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Jean-PaulSartre L'tre etlenant Essaid'ontologie phnomnologique DITI ONCORRI GE AVECI NDEXPAR ARLETTEELKAM-SARTRE Gallimard Celivreainitialementparudansla Bibliothquedes Ides"e1943. ditionsGallimard,1943. AuCastor Introduction LARECHERCHEDEL'TRE L'IDEDEPHNOMNE La pense moderne a ralisunprogrs considrable enrduisant l'existant l a srie des apparitions qui l e manifestent.On visait par l supprimer un certain nombrededualismesquiembarrassaientla philosophie etles remplacer par le monismeduphnomne.Y at-onrussi ? Ilestcertain qu' on s'est dbarrass enpremier lieu de ce dualisme quiopposedansl'existantl ' intrieurl'extrieur.Iln'yaplus d'extrieur del'existant,si l'onentendparl unepeau superficielle quidissimuleraitaux regards lavritablenature de l'objet.Et cette vritablenature,sontour,sielledoittrel aralitsecrtedela chose, qu'on peut pressentir ou supposer mais jamais atteindre parce qu'elleestintrieure l'objet considr,n'existepasnonplus. Lesapparitionsquimanifestentl' existantnesontni intrieuresni extrieures :eltessevalenttoutes, el l es renvoienttoutesd'autres apparitions et aucune d'elles n'est privilgie. La force, par exemple, n'estpasuncana/usmtaphysiqueetd'espceinconnuequise masqueraitderrireseseffets(acclrations,dviations,etc.):elle est l'ensemble de ces effets. Pareiltement le courant lectrique n' a pas d'enverssecret :iln'estrienquel'ensembledesactionsphysicochimiques(lectrolyses,i ncandescenced' unfilamentdecarbone, dplacementde l'aiguille du galvanomtre,etc. )qui le manifestent. Aucunede cesactionsne suffit l e rvler.Maisellen'indique rien qui soitderrireelle:elleindiqueelte-mmeetl a srietotale.Il s'ensuit,videmment,quel edualismedel'treetduparatrene saurait pl us trouver droit de ci t en philosophie.L'apparence renvoie 11 lasrietotaledesapparencesetnonunrelcachquiaurait drainpourluitoutl'tredel'existant.Etl'apparence,desonct, n'estpas une mani festation inconsistante de cet tre. Tant qu'on a pu croireaux ralits noumnales, on a prsent l 'apparence comme un ngati f pur.C'tait ce quin'est pas l' tre ;elle n'avait d'autre tre queceluidel ' i llusionetdel'erreur.Maiscettremmetait emprunt, i ltaitlui-mmeun fa ux-semblantetl a difficult l a plus grandequ'onpouvaitrencontrer,c'taitdemaintenirassezde cohsion et d'existencel'apparencepourqu'ellene sersorbepas d'el l e-mmeauseindel'trenonphnomnal. Maissinousnous sommes une fois dpris de ce queNietzscheappelait l'illusion des etsinousnecroyonsplusl'tre-de-derrirel'apparition, celle-cidevient,aucontraire,pleinepositivit, son essence estunparatrequine s'oppose plus l'tre,maisquien est l a mesure, au contraire. Car l ' tre d' un existant, c'est prcisment ceq u' i lparat.Ainsiparvenons-nousl'idede phnomne,telle qu' on peutla rencontrer,par exemple, dans l aPhnomnologie deHusserloudeHei degger,lephnomneoulerelatif-absolu. Relatif,lephnomneledemeurecarleparatresupposepar essence quelqu'un quiparatre. Mais iln'a pas la double relativit de l'Erscheinung kanti enne.I ln' i ndi que pas, par-dessus son paule, un tre vritable quiserait, l ui ,l' absol u.Ce qu'il est,i ll'est absol ument, car ilse dvoile comme il est. Le phnomne peut tre tudi et dcrit en tantquetel,car i lest absolument indicatif de lui-mme. Dummecoupvatomberladualitdelapuissanceetdel'acte. Toutest en acte.Derrire l'acteiln' y anipuissance,ni exis , nivert u.Nous refuserons,par exempl e,d'entendre par gnie -au sensol'ondi tqueProustavaitdugnie ouqu' iltait un gnie -une puissance singulire de produire certaines uvres, quine s'puiserait pas, j ustement, dans l a production de celles-ci. Le gnie deProust,cen'estnil'uvreconsidreisolment,nilepouvoir subjectif dela produire :c'est l'uvre considre comme l'ensemble desmanifestationsdel apersonne. C'estpurquoi,enfin,nous pouvons gal ement rejeter le dualisme de l'apparence et de l'essence. L'apparence ne cache pas l'essence,elle l a rvle :elle est l'essence. L'essence d' un existantn'est plus une vertu enfonce au creux de cet existant,c'estl al oi manifestequiprsidel asuccessiondeses apparitions, c'estl a raison del a srie.Au nomi nalisme dePoincar, dfinissant uneralitphysique (l e courant lectrique, par exemple), comme l a somme de ses diverses manifestations, Duhem avait raison d'opposer sa propre thorie, qui faIsan du concept l'unit synthtique deces manifestations. Et ,certes, la phnomnologie n'estrienmoins qu'un nominal isme.Mais, en dfi nitive, l'essence comme raison de la srien'estqueleliendesapparitions,c'est--direelle-mmeune apparition.C' est ce quiexplique qu' i lpuisse y avoir une intuition des 12 essences(l aWesenschaudeHusserl,parexemple) .Ainsil'tre phnomnal se manifeste,i lmanifeste son essence aussi bien que son existence etil n'est rienque la srie bienliede ces manifestations. Est-ce di reque nous ayons russi supprimer tous les dualismes en rduisant l'existant ses manifestations ?Ilsemble plutt que nous les ayons tous convertis en un dualisme nouveau : celui du fini et de J'infi ni . L'existant,en effet,ne saurait se rdui re une srie finie de manifestations,puisquechacune d'elles estunrapportunsujet en perptuel changement. Quand un objet ne se livrerait qu' travers une seuleAbschattung ,l e seul fait d'tre sujetimplique la possibil it de mul tiplier les points de vue sur cette Abschattung .Cela suffit pour multiplier l ' i nfiniAbschattung considre.En outre, si la sried'apparitionstaitfi nie,celasignifieraitquelespremires apparuesn' ontpas l a possibilitde reparaftre, ce qui estabsurde,ou qu'elles peuvent tre toutes donnes l a fois, ce quiest plus absurde encore.Concevons bi en,eneffet, que notre thorie du phnomne a remplaclaralitdelachoseparl ' objectivitduphnomneet qu'elleafondcelle-cisurunrecoursl'infi ni . Laralitdecette tasse, c'est qu'elle est l et qu'elle n'est pas moi.Nous traduirons cel a en disant que la srie de ses apparitions est l ie par une raison qui ne dpend pas de mon bon plaisir. Mais l'apparition rduite elle-mme etsansrecoursl a sriedontelle fait partiene saurait trequ'une plnitude intuitive et subjective :la mani re dont le sujet est affect.Sile phnomne doit servler transcendant, i lfaut que le sujet l uimmetranscendel'apparitionverslasrie total edontelleestun membre. I l fautqu'i lsaisisselerougetraverssonimpressionde rouge,Lerouge,c'est--direl araisondel asrie ;l ecourant lectriquetraversJ'lectrolyse,etc.Mai ssil atranscendancede l'objet se fonde sur la ncessit pour l 'apparition de se faire toujours transcender, i len rsulte qu'unobjet pose par principe la srie de ses apparitions comme infinies.Ainsil'apparitionquiest finie s'indique elle-mmedanssafinitude,maisexigeenmmetemps,pourtre saisiecommeapparition-de-ce-qui-apparat,d' tredpassevers l'infi ni . Cetteoppositionnouvel l e, lefinietl'infini ,oumieux l'infini dans le fini , remplace l e dualisme de l'tre et du paratre : ce quiparat, en effet,c'est seulementunaspect del'objet et l'objet est tout entier dans cetaspect et t outentier hors de lui. Tout entier dedans en ce qu'il se manifeste dans cet aspect : i ls'indique lui-mme comme l a structure de l'apparition,qui est enmme temps la raison delasrie.Toutentierdehors,carlasrieelle-mme n'apparatra jamais ni ne peut apparatre. Ainsi , le dehors s'oppose de nouveau au dedanset l'tre-qui-ne-parat-pasl'apparition. Pareillementune certaine puissance revient habiter le phnomne et l uiconfrer sa transcendancemme :lapuissanced' tredveloppenunesrie d'apparitionsrelles oupossibles.Le gnie de Proust, mme rduit 13 auxuvres produites, n'enquivaut pas moins l ' i nfinit des points devuepossiblesqu'onpourraprendresurcetteuvreetqu' on nommera< < l'inpuisabilit>del ' uvreproustienne.Mai scette inpuisabilit quiimplique une transcendance et un recours l ' i nfi ni ,n'est-el l epasuneexi s ,aumoment mmeoonlasaisitsur l'objet ?L'essenceenfinestradicalementcoupedel'apparence individuelle quilamanifeste,puisqu'elle est par principecequi doit pouvoir tre mani fest par une srie de manifestationsindividuelles. Aremplacerainsiunediversitd'oppositionsparundualisme uni que quiles fonde toutes, avons-nous gagn ou perdu ? C'est ce que nousverronsbientt. Pourl 'insta nt, lapremireconsquencedel a thorieduphnomne ,c'estquel'apparitionnerenvoiepas l'tre comme lephnomne kantien au noumne.Puisqu'il n' y a rien derrire elle etqu'ellen'indiquequ'elle-mme (etl a srie totaledes apparitions),ellene peut tre supporte par un autre tre que le sien propre,ellenesauraittrelami ncepelliculedenantqui spare l ' tre-sujetdel ' tre-absolu.Sil 'essencedel'apparitionestun paratre qui nes'opposeplusaucuntre,ilyaunproblme lgi ti me de l'tre de ce paratre.C'est ceproblme qui nous occupera icietquiseralepointdedpartdenosrecherchessurl'treetle nant. I IL E PHNOMN ED' TREE T L' TREDUPHNOMNE L'apparition n'est soutenue par aucun existant diffrent d'elle: el l e asontrepropre.L'trepremierquenousrencontronsdansnos recherchesontologiques, c' est donc l'tredel'apparition.Est-illuimme une apparition ?Il le sembl e d' abord.Le phnomne est ce quisemanifesteet l' tre se manifeste tous enquelque faon,puisque nous pouvons enparler et que nous enavons une certainecomprhension.Ainsidoit-ilyavoirunphnomned'tre,uneapparition d'tre, descriptible comme telle.L'tre nous sera dvoil par quelque moyen d'accs immdiat, l'ennui, l a nause, etc. ,et l'ontologie sera la descriptionduphnomned'tretelqu' ilsemanifeste,c'est--dire sans intermdiaire.Pourtant,ilconvientdeposer touteontologie unequestionpralable :lephnomned'treainsiatteintest-il identique l ' tre des phnomnes, c'est--dire :l'tre qui se dvoile moi, quim'apparat, est-il demmenature que l'tre des existants quim'apparaissent ?Il semblequ'iln' y ai tpasdedi fficult :Husserla montr comment une rduction eidtique est toujours possi ble, c'est-14 -direcomment onpeut toujours dpasser le phnomne concret vers sonessenceet,pourHeidegger,l aralit-humaine estonticoontologi que,c'est--dire qu'elle peut toujours dpasser le phnomne verssontre.Maisl epassagedel'objetsingulierl'essenceest passagede l'homogne l ' homogne.En est-il de mme du passage del'existantauphnomned' tre ?Dpasserl'existantversle phnomned'tre, est cebienledpasservers sontre, commeon dpasselerougeparticul i er vers son essence ?Regardonsmieux. Dansun objetsingulier,onpeut toujoursdistinguerdesqualits commel acouleur,l'odeur,etc.Et, partirdecel les-ci ,onpeut toujoursfixeruneessencequ'ellesimpliquent,commelesigne impliquelasignification.L'ensembleobjet-essence faituntout organis :l'essence n'est pas dans l'objet,elle est le sens de l'objet, la raisondela sried'apparitionsquile dvoilent. Maisl'tren'estniune qualit de l'objet saisissable parmi d'autres, niun sens de l'objet. L'objetne renvoiepas l ' trecommeunesignifi cation :ilserait impossi bl e, parexemple,dedfi nirl'trecommeuneprsence puisquel'absencedvoileaussil ' tre,puisquenepastrel,c'est encoretre.L'objetne possdepasl'tre,et son existencen'est pas une participation l ' tre,ni tout autre genre de relati on.Il est, c'est la seulemanirededfinirsafaond'tre ;carl'objetnemasquepas l'tre, mais i lnele dvoilepasnonplus :i lne le masque pas, car i lseraitvaind'essayerd'cartercertainesqualitsdel'existantpour trouver l ' trederrireel l es,l'tre estl'tredetoutes galement -i lnel edvoilepas,cari l seraitvaindes'adresserl'objetpour apprhendersontre.L'existant estphnomne, c'est--direqu'il se dsignelui-mmecommeensembleorganisde qualits.Lui-mme et nonsontre.L'tre estsimplementlaconditiondetoutdvoilement :il est tre-pour-dvoiler et non tre dvoil.Que signifie donc ce dpassement vers l'ontologique dont parle Heidegger ? A coup sr, j e puisdpassercettetableou cette chaise vers sontreet poser la questiondel'tre-tableoudel'tre-chaise.Mais,cetinstant,j e dtournelesyeuxdel atable-phnomnepourfixerl'tre-phnomne,quin'est plus l a condition de tout dvoilement -mais qui est lui-mme un dvoil ,une apparition et qui , comme tel l e,a son tour besoind' un tresur l e fondementduqueli lpuissese dvoiler. Si l'tre des phnomnes ne se rsout pas en un phnomne d'tre et si pourtant nous ne pouvons rien dire sur l'tre qu'en consultant ce phnomned'tre,l e rapport exactqui unitl e phnomned'tre l'treduphnomnedoi t tretabl i avanttout. Nouspourronsl e faire pl us aisment si nous considrons que l'ensemble des remarques prcdentesatdi rectementinspirparl'intuitionrvlantedu phnomned'tre.Enconsidrantnonl'trecommeconditiondu dvoil ement , mai sl'trecommeapparitionquipeuttrefixeen concepts,nousavonscompristoutd'abordquel aconnaissancene 15 pouvaitel l e seul e rendreraisondel'tre, c'est--dire que l'tre du phnomnenepouvait se rduire au phnomne d'tre.En unmot, lephnomned'treestontologique ausensol'onappelle ontologiquelapreuvedesaintAnselmeetdeDescartes.Il estun appel d'tre; i lexige, en tant que phnomne, un fondement qui soit transphnomnal . Lephnomned'tre exige la transphnomnalit de l ' tre. Celane veut pas direquel'tre se trouve cach derrire les phnomnes (nous avons vu que l e phnomne ne peutpas masquer l'tre) - niquelephnomnesoit uneapparence qui renvoie un tre distinct (c'est en tant qu'apparence que le phnomne est, c'est-direqu'ils' indique sur lefondementdel'tre).Ce1ui estimpliqu par l es considrations qui prcdent, c'est que l'tre du phnomne, quoiquecoextensifauphnomne,doitchapperl acondition phnomnale -qui estde n'exister que pour autant qu'on se rvle -etque ,par consquent, i ldborde et fonde la connaissance qu'on en prend. III LECOGITO*PRRFLEXI F^ETL' TREDUP ERCI PERE? On sera peut-tre tent de rpondre que les difficults mentionnes plushauttiennenttoutesunecertaineconceptiondel'tre,une manirederalismeontologiquetoutfaiti ncompatibleavecl a notion mme d'apparition.Ce quimesure l'tre de l'apparition c'est, en effet,qu'elle apparat.Et ,puisque nous avons born l a ralit au phnomne,nouspouvonsdireduphnomnequ'ilestcommei lapparat.Pourquoi ne pas pousserl'ide jusqu' s a limite etdire que l'tre de l'apparition c'est son apparatre ? Ce qui est simplement une faonde choisir desmotsnouveauxpourhabil l er levieilesseest percipi deBerkeley.Etc'est bien,eneffet, ceque feraunHusserl, lorsque,aprsavoireffectularductionphnomnologique,i ltraiteralenomed'irreletdclareraquesonesseestun percipi. IlneparatpasquelaclbreformuledeBerkeleypuissenous satisfaire.Ceci pour deux raisons essentielles, tenant l'une la nature du percipi, l'autre celle du percipere. Naturedupercipere.- Sitoutemtaphysique,eneffet, suppose une thorie de la connaissance, en revanche toute thorie de la connaissance suppose une mtaphysique. Cela signifie, entre autres choses,qu'un idalisme soucieuxderduire l'tre laconnaissance qu'on en prend,devrait auparavant assurer de quelque manire l ' tre 16 dela connaissance.Si l'on commence, au contraire, par poser celle-ci commeundonn,sansseproccuperd' enfonderl"treetsil' on affirmeensuiteesseestpercipi ,latotalitperception-peru, fauted'tresoutenueparuntresolide,s'effondredanslenant. Ainsil'tredelaconnaissancenepeuttremesurparlaconnaissance ;il chappe aupercipi 1.Ainsi l'tre-fondement du percipere etdupercipidoi tchapperlui-mmeaupercipi:ildoittre transphnomnal . Nous revenons notre point dedpart. Toutefois onpeutnousaccorder quelepercipirenvoieuntrequichappe auxloisdel ' apparition,maistoutenmaintenantquecettre transphnomnal estl'tredusujet.Ainsilepercipirenverraitau percipiens-Ieconnu la connaissance et celle-ci l'tre connaissant entantqu'ilest , nonentantqu' i l estconnu,c'est--direl a conscience.C'estce qu' a comprisHusserl :car sile nome estpour lui uncorrlatifi rreldelanose,dontlaloiontologiqueestle percipi,l a nose,au contraire,luiapparat comme l a ralit, dont l a caractristiqueprincipaleestdesedonnerlarflexionquil a connat, comme ayant t dj l avant.Car la l oid'tre du sujet connaissant,c'estd'tre-conscient.La conscience n'estpas unmode de connaissanceparticulier,appelsensintimeou connaissance de soi, c'estl a dimension d'tretransphnomnale du sujet. Essayonsdemieuxcomprendrecettedimensiond'tre.Nous disions que la conscience estl'treconnaissant en tant qu' il est et non entantqu' ilestconnu. Celasignifiequ' il convientd'abandonner le primat de la connaissance, si nous voulons fonder cette connaissance mme.Et,sans doute,l a consciencepeutconnatre et seconnatre. Maiselleest ,enelle-mme ,autrechosequ'uneconnaissance retourne sur soi.Touteconscience, Husserl\ ' a montr,est consciencede quelque chose.Cela signifie qu'il n'est pasdeconscience quine soit position d' un objet transcendant, ou,si \'on prfre,quela conscience n' a pas de .Ilfautrenoncercesdonnes neutresqui pourraient,selonlesystmederfrenceschoisi,seconstitueren monde ouenpsychique.Unetablen'estpasdanslaconscience, mme titre de reprsentation.Une table est dans l'espace, ctdela fentre, etc.L'existence de la tabl e, en effet, est uncentre d'opacitpourl aconscience ;i l faudraitunprocsinfinipour inventorier le contenu total d'une chose. Introduire cette opacit dans laconscience,ceseraitrenvoyerl'infi ni l'inventairequ'ellepeut dresserd'elle-mme,fairedel a conscienceunechoseet refuser le 1.Il vade soi que toutetentative pour remplacer le perciperepar une autre aUwdedelaralit humaineresteraitpareillementi nfructueuse.Sil'on admettait quel'treservlel'hommedansl efaireencorefaudrait il assurer l'tredufaireen dehorsdel'action. 17 cogilO.La premire dmarched' une philosophie doit donctrepour expulser les choses de la conscience et pour rtablir le vrai rapport de celle-ciaveclemonde,savoirquelaconscienceestconscience positionnelledumonde.Touteconscienceestpositionne lIeence qu'ellesetranscendepouratteindreunobjet,etelles'puisedans cette position mme :tout ce qu'il y a d'inlenlion dans ma conscience actuelleestdirigversledehors,verslatable ;toutes mes activits judicativesoupratiques,toutemonaffectivitdumomentsetranscendent ,visentlatableet s'y absorbent.Toute consciencen'est pas connaissance(ilyadesconsciencesaffectives,parexemple),mais touteconscienceconnaissantenepeut treconnaissanceque de son objet.Pourtantlaconditionncessaireetsuffisantepourqu' uneconscienceconnaissante soitconnaissance desonobjet,c'estqu'elle soit conscienced' elle-mme commetantcetteconnaissance.C'estune conditionncessaire :simaconsciencen' taitpasconscienced' tre consciencedetabl e, elleseraitdoncconsciencedecettetablesans avoirconsciencedel'treou,sil'onveut,uneconsciencequi s'ignoreraitsoi-mme,uneconsciencei nconsciente- cequiest absurde.C'estunecondition suffisante :ilsuffitque j'aie conscience d'avoir conscience de cette table pour que j 'en aie en effet conscience. Cela ne suffit certes pas pour me permettre d'affirmer que cette table existe en soi maisbienqu'elleexiste pour moi.Que sera cette conscience de conscience ? Nous subissons un tel pointl ' i llusionduprimatdel a connaissance,quenoussommes tout de suite prts faire de la conscience de conscience une idea ideae la maniredeSpinoza, c'est--direune connaissancedeconnaissance. Alainayantexprimercettevidence : Savoir,c'estavoirconsciencedesavoir",latraduitencestermes :Savoir,c'estsavoir qu'onsait."Amsiaurons-nousdfinil arfexionouconscience positionnelledelaconscience,oumieuxencoreconnaissancedela conscience.Ce serait une conscience complte etdi rige vers quelque chose qui n'est pas elle, c'est--dire vers la conscience rflchi e.Elle set ranscenderaitdoncet, commel aconscienceposi tionnelledu monde,s'puiserait viser sonobjet.Seulementcetobjet serait luimmeune conscience. Ilne parat pas que nous puissions accepter cette interprtation de l acOIlsciencedeconscience.Larductiondel aconsciencela connaissance, en effet,implique qu'on i ntroduit dans la conscience la dualitsujet-objet,quiest typique de l a connaissance.Mais sinous acceptons la l oidu couple connaissant-connu, un troisime terme sera ncessaire pour que le connaissant devienne connu son tour et nous seronsplacsdevantcedilemme :ounousarrterunterme quelconque delasrie :connu-connaissant connu - connaissant connudu connaissant,etc. ,alorsc'estl a totalit duphnomnequi 18 tombedans l 'i nconnu,c'est-:direquenousbutonstoujourscontre unerflexionnonconsciente de soi et termedernier -ou bien nous affirmonsl ancessitd'unergressionl' infi ni (ideaideaeideae, etc. ) , cequiestabsurde.Ainsil ancessitdefonderontologiquement l a connaissance se doubleraitici d'unencessit nouvelle : celle delafonderpistmologiquement.N'est-cepasqu' il nefautpas introduirela loiducouple danslaconscience ?Laconsciencede soi n'est pascouple.Ilfaut, si nous voulons viter l a rgression l'infini, qu'ellesoit rapporti mmdiat etnon-cognitif de soi soi. D' ai lleurslaconsciencerflexiveposel aconsciencerflchie commesonobjet :jeporte, dansl ' actede rflexion, des jugements sur la conscience rflchie, j 'en ai honte, j'en suis fier, je la veux, je la refuse,etc.Laconscience i mmdiate que je prends de percevoir ne me permet nide juger, nide voul oi r, ni d'avoir honte. Elle ne connat pasmapercepti on,elle nela posepas :toutce qu'il ya d'intention dansma conscience actuelle est dirig vers l e dehors, vers le monde. Enrevanche,cetteconsciencespontanedemaperceptionest constitutive dema conscienceperceptive.En d'autres termes,toute conscience positionnelle d'objetesten mmetempsconscience non positionnelled'elle-mme.Sijecomptelescigarettesquisont dans cet tui, j 'ai l'i mpression du dvoilement d'une proprit objective de ce groupede cigarettes :elles sont douze.Cette proprit apparat maconscience comme une propritexistantdanslemonde. Jepuis fortbienn'avoir aucune consciencepositionnelle de l es compter.Je ne me connais pas comptant . La preuve en est que l es enfants qui sontcapablesdefaireuneadditionspontanment, nepeuventpas expliquer ensuitecommentils s'ysontpris ;les tests dePiaget quile dmontrentconstituentuneexcellenterfutationdel aformule d'Alain :Savoir, c'est savoirqu'onsait.Et pourtant, au moment o ces cigarettes sedvoilentmoicomme douze, j' ai une conscience non-thtique de mon activit addi ti ve.Si l ' on m' i nterroge, en effet, si l'onmedemande :Quefaites-vousl ?jerpondraiaussitt: Je compteet cetterponsenevisepasseulement la conscience instantane que je puis atteindre par la rflexion, mais celles qui sont passessansavoirtrflchi es,cellesquisontpourtoujours irrflchiesdansmon passimmdiat. Ainsin'ya-t-il aucuneespce deprimatdelarflexionsurlaconsciencerflchi e :cen'estpas celle-lquirvlecelle-cielle-mme.Toutaucontraire,c'estl a consciencenon-rflexivequirendl arflexionpossible :i l yaun cogitoprrflexif quiestlaconditiondu cogitocartsien.Enmme temps,c'estl aconsciencenon-thtiquedecompterquiestla conditionmmedemonactivitadditive.S'ilentaitautrement, commentl'additionserait-elleJethmeunificateurdemesconsciences ?Pourquecethmeprside touteunesriede synthses d'unifications et de rcognitions, i lfaut qu' i lsoit prsent lui-mme, 19 non commeunechosemais commeuneintentionopratoirequi ne peutexisterquecommervlante-rvle,pouremployerune expressiondeHei degger.Ainsi,pourcompter,faut-ilavoirconscience decompter. Sans doute,dira-t-on,mais i lyacercIe.Car ne faut-il pas que je compte en fait pour que je puisse avoir conscience de compter ?Il est vrai .Pourtant, i ln'y a pas cercIe ou, si J'on veut, c'est l a nature mme delaconscienced' exister en cercIe . C'estcequipeut s'exprimer ences termes :touteexistenceconscienteexistecommeconsciente d'exister.Nouscomprenonsprsentpourquoilaconsciencepremire de conscience n'est pas positionne Ile: c'est qu'elle ne fait qu'un aveclaconsciencedontelleestconscience.D'unseulcoupellese dterminecommeconsciencedeperceptionetcommeperception. Cesncessitsdelasyntaxenous ont obligj usqu'iciparlerdela consciencenonpositionnellede soi.Mais nous ne pouvonsuser pluslongtempsdecetteexpressionolede soi veilleencore l'idedeconnaissance.(Nousmettronsdsormaislede entre parenthses,pourindiquerqu' i l nerpondqu' unecontrainte grammaticale.) Cette conscience (de) soi ,nous ne devons pas laconsidrer comme une nouvelle conscience, mais comme le seul mode d'existence qui soit possible pour une conscience de quelque chose.De mme qu'un objet tendu est contraint d'exister selon les trois dimensions, de mme une intenti on, unplaisir,unedouleurnesauraientexisterquecomme consciencei mmdi ate(d')eux-mmes.L'tredel'intention nepeut treque conscience, sinon l'intention serait chose dans l a conscience_ Il nefautdoncpasentendreiciquequelquecauseextrieure(un troubleorgani que,uneimpulsioninconsciente,uneautreErIebnis) pourrait dterminer un vnementpsychique -un plaisir, par exemple - se produire, et que cet vnementainsi dtermin dans sastructurematrielleseraitastreint,d'autrepart,seproduire commeconscience(de)soi . Ceseraitfairedel aconsciencenonthtiqueunequalitdelaconsciencepositionne Ile(ausensol a percepti on,conscience positionnelle de cette table, aurait par surcrot l a qual i t de conscience(de)soi)et retomber ainsi dans l ' i llusion du primatthoriquedel aconnaissance.Ce serai t, en outre,fairede l'vnement psychique une chose, et le qualifier de conscient comme jepeuxqualifier, par exemple,cebuvard de rose.Le plaisir ne peut pas se distinguer -mme logiquement -de la conscience de plaisir. La conscience (de) plaisir est constitutive du plaisir, comme l e mode mmedesonexistence,commelamatiredontilestfaitetnon commeuneformequi s' imposeraitaprscoupunematire hdoniste. Leplaisir ne peut exister avant l a conscience de plaisir - mmesouslaformedevirtualit,depuissance.Unplaisiren puissancenesauraitexisterquecommeconscience(d')treen 20 puissance, iln' y ade virtualits de conscience quecomme conscience de virtualits. Rciproquement,comme je le montrais tout l'heure, i lfaut viter dedfinirl eplaisirparlaconsciencequej 'enprends.Ceserait tomberdansuni dal ismedel a consciencequinous ramneraitpar des voies dtournes au primat de l a connaissance.Le plaisir ne doit pas s'vanouir derrire la conscience qu' il a(de)lui-mme :cen'est pas une reprsentation, c'est un vnement concret, plein et absolu.Il n'est pas plus unequalit de la conscience(de)soi que l a conscience (de)soin'estunequalitduplaisir.I ln'yapas plusd'abordune conscience qui recevrait ensuite l'affection plaisir ,comme une eau qu'on colore , qu'il n'y a d'abord un plaisir (inconscient ou psychologique)quirecevrait ensuite la qualit de conscient, comme un faisceau delumire.Ilyauntreindivisible,indissoluble -nonpointune substancesoutenantses qualits comme demoi ndres tres,maisun trequi estexistencedepartenpart.Leplaisirestl'tredela conscience (de) soiet l a conscience (de) soi est la l oid'tre du plaisir. C'est cequ'exprime fort bien Heidegger, lorsqu'il crit (en parlant du Dasein,vraidire,nondel a conscience):Le"comment" (essentia)decettredoit,pourautantqu'ilestpossibleengnral d'en parler,tre conu partir de son tre (existentia). Cela signifie quel aconsciencen'estpasproduitecommeexemplairesingulier d'unepossibilitabstraite,mais qu'en surgissant au sein de l'tre elle cre et soutient son essence, c'est--dire l'agencement synthtique de ses possibilits. Celaveutdireaussiquel etyped'tredel aconscienceest l ' inversedecelui quenousrvlela preuve ontologique :commel a consciencen'estpaspossibleavantd'tre,mais que son treestl a sourceetlaconditionde toutepossibilit,c'estsonexistencequi impliquesonessence.CequeHusserlexprimeheureusementen parlantdesancessitdefait. Pourqu'i lyaituneessencedu plaisir, i lfaut qu' ily ait d'abord le fait d'une conscience (de) ce plaisir. Et c'est en vainqu' ontenteraitd' i nvoquerde prtendues loisde l a conscience,dontl ' ensemblearticul en constitueraitl'essence :une loiestunobjettranscendantdeconnaissance ;i l peutyavoir conscience de l oi ,non loi de l a conscience.Pour les mmes raisons, i lestimpossibled'assigneruneconscienceuneautremotivation qu'elle-mme.Sinonilfaudrait concevoir que l a conscience, dans l a mesureo elleestuneffet , estnon consciente(de) soi. I lfaudrait que,parquelquect,elle ftsanstreconsciente(d')tre.Nous tomberions dans cette i l lusion trop frquente qui fait de la conscience undemi-inconscientou unepassivit.Maislaconscienceestconscience de part enpart.Elle ne saurait donc trelimiteque par ellemme. Cette dtermination de l a conscience par soi ne doit pas tre conue 21 comme une gense, comme un deveni r,car il faudrait supposer que l a conscience estantrieure sa propre existence. I lne faut pas non plus concevoircettecrationdesoicommeunacte.Sinon,eneffet, l a conscience serait conscience (de) soicomme acte, ce quin'est pas.La consci enceestunpleind'existence et cette dterminationde soi par soi est une caractristique essentiell e.Ilsera mme prudent de ne pas abuserdel ' expression causedesoi,qui laissesupposerune progression,un rapport de soi-cause soi-effet .I lserait plus juste de di re,tout simplement : l a conscience existe par soi .Et par l il ne faut pasentendrequ' el l esetiredunant .Ilnesauraityavoirde nant deconscience avantla conscience. Avantla conscience, onne peutconcevoirqu'unpleind'tredont aucun lment ne peut renvoyeruneconscienceabsente.Pourqu' i l yaitnantde conscience,i l fautuneconsciencequiatetquin'estplusetune consciencetmoi nquipose le nant de la premi reconsciencepour une synthse de rcognitions. La conscience est antrieure au nant et setire de l ' tre 1. On aura peut-tre quelque peine accepter ces conclusions. Mais si onlesregardemieux, ellesparatrontparfaitementclaires :l e paradoxe n'est pas qu' i ly ai t des existences par soi ,mais qu' i ln' y ai t pasqu'elles. Cequi est vri tablementimpensable,c'estl'existence passive, c'est--direuneexistencequi se perptuesans avoirla force ni de se produire nide se conserver. De ce point de vue il n'est rien de pl usi nintelligiblequeleprinciped' i nertie. Et,eneffet,d'o viendraitlaconscience,siel lepouvaitdequelque chose ?Des l i mbes de l'inconscientou du physiologique.Mais si l'on se demande comment ces limbes,leur tour, peuvent exister et d'o ilstirentleurexistence,nousnoustrouvonsramensauconcept d'existence passive, c'est--dire que nous ne pouvons absolument plus comprendre comment ces donnes non conscientes, qui ne tirent pas leurexistenced'elles-mmes,peuventcependantlaperptueret trouverencorelaforcedeproduireuneconscience.C'estceque marque assez la grande faveur qu'a connue la preuve acontingentia mundi.Ainsi,enrenonantauprimatdelaconnaissance,nousavons dcouvert l' tre du connaissant et rencontr l'absolu, cet absolu mme quelesrationalistesduxvusicleavaientdfinietconstitu logiquementcommeunobjetdeconnaissance.Mais,prcisment parcequ' i ls'agitd' un absolud'existenceetnondeconnaissance,il chappecettefameuseobjectionselonlaquelleunabsoluconnu 1.Cela ne signifie nullement que la conscience est le fondement de son tre. Maisaucontraire,comme nousleverronsplusloin,i l yaunecontingence plnirede l'tredelaconscience.Nousvoulonsseulementindiquer :1que rienn'estcausedelaconscience;2qu'elleestcausedesapropremanire d'tre. 22 n'est pl us unabsolu,parce qu'il devient relatif la connaissance qu'on en prend. Enfait,l ' absolu estici non pas l e rsultatd'une constructionlogique sur leterrainde la connaissance,mais l e sujet de la plus concrtedes expriences.Eti ln'est pointrelatif cette exprience, parce qu' i leSI cette exprience.Aussi est-ceun absolunon substantiel. L'erreur ontologiquedurationalisme cartsi en,c'estden' avoir pasvuque, sil ' absolusedfinitparl eprimatdel'existencesur l'essence,ilnesauraittreconu commeunesubstance.Laconscience n' a rien de substantiel, c'estune pure apparence^en ce sens qu'ellen'existequedanslamesureoelles'apparat.Maisc'est prcismentparcequ'elleestpureapparence,parcequ'elleestun vide total(puisque le monde entier est en dehors d' el l e), c'est cause decetteidentitenelledel'apparenceetde l'existencequ'elle peut treconsidre commel'absolu. IV L'TREDUPERCIPI Ilsembl eque noussoyonsparenuautermedenotrerecherche. Nousavionsrdui t les choses latotalitliedeleursapparences, puis nous avons constat que ces apparences rclamaient un tre quineftpl uslui-mme apparence.Lepercipi nous a renvoyun percipiens)',dontl'tres'estrvlnouscommeconscience. Ainsiaurions-nousatteintlefondementontologiquedela connaissance,l'trepremier qui toutes les autres apparitions apparaissent, l'absolu par rapport quoi tout phnomne est relatif. Ce n'est point lesujet,au senskantiendu terme, mais c'estlasubjectivitmme, l'immanencedesoisoi.Dsprsent ,nousavonschapp l'idalisme : pour celui-ci l'tre est mesur par la connaissance, ce qui le soumet l a loi de dualit ; i ln' y a d'tre que connu, s'agt-il de l a pensemme :l apensenes'apparatqu' t raverssespropres produits, c'est--direquenousnelasaisissons jamais quecommel a signification des penses faites ; et le philosophe en qute de la pense doitinterrogerlessciencesconstituespourl'entirer,titrede conditiondeleurpossibilit.Nous avons saisi, au contraire, un tre quichappel a connaissance et quil a fonde,unepensequi ne se donnepointcommereprsentationoucommesignificationdes penses expri mes, mais quiest directement saisie en tant qu'elle est -et cemodedesaisissementn'estpasunphnomnede connaissance,maisc'estla structure de l 'tre. Nous nous trouvons prsent surleterraindelaphnomnologiehusserlienne,bienqueHusserl 23 l ui-mmen'aitpastoujourstfidlesoni ntuitionpremire. Sommes-nous satisfait? Nous avons rencontr un tre transphnomna!, mais est-ce bi en l'tre auquel renvoyait le phnomne d' tre,estce bienl' treduphnomne ?Autrementditl'tredela conscience suffit-ilfonderl ' tredel' apparenceentantqu'apparence ?Nous avons arrach son tre au phnomne pour le donner la conscience,etnous comptions qu'elle l e l uirestituerait ensuite.Le pourra-t-el l e ? Cestcequevanous apprendreunexamendesexigencesontologiques du percipi. Notons d'abordqu'il ya un trede la choseperue en tant qu'elle estperue. Mmesijevoulaisrduirecettetableunesynthse d'impressionssubjectives,aumoi nsfaut-ilremarquerqu'ellese rvle,entanl quelable,travers cette synthse,qu'elleen estl a limitetranscendante, laraisonetl ebut . Latableest devantl a connaissanceetne sauraittreassimilela connaissancequ'onen prend,sinon el l e seraitconscience,c'est--direpureimmanence,etel l e s'vanouiraitcommetable. Pourl emmemotif,mmesiune pure distinction de raison doit l a sparer de l a synthse d'impressions subjectives travers l aquel l e onl a sai si t,dumoins nepeut-ellepas tre cette synthse :ce serait lardui reune activit synthtique de liaison.Entant,donc,queleconnunepeutsersorberdansl a connaissance,i l fautl ui reconnatreuntre.Cet tre,nousdit-on ,c'estl epercipi. Reconnaissonstoutd'abordquel'tre d upercipine peut se rduire cel uidu percipiens c'est--dire la consciencepas plus que la tabl e ne se rduit la l i aison des reprsentations. Tout au pl us,pourrait-on di re qu' i lest relatif cet tre.Mais cette relativit nedispense pasd'une inspectiondel'tre du percipi. Or,l e modedu percipiestle passif.Si doncl'treduphnomne rside dans son percipi, cet tre estpassivit.Relativit et passivi t, tel l esseraientl esstructurescaractristiquesdel ' esseentantque celui-ciserduiraitaupercipi.Qu'est-cequelapassivi t ?Je sui s passif lorsque j e reois une modification dont jene suis pas l'origine - c'est--direnilefondementni lecrateur.Ainsimontre supporte-t-ilunemanired'tredonti l n'estpaslasource.Seulement,pour supporter,encore faut-il quej 'existeet,de cefait, mon existencesesi tuetoujoursau-deldelapassivit.Supporter passivement ,parexemple,estuneconduitequejeliensetqui engagemal i bert aussibi enquerejeterrsolument .Sije doi s tre pour toujours celui-qui-a-t-offensil faut que je persvre dans montre, c'est--dire que je m'affecte moi-mme de l ' existence. Mai s,par l mme,jereprendsmoncompte,en quelquesorte,et j 'assume mon offense, je cesse d'tre passif vis--vis d'elle. D'o cette alternative :ou bien je ne suis pas passif en mon tre, alors je deviens le fondement de mes affections mme si tout d'abord je n'en ai pas t l'origine- oubienjesuisaffectdepassivitjusqu'enmon 24 existence, mon tre est un trereu et alors tout tombe dans le nant. Ainsilapassivitestunphnomnedoublementrelatif :relatif J'activitdeceluiquiagitetl'existencedeceluiquiptit.Cela impliquequel apassivitnesauraitconcernerl'tremmede l'existant passif : el le est une relation d'un tre un autre tre et non d' untreunnant. Ilestimpossiblequel epercipereaffectel e perceptum de l'tre, car pour tre affect i lfaudrait que le perceptum ftdjdonn en quelque faon,doncqu' il existe avant d'avoir reu l'tre.Onpeutconcevoirunecration,la conditionque l'tre cr se reprenne,s' arrache au crateur pour se refermer sur soi aussitt et assumer son t re : c'est en ce sens qu' un livre existe contre son auteur. Mais sil'acte de cration doit se continuer indfiniment, si l'tre cr est soutenu jusqu'en ses plus infimes parties, s'il n'a aucune indpendance propre, s'il n'est en lui-mme que du nant, alors l a crature ne se distingue aucunement de son crateur, elle se rsorbe en lui ;nous avions affaire une faussetranscendance et le crateur ne peut mme pas avoir l ' il lusion de sortir de sasubjectivit 1. D'ailleursl a passivit dupatientrclameunepassivit gale chez l'agent -c'est ce qu'exprime l e principe de l'action et de la raction: c'estparcequ' on peut broyer, treindre, couper notre main que notre mainpeutbroyer,couper,treindre.Quelleestla partde passivit qu'on peut assigner l a perception, l a connaissance ? Elles sont tout activit, tout spontanit. C'est prcismentparce qu'elle est spontanit pure, parce que rien ne peut mordre sur elle, que la conscience nepeutagirsurrien.Ainsi l'esseestpercipiexigeraitquela conscience,pure spontanit qui ne'peut agir sur rien,donne l'tre unnanttranscendantenluiconservantsonnantd'tre :autant d'absurdits. Husserl a tent de parer ces objections en introduisant la passivit dans la nose :c'est la hyl ou flux pur du vcu et matire dessynthsespassives.Maisiln'afaitqu'ajouterunedifficult supplmentairecelles que nousmentionnions.Voil rintroduites, eneffet, cesdonnesneutresdontnousmontrionstoutl'heure l'impossibilit.Sansdoutenesont-ellespasdescontenus de conscience, mais el l es n' en demeurent que pl us inintelligibles. La hyl nesauraittre,eneffet,de laconscience, sinon elles'vanouirait en transluciditetnepourraitoffrircettebaseimpressionnelleet rsistante quidoi t tre dpasse vers l' objet. Mai s si el l e n'appartient pas la conscience, d'o tire-t-elle son t re et son opacit ? Comment peut-ellegarderlafoisl arsistanceopaquedeschosesetl a subjectivitdel apense ?Sonessenepeutl uivenird'un percipi puisqu'ellen'estmmepasperue,puisquel aconsciencelatranscende vers les objets.Mais siellele tired'elleseule,nous retrouvons 1.C'est pour cette raison quela doctrine cartsienne de la substancetrouve sonachvementlogiquedanslespinozisme. 25 le problme i nsolubledurapportdelaconscienceavecdesexistants indpendants d'ell e. Et simme onaccordait Husserl qu'il yaune couchehyl ti quedel anose,onnesaurait concevoir commentla consciencepeuttranscendercesubjectifversl'objectivit.Endonnantlahyll escaractresdel achoseetlescaractresdela consci ence, Husserl a cru faciliter le passage de l'une l'autre, mais il n'est arriv qu' crer un tre hybride que la conscience refuseet qui ne saurait fairepartiedu monde.Mais, en outre, nous l ' avons vu, le percipi implique que l a loi d'tre du perceptumest l a relativit.Peut-on concevoir que l'tre du connu soitrelatif l a connaissance ?Quepeut signifierla relativit d' tre, pourunexistant,sinonque cet existantason tre enautrechose qu'en lui-mme,c'est--dire en un existant qu'il n'est pas ? Certes il ne serait pas i nconcevable qu'untre ft extrieur soi, si l ' on entendait par lque cet tre est sa propre extriorit.Mais ce n'est pas le cas ici. L'tre peru est devantla conscience, elle ne peut l'atteindre et i lne peutypntreret,commeilestcoupd' elle,i lexiste coup desa propre existence.Il ne servirait rien d'en faire un irrel, l a manire deHusserl ;mmetitre d'irrel,i lfautbien qu'il existe. Ainsil esdeuxdterminationsderelativitetdepassivit,qui peuventconcernerdesmaniresd'tre,nesauraientenaucuncas s'appliquer l'tre.L'esse du phnomnene saurait tre son percipi. L'tretransphnomnaldelaconsciencenesauraitfonderl'tre transphnomnal duphnomne.Onvoitl'erreurdesphnomnistes :ayantrduit,justetitre,l'objetl asrieliedeses apparitions,ilsontcruavoirrdui tsontrelasuccessiondeses manires d'treet c'estpourquoii l s l'ontexpliqu pardes concepts qui ne peuvent s'appliquer qu' des manires d'tre, car ils dsignent desrelationsentre unepluralitd'tres dj existants. v LAPREUVEONTOLOGI QUE Onne faitpasl'tres a part :nouscroyionstredispens d'accorder l a transphnomnalitl' tredu phnomne, parce que nousavonsdcouvertl atransphnomnalitdel'tredelaconscience.Nousallons voir, tout au contraire ,quecette transphnomnalitmmeexige celle de l'tre du phnomne.Ily aunepreuve ontologique tirernonducogitorfexif,mais del'tre prrflexif du percipims.C'est cequenousal l onstenter d'exposer prsent. Toute conscience est conscience de quelque chose. Cette dfinition 26 delaconsciencepeuttrepriseendeuxsensbien distincts:ou bi en nous entendons par l quela conscience est constitutivede l'tre de son objet,ou bi en cela signifie que l a conscience en sa nature la plus profondeestrapportuntretranscendant.Maislapremire acceptiondel a formule sedtrui td'elle-mme :tre consciencede quelque chose c'est tre en face d'une prsence concrte et pleine qui n'estpaslaconscience.Sansdoutepeut-onavoir conscience d' une absence.Mai scetteabsenceparatncessairementsurfondde prsence. Or,nous l ' avons vu,l a conscience est une subjectivit relle et l ' i mpression est une plnitude subjective. Mais cette subjectivit ne saurait sortir de soi pour poser un objet transcendant en l ui confrant la pl nitudeimpressi onnelle.Sidoncl'onveut toutprixquel'tre duphnomnedpendedel aconscience,i l fautquel'objetse distingue dela consciencenonpar sa prsence,mais par son absence, nonparsaplnitude,maisparsonnant.Sil'treappartientla conscience, l'objet n'est pas la consciencenon dans la mesure o il est unautre tre,maisdans celle o i lest unnon-tre.Cestle recours l'infi ni , dont nous parlionsdanslapremiresectionde cetouvrage. PourHusserl , parexemple,l ' ani mationdunoyauhyltiqueparles seules i ntentions quipeuventtrouverleurremplissement(Erfllung) danscettehylne saurait suffire nous faire sortir dela subjectivit. Lesintentionsvritablementobj ectivantes,cesontlesintentions vides, celles qui visent par-del l'apparition prsente et subjectivela totalit infinie de la srie d'appari ti ons.Entendons, en outre, qu'elles les visent en tantqu'elles ne peuvent jamais tre donnes toutes la foi s.Cest l ' i mpossibilit de principe pour les termes en nombre infini delasrie d'existeren mmetempsdevantlaconscienceen mme tempsquel' absencerelledetouscestermes,saufun,quiestle fondement de l'objectivit. Prsentes, ces impressions -fussent-elles en nombre i nfi ni-se fondraient dans le subjectif, c'est leur absence quileur donnel'treobjectif.Ainsil'tredel'objetestunpur nontre.Ilse dfinit comme un manque.Cest cequi se drobe, cequi ,parprincipe, ne sera jamai s donn, ce quise livre par profils fuyants et successifs.Mais commentl e non-tre peut-il tre lefondement de l'tre ?Commentlesubjectifabsentetatlendudevient-ilparl l'objectif ?Une grande joie que j 'espre, unedouleur que je redoute acquirentde cefaitunecertainetranscendance,je raccorde.Mais cettetranscendancedansl ' i mmanencenenousfaitpassortirdu subjectif.Ilestvraique leschosessedonnent par profils -c'est-diretoutsimplementparapparitions. Eti l estvraiquechaque apparitionrenvoied'autresapparitions.Maischacuned'ellesest djelletouteseuleuntretranscendant,nonunematire impressionnelle subjective -une plnitude d'tre, non un manque une prsence, non uneabsence. Cest en vain qu'on tentera un tour de passe-passe, en fondant l a ralit de l'objet sur la plnit ude subjective 27 i mpressionne Ileet sonobjectivit surlenon-tre : jamais l'objectif ne sortiradu subjectif,niletranscendantdel ' i mmanence,nil'tre du non-tre.Mai s,di ra-t-on, Husserldfinitprcismentla conscience comme une transcendance.En effet :c'est l ce qu'ilpose ; et c'est sa dcouverteessentielle.Maisdsl emomentqu'ilfaitdunomeun irrel , corrlatifdel anose,etdontl'esseestunpercipi, il est totalementinfidleson principe. La conscience est conscience de quelque chose : cela signifie que la transcendance est structure constitutive de l a conscience ; c'est--dire quel a consciencenat porte suruntrequin'est paselle.C'estce quenousappelonsl apreuveontologique.Onrpondrasansdoute quel'exigencedelaconscienceneprouvepasquecetteexigence doivetre satisfaite. Mais cette objection ne saurait valoir contre une analyse de ce que Husserl appelle i ntentionnalit et dont i la mconnu lecaractreessentiel.Di requel aconscienceestconsciencede quelque chose cela signifie qu'il n' y a pas d' tre pour la conscience en dehorsdecetteobligationprcised'treintuitionrvlantede quelque chose, c'est--dire d'un tre transcendant.Non seulement la subjectivit pure choue se transcender pour poser l'objectif, si elle est donne d'abord, mais encore une subjectivit pure s'vanouirai t . Cequ'onpeutnommer proprement subjectivit,c'estlaconscience(de)conscience.Mai silfautquecetteconscience(d'tre) conscience se qual i fie en quelque faon et elle ne peut se qualifier que commeintuitionrvlante,sinonellen'estrien. Or,uneintuition rvlanteimpliqueunrvl.Lasubjectivitabsoluenepeutse constituer qu'en face d'un rvl, l'immanence ne peut se dfinir que dansl a saisied'untranscendant. Oncroiraretrouvericicommeun chodelarfutationkantiennedel'idalismeproblmati que. Mais c'est bien plutt Descartes qu'il faut penser. Nous sommes ici sur le plan de l'tre, nonde la connaissance :il ne s'agit pas de montrer que lesphnomnesdusensinterneimpliquentl'existencedephnomnes objectifs et spatiaux, maisque la conscience implique dans son treuntrenonconscientet transphnomnal.Enparticulieri l ne serviraitri enderpondrequ'eneffetl asubjectivitimplique l'objectivit etqu'ellese constitue elle-mme en constituant l'objecti f :nousavonsvuquelasubjectivitestimpuissanteconstituer l ' objectif.Direquel aconscienceestconsciencedequelquechose, c'est di re qu' el le doit seproduire comme rvlation rvle d' un tre quin'estpasel l e etquise donnecommeexistantdj lorsqu'ellele rvle. Ainsi nous tions parti de la pure apparence et nous sommes arriv enpleintre. Laconscienceestuntredontl'existencepose l'essence, et,inversement, el l e est conscience d'un tre dont l'essence impliquel'existence,c'est--diredontl'apparencerclamed'tre. L'tre est partout. Certes, nous pourrions appliquer la conscience la 28 dfi niti onqueHeidegger rserveau Dasein et dire qu'elle est un tre pour l equeli lest dans son tre question de son tre, mais i lfaudrait la complter etl a formulerpeuprsainsi :la conscience estuntre pourlequel il est dans son tre questionde son tre entant que cet tre implique untreautrequelui. Il est bien entendu que cet tre n'est autre que l'tre transphnomnal des phnomnes et non un tre noumnal qui se cacherait derrire eux.C'estl'trede cettetable,decepaquetde tabac,dela lampe, plus gnralement l'tre du monde qui est impliqu par la conscience. Elleexigesimplementquel'tredecequiapparatn'existepas seulement en tant qu' i lapparat. L'tre transphnomnal de ce qui est pour la conscience estlui-mme en soi. VI L' TREENSOINouspouvons prsent donner quelquesprcisionssur l e phnomned'trequenousavonsconsultpourtablirnosremarques prcdentes.La conscience est rvlation-rvle des existants etles existants comparaissent devant la conscience sur le fondement de leur tre.Toutefois,la caractristi quede l'tred'unexistant,c'est dene pas sedvoiler lui-mme,enpersonne,laconscience ;on ne peut pas dpouiller un existant de son tre, l'tre est le fondement toujours prsentdel'existant,ilestpartoutenluietnullepart,iln'yapas d'trequinesoittred'unemanired'treetqu'onnesaisisse traverslamanire d'tre quile manifeste et le voile en mme temps. Toutefois, la conscience peuttoujours dpasser l'existant,non point vers son tre, mais vers le sens de cet tre. C'est ce quifait qu'on peut l'appelerontico-ontologique,puisqu'unecaractristiquefondamentale de sa transcendance, c'est detranscender l'antique vers l'ontologique.Lesensdel'tredel'existant,entantqu'ilsedvoilela conscience, c'estlephnomned'tre.Ce sens alui-mmeuntre, sur lefondementdequoii lsemanifeste.C'estdecepointdevue qu'onpeutentendrel efameuxargumentdel ascolastique,selon lequeli l yavaituncerclevicieuxdanstoutepropositionqui concernaitl'tre,puisquetoutj ugementsurl'treimpliquaitdj l'tre.Maisenfaiti l n'yapasdecerclevicieuxcari l n'estpas ncessaire dedpasser nouveaul'tre de ce sens vers son sens :le sens de l'tre vaut pour l'tre de tout phnomne, y compris son tre propre.Lephnomned'tren'estpasl'tre,nousl'avonsdj marqu.Maisili ndi quel'treetl'exige - quoique,vraidire,la 29 preuveontologiquequenousmentionnionsplushautnevaillepas spcialementniuniquement pour lui :i lyaune preuveontologique valabl epourtoutledomainedelaconscience.Maiscettepreuve suffitjustifi er tousl esenseignementsquenouspourronstirerdu phnomned'tre.Le phnomned'tre,commetoutphnomne premier, est immdiatement dvoil l a conscience.Nousenavons chaquei nstantcequeHei deggerappelleunecomprhension prontologique,c'est--direqui nes'accompagnepasdefixationen conceptsetd'lucidation.Ils'agitdoncpournous,prsent, de consulter cephnomneetd'essayerde fixer par cemoyen l e sens de l 'tre. Ilfaut remarquer toutefois : 1quecettelucidationdusensdel ' trenevautquepourl'tre duphnomne. L'tredelaconsciencetantradicalementautre, sonsensncessiteraunelucidationparticulirepartirdela rvlation-rvled' unautretyped'tre,l ' tre-pour-soi,quenous dfinirons plusloin et qui s'oppose l'tre-en-soi duphnomne ; 2 que l'lucidationdusens de l ' treen soiquenousallons tenter ici ne saurait tre que provisoire. Les aspects qui nous seront rvls impliquentd' autressignificationsqu' il nousfaudrasaisiretfixer ultrieurement . Enparticulierl esrflexionsquiprcdentont permisdedisti nguerdeuxrgionsd'treabsolumenttranches: l'tredu cogito prrflexif et l ' treduphnomne.Mais, bien quele conceptd'treaitainsicetteparticularitd'trescindendeux rgionsi ncommunicables,ilfautpourtantexpliquerquecesdeux rgionspuissenttreplacessouslammerubrique.Celancessiteral'inspectiondecesdeuxtypesd'treeti lestvidentquenous nepourronsvritablementsaisirlesensdel'unoudel'autreque lorsque nous pourrons tablir leurs vritables rapports avec la notion del'treengnral,etl esrelationsquilesunissent.Nousavons tablieneffet ,par l'examendela conscience non positionnelle(de) soi,quel'treduphnomnenepouvaitenaucuncasagirsurla conscience.Parl , nousavonscartuneconceptionralistedes rapports duphnomneavec l a conscience.Mais nous avons montr aussi,parl'examendelaspontanitducogitononrflexif,quela consciencenepouvaitsortirdesasubjectivit,sicelle-ciluitait donne d'abord,et qu'ellene pouvaitagir sur l'tre transcendantnicomportersanscontradictionl eslmentsdepassivitncessaires pourpouvoirconstituerpartird'euxuntretranscendant :nous avonscartainsilasolutionidalisteduproblme.Il sembleque nousnoussoyonsfermtouteslesportesetquenousnoussoyons condamnregarderl'tretranscendantetlaconsciencecomme deuxtotalits closesetsanscommunicationpossible.Ilnous faudra montrerqueleproblmecomporteuneautresolution,par delle ralisme etl ' i dalisme. Toutefois, ilest un certain nombre de caractristiques qui peuvent 30 trefixesi mmdiatementparcequ'ellesressortentd'elles-mmes, pour l a plupart,dece que nous venons dedire. La claire vision du phnomned'treatobscurciesouventpar unprjugtrsgnralquenousnommeronsl ecrationnisme. CommeonsupposaitqueDieu avaitdonnl'treaumonde,l'tre paraissaittoujoursentachd'unecertainepassivit. Maisunecration ex nihilone peut expliquer lesurgissement de l'tre, car si l'tre est conu dansune subjectivit, ft-elle divine,il demeureun mode d'treintrasubjectif.Il nesauraityavoir,danscettesubjectivit ,mmel areprsentationd'uneobjectivitetparconsquentellene saurait mme s'affecter de la volont de crer de l ' objectif.D'ailleurs l'tre,ft-ilpossoudainhorsdusubjectif parlafulgurationdont parle Lei bni z, i l ne peut s'affirmercommetre qu'enversetcontre soncrateur,sinonilsefondenl ui :lathoriedelacration conti nue,entantl'trecequelesAllemandsappellentla Selbststandigkeit ",le faits'vanouir dans la subjectivitdivine.Si l'tre existe enface de Di eu, c'est qu'il est son propre support, c'est qu'ilneconservepaslamoindretracedelacrationdivine.Enun mot ,mmes'ilavaittcr,l'tre-en-soiseraitinexplicable parla crati on, car ilreprend son tre par del celle-ci. Cela quivaut dire que l'tre est incr. Mais i lnefaudrait pas en conclure que l'tre se crelui-mme,ce qui supposeraitqu'il estantrieur soi . L'trene sauraitt recausa suilamaniredel aconscience.L'treest soi. Celasignifiequ'il n'est nipassivit niactivit. L'une et l'autre de ces notionssonthumainesetdsignentdesconduiteshumainesoules instrumentsdesconduiteshumaines.Ilyaactivitlorsqu'untre conscientdisposedesmoyensenvued' unefin . Etnousappelons passifs les objets sur lesquels s'exerce notre activit, en tant qu'ils ne visent pas spontanment l a fin laquelle nous les faisons servir. En un mot,l'hommeestactif et les moyens qu'ilemploiesont ditspassifs. Cesconcepts,portsl'absolu,perdenttoutesignification.En particulier,l'tren'estpasactif :pourqu'ilyaitunefinetdes moyens, i lfautqu'ilyaitdel'tre.Aplus forte raisonne saurait-il tre passif, carpour tre passif ilfauttre.Laconsistance-en-soide l'tre est par del l'actif comme lepassif.I lest galement par del la ngation comme l'affirmation.L'affirmation est toujours affirmation de quelquechose,c'est--direquel'acte affirmatif se distingue de la chose affirme. Mais si nous supposons une affirmation dans laquelle l'affirmvientremplirl'affirmantetseconfondaveclui ,cette affirmationnepeutpass'affirmer,partropdeplnitudeetpar inhrenceimmdiatedunomel anose.C'estbienl cequ'est l'tre, sinousl edfinissons,pourrendreles ides plus claires,par rapportlaconscience :i l estlenomedansl a nose,c'est--dire l'inhrence soisans lamoindredistance.De cepointde vue,i lne faudraitpasl'appelerimmanence",carl 'immanenceestmalgr 31tout rapport soi ,elle est le plus petit recul qu' on puisse prendre de soi soi .Mai s l'tren'est pas rapport soi, il est soi.Il est une immanence quine peut pas se raliser, une affi rmation qui ne peut pas s'affirmer, une act ivit qui ne peut pas agir, parce qu'il s'est empt de soi-mme. Tout se passe comme si pour librer l 'affirmation de soi du sein de l'tre ilfallaitunedcompressiond'tre.N'entendonspasd'ailleursque l'tre estune affi rmation de soiindiffrencie :l'indiffrenciation de l'en-soi est par del une infinit d'affirmations de soi, dans la mesure o i l yaunei nfinitdemaniresdes' affi rmer.Nousrsumeronsces premiers rsultats endisantquel' TreeST en soi. Maissil'treestensoi,celasignifiequ' i l nerenvoiepassoi, commela conscience (de) soi :ce soi, il l'est.Il l'est au pointque la rflexion perptuelle quiconstitue l e soi se fond en une identit. C'est pourquoi l ' tre est , aufond, par del le soi et notre premire formule ne peut trequ'une approximation due aux ncessits du langage. En fait ,l ' t reestopaquelui-mmeprcismentparce qu' il estrempli del ui-mme. C'estcequenousexprimeronsmieuxendisantque l'Treestcequ'ilest.Cetteformul e, enapparence,eststrictement analytique. En fait,elle est loin de se ramener au principe d' i dentit, en tant que celui-ci est le principe i nconditionn de tous les jugements analytiques.D'abord,elledsigneunergionsinguliredel 'tre : cel l e del'Tre en soi.Nousverrons que l'tre du pour soi se dfinit au contraire comme tant cequ' i l n'est pasetn'tant pas ce qu'il est.I ls'agitdonc ici d' unprincipergional et ,comme tel ,synthti que.En outre,ilfautopposercetteformul e :l'treen soiestcequ' i lest, cellequidsignel'tredelaconscience :celle-ci,eneffet,nousle verrons,aTrecequ'elleest. Cecinousrenseignesurl'acception spciale qu' i lfautdonnerauestdela phrasel'tre estce qu'il est .Du moment qu'il existe des tres qui ont tre ce qu'ils sont, l e fai t d' tre ce qu' on est n' est nullement une caractristique purement axiomatique :il est un principe contingent de l'tre en soi.En ce sens, le principe d' identi t, principe des j ugements analytiques, est aussi un principe rgionalsynthtique de l 'tre. Ildsigne l'opacit de l'treen-soi.Cette opacit ne tient pas de notre position par rapport l'ensoi , ausensonousserionsobligsdel'apprendreetdel'observer parce quenous sommes dehors.L'tre-en-soi n'apoint de dedans quis'opposeraitundehorsetquiserait analogue unjugement, unel oi,uneconsciencedesoi .L'en-soin' a pasdesecret :ilest massif.Enunsens,onpeutledsignercommeunesynthse.Mais c'est la plus i ndissolubledetoutes :la synthse de soi avec soi.Il en rsultevidemmentquel'treestisoldanssontreetqu'il n' entretient aucun rapport avec ce qui n'est pas l ui .Les passages, les devenirs, toutce quipermet de di re que l'tre n' est pas encore ce qu'il seraetqu'ilestdjcequ'iln'estpas,toutcelal uiestrefuspar principe.Car l'tre estl'tre du devenir et de ce fait il est par del le 32 devenir. Ilest ce qu'il est,cela signifie que,par lui-mme, ilne saurait mme pasnepas tre ce qu'il n'est pas ;nous avons vu en effetqu'il n'enveloppaitaucunengati on. I lest pl ei ne positivit.Ilne connat donc pas l'altrit : il nese pose jamais comme autre qu'un autre tre ; il ne peutsouteni r aucun rapport avec J'autre. Il est lui-mme indfiniment etils'puise J'tre.De ce point de vue nous verrons plus tard qu'il chappe la temporal i t.Il est, et quand il s'effondre on ne peut mme pas dire qu'il n'estplus.Ou,du moins, c'est une conscience qui peut prendre conscience de l uicomme n'tant plus, prcisment parce qu'elle est temporelle. Mai s lui-m me n'existe pas comme un manque loiltait :lapleinepositivitd'tres'estreformesurson effondrement . Iltait et prsentd'autrestres sont :voil tout.Enfin -ce sera notre troisime caractristique -J ' tre-en-soi est. Cela signi fie que J'tre ne peut tre ni driv du possi hl e, ni ramen au ncessai re. Lancessitconcernelaliaisondes propositions idales mais noncelle des existants.Un existant phnomnalne peut jamais tre driv d'un autre existant,en t ant qu'il est existant. C'est ce qu'on appelle la contingence de l' tre-en-soi.Mai s l'tre-en-soi ne peut pas nonplustredrivd'un possible.Lepossible estunestructuredu pour-soi, c'est--dire qu'il appartient J'autre rgion d'tre. L'tre-ensoin'estjamai sni possibleniimpossi bl e, ilest.C'estcequela conscience exprimera -en termes anthropomorphiques -en disant qu'il est de trop, c'est--dire qu'elle ne peut absolument le driver de rien, nid' un autre tre,ni d' un possible, nid' une loincessaire. Incr, sans raison d' tre,sans rapport aucun avec un autre tre, l'tre-en-soi est detroppourJ' terni t.L'treest. L'treest en soi . L'treestce qu' i l est.Voi l les trois caractres que l'examen provisoire du phnomne d' tre nous permet d'assignerl ' tredesphnomnes.Pourl'instant,i l nousest impossibledepousserpl usl oi nnotrei nvestigation.Cen'estpas l'examende l'en-soi -quin'estjamaisquecequ'ilest -qui nous permettra d'tabl i r et d'expliquer ses relations avec le pour-soi. Ainsi, nous sommes parti des apparitions et nous avons t conduit progressivementposerdeuxtypesd'tre :l'en-soietlepour-soi,sur lesquelsnous n'avons encore que des renseignements superficielset incomplets. Une foule de questions demeurent encore sans rponse : quel est le sens profond deces deux types d'tre ? Pour quelles raisons appartiennent-i ls l' un et l'autre l' tre en gnral ? Ouel est le sens de l'tre, en tant qu' il comprend en lui ces deux rgions d'tre radicalement tranches ?Sil'idalismeetleralismechouentl'unetl'autre expliquerlesrapportsquiunissentenfaitcesrgionsendroit incommunicables, quelle autre solution peut-on donner ce problme ? et comment l'treduphnomnepeut-iltretransphnomnal ? Ce st pour tenter de rpondre ces questions que nous avons crit le prsent ouvrage. Premire partie LEPROBLMEDUNANT CHAPI TREPREMI ER L'originedelangation L' I NTER ROGATI ON Nos recherches nous ont conduit au sein de l'tre.Mais aussi elles ont abouti une impassepuisque nousn'avons pu tablir deliaison entrelesdeuxrgions d'tre que nous avons dcouvertes.C'est sans doute quenous avions choisi une mauvaise perspective pour conduire notre enqute .Descartes s'est trouv en face d' un problme analogue lorsqu'ilduts' occuperdesrelationsdel'meaveclecorps.I lconseillaitalorsd' enchercherl asolutionsurl eterraindefaito s'oprait l ' uni on de l a substance pensante avec l a substance tendue, c'est--diredans l'imagination.Leconsei lestprcieux :certes notre soucin'estpasceluideDescartesetnousneconcevonspas l'imaginationcommelui.Maiscequ'onpeutretenir,c'estqu'ilne convientpasdesparerd'abordlesdeuxtermesd' unrapportpour essayer de les rejoindre ensuite :l e rapport est synthse. Par suite les rsultatsdel ' analysenesauraientserecouvriravec lesmomentsde cettesynthse.M. Laportedi tquel'onabstraitlorsqu'onpense l'tatisol cequin'est pointfaitpourexister isolment.Leconcret, par opposition, est une totalitqui peut exister par soi seule.Husserl est du mme avis :pour l ui ,le rouge estun abstrait car la couleur ne sauraitexistersanslafigure.Parcontrel a chose temporospatiale,avectoutes ses dterminations,estun concret.De cepoi nt de vue, la conscience est un abstrait, puisqu'elle recle en elle-mme une origineontologiquevers l'en-soiet,rciproquement,lephnomneestunabstraitaussipuisqu'i ldoitparatre laconscience. Leconcretnesauraittrequelatotalitsynthtiquedontla conscience comme le phnomne ne constituent que des moments. Le 37 concret,c'est l'hommedans le mondeaveccetteunion spcifi quede l'homme au monde queHeidegger,par exemple, nomme tre-dans lemonde .Interroger l'exprience, commeKant,sur ses conditionsdepossibilit,effectuerunerductionphnomnologique, comme Husserl ,quirduira le monde l'tat de corrlatif nomatiquedel a conscience,c'estcommencerdlibrmentparl' abstrait. Mais on ne parviendra pas plus restituer le concret par la sommation oul 'organisationdeslmentsqu'onenaabstraits,qu'onnepeut, dans l e systme de Spinoza, atteindre la substancepar l a sommation infiniede sesmodes.Larelationdesrgionsd'treestunjai llissementprimitif et quifaitpartiede l a structure mme de ces tres.Or nous la dcouvrons ds notre premire inspection.I lsuffit d'ouvrir les yeuxetd' interrogerentoutenavetcette totalitqu'estl' hommedans-le-monde. C'estparladescriptiondecettetotalitquenous pourronsrpondrecesdeuxquestions :1Quelestlerapport synthtiquequenousnommonsl 'tre-dans-Ie-monde ?2Quedoivent tre l ' homme et le monde pour que le rapport soit possible entre eux ?Avraidire,lesdeuxquestionsdbordentl'unesurl'autreet nousnepouvonsesprer yrpondresparment. Mais chacunedes conduiteshumaines,tant conduite de l ' homme dans lemonde, peut nous livrer la fois l ' homme,le monde et le rapport qui lesunit, la conditionquenousenvisagionscesconduitescommedesralits objectivementsaisissablesetnoncommedesaffections subjectives qui ne se dcouvriraientqu'au regard de la rflexion. Nousnenous bornerons pasl 'tude d'une seule conduite.Nous essaieronsaucontraired' endcrirepl usieursetdepntrer,de conduite en conduite,j usqu'au sens profond de l a relation hommemonde. Mais i lconvient avant tout de choisir une conduite premire qui puisse nous servir de filconducteur dans notre recherche.Orcetterecherchemmenous fournitlaconduitedsire :cet homme que je suis,sijelesaisistel qu' i lest encemomentdansle monde,je constate qu'il se tient devant l'tre dans une attitude i nterrogative. Au moment mme o je demande : Est-il une conduite qui puisse me rvler le rapport de l'homme avec le monde ?, je pose une question.Cette question jepuis laconsidrer d' une faonobjective, car i li mporte peu que le questionnant soit moi-mme ou le lecteur qui melitetquiquestionneavecmoi.Mais d'autrepart,ellen'estpas simplement l ' ensemble objectif des mots tracs sur cette feuille :elle est indiffrente aux signes quil'expriment.Enun mot, c'est une attiude humaine pourvue de signification.Que nous rvle cette attitude ? Dans toutequestionnous noustenons en faced'untrequenous interrogeons. Toute question suppose donc untre quiquestionne et untrequ' onquesti onne. Ellen'estpaslerapportprimitifde l ' homme l'tre-en-soi, mais au contraire elle se tient dans les limites de ce rapport et elle l e suppose. D'autre part nous interrogeons l'tre 38 interrog sur quelque chose.Ce sur quoi j'interroge l'tre participe latranscendancedel'tre :j' interrogel'tresursesmanires d'tre ousursontre.De cepointde vuel a questionestunevaritde l'attente :j 'at tends une rponse de l'tre interrog.C'est--dire que, sur l e fond d'une familiarit printerrogative avec l ' tre, j'attends de cettreundvoilementdesontreoudesamanired'tre.La rponseseraunouiouunnon.C'estl 'existencedecesdeux possi bilitsgalementobjectives et contradictoires quidistingue par principelaquestionde l'affirmationou delangation. Ilexistedes questions quine comportent pas,enapparence, de rponse ngative - comme, parexemple,cel lequenousposionsplushaut :Que nousrvle cetteattitude ?Mais, en fait ,onvoit qu' il est toujours possiblederpondreparRien ouPersonne ouJamais des questions de cetype. Ainsi, au moment o je demande :Est-il uneconduitequipuissemervlerl erapportdel'hommeavecle monde ?,j 'admets par principe l a possibi l i t d'une rponse ngative telleque :Non,unepareilleconduite n'existepas.Celasignifie quenous acceptons d' tremis en face du fai t transcendant de la nonexistenced' unetel l econduite.Onserapeut-tretentdenepas croire l'existence objective d'unnon-tre ;ondirasimplement que le fai t ,en ce cas, me renvoie ma subjectivit : j'apprendrais de l'tre transcendant que la conduite cherche est une pure ficti on.MaIS, tout d'abord,appelercetteconduiteunepurefiction,c'estmasquerla ngationsansl'ter.purefictionquivauticin'tre qu'une ficti on .Ensuite, dtruire la ralit de la ngation, c'est faire s'vanouir la ralit de la rponse.Cette rponse, en effet ,c'est l 'tre mmequimela donne,c'estdoncl uiquimedvoilelangation.I lexistedonc,pourl equestionnant,l apossibilitpermanenteet objectived' unerponse ngative.Parrapportcettepossibilitle questionnant,du fait mme qu'il questionne, se pose comme en tat de non-dtermination :il ne sait pas si larponse sera affirmative ou ngative.Ainsilaquestionestunpontjetentredeuxnon-tres : non-tredusavoirenl' homme,possibilitdenon-tredansl'tre transcendant. Enfinla question implique l'existence d'une vrit. Par la questionmme,lequestionnantaffirmequ' i lattendunerponse objective, telle qu'on en puisse dire : C'est ainsi et non autrement. En unmotlavrit,titredediffrenciationdel'tre,introduit un troisime non-tre comme dterminant de l a question :le non-tre de limitation.Ce triplenon-treconditionne toute interrogationet, en particulier, l 'i nterrogation mtaphysique -qui est noIre i nterrogation.Nous ti ons partila recherche de l'treet i lnous semblait avoir tconduitauseindel' treparla sriedenosi nterrogations.Or, voilqu'uncoup d'il jet sur l'interrogation elle-mme, au moment o nous pensionstoucherau but, nousrvletoutcoupque nous sommes envi ronns de nant.C'est la possibilit permanente du non-39 tre, hors de nous et ennous,qUI conditionne nos questions sur l'tre. Etc'estencorel enon-trequivacirconscrirelarponse :ceque l'tresera s'enlvera ncessairement sur le fond de cequ'il n'Ist pas. Quelle que soitcetterponse, ellepourra se formuler ainsi :L'tre estcelaet, en dehorsdecela,rien. Ai nsi une nouvelle composante du rel vient denous apparatre : l e non-tre.Notreproblmesecompliqued'autant,car nousn'avons plusseulement traiter des rapports de l'tre humain l'tre en soi, mai s aussi des rapports de l' tre avec lenon-tre et de ceux du nontre humain avec l e non-tre transcendant.Mais regardons-y mieux.Il LESNGATI ONS On va nous objecter que l'tre en soine saurait fournir de rponses ngatives.Nedisi ons-nous pasnous-mmequ' i l tait par-del l'affirmati on commelangation ?D'ail leurs l'exprience banalerduite elle-mme nesemble pas nous dvoiler de non-tre. Je pense qu' i ly a quinze centsfrancs dans mon portefeuille et jen' en trouveplus que treizecents :cela ne signifiepoint,nous dira-t-on,quel'exprience m' ai tdcouvertl e non-tredequinzecents francs maistoutsimplementquefaicompttreizebil letsdecentfrancs.Langation proprementditem'estimputable,elleapparatraitseulementau niveaud'unacte judicatoire par lequelj' tabliraisunecomparaison entrelersultatescomptetlersultatobtenu.Ainsil angation seraitsimplementunequalitdujugementetl'attentedu questionnant seraituneattentedujugement-rponse.Quantaunant,il tireraitsonoriginedesjugementsngatifs,ceseraitunconcept tablissant l ' uni t transcendante detous ces j ugements, unefonction proposi tionnelledu type :Xn'estpas.Onvoitoconduitcette thorie :onvous faitremarquer quel'tre-en-soi est pleine positivit etnecontientenluimmeaucunengation.Cejugementngatif, d'autrepart,titred'actesubjectif,estassimilrigoureusementau jugementaffirmatif :onnevoitpasqueKant,parexemple,ait distingudanssatextureinternel'actej udicatoirengatif del'acte affirmatif ;danslesdeuxcasonopreunesynthsedeconcepts ; simplement cette synthse, qui estunvnement concretet plein de laviepsychique,s'opre i ciaumoyen dela copule estet l au moyendelacopulen'estpas :delammefaon, l'opration manuelle de triage (sparation) et l'opration manuelle d'assemblage (union) sont deux conduites objectives qui possdent la mme ralit 40 defai t . Ainsilangationseraitaubout del'actejudicatif sans tre,pourautant , dans l'tre. Elleestcommeun irrelenserr entredeux pleines ralits dontaucunenela revendique :l ' tre-ensoi interrog surla ngation renvoie au j ugement, puisqu'il n' est que cequ'ilest -etle jugement ,entire positivit psychi que,renvoie l'trepuisqu' ilformuleunengationconcernantl'treet,par consquent, transcendante. La ngation, rsultat d' oprations psychiques concrtes, soutenue dans l 'existence par ces oprations mmes, incapabled'exister par soi ,al 'existenced' uncorrlatif nomatique, sonessersidetoutjustedanssonpercipi.Etl enant,unit conceptuelledesjugementsngatifs,nesauraitavoirlamoindre ralit si ce n'est cellequeles Stociens confraient leur lecton. Pouvons-nous accepter cetteconception ? Laquestionpeutseposerencestermes :langationcomme structure de l a proposition judicative est-elle l'originedunant -ou,aucontraire,est-celenant,commestructuredurel,quiest l'origineet le fondement de l a ngation ?Ainsi le problme de l'tre nousarenvoyceluidela questioncommeattitudehumaine et le problme de la question nous renvoie celui de l'tre de la ngation. Il estvidentquelenon-treapparattoujoursdansleslimites d'une attente humaine. C'est parce que j e m'attends trouver quinze cents francs quejen'en trouvequetreizecents.C'estparcequele physicien attend telle vrification de son hypothse que l a nature peut lui dire non.Ilserait donc vain de nier quela ngation apparaisse sur lefondprimitif d' unrapportdel'hommeaumonde ;lemondene dcouvrepassesnon-tresquinelesad'abord poss comme des possibilits. Mais est-ce dire que ces non-tres doivent tre rduits delapuresubjectivit ?Est-cedirequ'ondoiveleurdonner l'importanceetl e typed'existencedulectonstocien,du nome husserlien ?Nous ne le croyons pas. Tout d'abordi ln'est pas vraiquel a ngationsoit seulement une qualitdujugement ;laquestionseformuleparunjugement interrogatif mais elle n'est pas j ugement :c'est uneconduite prjudicative ; jepeuxinterroger du regard,du geste ; par l'interrogation je me tiens d' une certaine manire en face de l'tre et ce rapport l'tre est unrapportd'tre, lejugementn'enestque l'expressionfacultative.Demmecen'estpasncessairementunhommequele questionneur questionnesur l 'tre :cetteconceptionde l a question, en enfaisant un phnomne i ntersubjectif,la dcolle del ' tre auquel elle adhreetl a laisseenl'aircomme puremodalitdedi alogue.I lfautconcevoir que l a questiondialogue estau contraire une espce particulire dui nterrogation et que l'tre interrog n'est pas d'aborduntrepensant :simonautoaunepanne, c'estle carburateur, les bougies,etc. ,quej'interroge ; si ma montre s'arrte, je puis interroger l'horloger sur les causes de cet arrt, mais c'est aux 41 diffrents mcanismes de la montrequel'horloger, sontour, posera desquestions.Cequej'attendsducarburateur,cequel ' horloger attend desrouages de l a montre,cen'estpasun jugement,c'estun dvoilementd'tresurlefondementdequoil'onpuisseporterun j ugement . Etsij'allendsundvoilementd'tre,c'estquejesuis prpar du mme coup l'ventualit d' un non-tre. Si j'i nterroge le carburateur, c'estquejeconsidrecommepossiblequ'iln'yait rien dans lecarburateur.Ainsima questionenveloppeparnature unecertainecomprhensionprjudicativedunon-tre ;elleest,en elle-mme,unerelationd'treaveclenon-tre,surl efonddela transcendance originel l e,c'est--dire d' une relation d'tre avec l'tre.Si, d'ailleurs, la nature propre de l' interrogation est obscurcie par le faitquelesquestionssontfrquemmentposesparunhomme d' autreshommes,ilconvientderemarquericiquedenombreuses conduitesnonj udicativesprsententdanssapuretoriginelle cette comprhensionimmdiatedunon-tresurfondd'tre.Sinous envisageons,par exemple,l a destruction,ilnous faudra bienreconnatreque c'estune activit quipourra sans doute utiliser le jugement commeuninstrumentmaisquinesauraittredfiniecomme uniquement ou mme principalement judicative.Or elle prsente l a mme structureque l ' interrogati on. Enun sens,certes,l'homme est leseultreparquiunedestructionpeuttreaccomplie.Un plissement gologique, un orage ne dtruisent pas -ou,du moins, ils ne dtruisent pas directement :ils modifient simplement l a rpartition desmassesd' tres.Iln'yapasmoinsaprsl'oragequ'avant. Ilya autrechose.Etmme cette expressionestimpropre car,pour poser l'altrit,i l fautuntmoinquipuisseretenirlepassenquelque manireet l e comparer au prsent sous laformedu ne-plus. En l'absencede cetmoin,il y adel'tre,avant comme aprs l 'orage : c'esttout. Etsilecyclonepeutamenerlamortdecertainstres vivants,cettemortneseradestructionquesielleestvcuecomme tel l e. Pourqu' i l yaitdestruction,ilfautd'abordunrapportde l ' hommel 'tre,c'est--direunetranscendance ;et dans l es limites de ce rapport il faut que l ' homme saisisseun tre comme destructible. Cela suppose un dcoupage limitatif d'un tre dans l'tre, ce qui, nous l'avonsvuproposdelavri t, estdjnantisati on. L'tre considrestcelaet,endehorsde cela ,rien.L'artilleurquil ' on assigneunobjectifprendsoindepointersoncanonsel ontelle direction,l'exclusiondetoutes les autres.Mais celane serait rien encoresil'tren'taitdcouvertcomme fragile.Et qu'est-ce quela fragilitsinonunecertaineprobabilitdenon-trepouruntre donndansdesci rconstancesdtermines ?Untreestfragiles'il porte en sontreune possibilit dfiniedenon-tre.Mais derechef c'estparl ' hommequel afragilitarrivel'tre,carl alimitation individualisante que nousmentionnionstoutl ' heureestcondition 42 de la fragi lit : un tre est fragile etnon pas tout l'tre qui est au-del de toute destructionpossi ble. Ainsilerapport de limitation individualisante quel'hommeentretient avec lintre sur le ftmd premier de son rapportl'trefaitarriver la fragilit encettrecomme apparition d'une possibilit permanente de non-tre. Mais ce n'est pas tout : pour qu' i lyaitdestructibilit,i lfaut que l'homme se dtermine en face de cette possibilit de non-tre, soit positivement, soitngativement ;il faut qu'il prenne les mesures ncessaires pour la raliser (destruction proprementdite) ou,par une ngation du non-tre, pour la maintenir toujours au niveau d'unesimple possibilit (mesures de protection).Ainsi c'est l ' homme qui rend les villes destructi bles, prcisment parce qu'il les pose comme fragiles et comme prcieuses et parce qu'il prend leur gardun ensemble de mesures de protecti on.Et c'est causede l'ensembledecesmesures qu'un sisme ouuneruptionvolcanique peuventdtruire ces villes ou ces constructions humaines.Etl e sens premier et le but de l a guerre sont contenus dans la moi ndre dification de l'homme.Ilfaut doncbien reconnatre que l a destruction est chose essentiellement humai ne et que c'est l'homme qui dtruit ses villes par l'intermdiaire des sismes ou directement, qui dtruit ses bateaux par l'intermdiaire des cyclonesou di rectement.Maisen mme tempsi lfaut avouer que la destruction suppose une comprhension prjudicative du nant en tant que tel et une conduite en face du nant.En outre la destruction,bien qu'arrivant l'tre par l' homme, est unfait objectif etnonunepense.C'estbiendansl'tre decettepoticheques'est imprime la fragi lit et sa destruction serait un vnement irrversible et absolu que je pourrais seulement constater. Il y a une transphnomnalitdunon-trecommedel'tre.L'examendel aconduite destruction nous amne donc aux mmes rsultats que l'examen de la conduite interrogative. Mais si nous voulons dcider coup sr, il n'est que de considrer un jugement ngatif en lui-mme et de nous demander s'il fait apparatre lenon-treauseindel'treous'ilsebornefixerunedcouverte antrieure.J 'airendez-vous avec Pierrequatreheures.J'arriveen retardd'unquartd'heure :Pierreesttoujoursexact ;m'aura-t-il attendu ? Je regarde la sal l e,les consommateurs et je dis : Iln'est pas l. Ya-t-ilune intuitionde l'absence de Pierre oubien l a ngation n'intervient-ellequ'avecl ejugement ?Apremirevueilsemble absurde de parler ici d' i ntuition puisque justement il ne saurait y avoir intuitionderienetquel'absencedePierreestcerien.Pourtantla consciencepopulairetmoignede cetteintuition.Ne dit-onpas, par exempl e :J 'aitoutdesuitevuqu' i l n'tait pasl ?S' agit-ild'un simpledplacementdel a ngation ?Regardons-ydeplusprs. Ilestcertainquel e caf, parsoi-mme,avec ses consommateurs, sestables,sesbanquettes,sesglaces,salumire,sonatmosphre enfume,et les bruitsdevoix,desoucoupesheurtes, de pas qui le 43 remplissent,estunpl ein d'tre.Ettoutesles intuitions de dtail que je puis avoir sont remplies par ces odeurs, ces sons, ces couleurs, tous phnomnesqui ontuntretransphnomnai.Pareillementl a prsence actuelle de Pierre enunl i eu que je ne connais pas est aussi plnitude d'tre.II semble que nous trouvions le plein partout. Mais il fautobserverque,danslaperception, ilyatoujoursconstitution d'une formesurunfond. Aucunobjet,aucun groupe d'objets n' est spcialementdsignpour s'organiserenfondouenforme :tout dpenddel a directiondemonattention.Lorsquej'entredansce caf, pour y chercher Pierre, i lse fait une organisation synthtique de touslesobjets ducafenfondsurquoiPierreest donncomme devantparatre.Etcetteorganisationducafenfondestune premire nantisation. Chaque lment de l a pice, personne, tabl e,chaise,tentedes'isoler,des'enleversurlefondconstituparl a totalitdesautresobjetsetretombedansl' indiffrenciationdece fond,i lse dilue dans ce fond.Car le fond est ce quin'est vu que par surcrot, ce quiest l ' objet d'une attention purement margi nale. Ai nsi cettenantisationpremiredetouteslesformes,quiparaissentet s'engloutissent dans l a totale quivalence d'un fond, est l a condition ncessairepourl'apparitiondel aformeprincipale,qui esticil a personne de Pierre. Et cette nantisation est donne mon intuition,je suis tmoin de l'vanouissement successif de tous les objets que je regarde, en particulier des visages, quime retiennent un instant (< Sic'taitPierre ?)etquisedcomposent aussittprcismentparce qu'ils ne sont pas l e visage dePierre.Si , toutefois, je dcouvrais enfi nPierre,monintuitionseraitrempliepar unlmentsolide,je seraissoudainfascinparsonvisageettoutlecafs'organiserait autour de l ui ,en prsence discrte.Mais j ustement Pierre n'est pas l .Cela ne veutpoint dire que je dcouvre son absence en quelque lieu prcis de l'tablissement.En fait Pierre est absent de tout le caf ; son absence figel e cafdansson vanescence,le cafdemeure fond,ilpersistes'offrir comme totalitindiffrenciema seuleattention margi nal e,i lglisse en arrire, i lpoursuit sa nantisation. Seulement il se fait fond pour une forme dtermine,i lla porte partout au-devant delui,i l melaprsentepartoutetcetteformequiseglisse constamment entremonregardetlesobjets solides et rels du caf, c'estprcismentunvanouissementperptuel,c'estPierres'enlevant comme nant sur le fond de nantisation du caf. De sorte que ce quiestoffertl 'intuition, c'estunpapillotementdenant,c'estle nant du fond,dontl a nantisation appel l e,exige l'apparitionde la forme,et c'est l a forme -nant qui glisse comme un rien l a surface dufond. Cequisertdefondement au j ugement :Pierren'estpas l,c'estdonc bienl a saisieintuitive d'une double nantisation.Et,certes,l'absercedePierresupposeunrapportpremier demoice caf ;i lYaune infinitde gens quisont sans rapportaucun avec ce 44 caffauted'uneattenterellequi constateleurabsence.Mais, prcisment,je m'attendais voir' Pierreet mon attente a fait arriver l'absencedePierrecommeunvnementrelconcernantcecaf, c'est un fait objectif, prsent,que cette absence, je l'ai dcouverte et elle seprsente comme un rapport synthtiquedePierrel a pice danslaquellejelecherche :Pierreabsent hante ce cafetilestla conditiondesonorganisationnant isanteen fond. Au lieuqueles jugements que je peux m'amuser porter ensuite, tels que Wellingtonn'estpasdanscecaf,Paul Valryn'y estpasnon plus,etc.", sontdepuressignificationsabstraites,depuresapplicationsdu principedengation,sansfondementrelni efficacit,eti l sne parviennent pas tablir un rapport rel entre l e caf, Wellington ou Valry :l arelation :n'estpas "esticisimplementpense.Cela suffitmontrerquel enon-trenevientpasauxchosesparle jugement de ngation : c'est l e jugement de ngation au contraire qui est conditionn et soutenu par l e non-tre.Comment, d'ailleurs, en serait-il autrement ? Comment pourrionsnousmmeconcevoirl aformengativedujugementsitoutest plnituded'treetpositivit ?Nousavionscru,uninstant,quel a ngation pouvait surgir de l a comparaison institueentrele rsultat escompt et le rsultat obtenu.Mais voyons cette comparaison ; voici un premier jugement, acte psychiqueconcret et positif,qui constate unfait :Il ya1300 francsdans monportefeuille eten voiciun autre, quin'estautre chose,luinon plus, qu'uneconstatation de fait etuneaffirmation :Je m'attendais trouver150francs.Voil donc des faits rels et objectifs, des vnements psychiques positifs, desjugementsaffirmatifs.Olangationpeut-elletrouverplace ? Croit-onqu'elleestapplicationpureetsimpled'unecatgorie ?Et veut-onquel'esprit possdeensoi lenon commeformedetriageet de sparati on ?Mai s encecas,c'estjusqu'aumoindresouponde ngativit qu' on te l a ngat i on.Sil'on admet que la catgorie du non,catgorie existant en fail dans l'esprit, procd positif et concret pourbrasseretsystmatisernosconnaissances,estdclenche soudain par l a prsence ennous de certains j ugements affirmatifset qu'ellevientsoudainmarquerdesonsceaucertaines pensesqui rsultent de ces j ugements, on aura soigneusement dpoui l l ,par ces considrati ons, l angati ondetoutefonctionngative.Carla ngationestrefusd'existence.Parel l e,untre(ouunemanire d'tre)estpos puis rejetau nant. Si langation est catgorie, si elle n'est qu'untampon i ndiffremment pos sur certains jugements, o prendra-t-on qu'elle puisse nantir un tre, le faire soudain surgir et le nommer pour le rejeter au non-tre ? Siles jugements antrieurs sont des constatations de fait, comme celles que nous avons prises en exemple, il faut que la ngation soit comme une invention libre, il faut qu'elle nous arrache ce mur de positivit qui nous enserre :c'est une 45 brusque solutiondecontinuitquinepeut en aucun cas rsulterdes affi rmations antrieures, un vnement original eti rrductible.Mais nous sommes icidans la sphre delaconscience.Et la conscience ne peutproduireunengationsi nonsousformedeconsciencede ngation .Aucunecatgorienepeuthabiter "laconscienceety rsider la manire d' une chose. Le non, comme brusque dcouverte intuitive, apparat commeconscience (d'tre) consciencedunon.En unmot,s'ily a de l'tre partout, ce n'est pas seulement le nant, qui ,commeleveutBergson,esti nconcevable :del'tre on ne drivera jamais la ngation.La condition ncessaire pour qu' i lsoit possible de direlion,c'estquelenon-tre soitune prsence perptuel l e, en nous et endehors de nous, c'est quel enant hante l'tre. Maisd'ovientlenant ?Ets'ilestlacondition premire dela conduiteinterrogativeet,plusgnral ement,detouteenqute phi losophiqueouscientifi que, quelestlerapportpremier del 'tre humainaunant ,quelle est la premire conduite nantisante ? I I ILACONCEPTI ONDI ALECTI QUE DUNANT I lest encore trop tt pour que nous puissions prtendre dgager le sens de cenanten face duquel l ' i nterrogation nous a tout coup jet. Maisilyaquelques prcisionsquenouspouvons donner ds prsent. Ilne serait pas mauvais enparticulier de fixer les rapports de l' treaveclenon-tre qui lehante. Nous avons constat en effetun certain paral llisme entre l es conduites humai nes en facede l ' tre et cel l es que l' homme ti ent en face du nant ; eti lnous vient aussitt l a tentation de considrer l ' tre et le non-tre comme deux composantes complmentaires durel ,l a faondel'ombreetdela lumire :il s'agiraitensommededeuxnotions rigoureusement contemporaines qui s' uniraientdetellesortedansl aproductiondesexistants,qu' i lserait vain de les considrerisolment. L'tre pur et le non-tre pur seraientdeuxabstractionsdontl a runionseuleseraitlabasede ralits concrtes. TelestcertainementlepointdevuedeHegel.C'estdansl a Logique,en effet ,qu' i ltudie l es rapports de l ' Etre et du Non-Etre et i lappel l e cette logiquele systmedes dterminations puresdela pense. Et i lprcise sa dfinition! :Les penses, telles qu'on les 1.IntroductionP. L. ,2 ; tre-dans-le-monde,c'esthanter lemonde,nonpas ytre englu -etc'estenmon tre-dans-le-monde qu' ilmedtermine.Notre relation n'est pas une opposition defront, c'est plutt une interdpendanceparct :entantquejefaisqu'unmondeexistecomme complexed'ustensilesdont j emesersdesseindemaralithumai ne ,je mefais dterminer en mon tre par un tre qui fait que le mmemondeexistecommecomplexed' ustensilesdesseindesa 284 ralit.I lnefaudraitpasd'ailleurs comprendre cet tre-avec comme unepurecol latralitpassivementreuedemontre. Etre,pour Heidegger,c'est tre ses propres possibilits, c'est se faire tre.C'est donc un mode d'tre que je me faistre.Etcela est si vrai que je suis responsabledemontrepourautruientantquejeleralise librement dans l'authenticit ou l'inauthenticit. C'est en toute libert etparunchoixorigi nel , que, parexempl e, jeralisemontre-avec souslaformeduon.Etsi l'ondemande commentmontre-avec peut exister pour-moi ,il fautrpondreque je me fais annoncer par l e monde ce que je suis.En particul ier,lorsque je sui s sur lemode de l'inauthenticit,duon , l e mondemerenvoiecomme unreflet impersonneldemes possibilits inauthentiques sous l'aspectd'ustensilesetdecomplexesd'ustensilesquiappartiennent toutle monde etquim'appartiennententantquejesuistoutl e monde : vtements tout faits, transports en commun, parcs, jardins, l ieuxpublics,abris faits pour quequiconquepuisses'yabriter,etc. Ainsi je me fais annoncer comme quiconque par le complexe indicatif d'ustensilesquim'indiquecommeun Worumwillen etl'tat inauthentique -qui est mon tat ordinaire tant que jen'ai pas ralis l a conversion l'authenticit -mervlemontre avec non comme l arelationd' unepersonnalituniqueavecd'autrespersonnalits gal ementuniques,noncommel aliaisonmutuelledes plus irremplaabl es des tres ,maiscommeunetotaleinterchangeabilit destermesdelarelation. Ladterminationdestermesmanque encore, jene suis pas opposl'autre, car je ne suis pas moi :nous avonsl ' uni tsocialedel'on. Poserleproblmesurleplande l ' i ncommuni cabilitdesujetsi ndividuels,c'taitcommettreun mpOY :prpOY ;mettre l e monde les jambes en l'air :l'authenticitetl'individualit se gagnent :je neseraima propreauthenticit quesi,sousl'influencedel'appeldelaconscience(Ruf desGewissens) ,j e m'l anceverslamort, avec dcision-rsolue(Entschlossenheit), comme vers ma possibilit laplus propre.A ce moment , jeme dvoile moi-mme dansl'authenticit et les autres aussi jeles lve avecmoi versl'authentique. L'image empirique qui symboliserait l e mieux l'intuition heideggrienne n'estpascelledelalutte,c'estcelledel'quipe.Lerapport origi neldel' autreavecma consciencen'estpas le toi etmoi,c'est l e nous et l 'tre-avec heideggrien n'est pas la position claire et distincte d'unindividuenface d'unautreindividu,n'estpasla connaissance, c'estlasourdeexistence en commun ducoquipier avecson quipe, cette existence que le rythme des avirons ou l es mouvements rguliers dubarreurrendrontsensibleauxrameursetquelebutcommun atteindre,labarqueoulayoledpasseretlemondeentier (spectateurs,performance,etc. ), quiseprofilel ' horizon,leur manifesteront.C'est sur le fond commun de cette coexistence quele 285 brusque dvoilement demontre-pour-mourir me dcoupera soudain dans une absolue solitude en commun en levant en mme temps les autres jusqu' cette solitude. Cette fois, on nous a bien donn ce que nous demandions : un tre qui implique l 'tre d'autrui en son tre.Et pourtant, nous ne saurions nousconsi drercommesatisfait. Toutd'abord,l athoriede Heideggernous offrepluttl'indicationde l a solutiontrouverque cettesolutionlle-mme. Quandbi en mme nousadmettrionssans rselVescettesubstitut iondel'tre-avec l'tre-pour,el l e demeurerait pour nous une simple affirmation sans fondement.Sans doute rencontrons-nous certains tats empiriques denotre tre -en particulierceque lesAll emands dnomment du termeintraduisi bl e de Stimmung qui semblent rvler une coexistence de consciences pluttqu' unerelationd'opposition.Maisc'estprcismentcette coexistencequ'ilfaudraitexpliquer.Pourquoi devient-ell e l e fondement uni quedenotre tre,pourquoiest-elle le type fondamentalde notre rapport avec lesautres,pourquoi Hei degger s'est-il cru autoris passer de cette constatationempiriqueet ontique de l'tre-avec la positiondelacoexistencecommestructureontologiquedemon tre-dans-le-monde ?Et queltyped' treacettecoexistence ? Dansquel l emesurelangationqui faitd'autruiunautreetquil e constituecomme inessentielest-ellemaintenue ?Si onlasupprime entirement, n'allons-nouspastomberdansunmonisme ?Etsion doi t l aconservercommestructureessentielledurapportautrui, quellemodificationfaut-illuifairesubirpourqu'elleperdele caractred'oppositionqu' el l eavaitdansl 'tre-pour-autruietpour qu' el l eacquirececaractredeliaisonsolidarisantequiestla structure mme de l ' tre-avec? Et comment pourrons-nous passer de l l'exprience concrte d'autrui dans l e monde, comme lorsque je voisde ma fentre un passantqui marche dans la rue ?Certes,i lest tentantdemeconcevoircommemedcoupantparl'landema libert, par le choix de mes possibilits uniques sur l e fo