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La plus grandede toutesles opérations

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l’année en revue

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Aujourd’hui, les réfugiés se heurtent à des obstacles majeurspour bénéficier d’une protection internationale.La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et sonProtocole de 1967 sont les instruments juridiques internationauxélaborés pour venir en aide aux réfugiés et assurer leurprotection. Cette nouvelle publication du HCR examine lesprincipales questions liées à l’interprétation de la Convention,notamment le principe de non-refoulement, en vertu duquelaucun réfugié ne doit être expulsé vers un pays où il risqued’être persécuté, et explique à qui s’applique le terme “réfugié”.

L’ouvrage comporte également des passages sur les diversaspects du droit international en ce qui concerne l’âge etl’appartenance sexuelle, ainsi qu’un rapport sur la réunion quis’est tenue à Genève en décembre 2001, décrite comme la plusimportante sur les réfugiés depuis 50 ans. Lors de la réunion, lesparticipants ont réaffirmé la validité et l’importance de laConvention.

Compilée par trois experts juridiques du HCR, cette publicationinclut des textes rédigés par d’éminents spécialistesinternationaux en matière de réfugiés, ainsi que les conclusionsde plusieurs récentes tables rondes.

Publié par Cambridge University Press et disponible sur son siteprincipal www.cambridge.org, sur ses sites nationaux aux Etats-Unis et en Australie ainsi qu’auprès de CambridgeUniversity Press, The Edinburgh Building, Cambridge CB2 2RU,Royaume-Uni.

Prix :La collection complète de REFWORLD 2003 — soit une série de quatre CD-Romspubliée au printemps 2003, suivie d’une deuxième édition remise à jour plus tard dansl’année — est disponible à la vente au prix de :• 150 dollars pour les gouvernements, les agences de l’ONU, les institutionsacadémiques, les bibliothèques, les associations du barreau;• 75 dollars pour les organisations non gouvernementales, les centres de conseiljuridique, les particuliers et les avocats spécialisés dans les questions relatives auxréfugiés et aux demandeurs d’asile.Une réduction de 30% du prix total sera accordée pour toute commande de cinqcollections complètes ou plus.

Nouvelle édition de REFWORLDREFWORLD 2003* est une vaste collection de plus de 70 000 documentscomprenant des études et des rapports effectués par des organisationsgouvernementales et non gouvernementales sur différents pays, des documentsrelatifs à la politique et à la position du HCR, ainsi que des lignes directrices surles droits des réfugiés. Plus de 300 instruments internationaux et des centainesde cartes non disponibles sur le site web du HCR peuvent être consultés, demême que l’intégralité du catalogue de la bibliothèque du HCR contenant plusde 15 000 références de livres, de magazines sur les réfugiés, d’articles, decomptes-rendus de conférences et le Thésaurus des réfugiés.

*Essentiellement en anglais mais contient également un grand choix de documents enlangue française.

Département de la protection internationale

Section de l’information sur la protection

Case postale 2500

CH-1211 Genève 2

Tél. : +41.22.739-8555

Fax : +41.22.739-7396

e-mail : [email protected]

P O U R E F F E C T U E R V O T R E C O M M A N D E O U R E C E V O I R D E S I N F O R M A T I O N S

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Au milieu des années 90, le HCR venaiten aide à plus de 27 millions de personnes.Jamais l’agence humanitaire n’avait dû en

secourir autant en 53 ans d’existence. Ce nombre aensuite peu à peu diminué.

En 2001, deux millions de réfugiés et autrespersonnes relevant de la compétence du HCRétaient retirés des registres de l’agence, n’ayant plusbesoin de son soutien. Un an plus tard, lesstatistiques indiquaient une relative stabilisation dunombre de personnes nécessitant de l’aide, soitenviron 20,6 millions. Mais derrière ce chiffre secachait un phénomène tout aussi importantqu’encourageant : les populations prenant le chemindu retour étaient désormais bien plus nombreusesque celles sur les routes de l’exil. En effet, durantcette période, le nombre de civils ayant regagnéleurs villes et leurs villages, mais que le HCRcontinuait d’assister, a grimpé, passant d’environ500 000 à près de 2,5 millions. Par contre, le nombrede déracinés dans des situations d’urgence a baissé,passant de 18,3 millions à 16 millions.

L’année 2003 a vu se confirmer cette tendancepositive. Les grands mouvements de retour,notamment en Afghanistan, en Angola et au SriLanka, se sont poursuivis et devraient continuerpendant les 12 prochains mois, bien qu’à un rythmemoins soutenu. Par ailleurs, avec beaucoup devolonté et un peu de chance, plusieurs initiatives depaix actuellement en cours pourraient favoriserd’autres retours, au Soudan par exemple.

Mais les bonnes nouvelles de 2003, qui aurait puêtre une année phare, ont été assombries par uneinsoutenable réalité : la menace omniprésentepesant plus que jamais sur le personnel humanitaire.Avec ses 22 morts et ses dizaines de blessés, l’attentatà la bombe contre les bureaux de l’ONU le 19 août à

Bagdad, en Iraq, l’a prouvé. Aujourd’hui, force est deconstater que l’étendard qui protégeait leshumanitaires depuis des décennies est un bouclieren train de s’effriter et que le personnel sur leterrain, qu’il soit local ou international, peut à toutmoment, n’importe où dans le monde, être pris pourcible par des fanatiques religieux, des arméesirrégulières ou des factions rebelles.

Cette menace n’a fait que se confirmer ennovembre, lorsque Bettina Goislard, uneressortissante française de 29 ans travaillant pour leHCR dans la ville de Ghazni, au sud de Kaboul, a étéabattue de sang froid, en plein jour, par deuxinconnus.

Il est impossible d’éliminer le risque lorsque l’onse trouve au cœur de l’urgence pour protéger lesdéracinés. Mais les agences humanitaires, dont leHCR, vont devoir relever un défi de taille : élaborerdes stratégies opérationnelles pour garantir lasécurité de leur personnel sans pour autant entraverleur travail en faveur de ceux et celles qui ont tantbesoin d’eux et pour qui le retour est synonyme d’unespoir retrouvé.

Le Haut Commissaire Ruud Lubbers a qualifié de“réussite exceptionnelle” le retour des Afghans quitendent les bras à un avenir incertain, fragilisé par uneéconomie ruinée et par l’insécurité. A travers unreportage publié dans ce numéro de RÉFUGIÉS, un jeunephotographe afghan, Zalmaï, nous invite à partager sonregard sur ce retour dans un pays qui émerge de sesruines, plus envoûtant que jamais. L’ensemble de sontémoignage en images sera présenté en 2004 dans lecadre d’une exposition qui fera le tour du monde, ainsique dans un livre de photographies.

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Le retour…un passeport pour l’espoir

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Mort etdestruction ausiège de l’ONU àBagdad.

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C e fut une crise sans nulle autre pareille.En ce début de 2003, alors que les nuages de laguerre s’amoncelaient sur le Moyen-Orient, lesorganisations humanitaires mobilisaient leur per-

sonnel en prévision d’une catastrophe annoncée.Chacune avait encore en mémoire l’exode de deux mil-

lions de civils lors de la première guerre du Golfe en 1991,les marées humaines de déracinés lors de la crise dans lesGrands Lacs au milieu des années 90 et au Kosovo à la finde la décennie… Cette fois, il fallait absolument être prêt. D’oùune mobilisation et un déploiement impressionnants d’hu-manitaires, des tonnes de tentes et de secours d’urgence en-treposés dans toute la région. Il n’y avait plus qu’à attendre.

Alors on a attendu…En l’occurrence, on

le sait, la crise annon-cée n’a pas éclaté. Lescolonnes blindées de lacoalition anglo-améri-caine ont défié l’arméede Saddam Hussein enquelques semaines. Lapopulation n’a pratique-ment pas bougé. Seulsquelques milliers d’Ira-quiens ont cherché re-fuge de l’autre côté desfrontières.

La “guerre” appa-remment terminée à peine commencée, on s’est alors tournévers d’autres projets : aider les centaines de milliers de dé-placés à l’intérieur du pays sous l’ancien régime et convaincreune partie des millions d’Iraquiens de la diaspora à venir par-ticiper à la reconstruction de leur pays. Et l’on s’est pris à rê-ver de la fin d’une des plus longues crises humanitaires del’histoire contemporaine et du retour de millions de civilsdéracinés dans leurs foyers abandonnés depuis si longtemps.

Le réveil est brutal. Le 19 août, par une belle matinée en-

soleillée, une semi-remorque orange piégée, contenant plusd’une tonne d’explosifs, s’engage sur une voie d’accès longeantl’hôtel Canal, qui abrite le siège de l’ONU à Bagdad. Quelquessecondes plus tard, elle explose en un geyser de feu et de fu-mée noire, semant la terreur et la mort. Des pans entiers dubâtiment s’effondrent. Bilan : vingt-deux morts, dont SergioVieira de Mello, chef de la mission des Nations Unies enIraq, et 150 blessés.

“C’est comme un cauchemar. Mais nous avons les yeuxgrands ouverts, c’est la réalité ”, a déclaré le Secrétaire gé-néral de l’ONU, Kofi Annan.

L A F I N D ’ U N E É P O Q U E

En une fraction de seconde atroce et terrifiante, cette ex-plosion a remis en question, comme rarement auparavant,non seulement l’aide immédiate à des millions d’Iraquiensdémunis, mais aussi le rôle de l’ONU dans le monde et l’ave-nir même de l’action humanitaire.

Le carnage du 19 août et le climat d’incertitude qui s’estinstallé à Bagdad ont éclipsé les bonnes nouvelles de 2003.

Pourtant, il y en a eu. Des centaines de milliers d’Afghansont continué à rentrer chez eux —même si le flux s’est net-tement ralenti par rapport à 2002. D’autres réfugiés sont re-tournés en grand nombre au Sri Lanka, en Erythrée, en An-gola ou dans d’autres pays où ils pourront enfin reconstruireleur vie après des années, voire des décennies d’exil.

La République démocratique du Congo a opté pour ungouvernement de transition à l’issue d’un conflit sans doutele plus meurtrier de toute l’histoire de l’Afrique, au cours du-quel quelque 3,3 millions de personnes auraient péri. AuSoudan, les pourparlers de paix ont laissé entrevoir la find’une guerre civile qui avait déjà fait 2 millions de victimeset contraint 4 millions de personnes à errer dans les éten-dues désertiques et les savanes du plus vaste pays d’Afrique.Au Libéria, le despote Charles Taylor n’a pas eu d’autrechoix que d’abandonner le pouvoir ; et en Côte d’Ivoire voi-sine, une paix précaire succédait à des mois d’un sanglantconflit interne.

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2003 aurait pu être une année phare. A Bagdad, l’explosion d’unebombe a tout éclipsé.

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BettinaGoislard,assassinée enaccomplissantsa missionpour le HCR.

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A P / S U Z A N N E P L U N K E T T

Le Haut Commissaire Ruud Lubbers a annoncé qu’aprèsplusieurs années difficiles, le financement des opérationsdu HCR s’était amélioré, et que des initiatives visant àrenforcer la protection des réfugiés avaient été bien ac-cueillies par la communauté internationale (voir entretienpage 8). L’Assemblée générale des Nations Unies a recon-duit M. Lubbers dans ses fonctions pour un nouveau man-dat de deux ans, jusqu’à la fin de 2005.

Le HCR a entrepris la première enquête à l’échellemondiale sur le dossier des apatrides —des personnes nepossédant la nationalité officielle d’aucun pays. Les conclu-sions de cette étude permettront de trouver des solutionsà ce problème peu connu et peu médiatisé, qui touchepourtant quelque neuf millions de personnes dans le monde.

Ce bilan plutôt encourageant, notamment en ce quiconcerne les rapatriements, est confirmé par les dernièresstatistiques qui indiquent que si les bénéficiaires de l’aidedu HCR sont restés à peu près aussi nombreux (20,6 mil-lions au début de l’année), leur profil a considérablementchangé.

Ainsi, le nombre de nouveaux réfugiés et autres per-sonnes recevant une aide d’urgence ou de subsistance adiminué, passant de 18,3 millions en 2001 à 16 millions audébut de 2003, tandis que le nombre de rapatriés bénéfi-ciant de l’assistance du HCR a grimpé, passant de 500000à 2,5 millions au cours de la même période.

D E S N U A G E S À L’ H O R I Z O N

Par ailleurs, les difficultés et les revers n’ont certes pasmanqué. En Colombie, les mouvements de population ontété beaucoup moins importants qu’en 2002, mais deux dé-cennies d’instabilité ont tout de même déraciné près de 3millions de civils —qui ont surtout afflué à Bogota, la ca-pitale, où leur nombre avait augmenté de 140% en 2002.

Le conflit interne qui continue de déchirer la Colombiedemeure la pire catastrophe humanitaire de l’hémisphèreoccidental.

Des centaines de milliers de réfugiés burundais et so-maliens de longue date sont restés en exil faute de pou-voir retourner dans leurs pays en proie à des troubles ci-vils et politiques persistants. Quant à l’avenir des quelque534000 déracinés de Serbie-Monténégro ainsi que celuides 112000 Bhoutanais cantonnés depuis dix ans dans descamps au Népal, il ressemble encore à un immense pointd’interrogation. Et en Tchétchénie, nulle solution ne semblepoindre à l’horizon.

Dans le monde, il y avait encore quelque 25 millionsde personnes déplacées dans leur propre pays, dont prèsde 6 millions ont bénéficié d’une aide du HCR.

Presque chaque jour, des dizaines de personnes péris-sent en mer entre l’Afrique et l’Europe, la corne de l’Afriqueet le Yémen, et ailleurs, en quête d’une vie meilleure.

Le personnel du HCR chargé de la protection ne cachepas son inquiétude : en effet, en ces temps de guerre in-ternationale contre le terrorisme et d’obsession sécuritairede plusieurs pays, la sécurité des réfugiés et des humani-taires est plus ou moins passée à la trappe. Et les signesde crispation ne cessent de se multiplier, avec la détentionde plus en plus fréquente de demandeurs d’asile, les in-terceptions musclées de migrants, le durcissement des loisd’immigration et des mesures de sécurité de plus en plusdraconiennes.

Le principal dispositif mis en place par le HCR pourtrouver des solutions permanentes pour les réfugiés lesplus vulnérables — la réinstallation dans des pays tiers —a évidemment beaucoup souffert de ce climat d’hosti-lité, avec des chiffres inférieurs de moitié aux années pré-cédentes.

Afghanistan : lesfemmes prennentpart à lareconstruction dupays.

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Les pays européens poursuivent leurs travaux d’har-monisation de leurs procédures d’asile, processus long ettortueux, parfois contradictoire, car il faut arriver à séduireet convaincre non seulement des hommes politiques scep-tiques mais également un électorat indécis. Ainsi, le Pre-mier ministre britannique Tony Blair affirmait il y aquelques années que les valeurs incarnées par la Conven-tion de 1951 relative aux réfugiés étaient “immuables”. Ré-cemment, il jugeait la Convention “complètement dépas-sée”. Entre ces deux déclarations, son pays s’était engagésolennellement, avec une centaine d’autres, à honorer “plei-nement et efficacement” ses engagements au titre de laConvention de 1951.

Dans ce climat d’accomplissements majeurs, de pro-blèmes toujours non résolus et surtout d’interrogationscruciales quant à l’avenir de l’action humanitaire, 2003 a

bel et bien été, comme l’a déclaré Ruud Lubbers, “unebonne année dans un monde tourmenté”.

V I S I O N S D ’ H O R R E U R

Le 19 août, jour du carnage de Bagdad, est la page laplus noire de l’histoire de l’ONU. Trois ans auparavant, leHCR avait vécu son pire drame en 50 ans d’existence : le6 septembre 2000, une bande de miliciens faisait irrup-tion dans le bureau du HCR à Atambua, au Timor occi-dental, tuant à coup de machette trois humanitaires etbrûlant leurs cadavres dans la rue. Quelques jours plustard, à l’autre bout du monde, Mensah Kpognon, chef dubureau du HCR à Macenta, en Guinée, était assassiné pardes rebelles.

“Les mots nous manquent en de pareils moments, avaitdéclaré Sadako Ogata, alors Haut Commissaire. Pourquoides humanitaires innocents et non armés sont-ils abattusavec une telle sauvagerie ? Comment peser les risqueslorsque des centaines de milliers de réfugiés ont désespé-rément besoin de nous? Et que devons-nous, ainsi que lacommunauté internationale, faire de plus pour protégertoutes ces personnes qui n’hésitent pas à mettre leur vieen péril?”

A l’époque, il y avait eu des enquêtes et des promessesde réformes pour améliorer la sécurité et les méthodesopérationnelles. Trois ans plus tard, après Bagdad, loind’être résolues, les mêmes questions s’imposent.

Mark Malloch Brown, administrateur du Programmedes Nations Unies pour le développement, a parfaitementrésumé le dilemme de l’ONU et des organisations huma-nitaires: “Nous étions inquiets dès le début. Mais nous vou-lions fonctionner aussi normalement que possible, ne pasnous retrancher derrière des barbelés et des gardes armés.L’ONU est faite pour les peuples. Si nous perdons ce lienou s’il est tranché, ce ne sera pas seulement notre cordonombilical qui sera détruit, mais aussi le capital de confiance,de légitimité et d’autorité morale du drapeau bleu.”

Mais si Bagdad a été une sonnette d’alarme, elle s’estdéclenchée trop tard. En effet, bien des indices laissaientprésager que le “bouclier moral” protégeant les humani-taires était en train de s’effriter.

Après les meurtres d’Atambua, Soren Jessen Petersen,alors Haut Commissaire adjoint, avait exprimé sa vive in-quiétude quant à la vulnérabilité croissante des humani-taires. “Les risques que prend le personnel humanitairenon armé vont très au-delà de ce que tolérerait un mili-taire”, avait-il déclaré à l’époque.

En un peu plus de dix ans, l’ONU a perdu au moins240 fonctionnaires, et les ONG ont aussi payé un lourdtribut.

En 1996, six infirmières du Comité international de laCroix-Rouge ont été tuées à coup de matraque en Tchét-chénie. Fin juillet 2003, onze employés humanitaires lo-caux ont été enlevés et tués dans la République démo-cratique du Congo. En Afghanistan, quatre

EN UNE FRACTION DE SECONDE ATROCE ET TERRIFIANTE, L’EXPLOSION A REMIS EN QUESTION, COMMERAREMENT AUPARAVANT, NON SEULEMENT L’AIDE IMMÉDIATE AUX MILLIONS D’IRAQUIENS DÉMUNIS,MAIS AUSSI LE RÔLE DE L’ONU DANS LE MONDE ET L’AVENIR MÊME DE L’ACTION HUMANITAIRE.

2003 : L’ANNÉE EN REVUE

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RÉFUGIÉS : Comment définiriez-vous 2003 ?Ruud Lubbers : Comme une année positive as-

sombrie par la tragédie de Bagdad. Nous avonscontinué à rapatrier et à réintégrer des réfugiésen Afghanistan malgré les problèmes qui persis-tent dans le pays. Nous avons lancé une vaste opé-ration de rapatriement en Angola et poursuivicelle que nous avions commencée en Erythrée.Les discussions engagées pour résoudre la crisecongolaise ont suivi leur cours ; (le président)Charles Taylor a quitté le Libéria, ce qui a faitnaître un nouvel espoir pour ce pays.

Vous avez par ailleurs entrepris une séried’initiatives politiques pour élargir etrenforcer les activités du HCR.

Oui, et nous avons bénéficié du soutien desEtats membres chargés d’entériner nos activités(les 64 membres du Comité exécutif) qui ont bienaccueilli l’initiative de la Convention Plus (qui viseà renforcer la Convention de 1951 sur les réfugiés se-lon trois axes — amélioration de la protection, par-tage plus équitable des responsabilités entre les do-nateurs, les pays d’asile et les Etats les plus pauvres,où vivent la grande majorité des réfugiés et rechercheplus énergique de solutions permanentes pour tousles déracinés). Le projet de résolution relatif auprocessus HCR 2004 (examen des capacités duHCR à remplir sa mission, assorti de recommanda-tions pour les cinq prochaines années de son man-dat) sera bientôt présenté pour approbation à l’As-semblée générale des Nations Unies.

D’autres bonnes nouvelles ?Nous avons été mieux financés (après plusieurs

années de lourdes contraintes budgétaires).

Mais à côté de toutes ces avancées, il y aeu l’attentat de Bagdad…

Oui. La perte de nos collègues a été pour noustous une tragédie.personnelle. Mais ce drame aégalement eu pour conséquence de mettre en évi-dence la question plus large de la sécurité et dela politique à adopter face à toutes ces nouvellespressions et difficultés — la montée de l’anti-amé-ricanisme dans la région, le sentiment anti-ONU,les problèmes de sécurité d’un organisme tel quele HCR, dont l’essentiel du travail se fait sur leterrain. Dans l’ensemble, toutefois, 2003 a été unebonne année, bien que dans un monde tourmenté.

Comment le HCR peut-il se forger uneidentité qui lui permettra de poursuivreson travail sur le terrain dans un tel climatde danger ?

Nous devons naturellement travailler en étroitecoopération avec les services de sécurité de l’ONU,mais aussi projeter notre propre identité, distincteet spécifique. Je ne vois pas pourquoi on met toutl’ONU dans le même panier, en l’occurrence sou-vent perçu comme américain. Nous avons besoinde voir de nos propres yeux et d’entendre de nospropres oreilles ce qui se passe sur le terrain afind’être pleinement au courant de la situation etfaire notre travail. Nous devons être présents aucœur de l’action, pour tous sans exception. En Af-ghanistan, par exemple, nous discutons aussi bienavec ceux qui détiennent le pouvoir dans certainesrégions qu’avec le gouvernement et les autres ac-teurs. Nous ne faisons pas partie du grand dispo-sitif gouvernemental et international. Notre rôleest différent. Nous sommes opérationnels sur leterrain et nous devons être capables de juger nonseulement quand il faut intervenir mais aussiquand il vaut mieux s’abstenir.

Après l’attentat de Bagdad, vous avezdéclaré que le HCR ne pouvait pas

travailler au sein d’une forteresse. Par lasuite, les organismes des Nations Uniesont retiré leur personnel international.Que va-t-il se passer maintenant ?

On a demandé récemment aux chefs desagences humanitaires quelles étaient les priorités.J’ai dit au Secrétaire général qu’il fallait réduire lefossé entre l’Islam et le reste du monde. Nous de-vons être conscients du fait qu’il existe une scis-sion au Moyen-Orient et qu’elle justifie, aux yeuxde certains, la violence à l’encontre du personnelhumanitaire ailleurs dans le monde. Voilà pour-quoi je dis que nous vivons dans un monde enpleine tourmente.

Est-ce qu’on s’achemine vers une impassesur le plan humanitaire en Iraq ?

Actuellement, nous avons les mains liées, maisnous devons exploiter toutes les possibilités, conti-nuer à former notre personnel local et saisir toutesles occasions de concertation avec les autorités ira-quiennes. Nous pouvons gérer les opérations àpartir du Koweït en ce qui concerne le sud del’Iraq et peut-être de la Turquie pour ce qui estde la région kurde du nord.

Jusqu’aux années 90, le HCR intervenait àla périphérie plutôt qu’au cœur des zonesde conflit comme c’est souvent le casaujourd’hui. Si la sécurité continue de sedégrader, va-t-on de nouveau limiter lesinterventions aux pays dits sûrs ?

Je ne vois pas comment nous pourrions nouspermettre de rester à la périphérie. Nous devonscertes faire preuve de prudence et réduire lesrisques au maximum. Au Libéria, par exemple,notre personnel international a été momentané-ment évacué pour des raisons de sécurité. Maisil est de retour et s’est remis à la tâche. Des opé-

Le Haut Commissaire Ruud Lubbers passe en revuel’année 2003 : le rapatriement des réfugiés afghans, lespromesses de l’Angola et du Libéria, les implications del’attentat contre l’ONU à Bagdad.

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“Une bonnedans un monde

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rations comme celles menées au Libéria sont aucœur de la mission du HCR.

L’évolution de la situation en Afghanistandemeure des plus incertaines. Cette année,par exemple, le nombre de rapatriés estinférieur aux prévisions du HCR.

S’il est inférieur à notre objectif, il est loin d’êtrenégligeable. Je ne suis pas déçu. Et l’année pro-chaine, nous allons privilégier une solution plusrégionale. Les Afghans continueront à rentrerchez eux, mais par ailleurs beaucoup pourraientêtre autorisés à s’installer définitivement au Pa-kistan et en Iran. Je ne pense pas que ces deuxpays vont essayer d’expulser des Afghans tantqu’ils verront que nous faisons notre possible pourrapatrier tous les réfugiés qui veulent partir — ilsen abriteraient encore quelque 2,4 millions à euxdeux. N’oublions pas que les Pachtounes, qui sontdes membres actifs de la société pakistanaise, sontoriginaires d’Afghanistan.

Vous avez récemment proposé unenouvelle approche pour aider les quelque112 000 Bhoutanais réfugiés au Népal.Mais certains organismes internationauxvous ont accusé de soutenir le Bhoutan,qui ne souhaite pas le retour de la plupartde ces réfugiés, dans sa politiqued’épuration ethnique.

Nous n’aiderons pas vraiment ces personnes sinous nous contentons de leur porter assistancedans les camps de réfugiés, année après année —aussi nécessaire que cela puisse être. Nous allonsdonc progressivement diminuer cette forme d’as-sistance, et par conséquent, encourager un maxi-mum de retours dans le cadre d’un accord bila-téral entre le Népal et le Bhoutan, sans pour autantêtre directement partie prenante. Il faut trouverune solution permanente pour ces réfugiés, etsurveiller de près l’évolution de ce dossier.

Les pays européens tentent d’harmoniserleurs politiques en matière d’asile. Necraignez-vous pas qu’au bout du compteles réfugiés soient moins protégés ?

On ne peut nier qu’il existe en Europe un cer-tain ressentiment contre les étrangers, et que celaa tendance à s’accentuer. Mais il faut aussi voir les

aspects positifs. Le nombre de demandeurs d’asilediminue et c’est une bonne chose. Cela veut direque l’on est en train de trouver d’autres formes desolutions permanentes au problème des déracinés.Nous nous efforçons de faire la part des choses endisant que les demandes d’asile manifestement in-fondées ne peuvent être acceptées et que noussommes prêts à travailler à la recherche de solu-tions. On admet mieux aujourd’hui que l’aide audéveloppement peut donner des résultats dans lesrégions d’origine, assister les communautés d’ac-cueil et les réfugiés, et donc réduire les pressionsmigratoires sur l’Europe. Par ailleurs, les pays eu-ropéens commencent à accepter l’idée d’accueillirun nombre croissant de personnes pour alimen-ter leur main d’œuvre. Alors, pourquoi n’ajoute-raient-ils pas un certain nombre de candidats à laréinstallation à leur quota d’immigration?

Mais les possibilités de réinstallationpermanente dans un pays tiers ontsensiblement diminué…

Oui, en effet. Il y a beaucoup à faire dans cedomaine. L’ambassadeur du Chili, qui était ici ré-cemment, m’a parlé avec fierté de la réinstalla-tion de réfugiés afghans dans son pays. J’ai de-mandé combien ils étaient, et il m’a répondu :“Cinq.” Cela est encourageant, même si ce n’estqu’une goutte d’eau dans l’océan.

Les Etats-Unis acceptent normalement unnombre de candidats à la réinstallationlargement supérieur à n’importe quelautre pays. Depuis qu’ils ont été attaquéssur leur sol, ils en admettent en réalitébeaucoup moins que ce qu’ils avaientinitialement accepté d’accueillir.

Les Etats-Unis se préoccupent actuellementbeaucoup de leur sécurité. Mais il y a diverses opi-nions à Washington et je ne peux qu’applaudir lesAméricains de vouloir maintenir leur quota an-nuel de réinstallation à 70 000 personnes (l’annéedernière, ils en ont admis 26 300). Espérons qu’ilstiendront leurs promesses.

La réinstallation est un volet important dudispositif mis en œuvre par le HCR pourtrouver des solutions permanentes pourles réfugiés. Quelque 41 000 personnes

ont été réinstallées en 2002. Quel serait,selon vous, un objectif réaliste pourl’avenir ?

Disons 150 000 par an, d’ici cinq ans.

Vous avez déclaré l’année dernière que leHCR comptait rester encore un an enBosnie-Herzégovine, et un peu pluslongtemps en Serbie. Comment se portentles Balkans, aujourd’hui ?

Les choses se passent bien en Bosnie et en Croa-tie. Mais les Serbes du Kosovo ne rentrent toujourspas chez eux. Nous savons maintenant que beau-coup d’entre eux, qui vivent actuellement en Ser-bie, ne pourront jamais rentrer. Nous devons doncfavoriser leur intégration en Serbie. J’avoue êtredéçu par le peu d’intérêt dont témoignent les payseuropéens. Il est bien trop limité. Ce n’est pas juste.

Et en Afrique, quelle est la situation del’aide aux réfugiés ?

Meilleure qu’il y a un an, mais pas particuliè-rement brillante. Notre récent appel de fonds pourl’Afrique n’a pas eu beaucoup d’écho. Par exemple,nous n’avons pas recueilli assez de dons pour l’An-gola. Aux yeux des donateurs, l’Angola a beau-coup de pétrole et peut donc s’autofinancer. Maisdit-on la même chose pour l’Iraq, qui a égalementbeaucoup de pétrole ? Il y a encore deux poidsdeux mesures.

Quel sera le principal défi du HCR pour lesdouze prochains mois ?

Continuer à tenter de résoudre les crises quidurent depuis trop longtemps, comme au Népal,en Afrique et en Afghanistan, et faire tout ce quiest en notre pouvoir pour que les quelque 20 mil-lions de personnes qui relèvent de notre mandatpuissent reconstruire leur vie. B

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annéetourmenté”

L’espoir est de nouveau au rendez-vous en Angola :son peuple exilé prend le chemin du retour au terme deplusieurs décennies de conflit.

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Libéria :reconstruire unpays dévasté.

Lors du plus grandexode qu’ait connule continentafricain en 2003,des civils soudanaisont cherché refugeau Tchad.

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membres locaux d’une ONG danoise travaillant sur unprojet d’adduction d’eau ont été attaqués par une bandearmée, ligotés et tués par balles pour “collaboration avecdes étrangers”. En octobre dernier, Annalena Tonelli, uneressortissante italienne âgée de 60 ans qui avait consacré33 années de sa vie à des milliers de démunis en Soma-lie, a été abattue à bout portant dans l’hôpital même oùelle avait aidé tant de personnes désespérées. Elle venaitde recevoir du HCR la distinction Nansen pour les réfu-giés, en hommage à l’ensemble de son travail, une véri-table croisade humanitaire menée en solitaire.

En octobre toujours, une ambulance bourrée d’ex-plosifs s’est jetée contre le siège local de la Croix-Rouge àBagdad. L’explosion, d’une extrême violence (elle a creuséun cratère de six mètres dans le sol), a tué 12 personnes.

En novembre, au moment où nous mettons ce nu-méro sous presse, nous apprenons l’assassinat de BettinaGoislard, âgée de 29 ans, qui se trouvait à bord d’un vé-hicule clairement marqué du logo du HCR dans la villede Ghazni, à une centaine de kilomètres au sud de Ka-boul, la capitale afghane, lorsque deux hommes lui onttiré dessus.

Bettina Goislard est la première employée de l’ONUassassinée en Afghanistan depuis la reprise des opéra-tions dans le pays après la chute des taliban il y a deuxans, et le cinquième membre du personnel du HCR àavoir été tué sur le terrain depuis 2000.

C R I M E S D E G U E R R E

Les humanitaires paient désormais très cher leur vo-lonté de rester auprès des populations qu’ils aident et d’ac-complir leur mission en toute neutralité dans des condi-tions de danger extrême.

En effet, les conflits armés sont devenus de véritablespoudrières dépourvues de toute logique guerrière : plusde lignes de front à proprement parler, plus aucun res-pect du droit international et des vieilles conventions ta-cites —notamment du “bouclier moral” qui a protégé leshumanitaires pendant des décennies.

Face à cette nouvelle donne, la communauté interna-tionale se devait de réagir et d’adopter de nouvelles ap-proches. Elle s’est efforcée de le faire ces dernières années,mais il fallait manifestement aller beaucoup plus loin.

Un rapport de 40 pages établi par des experts indé-pendants à la suite de l’attentat meurtrier de Bagdad cri-tique sévèrement le système de sécurité de l’ONU, quali-fié de “disfonctionnel”, “offrant peu de garanties de sécuritéau personnel de l’ONU basé en Iraq ou travaillant dansdes situations à haut risque”, et nécessitant “un sérieuxtour de vis”.

Selon le syndicat du personnel des Nations Unies, cepremier rapport a réuni “des preuves accablantes (…) denégligences et de lacunes graves (…) sans toutefois incri-miner qui que ce soit”.

Le Secrétaire général Kofi Annan a donc annoncé lacréation d’un groupe d’experts indépendants chargés cettefois d’identifier les origines de ces lacunes. Il y a cinq ans,il avait créé un fonds d’affectation spécial pour la forma-tion du personnel aux règles de sécurité. Hélas, ses appelsà contributions ont été peu entendus —les dons atteignentà peine 2 millions de dollars, versés pratiquement par unseul pays, le Japon.

La Convention de 1994 sur la sécurité du personnel del’ONU et du personnel associé est entrée en vigueur en1999. Elle compte aujourd’hui 69 Etats parties, mais la plu-part du temps ne s’applique pas aux humanitaires.

ENTRE ACCOMPLISSEMENTS MAJEURS, PROBLÈMES NON RÉSOLUS ET INTERROGATIONS 2003 A BEL ET BIEN ÉTÉ, COMME L’A

2003 : L’ANNÉE EN REVUE

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Survivants desmassacres enRépubliquedémocratique duCongo. Maisaujourd’hui, l’espoird’un retour à lapaix renaît.

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CRUCIALES QUANT À L’AVENIR DE L’ACTION HUMANITAIRE, DÉCLARÉ RUUD LUBBERS, “UNE BONNE ANNÉE DANS UN MONDE TOURMENTÉ”.

Par ailleurs, la tragédie de Bagdad a poussé le Conseilde sécurité à adopter, sans attendre et à l’unanimité, unerésolution qualifiant de “crimes de guerre” les attentatscontre le personnel humanitaire.

Q U E F A I R E O U N E PA S F A I R E

Les humanitaires sont de plus en plus souvent ame-nés à travailler avec ou à côté de militaires directementimpliqués dans les conflits —comme au Kosovo ou en Iraq.Quelle proximité —ou quelle distance— doivent-ils et peu-vent-ils ménager dans leurs rapports avec des forces ré-gulières qui sont peut-être les seules capables de les pro-téger concrètement?

Une organisation telle que le HCR doit-elle travaillerà la périphérie des zones de conflits plutôt qu’à l’intérieur,comme elle le faisait généralement avant les années 90?Non, a répondu le Haut Commissaire Lubbers (voir en-tretien page 8) car même si “nous devons certes faire preuvede prudence et réduire les risques au maximum, je nevois pas comment nous pourrions nous permettre de res-ter à la périphérie”.

Peut-être que les futures opérations humanitaires de-vraient-elles être “désoccidentalisées” et mobiliser davan-tage les ONG locales et leur personnel? Mais l’on peut seposer des questions en constatant qu’en Afghanistan etailleurs les humanitaires locaux sont tout autant visés queleurs collègues étrangers.

De même, la Croix-Rouge, dont le mode d’opérations—garder un profil bas, dialoguer avec toutes les parties etrégler les problèmes de sécurité avant qu’ils ne devien-nent une menace— était salué par tous et notamment leHCR, a été prise pour cible comme les autres agences hu-manitaires, malgré sa légendaire réputation de neutralité.

En définitive, quoi qu’elles décident, les organisationshumanitaires sont peut-être tributaires des choix tactiques

des milices et armées irrégulières qui sévissent dans lespoints chauds du globe. Tant que les factions belligérantespersisteront à utiliser les humanitaires comme autant depions dans leurs sombres calculs politiques et militaires,il sera difficile de concevoir les stratégies de compromisnécessaires pour pouvoir travailler dans un minimum desécurité.

U N E A N N É E P H A R E ?

2002 avait marqué une sorte de tournant : en effet, descrises “prolongées”—comme on appelle dans le jargon bu-reaucratique les situations d’urgence apparemment sans is-sue— avaient brusquement donné des signes de déblocage.

L’année 2003 a donc été une année de renforcementde ce type d’opérations. Volker Turk, chef de l’équipe char-gée de la politique de protection et des conseils juridiquesdu HCR, estime que l’attention renouvelée portée à cesgrandes crises est l’une des meilleures nouvelles des douzederniers mois. “Mais il faudra encore travailler d’arrache-pied, souligne-t-il. Nous restons une sorte de club occi-dental. Les pays en développement attendent de voir. Dansl’ensemble, c’est plutôt encourageant.”

Au lendemain de la chute des taliban et de l’investitured’un nouveau gouvernement provisoire à Kaboul, les ré-fugiés afghans ont commencé à rentrer chez eux par tousles moyens possibles et imaginables. En 2002, plus de 2millions de civils ont été rapatriés dans le cadre d’uneopération d’une ampleur sans précédent depuis trenteans. Le flux s’est considérablement ralenti en 2003, maisvers la fin de l’année le nombre de retours avait atteint les3 millions. Ce fut, comme l’a déclaré le Haut Commis-saire adjoint Kamel Morjane, “un grand moment de l’his-toire du HCR”. Et le Haut Commissaire Ruud Lubbers a rappelé que l’opération pour l’Afghanistan “a été uneréussite exceptionnelle, surtout compte tenu de l’extrême

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détérioration des conditions de sécurité et de l’état dupays, transformé en champ de ruines par des dizainesd’années de guerre”.

On a vu le même scénario plus au sud, au Sri Lanka,autrefois surnommé la Perle de l’océan Indien. En février2002, le gouvernement et les Tigres de l’Eelam tamoulont signé un cessez-le-feu dans l’espoir de mettre un termeà 25 ans de conflit. Plus de 260000 personnes sont ren-trées chez elles dans les quelques mois suivants. Le mou-vement s’est ralenti dans la première moitié de 2003 (en-viron 50000 retours), sur fond d’inquiétudes quant à ladurée de la trêve alors qu’il y avait encore quelque 400000déplacés dans le pays.

Sur le continent africain, le retour des civils s’est pour-suivi en Sierra Leone, il y a peu de temps encore déchirépar l’un des conflits les plus meurtriers sur terre, avecses armées de gamins dressés à “l’art” d’amputer les ci-vils à coups de machette, parfois même leurs propres pa-rents. Quand l’opération de rapatriement s’achèvera à la fin de l’année prochaine, quelque 400 000 Sierra-Léonais auront enfin la possibilité de reconstruire leur viedans leur patrie.

En Angola, les trente ans de guerre civile ont fait plusd’un million de morts, 4 millions de déplacés internes et500000 réfugiés. Quand les armes se sont enfin tues enavril 2002, quelque 1,5 million de déplacés et 100000 ré-fugiés se sont empressés de prendre le chemin du retoursans attendre les aides officielles. En 2003, le HCR etd’autres organisations humanitaires ont aidé plus de 67000autres réfugiés angolais à regagner leur pays.

Si les rapatriements ont été moins nombreux l’an der-

nier, le bilan n’en demeure pas moins encourageant pourun continent qui, vu de l’extérieur, semblait éternellementvoué à mille et une tragédies entraînant dans leur sillagedes millions de victimes. En fait, le plus grand exode de2003 a été celui des 65 000 Soudanais ayant dû fuir auTchad pour échapper aux affrontements entre l’armée ré-gulière et les rebelles au Sud-Soudan.

“Le grand espoir, ce sont tous ces processus de paix encours, au Soudan, au Congo et ailleurs”, a expliqué DavidLambo, chef du bureau Afrique du HCR. “Les notions deprévention des conflits et de partage du fardeau entre lesEtats sont en train de s’imposer et de devenir bien réelles.Au début de l’année, j’apercevais une lueur au bout dutunnel. Douze mois plus tard, le soleil semble pointer der-rière les nuages et briller sur l’Afrique.”

Le continent n’est toutefois pas tiré d’affaire. Il compteencore 3,3 millions de réfugiés et des millions de déplacésinternes. Et la misère y est telle que des milliers de can-didats à l’exil n’hésitent pas à affronter une mort quasi-certaine en quête d’une vie meilleure.

En octobre, des pêcheurs italiens ont trouvé au largede la Sicile une embarcation remplie de morts-vivants etde cadavres. Seuls 15 des 28 passagers encore à bord étaienten vie. Apparemment, ils dérivaient en haute mer depuis13 jours à la suite d’une panne de moteur. Ils avaient déjàjeté une cinquantaine de cadavres par-dessus bord maisles morts, trop lourds à soulever vu l’extrême faiblesse dessurvivants, leur avaient servi de protection contre les élé-ments. Quand ils ont été découverts, ils étaient tellementépuisés qu’ils ne pouvaient même plus prendre la nour-riture qu’on leur tendait.

MAIS SI BAGDAD A ÉTÉ UNE SONNETTE D’ALARME, ELLE S’EST DÉCLENCHÉE TROP TARD. BIEN DES INDICESAVAIENT LAISSÉ PRÉSAGER QUE LE “BOUCLIER MORAL” QUI PROTÉGEAIT LES HUMANITAIRES ÉTAIT ENTRAIN DE S’EFFRITER.

Colombie : descivils continuent àfuir la crisehumanitaire la plusgrave del’hémisphèreoccidental.

Tandis que l’Europese débat pourharmoniser sespolitiques d’asile,des personnesdésespérées, dontces réfugiésdébarquant sur lescôtes italiennes,tentent de mettrepied sur le“continent promis”.

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L A T E R R E P R O M I S E

Ces boat people somaliens, espéraient fouler le sol del’Europe. Leur embarcation comptait parmi la flottille toutaussi vétuste qu’hétéroclite de vieilles coques rouillées, decanots pneumatiques usés et de vétustes voiliers qui chaqueannée tentent d’accoster sur la façade méditerranéenne laplus poreuse de l’Europe, plus que jamais symbole de laterre promise.

Beaucoup n’arrivent jamais à destination, mais les grostitres que font chaque naufrage et chaque découverte declandestins —demandeurs d’asile ou migrants économiquestombés aux mains des trafiquants— ont fini par convaincrecertains responsables politiques, des journalistes et unepartie de l’opinion publique que leur pays était littérale-ment assiégé et que le danger était imminent.

L’Europe, berceau d’une grande partie du droit inter-national humanitaire, est indubitablement confrontée àdes défis. Tout d’abord, elle est beaucoup plus proche, etdonc plus accessible, que l’Amérique ou l’Océanie. Depuisdes siècles, c’est une terre d’asile pour des millions de déses-pérés, dont la présence en grand nombre provoque par-fois des tensions sociales. Les 15 pays de l’Union euro-péenne s’évertuent depuis cinq ans à harmoniser leurspolitiques d’asile et d’immigration, exercice qui s'avéreraencore plus ardu lorsqu’ils seront rejoints par dix nouveauxmembres en 2004.

Raymond Hall, chef du bureau Europe du HCR, a dé-crit l’année 2003 comme “inquiétante”, marquée par desmesures de plus en plus restrictives et une rhétorique pa-ranoïaque qui a empoisonné le débat national. En Grande-Bretagne, par exemple, Oliver Letwin, Ministre de l’inté-rieur de l’opposition conservatrice, a annoncé que si sonparti remportait les prochaines élections, il déporterait tous

les demandeurs d’asile sur une île “de triage” —mais sansavoir “la moindre idée” du lieu en question.

En Suisse, l’Union démocratique du centre (UDC) aremporté 26,6% des suffrages aux dernières élections fé-dérales avec des slogans et des affiches dénonçant “les dé-linquants chouchoutés, les demandeurs d’asile arrogantset la pègre albanaise”.

Les tabloïds anglais en ont tellement rajouté au climatd’excitation ambiante que le conseil de surveillance de lapresse britannique a dû énoncer des règles d’éthique pourles articles sur les demandeurs d’asile et les réfugiés, quebien entendu les journaux se sont empressés d’ignorer.

Un écrivain belge s’en est pris au Haut CommissaireLubbers, coupable selon lui de “croire encore les racontarsdes demandeurs d’asile, qui viennent en Europe pour im-poser l’islam et être logés, nourris et soignés gratis. Il fau-drait supprimer le HCR pour assurer à l’Europe un ave-nir plus sûr”.

Tout cela en dépit du fait que le nombre de deman-deurs d’asile n’a cessé de diminuer en Europe, tombant audeuxième et troisième trimestres de 2003 à son niveau leplus bas depuis 1999, date des premières statistiques tri-mestrielles du HCR. Le nombre de demandes a diminuéde 20% au cours des neuf premiers mois de l’année pourl’ensemble du monde industrialisé.

Mais il y a eu d’autres réactions, très différentes celles-là. Ainsi, les habitants de la petite île d’Ameland, dans lamer du Nord, ont protesté contre la fermeture du centrelocal d’hébergement de demandeurs d’asile décidée par legouvernement néerlandais, non seulement à cause de l’im-pact économique de cette décision mais aussi, comme l’aexpliqué le conseiller municipal Jan van der Pruik, parceque “certaines familles ont maintenant de vrais amis ici.

2003 : L’ANNÉE EN REVUE

Les dossiers de cesréfugiéspalestiniens, pris aupiège au lendemainde la guerre enIraq, sont examinésdans un centre duHCR à Bagdad.

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Leurs enfants vont en classe avec les nôtres. Passer troisans dans le même village, cela crée des liens”. Ils n’ont pasété écoutés et le centre a été fermé.

Les gouvernements ont réagi aux pressions de l’opi-nion de leurs citoyens et à leurs propres préoccupationsen durcissant les législations relatives à l’aide sociale et ju-ridique ainsi qu’au regroupement familial. En Grèce, letaux d’approbation des demandes d’asile a chuté de 22% àtout juste 1,1% en l’espace d’un an. L’Autriche, qui fut l’undes pays les plus accueillants d’Europe, est maintenantl’un des plus fermés.

La Grande-Bretagne a proposé que tout étranger arri-vant sans papiers soit passible de deux ans d’emprisonne-ment. A leur arrivée aux Etats-Unis, certains demandeursd’asile ont été poursuivis pour tentative d’immigrationclandestine. Le Protocole de 1967 à la Convention de 1951relative au statut des réfugiés (ratifié par les deux pays)interdit pourtant de sanctionner les étrangers sans papiersdans certaines circonstances, notamment du fait que beau-coup de réfugiés n’ont pas le temps de prendre leurs pa-piers d’identité avant de s’enfuir.

Raymond Hall s’inquiète de la naissance d’un paradoxeen Europe : “Alors qu’ils savent que la seule manière des’attaquer véritablement à la question de l’asile est d’agir

collectivement, les pays se sentent soumis à des pressionstelles qu’il leur est difficile de renoncer à une partie deleur souveraineté au nom d’une cause commune.”

Le risque, c’est que l’harmonisation européenne se fassenon pas dans un souci de meilleure protection des réfu-giés, mais sur la base du plus petit dénominateur com-mun —celui des mesures les plus restrictives— le pire scé-nario étant, comme l’a dit un fonctionnaire, que “les Etatspaniquent et renoncent purement et simplement à touteffort d’harmonisation”.

D E R R I È R E L E S G R O S T I T R E S

Loin des crises télégéniques, le HCR a poursuivi sonaction de tous les jours au service des réfugiés. Après desrapports faisant état de sévices sexuels dans certains campsde réfugiés d’Afrique de l’Ouest, il a introduit un code deconduite à l’intention du personnel humanitaire et a misen place de nouveaux dispositifs pour mieux protéger lesfemmes et les petites filles.

Des juristes ont travaillé avec les gouvernements dansle monde entier : à l’intérieur des frontières bientôt élar-gies de l’Union européenne, en Colombie, en Equateur,au Costa Rica et ailleurs en Amérique latine, ainsi qu’enAsie, en vue de renforcer les systèmes et les lois relatifsà l’asile.

Les Etats-Unis, qui ont pris la tête de la lutte interna-tionale contre le terrorisme, ont introduit dans leur ad-ministration des changements radicaux, notamment enintégrant leur service d’immigration au tout nouveau dé-

partement de la sécurité intérieure. Les responsables duHCR ont travaillé avec des organismes privés et le Congrèsaméricain pour promouvoir des textes spécifiques tels quela loi de 2003 relative à la protection des mineurs étran-gers non accompagnés.

Sur un plan plus anecdotique, les athlètes participantaux Jeux olympiques de 2004 à Athènes seront invités àfaire don de leurs maillots au profit des réfugiés, et desathlètes grecs se rendront dans certains camps. A Prague,les serveurs d’une chaîne de fast-foods appelée «PizzeriaEinstein», créée par des réfugiés, portent des t-shirts avecle portrait d’Einstein au logo du HCR pour sensibiliser laclientèle à la question des réfugiés. En Côte d’Ivoire, leHCR a parrainé l’enregistrement de CD d’artistes locaux,une série télévisée et des messages à la radio et à la télé-vision afin de combattre la xénophobie.

L E S D É F I S D E D E M A I N

L’insécurité a été un véritable fléau pour les opéra-tions humanitaires en 2003. Elle hypothèque mainte-nant l’avenir.

L’ONU a retiré une grande partie de son personnel in-ternational en Iraq après l’attentat de Bagdad, et les ONGont réduit leurs effectifs. Les plans ambitieux élaborés pour

encourager le retour de centaines de milliers de civils ontété gelés car personne ne pouvait savoir si la situation al-lait s’améliorer rapidement dans la région.

Dans une partie de l’Afghanistan et dans d’autres ré-gions, les programmes ont été suspendus ou réduits, etles déplacements des humanitaires ont été davantage res-treints. Les donateurs ont remis en question le finance-ment de certains projets. Des humanitaires des plus mo-tivés commencent à se demander tout haut s’il fautcontinuer à s’aventurer dans des régions où “tout le mondeest devenu une cible potentielle”, comme l’a déclaré auTimes un médecin britannique ayant travaillé dix ans dansdes zones de combats.

Cette période d’incertitude se prolongera sans doute en2004 pendant que l’ONU et les ONG essaieront de trou-ver de nouvelles solutions pour se prémunir de l’insécurité.

Malgré l’incontestable réussite de l’opération de rapa-triement en Afghanistan, le Haut Commissaire adjointKamel Morjane reconnaît que le HCR se trouve face à“des difficultés bien plus complexes”. En effet, l’agencepour les réfugiés, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Iran ten-tent de maintenir la dynamique des retours et planifiersimultanément la réintégration permanente tout en es-sayant de régler la situation des très nombreux exilés af-ghans qui ne souhaitent pas retourner dans leur patrie.

Lors d’une récente réunion tenue à Genève, les repré-sentants de ces trois pays ont exprimé leur inquiétudequant à l’éventualité d’une désaffection prochaine de lacommunauté internationale. “Si l’aide est supprimée pré-

2003 : L’ANNÉE EN REVUE

EN DÉFINITIVE, QUOI QU’ELLES DÉCIDENT, LES ORGANISATIONS HUMANITAIRES SONT PEUT-ÊTRETRIBUTAIRES DES CHOIX TACTIQUES DES MILICES ET ARMÉES IRRÉGULIÈRES QUI SÉVISSENT DANS LESPOINTS CHAUDS DU GLOBE.

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maturément, tout ce que nousavons fait jusqu’ici n’aura servi àrien”, a souligné un ministre ira-nien.

Au Sri Lanka, suite à la remiseen cause des négociations de paix,les très nombreuses personnes quisont toujours déplacées doivent sepréparer à d’autres lendemainsdifficiles, tandis qu’en Tchétché-nie et au Kosovo la situation desdéplacés n’a pas connu d’amélio-ration notable.

Comme l’avenir des 112000 ré-fugiés bhoutanais semblait obsti-nément bloqué, le Haut Com-missaire Lubbers a essayé de faireévoluer la situation en annonçantun changement radical du dispo-sitif d’assistance. Plus précisément,il a proposé la fin du programmemis en place il y a dix ans dansles camps de réfugiés, une aide àl’intégration locale et un pro-gramme de réinstallation des ré-fugiés les plus vulnérables dansdes pays tiers. Certaines organisa-tions ont dénoncé ces propositions,qu’elles accusent de servir les des-seins des autorités bhoutanaises,à savoir, soutenir l’épuration eth-nique des civils expulsés au débutdes années 90.

Le grand défi de l’Europe en2004 sera l’entrée de dix nouveauxpays dans l’Union européenne.Comme ils se trouvent à la bor-dure de l’espace européen, les nou-veaux venus pourraient bien êtreobligés de traiter l’essentiel des de-mandes d’asile et d’immigrationpour toute la communauté, alorsqu’ils sont les moins bien équipéspour s’atteler à une telle tâche.

“Il faut que chaque pays européen prenne sa part dufardeau au lieu d’essayer de s’en décharger sur les autres,souligne Raymond Hall, sinon les systèmes d’asile fragilesrisquent d’imploser, l’autre danger étant que les pays fer-ment carrément leurs frontières.”

Le relèvement de l’Angola est quant à lui resté sur lesrails. Et les violences sporadiques enregistrées au Congone seraient plus que “le dernier souffle d’une guerre mo-ribonde”, pour reprendre les termes d’un fonctionnaire del’ONU. Les plans sont en place pour commencer à rapa-trier un demi-million de réfugiés soudanais dès que les

pourparlers de paix auront avancé. Le quota de réfugiésaccueillis par les Etats-Unis au titre de la réinstallation de-vrait remonter jusqu’à son niveau antérieur de 70000 per-sonnes par an. Et pour la première fois, la Grande-Bre-tagne a accepté un petit nombre de réfugiés candidats àla réinstallation.

Comme l’a dit David Lambo, le soleil a peut-être vrai-ment commencé à briller pour au moins une partie desplus démunis de la terre. Mais les attentats de Bagdad etla vague d’assassinats qui continue de frapper les huma-nitaires jettent une ombre menaçante sur une année oùl’espoir aurait pu avoir une plus grande place. B

FACE À CETTE NOUVELLE DONNE, LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE SE DEVAIT DE RÉAGIR ETD’ADOPTER DE NOUVELLES APPROCHES. ELLE S’EST EFFORCÉE DE LE FAIRE CES DERNIÈRES ANNÉES. MAIS,MANIFESTEMENT, IL FALLAIT ALLER BEAUCOUP PLUS LOIN.

Ce soldat sri-lankaishandicapé participeà une manifestationsportive dans sonpays qui lutte pourmaintenir un fragileaccord de paix.

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L a guerre a ravagé le pays pendant plus d’un quart de siècle. Rois et présidents, mollahs et milices, grandes

puissances, sont venus puis repartis. Les écoles, les hôpitaux, les routes, les usines et les fermes sont en

ruines. Et l’une des plus graves sécheresses de mémoire d’homme est venue exacerber les souffrances

d’une nation dévastée. A un moment ou à un autre, pratiquement tous les habitants de l’Afghanistan ont

été déracinés et ont dû quitter leurs villes et villages. Au plus fort de l’exode, plus de six millions de civils se sont

réfugiés dans les Etats voisins. Face à ce désastre humanitaire sans précédent, la communauté internationale a

d’abord fait preuve de sollicitude puis d’oubli. Des milliards de dollars ont afflué pour tout

juste maintenir en vie l’une des populations les plus démunies et les plus vulné-

rables au monde. Après le renversement des taliban et la mise en place

d’un nouveau gouvernement provisoire en décembre 2001, une aube

nouvelle s’est enfin levée sur l’Afghanistan. Dans les mois qui ont

suivi, plus de deux millions de réfugiés sont retournés chez

eux avec la ferme volonté de reconstruire leur vie. A la fin

de 2003, ils étaient plus de trois millions à avoir pris le

chemin du retour. Certes, le rythme des rapatrie-

ments a ralenti et une grande partie du pays est

encore à l’état de ruines. Certes, l’insécurité

est toujours présente et l’avenir incer-

tain. Mais en dépit de cela, pour

reprendre les termes de Kamel

Morjane, notre Haut Commissai-

re assistant, l’Afghanistan s’ins-

crit désormais comme “un

grand moment de l’histoire du

HCR”. A travers les images que

nous vous présentons ici, un

jeune photographe afghan,

Zalmaï, a su capter l’âme

d’un pays et la volonté

d’un peuple plus que

jamais déterminé à

exorciser un pas-

sé meurtri et se

lancer, à corps

perdu, dans

la réalité et

les promesses d’aujourd’hui.

Un grand moment de l’histoire

PESHAWAR, PAKISTANGrimper à bord d’un camion :

le rêve du retour devient réalité.

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KANDAHARReconstruire aujourd’hui

pour demain.

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BAMYANDéplacés internes afghans

rentrant chez eux.

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BAMYANLe passé et le futur.

Destruction des célèbres statuesde Bouddha, pétrole pour la

reconstruction de l’Afghanistan.

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22 R E F U G E E S

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23R E F U G E E S

KANDAHARLes sages du village

s’interrogent sur l’avenirde leur pays.

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BAMYANAdolescents nés en exil,

devant ce qui fut la maison deleurs parents.

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BAMYANDes rapatriés découvrent

la destruction des grandiosesstatues de Bouddha.

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SHOMALIPremiers pas vers la

reconstruction.

QALA NAWPremière moisson après six

ans d’exil en Iran.

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KABOULAu milieu des décombres,la vie reprend ses droits.

KABOULLa “main à la pâte”

dans une boulangerie.

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KABOULVestiges et promesses d’avenir :

il faut tout reconstruire.

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AÏBAKAu lendemain de quatreans d’exil, le retour de

plusieurs générations dansleur village.

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KANDAHAR“Cette bête m’a aidé à survivre,

autrefois. Comment vais-je pouvoirvivre sans mon troupeau,

aujourd’hui ?”

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QALA NAWRetour à la terre.