JARDINS FAMILIAUX ET LOGEMENTS COLLECTIFS
approche architecturale et paysagère pour concilier densité urbaine et qualité de vie
Aziz Temel
Enoncé théorique de Master EPFL 2012-2013 | Janvier 2013Impression & Reliure Alfaset, La Chaux-de-Fonds Réalisé sous la direction de:Emmanuel Rey, Directeur pédagogique | Jeannette Kuo, Professeur | Sophie Lufkin, Maître epfl
JARDINS FAMILIAUX ET LOGEMENTS COLLECTIFS
approche architecturale et paysagère pour concilier densité urbaine et qualité de vie
1 | INTRODUCTION
Perceptions de la ville
Perceptions de la nature
2 | HISTOIRE DES JARDINS POTAGERS EN VILLE
Moyen Age et Jardin monastique
Révolution industrielle et Jardin ouvrier
Post-industrielle et Jardin familial
3 | ENJEUX ET ATTENTES ACTUELLES
Enjeux de la ville
Attentes de la nature
Enjeux du jardin potager comme outil de qualité de vie
4 | ETUDES DE CAS
Plain-pied
Vertical-farming
Epaisseur de façade
Toit-terrasse
Synthèse des études de cas
5 | ANALYSE URBAINE
Clé de lecture urbaine
Neuchâtel et son histoire
Porosités et successions des rives
Natures urbaines neuchâteloises
Espaces verts publics et jardins potagers
Synthèse et relation à la ville
6 | ANALYSE DU SITE RETENU
Le quartier de la Maladière et son histoire
Densité du bâti
Equipements à proximité
7 | HYPOTHÈSES DE DÉVELOPPEMENT DU PROJET
Contexte de logements
Démarche
Scénario d’intervention
8 | CONCLUSION
Notes rétrospectives
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INTRODUCTION
étalement urbain et nature en ville
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La ville a toujours entretenu des rapports ambigus avec la nature. Tantôt elle l’a
exclue, tantôt elle l’a englobée, redéfinissant par la même occasion la notion de ville
ainsi que celle de ses limites, comme en témoigne l’évolution des formes urbaines
et des jardins de nos sociétés. C’est ainsi que de formes compactes, les villes
se sont progressivement étendues et diluées dans l’espace environnant. Bien que
générée par de multiples raisons, cette transformation de morphologie urbaine est
également révélatrice d’une relation ville-nature changeante: « La ville fermée la
repoussait, la ville ouverte l’a découverte, la ville étalée l’enserre, la ville de demain
s’en inquiète et s’y projette »1, peut-on résumer. De ce fait, la ville d’aujourd’hui a
besoin de repenser sa relation à la nature pour faire face aux nouvelles dynamiques
contemporaines, dont elle subit les pressions.
Depuis une trentaine d’années, un processus de déconcentration de la population
a progressivement engendré une urbanisation périphérique des villes, qui n’est pas
sans conséquence. Ce phénomène est visible par trois points de vue : l’étalement,
la fragmentation et la mobilité2. La notion d’étalement s’illustre par une extension
urbaine vers la campagne, estompant la limite avec cette dernière. Par une utilisa-
tion intensive du sol, elle crée une urbanisation beaucoup plus diffuse et moins
dense. Quant à la fragmentation, elle se ressent par une discontinuité du bâti, tant
physique, fonctionnelle, que sociale. On retrouve ainsi des zones industrielles, des
centres commerciaux, des zones de villas, juxtaposés les uns à cotés des autres
dans un environnement dont on ne tient plus compte des spécificités locales et
naturelles. Enfin, ce phénomène profite également de l’engouement croissant aux
innovations liées à la mobilité, notamment la mobilité individuelle offerte par la voi-
ture. La démocratisation de cette dernière a provoqué une contraction de l’espace-
temps, offrant à ses usagers la possibilité de découvrir de nouveaux territoires.
1 «Vers une nouvelle alliance entre ville et nature : 7ème rencontre franco-suisse des urbanistes », Les ateliers de la ville durable, Lausanne, 2010
2 « Les métamorphoses de la ville. Régimes d’urbanisation, étalement et projet urbain » , Urbia les cahiers du développement durable, N°1, Lausanne, 2005
Ville et nature
Perceptions de la ville
Agnes Denes, Wheatfield, 1982, New-York
INTRODUCTION
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Au final, cette conquête de nouveaux territoires se traduit par une fuite des ha-
bitants de la cité vers des espaces situées aux abords de la ville, voire même à
la campagne. Ainsi, il se développe de plus en plus de quartiers résidentiels en
dehors des centres urbains. Ce phénomène donne naissance à une ségréga-
tion fonctionnelle de nos modes de vie, en séparant distinctement les lieux
d’activités (ou de travail) des lieux de résidences, elle remet en question le sta-
tut actuel de la ville. A terme, ce nouveau mode de vie peut prendre la forme de
« cités-dortoirs » et engendrer de fortes migrations pendulaires rendues possibles
par l’usage de la voiture. Elle permet ainsi aux d’habitants d’être liés à la ville sans
pour autant y habiter, c’est-à-dire de bénéficier de ses qualités sans devoir en subir
ses défauts. Tout en interrogeant la notion de ville ainsi que celle de ses limites, ce
processus de dédenfication met en évidence les faiblesses de notre tissu urbain
actuel; ceci tant sur ses qualités que sur sa morphologie. Néanmoins, on constate
que cette urbanisation périphérique apporte également certains atouts pour ses
habitants, en leur offrant notamment un cadre de vie à proximité d’espaces de «
nature à vivre ». De la sorte, une perception nouvelle de la nature pourrait ouvrir de
nouveaux champs de réflexions pour la ville, en vue de limiter l’étalement urbain. De
plus, quelle qualité urbaine peut faciliter l’acceptation de la densité ?
Afin de limiter cet étalement urbain et ses nuisances qui remettent en cause la
durabilité de nos villes, il s’impose de repenser l’espace urbain en le densifiant, de
reconstruire la ville sur elle-même. Le problème de cette démarche est qu’elle est
souvent ressentie comme une baisse de la qualité de vie pour les habitants. L’une
des hypothèses serait de faire appel à la « nature en ville », thème qui redevient
d’actualité depuis quelques années, pour qu’elle devienne un facteur clé d’une nou-
velle urbanité, d’une nouvelle qualité urbaine attractive.
Pour certains, la nature est uniquement perçue comme réserve foncière et convoi-
tée pour son potentiel d’espace constructible. Pour d’autres, la nature symbolise un
véritable espace urbain de qualité. En effet, les espaces verts et ses équipements
Perceptions de la nature
sont recherchés par une majeure partie des citadins pour pratiquer leurs activités
de loisirs ou se rencontrer. Ils peuvent revêtir plusieurs fonctions sociales, récréa-
tives ou pédagogiques, et ainsi participer grandement à l’amélioration quotidienne
du cadre de vie. D’après une enquête menée par le LASUR-EPFL3, c’est d’ailleurs
un des critères essentiels de choix de localisation résidentielle. Cependant, ces
espaces verts se raréfient de plus en plus au centre-ville et les modes de vie actuels
tendent à les dissocier de l’habitat. C’est ainsi l’une des raisons de départ des cita-
dins vers la périphérie des villes ou la campagne, qui correspondent dorénavant
plus à des attentes bucoliques de nature: accéder à la maison individuelle dotée
d’un jardin privatif, jardiner, exercer des activités en plein-air, bénéficier d’un style
de vie plus proche de la nature, faire usage de la mobilité douce, autant d’activi-
tés qui sont les éléments clés d’un modèle d’habitation recherché par beaucoup
de citadins. Dès lors, à travers le thème de « nature urbaine », comment serait-il
possible d’encourager les familles à renoncer à la villa périurbaine? En relation à ce
thème, quelles sont les nouvelles typologies urbaines à concevoir en synergie avec
le végétal, entre logement et jardin? Quels sont les intérêts pour la ville elle-même?
A ces hypothèses, qui renvoient aux aspirations des citadins face au contexte ac-
tuel de la ville, quelques éléments déjà présents en milieu urbain donnent l’impul-
sion à des pistes envisageables pour la suite: arbres d’ornement, jardins de poche,
agriculture urbaine, parcs publics novateurs, toitures végétalisées etc, autant d’élé-
ments qui tentent de répondre à la quête des usagers en terme de nature à prati-
quer ou à préserver. A cela s’ajoute de nombreux interstices, espaces résiduels ou
délaissés, à travers lesquels se développe une végétation urbaine « sauvage » et
entretient une biodiversité nécessaire. Ainsi, il serait bénéfique d’intégrer la ville
comme partie prenante de cette approche architecturale, pour tenter de réconci-
lier la densification urbaine avec l’aspiration de ses citadins. Du territoire jusqu’au
balcon fleuri, de l’espace public jusqu’à l’espace privé, mêlant les intérêts de l’un
comme de l’autre. Par cette méthode, notre champs de réflexion pourra s’étendre
et prendre toute l’ampleur qu’elle mérite. Quelles sont donc les enjeux environne-
mentaux, socioculturels et économiques de la nature en ville?
3 KAUFMANN V., PATTARONI L., THOMAS M.-P., Laboratoire de sociologie urbaine de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, « Vers un urbanisme qui
comprend les modes de vie et en tient compte », La Revue Durable, N°45, 2012
INTRODUCTION
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Parmi ces différentes formes de nature, à différentes échelles, ce travail propose
de se concentrer sur un élément particulier de nature urbaine, il s’agit du « jardin po-
tager urbain » et ce pour de multiples raisons. Alors que l’étalement urbain poursuit
son chemin vers la couronne agricole des agglomérations dont elle remet en doute
l’exploitabilité, le jardin potager urbain se veut entre autres une réponse de proximi-
té aux problèmes de production alimentaire. Mais bien plus que cela, c’est l’espace
du jardin au sens large qui est si convoité par le citadin actuel. Aujourd’hui, on le re-
trouve généralement à la sortie de nos villes et quelques fois même en milieu urbain.
Appelés communément « Jardins familiaux », « Jardins ouvriers » ou « Jardins par-
tagés », ils profitent d’une aura émanant de la notion « d’agriculture urbaine » qui se
définit comme « la culture, la transformation et la distribution de produits agricoles
(alimentaires et non alimentaires) à l’intérieur (intra-urbaine) ou à la périphérie (périur-
baine) d’une métropole »4, requestionnant leurs situations et leurs formes actuelles.
Outre ses fonctions vivrières qui peuvent être source d’économie et facteur de
sécurité alimentaire, le jardin potager urbain offre surtout différentes qualités spa-
tiales, sociales et culturelles qui méritent d’être développées. Comment et sous
quelles formes recréer le jardin d’aujourd’hui pour qu’il intègre toutes ses fonc-
tions, notamment de jardins potagers urbains? Serait-il le thème adéquat de nature
urbaine pour concevoir nos villes de demain?
Depuis quelques années, les préoccupations de développements durables ont ainsi
encouragé les pouvoirs publics à reconsidérer le thème du jardin potager en ville.
Cette dernière, tout en offrant les qualités d’un espace vert, a le mérite de favori-
ser les dynamiques urbaines en puisant directement dans les ressources locales.
L’histoire nous prouve que cette conception d’une nature potagère urbaine n’est
pas nouvelle. Au contraire, elle est ancienne et en évolution constante. On peut
l’illustrer par l’histoire des jardins en ville comme reflets des sociétés. « Le rôle et
la forme de ceux-ci dans la ville sont de précieux révélateurs de la société qui les
conçoit, les crée, les aménage, les gère et les pratique »5. Par conséquent, com-
ment concilier actuellement densité urbaine et qualité architecturale, à travers le
thème du jardin?
4 MOUGEOT L., « Agropolis », 2006
5 GARDIOL M., « Parcs et Nature en ville : Reflets des sociétés ? », Institut de géographie, Université de Lausanne, 2010
Dans un premier temps, par une analyse historique démontrant le passé commun
de la ville et du jardin potager, les différents archétypes et leurs valeurs d’usages
conçus à différentes époques seront mis en évidence, afin d’en comprendre les
enjeux passés. Puis, il s’agira d’appréhender le thème du jardin potager urbain à tra-
vers une vision contemporaine en prenant compte des enjeux et attentes actuelles.
Par la suite, une série d’études de cas mêlant logements et jardins potagers per-
mettra de dresser une liste d’applications possibles du végétal et de ses qualités de
vie. Cette première partie permettra ainsi une reformulation claire des hypothèses
initiales sur le jardin, avant d’aboutir sur la seconde partie consacrée au périmètre
d’étude retenu pour la conception de logements collectifs. Cette dernière partie, par
différentes analyses urbaines, se proposera d’esquisser un scénario d’intervention.
De cette manière, il sera possible de dresser une série d’hypothèses sur le type de
logement envisageable pour le site, en recherchant une synergie avec le thème du
jardin potager, afin de concevoir une approche architecturale et paysagère.
INTRODUCTION
HISTOIRE DES JARDINS POTAGERS EN VILLE
évolution des formes et valeurs d’usage
16 | | 17
Différentes époques et différents jardins
Bien que le jardin potager eut existé auparavant en milieu urbain, l’analyse historique
s’est concentrée sur trois périodes jugées intéressantes à propos de ce dernier, soit
le Moyen Age, la Révolution industrielle et Post-indrustrielle. A travers ces diffé-
rentes périodes, l’accent s’est porté sur l’évolution des pratiques et les solutions
apportées par le jardin, afin de percevoir « comment différentes sociétés se sont
projetées dans l’aménagement de leurs parcs et comment la végétation urbaine en
général reflète les préoccupations d’une époque »6, jusqu’aux enjeux actuels.
A l’époque du Moyen Age, l’agriculture était le plus important secteur économique,
9 personnes sur 10 exerçant la fonction de paysan. Sans pour autant être dans
l’indépendance alimentaire, les villes moyenâgeuses se nourrissaient donc essen-
tiellement des récoltes de ces derniers, sans se priver d’importer quelques denrées
qui ne pouvaient être cultivées dans le climat local. Outre ceci, on distinguait déjà
à l’époque deux types d’agriculture, l’agriculture de plein champ et l’agriculture de
jardinage. Cette dernière était perçue comme une activité plus féminine et se pra-
tiquait intra muros, tandis que l’agriculture de plein champ se tenait hors des murs
de la citadelle, tout en y restant à proximité.
En milieu urbain, les jardins étaient ainsi déjà présents, mais relativement rares. De
formes rectangulaires subdivisées géométriquement par des allées transversales,
ils étaient enclos dans des murs et se cultivaient par plates-bandes. Austère et de
taille moyenne, le jardin-type du Moyen Age s’est surtout développé par l’essor des
monastères et des abbayes, pour devenir jardin monastique. Ainsi, il a été organisé
et défini en 3 espaces par les moines : l’herbularius (contenant les plantes médi-
cinales et aromatiques), l’hortus (potager et verger) et le Jardin de la Marie (orne-
mental et spirituel, dédié à la Vierge et au recueillement). Faute de place, l’espace
à l’intérieur des remparts de la ville étant précieux, il était possible de retrouver le
potager et le verger à l’arrière du château.
6 GARDIOL M., « Parcs et Nature en ville : Reflets des sociétés ? », Institut de géographie, Université de Lausanne, 2010
Moyen Age et Jardin monastique
HISTOIRE
Maître anonyme du Haut Rhin, La Vierge au Paradis avec les saints, vers 1410
Maître à la Vue de Sainte-Gudule,
La Vierge à l’Enfant avec donatrice et Marie Madeleine,
XVe siècle
18 | | 19
Au VIIIe siècle, alors qu’on s’efforçait d’élever le niveau intellectuel par l’étude des
simples dans les écoles religieuses pour que les moines puissent soigner les ma-
lades, Charlemagne7 avait dressé une ordonnance royale, appelé le Capitaulaire de
Villis, prescrite à ses domaines royaux. Cet acte légal donnait un certain nombre
de recommandations à ses gouverneurs, notamment sur l’intérêt de la culture de
94 plantes (73 herbes, 16 arbres fruitiers, 5 plantes textiles et tinctoriales)8. De la
sorte, le jardin monastique revêtait différentes qualités: médicale et pédagogique (
enseignement pharmaceutique, étude des plantes), utilitaire (se vêtir, teindre, colo-
rer), alimentaire (potager et verger) et onirique (lieu de prière renvoyant à l’image du
paradis, lieu de rêverie).
Autant de qualificatifs qui ont permis au jardin idéal de l’abbaye médiévale d’être
codifié, à l’image du plan de l’abbaye de Saint-Gall (vers l’an 802) qui reprend très
précisément les différentes parties du jardin. Ce plan a la particularité d’être la plus
ancienne et la plus riche représentation conservée d’un complexe de bâtiment du
Moyen Age. Il a été imaginé en respectant la règle bénédictine qui souhaitait un
monastère regroupant les fonctions religieuses, économiques et sociales de la vie
quotidienne, sans avoir besoin d’en sortir. Ce modèle historique a ainsi nommé les
différents espaces verts dévolus aux moines en les situant dans l’espace et définit
leurs attributions en détaillant à plusieurs endroits leur contenu. Plus qu’un monas-
tère, c’est donc un morceau de ville autonome délimitée par une enceinte, avec ses
rues, ses maisons et ses jardins, qui a été projetée.
A la fin du XVIIIe siècle, par la mécanisation de la production, les villes ont été mar-
quées par d’importants changements de statut. D’une société agricole, elles ont
évolué vers une société de production de biens non-alimentaires, non sans consé-
quence pour l’espace urbain. En effet, par l’implantation massive des premières
industries textiles, minières et métallurgiques à proximité des sources d’énergies,
7 de 742 à 814 apr. J.-C.
8 BILLEN C., « Jardin Urbain, Agriculture urbaine, Prise de Recul Historique », Centre d’écologie urbaine, Bruxcelles, 2002
Plan du monastère de Saint-Gall, IXème siècle
HISTOIRE
Révolution industrielle et Jardin ouvrier
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des matières premières, des nœuds de communication, la ville a subi un éclate-
ment de son cadre urbain traditionnel. Ceci a provoqué une urbanisation accélérée
hors des murs de la cité médiévale.
Par cette forte croissance, la révolution industrielle a déplacé la main d’oeuvre de la
campagne à la ville, provoquant par la même occasion un exode rural. A l’époque,
ce flux de personnes a généré une soudaine hausse démographique en ville sans
précédent dans l’histoire, entraînant une dégradation inévitable des vieux quartiers
et la construction de nouveaux logements très bon marché. A savoir, on appliquait
la méthode industrielle à la construction des logements pour les ouvriers, sans leurs
apporter grands soins, mais en n’omettant pas de les placer proches de l’usine. En
réaction à l’insalubrité des logements, à laquelle s’ajoutait les conditions de travail
très dures, la dégradation des conditions sanitaires, une nutrition malsaine et insuf-
fisante, un mouvement hygiéniste s’est petit à petit instauré en vue de planifier
l’espace urbain.
Cette doctrine hygiéniste s’est remarquée en ville par l’avènement de l’espace vert
pour la collectivité publique, mais était le fruit d’une perception bien particulière de
la nature, soit purificatrice, hygiéniste, qui permettait d’aérer l’espace, mais dénuée
de sens, de fonctions et d’aménités. « Sous une apparence de démocratisation et
de dispersion des ressources et de l’espace, se cachait une politique de contrôle
des masses. Ainsi se met en place, une conception romantique d’une vie familiale
saine dans un espace vert, avec l’objectif de la pacification du père de famille, élé-
ment potentiel de révolte et d’alcoolisme. Dans sa maison et son jardin, le père
de famille se voit davantage responsabilisé. Ce principe de “famille-habitat-jardin”
s’est profondément incrustré dans la culture (...) »9. Dans ce contexte historique où
apparaissaient des théories qui souhaitaient améliorer la qualité des villes avec la
végétation, notamment les fameuses cités-jardins d’Howard Ebenezer10, c’est le
jardin ouvrier qui s’est profilé comme réponse aux fléaux de l’époque.
9 GULINK H., « L’ensemble régional des jardins privé en Flandre et ses rapports avec l’agriculture urbaine », Université de K.U Leuven, Belgique
10 EBENEZER H., concept de cité-jardin apparu pour la première fois dans « Tomorrow, A peaceful path to real reform », 1898
Paysge industriel du Nord de la France, frontière belge, 1906
Carte postale éditée par la ligue du Coin de Terre, env. 1920
HISTOIRE
22 | | 23
Vers 1860, un docteur allemand nommé Daniel Gottlob Moritz Schreber posait les
jalons du jardin ouvrier. Son but était d’éduquer la population et d’améliorer la santé
publique. A travers ses qualités, le jardin ouvrier donnait entre autres une nourriture
plus saine et abondante. De plus, il permettait l’exercice d’une activité de loisir en
plein air, face à la longueur des journées épuisantes de travail, tout en suggérant un
arrière-goût du pays natal par un élément fragile qu’est la cabane de jardin. « Mais
c’était également une idée des patrons des industries pour fixer la main d’oeuvre
dont on avait grandement besoin »11. Ainsi, pour compenser la piètre qualité des
logements standardisés, alignés les uns à coté des autres, on leurs ajoutait un
jardin à proximité, afin que les ouvriers puissent le cultiver. De cette manière, on
empêchait également les ouvriers de se rendre au bistrot ou de se révolter.
Au fil des années, ce jardinage populaire se répandait dans plusieurs pays avec
la création de différentes ligues nationales qui avaient comme but commun de
défendre les intérêts du jardin ouvrier. En Suisse, la « Fédération suisse des petits
jardins» a ainsi vu le jour en 1925, actuellement nommée « Fédération suisse des
jardins familiaux »12. Mais c’est véritablement lors des deux guerres mondiales,
par souci d’approvisionnement de nourriture, que le phénomène du jardin ouvrier
a pris de l’ampleur grâce à son utilité alimentaire reconnue. En 1940, s’instaurait
en Suisse le Plan Wahlen en vue de doubler les surfaces agricoles, allant jusqu’à
exploiter les terrains engazonnés de football.
Quelques années auparavant, alors qu’il connaissait son heure de gloire, le jardin
ouvrier allait perdre de sa valeur utilitaire après la Deuxième Guerre Mondiale. Outre
le meilleur approvisionnement en légume, ce ralentissement était le témoin d’une
nouvelle aire, celle de la reconstruction économique des pays dévastés, provoquant
une croissance industrielle, le plein emploi et une hausse démographique. Cette
période de prospérité, appelée les Trentes Glorieuses, a permis le transfert d’une
11 BILLEN C., « Jardin Urbain, Agriculture urbaine, Prise de Recul Historique », Centre d’écologie urbaine, Bruxcelles, 2002
12 « Fédération suisse des jardins familiaux », http://www.familiengaertner.ch, novembre 2012
Post-industrielle et Jardin familial
Société des mines de Lens, premières notions de botaniques, jardins scolaires, 1906
Société des mines de Lens, enseignement ménager, jardins scolaires, 1906
HISTOIRE
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société de production à une société de consommation. Cette révolution, plus silen-
cieuse que la Révolution industrielle, allait cependant induire de nouveaux change-
ments économiques et sociaux.
Ainsi, de nouvelles politiques sociales faites de reprises massives de terrains en
ville pour la réalisation de grands ensembles d’habitation et l’implantation d’utilité
publique, marquaient la fin du jardin ouvrier en milieu urbain et le début du mouve-
ment moderne. Il existait visiblement un conflit entre la modernité et le jardin pota-
ger, une divergence entre une vision rationnelle de la ville et un idyllisme recherché.
Petit à petit, il était rejeté vers la périphérie des villes, ce qui allait lui donner une
nouvelle dimension, un nouveau statut d’ordre beaucoup plus social. En effet, «
progressivement, au fur et à mesure que s’améliorait le niveau de vie et que se
popularisaient les loisirs, le coin de terre devenait surtout pour la famille un moyen
de libération accomplie par son effort personnel, dans le cadre d’une liberté aussi
grande que possible »13. De cultural à culturel, le jardin ouvrier était devenu jardin
familial.
Comme à l’époque du Moyen Age, le jardin potager prenait une dimension poly-
sémique. Même si cet aspect était déjà présent auparavant, c’est véritablement à
cette époque qu’il resurgissait. On voit apparaître ainsi des jardins sous différentes
formes, notamment scolaires qui servaient à l’enseignement des premières notions
de botanique, mais aussi ménagères. Cette nouvelle forme de jardinage a impacté
certaines classes de personnes délaissées en ville, en particulier les familles.
Insatisfaits des conditions de vie en appartement, les habitants de ces derniers
allaient trouver dans le jardin familial le refuge nécessaire à leur épanouissement en
pleine nature ainsi qu’à celui de leur imaginaire, en particulier grâce à la cabane de
jardin. Cet élément fragile du jardin ouvrier fait de bric et broc, appelé parfois ton-
nelle selon sa forme, devenait progressivement cabane de jardin en dur, jusqu’à de-
venir presque une seconde résidence où l’on pouvait y séjourner de jour comme de
nuit, à l’image d’une datcha14. Par conséquent, cet « espace de liberté qui procurait
13 CABEDOCE B., PIERSON P., « Cent ans d’histoire des jardins ouvriers », Paris, 1996, p.68
14 En Russie, sorte de résidence secondaire à la campagne. Elle est souvent assez simple, sans chauffage, ni eau courante, elle sert surtout à la belle saison
Inauguration du jeux de boules à la section Renard, Lyon
Thiais, région Île-de-France, 1989
HISTOIRE
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l’illusion mais aussi les joies de la propriété »15 devenait une nouvelle alternative de
vie plus communautaire et d’intégration, ce qui a permis au « jardin de prendre une
fonction sociale et morale de plus en plus forte, qui venait se superposer à la fonc-
tion alimentaire traditionnelle du jardin potager »16. Il se revêtait ainsi de multiples
atouts, devenu le lieu social, rythmé par les fêtes de jardins dans une atmosphère
de sympathie, mais également l‘espace d’expérimentation de la nature, de détente,
d’insertion, le terrains d’échanges et de transmissions de savoir. Autant de quali-
tés vécues qui faisaient défaut en ville jusqu’en 1975, où une prise de conscience
des défenseurs de l’environnement et des urbanistes a surgi pour requestionner la
nature en ville et le jardin urbain.
15 CABEDOCE B., PIERSON P., « Cent ans d’histoire des jardins ouvriers », Paris, 1996, p.71
16 CABEDOCE B., PIERSON P., « Cent ans d’histoire des jardins ouvriers », Paris, 1996, p.70
Deux saisons de jardins farmiliaux en Autriche
HISTOIRE
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Moyen Age
Révolution industrielle
Post-industrielle
Jardin monastique
Jardin ouvrier
Jardin familial
hygiéniste
compense l’insalubrité des logements
productif
alimentaire
social
intégration
communautaire
substitut de la maison de campagne
alimentaire
onirique
médical
passe-temps
culte du savoir
utilitaire
alimentaire
Morphologie urbaine Archétype du jardin
HISTOIRE
ENJEUX ET ATTENTES ACTUELLES
différentes valeurs d’usage possibles
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A travers l’aperçu historique des jardins potagers et de ses différentes valeurs
d’usage, on retient plusieurs notions communes. L’une est la fonction alimentaire,
productive, inhérente au jardin potager malgré l’évolution constante des formes
et des pratiques. En effet, bien que la production de denrées de l’ensemble des
jardins ait progressivement diminué, notamment par l’évolution des générations
et la perte graduelle d’un ancien souci de culture d’auto-approvisonnement, elle
demeure toujours intacte. L’autre notion peut se résumer par la « valeur spatiale »
occupée par le jardin potager, dont les multiples qualités ont su s’adapter aux dif-
férents contextes et morphologies urbaines. Cette valeur spatiale est d’autant plus
importante, car elle a la possibilité de participer en tant qu’ingrédient à la construc-
tion de la ville contemporaine aux enjeux actuels.
Jusqu’aux environs de 1970, alors que la modernité se répandait dans l’espace
urbain, profitant d’une période de reconstruction pour imposer une certaine vision
rationnelle de la ville, un important choc pétrolier survenu en 1973 allait mettre
fin à ces années prospères. Le problème est que l’on constate à ce jour encore
une permanence de certaines logiques poursuivies par l’environnement construit
durant la période dite des Trentes Glorieuses et qui influence encore aujourd’hui de
multiples pratiques et usages néfastes en relation au territoire bâti. De la sorte, la
qualité de nos villes s’en fait ressentir. Le constat est que « l’éclatement des conur-
bations européennes en juxtaposition de périphéries indéfinies et caractérisées par
un aménagement souvent chaotique, engendre en effet de multiples effets négatifs
au niveau aussi bien environnemental que socioculturel et économique »17.
Ce bilan est la conséquence notamment du processus d’étalement urbain, visible
depuis une trentaine d’années et qui peut s’expliquer par trois raisons : la mo-
bilité résidentielle, les stratégies de localisation des entreprises, ainsi que celles
d’ordre institutionnel et fiscal18. Chacune de ces raisons peuvent être vues comme
la résultante de facteur de répulsion du milieu urbain et d’attraction des zones
périurbaines. En ce qui concerne la mobilité résidentielle, on peut mentionner la
17 FREI W., REY E., « Climats », « Du territoire au détail constructif », les conférences de Malaquais, Infolios, Gollion-CH, 2012, p. 443
18 CAMAGNI R., GIBELLI M-C. , RIGAMONTI P. « Formes urbaines et mobilité : les coûts collectifs des différents types d’extensions urbaines dans
l’agglomérations », Revue d’économie régionale et urbaine, N°1, 2002.
Enjeux de la ville
faible qualité de vie qu’offrent les centres urbains, le taux insuffisant de logements
vacants, le prix élevé du mètre carré élevé, l’absence d’espaces verts, les typolo-
gies de logements jugées trop pauvres, comme facteur de répulsion. A l’inverse,
on peut citer la recherche d’un cadre de vie plus agréable, le marché immobilier
plus souple, la diversité du parc de logements proposés, l’attractivité des zones de
loisirs en périphérie urbaine, la volonté d’acquérir une résidence individuelle dotée
d’un jardin. Quant à la localisation des entreprises en zones périurbaines, il s’agit
fréquemment de raisons économiques et fonctionnelles. Elles sont de moins en
moins dépendantes du centre ville, notamment lorsqu’il s’agit d’usines-entrepôts.
A cela s’ajoute le prix du mètre carré élevé et l’accessibilité difficile du centre-ville
par le flux des travailleurs journaliers. Enfin, l’étalement urbain profite surtout des
pouvoirs publics et de leurs décisions, notamment celles d’ordre institutionnelles et
fiscales. Les principes de planification territoriale appliqués encore aujourd’hui, dits
de «zoning»19, encouragent une fragmentation territoriale en zones de résidences,
d’activités, de commerces et de loisirs.
A terme, cette intense utilisation du sol représente un gaspillage du territoire, ainsi
qu’un dommage qualitatif sur notre paysage. La division fonctionnelle du territoire, par
l’augmentation des distances, amène à une dépendance de plus en plus forte à la mo-
bilité individuelle, induisant une consommation importante d’énergie, des problèmes
de congestion urbaine, de nuisance sonore et de pollution atmosphérique. « D’un point
de vue socioculturel, l’urbanisation dispersée apparaît donc comme une structure glo-
balement fragile, en contradiction avec une vision d’équilibre à long terme. Pour une
population globalement constante, une agglomération dispersée se trouve en effet
confrontée à des disparitions sociales accrues et un coût de fonctionnement alourdi.
Face à ces constats, les politiques publiques de la majorité des pays européens visent
depuis plus d’une décennie à promouvoir des stratégies territoriales basées sur des
processus de densification urbaine (...) Au niveau de l’habitat, il s’agit par ailleurs de
développer des typologies susceptibles d’offrir en milieu urbain et suburbain une alter-
native crédible à l’habitat individuel périurbain, tout en intégrant d’autres enjeux envi-
ronnementaux et socioculturels inhérents à l’architecture durable »20.
19 Planification urbaine qui divise le territoire en zones et détermine pour chacune une affectation d’usage
20 FREI W., REY E., « Climats », « Du territoire au détail constructif », les conférences de Malaquais, Infolios, Gollion-CH, 2012, p. 444
ENJEUX
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Dans ce contexte, se sont développés au même moment certains mouvements
réactionnaires, tel que les « urban farmers », « community gardens » ou « green
guerillas »21. Dans la ville de New York, vers 1970, touchés par la crise économique,
des bâtiments entiers sont rasés suite à l’abandon de leurs habitants et au refus
de la ville de les entretenir. « Les villes sont constituées ainsi de nombreux espaces
délaissés ou résiduels, en somme des espaces sans affectation ni usage défini,
souvent à prédominance minérale et pouvant être source de nuisances »22. Sans
pour autant avoir été mis à disposition des citadins, ces espaces perdus vont être
le lieu d’une prise de conscience collective, ce qui va se traduire par une réappro-
priation de ceux-ci afin d’y pratiquer une culture potagère. De la sorte, les habitants
expriment ce qu’ils veulent faire de leur environnement, ceci est encore visible
actuellement avec les jardins potagers aux pieds de nos immeubles. D’ailleurs, cet
exemple n’en est qu’un parmi d’autres. On peut également citer Détroit, autrefois
capitale mondiale de l’automobile, la ville a perdu en quelques années plus de la
moitié de ces habitants suite à la crise qui a touché son industrie, provoquant ainsi
la pauvreté des familles dépendantes de celle-ci et l’abandon de nombreuses par-
celles. Ici, la spontanéité des jardins potagers créés dans les espaces délaissés de
la ville a surtout été une stratégie de survie et un nouvel horizon économique et
social pour les habitants, les « urban farmers», de sorte qu’ils sont devenus pion-
niers en matière d’agriculture urbaine aujourd’hui.
Cette renaissance du jardinage, fruit d’une culture émergente de durabilité, est ainsi
le signe clair d’une volonté de vouloir réinstaurer des relations tangibles entre nature
cultivée et ville densifiée. Elle ne doit certainement pas être comprise comme une
solution de crise, mais comme un réel élément urbain dont on devrait prendre en
compte toutes les spécificités pour projeter la ville de demain. Dans ce contexte, le
jardin potager se propose de requalifier l’environnement urbain, par la création d’es-
paces pluri-fonctionnels (productifs, socials, loisirs), en mesure de répondre à des
enjeux environnementaux, socioculturels et économiques. Certaines villes exem-
plaires témoignent déjà de cette démarche, telles que Tokyo, Montréal ou Chicago.
21 Débuté en 1973 à New-york, il s’agit d’un mouvement d’activisme politique, utilisant le jardinage comme moyen d’action environnementaliste,
pour défendre le droit à la terre, la réforme agraire, la permaculture. source : http://www.greenguerillas.org/history
22 GAILLARD H., chargée de projets, « Equiterre», « Les jardins de poche, pour plus de nature et de convivialité en ville ! », Lausanne, 2010
Attentes de la nature
Urban farmers, Detroit, 2011
ENJEUX
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En outre, « dans cet élan de «reverdissement », en parallèle à une densification
imposée, on est en droit de s’interroger sur l’efficacité des solutions végétales
nouvelles (façades et toitures végétales) par rapport à celles plus traditionnelles
(parcs, jardins publics, alignements d’arbres »23. Laquelle de ces deux solutions
implique-elle réellement plus le citadin qu’un jardin potager? Ce dernier mérite que
l’on élargisse son champ de réflexion, afin que de simple production alimentaire
le jardin participe à la création de nouveaux paysages urbains et profitent à tous.
Dans quelle mesure ces espaces de jardins potagers peuvent-ils être également
des espaces de nature pour la ville? Tout en contribuant à une plus-value qualitative
des logements, sous quelles conditions pourraient-ils être rendus accessibles aux
citadins?
A Tokyo par exemple, les potagers remplissent déjà le rôle d’espaces verts urbains.
En consacrant seulement 5% de sa surface aux parcs publics, la ville est donc très
minérale24. Avec 2,9m2 de parcs par personne, elle est loin des 27m2 de Berlin, mais
cela ne l’empêche pas de renvoyer une émotion de quiétude et d’atmosphère de
jardin. En effet, dans la culture japonaise, le rapport à la nature est très différent
de l’Occident, on y voue une adoration, notamment à son caractère éphémère.
Son image la plus traditionnelle est peut-être celle du «Sakura», le cerisier en fleur
répandu dans toute la ville, dont on apprécie la beauté des fleurs (hanami) et qu’on
a coutume de fêter début avril. La ville se vit ainsi à travers ses festivals et fêtes,
au gré des saisons et de la nature25. C’est pourquoi, il est inconcevable de pouvoir
détériorer l’activité potagère dans un tel contexte. De cette poésie, il faut retenir
que l’usage d’un lieu peut être étroitement lié à sa nature comme révélatrice des
changements des saisons ou d’un climat. On peut même sous-entendre que la
prospérité de la nature est en soit la prospérité de tout un peuple, il y a sans doute
beaucoup à retenir de cette sensibilité japonaise. Cette ville démontre que des
espaces potagers en ville ne sont pas une aberration, mais qu’ils répondent à une
attente réelle.
23 MUSY M., « Quelle végétation urbaine pour la ville de demain ? », Vers une alliance entre ville et nature, les ateliers de la ville durable, Lausanne, 2010
24 NIWA N., « Tokyo, mégalopole agricole », article paru dans « La Revue Durable », n° 43 L’agriculture regagne du terrain dans et autour des villes, France, octobre 2011
25 Travail personnel « La nature, critère de l’urbanité japonaise. Permanence et Impermanence », réalisé dans le cadre du cours, « Urbanisme en Asie
», RUZICKA-RUSSIER M., FERRARI B., Epfl, Lausanne, 2012
Hanami, Uenoken à Tokyo, 2011
ENJEUX
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Avec de tels exemples, il est aisé de reconsidérer le thème du jardin potager comme
espace urbain de qualité, avec un fort potentiel esthétique, capable d’embellir la ville,
tout en étant en mesure d’assumer plusieurs fonctions à hautes valeurs sociales et cultu-
relles. Ainsi, le jardin potager, comme « nature urbaine », peut répondre aux enjeux envi-
ronnementaux, socioculturels et économiques suivants26:
Environnemental:
Améliore la qualité de vie des villes et les rendent plus attractive pour les personnes
rêvant de campagne, synonyme de nature bucolique. Retient les citadins, empêche l’éta-
lement urbain, une surexploitation du sol, l’usage accru de mobilité individuelle. Offre des
habitats variés pour la faune et la flore, une grande biodiversité. Capable d’utiliser les es-
paces résiduels. Perméable à l’infiltration des eaux, au même titre que les espaces verts.
Socioculturel:
Définit l’identité des quartiers, devient repère spatial. Améliore sensiblement le bien-être
des habitants et favorise la santé27. « L’homme a un besoin plus vital d’arbres, de plantes
et d’herbes que de béton, de pierres ou de bitume »28. « Sa fonction est aussi psycholo-
gique dans l’inconscient collectif, elle symbolise la salubrité, la santé »29. Synonyme de
relaxation, stress, zen, lumière naturelle, stimulations sensorielles, expériences esthé-
tiques positives (aménités). Encourage l’activité physique, marche, vélo, roller. Favorise
les interactions entre les habitants. Augmente l’utilisation des espaces publics par la pré-
sence d’espaces verts. Induit la mixité et les échanges sociaux.
Économique:
Produit des fruits et légumes. Économie sur le coût du panier de la ménagère. Auto-en-
tretien du paysage urbain, moins coûteux que les parcs et jardins publics. Augmente l’at-
tractivité de la ville, améliore le cadre de vie, donc facteur de localisation non négligeable
pour les entreprises et ménages. Impact favorable sur la santé physique et mentale des
habitants, donc diminution du coût de la santé.
26 BARBET B., GAILLARD H., « Les jardins de poche, pour plus de nature et de convivialité en ville », équiterre, lausanne, 2010
27 « Health Impact Assessment of greenspace : A Guide », Greenspace Scotland, Stirling University, 2008
28 SAINT-MARC P., « Socialisation de la nature », éditions Stock, Paris, 1971, p. 393
29 « Le jardin en ville : typlogies et pratiques sociales », Vers une nouvelle alliance entre ville et nature : 7ème rencontre franco-suisse des urbanistes,
Les ateliers de la ville durable, Lausanne, 2010
Enjeux du jardin comme outil de qualité de vie
ENJEUX
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Intégration:
Lieu promoteur de liens entre les habitants eux-mêmes, rompt l’isolement, favorise
l’activité physique, renforce l’estime de soi. Jardins d’insertion encadrés par des
professionnels ou bénévoles, pour personnes en voie de réinsertion profession-
nelle et qui peinent à retrouver un rythme régulier de travail.
Productif:
Cultures de légumes, de fruits, d’herbes aromatiques, de fleurs odorantes entre
autres, destinées à sa consommation personnelle ou à la vente, l’échange. Permet
aussi de découvrir de nouveaux légumes ou fruits.
Économique:
Apport ménager pour certaines personnes défavorisées. «Quand un homme
a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner le poisson»30.
Épicerie commune possible, entraide selon les récoltes et affinités du voisinage.
30 Proverbe de Confucius
ENJEUX
En définitive, la « nature urbaine » est bénéfique tant pour la ville que ses habitants.
Mais, le jardin potager est en mesure de devenir un outil de qualité de vie, plus
pointu et précis, facteur de sécurité alimentaire, de réserve de paysages et de bio-
divisersité, dont les qualités spécifiques à retenir sont les suivantes:
Agrément:
Permet d’admirer l’évolution d’une plante, depuis le semis jusqu’à sa récolte. Amé-
nités procurées par la contemplation des plantes offertes à la vue de tous. Esthé-
tique de la ville, du quartier ou de la maison. Arbres d’alignement, d’ornement qui
peuvent être fruitiers.
Ecologique:
Sensibilise aux relations possibles avec l’environnement. Permet entre autres un cir-
cuit court entre producteur et consommateur, fait intervenir les ressources locales.
Non-usage d’engrais chimiques. Compost collectifs urbains. Offre la possibilité
d’avoir une emprunte positive sur le territoire.
Biodiversité:
Richesse de la faune et la flore, notamment par la présence de micro-jardins qui
poussent entre différents interstices aux conditions climatiques idéales. Nouvelles
faunes animalières attirées par le jardin potager, par exemple les oiseaux attirés par
les arbres fruitiers.
Gestion des eaux:
Permet l’infiltration des eaux, comme les espaces verts, mais avec une réutilisation
intelligente de l’eau de pluie pour sa propre irrigation, notamment par la présence
de réservoir d’eau.
Pédagogique:
Jardins éducatifs, lieux d’enseignement à la botanique, cycles de formation en
agronomie avec des écoles à proximité, ateliers tout public, sensibilisation à l’envi-
ronnement, l’art, la culture et les sciences. Apprentissage et pratique du jardinage.
ETUDES DE CAS
logements et jardins potagers
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Face aux enjeux des villes actuelles, d’un point de vue environnemental, sociocul-
turel et économique, il convient d’utiliser les multiples atouts précédemment cités
du jardin potager comme outil de qualité de vie, afin de concevoir une nouvelle ap-
proche architecturale et paysagère du territoire. De la sorte, il est possible d’envisa-
ger le jardin comme espace d’interactions entre la ville et ses habitants, permettant
de définir de nouvelles relations possibles entre ces deux derniers. En se référant
aux critères qualitatifs du jardin, comme clés de lecture, d’analyse, il convient de
développer un sens critique et pertinent pour envisager un nouveau type d’environ-
nement bâti.
Dans cette analyse, par une série d’études de cas, mêlant logements et jardins
potagers, le but est de dresser une liste d’applications possibles du végétal. Ainsi,
chaque projet a été analysé à travers les critères qualitatifs énoncés du jardin pota-
ger, en rapport à la qualité apportée réciproquement à l’espace public de la ville et
l’espace privé du logement. A travers cette grille de lecture, cette partie permet de
comprendre concrètement les avantages ou les défauts des exemples retenus par
rapport à leurs applications du végétal. Sans devoir forcément reproduire une même
situation, elle permet d’affiner et de reformuler certaines hypothèses initiales, en
vue d’esquisser par la suite les premiers traits d’une démarche, sous la forme d’un
scénario d’intervention, en relation au thème et au contexte du périmètre d’étude.
De par la sélection des exemples, il a été possible de distinguer quatre typologies
de jardin: le jardin de plain-pied, le « vertical-farming », l’épaisseur de façade, le
toit-terrasse. C’est pourquoi l’analyse s’est répartie en quatre parties et regroupe
pour chacune d’elles deux études de cas exemplaires par leur typologie de jardin
développé pour le logement. En puisant dans ces études de cas, tout en y dévelop-
pant un sens critique, cette étape nous permettra ainsi d’imaginer à notre tour de
nouvelles formes et typologies architecturales, entre logements collectifs et jardins
potagers.
Clé de lecture urbaine
ETUDES
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Bedzed, Londres, 2002
Bedzed, Londres, quelques années plus tard
Plain-pied : Bedzed
Londres, Zedfactory architects
Construit dans la banlieue sud de Londres, à Beddington, le village de Bedzed
(contraction de « Beddington Zero Energy Development ») est le résultat de re-
cherches visant à réduire au maximum l’impact de l’habitat sur l’environnement
tout en poursuivant un but social. Ainsi, les concepteurs ont procédé à une analyse
de cycle de vie, qui consiste à évaluer l’impact environnemental de la vie d’un pro-
duit, depuis sa réalisation jusqu’à sa mise en service31. De la sorte, la typologie du
quartier et des logements est pensée majoritairement en terme d’efficience énergé-
tique. De plus, le projet prévoyait à l’origine 82 logements, de nombreuses surfaces
de bureau, ainsi que de multiples espaces communautaires tels que crèche, café,
restaurant, salle communautaire, salle de spectacle, centre médico-social, espaces
verts publics et privés et complexe sportif.
Par un jeu de relations multiples, le projet combine densément logements, bureaux,
jardins de plain-pied, jardinets en terrasse, ce qui évite une surexploitation du sol,
tout en offrant une typologie d’habitat relativement riche en interaction directe avec
des espaces de jardin. Malgré cette disposition variée qui a le potentiel d’offrir de
l’espace à la culture potagère, il est à regretter la situation périphérique au quartier
des lieux réellement dédiés aux jardins potagers. Leurs manifestations dans les
jardins de plain-pied et terrasses sont donc ponctuelles.
31 « Bedzed, une cité-jardin » tiré de : http://www.millenaire3.com/uploads/tx_ressm3/Bedzed.pdf
ETUDES
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Agrément:
La situation des jardins aux rez-de-chaussées, ainsi que ceux en terrasse, permet au
public de les contempler et procure ainsi un cadre de vie agréable dans le quartier
au niveau de la faune et la flore. Toutefois, l’aspect « écolo-technique» de l’archi-
tecture mis en avant prend le dessus sur le végétal et assume la réelle identité du
quartier, notamment par les cheminées colorées de ventilation passive.
Écologique:
A leur arrivée, les habitants se voient offrir de l’équipement de jardinage, afin de les
encourager à cultiver eux-mêmes une partie de leur nourriture. Les habitants dis-
posent d’un jardin, et peuvent en principe faire la demande d’une parcelle de terre
sur le site même de Bedzed.
Biodiversité:
Bien qu’il soit dense, le projet concilie l’équilibre entre espaces construits et pay-
sage naturel. Il encourage la biodivsersité à travers une variété d’espaces verts,
chaque unité de logement/poste de travail a accès à son propre jardin, terrasse ou
balcon.
Gestion des eaux:
Il est prévu que la consommation quotidienne de Bedzed provienne de l’utilisation
de l’eau de pluie, collectée des toitures et stockée dans des cuves placées sous les
fondations32. De la même manière, des réservoirs d’eau permettent d’arroser les
jardins. Or, le fait que tous les jardins ne soient pas au rez-de-chaussée diminue une
infiltration possible des eaux de pluie dans la nappe phréatique.
Pédagogique:
Malgré la présence d’espaces communautaires, notamment de crèche, l’aspect
pédagogique possible du jardin n’est pas utilisé. A titre informatif et unique, les
arrivants sont invités à un stage d’information au jardinage, non ouvert au public.
32 « Retour d’expérience, quartier Bedzed », tiré de : http://www.lausanne.ch/Tools
Intégration:
Le site mélange plusieurs catégories sociales, mais le projet ne se sert pas du jardin
potager pour promouvoir de nouvelles interactions, tels qu’en disposant des jardins
d’insertion. Ceci peut s’expliquer par le caractère privatif des jardins qui sont en
relation directes avec les logements.
Productif:
A titre informatif, on encourage les usagers à la culture de plantes aromatiques et
tolérantes à la sécheresse tel que la lavande et le romarin. Les fruits et légumes ne
sont destinés qu’à leur propre consommation, ils font office de compléments.
Économique:
Le projet prévoit la mise en place d’un réseau d’agriculteurs fournissant aux résidents
des aliments locaux et de saison, sans toutefois communiquer un quelconque avan-
tage sur le prix. Certes, il permet de redynamiser l’industrie agricole locale, mais ne
contribue pas au coût du panier de la ménagère, qui se limite à son auto-production.
ETUDES
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Plain-pied : Siedlung Westhausen
Francfort, Ernst May
Dans un contexte de pénurie du logement, Ernst May, architecte et urbaniste en
charge de l’aménagement urbain de Francfort, regroupe une équipe d’architectes
afin de concevoir un programme d’habitation à plus large échelle. En périphérie
des centres villes, on conçoit ainsi des quartiers tout entier dotés de logements
compacts et relativement indépendants, équipés d’espaces verts, aires de jeux,
d’écoles et autres espaces communautaires. A travers le thème du jardin, on se
projette dans une version bucolique d’une vie familiale saine dans un espace vert,
retranscrivant un principe de famille-habitat-jardin.
Entre 1925 et 1930, se construit ainsi la Siedlung Westhausen, l’un des quartiers les
plus connus parmi tant d’autres construits à la même époque. De formes simples,
épurées, les logements traduisent une volonté de fonctionnalisme, avoir le même
accès au soleil, à l’air, au jardin et aux parties communes. Dans un contexte d’insta-
bilité politique, cette façon de projeter l’habitat manifestait l’envie d’un certain égali-
tarisme recherché pour tous. On retrouve une séquence rue-entrée-logement-jardin
commune à tous les logements, dont l’une des qualités est d’être praticable dans
le sens inverse. De la sorte, l’espace du jardin privé prend un caractère semi-public,
profitant largement à la vue de tous les passants.
ETUDES
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Agrément:
Par des formes simples revêtus de blanc, la Siedlung met en valeur le charme de
la nature. Ainsi le jardin devient réserve de paysage, dans un joli contraste entre
pureté du bâti et variété de la nature, pour profiter largement à la vue de tous. Ici,
l’architecture répétitive peut sembler silencieuse, or, elle souligne la beauté des
jardins qui définit l’identité du quartier et devient des repères spatiaux.
Écologique:
A l’époque de la construction, pas de réels enjeux écologiques recherchés
Biodiversité:
Hormis les haies végétales communes, le quartier bénéficie d’une grande biodiver-
sité. Au gré de chaque habitant, elle s’épanouit à travers les divers jardins plantés et
entretenus. Du grand jardin au sud, jusqu’au bac à fleurs à l’entrée Nord. Une large
place est donc laissée aux usagers du quartier qui animent l’environnement bâti.
Gestion des eaux:
Étant donné que tous les espaces de jardins potagers se trouvent au rez-de-chaus-
sée, ils permettent une bonne infiltration des eaux de pluie pour tout le quartier, et
favorise une bonne culture maraîchère arrosée naturellement.
Pédagogique:
Excepté la pratique familiale du jardinage, notamment soutenue par la situation du jar-
din en prolongement direct du logement, il n’y a pas d’autres attentions particulières.
Intégration:
Les relations de voisinage sont encouragées par les jardins contiguës les uns aux
autres. Grâce aux haies végétales, il est possible de varier les hauteurs de taille et
réciproquement le niveau d’intimité recherché par chacun. Une interaction semble
possible entre les voisins par l’espace du jardin, qui peut entre autres faire office
d’entrée et lieu d’accueil de ses hôtes.
Productif:
La taille et les proportions adéquates du jardin potager permettent une bonne pro-
duction familiale en fruits et légumes, notamment grâce au bon ensoleillement
recherché par la typologie du quartier.
Économique:
A l’époque, les jardins potagers produisaient quotidiennement sans doute un
apport nutritif non-négligeable, profitant d’une relative autonomie par rapport au
centre urbain. Aujourd’hui, par l’avènement des centres commerciaux et de la mobi-
lité individuelle, la production potagère ne dépend plus que du bon vouloir de ses
habitants. Toutefois, la typologie des jardins favorise la production.
ETUDES
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Dans le cadre de leur recherche sur l’argriculture en milieu urbain, SOA propose dif-
férentes solutions de fermes verticales implantées dans la ville de Paris, ainsi qu’en
banlieue. Les architectes se réfèrent au concept de « vertical-farming »33, conçu en
2005 par le professeur Dickson Despommier, de l’université Columbia à New York.
Ce dernier insiste sur une prise de conscience au niveau de la hausse de population
mondiale et un risque de pénurie des surfaces horizontales. Son idée souligne l’im-
portance de produire une grande quantité de fruits et légumes en milieu urbain afin
de nourrir la ville. Pour ce faire, il s’est appuyé sur diverses données de la NASA34
quant à l’estimation de la surface utile pour nourrir une seule personne, soit de
27.87m2. Ainsi, le concept se veut une réponse spontanée à « la politique agricole
qui s’oriente vers les marchés globaux, se déconnectant par la même occasion de
la politique urbaine et de la planification de nos villes. Pire encore, le zonage urbain
empêche la production alimentaire et cherche à l’exclure de leur conception idéale
de la ville propre, hygiéniste et moderne »35.
Le point commun de tous les projets reliés au «vertical-farming», est qu’ils traduisent
les hypothèses d’un scénario. « Certains scenarii sont raisonnés, d’autres accen-
tuent la disparition de l’homme au coeur du système agricole, d’autres montrent
une ville dénaturée au profit de la culture de l’entertainment, du marketing »36. Ici,
leur scénario propose des « mini-fermes », composées de petites exploitations,
allant de deux à trois étages, implantées au sein d’îlots ouverts. Leur fonctionne-
ment s’appuie sur la mise en place d’un réseau de coopératives. En outre, le projet
tente de construire l’espace urbain, en créant des alignements et des rues com-
merçantes.
33 notion tiré de : « http://www.verticalfarm.com »
34 « National Aeronautics and Space Administration » , http://www.nasa.gov
35 GORGOLEWSKI M., KAMISAR J,, NASR J, « Carrot-city», The Monacelli Press, 2012,p.12
36 « Entretien, les fermes urbaine de SOA» tiré de : http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_1662
Vertical-farming : Mini-fermes Urbaines
Paris, SOA architectes
ETUDES
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Agrément:
Bien qu’en mesure d’être des repères spatiaux visibles au loin, les « petites tours»
n’apportent pas de réels aménités au public, ainsi qu’aux résidents du quartier. Tou-
tefois, il est possible que les commerces de détail placés au rez-de-chaussée aient
un certain charme, notamment par les couleurs, odeurs des fruits et légumes expo-
sés sur les étalages.
Écologique:
Le projet propose un circuit extrêmement court entre producteur et consommateur.
Étant donné que l’espace de production est attenant à l’espace de vente, cette dis-
position permet de faire l’économie d’autres intermédiaires. Cet espace de vente
peut prendre la forme d’une épicerie de quartier.
Biodiversité:
La typologie hors-sol des jardins ne permet pas une grande biodiversité à cause
de l’environnement contrôlé pour la production. De plus, il nécessite un entretien
accru.
Gestion des eaux:
En faisant l’économie du territoire horizontal, les mini-fermes urbaines ne contri-
buent pas à l’infiltration des eaux de l’espace public. Le système proposé ne prévoit
pas une utilisation des eaux de pluie pour la culture maraîchère.
Pédagogique:
Mise à part l’espace de vente en contact direct avec la rue, les plateaux de culture
ne sont pas viables car ils sont étroits, voire dangereux. Ils ne sont pas adéquats
pour devenir des espaces pédagogiques favorables à la transmission de la pratique
du jardinage.
Intégration:
La typologie fonctionnelle des tours a un statut relativement indépendant vis-à-vis
de la ville et des logements aux alentours. Elle est peu attractive en terme de qualité
de vie et ne profite donc pas à l’intégration du voisinage comme promoteur de liens
possibles.
Productif:
L’efficience productive du système mis en place semble être l’atout majeur des
mini-fermes urbaines. En effet, la superposition de plateaux aux proportions méti-
culeusement réfléchies pour la production, a le mérite de générer une production
agricole importante.
Économique:
Le projet ne profite pas au panier de la ménagère. En effet, le système promeut une
autonomie fonctionnelle relative à la vie du quartier. De plus, il semble peu envisa-
geable que les tours de jardins soient entretenues par les résidents locaux.
ETUDES
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Vertical-Farming : The Living Skyscraper
Blake Kurasek
Dans un même ordre d’idée, le projet de Blake Kurasek poursuit l’idée du « verti-
cal-farming » , mais sur plusieurs dizaines d’étages mêlant logements et cultures.
Partant du principe que les gratte-ciel devraient subvenir aux besoins des habitants,
l’architecte propose une ferme verticale auto-suffisante. Ainsi, la situation sur l’eau
est justifiée afin de la prélever et la redistribuer pour irriguer les cultures. La pre-
mière grande différence avec l’exemple précédent, réside dans l’utilisation de la
culture aéroponique37. En effet, les contraintes structurelles qu’engendrent l’utilisa-
tion de terre ou de bacs d’eau sont trop grandes pour être appliquées dans un bâti-
ment de cette taille. De plus, ce genre de tours nécessite une gestion informatisée
qui permet un fonctionnement optimal du système.
Au niveau programmatique, le bâtiment offre une mixité des usages et une diversité
des cultures. Autour d’un noyau dur qui regroupe les fonctions de distribution ver-
ticale (ascenseurs, escaliers, monte-charge pour la ferme), se développent en péri-
phérie et en alternance, des plateaux d’appartements, jardins suspendus, ainsi que
surfaces dédiées à l’agriculture urbaine. Le rez-de-chaussée de la tour comporte un
marché dans lequel les produits cultivés pourrait être vendus aux habitants de la
tour, voire à une population plus large. Au niveau architecturales, les tubes hydro-
poniques utilisés dans les plateaux dédiés à la culture, se retrouvent également
dans une façade double peau, jouant le rôle de protection solaire.
La démarche tente d’offrir une mixité d’usages possibles, notamment à travers
les jardins suspendus qui pourraient être des lieux où s’épanouissent les enfants,
tandis que les adultes se verraient acheter leur salade directement à l’endroit de
production.
37 En aéroponie, les fonctions nutritives du sol et l’approvisionnement en eau, sont assurées par des « supports de plantes » et par des vaporisa-
tions permanentes de solutions nutritives à base de sels minéraux tournant en circuit fermé au moyen d’une pompe.
Cette technique est comparable à son ancêtre, l’hydroponie, sauf que les plantes ne sont plus dans un substrat inerte, irrigué à intervalles réguliers.
Ainsi, il devient possible en aéroponie de maîtriser tous les paramètres du milieu nutritif (concentration des éléments nutritifs et de leur proportion
respective, pH, température, etc.) afin d’obtenir les meilleurs résultats de culture. Tiré de : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aéroponie
ETUDES
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Agrément:
A l’échelle de la ville, la tour peut devenir un monument important, mais elle offre
peu de qualités ornementales ou d’agréments à l’échelle de quartier. Pour les cita-
dins, il n’est par exemple pas possible de suivre l’évolution d’une plante ou de pou-
voir l’admirer, l’a contempler.
Écologique:
De l’échelle globale jusqu’à l’échelle du détail architectural, le projet tente au maxi-
mum de réduire son impact environnemental, pour devenir à contrario productif en
terme d’énergie. Il comporte notamment un système de récupération d’eau par sa
colonne vertébrale pour irriguer les cultures. De plus, des éoliennes placées dans
la tête du bâtiment produisent de l’énergie, sans compter les gains énergétiques
apportés par la double peau de la façade.
Biodiversité:
Malgré l’importante quantité de plateaux qui peuvent accueillir de nombreux genres
de légumes et fruits, le projet ne profite pas qualitativement à la biodiversité natu-
relle. Ceci s’explique par l’environnement naturel entièrement contrôlé et qui ne
permet pas à la faune et la flore sauvage de s’y développer.
Gestion des eaux:
Le système de récupération d’eau permet certes l’irrigation des plante, mais le pro-
jet en soit ne participe pas du tout à l’infiltration des eaux de pluie dans le sol de la
ville.
Pédagogique:
La tour offre des espaces de jardins suspendus à l’usage des familles et enfants.
Par contre, aucune précision n’est donnée à propos de l’accessibilité des espaces
de cultures de potagère à ces derniers. Bien qu’ils soient envisageables de conce-
voir des jardins éducatifs, des lieux d’enseignement à la botanique etc, le caractère
privé de la tour compromet un usage public des lieux dits.
Intégration:
Pour son concepteur, il s’agit de faire de ce lieu non seulement un endroit ou l’on
produit des aliments, mais aussi d’en faire un outil de changement social radical.
Mais on est en droit de s’interroger sur l’image d’une tour si imposante, comme
barrière sociale à l’espace public urbain. Dans un élan d’optimisme, le projet semble
peu viable, au risque de paraître utopique.
Productif:
Grâce à l’efficacité de son système aéroponique et les importantes surfaces dé-
diées à la culture, la tour offre un très bon rendement en terme de production
alimentaire (qualitatif et quantitatif).
Économique:
Étant donné que le projet concilie agriculture urbaine, logements et marché, il est
possible qu’il soit un apport nutritif pour les familles. Mais le concepteur ne précise
pas si les surfaces agricoles sont dédiées aux résidents de la tour ou si elles sont la
propriété d’une exploitation externe.
ETUDES
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Dans le quartier du centre-ville de Kerameikos et Metaxourgeio à Athènes, SO-IL a
conçu un projet de logements urbains. Il a été initié en 2009 et s’oriente vers une
proposition de construction de logements pour étudiants.
Au lieu du modèle bâti à cour classique répandu dans la ville, avec un espace com-
mun isolé derrière le bâtiment, « Party Wall » déplace la masse du bâtiment sur un
des côtés du site, en l’alignant sur le mur mitoyen, il propose la perspective d’un
nouvel espace communautaire conçu comme un jardin le long du site. Cette typolo-
gie génère ainsi un éventail de possibilités. Une cour étroite de 4.5 mètres permet à
l’espace urbain de devenir une partie intégrante de l’expérience de vie offerte, tout
en offrant une zone communautaire, comme tampon entre les sphères publiques
et intimes de la vie, une dilatation de l’épaisseur de la façade.
Cette conception propose un nouveau type de logements poreux - à concevoir
comme un filtre plutôt qu’une barricade - une dilatation qui s’étend d’une paroi
épaisse contenant les espaces cloisonnés de la sphère privée, jusqu’au mur d’ossa-
ture légère et végétal au bénéfice des espaces communautaires donnant sur l’es-
pace urbain. Ainsi, à travers le thème du jardin suspendu, se développe du sol en
toiture une multitude de valeurs d’usages publiques / privés. Cette qualité est mise
en avant par un jeu de plateaux reliés par un escalier permettant de relier tous les
étages jusqu’à la toiture commune. SO-IL insiste sur les ambitions de la démarche
qui permet d’exposer la vie, rétablir la rue, créer de l’intimité, favoriser les relations,
offrir une identité, donner de l’espace pour célébrer,pour se concentrer, vivre avec
le temps et le climat, en somme de vivre le jardin, la maison et la ville. Cependant,
le projet n’évoque pas de solutions précises relatives au thème du jardin potager,
malgré les réponses envisageables par le potentiel du jardin au sol, la végétation
accrochée au filtre, la culture en pot et la générosité de la toiture.
Epaisseur de façade: Party-Wall
Athènes, So-IL architects
ETUDES
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Agrément:
A travers ses parois végétales, le projet devient un très bon repère spatial à l’échelle
du quartier et contribue à lui donner une bonne identité visuelle. Ici, la typologie du
jardin contribue tout autant à la qualité de l’espace urbain qu’à celle des logements.
En outre, la proximité du jardin permet de l’admirer agréablement.
Écologique:
« Party Wall » ne donne pas de réponses précises en terme d’écologie. Néanmoins,
la forte présence de la nature, l’encouragement à l’usage des espaces extérieurs
profite à une sensibilisation des résidents à l’environnement extérieure.
Biodiversité:
La typologie de la paroi végétale, le jardin au sol et la végétation en pot ou en toi-
ture, sont d’autant de lieux aux conditions climatiques très différentes et offrent le
potentiel d’une nature à forte biodiversité.
Gestion des eaux:
En participant à la construction de l’espace urbain par le thème du jardin, le projet
offre une surface naturelle permettant en conséquence l’infiltration des eaux de
pluie.
Pédagogique:
Aucun programme n’est communiqué à propos d’un quelconque lieu d’enseigne-
ment à la botanique ou jardin éducatif. Toutefois, le projet est à considérer comme
un potentiel d’interactions possibles entre public/privé, du rez-de-chaussée, aux
plate-formes suspendues, jusqu’à la toiture accessible par l’escalier commun.
Intégration:
En relation au thème du jardin et du logement, le projet propose des espaces com-
munautaires qui promeuvent les liens entres les résidents, rompent l’isolement,
favorisent les activités extérieures. En outre, ils s’enrichissent d’interactions pos-
sibles avec l’espace urbain. Par conséquent, c’est l’un des points forts de cette
typologie.
Productif:
Contrairement à d’autres projets, notamment « The Living Skyscraper » ou les «
Mini-fermes urbaines » où l’aspect productif devient un leitmotiv, les architectes
ne traitent pas le thème du jardin comme une culture potagère « intense ». Elle se
résume à une activité de plaisir, d’entretien.
Économique:
Parallèlement au critère « productif », la solution proposée ne contribue pas à un
réel apport nutritif, malgré un certain potentiel non-exploité.
ETUDES
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Epaisseur de façade : Agro-Housing
Knafo Klimor architects
Selon ses concepteurs, le projet «Agro-Housing» se veut comme une réponse di-
recte aux problèmes d’urbanisation auxquelles est confrontée la ville de Wuhan, en
Chine. Tendant vers un modèle social et urbain, le bâtiment mise sur une mixité pro-
grammatique qui regroupe des logements, une crèche et de l’agriculture urbaine.
Ici, l’agriculture verticale, comprise dans une épaisseur de façade, est offerte aux
habitants sous forme d’espaces appropriables où ils peuvent eux-mêmes cultiver
en fonction de leurs aptitudes et envies. A travers cette proposition, les architectes
soutiennent l’idée que les habitants ont la capacité d’être indépendants des ré-
seaux alimentaires habituels, voire même pour certains d’entre eux tirer un profit,
en relation aux problèmes de transport de denrées alimentaires et de pollutions
indirectes. De ce fait, la sensibilisation des habitants aux questions environnemen-
tales est possible, étant donné qu’ils sont directement impliqués dans une gestion
durable de leurs productions alimentaires.
Au niveau programmatique, les fonctions se répartissent comme suit : une serre
verticale placée au sud du bâtiment offre des plateaux de culture hydroponique
naturellement ventilés et éclairés. Autour de cette colonne vertébrale, s’organisent
des logements. La façade nord est percée d’espaces extérieurs pouvant accueillir
des arbres fruitiers et devenir le prolongement des logements. Quant à la toiture,
elle dédie une large surface à la culture, tout en offrant un espace commun pour le
voisinage.
Le projet tire profit également de plusieurs solutions techniques pour amortir son
impact environnemental, il comporte un système de récupération des eaux plu-
viales, des eaux grises et de l’évapo-transpiration des plantes ainsi qu’un système
de production d’énergie générée par la biomasse des plantes. En outre, la typologie
de cour intérieure en plus des espaces extérieurs situés au nord, permet une venti-
lation naturelle du bâtiment par un effet de cheminée.
ETUDES
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Agrément:
Les plateaux de culture sont visibles depuis les logements, ainsi ils sont admirés
par les habitants directement depuis leur salon. De plus, la façade sud dédiée à
la culture potagère devient une façade urbaine, elle peut être contemplée depuis
l’extérieur. Toutefois, on se questionne sur la réelle qualité esthétique d’un environ-
nement contrôlé et voué à de l’agriculture urbaine, sans parler de la faible contribu-
tion à l’espace urbain.
Écologique:
Le projet développe une série de systèmes qui prédestinent le bâtiment à réduire
au maximum son impact environnemental, voire même de devenir autonome. Le
fait que les usagers soient directement impliqués dans la production permet égale-
ment une sensibilisation aux questions environnementales.
Biodiversité:
La biodiversité se limite à ce qui est possible d’être cultivé dans les plateaux hydro-
poniques, en plus de la végétation plantée dans les espaces extérieures des loge-
ments. Par conséquent, la biodiversité est relativement faible, elle s’explique par
l’environnement contrôlé qui offre des conditions climatiques destinées à la culture.
Gestion des eaux:
De manière intrinsèque, le bâtiment se dote d’un bon système de récupération
des eaux qui permet une réutilisation intelligente destinée à l’usage domestique et
irriguer les plantes. Or, le bâtiment ne participe pas à l’infiltration des eaux de pluie
présentes dans l’espace public, étant donné que les jardins se trouvent sur des
plateaux.
Pédagogique:
L’énoncé du programme prévoit une crèche. Cette dernière profite ainsi des espaces
extérieurs et des surfaces dédiées à la culture potagère, de sorte qu’ils peuvent
prendre la forme de jardins éducatifs. Cependant, les jardins ont un caractère privé,
ainsi on s’imagine mal un apprentissage et une pratique publique du jardinage,
notamment sous la forme d’ateliers destinés à autrui.
Intégration:
Hormis les surfaces dédiées à l’agriculture urbaine commune, les autres espaces
font parties de la sphère privé du logement. Bien qu’ils puissent contribuer à de
bonnes relations de voisinage pour les habitants de l’immeuble, les espaces de
jardin ne s’offrent pas à l’usage public. En outre, de façon similaire au critère d’ «
agrément », un doute est émis sur la qualité d’usage d’un environnement contrôlé
pour la culture potagère.
Productif:
L’approche des architectes, par le biais de plateaux superposés et dédiés à la
culture, permet un rendement important de produits alimentaires. C’est d’ailleurs
l’un des points forts du projet.
Économique:
La typologie de jardin encourage les usagers à devenir eux-mêmes producteurs de
denrées alimentaires, notamment par une relation de proximité recherchée entre
les logements et les serres de culture. Par conséquent, elle contribue très favora-
blement à la nutrition des familles installées dans l’immeuble, ce qui permet une
économie non-négligeable pour ces dernières. Elle devient ainsi un atout majeur, en
plus du critère « productif ».
ETUDES
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Cet exemple retenu dans nos études de cas, est le second de SOA architectes.
Il se différencie des autres projets par son concept additif à une structure et à
un contexte existant. Situé sur un plateau de Seine Saint-Denis, le projet se déve-
loppe dans le territoire de Romainville, à proximité de la ville de Paris. Le quartier
se caractérise par un environnement bâti dans les années 50, typique des grands
ensembles de cette époque. De grandes barres de logements et quelques plots se
placent dans un tissu urbain hétérogène, qui peine à trouver une relation au centre
historique de la ville.
L’intervention des architectes se compose d’une ferme contrastant avec les barres
de logements existantes, elle propose ainsi une nouvelle interprétation de l’en-
semble existant. De ce fait, le skyline morcelé de la ferme enrichit l’horizon urbain,
tout en conservant une certaine régularité, il préserve l’identité de la partie basse
du bâtiment.
Le programme de la ferme agricole comporte trois catégories principales: les zones
de culture, les locaux de travail et les locaux techniques. Les zones de cultures et
les locaux de travail se développent sur les toits des bâtiments existants. Quant aux
circulations et aux locaux techniques, ils se placent à l’extrémité nord du bâtiment38.
L’accès à la ferme se fait donc par le rez-de-chaussée, depuis l’espace urbain, par
un ascenseur et un escalier qui relient la ferme de bas en haut. Les serres offrent
trois types de culture aux conditions climatiques différentes, elles sont rendues
possibles par la mise en place d’écrans thermiques mobiles, ainsi que d’un ordina-
teur central pour la gestion de l’énergie et du climat intérieur.
Étant donné que les bâtiments existant ne peuvent supporter une telle surcharge, la
ferme s’appuie sur un portique en béton qui enveloppe l’existant. De cette manière,
cette nouvelle structure se propose aussi d’offrir une extension à chaque logement
sous la forme de balcons et de jardins d’hiver. D’après les concepteurs, la réu-
nion d’une ferme et de logements dans un même bâtiment encouragerait ainsi les
échanges possibles des deux programmes.
38 informations tirées de : http://www.soa-architectes.fr/fr/projects/show/90
Toit-terrasse : Fermes sur les toits
Seine Saint-Denis, SOA architectes
ETUDES
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Agrément:
La forme chahutée des serres en toiture contribue à la skyline, elle devient ainsi de
loin un repère spatial et donne une identité au quartier. Toutefois, elle n’améliore pas
beaucoup le cadre de vie des résidents, il y a peu d’interactions possibles avec la
nature mise en place.
Écologique:
Comme la plupart des projets traitant d’agriculture urbaine, la démarche des archi-
tectes propose plusieurs systèmes techniques qui permettent de minimiser l’im-
pact écologique du bâtiment, notamment par la récupération des eaux. De plus,
par sa proximité avec les logements situés au-dessous, elle peut jouer un rôle de
sensibilisation.
Biodiversité:
L’environnement intérieur de la serre contrôlée, n’étant pas en contact avec l’air
extérieur, ne favorise pas une grande biodiversité.
Gestion des eaux:
Étant donné que le projet se place en toiture, il ne contribue pas à l’infiltration des
eaux de pluie, comme pourrait le faire un espace vert public.
Pédagogique:
Malgré qu’il soit accessible depuis le niveau de la rue, l’usage de la serre horticole
comme un éventuel lieu d’enseignement à la botanique (formation, ateliers tout
public, sensibilisation, pratique du jardinage), paraît ponctuel, voire minime.
Intégration:
La typologie du jardin en toiture relié par un escalier commun paraît intéressante,
dans le but de devenir un lieu communautaire. Or, l’usage pour lequel il a été conçu
ne favorise pas forcément les liens entre les habitants-mêmes.
Productif:
La démarche visant à interroger le potentiel d’une toiture plate existante est perti-
nente. Par ailleurs, elle souligne la question de l’accès vertical qui est habilement
traité ici. Ainsi, les larges surfaces horizontales profitent à une culture potagère
intense.
Économique:
Selon les architectes, la réunion d’une ferme et de logements dans un même bâti-
ment encouragerait les échanges possibles des deux programmes. Il est donc pos-
sible d’envisager une culture pour sa propre auto-consommation ou de bénéficier
d’un tarif avantageux.
ETUDES
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Toit-terrasse : Jardins sur les toits de New York
Depuis quelques années, de plus en plus de potagers fleurissent sur les toits de
certaines villes. Ce genre de solutions se proposent de mettre en place une culture
locale et de favoriser les circuits courts de production, notamment en installant
un jardin sur le toit d’un immeuble. Au centre des grandes métropoles, cette idée
acquière de plus en plus d’adeptes, on pense notamment à New York. Cette ville est
pionnière du concept des jardins sur les toits et profite d’un élan de reverdissement
sur ses toits depuis quelques années. Un photographe américain, Alex MacLean,
a publié un livre de photos aériennes, comme témoignage de ces toits-jardins et
du potentiel exploitable de cette « 5ème façade ». En effet, la superficie totale des
toits représente 20% de la surface de ville new-yorkaise, c’est pourquoi le plan de
développement durable de cette dernière propose des avantages financiers aux
acteurs de cette démarche de reconversion. Ceci s’explique par le choix d’une toi-
ture végétalisée comme bon isolant thermique, capable d’absorber une partie des
eaux de pluie, favoriser la biodiversité et embellir les sommets des villes densé-
ment peuplées.
Ainsi, un potager géant s’est développé sur le toit d’un ancien bâtiment industriel
à Brooklyn, il a nécessité à l’aide d’une grue le transport de 500 tonnes de terre
et d’engrais au sommet des six étages. Les fruits et légumes cultivés sont par la
suite distribués sur les marchés et approvisionnent les paniers des New-Yorkais.
Cet exemple n’en est qu’un parmi tant d’autres, vu le nombre croissant d’adeptes
à la consommation de produits frais, locaux, bio et de saison. Mais certains de
ces espaces végétalisés permettent aussi aux citadins de se reposer, ils offrent
une alternative de vie au contexte minéral de la ville, devenant parfois des lieux
de rassemblement. Néanmoins, ils sont parfois exclusifs ou alors l’accès vertical
demande une connaissance préalable des lieux recherchés.
ETUDES
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Agrément:
Les toits-jardins offrent une alternative de vie dans les grandes métropoles. Dans
une ville comme New York, ils sont appréciables depuis les hauteurs. Par l’embellis-
sement du sommet de certains gratte-ciel, ils permettent de donner une seconde
idendité à ces derniers. Toutefois, le caractère exclusif de certains lieux restreint
le potentiel esthétique à quelques privilégiés. A l’inverse, la prolifération de ces
espaces de nature se démocratise de plus en plus.
Écologique:
Les solutions de ferme urbaine mettent en place des circuits courts de productions.
Ils contribuent à sensibiliser tous les New-Yorkais sur les enjeux de l’environne-
ment. En outre, les toitures végétalisées offrent des avantages énergétiques non-
négligeables.
Biodiversité:
La multitude des toits-jardins (hauteurs, conditions climatiques différentes) n’ac-
cueille pas que des plantes vertes, elle héberge aussi une faune locale en hausse.
Cette dernière bénéficie de lieux aux conditions de vie très différentes, selon le type
de building exploité.
Gestion des eaux:
Dans un contexte de tours, les toits végétalisés absorbent une partie conséquente
des eaux de pluie.
Pédagogique:
En participant bénévolement à des actions potagères, les New-Yorkais acquièrent
des notions de jardinage et de botanique.
Intégration:
De nombreux restaurants, discothèques, cafés et piscines, se développent conjoin-
tement à travers les toits-jardins. Ainsi, ils se proposent comme nouvel espace
de rencontre, à l’abris du tumulte de la ville, en offrant un cadre de vie bucolique
recherché par les citadins. Il convient néanmoins de rappeler la question de l’accès
vertical à ce type d’espace, dans le but d’en faire bénéficier le plus de personnes.
Productif:
En relation aux nombreuses surfaces de toiture d’une ville comme New York, les
fermes en toiture offrent une production potagère importante.
Économique:
L’approvisionnement en fruits et légumes des citadins dépend du caractère public/
privé des jardins potagers. S’ils sont gérés par une exploitation, la production serait
vendue dans des marchés, ou sous forme de paniers ménagers. Mais il est éga-
lement envisageable que ces surfaces de culture soient uniquement bénéficiaires
des résidents de la tour, profitant de la totalité de la production. En résumé, si la
ferme est entretenue uniquement par ses résidents dans un but d’auto-alimenta-
tion, le lieu risque de devenir privé et vice-versa.
ETUDES
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Synthèse des études de cas
Plain-pied
Vertical-farming
Epaisseur de façade
Toit-terrasse
espace vert public
lieu d’accueil
accès
aire de jeux
contemplatif
alimentaire
autonome
nutritionelle
fonctionelle
technologique
alimentaire
filtre
interactif
prolongement
alimentaire
belvédère
solarium
compense la densité
productif
alimentaire
A travers les études de cas, il nous vient à l’esprit une question essentielle à propos
du jardin potager, elle permettrait de pondérer certains critères qualitatifs énoncés
auparavant. Il s’agit de la question inhérente du beau et de l’utile. « Que nous restait-
il à faire? A répudier toutes les formes perverties, à démasquer tous les non-sens,
toutes les aberrations, et à retrouver les formes essentielles de la maison, de la
table, de la chaise, du lit et de ces objets indispensables à notre vie journalière» au-
rait dit Henry Van de Velde39, mettant en garde contre les pièges de l’ornementation
futile dans laquelle risquait de sombrer l’Art Nouveau, en revendiquant justement
cette question de l’unité du « beau et de l’utile ». Dans une tentative de faire une
synthèse du rationnel et du formel, on remarque que certains projets ont évacué
la relation forme-fonction. En se fixant comme point de départ divers scénarios de
crises socio-économiques, qui sont certes des menaces réelles car basées sur des
observations mathématiques, mais elles demeurent rationnelles: Comment nourrir
une population planétaire en constante hausse, alors que les surfaces arables dimi-
nuent, et que le changement climatique aura des conséquences dont on ne connaît
que les hypothèses? A ceci s’ajoute, comment répondre aux problèmes de la ville,
sous-entendus par une densification urbaine imposée et une qualité de vie sociale à
offrir? C’est ici que la question de la forme intervient pour certains dans la première
question, pour d’autres dans la deuxième. Quelle doit être la forme de nos villes, de
nos campagnes, de nos maisons? En tant qu’urbanistes, paysagistes, architectes,
nous occupons un rôle primordial dans ce débat qui a lieu d’être.
Alors que la « nature urbaine » est un argument de bien-être, du territoire jusqu’à la
maison, ne pas se contenter du critère ornemental et la compléter par le cultivable
aurait pu rendre la cause environnementale plus profonde et la définition de cette
nécessité écologique plus pertinente. Mais la nature est-elle belle parce qu’elle est
utile? Est-ce dans la résolution exacte de ce binôme que nous, architectes, serons
en mesure de projeter l’espace de nos sociétés futures ?
39 RICHARD L., « Comprendre le Bauhaus», éd. Infolio collection Archigraphy, 2009
ETUDES
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Ce qui est beau émeut. Le voile chaud de l’été qui caresse notre visage, les feuilles
dorées emportées par le vent tumultueux d’automne, les premières neiges qui
tapissent d’une couverture semi-transparente les prairies verdoyantes, le chant
des oiseaux à l’aube du printemps. Est-ce possible de rationaliser de telles événe-
ments? Ainsi, il faut s’interroger sur notre hypothèse initiale qui était « Comment
concilier aujourd’hui densité urbaine et qualité architecturale, à travers le thème du
jardin potager? » Est-ce une solution envisageable que de concilier le beau et l’utile,
point par point, d’égal à égal, pour projeter une alternative à l’idéal pavillonnaire qui
se répand dans les zones périurbaines?
Ce préambule nous permet de nous apercevoir des convictions différentes entre
deux pratiques du « jardin potager », malgré certains projets qui tentent maladroite-
ment de combiner les deux. D’une part, il y a ce que l’on peut nommer « le jardinage
potager », d’autre part « l’agriculture urbaine ». On se retrouve ainsi confronter à
deux différents extrêmes et modes de vies proposés. L’un, préconise les solutions
simples et se résume par: l’importance du contexte, le travail de la terre, l’art de
vivre, l’hédonisme, l’ouverture sur le monde extérieur, un environnement attractif,
un espace au bénéfice de l’espace public et privé, une qualité de vie sociale et un
complément alimentaire en bonus. A l’inverse, l’autre se doit d’utiliser des solu-
tions plus complexes et se traduit par: la décontextualisation du site, une culture
aéroponique, une solution technologique, un environnement clos et peu attractif,
au bénéfice de l’espace privé et de l’autonomie fonctionnelle. Alors que ce travail
de réflexion tentait de valoriser le jardin potager comme « nature urbaine » tangible
à concilier la densité urbaine et qualité de vie, un doute est émis sur la capacité de
l’agriculture urbaine à porter ce lourd statut répondant aux attentes de la nature et
à une densification urbaine imposée. L’agriculture urbaine dans son intégration aux
systèmes bâtis peut-elle qualifier les problèmes de la ville future, tout en devenant
un système complémentaire de l’agriculture urbaine traditionnelle? Bien que l’agri-
culture urbaine pourrait très certainement devenir productrice de nouveaux usages
par la création de circuits extrêmement courts par exemple, responsabiliser la po-
pulation aux enjeux environnementaux, pourrait-elle pour autant remplacer le plaisir
du jardin et le plaisir de la terre ?
ETUDES
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A notre rôle d’architecte, il incombe la tâche de faire du contexte social autant
que morphologique la véritable valeur d’un programme, tout en réconciliant les
hommes et l’environnement. Par conséquent, il semble que l’activité du jardin doit
tendre vers la notion de plaisir et non vers autonomie alimentaire, sans quoi elle
serait démunie de tout ce qui fait les qualités de sa valeur spatiale. Ainsi, l’activité
potagère ne doit pas s’orienter vers un usage mono-fonctionnel, sans quoi elle per-
drait tout ce qui a fait sa polysémie, qui contribue à la qualité de l’espace public et
des habitants. En devenant le reflet de nos sociétés, elle doit nous réunir au lieu de
nous séparer.
Toutefois, la pratique du jardin potager ne doit pas non plus omettre le travail de la
terre qui fait sa particularité historique. En effet, c’est ce qui permet au jardin pota-
ger de se différencier des autres espaces verts ou jardins publics. Sous prétexte de
jardin potager, le « jardin cultivé » peut alors devenir le « jardin habité ». De cette
vie-là, il offrirait les conditions idéales d’agrément, de biodiversité, d’écologie, de
pédagogie et d’intégration. Tout en contribuant à l’enrichissement des typologies
actuelles du logement, le jardin pourrait entretenir une relation positive également
avec la ville sous la forme d’une symbiose, grâce à ses enjeux et ses atouts. De la
sorte, il participerait à l’élaboration de logements qui respirent l’art de vivre du jardin
potager, l’hédonisme, l’ouverture sur le monde extérieur, en faisant la part belle à
des éléments de jardins tels que la cuisine d’été, le lavabo extérieur, la terrasse, le
réservoir d’eau apparent, la chaise longue ou même le four à pizza... Le lieu de vie
de ceux qui mangent tard et se couchent dehors. Un espace de vie qui offrirait la
possibilité à chacun de revendiquer son identité et de la mettre en pratique. Ainsi, il
serait une façon de quitter le contexte de la ville actuelle, ne serait-ce qu’un instant,
pour se plonger dans la cité rêvée, la ville idéale, le lieu indiqué pour faire ce qu’il
n’est plus possible de faire en ville, le coin de liberté, le jardin comme « hétéroto-
pie40 ». De par son statut et sa forme, il serait une limite sociale perméable, située
à cheval entre espace public et espace privé, qui pourrait contribuer fortement à
la qualité de vie en milieu urbain. Mais de quelle manière pourrait-on activer cette
relation publique/privé, afin de la rendre durable et belle pour les deux parties? Et
finalement, être en mesure de répondre aux problèmes de densification?
40 FOUCAULT J.-M., Dits et écrits « Des Espaces Autres », Architecture, Mouvement, Continuité, N°5, 1984, pp. 46-49
Bathtub garden
ETUDES
ANALYSE URBAINE
jardins potagers urbains et espaces verts publics à Neuchâtel
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Clé de lecture urbaine
Après la première partie consacrée au thème, on comprend dès lors que le jardin
potager ne doit pas être un but, mais un vecteur qui tend vers la création d’un
nouveau modèle urbain, une valeur spatiale qui correspond à un idéal de vie doté
de nombreux atouts, mais qu’il faut savoir nuancer au risque de perdre ce qui fait
ses qualités. Le jardin potager devrait être perçu comme le lieu d’accueil d’un
imaginaire, auquel il donnerait la place de se concrétiser. Par son échelle, plus hu-
maine qu’un parc ou un jardin public, il propose une redéfinition de l’environnement
extérieur par ses usages, ainsi qu’à une extension de l’environnement bâti dans
l’espace public. En résumé, il contribuerait à la qualité de l’espace public et per-
mettrait simultanément de développer de nouvelles typologies de logements. Par
cette synergie, le jardin permettrait la densité urbaine, tout en offrant une qualité de
vie, il serait ainsi le seuil entre la maison et la ville, du plus privé au plus public, de
l’intérieur jusqu’à l’extérieur et réciproquement.
Cette partie du travail propose de mettre en scène les idées conçues dans un quar-
tier de la ville de Neuchâtel. Par une analyse urbaine à deux échelles, celle de la ville,
puis celle du quartier, un scénario d’intervention sera esquissé, en vue de proposer
de nouvelles typologies de quartier et de logements, dans un espace retranscrivant
le principe de habitat-jardin-ville. Cette analyse n’a aucunement la prétention de re-
tracer toute l’histoire du développement urbain et ses conséquences sur l’environ-
nement neuchâtelois. Elle se veut un regard sensible dans la continuité du thème
« entre nature urbaine et densité », en recherchant une résonance contextuelle. A
l’échelle de la ville, il s’agit de localiser le site en rapport aux espaces verts publics
et jardins potagers urbains, afin d’en comprendre ses enjeux. Pour ce faire, les
points de vue suivants ont été choisis pour leur pertinence relative au thème et à la
ville, ils seront traités dans l’ordre suivant : Neuchâtel et son histoire, porosités et
rivages successifs, espaces verts publics et jardins potagers urbains. Puis, dans la
seconde partie à l’échelle du quartier, il sera possible de re-préciser les objectifs par
rapport au quartier-même. Elle se fera à travers les éléments d’analyses suivants :
densité du bâti, équipements à proximité. Finalement, le travail tentera de proposer
une nouvelle lecture du quartier en relation à notre thème.
ANALYSE URBAINE
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Index de la ville
0 10050 mètres
Appellations d’hier à aujourd’hui:
Novum Castellum
Novum Castrumau
Neocomum
Neufchastel
Neufchatel
Neuchâtel
Gentilé: les Neuchâtelois
Population: 33 054 hab.
(31 décembre 2010)
Densité: 1 826 hab./km2
Coordonnées: 46° 59’25’’ Nord
6° 55’ 50’’ Est
Altitude: 725 m
(min. : 427 m)
(max. : 1 174 m)
Superficie: 1 810 ha = 18,1 km2
ANALYSE URBAINE
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Neuchâtel et son histoire
Neuchâtel vers la fin du XVIIIe , dessin de Châtelet, gravée par Née, paru en 1780
Les stades d’évolution de la ville, Jacques Beguin
La ville est située dans le canton éponyme qui se trouve au centre de l’arc jurassien,
près de la frontière française. Le lac avoisinant tient son nom. Un regard historique
sur Neuchâtel nous permettra de localiser le site, mais également de comprendre
son développement urbain en relation à la nature.
Aux environs du XIe siècle, une petite bourgade prenait racine sur une colline cal-
caire contournée au nord et à l’est par la rivière du Seyon. Par son statut de promon-
toire naturelle, elle protégeait ses habitants des invasions ennemies, tout en offrant
une vue imprenable sur les Alpes depuis la cité. Elle était enclavée par deux fron-
tières naturelles. Au nord, la bourgade était entourée d’interminables forêts, dont
on craignait la flore et la faune animalière. Au sud, le lac s’étendait sur tout l’horizon
et se changeait en marais à ses extrémités. De ce fait, la ville était perçue comme
un lieu impénétrable, munie de fortifications. Elle était née au sein d’une nature à la
fois sauvage et généreuse. Certaines représentations témoignent d’ailleurs de cette
nature parfois crainte. Quelque peu exagérément, elles traduisaient la relation des
habitants avec la nature avoisinante qui était perçue comme mystérieuse et hostile.
Cependant, ses habitants allaient rapidement se sentir à l’étroit à l’intérieur des
fortifications. Ainsi, ils ont décidé de franchir le Seyon, permettant à la ville de
s’étendre vers l’est. Au XIIIe, la cité se développait le long d’une ruelle nommée «
Neubourg » , ce qui a nécessité la construction de nouvelles fortifications. Plus tard,
on décidait également d’assécher une partie du delta du Seyon, pour y construire
de nouvelles maisons. Ainsi, la ville débordait en dehors de ses limites, jusqu’à
remettre en cause l’existence de ses remparts, afin de continuer de s’étendre vers
l’est. Vers le XVIIIe, à l’exception de quelques maisons modestes, se parsemaient
sur ces nouvelles terres de somptueuses maisons, dotées de grands jardins fleuris
qui menaient au lac (pour exemple, le Palais du Peyrou et son jardin construit en
1770). Au nord, se trouvaient de vastes étendues de vignes que l’on cultivait pour
presser le vin.
ANALYSE URBAINE
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Durant les siècles suivants, cette situation idyllique allait malheureusement être
bouleversée par de profonds changements. Au cours des XIXe et XXe siècles, la ville
en plein essor, gagnait peu à peu des terrains sur les coteaux et des surfaces sur
les eaux du lac. Paralèllement à cela, le Seyon et ses humeurs se voyaient payer
un lourd tribu à cause de ses multiples débordements. Ainsi, on a décidé de la
détourner et de la canaliser, faisant progressivement disparaître la rivière du pay-
sage urbain. Au XIXe, d’autres interventions humaines transformaient une nouvelle
fois l’image de la ville, notamment par l’arrivée des chemins de fer. Placée sur une
ancienne colline arasée pour l’occasion, la gare attirait de plus en plus d’habitants
dans les quartiers avoisinants qui se voyaient gravir la pente menant à la montagne
de Chaumont, jusqu’en lisière de forêt.
A l’époque, la construction de la gare avait produit une énorme quantité de terre
qu’on allait exploiter pour remblayer les dernières berges naturelles du lac. Ainsi,
on a comblé au sud une partie de l’eau devant le Faubourg du Lac et l’actuel Jardin
Anglais. Alors que des maisons populaires s’installaient au nord du vallon du Seyon
et près de la gare, de riches commerçants se faisaient construire de prestigieuses
demeures le long du faubourg. Elles étaient dans une situation privilégiée par rap-
port aux autres, offrant la vue sur le lac et les Alpes, ainsi que la proximité au centre
ville.
Par la suite, le développement de la ville étant limité par la forêt, différents grands
travaux de remblais se sont succcédés jusqu’en 1951. Couche après couche, la ville
s’est offerte de plus en plus de terrains sur l’eau. Mais malgré cela, à l’aube du XXIe
siècle, la ville de Neuchâtel porte encore les traces de son passé, une mémoire qui
a pris la forme de nouveaux ensembles bâtis, de parcs, de jardins publics et de pro-
menades. Quelle est le statut du site par rapport à cette mémoire du passé? Dans
quel contexte se trouvent les espace verts publics et les jardins potagers urbains
en relation au site?
Plan de la ville de Neuchâtel pris à vol d’oiseau, J.-J Berthoud, 1769
Gravure de Neuchâtel, Mathieu Merian , 1593-1650
ANALYSE URBAINE
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La ville de Neuchâtel et le projet de construction du port, du nouveau quartier des Beaux-Arts
et de la création de l’Avenue du Premier-Mars
Plan du quartier du Mail et de la Maladière en 1896
Les rives du lac aux Saars, 1910
ANALYSE URBAINE
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Porosités et sucessions des rives
Par l’histoire, on comprend que le développement de la ville est fortement limité par
la topographie de son site, au nord par la forêt et au sud par le lac. C’est pourquoi
le développement urbain s’est essentiellement étendu en longueur, notamment à
l’est, et par la conquête de territoire sur l’eau.
En plaçant le site de la Maladière en gris sur une carte retraçant les différents ri-
vages successifs, on remarque qu’il se trouve sur les anciens rivages de 1776 et
1873. En effet, la rue de la Maladière qui longe la face nord du site, suit exactement
la courbure du rivage de 1776, elle en est devenue la trace historique. Alors qu’au
sud, la Rue de la Pierre-à-Mazel est rectiligne, elle ne donne aucun indice sur son
origine passée. Hormis le fait qu’il soit excentré du centre, on comprend que le
quartier avait auparavant le privilège d’être au bord de l’eau. Quelles sont donc les
manifestations actuelles de ces anciens rivages pour le quartier de la Maladière?
Malgré les différents remblais consécutifs, l’accès au bord du lac est-il encore mis
en valeur aujourd’hui?
De plus, les remblais consécutifs ont donné de l’espace nécessaire à la création de
nouveaux programmes. Sous l’initiatives de M. Du Peyrou, une allée d’arbres est
plantée près des berges en 1776. A cette même époque, la ville était pourvue d’un
jardin nommé « Jardin Desor »41 à l’extérieur de la ville, se trouvant justement sur la
pointe du quartier de la Maladière en question. Ce jardin offrait un cadre enchanteur
en ville, mais le site n’existe plus tel quel. Il était composé de deux parties, l’une
d’inspiration française, l’autre d’inspiration romantique. La première partie offrait à
ses promeneurs de larges perspectives lacustres, par le biais de plantations et de
cheminements réguliers. L’autre partie tirait profit de la présence des calcaires. Ces
derniers avaient étés joliment aménagés durant les siècles passés. On y trouvait un
étang, des bancs de pierres offrant aux neuchâtelois un charmant lieu de détente.
C’est la construction du Gymnase Cantonal, vers 1950, qui fit disparaître le Crêt et
son environnement, laissant comme seul témoin le grand cèdre situé aujourd’hui à
l’ouest de l’école. Quant à l’allée de M. Du Peyrou, la plantation s’étendait quelques
années plus tard à l’est, devenant par la suite une grande promenade, puis l’actuel
Jardin Anglais en 1873.
41 du nom du célèbre naturaliste et archéologue neuchâtelois, Pierre Jean Édouard Desor ( 1811-1882 )
1776
1873
1951
Actuelles
Rives du lac de Neuchâtel
Relation aux rivages succesifs
1873
Jardin
Anglais
1776
Jardin
Desor
1776
Allée
d’arbres
ANALYSE URBAINE
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Promenade du Jardin Anglais, début du XXe siècle Aménagement du Jardin Anglais, 1996
Jardin Desor, Ecole de Commerce et Université, vers 1935
Cèdre séculaire de l’Avenue du Premier-Mars, anciennement dans le Jardin Desor, 1996
Jardin Desor, 1895
ANALYSE URBAINE
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Près d’un siècle plus tard, le remblais de 1951 a permis la construction d’un vaste
projet de logements. Il est constitué de deux îlots donnant sur sur l’Avenue du Pre-
mier-Mars et de deux barres plus opulentes en bordure des quais. Par la suite, ce
quartier s’est prolongé par la construction de plusieurs édifices publics, entre autres
le gymnase cantonal, la faculté de droit, l’école de commerce ainsi que l’église ca-
tholique. C’est ainsi que l’Avenue du Premier-Mars s’est développée, devenant un
des axes urbains principaux, reliant le centre ville au quartier de la Maladière, telle
une nouvelle entrée vers la ville.
Par conséquent, le site se trouve dans une affiliation historique de parcs et de jar-
dins publics, tout en étant à proximité de grands ensembles bâtis. Pour l’anecdote,
il est singulier de remarquer que l’on a détruit un jardin à l’époque pour construire
la ville, alors qu’aujourd’hui on tente de la construire à travers le thème du jardin.
De plus, selon les endroits de la ville, ces différents rivages peuvent être perçus
différemment. Ils peuvent soit être intégrés habilement dans le tissu urbain, soit
constitués de véritables ruptures dans la continuité topographique. Bien que la ville
se développe de manière longitudinale est-ouest, de nombreux cheminements
allant de la forêt jusqu’au lac traduisent le besoin d’une relation transversale. A
neuchâtel, il s’agit généralement de routes piétonnes, assez raides, arpentés par les
citadins pour parcourir transversalement la ville. Ces chemins offrent généralement
une vue soit sur la forêt, soit sur le lac permettant aux arpenteurs de se position-
ner dans la ville. De nos jours, plusieurs chemins transversaux sont praticables, ils
se répartissent du centre historique jusqu’à l’extrémité de notre site d’étude. Mais
une disparité existe tant sur la quantité que sur la qualité des parcours possibles.
En effet, bien que notre site dispose d’une bonne situation par rapport au lac et la
la gare des chemins de fer, il ne propose qu’une seule liaison relativement pauvre
au public, bloquant ainsi l’accès au lac. Ce constat peut s’expliquer par le dénivelé
provoqué par les remblais consécutifs et qui ont sans doute été mal absorbés par
le site. La nature actuelle des bâtiments et leurs usages y sont également pour
quelque chose. Par conséquent, il sera nécessaire de donner une réelle porosité à
ce site, afin qu’il puisse retrouver un peu de sa mémoire lacustre et participer aux
porosités transversales de la ville.
Porosités transversales vers le lac
ANALYSE URBAINE
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Dans la ville de Neuchâtel, la nature urbaine se retrouve à différentes échelles, sous
la forme de micros-jardins, d’arbres d’alignements ou isolés, de milieux de substitu-
tion, d’espaces verts publics ou de jardins potagers.
Micros-jardins:
A l’échelle des micros-jardins, les conditions naturelles exercent une action sélec-
tive sur la flore et contribuent à une bonne biodiversité. Elles se manifestent no-
tamment par la floraison de « certaines mousses spécialisées (...) qui vont pouvoir
s’implanter et développer des coussinets qui seront particulièrement efficaces pour
piéger l’eau de pluie ainsi que les poussières diverses »42. Mais elles peuvent éga-
lement se retrouver dans les fissures ou les éventuels reliefs d’une paroi rocheuse.
D’un point de vue relatif à la biodiversité et à l’infiltration des eaux de pluie, cet
élément reflète l’importance du choix d’un matériau ainsi que sa mise en place lors
d’une construction.
Arbres d’alignements ou isolés:
« Dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’aménagement de la ville, un inventaire
des arbres a été entrepris (...) Les arbres ont été répertoriés principalement pour
leur silhouette marquante dans le paysage, mais leur rareté botanique et leur situa-
tion isolée dans un quartier peu arborisé ont aussi été prises en comptes »43. En
dehors des aspects se référant à la biodiversité, les arbres en ville permettent de
définir également des axialités principales et structurent l’espace public. On les
retrouve notamment sous la forme de promenade le long des anciens quais de Léo-
pold-Robert datant de 1951, mais également sur la route qui mène à la gare depuis
le centre-ville. D’autres, plus isolés, deviennent de véritables repères spatiaux, en
témoigne le cèdre séculaire de l’Avenue du Premier-Mars. En outre, ils agissent sur
les façades des bâtiments comme filtre végétal. Ils permettent ainsi d’ombrager
les bâtiments exposés au rayonnement solaire et participent à un certain degré de
confort visuel.
42 BUTTLER A., AYER J., BERNARD C., MONNIER M.-F., BONGARD M., « Coup d’oeil sur la nature en ville de Neuchâtel », Neuchâtel, 1996, p. 42
43 BUTTLER A., AYER J., BERNARD C., MONNIER M.-F., BONGARD M., « Coup d’oeil sur la nature en ville de Neuchâtel », Neuchâtel, 1996, p. 42
Natures urbaines neuchâteloises
Floraison discrète entre les pavés de l’esplanade de la Collégiale
Corbeilles-d’or à la rue de l’Evole
ANALYSE URBAINE
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Milieux de substitution:
Malgré les différents impacts négatifs sur le paysage, la construction de l’autoroute
de Neuchâtel a également participé de sa manière à la nature urbaine. L’aménage-
ment de ces nouveaux espaces autoroutiers, inaccessibles au public, a permis la
plantaison d’une flore typique de la région. De la sorte, sans aucun entretien néces-
saire, ces nouveaux espaces verts sont économiques, participant à une perception
naturelle.
Cette dernière forme de nature urbaine renvoie directement à notre thème du jar-
din potager que l’on souhaite participer à l’espace privé du logement et à l’espace
public de la ville. Par leurs échelles, les espaces verts publics et les jardins pota-
gers permettent différents usages à ses habitants, ce qui les distinguent des autres
formes de nature urbaine. Ainsi, ils méritent un intérêt et une analyse plus approfon-
die à travers différents éléments de représentations graphiques.
Par une approche territoriale en plan et coupe, cette partie met en relation les es-
paces verts publics de la commune de Neuchâtel et les jardins potagers de ses
habitants. Ici, il s’agit de les identifier et répertorier pour les situer dans l’espace
urbain, afin de visualiser par la suite le site d’intervention. Cet inventaire se réfère à
la base de données du Service d’Infrastructure et Energies de la ville de Neuchâtel44
pour ce qui est des espaces verts publics, ainsi qu’à un travail d’expérimentation
personnelle concernant les jardins potagers (il est donc non-exhaustif). Les chiffres
paires correspondent aux jardins potagers urbains en jaune, tandis que les chiffres
impaires renvoient aux espaces verts publics en vert ou en gris. La forêt, certains
alignements d’arbres ou d’autres sujets isolés, complètent ce travail de représenta-
tion graphique. Dans un second temps, l’analyse de ces représentations a été faite
selon les points de vue suivants : situation, échelle, usage, relation au bâti.
44 sitn.ne.ch, http://www.2000.neu.ch/index0.php?id=770
Espaces verts publics et jardins potagers
Allées d’arbres qui structurent l’espace du quai Léopold-Robert
Forêt de l’échangeur autoroutier de Champ-Coco, reconstituée avec des essences indigènes
ANALYSE URBAINE
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Espaces verts publics et Jardins potagers
0 10050 mètres
ANALYSE URBAINE
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1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35
2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44
37 39 41 43 45 47 49 51
46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 Jardins Potagers
Espaces verts publics
0 10050 mètres
A
A
ANALYSE URBAINE
110 | | 111
29 36 52
46
34
32
26
48
30
22
16
44
42
3
2
60
58
38
24
14
12
8
6
38
28
18
10
64
62
54
39
50
47
45
40
20
15
9
7
452.8
469.2
479.3482.7
511.4
56
4
1
27 31 49
41
37
35
19
11
25
5
23
17
51
43
33
21
13
0 5025 mètres
429.3431.4432.5433.5439.1
Coupe A territoriale
site d’étude
ANALYSE URBAINE
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1. Parc de l’Evole, Promenade des zig-zags
2. Jardin potager, Rue des Parcs
3. Place de jeux, Collège des Parcs
4. Jardin potager, Rue de Jehanne-de-Hochberg
5. Place de jeux, Baie de l’Evole
6. Jardin potager, Rue de l’Ecluse
7. Jardin du Prince
8. Jardin potager, Rue des Parcs
9. Place du château
10. Jardin potager, Rue de l’Ecluse / Escalier de la rue de l’Industrie
11. Place du marché / Coq-d’Inde
12. Jardin potager, rue des Parcs / Escalier de la rue de l’Industrie
13. Esplanade du Mont-Blanc
14. Jardin potager, Rue des Parcs / Escalier de la rue de l’Industrie
15. Centre de loisirs, place de jeux / sport
16. Jardin potager, Rue de Comba-Borel
17. Place Pury
18. Jardin potager, Rue de l’Ecluse / au nord de l’Hôtel de l’Ecluse
19. Place du Temple-Bas / Place Coquillon
20. Jardin Potager, rempart du Château de Neuchâtel
21. Place du Collège latin
22. Jardin potager, Chemin de la Boine
23. Place Numa-Droz
24. Jardin potager, Chaussée de la Boine
25. Place du Port
26. Jardin potager, Rue de la Côte
27. Jardin du Palais du Peyrou
28. Jardin potager, Escaliers des Bercles
29. Jardin Botanique de l’Université de Neuchâtel
Jardin potager, Escaliers des Bercles (28)
Jardin potager, Chaussée de la Boine (24); Jardin potager, Rue des Parcs / Escaliers de la Rue de l’Industrie (12,14)
ANALYSE URBAINE
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Jardin potager, Rue de l’Ecluse / Escaliers de la Rue de l’Industrie (10)
Jardin potager du Vieux-Châtel, Rue Edmond-de-Reynier (50)
30. Jardin potager, Rue de la Côte
31. Jardin Anglais
32. Jardin potager, Rue de la Côte
34. Jardin potager, Rue de la Côte
33. Esplanade Leopold-Robert
35. Place de jeux, Rue des Beaux-Arts
36. Jardin potager, Chemin du Pertuis-du-Sault
37. Place de jeux, Rue des Beaux-Arts
38. Jardin potager, Rue Louis-Favre
39. Place Gérard-Bauer
40. Jardin potager, Rue de la Serre
41. Place de l’Université
42. Jardin potager, Faubourg de la Gare
43. Parc des Jeunes-Rives
44. Jardin potager, Faubourg de la Gare
45. Jardin de l’Hôpital de Pourtalès
46. Jardin potager, Rue de Fontaine-André
47. Place de jeux, Rue de la Maladière
48. Jardin potager, Rue des Fahys
49. Place de la Maladière Est
50. Jardin potager du Vieux-Châtel, Rue Edmond-de-Reynier
51. Place de sport, Quai Robert-Comtesse
52. Jardin potager, Rue des Fahys
54. Jardin potager, Avenue de Bellevaux
56. Jardin potager, Rue de la Maladière
58. Jardin potager, Chemin de Belle-roche
60. Jardin potager, Chemin de Bel-Air
62. Jardin potager, Rue Jacquet-Droz
64. Jardin potager, Chemin de Bel-Air
ANALYSE URBAINE
116 | | 117
Situation:
La plupart des espaces verts publics se situent en aval de chemins de fer, hormis le
Jardin Botanique de l’Université de Neuchâtel (29). Plus précisément, ils se trouvent
près des bords du lac (5, 13, 21, 23, 25, 33, 45, 51) avec notamment une concentra-
tion près du centre-ville ainsi qu’à l’est, à proximité du Parc des Jeunes-Rives (43).
Par leur situation urbaine, ils sont donc généralement proches des centres d’activi-
tés, des commerces et des zones de loisirs.
Echelle:
Par leur taille, ils sont conçus à l’échelle de tout un quartier, voire même de la ville
(31, 43) et entretiennent souvent un rapport visuel avec le lac.
Usage:
Les espaces verts se présentent sous la forme de parcs, de jardins ou de places
minérales à caractère végétal. La valeur de ces derniers invite majoritairement à la
détente dans le secteur du centre-ville. Les autres espaces verts existants sont soit
utilisés à plus courte durée, soit plutôt utilisés comme lieux de passage. Certains
proposent tout de même quelques usages actifs ou manifestations occasionnelles,
on peut citer par exemple la Place du Marché / Coq d’Inde (11) qui accueille le mar-
ché quelques jours par semaine, le centre de loisirs doté de barbecues (15), le Parc
des Jeunes-Rives avec quelques restaurants, terrains sportifs et l’usage ponctuel
pour Festi’Neuch ou les forains. Ils comportent des équipements de parcours, ainsi
que des places de jeux, des bancs publics, des tables de pique-nique. Mais l’offre
d’équipements en terme d’usage social est pauvre et peu définie.
Relation au bâti:
La relation aux bâtiments est mineure, elle ne génère pas de fortes interactions
avec l’environnement construit que ce soit au niveau de typologie de quartier ou de
logement. En effet, ils agissent plutôt comme des espaces de respiration dans la
ville, permettant ainsi une densité urbaine. Toutefois, il existe quelques exceptions
comprenant des bâtiments scolaires et une église, ces dernières sont placées dans
un contexte de parcs ou de jardins, notamment sur la Place de l’Université (41) et le
Jardin de l’Église Rouge.
Espaces verts publics
Situation:
Les jardins potagers se situent en amont des chemins de fer, avec notamment
une forte concentration autour des voies ferrées, profitant des espaces résiduels
générés par celles-ci, mise à part quelques exceptions (4, 20, 28, 50). De la sorte, ils
sont proches de la forêt et s’égrainent dans des quartiers de maisons. A cause de
leur situation, ils n’ont qu’une faible relation avec le centre-ville et les autres zones
d’activités.
Échelle:
Leurs proportions sont limitées à l’échelle d’une maison, ainsi ils n’entretiennent
qu’une relation visuelle avec le voisinage ou les passants. On remarque tout de
même deux cas contraires, le jardin potager de l’Escaliers des Bercles (28) et celui
du Vieux-Châtel (50). Ces deux derniers occupent un espace à l’échelle d’un quartier.
Usage:
Par leur taille, ils permettent aux usagers de se les approprier. On remarque qu’en
dehors de l’activité potagère, le jardin potager sert de terrasse, de cabanons de
jardin, de cuisine d’été, de lieu d’activités physiques, d’espace de rencontre pour
les jardiniers/usagers du quartier. Dans le cas du jardin potager de l’Escaliers des
Bercles, et celui du Vieux-Châtel, il s’agit de jardins communautaires45 gérés par des
associations.
Relation au bâti:
Les jardins potagers se retrouvent fréquemment aux pieds des maisons et im-
meubles éloignés du centre-ville et donc des espaces verts publics. Ils proposent
des usages variés dans un environnement extérieur qui manque parfois de défini-
tion. Par cette proximité, ils sont utilisés comme une pièce à vivre en plein air, per-
mettant l’activité du jardinage. Lorsqu’il n’est pas dans la continuité d’une maison
(28, 50), le jardin potager sert comme maison de quartier à l’échelle d’une popula-
tion plus grande, à l’image d’une maison de campagne offrant de riches interac-
tions avec l’environnement extérieur.
45 « Ensemble de lopins individuels qu’un groupe de jardiniers gère collectivement, chacun s’acquittant d’un modeste loyer» . Définition tiré « La
Revue Durable », N°43, l’agriculture regagne du terrain dans et autour des villes, 2011, p. 56
Jardins potagers
ANALYSE URBAINE
118 | | 119
Synthèse et relation à la ville
Terrain abrupte
substitut de la maison
observatoire
lieu de détente
alimentaire
Friche ferroviaire
lieu privé
caché
alimentaire
Exception
extension de la maison
aire de jeux
lieu de sociabilisation
alimentaire
L’histoire du développement urbain neuchâtelois a provoqué la disparition du Jardin
Desor vers 1950 qui se trouvait sur le site de la Maladière. Aujourd’hui, nous ten-
tons de reconstruire la ville par le thème du jardin, faisant ainsi un clin d’oeil à cette
mémoire. Bien qu’il semble éloigné du centre-ville, le site se trouve dans l’axe trans-
versal de la gare, pouvant ainsi profiter des activités de cette dernière. Par ailleurs,
l’Avenue du Premier-Mars qui sert d’entrée vers le centre-ville, contribue également
à renforcer le statut urbain du quartier qui est très fréquenté.
De par les remblais successifs sur l’eau, plusieurs terrassements ont eu lieu à Neu-
châtel, engendrant parfois des dénivelées entre plusieurs routes parallèles. Alors
qu’ils ont été assez bien absorbés vers le centre, notamment vers le quartier du
Jardin Anglais (31), le quartier est une blessure dans une tentative de relier le lac
depuis la forêt. En effet, il ne propose pas de cheminements aisés pour le public,
ce qui pourrait contribuer à renforcer l’axe transversal forêt-gare-lac, et attirer des
personnes autres que ceux qui se rendent vers le centre-ville. En recherchant des
porosités, le quartier de la Maladière offrirait des qualités d’espace public, tout en
retrouvant aussi d’une certaine manière sa relation historique avec le bord de l’eau.
L’analyse des espaces verts publics et des jardins potagers, nous apprend les consé-
quences d’une différence d’échelle de « nature urbain », celles-ci se remarquent
surtout à travers les usages possibles et les relations entretenues avec l’environ-
nement bâti. Dans son livre « L’architecture de la ville »46, l’architecte Aldo Rossi
nous expliquait l’urbanisme d’une ville comme un environnement devant être perçu
comme quelque chose de construit au fil des années, dans laquelle l’architecture
en tant que monument donnait une structure urbaine. D’un point de vue « nature
urbaine », si l’on suppose que les espaces verts publics sont nos monuments, par
leur capacité à devenir espaces de respiration et repères visuels, le statut des jar-
dins potagers peut sembler à priori bénin. Or, les jardins potagers participent égale-
ment à une compréhension globale de la ville et de sa nature à sa manière. Du fait
de leur taille et des usages offerts, ils apportent une qualité de vie en milieu urbain
et la rende cohérente à différentes échelles.
46 ROSSI A., « L’Architecture de la ville », éd. Infolio, 2001
ANALYSE URBAINE
120 | | 121
En ce qui concerne le quartier de la Maladière, il se place dans une zone intermé-
diaire entre les espaces verts publics et les jardins potagers. Par conséquent, il a la
possibilité de jouer un rôle de catalyseur et de mettre en scène les pratiques du jar-
din. De plus, le quartier est dans la prolongation du Jardin-Anglais (31), d’ailleurs il
occupe à peu près une même superficie. La proximité de plusieurs espaces publics
tels que le Jardin Anglais (31), le Parc des Jeunes-Rives (43) et la Place de l’Uni-
versité (41), comme respiration urbaine (lieu de détente, contemplation, passage),
offre la possibilité au quartier de se densifier davantage.
Toutefois, le quartier va également devoir se distinguer de ces derniers, en faisant
valoir les différents atouts et usages du jardin potager à hautes valeurs environ-
nementales, socioculturelles et économiques. Ainsi, l’activité potagère mise en
place pourrait contribuer à la création de nouveaux programmes urbains publics,
tout en favorisant une qualité de vie pour le quartier (nouvelles formes urbaines,
nouvelles typologies de logements, hybridations logements-jardins). Sous la forme
de cafés, crèches, restaurants, maisons de quartier, lieux d’insertion, espace s com-
munautaire ou lieux de culture, différentes hybridations seraient possibles avec
la valeur spatiale du jardin potager, tant sur la forme que sur l’usage. Elles per-
mettraient de donner une dynamique de vie au quartier ainsi qu’à l’espace urbain,
profitant de sa proximité avec différents centres d’attractions, le quartier de la Mala-
dière offrirait une palette d’usages variés dans l’espace du jardin potager, il pro-
poserait ainsi une offre d’activités que l’on ne retrouve actuellement pas dans les
espaces verts publics, pour faire de ce lieu un morceau de ville. Cependant, il reste
à décider du type de logements à concevoir par une analyse du quartier.
ANALYSE URBAINE
ANALYSE DU SITE RETENU
quartier de la Maladière
124 | | 125
Index du quartier
0 5025 mètres
Quartier de la Maladière
Altitude: 434.7 m
(min. :433.5 m)
(max. : 438.5 m)
Superficie: 21 135 m2
ANALYSE DU SITE
126 | | 127
Le quartier de la Maladière et son histoire
Dans l’analyse urbaine, on retient que la ville de Neuchâtel s’est développée dans
un premier temps de manière concentrique autour de son centre historique. Puis,
elle a été restreinte par deux barrières naturelles, c’est-à-dire la montagne de
Chaumont et le lac de Neuchâtel. C’est pourquoi elle s’est étendue par la suite
paralèllement au lac, à l’est et à l’ouest, prenant une forme urbaine allongée. Étant
donné que la topographie du secteur ouest était plus tumultueuse, Neuchâtel s’est
majoritairement étiré à l’est, lui conférant une croissance asymétrique. En plus du
centre-ville et de la gare, ce secteur est donc aussi devenu un pôle d’activités par
son développement.
A l’origine, le quartier se trouvait à l’extérieur de la ville, où se logeaient quelques
bâtiments près des coteaux de vignes formées sur la colline du Crêt, la présence
de maisons n’y était que ponctuelle. Le quartier était surtout remarquable car on
y trouvait l’Hôpital Pourtalès47 (1808), la Chapelle de la Maladière (1827), ainsi que
la Promenade du Crêt et le Jardin Desor. Mais au fil des années, en conquérant
de plus en plus de terrains sur l’eau, la ville a permis à ce site de devenir le terrain
d’accueil de plusieurs équipements nécessaires au développement urbain. En effet,
bien avant la création du port de la Maladière et celui du Nid-du-Crô, le quartier s’est
vu doter d’un port marchand qui servait d’interface aux industries avoisinantes. En
effet, notre quartier d’étude était composé d’une ancienne usine de gaz et de tuile-
rie, en plus de divers entrepôts. Tout en ayant un statut industriel, le quartier était
déjà relativement éclectique où se côtoyaient industries, lieux de culte et jardins.
En 1906, dotée d’une population catholique en hausse, on décidait de construire
l’Église Catholique de Notre-Dame48, considérant que la Chapelle de la Maladière
était devenu trop exiguë pour ses fidèles. D’inspiration néo-gothique, elle se carac-
térisait à l’époque par son béton teinté rouge, qui lui a valu plus tard le nom « Église
Rouge» donné par les Neuchatelois, l’église est encore aujourd’hui remarquable
comme signal d’entrée la ville. En ce qui concerne la Chapelle de la Maladière, elle
était devenue la propriété de l’Hôpital Pourtalès dont elle était la voisine.
47 Construit grâce à la donation de Jacques-Louis de Pourtalès en 1808
48 Oeuvre de l’architecte neuchatelois Guillaume Ritter (1835-1912)
Le quartier de la Maladière à l’époque
La Rue de la Pierre-à-mazel est une voie sans issue, le site est occupé par une usine à gaz
Les anciennes tuileries
ANALYSE DU SITE
128 | | 129
Parallèlement à cela, on avait construit l’Académie49 (1828) et l’École de Commerce.
Cette série de constructions consacrées à l’enseignement enrichissait le quartier
d’un nouveau statut, venant s’ajouter aux autres. Cette phase de développement
scolaire s’est d’ailleurs traduite par la perte de l’ancienne Promenade du Crêt et du
Jardin Desor, notamment à cause de l’édification du gymnase en 1950. Quelques
années plus tard, on profitait également de construire une série de logements sur
ce terrain vague au sud et à l’est de l’« Église rouge ». C’est à cette époque-là que
le quartier proposait ses premiers ensembles d’habitations.
En 1968, on construisait la première version du stade de la Maladière, il ne pro-
posait à l’époque qu’un terrain de football muni de gradins. Quelques dizaines
d’années plus tard, en 2007, un nouveau projet de stade remplaçait l’ancien qu’on
avait décidé de démolir, jugé insuffisant. Le nouveau stade se compose d’un grand
volume posé dans le quartier, il accueille à la fois un parking, un centre commercial
et un terrain de football en hauteur. Alors que le quartier était suffisamment hétéro-
gène, la construction de ce dernier fragilisait une nouvelle fois l’identité de ce lieu,
engendrant de nouveaux flux et de nouvelles fonctions sans réels dialogues avec le
contexte de proximité. Quelques années auparavant, en 2004, l’agrandissement de
l’Hôpital Pourtalès et l’achèvement de la tour de l’Office Fédérale de la Statistique50
dans le quartier de la gare, renforçaient l’attractivité du secteur est de la ville de
Neuchâtel.
En résumé, le quartier de la Maladière a subit un développement successif impor-
tant, provoquant parfois une mutation importante en terme de fonction dans le
quartier. Ainsi, le quartier tel qu’on le voit aujourd’hui se remarque par son éclec-
tisme qui ne bénéficie pas d’une planification minutieuse. Il se compose de bâti-
ments hétérogènes et n’entretien pas de bonnes relations communes. Malgré ce
développement urbain hétéroclite, les façades du corps principal de l’Hopitâl Pour-
talès, la Chapelle de la Maladière, et l’Église Catholique Notre-Dame sont présents
pour préserver la mémoire du passé.
49 L’actuel faculté de Droit
50 Oeuvre du bureau d’architecture « Bauart » (1994-2004)
La construction de l’église Notre-Dame dans la continuité du quartier des Beaux-Arts
A gauche, la colline du crêt ou se trouve l’actuel Lycée Denis-De-Rougement
Le corps principal de l’hôpital Pourtalès, la volumétrie et les façades extérieures ont été conservées
ANALYSE DU SITE
130 | | 131
Autrefois à l’extérieur de la ville, le quartier de la Maladière s’est vu rattrapé par un
développement urbain croissant depuis plusieurs dizaines d’années. C’est pourquoi
il est composé de divers tissus urbains.
Au nord, mise à part quelques objets ponctuels, notamment le quartier de la gare
structuré par le projet Ecoparc51 et l’hôpital Pourtalès, le tissu est de type pavillon-
naire dont la hauteur d’étages varie entre deux et trois étages.
Sur le secteur est, allant de l’extrémité est de la Rue de la Pierre-à-Mazel jusqu’à la
Route des Falaises, le quartier comporte des bâtiments plus denses de cinq à six
étages occupant une surface au sol plus grande.
Au sud et à proximité du site, le tissu urbain est très varié où l’on peut énumérer
plusieurs sous-catégories. Au sud-ouest, les îlots du quartier des Beaux-Arts for-
ment une entité bâtie de trois à cinq étage. Plus au sud de ces derniers, on trouve
un ensemble de barres s’élevant de trois à quatre étages qui bordent le quai Léo-
pold-Robert. Ainsi, ces deux derniers ensembles sous la forme d’îlots et de barres
structurent la rue, définissant des espaces côtés cours et côtés rue. Plus à l’ouest,
plusieurs gros bâtiments de trois à cinq étages occupent une surface imposante au
sol, on peut citer entre autres le stade-centre-commercial et la Patinoire du Littoral
qui apparaissent hétéroclites dans le quartier.
Concernant notre périmètre d’étude à proprement parlé, les coefficients d’occupa-
tion du sol (COS) et d’utilisation (CUS) calculés pour notre aire d’analyse sont alors de
0.46, respectivement 1.47. Toutefois, ces résultats sont à nuancer étant donné qu’on
peut distinguer deux tissus urbains différents sur le site. En effet, la partie ouest
est relativement dense et recherche une continuité urbaine avec le tissu peuplé du
Faubourg du Lac. De plus, elle est occupée par deux tours, respectivement de huit
et douze étages. Quant à la partie est, le tissu urbain est peu dense et très diffus, il
accueille notamment des objets imposants en surface d’occupation du sol mais très
peu élevés (essentiellement des bâtiments constitués d’un unique rez-de-chaussée
voire ou d’un étage. Seule exception, le bâtiment Arc-Info (sur trois étages).
51 Plusieurs constructions étalés sur le temps (1994-2012), réalisées par le bureau d’architecture « Bauart »
R R+1 R+2 R+3 R+4 R+5 R+6 R+7 R+8 R+10 R+12 R+15
0 10050 mètres
ANALYSE DU SITE
Densité du bâti
132 | | 133
La rue commerçante de la Rue de la Pierre-à-Mazel constitue le principal secteur
d’activité de notre périmètre, où l’on trouve par ailleurs le centre commercial de la
Maladière et quelques petits commerces avoisinants. Hormis la rue de la Pierre-à-
Mazel, le site peut compter également sur le quartier de la gare comme zone com-
merciale qui dispose de nombreux petits magasins. Ainsi, dans le cas où le projet
comportait des surfaces commerciales, il faudrait prendre en compte ces éléments
et prévoir un type de commerce particulier ne se trouvant pas dans l’offre actuelle
voisine.
En terme d’équipements, le quartier se distingue par deux catégories fortement
présentes. Pour la première, il s’agit d’équipements destinés à la formation comp-
tabilisant des écoles, des bâtiments universitaires, un lycée dans le quartier, attirant
par la même occasion un flux important d’étudiants. Ainsi, l’une des hypothèses
serait de réaliser des logements étudiants dans notre périmètre qui bénéficie d’une
proximité à la fois avec les écoles, les commerces, la gare et les rives du lac.
Le deuxième type d’équipements récurrents est celui lié à la santé. A proximité,
on trouve notamment l’Hôpital Pourtalès, le Foyer Handicap, l’Institut d’Anatomie-
pathologie, pour ne citer que ceux-ci. Sans vouloir faire d’amalgame rapide, les
seniors nécessitent souvent un traitement ou un suivi médical continu. C’est pour-
quoi il leur serait adéquat d’être à proximité de ces équipements. Par ailleurs, ils
profiteraient des mêmes avantages que les étudiants qui sont liés à la proximité
des commerces, de la gare et du lac. Par conséquent, cette mixité démographique,
du plus jeune au plus âgé, serait à voir comme une richesse sociale qui favoriserait
les interactions possibles entre ces deux groupes de la population neuchâteloise.
0 10050 mètres
Com-merce
Restau-ration
Loisir CulteEcole Santé
ANALYSE DU SITE
Equipements à proximité
HYPOTHÈSES DE DEVELOPPEMENT DE PROJET
vers un habitat qui concilie jardin potager et densité urbaine
136 | | 137
Contexte de logements
Dans un contexte de développement, on remarque une urbanisation neuchâteloise
qui se généralise. Entre forêt et lac, l’extension urbaine se poursuit aux extrémités
du territoire pour y conquérir de nouveaux espaces, dont certaines surfaces agri-
coles en périphérie. Au lieu d’interroger la capacité de la ville à se construire vers
l’intérieur, en apportant notamment une qualité de vie par la nature urbaine, cette
pression immobilière provoque une urbanisation diffuse aux qualités éphémères.
Au final, ce processus génère plusieurs raisons de répulsion du milieu urbain et
l’attraction des zones périurbaines, notamment avec l’essor de la villa périurbaine.
Dès lors, on voit de plus en plus de maisons individuelles se construire dans les
communes avoisinantes de la ville de Neuchâtel, telles qu’à Peseux, Corcelles-
Cormondrèche, Marin, Saint-Blaise, dont les infrastructures ne sont parfois pas à
même d’accueillir de nouveaux habitants. Dans le cadre de cet énoncé, il s’agit de
proposer un regard afin de concilier densité urbaine et qualité de vie par le thème
du jardin potager. Les analyses précédentes ont permis de disntiguer ces quali-
tés susceptibles de contribuer à de nouvelles typologies de logement ainsi que de
requalifier l’environnement public neuchâtelois. De ce fait, l’hypothèse serait de
freiner la fuite des familles de l’espace urbain, en quête de logement correspondant
plus à leurs attentes. Un bilan sur la question du logement à Neuchâtel souligne les
lacunes du type de logements recherchés par les ménages.
Dans le canton de Neuchâtel, au cours du XXe, le nombre de ménages a fortement
augmenté, stimulant parallèlement une hausse de la quantité de logements. Ce
phénomène peut s’expliquer par deux raisons, la croissance de la population ( multi-
pliée par 2,2) ainsi que la réduction de la taille des ménages (de 4.2 à 2.2 personnes
par ménage, soit 1.9 fois moins)52. Toutefois, depuis 2010, le taux de vacance des
logements est quand même relativement faible (1.3%)53, notamment lorsqu’on le
compare au taux de l’année 2000 (1.84%). De plus, « le taux de vacance des loge-
ments diminue en fait avec le nombre de pièces, passant en 2010, de 2.9% pour
les logements d’une pièce, à 1.7% pour les deux pièces, 1.5% pour les trois pièces,
1.1% pour les quatre pièces, 0.75% pour les cinq pièces et 0.4% pour les six pièces
52 MOREAU A., « Perspective de ménages, 2010-2040 : population active et demande de logements, canton de Neuchâtel», Satistique Vaud, 2011
53 Selon l’Office Fédéral de la statistique, Neuchâtel, 2010
ou plus»54. Par ailleurs, les types de logements quatre et cinq pièces sont ceux qui
ont subi la plus forte hausse du loyer. Désormais, ils semblent être une priorité pour
le canton de Neuchâtel.
Ces taux de vacance relatifs à la taille du logement révèlent les types exactes de
logements les plus recherchés sur le littoral. Ainsi, la demande de logements cor-
respond dans un ordre croissant de priorité à des quatre pièces, trois pièces, cinq
pièces et des deux pièces. Actuellement, les petits logements se retrouvent majo-
ritairement en ville, alors que les grands logements s’étalent dans le reste du can-
ton. Malgré la taille décroissante des ménages, les familles restent les premières
victimes de ces phénomènes. C’est pourquoi des logements adaptés en taille, aux
loyers plus modérés, seraient idéaux pour l’épanouissement des ménages fami-
liaux en ville, leurs permettant de s’y installer (ou d’y rester).
54 MOREAU A., « Perspective de ménages, 2010-2040 : population active et demande de logements, canton de Neuchâtel», Satistique Vaud, 2011, p.25
HYPOTHESES
138 | | 139
Démarche
Appuyés par les recherches théoriques et les analyses à différentes échelles, il est
désormais possible d’envisager une stratégie de développement cohérente en rap-
port au thème et au site. Tout en considérant les enjeux du jardin potager, le rapport
au contexte urbain de Neuchâtel et au quartier de la Maladière, cette partie propose
un scénario qui met en valeur l’activité du jardin potager par rapport à la ville et ses
habitants, par le biais de la création d’un nouveau genre de quartier de logements.
Il ne s’agit pas ici d’imaginer un projet architectural fini, mais de prendre en compte
ces différents paramètres afin de concevoir une approche sensible aux divers inté-
rêts privés et publiques à retrouver. En vue d’améliorer l’actuel site du quartier de la
Maladière, cette intervention a comme objectifs une mixité sociale et fonctionnelle,
et une densité, en puisant dans notre thématique de recherche.
En tirant profit du jardin potager, comme seuil entre l’espace urbain et le logement,
la question du type de la démarche du projet semble essentielle, afin que la ville
soit partie intégrante du projet tout autant que ses résidents. En vue de sensibiliser
la plus large population au devenir du territoire, une approche participative semble
cohérente. A travers la centralité du jardin potager, une telle stratégie permettrait
par plusieurs étapes (information-connaissance, sensibilisation-conscientisation,
identification, organisation-programmation, formation thématique, suivi-évolution,
auto-évaluation) à ces différents espaces projetés, vécus ou officiels, d’aboutir à
une appartenance par les différents programmes qu’ils offriraient. Ainsi, sous l’im-
pulsion de cette démarche, le scénario tente de réagir à la complexité du site et au
thème à travers différents programmes répartis en trois groupes: l’espace privé du
logement, le jardin potager comme seuil et l’espace public de la ville. Toute la ri-
chesse de cette démarche vise à créer le plus grand nombre de relations possibles
avec le jardin, afin qu’il contribue à la qualité de vie d’un quartier relativement dense.
De cette manière, ces trois parties à priori distinctes en formeront plus qu’une, celle
de l’identité d’un quartier construit dans une atmosphère de jardin. Dans un premier
temps, un travail d’énumération des différents espaces à concevoir a été rédigé.
Dans un second temps, un diagramme programmatique relatant les différentes
interactions à concevoir entre ces derniers a été imaginé, du privé jusqu’au public.
Enfin, une esquisse en coupe permet d’avoir une première approche d’implantation.
HYPOTHESES
140 | | 141
Quartier de la Maladière
Altitude: 434.7 m
(min. :433.5 m)
(max. : 438.5 m)
Superficie: 21 135 m2
C
C
B
B
HYPOTHESES
142 | | 143
432.8433.5
439.0440.0
438.6
433.5435.0
0 2010 mètres
431.4431.5432.4
435.8433.7
439.0
Coupe B
Coupe C
HYPOTHESES
144 | | 145
Scénario d’intervention
Alors qu’il était auparavant à l’extérieur de la ville en tant que site industriel, le quar-
tier de la Maladière s’est vu rattrapé par le développement urbain de la ville de
Neuchâtel et mérite un regard sur le potentiel constructible de son périmètre. Son
coefficient d’utilisation du sol (CUS) est actuellement de 1.47 et ne comporte que
peu de logements. A l’heure d’une densification imposée par la ville55, ainsi que
par le souhait de ce travail conciliant densité urbaine et qualité de vie, un coeffi-
cient d’utilisation du sol de 2 serait une des premières hypothèses à considérer.
La surface du périmètre d’étude de 21’135m2 permettrait d’accueillir environ 400
logements, soit environ 800 personnes. Alors qu’il est densément bâti à ses abords
directs, le site se caractérise par la faible cohésion des bâtiments aux programmes
singuliers que l’on peut regroupés en deux groupes.
A l’est, on trouve le « Garage Senn » et les locaux de travail d’«Arc-info», ces deux
ensembles de bâtiment à vocation utilitaire ne participent pas qualitativement à la
construction de la ville. D’ailleurs, on y remarque une très grande partie de surface
dédiée à des parkings, notamment par le biais de plates-formes à différents niveaux
qui accueillent des voitures. Tout en étant une rupture dans la continuité du sol
urbain, le caractère privé de ces bâtiments empêche les usagers du quartier de les
traverser. Leur présence est donc douteuse dans la poursuite d’une démarche de
projet.
A l’ouest, le caractère du bâti est plus nuancé, on y trouve du programme privé et
public, notamment une tour d’habitation située dans l’axe de l’Avenue du Premier-
Mars (« tour Firestone »), des barres de logements, une deuxième tour plus haute
que la première, ainsi que de multiples locaux professionnels et des espaces consa-
crés à l’enseignement universitaire. D’une certaine manière, la complexité du lieu,
qui s’est vu superposé plusieurs programmes, couche après couche, allant jusqu’à
occuper l’espace de la quasi totalité de la cour intérieur, témoigne de l’insalubrité
du lieu, la faible interaction avec le milieu urbain environnant. Ce secteur mérite une
clarification de notre part, par la démolition et/ou le maintien de certains bâtiments.
55 Plan d’aménagement communal de Neuchâtel, coefficient d’utilisation du sol pour le quartier du Crêt
Dans une conception globale, le site offre tout de même des atouts et des intérêts
qu’il convient de mettre en avant. Il se trouve bien connecté aux infrastructures de
transports publics, avec une ligne de bus qui longe sa face nord et une autre sa face
sud. De plus, il a la caractéristique de se trouver à proximité de la gare, du lac et de
divers équipements urbains. Mais le quartier ne semble pas utiliser à bon escient
le contexte urbain pour se connecter à la ville. Un point important est la proximité
au stade de la Maladière. En effet, elle représente la façade perçue pour plus de
la moitié du site. Ce dernier peut donc être la cause de certaines nuisances qu’il
conviendra de traiter dans le projet. A l’inverse, une attention particulière est à don-
ner aux bâtiments et aux symboles historiques, tels que la Chapelle de la Maladière,
l’Église Notre-Dame, l’ancien Hôpital de Pourtalès ou encore le cèdre séculaire. De
ce fait, plusieurs types de logements et différents programmes sont adéquats avec
le contexte et le thème.
La démarche de projet vise à concevoir un quartier dans une approche totale,
contrairement à l’actuelle fragmentation apparente, la question du niveau du sol doit
être définitivement résolu une bonne fois pour toute et permettre une continuité en
longueur dans le quartier. De plus, la démarche doit faire l’étude des porosités trans-
versales, comme accès entre lac-gare-forêt, afin de tirer profit de ce parcours pour
stimuler la dynamique urbaine de la vie du quartier. A travers une démarche partici-
pative, le projet tient compte du contexte urbain, du thème, en mettant l’accent sur
les relations qualitatives à concevoir entre l’espace privé du logement et l’espace
public de la ville, notamment par le biais de la création de nouveaux programmes
architecturaux en lien direct avec le jardin potager. Ces derniers ne doivent pas être
conçus dans un seul but productif, mais imaginés comme valeur spatiale suscep-
tible d’enrichir la typologie des logements, de requalifier l’espace environnant et de-
venir des vecteurs sociaux du quartier, accueillant une multitude d’usages possibles.
Ce scénario propose des logements estudiantins, des logements seniors, des loge-
ments familiaux, ainsi que de nombreux programmes communs intégrant la ville
dans l’espace du jardin potager, de sorte qu’il devienne générateur d’activités pour
tout le quartier. Ces différentes parties du programme ne doivent pas être pensées
séparément, mais réfléchies dans une démarche de mixité et d’échanges.
HYPOTHESES
146 | | 147
Logements estudiantins:
La proximité de nombreux équipements scolaires et universitaires offrirait un cadre
de vie idéal pour la vie estudiantine. Tout en étant à proximité de différents secteurs
d’activité, ces derniers participeraient fortement à l’identité collective du quartier.
Pour les étudiants, l’activité potagère permettrait de se nourrir convenablement
avec des légumes frais et bon marché, tout en s’appropriant les espaces extérieurs
du quartier. Ainsi, ils participeraient à l’entretien et à la vie du paysage urbain. La
typologie des logements estudiantins permet un degré d’innovation architectural
intéressant en lien avec le jardin potager, grâce notamment aux nombreux espaces
communautaires à projeter.
Ces logements pourraient prendre la forme d’appartements destinés à une seule
personne ou à la collocation. Ils comporteraient une série d’espaces communau-
taires, soit salle de travail, un salon et une cuisine partagés, couverts à bicyclette,
salle de sport en relation directe avec le jardin potager.
Logements seniors:
Pour les seniors les interactions sociales permettraient de rompre la solitude. Elles
pourraient se faire sous la forme d’activités de loisirs ou physiques qui leurs oc-
cuperaient la journée. C’est pourquoi l’activité du jardinage serait idéal pour eux
comme espace d’échange, qui leur permettraient de continuer une vie active. La
proximité des équipements liés à la santé, aux commerces, aux rives ou transports
publiques, leurs offriraient un cadre de vie facilité. Comme pour les logements estu-
diantins, cette typologie de logements permet également une grande hybridation
possible avec le jardin potager.
Ce type de logements serait à imaginer comme un petit appartement regroupant
toute les fonctions nécessaire à la vie du résident mais avec de nombreux espaces
communs, lieux d’activités et de détente. Une attention particulière serait exigée
pour les distributions verticales qui devraient être facile d’accès.
Logements familiaux:
Avec des logements essentiellement de quatre et trois pièces, c’est-à-dire relati-
vement grands, le projet développerait une recherche de typologie en lien avec le
thème du jardin potager. De la sorte, il serait une alternative à la villa périurbaine
dotée d’un jardin. Ils offriraient aux parents et aux enfants les espaces de vie néces-
saires à l’épanouissement de leur ménage. Ceci se retrouverait notamment dans
les logement par des prolongements extérieurs (ou semi-extérieurs) jusqu’au jardin,
des aires de jeux destinées aux enfants. Ce type de logements serait d’autant plus
important étant donné que les enfants animeraient le quartier et ses jardins.
En résumé, mis à part l’aspect qualitatif du logement, on trouverait une cuisine
d’été, des prolongements extérieurs ou semi-extérieurs, loggias.
Programmes communs:
Etant donné la taille du site, la population estimée, la volonté de faire entrer l’espace
urbain dans le quartier, plusieurs programmes communs seraient à développer en
se référant aux jardins potagers. Ces différents espaces occuperaient une place
de choix dans la démarche participative, étant donné ils proposeront une réelle
mixité sociale et d’usage du quartier. Par conséquent, la plupart de ces programmes
s’adresserait tout autant aux résidents du quartier qu’aux personnes extérieures.
Il faudrait imaginer une maison de quartier pour planifier l’organisation des jardins
partagés attribués aux résidents, des cabanes de jardins individuelles, un café et
un restaurant qui proposeraient une carte de mets constitués des aliments cultivés
dans le quartier, une crèche sous la forme d’un jardin éducatif pour enfant, une
épicerie tenue par un maraîcher professionnel profitant d’un espace de culture qui
lui serait cédé gracieusement (en contrepartie duquel, il formerait les résidents à la
pratique du jardinage par des ateliers publics une fois par semaine), un jardin d’in-
sertion social tenu par les personnes en difficulté professionnelle conjointement à
des bénévoles ou professionnels de la ville, un petit jardin botanique complémen-
taire de l’actuel et placé sous la tutelle de l’Université, un lieu de culture public qui
pourrait prendre la forme d’un théâtre de verdure en lien avec le potager.
HYPOTHESES
148 | | 149
Diagramme programmatique
1. Logements étudiants
2. Logements familiaux
3. Logements seniors
4. Prolongements extérieurs
5. Séjours partagés
6. Couverts à bicyclette
7. Loggias
10. Buanderies
8. Salles de travail
9. Cuisines communes
11. Salle de fitness
12. Jardins partagés
13. Maraîchage professionnel
13. Maison de quartier
14. Cabanes de jardin
15. Aires de jeux
16. Crèche-jardin
17. Espaces de détente
18. Lieux d’activités
19. Théâtre de verdure
21. Restaurant-potager
22. Café-potager
23. Jardins d’insertion
24. Jardin botanique
24. Ateliers publics
Espace public de la villeJardin potagerEspace privé du logement
HYPOTHESES
150 | | 151
432.8433.5
439.0440.0
435.0
431.4431.5432.4
435.8
0 2010 mètres
Coupe B
Coupe C
HYPOTHESES
152 | | 153
« Un paysage ne peut être aimé sans qu’on s’en lasse s’il n’est riche de joyeux
travail humain, de demeures nombreuses, charmantes et soignées, s’il ne résonne
de voies animées par la vie. L’air ne paraît pas doux si le silence y règne, il n’est
doux que par un accompagnement de sons confus: trilles d’oiseaux, murmures,
cris d’insectes, voies graves d’hommes, voies aiguës et mutines de l’enfance.
Quand on aura appris l’art de la vie, on s’apercevra enfin que toutes les choses
charmantes sont aussi choses nécessaires: la fleur sauvage au bord du chemin
aussi bien que le grain cultivé, les oiseaux sauvages et les créatures des forêts
comme bétail des étables, parce que l’homme ne vit pas seulement de pain mais
de toutes les merveilles de la parole de Dieu et de son oeuvre inconnaissable »
John Ruskin, «Unto this last», essai sur l’économie paru dans le mensuel «Cornhill
Magazine», Londres, 1860.
HYPOTHESES
Atmosphère du jardin
CONCLUSION
notes rétrospectives
156 | | 157
Ces bribes de projet ne sont pas à retenir par leurs formes, mais par leurs inten-
tions, c’est-à-dire de donner une place centrale au jardin comme un générateur
d’activités, définissant l’identité de tout un quartier. Dans une certaine mesure, il
en est de même pour les idées de programmes. Comme l’a si joliment écrit John
Ruskin, « les choses les plus charmantes sont aussi les plus nécessaires ». Ainsi,
c’est l’atmosphère véhiculée qui importe, « l’art de la vie » du voisinage. Dans une
tentative de devenir un seuil, une limite entre la maison et la ville, la poésie du jardin
ne serait-elle pas plus belle que si cette frontière est floue?
Au final, l’hypothèse de projet qui a été élaboré fait appel aux deux perceptions dif-
férentes du jardin potager, respectivement le « jardinage potager » et l’« agriculture
urbaine ». L’activité du jardinage, telle une pratique de plaisir ou un lieu d’échange,
interagit directement avec les logements ou le sol. Quant à l’activité maraîchère,
elle profite de la toiture au bénéfice d’une surface plus large et mieux protégée.
Dans ce travail, au souhait de faire profiter le jardin potager urbain à chacun le
plus durablement possible, cette complémentarité permet de rendre la cause plus
sensible à travers un but commun, tout en relevant les qualités de l’une comme de
l’autre. Alors qu’on pourrait s’inquiéter de l’entretien de tous ces jardins, la mixité
de population envisagée (familles, étudiants, seniors, personnes extérieures, ville),
ainsi que la démarche participative donnent des éléments de réponses claires. La
mixité participe à un auto-entretien du paysage urbain, de sorte que chaque classe
sociale y trouve son compte à travers des intérêts différents et différés sur un même
lieu; que ce soit pour se nourrir de légumes frais et croquants à petit budget et tra-
vailler dehors, pour rompre la solitude et échanger quelques belles paroles avec un
voisin croisé sur le palier ou pour s’épanouir en famille et contempler ses enfants
jouant gaiement en bas de la maison, chacune de ces personnes aux modes de vies
distincts participent séparément dans un but collectif à former l’identité du quartier
de la Maladière. Pourquoi serait-on forcé d’obliger quelqu’un à tondre un pauvre
gazon public, alors que nous serions à même de prendre part personnellement à
l’embellissement de nos villes ? Ne serait-ce pas cela, construire la ville de demain
à son image? En laissant à chacun la possibilité d’exprimer son identité, ce thème a
le mérite de participer grandement la conscientisation de ses usagers.
A travers l’enjeu de la densification urbaine, en repensant la relation de la ville à la
nature, le jardin potager permet de faire l’économie de territoire, en requestionnant
parfois certains espaces verts qui manquent quelque peu de clarté et d’usage. En
outre, plus à l’écoute des attentes des citadins, le jardin potager contribue favora-
blement à la recherche de nouvelles typologies architecturales permettant la den-
sité. Un siècle auparavant, Howard Ebenezer soulevait déjà quelques unes de ces
questions dans son livre «Les Cités-jardins de demain»56, en imaginant bâtir une cité
nouvelle pour réconcilier la ville et la nature. Bien qu’elle ait le mérite d’être une ville
compacte, la « nature urbaine » évoquée par Ebenezer est imaginée dans une plus
large échelle, sous la forme de grand square, parcs et jardins publics, ne faisant que
nous re-questionner sur notre point de vue analytique des espaces verts actuels. En
séparant distinctement ces deux parties, ville et nature, l’enrichissement apporté à
l’habitat urbain est relativement pauvre en terme d’espaces vécus. Au risque d’uni-
formiser une ville, au lieu de laisser la place à chacun d’y exprimer son identité,
l’échelle du jardin potager paraît adaptée dans un dialogue dont les intervenants
seraient la ville et ses habitants. A l’inverse d’un jardin public préconçu et contrôlé,
le jardin potager ne se dessine pas directement sur papier, il se conçoit directement
avec ses usagers qui lui donneront vie, à la manière d’un « jardin en mouvement »
expliqué par le paysagiste Gilles Clément, « ces formes changent au fil du temps.
Ce jardin existe toujours, ses figures diffèrent selon les saisons. Parfois, le jardin
ressemble à pas grand-chose parce que les plantes sont fanées; parfois, il est en
pleine floraison»57.
Ces dernières années, plusieurs actualités ont fait ressurgir le thème du jardin pota-
ger dans le canton de Neuchâtel. La ville du Locle a développé un projet de jardins
coopératifs d’insertion, partant du constat d’une sous-occupation des parcelles
qu’elle met à disposition de la population sous condition de location pour la culture
des jardins. De cette manière, l’initiative s’inscrit dans un développement local en
revivifiant des liens sociaux de proximité. A Neuchâtel, dans le quartier du Vieux-
Châtel, les jardins partagés de la Rue Edmond-de-Reynier sont menacés pour faire
place à un nouveau projet immobilier fin 2013. Bien qu’utilisé par les résidents du
56 EBENEZER H., «Les Cités-jardins de demain», éd. Sens & Tonka, 1999.
57 CLEMENT G., « Climats », « Les jardins de la résistance », les conférences de Malaquais, Infolios, Gollion-CH, 2012, p. 53
CONCLUSION
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quartier, le jardin est la propriété de la ville et elle souhaite mettre un terme à cet
usage uniquement privé. Placé idéalement à proximité de la gare et sur un axe de
mobilité douce, la situation de ce lieu n’est pas à déplaire dans un contexte de den-
sification urbaine. Les résidents du voisinage s’opposent à ce projet en craignant
de voir se défigurer ce qui faisait le charme de leur quartier. Ainsi, la commune de
Neuchâtel a opté pour une démarche participative concernant ce futur projet. En
s’appuyant sur « Equiterre », elle essaie d’être à l’écoute des attentes des résidents
du quartier tout en poursuivant l’achèvement de son projet. Ces quelques actualités
démontrent l’importance du rôle à jouer pour la ville, dans un le cadre d’un projet
de jardins à cultiver. C’est pourquoi un projet qui souhaite à la fois construire la
ville, tout en répondant aux attentes des citadins, ne pourrait être bénéfique que s’il
est imaginé par le biais d’un dialogue interactif. Reste à moi-même d’enfiler mon
tablier d’étudiant en architecture pour imaginer un projet à la hauteur des attentes
et des enjeux, afin que notre métier participe à l’enrichissement d’un thème aussi
évocateur de rêves que ce dernier, cherchant à nous réunir dans un environnement
meilleur.
CONCLUSION
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Remerciements
Je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui ont participé d’une
manière ou d’une autre à ce travail.
Mon groupe de suivi: le professeur Emmanuel Rey, la professeure Jeannette
Kuo, la maître EPFL Sophie Lufkin, pour leur disponibilité, leur patience et leurs
remarques toujours avisés. Malgré leurs agendas chargés, une synchronisation a
été possible et très bénéfique à ce travail.
Antonio Gallina, pour ses conseils apportés sur la lecture de la ville de Neuchâtel.
Pascal Châtelain, pour le temps accordé à la réalisation de cet ouvrage.
Güley et Hüseyin Temel, pour m’avoir transmis leur sensibilité relative à la vie du
jardin.
L’ensemble de ma famille et de mes amis pour leur soutien et encouragement tout
au long de ce semestre d’étude.
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Périodiques
Filmographie
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Iconographie
Page de titre : HOMMA Takashi, « sans titre » for Our Legacy, Collection 2012
p.18 Plan du monastère de Saint-Gall, IXème siècle, extrait de:La base de donnée internationale du patrimoine du génie civilhttp://fr.structurae.de
p.20-26Photographies extraites de :CABEDOCE Béatrice, PIERSON Philippe, « Cent ans d’histoire des jardins ouvriers », Créaphis, Paris, 1996
p.28-29Illustrations de l’ateur
p.34Photographie extraite de :little house on the urban prairiehttp://littlehouseontheurbanprairie.wordpress.com
p.36Photograhie extraite de:http://rikasanpo-hon.blog.so-net.ne.jp
p.46Photographies extraites de: Zedfactory architects: http://www.zedfactory.com
p.50Photographies extraites de: http://farm4.staticflickr.com/3199/3011029539_45dd5bb388_o.jpghttp://farm4.staticflickr.com/3153/3011863550_b0e47c8bbd_o.jpghttp://farm4.staticflickr.com/3068/3011868692_2916dde417_o.jpg
p.54Illustrations extraites de: Atelier SOA architecture http://www.ateliersoa.fr
p.58 Illustrations extraites de: Blake Kurasek architect http://blakekurasek.com
p.62 Illustrations extraites de: SO-IL architectshttp://so-il.org
p.66 Illustrations, plans, coupes extraits de: Knafo Klimor architects: http://www.kkarc.com
p.70 Illustrations et coupes extraites de: Atelier SOA architecture http://www.ateliersoa.fr
p.74 Photographies (en haut, en bas à gauche) extraites de : GORGOLEWSKI Mark, KOMISAR June, NASR Joe, « Carrot city: Creating places for urban agriculture » Monacelli Press, New York, 2011 Photographie (en bas à droite) extraite de: MACLEAN Alex, « Sur les toits de New York. Espaces cachés à ciel ouvert », La Découverte, Paris, 2012
p.78 Illustrations de l’auteur p.82 Photographie extraite de: http://farm3.staticflickr.com/2492/4112977532_4948ce00f9_o.jpg
p.88-89 Imagerie Google 2012
BIBLIOGRAPHIE
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p.90 Plans extraits de: BEGUIN Jacques, « Le château de Neuchâtel », La Baconnière, Boudry, 1948 p.94 Plans extraits de: SCHNETTY Jürg, « Neuchâtel il y a 100 ans », Edition de l’auteur, Auvernier, 1994
p.95Photographie extraite de: BUTTLER Alexandre, AYER Jacque, CLAUDE Bernard, MONNIER Marie-France, BONGARD Michel, « Coup d’oeil sur la nature en ville de Neuchâtel », Ligue neuchâteloise pour la protection de la nature et Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel, Suisse, 1996 p.96 Illustrations de l’auteur p.98 Photographies (en haut à gauche et en bas) extraites de: Brochure « Parcs et Promenades de Neuchâtel, 125 ans», Ville de Neuchâtel, 2010
Photographie (en haut à droite) extraite de: BUTTLER Alexandre, AYER Jacque, CLAUDE Bernard, MONNIER Marie-France, BONGARD Michel, « Coup d’oeil sur la nature en ville de Neuchâtel », Ligue neuchâteloise pour la protection de la nature et Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel, Suisse, 1996
p.99Photographie extraites de:BUTTLER Alexandre, AYER Jacque, CLAUDE Bernard, MONNIER Marie-France, BONGARD Michel, « Coup d’oeil sur la nature en ville de Neuchâtel », Ligue neuchâteloise pour la protection de la nature et Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel, Suisse, 1996
p.100 Illustration de l’auteur p.102-104 Photographies extraites de:BUTTLER Alexandre, AYER Jacque, CLAUDE Bernard, MONNIER Marie-France,
BONGARD Michel, « Coup d’oeil sur la nature en ville de Neuchâtel », Ligue neuchâteloise pour la protection de la nature et Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel, Suisse, 1996
p.106-111 Illustrations de l’auteur
p.112-114Photographies de l’auteur p.118 Illustrations de l’auteur p.124 Imagerie Google 2012 p.126 Photographie (du haut) extraite de: CHARLET René, COURVOISIER Jean, « Neuchâtel Rétro à travers des cartes pos-tales », Ruau, Saint-Blaise, 1988 Photographie (du bas) extraite de: BURKHALTER Didier, « La Maladière, un sentiment d’éternité », Gilles Attinger, Hauterive 2007 p.128 Photographie (du haut) extraite de: http://www.kevicar.com/cartes-postales Photographie (du bas) extraite de:http://www.kevicar.com/cartes-postales
p.130-132 Illustrations de l’auteur p.140 Imagerie Google 2012 p.142-152 Illustrations de l’auteur
BIBLIOGRAPHIE
Aziz Temel
Enoncé théorique de Master EPFL 2012-2013 | Janvier 2013Impression & reliure, Alfaset, La Chaux-de-Fonds Réalisé sous la direction de:Emmanuel Rey, Directeur pédagogique | Jeannette Kuo, Professeur | Sophie Lufkin, Maître epfl
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