Download - Kenny Garrett - Cité de la Musiquecontent.citedelamusique.fr/pdf/note_programme/np_11874.pdf · 2012-03-05 · Kenny Garrett en sait quelque chose, qui a fait ses premières armes

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DIMANCHE 11 MARS – 20H

Kenny Garrett

Kenny Garrett, saxophoneVernell Brown, pianoCorcoran Holt, contrebasseMcClenty Hunter, batterie

Fin du concert vers 21h30.

En un endroit de Seeds From the Underground, l’album de Kenny Garrett dont la parution accompagne la tournée mondiale du saxophoniste qui fait étape à la Salle Pleyel, en un endroit de ce nouvel album, donc, un morceau débute nimbé d’un bruit que l’on n’avait pas entendu depuis longtemps : le craquement d’un disque vinyle. La composition s’intitule Detroit, du nom de la ville, ancien fleuron de l’industrie américaine, qui fut aussi l’un des grands berceaux de la musique afro-américaine en général et du jazz en particulier. Kenny Garrett en sait quelque chose, qui a fait ses premières armes dans cette cité frappée depuis de plein fouet par la désindustrialisation et un nouveau phénomène, celui de la « rétraction urbaine ». Dans sa dédicace à cette ville meurtrie, le sax soprano de Kenny Garrett est rejoint par un chœur aux accents gospel qui ajoute à la nostalgie de la mélodie tandis que passe et repasse en fond le bruissement d’un vieux 33 tours. Sur scène, à moins d’un artifice technologique, on n’entendra probablement pas ce son parasite devenu symbole d’une mémoire : celle d’un art dont la transmission s’est faite par l’oralité, d’homme à homme, et par le vinyle, véritable conservatoire d’une musique qui, longtemps, ne s’est pas enseignée autrement qu’à l’école de l’oreille, du relevé, de l’imitation, au creux du sillon.

Detroit a beaucoup donné au jazz, et pas seulement Kenny Garrett. Dans les années 1950, florissante grâce au boom de l’industrie automobile (au point qu’on la surnomma « Motown », contraction de motor town), elle fut, comme d’autres métropoles telles que Chicago ou Philadelphie, l’un des foyers d’un renouveau du jazz porté par de jeunes musiciens noirs, que l’on qualifia de hard bop. Bop, parce qu’il dérivait du be-bop, le jazz moderne inventé par Charlie Parker, Dizzy Gillespie et quelques autres initiés. Hard, parce qu’il se jouait avec une ardeur inlassable, une énergie qui puisait son inspiration au cœur même de l’âme musicale afro-américaine, le blues et le gospel. Des musiciens originaires de Detroit, les amateurs de jazz connaissent les contrebassistes Paul Chambers et Doug Watkins, la fratrie Jones (Hank, le pianiste ; Thad, le trompettiste ; Elvin, le batteur), les pianistes Barry Harris, Tommy Flanagan ou Kirk Lightsey, les saxophonistes Yusef Lateef, Pepper Adams ou Joe Henderson, le guitariste Kenny Burrell et beaucoup d’autres encore qui, tous, finirent par partir chercher la reconnaissance (ou, plus sûrement, du travail) à New York.

Or, tant d’autres sont restés à Detroit, peu ou prou oubliés de la postérité, faute d’avoir fait à temps des disques pour Prestige ou Blue Note qui les auraient rendus immortels, ou d’avoir été entraînés dans l’orbite de ces leaders – Miles Davis, Art Blakey, Horace Silver – qui ont inscrit leurs sidemen dans l’histoire. Ces musiciens restés dans une ville ingrate, oublieuse de son histoire, ont eu à cœur de ne pas laisser mourir la flamme du jazz qu’ils avaient vu battre et tenu à la transmettre aux plus jeunes. Kenny Garrett est le fruit de cette histoire et le répertoire de Seeds From the Underground, qui paraît sur Mack Avenue, en est le reflet. Car, né à Detroit le 9 octobre 1960, Kenny Garrett a fréquenté quelques-uns des vétérans obscurs de cet âge d’or de Motown « d’avant Motown » que se remémore un livre1 paru aux États-Unis retraçant ces années de vitalité du jazz qui précédèrent l’explosion soul et la fièvre disco incarnées par Diana Ross et les artistes du mythique label de Berry Gordy. Le saxophoniste sait qu’il doit à ces musiciens de l’ombre une partie de son ancrage, de sa confiance, de sa légitimité ; c’est eux qui l’ont formé, c’est

eux qui l’ont poussé à dix-huit ans à rejoindre l’orchestre de Duke Ellington, c’est d’eux qu’il tient ces anecdotes qui font le sel du jazz, que les musiciens se relatent entre eux, autant pour se remémorer le bon vieux temps que pour impressionner la bleusaille alentour qui les écoute avidement.

« Tous ces morceaux sont dédiés à quelqu’un en particulier, explique-t-il. Car ces « graines » [seeds, en anglais] auxquelles fait référence le titre ont été plantées, directement ou indirectement, par les gens qui ont joué un rôle dans mon développement. » Ainsi, Kenny Garrett salue-t-il le trompettiste Marcus Belgrave, figure attachée au label Tribe Records, qui fut son premier mentor, ou bien encore Bill Wiggins, le directeur de l’orchestre de son lycée par lequel passa à la même époque un certain Jeff Mills, devenu depuis l’une des têtes de proue du mouvement techno, ultime avatar de la fertilité musicale de Detroit. Parmi les dédicataires on trouve aussi le regretté saxophoniste Jackie McLean dont Kenny Garrett tient une partie de sa sonorité à l’alto ; le batteur Roy Haynes auprès de qui il a souvent joué, et tout dernièrement au sein du quartet The Freedom Band avec Chick Corea et Christian McBride ; le pianiste Keith Jarrett, dont il salue l’art d’interpréter les ballades ; son ami le guitariste martiniquais Christian Laviso, qui l’a initié aux traditions rythmiques de son île…

De tous ces hommes qui font ce qu’il est devenu, il sera question dans la musique jouée sur scène par Kenny Garrett qui, loin de verser dans la nostalgie, s’est toujours efforcé de conserver à son art une certaine forme d’urgence. Une urgence qui se ressent dans une sonorité d’alto puissante, une intensité constante dans le jeu, une fougue qui s’épanche dans des solos fleuves conduits graduellement jusqu’à une tension maximale, un paroxysme dont la résolution tient autant à l’exacerbation du phrasé qu’à une forme de recherche extatique. Comme le soulignait récemment son confrère Rudresh Mahanthappa, plus jeune, Kenny Garrett a démontré le premier que le saxophone alto pouvait à nouveau rivaliser avec le ténor, instrument par excellence de la quête musicale depuis John Coltrane. Cet acte de bravoure n’est pas de moindre mérite dans cette chanson de geste ininterrompue que les jazzmen d’aujourd’hui continuent de colporter dans le nouveau millénaire.

Vincent Bessières

1 Lars Bjorn & Jim Gallert, Before Motown, A History of Jazz in Detroit, 1920-1960, Ann Arbor The University of

Michigan Press, 2001.

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DIMANCHE 18 MARS, 16H

Gustav Mahler

Symphonie n° 2 « Résurrection »

Orchestre National du Capitole de

Toulouse

Chœur Orfeon Donostiarra

Tugan Sokhiev, direction

Anastasia Kalagina, soprano

Janina Baechle, mezzo-soprano

Coproduction Orchestre National du Capitole de

Toulouse, Salle Pleyel.

MARDI 20 MARS, 20H

Alban Berg

Sieben frühe Lieder

Johannes Brahms

Meine Liebe ist grün

Wiegenlied op. 49 n° 4

Von ewiger Liebe

Vergebliches Ständchen

Claude Debussy

Harmonie du soir

Le Jet d’eau

Recueillement

Richard Strauss

Der Stern

Wiegenlied

Allerseelen

Frühlingsfeier

Karita Mattila, soprano

Ville Matvejeff, piano

Coproduction Céleste Productions - Les Grandes Voix,

Salle Pleyel.

LUNDI 26 MARS, 20H

Alexandre Glazounov

Prélude de la Suite du Moyen Âge

Symphonie n° 6

Sergueï Prokofiev

Symphonie concertante, pour violoncelle et

orchestre

Russian National Orchestra

Mikhail Pletnev, direction

Gautier Capuçon, violoncelle

SAMEDI 12 MAI, 20H

Claude Debussy

Prélude à l’après-midi d’un faune

Franz Liszt

Concerto pour piano n° 2

Hector Berlioz

Symphonie fantastique

Orchestre National du Capitole de

Toulouse

Tugan Sokhiev, direction

Jean-Yves Thibaudet, piano

Coproduction Orchestre National du Capitole de

Toulouse, Salle Pleyel.

Salle Pleyel | et aussi…

Salle Pleyel

Président : Laurent Bayle

Notes de programme

Éditeur : Hugues de Saint Simon

Rédacteur en chef : Pascal Huynh

Rédactrice : Gaëlle Plasseraud

Graphiste : Elza Gibus

Stagiaires : Christophe Candoni,

Carolina Guevara de la Reza.