Le constat du défaut de régularité ou de sincérité des comptes certifiés ne suffit

pas, par lui-même, à établir que le commissaire aux comptes a manqué à ses

obligations professionnelles ; que la preuve doit être rapportée que ce dernier ne s'est

pas comporté en professionnel normalement diligent … »(16).

Faute commise à l’occasion de la nomination dans les fonctions

Les commissaires aux comptes doivent être choisis parmi les personnes inscrites au tableau de

l’ordre des experts comptables visée à l’article 160 de la loi 17-95. En outre, afin que leur

(14)Par ex. TGI Nanterre 12 mai 1999, Bull. CNCC n° 115-1999, p. 489.

(15)Caen 30 mai 2000, Bull. CNCC n° 119-2000, p. 377, Ph. MERLE.

(16)Paris 20 mars 2000, Bull. JOLY 2000, p. 685, n° 159, J. F. BARBIERI.

Page 23: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

16

indépendance soit assurée, ils ne doivent pas être sous le coup d’une incompatibilité édictées

par les articles 161 et 162 de la loi 17-95.

En outre, aux termes de l’article 178 alinéa 1er de la loi 17-95, les délibérations de l'assemblée

générale prises à défaut de désignation régulière de commissaires aux comptes ou sur le

rapport de commissaires aux comptes nommés ou demeurés en fonction contrairement aux

dispositions des articles 161 et 162 de la même la loi sont nulles.

Il en résulte que le commissaire aux comptes pourrait être tenu de réparer le dommage causé

par cette annulation lorsqu’il s’est fait nommer en pleine connaissance de cause à des

fonctions qu’il n’avait pas le droit d’exercer ou s’il n’a pas démissionné alors qu’il était dans

l’incapacité de continuer à exercer ses fonctions.

Cependant, la mise en jeu de cette responsabilité sera rare puisqu’il faudrait qu’un préjudice

ait été causé par le commissaire aux comptes en situation irrégulière. En outre, l’action en

nullité est éteinte si ces délibérations sont expressément confirmées par une assemblée

générale sur le rapport de commissaires régulièrement désignés(17).

Fautes commises dans l’exercice de sa mission permanente

De façon générale, la faute du commissaire aux comptes consiste dans la méconnaissance des

diligences qui pèsent sur lui, dans le fait de « n’avoir pas effectué les investigations inhérentes

à sa mission ». Les fautes peuvent être très diverses, compte tenu de la multiplicité des

missions du commissaire aux comptes.

Fautes commises lors des contrôles des comptes

Le contrôle des comptes est la mission essentielle et permanente du commissaire aux comptes

(art. 166 et 167 de la loi 17-95). Il doit permettre d’assurer les actionnaires et les tiers que les

comptes reflètent de manière fidèle la situation financière de la société. La jurisprudence

(17)Article 178, alinéa 2 de la loi 17-95.

Page 24: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

17

n’exige cependant pas du commissaire aux comptes une « lucidité surhumaine »(18), en

particulier quand la fraude commise par les dirigeants de l’entité contrôlée est sophistiquée :

« Monsieur C. n’a pas manqué, avant de procéder à la certification des comptes, aux

contrôles par sondage prévus par la norme en vigueur à l’époque … ; que les

modalités de la fraude organisée par Monsieur J. ne permettaient pas au commissaire

aux comptes de déceler les avoirs qui devaient être enregistrés seulement sur

l’exercice comptable ultérieur … »(19).

Les arrêts ne retiennent la faute du commissaire aux comptes que lorsqu’il n’a pas décelé une

irrégularité qu’une diligence normale aurait permis de découvrir :

« ...Que la cour d’appel a constaté qu’un examen sommaire tel que celui effectué par

la société d’expertise E. avait permis de déceler la probabilité d’une fraude dans la

présentation du bilan de 1976, et que les irrégularités n’avaient été révélées par X.

qu’après que le nouveau dirigeant H., les ait fait apparaître, alors que les difficultés

qu’il reconnaissait avoir éprouvées pour obtenir les comptes de 1976 auraient dû

l’inciter à se montrer spécialement circonspect et à se faire communiquer toutes les

pièces utiles à l’exercice de sa mission ; que la cour d’appel a pu ainsi en conclure

que ce commissaire aux comptes n’avait pas effectué de contrôles ; qu’elle a ainsi

justifié légalement sa décision... »(20).

Est également fautif le fait pour le commissaire de ne consacrer qu’une seule journée au

contrôle sur place des comptes :

«....Attendu que l’arrêt retient... que dans le cadre de l’examen du bilan de l’exercice

1983-1984 de la société P., en vue de sa certification, M. R. (commissaire aux

comptes) n’avait, selon ses propres conclusions, consacré qu’une journée au contrôle

sur place des comptes arrêtés au 30 juin 1984, que ce contrôle allégé ne lui avait pas

(18)Y. GUYON, in Jurisclasseurs, fasc. 134-B, n° 84.

(19)Lyon 18 déc. 2003, Bull. CNCC n° 133-2004, p. 134, Ph. MERLE.

(20)Com. 9 fév. 1988, Bull. CNCC n° 70-1988, p. 197, E. du PONTAVICE.

Page 25: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

18

permis de déceler la fraude commise par le dirigeant de la société, tandis qu’une

vérification normalement effectuée aurait permis de découvrir la falsification, ce qui a

d’ailleurs été le cas quelques mois plus tard, lorsque, saisi d’un doute, M. R. avait

demandé à ses collaborateurs de vérifier à nouveau les comptes annuels de l’exercice

1984 ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu, hors

toute dénaturation, décider que M. R. avait commis des fautes d’omission qui ont été

la cause génératrice du préjudice subi par les sociétés ... »(21).

« ... Considérant qu’il ressort de l’ensemble des pièces versées aux débats qu’entre

juillet 1973 et avril 1974, V. (commissaire aux comptes) n’a opéré aucune vérification

ni aucun sondage dans les comptes de la société M., et qu’il ne justifie pas avoir tenté

de vaincre la résistance que lui aurait opposée M. (chef-comptable) ni avoir prévenu

J. M. (président de la société) de l’impossibilité où il se trouvait d’exercer

normalement ses fonctions ; Considérant que la confiance que pouvaient lui inspirer

les services comptables de la société ne l’autorisait pas à se désintéresser de sa

mission pendant plus de neuf mois et que si l’on peut comprendre qu’il ait été pendant

un certain temps trompé en toute bonne foi par les prétextes qu’imaginait M., il est

inadmissible qu’il ait laissé cette situation se perpétuer au-delà du moment où il

devenait clair que l’année 1973 allait se terminer sans qu’il ait procédé au moindre

contrôle sur les comptes de cet exercice ; que son inaction et sa passivité ne peuvent

donc plus trouver d’excuse au-delà des derniers mois de l’année 1973... »(22).

A été également déclarée fautive, l’absence de contrôle, même rapide, de la justification des

factures inscrites sur le journal des achats avec le livre des comptes fournisseurs :

« … Qu’un examen rapide, sans procéder à une recherche comptable minutieuse et

approfondie qui n’entre pas en effet dans leur mission, aurait permis de découvrir les

fraudes commises, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un incident ponctuel et de minime

(21)Com. 27 octobre 1992, Bull. CNCC n° 91-1993, p. 375, E. du PONTAVICE ; J.C.P. éd. E. 1993, II, 403, M.JEANTIN ; Rev. sociétés 1993, p. 86, D. VIDAL ; Dr. sociétés 1993, n° 2, Th. BONNEAU.

(22)Paris 16 oct. 1979, Rev. sociétés 1980, p. 715, E. du PONTAVICE ; J.C.P. 1980, II, 19321, Y. GUYON. Cf.égal. Sur la faute consistant à exercer des contrôles purement formalistes et se laisser orienter dans sessondages par les dirigeants, alors qu’un examen normalement diligent de la comptabilité aurait dû laisserapparaître certaines anomalies, T.G.I. Le Havre 15 nov. 1979, Bull. CNCC n° 37-1980, p. 44 et sur appelRouen 27 avril 1982, Bull. CNCC n° 47-1982, p. 288.

Page 26: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

19

importance, mais de détournements importants commis sur une période de 10 années,

que sondages et recoupements, que doit effectuer le commissaire aux comptes,

auraient révélés… »(23).

De même pour l’absence de vérification que le système informatique est adapté à l’exécution

des rapprochements comptables nécessaires à la découverte de fraudes commises par un

employé(24).

« … Considérant qu’en ce qui concerne l’exercice 1986-1987, alors que les comptes

d’E. présentaient des anomalies manifestes (par exemple la position fortement

débitrice des comptes « transition clients » qui doivent normalement présenter des

soldes créditeurs, ou la multiplicité des comptes clients non identifiés débiteurs pour

plus de 13 MF) les diligences accomplies par M. et ses collaborateurs pour vérifier

l’exactitude et la réalité des créances comptabilisées n’ont permis de valider que

moins de 1 % du poste clients figurant au bilan… ;

Que dans ces conditions, alors que le poste clients représentait 70 % du bilan d’E., et

compte tenu de l’importance des anomalies relevées au regard du résultat (1,5 MF) et

des capitaux propres (7,5 MF) l’expert a très justement estimé que M. aurait dû soit

mettre en oeuvre de nouveaux contrôles, soit plus logiquement constater

l’impossibilité de certifier les comptes ;

Considérant que, si pour l’exercice 1987-1988, les procédures de confirmation ont

permis de vérifier 20 % du poste clients, l’expert a néanmoins noté l’insuffisance des

contrôles effectués compte tenu des éléments d’incertitude qui affectaient la

comptabilité d’E. ;

(23)Bordeaux 17 oct. 1990, Bull. CNCC n° 80-1990, p. 499, E. du PONTAVICE.

(24)Com. 6 oct. 1992, Bull. CNCC n° 90-243, p. 243, E. du PONTAVICE ; Bull. JOLY 1992, p. 1291,n° 417,J.-F. BARBIÉRI ; Rev. jurisp. com. 1993, p. 166, D. VIDAL ; Dr. sociétés 1992, n° 242, Th. BONNEAU etdans la même affaire, T.G.I. Brest 28 janv. 1988, Bull. CNCC n° 69- 1988, p. 73, E. du PONTAVICE. Cf.égal. Cl. LAROCHEVIDAL, La fraude informatique au regard des obligations des commissaires auxcomptes, Gaz. Pal. 1988, II, doct. 478.

Page 27: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

20

Considérant que M. qui n’a donc pas effectué toutes les investigations inhérentes à sa

mission, a en outre clairement manqué à ses obligations d’information… »(25).

En revanche, la responsabilité du commissaire aux comptes n’a pas été retenue lorsqu’il a

procédé par sondages et que rien ne lui permettait de soupçonner l’existence d’une irrégularité

qui l’aurait obligé à pousser plus avant ses investigations :

«… Attendu que les demandeurs ont la charge de prouver un défaut de diligence dans

les moyens qui ont été mis en oeuvre par ces deux commissaires aux comptes au cours

des contrôles qu’ils ont effectués, ces contrôles consistant en application de l’article

230-1° de la loi du 24 juillet 1966 en des sondages laissés à leur appréciation ;

Attendu qu’il est avéré que X. et Y. ont procédé au début de l’année à des sondages

portant sur les quantités physiques inventoriées par le service comptable de la société

H et effectué au mois de mars un contrôle des méthodes d’évaluation des éléments de

l’inventaire ;

Attendu qu’il est établi que postérieurement aux sondages du début de l’année, A.

modifiait les quantités physiques en inscrivant un chiffre supplémentaire devant le

chiffre quantitatif primitivement mentionné ;

Attendu que pour que la falsification fût décelée, il eût fallu que les commissaires aux

comptes qui n’y étaient pas tenus, procédassent à une vérification article par article

de l’inventaire considérable des stocks de la société H. ;

Attendu que le procédé de falsification utilisé par A. s’il était simple en soi, n’était

décelable que par la mise en oeuvre d’un contrôle approfondi et minutieux, tel que

celui effectué par le cabinet d’expertise S., mandaté spécialement pour rechercher une

fraude ;

Attendu de même que les erreurs importantes dans les additions décelées

postérieurement par le cabinet S. ont pu passer inaperçues lors des sondages des

(25)Paris 26 janv. 1996, Bull. JOLY 1996, p. 288, n° 99, J.-F. BARBIÉRI.

Page 28: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

21

commissaires aux comptes, ceux-ci n’ayant pas pour tâche de refaire une comptabilité

déjà tenue et à rechercher systématiquement les rectifications qu’appellent les

comptes ;

Attendu qu’il est encore reproché à X. et Y. de n’avoir pas eu leur attention appelée

par l’augmentation des stocks matérialisés par celle des ratios ;

Mais attendu que les défendeurs font remarquer à juste titre que cette augmentation

qu’ils n’ont pas ignorée leur est apparue justifiée... ; que ne devant pas s’immiscer

dans la gestion de la société c’est à celle-ci en ayant connaissance qu’il appartenait

de prendre les mesures que requérait la situation ;

Attendu que rien ne permettant de soupçonner l’existence d’une irrégularité, les

commissaires aux comptes n’avaient pas l’obligation de pousser plus avant leurs

investigations... »(26).

« … Contrairement aux arguments des demandeurs, la mission du commissaire aux

comptes s’exerce par simples sondages et se borne à un contrôle de la régularité

apparente. Le simple examen attentif des comptes ne pouvait permettre de déceler les

malversations et notamment les ventes frauduleuses du matériel informatique en

leasing. Le rapport versé aux débats ne révèle aucun manquement susceptible d’être

reproché au commissaire aux comptes et atteste au contraire de la régularité formelle

de l’ensemble de la comptabilité et des documents comptables ainsi que d’une

apparence systématique de régularité dans toutes les transactions effectuées »(27).

Fautes commises à l’occasion de la certification des comptes

La certification est l’aboutissement logique des vérifications et contrôles opérés

préalablement par le commissaire aux comptes. La certification d’un bilan non conforme à

l’image fidèle peut causer un préjudice important à l’actionnaire souscrivant à l’augmentation

(26)T.G.I. Paris 13 déc. 1982, Bull. CNCC n° 49-1983, p. 81.

(27)TGI Paris 30 nov. 1999, Bull. CNCC n° 118-2000, p. 218.

Page 29: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

22

de capital, au repreneur, au banquier, qui ne manqueront pas de soutenir en cas de déconvenue

qu’ils se sont engagés uniquement au vu du bilan certifié par le commissaire aux comptes.

Ont été ainsi reconnus fautifs les commissaires aux comptes :

… qui connaissant le caractère mensonger du bilan et le défaut de libération d’une

augmentation de capital n’en ont pas moins proposé aux actionnaires d’approuver les

comptes(28) ;

… qui ont omis de mentionner le changement de méthode de comptabilisation des travaux en

cours en certifiant les comptes (29) ;

… qui n’ont pas vérifié un poste comptable important(30).

… « La faute du commissaire aux comptes ne peut résider dans le fait d’avoir certifié

réguliers et sincères des comptes sociaux, qui ne l’étaient pas ; qu’il est nécessaire

que son opinion erronée résulte de l’insuffisance des vérifications qu’il a le devoir

d’effectuer en se conformant aux diligences normales établies par sa profession...»(31).

A fortiori, le commissaire aux comptes qui a refusé de certifier les comptes, sauf abus de sa

part, ne peut voir sa responsabilité engagée :

« Considérant s’agissant des comptes de l’exercice clos le 31 août 1990, que

Monsieur D. a refusé de certifier les comptes, que dès lors que la faute ne pourrait que

résulter d’une certification inexacte des comptes, la responsabilité du commissaire

aux comptes ne peut être recherchée au titre de cet exercice … »(32).

(28)Cass. req. 9 mars 1942, J.C.P. 1942, II, 1930, D. BASTIAN.

(29)Paris 13 nov. 1998, Bull. CNCC n° 115-1999, p. 455, Ph. MERLE.

(30)T.G.I. Marseille 10 sept. 1986, Bull. CNCC n° 64- 1986, p. 419.

(31)T.G.I. Paris (5e Ch.,1er sect.) 14 sept. 1994 (inédit).

(32)Versailles 7 nov. 2002, Bull. CNCC n° 128–2002, p. 580, confirmant TGI Nanterre 4 nov. 1998, Bull.CNCC n° 113- 1999, p. 140, Ph. MERLE ; cf. égal. TGI Paris 13 mai 1998, Bull. CNCC n° 112-1998, p.593.

Page 30: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

23

Il ne peut être reproché au commissaire aux comptes de ne pas s’être interrogé sur

l’importance de frais financiers résultant d’un choix de gestion, alors qu’il lui est interdit de

s’immiscer dans la gestion de la société :

« … Le commissaire aux comptes n’a pas à intervenir dans les relations commerciales

et financières de l’entreprise avec ses partenaires dans le cadre de sa mission légale

qui se limitait à vérifier la correcte traduction comptable des charges financières

résultant des relevés d’agios.

C’est également vainement que la société reproche au commissaire aux comptes de ne

pas avoir sollicité d’explications des dirigeants quant au montant important des frais

ou de ne pas avoir demandé communication des éléments permettant de s’assurer de

la légitimité des prélèvements et de leur montant, alors que l’importance des frais

financiers résultait d’un choix de gestion dans lequel il n’avait pas à s’immiscer et

que, à l’époque des faits, la circonstance qu’aucune convention écrite relative au taux

d’intérêt n’ait été signée était sans incidence, dès lors qu’il était admis, ainsi que l’a

souligné le tribunal, que la réception des relevés de compte sans protestation ni

réserve pouvait y suppléer »(33).

C’est souvent à la suite de prises de participations malheureuses que la responsabilité du

commissaire aux comptes est recherchée. Ainsi est retenue la faute du commissaire aux

comptes lorsque la certification du bilan non conforme à l’image fidèle a conduit des

actionnaires ou des tiers à effectuer une reprise de la société ou à souscrire à une

augmentation de capital. C’est ce qui a été décidé par la Cour de Cassation dans l’arrêt Albin

Michel :

« … Mais attendu que l'arrêt retient que les trois sociétés Éditions Albin Michel,

Infomedia et Maxi livres profrance qui ont investi dans la reprise du « groupe »

Magnard au travers de la société Florengeoise de participation, transformée en SNC,

ont un intérêt légitime et direct à agir à l'encontre des commissaires aux comptes

responsables, selon elles, du préjudice qu'elles ont subi dans cette opération tant au

travers de leur société holding que pour leur propre compte et que le lien de causalité

(33)Paris 31 oct. 2000, Bull. CNCC n° 123-2001, p. 462, Ph. MERLE.

Page 31: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

24

entre l'investissement auquel il a été procédé au travers de la société Florengeoise de

participation comme prévu à l'article 2-1 du protocole du 10 janvier 1995 et

l'éventuelle faute commise par les commissaires aux comptes ne peut être valablement

contesté par ces derniers ; qu'en constatant que les trois sociétés demandaient

réparation de leur préjudice consistant dans le surcoût financier et les pertes que la

société Florengeoise de participation et à travers elle, les trois autres sociétés sont

tenues de supporter à cause d'une opération de reprise non conforme à ce qu'elles

avaient envisagé, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions des articles 31 et

32 du Code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche

… ;

Mais attendu qu'en retenant que les sociétés avaient pris des garanties en proportion

de la situation négative au 31 décembre 1993 de la société SPI certifiées par les

commissaires aux comptes et que ces prévisions ne se sont trouvées remises en cause

que du fait de l'inexactitude desdits comptes dûment certifiés, la cour d'appel a pu

décider que les sociétés n'avaient commis aucune faute en se fondant sur le rapport de

certification des comptes, lequel demeure un élément déterminant pour décider, dans

l'urgence, d'investir dans une société en situation financière difficile ; d'où il suit que

le moyen n'est pas fondé … ;

Attendu que les commissaires aux comptes reprochent encore à l'arrêt d'avoir rejeté

leur appel en garantie à l'encontre des consorts Magnard alors, selon le moyen, que si

la société (de commissaires aux comptes) a certifié les comptes du groupe Magnard

pour l'exercice clôturé au 31 décembre 1993, comptes qui présentaient une situation

nette négative de 23,3 MF alors que celle-ci était en réalité de 74,77 MF, c'est

nécessairement que les comptes qui lui ont été présentés par les consorts Magnard,

dirigeants du groupe Magnard, étaient faux ; qu'en jugeant que ces dirigeants

n'avaient commis aucune faute identifiable envers les commissaire aux comptes, la

cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les consorts Magnard n'ont commis aucune faute à

l'égard des commissaires aux comptes auxquels, connaissant parfaitement en cette

qualité les sociétés du groupe Magnard, il appartenait de vérifier les déclarations et

Page 32: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

25

informations données par les dirigeants de ce « groupe » et en constatant que les

commissaires aux comptes avaient disposé de tous les éléments nécessaires à leur

mission, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est

pas fondé .. »(34).

Avec cet arrêt, la Haute juridiction fait peser une responsabilité élevée à l’encontre des

commissaires aux comptes, en affirmant dans sa décision que le rapport de certification

demeure un élément déterminant pour l’investisseur. Mais il est vrai qu’en l’espèce, ce dernier

prenait sa décision d’investir dans l’urgence compte tenu de la situation financière difficile du

groupe d’édition.

« ... Que l’arrêt constate que la négligence fautive de X., qui a certifié régulier et

sincère un bilan inexact, a permis aux dirigeants de la société N. P. d’obtenir

l’intervention de la société U., qui a souscrit à une augmentation de capital et versé

postérieurement d’autres sommes, prolongeant son aide jusqu’à ce que soit

découverte la situation réelle de la société N. P. ; que la cour d’appel a pu en déduire

que cette faute ayant concouru avec celle des dirigeants à la perte subie par U. son

auteur devait être déclaré responsable in solidum avec ceux-ci... »(35).

Cependant, les tribunaux ne manquent pas également de porter attention à l’attitude du

demandeur et de lui reprocher, le cas échéant ses propres négligences :

« … Mais attendu qu'en relevant, par motifs propres et adoptés, que les deux sociétés

avaient fait preuve de légèreté et de précipitation en réalisant l'investissement en

cause sans attendre la certification des comptes ni sans s'assurer des motifs de cette

absence de certification et sans avoir fait procéder à un audit préalable des comptes,

(34)Com. 11 fév. 2003, Bull. CNCC n° 130, p. 325, Ph. MERLE.

(35)Com. 9 février 1988, Bull. civ. III, p. 47, n° 68 ; Bull. CNCC n° 70-1988, p. 197, E. du PONTAVICE ;Petites Affiches 7 mars 1988, p. 13, P. MORETTI ; Rev. sociétés 1988, p. 555, J. MONÉGER, rejetant lepourvoi contre Paris 24 janv. 1986, Bull. CNCC n° 62-1986, p. 187, E. du PONTAVICE. Cf. égal. Com. 17octobre 1984, Bull. CNCC n° 57- 1985, p. 107, E. du PONTAVICE ; Rev. sociétés 1985, p. 845, D.VIDAL ; J.C.P. 1985, II, 20458, A. VIANDIER (marché de travaux au Zaïre) et sur renvoi, Amiens (sol.) 20juin 1988, Bull. CNCC n° 71-1988, p. 317, E. du PONTAVICE, déboutant le demandeur.

Page 33: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

26

la cour d'appel a, à bon droit, retenu que le comportement des deux sociétés avait

contribué pour partie à leur propre préjudice … »(36).

La jurisprudence n’hésite pas à prendre en compte, pour apprécier la responsabilité du

commissaire aux comptes, :

– le fait que le repreneur avait une bonne connaissance de l’entreprise reprise :

« Avant même la cession alléguée comme dolosive, l’acquéreur détenait 40 % de la

société qu’il a acquise, en étant l’actionnaire majoritaire et l’administrateur. De par

ses fonctions, il en connaissait la situation, l’état et en était lui-même responsable. Au

surplus, il en était le conseil rémunéré en matière administrative, juridique et

commerciale et avait demandé un audit interne qui avait révélé des informations

préoccupantes… L’acquéreur ne démontre ni l’existence des faux qu’il dénonce, ni

l’existence d’une faute préjudiciable commise par l’expert-comptable et le

commissaire aux comptes. Il doit être débouté de son action fondée sur un prétendu

dol ... »(37) ;

– ou que la fraude était sophistiquée et que le repreneur n’a pas réalisé d’audit :

« … Les modalités de la fraude organisée par le dirigeant ne permettaient pas au

commissaire de déceler les avoirs qui devaient être enregistrés seulement sur l’exercice

comptable ultérieur… La plaignante s’est lancée dans une opération de souscription

d’obligations convertibles hasardeuse, imprudemment et de manière précipitée. Elle s’est

contentée de comptes certifiés datant de plus de treize mois sans recourir à un audit.

Spécialisée dans la prise de participations à risques, elle est à l’origine de son propre

préjudice et doit être déboutée de l’ensemble de ses prétentions… »(38).

(36)Com. 27 sept. 2005, Bull. CNCC n° 140-2005, p. 654, Ph. MERLE.

(37)Paris 24 sept. 2004, Bull. CNCC n° 135-2004, p. 527, Ph. MERLE.

(38)Lyon 18 déc. 2003, Bull. CNCC n° 133-2004, p. 134, Ph. MERLE.

Page 34: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

27

– ou que la reprise présentait un caractère spéculatif marqué :

« Attendu que contrairement à toute prudence en ce genre d’affaires, la S. A. dont la

compétence en la matière ne peut être contestée, n’a pas demandé une révision des

comptes de la S. E. ; que H. a en effet déclaré ″ Nous avons effectué une reprise « à

chaud », une expertise aurait duré quelques mois et la S. E. aurait déposé son bilan entre

temps ″ ; attendu qu’il est ainsi établi que la S. A. n’ignorait aucunement la précarité des

chances de survie de la S. E. après étude des bilans et des situations fournis par les

consorts C. avec lesquels des contacts existaient depuis mars 1973, la convention

définitive n’ayant eu lieu que le 9 juin 1975, concrétisant les conventions antérieures des

9 mars 1974 et 5 avril 1974 ;

Attendu qu’en réalisant la prise de participation de S. E., la S. A. réalisait une opération

purement spéculative dont elle n’ignorait pas les aléas... ;

Attendu qu’ainsi il résulte des conclusions des experts... que la S. A. en possession des

bilans dont elle critique la sincérité était cependant en mesure d’apprécier la situation

réelle de l’entreprise ; qu’il n’existe ainsi aucun rapport de cause à effet entre la faute

alléguée et le préjudice prétendument subi ; la négligence de la S. A. dans l’examen et

l’étude de l’opération de prise de majorité qu’elle a faite étant elle-même génératrice du

préjudice dont elle se plaint... »(39).

Il arrive que les commissaires aux comptes soient mis en cause lorsque la société qu’ils

contrôlent fait l’objet d’une procédure collective. Des actionnaires ou des créanciers sociaux

leur reprochent de ne pas avoir exercé une vigilance suffisante, vigilance qui, selon eux, aurait

permis d’anticiper le dépôt de bilan, d’éviter l’aggravation du passif. Les arrêts font

application du droit commun de la responsabilité :

« ... En n’exerçant pas les pouvoirs qui lui incombaient et en ne dénonçant pas aux

dirigeants sociaux et aux associés le désordre qui régnait dans la comptabilité de la

société, ainsi que les multiples opérations irrégulières qui avaient été commises, la

(39)T.G.I. Lorient 22 fév. 1983, Bull. CNCC n° 49-1983, p. 92.

Page 35: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

28

gabegie qui régnait et le défaut total de fiabilité des bilans présentés, un commissaire

aux comptes engage sa responsabilité personnelle à l’égard de la masse des

créanciers de la société ; il a, en effet, laissé les dirigeants avoir un sentiment de

liberté totale dont ils ont largement « abusé » ; du même coup, il a privé les créanciers

d’une chance de réduction de la perte qu’ils ont éprouvée, l’organe de contrôle ayant

justement pour but de prévenir les errements des dirigeants, de les réprimer et de leur

permettre d’amender leur comportement... »(40).

« ... Attendu que les premiers juges ont exactement et avec précision relevé l’absence

ou l’insuffisance des contrôles incombant à X. ; Attendu que l’expert M. a justement

relevé en conclusion de son rapport que dès 1972, pour des motifs techniques,

économiques et commerciaux et pour partie à raison de graves irrégularités, la

société T. subissait des pertes importantes dont la constatation a été différée jusqu’en

octobre 1974 par la tenue d’une double comptabilité et par l’établissement de bilans

inexacts ;

Attendu que par des motifs pertinents auxquels la cour se réfère expressément, les

premiers juges ont exactement analysé qu’un contrôle consciencieux aurait avancé le

moment de cette constatation et aurait de façon certaine pour le moins limité

l’importance de l’insuffisance d’actif en concourant à provoquer éventuellement un

redressement et, en tout cas, en informant les banquiers et les partenaires contractuels

de la société de la nécessité d’observer une certaine prudence eu égard à la situation

réelle de celle-ci sans qu’il y ait lieu de s’arrêter à la circonstance précise mais

insuffisamment déterminante, invoquée par H., que les créanciers ne prenaient pas

nécessairement connaissance des bilans avant de contracter ;

Attendu que si les fautes et négligences du commissaire aux comptes ne sont pas la

cause unique du dommage subi par ces créanciers, il existe un lien certain de cause à

effet entre celles-ci, s’ajoutant aux fautes des dirigeants sociaux, et le préjudice total

en définitive subi par la masse ... »(41).

(40)Aix-en-Provence 29 mai 1981, D. 1982, I. R. 66, F. DERRIDA.

(41)Rouen 27 avril 1982, Bull. CNCC n° 47, p. 288, sur appel de T.G.I. Le Havre 15 nov. 1979, Bull. CNCC n°37, p. 44.

Page 36: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

29

De même, une société qui envisage de verser une somme importante pour prendre part à

l’activité d’une autre société doit s’entourer de tous renseignements nécessaires et en

particulier examiner les comptes. Elle ne saurait se décharger sur le commissaire aux comptes

d’erreurs ou de négligences dont elle est elle-même à l’origine, si la société dépose par la suite

son bilan :

« … En réalité, il appartenait bien à la société S. qui envisageait de verser une somme

importante pour prendre part à l’activité de la société J. de s’entourer de tous

renseignements nécessaires et, notamment, de requérir des dirigeants de cette société

les deux rapports litigieux ;

En toute hypothèse, l’examen des bilans sous l’angle de la comptabilité analytique

aurait permis à la société S., qui en avait les capacités, compte tenu de sa structure,

d’avoir son attention éveillée sur les risques d’une ″ aggravation de la situation ″, et

elle ne saurait se décharger sur A., dont la qualité des diligences a été soulignée,

d’erreurs dont elle est elle-même à l’origine, d’autant qu’il est souligné qu’elle n’a

même pas pris contact avec la banque principale de J. »(42).

A été condamné le commissaire aux comptes qui, par l’insuffisance de ses contrôles, est à

l’origine du préjudice subi par les fournisseurs qui, s’ils avaient été informés de la situation

réelle de la société, n’auraient pas conclu de nouveaux contrats avec elle :

« ... Mais attendu que l’arrêt retient que l’insuffisance du contrôle effectué par C.

avait été à l’origine de l’ignorance dans laquelle les sociétés Y. et Z. avaient été de la

situation catastrophique de la société P. et donc du maintien de leurs rapports

contractuels postérieurement au 1er décembre 1984, date à laquelle C. a certifié

sincère et véritable le bilan de l’exercice 1983-1984 falsifié par le dirigeant de la

société P., ce dont il résultait qu’informées de la situation réelle de cette dernière, les

sociétés Y. et Z. n’auraient pas conclu d’autres contrats comme elles l’ont fait... »(43).

(42)TGI Toulouse 5 janv. 1987, Bull. CNCC n° 66- 1987, p. 224, E. du PONTAVICE.

(43)Com. 27 oct. 1992, Bull. CNCC n° 91-1993, p. 375, E. du PONTAVICE.

Page 37: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

30

Le dépôt tardif du rapport du commissaire aux comptes, même si c’est à raison du retard du

conseil d’administration dans l’établissement de son propre rapport, engage sa responsabilité

civile vis-à-vis de la société :

« Le décret du 23 mars 1967 prévoit que le rapport des commissaires aux comptes

doit être déposé quinze jours avant l’assemblée générale.

Les commissaires aux comptes ne rapportent pas la preuve de la date à laquelle ils ont

adressé leur rapport. Ils soutiennent seulement que ce rapport a été remis à la société

le jour où devait se tenir l’assemblée générale.

Le fait que le rapport du conseil d’administration, qui doit être établi un mois avant

l’assemblée générale, n’ait été disponible que quatre jours avant l’assemblée ne

constitue pas une excuse absolutoire contrairement à ce que soutiennent les

commissaires aux comptes à qui il revenait au contraire de faire état dans leur

rapport déposé en temps utile de l’absence du rapport du conseil d’administration.

Les commissaires aux comptes qui ont commis une faute en déposant tardivement leur

rapport doivent être condamnés à réparer le préjudice subi par la société obligée de

convoquer une seconde assemblée générale à raison du dépôt tardif du rapport des

commissaires aux comptes »(44).

Fautes liées à l’exécution d’autres missions du commissaire aux comptes

En dehors des fautes qu’il peut commettre dans l’exercice de sa mission permanente de

contrôle des comptes, le commissaire aux comptes peut également voir sa responsabilité

engagée à l’occasion d’autres missions. L’analyse de la jurisprudence montre que les arrêts

sont essentiellement rendus à propos des missions d’information ou de procédures d’alerte

non déclenchées ou déclenchées trop tardivement.

(44)Paris 8 avril 2005, Bull. CNCC n° 139-2005, p. 466, Ph. MERLE.

Page 38: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

31

Défaut dans l’exécution des missions d’information

En application de l’article 169 de la loi 17-95, le commissaire aux comptes doit porter à la

connaissance de l’organe collégial chargé de l’administration et, le cas échéant, de l’organe

chargé de la direction, en particulier les irrégularités et les inexactitudes qu’il aurait

découvertes, qu’elles relèvent du contrôle des comptes ou des vérifications spécifiques qui

entrent dans sa mission(45). Ainsi, l’abstention du commissaire aux comptes qui causerait un

préjudice entraînerait sa responsabilité.

Fautes et procédure d’alerte

Si le commissaire aux comptes n’a pas déclenché l’alerte en temps utile, il engage sa

responsabilité envers ceux qui subissent un préjudice du fait de l’ouverture de la procédure

collective.

Mais, comme le commissaire n’est tenu que d’une obligation de moyens, c’est au demandeur

qu’il appartient de prouver la faute. Cette faute ne peut consister qu’en une erreur manifeste

d’appréciation sur l’existence des faits de nature à compromettre la continuité de

l’exploitation de la société contrôlée. Et sa responsabilité ne peut être retenue que si le lien de

causalité est établi entre la carence du commissaire aux comptes et le préjudice causé par

l’ouverture tardive de la procédure collective, ce qui n’est pas une preuve facile à établir.

C’est ainsi que dans un cas où tous les actionnaires étaient au courant de la situation

financière délicate de la société depuis de nombreux mois, le liquidateur judiciaire a été

débouté de son action en responsabilité civile contre le commissaire aux comptes, car il n’a

pas réussi à prouver que l’absence de déclenchement de l’alerte avait eu une incidence sur le

retard apporté au dépôt de bilan et l’éventuelle aggravation du passif en résultant(46).

Lorsque le demandeur reproche au commissaire aux comptes de n’avoir pas déclenché l’alerte

ou de l’avoir déclenchée tardivement, il invoque un préjudice qui s’analyse en une perte de

chance.

(45)Paris 26 janv. 1996, Bull. JOLY 1996, p. 288, n° 99, J.-F. BARBIÉRI.

(46)Com. 3 mars 2004, Bull. CNCC n° 134-2004, p. 331, Ph. MERLE.

Page 39: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

32

« Pour obtenir réparation de son préjudice, il doit prouver quelles auraient été les

chances effectives de redresser la situation économique de l’entreprise ou de limiter

son passif et, également, si cette alerte aurait pu le dissuader de souscrire ses

engagements de caution ou d’en limiter le montant »(47).

Autrement dit, si la chance a été perdue, encore faut-il prouver qu’elle ait existé ! À défaut, il

n’y a pas de préjudice actuel et certain et le demandeur ne peut être que débouté.

Faute et convocation d’assemblée en cas de carence

L’assemblée générale est convoquée par le commissaire aux comptes en cas de carence des

organes de direction(48). La responsabilité du professionnel peut être retenue en cas de

convocation irrégulière :

« Considérant que l’article L. 225-103 du Code de commerce édicte que l’assemblée

générale des actionnaires d’une société anonyme de type classique est convoquée par

le conseil d’administration ; qu’il ajoute qu’à défaut, elle peut l’être par les

commissaires aux comptes ;

Considérant que l’article 194 du décret du 23 mars 1967 précise que le commissaire

aux comptes ne peut convoquer l’assemblée des actionnaires qu’après en avoir

vainement requis, par lettre recommandée, la réunion par le conseil

d’administration… ;

Considérant … que l’émission par la société M. [commissaire aux comptes] d’une

convocation, dès le 10 octobre 2003, sans même attendre la réunion du conseil

convoqué pour le 13 du même mois, ne satisfait manifestement pas aux conditions

fixées par l’article 194 du décret du 23 mars 1967, la société G. ne se trouvant pas en

l’espèce … dans une situation autorisant le commissaire aux comptes à convoquer une

assemblée générale des actionnaires ;

(47)Paris 26 avril 2000, Bull. CNCC n° 119-2000, p. 380, Ph. MERLE.

(48)Article 116 de la loi 17-95.

Page 40: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

33

Considérant ainsi que la convocation émise par la société M. était irrégulière ; que

l’article L. 225-104 du Code de commerce édicte en son deuxième alinéa que toute

assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée … ;

Considérant que la simple constatation de l’existence d’un conflit d’actionnaires ne

saurait justifier que la société M. se soit substituée indûment aux organes de gestion

qui fonctionnaient normalement … ;

Considérant que la société M. ne peut ainsi prétendre avoir agi dans l’intérêt de la

société en convoquant l’assemblée annulée alors que c’est au seul avantage et à la

demande d’un groupe majoritaire d’actionnaires qu’elle a pris cette initiative

manquant par là à son devoir d’indépendance … »(49).

1-2 – La faute d’autrui

Logiquement, le commissaire aux comptes n’est tenu que des fautes qu’il commet

personnellement. Il ne saurait être tenu, de la faute commise par d’autres.

La faute d’autrui peut être celle d’un expert ou d’un collaborateur (a) ; elle est fréquemment

celle des dirigeants sociaux (b). Elle peut être également commise par les salariés de la société

(c).

a – Fautes d’experts ou de collaborateurs

Aux termes de l’article 167 alinéa 2 de la loi 17-95 :

« Pour l’accomplissement de leurs contrôles, les commissaires aux comptes peuvent,

sous leur responsabilité, se faire assister ou représenter par tels experts ou

collaborateurs de leur choix, qu’ils font connaître nommément à la société. »

(49)Versailles 19 janv. 2006, Bull. JOLY 2006, p. 705, n° 156, J. F. Barbiéri.

Page 41: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

34

Le commissaire aux comptes est responsable des fautes commises par ses collaborateurs ou

par les experts qu’il a souhaité s’adjoindre pour l’exécution de ses diligences. En effet, la

charge de travail n’est que rarement supportable par une seule personne, compte tenu de la

complexité des opérations, et de la rapidité qui marque les activités du commissaire aux

comptes dans la société pour ne pas en troubler outre mesure le fonctionnement normal.

Dès lors, à la faute strictement personnelle, s’ajoute une responsabilité du fait des membres de

son équipe et le commissaire aux comptes ne saurait invoquer pour se décharger de sa

responsabilité, la délégation qu’il avait donnée à ses collaborateurs ou la confiance totale qu’il

avait en eux car la faute de ces derniers est constitutive d’une faute personnelle du

commissaire aux comptes(50).

S’agissant de la faute commise par l’expert qui l’assiste, il y a sans aucun doute à l’égard des

victimes, faute propre du commissaire aux comptes pour l’avoir mal choisi. Mais, d’une part,

le commissaire aux comptes peut exercer une action en responsabilité à l’égard de l’expert

pour mauvaise exécution de la mission qui lui a été déléguée contractuellement et il a, le plus

souvent, intérêt à l’appeler en cause pour qu’il soit directement statué sur sa part de

responsabilité dans la réalisation du dommage. D’autre part, la victime peut agir directement

contre l’expert sur le fondement de la responsabilité du droit commun.

b – Fautes commises par les dirigeants de la société contrôlée

Selon l’article 180 alinéa 2 de la loi 17-95 : Les commissaires aux comptes « ne sont pas

civilement responsables des infractions commises par les administrateurs ou les membres du

directoire ou du conseil de surveillance sauf si, en ayant eu connaissance lors de l’exécution

de leur mission, ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l’assemblée générale. »

Le texte pose le principe que les commissaires aux comptes ne sont pas responsables sur le

terrain civil des infractions commises par les dirigeants et mandataires sociaux.

(50)A. VIANDIER ET C. DE LAUZAINGHEIN, OP. CIT. N°142 ; Y. GUYON. J-CI-SOCIETES, N°81.

Page 42: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

35

L’expression « civilement responsable » concerne la responsabilité du fait d’autrui et le 2ème

alinéa de l’article 180 de la loi 17-95 paraît signifier que le commissaire aux comptes ne

répond pas des fautes des dirigeants sociaux et que sa responsabilité ne peut être engagée

qu’en cas de faute personnelle commise dans l’exercice de sa mission.

En France, la Cour de Cassation n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur

l’interprétation délicate de ce texte(51). On peut signaler ici un arrêt du 30 juin 1994 rendu par

la cour d’appel de Paris :

« Considérant que par de justes motifs, que la Cour fait siens, le tribunal a jugé que ce

texte ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité civile de droit commun que peut

engager la société sur le fondement de fautes contractuelles commises par le

commissaire aux comptes dans l’exercice de sa mission de vérification et de contrôle

des comptes ; qu’en décider autrement aurait pour effet, en cas d’infraction commise

par un dirigeant social, d’écarter toute responsabilité du commissaire aux comptes

pour des fautes personnelles propres ayant concouru à la réalisation du

dommage… »(52).

Il ne suffirait donc pas au commissaire aux comptes d’établir qu’il n’a pas eu connaissance de

l’infraction pour échapper au principe de sa responsabilité. Cette thèse, contrairement au

souhait du législateur, restreindrait de façon trop importante la responsabilité du commissaire

dans les cas où l’exercice normal de ses diligences lui aurait permis de découvrir l’infraction.

c – Fautes commises par les salariés de la société contrôlée

L’interprétation a contrario de l’article 180 alinéa 2 de la loi 17-95, conduit à décider que les

commissaires aux comptes ne sont pas civilement responsables des fautes ou malversations

des salariés de la société, même si, en ayant eu connaissance, ils ne les ont pas révélées dans

leur rapport à l’assemblée générale.

(51)En France, c’est l’article L. 822-17 al. 3 C. com. français qui similaire à celui prévu au Maroc, art. 180 al. 2de la loi 17-95.

(52)Droit des sociétés 1995, n° 12, D. VIDAL.

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36

Mais, en application du 1er alinéa de ce texte, les commissaires sont responsables, tant à

l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences

par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions. Il en résulte que si les irrégularités des

salariés ont été rendues possibles ou si les conséquences en ont été aggravées par la

négligence prouvée du commissaire aux comptes dans l’exercice de sa mission de contrôle, il

est alors responsable de sa propre faute.

En France, une jurisprudence abondante s’est développée sur cette question. Il arrive en effet

que le comptable, le chef comptable, voire le secrétaire général profitent de leur situation dans

l’entreprise pour opérer des détournements. Lorsque les faits sont découverts, quelquefois au

bout de plusieurs années, certains dirigeants de société ont tendance à se retourner contre le

commissaire aux comptes et à lui reprocher de ne pas avoir exercé correctement sa mission.

Pour la Cour de Cassation, aucune responsabilité de plein droit ne pèse sur le commissaire

aux comptes en cas de malversations commises par un salarié de la société. Le commissaire

aux comptes n’est en effet tenu que d’une obligation de moyens et c’est donc au demandeur

de rapporter la preuve de l’existence de sa faute(53).

2 – Le préjudice

Ici les règles du droit commun retrouve leur empire. Il faut qu’un préjudice sérieux et

appréciable soit démontré pour que le juge entre en condamnation du commissaire aux

comptes. Nous allons le voir, cette exigence d’un dommage n’est pas présente dans le cadre

des responsabilités pénale et disciplinaire.

En application du droit commun de la responsabilité civile, le demandeur doit apporter la

preuve du dommage que lui a causé la faute du commissaire aux comptes. Le dommage doit

être certain, direct, et porter atteinte à un droit acquis.

(53)Grenoble 7 mars 1989, Bull. CNCC n° 75-1989, p. 357 ; T.G.I. Lyon 19 déc. 1984, Bull. CNCC n° 58-1985, p. 224, E. du PONTAVICE ; T.G.I. Albi 19 mars 1986, Bull. CNCC n° 65-1987, p. 76 E. duPONTAVICE ; T.G.I. Lille 30 nov. 1988, Bull. CNCC n° 73- 1989, p. 98.; T.G.I. Nanterre 7 juin 1989,Bull. CNCC n° 76-1989, p. 478.

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37

Il faut donc que le dommage ait la nature et les caractères du dommage réparable selon le

droit commun, notamment, le dommage devra être direct, certain, porter atteinte à un droit, et

être personnel à la personne morale contrôlée ou à tout tiers victime. En pratique, il ne peut

s’agir que d’un dommage matériel, c'est-à-dire la perte financière subie à raison de la faute.

Le plus souvent, le dommage est un dommage matériel. Exceptionnellement, il se pourrait

que le commissaire aux comptes soit cependant à l’origine d’un dommage moral. Tel serait le

cas de la révélation à l’assemblée de prétendues irrégularités portant atteinte à l’honneur ou à

la réputation des dirigeants de la société contrôlée.

L’évaluation du dommage n’entraîne pas de difficultés particulières lorsque le préjudice

résulte par exemple des détournements commis par les salariés de la société que le

commissaire aux comptes a pour mission de contrôler. Les dommages-intérêts alloués en

réparation du dommage sont en principe égaux au montant même de la somme détournée et

ils peuvent aussi réparer le préjudice financier dont la preuve serait établie.

Mais, généralement, l’évaluation du dommage est plus délicate. En effet, la faute ou la

négligence du commissaire aux comptes prive le plus souvent les destinataires de

l’information comptable, financière ou juridique attendue ; et c’est ce déficit d’information ou

cette fausse information qui engendre un dommage matériel pour la société, les actionnaires

ou les tiers.

C’est ainsi que le défaut de révélation de l’infraction commise par un chef comptable n’a pas

permis de mettre fin à une situation préjudiciable pour la société, qui obtient réparation de

l’important dommage qu’elle subit ; ou encore, des tiers trompés par une certification erronée

des comptes sociaux ont participé à l’augmentation de son capital avant de découvrir une

situation endettée qui conduit à la perte de leur apport.

Dans le cadre de l’évaluation du préjudice, il est classique que les juges prennent également

en considération la faute de la victime qui a contribué à la réalisation du dommage. On est

alors en présence non pas d’une faute commune, mais de deux fautes différentes, qui ont

contribué séparément à provoquer le dommage. La prise en compte de la faute de la victime

Page 45: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

38

entraîne évidemment une diminution de l’indemnité qui lui est allouée. C’est ce qu’a décidé le

Tribunal commercial de Lyon dans un jugement rendu en date du 18 mai 1999 :

«… Manifestement, au vu des résultats obtenus, et bien que n’étant pas tenue à une

obligation de résultat, la société de commissaires aux comptes, Cabinet X., n’a pas

utilisé les techniques de contrôle adéquates et n’a pas obtenu les éléments probants

suffisants… ; toutefois la société S., bien qu’ayant eu des doutes sur l’exactitude de

son chiffre d’affaires, bien avant la clôture de l’exercice, n’a pas cru devoir en

informer son commissaire aux comptes ; agissant ainsi, elle a contribué à son propre

préjudice ; le Tribunal estimera sa responsabilité au quart des préjudices subis… »(54).

Dans certaines situations, la faute de la victime est tellement grave que les juges considèrent

qu’elle absorbe la faute du commissaire aux comptes : il en résulte une rupture du lien de

causalité et les conditions de la responsabilité du contrôleur légal des comptes ne sont donc

pas réunies. C’est ce qu’a décidé la Cour de Cassation dans un important arrêt du 14

décembre

2004 :

« … Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu que la société ORC

avait, en s'abstenant d'exercer sur l'activité de Mme X... un contrôle dont la nécessité

était apparue immédiatement après l'arrivée de celle-ci au sein de la société, commis

une faute en l'absence de laquelle les détournements auraient été évités, de sorte que

cette faute avait, au regard du lien de causalité, absorbé celle retenue à l'encontre du

commissaire aux comptes puisque celle-ci n'aurait pu être commise en l'absence de

celle-là ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a ni constaté que le manquement du commissaire

aux comptes à ses obligations professionnelles avait concouru à la production du

dommage subi par la société ORC ni, par suite, exonéré le commissaire aux comptes

d'une responsabilité dont elle a dit que les conditions n'étaient pas réunies … »(55).

(54)Trib. com. Lyon 18 mai 1999, Bull. CNCC n° 115-1999, p. 493, Ph. MERLE.

(55)Com. 14 déc. 2004, Bull. CNCC n° 136-2004, p. 685, Ph. MERLE, rejetant le pourvoi contre Paris 15 nov.2000, Bull. CNCC n° 120-2000, p. 546, Ph. MERLE.

Page 46: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

39

De plus en plus nombreux sont aujourd’hui les arrêts en France qui retiennent au titre du

préjudice, la perte de chance subie par la victime. C’est l’exemple classique du cheval qu’un

retard dans le transport empêche de courir. La faute du tiers, le transporteur, a privé le

propriétaire de la chance de gagner le Prix d’Amérique ! En matière de commissariat aux

comptes, la société prétendra que si le commissaire aux comptes avait déclenché la procédure

d’alerte, il ne lui aurait pas fait perdre la chance de se redresser. Il sera également soutenu

qu’en certifiant de façon fautive les comptes sociaux, le commissaire aux comptes « a privé la

société d’une chance de mettre fin dans les meilleurs délais aux exactions de son dirigeant et

d’éviter ainsi le renouvellement des détournements »(56).

La Cour de Cassation fait application très nettement de la notion de perte de chance en

matière de commissariat aux comptes, comme le montre cet arrêt du 19 octobre 1999 :

«… Mais attendu, d’une part, que l’arrêt retient que le commissaire aux comptes avait

certifié les comptes de la société de façon hâtive et fautive, compte tenu d’une

importante écriture de régularisation du compte client, dont l’anormalité aurait dû

attirer son attention, alors qu’un examen sérieux, conforme aux normes

professionnelles, l’aurait conduit à formuler toutes réserves ; que, dès lors qu’il ne

résulte pas de ces appréciations et énonciations que les réserves auxquelles auraient

dû conduire les diligences omises auraient, à elles seules, empêché la poursuite des

détournements, la cour d’appel a pu décider que le préjudice subi par la société

consistait dans la perte d’une chance de mettre fin à ces détournements dans les

meilleurs délais ;

Attendu, d’autre part, qu’en retenant que le préjudice de la société résultant de la

perte d’une chance est distinct de celui résultant des détournements eux-mêmes et que

le commissaire aux comptes ne saurait être tenu de rembourser les sommes détournées

ou le coût global qui en est résulté pour la société, la cour d’appel a légalement

justifié sa décision… »(57).

(56)Paris 7 février 1997, Bull. CNCC n° 106-1997, p. 257, Ph. MERLE.

(57)Com. 19 oct. 1999, Bull. CNCC n° 117-2000, p. 58, Ph. MERLE.

Page 47: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

40

La perte de chance implique toujours l’existence d’un aléa. Si l’entreprise en difficulté était

dans une telle situation qu’elle n’aurait pas pu être redressée, même si l’alerte avait été

déclenchée plus rapidement, la perte de chance ne saurait être retenue.

Ainsi en va-t-il également au cas où il n’y avait pas de chance réelle et sérieuse d’éviter la

liquidation de l’entreprise :

« Il apparaît dès lors que la perte de chance qu’invoquent les actionnaires du fait de

l’insuffisance d’information résultant de la négligence du commissaire aux comptes

n’est pas établie, les facteurs négatifs … rendant très aléatoire la possibilité de

trouver un repreneur. Dès lors, à défaut d’établir l’existence d’une chance réelle et

sérieuse d’éviter la liquidation de l’entreprise, chance qui serait au surplus la

conséquence de l’insuffisance des diligences de Monsieur C. les actionnaires

susnommés seront déboutés de leurs demandes … »(58).

Si la preuve de l’existence de l’aléa est rapportée, c’est donc seulement cette perte qui sera

compensée par l’allocation de dommages et intérêts et non pas la totalité de ce que la chance,

si elle s’était réalisée, aurait pu permettre à la victime d’éviter de perdre. Par rapport au

résultat qui pouvait être escompté, la réparation, de caractère forfaitaire, ne peut être que

partielle et les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation.

3 – Le lien de causalité

La responsabilité du commissaire aux comptes ne peut être retenue que si le demandeur

prouve un rapport de causalité entre la faute et le dommage. Cette preuve est difficile à

rapporter, car, le plus souvent, c’est une faute d’abstention qui est à l’origine du dommage. En

outre, le commissaire aux comptes n’étant tenu que d’une obligation de surveillance ou de

contrôle et ayant l’interdiction de s’immiscer dans la gestion de la société contrôlée, il ne sera

généralement pas le seul auteur du préjudice. Il en résulte une « forte dilution de la

(58)TGI Paris 29 oct. 2002, Bull. CNCC n° 128-2002, p. 584, Ph. MERLE.

Page 48: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

41

causalité »(59), si bien que les tribunaux en raison du caractère partiel de la cause ne peuvent

entrer en condamnation que dans des cas limités.

Les juges du fond français apprécient souverainement l’existence de ce lien de causalité

comme le démontre cet arrêt rendu en date du 2 mars 1983 :

« Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir écarté tout lien de cause à effet entre la

faute retenue contre X. et le préjudice allégué par les sociétés ....

Mais attendu que… la cour d’appel a relevé, par une appréciation souveraine du sens

et de la portée des éléments soumis à son examen, que les sociétés n’avaient pas

rapporté la preuve que l’augmentation de capital critiquée avait déterminé leur

volonté de contracter avec la société D… »(60).

Le lien de causalité est jugé établi lorsque l’exécution des diligences normales auraient

empêché la réalisation du dommage. Il est établi quand les inexactitudes ou les irrégularités

n’auraient pas dû échapper au contrôle effectif et suffisant du commissaire aux comptes dans

le cadre de son obligation générale de moyens. Le rapport de causalité tient à ce que, en

l’absence d’une faute du commissaire aux comptes, le dommage ne serait pas produit.

En revanche, le lien de causalité n’a pas été considéré comme établi lorsque la mauvaise

exécution de la diligence est sans effet déterminant ou adéquat sur la réalisation du préjudice.

Il en est ainsi du cas où une entreprise dépose son bilan, lorsque de toute façon, l’échec de la

société était inéluctable(61). De même, les acquéreurs des titres qui connaissaient les difficultés

de l’entreprise et la mauvaise tenue de la comptabilité ne sauraient imputer au commissaire

aux comptes leur dommage, même si celui-ci aurait dû mentionner les défauts d’évaluation ou

les anomalies dans son rapport(62).

(59) J. MONÉGER et Th. GRANIER, in Le commissaire aux comptes, n° 561.

(60)Com. 2 mars 1983, Bull. CNCC n° 54-1984, p. 215, rejetant le pourvoi contre Amiens (Ch. réunies) 15 juin1981, Bull. CNCC n° 43- 1981, p. 359, E. du PONTAVICE.

(61)T.G.I. Cherbroug, 6 avr. 1976, Bull. CNCC 1976, n° 23, p. 318.

(62)Cass. com. 15 juin 1993, Bull. CNCC 1994, n° 93, p. 95, note Ph. Merle.

Page 49: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

42

Jugé aussi que lorsqu’aucune présomption précise ou soupçon de détournement n’a effleuré

les dirigeants, et que seul un contrôle approfondi des pièces justificatives aurait permis de

déceler les détournements de l’employé, le commissaire aux comptes ne peut être tenu

responsable(63).

4 – Les causes d’exonération de la responsabilité civile

Le commissaire aux comptes n’étant tenu en principe que d’une obligation de moyens, dès

lors qu’il a apporté dans l’exercice de ses fonctions l’activité et la diligence requises, sa

responsabilité est exclue même si l’existence d’un préjudice est alléguée par la société, un

actionnaire ou un tiers.

Dans l’hypothèse où des faits fautifs ont été relevés à l’encontre du commissaire aux comptes,

celui-ci peut toujours essayer de prouver que d’autres faits sont de nature à atténuer voire à

supprimer les conséquences normales de cette faute.

Le commissaire aux comptes ne pourrait cependant pas se prévaloir d’une clause limitant ou

supprimant sa responsabilité, s’il est actionné pour une faute commise dans le cadre de sa

mission légale.

Obstacles rencontrés au cours de la mission

Il peut arriver que les dirigeants de la société fassent obstacle à l’exercice de la mission du

commissaire aux comptes en refusant de lui communiquer certains documents. Cette

obstruction, si elle est faite sciemment, constitue une infraction mais elle ne le dispense pas

d’essayer de lever les obstacles qu’il rencontre dans sa mission et doit l’inciter à se montrer

particulièrement vigilant.

Le commissaire aux comptes ne saurait donc ni se limiter à des contrôles partiels, ni présenter

sa démission avant d’avoir tiré les conséquences des obstacles rencontrées.

(63)CA Aix-en-provence, 7 juin 1985, Bull. CNCC 1985, n° 60, p. 487 et l’arrêt de rejet, Cass. 1er civ. 19 mai1987, ibid, 1987, n° 67, p. 334.

Page 50: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

43

Le commissaire aux comptes devra tirer toutes les conséquences des obstacles et des

difficultés rencontrés, notamment lors de la formulation de son opinion. À défaut, sa

responsabilité pourrait être engagée.

Manque de temps

Sans doute, le législateur a-t-il imposé aux commissaires aux comptes, dans un souci

d’efficacité, des délais brefs pour effectuer leurs opérations et rédiger leurs rapports. Mais ils

ne sauraient invoquer comme cause d’exonération l’insuffisance du délai qui leur est imparti

par la société pour effectuer leurs travaux, notamment en fin d’exercice, sauf à prendre en

considération le manque de disponibilité de leurs interlocuteurs dans la société contrôlée, car

ils leur incombent de s’entourer du nombre de collaborateurs suffisants et de multiplier les

contrôles en cours d’exercice, dans le cadre de la permanence de leur mission.

... « Il tente de justifier « l’absence de diligences approfondies » (qui seules auraient

permis de découvrir la vérité) par le montant, insuffisant selon lui, de sa rémunération

et aussi par le manque de temps pour accomplir sérieusement sa mission ; qu’un tel

argument est de nature à jeter un doute sérieux sur la compétence et surtout la

conscience professionnelle de ce commissaire aux comptes... que (le commissaire aux

comptes) a donc par sa faute... contribué à causer le préjudice invoqué par la

société… »(64).

Bonne foi

La négligence du commissaire aux comptes est fautive comme l’est la faute volontaire (art.

180 de la loi 17-95). Il en résulte que la bonne foi ne peut pas être retenue comme excuse.

(64)Paris 1er fév. 1984, Rev. sociétés 1984, 789, D. SCHMIDT.

Page 51: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

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Erreur de droit

Pour s’exonérer de sa responsabilité, le commissaire aux comptes ne saurait invoquer l’erreur

de droit qu’il aurait commise. Il est en effet « le gardien du droit »(65).

Force majeur

En application du droit commun de la responsabilité, la force majeure peut exonérer le

commissaire aux comptes de tout ou partie de sa responsabilité. Il doit s’agir d’un événement

imprévisible, irrésistible et extérieur au commissaire aux comptes qui rend absolument

impossible l’exécution de sa mission (disparition des comptes sociaux à la suite d’un incendie

ou d’une inondation ; impossibilité d’accéder aux documents comptables à la suite d’une

grève avec occupation des locaux par le personnel...). Le commissaire aux comptes devra

relater fidèlement dans son rapport la survenance du cas de force majeure et en tirer toutes les

conséquences, par exemple en formulant des réserves concrètes et précises dans son rapport.

Si la situation perdurait, le commissaire aux comptes aurait intérêt à convoquer l’assemblée

des actionnaires ou à saisir les tribunaux car il peut y avoir faute à conserver des fonctions

sans avoir les moyens de les exercer(66).

Faute de la victime

La faute de la victime sera souvent celle des dirigeants de la société contrôlée ou de leurs

collaborateurs. En cas de cumul de fautes, le plus souvent, c’est un partage de responsabilité

qui sera opéré entre le commissaire aux comptes et les dirigeants fautifs. Parfois, cependant,

la faute commise par la victime est tellement grave qu’elle absorbe la faute du commissaire

aux comptes.

En effet, les juges peuvent considérer que la faute de la victime est d’une telle gravité qu’elle

absorbe la faute du commissaire aux comptes. Le lien de causalité est alors rompu et les

conditions de la responsabilité du contrôleur légal ne sont donc pas réunies.

(65) J. MONÉGER et Th. GRANIER in Le commissaire aux comptes, n° 575.

(66) Juris-Classeurs sociétés préc. fasc. 134-25, n° 69.

Page 52: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

45

5 – L’assurance responsabilité civile

Dans l’exercice dans son activité, le commissaire aux comptes peut engager sa responsabilité.

Les conséquences financières de celle-ci peuvent être couvertes dans le cadre d’une assurance

responsabilité civile professionnelle.

Le but de cette assurance est de garantir les dommages que le professionnel pourrait causer à

des tiers du faits d’erreurs, de fautes ou de négligences dans l’exercice de ses fonctions. Il

peut s’agir des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile du fait des dommages

matériels et moraux causés à la société contrôlée par le commissaire aux comptes.

Ainsi, pour être membre de l’Ordre, tout expert comptable doit être couvert par une assurance

garantissant la responsabilité civile que peut encourir lors de l’exécution de ses missions, et ce

conformément à l’article 14 de la loi 15-89. Est passible d’une peine de 5 000 à 10 000

dirhams toute infraction audit article.

Aussi, il faut rappeler que le commissaire aux comptes au Maroc doit être obligatoirement

inscrit au tableau de l’Ordre des experts comptables(67) alors qu’en France, le commissaire aux

comptes n’est pas nécessairement un expert comptable.

Malgré le champs souvent très étendu des garanties accordées et adaptables en fonction des

besoins de la profession, l’assurance responsabilité civile professionnelle ne couvre pas les

actes prohibés par la profession et les dommages provenant de l’éventuelle absence de

qualification du commissaire aux comptes. Cette assurance ne couvre pas non plus les

conséquences pécuniaires du non respect d’une obligation de résultat(68).

(67)Article 160 de la loi 17-95.

(68) J. MONÉGER et Th. GRANIER in Le commissaire aux comptes.

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46

Section 2 : La responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes

Au Maroc, l’Ordre des experts comptables dispose d’un dispositif législatif, réglementaire et

professionnel permettant l’encadrement des membres, leur mise à niveau permanente, leur

contrôle et éventuellement leur sanction. Le dispositif disciplinaire est régi par la loi 15-89,

par le code des devoirs professionnels et par les normes professionnelles.

Une fois envisagées les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire du

commissaire aux comptes (1), il est nécessaire d’examiner les sanctions qui accompagnent sa

mise en œuvre (2).

1 – Les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire

Les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes

peuvent être découvertes à travers l’étude du fondement juridique de cette responsabilité (a).

Cela conduira à donner quelques précisions sur la notion de faute disciplinaire (b), ainsi que

sur l’auteur de ces infractions (c).

a – Le fondement juridique de la responsabilité disciplinaire

Le renforcement du rôle du commissaire aux comptes dans le contrôle des sociétés et

l’amélioration de l’organisation de cette profession ont contribué à la mise en place d’une

véritable responsabilité disciplinaire. C’est ainsi que le dahir n° 1-92-139 du 14 Rajeb 1413 (8

janvier 1993) portant promulgation de la loi n° 15-89 réglementant la profession d’expert

comptable et instituant un Ordre des experts comptables(69) comporte un « chapitre VII »

consacré à la discipline. Ce texte présente quelques-uns des aspects relatifs aux juridictions et

à la procédure disciplinaire, précise les peines encourues et leur exécution et donne des

indications sur la notion de faute disciplinaire.

(69) Il faut préciser ici que l’article 1er de la loi 15-89 dispose « Est expert comptable celui qui fait professionhabituelles de réviser, d’apprécier et d’organiser les comptabilités des entreprises et des organismesauxquels il n’est pas liés par un contrat de travail. Il est seul habilité à … exercer la mission de commissaireaux comptes ».

Page 54: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

47

L’action disciplinaire et les actions judiciaires sont autonomes. Cela signifie, d’une part,

qu’un même manquement peut servir de base aux deux sortes de poursuites, et d’autre part,

qu’un acquittement ou une relaxe prononcés par une juridiction pénale peuvent laisser

subsister une faute disciplinaire. Il faut souligner, cependant, que l’appréciation des faits par

le juge répressif garde autorité de la chose jugée et lie le juge disciplinaire, mais celui-ci

qualifie librement par rapport aux règles déontologiques.

b – La faute disciplinaire

La définition de la faute disciplinaire est énoncée par l’article 66 de la loi 15-89 qui dispose :

« Les conseils régionaux et le conseil national, par voie d'appel, exercent à l'égard des

experts comptables et de leurs sociétés le pouvoir disciplinaire ordinal pour toute

faute professionnelle ou toute contravention aux dispositions législatives et

réglementaires auxquelles l'expert comptable est soumis dans l'exercice de sa

profession, notamment :

- violation des règles professionnelles, manquement aux règles de l'honneur, de la

probité et de la dignité dans l'exercice de la profession, telles qu elles sont notamment

édictées dans le code des devoirs professionnels ;

- non respect des lois et règlements applicables à l'expert comptable dans l'exercice de

sa profession ;

- atteinte aux règles ou règlements édictés par l'Ordre, à la considération ou au

respect dus aux institutions ordinales ».

La notion de faute disciplinaire est donc bien différente de la faute civile et de la faute pénale.

L’approche retenue par les rédacteurs de cette loi est relativement large et permet

d’appréhender un grand nombre de comportements. Il semble que cela soit habituel en

matière de déontologie professionnelle et il est admis que le droit disciplinaire ne respecte pas

le principe de la légalité des délits et des peines « la maxime nullum crimen, nulla poena, sin

lege ».

Page 55: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

48

Il s’agit, en fait, de veiller à la protection des clients, des tiers et de la profession elle-même.

Or, la valorisation de cette dernière passe par le maintien de la qualité morale et des

compétences techniques de ses membres. En effet, le bon renom de la profession exige que

celle-ci ne conserve dans son rang que des personnes irréprochables, même pour des faits ne

se rattachant pas à l’exercice de la profession.

L’indépendance du commissaire aux comptes est également une des préoccupations

importantes des autorités professionnelles. Ceci explique, que l’immixtion dans la gestion, si

elle est caractérisée, et la violation de la réglementation des incompatibilités fassent l’objet de

poursuites disciplinaires. En effet, l’organisation professionnelle intervient dans ce domaine

comme garant du sérieux de ses membres.

Les manquements aux règles de l’honneur, de la probité et de la dignité dans l’exercice de la

profession visés par la loi 15-89, ont élargit le champ d’intervention des autorités

disciplinaires. Il est ainsi, possible de sanctionner des comportements des membres de l’Ordre

intervenant aussi bien dans l’exercice de la profession qu’en dehors de celle-ci. Les

manquements à l’honneur sont traditionnellement considérés comme des fautes disciplinaires.

c – L’auteur de l’infraction

L’article 66 de la loi 15-89 indique que les experts comptables, personnes physiques, ainsi

que leurs sociétés peuvent faire l’objet de poursuites disciplinaires.

Les textes sont clairs à ce sujet. Il en ressort qu’une société d’experts comptables est passible

de poursuites disciplinaires ; ceci indépendamment de celles intentées contre ses actionnaires

ou associés. De cette formulation, il est possible de déduire, d’une part, que la responsabilité

disciplinaire d’une société d’experts comptables n’exclut pas la responsabilité disciplinaire de

ses membres et, d’autre part, que les poursuites disciplinaires engagées contre ces derniers

n’entraîne pas systématiquement l’exercice de poursuites contre la société. Cette hypothèse

est d’ailleurs prévue par le législateur(70) qui envisage certains aspects des relations entre

l’expert comptable sanctionné disciplinairement et la société à laquelle il appartient.

(70)Les articles 74, 75 et 76 de la loi 15-89.

Page 56: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

49

2 – Les sanctions disciplinaires

Diverses sanctions disciplinaires ont été prévues pour les experts comptables. Elles peuvent,

parfois être renforcées par des mesures de publicité. C’est le cas de la peine disciplinaire de la

suspension ou de la radiation du tableau devenue définitive.

L’article 68 de la loi 15-89 énumère les différentes sanctions disciplinaires. Il prévoit, tout

d’abord, l’avertissement et le blâme qui ont une portée relativement limitée. Le texte envisage

ensuite la suspension pour une durée de six mois au maximum. Cette mesure plus grave, est

prise en cas d’atteinte sérieuse à l’honneur et à la probité de la profession. Enfin, la radiation

du tableau peut être prononcée à l’encontre d’un expert comptable qui a eu un comportement

particulièrement répréhensible, souvent sanctionnée pénalement, ou qui se révèle réellement

incompétent.

Des peines complémentaires d’inéligibilité pendant dix ans au plus au sein de l’Ordre peuvent

accompagner l’avertissement et le blâme.

Il faut rappeler que selon l’article 80 de la loi 15-89, la suspension et la radiation se traduisent

par une interdiction d’exercer la profession, soit pour une durée déterminée dans le premier

cas, soit définitivement dans le second cas. Les personnes suspendues ou radiées ne peuvent

donc faire état de la qualité d’expert comptable. Ces décisions sont publiées au Bulletin

Officiel et dans un journal d’annonces légales diffusé dans la localité où l’intéressé exerçait sa

profession.

Page 57: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

50

Chapitre 2 : Responsabilité pénale du commissaire aux comptes

Hors les infractions dont peut se rendre coupable tout citoyen, un commissaire aux comptes,

ès qualités, peut tomber sous le coup d'un certain nombre d'incriminations pénales en qualité

d'auteur principal ou de complice.

Aucune donnée statistique globale au Maroc, n'existe en matière de poursuites pénales contre

des commissaires aux comptes (hormis le cas du commissaire aux comptes condamné, dans

l’affaire connue du « palais des roses », en 1ère instance mais relaxé, fort heureusement, en

appel).

De plus, le rappel des seules règles professionnelles ou légales ne peut donner qu'un pâle

reflet du droit de la responsabilité des commissaires aux comptes. Ce droit relève avant tout

des décisions de justice. C'est pourquoi, nous illustrerons notre étude par les principaux cas de

mises en cause apparues dans la jurisprudence française faute de cas propres au Maroc.

Les fautes du commissaire aux comptes ne peuvent être sanctionnées par les tribunaux

répressifs qu’au travers d’incriminations précises, puisque le principe de légalité des délits et

des peines s’applique ici dans toute sa rigueur. La responsabilité pénale du commissaire aux

comptes va obéir aux principes généraux du droit criminel (section 1). Ensuite, seront

observées les infractions commises par le commissaire aux comptes dans l’exercice de sa

profession, en qualité d’auteur principal (section 2) puis comme complice des dirigeants

sociaux (section 3).

Section 1 : L’application au commissaire aux comptes du droit pénal commun

Les principes généraux d’application de la loi pénale sont évidemment à respecter lors de la

mise en cause pénale d’un commissaire aux comptes. C’est ainsi que les principes de droit

pénal, énoncés par les articles 1er à 7 du code pénale approuvé par le dahir n° 1-59-413 du 26

novembre 1962 (28 joumada II 1382) qui concernent le principe de la légalité criminelle,

« nullum crimen, nulla poena, sin lege », disposent qu’on ne peut être condamné pénalement

qu’en vertu d’un texte pénale précis et clair, le principe de l’interprétation stricte de la loi

Page 58: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

51

pénale, l’application de la loi pénale dans le temps, l’application de la loi pénale dans l’espace

doivent être scrupuleusement respectés.

Comme tout individu, le commissaire aux comptes peut commettre une infraction pénale de

droit commun dans l’exercice de ses fonctions ou de sa profession. Ainsi, s’il commet une

infraction fiscale en sa qualité de professionnel libéral, une infraction au droit du travail en sa

qualité d’employeur, une infraction au droit des sociétés s’il est associé, un abus de confiance

(C. pén., art. 547), un vol (C. pén., art. 505 à 539), une escroquerie et émet un chèque sans

provision (C. pén., art. 540 à 546), établit ou fait usage d’un faux (C. pén., art. 357 à 359) etc.,

sa responsabilité pénale sera engagée au même titre qu’un individu ordinaire. Il en sera de

même de la société qui l’emploie ou dans laquelle il est associé s’il a agit es-qualité au nom

de la société. Cette mise en œuvre de la responsabilité pénale n’est pas propre à la profession

de commissaire aux comptes.

Les commissaires aux comptes seront recherchés en qualité d’auteur ou de complice d’une

infraction de droit commun. Les règles du droit pénal général et du droit pénal spécial à

l’infraction considérée seront alors mises en œuvre. On ne reprendra pas ici la diversité des

infractions susceptibles d’être poursuivies.

C’est principalement la responsabilité pénale du droit des sociétés ou « responsabilité pénale

technique »(71), que nous allons étudier dans ce qui suit. Cette responsabilité pénale technique

du commissaire aux comptes est prévue par la loi 17-95.

Section 2 : Le commissaire aux comptes, auteur principal d’une infraction

L’application du droit pénal propre au commissariat aux comptes suppose que le commissaire

aux comptes ait failli à l’une de ses obligations fondamentales, par action ou par omission. Le

droit pénal étant d’interprétation stricte, seules les infractions expressément définies par la loi

peuvent servir de fondements textuels aux poursuites, puis, le cas échéant, à la condamnation.

Les unes tiennent au manquement à une obligation relative à l’exercice de la profession (1),

les autres à une obligation propre à l’exécution des missions légales (2).

(71)C. D’HAILLECOURT, Le droit pénale technique, thèse, Paris II, 1983.

Page 59: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

52

1 – Les incriminations pénales relatives à l’exercice de sa profession

L’exercice irrégulier de la profession prend deux formes : d’une part, il s’agit de l’atteinte aux

monopoles professionnels (a) ; d’autre part, de l’exercice de la profession en situation de

dépendance pour violation d’une incompatibilité professionnelle (b).

a – L’atteinte aux monopoles professionnels

Le contrôle légal est donc une activité réservée aux personnes physiques ou morales,

préalablement inscrites au tableau de l’Ordre des experts comptables(72), pour qu’elles

présentent les garanties nécessaires, notamment de compétences et d’honorabilités. Obligation

est donc faite à tout autres de ne pas pratiquer le commissariat aux comptes et à chaque entité

de ne désigner personne d’autre pour effectuer le contrôle légal de ses comptes. Dès lors, le

droit positif, comme c’est le cas pour nombre de professions libérales réglementées, a prévu

une double protection pénale contre l’exercice illégale de la profession et le port illicite du

titre d’expert comptable.

L’atteinte au monopole d’exercice, exercice illégal de la profession

La violation du monopole constitue un délit correctionnel réprimé par l’article 101 de la loi

15-89 qui vise l’exercice illégal des missions que l’expert comptable peut exercer, notamment

celle de commissaire aux comptes. Ainsi, est punie d’une peine d’emprisonnement de trois à

cinq ans et d’une amende de 1 000 DH à 40 000 DH ou d’une de ces deux peines seulement,

toute personne qui exerce illégalement la profession d’expert comptable.

Il est de même pour le commissaire aux comptes qui ayant fait l’objet d’une mesure

définitive, non susceptible d’aucun recours, d’interdiction temporaire ou définitive, en vertu

d’une décision ordinale ou judicaire ayant acquis l’autorité de la chose jugée, exerce l’un

quelconque des actes de la profession pendant la durée de l’interdiction.

(72)Article160 de la loi 17-95.

Page 60: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

53

L’usage illicite ou l’atteinte au monopole du titre

Le titre du commissaire aux comptes (expert comptable) est protégé par l’incrimination de

l’article 100 de la loi 15-89, qui sanctionne celui qui en fait usage, ou fait usage de titres

quelconques tendant à créer une similitude ou une confusion avec celui-ci. Ce même article

rend applicables aux commissaires aux comptes les peines prévues par l’article 381 du Code

pénal réprimant l’usurpation ou l’usage irrégulier de fonctions, de titres ou de noms. D’autre

part, l’usage d’une fausse qualité – qui peut être une ancienne vraie qualité – peut constituer le

délit d’escroquerie prévu par l’article 540 du Code pénal.

b – L’atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes

Les articles 161 et 162 de la loi 17-95 ont affirmé avec force la nécessité pour le commissaire

aux comptes d’exercer sa profession en toute indépendance en énonçant des incompatibilités

légales avec certaines activités ou qualités.

Pour assurer la pleine efficacité des prohibitions, l’article 404 de la loi 17-95 prévoit que

« sera punie d’un emprisonnement de un à six mois et d’une amende de 8 000 à 40 000

dirhams, toute personne qui, soit en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une

société de commissaires aux comptes, aura, sciemment, accepté, exercé ou conservé les

fonctions de commissaire aux comptes, nonobstant les incompatibilités légales ».

Matériellement, l’infraction existe dès qu’il y a eu soit acceptation, même sans exercice

concret des fonctions, soit exercice en situation incompatible, soit poursuite de l’exercice des

fonctions après apparition de l’incompatibilité, et ce quelque soit la durée de cette infraction

et/ou l’importance de l’activité.

L’élément moral de l’infraction est classiquement exigé. Il faut, prévoit le texte de l’article

404 de la loi 17-95, que le commissaire ait agi « sciemment ». Cela signifie, non que le

procureur du Roi ait à prouver que le commissaire a agi volontairement dans l’intention de

nuire, mais seulement qu’il connaissait la situation d’incompatibilité et n’en a tenu aucun

compte. Le « gardien du droit » dans les sociétés contrôlées ne saurait invoquer l’ignorance de

ce type d’obligation d’avoir à refuser une nomination ou à démissionner.

Page 61: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

54

Dans une décision en date du 26 septembre 1981(73), les juges de première instance du tribunal

de Nanterre, approuvés en appel par la Cour de Versailles le 6 décembre 1982, ont condamné

un commissaire au motif qu’ « il ne pouvait et en tout cas ne devait pas ignorer les

incompatibilités édictées par l’article 220 de la loi sur les sociétés commerciales(74) qui

s’imposent à tout commissaire aux comptes exerçant en France, quelle que soit sa

nationalité… ». On voit combien se réduisent, dans ce cas, le caractère intentionnel du délit et

la nécessité de prouver la connaissance de la cause d’incompatibilité, dont le principe ne peut

pourtant être contesté compte tenu de la rédaction du texte. Le commissaire aux comptes ne

peut prétendre ignorer l’élément légal du délit d’incompatibilité(75).

Le tribunal de grande instance de Rennes a considéré, le 6 avril 1979, que le commissaire aux

comptes avait gravement méconnu ses devoirs, perdant l’autorité morale qu’il devait

sauvegarder strictement dans l’intérêt même de la société, lorsqu’il a accompli des diligences

comptables en étant en fonction, serait-ce même pour sauver l’entreprise ; ceci, dans un cas où

il avait accepté ainsi d’établir le bilan, de rédiger les déclarations fiscales et de réorganiser le

service comptable de la société(76).

2 – Les incriminations pénales relatives à l’exercice de la mission

Le contrôleur légal des comptes est garant du respect du principe général de régularité, qui

permet à tout intéressé de s’informer sur la manière dont l’entreprise assume son risque

d’exploitation. Il n’est donc pas étonnant que la plupart des incriminations tournent autour de

l’obligation faite au commissaire aux comptes de contrôler, selon des modalités diverses,

l’information fournies aux tiers. Il sera donc sanctionné d’un côté pour des atteintes directes à

la sincérité de l’information (a), et d’un autre côté pour des atteintes aux règles relatives à la

diffusion interdite de l’information, c’est le secret professionnel ou l’obligation de se taire (b).

(73)Bull. CNCC. 1982, p. 59.

(74)Au Maroc, c’est l’article 161 et 162 de la loi 17-95.

(75)Nancy 13 janv. 1983, Bull. CNCC. 1985, p. 97, note E. du Pontavice.

(76)Bull. CNCC. 1979, p. 197. Dans cette affaire, les juges ont frappé le commissaire d’une sanction exemplaireen considérant la gravité de la cause, lui infligeant la peine principale d’un an d’interdiction d’exercer, parapplication de l’article 43-2 du Code pénal, qui prévoyait cette peine principale pour l’auteur d’un délitayant sciemment utilisé les facilités de sa profession pour le commettre.

Page 62: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

55

a – La fourniture ou la confirmation d’une information mensongère

On indiquera les fondements textuels des poursuites avant d’analyser les éléments constitutifs

des infractions et les sanctions encourues.

Les fondements légaux des délits

Deux textes prévoient la répression du mensonge du commissaire aux comptes : d’abord,

l’article 405 de la loi 17-95 sert de fondement aux poursuites pénales engagées contre « tout

commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une

société de commissaires aux comptes, aura, sciemment donné ou confirmé des informations

mensongère sur la situation de la société ou qui n’aura pas révélé aux organes

d’administration, de direction ou de gestion les faits lui apparaissant délictueux dont il aura

eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ». Ensuite, l’article 398 de la

même loi vise l’information mensongère donnée sous forme « d’indications inexactes dans

les rapports présentés à l’assemblée générale appelée à décider de la suppression du droit

préférentiel de souscription des actionnaires ».

Les éléments constitutifs de l’infraction

Le mensonge du commissaire aux comptes est consommé dès lors que des informations

mensongères ont, sciemment, été donnée ou confirmé, aux associés ou à des tiers. L’existence

de l’infraction suppose ainsi la réunion des éléments matériels et de l’élément moral.

Les éléments matériels constitutifs de l’infraction

Ici, il faut que l’information soit, au sens strict, au nombre de celles expressément visées par

les articles de la loi 17-95 (art. 398 et 405) : qu’elle ait été portée à la connaissance des

associés dans un rapport ou des tiers dans une note d’information préalable à l’émission de

titres dans le public. Il y a ainsi deux éléments dont la présence doit être établie : une

information mensongère et une transmission par le commissaire aux compte de celle-ci.

Page 63: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

56

Le contenu de l’information mensongère ne peut être que sur la situation comptable et

financière de la société car il s’agirait de l’information qui doit être donnée par le commissaire

aux comptes de la situation de la société dans ses rapports à l’assemblée générale. Il est à

ajouter que le commissaire aux comptes ne peut pas s’immiscer dans la gestion de la société

et n’a donc pas, sauf dans le cas d’une mise en œuvre de la procédure d’alerte, à informer les

associés sur la gestion de la société.

La transmission matérielle de l’information mensongère par le commissaire aux comptes est

nécessaire. Cette transmission est matériellement établie lorsque le rapport, général ou spécial

selon le cas, a donné ou confirmé le mensonge des dirigeants. Cette transmission peut aussi

prendre une autre forme que la rédaction d’un rapport.

L’article 405 est moins précis et utilise seulement l’expression « donné ou confirmé ». Il

s’ensuit que le mode de transmission est indifférent. Cela peut donc être fait, sous condition

d’en rapporter la preuve, par voie orale ou écrite, quel que soit le support, de manière

publique ou privée.

Le silence peut aussi être une forme d’expression du mensonge dès lors qu’il est éloquent, en

ce sens la jurisprudence française assimile le silence délibéré à une confirmation tacite(77).

En revanche, si le commissaire aux comptes refuse de certifier le bilan, il ne peut avoir donné

ou confirmé une information mensongère.

Il faut que les mensonges du commissaire aux comptes aient une réalité tangible et qu’ils

soient d’une gravité qui justifie la poursuite. Les juges ont le soin de bien mesurer la saine

application de la loi. Ils savent qu’en l’occurrence, leur décision a des conséquences

considérables. C’est ce que le juge mesurera le plus souvent à travers l’appréciation de

l’élément moral.

(77)Douai, 11 juin 1974, Bull. CNCC. 1974, n° 15, p. 291 ; Paris, 15 févr. 1979, ibid. 1979, n°34, p. 194.

Page 64: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

57

L’élément moral de l’infraction

L’intention de commettre le délit d’information mensongère doit être établie pour que les

juges puissent entrer en condamnation. Les textes exigent en effet que le commissaire aux

comptes ait agi « sciemment »(78).

Agir sciemment, ce n’est pas agir dans l’intention de nuire, c’est procéder, par action ou par

omission, à la diffusion ou à la confirmation des informations mensongères en connaissance

de cause. Ce sera, le cas si le commissaire aux comptes a : participé à la préparation du bilan

inexact, ordonné les écritures qui couvraient des opérations fictives, porté lui-même une

fausse date sur son rapport pour occulter la date réelle du véritable rapport couvrant des

irrégularités comptables, certifié les comptes sans la moindre réserves alors qu’il savait que

les documents comptables n’avaient pas été fournis par la société ou qu’il savait que les

stocks avaient été délibérément sous-évalués pour minorer le résultat etc.

S’il s’agit d’une omission involontaire, il n’y a pas eu commission de l’infraction puisque

manque l’élément moral. Le commissaire aux comptes ne saurait avoir, dans ce cas, agit

sciemment. Seule sa responsabilité civile pourrait être engagée. Il faut cependant considérer

qu’il sera souvent bien difficile au commissaire aux comptes poursuivi de lutter contre une

sorte de présomption implicite de mauvaise foi lorsque l’oubli invoqué est un manquement

grave à une obligation professionnelle de premier rang. Le glissement de la faute civile lourde

vers la faute pénale est alors difficile à éviter. La répression pénale est la sanction d’un

comportement professionnel inadmissible. Il est certain qu’en principe, l’absence de preuve

formelle, non de la négligence, mais de la conscience de transmettre des informations fausses,

doit bénéficier au commissaire aux comptes.

Les sanctions

Les sanctions encourues par le commissaire aux comptes diffèrent selon le texte qui leur sert

de fondement. Ainsi, si l’article 398 de la loi 17-95 est mis en œuvre, la sanction prévue est

une amende de 12 000 à 120 000 dirhams et/ou un emprisonnement de un mois à un an. Si

(78)Cass. crim. 12 janv. 1981, Bull. CNCC. 1981, p. 221.

Page 65: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

58

c’est l’article 405 de la même la loi, la sanction prévue est une amende de 10 000 à 100 000

dirhams et/ou un emprisonnement de six mois à deux ans.

b – La fourniture d’une information confidentielle : la violation du secret professionnel

Le secret professionnel s’impose au commissaire aux comptes. Détenteur d’informations

essentielles pour l’entreprise, il est tenu à une obligation rigoureuse de confidentialité.

Le respect du secret professionnel est une règle de protection de la société contrôlée. Il

s’ensuit que le commissaire aux comptes ne pourrait être le confident, voir le confesseur(79)

des dirigeants s’ils n’étaient assurés que les éléments majeurs de leurs choix industriels,

commerciaux et financiers pouvaient être impunément divulgués. Même à l’heure de la

transparence et de la loyauté, donc de l’information, la concurrence commande que les secrets

majeurs des stratégies soient protégés s’ils ne violent pas la loi(80).

La question essentielle qui se pose est celle de la détermination des personnes auxquelles, aux

termes de la loi, le commissaire aux comptes peut opposer l’obligation légale du secret, et

celles auxquelles il doit ou peut révéler les secrets qu’il détient à titre professionnel.

Les textes relatifs au secret professionnel

Le droit pénal spécial aux commissaires aux comptes est contenu dans l’article 405, alinéa 2

de la loi 17-95 qui renvoit à l’article 446 du Code pénal qui punit d’un emprisonnement d’un

mois à six mois et d’une amende de 1 200 à 20 000 dirhams, la révélation intentionnelle de

secrets dont on est dépositaire, par état ou par profession, sauf dans le cas où la loi oblige ou

autorise cette révélation. Par ailleurs, le domaine du secret est défini par l’article 177 de la loi

17-95 qui dispose que : « les commissaires aux comptes ainsi que leurs collaborateurs sont

astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir

connaissance à raison de leurs fonctions ».

(79)A. VIANDIER et C. DE LAUZAINGHHEIN, Droit comptable, n° 151-152.

(80)V. F. PASQUALINI, Le principe de l’image fidèle en droit comptable, n° 267 et s..

Page 66: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

59

L’opposabilité du secret professionnel

Le secret est, au premier chef, opposable aux tiers, c’est-à-dire à toute personne autre que la

personne morale contrôlée. Il est évident que le commissaire aux comptes ne peut confier à

des concurrents les secrets d’affaires qu’il détient. Il en est de même, sauf exception, des

créanciers et, au premier rang d’entre eux, le banquier de la société. La loi a organisé à leur

profit une information comptable et financière via le rapport du commissaire aux comptes qui

est déposé au greffe du tribunal.

A l’intérieur de la société elle-même, on pourrait penser qu’il n’y a plus de place pour le

secret. Or, l’article 169 de la loi 17-95 qui énumère restrictivement les destinataires de ses

conclusions dans l’accomplissement de sa mission de contrôle, et partant, délie le

commissaire aux comptes du secret à l’égard de ceux-ci, ne vise que des organes collégiaux.

Dès lors, le commissaire aux comptes est tenu au secret à l’égard des associés, actionnaires,

membres du groupement et membres des conseils lorsqu’ils souhaitent une information, non

au sein de l’organe social, mais à titre personnel.

Les autorités administratives, en particulier les services fiscaux et des douanes, ne peuvent

être bénéficiaires d’informations couvertes par le secret professionnel de l’entreprise

contrôlée. Ce qu’ils sont en droit d’obtenir, ce sont les documents et rapports remis aux

associés.

La levée de l’obligation au secret professionnel

Les justifications de la levée du secret professionnel du commissaire aux comptes sont

diverses. Les premières tiennent à l’exercice de la profession ; les secondes, à la volonté du

« maître du secret » ; les troisièmes à la protection du détenteur du secret. Mais, les plus

importantes sont celles que détermine la loi.

Page 67: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

60

Le partage du secret entre professionnels

Le partage du secret s’impose parfois avec les confrères et avec les autorités professionnelles.

Ainsi, les co-commissaires qui doivent établir un rapport commun, le successeur et le

commissaire aux comptes sortant dans certaines conditions peuvent partager les secrets

professionnels ainsi que son suppléant quand il prend effectivement ses fonctions.

Il en est de même des collaborateurs et des experts qui ont été choisis par le commissaire aux

comptes titulaire, encore que, s’agissant de ceux-ci, la levée du secret professionnel doit être

limitée, à notre sens, aux besoins de l’expertise.

En cas de fusion, en application de l’article 233 de la loi 17-95, les différents commissaires

aux comptes doivent établir un rapport sur les modalités de l’opération et obtenir à cet effet

tous les documents utiles de chaque société. On en déduit que les commissaires aux comptes

doivent collaborer et qu’ils sont déliés de leur obligation au secret professionnel.

Les commissaires aux comptes sont soumis au contrôle de la profession dans le cadre de la

directive émise par l’Ordre des experts comptables et le secret ne peut être opposé aux

contrôleurs.

La volonté du « maître du secret »

L’autorisation du bénéficiaire du secret vaut fait justificatif pour le commissaire aux comptes

car le secret auquel il est tenu est relatif(81). Le problème qui se pose est de bien obtenir le

consentement de la personne qui a le pouvoir. C’est, dans les sociétés anonymes, au président

du conseil d’administration, au conseil d’administration, au directoire ou du conseil de

surveillance qu’appartient le pouvoir de lever l’interdiction puisque la loi confère à ces

organes les pouvoirs d’engager la société en toutes circonstances(82). C’est à lui ou à la

personne qui préside l’assemblée générale, d’autoriser le commissaire aux comptes à répondre

(81)P. MERLE, Le secret professionnel des commissaires aux comptes, Bull. CRCC Versailles, Informations etdébats, avr. 1994, p. 15 et s..

(82)En ce sens B. BOULOC, La responsabilité pénale du commissaire aux comptes, Entretiens de Nanterre1975, p. 8.

Page 68: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

61

aux questions des actionnaires lorsque la réponse suppose qu’il sorte du simple commentaire

de son rapport.

Enfin, il ne semble guère concevable, comme en droit commun, qu’une autorisation à

caractère général puisse être donnée au commissaire aux comptes de ne pas respecter son

obligation au secret. Seule une autorisation particulière doit être admise, car elle ne peut être

donnée qu’en connaissance de cause, quant aux informations qui peuvent être révélées, quant

aux personnes auxquelles elles peuvent l’être.

La défense du commissaire aux comptes

Le point ne fait guère difficulté en jurisprudence française, le commissaire aux comptes n’a

pas à assumer la responsabilité du fait d’autrui. Il doit être en mesure d’apporter la preuve que

le reproche qui lui est fait est, en réalité, imputable à la société ou à ses organes. Là encore,

l’étendue de la révélation du secret devra être aussi limitée que possible eu égard aux besoins

de la défense et, le commissaire aux comptes et ses conseils devront faire preuve de la

discrétion la plus grande dans la révélation.

L’ordre de la loi

La loi prévoit un certain nombre de dérogations à l’obligation au secret pour permettre au

commissaire aux comptes de satisfaire à ses obligations d’information des associés, des

actionnaires, des autorités administratives et des juridictions.

C’est ainsi que l’article 168 alinéa 2 de la loi 17-95 précise que le secret professionnel ne peut

être opposé aux commissaires aux comptes, sauf par les auxiliaires de la justice. L’obligation

au secret ne trouve plus sa pertinence lorsque le contrôleur légal des comptes est sollicité par

les juges pour leur fournir une information normalement protégée.

En matière pénale, les commissaires aux comptes ne peuvent refuser de témoigner. Ils ne

peuvent pas refuser en matière civile comme en matière pénale, d’informer un expert

judiciaire car il s’agit là d’un auxiliaire de la justice. Il appartient cependant à ce dernier, lui-

Page 69: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

62

même tenu au secret professionnel, de ne révéler que ce qui est utile pour remplir la mission

que lui a confiée le juge.

Le commissaire aux comptes, dépositaire de secrets, peut parfois, grâce précisément à sa

position de confident privilégié, se laisser aller à s’associer aux entreprises délictuelles des

dirigeants sociaux. On est alors conduit à étudier la criminalité associée aux délits des

dirigeants.

Section 3 : Le commissaire aux comptes, complice des délits commis par les dirigeants

Après un bref rappel du droit commun de la complicité (1), on indiquera les lignes de force de

ce droit dans son application aux commissaires aux comptes, s’agissant des éléments (moral

et matériel) constitutifs de l’acte de complicité (2).

1 – Les principes du droit commun de la complicité

Selon l’article 129 du Code pénal, « sont considérés comme complices d’une infraction

qualifiée crime ou délit ceux qui, sans participation directe à cette infraction, ont :

1° par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices

coupables, provoqué à cette action ou donné des instructions pour la commettre ;

… ;

3° avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action, dans les faits qui

l’ont préparé ou facilité ; … »

Plus simplement, est complice celui qui, sans réaliser personnellement les actes constitutifs de

l’infraction qui reste directement imputables à leur auteur, a provoqué ou rendu plus facile la

réalisation de l’infraction, par des agissements ou comportements matériellement secondaires

qui n’ont pas nécessairement une nature criminelle.

La criminalité du complice est dépendante de la commission de l’infraction par l’auteur

principal. Cela signifie que s’il n’est pas possible d’établir la commission du délit ou du crime

principal, il n’y a pas de complicité punissable.

Page 70: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

63

Enfin, par application du droit commun de la complicité, il faut, pour qu’un commissaire aux

comptes soit tenu comme complice d’un délit (ou d’un crime) commis par un ou plusieurs des

dirigeants de la société, que l’infraction principale soit constituée.

2 – L’application au commissaire aux comptes du droit commun de la complicité

a – L’élément moral de la complicité

L’élément moral de la complicité est celui que l’on rencontre dans toutes les infractions

volontaires. Il s’agit de la conscience, au moment de la réalisation des actes matériels de

complicité, du concours apporté à la réalisation d’une infraction par l’auteur principal. Les

juges doivent la constater dans leurs décisions à peine de nullité de la condamnation. Faute de

preuve de cette conscience, il ne peut y avoir complicité.

Il faut toujours qu’il ait un acte positif du commissaire aux comptes. C’est ainsi que lorsque

sa complicité est le fait d’une coopération consciente à l’activité coupable. Cependant, cet

élément intentionnel est établi dans le cas d’une simple abstention, voire d’une simple

négligence professionnelle du commissaire. C’est la thèse dite de la « complicité objective ».

Selon l’analyse de cette thèse, le commissaire aux comptes pourrait être considéré comme

ayant voulu contribuer par aide et assistance à la réalisation de l’acte délictueux, même s’il est

seulement resté passif face à la préparation ou à la commission du fait condamnable(83).

Dans toutes les décisions qui ont pu être interprétées comme admettant cette analyse, les faits

démontraient qu’il y avait une association volontaire manifeste de contribuer à la réalisation

de l’infraction par une entente expresse ou au moins tacite(84).

Si le commissaire aux comptes est de bonne foi, il ne peut être inquiété ni à un titre, ni à un

autre. Il y a donc lieu, pour retenir la complicité, de rechercher si le commissaire a été tiers de

bonne foi : il l’est s’il conforte inconsciemment les mensonges ou les manœuvres sans avoir

(83)En ce sens, J. DEVEZE, Obs. sur Cass. crim. 26 mai 1987, JCP, éd. E, 1987. I. 156975, spéc. n° 6.

(84)A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, JCP 1983, I. 3214, n° 14 et s..

Page 71: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

64

jamais voulu faciliter la commission du délit. Car, pour reprendre la formule d’un arrêt de la

chambre criminelle de la Cour de Cassation française, du 27 juin 1983, « sa connivence avec

le dirigeant n’a pas été jusqu'à vouloir une escroquerie dont il n’avait pas conscience »(85).

Il est à noter que dans deux arrêts du 31 janvier 2007, la Cour de Cassation française a rejeté

le pourvoi formé par un commissaire aux comptes condamné pour complicité d’escroquerie.

Ces deux décisions sont importantes puisqu’elles donnent de précieuses indications sur la

qualification des faits poursuivis et sur la preuve de l’élément intentionnel des infractions

retenues. Sur le plan matériel, développé ci-après, il était reproché au commissaire aux

comptes d’avoir attesté la sincérité et la conformité de comptes fictifs et ce, sur plusieurs

exercices, ce qui a fourni au dirigeant social les moyens de commettre le délit principal

d’escroquerie. Sur le plan de l’élément intentionnel, la Cour de Cassation a maintenu sa

position dégagée dans son célèbre arrêt du 25 février 2004 et qui consiste à faire peser sur le

professionnel comptable une présomption d’intention coupable. Elle considère ainsi qu’un

bon professionnel doit savoir ce que la loi l’oblige ou lui interdit de faire de sorte que toute

violation de la loi de sa part est nécessairement intentionnelle(86).

b – L’élément matériel de la complicité

L’élément matériel de la complicité est précisé à l’article 129 du Code pénal. Il s’agira de

l’aide ou de l’assistance à la réalisation de l’infraction principale.

On voit mal un commissaire aux comptes être complice par don, promesse, menace, ordre ou

abus d’autorité ou de pouvoir. L’aide ou l’assistance d’une part, la fourniture de moyens

d’autre part en constituent les deux formes plus courantes.

Tout d’abord, et même cantonné dans le cadre de sa mission, il peut devenir complice des

dirigeants. Le plus souvent, il aura cherché à masquer le fait délictueux par la certification.

(85)Bull. CNCC 1983, p. 462, note E. du Pontavice.

(86)Cass. crim. 31 janv. 2007 ; n° 05-85.886 et 06-81.258, CMS Bureau Francis Lefevre Lyon, La lettre deLyon mai 2007, note Xavier Vahrmian et Julien Combier.

Page 72: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

65

Ainsi, dans l’affaire « Le patrimoine foncier », le rapport inexact, appelé à être l’objet d’une

communication publique officielle, est considéré comme la cause déterminante de la remise

des fonds par de nouveaux souscripteurs. En effet, le commissaire aux comptes était

parfaitement au courant de l’objet de sa certification du bilan, la société aurait perdu tout droit

de faire appel à l’épargne publique. Est donc sanctionnée, non pas la simple connaissance du

délit principal, mais la connaissance par le commissaire aux comptes de l’utilisation qui serait

faite de sa certification. C’est pourquoi il est convaincu de complicité d’escroquerie(87).

Il faut voir que la certification à un impact si fort qu’elle peut constituer, à elle seule, le fait

matériel positif établissant la complicité, alors surtout celle-ci est accompagnée d’autres

agissements tendant à dissimuler la fraude.

Enfin, la complicité peut être totalement séparable de la mission du commissaire aux

comptes : il va prêter au dirigeant social son concours actif à certaines opérations sans relation

avec sa qualité de censeur légal. Ainsi en est-il de la complicité de fraude fiscale retenue par

la Cour de paris dans un arrêt du 28 janvier 1980(88), le commissaire aux comptes étant non

seulement le comptable des produits de la fraude, mais aussi et surtout le maître d’œuvre de

celle-ci.

Dans la plupart des cas, en jurisprudence française, c’est davantage par l’accomplissement

d’actes ne ressortant pas de ses attributions que le commissaire aux comptes se place en

position d’atteinte. C’est le type de comportement qui manifeste une volonté délibérée d’aider

les dirigeants, puisqu’il s’est sciemment écarté des strictes limites de sa mission légale. L’idée

qui sous-tend la répression est que la complicité n’aurait jamais été possible s’il n’avait pas

outrepassé ses fonctions. On voit bien se profiler un problème déjà rencontré : il est très net

que « la situation d’incompatibilité constitue une prédisposition »(89) à la complicité, en

l’influençant. Dès lors, la complicité est facile à établir, et c’est dans l’exercice d’une activité

incompatible que les tribunaux en puisent la preuve. Néanmoins, l’incompatibilité n’implique

(87)Paris 29 janv. 1976, Bull. CNCC 1976, n° 21 p. 40.

(88)Bull. CNCC 1981, p. 346.

(89)D. Vidal, Régime juridique de la responsabilité civile des commissaires aux comptes : Rev. du commissaireaux comptes mars 1986, p. 86-109.

Page 73: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

66

pas nécessairement la complicité du délit commis, s’il n’a pas pu être prouvé que le

commissaire aux comptes a participé d’une manière quelconque à l’élaboration dudit délit.

Page 74: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

67

DEUXIEME PARTIE : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DU

COMMISSAIRE AUX COMPTES ET COMPORTEMENT A ADOPTER EN CAS

DE MISE EN CAUSE

Après avoir analysé les fondements et l’étendue de la responsabilité du commissaire aux

comptes dans l’exercice de sa mission légale, il faut maintenant s’intéresser à l’hypothèse

selon laquelle le professionnel se retrouve concrètement confronté aux instances civile,

disciplinaire ou pénale en gardant à l’esprit quelques notions concrètes qui la caractérisent.

Le parti pris de cette deuxième partie est de se familiariser avec la procédure civile,

disciplinaire et surtout pénale et d’envisager la conduite à tenir et le risque à gérer dans sa

phase urgente, c'est-à-dire lorsque le monde judiciaire pénal s’introduit avec force et fracas

dans la vie professionnelle du commissaire aux comptes.

Lors de l’accomplissement de sa mission, si le commissaire aux comptes transgresse les

règles de l’Ordre des experts comptables, il met en jeu sa responsabilité et s’expose à des

sanctions disciplinaires. A ce titre, il est évident qu’une mise en cause de sa responsabilité

pénale a des répercussions disciplinaires.

La procédure pénale revêt intrinsèquement un caractère éminemment dangereux puisqu’elle

n’est pas contrôlée par les parties. Elle dépend essentiellement de l’intérêt que porte le juge

d’instruction au dossier et de sa perception souveraine des événements. Ainsi, on observe

parfois, bien que les faits ne semblent pas le justifier, une dérive inattendue. Il est, par

conséquent, impératif de tenter de la maîtriser car les conséquences peuvent s’avérer

préjudiciables.

Page 75: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

68

Chapitre 1 : La mise en œuvre des responsabilités : procédure civile,

disciplinaire et pénale

Nous avons jugé opportun de traiter, en premier, le déroulement des trois types de procédures

(civile, disciplinaire et pénale) dans le cas de mise en œuvre de la responsabilité pour mettre

la lumière sur les différentes phases desdites procédures et mesurer leurs particularités.

S’agissant des principes communs aux procédures (civile et pénale), il convient de signaler

l’unité des juridictions civiles et pénales par opposition au principe de la spécialisation des

juridictions. Au Maroc, ce sont les mêmes organes, institués par l’Etat et représentant

l’autorité judiciaire, qui rendent la justice au civil et au pénal. Ce sont les mêmes magistrats

qui, par roulement, assurent l’administration de la justice civile et pénale quand bien même

celles-ci n’exigent pas les mêmes aptitudes et les mêmes méthodes.

Section 1 : De la responsabilité civile

La procédure en matière civile est régie par les dispositions du dahir du 28 septembre 1974(90)

remplaçant le dahir du 12 août 1913 et approuvant le Code de procédure civile.

Ce Code contient les règles communes applicables en matière civile, sociale, commerciale et

administrative. Il constitue donc le droit commun de la procédure. Si le législateur décide de

soumettre certaines matières à une procédure spécifique, il déroge au code de procédure civile

par des textes particuliers (juridictions administratives, juridictions commerciales).

Dans la procédure civile marocaine, c’est le juge et non les parties qui dirige le procès. Ainsi

devant :

le tribunal de première instance, le juge préside au déroulement de la procédure et prend

toutes les mesures nécessaires pour instruire et juger l’affaire. Il peut ordonner une

expertise, une enquête ou une vérification d’écriture ;

(90)Dahir portant loi n° 1-74-447 (11 ramadan 1394) approuvant le texte du code de procédure civile.

Page 76: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

69

la Cour d’Appel, le juge met la procédure en état, ordonne la production de pièces

nécessaires et toutes les mesures d’instruction ;

la Cour Suprême, le président de la chambre compétente désigne un conseiller rapporteur

chargé de diriger la procédure.

L’étude de l’action en responsabilité civile conduit à envisager successivement les parties à

l’action (1), la compétence (2), l’extinction de l’action (3) et l’éventuelle demande

reconventionnelle du commissaire aux comptes (4).

1 – Les parties à l’action

a – Les demandeurs

Le demandeur à l’action en responsabilité civile contre le commissaire aux comptes peut être

la société, les actionnaires ou les tiers, agissant alternativement ou cumulativement.

La société

La loi 17-95 n’a édicté aucune règle particulière relative à l’exercice de l’action en

responsabilité, mais un rapprochement s’impose avec l’action sociale exercée contre les

dirigeants.

Lorsque la société subit un dommage causé par la faute d’un commissaire aux comptes,

l’action doit être intentée par ses représentants légaux, un mandataire spécialement habilité ou

l’administrateur provisoire (voir en ce sens le jugement rendu par le Tribunal de 1ère Instance

d’Agadir dans l’affaire « Palais des Roses » en annexe 1).

Un actionnaire ou une association d’actionnaires ne pourrait exercer une action contre un

commissaire aux comptes en invoquant le préjudice collectif subi par la société. Faute de

pouvoir invoquer un texte permettant l’action sociale ut singuli, les actionnaires n’ont donc

Page 77: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

70

pas qualité pour agir contre les commissaires aux comptes aux lieu et place des dirigeants

sociaux(91).

Les actionnaires

Le succès de l’action suppose que l’actionnaire subisse un dommage individuel, distinct du

préjudice collectif de la société. Mais, si le préjudice causé par le commissaire aux comptes

est un préjudice collectif subi par la société elle-même, les actionnaires sont irrecevables à

agir puisqu’ils n’ont pas à leur disposition d’action sociale ut singuli.

Le demandeur peut également être le repreneur, nouvel actionnaire, qui s’estime lésé : il

prétend qu’il s’est décidé de prendre le contrôle de la société sur la foi d’une certification du

commissaire aux comptes, qui s’est révélée fautive. Ce peut être aussi le souscripteur à une

augmentation de capital qui soutient qu’il a été trompé par un rapport insuffisant du

commissaire aux comptes sur la suppression du droit préférentiel de souscription.

Les tiers

Généralement ce sont les créanciers sociaux qui agissent contre le commissaire aux comptes

lorsque les agissements fautifs de ces derniers leur causent un préjudice personnel. Tel peut

être le cas de fournisseurs qui reprochent au commissaire aux comptes d’avoir permis par ses

carences fautives la poursuite de l’activité de l’entreprise, alors qu’elle était en état de

cessation des paiements.

Quant aux créanciers personnels des actionnaires, ils peuvent agir contre le commissaire aux

comptes par la voie de l’action oblique pour demander réparation de leur préjudice individuel.

b – Les défendeurs

Lorsque l’action est intentée contre un commissaire aux comptes personne physique, celui-ci

est assigné personnellement. Lorsqu’il y a plusieurs commissaires aux comptes, le principe est

que la responsabilité de chacun d’eux est une responsabilité individuelle. Le rapport qu’ils

(91) Juriscaleurs, fasc. 134-25, n° 124.

Page 78: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

71

élaborent doit en effet indiquer, en cas de désaccord, les différentes opinions exprimées(92).

Mais, s’ils ne précisent pas qu’ils ont des avis divergents, ils sont réputés avoir tous la même

opinion et donc avoir éventuellement commis la même faute(93).

Lorsque le commissaire aux comptes exerce au sein d’une société d’experts comptables, la

responsabilité de la société laisse subsister la responsabilité personnelle de chaque membre en

raison des travaux qu’il est amené à exécuter lui-même pour le compte de cette société, et ce

conformément à l’article 15 de la loi 15-89. Car, comme le précise cet article, «… ; les dits

travaux doivent être assortis de sa signature personnelle ainsi que de la signature sociale de

la société ».

Lorsque le contrôle des commissaires aux comptes s’exerce dans un groupe de sociétés,

chacun des commissaires est responsable personnellement de ses fautes. Mais la

responsabilité est in solidium, en cas de faute commise à l’occasion du contrôle des comptes

consolidés, lorsque peut être retenue à la fois la responsabilité du commissaire aux comptes

de la société consolidante et celle du commissaire d’une société consolidée : le commissaire

aux comptes en fonction dans la filiale n’aurait pas dû certifier les comptes irréguliers et le

commissaire de la consolidante aurait dû découvrir l’erreur de son confrère. En revanche, si

l’erreur a été commise lors de la consolidation, c’est le commissaire de la consolidante qui

sera l’unique responsable(94).

c – Personnes mises en causes ou appelées en garantie par le défendeur

Dès lors que le commissaire aux comptes assigné en responsabilité estime que les dirigeants

de la société ont eux-mêmes commis des fautes qui ont concouru à la réalisation du dommage,

il a tout intérêt à les rappeler en déclaration de jugement commun.

(92)Article 171 de la loi 17-95.

(93)Trib. corr. Paris 16 mai 1974, Bull. CNCC n° 17-1975, p. 58.

(94) Jurisclasseurs fasc. 134-25, n° 49.

Page 79: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

72

Cette solution est régulièrement appliquée par les juges du fond français auxquels il appartient

de fixer la proportion du dommage que devront réparer la société et ses dirigeants(95).

Tout commissaire aux comptes doit souscrire une assurance couvrant sa responsabilité

professionnelle. Cette obligation s’impose pour tout membre inscrit à l’Ordre des experts

comptables. Dès lors que le commissaire aux comptes a connaissance d’un sinistre, il doit en

faire très rapidement déclaration auprès de sa compagnie d’assurance.

2 – Compétence

La question de la compétence conduit à envisager deux points : la compétence ratione

materiae ou compétence d’attribution (a) et la compétence ratione loti ou compétence

territoriale (b).

a – Compétence d’attribution

On ne trouve aucune indication dans la loi 17-95 sur la juridiction compétente pour connaître

de l’action en responsabilité civile dirigée contre le commissaire aux comptes. Il convient

donc de se reporter au droit commun.

L’action intentée contre un commissaire aux comptes personne physique doit être portée

devant le tribunal de première instance. En effet, le défendeur n’est pas commerçant et la

demande n’a pas pour objet un acte de commerce.

La compétence demeure celle de la juridiction civile, même si la société contrôlée par le

commissaire aux comptes est sous le coup d’une procédure collective. Il n’y a pas d’extension

de compétence au tribunal de la « faillite »(96).

(95)T.G.I. Lyon 14 janv. 1981, Bull. CNCC n° 42-1981, p. 230.

(96)Com. 11 déc. 1979 bull. CNCC n° 37-1980, p. 49.

Page 80: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

73

b – Compétence territoriale

En application des règles du droit commun, c’est en principe la juridiction du lieu où demeure

le défendeur qui est compétente, c'est-à-dire le tribunal dans le ressort duquel le commissaire

aux comptes a son domicile professionnel ou la société d’experts comptables a son siège

social.

3 – Extinction de l’action

Il convient d’examiner quels sont les obstacles qui peuvent paralyser l’action en

responsabilité civile : prescription, quitus, renonciation, relaxe par une juridiction pénale ou

disciplinaire.

Prescription

Aux termes de l’article 181 de la loi 17-95 « les actions en responsabilité contre les

commissaires aux comptes se prescrivent par cinq ans à compter du fait dommageable ou s’il

a été dissimulé de sa révélation ».

On observera immédiatement que l’institution de cette prescription particulière abrégée de

cinq ans exclut l’application de la prescription de droit commun de 15 ans en matière de

responsabilité délictuelle(97). La solution s’impose en application de l’adage specialia

generalibus derogant.

L’article 181 de la loi 17-95 invite à distinguer deux situations :

Si le fait dommageable n’a pas été dissimulé, la prescription quinquennale court à compter

du fait dommageable.

Si le fait dommageable a été dissimulé, la prescription quinquennale ne court qu’à

compter de la révélation du fait dommageable.

(97)Article 387 du Dahir des obligations et contrats.

Page 81: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

74

Le critère utilisé par la loi conduit donc à s’interroger sur deux points : d’une part, que faut-il

entendre par dissimulation ? D’autre part, qui doit être l’auteur de la dissimulation pour que le

point de départ de la prescription soit retardé ?

La dissimulation est selon le ″ Vocabulaire Capitant ″ le « fait de cacher ce que l’on doit

révéler », un « comportement qui peut être constitutif de dol, de fraude, de recel, de

complicité… »(98). Elle implique donc un élément intentionnel. Elle doit être prouvée par le

demandeur à l’action.

C’est dire qu’une simple négligence commise par le commissaire aux comptes ne peut pas

être assimilée à une dissimulation. Une jurisprudence française abondante s’est prononcée en

ce sens. C’est ainsi que la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt particulièrement net :

« … Considérant que l’insuffisance des diligences et des contrôles imputée par la

société appelante au commissaire aux comptes constituerait si elle est établie, une

faute engageant sa responsabilité ; qu’en revanche des négligences de la nature de

celles qui sont invoquées ne sauraient à elles seules être regardées comme une

dissimulation, laquelle implique la volonté du commissaire aux comptes de cacher des

faits dont il a connaissance par la certification des comptes… »(çç).

La dissimulation doit nécessairement émaner du commissaire aux comptes pour que le point

de départ de la prestation soit retardé. Comme l’avait justement observé Emmanuel du

Pontavice, « les faits dommageables qui sont visés, s’agissant du commissaire aux comptes,

sont… les faits dommageables commis par ce dernier et non pas ceux des

administrateurs… »(100).

Après avoir répondu aux questions de savoir ce qu’il fallait entendre par dissimulation et de

qui devait émaner la dissimulation, il convient de préciser la notion de fait dommageable.

(98)Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, par G. CORNU et alii, V° Dissimulation.

(99)Paris 6 oct. 1999, Bull. CNCC n° 116-1999, p. 668, Ph. MERLE.

(100) Bull. CNCC n° 58-1985, p. 216.

Page 82: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

75

En l’absence de dissimulation, le délai de prescription de cinq ans court à compter du « fait

dommageable ». Le point de départ de la prescription est expressément fixé par la loi à une

date précise, en l’espèce, celle du fait dommageable. Comme l’a justement fait observer la

cour d’appel de Paris dans un arrêt du 12 février 1999 « … l’adjectif « dommageable »

qualifie la conséquence du fait dont le commissaire aux comptes doit répondre ; le fait lui-

même ne peut être qu’une faute et non sa conséquence ; le « fait dommageable » imputable

au commissaire aux comptes est ainsi la certification fautive des comptes annuels qui clôt ses

investigations… »(101).

Le fait dommageable doit s’entendre d’un fait précis, le plus souvent, ce sera la certification

fautive des comptes par le commissaire aux comptes. Donc le point de départ du délai de

prescription de cinq ans sera, soit la date de transmission du rapport à la société, soit la date

de présentation à l’assemblée des actionnaires du rapport sur les comptes annuels.

Quand le commissaire aux comptes invoque l’exception de prescription, le juge doit apprécier

la responsabilité du professionnel, exercice par exercice.

Quitus

Il peut arriver que dans certaines sociétés, l’assemblée générale donne quitus aux

commissaires aux comptes, bien qu’il n’ait cependant aucune raison d’être à l’égard des

commissaires aux comptes, qui ne sont pas des mandataires, et dont la mission est étrangère à

la gestion ou à la tenue des comptes de la société.

Ce quitus voté par l’assemblée des actionnaires ne peut éteindre l’action individuelle d’un

actionnaire ou l’action d’un tiers intentée contre le commissaire aux comptes. Encore, il ne

peut empêcher une action sociale en responsabilité, il n’a tout au plus qu’une valeur morale.

(101) Bull. CNCC n° 113-1999, p. 145, PH. MERLE.

Page 83: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

76

Renonciation

Conformément au droit commun, il peut y avoir renonciation à l’action (ou désistement). Pour

être valable, le désistement doit être donné en connaissance de la faute du commissaire aux

comptes et du préjudice subi. En outre, celui qui se désiste de l’action doit avoir le pouvoir de

disposer de ce droit.

Relaxe par une juridiction pénale ou disciplinaire

Le principe selon lequel le criminel a autorité de chose jugée sur le civil a un caractère absolu.

Il a pour conséquence, selon une jurisprudence constante, « qu’il n’est pas permis au juge

civil de méconnaître ce qui a été nécessairement et certainement décidé par le juge criminel

sur l’existence du fait incriminé qui forme la base commune de l’action pénale et de l’action

civile, sur sa qualification et sur la culpabilité de celui à qui il est imputé »(102).

Le juge civil ne peut donc retenir pour faute les mêmes faits, dès lors que le juge pénal a

relaxé ou acquitté le commissaire aux comptes en raison de l’inexistence des faits poursuivis

ou de l’absence de sa participation à ces faits.

Cependant, si la faute d’imprudence ou de négligence du commissaire aux comptes a été

insuffisante pour caractériser l’infraction pénale, elle peut quelquefois suffire pour engager sa

responsabilité civile.

La décision de la juridiction disciplinaire n’a en revanche pas d’autorité de la chose jugée

devant la juridiction civile. En conséquence, le commissaire aux comptes relaxé

disciplinairement peut être condamné par la juridiction civile et réciproquement. Cependant, il

est raisonnable de penser que la décision de la juridiction qui aura statué la première

influencera la juridiction qui se prononcera en second lieu.

(102) G. STÉFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, Précis DALLOZ 20e éd. 2006, n°977.

Page 84: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

77

4 – Demande reconventionnelle du commissaire aux comptes

Lorsque le commissaire aux comptes est assigné en responsabilité civile, il peut se porter

reconventionnellement demandeur en dommages et intérêts lorsqu’il s’estime victime

d’allégations malveillantes et non fondées qui peuvent lui causer un préjudice important en

l’atteignant dans son intégrité morale et professionnelle.

Section 2 : De la responsabilité disciplinaire

Le commissaire aux comptes fait partie d’une profession libérale réglementée (celles des

experts comptables) qui lui impose à cet égard des interdits et des devoirs. A cet effet, la

profession est dotée d’un dispositif disciplinaire propre afin de maintenir la cohérence interne

et le prestige du titre.

Ce dispositif disciplinaire est également celui qui protège les tiers et garantit

l’accomplissement diligent et compétent des missions. Il est aussi fondé sur la préservation de

la réputation, de la notoriété et de la déontologie professionnelle.

L’organisation de la profession des commissaires aux comptes est régie par la loi 15-89

réglementant la profession d’expert comptable et instituant un Ordre des experts comptables.

Il faut rappeler ici que nul ne peut exercer les fonctions de commissaire aux comptes s’il n’est

pas inscrit au tableau de l’ordre des experts comptables, et ce conformément à l’article 160 de

la loi 17-95.

L’Ordre des experts comptables exerce ses attributions par l’intermédiaire d’un conseil

national et des conseils régionaux, et de leurs présidents respectifs.

C’est ainsi que les conseils régionaux et le conseil national, par voie d’appel, exercent à

l’égard des experts comptables et de leurs sociétés le pouvoir disciplinaire ordinal pour toute

faute professionnelle ou toute contravention aux dispositions législatives et réglementaires

auxquelles le commissaire aux comptes est soumis dans l’exercice de sa profession(103).

(103) Article 66 de la loi 15-89.

Page 85: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

78

A préciser que l’action disciplinaire portée devant les conseils de l’Ordre ne fait pas obstacle à

l’action du ministère public (en matière pénale) ni à celle des particuliers devant les tribunaux.

Les actions disciplinaires sont portées devant le conseil régional (1) et en appel devant le

conseil national(104) (2).

1 – L’exercice de l’action disciplinaire devant le conseil régional

L’action disciplinaire est exercée devant le conseil régional dont dépend l’expert comptable

intéressé ou la société(105).

Nous serons amené à étudier : l’instruction des plaintes devant le conseil régional (a) et la

prise de décision par le dit conseil (b).

a – L’instruction des plaintes

Le conseil régional est saisi par la plainte émanant de toute personne intéressée rapportant une

faute personnelle du commissaire aux comptes ou de la société et justifiant une action

disciplinaire à son encontre.

Ces fautes sont des manquements aux dispositions législatives et réglementaires auxquelles le

commissaire aux comptes est soumis dans l’exercice de sa profession, notamment :

Violation des règles professionnelles, manquement aux règles de l’honneur, de la probité

et de la dignité dans l’exercice de la profession, telles qu’elles sont notamment édictées

dans le Code des devoirs professionnels ;

Non respect des lois et règlements applicables au commissaire aux comptes dans

l’exercice de sa profession ;

(104) Article 67 de la loi 15-89.

(105) Article 83 de la loi 15-89.

Page 86: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

79

Atteinte aux règles ou règlements édictés par l’Ordre et à la considération ou au respect

dus aux institutions ordinales.

Le conseil régional peut être également saisi pour les mêmes motifs, soit par son président

agissant d’office ou à la demande des deux tiers des membres du conseil ou du président du

conseil national, soit par l’administration(106), un syndicat ou une association d’experts

comptables.

A noter que les plaintes rapportant des faits commis cinq ans avant le dépôt de la plainte sont

irrecevables devant le conseil régional.

Lorsque le conseil régional estime que les faits rapportés dans la plainte ne peuvent en aucun

cas constituer une faute imputable au commissaire aux comptes ou à la société, il informe par

décision motivée le plaignant, le commissaire aux comptes ou la société qu'il n'y a pas lieu de

déclencher une action disciplinaire. Le plaignant peut alors en appeler au conseil national.

Si le conseil régional décide d'engager une action disciplinaire, il désigne un ou plusieurs de

ses membres afin d'instruire la plainte. Cette décision est immédiatement portée à la

connaissance du plaignant et du commissaire aux comptes ou de la société incriminés.

Le ou les membres chargés d'instruire la plainte prennent toutes mesures utiles et effectuent

toutes diligences permettant d'établir la réalité des faits reprochés et les circonstances dans

lesquelles ils ont eu lieu. Ils provoquent les explications écrites du commissaire aux comptes

intéressé ou du représentant de la société.

Le commissaire aux comptes ou la société incriminés peuvent se faire assister à tous les

stades de la procédure disciplinaire par un confrère ou un avocat.

(106) C’est le Ministre des finances selon le décret n° 2-93-521 du 30 août 1993 pris pour l’application de laloi 15-89.

Page 87: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

80

b – La décision du conseil régional

Le ou les membres chargés de l'instruction de la plainte font rapport au conseil régional dans

un délai d'un mois à compter de la date de leur désignation. Au vu de ce rapport, le conseil

régional décide soit de poursuivre l'affaire et, éventuellement, ordonne toute mesure

d'instruction complémentaire qu'il juge nécessaire, soit qu'il n'y a pas lieu à poursuivre.

Dans ce dernier cas, il en informe le commissaire aux comptes intéressé ou la société et le

plaignant qui peut en appeler au conseil national.

Si le conseil régional estime que les faits rapportés constituent une infraction disciplinaire, il

convoque le commissaire aux comptes concerné ou le représentant de la société et, après avoir

entendu ses explications ou celles de son représentant, statue.

Le conseil régional statuant en matière disciplinaire ne peut délibérer valablement que lorsque

les deux tiers au moins des membres sont présents.

La décision du conseil régional est motivée. Elle est notifiée par lettre recommandée, dans les

plus brefs délais au commissaire aux comptes ou à la société qui en a été l’objet et au

plaignant. L’administration (ministre des finances) et le conseil national en sont informés.

Si la décision a été rendue sans que le commissaire aux comptes ou le représentant de la

société mis en cause aient comparu ou se soient fait représenter, ils ne peuvent faire

opposition mais doivent en appeler, s’ils le souhaitent, au conseil national dans les formes

prévues aux articles 95 et suivants de la loi n° 15-89.

2 – L’exercice de l’action disciplinaire devant le conseil national

Le conseil national est l’instance d’appel de toutes les décisions des conseils régionaux en

matière de discipline.

L’article 92 de la loi 15-89 précise que la décision du conseil régional est portée en appel

devant le conseil national dans les quinze jours suivant sa notification, à la requête du

Page 88: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

81

commissaire aux comptes ou de la société concernés ou du plaignant. L'appel doit être

formulé par lettre recommandée avec accusé de réception. L’appel ainsi formulé est suspensif.

Le conseil national, saisi de l'appel, désigne un ou plusieurs de ses membres pour procéder à

l'instruction du dossier. Le ou les membres chargés de l'instruction se font communiquer

l'ensemble du dossier disciplinaire détenu par le conseil régional ayant connu de l'affaire en

premier ressort.

Ils entendent les explications du commissaire aux comptes concerné ou du représentant de la

société et procèdent à toutes auditions ou investigations utiles.

Le ou les membres chargés de l'instruction font leur rapport au conseil national dans un délai

d'un mois à compter de leur désignation. Ils peuvent exceptionnellement demander au conseil

national un délai supplémentaire.

Après avoir pris connaissance du rapport d'instruction, le conseil national convoque, dans un

délai n'excédant pas deux mois, le commissaire aux comptes concerné ou le représentant de la

société, l'informe des conclusions du rapport et entend ses déclarations ou celles de son

représentant.

Le commissaire aux comptes ou le représentant de la société peuvent toujours se faire assister

par un confrère ou un avocat.

Le conseil national statue dans un délai maximum de huit jours suivant celui de l'audition du

commissaire aux comptes, du représentant de la société ou de leur représentant.

Les décisions du conseil national sont notifiées dans les dix jours par lettre recommandée

avec accusé de réception au commissaire aux comptes concerné, ou à la société et au

plaignant. L’administration (Ministre des finances) est informée de toutes décisions

disciplinaires.

Le conseil national statuant en conseil de discipline délibère valablement lorsque le président,

le membre de la chambre constitutionnelle et au moins les deux tiers de ses membres sont

Page 89: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

82

présents. Il prend ses décisions à la majorité des voix, celle du président étant prépondérante

en cas de partage égal des voix.

Les décisions disciplinaires prononcées par le conseil national peuvent être déférées à la

juridiction compétente en matière d’annulation pour excès de pouvoir(107).

Enfin, il faut signaler que les membres du conseil national et des conseils régionaux sont

tenus au secret professionnel pour tout ce qui se rapporte aux délibérations auxquelles leurs

fonctions les appellent à prendre part en matière disciplinaire.

Section 3 : De la responsabilité pénale

La mise en œuvre de la responsabilité pénale du commissaire aux comptes va suivre les règles

de procédure pénale énoncées dans le nouveau code de procédure pénale promulgué par les

dispositions du dahir du 3 octobre 2002(108).

Il faut entendre par procédure, les différents acteurs intervenant ainsi que toutes les phases du

procès. Aussi, afin de mieux la maîtriser, il est nécessaire de connaître le déclenchement de

cette procédure ainsi que son déroulement.

Le commissaire aux comptes incriminé sera ainsi confronté aux règles des deux domaines de

la procédure pénale. Il s’agit de ceux de l’action publique (1) et de l’action civile (2) appelées

aussi la théorie de l’action.

Cette mise en mouvement du procès pénal revient à son déroulement dans la mesure où les

organes de justice habilités vont pouvoir exercer les attributions que leur reconnaît la loi ; le

tout dans le but de déterminer les responsabilités à l’occasion d’une infraction pénale.

Chronologiquement, cette mise en œuvre commence par des enquêtes de police suite au

déclenchement d’une action publique par le ministère public (3). Elle peut exiger une

(107) Article 77 de la loi 15-89.

(108) Dahir n° 225-02-1 du 3 octobre 2002 portant loi n° 01-22 approuvant le nouveau code de procédurepénale.

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83

information sérieuse confiée au juge d’instruction dans le cadre d’une instruction préparatoire

(4) pour aboutir, enfin, à la phase finale, celle du jugement. Ce dernier peut faire l’objet de

voies de recours qui sont des moyens donnés aux parties pour soit faire juger l’affaire une

deuxième fois par la même juridiction ou par une juridiction supérieure, soit demander

l’annulation (cassation) ou la révision du procès (5).

1 – L’action publique

Parler de l’exercice de l’action publique, c’est évoquer la procédure par laquelle une

juridiction répressive est saisie dans le but de prononcer une mesure pénale. L’action publique

suppose l’existence de parties qui l’exercice et contre lesquelles elle s’exerce (a). Elle ne

s’arrête pas au déclenchement des poursuites, mais dure autant qu’elles ; c'est-à-dire jusqu’à

ce que le jugement soit devenu définitif après, éventuellement, l’épuisement des voies de

recours. Bien plus, le ministère public veille à l’exécution des décisions judiciaires et à leur

aboutissement (b) et seules certaines situations lui mettent fin (c).

a – Les parties à l’action publique

Les demandeurs à l’action publique

Accessoirement, l’administration des douanes, des impôts et des eaux et forêts peuvent

parfois exercer l’action publique sous certaines condition, mais cette prérogative est

essentiellement accordée au ministère public, dénommé aussi « Parquet ».

Le ministère public est l’organe étatique auquel la loi a confié le déclenchement des

poursuites et leur contrôle jusqu’au prononcé d’une mesure pénale(109). Il existe dans toutes

les juridictions du Royaume, il est considéré comme « le gardien de l’ordre public » et

« l’avocat de la société ».

(109) Article 36 du nouveau code de procédure pénale.

Page 91: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

84

Les défenseurs de l’action publique

Ce sont les auteurs, coauteurs et complices d’une infraction à la loi pénale, et ce

conformément à l’article 3 du nouveau code de procédure pénale. Le principe de

l’individualité de la responsabilité pénale et de la personnalité des peines est clair à ce sujet.

Quant aux personnes morales de droit privé, notamment les sociétés de commissaires aux

comptes, leur responsabilité ou celles de leurs dirigeants peut être engagée et des sanctions

appropriées sont prévues à cet effet : fermeture d’établissement, liquidation, amende et même

emprisonnement pour les dirigeants…etc.

b – Modalités et moyens de l’action publique

Le ministère public exerce l’action publique au nom de la société contrôlée par le

commissaire aux comptes lorsque la loi pénale a été violée. Sa saisine ou son « auto-saisine »

permet donc de déclencher une procédure pénale.

Le Parquet peut être informé de l’éventuelle commission d’un délit par voie de rumeur, de

dénonciation d’un tiers ou de simple plainte. Dans des affaires qui peuvent éventuellement

concerner le commissaire aux comptes, il peut « s’auto saisir » suite à l’ouverture d’une

procédure de redressement judiciaire susceptible d’engendrer un délit de banqueroute.

Son rôle est de qualifier l’infraction et de vérifier la légalité des poursuites et des auteurs

présumés et des complicités éventuelles.

Le ministère public garde le monopole de l’action publique, il est strictement indépendant en

ce qui concerne l’engagement et la conduite des poursuites : c’est la règle de « l’opportunité

des poursuites » ; il n’est donc pas obligé de déclencher le procès pénal, même si l’infraction

est certaine.

Page 92: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

85

c – Extinction des poursuites ou les causes d’extinction de l’action publique

L’article 4 du nouveau code de procédure pénale énumère les cas où les poursuites prennent

fin : le décès de l’accusé, la prescription, l’amnistie, l’abrogation des dispositions incriminant

les faits et la chose irrévocablement jugée. L’article ajoute la transaction quand elle est prévue

et le retrait de plainte quand la loi en fait une condition de l’arrêt des poursuites.

2 – L’action civile

L’action civile, au sens de la procédure pénale, est une action qui découle d’une infraction et

tend à obtenir réparation pécuniaire du dommage subi. Elle est la procédure de saisine d’une

juridiction répressive en vue d’obtenir la réparation du dommage privé résultant d’une

infraction pénale.

Une société cliente du commissaire aux comptes peut par exemple, se porter partie civile, par

le biais de ses dirigeants sociaux, en cas de violation du secret professionnel. De même,

lorsque le commissaire aux comptes est poursuivi pour complicité d’abus de biens sociaux, il

n’est pas rare de voir les associés du dirigeant, auteur principal du délit, agissant en leur nom

et déposer une plainte.

Son principe

Cette faculté est offerte à la victime d’une infraction qui a subi un préjudice personnel et

direct. Pour exercer son action, la victime dispose à l’origine, d’un choix, en principe

irrévocable, entre la voie civile et la voie pénale.

En effet, la partie civile peut, par l’exercice de l’action civile, mettre en mouvement l’action

publique.

Dans ce cas, la victime saisit le ministère public en déposant une plainte et en se constituant

partie civile devant le juge d’instruction. La plainte doit préciser les faits reprochés par la

victime, soit à une personne désignée, soit à une personne inconnue que le magistrat devra

retrouver et appréhender.

Page 93: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

86

Si l’action publique est déjà engagée, la victime se constitue partie civile par voie

d’intervention, soit devant le juge d’instruction, soit à l’audience. La qualité de partie civile

au procès permet à la victime de ne pas subir d’interrogatoire sans présence d’un avocat et

d’obtenir la signification automatique des actes importants de la procédure.

Son extinction

Au niveau de l’extinction de l’action civile, elle reste soumise aux modes d’extinction que

connaît le droit judiciaire privé. Aussi, l’action civile n’est pas éteinte en cas de disparition de

l’action publique : l’amnistie réserve le droit des tiers, la chose jugée ou l’acquittement laisse

la possibilité à la partie civile de faire appel seule.

3 – L’enquête préliminaire

Dès que le ministère public a connaissance d’une infraction, à la suite d’une plainte reçue ou

d’informations recueillies, il peut, charger les membres de la police judiciaire de mener une

enquête préliminaire.

Les objectifs de l’enquête préliminaire

Cette investigation permet de constater les infractions, d’en rassembler les preuves et d’en

rechercher les auteurs. Elle permet la préparation d’un dossier relatif à la commission de

l’infraction et à la personnalité de son auteur (dans le sens d’une identification seulement).

Les moyens des membres de la police judiciaire

Au cours de l’enquête préliminaire, les membres de la police judiciaire peuvent procéder, sous

le contrôle du Parquet, à divers actes tels que, la réception des plaintes et dénonciations, les

auditions des témoins, les visites domiciliaires, les perquisitions et les saisies de pièces au

cabinet du commissaire aux comptes, le contrôle et vérifications d’identité, la rédaction des

procès verbaux, la garde à vue.

Page 94: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

87

La décision du ministère public

L’enquête préliminaire est clôturée par la transmission de l’affaire au ministère public qui, au

terme de cette enquête, va prendre une décision sur l’opportunité des poursuites de façon plus

concrète. Suivant les éléments de faits en sa possession, il peut estimer que ceux-ci ne mettent

pas suffisamment en relief l’existence d’une infraction (ou l’infraction est trop légère pour

que l’action soit opportune).

Dans le cas contraire, si les éléments recueillis sont jugés propices à des poursuites à

l’encontre du commissaire aux comptes, le Parquet met en mouvement l’action publique.

Dans le cas où la plainte n’est pas étoffée de preuves suffisantes et convaincantes, le ministère

public peut demander l’ouverture de l’instruction préparatoire par une requête adressée au

juge d’instruction.

4 – L’instruction préparatoire

Le juge d’instruction est un magistrat du siège du tribunal de première instance. Il est

indépendant du Parquet, des juridictions de jugement et des parties civiles. Mais il reste

soumis au contrôle du ministère public car il peut lui demander d’accomplir à tout moment tel

ou tel acte dans l’intérêt de l’affaire et il le fait au titre de « maître » de la poursuite.

Le but essentiel de l’instruction est de réunir le maximum d’informations sur l’infraction, son

auteur (ou ses auteurs) et les circonstances directes ou indirectes qui l’ont accompagnées. En

somme, cela revient à réunir la preuve dans le sens de la culpabilité ou l’inverse.

Mais la preuve n’intéresse pas uniquement l’instruction, elle gouverne le procès du début

jusqu’à la fin. Si la police judiciaire et le ministère public ont pour fonction de réunir les

preuves, le juge d’instruction fait de même, mais la traite en quelque sorte de façon à

constituer un dossier solide dans un sens ou dans l’autre. Les choses ne s’arrête pas à ce stade

car le dernier mot, quant à l’appréciation des preuves, revient au juge de fond. Toujours est-il

qu’étant « le juge de l’information », ce magistrat jouit de pouvoirs plus au moins étendus.

Page 95: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

88

Le rôle du juge d’instruction

L’ouverture de l’instruction se fait par un réquisitoire du ministère public(110) ou par

constitution de partie civile de la part de la victime de l’infraction.

La procédure devant le juge d’instruction est secrète, écrite et non contradictoire. Le caractère

secret ressort de l’article 15 du nouveau code de procédure pénale et s’applique à toute

personne qui participe à l’instruction qui doit, par conséquent, respecter le secret

professionnel.

Le juge d’instruction est saisi « in rem » : il ne va devoir instruire que sur les faits objet du

réquisitoire introductif ou de la plainte. Toutefois, s’il découvre d’autres faits délictueux, il

peut les dénoncer au ministère public qui, pour les introduire dans la procédure, pourra

délivrer un réquisitoire supplétif.

Il doit donc rechercher les éléments de preuve favorables ou défavorables à la personne

suspectée, instruire à charge et à décharge : il recherche les éléments utiles à la manifestation

de la vérité. A cet effet, il dispose de moyens étendus tels qu’auditions de témoins,

interrogatoires de la personne mise en examen, perquisition, saisies et écoutes téléphoniques.

Le juge d’instruction, outre les actes nécessaires à l’investigation et à la découverte de la

vérité, prend des mesures coercitives sous forme d’ordonnances et de mandats. Il peut

solliciter une expertise judiciaire afin de résoudre certains problèmes techniques et aussi

prononcer une mise sous contrôle judiciaire ou une détention préventive.

Les décisions du juge d’instruction peuvent être annulées ou attaquées en appel devant la

chambre correctionnelle. Bien plus, le ministère public, d’office ou sur demande de la partie

civile ou de l’accusé, peut demander à la chambre correctionnelle de la cour d’appel de retirer

l’affaire à un juge d’instruction et de la confier à un autre juge d’instruction(111).

(110) Article 84 du nouveau code de procédure pénale.

(111) Article 91 du nouveau code de procédure pénale.

Page 96: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

89

Lorsque le juge d’instruction estime que son information est terminée, il communique son

dossier au ministère public au moyen d’ordonnance de soit-communiqué. Après examen du

dossier, le Parquet le restitue avec son réquisitoire définitif.

Indépendamment du Parquet, le juge d’instruction statue alors par une ordonnance de clôture

qui peut prendre deux formes :

Le juge rend une ordonnance de non lieu qui peut être motivée en fait ou en droit suivant

qu’il estime les éléments de l’infraction non réunis ou les charges contre le mis en

examen, insuffisantes. Lorsque l’ordonnance est motivée en droit, elle met fin de façon

irrévocable à toute poursuite. En revanche, une ordonnance motivée en fait, permet la

réouverture de l’instruction dans le cas de la découverte de nouvelles preuves.

Il rend une ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente, s’il estime les charges

suffisantes pour prononcer une condamnation.

5 – Le jugement et les voies de recours

L’audience

A la différence des procédures civiles où la présence aux audiences de la personne assignée

n’est absolument pas nécessaire, la présence du commissaire aux comptes est impérative en

cas de procédure devant le tribunal correctionnel.

La procédure est, en principe, orale. L’audience s’articule autour d’une synthèse de

l’instruction, éventuellement assortie de dépositions de témoins. Le prévenu est interrogé et

amené à indiquer sa position vis-à-vis des délits qui lui sont reprochés. Puis, les parties civiles

exposent leur demande pécuniaire.

Le Procureur du Roi présente son réquisitoire, par lequel il analyse le dossier et demande les

peines qu’il souhaite voir infliger au prévenu.

Page 97: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

90

Enfin, l’avocat du prévenu prend la parole. En pratique, les conclusions de l’avocat sont

généralement écrites : les cas de mises en cause pénale du commissaire aux comptes sont

complexes et ils nécessitent d’analyser le délit reproché. De plus, si l’avocat fait une véritable

demande de relaxe, il devra essayer de démontrer que le délit n’est pas constitué. En

revanche, en cas de reconnaissance du délit, il s’agit davantage d’une défense en vue

d’atténuer les éventuelles condamnations.

Compte tenu de la nature des délits qui sont susceptibles d’être reprochés au commissaire aux

comptes, le tribunal met le plus souvent, sa décision en délibéré et convoque les parties à une

autre date pour rendre son jugement qui sera motivé.

La motivation de la décision revient à justifier la conviction de la juridiction et à mettre en

valeur les moyens de preuve retenus. C’est une véritable discussion des motifs de droit et de

fait qui constitue son dispositif : faits constituant l’infraction, la responsabilité pénale et

l’applicabilité de la loi. Les motifs constituent une sorte de base de la décision et vont

apparaître au moment de la rédaction de cette décision.

L’appel et le pourvoi en cassation

Si le commissaire aux comptes est condamné, il dispose d’un délai de dix jours à compter du

prononcé de la décision pour faire appel.

Il doit donc, essayer d’obtenir copie du jugement au plus vite. En effet, connaître la

motivation du tribunal peut lui permettre de mieux apprécier l’opportunité de faire appel ou

non.

En cas de relaxe ou de condamnation « acceptée », l’appel peut toujours être interjeté par les

parties civiles ou le Procureur du Roi.

Page 98: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

91

Lorsque l’arrêt de la Cour d’appel est rendu, se pose la question d’un éventuel pourvoi en

cassation devant la Cour suprême(112). Le délai n’étant que de dix jours à partir du prononcé

de la décision, il est recommandé de faire un pourvoi « à titre conservatoire » afin de

préserver ses droits. Il pourra par la suite, en fonction de la motivation de l’arrêt rendu et de

l’avis donné par l’avocat de la Cour suprême auquel il doit avoir recours, abandonner

éventuellement ce pourvoi.

Enfin, il est à préciser que le juge de la Cour suprême a pour mission d’examiner les pouvoirs

contre les décisions des juridictions répressives, veille à l’exacte application de la loi et œuvre

à l’unification de la jurisprudence. Son contrôle s’étend à la qualification juridique donnée

aux faits ayant servi de fondement à la poursuite pénale, mais ne s’exerce ni sur la matérialité

des faits constatés par les juges répressifs, ni, hors le cas où l’admission en est limitée par la

loi, sur la valeur des preuves qu’ils ont retenues(113).

(112) Article 415 du nouveau code de procédure pénale.

(113) Article 518 du nouveau code de procédure pénale.

Page 99: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

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Chapitre 2 : Comportement à adopter par le commissaire aux comptes en

cas de mise en cause et gestion de la crise

Après la présentation de la mise en œuvre de la responsabilité pénale, considérée comme la

plus grave à surmonter, il s’avérera utile de mettre en évidence les différentes erreurs à éviter

et le comportement à adopter dans de telles circonstances par le commissaire aux comptes

(section 1).

Ensuite, nous allons exposer l’attitude sereine qu’il convient d’adopter et « les balises de

secours » qui s’offrent au commissaire aux comptes pour assurer sa défense. Enfin, nous

traiterons de la gestion de la mise en cause du commissaire aux comptes au sein et autour de

son cabinet afin de préserver l’activité professionnelle (section 2).

Section 1 : Comportement à adopter par le commissaire aux comptes en cas de sa mise

en cause

Même s’il pense qu’il n’encourt aucun risque à partir d’une simple audition lors d’une

enquête, le commissaire aux comptes peut se retrouver mis en cause à chaque instant car une

procédure est lancée.

Face à cette situation quelque peu inhabituelle, le membre de l’Ordre poursuivi, se trouve

dérouté devant les auxiliaires de justice. La question qui se pose alors est de savoir comment

gérer au mieux la rencontre avec ces hommes de droit.

A travers chacune des situations auxquelles il peut être confronté, le commissaire aux

comptes doit respecter certaines obligations et garder à l’esprit les droits dont il peut profiter

et la conduite à tenir afin d’assurer au mieux sa défense.

Page 100: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

93

1 – Les témoignages et auditions

Les témoignages et auditions sont généralement le signe prémonitoire qu’une procédure a

débuté. Ils sont utilisés notamment lors de l’enquête préliminaire et de l’instruction. Ils

peuvent aussi intervenir lors de l’audience.

L’obligation de témoigner

Le commissaire aux comptes peut être invité à apporter son témoignage en sa qualité de

« gardien du droit » dans la société.

Toutes les formes de convocation peuvent se trouver : citation, lettre simple ou recommandée,

voie administrative.

Dans le cadre d’une enquête préliminaire, la police judiciaire peut intervenir d’office ou sur

instruction du Procureur du Roi, afin d’entendre une personne en qualité de témoin. Les

interrogatoires se déroulent sans prestation de serment préalable. La présence d’un avocat

n’est pas accordée. Les policiers ne disposent d’aucun pouvoir contraignant. Dans la plupart

des cas, ils doivent donc obtenir, préalablement à l’audition, l’accord écrit de la personne

concernée.

Ces auditions donnent systématiquement lieu à la rédaction d’un procès-verbal signé par la

personne entendue.

Le commissaire aux comptes doit s’abstenir de comparaître volontairement et doit attendre

d’être requis, il ne doit effectuer aucune mise de documents.

Le respect du secret professionnel

Le secret professionnel favorise le climat de confiance indispensable à l’accomplissement de

la mission du professionnel et garantit à la société contrôlée l’inviolabilité d’une certaine

sphère d’activité.

Page 101: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

94

La qualité du commissaire aux comptes fait du professionnel un témoin privilégié lorsque son

client fait l’objet d’une enquête pénale.

Dans le cadre de relations avec la justice, le commissaire aux comptes, sollicité en tant que

témoin ne pourra répondre qu’à des questions portant sur la technique comptable, financière

et sur les faits objet de sa mission légale en dehors de tout fait de nature à s’immiscer dans la

gestion de la société contrôlée.

Autrement dit, à l’occasion de ce témoignage, le commissaire aux comptes ne peut répondre

que sur des faits qui entrent dans l’exercice de sa mission légale édictée par la loi et les

normes professionnelles.

Il faut souligner ici qu’au terme de l’article 168 alinéa 1 de la loi 17-95 « le secret

professionnel ne peut être opposé aux commissaires aux comptes, sauf par les auxiliaires de la

justice ».

Selon le manuel des normes de l’Ordre, le commissaire aux comptes se réfère au code de

déontologie pour prendre connaissance des conditions dans lesquelles il est délié du secret

professionnel. En cas de doute, il doit s’informer auprès du Président de la commission

déontologique de l’Ordre.

Préparer son interrogatoire

Les suites de cet entretien ne sont jamais connues. Une garde à vue peut être possible à tout

moment de l’audition. Une convocation n’est donc jamais à prendre à la légère.

La demande de comparution en tant que témoin signifie théoriquement, que le commissaire

aux comptes est seulement entendu. Or, le juge ou l’officier de la police judiciaire sont

autorisés à poser des questions à la suite des déclarations du témoin afin de compléter sa

déposition. Par conséquent, cet entretien est très vite assimilé à un véritable interrogatoire.

Page 102: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

95

Le style de cet entretien est un sujet sur lequel il convient d’insister. En effet, l’officier de la

police judiciaire va essayer d’apprécier les faits et de tenter de rassembler les preuves d’une

infraction dont le commissaire aux comptes ignore bien souvent la nature.

Il va donc tâcher de savoir si le professionnel était au courant des faits délictueux, et aussi, s’il

a apporté une quelconque aide ou assistance.

Sans vouloir « noircir le tableau », il arrive que les membres de la police judiciaire usent de

stratagèmes et de moyens à la limite de la loyauté dans le but de faire « craqué » la personne

interrogée et de soutirer d’éventuels aveux de culpabilité. Sans même manifester de

provocation physique, des méthodes maléfiques peuvent aboutir à l’obtention de propos

déformés et dénués de leur réel sens.

Afin d’éviter ce scénario catastrophique, le commissaire aux comptes doit se prémunir. Même

si les circonstances de l’affaire font que sa mise en cause personnelle ne se pose pas, et qu’il

est certain d’avoir accompli toutes les diligences, il doit prêter attention à certaines règles

particulières.

La fiche présentée en annexe 2, constitue un outil permettant au commissaire aux comptes de

se préparer à une audition de la police judiciaire ou à un interrogatoire du juge d’instruction.

Elle suggère les dispositions à prendre afin de mener cette confrontation au mieux et qu’elle

lui soit favorable.

Sans avoir la prétention de faire échapper à toute mise en cause, ces recommandations ont

pour principal objectif d’éviter ou d’atténuer au maximum à partir d’une « simple » audition,

le climat de suspicion sur le membre de l’Ordre.

2 – Les saisies et perquisitions

Les saisies et les perquisitions constituent le moyen de preuve par excellence en matière

d’incrimination au manquement aux obligations imposées au commissaire aux comptes dans

l’exercice de sa mission de contrôle des comptes.

Page 103: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

96

Elles peuvent avoir lieu dans les locaux professionnels du commissaire aux comptes, mais

aussi à son domicile, voire à sa résidence secondaire.

Les formes et modalités

Les membres de la police judiciaire et le juge d’instruction peuvent procéder à une

perquisition ou à une saisie et dressent à cet effet un procès-verbal.

Les saisies et perquisitions ne peuvent être faites qu’entre 6 heures et 21 heures. Toute

perquisition commencée de jour, peut se continuer pendant la nuit. La perquisition effectuée

au cabinet d’un commissaire aux comptes se fait en sa présence. Par contre, s’il est mis en

examen, il ne sera évidemment pas averti des opérations qui vont avoir lieu, afin d’éviter la

disparition des preuves éventuelles.

Le juge d’instruction ou l’officier de la police judiciaire peut se présenter avec des

techniciens, ou experts judiciaires, le cas échéant. La perquisition porte plus spécialement sur

le dossier de travail et tout document qui a un lien avec la société mise en cause.

Aussi, pour assurer le respect du secret professionnel, toutes mesures utiles doivent être

prises. En effet, la perquisition dans un lieu où l’activité oblige l’occupant au secret

professionnel impose, au juge d’instruction ou à l’officier de la police judiciaire, l’obligation

d’informer le Procureur du Roi et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le

respect du secret professionnel.

Les précautions à prendre

Une perquisition effectuée dans les locaux professionnels du commissaire aux comptes

constitue un « symptôme » révélateur qu’une procédure a débuté. Cette situation perturbe et

nécessite d’être prudent.

Page 104: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

97

Afin de préserver au mieux ses intérêts, le commissaire aux comptes doit donc veiller au

respect de certaines dispositions :

La totalité des documents du dossier doit être photocopiée et conservée en endroit sûr ;

Veiller à ce que les documents saisis se limitent à l’affaire pour laquelle la perquisition est

effectuée et refuser de donner tous documents étrangers à l’affaire ;

S’efforcer d’éviter la saisie des correspondances échangées entre le commissaire aux

comptes et la société contrôlée (si elles ne constituent pas l’objet du délit) ainsi que les

notes et documents internes du cabinet ;

S’opposer à toute mesure employée par l’officier de la police judiciaire qui porte atteinte

au secret professionnel ;

Vérifier à ce que les mentions figurant sur les fiches ou boîtes des scellés soient

suffisamment explicites.

3 – La garde à vue

La garde à vue constitue le premier acte attentatoire aux libertés dans la chronologie du procès

pénal.

Sa mise en place

S’il n’existe aucun élément caractérisant la responsabilité de l’infraction, le commissaire aux

comptes n’est retenu que le temps nécessaire à sa déposition. Or, si des indices font présumer

qu’il a commis ou tenté de commettre une infraction, il peut être placé en garde à vue par les

officiers de la police judiciaire. Cette mesure peut aussi être imposée par le juge d’instruction.

Cette mesure permet aux officiers de la police judiciaire, de recueillir les déclarations du

commissaire aux comptes et de les confronter aux premiers éléments déjà découverts. Sa

durée est de 48 heures prorogeable une fois de 24 heures par ordre écrit du Procureur du Roi.

Page 105: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

98

Il est à noter que le nouveau code de procédure pénale prévoit en cas d’affaires liées au

terrorisme une garde à vue de 96 heures renouvelable deux fois sur ordre écrit par le ministère

public.

Faire face à cette épreuve

La garde à vue est, pour le commissaire aux comptes une expérience très douloureuse. Son

annonce est, la plupart du temps, brutale et inattendue.

A partir du moment où il est placé en garde à vue, le commissaire aux comptes doit solliciter

immédiatement de s’entretenir avec son avocat. L’officier de la police judicaire peut autoriser

cette entrevue mais doit la mentionner dans un procès-verbal qu’il envoie immédiatement au

Parquet.

Ce contact avec l’avocat ne peut dépasser une demi heure et se passe sous le contrôle de

l’officier de la police judiciaire. Il est par conséquent difficile d’apporter une aide concrète en

si peu de temps.

En aucun cas, l’avocat n’a accès au dossier, il connaît uniquement la qualification juridique

des faits, objet des investigations. Il n’assiste pas non plus à l’interrogatoire. L’avocat qui

prend contact avec le commissaire aux comptes ne doit rien divulguer, mais peut déposer

auprès du Parquet ou de la police judiciaire tout document ou observations écrites.

Le commissaire aux comptes n’est pas un délinquant ordinaire habitué à cette situation. La

garde à vue se déroule dans une ambiance particulière : les conditions physiques sont parfois

humiliantes et les lieux occupés entre deux interrogatoires sont loin d’être agréables.

Avant de répondre à toute convocation, le professionnel doit donc prendre soin de se

débarrasser au préalable, de tout accessoire vestimentaire que les officiers de la police

judiciaire lui demanderait de retirer en cas de garde à vue.

Page 106: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

99

Encore une fois, la dialectique des interrogatoires peut refléter des aspects particuliers. Il

convient que le commissaire aux comptes applique au mieux, là encore, les consignes

présentées à l’annexe 2.

Lors de sa garde à vue, le commissaire aux comptes peut se trouver en situation

compromettante : les soupçons à son égard de plus en plus pesants, son esprit est confus, il

perd la maîtrise de l’interrogatoire. Souvent le professionnel ignore à ce stade, quelles

responsabilités sont mises en cause.

Le commissaire aux comptes est tenté de mettre fin à cette confrontation en acceptant de

laisser planer des incertitudes et des propos inexacts qu’il pense pouvoir rétablir par la suite

devant le juge d’instruction. Or, il doit savoir qu’il est très difficile par la suite de se rétracter :

tout ce qui est dit, et écrit dans les procès-verbaux restent. Certes, si des réponses ont été mal

formulées, il est toujours possible de les corriger devant le juge d’instruction mais il sera

moins aisé.

Pour parer à cette dérive et dans son intérêt, le professionnel doit envisager avec son avocat

l’opportunité de garder le silence et de refuser de répondre aux questions des officiers de la

police judiciaire. Dans ce cas, il est préférable d’attendre d’être déféré devant le Parquet et

éventuellement, devant le juge d’instruction.

4 – La mise en examen

A l’issue de sa garde à vue, le commissaire aux comptes peut être déféré devant le Procureur

du Roi qui décide ou non de le présenter devant le juge d’instruction.

Il est important de rappeler que si le commissaire aux comptes est la cible directe d’une

plainte avec constitution de partie civile, elle entraîne la saisie du juge d’instruction sur

réquisitoire du ministère public.

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100

Le commissaire aux comptes doit impérativement demander l’assistance de son avocat dès sa

mise en examen. Il est indispensable que l’avocat soit présent lors de chaque interrogatoire, le

juge d’instruction étant de toutes façons, tenu d’informer le prévenu de son droit à désigner un

avocat sinon il lui désigne un d’office.

Le premier objectif de l’avocat est notamment de rechercher dès la première instance, le non-

lieu ou la relaxe. Il peut aussi demander au juge d’instruction de faire tel acte d’enquête qui

lui paraît nécessaire, si le juge ne le fait pas lui-même. Afin d’y parvenir, le professionnel doit

être en contact permanent avec lui. Sa place est déterminante dans la mesure où il a une

connaissance parfaite du déroulement de la procédure et de ses caractéristiques.

L’avocat doit faire valoir les nullités de procédure. Il soulève éventuellement les nullités de

certains actes d’instruction dans la mesure où elles ont un intérêt pour le commissaire aux

comptes.

Lorsque le commissaire aux comptes est mis en examen, il devient alors partie à la procédure

et en quelque sorte, bénéficiaire de certains droits.

L’accès au dossier d’instruction paraît certainement le droit primordial. Cette communication

du dossier étant réservée à l’avocat, d’où l’intérêt majeur d’y avoir recours.

L’accès au dossier pénal facilite la préparation de la défense du professionnel. Ce dernier,

ainsi que son conseil, vont enfin, savoir comment a débuté l’affaire et quels sont les points

particuliers à l’origine de la mise en examen. Ils ont connaissance de l’identité des personnes

qui se sont constituées partie civile, ainsi que des autres individus éventuellement incriminés.

Le dossier doit comprendre toutes les pièces de la procédure qui existent au jour où celui-ci

est communiqué à l’avocat. Il est tenu à la disposition de l’avocat à tout moment de la

procédure. Celui-ci a aussi la possibilité de se faire délivrer la copie de tout ou partie des

pièces et actes du dossier.

Page 108: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

101

5 – Les mesures d’accompagnement de l’instruction

Le juge d’instruction peut estimer qu’il y a un risque que le mis en examen tente de se

soustraire à la justice. Même si, concernant le commissaire aux comptes, le cas est assez rare,

des mesures d’accompagnement de l’instruction peuvent lui être imposées. Les seules

recommandations possibles dans telles circonstances se limitent à des conseils d’ordre

procédural.

L’éventuel placement sous contrôle judiciaire

Le placement sous contrôle judiciaire signifie que la personne reste libre mais doit se

soumettre à une ou plusieurs obligations énumérées de manière restrictive par l’article 161 du

nouveau code de procédure pénale.

Ces mesures de sûreté peuvent être très gênantes pour le commissaire aux comptes, puisqu’il

est possible de lui interdire de poursuivre ses activités professionnelles. Il peut aussi se voir

interdire de quitter son domicile, de ne pas se rendre sur certains lieux ou de ne pas rencontrer

certaines personnes, notamment les parties civiles.

Le commissaire aux comptes est placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge, à

tout moment de l’instruction. Ce dernier peut également modifier les obligations qui pèsent

sur l’intéressé, en imposer d’autres, les supprimer ou accorder des dispenses temporaires ou

définitives.

L’éventuel mise en détention provisoire

Cette situation, qui reste exceptionnelle, à l’égard d’un membre de l’Ordre, est motivée par

les hypothèses suivantes :

Lorsqu’elle est l’unique moyen de conserver les preuves et les indices matériels ou

d’empêcher, soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation

frauduleuse entre les personnes mises en examen et les complices ;

Page 109: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

102

Lorsqu’elle est nécessaire pour mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;

Lorsque le professionnel mis en examen se soustrait volontairement aux obligations du

contrôle judiciaire.

En effet, il arrive que le commissaire aux comptes soit particulièrement mis en détention

provisoire dans le souci d’éviter la « disparition » des preuves écrites, car laissé en liberté, il

pourrait ressentir un soudain besoin de « classer » ses papiers.

Il faut préciser que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable au regard de

la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des

investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. Les articles 176 et 177 du nouveau

code de procédure pénale prévoient la limitation de la durée de la détention.

Section 2 : La gestion de la mise en cause du commissaire aux comptes

L’inculpation du commissaire aux comptes n’en est pas moins choquante et bouleversante sur

le plan humain. En effet, pendant ce parcours laborieux et périlleux devant les instances de la

justice, le professionnel est confronté à la lourde tâche de mettre en place sa défense. De plus,

il devra porter une attention particulière à son activité professionnelle quotidienne de manière

à ce qu’elle ne soit pas trop perturbée.

La mise en cause de la responsabilité du professionnel libéral par les juridictions répressives,

met en œuvre une procédure disciplinaire ; cumulée aux sanctions pénales, la poursuite de

l’activité professionnelle du commissaire aux comptes peut se trouver compromise.

1 – L’aspect traumatisant pour le commissaire aux comptes de sa mise en cause

Quelque soit la nature du délit, l’inculpation est toujours un événement marquant, voire

traumatisant, qui, bien souvent, plonge le professionnel dans une situation de grand désarroi

moral. Le phénomène s’amplifie d’autant plus lorsque, le problème survient alors qu’il n’a

pas commis intentionnellement d’infractions, seules les apparences sont contre lui et de

simples erreurs constituent aux yeux de certains, de véritables délits.

Page 110: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

103

Afin de mettre toutes les chances de son côté pour interrompre cette poursuite et échapper à

une éventuelle condamnation, le commissaire aux comptes doit s’impliquer personnellement.

Pour cela, certaines attitudes sont incontournables, il convient donc d’édicter le comportement

que doit adopter le professionnel.

a – Réagir face à cette épreuve

Face à une difficulté, certaines personnes s’estiment incapables et impuissantes. D’autres, par

contre, raisonnent avec fermeté au point de se croire intouchables. Aussi, quelques premiers

réflexes permettent de dépasser ces états.

Ne pas se laisser « abattre »

Lors d’une poursuite pénale, le membre de l’Ordre vit une expérience très pénible. Blessé

dans son orgueil, il se trouve totalement effondré.

Sans pour autant se voiler la réalité, le commissaire aux comptes doit se ressaisir et prendre

un certain recul de façon immédiate. Il doit faire preuve de volonté et de détermination pour

s’engager dans cette « bataille » afin de la gagner. Il ne doit ni se soumettre ni subir. Il est

l’acteur principal de la situation et en aucun cas, une attitude passive ne lui permettra de

solutionner le problème.

De même, certaines personnalités ont tendance à dramatiser ce style de situation ; elles

perdent tout espoir de s’en sortir. Il devient donc indispensable de relativiser les circonstances

et de manifester un brin d’optimisme. Dès le moindre signe annonciateur d’une procédure, il

convient d’avoir quelques automatismes. Le premier sera notamment de faire une copie

intégrale des documents du dossier et le conserver en lieu sûr.

L’absence d’une réaction positive a pour conséquence de nuire au commissaire aux comptes

dans la mesure où il ne se prépare pas à la suite éventuelle des événements et ne saura pas

gérer des épisodes aussi importants que des interrogatoires et/ou la garde à vue. De plus,

mêlée à une relative faiblesse psychologique, elle peut conduire par lassitude, à la formulation

Page 111: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

104

d’aveux partiels ou de témoignages trop vagues pouvant laisser place à des interprétations

dangereuses et équivoques.

Trouver le soutien moral indispensable

Abattu par la mise en cause, le commissaire aux comptes a tendance à s’isoler et à se replier

sur lui-même en pensant ainsi échapper d’une certaine manière à la situation. Il éprouve un

sentiment de honte difficile à surmonter et donc écarte le problème.

Or, il ne faut pas gérer le sinistre en autarcie. C’est un comportement néfaste dont il faut

combattre la tentation. Il représente un danger d’inhibition, de réticences psychologiques à se

défendre.

De cette façon, le poursuivi reporte à plus tard la gestion de la situation, comme s’il s’agissait

d’un « cauchemar que le réveil allait interrompre ». Il permet au temps de jouer contre soi et

gêne la nécessaire et urgente préparation de sa défense : pendant ces instants, la procédure se

poursuit.

Il est donc indispensable que le commissaire aux comptes sorte de son mutisme et informe sa

famille et son entourage. En effet, le stress et l’angoisse que le professionnel peut laisser

paraître, est source d’inquiétudes pour ses proches, ceux-ci ne comprennent pas ses ennuis et

le climat devient encore plus désagréable. Même si ceux-ci ne peuvent lui apporter de conseils

techniques, ils contribuent à l’assister moralement.

Sans dévoiler de façon publique ses problèmes et tout en respectant le secret professionnel, le

commissaire aux comptes peut aussi se tourner vers des confrères envers lesquels il ressent

une totale confiance. Il est en effet plus facile de partager ses inquiétudes avec des

« connaisseurs » qui se montrent compréhensifs et serviables.

Page 112: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

105

Le recours à des psychologues

Le commissaire aux comptes peut ressentir sa mise en cause comme une véritable "peine" en

soi, préalablement à une éventuelle condamnation.

En effet, sa seule mise en cause a pour effet immédiat, une fâcheuse tendance à créer un

climat de suspicion autour de lui. Ce phénomène peut être amplifié par des médias qui

transforment la présomption d'innocence en présomption de culpabilité. Par conséquent, le

membre de l'Ordre a la sensation de perdre toute crédibilité et toute honorabilité aux yeux des

tiers. La blessure individuelle qui en résulte est fatale.

Il suffit d'imaginer les nuits blanches du commissaire aux comptes pour comprendre son état

psychologique désastreux.

En effet, la situation peut paraître si difficile à vivre au point que le professionnel, meurtri

profondément et durablement, manifeste des symptômes dépressifs. La consultation de

psychologues s'avère nécessaire voire indispensable.

Cette possibilité ne doit pas être rejetée par pur orgueil. Elle est à envisager dans ces moments

critiques afin de minimiser le sentiment de déshonneur et de faire face à une détresse qui de

plus, peut entraver un dénouement favorable.

Doser le sinistre à sa juste mesure

A l’inverse de l’effondrement, le commissaire aux comptes peut faire preuve d’une force de

caractère. Ce comportement est redoutable, s’il conduit le professionnel à gérer l’événement

avec une certaine insouciance, en voulant se persuader de l’inexistence de risques sérieux.

Il ne faut surtout pas banaliser les problèmes et penser que l’ont n’est pas concerné. Cette

réaction classique présente l’inconvénient de « s’auto persuader », dans la mesure où on

estime n’avoir rien fait de mal, que l’environnement étant intelligent et lucide, personne ne

peut réellement imaginer que l’on puisse avoir agit de façon répréhensible.

Page 113: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

106

Cette vision des choses constitue souvent une erreur car elle consiste à nier l’évidence par

manque de lucidité, ce qui implique une absence de préparation à toutes les éventualités

d’évolution de la procédure.

b – Organiser son assistance et sa défense

La réaction du commissaire aux comptes mis en cause doit être pragmatique et active.

Compte tenu des enchaînements dramatiques d’une procédure, il est indispensable qu’il

prépare du mieux possible sa défense en constituant un dossier.

Afin d’optimiser ses chances, il doit aussi se tourner vers les structures professionnelles

adéquates et se faire assister par des intervenants externes.

Participer à l’élaboration de son dossier de défense

De simples explications verbales ne suffisent pas pour convaincre face aux allégations de

l’accusation. Celles-ci doivent être confirmées par la production d’éléments matériels. Le

commissaire aux comptes doit donc prendre le temps de les réunir.

Comme il a déjà été évoqué, le principe de présomption d’innocence n’est parfois qu’une

illusion. L’instruction dont le commissaire aux comptes fait l’objet, s’est plus souvent

construite sur l’accumulation de présomption d’éléments factuels à charge qu’il faut

combattre. Il ne faut donc pas se reposer sur celle-ci mais apporter les éléments de

contradiction nécessaires.

Pour sa défense, le commissaire aux comptes mis en examen, doit donc, démentir ce qui est

dit à son encontre, et à son tour faire la preuve de ce qu’il avance. Le dossier permanent, le

dossier de travail, les différents rapports émis ainsi que les correspondances avec la société

contrôlée, constituent des éléments de preuve. Aussi, dès les premières alertes d’une

procédure pouvant l’impliquer, le commissaire aux comptes doit les exploiter et procéder au

repérage de tous les indices permettant la manifestation de la vérité. A contrario, il convient

d’isoler toute note non officielle inutile qui pourrait être mal interprétée et jouerait en sa

défaveur.

Page 114: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

107

L’essentiel de la défense se joue dans la phase d’élaboration d’un dossier de défense. Par

conséquent, la mise au point d’un tel dossier permet au professionnel inquiété d’aborder sa

défense avec de sérieux arguments probants pour démontrer et convaincre le tribunal et pour

exonérer ou au pire restreindre, la mise en cause de sa responsabilité dans les faits reprochés.

Il constitue un moyen de relater et d’expliquer les événements avec précision, en les replaçant

dans le vrai contexte. Il va faciliter la démonstration en apportant des éléments de preuve sous

forme de documents écrits explicites, afin de persuader autrement que par des affirmations

proclamées.

Par le biais de ce dossier, le commissaire aux comptes va justifier le respect de la déontologie

et l’exécution conforme de sa mission par rapport à la loi et aux normes professionnelles. Il va

servir à donner le mieux possible, une vue d’ensemble de la profession et à faire une analyse

minutieuse destinée à rendre la matière comptable et financière intelligible par les juges et

avocats.

Faire appel à des spécialistes du droit et de la comptabilité

Dans le cadre d’une procédure engagée à son encontre, le commissaire aux comptes doit

s’entourer de conseils malgré le coût financier qu’ils peuvent représenter. C’est donc à

l’avocat qu’il fait naturellement appel. Mais ce choix peut se révéler insuffisant. Le recours à

des praticiens avertis et spécialisés permet d’optimiser au maximum l’efficacité de sa défense.

Compte tenu des difficultés évoquées ci-dessus, la participation d’un confrère spécialisé est

vivement recommandée. L’objectif est de faire ressortir les éléments probants du dossier, à

savoir, ceux qui permettent de démontrer que l’élément intentionnel n’existe pas.

Dans le cas de la nomination d’un expert judiciaire, celui-ci voit sa mission strictement

définie par le juge d’instruction. Les investigations de l’expert sont généralement limitées à

l’examen des questions techniques. Le caractère non contradictoire de l’expertise judiciaire

empêche le prévenu et son avocat d’apporter un éclairage sur les questions examinées,

certains aspects restent flous.

Page 115: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

108

Il s’avère donc hautement indispensable de recourir en complément à une expertise

contractuelle, non contradictoire mais totalement indépendante, destinée à éclairer le tribunal

ou le juge d’instruction et à combattre l’approximation de ces points techniques.

Bien entendu, le magistrat peut ne pas prendre pour certitude ce qui lui est attesté, fût-ce par

un professionnel tout à fait indépendant. Mais une mesure de contre expertise peut ainsi être

ordonnée. Le nouvel expert judiciaire nommé comprendra alors les arguments techniques de

son confrère et ne pourra pas négliger d’en répondre dans son propre rapport.

2 – Maîtriser les répercussions au sein et autour du cabinet

La mise en cause du commissaire aux comptes s’apparente à un état de « crise

professionnelle ».

La démarche gagnante pour traiter cette situation relève d’une implication déterminée du

membre de l’Ordre et de ses équipes afin de travailler sur une maîtrise des conséquences de

mise en cause. C’est généralement aux associés du cabinet qu’il revient de faire émerger cette

initiative ainsi que des perspectives d’action.

Après la gestion « personnelle » de sa mise en cause, le commissaire aux comptes se trouve

face à des difficultés liées à la pratique courante de sa profession.

En effet, il doit réagir afin de limiter les conséquences préjudiciables qui pourraient survenir

au sein de son cabinet mais également vis-à-vis de sa clientèle et des autres membres de

l’Ordre.

a – Maintenir un climat de solidarité interne

Un sentiment d’orgueil peut pousser le commissaire aux comptes à ne rien laisser paraître de

sa mise en cause. S’il exerce seul, il peut cacher « son malaise » vis-à-vis de ses

collaborateurs et ne leur demander que des précisions utiles à ses défenses. Or, pour

surmonter cette épreuve, il n’est pas certain que cette solution soit la plus appropriée.

Page 116: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

109

L’implication des associés

Les associés du professionnel mis en cause se sentent inévitablement concernés et sont d’un

grand secours dans une telle situation.

Le commissaire aux comptes ne peut se résoudre à gérer sa mise en cause de manière

individuelle. L’exercice de la profession en société implique une entente cordiale et une

solidarité avec ses associés. Face à la perte d’un certain degré de lucidité, l’échange avec ses

associés se révèle indispensable. Il est donc utile au commissaire aux comptes poursuivi de

partager avec eux ses confidences.

Afin d’éviter toute dérive de la situation, une « cellule de crise » peut être créée sur l’initiative

des associés pour faire face aux premiers problèmes que peut engendrer la poursuite judiciaire

du professionnel.

La cellule de crise peut aussi être destinée à participer de façon active à la défense du

commissaire aux comptes. Cette équipe à laquelle se joignent les collaborateurs ayant

travaillé sur le dossier en question, agit en tant que support, pour constituer avec les parties

intéressées, notamment l’avocat et le praticien extérieur le cas échéant, un dossier de défense

le plus rigoureux possible.

Cette réflexion collective ne peut être que bénéfique ; la mise en commun d’idées et l’esprit

critique de chacun suscitent des inspirations favorables aux acteurs de la défense et leur

permettent de trouver des réponses solides aux accusations.

La nécessité de communiquer avec ses collaborateurs

Une politique de communication doit être mise en place vis-à-vis de l’ensemble des

collaborateurs. Sans pour autant les alarmer, le commissaire aux comptes doit expliciter

clairement les griefs qui lui sont reprochés. Puis, il les tient informés du déroulement de la

procédure et des éventuelles mesures prises. Il doit les rassurer et gagner leur confiance afin

de conserver une atmosphère de travail harmonieuse.

Page 117: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

110

Principaux interlocuteurs des clients, le personnel « véhicule » l’image du cabinet. Il peut être

utile de définir des codes de conduite qui consiste à leur préciser le comportement à tenir. En

effet, les collaborateurs peuvent être amenés à être interrogés par des clients sur la mise en

cause du commissaire aux comptes. Dans un tel cas, il est indispensable que le personnel ne

donne aucune information en invoquant le caractère confidentiel de l’affaire. De plus, la plus

grande discrétion est requise à l’extérieur du cabinet.

b – Préserver les relations externes du cabinet

Conserver la confiance des clients

Le commissaire aux comptes ainsi que l’ensemble du cabinet doivent donc être attentifs aux

réactions de leurs clients. Les rumeurs doivent être relevées et démenties lorsqu’elles prennent

des proportions démesurées. La mise en cause du professionnel peut lui faire perdre toute

crédibilité à l’égard de ses clients. Avant d’arriver à ce stade malencontreux de la rupture de

la mission, le professionnel doit s’entretenir personnellement avec les clients, qui, tourmentés,

s’interrogent sur l’évolution de la procédure et des éventuelles conséquences sur les travaux

confiés au cabinet. Il peut leur exposer les circonstances de sa mise en cause tout en

respectant le secret professionnel et doit les rassurer, particulièrement sur la mise à disposition

continue des services du cabinet.

Les collaborateurs ont un rôle relationnel avec les clients. En contact direct avec eux, ils sont

disposés à leur présenter les risques de la profession afin que la clientèle prenne un certain

recul vis-à-vis de l’affaire dont fait l’objet leur commissaire aux comptes. La préservation de

la confiance du client permet de maintenir la coopération.

Les rapports avec les confrères

Les règles régissant les relations des membres de l’Ordre entre eux comprennent la courtoisie,

l’assistance réciproque, et notamment un devoir de confraternité.

Page 118: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

111

En aucun cas, la mise en cause du commissaire aux comptes ne doit dégrader les rapports

qu’il entretient avec ses confrères. A contrario, le professionnel peut trouver conseils et

soutien auprès de ceux avec qui il entretient des liens amicaux, et en qui il a entièrement

confiance.

Même sans avoir été déjà exposé à une mise en cause de sa responsabilité pénale, le confrère

est disposé à comprendre l’état psychologique du commissaire aux comptes car il connaît les

« pièges » de la profession. Il peut donc assister le commissaire aux comptes dans ses

démarches et l’orienter vers les meilleurs partenaires pour sa défense. Aussi, le membre de

l’Ordre doit se garder de donner à ses confrères des informations qui relèvent du secret

professionnel.

Page 119: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

112

CONCLUSION

Aux « yeux » de la justice, le commissaire aux comptes n’est pas un citoyen « ordinaire » et

ne peut pas se permettre d’invoquer une quelconque ignorance de la législation et de ses

obligations. Organe de contrôle de la société, il est investi d’une mission légale par ordre de la

loi. A ce titre, il est « gardien du droit ».

Ce « gardien de droit » dont le rôle est parfois idéalisé se retrouve brutalement face à une

réalité judiciaire à laquelle il est généralement mal préparé avec des conséquences qui peuvent

être préjudiciables tant pour lui que pour la réputation de la profession dans son ensemble.

La gestion du risque de mise en cause, est avant tout la gestion d’un rapport de force, d’une

dialectique, du contradictoire, en un mot, de la mise en place d’une stratégie de défense à

même d’individualiser chaque cas et à aboutir à une vérité judiciaire, produit de principe du

respect de l’égalité des armes entre le mis en examen et le demandeur.

L’objectif de ce mémoire n’est pas de « terroriser » le professionnel au point qu’il soit dans

un état permanent de suspicion à l’égard des informations transmises ou lors de l’exécution de

sa mission de contrôleur légal des comptes, mais de susciter une prise de conscience de

l’importance d’une gestion active du risque civil et pénal lorsque celui-ci se produit.

Cette interpellation est d’autant plus nécessaire que la profession traverse actuellement des

évolutions majeures. D’autant plus que de nouvelles sources de mise en cause se profilent à

l’horizon et risquent d’alourdir la responsabilité du commissaire aux comptes. Celle-ci doit

être une préoccupation permanente vu la rapidité avec laquelle se traitent les affaires dans le

monde contemporain ainsi que le développement incessant des technologies utilisées qui sont

facteurs d’ouverture de risque pour le commissaire aux comptes.

Il reste entendu que même si le commissaire aux comptes est en permanence vigilant, prudent

et diligent cela ne permet en aucun cas de prévenir tout risque de mise en cause mais

minimise au moins le danger de recherche en responsabilité.

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113

Un commissaire aux comptes diligent et adoptant un comportement professionnel ne sera

jamais inquiété par les instances ordinales et ne subira pas de sanctions disciplinaires ce qui

n’est pas toujours le cas pour les sanctions civiles et pénales traitées par les instances

judiciaires. En effet, la méconnaissance par les juges marocains des spécificités de la

profession à laquelle s’ajoute la mauvaise foi de certains demandeurs courant derrière la

solvabilité du commissaire aux comptes font que ce dernier risque d’être condamné même s’il

s’est acquitté de sa mission de manière conforme aux dispositions légales et réglementaires.

Enfin, comme la réglementation de la profession prend de l’ampleur sur l’échelle

internationale, les mesures prises ailleurs ne tarderont pas à venir se juxtaposer aux normes

marocaines en la matière voire même s’imposer à elles. D’où l’intérêt de voir l’Ordre des

experts comptables continuer sa campagne de sensibilisation sur les risques que la profession

peut encourir et ce, par l’organisation de séminaires sur le comportement que les membres de

la profession devraient adopter pour gérer une éventuelle crise en cas de mise en cause.

Nous ne saurons insister sur l’importance du rôle que joue la formation suivie par les futurs

experts comptables. D’où l’intérêt et le souhait de l’enrichir par des modules traitant de la

responsabilité du commissaire aux comptes.

Il va sans dire que la meilleure prévention pour les commissaires aux comptes reste la

conquête de l’excellence dans la réalisation de leurs missions.

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TABLE DES ANNEXES

Annexe 1 – Quelques décisions de justice…………………………………………………..117

Annexe 2 – Les précautions à prendre lors des témoignages et auditions…………..………143

Annexe 3 – Le déroulement de la procédure pénale……………………………………..….145

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ANNEXE 1 : QUELQUES DECISIONS DE JUSTICE

Décision du Tribunal de Première Instance d’Agadir concernant l’affaire « Palais des

roses » incriminant le commissaire aux comptes. A noter que ce dernier a été relaxé en

appel.

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QUELQUES DECISIONS DE TRIBUNAUX FRANÇAIS

Bulletin du mois de Juin 1976 (Bull. N° 22)

COMMISSAIRE AUX COMPTES. : Mission -Responsabilité civile

COMMISSAIRE AUX COMPTES

Bull. CNCC n° 22 p. 169

Mission - Responsabilité civile

Sommaire :

Le commissaire aux comptes n'a pas la possibilité de garantir l'exactitude de toutes les opérationscomptables, il a seulement l'obligation d'effectuer des contrôles suffisants lui permettantd'apprécier la régularité et la sincérité des documents qui traduisent ces opérations.

Une erreur matérielle ne pouvant que passer inaperçue à moins d'une vérification de la totalité desécritures de l'exercice que le commissaire n'a pas normalement à effectuer, il ne peut être déclaréen faute de n'avoir pas découvert cette erreur.

Bordeaux, 9 février 1976

La Cour :

Statuant sur l'appel interjeté par P... du jugement en date du 31 décembre 1974 par lequel letribunal de grande instance de Bordeaux l'a débouté de sa demande tendant à voir condamner M...à lui payer la somme de 145 455,71 F avec intérêts de droit à compter du 1er février 1973, qu'ildoit lui-même verser à la banque de D... en exécution d'une décision du tribunal de Bordeaux, et aégalement débouté M... de sa demande reconventionnelle en 10 000 F de dommages et intérêtspour procédure abusive ;

...Considérant que les premiers juges ont estimé que si le défendeur a commis une faute en nefaisant pas porter son contrôle en sondages ou recoupements sur un poste aussi important, par lequantum et en considération de l'objet social de la société anonyme S..., que le financement desveaux chiffrés à 342 610,33 F, par contre P... n'établit nullement que cette faute ait été génératriced'un préjudice ; qu'il n'y a pas lieu toutefois, en raison de la négligence dont s'est rendu coupablele commissaire aux comptes, d'accorder à celui-ci des dommages et intérêts qu'il sollicite ;

Considérant que pour tenter d'obtenir la réformation du jugement, l'appelant fait valoir qu'il existeune relation certaine de cause à effet entre le comportement fautif de son adversaire et lepréjudice important qu'il a lui-même subi, car, n'ayant pas été informé en temps utile de l'exactesituation de l'exercice 1970-1971, il n'a été porté à la connaissance des actionnaires que le 5février 1973, c'est-à-dire postérieurement à la mise en liquidation des biens de la société, il n'a paseu la possibilité de retirer pour l'avenir la caution consentie par lui ; qu'il convient donc decondamner M... à lui payer, sous réserve de tous autres dus, la somme principale de 145 555,71 Favec intérêts de droit à compter du 1er février 1973, outre les frais de procédure occasionnés parl'action intentée par la banque de D... ;

Considérant que l'intimé soutient, au contraire, que P... n'avait subi aucun préjudice car s'il avaitvoulu, comme il en avait la possibilité, retirer sa caution le 23 février 1971 ou le 21 août 1971, ileut été contraint de payer immédiatement la dette de la société S... envers la banque de D...,s'élevant au mois de février 1971 à 161 331,70 F alors qu'actuellement cet établissement luiréclame seulement 145 455,71 F, montant du solde débiteur de la société à la date du 1er février1973 ; mais que bien mieux, il n'est pas possible de lui imputer la faute de n'avoir pas découvert etsignalé l'erreur comptable relative au financement de l'élevage des veaux dont les sommes dues à

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ce titre avaient été enregistrées à tort au crédit d'un poste de produits, car il s'est livré à toutes lesinvestigations lui incombant pour vérifier si les documents traduisant les opérations comptables ontété établis avec loyauté et bonne foi, ce qui, lui étant apparu comme établi, a été par lui certifié ;qu'il conclut donc à la confirmation de principe du jugement, mais, formant appel incident,demande à la cour de condamner P... à lui payer la somme de 10 000 F en réparation du préjudice(atteinte à son honorabilité professionnelle, frais, dérangement) à lui occasionné par une procédureabusive et malicieuse ;

Considérant qu'interprétant les dispositions des articles 218 et 234 de la loi du 24 juillet 1966,reproduites dans l'article 31 des statuts de la société S..., les premiers juges observent à bon droitque le rôle des commissaires aux comptes n'est pas de refaire une comptabilité déjà tenue mais devérifier sa régularité en pratiquant un contrôle externe par sondages et recoupements et depousser plus avant leurs investigations lorsqu'ils soupçonnent une irrégularité ; que le tribunal n'acependant pas fait en l'espèce application des principes qu'il avait dégagés ;

Considérant, en effet, que dans le cadre ainsi défini, le commissaire n'a pas la possibilité degarantir l'exactitude de toutes les opérations comptables, qu'il a seulement l'obligation d'effectuerdes contrôles suffisants lui permettant d'apprécier la régularité et la sincérité des documents quitraduisent ces opérations ;

Considérant qu'il n'est ni contestable ni contesté que M... a effectué au cours de l'exercice 1970-1971 de nombreux contrôles, sondages et recoupements qui lui ont du reste permis de décelerl'anomalie de la position du compte " clients " de P..., de la signaler au président-directeur généralde la société, et d'obtenir de l'intéressé la promesse de régulariser sa situation financière avant lafin de l'année, mais n'ont révélé dans les comptes sociaux aucune autre infraction ou irrégularitéimposant au commissaire aux comptes de plus amples investigations, l'erreur matérielle relative aufinancement de l'élevage des veaux ne pouvant que passer inaperçue à moins d'une vérification dela totalité des écritures de l'exercice 1970-1971 qu'il n'avait normalement pas à effectuer et querien ne paraissait imposer ;

Considérant dès lors qu'aucune faute ne saurait être reprochée à l'intimé ;

Considérant, en outre et surabondamment, que sur les motifs retenus par le tribunal, et que lacour adopte, il n'est nullement établi que l'inexactitude du bilan de l'année 1970-1971 ait étédéterminante du maintien par l'appelant de son engagement de caution donné le 6 mars 1970 ; audemeurant, s'il est exact que P... pouvait mettre fin à tout moment à celui-ci, il n'en demeure pasmoins qu'il était alors tenu, pour se libérer à l'avenir, de payer immédiatement la dette de lasociété S... à l'égard de la banque de D... dans les livres de laquelle le compte de la sociétéprésentait à la date du 28 février 1971, un solde débiteur de 161 331,70 F et à la date du 31 août1971 un solde de 187 881,70 F. Que dans ces conditions, s'il avait voulu se dégager de sonengagement de caution, il eut été obligé de verser ou la somme de 161 331,70 F ou celle de 187881,70 F. Qu'il ne subit donc aucun préjudice du fait de l'erreur matérielle contenu dans le bilanarrêté le 25 février 1971 et doit être, comme décidé par les premiers juges, débouté de saréclamation ;

Considérant toutefois qu'il n'y a pas lieu de faire droit à l'appel incident de M..., la procédurediligentée par P... n'ayant pas un caractère abusif ou malicieux ;

PAR CES MOTIFS :

La cour reçoit P... en son appel jugé régulier, le déclare mal fondé en celui-ci ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le demandeur de sa réclamation.

NOTE : Emmanuel du PONTAVICE, professeur à la faculté de droit de l'université de ParisSud.

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Pour un observateur superficiel, qui s'en tiendrait au dispositif de l'arrêt, le jugement rendu par letribunal de grande instance de Bordeaux, le 31 décembre 1974 (Bull. C.N.C.C. n° 18, juin 1975,pp. 180 et s.), est simplement confirmé.

En réalité, c'est pour de tous autres motifs que la confirmation intervient, la cour reprochant autribunal, comme on va le voir, de ne pas avoir tiré les conséquences des prémisses justes de sonraisonnement ou de ne pas avoir su appliquer les principes qu'il avait correctement posés.

I. - La demande de l'associé et caution de la société contre le commissaire aux comptes.

A - Sur la faute prétendue du commissaire aux comptes.

Dans cette affaire, le tribunal rappelle tout d'abord que le commissaire aux comptes ne doit pass'immiscer dans la gestion, qu'il ne doit pas faire de procès d'intention aux dirigeants ; il n'a pasdavantage à refaire une comptabilité déjà tenue, comme le déclarent, du reste, lesrecommandations relatives aux diligences du Conseil national des commissaires aux comptes.D'autre part, il n'a pas une obligation de résultat de trouver les erreurs qui peuvent exister dans lacomptabilité mais il doit "s'assurer que les comptes ont été établis suivant les normes en vigueur" ;il doit vérifier que la comptabilité est régulière et, à cet égard, il lui suffit de procéder à dessondages, plus particulièrement sur certains postes de la comptabilité déterminés d'après lasituation et l'organisation de l'entreprise, opérer des recoupements entre les principaux postes afinde vérifier si les équilibres fondamentaux sont respectés ; ...C'est lorsqu'il soupçonne l'irrégularitéque le commissaire a l'obligation de pousser plus avant ses investigations ".

Après ces observations qui définissent de façon remarquable la mission du commissaire auxcomptes français, le tribunal estime qu'en l'espèce, " le commissaire aux comptes a commis unefaute en ne faisant pas porter son contrôle, en sondages ou recoupements, sur un poste aussiimportant, par le quantum et eu égard à l'objet social, que le financement (du bétail) chiffré à 342610,33 F ; ...Les " lacunes d'organisation " qu'il a pu constater auraient dû l'amener, même pourun premier exercice comptable, à ne pas se contenter de les signaler tout en certifiant le bilan,mais à approfondir ses investigations... ".

Si le commissaire avait agi ainsi, déclare le tribunal, il n'aurait pas manqué d'observer l'erreur quiavait été commise.

Or, la cour prend sur ce point une position extrêmement importante.

En effet, il est assez contradictoire ou en tout cas peu satisfaisant pour l'esprit de dire d'une partque le commissaire aux comptes n'est tenu qu'à des sondages et d'ajouter systématiquementd'autre part qu'en l'occurrence les sondages n'ont pas été suffisants et n'ont pas porté comme parhasard sur le point litigieux.

Il est trop facile après coup, quand on sait parfaitement quelle est la faille de l'entreprise, decritiquer le commissaire aux comptes qui, sur le terrain, dans le feu de l'action, n'a pas su décelerla faille de l'entreprise, l'erreur ou l'irrégularité, au milieu de milliers d'écritures comptables.Condamner automatiquement le commissaire aux comptes dans un pareil cas c'est en réalitél'obliger à refaire l'examen complet de la comptabilité, ce que les Anglais, qui ont abandonné cesystème, appellent le " full audit ".

Voici ce que dit à cet égard la cour : " Dans le cadre ainsi déféré, le commissaire n'a pas lapossibilité de garantir l'exactitude de toutes les opérations comptables, il a seulement l'obligationd'effectuer des contrôles suffisants lui permettant d'apprécier la régularité et la sincérité desdocuments qui traduisent ces opérations.

Il n'est ni contestable ni contesté que (le commissaire) a effectué au cours de l'exercice 1970-1971de nombreux contrôles, sondages et recoupements qui lui ont du reste permis de décelerl'anomalie de la position du compte " client " de P... (l'associé demandeur), de la signaler auprésident-directeur général de la société et d'obtenir de l'intéressé la promesse de régulariser sasituation financière avant la fin de l'année, mais n'ont révélé dans les comptes sociaux aucune

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autre infraction ou irrégularité imposant au commissaire de plus amples investigations, l'erreurmatérielle relative au financement de l'élevage des veaux ne pouvant que passer inaperçue àmoins d'une vérification de la totalité des écritures de l'exercice 1970-1971 qu'il n'avaitnormalement pas à effectuer et que rien ne paraissait imposer ".

On ne saurait souligner combien l'arrêt de la cour de Bordeaux est important. En effet, si on ne sepaie pas de mots, il revient en fait au même de dire ou bien que le commissaire aux comptes esttenu d'une obligation de résultat ou bien qu'il est tenu d'une obligation de moyens lorsque dans cecas on prétend systématiquement que, dès lors qu'il n'a pas décelé l'erreur apparue en pleinelumière après coup, il est responsable de ne pas avoir porté ses sondages dans le domaine oùfigurait l'erreur et qu'il est responsable bien plus de ne pas avoir décelé l'erreur elle-même.

A partir du moment où les tribunaux reconnaissent très justement que le commissaire aux comptesn'est tenu que d'une obligation de moyens (voir sur ce point nos observations sous le jugement dutribunal de grande instance de Pontoise du 14 janvier 1974, Bull. C.N.C.C. n° 16, décembre 1974,pp. 406 et s.), il faut bien, comme la cour de Bordeaux a eu le courage de le faire, et comme lacour de Rennes l'avait fait également dans un arrêt du 27 mai 1975 (Bull. C.N.C.C. n° 18, juin1975, p. 175), qu'ils se résignent à déclarer qu'un commissaire aux comptes peut n'avoir commisaucune faute dès lors que, dans ses vérifications conformes aux diligences et notamment dans sessondages, prévus expressément par la loi, il n'a pas mis le doigt sur l'erreur ou l'irrégularité quiseront postérieurement décelées.

C'est en cela, et par son opposition avec le tribunal qui en première instance, à partir de principesexacts, avait été très sévère pour le commissaire aux comptes, que l'arrêt prend toute sa valeur.

Autrement dit, le commissaire aux comptes n'est pas un assureur, un garant de l'exactitude,comme le rappelle la cour de Bordeaux.

B - Sur le lien de cause à effet entre la faute prétendue et le dommage.

Sur ce point, l'arrêt comme le jugement prennent parti de façon très nette. A supposer même qu'ily ait eu faute, encore faut-il un lien de causalité dont le tribunal lui-même avait nié l'existence et àcet égard la cour ne fait que reprendre surabondamment les arguments présentés à juste titre parle tribunal.

En effet, il ne suffit pas que le commissaire aux comptes ait commis une faute, que d'autre part ledemandeur au procès ait subi un dommage, encore faut-il qu'il y ait un lien de causalité entre lafaute et le dommage.

Or, le tribunal constate que le demandeur avait accordé sa caution à la société bien avant l'entréeen fonction de ce commissaire aux comptes et, par la suite, informée des difficultés sociales, lacaution n'avait pas mis fin à son engagement alors que cette faculté lui était réservée par "l'engagement de caution ". Par conséquent, le dommage qu'a subi la caution, obligée de payer à laplace de la société, n'a pas de lien de causalité avec la faute du commissaire aux comptes et ledemandeur est donc débouté de sa demande en dommages-intérêts contre le commissaire auxcomptes.

A cet égard, la cour confirme le jugement.

II - La demande reconventionnelle du commissaire aux comptes.

Le commissaire aux comptes avait intenté une demande reconventionnelle qu'il reprend devant lacour et il n'obtient pas davantage satisfaction.

La cour déclare en effet que " la procédure diligentée par P... (l'associé et caution de la société quiavait intenté le procès contre le commissaire aux comptes) n'a pas un caractère abusif oumalicieux ".

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Il est bien certain que le caractère abusif ou malicieux est difficile à prouver et que la plupart dutemps celui-ci n'existe pas.

Cependant, dans l'espèce considérée et si on reprend le jugement lui-même comme du reste unepartie de l'arrêt, on peut se demander si le demandeur était pur de toute intention malicieuse.

En effet, le commissaire aux comptes avait si bien accompli sa tâche qu'il avait, comme le rappellela cour, signalé au président de la société l'anomalie de la position du compte "client" dudemandeur. Si on se reporte au jugement, on constate que le commissaire aux comptes avait"osé" par lettre au président mettre en lumière l'anomalie du compte de l'associé qui fut plus tarddemandeur à l'action intentée contre le commissaire aux comptes, et ce bien que la propre épousede l'associé fût membre du conseil d'administration.

Il résulte notamment du jugement (op. cit., p. 184) que le compte de l'associé en question étaitdébiteur pour un montant de 65 321,71 F et surtout il figurait dans le compte " clients " alors qu'ils'agissait d'une véritable avance faite à un associé. Il est évident que cette indication n'a pas plu àl'actionnaire en question et a suscité sa rancune contre un commissaire aux comptes trop diligent.

C'est la raison sans doute pour laquelle le commissaire aux comptes a fait l'objet d'une action de lapart de l'associé en question.

On peut donc penser que les dommages-intérêts étaient vraiment dus pour procédure abusive oumalicieuse.

En tout cas l'associé en question a été condamné aux entiers dépens de première instance etd'appel.

J'ai insisté sur la rancune de l'associé, car il est extrêmement fréquent que le commissaire auxcomptes qui a osé prendre une position courageuse soit contre le président soit contre unadministrateur fasse l'objet de procédures malicieuses de la part des dirigeants courroucés parl'indépendance du commissaire aux comptes, soit qu'on prétende qu'il n'aurait pas dû révéler telfait qui selon les dirigeants n'est pas délictueux, soit même qu'on prétende qu'il a été l'instigateurdes faits délictueux ou leur complice afin de le " punir " d'avoir fait son devoir.

Il est donc, du point de vue moral, très important pour la profession de commissaire aux comptes,que, dans la présente espèce, la cour d'appel de Bordeaux ait proclamé que le commissaire auxcomptes injustement poursuivi par celui dont il avait révélé les agissements délictueux, n'avaitcommis aucune faute dans ses contrôles, vérifications et sondages.

On ne peut en effet à la fois demander aux commissaires aux comptes de révéler les faiblesses desdirigeants et laisser les mêmes professionnels exposés pratiquement sans défense aux vengeancesdes mêmes dirigeants.

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Bulletin du mois de Septembre 1999 (Bull. N° 115)

RESPONSABILITE CIVILE. : Fautes du commissaire aux comptes(oui) Absence de lien de causalité

RESPONSABILITE CIVILE

Bull. CNCC n° 115 p. 463

Fautes du commissaire aux comptes (oui) Absence de lien de causalité

Il est constant que le commissaire aux comptes ne saurait être rendu responsable de plein droit detoutes les irrégularités commises dans la société qu'il contrôle. Sauf pour certaines diligencesparticulières, il n'est tenu qu'à une obligation de moyens dans l'exécution d'ensemble de samission.

Nonobstant la discussion qu'il instaure sur chaque point critiqué dans le rapport d'expertise, lecommissaire aux comptes n'apporte pas d'éléments objectifs, à partir des pièces du dossier, denature à démontrer que l'expert aurait inexactement apprécié les faits et que ses constatationstant circonstanciées que documentées seraient inexactes.

Il apparaît donc que le commissaire aux comptes n'a pas apporté tout le soin et la vigilancenécessaires à ses opérations, faute d'investigations plus rigoureuses et exhaustives.

Mais la preuve n'est pas rapportée que les partenaires financiers de la société auraient interrompuou réduit leur soutien, si le bilan certifié pour 1988-1989 avait été exact, ni que des tierssusceptibles de contracter avec la société s'en seraient abstenus. En outre, les investigationsmenées auprès des organismes bancaires ne confirment pas l'affirmation selon laquelle lesdirigeants de ceux-ci se seraient déterminés au vu de documents comptables et liasses fiscales.

Il s'ensuit qu'il n'est pas établi de lien de causalité nécessaire entre les agissements fautifs ducommissaire aux comptes et le préjudice allégué et que le mandataire-liquidateur doit être déboutéde son action.

(Rennes, 22 février 1999)

I - FAITS ET PROCEDURE

Considérant que par jugements du 10 octobre 1990 et du 16 novembre 1990 le Tribunal decommerce de Quimper a successivement prononcé la mise en redressement judiciaire puis laliquidation judiciaire de la société " Boeuf mode ", dont l'activité était le commerce de viande engros ;

Qu'à l'instigation du commissaire aux comptes de la société, M. X., une information judiciaire a étéouverte à l'encontre des dirigeants sociaux qui a abouti à leur condamnation des chefs deprésentation de faux bilan, escroquerie, abus de biens sociaux, faux en écriture de commerce etusage de faux par un arrêt de la Chambre correctionnelle de cette Cour du 6 avril 1997 ;

Qu'une expertise a été ordonnée en référé afin d'apprécier les diligences de M. X., à la demande deMe C., agissant en tant que représentant des créanciers puis de mandataire judiciaire ;

Que suivant jugement du 26 novembre 1996 le Tribunal de Grande Instance de Quimper a :

- débouté Me C., ès qualités, de ses demandes aux fins de condamnation de M. X. à paiement dessommes de 2 534 000 F correspondant à l'insuffisance d'actif au 28 février 1989 et de 11 925 000F correspondant à celle relevée au 28 février 1990,

- débouté M. X. de sa demande de dommages-intérêts,

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- condamné Me C. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 10 000 F à M. X. en applicationde l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Que Me C. ès qualités a interjeté appel de cette décision ;

Qu'il sollicite la Cour de :

- infirmer,

- condamner M. X. au paiement des sommes réclamées en première instance, soit au total celle de14 859 000 F avec intérêts à compter de l'assignation et d'une somme de 100 000 F sur lefondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'il fait valoir, en substance :

- que M. X. n'a pas exécuté les diligences nécessaires à l'accomplissement de sa mission, comptetenu du faible nombre d'heures qu'il y a consacrées, ce qui l'a empêché de se livrer à desinvestigations sérieuses ; qu'ayant insuffisamment orienté et planifié son travail, il a négligéd'effectuer des contrôles internes, qui auraient permis de vérifier la fiabilité de l'entreprise d'autantque la comptabilité de la société " Boeuf mode " était tenue de façon incomplète ; que, plusprécisément, il n'a pas assisté aux inventaires ni fait le travail de recoupement de stocks, vérifié lescomptes " clients ", procédé au contrôle du cycle achats-fournisseurs, avec enregistrement desfactures, respecté la législation sur les sociétés commerciales car certains agissements desdirigeants sociaux, finalement sanctionné, ont été commis grâce à son laxisme ;

- que le préjudice ouvrant droit à réparation, sur l'action intentée, a été fixé par la juridictionpénale ; que la surévaluation des stocks au 28 février 1990 constitue un préjudice pour tous lescréanciers, car elle se retrouve immanquablement dans le bilan suivant ; qu'il existe un lien decausalité indissociable entre la présentation aux banques des bilans inexacts, la poursuite del'activité, le préjudice subi en définitive par les créanciers ; que les manquements cumulés de M. X.ont permis à la société de présenter une fausse image de sa situation réelle et de poursuivre sonactivité, avec une insuffisance d'actif qui correspond actuellement au préjudice des créanciers ;

Considérant que M. X. demande de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Me C. de ses prétentions,

- subsidiairement, débouter Me C.,

- le recevoir en sa demande reconventionnelle,

- condamner Me C., ès qualités, au paiement d'une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code deprocédure civile,

- déclarer irrecevables comme tardives les conclusions signifiées par Me C. le 1er décembre 1998,

- au cas où cependant ces conclusions sont déclarées recevables, déclarer recevables ses écrituresen réponse du 10 décembre 1998,

- rejeter des débats la pièce communiquée le 8 décembre 1998.

Qu'il réplique qu'il a mené toutes les diligences nécessaires, dans la limite de ses obligations ; quela surévaluation des stocks pour l'exercice 1988-1989 n'est pas prouvée et ne serait nullementsignificative ; qu'on ne saurait, a posteriori, tirer argument des anomalies ou irrégularitésconstatées, imputables aux dirigeants de la société qui n'étaient pas soumis à un contrôle interne ;qu'il a normalement effectué un contrôle des achats, frais généraux et fournisseurs, dans les

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limites de sa mission, que, compte tenu des pratiques frauduleuses des dirigeants sociaux il n'étaitpas en mesure de déceler les infractions à la législation sur les sociétés commerciales, telles que lasous-facturation à la société " Kemper-Viande " et l'existence d'avoirs injustifiés de " Boeuf mode "auprès de cette société ; que les sommes réclamées au titre des " insuffisances d'actif " pour lesdeux exercices considérés ne pourraient correspondre qu'à une surévaluation des bilans, qui selimiterait au plus selon l'expert à la somme de 1 575 473 F pour le deuxième mais n'est pas en faitdémontrée ; que, de toute façon, n'est pas rapportée la preuve d'un lien de causalité entre lacertification des comptes et telle créance impayée ou le soutien des banques ;

II - DISCUSSION

1) Sur la procédure :

Considérant que l'ordonnance de clôture, initialement fixée au 17 novembre 1998 a été reportée au11 décembre 1998 ;

Que Me C. n'a pas postulé le rejet des conclusions de son adversaire, prises le 10 décembre 1998en réponse à ses écritures du 1er décembre 1998 ;

Que, par contre, la communication de pièces du 8 décembre 1998 est tardive dans la mesure où M.X. n'avait pas la possibilité de fournir en tant que de besoin les explications qu'elle pouvait appeler; que les documents ainsi produits seront écartés des débats.

2) Sur le fond :

Considérant qu'il est constant que le commissaire aux comptes ne saurait être rendu responsablede plein droit de toutes les irrégularités commises dans la société qu'il contrôle ; que, sauf pourcertaines diligences particulières, il n'est tenu qu'à une obligation de moyens dans l'exécutiond'ensemble de sa mission ;

Considérant que selon des énonciations qui ne sont pas critiquées par les parties et sont conformesau rapport, le premier juge a repris comme suit les conclusions de l'expert, M. D., sur la mission deM. X. :

* le nombre de vacations du commissaire aux comptes (66 heures en 1988-1989 et 71,5 heures en1989-1990) se situe à un niveau minimum, étant observé que le barème légal n'était pas encoreapplicable,

* le commissaire aux comptes s'est appuyé sur les travaux de l'expert-comptable dont les travauxde contrôle sont jugés par ailleurs satisfaisants,

* la mission a été remplie en totalité par deux commissaires aux comptes (X. et son associé Y.), cequi est en principe un gage de qualité,

* la non formalisation d'un programme de contrôle ne constitue pas une lacune majeure dans lamesure où les dossiers communiqués sont suffisamment précis pour permettre de connaître aposteriori le détail des contrôles réalisés et où il existait une possibilité de communication oralepermanente entre les deux intervenants sur le dossier ;

- Sur les lacunes relevées :

* exercice 1988-1989 :

- non assistance à l'inventaire des stocks de viande alors que les contrôles de substitution sontinsuffisants,

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- non recoupement des prix d'inventaire avec les prix de vente pratiqués après la clôture del'exercice,

- insuffisance de la recherche de l'antériorité des créances clients ayant entraîné un risque desurestimation des créances à recouvrer,

- étude insuffisante de la coupure de l'exercice pour les comptes fournisseurs.

* exercice 1989-1990

- non assistance à l'inventaire des stocks, alors que le contrôle de substitution proposé n'est passuffisamment formalisé,

- non recoupement des prix d'inventaire avec les prix de vente pratiqués après la clôture del'exercice,

- insuffisance de la recherche de l'antériorité des créances clients ayant entraîné un risque desurestimation des créances à recouvrer,

- étude insuffisante de la coupure de l'exercice pour les comptes fournisseurs.

* Il convient d'apprécier dans quelle mesure ces lacunes constituent effectivement des fautes,étant rappelé :

- que le commissaire aux comptes a, par ailleurs, justifié de diligences normales, la tenue de cedossier ayant précisément été contrôlée par la Compagnie des commissaires aux comptes, sansqu'aucune remarque particulière soit faite,

- qu'il n'est pas possible à un commissaire aux comptes de tout contrôler, qu'il doit nécessairementfaire des choix sur les contrôles à exercer, ce qui se traduit nécessairement, a posteriori, par deslacunes par rapport à l'ensemble des contrôles qui peuvent, techniquement, être diligentés.

Que, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'intégralité des constatations de l'expert, au soutiende ses conclusions, il suffira de rappeler plus précisément les observations suivantes, faites enréponse aux dires de M. X. et particulièrement éclairantes,

- page 48, " Stock au 28 février 1989 "... " le commissaire aux comptes n'a pas assisté àl'inventaire physique alors que la norme de la Compagnie nationale des commissaires aux comptesrecommande "l'observation physique" comme étant l'un des moyens les plus efficaces pours'assurer de l'existence d'un actif "... en l'absence d'inventaire permanent l'inventaire physiqueapparaît d'autant plus nécessaire... ",

- page 49, " au 28 février 1989 aucun stock figurant à l'actif de la société "Boeuf mode" n'étaitstocké dans un entrepôt sous douane "... " la méthode de valorisation des stocks est décrite audossier du commissaire aux comptes d'après les propos de MM. S. et L., il aurait fallu s'assurer quecette méthode était effectivement appliquée... la méthode de valorisation du reste du stock n'estpas précisée... le sondage effectué par le commissaire aux comptes pour s'assurer que les prix devente pratiqués étaient supérieurs aux prix d'inventaire n'a pas été effectué sur les plus fortesvaleurs du stock... ",

- page 59, sur la surévaluation des stocks, ... " à défaut d'assistance à l'inventaire des viandescongelées, le dossier de contrôle de l'exercice 1989-1990 ne comporte aucun recoupement sur desvaleurs significatives avec les documents externes justifiant du stockage des viandes chez les tiers"... " le recoupement entre la valeur d'inventaire et les prix de vente pratiqués au cours del'exercice suivant a été fait au 28 février 1989 sur dix factures du 7 au 14 mars 1989 et au 28février 1990 sur six factures datées du 3 au 6 mai 1990 il aurait été utile de pratiquer cerecoupement sur un plus grand nombre de factures et sur une plage de temps plus étendue... "

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Considérant que nonobstant la discussion qu'il instaure sur chaque point critiqué, M. X. n'apportepas d'éléments objectifs, à partir des pièces du dossier, de nature à démontrer que l'expert auraitinexactement apprécié les faits et que ses constatations tant circonstanciées que documentéessoient inexactes ;

Qu'il apparaît donc, ainsi qu'il est soutenu à juste titre par le demandeur, qu'il n'a pas apporté toutle soin et la vigilance nécessaires à ses opérations, faute d'investigations plus rigoureuses etexhaustives ;

Que, par contre, les accusations portées contre M. X. de connivence avec les dirigeants sociaux etde manquements d'une particulière gravité pour l'opération dite du " pêcheur breton " ne peuventêtre retenues dès lors que l'information pénale n'a mis en évidence aucun élément de nature àcaractériser des agissements répréhensibles de M. X. à ce titre, que la procédure a d'ailleurs étédéclenchée par ses soins dès qu'il a eu connaissance de certains faits et qu'au terme d'une étudecomplète l'expert a estimé que ladite opération lui avait été dissimulée ;

Qu'est aussi mal fondé le grief portant sur l'inexécution de la certification des rémunérations lesplus importantes versées par la société car M. X. justifie de ce qu'il a rempli l'obligation luiincombant de ce chef et observe qu'aucune critique ne lui est faite dans le rapport d'expertise ;

Que, en définitive, la responsabilité du défendeur à l'action n'est susceptible d'être engagée quepour les carences et négligences relevées par l'expert, constitutives de manquements à sonobligation de moyens ;

Mais considérant, sur le préjudice, que par des motifs pertinents le Tribunal a constaté que lesnégligences ou carences de M. X. avaient entraîné comme conséquences une surévaluation del'actif du bilan de la société pour l'exercice 1988-1989 ;

Que même si la décision pénale du 6 avril 1992 n'a pas autorité de chose jugée quant au préjudicedes créanciers de la société " Boeuf Mode " puisque, statuant sur les intérêts civils, elle s'estbornée à accorder la somme symbolique de 1 F à Me C., ès qualités, il n'en demeure pas moins quele montant de 1 249 791 F peut être retenu à partir des données d'appréciation fournies par laprocédure pénale et des conclusions de l'expert, sous la seule réserve pour ces dernières de la nonimputation des factures T. ;

Qu'au biais d'un amalgame peu explicite et non démonstratif Me C. soutient que le montant de lasurévaluation correspond à l'insuffisance d'actif qui préjudicie en définitive aux créanciers de laliquidation, bien que le bilan normalement établi aurait présenté une situation positive de 5 068209 F ;

Que l'expert a exactement souligné que les tiers sont plutôt intéressés par le fait que les comptesconsultés font apparaître ou non une situation obérée et a fortiori une situation nette négative,rendant impossible à terme le règlement de tous les créanciers ;

Que, pas plus qu'en première instance n'est d'ailleurs rapportée la preuve par pièces que lespartenaires financiers de la SA " Boeuf Mode " auraient interrompu ou réduit leur soutien, si le bilancertifié pour 1988-1989 avait été exact, ni que des tiers susceptibles de contracter avec la sociétés'en seraient abstenus ;

Qu'ainsi, les investigations menées durant la procédure d'appel, auprès des organismes bancairestels que les banques A, B, C, D, E ne confirment pas l'affirmation selon laquelle leurs dirigeants seseraient déterminés au vu de documents comptables et liasses fiscales, faute d'une quelconqueréponse explicite à cet égard, par attestation ou tout autre écrit ;

Que, dans un dire soumis à l'appréciation de l'expert, M. X. avait du reste justement objecté queles banques n'ont produit au passif qu'à raison de 4 600 000 F, somme qui est très inférieure à laréclamation de Me C. et, partant, significative de manque de rigueur de ses allégations ;

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133

Que la Cour adopte la motivation du jugement sur les conséquences ou incidences du rapport ducommissaire aux comptes déposé au Greffe en août 1990, dès lors :

- que le bilan certifié n'a été connu qu'à partir de juin 1990,

- que les pièces sus évoquées, dont se prévaut Me C., ne sont pas davantage éclairantes pour lapériode 1989-1990,

- que la seule production utile pour l'appréciation des faits est semble-t-il la déclaration d'unresponsable de la Société Générale faite aux services de police le 26 octobre 1990 et qu'il enressort que la banque avait effectivement décidé de maintenir son concours à " Boeuf Mode " au vudu bilan du 28 février 1990, communiqué en juin 1990, d'autant qu'aucun incident ne s'étaitproduit pour le fonctionnement du compte de la société avant septembre 1989,

- que la position des autres créanciers de " Boeuf Mode ", ayant produit au passif, n'est pas connueet ne peut être déduite de l'assertion selon laquelle ils ont contracté du seul fait " que la sociétépoursuivait son exploitation par le bénéfice du maintien de ces concours bancaires " ;

Qu'il s'ensuit que n'est pas établi de lien de causalité nécessaire entre les agissementsreprochables de M. X. et le préjudice allégué ;

Qu'il n'est pas nécessaire d'ordonner un complément d'expertise, d'autant que Me C. a accepté laméthode proposée par l'expert pour rechercher le préjudice subi et que, en tout état de cause, iln'y a pas lieu pour la juridiction de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de lapreuve ;

3) Sur les demandes accessoires et les dépens :

Considérant que succombant en son recours Me C. sera condamné aux dépens et ne peutprétendre au bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que l'appel n'étant pas manifestement abusif, eu égard au débat instauré, la demande dedommages-intérêts de ce chef ne peut être accueillie ;

Que l'équité commande d'allouer à M. X. la somme de 10 000 F pour les frais non répétibles qu'il aexposés devant la Cour ;

III - DECISION

Rejette des débats la dernière communication de Me C.

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant, condamne Me C., ès qualités, aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article699 du nouveau Code de procédure civile et au paiement à M. X. d'une somme de 10 000 F enapplication de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

NOTE : Philippe MERLE, Professeur à l'Université Paris II, (Panthéon - Assas)

Pour qu'une action en responsabilité civile soit déclarée bien fondée, on sait que le demandeur doitrapporter cumulativement la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre lesdeux. Que l'une de ces preuves fasse défaut, comme celle du lien de causalité, et le demandeursera débouté. C'est ce qui a été jugé par la Cour d'appel de Rennes dans l'arrêt confirmatifrapporté.

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En l'espèce, une société qui avait pour activité le commerce de viande en gros, est mise enredressement puis en liquidation judiciaire en 1990. A l'instigation du commissaire aux comptesune information judiciaire est ouverte à l'encontre des dirigeants sociaux et aboutit à lacondamnation de ces derniers pour présentation de faux bilan, escroquerie, abus de biens sociaux,faux en écriture de commerce et usage de faux.

De son côté, le mandataire-liquidateur demande une expertise judiciaire afin que soient appréciéesles diligences du commissaire aux comptes. Les différentes lacunes relevées par l'expert sontretenues comme étant constitutives de fautes par la Cour d'appel de Rennes qui considère que lecommissaire " n'a pas apporté tout le soin et la vigilance nécessaires à ses opérations, fauted'investigations plus rigoureuses et exhaustives ".

Toutefois, l'arrêt déboute le mandataire, parce qu'il ne réussit pas à rapporter la preuve du lien decausalité entre la faute et le préjudice qu'il invoque. En effet, les carences et négligences ducommissaire n'ont entraîné une surévaluation de l'actif du bilan pour la société que pour l'exercice1988-1989. Or, d'une part, il n'est pas prouvé que les partenaires financiers de la société auraientinterrompu ou réduit leur soutien, si ce bilan certifié avait été exact, ni que des tiers susceptiblesde contracter avec la société s'en seraient abstenus. D'autre part, les investigations menées auprèsdes organismes bancaires ne confirment pas l'affirmation selon laquelle leurs dirigeants se seraientdéterminés au vu de documents comptables et liasses fiscales. Faute de rapporter ces preuves, lemandataire-liquidateur ne pouvait être que débouté.

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Bulletin du mois de Juin 1988 (Bull. N° 70)

RESPONSABILITE CIVILE DU COMMISSAIRE AUX COMPTES :Négligence du commissaire aux comptes Rapport de causalitéentre la faute et le dommage Responsabilité in solidum

RESPONSABILITE CIVILE DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

Bull. CNCC n° 70 p. 197

Négligence du commissaire aux comptes Rapport de causalité entre la faute et ledommage Responsabilité in solidum

Justifie légalement sa décision la Cour d'appel qui, constatant qu'un examen sommaire avaitpermis de déceler la probabilité d'une fraude dans la présentation du bilan et que les irrégularitésn'avaient été révélées par le commissaire aux comptes qu'après que le nouveau dirigeant les aitfait apparaître, alors que les difficultés que le commissaire reconnaissait avoir éprouvées pourobtenir les comptes d'une année auraient dû l'inciter à se montrer spécialement circonspect et à sefaire communiquer toutes les pièces utiles à l'exercice de sa mission, a pu ainsi conclure que cecommissaire n'avait pas effectué de contrôles.

Constatant que la négligence fautive du commissaire aux comptes, qui a certifié régulier et sincèreun bilan inexact, a permis aux dirigeants de la société d'obtenir l'intervention d'une autre sociétéqui a souscrit à une augmentation de capital et versé postérieurement d'autres sommes,prolongeant son aide jusqu'à ce que soit découverte la situation réelle de la première société, lesjuges du fond ont pu en déduire que cette fraude avait concouru avec celle des dirigeants à laperte subie par la seconde société et que son auteur devait être déclaré responsable in solidumavec ceux-ci.

(Cass. com., 9 février 1988)

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 1986) (2) que la sociétéU., dont le dirigeant était M. H., a pris en octobre 1977 une participation dans la société anonymeN. et P. constituée entre les membres de la famille V. et ayant comme commissaire aux comptesM. X. ; que M. H., devenu administrateur, ayant relevé des irrégularités dans les comptes de lasociété N. et P. et considérant que la société U. avait été trompée, a engagé une action pénale quia abouti à la condamnation de M. V. et de son directeur financier pour présentation de bilaninexact ; que, n'ayant obtenu réparation que de la seule partie de la somme réclamée, quiprésentait un lien de causalité directe avec le délit, il a fait citer MM. V. et X. devant la juridictioncivile en vue d'obtenir réparation du préjudice qu'il considérait n'avoir pas été indemnisé ;

Attendu que M. X. fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la société U. et à M. H.diverses sommes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que par une lettre du 24 mai 1978, la sociétéd'expertise E. consultée par la société U. concluait, à l'examen de la situation comptable de 1976 et1977, que la situation était alarmante et nécessitait des mesures énergiques ; que la Cour d'appela considéré que M. X. n'avait pas rempli sa mission, motif pris de ce que l'examen effectué par lasociété d'expertise E. " a permis de déceler une présomption de fraude dans la présentation dubilan de l'année 1976 " ; qu'en statuant de la sorte, bien qu'aux termes de la lettre du 24 mai1978, la société d'expertise comptable concluait à une situation alarmante et non à uneprésomption de fraude, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, enviolation de l'article 1134 du Code civil et alors, d'autre part, que le commissaire aux comptes n'estpas tenu de certifier l'exactitude des comptes, mais seulement leur régularité et leur sincérité ;qu'il procède par sondage et n'est pas tenu de vérifier l'intégralité des pièces comptables ; que ladécouverte par un tiers d'une inexactitude ne saurait dès lors démontrer qu'il n'a pas accompli samission avec diligence ;qu'en déduisant néanmoins du fait que le nouveau directeur général M. H.,avait décelé les irrégularités, après avoir effectué un contrôle, que M. X. n'avait lui-même procédéà aucun contrôle, la cour d'appel a violé les articles 228 et 230 de la loi du 24 juillet 1966 ;

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Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a constaté que la société d'expertise, consultée par la sociétéU., a informé celle-ci " ... qu'il n'existait pas de report des écritures d'inventaire au 31 décembre1976,... de l'absence de fiches de stocks,... de l'absence d'inventaire,... de l'insuffisance descircuits administratifs permettant le suivi des fabrications avec les sous-traitants,... d'unecomptabilité embryonnaire pour 1977, empêchant tout arrêté de compte valable au 31 décembre1977 " ; que la cour d'appel, ayant fait ressortir ces graves insuffisances, a pu en déduire que lecommissaire aux comptes n'avait pas rempli sa mission ;

Attendu, d'autre part, que d'après l'article 228 de la loi du 24 juillet 1966, en sa rédactionantérieure à la loi du 30 avril 1983, les commissaires aux comptes certifient la régularité et lasincérité de l'inventaire, du compte d'exploitation générale, du compte de pertes et profits et dubilan, que par application de l'article 229 de la même loi, ils opèrent à tout époque de l'année lesvérifications nécessaires pour mener à bien leur mission ; que la cour d'appel a constaté qu'unexamen sommaire tel que celui effectué par la société d'expertise E. avait permis de déceler laprobabilité d'une fraude dans la présentation du bilan de 1976, et que les irrégularités n'avaient étérévélées par M. X. qu'àprès que le nouveau dirigeant, M. H., les ait fait apparaître, alors que lesdifficultés qu'il reconnaissait avoir éprouvées pour obtenir les comptes de 1976 auraient dû l'inciterà se montrer spécialement circonspect et à se faire communiquer toutes les pièces utiles àl'exercice de sa mission ; que la cour d'appel a pu ainsi en conclure que ce commissaire auxcomptes n'avait pas effectué de contrôles ; qu'elle a ainsi justifié légalement sa décision ; d'où ilsuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. X. alors, selon le pourvoi, d'unepart, que nul ne peut être tenu de réparer un dommage qu'il n'a pas causé ; que la responsabilitéde M. X. a été retenue par l'arrêt attaqué en raison d'une faute qu'il aurait commise en certifiant larégularité et la sincérité des comptes de 1976 qui se sont révélés, en 1978, inexacts ; que l'arrêtattaqué constate que le premier versement effectué par l'U. n'a été possible que par ladissimulation par les administrateurs de la destination véritable de cette somme et que lesversements ultérieurs ne peuvent être rattachés à une autre cause que la tromperie sur ladestination des précédentes avances, d'où il suit que la faute de M. X., à supposer même qu'elle aitcontribué à la prise de participation d'U. dans le capital de la société N. P., n'avait pas provoqué ouincité l'U. à faire des avances de trésorerie dont elle demande le remboursement ; qu'encondamnant néanmoins M. X. in solidum avec les administrateurs à indemniser l'U. du préjudicerésultant exclusivement, selon ses propres termes de la faute de ces derniers, la cour d'appel aviolé l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que pour être réparable, un préjudice doitêtre actuel et certain ; que le juge ne saurait prononcer de condamnation à la réparation d'unpréjudice hypothétique ; qu'en l'espèce, le préjudice invoqué par la société U. était constitué, auxtermes de l'arrêt attaqué, par " les avances consenties, les frais engagés et les cautions donnéespuis exécutées " ; que la société U. avait produit au passif de la liquidation des biens de la sociétéN. P. pour une créance globale de 1070 000 francs ; que le préjudice invoqué par l'U. ne pouvantêtre constitué que par la perte définitive de sa créance, il appartenait à la cour d'appel derechercher si celle-ci ne pouvait espérer recouvrer le montant de celle-ci auprès de sa débitrice, lasociété N. P. ; qu'en s'abstenant de procéder à cettre recherche, la cour d'appel a entaché sonarrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que la négligence fautive de M. X., qui a certifiérégulier et sincère un bilan inexact, a permis aux dirigeants de la société N. P. d'obtenirl'intervention de la société U., qui a souscrit à une augmentation de capital et versépostérieurement d'autres sommes, prolongeant son aide jusqu'à ce que soit découverte la situationréelle de la société N P. ; que la cour d'appel a pu en déduire que cette faute ayant concouru aveccelle des dirigeants à la perte subie par la société U., son auteur devait être déclaré responsable insolidum avec ceux-ci ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt fait ressortir que la liquidation des biens de la société N. P. faisaitapparaître une importante insuffisance d'actif et qu'ainsi la perte de sommes apportées par lasociété U. devait être considérée comme certaine ; qu'en l'état de ces constatations la cour d'appela justifié légalement sa décision ;

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Qu'ainsi, les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi :

Condamne le demandeur aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

NOTE : Emmanuel du PONTAVICE

Cet arrêt, du reste publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (1988-IV-47, n° 68), estimportant car d'une part, à l'invitation du pourvoi, il statue sur les trois éléments de laresponsabilité civile, la faute, le préjudice et le lien de cause à effet entre la faute et le préjudice,et d'autre part, en présentant une conception très classique des conditions de la mise en jeu de laresponsabilité civile du commissaire aux comptes, il paraît bien confirmer (V. déjà, cass. 1rechambre, 19 mai 1987, Bull. CN n° 67, septembre 1987, p. 344) que la Cour de cassation nepersiste pas dans la doctrine manifestée par l'arrêt rendu par la chambre commerciale le 17octobre 1984 (Bull. cass. 1984-IV-220, n° 269) et qui avait surpris (note E. du Pontavice sous lemême arrêt, Bull. CN 1985, p. 109 et s. ; v. infra B).

Dans un premier alinéa, la décision analysée précise quelles sont les fautes du commissaire auxcomptes ; le second alinéa poursuit cette analyse en la confrontant aux règles légales concernantla mission du commissaire aux comptes.

A) LE COMMISSAIRE AUX COMPTES N'EST TENU QUE D'UNE OBLIGATION DE PRUDENCEET DE DILIGENCE OU DE MOYENS

Autrement dit, le commissaire aux comptes ne peut être condamné que si sa faute est prouvée(cass. 1re chambre civile, 19 mai 1987, Bull. CN n° 67, septembre 1987, p. 334 ; Rennes, 24 juin1987, Bull. CN n° 67, septembre 1987, p. 336 ; TGI Toulouse, 9 juin 1986, Bull. CNCC n° 62, p.425 ; M.-J. Coffy de Boisdeffre, " La responsabilité du commissaire aux comptes : Trois ans dedécisions judiciaires ", Economie et Comptabilité, mars 1988, p. 13 et s.). Le présent arrêt prendnettement parti en ce sens, tant dans sa définition de la mission du commissaire aux comptes (a)que dans la description de la faute commise en l'espèce par rapport à la mission (b).

a) La définition de la mission du commissaire aux comptes

La Cour décrit ici de façon très classique la mission du commissaire aux comptes en reprenant lestermes essentiels de l'art. 228, al. 1er et de l'art. 229, al. 1er de la loi du 24 juillet 1966.

b) La description de la faute par rapport à la mission ci-dessus définie

1 - Tout d'abord, la Cour caractérise en particulier la faute du commissaire aux comptes par le faitque les irrégularités étaient facilement décelables de sa part (V. déjà Bordeaux, 24 mars 1986,Bull. CNCC 1986-294, note E. du Pontavice ; M.-J. Coffy de Boisdeffre, op. cit., p. 17 ; v. acontrario, dans le cas où la fraude était difficilement décelable, Aix-en-Provence, 7 juin 1985, Bull.CN 1985, p. 487 et note E. du Pontavice ; TGI Paris, 12 juillet 1984, Bull. CN 1985, p. 478 ; TGIToulouse, 9 juin 1986, Bull. CN n° 62, p. 425).

En l'espèce, la cour d'appel avait " constaté qu'un examen sommaire tel que celui effectué par lasociété d'expertise (appelée à procéder à des vérifications par les dirigeants de la société) avaitpermis de déceler la probabilité d'une fraude... "

2 - La fraude des dirigeants sociaux

Tout naturellement, en cas de fraude des dirigeants sociaux (en l'espèce des anciens dirigeants), lasociété ou ses actionnaires sont particulièrement enclins à mettre en cause la responsabilité du

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commissaire aux comptes, à condition de prouver que celui-ci n'a pas satisfait à son obligation demoyens.

C'est le cas dans la présente espèce (V. de façon générale à cet égard, M.-J. Coffy de Boisdeffre,op. cit., p. 17).

3 - L'obligation pour le commissaire aux comptes de se faire communiquer en temps utile toutesles pièces utiles à l'exercice de sa mission.

Le commissaire aux comptes est condamné en particulier pour cette raison dans la présente espèce(V. aussi, M.-J. Coffy de Boisdeffre, op. cit., p. 18 ; v. a contrario dans le cas où le commissaireaux comptes n'est nullement tenu de vérifier la régularité des contrats de travail de salariés del'entreprise, Lyon, 21 janvier 1986, Bull. CN n° 62, juin 1986, p. 182 et note E. du Pontavice).

4 - Le commissaire aux comptes sera en particulier condamné si son attention a été attirée sur desirrégularités ou des indices ou présomptions de fraude devant lesquels il est resté passif.

Ainsi, dans le présent arrêt, la Cour relève " que les difficultés (que le commissaire reconnaissaitavoir éprouvées pour obtenir les comptes de 1976) auraient dû l'inciter à se montrer spécialementcirconspect... " (cf. 1re chambre civile, 19 mai 1987, Bull. CN n° 67, septembre 1987, p. 334 ;Rennes, 24 juin 1987, même bulletin, p. 336 ; TGI Brest, 28 janvier 1988, Bull. CN n° 69, mars1988, note E. du Pontavice, a contrario ; v. pour le cas où le commissaire aux comptes a étédûment avisé par un administrateur, com. 2 juillet 1973, Revue des sociétés 1973, 662, note E. duPontavice).

B) CONFIRMATION DE L'ABANDON PAR LA COUR DE CASSATION DE LA POSITION PRISEDANS L'ARRET RENDU PAR LA CHAMBRE COMMERCIALE LE 17 OCTOBRE 1984

La chambre commerciale dans le présent arrêt, comme la 1re chambre civile dans sa décisionprécitée du 19 mai 1987 (Bull. CN n° 67, septembre 1987, p. 334), s'écarte de la doctrineprésentée par un arrêt de la chambre commerciale en date du 17 octobre 1984 condamnant lecommissaire aux comptes pour la seule raison que les comptes vérifiés n'étaient pas conformes àla réalité (JCP 1985-E-1455, note Viandier ; Bull. CN 1985, 107, note E. du Pontavice ; Bull. cass.,IV-220, n° 269 ; M.-J. Coffy de Boisdeffre, op. cit., p. 17).

I. La détermination du préjudice

En l'espèce, le pourvoi objectait que le préjudice était hypothétique, qu'en effet, il était constituépar des " avances consenties " au profit d'une tierce société. Il appartenait par conséquent auxjuges de rechercher si le créancier ne pouvait espérer recouvrer le montant de sa créance auprèsde la société débitrice.

Toutefois, le pourvoi constatait que la société débitrice était en liquidation des biens ; la Cour decassation note que la liquidation des biens en l'espèce faisait apparaître une importanteinsuffisance d'actif et qu'" ainsi la perte de sommes apportées par la société (créancière) devaitêtre considérée comme certaine " (V. à cet égard, note Pierre Moretti sous le présent arrêt in lesPetites Affiches, 7 mars 1988, p. 13 et s. et spéc. p. 16).

II. Le lien de causalité entre la faute prouvée du commissaire aux comptes et lepréjudice

Le pourvoi prétendait qu'en admettant que le commissaire aux comptes ait commis une faute,celle-ci n'aurait pas contribué à la prise de participation de la société demanderesse dans le capitalde la société contrôlée. La Cour constate au contraire que la faute du commissaire aux comptes aconcouru avec celle des dirigeants de la société contrôlée à la perte subie par la sociétécréancière ; en conséquence, le commissaire aux comptes doit être déclaré responsable in solidumavec les dirigeants de la société contrôlée (V. déjà en ce sens, com. 2 juillet 1973, Revue des

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sociétés, p. 662 et note E. du Pontavice ; com. 16 novembre 1981, Revue des sociétés 1982, 532 ;Rennes 24 juin 1987, Bull. CN, n° 67, septembre 1967, p. 336).

On remarquera qu'une très intéressante décision a été rendue en ce sens par la Cour d'appel de laNouvelle Galles du Sud, en Australie, contre les auditors (25 juin 1987, in Lloyd's Maritime andCommercial Law Quarterly, février 1988, p. 19, commentaire J. Tapp) ; en l'espèce, la Cour d'appeldéclare que le demandeur n'est pas tenu de prouver que la faute de l'auditor constituait la seulecause ou la cause principale de la perte subie : il est suffisant que la faute de l'auditor ait concouruà la perte subie par la société demanderesse.

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Bulletin du mois de Mars 1999 (Bull. N° 113)

RESPONSABILITE CIVILE : Prescription triennale - Point de départ- Notion de fait dommageable - Certification (oui)

RESPONSABILITE CIVILE

Bull. CNCC n° 113 p. 145

Prescription triennale - Point de départ - Notion de fait dommageable - Certification (oui)

Les commissaires aux comptes sont responsables, selon l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966"tant à l'égard de la société que des tiers des conséquences dommageables des fautes etnégligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions". Les articles 235 et 247 de lamême loi édictent que les actions en responsabilité contre tant les administrateurs des sociétésanonymes que les commissaires aux comptes se prescrivent "par trois ans à compter du faitdommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation" et par dix ans "lorsque le fait est qualifiécrime".

L'adjectif "dommageable" qualifie la conséquence du fait dont le commissaire aux comptes doitrépondre. Le fait lui-même ne peut être qu'une faute et non sa conséquence. Le "faitdommageable" imputable au commissaire aux comptes est ainsi la certification fautive des comptesannuels qui clôt ses investigations. Le législateur a d'ailleurs pris soin de reporter le point de départde la prescription à la découverte de la faute en particulier par la révélation de ses conséquences,dans la seule hypothèse d'une dissimulation de cette faute, ou de fixer la durée de la prescriptionlorsque le "fait" et évidemment pas le dommage qui n'en est que la conséquence, constitue uncrime.

Il n'est justifié d'aucun obstacle ayant interdit à la société D d'agir dans les trois ans suivantchaque approbation des comptes. Il lui suffisait d'opérer elle-même quelques investigations luiincombant pour découvrir de graves anomalies, telles qu'un inventaire physique des stocksrelevant des obligations de ses dirigeants et sa comparaison avec le stock comptable.

L'institution d'une prescription particulière abrégée exclut l'application de la prescription de droitcommun.

Il n'est pas allégué que les négligences imputées au commissaire aux comptes aient fait l'objet dedissimulation. Il s'en suit que les premiers juges ont eu raison de n'exclure la prescription triennaleapplicable que pour la certification des comptes de l'exercice 1990-1991 en date du 7 juin 1991,l'assignation ayant été délivrée le 22 mars 1994.

Il n'existe aucune preuve de ce que la négligence que le commissaire aux comptes a pu commettreen 1991 ait eu une incidence quelconque sur les dommages allégués.

Il convient ainsi de confirmer la décision déférée qui a débouté la société de l'ensemble de sesdemandes.

(Paris 5e Chambre, section B, 12 février 1999)

OBSERVATIONS PHILIPPE MERLE

Cet arrêt de la Cour d'appel de Paris mérite d'être signalé, car il donne une excellente définition dupoint de départ de la prescription de l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966. A juste titre, l'arrêtinsiste sur la rédaction du texte légal et fait observer que l'adjectif " dommageable " qui est utiliséqualifie la conséquence du fait dont le commissaire doit répondre et que le fait lui-même ne peutêtre qu'une faute et non pas sa conséquence. Le " fait dommageable " imputable au commissaireest donc la certification fautive des comptes annuels qui clôt ses investigations. La solution n'estpas nouvelle, mais elle est parfaitement motivée.

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ANNEXE 2 : LES PRECAUTIONS A PRENDRE LORS DES TEMOIGNAGES ET AUDITIONS

Objectifs Ce qu’il faut faire Ce qu’il faut savoir

Revoir le dossier : S’isoler pour étudier de façon complète le dossier en question et semémoriser les faits.

Avoir présents à l’esprit les textes de loi ou décrets cités dans sondossier.

Discuter du contenu du dossier avec toutes les personnes qui ontparticipé à la mission : associés, collaborateurs.

Conserver une copie de l’ensemble des documents du dossier.

L’argumentation doit être la plus claire possible.

Les officiers de la police judiciaire ne conçoivent pas que lecommissaire aux comptes ait pu agir à la légère.Aucun aspect ne doit rester flou.

L’original du dossier peut être conservé par la police judiciaireou par le juge d’instruction.

Informer son entourage : Contacter son avocat et lui demander les premiers conseils. Informer le président du conseil régional de l’Ordre en lui

indiquant date, heure, lieu et motif de la convocation si un risquede garde à vue s’avère possible.

Prévenir son entourage immédiat : associés, famille sans pourautant les inquiéter ni les angoisser

Il n’est pas possible de savoir la durée d’un interrogatoire. S’il seprolonge, il s’avérera nécessaire que certaines dispositions soientprises par les personnes averties.

Répondre avec uneextrême prudence :

En cas d’interrogatoire par les officiers de la police judiciaire,demander l’éventuelle justification de la convocation.

Etre très attentif aux questions posées, à leur formulation, à leurtranscription.

Ceci permet de se faire préciser la nature de la procédure encours.

Le commissaire aux comptes est interrogé sur des activités de lasociété contrôlée qu’il croit connaître mais dont il ignoreprobablement la partie la plus nocive, ne lui étant quepartiellement dévoilé par les enquêteurs.

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Objectifs Ce qu’il faut faire Ce qu’il faut savoir

Ne pas invoquer une surcharge de travail concernantl’exécution de la mission en question.

Formuler des réponses brèves et précises.

N’affirmer que ce que l’on tient pour absolument certain.

Mémoriser les questions et les réponses et si possible, prendredes notes précises.

Ce prétexte peut mettre en avant une négligence ou une légèreté desdiligences accomplies, ce qui amplifiera la responsabilité.

Les implications des questions qui lui sont posées n’apparaissent paset des réponses, même techniques, peuvent être alors une sourced’ambiguïté qui restera dommageable. Des réponses trop longuespeuvent donner des ouvertures et inciter les officiers de la policejudiciaire à poser d’autres questions.

Préférer la réplique : « je ne sais pas »

Lorsqu’elles sont reprises par les officiers de la police judiciaire, lesréponses peuvent être déformées ou interprétées.

La conduite à tenir : Conserver son calme mais rester ferme.

Rester respectueux.

Le contexte de l’audition peut « basculer » de la part des officiers dela police judiciaire et le ton peut devenir désobligeant ou arbitraire,le témoin n’est plus tout à fait considéré comme tel, l’audition tend àdevenir une accusation.

Même si les officiers de la police judiciaire ont manqué d’égardsenvers la personne interrogée, le juge d’instruction est solidaire et nesera pas enclin à l’admettre.

L’exactitude du procèsverbal :

Faire corriger le procès verbal instantanément et demanderl’ajout des précisions nécessaires.

Relire soigneusement et intégralement le procès verbal. Signer le dernier mot de chaque page du procès verbal. Refuser de signer si la transcription n’est pas exacte.

Vérifier que l’inventaire des saisies à perquisitions annexé auprocès verbal est complet.

Il est plus facile de rectifier les propos au fur et à mesure del’interrogatoire.

Les informations données ont pu être mal interprétées.

Il est trop difficile ensuite de se dégager de ce qui a été dit, tout cequi est écrit sera inéluctablement opposé.

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143

ANNEXE 3 : LE DEROULEMENT DE LA PROCEDURE PENALE

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144

BIBLIOGRAPHIE

Entretiens

- Maître El Khattabi Mustapha, avocat agréé auprès de la Cour suprême ;- Maître Frouga Youssef, avocat agréé auprès de la Cour suprême ;- Président de la Chambre Commerciale de Marrakech.

Documentation réglementaire

- La loi n°53-95 instituant des juridictions de commerce ;- La loi régissant la profession de l’expert comptable ;- La loi relative aux obligations comptables des commerçants ;- La loi sur la société en nom collectif, la société en commandite par action, la

société à responsabilité limité, la société en commandite simple et la société enparticipation ;

- La loi sur les sociétés anonymes ;- Le code de commerce ;- Le code de procédure civile ;- Le code pénal ;- Le dahir des obligations et des contrats ;- Le nouveau code de procédure pénale, publié le 3 octobre 2002 ;- Les normes émises par le conseil national de l’Ordre des Experts Comptables.

Mémoires et thèses

- Le commissaire aux comptes et la fraude : proposition de normalisation de la priseen comte par le commissaire aux comptes du risque de fraude dans le cadre de samission légale. Mémoire d’expertise comptable, France, novembre 2001.

Ouvrages spécialisés

- A. SAYAG et alii, Le commissariat aux comptes, Renforcement ou dérive ?, 1989,- A. VIANDIER et Ch. de LAUZAINGHEIN, Droit comptable, 2e éd. 1993,- B.-H. DUMORTIER, J.-CI Sociétés, fasc. 134-C ;- C. D'HAILLECOURT, Le droit pénal technique, Thèse doct., Paris II, 1983 ;- Christophe Roux-Dufort, La gestion de crise, Un enjeu stratégique pour les

organisations, publié 1999 de Boeck Université.- CREDA, T. II, Litec ;- DALLOZ ;- D. VIDAL, Le commissaire aux comptes dans les sociétés anonymes (évolution du

contrôle légal, aspects théoriques et pratiques), LGDJ, 1985 et Manuel de révisioncomptable, 1992, Litec.

- E. du PONTAVICE, V. AMATA, J. CAUDRON, G. COSSON et J.-F.RAMOLINO DE COLL'ALTO, Le commissaire aux comptes ;

- EIKEN Simone, Gestion de crise, la réponse de l’entreprise, Coll. Droit desaffaires.

- F. BARBIERI, Commissariat aux comptes, éd. GLN JOLY, n° 130 à 134 ;

Page 152: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

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- F. PASQUALINI, Le principe de l'image fidèle en droit comptable, Litec, 1992 ;- G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité de droit commercial, T. I, 15e éd., par M.

GERMAIN, 1994, LGDJ ;- J. MONEGER et Th. GRANIER, Le commissaire aux comptes, préf. D. KLING,

DALLOZ, 1995 et Encycl. DALLOZ, Rép. Sociétés, Vo Commissaire auxcomptes ;

- J. HEMARD, F. TERRE et P. MABILAT, Sociétés commerciales, 3 tomes, 1972,- M. COZIAN et A. VIANDIER, Droit des sociétés, Litec, 1996 ;- M. JEANTIN, Droit des sociétés, 2e éd., 1992, éd. MONTCHRESTIEN ;- M.-L. VERNHES, Le commissaire aux comptes et le droit pénal, Thèse Toulouse,

1995 (1re et 2e parties)- P. DIDIER, Droit commercial, T. II, Les entreprises en société, 1993, coll. Thémis,

P.U.F. ;- P. FEUILLET, Pratique du commissariat aux comptes, préf. F. TERRE, 1978 ;- Ph. MERLE, Droit commercial, sociétés commerciales, 5e éd., 1996, DALLOZ ;- Y. GUYON, Droit des affaires, T. I, 9e éd., 1996 Economica ;- Y. GUYON et G. COQUEREAU, Le commissariat aux comptes, Aspects

juridique et technique, Litec, 1991 ;- 1974 et 1978 DALLOZ ;

Séminaires spécialisés

- Au-delà de la certification : quels nouveaux progrès pour le commissaire auxcomptes ? Colloque organisé par le centre de recherche sur le droit des affaires le25 novembre 1991.

Revues et publications

- A. BOURIN, Echec aux conséquences funestes des revirements en droit pénal,Gaz. Pal., 1995, 1, 2/3 juin, p. 2 ;

- A. COURET, Le secret professionnel des commissaires aux comptes à l'épreuvedes mesures d'instructions civiles, Bull. JOLY, 1996, p. 7 et s. ;

- A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide et assistance, JCP 1983,éd. G, I, 3124 ;

- B. BOULOC, La responsabilité pénale du commissaire aux comptes, Entretiens deNanterre, 1975, p. 8 et s. ;

- B. MERCADAL, La responsabilité pénale des personnes morales et celle despersonnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, RJDA, 1994, p. 375 ;

- BOULAN, La situation du civilement responsable dans le procès pénal, EtudesWEIL, 1983, p. 69 et s. ;

- CHOMIENNE et GUERY, Le secret professionnel, A.L.D., 1995, p. 85 et s. ;- CI. LOMBOIS, Rapport de synthèse du colloque de Limoges, Petites affiches, 6

oct. 1993, p. 48 ;- C. MASCALA, La responsabilité pénale du chef d'entreprise, Petites Affiches, 19

juillet 1996, n° 87, p. 18 et s. ;- C. MOULOUNGUI, L'élément moral dans la responsabilité pénale des personnes

morales, RTD com., 1994, p. 441 et s. ;- E. du PONTAVICE, Application aux commissaires aux comptes de la loi du 4

août 1981 portant amnistie, Bull. CNCC, 1981, n° 43, p. 288 et s. ;

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- E. du PONTAVICE, Commissaires aux comptes, expert-comptable et complicitédes délits commis par les dirigeants sociaux, Rev. soc. 1988, p. 489 et s. ;

- E. du PONTAVICE, La responsabilité civile, pénale et disciplinaire des sociétés decommissaires aux comptes et de leurs membres, Bull. féd. des commissaires desociétés, n° 19, p. 24 ;

- F. PASQUALINI et V. PASQUALINI-SALERNO, Droit comptable et mesured'instruction in futurum, Petites affiches, 3 avr. 1996, n° 41, p. 19 et s. ;

- F. TERRE, Le secret professionnel du commissaire aux comptes, Eco. et compt.1973, p. 17 ;

- G. COUTURIER, Répartition des responsabilités entre personnes morales etpersonnes physiques, Rev. Soc. 1993, p. 307 et s. ;

- G. ROUJOU DE BOUBEE, La mise en oeuvre du code pénal, D. 1996, chron., p.371 et s. ;

- I. URBAIN-PARLEANI, Les limites chronologiques à la mise en jeu de laresponsabilité pénale des personnes morales, Rev. soc. 1993, p. 239 et s. ;

- J.-F. BARBIERI, Responsabilité pénale des personnes morales, JOLY Sociétés,série A, 1996-2 ;

- J.-H. ROBERT, in " Droit pénal et procédure pénale ", chronique, JCP 1996, éd.G, I, 3950, n° 10 ;

- J. SIMON, Responsabilité pénale des personnes morales et des personnesphysiques, coauteurs ou complices des mêmes faits ; cumul des responsabilités oumeilleure justice pénale, D. aff., 1995, p. 101 et s. ;

- M.-C. BERGERES, Le secret professionnel face aux prérogatives du fisc, D. 1981,chron., p. 8 et s. ;

- M.-Th. CALAIS-AULOY, La dépénalisation en droit des affaires, D. 1988, chr.315 ;

- M. DELMAS-MARTY, Les conditions de fond de la mise en jeu de laresponsabilité pénale, Rev. soc. 1993, p. 302 et s. ;

- M. DELMAS-MARTY, A propos du secret professionnel, D. 1982, p. 268 et s. ;- M. FAVERO, Responsabilité pénale des personnes morales et responsabilité des

dirigeants : responsabilité alternative ou cumulative ? Petites Affiches, 8 déc.1985, n° 147, p. 15 et s. ;

- P. DECHEIX, Un droit de l'homme mis à mal : le secret professionnel, D. 1983,chron., p. 133 s. ;

- Ph. CONTE, L'arbitraire judiciaire ; chronique d'humeur, JCP 1988, éd. G, I, 3343;- Ph. MERLE, Le secret professionnel du commissaire aux comptes, Bull. CRCC

Versailles, Informations et débats, avril 1994, p. 15 et s. ;- Ph. MERLE, note s. Cass. com., 14 nov. 1995, Bull. CNCC 1996, n° 100, p. 510 et

s. ;- Ph. SALVAGE, L'imprudence en droit pénal, JCP 1996, éd. G, I, 3984 ;- W. JEANDIDIER, La correctionnalisation législative, JCP 1991, éd. G, I, 3487 ;- Y. SEXER, Les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales, Dr.

et Patrimoine, janv. 1996, p. 38 ;

Articles et chroniques

- A. Couret, Synthèse de la jurisprudence récente concernant la révocation et laresponsabilité civile des commissaires aux comptes, Petites Affiches 9 déc. 1992,p. 7.

Page 154: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

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- A. LIÉNARD, La responsabilité du commissaire aux comptes dans le cadre de laprocédure d'alerte, Rev. proc. collectives, 1996, p. 1.

- A. Viandier, La responsabilité de l'expert comptable et du commissaire auxcomptes dans la vérification des comptes précédant une augmentation de capital,Revue française de comptabilité, nov. 1985.

- Cl. Laroche-Vidal, La fraude informatique au regard des obligations descommissaires aux comptes, Gaz. Pal. 1988, II, doct. 478.

- D. Langé, Juris-classeurs Responsabilité civile, fascicule 340, Commissaire auxcomptes.

- E. du Pontavice, La responsabilité civile, pénale et disciplinaire des sociétés decommissaires aux comptes et de leurs membres, Bull. féd. assoc. commiss. desociétés n° 19-1970, p. 24.

- J.-F. BARBIÉRI, De quelques aspects du secret professionnel des commissairesaux comptes, Bull. JOLY, 1997, p. 935, n° 340.

- La mise en jeu de la responsabilité du commissaire aux comptes par le président duconseil d'administration de la société contrôlée, à la suite de fautes imputables auxadministrateurs ou aux préposés de la société, Bull. CNCC n° 21 - 1976, p. 81.

- Le secret professionnel des commissaires aux comptes à l'épreuve des mesuresd'infraction civiles, Bull. JOLY, 1996, p. 7, n° 1.

- M. J. Coffy de Boisdeffre, La responsabilité du commissaire aux comptes : troisans de décisions judiciaires, Eco. et comptabilité, mars 1988, p. 13.

- O. RAULT, Le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité del'article 247 de la loi du 24 juillet 1966, JCP éd. E 2000, p. 1462.

- P. Moretti, La responsabilité civile d'un commissaire aux comptes qui a certifiéréguliers et sincères les comptes d'une société au vu desquels un tiers a fait desapports à cette société alors qu'ils étaient inexacts, Petites affiches, 7 mars 1988.

- W. Ebke et D. Struckmeier, The civil liability of corporate auditors: aninternational perspective, Capital markets forum, International Bar Association,1994.

- Y. Guyon, La responsabilité civile des commissaires aux comptes, JCP éd. C.I.1969, II, 87 239.

- Y. Guyon, Juris-classeurs Sociétés Traité, fascicule 134-B, Commissaires auxcomptes ; Mission et responsabilité.

Page 155: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

148

LISTE DES ABREVIATIONS

a. Article (loi, décret ou arrétés)

adm. Administratif

al.§

Alinéa

anc. Ancien

arr. Arrété

art.Art.

Article d'une loi ou d'un décret suivi du numéro d'article

Art. D Article d'un décret d'application codifié suivi du numéro d'article

Art. L Article d'une loi codifiée suivi du numéro d'article

Ass. Assemblée

Ass. Plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation

Bibl. Bibliographie

BLD. Bulletin législatif Dalloz

Bull. Bulletin

Bull. civ. Bulletin civil de la Cour de cassation

Bull. CNCC Bulletin du Conseil National des Commissaires aux Comptes

BICC Bulletin d'information de la Cour de cassation

Bull . Joly Bulletin mensuel Joly d'information des sociétés

C.CA.

Cour d'appel

Cass.C. Cass.

Cour de cassation

Cass. civ. I Cour de cassation Chambre civile, première Chambre ; II : deuxième Chambre, etc.

Cass. Com. Cour de Cassation Chambre commerciale

Cass. Ch.mixte

Chambre mixte de la Cour de cassation

Cass. Ch.réun.

Arrêt rendu par les Chambres réunies de la Cour de cassation

C. civ. Code civil

C. com. Code de commerce

Ch. Chapitre (division d'un Code, suit généralement le n° du Livre et celui du Titre)

Ch. IChambre (d'une juridiction : suivie d'un n° en chiffre romain : I, 1ère Chambre ; II,Deuxième Chambre ; etc.)

Chron. Chronique (Etude parue dans une revue)

Conf.Cf.

Consulter

D. Recueil de jurisprudence Dalloz

D.d.

Décret

Page 156: La Responsabilite Civile Penale Et Disciplinaire Du ire Aux Comptes

149

Dr. Droit

éd. Edition ou nom de l'éditeur

ex. Exemple

Gaz. Pal. Gazette du Palais

GIE Groupement d'Intérêt Economique

ibidemeod. loc.

Au même endroit

J. Partie "Jurisprudence" de certaines revues

JCl Jurisclasseur

JCP Jurisclasseur périodique (Semaine juridique)

Bull . JolyJoly

Bulletin mensuel Joly d'information des sociétés

jur. Partie "jurisprudence" (classification interne de certaines revues)

L. n° Loi suivie du numéro de loi et de la date de sa promulgation au Journal Officiel

Obs. Observations - commentaires doctrinal à la suite de la publication d'une décision de justice

p. Page (dans la citation d'un livre ou d'une revue) suivie du numéro de page

R. Partie réglementaire d'un code suivie d'un numéro d'article

Rec. Recueil

Rép. Répertoire

Rép. civ. Répertoire de droit civil Dalloz

Rép. com. Répertoire de droit commercial Dalloz

Rev. Revue

Rev. soc. Revue des sociétés Dalloz

RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

s.et s.

Et suivants (après l'énonciation d'un article) exemple : C. Civ. art. 1382 et s

S.A. Société anonyme

SARL Société à responsabilité limitée

SAS Sociiété par action simplifiée

sect. Section

T. com. Tribunal de commerce

TGI Tribunal de grande instance

TI Tribunal d'instance

Tit.T.

Titre, division d'un Code suivie de son numéro

V. Voir dans le sens de " à consulter..."

V° Mot (exemple : V°Commerce = voir le mot "Commerce")

Vol. n° Volume ou tome suivi d'un numéro en chiffre romain

(1998) Date de publication d'un livre ou d'une revue

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150

LEXIQUE ARABE-FRANÇAIS

Action en responsabilité دعوى المسؤولیة

Argumentation تدلیل

Arrêt قضائيحكم

Bilan الموازنة

Certifier إشھاد

Commissaire aux comptes مراقب الحسابات

Cour المحكمة

Cour d’appel محكمة اإلستئناف

Cour suprême المجلس األعلى

Elément matériel عنصر مادي

Elément moral عنصر معنوي

Escroquerie النصب

Etats de synthèse القوائم التركیبیة

Ethique علم األخالق

Fiabilité موثوق

Informations comptables معلومات محاسبیة

Informations mensongères معلومات كاذبة

Interprétation doctrinale الفقھيالتأویل

Interprétation jurisprudentielle یل القضائيالتأو

Interprétation législative التأویل التشریعي

Jurisprudence إجتھاد القضاء

La faute الخطأ

Le préjudice رلضرا

Le législateur المشرع

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151

Lien de causalité العالقة السببیة

Obligation de moyen إلتزام ببذل العنایة

Obligation de résultat یق نتیجةإلتزام بتحق

Prescription التقادم

Procédure civile المسطرة المدنیة

Procédure disciplinaire المسطرة التأدیبیة

Procédure pénale المسطرة الجنائیة

Régularité انتظام

Responsabilité civile المسؤولیة المدنیة

Responsabilité disciplinaire المسؤولیة التأدیبیة

Responsabilité pénale المسؤولیة الجنائیة

Secret professionnel السر المھني

Sincérité صدق

Tribunal de première instance المحكمة اإلبتدائیة