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Les archives au Maroc : Quelles perspectives ?

Casablanca Juillet 2010

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Sommaire

Avant-propos 2

Introduction 4

I - Le contexte de la loi sur les archives 7

II. La constitution des archives publiques 11

III. L’institution des Archives du Maroc 15

VI. L’accès aux archives 17

V. Les contours d’une loi 21

VI. Conclusion et Recommandations 31

Annexes 34

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Ce rapport est le produit d’une collaboration entre Mme Hada Kechoune, spécialiste e n communication et documentation, M. Bachir Znagui, chercheur consultant et Said Essoulami, directeur du CMF MENA. Il a été réalisé dans le cadre du projet du Réseau Arabe pour la liberté de l’information soutenu par MEPI et l’Institut Radi du Management de l’Université de Californie, à San Diego.

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Avant-propos

La loi 69/99 promulguée en 2007 vient combler le vide juridique existant dans le domaine de la gestion des archives publiques. Son objectif est de mettre en place un cadre juridique pour la gestion du patrimoine archivistique national. Cette réforme d’un secteur autrefois négligé par les pouvoirs publics a été proposée par les membres de l’IER après avoir constaté l’état des lieux des archives publiques.

Des textes réglementaires doivent préciser les orientations, définir le cadre d’une organisation appropriée, ainsi que des procédures spécifiques aux modes d’administration. Seulement, trois ans après sa promulgation, la loi est toujours sans décret d’application. Une commission vient être mise en place par le Ministre de la culture pour la mise en œuvre des termes de cette loi tant attendue.

Le CMFM a établi ce rapport, en espérant apporter des éclaircissements sur les apports de cette loi en matière de gestion et conservation des archives nationales. Le rapport analyse la corrélation qui existe entre une bonne administration des archives et l’application du principe de la libre communicabilité des archives publiques qui est assujettie à des restrictions imposées par la loi, et qui peuvent être accentuées par les possibilités techniques de l’administration.

Le rapport développe également un argumentaire qui met en exergue l’importance des archives dans un monde en mutation et où les technologies de l’information constituent un moyen fiable pour une gestion rationnelle et efficiente des archives.

Il appelle aussi à une mobilisation de tous les acteurs concernés par ce sujet, afin de conjuguer leurs efforts dans le but d’accomplir la mission de constitution de la mémoire écrite et orale du pays, gage pour une planification intelligente de l'avenir en se fondant sur l'expérience antérieure. Il est également un plaidoyer pour l’inscription de ce sujet au sein des priorités de l’Etat marocain.

Said Essoulami

Directeur du CMF MENA

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Introduction

L’accès aux archives publiques pose la question de la tenue des archives produites au sein des administrations. L’intérêt qui leur est réservé est très limité, elles subissent la loi de l’usure et de la destruction naturelle ou provoquée. Il semble que la question des archives relève toujours du système oral traditionnel où de quelques personnes ressources rares qui remplacent le système des archives servant de mémoire et de témoin. Le retard dans ce domaine commence à se faire sentir à plusieurs niveaux : recherche scientifique, vie quotidienne des citoyens, réalisation de projet de développement, etc. Cet état de fait résulte d’un déficit juridique et organisationnel. En effet, la première loi d'ensemble sur les archives remonte à celle du 07 octobre 1932, instituant le dépôt légal (qui avait confié la réception et la gestion des archives nationales à la Bibliothèque Générale et Archives). La nouvelle, loi n° 69/99 sur les archives est à l'origine d'acquis essentiels tels que la définition des archives, la distinction entre archives publiques et archives privées, l’institution d’une structure nationale d’organisation des archives, ou encore la mise en place de sanctions pénales. C’est une loi qui souhaite appuyer le citoyen marocain en matière d’accès à l’information, en créant un mouvement d'ouverture et de transparence de l'administration. Sans remettre en cause ces acquis, le législateur vise à adapter les dispositions de cette loi à l'évolution du contexte politique, économique et social. Il prend en compte les besoins exprimés par les chercheurs et militants des droits de l’homme. Soucieux de faire accéder les citoyens, avec plus de facilités aux sources de leur histoire et d'y trouver parfois le moyen d'exercer leurs droits, il s'appuie sur différentes réflexions, notamment la recommandation émise par L’Instance Equité et Réconciliation (IER) sur “la préservation des archives de l’IER et des archives publiques.”

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Devant les mutations sociales et les efforts consentis au cours de la dernière décennie, pour la mise en place d’institutions et instruments juridiques nécessaires à l’approfondissement de la démocratie, la promulgation d’une loi sur les archives reste primordiale à la modernisation de l’Etat par la mise en place de nouveaux procédés de gouvernance qui doivent profiter à l’ensemble des citoyens et l’administration qui en est le premier utilisateur. La consécration des dispositions de cette loi dans le domaine de la gestion et de l’organisation des archives, constitue une avancée vers la construction de la société de l’information. Cependant, des efforts doivent être consentis pour l’harmonisation des pratiques et des règles de travail afin que cette loi acquière une valeur par la dynamique qu’elle va créer dans l’enceinte des administrations ravagées par le culte de la confidentialité du secret et la forte hiérarchisation du système administratif, principaux facteurs qui ont contribué à la rétention systématique de l'information dans les administrations et, par de là, la construction d’un environnement d'accès difficile à l'information administrative. Cette situation fait que les journalistes multiplient des tentatives d'investigation dans l'administration en courant le risque d'accusation pour l'infraction de recèle de documents administratifs, alors que les chercheurs, eux, sont souvent obligés d'abandonner leurs recherches ou de soudoyer les agents de l'administration. Les dispositions de la loi favoriseront-elles des plans d’action visant à améliorer la gestion et la traçabilité des documents qu’ils soient actifs, semi actifs ou inactifs ? Couvrent-t-elles tous les domaines des activités des archives à savoir, le contrôle systématique, la création, la réception, la maintenance, l'utilisation et la mise à disposition des documents ? L’institution Archives du Maroc créée par la loi sera-t-elle dotée des moyens nécessaires pour imposer une gestion rationnelle des archives ; nécessité qui s’impose par le développement de l’économie numérique qui implique une maîtrise renforcée de la conservation et de la destruction des documents servant de preuve.

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I. Le contexte de la loi sur les archives

A. Historique Les archives sont d’abord des documents conservés à des fins utilitaires. Les documents d’archives recèlent nombre d’informations, aussi bien sur les grands évènements ayant marqué une époque que sur la vie quotidienne d’une société et des individus qui la composent. Les archives forment ainsi un matériau de première main, dont l’exploitation permet de faire l’histoire de tous.

Pendant des siècles les archives ont principalement servi à faire la preuve d’un droit. Aussi trouve-t-on au Maroc des planches, des feuilles et des parchemins qui gardent les droits de propriété, d’exploitation ou de privilèges délégués de père en fils chez les familles, ou gardés dans les zaouïas et mosquées. Mais les archives, dans le sens moderne, traduisent une évolution de l'Etat et de la société vers une nouvelle définition des fonctions et des missions de ce domaine. L’intérêt porté aux archives par toutes les civilisations du monde nous incite à s’interroger sur les étapes franchies par le Maroc dans ce secteur. 1. Dispositions juridiques

a. Le dépôt légal La création effective des Archives du Maroc a eu lieu en 1926, par un dahir du protectorat, attribuant à la Bibliothèque Générale la responsabilité de la gestion de la communication des archives administratives.

La pratique du dépôt légal a été confiée à la Bibliothèque Générale du protectorat, érigé en un organisme publique en vertu de la loi du 7 octobre 1932 (rectifiée par la loi du 3 juin 1944, elle-même, amendée par la loi du 10 avril 1951). Ce texte énumérait les objets soumis au dépôt et envisageait les mesures pénalisant les cas de manquement à cette obligation.

b. Les dispositions réglementaires En 1968, vu les problèmes surtout financiers que rencontrait la BGA, une décision du premier Ministre est venue orienter les dépôts d’archives vers d’autres institutions, soit vers le ministère de la communication ou le

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Secrétariat général du gouvernement. Cette décision dilua les responsabilités et rendit difficile le suivi des dépôts. Quelques années plus tard, une autre note du premier Ministre chargea chaque administration de gérer ses propres archives, ce qui d’une manière ou d’une autre gela toutes les lois précédentes.

Pour des motifs administratifs légaux, les archives de juridiction ont fait l’objet d’un décret 2/80/104 du 18 avril 1980, relatif à la conservation des documents d’archives des juridictions du Royaume.

Devant l’incapacité de la Bibliothèque Générale à appliquer cette obligation légale aux archives, en l’absence d’une loi qui encadre ce processus, les archives des administrations ont connu au fil des années des problèmes organisationnels. 2. Les conditions de conservation

a. La gestion des archives Au Maroc, l’absence d’une juridiction complète pour encadrer les conditions de conservation et de gestion des archives pose le problème de la gestion des archives et des structures dédiées à l’organisation. En dehors de quelques expériences leaders en gestion des archives administratives (justice, finances et certains organismes publics), les services chargés de la gestion des archives au sein des administrations publiques ne disposent pas de réglementation fixant les conditions de la gestion des archives publiques. Cet état de fait a créé des difficultés de conservation, de versement et de circulation des documents au sein comme en dehors des administrations, ce qui a engendré des dysfonctionnements dans la gestion courante des archives au niveau de ces services.

b. Traitement archivistique Le traitement des archives reste posé au sein de plusieurs administrations du fait de l'inflation des productions dans chaque secteur et du manque de place. Les archives sont généralement entreposées dans le sous-sol des administrations, stockées dans des cartons ou entassées le long des couloirs sans aucun traitement préalable, ce qui présente des risques multiples pour la sauvegarde des archives et l’accessibilité à l’information. La fonction d’archiviste n’est pas valorisée, donc l’archivage de documents n’est ni optimisé ni durable, alors qu’il constitue une pièce essentielle et maîtresse de l’administration.

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Une réflexion sur les méthodes d’organisation des archives au profit des administrations sera amorcée au début des années quatre-vingts, grâce à l’arrivée des lauréats de l’Ecole des sciences de l’information (ESI) créée en 1974, au sein des administrations et aux cycles de formation initiés par le Centre de Documentation National, en partenariat avec certains départements ministériels.

Ces efforts conjugués vont permettre de sensibiliser sur les normes internationales et la nécessité de la mise en place de règles de conservation des documents afin de faciliter la communication de l’information. Cependant, toutes ces initiatives n’ont pas pu surmonter les problèmes de gestion et de communication des archives, néanmoins elles ont aidé à la mise en place d’une réflexion sur le devenir du patrimoine de l’administration et sur l’aptitude de celle-ci à répondre aux attentes réelles du public à travers les prestations et les services à pourvoir à l’encontre du citoyen.

Avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, plusieurs administrations se sont acharnées à mettre en place des systèmes d’information modernes en ayant recours aux sociétés de commercialisation de logiciels ou à des sociétés spécialisées dans la gestion électronique des documents (GED) dans le but de pallier entre autres aux problèmes de l’exiguïté des locaux d'archivage, meubles de classement, de la détérioration des supports papier, des erreurs de classement, pertes de documents, ainsi que la perte du temps dans la recherche et l’arrangement des documents pour le personnel.

Les résultats de ces travaux et opérations réalisés à cet effet n’ont pas toujours été probants, car confrontés à des problèmes juridiques et réglementaires, en plus à des défis technologiques.

B. Les fondements de la loi 1. Recommandation de L’Instance Equité et Réconciliation

l’IER , mise en place au sein du Conseil consultatif des droits de

l’homme (CCDH) pour enquêter sur le passé de la répression politique depuis l’indépendance jusqu’à 1999, a édité, au terme de son mandat, une recommandation qui stipule que « la préservation des archives de l’IER et des archives publiques » doivent faire l’objet de procédures et de mécanismes de suivi, afin de pallier à la déperdition et disparition des documents publics produits par l’administration, problème auquel les membres de cette instance

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ont été confrontés au cours de leurs enquêtes et recherches sur les faits qui ont caractérisé une période de l’histoire du Royaume. Dans le cadre du suivi de cette recommandations de l’IER, le CCDH a entrepris une série d’actions visant à accompagner la mise en œuvre de la recommandation relative à la préservation des Archives Nationales, de manière générale, et les archives de l’instance Equité et Réconciliation, de manière spécifique. Au terme de cette revendication, le CCDH a institué en son sein une commission composée d’experts et chercheurs universitaires chargés de la réflexion et du suivi du grand chantier de la modernisation des archives nationales. La démarche développée vise la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les archives qui sera accompagnée par une série de mesures pour son application. L’élaboration de la loi sur les archives par le Ministère de la Culture s’inscrit dans cette démarche. Élaborée par le Ministère de la Culture, la nouvelle loi sur les archives a été approuvée à l’unanimité au cours des plénières des deux chambres. Cette loi n’a pas soulevé un grand débat ni sur sa forme ni sur son contenu. Lors de l’examen de cette loi par le parlement, les débats ont mis en évidence les apports de celle-ci sur la mise en place d’une politique de transparence au sein des administrations publiques sur la gestion des archives publiques et la sauvegarde de la mémoire des administrations. La création d’ « organismes » spécialisées dans la gestion des archives prévue par la loi a été saluée. Des recommandations concernant la formation des cadres spécialisés dans le traitement des archives ont été adressées au Ministre de la Culture. Des questions ont également concerné le devenir des archives dispersées à travers le Maroc. 2. Orientation du gouvernement

a. La mise en place d’une loi La loi 69/99 sur les archives est destinée à combler le vide juridique constaté dans ce domaine en tenant compte de l’importance cruciale que revêtent les archives nationales constituées par les différents départements de l’Etat au cours de leurs activités, et eu égard à l’obligation d’en préserver et d’en conserver le fonds pour les utiliser à des fins énoncées par le gouvernement à savoir, la satisfaction des besoins liés à La justification des droits des

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personnes morales et physiques, la sauvegarde et la communication des archives, ainsi que la consultation de la documentation à des fins de recherche historique.

b. La création d’une institution pour la conservation des archives.

Elle vise également, selon les termes du discours du Ministre de la Culture lors de la présentation du projet de loi au Parlement, la résolution de deux problématiques. La première est celle du recentrage des archives du Maroc, et la seconde concerne la création d’un Centre National des Archives. Ces deux actions se justifient par l’insatisfaction manifestée par des chercheurs face à la disparité géographique des archives. Le gouvernement plaide pour recueillir et conserver les anciens fonds qui se sont constitués au fil des siècles d’histoire et qui sont dispersés dans les bibliothèques, au sein des medersas, des zaouïas, des mosquées et dans certains pays, et par le manque créé par l’inadéquation des structures de la BGA à recevoir les archives. Au terme de cette loi, le gouvernement tente de s’orienter vers une nouvelle gouvernance des structures administratives de l’Etat.

II. La constitution des archives

A. Aspects généraux Le texte de loi n° 69.99, publié dans le bulletin officiel n° 5586, vient avec des dispositions nouvelles et fournit un cadre pour la gestion et la diffusion des fonds documentaires constitués, comme il prévoit des sanctions à l’encontre de ses détracteurs.

1. Les intérêts d’une Sauvegarde

a. Définition des archives publiques Le premier chapitre présente une définition des archives. En effet, l’article 1 définit les archives comme l’ensemble des documents, quelle que soit leur date, leur forme, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou instance publique dans le cadre de l’exercice de son activité. Le premier paragraphe de l’article premier explique ce qu'il entend par “archives”. Il s’agit des documents (papiers, numériques, audiovisuels etc.)

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qui procèdent des activités des administrations, loi qui s'applique quel que soit le support matériel des documents considérés.

b. Résultats escomptés

Par les deux derniers paragraphes de l’article premier, la loi décline les objectifs à réaliser. Le deuxième paragraphe a posé le principe qui guide la constitution de ces archives, à savoir la mise en place de modalités de conservation pour la réalisation d’actions, se rapportant à la garantie des droits des partis, la mise en place des outils de recherche et la sauvegarde du patrimoine. Le troisième paraphe est consacré à l’authenticité et la fiabilité des documents. Pour cela, la conservation de ces documents doit se faire dans le respect de leur intégrité. Les fonctionnaires se doivent de veiller à ce que les documents ne subissent aucune altération volontaire ou accidentelle de son contenu au cours de leur utilisation.

2. Objets de la loi Les objets de la présente loi sont exprimés au premier chapitre et s’articulent donc comme suit:

• Veiller à ce que les documents soient gérés, conservés et préservés pour servir un intérêt public (art. 1).

• Favoriser la responsabilisation en encourageant et en facilitant la bonne conservation des documents par les fonctionnaires ou employés rattachés aux personnes physiques ou morales visées à l’article 3.

• Encourager l’utilisation publique des documents d’archives dans leur intégrité en tant que ressource essentielle pour l’étude, la recherche scientifique et la sauvegarde du patrimoine.

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B. Caractéristiques des Archives publiques 1. Les cycles de vie des archives

a. Définition des archives publiques Dans son deuxième chapitre, la loi donne une définition des archives publiques qui précise que celles-ci sont constituées de documents produits ou reçus au cours des différentes fonctions exercées par les autorités administratives. Il inclut dans l'ensemble des archives publiques celles émanant des pouvoirs publics, des collectivités locales, des établissements et des entreprises publiques, ainsi que ceux qui procèdent de l’activité des organismes privés chargés de la gestion d’un service public. Les archives comptent aussi les minutes et répertoires des notaires et adouls, les registres de l’état civil et de l’enregistrement. La qualification d’archives publiques est importante puisque seuls les documents cités sont régis par cette loi. Les documents des organismes non cités sont exclus par la loi, donc n’obéissent pas à ses prérogatives.

b. Etapes de gestion des archives Afin de faciliter la gestion des archives dans le temps, «trois âges » dans le parcours des archives, qui correspondent à trois étapes d’utilisation ont été distinguées par les articles 6, 7 et 8 :

• Les archives courantes qui « sont les documents utilisés pour le traitement quotidien des affaires et dont la conservation est assurée dans le service d’origine » ;

• Les archives intermédiaires qui « sont les documents qui, n’étant plus

d’usage courant, doivent néanmoins être conservés temporairement à proximité des services d’origine pour les besoins administratifs ou juridiques » ;

• Les archives définitives qui sont « les documents qui sont conservés

indéfiniment pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes et pour la documentation historique de la recherche. Ces archives définitives (ou historiques) sont constituées, après tri et élimination, à partir des archives intermédiaires.

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Le passage d’un âge à un autre est déterminé au moyen de documents établis à cet effet. Les périodes dépendent généralement de la durée d’utilité administrative du document conservé. Dans l’administration marocaine, peu nombreuses sont les institutions qui disposent d’une organisation et de documents réglementaires précisant les méthodes de conservation. Ainsi, chaque agent administratif gère comme il peut les dossiers qu’il constitue. Face à une telle situation, la loi exhorte ces administrations à se donner une politique de conservation, compte tenu de la taille et du volume de documents traités, de leurs archives, comme elle les incite à collaborer avec l’Institution Archives du Maroc pour l’élaboration de directives et procédures concernant le calendrier de conservation, le versement, le dépôt et l'élimination des archives publiques. L’adoption d’une politique d’archivage permettra notamment de définir les rôles et obligations fonctionnelles et juridiques de chacun des intervenants et les procédures à respecter. Les modalités de travail seront détaillées et fixées dans des documents qui seront élaborés en commun accord entre les deux parties, et les dispositions relatives à cet accord seront consignées dans un texte réglementaire. Ce qui laisse entendre que l’Institution Archives du Maroc aura un droit de regard dans la gestion des archives courantes au sein des administrations. 2. Régime de responsabilité

a. La protection des documents Les archives publiques relèvent du contrôle technique de la Direction des Archives du Maroc, compte tenu de l’article 38 de loi qui lui confère le droit de constater les infractions aux dispositions de la loi et aux manquements aux textes de son application. Les infractions aux archives publiques se résume comme suit : du fait des actes de détérioration, destruction ou dégradation des documents ou par une négligence et détournement d’archives publiques, même sans intention frauduleuse.

b. Respect du secret professionnel L’article 13 de la loi sur le respect du secret professionnel, qui s’applique indistinctement aux archives publiques et privées, impose aux agents chargés

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de la conservation des archives (fonctionnaires, salariés ou autres) de respecter le secret professionnel pour « tout document qui ne peut être légalement mis à la disposition du public ». Le non respect de cette obligation implique de lourdes sanctions pénales qui sont prévues dans l’article 446 du code pénal.

C. Les archives privées Le législateur a distingué les archives publiques des archives privées. Les archives privées sont tous les documents ne répondant pas à la définition des archives publiques. Ce sont principalement, mais pas exclusivement, des documents émanant de personnes physiques ou morales de droit privé.

Ces archives seront collectées par les Archives du Maroc qui est également habilité à acquérir des archives, à en recevoir comme dons, legs ou dépôts révocables selon des dispositions qui seront fixées ultérieurement.

Les responsabilités en matière d’archivage privé sont étroitement liées aux règles organisationnelles imposées en matière d’archivage par la loi du patrimoine n°22-80 comme modifier et complété par la loi 19-05. Les archives privées doivent contenir une importance historique.

III. L’institution des Archives du Maroc

La loi prévoit la création d’un organisme se chargeant de la collecte et la conservation des archives publiques et privées qui ont un intérêt historique. Elles seront séparées des autres types de documents dont la Bibliothèque Générale assure la gestion. Les archives publiques subiront donc un traitement spécifique aux archives. Le but étant de rattraper les retards cumulés dans ce domaine.

A. Constitution Les Archives du Maroc, établissement public sera basé à Rabat, la capitale du pays et jouira de la personnalité morale et de l’autonomie financière. 1. Les organes : Le Conseil d’administration et la Direction générale Les Archives du Maroc est constitué par deux organes : Un conseil d’administration et une direction générale. Le conseil d'administration est

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composé par les représentants de l'Etat ainsi que des personnalités ayant un savoir-faire et une expertise dans le domaine. Le Conseil est doté de compétences très larges tant en matière de gestion que de conservation ainsi que des attributions confiées par la loi à l’institution. Il procède à la mise en place du programme de gestion des archives nationales, arrête le budget, fixe le statut du personnel et les prix des services rendus aux tiers. Le directeur, qui est investi de tous les pouvoirs nécessaires à la gestion de l’établissement, assure les attributions d’ordre technique et administratives. Le personnel est composé de deux corps : des agents recrutés en fonction des besoins, conformément à son statut particulier et du personnel détaché des administrations publiques.

B. Missions et Mandat Les missions qui lui sont conférées par la loi consistent à :

• Préserver des archives définitives, • Faciliter la communication des documents dont il dispose, • Assurer l’application des textes réglementaires sur la bonne

conservation des dossiers par les organismes publics, • Encourager la recherche historique, • Veiller à l’application de la loi.

Ces pouvoirs et actions dont il sera doté seront concrétisés par les textes réglementaires énoncés par la loi. Le conseil est nommé par le Premier ministre pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Son mode de fonctionnement est régi par les articles 30 et 31. Le directeur est nommé par dahir.

C. Centralisation des archives Toutes les archives publiques définitives et privées à valeur historique seront versées aux Archives du Maroc, sauf quelques exceptions. L’établissement est donc habilité à assurer la centralisation et le contrôle des archives, fonction qui sera précisée par un texte réglementaire. Les modalités et règles de travail ainsi que les domaines de compétences de cet organisme dont le décret relatif à l’opérationnalisation de son conseil

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d’administration vient d’être promulgué. Les dispositions réglementaires les régissant ne sont pas encore définies. Archives du Maroc est appelé à soulever les défis de la modernisation des pratiques et méthodes de gestion des documents. Il est donc censé être une structure importante et même une charnière dans la gestion et la diffusion de l'information administrative, au regard des actions qu’il est appelé à mener en vertu de la loi, s’il ne bute pas contre des obstacles d’ordre administratif, budgétaire et des ressources humaines non qualifiées et méconnaissant la portée et limite de la loi.

IV. L’accès aux archives L’accès aux archives définitives est mentionné par l’article 12 de la loi qui stipule que les archives doivent être collectées, inventoriées et classées pour être mises à la disposition du public. Cette communicabilité des documents a été exprimée par la loi en fonction des catégories de documents.

A. Catégorie d’archives La consultation des documents versés et conservés aux Archives du Maroc est ouverte à tous et gratuite, après échéance des délais légaux. Les délais de communication sont déterminés en fonction des domaines que chaque dossier couvre. Le principe de communicabilité obéit à trois dispositions principales à savoir que la loi mentionne les documents immédiatement communicables, sans restriction, c’est-à-dire un accès libre pour toute personne qui en fera la demande. Ce sont les documents qui, par leur nature, ne sont soumis à aucun délai, et ceux qu’une loi spéciale autorise dans les conditions qu’elle fixe (art. 15). La communicabilité de plein droit est acquise après un délai de trente ans, calculée à partir de la date de leur création (Art. 16). Parmi les documents non immédiatement communicables, certains font l’objet de délais de communication spécifiques. Ces derniers sont fixés à l’article 17.

1. Délais de communication Les archives publiques seront consultables 30 ans après leur création. La loi qui dispose le délai de trente ans au terme duquel les archives publiques sont

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librement communicables est portée à cent ans, à compter de la date de naissance de l’intéressé, pour les documents comportant, des renseignements individuels de caractère médical, les dossiers du personnel, les minutes et répertoires des notaires et des adouls, les registres de l’Etat civil et de l’enregistrement.

Un délai de soixante ans (60) est appliqué pour les documents dont la communication porte atteinte :

• au secret défense, • à la continuité de la politique extérieure du pays, • à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique et aux personnes. • aux procédures juridictionnelles et aux opérations préliminaires à

de telle procédure, • à l’intimité de la vie privée.

A compter de la date de recensement ou de l’enquête pour les documents contenant des renseignements individuels ayant trait à la vie personnelle et familiale et d’une manière générale aux faits d’ordre privé collectés dans le cadre des enquêtes statistiques des services publiques.

L’autorisation de consultation avant le terme des délais est possible, grâce à l’obtention d’une dérogation au profit de chercheurs par l’administration des archives, après accord de l’autorité dont émanent les documents. L’avis de l’administration concernée, ou du service concerné par les archives en question est obligatoire (Art. 18).

Pour ce qui est des archives privées, versées lors d'un don ou d'un dépôt, leurs modalités de communication sont fixées en commun accord entre Archives du Maroc et les parties concernées.

2. Droit de Consultation Le principe de la communicabilité des documents et l’application du libre accès aux documents institués par la loi soulève un certain nombre de questions qui demandent à être examinées si l’on veut s’assurer que la loi atteigne cet objectif aussi bien pour le présent que pour l’avenir. La première question concerne les règles et techniques qui seront employées par les administrations dans le traitement de leurs documents, les moyens matériels et humains qui seront consacrés à cette opération. La deuxième

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concerne les degrés d’application de normes par les différentes administrations établies par l’institution Archives du Maroc comme le stipule la loi.

Le droit de consultation est étroitement lié aux modalités de gestion. Par conséquent, l’application de la loi dépend de l’élaboration par les opérateurs publics du calendrier de conservation, document légal qui détermine les modalités de conservation, par la constitution d’une norme établissant la durée de conservation, le cheminement et le traitement des documents depuis leur création jusqu'à leur élimination ou leur versement aux archives historiques. Les dispositions qui seront consignées dans ces documents revêtent une importance capitale, compte tenu des mesures qui seront consacrées à l'ouverture des archives au public, ainsi que des exigences légales et réglementaires concernant l’épuration des dossiers administratifs. La troisième question soulève le montant des frais à percevoir et qui seront déterminés par des prescriptions réglementaires en la matière. Les frais qui seront exigés pour les besoins de copies ou des extraits certifiés conformes peuvent constituer des obstacles à l’accès si leurs montants ne sont pas raisonnables.

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V. Les contours d’une loi A. Les limites de la loi Cette législation sur les archives n’englobe pas les archives militaires, comme elle est restée silencieuse sur les archives audiovisuelles et les mécanismes à adopter pour assurer leurs acquisitions, enregistrement et consultation systématique. Elle n’envisage pas aussi de permettre la réflexion sur les archines de la presse écrite, des entreprises privées et de la société civile.

1- Les archives militaires : la Commission Marocaine de l’Histoire Militaire (CMHM)

Les dispositions de cette loi ne s’appliquent pas aux archives publiques relatives à l’histoire militaire, car régies par le dahir n°1-99-266 portant création de la Commission Marocaine d’ Histoire Militaire. Créée le 22 octobre 1996, la Commission a été instituée par le dahir promulgué en mai 2000 par Mohammed VI. La CMHM, devenue membre à part entière de la Commission Internationale de l’Histoire Militaire est également affiliée à l’organisation des Sciences Historiques de l’UNESCO. Elle a pour mission de dynamiser la recherche scientifique dans le domaine de l’histoire militaire, la collecte des archives militaires et la sauvegarde du patrimoine militaire. Ses attributions sont fixées par le dahir portant sa création. Le principe d’accès public n’est pas mentionné par la loi, ce qui sous-entend que l’administration de la Défense Nationale est seule habilitée à gérer la chaîne documentaire de ses archives, de la conservation à la destruction, donc à définir les archives historiques. Plus en détail, la commission est chargée de:

• Entreprendre les études et les recherches nécessaires à l'identification des biens meubles et immeubles dont la conservation présente un intérêt pour l’histoire militaire ;

• Dresser l'inventaire de ces biens, en rassembler la documentation et en assurer le classement et la conservation ;

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• Identifier, réunir et répertorier les documents relatifs à l’histoire militaire ;

• Déterminer les sites militaires et établir une carte se rapportant particulièrement à la mémoire militaire ;

• Promouvoir la recherche scientifique de l'histoire militaire et œuvrer en coopération avec les institutions civiles et militaires concernées par le développement de l'enseignement de l'histoire militaire ;

• Superviser les recherches scientifiques en matière d'histoire militaire à l'échelle nationale ;

• Créer des centres d'archives, des bibliothèques et des musées militaires nationaux ;

• Mettre en valeur les collections et les faire connaître par des expositions et des publications ;

• Mener toute activité d'animation pouvant mettre en valeur l'histoire et le patrimoine militaire ;

• Faire connaître par des publications spécialisées, des expositions, des colloques et autres manifestations, les richesses archéologiques et monumentaux militaires du pays;

• Encourager; coordonner et participer à la publication des travaux en matière d'histoire militaire.

La Commission "marocaine d'histoire militaire est également chargée de proposer à l'autorité gouvernementale habilitée ( archives du Maroc) à édicter les mesures d'application nécessaires à la loi susvisée n° 22-80, les mesures à prendre en vue:

• De la protection et la mise en valeur du patrimoine archéologique

militaire; • De la programmation des recherches archéologiques dans le domaine

militaire, l'organisation et le contrôle des chantiers de fouilles.

2- Les archives du CCDH

Il est important de signaler que le CCDH été le premier a sonné l’alarme sur l’état des archives publiques. Car l’institution qui l’a précédée, l’IER a constaté de très prêt l’état dans lequel se trouve les archives publiques surtout sécuritaire lors de ses recherches de terrain sur la vérité des grosses violations des droits de l’homme de 1956 à 1999. Dans son rapport final au Roi, l’IER a proposé l’organisation des archives publiques pour la préservation de la mémoire nationale. Contrairement aux

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autres instances de justice et réparation ou réconciliation dans plusieurs pays, entre autres l’Afrique du Sud, l’IER aurait dû proposer une loi sur le droit d’accès à l’information détenue par l’Etat. Car une loi pareille aura le mérite d’obliger l’Etat à organiser ses archives. Une loi sur le droit d’accès à l’information est beaucoup plus supérieure à une loi sur les archives. La seconde loi est logiquement le produit de la première. Nonobstant cette remarque fondamentale, il reste toujours la question de savoir que fera le CCDH avec ses archives. Seront-elles déposées dans les Archives du Maroc où seront-elles exclus comme les archives militaires, car les grosses violations des droits de l’homme qu’a connu le Maroc ont été en majorité commises par les services de sécurité ou l’armée (la liquidation des certains membres du mouvement de libération nationale, et Tazmamarat le centre de détention secret où des militaires qui ont participé au coup d’état échoué de 1972 ont été emprisonnés dans des conditions inhumaines.) Depuis la promulgation de la loi sur les archives, le CCDH ne s’est pas prononcé publiquement sur la question de l’établissement responsable de recevoir, et diffuser ses archives : le CCDH lui-même, les Archives du Maroc ou les archives de l’armée (au moins une partie).

Il n’est pas un objectif de cette étude d’étaler les raisons pour la préservation des sources documentaires qui ont aidé à aboutir à des vérités sur les années de répression massives des droits de l’homme au Maroc « les années de plomb » comme on les appelle, mais de se demander chez qui les citoyens, les chercheurs et les journalistes vont s’adresser pour les consulter. La loi sur les archives ne les mentionnent pas expressément, sont –ils des archives publiques, et les témoignages des personnes privées sur ces années, qu’on a privé la presse de relater pour raison qu’ils sont la propriété du CCDH qui n’a pas autorisé leur diffusion ? Allons-nous vers un département séparé des archives du CCDH ? Si oui, il y’a besoin d’un décret qui les organise et les mets à la disposition du public.

B- Les aspects négligés :

1- Les archives des médias

a- les archives Audiovisuelle Ces archives constituent une partie intégrante des mémoires nationales. L'intérêt pour la conservation de ce patrimoine commence à prendre de

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l’ampleur et occupe une place majeure dans les stratégies de sauvegarde. Ainsi, des méthodologies appropriées ont été mises en œuvre de par le monde en s’appropriant les nouvelles technologies. La définition des archives avancée par la loi englobe les archives audiovisuelles. Cependant, l’activité d’archivage audiovisuelle est totalement différente des supports papier. Elle nécessite des moyens juridiques et législatifs appropriés.

Le Maroc dispose, selon la déclaration du Président Directeur de la SNRT, de 100.000 heures d’archives audiovisuelles. Des centres d'archives sont institués au sein des chaînes de radio et télévision. Ils assurent la mission de préservation du patrimoine audiovisuel. Le fonds est géré pour être exploité en interne mis à la disposition du service de l'antenne. L’exploitation de ces documents à des fins de recherche ne peut se faire dans les conditions de conservation actuelle, faute de moyens spécifiques à ce travail. Le versement des archives jugées historiques pourrait être versé à Archives du Maroc, si les textes réglementaires prévoient leur gestion par l’institution, car cette fonction n’est aucunement annoncée par la loi.

Les utilisateurs et responsables des médias ont tous exprimé leurs préoccupations quant à la dégradation des archives audiovisuelles. Le ministre de la communication avait annoncé, lors de l’organisation en 2007 d’un colloque sur les archives audiovisuelles, qu’une partie non négligeable des archives audiovisuelles a déjà disparu et d'autres archives encore sont menacées par la détérioration naturelle, l'obsolescence technologique et l'absence de mesures de sauvegarde appropriées, tout en précisant que la disparition de ce patrimoine constituerait une mort de la mémoire collective.

Un projet sur les archives audiovisuelles a été élaboré par la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle. Il projette la création d’une institution spécialisée dans la conservation des ces archives. Cette option vise la résolution des problématiques d’ordre juridique, technique, organisationnel, humain, en prenant la responsabilité de la migration des formats analogiques vers les formats numériques et de la sauvegarde du patrimoine déjà numérisé. Une autre piste de réflexion concerne les archives des médias marocains. Aujourd’hui, les systèmes d’archives les plus avancés consacrent une place particulière à ce volet. La communication des archives audiovisuelles est un sujet qui suscite un débat, au Maroc, les deux institutions qui gèrent le fonds audiovisuel, à savoir

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les chaînes de télévision et le Centre Cinématographique Marocain ne disposent pas d’espaces dédiés à la recherche scientifique.

b- Les archives de la presse écrite

Les journaux, revues, magazines constituent un fonds qui emmagasine une mémoire diversifiée, allant des histoires d’individus ou d’événements ponctuels isolés, à tous les aspects de la vie politique et sociale d’une localité, une ville, une région ou un pays. Au Maroc, la presse écrite offre une mémoire qui concerne le parcours de l’impression et des imprimeries au Maroc. Cette presse est soumise au dépôt légal de la bibliothèque nationale, cependant sa communication au public était parfois entravée par l’exigüité des espaces et la mauvaise gestion des différents titres déposés. Avec l’aménagement des nouveaux locaux de la Bibliothèque Nationale et la création d’une médiathèque, ce gisement d’archives impressionnant est revalorisé. La numérisation de certains titres anciens jugés d’une valeur historique a été entamée. Néanmoins, beaucoup de journaux nationaux ou régionaux ne déposent pas leurs copies avec la Bibliothèque Nationale. Le Code de la presse de 2002, ne prévoit lui, que le dépôt auprès du tribunal de première instance et le Ministère de la Communication (Art. 8). Il est souhaitable que les journaux soient déposés aux Archives du Maroc.

c- les archives des agences de presse

Les médias, en passant par les agences de presse aussi, affectent un domaine qui est celui des correspondances télégraphiques ainsi que les correspondants de presse et d’agences accréditées au Maroc. L’ Agence Maghreb Arabe Presse (MAP) dispose d’un Centre de documentation, organisé et structuré. Les archives et documents dont elle dispose depuis la création de l’agence peuvent être consultés par le public, au siège de la MAP, qui est la seule détentrice de ces archives. Dans plusieurs pays, les archives qui se rapportent à ces domaines ont donné lieu dans le cadre de la gestion des archives nationales à la création d’un système approprié pour les médias, on peut évoquer à ce sujet le modèle britannique qui existe depuis longtemps. L’institut de l’audiovisuel en France est également, un modèle dans la gestion des archives audiovisuelles.

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2- L'intérêt pour les archives des entreprises privées

Les documents émanant de personnes physiques ou morales de droit privé ne sont pas versés automatiquement au Archives du Maroc , mais sont restitués sous forme de don ou de legs d’ou un intérêt faible pour les archives privées. Les pays qui disposent d’une politique ancienne dans le domaine de l’organisation des archives ont opté pour d’autres stratégies. Les premières archives des entreprises ont été constituées en Allemagne en 1905, en Suisse en 1910, aux Pays-Bas en 1914, en Angleterre en 1935, au Danemark en 1948, puis en France en 1949. Aux États-Unis, les premières archives des entreprises privées se sont constituées en 1925. Ces archives concernent les archives des entreprises industrielles, commerciales, des banques et des assurances. Elles contiennent aussi les archives des associations et fédérations professionnelles, des syndicats patronaux et ouvriers. Ces archives ont un intérêt très important pour les historiens qui écrivent l’histoire économique et sociale de leurs pays. Dans le contexte marocain, il est déjà utile de constater que certaines administrations publiques, à caractère économique, et certaines institutions financières et banques privées, disposent aujourd’hui d’une partie des archives devant être gérées ou supervisées par l’institution Archives du Maroc encore non opérationnelle. Il est également certain que les entreprises nationales ou étrangères privées ayant eu des activités au Maroc, disposent d’archives privées qui comportent pour la plupart des éléments importants de l’histoire du monde de l’entreprise et du travail au Maroc. A cela s’ajoutent les fonds documentaires et archivistiques que possèdent les syndicats et les organisations professionnelles ayant eu un passé d’activité intense au Maroc. L’état de ces archives conservées aujourd’hui dépend des moyens dédiés par chaque administration à la conservation de ses propres archives. Ainsi, l’on constate que certaines, entreprises, s’emploient à ce que leurs archives obéissent dans leur organisation à des règles et normes reconnues, alors que d’autres les délaissent pour qu’elles subissent les effets de la dégradation. Ce manque d’intérêt vis à vis des archives privées, fait qu’elles échappent à la consultation du public et à la mise en place d’une réglementation qui octroie ce droit d’accès.

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Le texte de loi s’est focalisé sur les archives publiques, les archives privées, ne sont mentionnées que dans la mesure où elles revêtent un intérêt public, (art. 24 et 25).

3- Les archives de la société civile

La société civile est « le domaine de la vie sociale civile organisée qui est volontaire, largement autosuffisant et autonome de l'État ». L'UNESCO entend par société civile, l'auto-organisation de la société en dehors du cadre étatique ou commercial, c'est-à-dire un ensemble d'organisations ou de groupes constitués de façon plus ou moins formelle et qui n'appartiennent ni à la sphère gouvernementale, ni à la sphère commerciale.

Les archives de la société civile constituent aujourd’hui une véritable mine d’informations et de données sur les organisations qui la composent et sur la société où elles s’activent et agissent. Leur consultation permet d’avoir un regard plus précis sur les réalités et les positions des différents acteurs, individuels ou collectifs, de la société lors d’une phase ou une période définie. Sur le plan universel, on peut examiner les documents et archives des associations du début de l’ère industrielle en Allemagne, Grande Bretagne, France, Etats-Unis, pour comprendre la genèse de la culture de la modernité, ou bien les documents des associations dans les pays colonisés ou dans les pays du Sud (africains ou asiatiques), ou encore les documents des associations du Maroc du 19 siècle qui peuvent permettre une reconstitution d’histoires locales de personnes ou d’institutions. Il ne s’agit pas seulement d’archives lointaines, ou celles définies comme « historiques » ou « définitives », mais plutôt de tous les documents même récents qui revêtent un intérêt public et qui relèvent du monde associatif . Aujourd’hui, nul ne peut comprendre le fonctionnement du modèle américain de société sans se pencher sur le tissu associatif de ce pays lequel est le réseau le plus étendu aux USA par rapport à toutes les autres formes de regroupement humain. De même, les Marocains ne peuvent avoir une idée moins confuse de leur passé le plus proche sans examiner les données de la société civile : des organisations culturelles, sportives artistiques, de bienfaisance, de mécénat, de solidarité sociale et autres. Et si les documents et les traces encore disponibles de ces activités ne sont pas préservées aujourd’hui, une partie de la vérité serait entachée d’une manière irrémédiable.

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Au Maroc, la gestion des archives de la société civile, ne peut être léguée à l’institution Archives du Maroc, car il n’ont pas le statut d’archives publiques puisqu’elles ne sont pas produites par une administration publique locale, ou nationale. Cependant, cette archive présente un intérêt considérable en tant que document historique. Le silence de la loi sur ce domaine pose le problème de la gestion et de la communication de ces archives au public. Alors que d’autres pays ont développé des systèmes au point de faire de ces documents un service disponible aux archives nationales ou locales publiques. L’Unesco a publié un guide édifiant pour les ONG qui veulent préserver, organiser et mettre à la disposition du public leurs archives (voir le site de International Council of Archives: http://www.ica.org/en/node/30120.)

4- Les archives locales

Les archives locales sont publiques, privées, associatives, des médias et du monde de travail. Elles ont un intérêt plus accentué pour les personnes vivant dans la localité d’abord. Leur dimension s’élargit de jour en jour et il serait entièrement inadmissible de les transporter physiquement à des sites éloignés du lieu de leur production même si aujourd’hui le transport numérique est toujours possible pour tous. Mais au-delà de ce facteur qui n’est pas négligeable, les archives locales permettent de reconstituer une identité locale surtout que le Maroc lance une aujourd’hui stratégie de régionalisation avancée qui vise à donner à la région une grande autonomie dans la gestion économique, politique et culturelle de ses ressources locales. Dans ce cadre, il est souhaitable que l’institution des Archives du Maroc se décentralise aussi.

5- Les archives électroniques Les articles 8 et 11 de la loi obligent les organismes ayant constitué leurs archives intermédiaires et historiques à les conserver progressivement sous forme électronique. La reconnaissance du document électronique par le législateur dénote que l’institution s’oriente vers une gestion électronique des documents, une démarche qui vise à faire bénéficier l’Institution de conservation des avantages liés à la conservation des documents sur supports électroniques et à renforcer l’informatisation des archives des administrations et organismes publics.

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Cet appel à l’utilisation des technologies dénote une volonté d’aller vers la réalisation de la conservation électronique des documents, mais ne donne aucune indication générale sur les modalités devant entourer la conservation d’un document électronique, ce qui laisse planer des doutes sur le processus de sauvegarde des données qui seront stockées.

L’obligation légale de la numérisation des documents administratifs va engendrer une dynamique de l'administration électronique entamée par le Maroc en 2002.

L’e-gouvernement tarde à se concrétiser pour des raisons qui sont liées, entre autres, aux énormes difficultés que rencontrent les administrations dans la mise en place de projets d’informatisation de leurs archives, travail préalable pour la mise en ligne de ses services au profit du citoyen. Ces difficultés sont présentes avec acuité au niveau des administrations territoriales, sollicitées constamment par les citoyens pour diverses prestations et services.

Conscients de l’importance de la contribution des TIC au développement du pays, à l’éradication de la pauvreté, à la sécurité alimentaire, à la santé, à l’éducation, à l’emploi et à l’export, le gouvernement a adopte une nouvelle stratégie, visant la mise en œuvre de services e-gouvernement par le biais d’un traitement simplifié et automatisé de l’information.

Un Plan Maroc Numérique a été construit autour d’une vision et des ambitions claires pour le Maroc. Des objectifs ont été assignés et des moyens matériels mis en œuvre, un budget de 5,2 milliards de Dhs est alloué pour faire aboutir le programme 2009 -2013. Le but étant d’assurer une éclosion économique et de développer la société de l’Information et du Savoir. Cependant, la mise en place des infrastructures doit être accompagnée d’un environnement juridique et institutionnel solide et adapté pour la circulation et la sauvegarde des documents numériques.

Selon les missions qui lui sont conférés, les Archives du Maroc, de par ses missions de conservation, est appelé à faire face à de nouvelles exigences juridiques de l’archivage électronique, à l’échelle nationale, à savoir les implications opérationnelles, fonctionnelles et techniques induites par l’introduction de des TIC.

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6- Ethique de l’Archiviste

L’administration des archives est assurée par les archivistes qui sont tenues par une charte déontologique, la nouvelle loi ne fait aucune allusion à la mise en place de cette charte. De ce fait, les gestionnaires des archives risquent d’être confrontés à un problème majeur qui peut avoir des conséquences sur leur intégrité morale vis-à-vis du public.

Pour gagner la confiance du public, les associations des archivistes dans plusieurs pays ont adopté des codes déontologiques qui ont pour ambition de fournir à leur profession des règles de conduite de haut niveau. Le code de déontologie adopté par le Conseil international des archives en 1999 (voir annexe 2) constitue la fondation de plusieurs codes nationaux. On peut résumer ces règles en les points suivants :

• Les archivistes doivent résister à toute pression visant à les pousser à manipuler ou dissimuler ou déformer les faits contenus dans les archives ; • Les archivistes traitent, sélectionnent et maintiennent les archives dans leur contexte historique, juridique et administratif, en respectant donc leur provenance, préservant et rendant ainsi manifestes leurs interrelations originelles. • Les archivistes préservent l'authenticité des documents lors des opérations de traitement, de conservation et d'exploitation. • Les archivistes assurent en permanence la communicabilité et la compréhension des documents. • Les archivistes répondent du traitement des documents et en justifient les modalités. • Les archivistes facilitent l'accès aux archives du plus grand nombre possible d'utilisateurs et offrent leurs services avec impartialité à tous les usagers. • Les archivistes visent à trouver le juste équilibre, dans le cadre de la législation en vigueur, entre le droit au savoir et le respect de la vie privée. • Les archivistes servent les intérêts de tous et évitent de tirer injustement de leur position des avantages pour eux-mêmes ou pour quiconque. • Les archivistes cherchent à atteindre le meilleur niveau professionnel en renouvelant systématiquement et continuellement leurs connaissances archivistiques et en partageant les résultats de leurs recherches et de leur expérience.

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• Les archivistes travaillent en collaboration avec leurs collègues et les membres des professions voisines afin d'assurer universellement la conservation et l'exploitation du patrimoine documentaire.

Il est évident que dans le contexte actuel des Archives du Maroc, l’archiviste est confronté à plusieurs problèmes qui découlent de plusieurs facteurs à savoir :

• L’absence d’une stratégie visant l’organisation et l’évolution du

métier de l’archiviste dans l’administration. • Le retard dans l’application de la loi sur les archives accentue la

dévalorisation de son statut au sein de l’administration publique, augmente les degrés de précarité des moyens de travail et la non coopération des collègues, la perte des documents par les collègues, la rétention de l’information au sein même des administrations, manque d’opportunité de formation continue, etc.

VI. Conclusion et Recommandations Le retard enregistré au niveau de la concrétisation des dispositions de la loi sur les archives est inquiétant à plus d’un titre, Il engendre un coût économique, culturel et politique important. Comme il occasionne des pertes de temps, d'argent ou d'autres biens. Plusieurs études et recherches seront retardées ou handicapées par l’absence d’une organisation et administration fiable du patrimoine archivistique national. Trois ans se sont écoulés, sans que les autorités publiques ne s’activent pour appliquer les termes de cette loi n° 69/99 adoptée en 2007. L’organisation des archives mérite d’être installée au cœur de la société. Aussi leur modernisation doit bénéficier à l’ensemble des citoyens. Les structures annoncées par la loi pour l’édification du secteur des archives ne se profilent guère à l’horizon. La Promulgation des décrets d'application est d'une urgence particulière. Ces textes réglementaires devraient délimiter un contenu précis à l'intérieur du champ de la loi par la définition des règles des fonctions suivantes :

• Les modalités de conservation des archives courantes et intermédiaires, d'élaboration et d'approbation des calendriers de conservation ;

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• Les procédures de tri, d'élimination et de versement des archives aux Archives du Maroc ;

• Les dérogations accordées à certains organismes et établissements pour la conservation de leurs archives définitives ;

• Les modalités de communication des archives publiques et délivrance de copies de documents certifiés conformes.

L’institution, Archives du Maroc est appelée à mettre en place une politique qui couvre tous les aspects de la question, afin d'établir des règles cohérentes d'accès aux documents. La plupart des dépôts d'archives mettent en place des instruments pour informer du contenu de leurs fonds et de la marche à suivre pour consulter les documents et de promouvoir l'exploitation des archives dans l'intérêt du progrès social. Le principe de communication des archives nécessite le développement d’une véritable politique d’information afin d’éviter les difficultés d’accès, causées par des conflits de compétences pouvant surgir entre les différents intervenants. L’aspect concernant la communication des archives, est d’une importance capitale, il est au centre des préoccupations du domaine de la gestion des archives. D’ailleurs, les démocraties modernes ont dépassé le stade d’organisation et de conservation. Actuellement, la fonction de communication des archives demeure l’objectif principal de toute action de conservation. L’accès du public à l’information est un élément fondamental. La loi 69/99 n’a pas pu dépasser ce stade premier. Elle consacre les modalités de conservation sans apporter une attention particulière au droit d’accès aux documents et archives par les citoyens. Une réflexion sur la capacité des textes réglementaires à traduire cette volonté dans les faits, est probante. Les implications de la loi à court et moyen termes sur le cycle de vie des archives publiques, et les conséquences de cette gestion sur la modernisation de l’administration marocaine ne seront connues qu’une fois les décrets d’application publiés. La création des Archives du Maroc par la loi soulève deux constats :

• Le premier concerne l’existence d’autres unités qui abritent une autre catégorie d’archives et qui ne seront probablement pas versées au Archives du Maroc à savoir les archives du CCDH et les archives militaires, sécurité oblige.

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• Le deuxième est lié aux prérogatives qui seront données au Archives du Maroc pour assurer le contrôle de l’application des règles de conservation par tous les départements administratifs.

De plus, une solution est aussi exigée par rapport aux archives audiovisuelles que la loi ne mentionne pas expressément. Il faut que le gouvernement décide de l’autorité qui va conserver ces archives. Les directeurs de journaux, les responsables des associations de la société civile et des entreprises privées sont aussi appelés à préserver leurs archives et à les déposer auprès des Archives du Maroc. Mais, avant tout, le gouvernement doit reconnaitre l’importance de ses archives pour le public et à apporter une assistance technique pour leur préservation et leur dépôt. L’enjeu de l’organisation du fonds archivistique est de taille, Le Maroc a accusé un grand retard au niveau de la sensibilisation des instances de décision, de la formation des archivistes et la nécessaire participation de l’ensemble du personnel directement impliqué par la mise en place d’un système d’information opérationnel.

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Annexe

Code de déontologie des archivistes

Adopté par l’Assemblée générale du Conseil international des archives en sa 13ème session tenue à Beijing (Chine) le 6 septembre 1996. PÉAMBULE A. Un code de déontologie des archivistes a pour ambition de fournir à la

profession archivistique des règles de conduite de haut niveau. Il devrait sensibiliser les nouveaux membres de la profession à ces règles, rappeler aux archivistes expérimentés leurs responsabilités professionnelles et inspirer au public confiance dans la profession.

B. Le terme "archiviste", tel qu'il est utilisé dans ce texte, s'applique à tous ceux dont la responsabilité est de contrôler, prendre en charge, traiter, garder, conserver et gérer les archives.

C. Les organismes employeurs et les services d'archives sont encouragés à adopter des politiques et des pratiques permettant l'application de ce code.

D. Ce code est destiné à fournir un cadre éthique de conduite aux membres de la profession et nullement à offrir des solutions spécifiques à des problèmes particuliers.

E. Tous les articles sont accompagnés de commentaires développant et illustrant le principe énoncé; articles et commentaires forment un tout et constituent ainsi le texte complet du code.

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F. La mise en œuvre du code dépend de la bonne volonté des institutions d'archives et des associations professionnelles. Elle peut se faire par le biais de la formation et de la mise en place de procédures pour suggérer des orientations dans les cas de doute, examiner les conduites contraires à l'éthique, et, si besoin est, d'appliquer des sanctions.

CODE

1. Les archivistes maintiennent l'intégrité des archives et garantissent ainsi qu'elles constituent un témoignage du passé durable et digne de foi. Le devoir premier des archivistes est de maintenir l'intégrité des documents qui relèvent de leurs soins et de leur surveillance. Dans l'accomplissement de ce devoir, ils considèrent les droits, parfois discordants, et les intérêts de leurs employeurs, des propriétaires, des personnes citées dans les documents et des usagers, passés, présents et futurs. L'objectivité et l'impartialité des archivistes permettent de mesurer leur degré de professionnalisme. Les archivistes résistent à toute pression, d'où qu'elle vienne, visant à manipuler les témoignages comme à dissimuler ou déformer les faits.

2. Les archivistes traitent, sélectionnent et maintiennent les archives dans leur contexte historique, juridique et administratif, en respectant donc leur provenance, préservant et rendant ainsi manifestes leurs interrelations originelles. Les archivistes agissent en conformité avec les principes et les pratiques généralement reconnus. Dans l'accomplissement de leur mission et dans leurs fonctions, les archivistes se conforment aux principes archivistiques régissant la création, la gestion et le choix de la destination des archives courantes et intermédiaires, la sélection et l'acquisition de documents en vue de leur archivage définitif, la sauvegarde, la préservation et la conservation des archives dont ils ont la charge, et le classement, l'analyse, la publication et les moyens de rendre les documents accessibles. Les archivistes trient les documents avec impartialité, en fondant leur jugement sur une profonde connaissance des exigences administratives et des politiques d'acquisition de leurs institutions. Ils classent et analysent les documents choisis pour être retenus en accord avec les principes archivistiques (en particulier le principe de provenance et le principe du classement d'origine) et les normes universellement reconnues, et ce aussi rapidement que possible. Les archivistes ont une politique d'acquisition de documents conforme aux objectifs et aux ressources

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de leurs institutions. Ils ne recherchent pas ou n'acceptent pas des acquisitions, lorsque celles-ci constituent un danger pour l'intégrité ou la sécurité des documents; ils veillent à coopérer pour que les documents soient conservés dans les services les plus appropriés. Les archivistes favorisent le rapatriement des archives déplacées.

3. Les archivistes préservent l'authenticité des documents lors des opérations de traitement, de conservation et d'exploitation. Les archivistes font en sorte que la valeur archivistique des documents, y compris les documents électroniques ou informatiques, ne soit pas diminuée par les travaux archivistiques de tri, de classement et d'inventaire, de conservation et d'exploitation. S'ils doivent procéder à des échantillonnages, ils fondent leur décision sur des méthodes et des critères sérieusement établis. Le remplacement des originaux par d'autres supports est décidé en considérant leurs valeurs légales, intrinsèques et d'information. Lorsque des documents exclus de la consultation ont été retirés momentanément du dossier, ils le font savoir à l'usager.

4. Les archivistes assurent en permanence la communicabilité et la compréhension des documents. Les archivistes conduisent leur réflexion sur le tri des documents à conserver ou à éliminer, prioritairement en fonction de la nécessité de sauvegarder la mémoire de l'activité de la personne ou de l'institution qui les a produits ou accumulés, mais également en fonction des intérêts évolutifs de la recherche historique. Les archivistes sont conscients que l'acquisition de documents d'origine douteuse, même de grand intérêt, est de nature à encourager un commerce illégal. Ils apportent leur concours à leurs collègues et aux services compétents pour l'identification et la poursuite des personnes suspectées de vols de documents d'archives.

5. Les archivistes répondent du traitement des documents et en justifient les modalités. Les archivistes ne se préoccupent pas seulement de la collecte des documents existants, mais aussi coopèrent avec les gestionnaires de documents de façon à ce que, dans les systèmes d'information et d'archivage électronique, soient prises en compte dès l'origine les procédures destinées à la sauvegarde des documents de valeur permanente. Les archivistes, quand ils négocient avec des services versants ou des propriétaires de documents, fondent leur décision, le cas échéant, sur tous les éléments suivants: autorisations de versement, de donation ou de vente; arrangements financiers; plans de traitement; droits de reproduction et conditions de

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communicabilité. Ils gardent une trace écrite des entrées de documents, de leur conservation et traitement. 3

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6. Les archivistes facilitent l'accès aux archives du plus grand nombre possible d'utilisateurs et offrent leurs services avec impartialité à tous les usagers. Les archivistes produisent les instruments de recherche généraux et spécifiques adaptés aux exigences, et ce pour la totalité des fonds dont ils ont la garde. Ils fournissent en toutes circonstances des conseils avec impartialité, et utilisent les ressources disponibles pour fournir une série de prestations équilibrées. Les archivistes répondent avec courtoisie, et avec le souci d'aider, à toutes les recherches raisonnables portant sur les documents dont ils assurent la conservation, et encouragent leur usage par le plus grand nombre dans les limites posées par la politique des institutions dont ils dépendent, la nécessité de préserver les documents, le respect de la législation, de la réglementation, des droits des individus et des accords avec les donateurs. Ils motivent les restrictions aux éventuels demandeurs, et les appliquent avec équité. Les archivistes découragent les limitations d'accès et d'utilisation des documents quand elles sont déraisonnables, mais peuvent accepter voire suggérer des restrictions clairement définies et d'une durée limitée quand elles sont la condition d'une acquisition. Ils observent fidèlement et appliquent avec impartialité tous les accords passés au moment d'une acquisition, mais, dans l'intérêt de la libéralisation de l'accès aux documents, ils peuvent renégocier les clauses quand les circonstances changent.

7. Les archivistes visent à trouver le juste équilibre, dans le cadre de la législation en vigueur, entre le droit au savoir et le respect de la vie privée. Les archivistes veillent à ce que la vie des personnes morales et des individus, ainsi que la sécurité nationale soient protégées sans qu'il soit besoin de détruire des informations, surtout dans le cas des archives informatiques où l'effacement des données et la réinscription sont pratique courante. Les archivistes veillent au respect de la vie privée des personnes qui sont à l'origine ou qui sont le sujet des documents, surtout pour celles qui n'ont pas été consultées pour l'usage ou le sort des documents.

8. Les archivistes servent les intérêts de tous et évitent de tirer injustement de leur position des avantages pour eux-mêmes ou pour quiconque. Les archivistes s'abstiennent de toute activité préjudiciable à leur intégrité professionnelle, à leur objectivité et à leur impartialité. Les archivistes ne tirent de leurs activités aucun avantage personnel,

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Loi sur les Archives au Maroc

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financier ou de quelque autre ordre qui pourrait être au détriment des institutions, des usagers et de leurs collègues. Les archivistes ne collectionnent pas de documents originaux ni ne participent à un commerce de documents pour leur compte. Ils évitent les activités qui pourraient créer dans l'esprit du public l'impression d'un conflit d'intérêt. Les archivistes peuvent exploiter les fonds d'archives de leur institution à des fins de recherches et de publications personnelles, pourvu qu'un tel travail soit mené selon les mêmes règles que celles imposées aux autres usagers. Ils ne révèlent ni n'utilisent les informations qu'ils ont pu obtenir par leur travail dans les fonds d'archives dont l'accès est limité. Ils ne permettent pas que leurs recherches personnelles ou leurs publications interfèrent avec les missions professionnelles ou administratives pour lesquelles ils sont employés. En ce qui concerne l'exploitation de leurs fonds d'archives, les archivistes n'utilisent pas leur connaissance des découvertes faites par un chercheur, et qu'il n'aurait pas encore publiées, sans l'avertir au préalable de leur intention d'en tirer parti. Les archivistes peuvent critiquer et commenter les travaux proches de leurs domaines de recherches, y compris les travaux inspirés des fonds dont ils ont la garde. Les archivistes ne permettent à personne d'extérieur à leur profession de s'immiscer dans leurs pratiques et obligations.

9. Les archivistes cherchent à atteindre le meilleur niveau professionnel en renouvelant systématiquement et continuellement leurs connaissances archivistiques et en partageant les résultats de leurs recherches et de leur expérience. Les archivistes s'efforcent de développer leur savoir professionnel et leurs connaissances techniques, de contribuer aux progrès de l'archivistique, et de veiller à ce que les personnes qu'il leur appartient de former et d'encadrer exercent leurs tâches avec compétence.

10. Les archivistes travaillent en collaboration avec leurs collègues et les membres des professions voisines afin d'assurer universellement la conservation et l'exploitation du patrimoine documentaire. Les archivistes cherchent à stimuler la collaboration et à éviter les conflits avec leurs collègues, en résolvant les difficultés par l'encouragement à respecter les normes archivistiques et l'éthique professionnelle. Les archivistes coopèrent avec les représentants des professions parallèles dans un esprit de respect et de compréhension mutuelle.