Download - histomag'44 N°72

Transcript
Page 1: histomag'44 N°72

HistoMag’44N° 72 - JUILLET/AOUT 2011

La seconde guerre mondiale pour des passionnés par des passionnés

Premier bimestriel historique gratuit

Avec la participation de

Antony Beevor, Omer Bartov, Xavier Riaud...

Dossier specialFront de l’est

(2eme partie)

Page 2: histomag'44 N°72

HistoMag’44

SOMMAIREN°72

L’édito 3

Dossier : Le Front de l’Est, 2e partie

- La LVF devant Moscou 4

- Le journal du caporal Istvan Balogh 9

- Guerre sauvage 14

- Le maréchal Rokossovski 24

- Le siège de Varsovie 26

- La chute des états baltes 36

- Les espagnols dans l’Armée rouge 43

- Armée rouge contre chemises noires 45

Récit d’évasion du 1st Lt Paul herring 49

Les montres de la seconde guerre mondiale 53

Churchill et ses dentiers 55

Le coin lecteur 56

BTP : L479 Anton - Un PC de chasse 59

Modelisme - Le KV2 62

Lien à visiter - site Oradour 64

Lien à visiter - Le forum Ostfront 65

Livre à découvrir :

Tant que je vivrai de F. Eisenbach et D. Boimare 66

AUTEURSOmer BartovAntony BeevorFrédéric BonnusPhilippe ChollierJean CotrezDaniel LaurentPhilippe MasséAntoine MerlinAlexandre PrétotXavier RiaudAlexandre SanguedolcePhilippe SaveOlivier ValloisMichel Wilhelme

LIGNE EDITORIALE

Histomag'44 est produit par une équipe de

bénévoles passionnés d'histoire. A ce titre,

ce magazine est le premier bimestriel

historique imprimable et entièrement

gratuit. Nos colonnes sont ouvertes à toute

personne qui souhaite y publier un article,

nous faire part d'informations, annoncer

une manifestation. Si vous êtes intéressé

pour devenir partenaire de l'Histomag'44,

veuillez contacter notre rédacteur en chef.

Contact : [email protected]

REDACTION

Rédacteur en chef :

Daniel LaurentConseillers de rédaction :

Prosper Vandenbroucke et Vincent DupontResponsables qualité :

Nathalie Mousnier, Germaine Stéphanet Laurent Liégeois

Responsable mise en page :

Alexandre PrétotResponsables rubriques :

Jean Cotrez et Philippe Massé

Page 3: histomag'44 N°72

L’édito Par Daniel LAURENT

Chères lectrices, chers lecteurs,

Ce numéro de votre Histomag’44 est principalementconsacré à la seconde partie de notre dossier spécialFront de l’Est. Un riche sommaire et près de 70 pages.

Des professionnels de haut niveau sont encore là,Omer Bartov, Antony Beevor, Xavier Riaud, ce derniervenant juste d’être élevé au rang de chevalier desPalmes Académiques. Merci à eux !Mais, fidèles à notre tradition, le sommaire accueilleaussi de jeunes pousses de demain comme AntoineMerlin et rend hommage au travail énorme réalisé parun autre jeune très prometteur, Mahfoud.

Ces mois de mai et juin 2011 ont été marqués par ladisparition d’un grand criminel de guerre qui, s’iln’avait pas l’envergure d’Adolf Hitler, a eu une finsimilaire à la sienne, mort sans avoir été jugé et sansavoir de tombe, je parle évidemment d’Oussama benLaden.

Le parallèle avec le Führer n’est pas sans intérêt : voiciun homme responsable du massacre gratuit denombreux innocents au nom d’une idéologie basée surla haine de certaines catégories de l’humanité et quicamouflait sous des prétextes religieux, ce quiapparaît dès la première analyse comme étant, en fait,une forme de racisme notoirement dirigé, au traversde la volonté de détruire l’État d’Israël, contre les Juifset quiconque les soutient.

Tout comme Hitler, ben Laden a recruté grâce a unepropagande démoniaque, des jeunes prêts a tout, ycompris aux pires crimes, y compris à sacrifier leursvies, pour « la cause ». Les candidats aux attentats-suicide sont morts sans crier « Sieg Heil » mais unephrase du même ton.

L’aspect dictatorial de la façon dont il gérait Al-Qaedan’est pas non plus sans rappeler certaines pratiquesnazies.

Mais les différences sont évidentes.

Contrairement à Hitler qui a réussi à conquérirl’Europe et la tenir sous le joug pendant des années,Ben Laden a échoué à bâtir son Empire hors dequelques territoires en Afghanistan et au Pakistan.De même, son score de meurtres gratuits fait pâlefigure à côté des environ 6 millions de Juifs exterminéspar les nazis sans parler des Tziganes, des Slaves etautres victimes.

Mais il reste la différence essentielle : si Hitler s’estsoustrait au jugement des hommes en mettant fin lui-même à ses jours, ce ne fut pas le cas de Ben Laden,semble-t-il ?

L’absence d’Adolf Hitler à Nuremberg en 1945 ne peutpas être reprochée ni aux juges ni aux troupes alliées,ainsi d’ailleurs que celle de Heinrich Himmler et dequelques autres.

Par contre, l’absence de Oussama ben Laden devantun tribunal susceptible de le juger équitablement et,par là, de rendre justice à ses victimes et à leursproches, peut être reproché, et avec vigueur, à un

Président qui aurait ordonné son exécution immédiateet en a conclu que « justice était rendue », suivi dansce raisonnement primaire par quelques politiciensfrançais dont, entre autres, des ministres. Ainsi donc,si j’en crois tous ces dirigeants de haut niveau, la Loidu Talion est justifiable ?

Peut-on en conclure que tout un chacun peut ainsi sefaire « justice » lui-même, par exemple en assassinantl’assassin de l’un de ses proches ?Dans ce cas, est-ce qu’un descendant de l’une desvictimes du sinistre Demjanjuk, bourreau de Sobiborrécemment passé en justice, peut se présenter à saprison, les armes à la main, et le tuer sans êtreinquiété ?

Ce droit à la Justice ne fut accordé ni aux victimesd’Oussama ben Laden ni à leurs proches.

Une fois de plus, en regardant CNN qui estprobablement disponible en enfer, Hitler doit bien rire.Son influence semble se faire toujours sentir en 2011alors que nous venons de passer le 66èmeanniversaire de sa mort.

Je rappelle que l’Histomag’44, tout en étant très fierde bénéficier de l’aide d’historiens professionnels,ouvre ses colonnes à tous, y compris et surtout auxhistoriens de demain. Une idée, un projet, contactezla rédaction !

À bientôt.

3

HISTOMAG’44MAG

44

Page 4: histomag'44 N°72

La Légion des Volontaires Français devant Moscou.

Par Daniel LAURENT

Le 22 juin 1941, très exactement le jour oùl'attaque de l'Allemagne contre l'URSS estannoncée, Jacques Doriot (1898-1945, croix de

fer 1943), chef du PPF (Parti Populaire Français, leplus actif de tous les partis collaborationnistesfrançais) lance l'idée d'une Légion de volontairesFrançais pour aider à combattre l'Armée rouge dansl’idée de la « Croisade contre le bolchevisme ».

Le 23 juin, un de ses concurrents politiques, MarcelDéat, rencontre Otto Abetz, ambassadeur du IIIèmeReich en France, pour traiter du sujet. Abetz fait unrapport à Berlin et reçoit le 5 juillet le télégrammenuméro 3555 du Conseiller Ritter, confirmantl'approbation de von Ribbentrop.

Cette initiative coïncide avec la politique du Reich quisouhaite créer des unités de volontaires dansplusieurs pays européens. Ainsi, Berlin accepte« l’engagement de citoyens français dans la bataillecontre l’Union Soviétique ».

Mais il y a de nombreuses limitations à cetteapprobation : recrutement limité à la zone occupée,nombre de recrues limité à 15 000 (chiffre jamaisatteint)1. Beaucoup pensent aujourd’hui que, en fait,Hitler ne voulait pas se trouver à devoir quelque choseaux Français. Mais ceci est une interprétation àposteriori. Comme dans tout projet d’envergure, entemps de paix ou de guerre, il y a un coût, unebudgétisation à programmer. La lenteur de lafourniture d’équipements appropriés à l’hiver russe

est un des éléments qui montre qu’il ne s’agit pas derecruter seulement des volontaires, mais il faut aussisubvenir à leurs nécessités d’instruction, de formationet de matériel.

Le 6 juillet, une réunion a lieu à l'ambassadeallemande à Paris. Le 7, une deuxième réunion setient à l'hôtel Majestic, QG de la Wehrmacht enFrance. Tous les chefs des groupes collaborationnistesfrançais sont là : Doriot, Déat, Bucard, Costantini,Deloncle, Boissel, Clementi. Ce jour, un Comité centraldu LVF est créé avec tous les présents commemembres. Un centre de recrutement est établi etAbetz offre pour l’héberger les anciens bureaux de…l’Intourist, l'agence soviétique de tourisme, 12, rueAuber à Paris !

De la part des Allemands, ce n’est pas la valeurcombattante des Français qui est considéréeimportante, mais la signification symbolique du fait que même les ennemis héréditaires de l’Allemagneservent dans les rangs de l’armée allemande2.

Immédiatement, la LVF est embarquée dans lesconcurrences politiques franco-françaises, chaqueorganisation collaborationniste essayant de diriger lesopérations, espérant augmenter sa propre influence.Le MSR (Déat) et le PPF (Doriot) auront le plus desuccès, en utilisant intensivement la propagande « decroisade Anti Bolchevik » à laquelle une partie del'opinion française est réceptive. On peut distinguerdifférents groupes. Le premier est celui des militantsfanatiques des partis collaborateurs (surtout du Partipopulaire français, du Rassemblement nationalpopulaire et du Mouvement social révolutionnaire) quirevendiquent la primauté pour leur groupement et oùse trouvent de nombreux antisémites. Le deuxièmeest celui des anticommunistes qui haïssent lebolchevisme et sont prêts à lutter contre l’Unionsoviétique qui représente pour eux « l’Empire dumal ». Il faut mentionner les patriotes qui veulent

4

HISTOMAG’44 MAG

44

Jacques Doriot lors d'une manifestation de son parti en août 1943

© LAPI / Roger-Viollet

Aziz, Ph., Les Dossiers noirs de l’Occupation, tome 2p. 195.

1 : IHTP 72 AJ 258, 232 14. Texte du général Merglen p. 3.2 :

Fernand de BrinonAmbassadeur de Vichy... à Paris

William Vandivert, Time & Life Pictures

Page 5: histomag'44 N°72

revendiquer la gloire militaire française perdue en1940 sur les champs de bataille dans la défense del’Europe. Il y a aussi des idéalistes qui veulent servirles intérêts « européens » et défendre la culture et lacivilisation occidentales contre la menace constituéepar la Russie communiste. Mais la grande majorité desvolontaires sont motivés par la somme de la solde quiest bien supérieure aux salaires français de cetteépoque-là. Ces derniers n’ont pas de motivationidéologique, ils sont de simples mercenaires ouautrement dit de la chair à canon3.

Le 5 août 1941, la LVF est officiellement créée commeassociation privée. Fernand de Brinon, délégué dugouvernement de Vichy, accepte d'être président ducomité de soutien auquel plusieurs personnesinfluentes adhéreront, comme le cardinal français Mgr.Baudrillart.

Le fait que, à l’origine, la LVF ne soit « qu’ » uneAssociation privée, a fait l’objet de nombreuxcommentaires négatifs. Il convient de remettre celadans le contexte de l’époque : la France a certesrompu ses relations diplomatiques avec l’URSS maisne lui a pas déclaré la guerre. Envoyer sur le front del’Est des combattants sous uniforme français, doncuniforme d’un pays n’ayant pas déclaré la guerre àl’URSS, exposerait les volontaires faits prisonniers autraitement réservé aux francs-tireurs, à savoir lepeloton d’exécution.

De juillet 1941 à juin 1944, 13 400 volontaires seprésentent, mais seulement environ la moitié d'entreeux sont acceptés par l'équipe de sélection composéede médecins militaires allemands4. On a beaucoup ditque cette sélection est exagérée par les Allemands,anti-français.

S’il y a certainement des francophobes, il faut notersurtout que la sélection médicale de l’arméeallemande est avant-gardiste, et intransigeantenotamment sur l’aspect buccal. La France a encore degrands progrès à faire au niveau de l’hygiène buccaleou de la correction oculaire.

La première unité atteint Deba, base arrière de la LVFen Pologne, en septembre 1941. Avec ces

2 500 volontaires, deux bataillons et unitésrégimentaires sont créés. Le premier commandant dela LVF est le colonel Roger Labonne (1881-1966),ancien commandant d'une unité coloniale française, leRICM. La LVF est enregistrée par la Wehrmachtcomme le Franzosischer Infanterie-Regiment 638,638ème régiment d’infanterie français.

Les volontaires doivent porter un uniforme allemandavec un écusson français bleu-blanc-rouge sur lamanche droite. Le drapeau régimentaire estégalement bleu-blanc-rouge et les ordres sont donnésen français. Mais tous les volontaires doivent prêterun serment d’obéissance à Adolf Hitler (en tant quechef des Armées) et cela crée dès le début puisponctuellement plusieurs problèmes :« Je fais le serment solennel devant Dieu d’obéirstrictement au chef des armées allemandes et alliées,Adolf Hitler, dans la lutte contre le bolchevisme etd’être prêt à tout instant à faire en brave soldat lesacrifice de ma vie. » 5

Ainsi, il ne faut pas être devin pour imaginer que ceuxqui ont combattu en 39-40, doivent éprouver unsentiment douloureux. Surtout pour le premiercontingent de volontaires de la LVF qui ne pensent pasdu tout être contraints à porter cet uniforme. Il estdonc nécessaire de donner ici quelques explications. La « croisade contre le bolchevisme », qui prend son

essor dans la quasi-totalité des pays européens, neconnaît pas partout la même expression. En effet,certains pays déclarent la guerre à l’URSS et peuventdonc combattre en revêtant leur uniforme national.Pour les Français, c’est progressif et en quelque sorteinachevé : ainsi, notre ambassadeur est rappelé, lesrelations diplomatiques sont rompues, mais sansultimatum et sans aucune déclaration de guerre. Ilfaut rappeler que les premiers engagements se fonten août 41 : tout ceci est donc précipité et l’onmanque de recul. Les premiers livrets d’informationde recrutement ne précisent pas en effet que lesvolontaires porteront l’uniforme de l’ancien ennemi.

5

HISTOMAG’44MAG

44

SHD 2 P 14. Rapport Ourdan p. 8.

Service Historique de la Défense 2 P 14.

3 :

4 :

Cantonnement de Deba en Pologne

Plait, A., La LVF (1941-1944). La collaboration militairevouée à l’échec, p. 48.

5 :

«...avec un écusson français bleu-blanc-rougesur la manche droite...»http://did.panzer.pagesperso-orange.fr/Signal5.html

Page 6: histomag'44 N°72

Par contre, lorsque le rythme de croisière est atteint,les livrets suivants porteront, au Chapitre IV, lamention :

« LE DRAPEAU DE LA L.V.F. EST LE DRAPEAUTRICOLORE FRANÇAIS

Équipement – L’équipement et le matériel sont ceuxde l’armée allemande. Il faut d’ailleurs souligner à cesujet que les volontaires français ont été équipés avecles armes les plus perfectionnées qui existentactuellement et dont l’usage n’a toujours pas étégénéralisé même dans l’armée allemande.

Uniforme – Chaque soldat a deux uniformes :l’uniforme kaki pour le service courant, et l’uniformede combat qui est l’uniforme allemand comportant unécusson tricolore sur le bras droit. Il ne saurait en êtreautrement ; en effet, la France n’étant pas en guerreavec l’U.R.S.S., les volontaires seraient considéréscomme francs-tireurs s’ils se battaient sous notreuniforme. »

Mgr Mayol De Lupe (1873-1975, croix de fer 1942),aumônier général de la LVF, élément fédérateur pourcertains réticents au “vert de gris”, célèbre une messeau matin du 5 octobre, jour de cette premièreprestation de serment.

Un message du Maréchal Pétain figure dans le livretde recrutement de la LVF :« Le message de fidélité que vous m’adressez, envotre nom et au nom de vos amis, avant de monteren ligne, a aussi profondément touché en moi le soldatque le chef de l’État à la veille de vos prochainscombats.Je suis heureux de savoir que vous n’oubliez pas quevous détenez une part de notre honneur militaire. Ilne peut pas être de tâche plus utile à l’heure présenteque de rendre à notre pays confiance dans sa proprevertu, mais de servir aussi la France d’une manièreplus directe.En participant à cette croisade dont l’Allemagne a prisla tête, acquérant ainsi et à juste titre lareconnaissance du monde en contribuant à écarter denous le péril bolchevique, c’est votre pays que vousprotégez ainsi en sauvant également l’espoir d’uneEurope réconciliée.Pour ces raisons, je vous souhaite bonne chance, dansl’accomplissement du devoir que vous avez choisi.Pour ma part, je vous suivrai dans vos épreuves detoute ma sollicitude, jusqu’au jour glorieux du retourdans votre patrie. »

En 1941, Vichy pariait toujours sur une victoireallemande…

Les deux bataillons quittent Deba les 28 et30 octobre 1941, le premier bataillon sous lecommandement du capitaine Leclercq, puis ducommandant de Planard, le second avec lecommandant Girardeau. Ils atteignent Smolensk d'oùils prennent la route de Moscou le 6 novembre,marchant dans le terrible climat de l’hiver russe.L'équipement lourd est transporté avec de grandesdifficultés dans des chariots à chevaux. Ce voyage estune tragédie : les uniformes et l'équipement individuelne sont pas adaptés pour les températures d'hiver,tempêtes de neige et pluies glaciales tombent, un tiersdes hommes est affecté par la dysenterie. Avantd'atteindre la ligne de front, le LVF perd 400 hommes,malades ou morts.

Par la suite, ils atteignent l'extrémité de l’avancéeallemande, à 63 kilomètres de Moscou. Positionnés àl’extrême pointe Est du front, certains nostalgiquess’imaginent que l’armée allemande veut rendre unhommage guerrier aux Français, eu égard à leurCampagne de Russie…

Le régiment 638 est alors incorporé, tout d’abord, àla 7ème Division d'Infanterie du général von Gablenz(ancienne division d’infanterie d’Adolf Hitler lors dupremier conflit mondial.).

Le 24 novembre 1941, les 4 pelotons du 1er bataillonse dirigent vers la ligne de front près du village deDjukovo. Le QG régimentaire atteint Golowkowo. Laterre est gelée. Après plusieurs jours d’attente dansdes conditions épouvantables, l'ordre d'attaque estdonné le 1er décembre dans une tempête de neigemémorable, avec des températures qui ont baissé de20 degrés durant la nuit, sans équipement d'hiver,sans l'appui de Panzers.

Du côté opposé, la 32ème Division sibérienne, bienéquipée, bien formée, est soutenue par de l'artillerielourde.

C’est un désastre. Les Français morts et blessésjonchent le sol ; des armes automatiques sontbloquées par le gel. Au poste médical, le médecincapitaine Fleury lutte pour traiter tous les blessés, lesmalades et les hommes avec des membres gelés.Après une semaine, le 1er bataillon est presquedisloqué et doit être remplacé. Les lieutenants Dupontet Tenaille, des commandants de pelotons réputés, ontété tués par le même obus d'artillerie, le capitaineLacroix est grièvement blessé.

Plus au Nord, le deuxième bataillon est moins affligépar la bataille, mais autant par les conditionsclimatiques. Tandis que la 7ème division d'infanteriedemeure sur la ligne de front, la totalité du régiment

6

HISTOMAG’44MAG

44

Fusil antichar en batterie

« L'équipement lourd est transporté avecde grandes difficultés dans des chariots à

chevaux...»

Page 7: histomag'44 N°72

638 est retirée les 6 et 9 décembre.Il a perdu 65 morts, 120 blessés, plus de 300 hommesmalades ou ayant des membres gelés.

Les rapports publiés par les inspecteurs militairesallemands ne sont pas tendres, comme cet extraitdaté du 23 décembre 1941 :

« […] Les hommes font généralement preuve debonne volonté mais manquent de formation militaire.Les sous-officiers sont bons en général mais nepeuvent pas vraiment être actifs, car leurs supérieurssont inefficaces. Les officiers sont incapables etrecrutés seulement selon des critères politiques […] »(oberstleutnant Reichet, commandant le BureauOpérations de la 7ème Division d’Infanterie).

Alors tombe la conclusion :« […] La Légion ne peut pas être engagée dans lecombat. Une amélioration ne peut seulement êtreobtenue que par le renouvellement du corps desofficiers et une forte formation militaire. […] »

La retraite se fait dans des conditions vraimenthorribles, les hommes ayant perdu confiance dansleurs officiers. La LVF est enlevée de la ligne de frontet regroupée en Pologne pour y être complètementréorganisée et formée, 1 500 recrues étant enlevéeset renvoyées en France, incluant la plupart desofficiers.

Reconstituée avec l'arrivée de nouveaux volontaires,la LVF de 1942 sera plus dure, plus qualifiée et plushomogène. La LVF connaît à ce moment une véritablemutation.

Maintenant organisée en trois bataillons d'environ900 hommes chacun, la LVF est engagée à l’arrière dufront pour combattre les partisans soviétiques.

Type de combat très spécifique et particulier qu’est laguerre contre les partisans et la guerre de poste. Les

Allemands qui n’ont aucune expérience en ce domaineet n’excellent pas de fait dans cette tactique decombat, savent, à travers leurs critiques cinglantesmais justifiés, relever les réelles compétencesmilitaires françaises tout en évitant, bien sûr, de parlerdes conséquences, à savoir les massacres de civilspudiquement appellés par la LVF « Zabralisation ».

Cet aspect criminel, indéniable, fera l’objet d’unprochain article dans l’Histomag’44, contentons-nousici de ne citer qu’une seule source en guise deconclusion :

« Je distinguai sur quelques manches de capotesl'écusson tricolore : des légionnaires français enpermission. J'en abordai un et lui offris une choppe aubuffet. C'était un grand bougre rigolard de Parisien,très peuple, et même un peu truand.

7

HISTOMAG’44MAG

44

«...sans équipementd'hiver, sans l'appui de

Panzers...»

Bas-relief à la mémoire des membres de la Légiondes volontaires français tués sur le front russe.

Paris, août 1943.© LAPI / Roger-Viollet

Page 8: histomag'44 N°72

- Je suis français moi aussi, journaliste, du même bordque toi. Alors, tu en viens ou tu y retournes ?

- J'en viens. J'ai été épouillé avant hier à Kruszyna.

- À part les poux, était-ce très dur ? Le froid ?

- Oui, il y a le froid. Moins 35 ° l'autre semaine. Maisy paraît que c'est printanier à côté de décembre 41,devant Moscou. Et puis, on s'arrange.

- Vous opérez contre les partisans, n'est-ce pas ?Comment cela se passe-t-il ?

- À chaque coup, y décrochent, se perdent dans lanature. C'est grand là-bas. Les forêts… Alors on brûleles villages d'où ils sont sortis, où ils pourraient revenirse ravitailler. Ça brûle bien, tout en bois.

- Les habitants de ces villages ?

- On les zabralize.

- Comment dis-tu ?

- On les rectifie, quoi !

- Tous ?

- Tout le paquet.

- Les mômes ?

- Les mômes aussi. On ne va pas les laisser seuls surla neige. On est humains !

Il avait un gros rire, que l'on ne pouvait même pasqualifier de sadique, de sardonique : l'homme étaittrop peu évolué.

- Dans l'ensemble concluait-il, c'est un boulot plutôtmarrant.

Il rigolait encore plus largement. J'étais assezécœuré. »6

Bibliographie

Krizstian Bene, La collaboration militaire françaisependant la Seconde Guerre mondiale, Thèse dedoctorat, Département d’Études françaises etfrancophones de l’Université de Pécs (Hongrie), 2010.

Robert Forbes, Pour l’Europe, L’Aencre, 2005.

Dominique Venner, Histoire de la Collaboration,Éditions Pygmalion, 2000.

Pierre Giolitto, Volontaires Français sous l’uniformeallemand, Perrin, 1998.

Ouvrages consultés mais non utilisés

Jean Mabire et Éric Lefèvre, divers livres et articles.Saint Paulien, Les maudits, Plon, 1958.

Fernand Costabrava, Le soldat Baraka, Compted’auteur, 2007.

Sources photos quand pas indiquées

Bundesarchiv, avec un grand merci à Krizstian Benequi a eu l’amabilité de les communiquer à l’auteur.

8

HISTOMAG’44MAG

44

Lucien Rebatet, Mémoire d'un Fasciste II 1941 - 47,Pauvert, 1972, pp 87-88, Extrait, Gare du Nord, Paris,janvier 1943

6 :

Page 9: histomag'44 N°72

Le journal du Caporal Istvan BaloghJuin-septembre 1942

Par Antony Beevor

Dans des archives moscovites, j’ai trouvé unpetit cahier, caché dans une pile de documentsjaunis. Il était rempli d’une écriture minuscule

en Magyar. Une traduction en russe était attachée.Il s’avéra que c’était l’agenda d’un Caporal IstvanBalogh du 3ème bataillon de la Première BrigadeMotorisée Hongroise. Selon la note d’explicationadressée au « Camarade G. F. Alexandrov, Chef duService d’Agitation et de la Propagande, ComitéCentral du PC de l’URSS », cet agenda avait été retirédes vêtements de Balogh sur les rives du Don dansle district de Storozhevoe.

Balogh fut tué le 17 septembre, juste au moment oùla bataille terrible de Stalingrad atteignait son stadele plus critique. Trois jours auparavant, Staline etZhukov s’étaient mis d’accord sur un nouveau planqui leur permettrait de transformer cette batailled’usure en un énorme piège pour les Allemands etleurs malheureux alliés roumains, italiens et hongroissur le front du Don. L’agenda de Balogh donna auxservices d’espionnage soviétiques exactement legenre d’information dont ils avaient besoin quant aumoral de leurs ennemis.

Budapest, 17 juin de l’année 1942

Au nom de Dieu, nous partons pour la Russie et saterre trempée de sang et nous Lui demandons denous laisser rentrer sains et saufs et de nousaccorder la victoire ! Mère de Dieu qui protège laHongrie, prie pour nous et protège-nous de toutpéché et désastre ! Amen. Saint Roi Stefan, lève tamiraculeuse main droite sur nous et plaide pour tonpeuple orphelin. Amen !

Budapest (gare des trains), 18 juin. À 6 h 40, noussortons en silence et parmi les bruits tristes desclairons. Nous partons, tristes et confiants en notrevictoire.

19 juin. Nous traversons la Slovaquie, puis laPologne. Partout les gens cultivent leur terre mais lestraces de la guerre peuvent se voir sur leurs visages.Ils se tiennent comme un mur le long du chemin,mendiant du pain. Les enfants nous demandentconstamment “un petit morceau de pain !”. Siquelqu’un leur jette un quignon, ils commencent à sebattre pour l’avoir.

20 juin. Nous quittons le train dans une petite villepolonaise. Nous partons en camions pour l’Est. Quele Dieu de la Hongrie nous aide !

23 Juin. À 6 h, nous commençons à bouger. Nouspassons à côté des sites des grandes batailles de1941. Nous voyons des chars russes détruits partout.Nous les regardons et sommes pris de peur à l’idéede cet enfer rouge faisant chemin vers la Hongrie.Nous offrons nos louanges au Seigneur et Leremercions de nous avoir aidés à l’arrêter. Nous

sommes sûrs de nous : nous allons détruire lamenace rouge qui règne sur l’Europe.

24 juin. Lvov. Nombre de chars russes brûlés. Il y ades fusils détruits partout. Il est clair que ces armesde mort étaient des instruments de musique dans leparadis russe.

25 juin. Il s’est produit un incident honteux hier. Lecommandant d’un détachement ingénieur est allé àun camp de femmes, malgré les ordres…

26 juin. Zhitomir.

27 juin. À Kiev. Ce que l’on voit de notre fenêtre estremarquable. Ça fait peur de penser que tant depersonnes se sont sacrifiées. Combien de noshéroïques camarades allemands ont donné leur vieici.

29 juin. Nous avons quitté Kiev. Nous sommes prêtsà nous battre. La rumeur court que des partisans ontattaqué le 1er bataillon.

30 juin. Une cigarette a mis le feu à un camion.

1er juillet. Ivanovka. On entend des tirs d’artillerie.Nous allons probablement rejoindre la bataillebientôt. Partout, on peut voir les restes des véhiculesallemands brûlés. Les Allemands ne sont-ils pas entrain de perdre leur bonne fortune militaire ? Nous

9

HISTOMAG’44 MAG

44

Texte original et inédit traduit de l’anglais par Mademoiselle Zerga Seddik Khodja que l’Histomag’44 remerciede ses efforts et de son temps.

« 24 juin. Lvov. Nombre de chars russes brûlés... »

« 1er juillet. Ivanovka. On entend des tirsd’artillerie... »

Page 10: histomag'44 N°72

devons croire en Dieu afin que la chance continue ànous accompagner malgré quelques défaites.

2 juillet. On entend des bombardements devantnous. L’artillerie est en train de tirer. Il paraît que lesAllemands ont repoussé le front. L’avancecommence.

3 juillet. Un homme est allé voir un ami sans lapermission de son commandant de détachement. Ilsvoulaient l’exécuter, mais ils ont transformé lapunition en huit heures de garde de nuit, mais celle-ci aussi a été reportée. Depuis trois autres soldatsont reçu cette punition. À ma grande tristesse, c’estcomme si nous vivions encore au XIVème siècle.

7 juillet. Kurst. On peut voir les traces de grandesbatailles. On peut constamment entendre des avionsau-dessus de nous. Que Dieu nous aide.

8 juillet. On peut voir les tombes de soldatsallemands et hongrois. Les premier et secondbataillons sont dans la bataille alors que l’on esttoujours en réserve.

11 juillet. Avons bougé de 50 km. Il y a des cadavrespartout ainsi que des fusils, des véhicules et desarmes dispersées.

12 juillet. Pour la seconde fois depuis le début denotre service en Russie, un prêtre nous a demandéde nous rassembler. Durant la nuit, des partisans ontessayé de nous attaquer. Les sentinelles ont tirépendant toute la nuit. À l’aube, un partisan fut tué.[Des sentinelles effrayées, tirant sur les ombres dansl’obscurité, pouvaient entraîner des fusillades tout lelong du front].

13 juillet. Pendant la nuit, des partisans nous ont ànouveau attaqués. L’un de nos hommes a été blessé.À sept heures, nous sommes partis dégager ledistrict. Nous avons tué cinq soldats russes. Deuxautres furent capturés pour être interrogés et ilsfurent ensuite abattus.

4 août. Une rumeur nous est parvenue selon laquelleStalingrad serait tombée. [En fait, les Allemands neparvinrent pas à la Volga et aux limites de Stalingradavant le 23 août]. À l’évidence, on nous garde icipour effectuer une tâche importante.

7 août. Les Russes ont traversé le Don. On nous

envoie couper leur ligne de retraite. Nos unités sontconstamment en mouvement. Vers sept heures dusoir, nous avons atteint nos positions de tir. Il y adeux régiments d’infanterie ici ainsi que nos chars.Plusieurs membres du 1er bataillon ont été blessés.Nous avons été attaqués trois fois par des avions,d’abord par quatorze bombardiers et cinq avions dechasse, ensuite par quinze avions à basse altitude etfinalement par quatre avions dont un futprobablement endommagé. Nous avons perdu quatrechars. Nous sommes en réserve maintenant.

8 août. Des bombardiers nous survolaientconstamment et un colonel des forces armées a ététué. La seconde compagnie du 1er bataillon a subi despertes considérables avec quatre ou cinq officierstués. Grâce soit rendue à Dieu que la nuit s’estpassée tranquillement. Toujours pas de pertes pournous. Nous avons été bombardés dans la matinée etavons subi un lourd bombardement d’artillerie.Pendant la journée nous avons été attaqués par desavions russes. Un prisonnier de guerre a été abattu.

9 août. Bombardement d’artillerie incessant de troisà six heures du matin. Les obus sifflaient au-dessusde nos têtes. À la maison, ils doivent se préparerpour les vacances mais ici la mort peut nousrattraper à chaque moment. Les orgues de Stalinecommencent à parler. Nos cœurs ont arrêté debattre. Le village a pris feu immédiatement. Tout lemonde a pris la fuite. Les Russes ont détruit uncanon antichar. Le feu s’est apaisé mais il y a unemasse de fumée. Il y a des blessés. Nous avons étébombardés par quinze à vingt avions. Ceux qui sontencore à la maison ne peuvent pas s’imaginercomment on doit lutter avec soi-même pour survivreà cette bataille.

10 août. Nous retournons à notre positionprécédente car les troupes russes ont de nouveaufait une percée. Nous avons atteint Uryy. Une batailletrès dure. Nous avons battu en retraite. Après cela,un régiment d’infanterie commença vraiment àpaniquer. Ils furent arrêtés et ramenés.Bombardement d’artillerie. Des obus russes ontatteint les véhicules de munitions du 6ème régiment.Ils ont explosé l’un après l’autre.

11 août. Bombardement d’artillerie. Dix-huit avionsont lâché des bombes sur l’autre rive du Don.

12 août. Je pensais que nul d’entre nous ne survivraità un tel bombardement. Nombre de Hongrois furenttués près de Voronezh. Les Russes utilisent ça dans

10

HISTOMAG’44MAG

44

« ...Pendant la nuit, des partisans nous ont ànouveau attaqués... »

« ...Nous avons été attaqués trois fois par desavions... »

Page 11: histomag'44 N°72

leurs tracts comme arguments pour convaincre nossoldats de rejoindre leur prison.

13 août. Nous avons atteint l’endroit où nous étionsvendredi. Le capitaine nous a informés que dans lacourbe du Don, les Allemands ont capturé570 000 soldats russes. [Une exagération grossière].Les orgues de Staline parlent à nouveau. Les Russesne veulent pas reculer.

14 août. J’ai découvert la raison pour laquelle notreinfanterie s’est enfuie. Un lieutenant supérieur adéserté pour rejoindre les Russes et a trahi nospositions et la position de nos dépôtsd’approvisionnement. Pendant la nuit, les Russescommencèrent leur avance et chassèrent notreinfanterie. Un grand nombre de soldats et d’officiersfurent tués. Les Russes ont bombardé notre based’approvisionnement et l’ont détruite. Nos unitésrepoussent les Russes et dans le 1er bataillon, il y acinquante morts et environ 100 blessés. Lelieutenant supérieur qui a déserté et rejoint lesRusses était serbe. Comment pouvons-nous faireconfiance en ceux qui ne sont pas hongrois ? Laplupart des fantassins qui ont battu en retraiteétaient Ruthènes et Roumains. Il y avait peu deHongrois.

Nos pauvres camarades Hongrois… Ils sont restés àleur poste et sont morts.

15 août. L’avancée débute à 5 h du matin. LesRusses persévèrent. L’horreur est indescriptible.Nous avons nombre de blessés. Les orgues de Stalineont tiré cinq salves. Dieu et la Vierge nous protègenttoujours. Nous croyons en Eux. Les orgues de Stalineont tiré deux fois de plus.

16 août. Un dimanche triste. De nombreuxcamarades hongrois ont versé leur sang en sol russe.La terre est couverte de cadavres. Nous n’avonsaucune chance d’emporter les blessés. Hier etaujourd’hui, nous avons été bombardés par notrepropre artillerie. Nous avons occupé la ville. Nousespérons que nos sacrifices ne furent pas vains.L’infanterie allemande est sur la droite.

17 août. Nous avons été bombardés par l’aviationrusse. Nos propres avions hongrois nous survolaientde haut. Soit ils ne pouvaient pas nous trouver pournous aider, soit ils avaient peur. Notre aviation nenous aide pas. Dans la matinée, notre artillerie nousa pilonnés. Que Dieu nous aide et fasse que cettebataille soit courte. Nous allons attaquer une fois deplus. Tout le monde nous bombarde. Nous avonsavancé deux fois mais à chaque fois, il a fallu que l’onbatte en retraite. Nombre de blessés et de tués. SeulDieu peut nous aider maintenant. Nous n’avonsconfiance qu’en Lui.

18 août. Le côté droit du village est sous lesbombardements des orgues de Staline. Je suis sortien patrouille et j’ai été moi aussi sous cebombardement. Dieu m’a sauvé de la mort.

19 août. Nous sommes fatigués d’attendre que lasituation s’améliore. Les snipers russes tirent trèsbien. On a juste besoin de se montrer pour qu’ilsnous fassent un trou dans le corps. Généralementc’est fatal.

20 août. Korotovak. La fête de Saint Stefan.L’avancée commença à 5 h 15. Nos chars tirèrent surles Russes. Le chaos. Les balles sifflent et pleuventdans l’air. La terre tremble sous les explosions. Sixbombardiers apparaissent. Je pense que l’on va nousrenvoyer après ça. Il reste juste deux sous-officiersdans la compagnie – moi et un caporal qui estl’assistant du commandant de la compagnie.

6 h 30. La bataille continue toujours. Que la SainteVierge soit avec nous.

8 h 00. Nous avons de nouveau été attaqués par sixbombardiers. L’artillerie et les chars nous pilonnent.C’est comme l’enfer. Six de nos avions lâchent euxaussi des bombes partout. La terre se lève sous lesexplosions. Que Dieu soit avec nous.

9 h 00. Feu d’artillerie.

9 h 30. Six de nos bombardiers sont en train deremplir leur mission. Que Dieu nous aide. Que laSainte Vierge soit avec moi.

11 h 00. Six avions russes nous ont bombardés. Desmitrailleuses nous tirent dessus sur le flanc droit. Ily a une heure, un orgue de Staline nous a tirédessus. Il avait pris pour cible le camion de rations.Que Dieu nous aide. Sainte Vierge, ne me quitte pas.

Il court une rumeur ici que les Allemands ont subi degrosses pertes et qu’un lieutenant-colonel etplusieurs capitaines ont été tués. Notre unité doitavancer. Notre artillerie a pour cible les positionsrusses. Les Russes sont effroyablement braves. Ilsse battent jusqu’au dernier. Ils ne veulent pas serendre. Eux sont les vrais communistes. On dit queles meilleurs soldats de Russie se battent ici. QueDieu nous aide. Sainte Mère de Dieu, aidez-moi afinque je ne souffre une quelconque mésaventure.

11

HISTOMAG’44MAG

44

.Tract russe incitant les soldats de l’axe à la désertion

http://tampow.skyrock.com/6.html

Page 12: histomag'44 N°72

14 h 45. Neuf avions russes nous ont bombardés.Quand ils sont partis, nos avions sont arrivés.

16 h 00. Nous étions encerclés par les roquettes d’unorgue de Staline qui a tiré sur la ligne de front. Grâceà Dieu, il n’y eut aucun désastre. Deux avions russes.L’un fut abattu. Six avions allemands ont attaqué àdeux reprises. À nouveau, nous avons entendul’orgue de Staline tirer. Il y a encore de nombreuxblessés dans notre bataillon aujourd’hui. Un feunourri de l’infanterie, l’artillerie et les roquettes ducôté russe. C’est le soir. À nouveau on entend l’orguede Staline. Des roquettes explosent.

21 août. On nous a bombardés tout au long de lanuit. Ô mon Dieu, que la vie humaine vaut peu ! LesRusses, ayant été repoussés à travers le fleuve Don,sont à nouveau en train d’attaquer. Nous avonsrecensé nos pertes dans la compagnie : vingt morts,quatre-vingt-quatorze blessés et trois disparus. Il ya eu deux grandes batailles aériennes. Que Dieunous aide à terminer cette guerre aussi vite quepossible avec une victoire allemande. Nous sommesen réserve. Le moral est très bas. Tous mes amissont blessés. Dieu, donne-nous plus de force.

22 août. Repos. Un nouveau détachement nous a étéenvoyé en renfort. De nouvelles difficultés nousattendent. Ces fantassins auraient dû retourner chezeux mais au lieu de ça, on les a transférés chez nous.Ils n’ont pas eu de chance. Il y a une rumeur quenous aussi devions être renvoyés chez nous etpourtant, maintenant, de nouvelles batailles sontdevant nous. Nous avons passé toute la journée àredistribuer les armes de ceux qui ont été tués oublessés. Ô Dieu, arrête cette guerre terrible. Si nousdevons continuer, nos nerfs vont céder.

23 août. Le village de Svistovka. On nous a lu unordre du commandant de division, nous remerciant.Malgré de grosses pertes, nous nous sommes mieuxbattus que d’autres unités hongroises et nous avonsmaintenu nos positions.

Les Russes ont complètement détruit une divisionallemande. J’ai reçu une lettre de maman. J’étais trèscontent de la recevoir mais triste d’apprendre qu’ilstraversent tant d’épreuves à la maison.

Des avions russes volent pendant la journée, soit trèsbas ou très haut.

Est-ce que l’on aura à nouveau un agréabledimanche à la maison ? Est-ce que l’on aura lachance, une nouvelle fois, de nous accouder sur nosportails ? Est-ce que l’on entendra des chansons sous

nos fenêtres à la maison ? Quelle jeunesseheureuse ! Mais regarde où la vie nous a jetés. Trèsloin dans une terre étrangère. Nous suivons les pasde nos ancêtres. Est-ce qu’ils vont se souvenir denous à la maison ? Est-ce qu’ils ne nous oublientpas ? Ils ne savent pas dans quel genre de lutte noussommes impliqués et ils n’ont aucune idée de ce quise passe ici. La terre tremble, le sol est couvert desang. Les râles d’agonie des mortellement blessésremplissent les courtes pauses entre chaque périodede combat. Et ensuite l’enfer recommence –explosions, feu et fumée jusqu’au moment où nosnerfs sont à vif. Un homme est tué ici, un autre là,un troisième se fera exploser en mille morceaux parune mine. La mort cueille sa récolte. Elle vient mêmedu ciel avec un bruit terrible. Nos nerfs et nos cœurspalpitent. Nul ne sait quand le souffle de la mortl’atteindra – nous ne pouvons que croire en Dieu.

24 août. Silence. Nous écrivons des lettres etnettoyons nos fusils.

25 août. Cinquante-deux hommes ont rejoint lacompagnie en tant que renforts.

26 août. Plus vite on rentrera à la maison, mieux cesera.

28 août. Moral en berne.

29 août. Hier, mon rang de caporal a été confirmé.Ça ne m’excite pas vraiment. Je préfèrerais de loinrentrer chez moi et porter des vêtements civils. On apassé toute la journée en entrainement militaire. Etc’était notre journée de repos.

30 août. Ils voulaient nous jeter dans la batailleencore une fois mais ils ont envoyé le 32ème Régimentd’Infanterie à la place. Eux ne s’étaient pas encorebattus.

31 août. On nous a interdit d’envoyer du courrierchez nous. On nous prive de notre seul plaisir.

1er Septembre. Au front, il n’y a aucun combat. Ici,on est face à la meilleure armée, sous lecommandement de Timonshenko. [Les soldatshongrois avaient une connaissance très inexacte del’ennemi et de la situation en général]. Les Russessont soldats depuis leur enfance. Leurs tirs sont trèsprécis. Espérons que les Allemands les encerclentbientôt afin que l’on puisse rentrer à la maison. On areçu de mauvaises nouvelles. Notre commandant dedivision a été remplacé par un officier Panzerallemand. Je peux m’imaginer notre sort. Peu dechance de rentrer à la maison. Pourvu que la guerrese termine bientôt ou alors on va tous être tués. Lamoitié d’entre nous sont déjà morts.

2 Septembre. On nous a lu un ordre. Le nouveaucommandant de la division est un général allemand :Baron Herman Lang.

3 Septembre. Mon ami est mort à l’hôpital. Il étaitgrièvement blessé mais s’il avait été mieux traité, ilaurait peut-être pu être sauvé.

4 Septembre. Nos rations sont du maïs et despommes de terres volés.

6 Septembre. J’ai entendu que Budapest a étébombardée. Une petite église a été touchée. On ditque huit personnes ont été tuées et vingt-cinqblessées. Je ne sais pas si c’est vrai. On se prépare

12

HISTOMAG’44MAG

44

« Nous étions encerclés par les roquettes d’unorgue de Staline... »

Page 13: histomag'44 N°72

pour une nouvelle bataille. Toute notre divisionblindée et quelques régiments allemands avancent.

7 Septembre. Borschevo. L’avance sera générale, surtout le front. Dieu, aide-moi. À la maison, c’est unjour férié et nous, on sera en train de se battre etchaque minute, on attendra la mort. On nous adonné le meilleur repas possible – des carrés dechocolat, de la confiture, du lard, du sucre et dugoulasch.

8 Septembre. L’offensive est repoussée de vingt-quatre heures. Toutes les unités n’étaient pasarrivées à temps. Toute la journée, j’ai souffert d’unmal de ventre. Un homme ici n’a pas l’habitude dece genre de repas. Nos propres chars et des unitésde panzer SS sont en train de passer à côté de nospositions. Nous aussi on va bouger, à six heurestrente.

9 Septembre. À cinq heures du matin, l’avancéecommence. L’ouragan de feu de notre artillerie estamplifié par nos avions qui bombardent les lignesrusses. Des chars hongrois et allemands avancent etapportent la mort aux Russes. Nous sommes enréserve. Les Russes ripostent. Des avions noussurvolent constamment et les pièces d’artillerietirent. Pourvu que l’on ne nous envoie pas dans labataille. Les Russes tirent. Les blessés sonttransportés à l’arrière sans cesse. Les Russestiennent bon. Vingt avions russes nous bombardent.Nos avions continuent à bombarder les Russes sansarrêt. Quinze avions russes attaquent.

17 h 15. L’orgue de Staline commence à tirer. Tirsnourris.

10 Septembre. Archangelskoe. La journée entière.“Le chien d’Hitler” a aboyé deux fois [Le lance-roquettes « Nebelwerfer », est équivalent à l’orguede Staline mais beaucoup moins efficace]. Notrebataillon est en réserve de brigade, pourtant c’estdangereux ici aussi. L’artillerie nous pilonne. Dix denos avions ont lâché des bombes sur la rive externedu Don. Dix et ensuite quatorze de plus ont attaqué.Un orgue de Staline a tiré. Des villages sont en feu.Qu’est-ce que la guerre est en train d’accomplir ? Elleruine tout. Les familles deviennent des refugiés.Treize avions bombardent les Russes. Huit avionsrusses nous bombardent à basse altitude. Un orguede Staline tire deux salves.

11 septembre. Nous sommes en train d’avancer. LesRusses nous bombardent. Nombre de nos hommes

sont blessés. Nous sommes entrés dans un village[Storozhevoe]. Un grand nombre de corpsd’Allemands et de Hongrois. Le village est en fumée.Les Russes résistent avec force. Bombardementsd’artillerie intenses de chaque côté. Feu terrifiant.Viens à mon aide, Sainte Vierge. Orgue de Staline etchien d’Hitler [Nebelwerfer]. Les Russes se sontretirés dans un bois. La bataille n’est pas encoreterminée.

12 septembre. Bombardement et feu tout au long dela nuit. Nos chars avancent. L’artillerie et les orguesde Staline tirent. Ça continue toute la journée. Nousavons bombardé les Russes et les Russes nous ontbombardés. Si seulement je pouvais ne pas prendrepart à cette bataille.

13 septembre. Les Allemands avancent sur notredroite. Les coups de feu sont très nourris. Dieu, aide-nous à quitter cet enfer et rentrer chez nous. Dansle bois, il y a des chars lourds russes. Nosobus rebondissent lorsqu’ils frappent ces chars.

La deuxième compagnie a souffert de lourdes pertes.Ils étaient presque encerclés par les chars russes.Tirs farouches de chaque côté. Des avions volent au-dessus de nous et bombardent. Toi seul, Ô Dieu, saisce que sera l’issue de cette guerre. Aide-nous àrentrer chez nous.

14 septembre. Dieu, aide-nous à rentrer bientôtsains et saufs de cette terrible bataille. Aide-nous,Dieu, à empêcher que tant de sang hongrois soitversé en vain. Mère de Dieu, protège le peuplehongrois de la destruction. Les canons anti-aériensrusses tirent avec une très grande précision.

Qu’est-ce que vaut une vie humaine ici ? Un grain depoussière qui est détruit par le vent le plus léger ets’envole comme une bulle. Si quelqu’un meurt,personne ne pleure pour lui. Peut-être qu’un amiversera une larme. Ô Dieu, toi le Maître de la vie etla mort, pourquoi permets-Tu au mal de triompher ?Mets de l’amour dans tous nos cœurs. Finis cettebataille et qu’il y ait la paix dans le monde entier afinque l’on puisse vivre dans la tranquillité et aimerjusqu’au moment où Tu nous appelles à Toi. Amen.

15 septembre. Les Russes ont des tireurs d’éliteextraordinaires. Dieu, fais en sorte que je ne sois pasleur cible. Nous faisons face aux meilleures unitésrusses, des fusiliers sibériens sous la commande deTimoshenko. [Timoshenko n’était plus aucommandement et il n’y avait aucune formationsibérienne face à eux. Tous les soldats de l’Axeétaient terrifiés à l’idée des Sibériens dont ils avaiententendu dire qu’ils étaient des chasseurs sans pitiéet des tireurs d’élite légendaires]. Nous avons froidmais ce n’est pas encore l’hiver. Qu’est-ce qui sepassera en hiver si on nous abandonne ici ? SainteVierge, aide-nous à rentrer chez nous.

16 septembre. Dieu et la Sainte Vierge, aidez-nous.Ne nous laissez pas périr.

C’est la toute dernière inscription. Le journal deBalogh, retrouvé sur son corps au dehors deStorozhevoe sur le Don, fut traduit en russe quelquesjours plus tard, au quartier général du Front Sud-Ouest du Général Vatutin et envoyé par avion àMoscou.

13

HISTOMAG’44MAG

44

Lance-roquettes allemands « Nebelwerfer »

Page 14: histomag'44 N°72

« Savage War. German warfare and moral choices in WW II »

L’Allemagne en guerre et ses choix moraux lors de la SecondeGuerre mondiale

Par Omer Bartov - Traduction de David Jardin

Histomag’44 remercie Monsieur Omer Bartov denous avoir confié un épais document qui a étéici résumé et traduit par Jardin David avec, bien

entendu, l’autorisation de l’auteur.

1 – Faits de guerre

De 1941 à 1945 le troisième Reich a conduit la pluscruelle des campagnes militaires de l’histoiremoderne. L’invasion de l’Union Soviétique, l’opération« Barbarossa » a coûté la vie à 24 millions de citoyenssoviétiques dont plus d’une moitié de civils et adévasté toute la Russie de l’Ouest, de Leningrad àStalingrad. Plus de trois millions de prisonniers deguerre, soit 60 % des soldats soviétiques capturés,moururent lors de leur détention. Derrière l’image dela superpuissance soviétique de l’après guerre, il fautenvisager les dizaines d’années nécessaires poureffacer les traces de la tragédie humaine et dudésastre économique liés à l’occupation allemande.

La campagne de Russie soulève nombre de questionsrelevant aussi bien de l’histoire du troisième Reich quede l’histoire des guerres modernes. Tout d’abord,pourquoi « Barbarossa » fut-elle conduite de façonaussi violente, et quels buts cette stratégiepoursuivait-elle ? Ensuite, dans quelle mesure lesunités militaires engagées au front ont-elles participéaux actions criminelles du régime nazi ? Enfin,comparativement à d’autres conflits modernes, laguerre à l’Est fut-elle un phénomène unique et sansprécédent dans l’histoire ?

1.1 - Des idées …

La guerre est aucentre de l’idéologienazie. D’ailleursHitler a donné pourtitre à son livre« Mein Kampf »,c’est à dire « MonCombat ». D’aprèsla conception dumonde imaginéepar les nazis, la vien’est qu’une lutteperpétuelle pour lasurvie et lesmeilleurs l’empor-tent. Dans cettelutte, c’est lasupériorité physiqueet morale quiconditionne la victoire sur un vaincu nécessairementinférieur sur ces deux plans. La protection desconventions légales, les normes habituelles d’éthiqueindividuelle ou collective n’ont plus cours dans cettelutte sans merci jusqu’à la victoire et la destruction del’ennemi. Dans ce contexte, la guerre est supposéeépurer, sauver la nation de la dégénérescence et de

l’amollissement. La guerre devient ainsi nonseulement inévitable mais aussi nécessaire etbienvenue pour forger une communauté issue ducombat, la « Kampfgemeinschaft », au sein d’unecommunauté du peuple, la « Volksgemeinschaft ». Ceterme traduit l’idéal nazi d’une société racialementpure, militarisée, fanatisée, dans laquelle la logique dusang et les conquêtes sans fin pallieraient l’inégalitédes classes et le manque de libertés politiques.

D’après Hitler, la guerre idéale combine conquêtes,extermination et asservissement. C’est cette guerrequ’il a souhaité porter à l’Est, où le peuple allemanddevait vaincre pour son espace vital, le« Lebensraum », nécessaire pour assurer l’avenir desa pureté raciale et morale, comme pour matérialiserla race des Seigneurs « Herrenvolk », maîtres del’Europe, de l’Asie et pourquoi pas, du monde entier.Cependant, pour des raisons militaires et politiques,cet idéal ne pouvait se réaliser à l’Est avant des’assurer du front Ouest. L’Allemagne avait faitl’expérience en 1914-18 de la guerre sur deux fronts,situation sans espoir qu’Hitler voulait absolumentéviter. Pendant que les puissances occidentalestergiversaient, Staline voulait surtout éviter de subirl’assaut principal des nazis. C’est pourquoi il signa lepacte germano-soviétique ce qui permit au troisièmeReich tout d’abord de vaincre et de partager laPologne, puis de se tourner vers la France.

La guerre à l’Ouest était conduite de façonradicalement différente pour des raisons idéologiqueset par calcul politique. Les théories nazies plaçaientles Juifs au plus bas de l’échelle raciale, ils étaient àéliminer soit par expulsion -comme dans les premièresannées du régime - soit par extermination, procédéqui commença à être mis en œuvre lors de l’invasionde l’Union Soviétique. Dans l’échelle des valeurs, lesSlaves étaient juste un cran au dessus des Juifs, etsimplement des sous-hommes « Untermenschen »,bons à laisser mourir de faim ou au travail, utilisablescomme main d’œuvre esclave pour les domaines descolons germaniques.

Hitler a toujours cherché à trouver un arrangementavec les Anglais, aussi bien par proximité avec la race« Anglo-saxonne » que pour éviter un double front.L’armée allemande engagée à l’Ouest avait reçu desordres très stricts pour respecter les lois habituellesde la guerre. De plus, le soldat allemand moyen avaitmoins de préjugés envers les Français et les Anglaisqu’envers les Russes. La France et l’Angleterre luisemblaient plus proches de son pays que la Russie.

Une fois la France battue, et qu’il fut acquis qu’il neserait pas possible de trouver un arrangement ou dedétruire l’Angleterre par les airs ou d’y débarquer,l’armée allemande reçut l’ordre de préparer l’invasionde l’Union Soviétique. Hitler pouvait alors mettre enœuvre sa guerre d’anéantissement « Vernichtungs-krieg », une guerre entrant dans le cadre de la

14

HISTOMAG’44MAG

44

Page 15: histomag'44 N°72

(nouvelle) vision du monde « Weltanschauungs-krieg ». Il était loin d’être isolé, ses généraux étaientsur la même longueur d’onde que lui pour mener uneguerre tout à fait inédite contre le « judéo-bolchévisme » et les « hordes asiatiques ».

Le décret « Barbarossa » était composé d’ordresopérationnels concernant les opérations strictementmilitaires et ce qu’il convient d’ appeler les « ordrescriminels », un ensemble d’instructions concernant lafaçon dont l’armée devait se conduire durant lacampagne. Ces instructions comprenaient le célèbreordre relatif aux Commissaires Politiques, prévoyantune exécution immédiate des officiers politiques del’Armée Rouge capturés, l’absence de poursuitesdevant les juridictions militaires des soldatsconvaincus de violences envers des civils ou dessoldats ennemis, dans la mesure où ils n’étaient pascoupables d’indiscipline, des dispositions appelantaussi à la plus grande rigueur en cas d’action deguérilla, ou contre les membres du parti communisteet les Juifs. Enfin l’armée était fermement appelée àcollaborer, à apporter son aide militaire et logistiqueaux Einsatzgruppen, escadrons de la mort issus de laSS dont la tâche était l’assassinat collectif des Juifs etde tout ressortissant soviétique appartenant auxcatégories désignées par les autorités du troisièmeReich.

À ces ordres, l’armée ajouta une série d’instructionslogistiques, pour conduire rapidement cette campagnedans les immensités russes dépourvuesd’infrastructures et avec peu de moyens decommunication, en imaginant de vivre sur le pays,quitte à s’approprier les maigres ressourcesnécessaires à la population locale. On imagine lesconséquences sur leurs chances de survie. De plus,cette froide détermination se conjuguait avec lavolonté d’éviter les restrictions aux populationsallemandes de l’arrière, contrecarrant ainsi ladémoralisation qui avaient marqué l’Allemagne à la finde la Première Guerre mondiale. En conséquence,l’armée et les autorités administratives civilesl’accompagnant en Union Soviétique avaient l’ordred’exploiter les ressources agricoles, industrielles et lapopulation des territoires occupés au profit del’Allemagne. On estime à desdizaines de millions de Russes lenombre de morts par privations,ce qui allait également dans lesens d’une dépopulation souhaitéede l’espace vital ainsi rendupropice à une colonisationallemande.

C’était aussi l’opportunitéd’éliminer les Juifs européens, unepolitique officialisée six mois aprèsle début de l’invasion de l’URSSpar la Conférence de Wannsee, le20 janvier 1942, durant laquelle laplupart des services impliquésdans la Solution Finale furentplacés sous le contrôle de la SS.Jamais la « Solution finale à laquestion Juive » par le meurtreindustrialisé de la population Juived’Europe n’aurait pris sa formedéfinitive de 1941 à 1945 sans leconcours militaire et logistique de

la Wehrmacht. Les conditions psychologiques pour laréussite de son lancement n’auraient pas étéassurées. Ces conditions se trouvèrent réunies lors del’invasion de l’Union Soviétique par la façon dont laguerre y fut conduite.

Ainsi il est clair que « Barbarossa » fut conçue commeune guerre idéologique d’extermination, prévoyantune destruction de l’État soviétique et la réduction deson peuple en esclavage après un affaiblissement parla famine, l’exécution de tous les ennemis« biologiques » et politiques du nazisme comme lesJuifs, les Gitans, les membres du Parti Communiste,les intellectuels, afin de transformer la Russie del’Ouest en un paradis pour colons aryens servis par devéritables ilotes slaves.

1.2 -…à la mise en œuvre

Après la guerre, le caractère criminel du régime nazi,le rôle de la SS dans la politique d’extermination,étaient couramment admis alors que l’armée passaitpour ne pas avoir trempé dans ces actions, avoirsouvent résisté ou, au moins, avoir conservé uncertain recul par rapport aux aspects les plusrépugnants du nazisme. Des études plus récentesmontrent que cette vision est totalement erronée,qu’elle était basée sur une littérature auto-justificatrice écrite par d’anciens combattantsallemands et acceptée sans réserve par les historiensoccidentaux. Ceux-ci étaient relativement ignorantsdes réalités du front de l’Est et appliquaient une grillede lecture valable pour l’Ouest. Or le contexte de lacampagne de Russie de 1941 à 1945 était totalementdifférent.

Au lancement de l’opération « Barbarossa », le22 juin 1941, les soldats firent preuve d’assez peud’enthousiasme et de détermination dans la mise enœuvre des « ordres criminels ». Les commandantsd’unités, en différentes situations, durent mêmeordonner à leurs hommes de faire preuve d’une plusgrande agressivité envers les ennemis « raciaux » etpolitiques. Ainsi, les généraux Walther von Reichenau,Erich von Manstein et Hermann Hoth rappelèrent àleurs troupes que le « système judéo-bolchéviquedevait être détruit une bonne fois pour toutes », que

15

HISTOMAG’44MAG

44

«...la Conférence deWannsee, le 20 janvier1942, durant laquelle la

plupart des servicesimpliqués dans la SolutionFinale furent placés sous

le contrôle de la SS. »

Page 16: histomag'44 N°72

le soldat allemand était « porteur d’une conceptionraciale et devait venger les atrocités subies par lacommunauté germanique », qu’ils « devaient avoirune bonne compréhension de la nécessité d’une duremais juste expiation concernant la sous-humanitéjuive ».

La très forte mortalité chez les civils et les prisonniersde guerre russes fut le résultat direct non pas del’âpreté des combats mais de la mise en œuvre de lapolitique nazie. Hitler avait décidé sans ambiguïté : lesAllemands ne reconnaîtraient pas les Soviétiquescomme « camarades d’arme », ordre résumé en« Keine Kamaraden ». En conséquence, dans lespremiers mois de la guerre, la Wehrmacht fusilla desmilliers de commissaires politiques et aida le SD pouren exécuter au moins 140 000. À la fin du premierhiver, quelques deux millions de prisonniers de guerresoviétiques étaient déjà morts de faim. Contrairementà la campagne de l’Ouest, la Wehrmacht ne s’était pasencombrée de provisions pour les prisonniers. Lessoldats de l’Armée Rouge capturés furent contraintsde se déplacer sur des centaines de kilomètres versl’arrière soit à pied, soit sur des wagons découverts enplein milieu de l’hiver. Les survivants furent alorsparqués derrière des barbelés et condamnés à mourirde faim. Les soldats s’étaient tellement habitués àtraiter les Soviétiques en sous-hommes(Untermenschen) que certains refusèrent par la suitede les relâcher, préférant les fusiller plutôt que de seconformer aux nouveaux ordres qui spécifiaient de lesenrôler dans des unités de travail obligatoire.

Comme l’approvisionnement de la Wehrmacht sedétériorait fin 1941, les troupes reçurent l’ordre derecourir à la réquisition, ce qui priva la population dela plupart de ses ressources alimentaires, entraînantmort et famine. La guérilla contre la Wehrmacht,poussée par le désespoir résultant d’une telleoccupation, engendra de sévères mesures de rétorsioncomme la pendaison de toute personne impliquéedans une telle activité et aussi la destruction demilliers de villages avec, en représailles, l’assassinatde leurs habitants. Après la contre offensive de

l’Armée Rouge de décembre 1941 et partout où laWehrmacht fut contrainte à la retraite, la stratégie dela « terre brûlée » fut appliquée, dévastant desrégions complètes et condamnant à la famine lespopulations qui n’avaient pas été tuées ou emmenéescomme main d’œuvre servile dans le Reich.

1.3 - Un phénomène unique

Tout ceci pose la question des comparaisons et del’unicité, élément clé de la compréhension et duprocessus de réconciliation avec le passé(Vergangenheitbewältigung). Ce terme quelque peualambiqué résulte de la difficile confrontation entremémoire individuelle et collective. Cela relève aussi del’examen d’un passé largement manipulé par certainsgroupes en vue de légitimer leurs actions passées,comme leurs opinions et aspirations présentes. Lepassé interagissant avec le présent, certains faitsprennent une importance plus forte que d’autres. Il nesubsiste aucun doute sur le fait que le régime nazi ainflué sur la conscience politique et la psychologie dela plupart des Allemands. En atteste dans les années1980, en RFA, la « querelle des historiens »(Historikerstreit). La controverse, débutant à partir de1986, est restée d’actualité après la réunification.

La « querelle des historiens », du nom d’unepublication allemande, a pour enjeu la « controverseconcernant l’unicité de l’extermination des Juifs par lesNazis ». Au sens large, le débat s’est étendu à sonunicité au niveau historique. D’un point de vuestrictement universitaire, l’argumentation contrel’unicité s’appuie sur un seul élément : unicitéimplique incomparabilité et introduit une terminologieanhistorique dissociant ce fait précis de la marchegénérale de l’Histoire, le rendant par le faitinexplicable voire mythique. En d’autres termes,l’historien ne pourrait accepter qu’un événement soitcomplètement unique, ce qui dénierait à cetévénement toute analyse historique rationnelle etdonc toute compréhension. Plus spécialement, lesarguments en faveur d’une unicité de l’Holocausten’impliqueraient pas une impossibilité de comparaison.Comparer ne signifie pas que deux événements soientsimilaires mais permet plutôt de mettre en lumièreleurs différences et leurs similitudes. Actuellementles « révisionnistes », c’est à dire les universitairesallemands ainsi appelés car ils en appellent à unerévision de l’histoire du troisième Reich, penchentpour une « contextualisation » et une« démystification » par une analyse dépassionnée. Enfait, ils ont un objectif différent lorsqu’ils récusentl’unicité du Nazisme. Comme l’affirment leursopposants, les révisionnistes, - ou tout au moins leurséléments les plus radicaux - cherchent à relativiserl’histoire du Nazisme. Ils tendent à montrer que lerégime nazi était certes pervers et criminel, maiscomme beaucoup d’autres, et que, par conséquent,les Allemands n’auraient aucune raison de se sentirplus coupables envers leur passé que d’autrespeuples, qu’il n’y aurait ainsi aucun obstacle à rétablirune identité nationale fière de son passé, de sesréalisations politiques et culturelles.

Ces arguments rencontrèrent une opposition acharnéeen Allemagne et à l’étranger spécialement concernantl’assassinat des Juifs. Le révisionniste Ernst Noltedéclarait que la seule différence entre l’Holocauste etle Goulag Soviétique était la chambre à gaz et que,sur bien des aspects, le Goulag était précurseur

16

HISTOMAG’44MAG

44

« Keine kamaraden »

Page 17: histomag'44 N°72

d’Auschwitz. Hitler aurait été poussé par sa peur desBolcheviques, ce qui fut aussi très critiqué. Mais quandAndreas Hillgruber, un autre révisionniste, argua de ladéfense héroïque du Reich par les soldats allemandsface à l’« orgie de revanche » de l’Armée Rougemenaçant les populations civiles allemandes, iltouchait un point sensible pour les Allemands.L’assassinat des Juifs était ainsi attribué à un petitcercle de criminels bien distinct de la population et dela Wehrmacht issue de la conscription, doncreprésentative de la société allemande. De plus, leprofond dégoût de la guerre en Allemagne après lesdestructions de 1945, avait rendu toute guerredétestable aux yeux des Allemands. Paradoxalement,cette façon de voir légitimait les actions des soldatsallemands pendant la guerre, en ce qu’ils ne seseraient pas comportés différemment d’autres soldats.Ainsi, on trouvait une combinaison de sentimentsdéfavorables à toute guerre, un sentimentd’admiration pour les hommes qui avaient sauvél’Allemagne et pourquoi pas toute l’Europe des hordes« bolchevico-asiatiques » et aussi un profond rejet del’affirmation que la Wehrmacht aurait pu servird’instrument déterminant à Hitler pour mettre enœuvre sa politique de conquête et de génocide.

La théorie d’une Wehrmacht, armée « comme lesautres », a été partagée longtemps, même parbeaucoup d’universitaires hors d’Allemagne etparticulièrement en Occident. L’ancien présidentReagan affirma dans le cimetière militaire de Bitburgque ces soldats de la Wehrmacht étaient eux aussi desvictimes du régime nazi. Il est par conséquent de lapremière importance de montrer comment l’arméeallemande en guerre s’est conduite de façonradicalement différente de toutes les autres dansl’Histoire moderne.

La guerre est violente. Sans aucun doute, certainssoldats deviennent violents et brutaux par leurparticipation directe aux combats. Individuellement, iln’y a pas de différence entre un soldat tuant un civil,que ce soit un Allemand en Russie, un Américain au

Vietnam, ou un Russe en Prusse Orientale. Mais envoyant les choses à un niveau un peu plus élevé, lesdifférences apparaissent. En Russie, les soldatsallemands étaient autorisés (c’était même un ordre) àcommettre des assassinats de masse envers despopulations qui ne présentaient aucune menacemilitaire. Ce n’était pas le cas des GI Américains auVietnam, ou des soldats Soviétiques en Allemagne,même si cela a pu se produire localement. Parce quece n’était pas une stratégie délibérée mais des actesisolés, les proportions de ces tueries furent biendifférentes. L’Armée Rouge en Allemagne n’avaitaucun ordre pour décimer la population allemande ettransformer ce pays en future colonie russe. Dans cecas, nous n’aurions pas pu assister à la réunificationAllemande. Par contre, l’armée allemande en Russiesuivait une stratégie très claire de domination etd’extermination. Si l’Allemagne avait gagné la guerre,la Russie aurait disparu en tant qu’entité politique etdes millions de Russes auraient été assassinés, lessurvivants réduits en esclavage. Ce n’est pas ce qu’afait l’armée américaine au Vietnam, même si elle acausé la mort de centaines de milliers de civilsinnocents. L’Union Soviétique a instauré des dictaturesdans les pays de l’Est mais elles n’étaient pasgénocidaires. De la même manière, une victoireaméricaine au Vietnam n’aurait pas signifié ladestruction du peuple vietnamien même si lesconditions de son existence n’étaient pas spécialementenviables après la victoire communiste. Lesbombardements stratégiques en Allemagne sontsouvent cités par les révisionnistes, mais ils n’avaientpas vocation à supprimer le peuple allemand bien quela question de leur utilité militaire soit discutable.N’oublions pas non plus que les Anglais, lesAméricains et les Russes luttaient en réponse à uneagression nazie.

La Wehrmacht ne s’est pas comportée de la mêmefaçon partout et ce n’est qu’à l’Est que soncomportement fut aussi brutal. Cela ne fut possiblequ’avec une étroite collaboration entre le régime etses soldats, acceptant d’éliminer l’Union Soviétique,son système politique et la plupart de ses habitants.Des sentiments racistes bien ancrés furent unemotivation puissante pour la conduite de la guerre àl’Est. Sans aucun doute, beaucoup d’autres arméesfirent preuve de racisme : l’armée Américaine dans lePacifique et au Vietnam, l’armée Japonaise en Asie sesont comportées de façon très violente, avec uneconception raciste de l’ennemi. Mais le racisme n’étaitpas le fondement de la politique américaine etl’éducation des jeunes Américains n’était pas aussi

17

HISTOMAG’44MAG

44

La Wehrmacht : une armée comme lesautres ?

« ...ce n’est qu’à l’Est que son comportement futaussi brutal.»

Page 18: histomag'44 N°72

imprégnée de racisme que celle des jeune Allemandsdes années 1930. Le Japon occupé ne fut pas réduiten esclavage même si la plupart des GI avaient unevision très raciste des Japonais. Les Japonais ontdéveloppé une politique d’occupation hautementviolente, à base d’impérialisme et d’un sentiment desupériorité raciale propagé par le régime. En Chine,les armées japonaises se sont comportées un peucomme la Wehrmacht en Russie, par exemple pour letraitement des prisonniers de guerre qui futabominable. Mais les Japonais n’adoptèrent pas unestratégie réellement génocidaire. D’où un taux desurvie des prisonniers de guerre détenus par lesJaponais double de celui des soldats soviétiques auxmains des Allemands.

Bien entendu, à cause du génocide, l’armée allemandesemble bien pire que toutes les autres arméesmodernes, à la fois parce que l’armée elle-même a misen œuvre une politique de tueries de masse en Russieet parce qu’elle fut impliquée à chaque étape de la« Solution finale ». La tentative de séparer laWehrmacht - armée régulière - de la SS, la premièrecombattant au front et l’autre à l’arrière avec lescamps de la mort, n’est pas conforme à la réalité.Comme cela a été démontré, l’armée régulière futlargement impliquée dans la Solution finale, de laconquête de zones où vivaient de nombreux Juifs, àl’aide logistique et matérielle aux Einsatzgruppen, àl’administration des camps de la mort, jusqu’à ladétermination farouche des derniers combats alorsque l’industrialisation de la mort atteignait dessommets. La Wehrmacht fut en fait un élément décisifdu plus horrible crime jamais perpétré par aucunenation dans l’Histoire moderne.

2 – Les choix moraux

Le cas le plus significatif de résistance au régime nazifut l’attentat combiné à la tentative de Putsch de juillet1944. Cet acte de rébellion par un nombre significatifd’officiers a été traité par une abondante littérature,envisageant les angles techniques, politiques, et lesaspects humains de ce coup d’État contre un régimecriminel alors que la situation militaire devenaitcatastrophique. Inversement, un des aspects de ladictature nazie fut la remarquable loyauté envers leRégime témoignée durant toute la guerre par laWehrmacht, du simple soldat aux officiers subalternes.Trois dimensions seront retenues afin de mieuxcomprendre les choix moraux auxquels furentconfrontés les militaires allemands : une dimensionformelle liée à la discipline et aux règlementsmilitaires, une dimension individuelle intégrant leprocessus de lutte pour la survie, la peur, lacamaraderie et la famille, et enfin une dimension plusidéologique, modelée par une organisationprécocement militarisée et par l’endoctrinement.

2.1 - L’importance de la discipline

La discipline militaire est un argument souvent avancépour expliquer une faible opposition. Sous le troisièmeReich, et de façon croissante durant la guerre, laWehrmacht se caractérisa par une discipline trèssévère, légitimée par la politisation des règlementsmilitaires pour lesquels tout relâchement potentielétait passible de sanctions très sévères. Ainsi, plus de20 000 soldats furent condamnés à mort pour

désertion, lâcheté ou pour s’être automutilés. De plus,des milliers de soldats allemands furent tués ententant de passer les lignes ennemies ou pour ne pasavoir exécuté les ordres jusqu’au bout. L’absence derévolte importante au sein de la Wehrmacht durant laguerre et la forte détermination avec laquelle ellecombattit jusqu’à la fin témoignent de la crainte destroupes envers leur encadrement.

Toutefois, la discipline appliquée de façon excessive,surtout avec une armée de conscription, devraitengendrer des révoltes plus que les empêcher. Maisdans le cas de la Wehrmacht, surtout pour les unitésengagées à l’Est, les règlements militaires évoluèrent,engendrant dans la troupe le sentiment d’une destinéepartagée avec un objectif puis une culpabilitécommune. La Wehrmacht secréta d’elle même unmécanisme qui permit une incroyable augmentationde la violence chez les soldats. Ils projetèrent en faitleurs peurs et leurs frustrations sur d’autres cibles queleurs supérieurs puis prirent conscience collectivementdes conséquences de la vengeance ennemie en cas dedéfaite. Ainsi, quand on envisage un choix individuelentre collaboration et résistance, on doit prendre encompte à la fois la brutalité de l’encadrement en casde désobéissance et aussi l’appréhension de l’ennemi.C’est à ce dilemme que furent confrontés les soldatsdu front ; ce qui modela leur comportement.

Pour comprendre l’indiscipline comme indicateurpotentiel de résistance de la troupe, il faut étudierl’évolution de ses manifestations et les moyensemployés par la Wehrmacht pour la contrecarrer. Aumoment de l’invasion de la Pologne, des officierssupérieurs allemands se plaignirent de la forteincidence de problèmes disciplinaires, ce qui étaitétonnant vu la rapidité de la campagne et le peu depertes subies. La cause était plutôt à rechercher dansle manque d’enthousiasme des allemands pour laguerre et aussi par le fait que la Wehrmacht devait sefamiliariser avec de toutes nouvelles techniques decombat. Les officiers se plaignant d’actes de violencede soldats envers les civils les attribuaient aussi àl’exemple donné par les SS.

Durant la campagne de mai-juin 1940, les unitéscombattantes enregistrèrent une augmentationalarmante d’actes de violences en tous genres, lesofficiers supérieurs demandèrent des sanctionsdraconiennes, jusqu’à la peine de mort, afin d’en finiravec ces comportements. Ce fut une interaction entrediscipline militaire et imprégnation idéologique ; les

18

HISTOMAG’44MAG

44

« Au moment de l’invasion de la Pologne...»

Page 19: histomag'44 N°72

soldats se comportèrent ainsi parce qu’en Pologne, ilsavaient pris l’habitude de traiter l’ennemi en inférieur,une notion déjà présente chez eux avant leurincorporation. Toutefois, à l’Ouest, pour desconsidérations politiques et idéologiques, leurssupérieurs ne voulurent pas tolérer de violencesspontanées et non autorisées envers les populationsoccupées.

La Wehrmacht s’attaqua ensuite à l’Union Soviétiquemunie d’un ensemble d’ordres qui traduisaient lanotion chère à Hitler de guerre d’extermination et dedomination en termes purement militaires. Il estintéressant de noter l’évolution des règlementsmilitaires concernant les populations occupées et lesprisonniers de guerre. Un lien étroit entre lesrèglements militaires et la discipline fut clairement misà jour : d’une part les troupes obéissaientaveuglément à l’ordre de fusiller tout ennemi politiqueet biologique, de punir collectivement des populationset de vivre sans vergogne « sur le pays ». D’autrepart, la discipline rigide de la Wehrmacht autorisaitpourtant les troupes à rester impunies après des actesde violence non ordonnés, après avoir fusillé sansmotif des prisonniers de guerre ou des civils, ouprovoqué des destructions. Certains chefs souhaitaientpourtant que leurs hommes ne se conduisent pasd’une façon aussi peu chevaleresque. Toutefois, il leurétait difficile de les punir pour ce genre d’actes. Avecla presque complète impunité procurée par le décret« Barbarossa », il était problématique et politiquementimprudent de mettre en cause des soldats pour cesmotifs.

Les dirigeants de la Wehrmacht s’étaient inquiétés audépart de la violence croissante au sein de leurstroupes, craignant qu’elle ne les démoralisent. En fait,plutôt qu’une désintégration de la discipline, cecontexte a renforcé la cohésion des unités, leur forcecombattante et leur motivation. Entre les réalitésd’une guerre excessivement violente et lesperspectives de punitions sévères, les soldats avaienttrouvé une issue pour se décharger de leursangoisses, particulièrement quand les officiersdétournaient volontairement leurs regards d’actionsouvertement illicites. Aussi longtemps qu’ils secomportaient correctement sur le champ de bataille,les soldats étaient autorisés à recourir à de telsexutoires, aussi bien en transgressant les normescomportementales usuelles du monde civilisé qu’en

commettant des actes illégaux, même dans lecontexte du front. Légaliser de tels comportements lesaurait privés de leur valeur unificatrice, celle qui soudela troupe en créant la conscience de sa responsabilitépartagée dans d’horribles crimes. Les commandantsont pu aussi négliger de punir leurs soldats pour cesactions non ordonnées parce qu’en Russie ilssouhaitaient seulement s’en tenir à maintenir ladiscipline au combat. Ils étaient réticents àemprisonner des soldats alors qu’ils manquaientjustement d’effectifs et étaient – au moins pour unepartie d’entre eux - imprégnés de la même idéologieanti-bolchevique, anti-slave et antisémite que celleaffichée par le régime. Mais en agissant ainsi, ilsrenforcèrent la cohésion militaire de leurs troupes enrendant plus acceptable la dure discipline du combatau prix d’une impunité accordée pour agir avec lamême violence envers leurs ennemis réels ousupposés. Ils rendaient aussi toute résistance enversla hiérarchie militaire (et le régime) très difficile pourles soldats, sur un plan moral, car ils étaient impliquéseux mêmes dans le genre de crimes qui auraient dûautrement leur causer une forte répulsion, lesdémoraliser et peut-être faire qu’ils se révoltent.

2.2 - Le poids de la camaraderie

Bien que la discipline draconienne ait montré sonefficacité en évitant les désertions collectives et ladésagrégation des unités, les soldats qui essayèrentd’échapper aux combats étaient rarement motivés parla morale, la politique ou l’idéologie. Les fichiersd’interrogatoires soviétiques de déserteurs de laWehrmacht révèlent que ces soldats avaient tendanceà se réclamer d’une opposition au régime nazi,pensant tirer profit de telles déclarations. Au contraire,les jugements de cours martiales allemandescondamnant des soldats pour lâcheté, désertion ouautomutilations les accusaient plutôt de motivationsidéologiques ou morales. La plupart des soldatsconvaincus d’automutilation étaient très jeunes,souvent peu éduqués et issus de classes sociales peufavorisées ; ils ne pouvaient se faire à l’idée deretourner au front ou déprimaient après avoir rejointleur unité. Les règlements militaires définirent detelles fautes comme a priori politiques, légitimant ainsila sévérité de la sentence. Par contre, les juges nedéclarèrent pas souvent que les coupables étaient

19

HISTOMAG’44MAG

44

« ...les troupes obéissaient aveuglément à l’ordre defusiller tout ennemi politique ...»

Page 20: histomag'44 N°72

animés d’une quelconque intention politique.L’impression qui se dégage nous montre que cesdéserteurs, ceux qui firent preuve de lâcheté ou quicherchèrent à se dérober, furent le plus souvent deshommes qui n’arrivaient pas à s’intégrer socialementdans leur unité et à s’adapter aux conditions du frontplus que des ennemis du régime. Dans ce sens, ilsétaient exceptionnels psychologiquement etsocialement, mais pas idéologiquement ou morale-ment.

La camaraderie fut un élément extraordinairementimportant de la cohésion sociale et militaire de laWehrmacht. Aussi longtemps que le taux de pertespermit au groupe initial de subsister, les liensdemeurèrent très solides dans ces unités. Mais mêmequand les combats de l’Est détruisirent la cohésion deces groupes, le sens de la responsabilité restaitextrêmement fort entre camarades, même si certainsl’étaient de fraîche date.

Comme fonctionnement de cette loyauté mutuelle, ily avait le sentiment d’une obligation morale, sachantaussi que chacun pouvait s’attendre également à enbénéficier en retour. La cohésion du groupe initials’expliquait par une longue expérience partagée etaussi par des affinités remontant avant l’incorporation.Rappelons que celle-ci était très régionale. Par la suitese développa un sentiment d’interdépendance entreceux qui avaient connu l’expérience de la premièreligne, ou avaient été confrontés aux mêmes dangers.Il est intéressant de noter que les acteurs et témoinsde cette époque s’étaient eux-mêmes étonnés de laperformance combative et de la cohésion de troupessoumises à des conditions difficiles tout en notant ladésagrégation croissante de valeurs socialesauparavant considérées comme essentiellesmoralement. L’explication fut trouvée dans la volontéindividuelle de survie, principal facteur permettant auxhommes de tenir au combat. Il n’est pas surprenantde trouver écho d’un certain darwinisme social àtendance nihiliste issu de la rhétorique nationalsocialiste dans presque chaque témoignage écrit ouoral.

Cette camaraderie et ses relations d’un type tout à faitnouveau et issues d’un groupe initial dépassèrent lecercle strictement militaire et touchèrent les famillesdes soldats, leurs amis à l’arrière, jusqu’à la totalitéde la société allemande et pourquoi pas jusqu’àengendrer la « culture Allemande » et la « civilisationEuropéenne ». La situation qui empirait au front etl’impact croissant d’une pression perçue de l’arrièrerenforçaient la conviction des combattants qu’ilsluttaient pour la défense des leurs et de tout ce qu’ilsaimaient. De nombreux rapports montrent combienles troupes furent démoralisées par les dégâts desbombardements stratégiques des Alliés sur les villesallemandes et la façon dont ils en tirèrent unemotivation proche de la vengeance. Bien entendu cessoldats n’avaient aucun moyen d’agir en faveur deleurs proches et d’éviter leur souffrance, mais ils enarrivaient à penser combattre pour eux en projetantainsi leurs frustrations.

L’autre raison de la soumission à la discipline aucombat était l’appréhension de l’ennemi, surtout enUnion Soviétique. Les soldats virent très vite desscènes de violence attribuées aux troupes soviétiqueset les mélangèrent dans leur esprit avec cellesprésentées par leurs services de propagande. C’est

bien la peur de l’ennemi qui poussa les soldats dufront de l’Est à combattre vraiment jusqu’au bout. Parexemple le soldat Fred Fallnbigl écrivit du front à lami-juillet 1941 que maintenant « il comprenait qu’onavait été obligé d’entrer en guerre contre l’UnionSoviétique », « Dieu ait pitié de nous, si nous avionsattendu, ces êtres bestiaux nous auraient attaqués.Pour eux, même la mort la plus abjecte est tropbonne. Je suis heureux d’être ici pour mettre fin à cesystème génocidaire ». Un autre soldat, fin août1941 : « maintenant chacun sait parfaitement ce quiserait arrivé à nos femmes et à nos enfants si ceshordes russes avaient réussi à envahir notre Patrie …merci Dieu ». Il concluait : « ces être bâtards etincultes ont été empêchés de piller notre pays ». Lecaporal-chef O. Rentzsch affirmait le 1er septembre1941 que « si ces hordes avaient envahi notre pays,elles auraient causé de grandes effusions de sang ».Il se sentait prêt à « tout faire pour éradiquer cetteplaie universelle ». On en arrivait à parler d’uneopération d’épuration, de « la destruction de laJuiverie éternelle » et « des malheurs qui se seraientabattus sur notre pays si ces créatures avaient pris ledessus ».

Contrairement à ce qui est arrivé, une telle peur auraitdû pousser les soldats à tenter de rejoindre l’arrière.Elle a toutefois limité les redditions de masse auprèsde l’Armée Rouge, jusqu’aux derniers moments de laguerre, quand des divisions entières préférèrent seruer vers l’ouest pour se rendre aux Anglo-Américains.À l’Est, il n’était pas évident de tenter de s’échappervers l’arrière. Ainsi, les rapports des tribunauxmilitaires montrent que le taux de désertion en Russieresta plus bas qu’à l’Ouest. En effet, après avoirpénétré profondément vers l’intérieur de la Russie, lessoldats allemands se sont retrouvés englués face à unennemi continuant à combattre et en avant de vasteszones d’insécurité infestées de partisans. Ils avaientaussi le sentiment que le peuple russe était trèsdifférent de tous les peuples qu’ils avaient jusque làrencontrés. Chaque soldat était ainsi mentalement etphysiquement piégé, ne pouvant ni avancer etvaincre, ni s’échapper, complètement dépendant de

20

HISTOMAG’44MAG

44

« ...si ces hordes avaient envahinotre pays, elles auraient causé de

grandes effusions de sang...»

Page 21: histomag'44 N°72

ses camarades pour sa propre survie dans unenvironnement hostile dont il ne comprenait mêmepas la langue et dont les armées devenaient moisaprès mois plus menaçantes. Passer à l’ennemi, c’étaitla perspective de se faire mettre en joue par sescamarades, ce qui était courant, ou tuer par lesRusses, ce qui ne l’était pas autant que ce qui a étédit. Déserter vers l’arrière, c’était risquer de se faireprendre et juger, de tomber aux mains des partisanssoviétiques ou tout simplement de ne jamais réussirà rejoindre l’Allemagne. Le choix le plus fréquent faitpar les soldats était simple : il semblait plus sûr derester et de combattre que de partir et de se faire tuer.C’était aussi ce que répétaient leurs officiers.

Le respect de la discipline militaire prit différentesformes. En cas de pillage ou de violence, les officiersse plaignaient mais se gardaient d’engager des actionsdisciplinaires. Les officiers ne semblaient pas avoirtrop d’états d’âme envers la politique officielleautorisant une certaine impunité et les soldats necherchaient pas à éviter de participer à ces violences.Les SS ou les unités de police donnaient de temps àautre le choix de prendre part ou non à leursopérations criminelles. Les hommes se sentaientsouvent tout simplement incapables de refuser d’yprendre part. Pour la SS, les assassinats collectifsétaient une raison d’être. Pour les soldats, c’étaitsimplement un des aspects de la guerre à l’Est. Deplus, la haute hiérarchie militaire avait désapprouvéles exécutions de femmes et d’enfants (pas cellesd’otages mâles ou de partisans des deux sexes)craignant une démoralisation des soldats et uneérosion de la discipline. À leur place, le SD était appeléou les « éléments indésirables » étaient évacués deleurs villages dans des conditions ne laissant aucundoute sur leur mort prochaine. Ceux qui choisirent dene pas prendre part à ces opérations criminelles – etn’en furent pas punis - déclarèrent après guerre qu’ilsétaient devenus physiquement et mentalementincapables de continuer à accompagner les tueurs, cequi revient à dire que leur choix n’était pas uneopposition au régime. Autrement dit, ils se voyaienttrop faibles pour réaliser ce à quoi ils croyaient, plusqu’ils ne se sentaient assez forts pour refuser deprendre part à ces atrocités.

La façon dont les soldats se comportèrent face à cetteévolution criminelle de la guerre nous permet decomprendre la différence entre les paramètres réelset perçus d’une collaboration ou d’une résistance à ces

actes. Il est certain que durant la guerre, les soldatsfurent très touchés par toutes sortes d’excès mais ilsont dirigé leur indignation contre leurs ennemis plutôtque contre le régime et l’armée. Les soldats voyaientleur propre action comme leur contribution à une justeguerre idéologique qui nécessitait, par définition etcomme le proclamait la propagande nazie, desmesures extraordinaires. De plus, les soldats quimirent en pratique les idées hitlériennes franchirentencore une étape supplémentaire. Ils étaientintimement convaincus de la nécessité de procéderd’une façon qu’ils auraient jugée criminelle en d’autrescirconstances. La raison justificatrice était qu’ilsestimaient que l’ennemi aurait fait encore pire : poureux, les atrocités commises par la Wehrmacht étaientbien moindres que celles de leurs ennemis. Comme lalimite morale admise pour leurs actions était toujoursdépassée par celle attribuée à leurs ennemis, ilsn’avaient en définitive plus aucune limite. Ce fut lemécanisme par lequel les militaires en arrivèrent trèssouvent à cette acceptation insoutenable sur un planpsychologique, physique et moral. De plus, quelle estla signification d’une opposition morale au régime deson pays quand celui-ci lutte contre un systèmeencore bien pire ? Cela libéra chacun de laresponsabilité de ses actes car « la racine du malpousse de l’autre côté de la colline ».

2.3 - Décryptage d’une idéologie

La frontière entre l’acceptation et la résistance, de cequi est admissible, interdit ou nécessaire, n’a rien àvoir avec une analyse rationnelle et objective de lasituation mais avec la perception de la réalité. Lesfaçons de voir, les croyances chez les soldats du frontreflètent l’efficacité de la propagande nazie laquelledoit plus aux préjugés populaires qu’aux idéologiesbancales remontant à la période d’avant la prise dupouvoir. À nos yeux, la participation de la troupe à detelles actions nous semble criminelle alors qu’ellen’était que le résultat d’une stricte discipline ettémoignait que l’image d’un ennemi exclu du genrehumain avait réussi à entrer dans tous les esprits.Cela expliquait que les normes morales habituellesrégissant les rapports humains ne puissent s’appliquerà lui.

Mais cela ne signifiait pas qu’en quelques années derégime nazi toute sensibilité morale ait été éradiquée.Bien des soldats furent choqués par ce qu’ils enarrivaient à faire et par ce qu’ils voyaient faire par lesEinsatzgruppen. Mais les soldats s’auto justifiaient eninvoquant l’inhumanité de leurs victimes. Leursréactions venaient aussi de ce qu’ils avaient enduré aucombat, ce qui les avait rendus insensibles à touteémotion et en particulier incapables de voir quel’apparence physique de « sous-hommes » qu’ilsremarquaient chez leurs ennemis était justement dueaux mauvais traitements qu’ils venaient de subir.

Quand on parle des dilemmes moraux auxquels furentconfrontés les hommes de la Wehrmacht, on doit serappeler que la plupart d’entre eux étaient de jeunesconscrits éduqués dans des écoles nazifiées, dansl’atmosphère endoctrinante des JeunessesHitlériennes (HJ) ou du Service du Travail (RAD). Cesjeunes furent attirés par la rhétorique rebelle durégime (contre les normes anciennes, contre lestraditions), et aussi par l’image de l’Allemagneconquérante et invincible, chargée de purifier le

21

HISTOMAG’44MAG

44

« En cas de pillage...»

Page 22: histomag'44 N°72

monde de la plaie du communisme, de la ploutocratie,identifiés avec la « Juiverie mondiale ». La HJenrégimentait, demandait une obéissance aveugle etproclamait sa foi en la valeur de l’action, enseignait lemépris de la discussion. Elle mettait en avant la forcedu groupe, la volonté d’acier de l’individu et méprisaittoute forme de faiblesse physique ou morale. Surdivers aspects, la HJ était une « bande », permettantaux jeunes de mettre en cause les symboles, lesreprésentations de l’ordre social existant, les autoritésparentales, scolaires, les valeurs bourgeoises,l’église ; elle était violente comme un gang et focaliséesur un leader charismatique.

Mais en devenant un des piliers de la sociétéallemande, et par son association intime avec le cultedu Führer, elle satisfaisait à la fois le besoin d’unecertaine conformité pour la jeunesse et devenait unevéritable pépinière pour ce qui était en train dedevenir une armée hitlérienne. Cette combinaison decomplète révolte et de soumission absolue,d’obéissance et de transgressions, cette fascinationpour dompter le présent au nom d’un idéal et d’unfutur nébuleux issu d’un passé mythique a influencéfortement les soldats de la Wehrmacht.

Cela ne faisait pas de tous des nazis convaincus maiscela influait fortement sur leurs façons d’agir et depenser ; cela limitait leurs possibilités d’alternativesenvisageables sur le terrain. Avec leur visionapocalyptique de l’Histoire, une division de l’humanitéquasi darwinienne entre ceux qui doivent survivre etceux qui doivent périr, avec cette abolition de toutenorme et valeur, ils avaient bien peu de choix. Cesjeunes qui partaient la fleur au fusil avaient peu denotions précises de l’avenir pour lequel ils se battaient.Une rhétorique nihiliste remplaçait l’absence deperspectives. À défaut de victoire militaire tangible, ilétait question de victoire « finale » (Endsieg) devantsurgir des décombres.

Jusqu’en 1980, les historiens du troisième Reichestimaient que les nazis n’avaient pas totalementréussi dans leurs projet de bâtir une communautépopulaire (Volksgemeinschfat) dans laquelle les luttessociales et les inégalités seraient remplacées par uneunité nationale, raciale, sous l’œil d’un Führerbienveillant. Ces universitaires avançaient que lesouvriers allemands avaient conservé une solide

conscience de classe et continué à lutter pouraméliorer leurs conditions matérielles afin de gagneren influence politique. Des grèves plus ou moinsapparentes et la permanence d’une certainestructuration politique semblaient indiquer une formed’opposition au régime à défaut d’une résistanceactive, laquelle avait été très vite annihilée. Pourtantnous ne retrouvons pas vraiment trace de cetteopposition entre la classe ouvrière et le régime auprèsdes jeunes ouvriers une fois incorporés. Au contraire,ils sont restés disciplinés et motivés, sans que l’onpuisse trouver trace de révolte basée sur uneconscience de classe chez ces jeunes soldats.

Des travaux par interview dans les années 1980concernant des ouvriers de la Ruhr vont dans le mêmesens et semblent montrer que nombre d’ouvriersétaient plutôt satisfaits des réalisations du régime, dela baisse du chômage suite au programme deréarmement ce qui se traduisait par une hausse dupouvoir d’achat. De plus, il semble que l’idéologienazie a eu plus de succès dans les couches populairesque ce que l’on pensait, surtout chez les jeunes. 40ans après, ceux qui avaient rejoint les rangs desjeunesses hitlériennes avec enthousiasme, n’yvoyaient toujours pas de contradiction avec leurcondition de travailleur.

Par exemple, G. Köppke, fils d’ouvrier communiste dela Ruhr, se souvenait en 1981, en visionnant un filmde la Nuit de Cristal en 1938 alors qu’il avait 9 ans, dela vision « impressionnante des SA qui avançaient….J’étais du côté de ces gars costauds, les Juifs, c’étaiten face ». « Il n’y avait pas contradiction entre notrebanlieue ouvrière et les HJ ; qui voulait devenirquelqu’un en faisait partie ». De plus « l’uniforme desHJ représentait quelque chose de positif pour nous lesjeunes ». Köppke servit comme volontaire dans ladivision SS « Hitlerjugend » durant toute la guerre etla défaite tomba pour lui comme un traumatisme.« J’étais né dedans » dit-il 35 ans plus tard. « Autemps du National Socialisme on voyait le mondecomme il nous était montré et soudain plus rien n’aeu de sens ». Gisberg Pohl, un autre enfant de laclasse populaire interviewé en 1981 expliquait saparticipation à la destruction du Ghetto de Varsovie entant que membre d’une division SS : « Nous lesjeunes, nous voulions détruire la sous-humanité.J’étais convaincu de la justesse de ce que nousfaisions ».

Ces découvertes, ainsi que la forte motivation destroupes allemandes semblent indiquer que même si laVolksgemeinschaft tenait en partie du mythe, sadéclinaison militaire, la Kampfgemeinschaft, fut uneréalité bien tangible.

Il est clair que le conformisme rebelle des jeunesseshitlériennes a joué un rôle considérable dans latransformation de la Wehrmacht, tout d’abord en luifournissant un fort contingent numérique. Lesgénéraux virent rapidement le changement, à la foisquand ils déplorent (quelle qu’en soit la motivation) lafaible implication des militaires du rang et des cadressubalternes dans la tentative de Putsch contre Hitleret quand ils rappellent l’obéissance de leurs troupesquelle que soit la situation. Ces militaires du rang etcadres subalternes témoignent directement de laréussite de l’endoctrinement et de leur impossibilité àsortir de ce cadre de valeurs. Ces hommes montrentpar leur comportement les effets de la propagande

22

HISTOMAG’44MAG

44

« ...dans l’atmosphère endoctrinante desJeunesses Hitlériennes...»

Page 23: histomag'44 N°72

bien plus concrètement encore que les officiersgénéraux quand ils rédigent les ordres dont nousavons parlé. Ainsi, il n’est pas étonnant de constaterque les journaux de marche des soldats, les lettres etles témoignages sont dépourvus de toute référence àdes oppositions qu’elles soient actives ou passives.

2.4 - L’après-guerre

Dans les toutes premières décades de l’après guerre,de nombreux romanciers et réalisateurs ouest-allemands illustrèrent eux aussi cette fameuseabsence de choix moraux sous le régime nazi. Dans lefilm de seize heures, Heimat (1984), de Edgar Reitz,la seule courte scène avec des soldats les met face àune exécution de partisans ou de civils innocents. Cessoldats ne peuvent changer la réalité, ils peuvent justeintervenir, tirer, regarder ou enregistrer comme le faitl’un d’entre eux, membre d’une équipe de réalisationpour une firme de propagande. Le réalisateur nedonne aucune alternative à ses personnages, ils sontvictimes d’une situation probablement immorale et nepeuvent lui échapper. De la même façon, dans le filmde Helma Sander-Brahms, Germany Pale Mother(1980), les soldats partent à la guerre, quittantfemme et enfants, puis reviennent des années plustard, vidés et meurtris, jusqu’aux ruines de leursmaisons et dans leurs familles. Ici ils sont tous perçuscomme des victimes d’une force sauvage, barbare,anonyme et sans contours précis. Les seuls choix àfaire sont ceux destinés à assurer sa propre surviephysique et mentale avant de devoir lutter pour sereconstruire. Dans ces films, la défaite de l’Allemagneest représentée habituellement par un GI américain,souvent noir. Pour Rainer Werner Fassbinder, Lemariage de Maria Braun (1979), qui se propose denous montrer les travers et l’hypocrisie de la périodedu miracle économique des années 1950, le soldat quirevient est une fois encore victime de circonstancesqu’il n’arrive pas à maîtriser. Dans ce film, il subit unadultère à épisodes commis par sa conjointe. Lesépoux semblent des victimes permanentes decirconstances remontant au régime nazi et à la guerre.

Le sens de l’impuissance et de l’absence de choix estévident dans la littérature traitant de la période deguerre. Dans l’une des premières histoires de HeinrichBöll, Le train était à l’heure, le jeune soldat repart aufront la peur au ventre, mais sans envisager d’autrechoix. Ce genre d’histoire montre les conséquences deson éducation et de son passage à l’armée. Dans cefilm, le soldat est finalement tué par une résistante,mais semble rester parfaitement humain ; c’est uninnocent qui est entraîné dans une spirale qui ne luilaisse comme choix que la mort ou la participation àdes actes terribles. La désertion comme alternative,est présentée comme sans espoir, irraisonnée,correspondant plus à un processus abstrait qu’à unepossibilité réelle, envisageable seulement par desindividus hors normes comme chez Günther Grass,dans Le chat et la souris, ou alors comme un acte trèssecondaire et sans incidence possible sur ledéroulement de la guerre comme chez Siegfried Lenzdans La leçon d’Allemand.

Concernant les choix moraux de résistance au niveaudes combattants, il est clair qu’ils semblentaccessibles seulement à des individus atypiques outrès différents de la grande majorité de leurscontemporains. L’acte de résistance, s’il se manifeste,

est causé par cette marginalité, il n’implique pasnécessairement une position morale particulière etreste du domaine de l’action individuelle et noncollective. De plus, parce que la résistance estréservée dans ces écrits à des exploits quasi-suicidaires commis par des personnages hors normes,on a l’impression d’une impossibilité complète derésistance pour des individus moins extraordinaires. Iln’est donc plus question de résistance et de choixmoraux mais de conséquences de coups du sort oud’anomalies physiques ou mentales comme dans LeTambour de Günther Grass.

Pour conclure, les documents d’époque, les mémoiresécrites après guerre et les fictions nous donnent uneimpression générale très nette de sombredétermination, d’engagement devenant de plus enplus désespéré chez des soldats qui tiennent avanttout à faire leur devoir. Comme la guerre devint deplus en plus difficile et sans issue favorable possible,ces écrits montrent une conviction très forte dans lanécessité de combattre pour une cause estimée justecontre un ennemi diabolisé. Ils montrent aussi unmanque de possibilité de résistance qui n’est passeulement la conséquence du système répressif. Deplus, en se battant contre le diable, la fin justifiait tousles moyens et garantissait que cette lutte ne serait pasimmorale. Seuls les conspirateurs, des officiers de trèshaut rang, semblent avoir pesé les aspects moraux deleurs actes, certains d’entre eux ayant une telleélévation morale qu’ils allaient jusqu’à douter de lamoralité de supprimer Hitler. Pour la majoritétoutefois, le choix se limitait entre continuer à servir,ce qui ne se justifiait que par une foi irrationnelle, etrésister de façon suicidaire, par désespoir ouabattement. Ces alternatives pouvaient conduire à lamort mais la première en donnait une versioncomportant un certain espoir, une certainecamaraderie, une certaine confiance et une croyance.Ce fut celle que la plupart des soldats de la Wehrmachtchoisirent de suivre.

Sources Photos :

http://www.histoire-en-questions.fr

http://druga-wojna.site.vot.pl

http://ivarfjeld.wordpress.com

23

HISTOMAG’44MAG

44

Page 24: histomag'44 N°72

Maréchal Konstantin Konstantinovitch Rokossovski(1896-1968) dentiste et deux fois

héros de l’Union soviétiquePar Xavier Riaud*

Konstantin Konstantinovitch Rokossovski naît le21 décembre 1896, à Varsovie. Issu d’unevieille famille polonaise déchue de ses titres de

noblesse, il est orphelin à l’âge de 14 ans et doittravailler pour subsister. Il est recueilli par la sœur desa mère. À partir de 14 ans, Rokossovski fait denombreux métiers pour subsister, dont la professionde dentiste. Il exerce cette profession pendant untemps, puis à 18 ans, il quitte définitivement soncabinet dentaire pour s’engager dans l’armée afin dedéfendre son pays. Il n’exercera jamais plus cetteprofession et ne quittera plus l’armée.

Il a 18 ans lorsque la Première Guerre mondialeéclate. Par conviction, il s’engage alors dans l’Arméepour défendre son pays. Il ne la quittera plus. Il rejointle 5ème régiment de dragons de Kargopol. Ses actes debravoure le distinguant, il est décoré plusieurs fois del’Ordre de Saint-Georges. En 1917, il est nomméofficier. À la fin de cette année-là, lorsque la révoltepopulaire éclate, ses sympathies bolcheviques lepoussent à intégrer la Garde rouge, puis l’Armée rougeen février 1918. En 1919, le 7 mars exactement, ilrejoint le parti communiste. Sa carte porte le numéro239. Ses connaissances techniques lui permettentd’occuper des fonctions à responsabilités pendant laguerre civile. À la tête de la 5ème brigade de cavalerie,il se bat avec acharnement sur le front de l’Est. En1921, il reçoit la plus haute distinction militairesoviétique pour ses faits d’armes : l’Ordre du drapeaurouge.

Après la guerre civile, il obtient différentscommandements en Extrême-Orient qu’il assume

avec brio. Le 30 avril 1923, il se marie. En 1925, il suitles cours de perfectionnement dans l’École decavalerie. Il devient instructeur de 1926 à 1928, dansl’armée populaire révolutionnaire mongole. En 1929,il fait un passage à l’Académie Frounze. Il y apprendla notion d’opération en profondeur et est confondupar les théories développées par Toukhatchevski. En1930, il reçoit le commandement de la 7ème division decavalerie de Samara. Un de ses subalternes n’estautre que Joukov. En 1936, il dirige le 5ème corps decavalerie de Pskov.

Lorsque Staline décrète l’élimination systématique deses opposants et entreprend de purger son armée,Rokossovski est exclu du parti communiste le 27 juin1937. Le 22 juillet, il est démis de ses fonctions etrenvoyé de l’Armée rouge. Le 17 août, il est arrêté etemprisonné pour sabotage et espionnage au profit deson pays natal, la Pologne. Pendant près de 3 années,il reste enfermé et subit toutes sortes de sévices. Ilperd 9 dents. Ses ongles sont arrachés. Il a 3 côtesbrisées. À 3 reprises, ses geôliers lui font croire à saprochaine exécution. Malgré tout, il s’accroche à la vie.Enfin, le 22 mars 1940, il est libéré grâce àl’intervention salvatrice du maréchal Chapochnikov. Ilest blanchi de fait et peut rejoindre l’Armée rouge oùil retrouve ses grade et fonctions. Le 4 juin 1940, ilest promu au grade de major général. En novembre,il commande à un corps d’armée, la IXème blindée.

En 1941, Rokossovski est présent avec ses chars lorsde l’affrontement de Lutsk-Dubno-Brody, pour retenirl’avancée de Von Runstedt en Ukraine. Il prend la têtede la 4ème armée et parvient avec ses blindés àévacuer une partie des troupes soviétiques lors de la

24

HISTOMAG’44 MAG

44

(*) Docteur en Chirurgie Dentaire, Docteur en Épistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques, Lauréatet membre associé national de l’Académie nationale de chirurgie dentaire.

Maréchal KonstantinKonstantinovitch Rokossovski

Domaine public

Avec Montgomery en 1945© CORBIS

Page 25: histomag'44 N°72

bataille de Smolensk. En septembre, il dirige la 16ème

armée. Il le fait jusqu’en juillet 1942. Impliqué dansla défense de la capitale moscovite, tout comme àDubno, il n’hésite pas à juste titre, à s’opposer auxdirectives de Joukov, son supérieur hiérarchique. Pourcela, la médaille de l’Ordre de Lénine lui estdécernée1.

Le 8 mars 1942, Rokossovski est grièvement blesséau cours des combats. Il séjourne à l’hôpital pendantde longs mois. Lorsqu’il retrouve son unitécombattante, il est devenu lieutenant général. Enjuillet 1942, il dirige les opérations sur le front deBriansk. L’avancée des Allemands est si fulgurantequ’il limite les dégâts autant qu’il peut. Lorsquel’opération Uranus est décidée, il en commande l’ailenord. Alors que la VIème armée allemande est encercléeà Stalingrad par les troupes soviétiques, c’est encorelui qui reçoit des mains du maréchal Paulus, lacapitulation des soldats allemands, le 31 janvier19432.

Le 28 avril 1943, il est élevé au rang de générald’armée. Avec ses hommes, il combat les Nazis àKoursk du 5 juillet au 23 août 1943. Son dispositifdéfensif est si performant que les blindés allemandssont stoppés rapidement. Sa riposte vers Orel estd’une violence extrême. Les Allemands sont débordés.En octobre 1943, il devient chef des armées présentessur le front de Biélorussie. L’opération Bagration, du22 juin au 19 août 1944, voit le jour sous sonimpulsion, en parfaite association et coordination avecJoukov et Vassilievski.

Le 29 juin 1944, Konstantin KonstantinovitchRokossovski devient maréchal de l’Union soviétique.Le 30 juin, il reçoit sa première étoile de héros del’Union soviétique, distinction suprême. Il recevra laseconde le 1er juin 1945.

De novembre 1944 à juin 1945, il est omniprésent enPrusse orientale et en Poméranie. Il entre dans lacapitale allemande par le nord et fait la jonction avecles forces alliées dirigées par Montgomery, à la fin dumois d’avril.

Le 24 juin 1945, Staline lui demande de diriger laparade de la victoire sur la Place rouge.

En remerciements pour les services rendus, Staline lepromeut commandant en chef des armées soviétiquesen Pologne. En 1949, il est ministre de la Défense etvice-président du Conseil des ministres. En 1956, lesmanifestations populaires le conduisent à quitter sesfonctions et à regagner l’Union soviétique en 1957 oùil retrouve ses prérogatives de vice-ministre de laDéfense et du commandement du district militaire deTranscaucasie. En 1962, il prend sa retraite.

Il décède le 3 août 1968. Son urne funéraire a étéscellée dans le mur du Kremlin.

Références bibliographiques

Beevor Antony, Stalingrad, Le Fallois (éd.), Paris,1999.

Bertin C., La Seconde Guerre mondiale, Famot (éd.),Genève, 2004.

Boyle D., La Seconde Guerre mondiale, Gründ (éd.),Paris, 1999.

http://fr.wikipedia.org, Constantin Rokossovski, 2010,pp.1-4.

http://www.universalis.fr, Rokossovski KonstantinKonstantinovitch (1896-1968), 2010, pp.1-2.

Krieg E., La Seconde Guerre mondiale, Crémille (éd.),Genève, 1994.

25

HISTOMAG’44MAG

44

Krieg, 1994 ; Boyle, 1999 ; Bertin, 2004.

Krieg, 1994 ; Boyle, 1999 ; Beevor, 1999 ; Bertin, 2004 ;http://fr.wikipedia.org, 2010).

1 :

2 :

Konstantinovitch en 1916

Domaine public

Page 26: histomag'44 N°72

L’insurrection de Varsovie (1ere partie)

Par Olivier Vallois

Nous vous présentons ici l‘insurrection deVarsovie au jour le jour, du 27 août 1944 à sonaboutissement cruel et héroïque le 5 octobre -

date de la sortie des derniers régiments de l’AK (ArmiaKrajowa - Armée de l’intérieur NDLR). Une page degloire dans l’histoire Polonaise, une page relativementsombre dans celle des Alliés. En tous cas, une pagerarement considérée dans l’Histoire de la SecondeGuerre mondiale.

27.07.1944

Les Allemands réussissent à contrôler la panique. Desunités de la Police et de la SS, préalablement évacuéesde la ville y reprennent leurs quartiers. Les bureauxreprennent leur travail.

• L’Armée Rouge s’empare de Garwolin et entame sespréparatifs en vue du franchissement de la Vistule àproximité de Magnuszew. Les unités motoriséesallemandes arrivent dans le secteur de Modlin etMlociny. Des renforts blindés se regroupent autour deSkierniewice et Żyrardów.

• À 10 h 00 du matin, commence un Briefing enprésence de tout le commandement de l’Armée del’Intérieur. Les opinions divergent quant à l’opportunitéde déclencher une insurrection armée dans Varsovie.Après avoir discuté avec les représentants dugouvernement en exil, le Commandant en chef del’Armée de l’Intérieur, le Général Tadeusz Komorowski“Bór” décide que la Bataille de Varsovie débutera aucours des jours suivants. La date exacte dusoulèvement devra dépendre des développements surle front et des actions allemandes.

• Vers midi, le Commandant du secteur de Varsovie,le Colonel Antoni Chruściel “Monter” tient le dernier

briefing avec lescommandants de dis-trict et les officiers deson état-major.

• Vers 17 h 00, lesautorités allemandesadressent un ordre deréquisition pour centmille habitants, âgésde 17 à 65 ans, devantse présenter pourcreuser des fortifi-cations le long de laVistule. Les travaux,devant durer dix jours,doivent commencer lelendemain.

• À 19 h 00, compte tenu de ces développements, leColonel “Monter” ordonne la mobilisation, sansconsultation préalable du Quartier-Général.

28.07.44

• Aux premières heures du jour, les unités de l’AK

reçoivent l’ordre du Colonel Antoni Chruściel “Monter”.Partout dans la ville, la mobilisation se passe commeprévu, avec efficacité et rapidité. Aux environs demidi, des milliers de volontaires attendent l’heure« W » avec impatience…

• L’ordre de réquisition des cent mille habitants, telsque promulgué la veille par l’occupant est ignoré parla population. Il règne sur la ville une tension palpable.

• Devant l’absence totale de réaction de l’occupant, lecommandement de l’AK décide de retarder ledéclenchement de l’insurrection. L’ordre demobilisation est annulé.

• À 16 h 00, par ordre du Colonel “Monter”, la mise enalerte des troupes est annulée et celles-ci repassenten état « d’alerte simple ».

29.07.1944

• Tous les symptômesde la panique au seinde l’appareil militaireet civil allemand ontdisparus.

• Les Allemands mi-nent les pontsPoniatowski et Kier-bedz et fortifient leurtêtes de pont. Les ruessont sans cessearpentées par despatrouilles de Police etde l’Armée.

• Le Général Tadeusz Komorowski “Bór” dé-cide quel’insurrection commencera à 17 h 00 le 1er août 1944,de son côté, le Colonel Antoni Chruściel “Monter»rapporte qu’un laps de temps de 12 heures devraitêtre suffisant pour répéter la mobilisation.

30.07.1944

• Les Unités Soviétiques atteignent les abords dePraga à proximité de Radzymin, Wolomin et Okoniew.

• À Śródmieście, les journaux diffusés de façonconfidentielle sont pour la première fois distribuésdans la rue à la criée.

• Malgré une présence importante de la Police et del’Armée allemande dans les rues, une atmosphère dedétente prévaut dans la ville.

• Le Premier Ministre en exil à Londres, StanisławMikołajczyk arrive à Moscou pour entamer desdiscussions avec Staline.

31.07.1944

Le Général Reiner Stahel, nommé Commandant de laGarnison de Varsovie par Hitler, arrive en ville. Il aordre de défendre les carrefours clés contre toute

26

HISTOMAG’44MAG

44

Général Tadeusz “Bór”Komorowski (1895-1966)

Wikipédia

Colonel Antoni “Monter”Chrusciel (1895-1960)

Wikipédia

Page 27: histomag'44 N°72

insurrection avec tous moyens et force en sapossession.

• Lors du briefing du matin - au Quartier Général del’AK – les chefs de l’armée secrète décident deretarder le déclenchement de l’insurrection.

• Lors du briefing del’après-midi, la red-dition de la 73ème

Division allemande -défendant les fau-bourgs de la ville - estannoncée, ainsi que devastes mouvementsd’enveloppements ef-fectués par les forcessoviétiques autour deVarsovie. De plus, leColonel Kazimierz Ira-nek-Osmecki “Heller”fait état du redé-ploiement de laDivision Blindée « Her-mann Göring » dans

Praga en fin d’après-midi. Après avoir analysé lasituation, en présence et avec l’assentiment duDélégué du Gouvernement de la République dePologne Jan Stanislaw Jankowski “Sobol”, le Général“Bor” donne l’ordre au Colonel “Monter” de déclencherles opérations militaires le lendemain à 17 h 00.

• Les ordres encodés sont prêts à 20 h 00. À cause ducouvre-feu, plusieurs groupes ne le recevront pasdans les temps.

• La mobilisation des forces insurgées sera applicableà 40 000/45 000 hommes, organisés en huit districtssubordonnés au Commandement de l’AK de Varsovieet ses unités séparées. Ils conservent leurs codesd’origine :

I. Śródmieście - code “XXI”, commandeur Lt. Col.Edward Pfeiffer “Radwan” ;

II. Żoliborz - code “XXII”, Commandeur Lt. Col.Mieczysław Niedzielski “Żywiciel” ;

III. Wola - code “XXIII”, Commandeur Maj. JanTarnowski “Waligóra” ;

IV. Ochota - code “XXIV”, Commandeur Lt. Col.Mieczysław Sokołowski “Grzymała” ;

V. Mokotów – code “XXV”, Commandeur Lt. Col.Aleksander Hrynkiewicz “Przegonia” ;

VI. Praga - code “XXVI”, Commandeur Lt. Col. AntoniŻurawski “Bober” ;

VII. Province [Powiat] - code “XXVII”, “Obroża”,Commandeur Maj. Kazimierz Krzyżak “Bronisław” ;

VIII. Okęcie – code “XXVIII”, Commandeur Maj.Stanisław Babiarz “Wysocki”, “Gniewosz”.

01.08.1944

À partir de 07 h 00, des messagers parcourent la villeen tous sens, portant l’ordre du Commandant de l’AKpour la ville de Varsovie, le Colonel Antoni Chruściel“Monter”, de déclenchement de l’insurrection pour le1er août à 17 h 00.

• À 17 h 00, Heure “W”, l’insurrection de Varsovie -

initialement appelée “soulèvement d’août” – estdéclenchée. Dans certains districts de la ville, lescombats commencent avant l’heure dite, c’est auxenvirons de 14 h 00 à Zoliborz, à Śródmieście et enfinà Wola juste avant 16 h 00.

• Près de 30 000 combattants de l’AK participent auxcombats pour la ville de Varsovie. Les insurgés sontsous armés : on estime que moins de 10 % d’entreeux portent les armes. Ils font face à une garnisonallemande de 20 000 hommes, entraînés et équipéspour la guerre. Les Allemands savent pouvoir compterde plus sur des unités blindées de première ligne,concentrées sur les deux rives de la Vistule, ainsi quesur un soutien aérien et d’artillerie.

• Le commandement de l’AK pour la région deVarsovie, avec à sa tête le Colonel “Monter”, s’installesur Jasna, dans le Victoria Hôtel tombé aux mains desinsurgés.

• En de nombreux endroits, la Garnison Allemandeparvient à repousser les rebelles. Parmi les objectifsprioritaires, les insurgés mettent la main sur :

- un magasin de vivres et uniformes sur Stawki,

- des casernements situés dans les bâtiments del’école St Kinga sur Pkopowa, l’Institut GéographiqueMilitaire sur Aleje Jerozolimskie,

- le bâtiment de l’Office municipal des transports àl’angle des rues Swietokrzyska et Marszalkowska,

- du plus haut gratte-ciel de la ville, le Prudential surla Place Napoléon,

- le Bureau principal des Chemins de Fer au coin desrues Targowa et Wilenska dans Praga.

Le seul secteur de la ville que les insurgés parviennentà nettoyer de toute présence ennemie est la VieilleVille. En clair, la Varsovie insurgée se compose deplusieurs centres de combat, divisés par les forcesennemies.

• Des objectifs stratégiques de première importance,tels que les ponts sur la Vistule, les gares, les terrainsd’aviation ainsi que de nombreuses casernesallemandes restent aux mains de l’ennemi.

• Durant la nuit plusieurs milliers d’insurgés dessecteurs de Żoliborz, Wola, Ochota et Mokotówévacuent la ville et se replient dans les forêtsavoisinantes.

• Les civils, spontanément, se joignent aux opérations

27

HISTOMAG’44MAG

44

Jan Stanislaw “Sobol”Jankowski (1882-1953)

Wikipédia

Les soldats de l’AK montent au combat

Page 28: histomag'44 N°72

des insurgés, aidant les soldats à édifier barricades etfortifications, à creuser des tranchées antichars, leurapportant de la nourriture, de l’eau, etc.

• D’après le commandant en chef des forcesallemandes de Varsovie, le Lieutenant-Général. ReinerStahel, les pertes en date du 1er août se montent à2 000 Polonais et 500 Allemands.

02.08.1944

Vers 09 h 00 une station radio, située dans l’usineKamler, au coin de Okopowa et Dzielna dans le Districtde Wola commence à émettre. Le commandement del’AK envoie une série de câbles à Londres, rapportantle déclenchement de l’insurrection et faisant état dela violence des combats. Les câbles réclament aussiaide et assistance.

• Les insurgés se rendent maîtres de l’ensemble de lavieille ville, et s’emparent d’un certain nombred’objectifs prioritaires dans d’autres parties de la ville,tels que the State Securities Plant on SanguszkiStreet.

• Dans le nord, à Śródmieście, les insurgés s’emparentde différents centres de résistance, incluant le Bureaude Poste principal sur Napoleon Square, ainsi que lebâtiment de l’Arbeitsamt sur Malachowski Square.Dans la partie sud de Śródmieście, le chaos despremières heures de l’insurrection continue. Lesinsurgés s’emparent de la Centrale de Powisle et dubâtiment de la Sécurité Sociale à Czerniaków.

• À Żoliborz, les insurgés ne parviennent pas às’emparer des positions allemandes essentielles. Aucours de la nuit du 1er août, le commandant du districtordonne un retrait de ses forces dans la forêt deKampinos. À l’aube, les troupes du secteur VIII duDistrict VII « Obroza » commandées par le CapitaineJózef Krzyczkowski “Szymon”, lancent une attaqueavortée sur le terrain d’aviation de Bielany.

• À Wola, les forces ennemies essayent de repousserles insurgés et de pénétrer dans la cité par l’ouest etPowazki. Les insurgés mettent en place une résistanceefficace. Les soldats du bataillon “Zoska” s’emparentde deux Panthers.

• À Ochota, où il s’avère impossible de prendre lecontrôle total du district et d’établir descommunications avec les secteurs voisins de Wola etŚródmieście, le commandant du District, le Lt. Col.Mieczysław Sokołowski “Grzymała”, déplace unequantité considérable de ses forces dans les forêts

voisines pendant la nuit du 1er août. Tôt le matin,quelques uns engagent l’ennemi, à proximité dePeçice, et subissent de très lourdes pertes. Les unitésqui sont restées en ville couvrent les arrières.

• À Mokotów, l’essentiel des unités du District Vbattent en retraite dans la forêt de Kabacki pendantla nuit du 1er août. Les troupes restantes réussissentà surmonter la crise des premières heures de combatet s’emparent de la partie sud du District. Parmi leursobjectifs, les insurgés s’emparent d’une école surWoronicza, mettant du même coup la main sur unstock considérable d’armes et de munitions.

• À Praga, les insurgéssont chassés desbureaux de la Directiondes chemins de fer, àl’angle de Wileńska etTargowa.

• Krystyna Krahelska,toubib “Danuta” auPoste de comman-dement “Jeleń”,grièvement blessée autout début de l’insur-rection, meurt à l’hôpital. Elle avaitrédigé une chansonpopulaire “Hej, chło-pcy, bagnet na broń !”,et façonné la statue dela Sirène de Varsovie.

03.08.1944

La Brigade RONA (Russkaya OsvoboditelnayaNarodnaya Armya) sous le commandement duGénéral renégat Bronisław Kamiński entre dansOchota.

• Dans Ochota, Śródmieście et Wola l’ennemi utilisedes civils comme boucliers humains, couvrant leursattaques contre les tirs insurgés.

• Les unités ennemies mettent le feu aux maisons,massacrent les civils, essentiellement dans Wola,Mokotów et Ochota.

• À Śródmieście, les insurgés s’emparent de plusieursobjectifs stratégiques d’importance, le Centre de tripostal ferroviaire sur Aleje Jerozolimskie, à proximitéde Zelazna, l’hôtel Dom Turystyczny sur StarynkiewiczSquare et la caserne de la Police Allemande« Nordwache », à l’angle de Chlodna et Zelazna dansla partie sud de Śródmieście, et ils réussissent às’emparer de l’essentiel de l’Institut de Technologie.

• Les Allemands attaquent depuis le Pont Poniatowskiprogressant vers la Gare centrale.

• Dans la Vieille Ville, les Forces polonaises s’emparentdu Palais Blanc et prennent position dans l’Arsenal surDluga ainsi que dans le Palais Mostowski.

• Par ordre du Commandeur de district, les unités duLt. Col. Mieczysław Niedzielski “Żywiciel” retournent àŻoliborz.

• À Wola, l’ennemi exerce une pression forte sur lestroupes insurgées. Vers 20 h 00, la Luftwaffedéclenche son premier raid de bombardement sur

28

HISTOMAG’44MAG

44

Volontaires de l’AK combattant dans la vieille ville

Krystyna Krahelska (1914-1944)

Wikipédia

Page 29: histomag'44 N°72

Wola et le reste de Varsovie.

• Dans Mokotów, les insurgés fortifient la partie suddu district.

• Réalisant que ses chances de s’emparer du districtsont virtuellement nulles, le Lt. Col. Antoni Żurawski“Bober”, commandant de l’AK, décide de cesser lecombat. Les insurgés reprennent les travauxsouterrains. À la mi-août, quelques-uns parviennent àtraverser la Vistule à Silece, Sadyba et la forêt deKampinos.

• Le Cadet Józef Szczepański “Ziutek” du Bataillon“Parasol” écrit le texte de la chanson “Pałacyk Michla”.

04.08.1944

Les violents combats continuent autour de l’AlejeJerozolimskie. Tôt le matin, une unité allemande de la9.Panzer Division se fraye un passage depuis le PontPoniatowski vers Grojecka.

• Pendant la nuit du 3 août, les insurgés s’emparentdu rez-de-chaussée du bâtiment PAST situé surZielna. Après de féroces combats, ils abandonnent lebâtiment à l’aube.

• À l’est de la rue Krakowskie Przedmiescie, le groupe“Krybar” fortifie ses positions.

• Dans le sud de Śródmieście, les insurgés lancent uneattaque de nuit contre le “Soldatenheim” situé dansl’école maternelle Królowa Jadwiga Grammar.

• L’état-major de l’AK pour le district de Śródmieścieémigre des ruines de l’hôtel Victoria à l’immeuble dela Banque PKO à l’angle Świętokrzyska et Jasna.

• Les Troupes du Capitain Józef Krzyczkowski“Szymon” se redéploient dans les secteurs d’Izabelin,Sierakow et Truskaw.

• À Żoliborz, les positions des insurgés en contactconstant avec l’ennemi sont renforcées. Les troupesdu Lt. Col. Mieczysław Niedzielski “Żywiciel”s’emparent de tout le secteur s’étendant entre Wilsonaet l’Inwalidów Square et Aleja Wojska Polskiego.

• À Wola, les Allemands attaquent les barricades surWolska et Górczewska de manière ininterrompue. LaLuftwaffe survole sans cesse la ville, soutenantl’infanterie et gênant la défense polonaise.

• Les troupes du Lt. Col. Jan Mazurkiewicz “Radosław”lancent une attaque contre le Ghetto de 1944 (LeGrand Ghetto de Varsovie à cette date n’existe plusCelle-ci échoue.

• Heinrich Himmler envoie de nouveaux renforts,dirigés par le Général de la Police Heinz Reinefarth etle SS BrigadeFührer Oskar Dirlewanger, qui disposentleurs formations dans le secteur occidental de Wola.

• La Brigade RONA du Gen. Kamiński passe de Okęcieà Ochota et entame des massacres de masse, assortisde violences, sacs et pillages. De petits groupesd’insurgés tiennent encore par ci par là.

• Mokotow est le théâtre de combats sanglants. LesAllemands massacrent 200 personnes dans le secteurde la Rue Olesinska.

• Le Poète, Cadet Krzysztof Kamil Baczyński “Krzyś”,soldat au Bataillon “Parasol”, meurt au Palais Blanc.

05.08.1944

• À partir de 01 h 00, le premier parachutage a lieu,annoncé par la radio la veille. Trois appareilsbritanniques lancent du ravitaillement dans le secteurdes cimetières, l’hôpital Wolski et Fort Bem.

• Vers 07 h 00, les troupes du Général Reinefahrt etla Brigade Dirlewagner lancent une attaque à grandeéchelle, essayant de se frayer un passage par lesjardins Saski, d’ouvrir l’axe Est-Ouest depuis Wolajusqu’au Pont Kierbedz.

• “Dimanche noir” à Wola– des massacres de massecommencent dans ledistrict. Pendant les quel-ques jours suivants,environ 40 000 habitantsdu district sont massacrés.Quelques rares personnesparviennent à évacuer lesecteur, passant par lesrues Śródmieście etOkopowa. Les Allemandsmettent le feu à tous lessecteurs de Wola dont ilss’emparent.

• Vers 17 h 00 le bataillon “Zośka” s’empare du“Konzentrationslager Warschau”, un camp deconcentration situé sur Gęsia Street, et libère lescaptifs juifs – 324 hommes et 24 femmes, venant dedifférents pays européens.

• À Ochota, deux redoutes des insurgés, séparéesl’une de l’autre, le Monopole du Tabacsur Kaliska,

29

HISTOMAG’44MAG

44

Bombardement sur VarsovieGruppenführer Heinz Reinefarth (à gauche)

«... des massacres demasse commencent...»

Page 30: histomag'44 N°72

commandé par le sous-lieutenant. Andrzej Chyczewski“Gustaw” et celle du n° 60 Wawelska (“WawelskaRedoubt”) commandée par le sous-lieutenant JerzyGołembiowski “Stach”, défendent les axes deprogression principalement au Pont Poniatowski.Environ 300 insurgés défendent leur position face àdes forces écrasantes de la brigade RONA.

• Le Col. Antoni Chruściel “Monter” décide deréorganiser les insurgés. Trois centres de bataille sontdessinés : Śródmieście, Sud et Nord.

• Le délégué du Gouvernement pour Varsovie, MarceliPorowski “Sowa” prend les pleins pouvoirs civils sur laville de Varsovie et est nommé Président.

• Vers 19 h 00, le Lt. Gen. SS Erich von dem Bach,nommé par Himmler commandant en chef des forcesallemandes combattant l’insurrection, arrive àVarsovie.

06.08.1944

Au cours de la nuit du 5 Août, Mokotów préalablementisolé, parvient à rétablir les communications avecŚródmieście. L’officier commandant le dépôt sur AlejeJerozolimskie, Elżbieta Ostrowska “Ela”, se fraye unpassage depuis Śródmieście vers Mokotów en passantpar les égouts.

• À 06 h 00, les unités du Gen. Reinefahrt lancent uneattaque contre les cimetières. Elles parviennent àrepousser les insurgés, les troupes du groupe“Radoslaw” reprenant les cimetières Evangéliques etCalvinistes.

• Le Général Tadeusz Komorowski “Bór” décided’évacuer de l’ancien poste de commandement - situédans l’usine Kamler – son état-major ainsi que les

personnels du bureau du délégué, passant de Wola àla Vieille Ville. Le nouveau Poste de Commandementest situé dans une école au numéro six de la RueBarokowa.

• Parallèlement à leur attaque contre Wola, les unitésde Dirlewanger lancent un assaut contre la ligne desrues Chlodna et Elektoralna en direction de ŻelaznaBrama.

• Dans l’après-midi, les unités de dégagementallemandes se frayent un passage dans les jardinsSaski. Elles font leur jonction avec le groupe duGénéral Stahel, isolé dans le Palais Brühl depuis ledébut de l’insurrection.

• Manquant cruellement d’armes et de munitions, le9ème Groupe, sous le commandement du CapitaineGustaw Billewicz “Sosna”, abandonne le quartier desbrasseries sur Grzybowska et se replie sur Leszno. Àpartir de là, ils entament un repli vers la Vieille Villeau cours des jours suivants.

• Après d’intenses combats, les troupes dirigées parle Capitaine Wacław Stykowski “Hal” évacuent Wola etpassent dans Śródmieście. Parmi leurs nouvellesaffectations, se trouvent les bâtiments des BrasseriesHaberbusch et Schiele sur Ceglana. Les stocks d’orgeimpressionnants se trouvant dans les entrepôts desbrasseries sont les bienvenus pour les combattants etla population commençant à souffrir cruellement dela faim.

• La division de la ville en plusieurs secteurs estencore accrue, le Groupe du Nord se charge des

secteurs des cime-tières, de la vieilleville, Zoliborz etKampinosŚródmieście est jointeà Powiśle et Czernia-ków. Au Groupe duSud, la charge dedéfendre Mokotowainsi que Sadyba etles forêts de Kabackiet Chojnowski.

• Dans Powisle, lepersonnel de laCentrale produit ducourant de façonincessante, tout endéfendant ses posi-tions sur WybrzeżeKościuszkowskie.

• Le service postal Scout commence à fonctionnerdans Śródmieście, dirigé par le Sous-Lieutenant.Przemysław Górecki “Kuropatwa”, lui-même chefscout.

• À Pruszkow, dans un centre de tri ferroviaire, lesAlle-mands ouvrent le premier camp de transit pourles civils évacués de Varsovie – le “Dulag 121”. Plusd’un demi-million de civils évacués pas-seront par là.

07.08.1944

• À Wola, les unités du Général Reinefarth attaquentdepuis l’aube. Les insurgés sont repoussés depuis lessecteurs des rues Chłodna Ogrodowa, MirowskiSquare, le Marché Hale Miro-wskie et Żelaznej Bramy

30

HISTOMAG’44MAG

44

Barricade au pied du Building Prudential

Jeune volontaire de l'AK. Lesmineurs étaient

théoriquement dévolues auxtaches de messagers,estafettes et facteurs..

Prisonniers libérés du camp de concentration deGesia Street

Page 31: histomag'44 N°72

Square. Les Allemands disposent de la haute main surla ligne allant de Wolska et Chłodna jusqu’aux JardinsSask. Les chemins d’accès aux Cimetières et à laVieille Ville depuis Śródmieście sont coupés.

• Dans les secteurs des rues Chłodna et Elektoralna,les Allemands continuent les massacres de masse decivils. Les habitants de Varsovie sont transformés en« barricades vivantes ».

• Dans l’après-midi, la contre-attaque polonaisecontre Mirowski Square débute, organisée par le MajorStanisław Steczkowski “Zagończyk”. Au soir, les forcesennemies continuent de repousser les insurgés vers larue Grzybowska et Grzybowski Square.

• Incapable de passer à Zoliborz, le Col. Karol Ziemski“Wachnowski” organise la défense de la Vieille Ville entant que commandant du Groupe Nord.

• Dans Ochota, les unités RONA se déplacent versl’est. La pacification violente du district continue.

• La construction d’une tranchée et d’une barricadecommence au travers d’Aleje Jerozolimskie du nord ausud, entre les maisons 20 et 17. Jusqu’au dernier jourde l’insurrection, le franchissement d’AlejeJerozolimskie par ce biais permettra de joindre lesdeux parties de Śródmieście, servant à évacuer lescivils et à acheminer armes, munitions etravitaillement.

08.08.1944

• Dès les premières heures du jour, l’ennemi lance desattaques sur la Vieille Ville en provenance de

différentes directions, le long des rues Tłomackie etBielańska, par le Teatralny Square vers l’Hôtel de Villeet depuis Rybaki. Au soir, les forces allemandesreculent sur leurs positions de départ.

• Les unités du Général Reinefarth attaquent lesecteur des cimetières.

• À Żoliborz, les insurgés s’emparent des environs del’Institut de chimie et de la caserne sur la rueGdanska.

• À Ochota, la situation devient de plus en pluscritique au fur et à mesure que les heures passent.Depuis la « Redoute Wawelska » les insurgés creusentun passage dans le sous-sol, permettant d’atteindreles égouts.

• À Kampinos, le Lt. Adolf Pilch “Dolina” organise lerégiment “Palmiry-Młociny” composé des troupesvenant de la forêt de Nalibocka, ainsi que des forcesdu VIIIème secteur du VIIème District “Obrozaé” et desdistricts avoisinants. Le Capitaine Józef Krzyczkowski“Szymon”, commandant des forces de l’AK pour laforêt de Kampinos, recule avec ses hommes versl’ouest et le Janówek – Brzozówka – Roztoka afind’éviter de se retrouver isolé.

• Depuis le bâtiment de la Banque PKO à l’angle deJasna et Świętokrzyska, la station de radio“Błyskawica” émet pour la toute première fois.

09.08.1944

• À Śródmieście, depuis un appartement surplombantDabroskiego Square, la Radio polonaise commence àémettre.

• À Śródmieście et Powiśle les insurgés repoussent lesattaques ennemies les unes après les autres.

• Dans la Vieille Ville, les insurgés parviennent àcontenir une attaque ennemie provenant du PontKierbedz par Zamkowy Square. L’Hôtel de Ville et larue Miodowa sont sujets à des tirs incessants. Dansl’après-midi, la Luftwaffe bombarde la Place du Marchédans la Vieille Ville.

• L’état-major et les services du Groupe Nordentament les opérations.

• Une unité commandée par le Capitaine GustawBillewicz “Sosna” tente de détruire un train blindétirant sur les positions insurgées depuis la Gare deGdanski.

31

HISTOMAG’44MAG

44

Au début de l’insurrection, on fait encore desprisonniers

Récupération des parachutages alliés

«Le service postal Scout commence à fonctionner ...»

Page 32: histomag'44 N°72

• Les unités sous le commandement du Lt. Col. JanMazurkiewicz “Radosław” tiennent encore le secteurdes cimetières, protégeant ainsi la Vieille Ville.

• À Ochota, les insurgés sont forcés d’évacuer lesbâtiments de la “Redoute Kaliska”. Pendant la nuit,une unité, sous le commandement du Sous-LieutenantAndrzej Chyczewski “Gustaw”, forte d’environ 90hommes, passe dans la forêt de Chojnowskie.L’ennemi continue ses attaques contre la « RedouteWawelska ».

• À Mokotów, le Régiment “Baszta” s’empare dusecteur bordant les rues Puławska, Szustra, AlejeNiepodległości et Woronicza. Les insurgés dans DolnyMokotów tiennent leurs positions dans le secteur deMączna, Przemysłowa, Rozbrat, Szwoleżerów etPodchorążych.

• À Moscow, au cours des discussions avec le PremierMinistre Stanisław Mikołajczyk, Staline propose unpont aérien pour aider Varsovie.

10.08.1944

• À Wola, et malgré la pression ennemie, les insurgésparviennent à tenir leur positions sur Okopowa, lesecteur des cimetières et la rue Stawki.

• À Powiśle, les insurgés renforcent leurs positions.L’artillerie allemande continue à bombarder la Centralefournissant du courant à toute la ville.

• À Ochota, les unités de la RONA continuent à pacifierle quartier. La « Redoute Wawelska » continue àrepousser les attaques ennemies. Au soir, après deuxjours passés à creuser, les défenseurs du réduitétablissent un passage par les égouts.

• Dans l’après-midi, l’aviation allemande lance destracts appelant la population à évacuer la ville.

• Pendant la nuit du 9 août, les avions britanniquesapparaissent au dessus de Śródmieście et Mokotów eteffectuent des parachutages d’armes et de munitions.Le premier parachutage d’armes atteint les troupesdans Kampinos.

11.08.1944

• Les Allemands déclenchent une attaque générale surla rue Okopowa, le secteur des Cimetières et les ruinesdu Ghetto. Face à la supériorité numérique écrasantede l’ennemi, les troupes, commandées par le Lt. Col.Jan Mazurkiewicz “Radosław” battent en retraite après

avoir essuyé de lourdes pertes vers la rue Stawki. Ladéfense de Wola s’effondre, la rue Stawki devient lepoint de défense le plus éloigné sur l’ouest couvrantla Vieille Ville.

• Les Allemands attaquent la Vieille Ville depuisMariensztat et les ruines du Château et depuisTeatralny Square. En plus des bombardements aériensquotidiens, la Vieille Ville est à son tour bombardéepar l’artillerie allemande depuis Praga sur la riveorientale de la Vistule.

• Pendant la nuit du 11 août, la garnison de la VieilleVille reçoit des parachutages d’armes et de munitions.

• Le dernier point de résistance dans Ochota, la“Redoute Wawelska” s’effondre. Les troupescommandées par le sous-Lieutenant JerzyGołembiewski “Stach” évacuent le secteur par leségouts en direction de Śródmieście et Mokotów. Lesunités de la RONA s’emparent d’Ochota et descendentvers Aleje Jerozolimskie Street, se rapprochant deStarynkiewicza Square.

12.08.1944

• Violents combats pour les rues Stawki et Lesznosans interruption. Dans l’après-midi, les insurgésreprennent une école et les entrepôts sur Stawki, queles Allemands avaient pris quelques heures plus tôt.Le Maj. Wacław Janaszek “Bolek” prend lecommandement du groupe “Kedyw” après la blessuredu Lt. Col. Jan Mazurkiewicz “Radosław”.

• Les insurgés repoussent les attaques ennemies surles barricades des rues Podwale, Świętojańska, Piwna,Senatorska et Miodowa, contre l’Hôtel de ville et lePalais Blanc. Les Allemands déclenchent une attaquede grande envergure contre les Jardins Krasinski, lePalais Mostowski et les barricades sur Leszno.

• Il est décidé de déplacer le Quartier Général de l’AKde l’école située au 6 Rue Barokowa, sous le feuennemi, pour le bâtiment du Ministère de la Justice,au 7 Dluga.

• Dans le secteur du Starynkiewicza Square, les unitésde la RONA lancent une attaque. Après de violentscombats, l’ennemi force les unités du groupe “ChrobryII” à reculer, passant par le réservoir d’eau, le postecentral des égouts, l’Hôtel Tourist, l’Institut de

32

HISTOMAG’44MAG

44

Mortier automoteur de 600 mm «Karl» utilisé pourdétruire Varsovie

les combattants des égoutsLes femmes furent très actives dans les sous-sols.

Page 33: histomag'44 N°72

Géographie Militaire et le Bureau de District. “ChrobryII” tient encore le nord d’Aleje Jerozolimskie,s’accrochant au bureau des chemins de fer DomKolejowy et aux bureaux du tri postal ferroviaire. Aumême moment, les troupes ennemies attaquent lelong de la rue Grzybowska et depuis Chłodna le longdes rues Żelazna et Waliców. L’attaque est repoussée.

13.08.1944

• Les Allemands lancent une attaque en force contrela Vieille Ville. Depuis Wybrzeże Gdańskie, ilsattaquent la rue Boleść, depuis la Gare de Gdański –la rue Bonifraterska, et le secteur des rues Dzika –Stawki et Pokorna. Depuis les ruines du ghetto, ilsattaquent la rue Nalewki et les jardins Krasiński,depuis les rues Leszno – Długa, Tłomackie etBielańska, et depuis Teatralny Square – l’Hôtel de ville.Après de violents combats, s’étendant sur plusieursheures, et malgré de lourdes pertes, les insurgésréussissent à repousser l’essentiel des attaquesennemies. Ils finissent par abandonner la rue Stawki,et se replient sur la rue Rymarska. Avec la prise de larue Stawki, les Allemands achèvent l’encerclement dela Vieille Ville.

• Au soir, les soldats du Bataillon « Gustaw battalionamènent rue Kilińskiego une voiture blindéeabandonnée par les Allemands sur une barricade ruePodwale. Bourée d’explosifs, la voiture explose devantla maison au numéro 1 tuant 300 personnes, civils etcombattants.

• Les communications entre la Vieille Ville, où setrouve le QG de l’AK, et Śródmieście, où est localisé lePC du Col. Antoni Chruściel “Monter”, sont coupées.Vers 20 h 00, une attaque est lancée par des unitésséparées, commandées respectivement par le Lt.Marian Krawczyk “Harnaś” et le Capitaine de CavalerieHenryk Roycewicz “Leliwa” ainsi que des éléments dugroupe “Chrobry II”. L’objectif est de rétablir uneconnexion entre Śródmieście et la Vieille Ville. Vers01 h 00, l’attaque s’épuise dans le secteur du MarchéMirowskie.

• Au cours de la nuit du 13 août, les troupes durégiment “Baszta” attaquent depuis Mokotów versŚródmieście. L’attaque cesse face à des tirs ennemisincessants. Les insurgés subissent de lourdes peines.Ils ne parviennent pas à s’emparer de la caserne desSS située dans une école à l’angle des ruesKazimierzowska et Narbutta Streets, ainsi que de laMaison Wedel au coin des rues Puławska etMadalińskiego.

• Le Cinéma “Palladium”, sur Złota Street, diffuse lepremier film d’information sur l’insurrection.

14.08.1944

• Durant la nuit du 13 août, l’aviation alliée effectueplusieurs opérations de parachutage sur Śródmieście.

• À 10h30, le Commandant en chef de l’AK, le GénéralTadeusz Komorowski “Bór”, ordonne aux forces de l’AKstationnées en dehors de la capitale de voler ausecours de leurs camarades dans Varsovie.

• L’attaque allemande contre la Vieille Ville enprovenance de l’ouest continue. Les troupes ennemiesfrappent depuis Leszno le long de Tłomackie endirection de la rue Bielańska. De violents combats

continuent pour une barricade et le bâtiment PAST surla rue Tłomackie. Au soir, les troupes du Major GustawBillewicz “Sosna” et du Capitaine Stefan Kaniewski“Nałęcz” repoussent l’ennemi sur sa ligne de la ruePrzejazd.

• Vers midi, l’ennemi attaque Muranów, au départ dela forteresse Traugutt, de la Gare Gdański et de la rueStawki en direction du dépôt de tramways situé rueSierakowska. Les Allemands réussissent à placer un« coin » entre le groupe “Radosław” et celuicommandé par le Lt. Col. Jan Szypowski “Leśnik”. Vers16 h 00, les insurgés reprennent les positions perdues,subissant néanmoins de très lourdes pertes dans labataille.

• Dans la forêt de Kampinos, Le Capitaine JózefKrzyczkowski “Szymon” reçoit ses ordres du ColonelKarol Ziemski “Wachnowski”. Les troupes doivent setenir prêtes et se porter sur leurs positions d’attaqueinitiale dans le secteur de Powązki et les cimetièresjuifs. La manœuvre a pour objet de joindre les forcesde la forêt de Kampinos et celles combattant àMuranów.

• Le réseau de distribution d’eau cesse de fonctionner.

• L’évacuation dramatique de l’hôpital Maltański sur larue Senatorska commence, les malades et les blesséssont dirigés sur Śródmieście.

• Rue Bartoszewicza, les soldats du groupe “Krybar”s’emparent d’un véhicule blindé de transport detroupes qu’ils surnomment “Jaś”. Après la mort de leurchef, ils changeront le nom du véhicule en “SzaryWilk” – le nom de guerre de l’officier – afin d’honorersa mémoire.

15.08.1944

• Les insurgés célèbrent dignement le jour duSouvenir.

• Pendant la nuit du 14 août, l’aviation alliée reprendses parachutages d’armes et de munitions surVarsovie. Les Allemands parviennent à abattre troisdes vingt appareils.

• L’ennemi attaque la Vieille Ville depuis les JardinsKrasiński en direction du Square Teatralny. Les troupesallemandes parviennent à s’emparer du PalaisMostowski, le bâtiment étant repris de nuit par leshommes du bataillon “Wigry”. Au soir, les Allemands

33

HISTOMAG’44MAG

44

Kubus, véhicule blindé maison

Page 34: histomag'44 N°72

attaquent une barricade érigée devant la BanquePolski sur la rue Bielańska et le Couvent desCanonnières sur le Square Teatralny. Les insurgésrésistent avec l’énergie du désespoir.

• À 10 h 00, les Allemands lancent une attaque contrela partie nord de Śródmieście, utilisant des moyenssans précédent dans cette partie de la ville. Ilsattaquent depuis le nord le long des rues Żelazna,Waliców, Ciepła, Rynkowa et Graniczna, et depuisl’ouest le long des rues Srebrna, Sienna, Pańska,Prosta, Łucka et Grzybowska. Au même moment, lespositions des insurgés sont soumises à unbombardement intensif, essentiellement autour de laGare de tri postal et le bâtiment Dom Kolejowy. Lestroupes commandées par le Capitaine WacławStykowski “Hal” et les unités du groupe “Chrobry II”parviennent à repousser l’adversaire sur ses positionsde départ.

• Depuis les Jardins Saski, l’ennemi continue àbombarder Napoleon Square. Le plus haut bâtimentde Varsovie, le Prudential, est la proie des flammes.Des incendies éclatent aussi rue Moniuszki,Sienkiewicza et Mazowiecka.

• Dans Mokotów, deux officiers hongrois sont arrêtés.Le Lt. Col. Stanisław Kamiński “Daniel” va les utilisercomme officiers de liaison pour établir le contact avecle commandement des troupes hongroises stationnéà Zalesie, à proximité de Varsovie. L’unité “Jeleń”commandée par le Capitaine de Cavalerie LechGłuchowski “Jeżycki” prend position dans le fortLegiony Dąbrowskiego.

• À 22 h 00, une unité d’environ 730 soldats, dirigéepar le Lt. Col. Wiktor Ludwik Konarski “Victor”, sort dela forêt de Kampinos et part au secours de la VieilleVille. Dans le secteur de Powazki, le commandant doitabandonner son attaque, ayant perdu le contact avecles autres unités, tandis qu’un certain nombre de seshommes parviennent à rejoindre Zoliborz. Le reste baten retraite dans la forêt.

16.08.1944

• Au petit matin, l’ennemi fait pleuvoir sur la VieilleVille un tonnerre de feu. Les Allemands parviennent às’emparer du couvent des Canonnières sur TeatralnySquare. Plusieurs tentatives pour reprendre lebâtiment échouent. Le Major Mieczysław Chyżyński

“Pełka” parvient à repousser de violentes attaquesennemies contre l’usine sur la rue Sanguszki Streetvenant des rues Rybaki et Zakroczymska. L’attaqueallemande dirigée contre la Place du Marché dans laVieille Ville échoue devant des barricadesfarouchement défendues sur les rues Podwale, Piwnaet Świętojańska.

• Pendant la nuit, les bataillons “Czata 49” et “Zośka”lancent une attaque en vue de faire leur jonction avecles unités venant de la forêt de Kampinos. Le Bataillon“Czata 49” parvient à repousser les Allemands de laRue Stawki et tient ses positions environ trois heures.Une attaque du bataillon “Zośka” s’effondre dans lesecteur de la rue Nalewki.

• L’attaque ennemie contre la partie nord deŚródmieście se poursuit.

• Le Major Alfons Kotowski “Okoń” arrive à proximitéde Laski pour prendre le commandement des troupesde la forêt de Kampinos, et est chargé d’organiser uneattaque de dégagement de la ville.

• Deux poètes de premier plan, le Cadet Zdzisław LeonStroiński “Chmura” et son ami Tadeusz Gajcy “Topór”,sont tués dans les ruines d’une maison sur Przejazd .

• Staline notifie aux Premiers ministres Churchill etMikołajczyk que les autorités Soviétiques sedésolidarisent de la “Warsaw disturbance.”

17.08.1944

• D’intenses tirs ennemis sur la Vieille Ville, denombreuses maisons sont détruites. Des bâtimentstels que la Cathédrale Saint Jean, l’Église de laVisitation de la Vierge Marie dans la Ville Nouvelle, etl’Hôtel de Ville sur Teatralny Square sont la proie desflammes. La Luftwaffe bombarde la Place du Marchédans la Vieille Ville ainsi que les rues Miodowa,Kapucyńska et Hipoteczna. De violents tirs d’artilleriefrappent le bâtiment de la Sécurité d’État sur la rueSanguszki.

• Dans l’après-midi, des unités d’infanterie allemande,soutenues par des blindés attaquent le depôt destramways à Muranów depuis la gare de Gdański et laForteresse Traugutt. Le dépôt est défendu par lestroupes du Lt. Col. Jan Szypowski “Leśnik” et desmembres du Bataillon “Czata 49”. Les insurgésrepoussent l’attaque ennemie.

34

HISTOMAG’44MAG

44

Mortiers «fait-maison» par les insurgés

Sur la barricade

Page 35: histomag'44 N°72

• Au soir, les Allemands attaquent une barricade surla Rue Leszno en utilisant un groupe de femmescomme bouclier humain. Les insurgés parviennentnéanmoins à repousser l’ennemi.

• Les Allemands font une nouvelle tentative pours’emparer de la partie nord de Śródmieście. Ilsattaquent depuis la Rue Towarowa et par le nord, lelong des rues Żelazna, Waliców, Ciepła, Rynkowa etGraniczna. Depuis le sud et les secteurs deStarynkiewicza Square ainsi que ceux de la Gare deFrêt, ils bombardent l’Hôtel des chemins de fer et laGare Postale. Les insurgés parviennent – une fois deplus – à repousser les attaques ennemies. LesAllemands s’emparent de la caserne de la Police sur larue Cielpa, ainsi que du dépôt de ravitaillement de laCompagnie « Pluton » sur la rue Grzybowska.

• Dans l’après-midi, l’ennemi attaque depuis les SaskiGardens en direction des rues Królewska etMarszałkowska. Vers 21 h 00, grâce à l’arrivée in-extremis de renforts, les insurgés parviennent àreprendre leurs positions initiales.

• Au Sud de Śródmieście, les combats se poursuiventde façon incessante dans le secteur se trouvantcompris entre la Rue Polna, l’Institut de Technologieet la Rue Wspólna.

• Dans Żoliborz, les insurgés parviennent à repousserune attaque lancée depuis l’Institut de Chimie endirection du Henkla Square mais subissent de trèslourdes pertes dans la bataille.

• Dans Mokotów, sur ordre du Col. Antoni Chruściel

“Monter”, les hommes du Lt. Col. Stanisław Kamiński“Daniel” prennent position dans les secteurs de Sielceet Sadyba. Il lui est ordonné de préparer des actionscoordonnées avec les troupes venant de la forêt deChojnowskie et essayant d’entrer dans Varsovie.

Les heures écoulées, aussi tragiques soient-elles, nelaissent pas présager l’horreur qui attend la villemartyre lorsque le siège prendra fin le 5 octobre 1944.

À suivre dans un prochain Histomag’44.

Bibliographie

Récits de survivants :

Chodarakowski - l’insurrection de Varsovie.

J. Kuliski - Morts, nous vivons.

J.Zapadko - Le bataillon parasl.

S. Likiernik - the devil’sluck.

J.Rossman - in the warsaw sewers.

Ouvrages :

S. Korbonsky - Fighting Warsaw.

A Borowieck - Destroy Warsaw.

G.Bruce - the warsaw uprising.

N. Davies – Uprising.

Mc Lean - The cruel hunters.

Chodakiewics - the Warsaw Uprising - perceptions &realities.

et une dizaine d’ouvrages photos sur le sujet.

Sources photos

http://www.sppw1944.org

http://www.warsawuprising.com

35

HISTOMAG’44MAG

44

MG 42 Prise à l’ennemi...

... mais les SS ont aussi les leurs

Page 36: histomag'44 N°72

La chute des États baltes : de Narwa à Memel

Par Antoine Merlin

Cet article retrace les opérations militaires s’étantdéroulées entre le 1er février 1944 (date àlaquelle l’Armée rouge, ayant récemment libéré

Leningrad de son long siège meurtrier, arrive à lafrontière estonienne de 1939) jusqu’en janvier 1945,quand de nombreuses unités allemandes sontenfermées dans la « Poche de Courlande », et quand,à part cette poche, la totalité des États baltes sontsous contrôle soviétique, après d’âpres combats, etmalgré une résistance acharnée, qui perdurera sousforme de « maquis » jusqu’au début des années 50 !

Organigramme allemand de février 1944 :

XXVI Armee KorpsSS-Obergruppenführer Anton Grasser

11. ID58. ID214. ID225. ID

XXXXIII Armee KorpsSS-Obergruppenführer Karl von Oven

61. ID170. ID227. IDFeldherrnhalle Panzergrenadier Division (déplacée parla suite).

III. SS-Panzer KorpsSS-Obergruppenführer Felix Steiner

11. SS Panzergrenadier Division «Nordland»(volontaires européens, essentiellement scandinavesou finnois).4. SS Panzergrenadier Brigade «Nederland»(volontaires néerlandais).20. SS Division «Estland» (volontaires estoniens).

Autre unités :

2. et 3. Bataillons de police estoniens.Régiment estonien «Reval».Divers bataillons de gardes-frontières et de policeestoniens.752.PzJäg-Bat502.sPz-Abt

La présence de plusieurs divisions au sol de laLuftwaffe (9ème, 10ème et 12ème Luft-Divisionen) estdatée du 1er Janvier 1944 (OdB de la 18. Armee,comprenant les L. et LIV. Armee-Korps).Soit environ : 123 540 soldats, 32 chars (Tigers I dela 502. SPz-Bat), 137 appareils en état de vol.

Organigramme soviétique :

2ème ArméeLieutenant General Ivan Fedyuninsky

43ème Corps de Fusiliers - Major General AnatoliAndreyev109ème Corps de Fusiliers - Major General Ivan Alferov124ème Corps de Fusiliers - Major General VoldemarDamberg

8ème ArméeLieutenant General Filip Starikov

6ème Corps de Fusiliers - Major General SemyonMikulski112ème Corps de Fusiliers - Major General Filip Solovev

59ème ArméeLieutenant General Ivan Korvnikov

117ème Corps de Fusiliers - Major General VasiliTrubachev122ème Corps de Fusiliers - Major General PanteleimonZaitsev

Autres détachements :

8ème Corps de Fusiliers Estonien - Lieutenant GeneralLembit Pärn [17]14ème Corps de Fusiliers - Major General PavelArtyushenko124ème Division de Fusiliers - Colonel MikhailPapchenko30ème Corps de Fusiliers de la Garde - LieutenantGeneral Nikolai Simonyak46ème, 260ème and 261ème Régiments de Chars lourdsde la Garde1902ème Régiment indépendant d’artillerie motorisée3ème Corps d’artillerie de choc - Major General N. N.Zhdanov3ème Corps Blindé de la Garde

Soit environ : 200 000 soldats, 2 700 canons d’assautet chars (dont 100 chars lourds appartenant au 3ème

Corps Blindé), plus une couverture d’environ 800appareils des VVS. Le nombre de pièces d’artillerie estestimé à 1 500.

Le Front de Narwa.

Le 1er février 1944, l’Armée rouge atteint les frontièresde l’Estonie après la grande offensive lancée le14 janvier. Le feld-maréchal Walter Model est nommécommandant du Groupe d’Armées Nord ou du moinsde ce qu’il en reste.

Après l’effondrement du Front de Leningrad, les

36

HISTOMAG’44 MAG

44

Waffen-SS attendant l'ennemi dans leurs tranchées,février 1944

Page 37: histomag'44 N°72

Allemands ont stabilisé une nouvelle ligne défensivele long des berges de la rivière Narwa, qui depuistoujours représente la frontière historique etgéographique entre l’Estonie et la Russie. C’estprécisément sur ce fleuve que le commandementallemand a décidé de stopper l’offensive soviétique.

La 20ème Division estonienne de la SS passe sous lecommandement du IIIème SS-Panzerkorps de FélixSteiner, comprenant la 11ème SS-Division Nordland etla SS-Brigade Nederland. Les unités estoniennes sontpositionnées au sud, en protection du flanc méridionaldu dispositif défensif allemand.

Les attaques russes débutent le 2 février mais sonttoutes repoussées au prix de lourdes pertes des deuxcôtés. Pendant deux semaines successives lesattaques continuent et de nouveaux combattants sontengagés dont les unités estoniennes.

Entre le 14 et le 16 février, le 1er Bataillon du 45ème

Régiment de la 20ème SS-Division Estland, conduit parle SS-Hauptsturmführer Harald Riipalu, lance unecontre-attaque pour repousser une pénétration desforces soviétiques qui ont traversé le lac Lammijarvproche de Meerapalu. Complètement prises parsurprise les unités soviétiques sont massacrées sousle feu et l’impétuosité des Estoniens et laissent surplace plus de deux milles tués.

À partir du 24 février, toutes les unités de la 20ème SS-Division Estland sont engagées dans lacontre-offensive générale contre la tête de pontsoviétique le long du front de Narwa.

Le 2ème Bataillon du 46ème Régiment sous les ordres duSS-Hauptsturmführer Rudolf Bruus détruit les unités

soviétiques qui tiennent la tête de pont de Riigiküla.

Harald Nugiseks

Le 1er Bataillon de ce régiment, sous les ordres du SS-Obersturmbannführer Erwin Meri, est engagé quant àlui contre des unités ennemies positionnées entreVaasa et Vepsaküla : l’infanterie russe ayant réussi àeffectuer quelques pénétrations entre les positionsallemandes.

Les Hollandais du bataillon du Génie de la Division SSNordland parviennent à colmater ces brèches après defurieux combats et réussissent à repousser lesSoviétiques sur la rive orientale.

Peu après, suite à une nouvelle attaque massive, lesRusses reprennent pied sur la rive occidentale dufleuve à Ssivertsi, menaçant ainsi le nord des positionsallemandes à Narwa. Le commandement allemandenvoie alors sur place toutes les unités encoredisponibles de la Division SS Nordland. Il s’ensuit dedurs combats au corps à corps dans le cimetière deSsivertsi qui change de mains à plusieurs reprises. Lescombats se déplacent finalement dans le village où lesRusses ont réussi à renforcer leurs positions. Lescombattants de la Division SS Nordland, ayant besoinde renforts, voient finalement arriver des volontairesSS estoniens organisés dans un petit groupe decombat sous les ordres du SS-Unterscharführer Harald

37

HISTOMAG’44 MAG

44

Carte des opérations, correspondant aux opérationsmenées du 10 février au 23 avril 1944 (état-majorsoviétique)… les poussées soviétiques tant au nordqu’au sud de Narwa sont contrées par les défenseurs,avec de lourdes pertes des deux côtés, maisglobalement, c’est une victoire défensive allemande.Les tentatives soviétiques de mars (voir plus loin) sontégalement un échec, malgré de lourds bombardementstant aériens que d’artillerie.

Position d'artillerie soviétique lors des offensivesd'avril 1944 sur le front de Narwa

Mitrailleuse Maxim soviétique en position durant labataille

Page 38: histomag'44 N°72

Nugiseks (chef de la 1ère Compagnie du 1er Bataillondu 46ème Régiment SS estonien).

Ce n’est qu’après de violents et sanglantsaffrontements que les unités russes de la riveoccidentale de la Narwa sont encerclées et anéanties.Pour cette action, Harald Nugiseks, âgé de 22 ans,reçoit la Croix de Chevalier et est mentionné dans larevue allemande «Signal».

Défense désespérée.

Défaits sur le champ de bataille, les Russes tentent defaire peser leur supériorité en matériels et en hommespour retourner la situation militaire en leur faveur.

Dés le début du mois de mars, l’artillerie et l’aviationsoviétiques commencent à pilonner Narwa ainsi queles positions allemandes autour de la ville. Un délugede feu et de flammes réduit la cité en un tas dedécombres. Puis ils reprennent leur attaque avecinfanterie et formations blindées, ne réussissant qu’àouvrir de petites brèches dans la ligne de défenseallemande.

Communiqué des Forces Armées allemandes du9 mars 1944.

« Au sud-ouest de Narwa, notre contre-attaquecontinue de gagner du terrain et à briser la résistanceennemie. La 20ème Division SS estonienne, sous lesordres du Commandant Augsberger, appuyés par lesvolontaires allemands du SS-Panzerkorps, a détruit latête de pont ennemie sur le fleuve Narwa après dedurs combats qui ont infligé de lourdes pertes auxSoviétiques. »

Communiqué des Forces Armées allemandes du11 mars 1944.

« Au nord du Front oriental, les Bolcheviques ontattaqué au nord-ouest de Narwa, dans la zoned’Ostrov, à Pleskau et à Narwa, avec de trèsimportants effectifs d’infanterie appuyés par des charset par des chasseurs-bombardiers. Une tentative derompre notre ligne de défense a échoué face à la forterésistance offerte par les unités de l’armée, de laWaffen-SS et des volontaires estoniens. Lespénétrations locales ont été immédiatementanéanties. L’ennemi déplore la perte de plus d’unecentaine de chars… ».

Le 17 mars les Russes attaquent tout le long du Frontde la Narwa avec vingt divisions et un appui massif deblindés et d’aviation, sans toutefois réussir à briser untant soit peu la résistance allemande. Le 7 avril, lesAllemands contre-attaquent en direction de la tête depont de Auvere. À ces opérations prennent partégalement les unités du 47ème Régiment de la DivisionSS Estland.

En juillet, les attaques soviétiques en Carélie sur leFront finlandais amènent la Finlande à la capitulation,et le Front estonien se trouve encore plus menacé.C’est ainsi que la décision est prise d’abandonner laville à l’ennemi, après des mois de résistanceacharnée et héroïque.

Juillet 1944, Tannenberg, Prise de Narwa

La décision est prise de déplacer plus à l’ouest le IIIème

SS-Panzerkorps, à environ vingt kilomètres de Narwaprés de Siminaed, le long d’une nouvelle lignedéfensive appelée Tannenbergstellung sur la route

Narwa-Riga.

Le dispositif défensif allemand vient s’appuyer sur lesMontagnes bleues, une série de trois collines appeléesOrphelinat (Kinderheim), Grenadier (Grenadier) et69.9 (ou colline de l’amour).

Les volontaires estoniens et deux compagnies dubataillon de pionniers de la Division SS Nordlandprennent position sur les collines Grenadier et 69.9.Fin juillet les Russes commencent à lancer des assautscontre la nouvelle ligne de défense allemande.

Sur la colline «Grenadier» les volontaires estoniens sebattent valeureusement en repoussant les unes aprèsles autres toutes les attaques ennemies, bien quechaque bataillon estonien doive affronter une divisionsoviétique entière. Les jours suivants, après que laLuftwaffe ait durement frappé les positionssoviétiques, les Russes lancent une nouvelle attaquequi inflige de lourdes pertes à toutes les unités, déjàtrès affaiblies, du IIIème SS-Panzerkorps allemand.

Une autre tentative soviétique de prendre de flanc lesforces allemandes en direction de Auvere est stoppéepar les volontaires estoniens du 1er Bataillon du 45ème

Régiment de la Division SS Estland, sous les ordres duSS-Sturmbannführer Paul Maitla, et par le bataillon defusiliers (ex Narwa), sous les ordres du SS-Hauptsturmführer Hando Ruus (le seul Estonien à êtredécoré de la Croix allemande en or).

Du 26 juillet au 10 août, le 45ème Régiment estoniense bat de manière ininterrompue sur la colline«Grenadier», perdant malheureusement entre 50 et60 % de ses effectifs. Mais les volontaires blessés ettous ceux qui peuvent encore tenir une armecontinuent de se battre contre la horde soviétique.Pour témoigner de leur reconnaissance, les Allemandsdécerneront à Riipalu et Maitla la Croix de Chevalier.

38

HISTOMAG’44 MAG

44

Carte des opérations sur la Ligne «Tannenberg» lorsdu début de l’offensive soviétique, entre le 26 et le 29juillet 1944 : profitant de l’opération Bagration contrele Groupe d’Armées centre, l’Armée rouge, étant aucourant du départ de plusieurs unités allemandes dufront de Narwa, décide d’enfoncer les lignesallemandes au même moment. Suite à une lourdepréparation d’artillerie et aérienne, 3 divisions defusiliers soviétiques, soutenues par deux régiments dechars, s’élancent contre les lignes allemandes ; cescombats furent par la suite dénommés «bataille de laWaffen SS européenne», en effet, la moitié deseffectifs (sur un total de 22 300 hommes) sontestoniens, et les autres bataillons sont composés deFlamands, Néerlandais, Danois, Suédois, Wallons…. Autotal, très peu de soldats «allemands« !

Page 39: histomag'44 N°72

Communiqué des Forces Armées allemandes du1er août 1944.

« À l’ouest de Narwa, l’ennemi n’a pas pu poursuivrela poussée de son offensive à cause des lourdes pertessubies les jours précédents. Le IIIème SS-Panzerkorpsallemand, sous les ordres du SS-Obergruppenführeret Général der Waffen-SS Steiner, avec la Division SSNordland, la Brigade SS Nederland, la 20ème DivisionSS estonienne, la 11ème Division d’infanterie et toutesles autres unités, a défendu vaillamment le Front. »

Les 22 000 hommes du groupe «Narwa», avec7 Panthers, une soixantaine de StuGe, environ80 pièces d’artillerie, et 49 appareils en état de volparviennent à repousser pendant plus de 10 jours136 000 soldats soviétiques, ces derniers déclarant laperte de 157-159 chars sur un total de 286 avant ledébut des opérations, le 25 juillet (plus environ 45chars d’assaut).

Les Soviétiques doivent faire face à une résistanceacharnée, d’une rare violence, de la part des Waffen-SS… Ces derniers utilisent tout ce qui est en leurpossession (Panzerfaust, mines, explosifs, canonsantichar…) pour arrêter les chars soviétiques. Lemanque de munitions oblige parfois les soldats SS àramasser les armes soviétiques des soldats tombés.Les 70-80 pièces d’artillerie allemandes tirent lemaximum d’obus sur les positions ennemies, certainsobservateurs allemands n’hésitant pas à faire tirer lespièces sur leur propre position une fois entourée detroupes ennemies.

Comme dit ci-dessus, la résistance fanatique dessoldats SS donnera lieu à de nombreusesrécompenses, et plusieurs citations à l’ordre du jourdans les journaux de propagande et sur les rapportsd’Hitler.

1 700 hommes environ tués du côté allemand, plus700 disparus, et 7 500 blessés, et ce, en perdant unegrande partie des appareils disponibles(essentiellement des Ju 87 Stuka) ; les Soviétiquesperdent environ 35 000 hommes (morts et disparus)et 135 000 blessés, ces derniers chiffres n’étant quedes estimations basées notamment sur le pourcentaged’hommes valides en date du 7 août 1944 (dated’arrêt de l’offensive) par rapport au total du 25 juillet(en prenant en compte que les Soviétiques firentparvenir de nombreux renforts). Les archives russesne semblent pas avoir encore donné de chiffresexacts.

Pourtant, la bataille de Tannenberg n’est qu’un«épisode« de l’offensive soviétique, qui est lancée àla fois au nord et au sud du dispositif allemand, et qui,malgré de lourdes pertes, est considérée comme unevictoire russe, la ville de Narwa étant prise le 26 juillet,obligeant les Allemands à reculer en Estonie, serapprochant de Tallin. Sur les 35 000 soldats alignés,les pertes s’élèvent à 2 500 pour les Allemands… maisceux-ci perdent la «Festung» Narwa ; côté soviétique,les pertes sont de 4 600 (morts et disparus) et 18 000blessés. Les objectifs ne sont qu’à moitié remplis : laville de Narwa est bel et bien prise, les Allemandsreculent, mais le Groupe d’Armées Nord n’est enaucun cas anéanti, comme prévu, et les Allemandsparviennent à s’accrocher sur plusieurs lignes dedéfense, notamment dans le secteur de Sinimäed,menant aux opérations actuellement connues sous lenom de «bataille de Tannenberg». Les dernièresavancées cessent le 10 août, pour des gainsrelativement faibles et le groupe d’Armées Nord estpeu «entamé».

——CARTE n°3——

Manœuvres soviétiques de contournement

Pendant que les combats se poursuivent dans lesMontagnes bleues, les Russes engagent unemanœuvre de contournement au sud, en direction dela Lettonie et de l’Estonie. L’offensive soviétique a pourobjectif Riga, la capitale de la Lettonie, afin de couperen deux le dispositif défensif allemand dans les Paysbaltes.

39

HISTOMAG’44 MAG

44

Carte des opérations autour de Narwa entre le25 juillet et le 10 août 1944 (rappelons que la batailledite «de Tannenberg» se déroule conjointement avecles 201ème et 256ème Divisions de Fusiliers [plus denombreux appuis] du 26 juillet 1944 au 6 août).

Éléments de la 20ème SS Division estonienne enaction près de Narwa, en juillet 1944

Page 40: histomag'44 N°72

Traversant le fleuve Narwa au sud du lac Peipus et dela ville de Pleskau, les Russes remontent au nord pourprendre à revers les forces allemandes d’Estonieseptentrionale. Ils prennent Petseri le 11 août et Vorule 13 août. À Sangaste, un groupe blindé soviétiqueest repoussé par un régiment estonien de gardes-frontières. Afin d’éviter que le IIIème SS-Panzerkorpssoit pris au piège, le commandement allemandordonne le repli de la ligne Tannenberg pour établirune nouvelle ligne défensive le long de la voie ferréePleskau-Jacobstadt, avec au centre la ville de Tartu(Dorpat).

Précisément à Tartu, une contre-offensive estorganisée pour mettre un terme à la retraite destroupes allemandes vers la Lettonie et pour contenirl’assaut soviétique lancé au sud du lac Peipus.

Le IIIème SS-Panzerkorps doit intervenir avec ungroupe de combat sous les ordres du SS-Brigadefûhrer Jurgen Wagner, appuyé par les derniersPanther et Sturmgeschütz du bataillon blindé de laDivision SS Nordland. Il y a aussi des volontaireshollandais, flamands et des Estoniens de la Omakaitsearmés de vieux fusils.

Le 25 août commence la bataille pour Dorpat (Tartuen estonien). Les Russes sont arrêtés par un groupede combat, sous les ordres du SS-Obersturmbannführer Rebane, et par les SS wallonsde Degrelle. Les volontaires européens réussissent àcontenir l’offensive russe pendant toute une journée,à la fin de laquelle la ville finit par tomber aux mainsdes Soviétiques. Les combattants se positionnent plusau nord.

le 3ème Bataillon du 46ème Régiment SS estonien, sousles ordres du SS-Hauptsturmführer Voldemar Parlin,stoppe les Russes à l’intérieur de Pupatsvere, avec despertes considérables, trente quatre tués et cent trentesix blessés. À l’issue de ce combat quarante quatreCroix de Fer sont distribuées.

Cette offensive soviétique permet la capture de Tartu,le 26 juillet 1944, et l’établissement de têtes de pontdans la région… dès le 3 septembre 1944, lesAllemands et les Estoniens contre-attaquent,

parvenant à atteindre la banlieue nord de Tartu, maissans réussir à prendre la ville, bloqués notamment parles 128, 291 et 321ème Divisions de Fusilierssoviétiques. Néanmoins, les Soviétiques neparviennent pas à avancer vers l’ouest, et une priserapide de l’Estonie n’est pas possible, malgré lesefforts. Outre les lourds dégâts causés à la ville deTartu (notamment son Université, très reconnue), lesAllemands/Estoniens perdent environ 20 000 hommes(blessés, morts et disparus), et les Soviétiques 70 000hommes (dont 13 000 morts).

Évacuation

L’offensive soviétique se poursuit sans interruption :ses trois objectifs principaux sont Reval au nord,Pernau au centre et Riga au sud. Le 4 septembre, lesFinlandais concluent un armistice avec les Russes,compliquant la situation militaire sur le Front balte.

Le 10 septembre, le SS-Obergruppenführer FelixSteiner doit se rendre au Quartier Général de Hitler àRastenburg. Le Führer lui ordonne d’abandonnerl’Estonie et dans le même temps de stabiliser une têtede pont à Reval pour permettre l’évacuation par la merde toutes les forces allemandes quittant le Frontestonien. L’opération d’évacuation de Tallin par la mercontinue jusqu’au 22 septembre quand les derniersnavires allemands lèvent l’ancre avec à bord soldatset civils, grâce au sacrifice des volontaires européenset aux Waffen-SS estoniens. En peu de jours laKriegsmarine réussit à évacuer plus de 80 000 soldatsavant que la ville tombe aux mains des Russes. 43 000

40

HISTOMAG’44 MAG

44

Carte des opérations 10 août - 6 septembre 1944

(Si le document est en russe, nous pouvons nousrepérer grâce aux dates et n° indiqués sur la carte ;«Tapmy», traduction de l’alphabet cyrillique depuis lacarte, signifie «Tartu« ! )

Obersturmbannführer Alfons Rebane (1908-1976)Officier de réserve dans l’armée estonienne lors del’invasion par les troupes soviétiques, emprisonné,évadé, il commande un groupe de partisans résistantà l’occupant russe. Il rejoint la Wehrmacht lors de l’ar-rivée des allemands en 1941 puis la 20ème SS division«Estland» lors de sa création au début de 1944.

Page 41: histomag'44 N°72

soldats estoniens et 24 000 civils abandonnent leurpropre patrie pour se réfugier en Allemagne. Certainesunités estoniennes, surtout celles de Omakaitse,préfèrent rester combattre jusqu’à la fin, se sacrifiantdans une ultime défense de leur Nation. Environ30 000 soldats estoniens restent cachés dans lesforêts pour reprendre la guérilla contre les forcesd’invasion soviétiques.

Le 23 septembre, le port de Pernau tombe à son touraux mains des Soviétiques après avoir été défendupendant trois jours par les volontaires hollandais de laBrigade SS Nederland. Les unités du IIIème SS-Panzerkorps et les unités de la 20ème Division SSestonienne se retirent vers Riga, engageantimmédiatement de durs combats contre les avant-gardes soviétiques au sud-est de la ville.

Invasion de la Lettonie

Laissant la 227ème Infanterie-Division et quelquesunités secondaires défendre la ville de Riga, le grosdes forces allemandes se replie en Courlande,dynamitant les ponts et voies ferrées derrière lui, cequi mène aux combats dans la poche de Courlandejusqu’en mai 1945.

La ville de Riga est prise entre le 10 et le 12 octobre,pour être entièrement sous contrôle le 13, et le17 octobre les dernières forces allemandes sontrepoussées. Malgré la séparation entre le Groupe«Narwa» (évacué depuis les ports estoniens) et lereste du Groupe d’Armées «Nord», les Soviétiques neparviennent pas à anéantir les deux fronts allemands,bien qu’ils prennent Tartu, Tallin, Riga, aboutissant àla réoccupation soviétique de l’Estonie, d’une grandepartie de la Lettonie, et plus au sud, d’une partie de laLituanie.

Entre le 27 septembre et le 24 novembre 1944, lesîles, notamment dans le Golfe de Riga, sont prises parles Soviétiques, après des débarquements amphibiesréussis.

Invasion de la Lituanie

En Lituanie, le 3ème Front de Biélorussie lance uneoffensive contre la 4ème Armee et la 5ème PzDiv.(reclassée comme XXXIX. Panzer-Korps) et la 3ème

Panzer-Armee (WXXVI. Armee-Korps et quelquesunités affectées à la défense de Vilnius) ; les 33, 31,39 et 5ème Armées lancent l’offensive le matin du5 juillet 1944, avec la 5ème Armée Blindée de la Gardeet la 11ème Armée de la Garde, bien que ces unitéssoient déjà en action lors des offensives sur et dans la

région de Minsk. La ville et sa garnison (dont denombreux Waffen-SS et des soldats de la BrigadeKaminski) sont encerclées entre le 7 et 8 juillet, etdoivent s’appuyer sur des défenses datant de laPremière Guerre mondiale.

L’aérodrome de la ville, défendu par des éléments du16ème Régiment de Parachutistes (Luftwaffe) est prisle 10 juillet, pendant que les unités soviétiquess’approchent du centre-ville, face aux Panzer-Grenadiere 399 et à l’Artillerie-Regiment 240 de la170ème Infanterie-Division, ainsi que des éléments dela 256ème ID.

Le 12 juillet, les éléments non-encerclés de la3ème Panzer-Armee, et de la 6ème Panzer-Divisioncontre-attaquent à l’est/sud-est de Vilnius, prenant àrevers les forces soviétiques affaiblies par dessemaines de combat, et n’ayant pas eu le temps deprotéger leurs flancs. Au soir, la liaison est établie avecla garnison de Vilnius, et environ 4 000 hommesparviennent à quitter la ville avant que le couloir nesoit définitivement fermé le 13 juillet, durant l’après-midi, par la 5ème Armée Blindée de la Garde ;12 000 soldats sont néanmoins piégés dans la ville,répartis entre deux poches, dont les derniers combatsont lieu le 15 juillet, avant que les derniers hommesne se rendent aux Soviétiques.

À noter que des soldats des forces de résistancepolonaise tentent de bloquer la 6ème PzDiv, bien queles Soviétiques n’aient jamais pris en compte latentative polonaise de bloquer les renforts allemands.

Durant la bataille, l’officier Karl Plagge(http://en.wikipedia.org/wiki/Karl_Plagge) tente desauver les Juifs du camp de travail HKP 562, bienqu’un grand nombre aient été assassinés par laWaffen-SS avant l’arrivée de l’Armée rouge.

Le même 3ème Front de Biélorussie (5ème Armée Blindéede la Garde en tête) lance une offensive en directionde Kaunas, autre grande ville lituanienne, le 28 juillet1944, repoussant la 3ème Panzer-Armee (XXVI et IXKorps, et les restes de la 6ème PzDiv.), le flanc nord dela 4ème Armee (XXXIX. Panzer-Korps et 7ème PzDiv.), etles restes des divisions anéanties par l’opérationBagration. Le 1er août 1944, la 33ème Armée soviétiqueparvient aux premières maisons de Kaunas, la villeétant prise le lendemain. Les forces soviétiquescontinuent vers l’ouest, avançant de presque50 kilomètres, avant de s’arrêter, le 29 août, affaibliespour réorganiser leurs lignes de ravitaillement etpasser à la défensive.

41

HISTOMAG’44 MAG

44

14 octobre 1944 - L’armée rouge occupe Riga

2 SU-76 soviétiques sur une route lituanienne, nonloin de Vilnius

Page 42: histomag'44 N°72

Les Soviétiques mènent plusieurs offensives,notamment contre Memel et les ports lituaniens afinde séparer les Groupes d’Armées Nord et Centre,chose faite à la mi-octobre 1944, ce qui oblige lesdernières troupes allemandes à s’organiser enCourlande (jusqu’à la fin de la guerre) et sur Memel(poche anéantie en janvier 1945 suite aux offensivesen Prusse Orientale), malgré plusieurs tentativesallemandes de conserver un couloir entre les deuxgroupes d’Armées, notamment l‘opération «César»,entre le 16 et le 27 septembre 1944.

Cet isolement du groupe d’Armées Nord, composéessentiellement des 18ème et 16ème Armee, mène à lacréation de la «poche de Courlande», dans laquelle200 000 soldats allemands et lettons sont bloquésjusqu’au 9 mai 1945… Hitler n’acceptera jamais del’évacuer, pensant en faire une base de départ pourd’éphémères contre-offensives.

Ces opérations, globalement connues comme«l’offensive de la Baltique», permettent auxSoviétiques de réoccuper les États baltes, et d’en fairedes RSS (Républiques Socialistes Soviétiques)pendant presque 60 ans, malgré une dure résistancede la part des combattants baltes, notamment au seinde la Waffen-SS, durant toute l’année 1944. Cescombats, parmi les plus violents de la guerre, virentl’occupation de trois États, subissant une colonisationrusse jusqu’en 1991, et encore considérée comme untraumatisme de nos jours. Actuellement, la«reconnaissance» des combattants Waffen-SS commesoldats baltes à part entière, considérés parfoiscomme «libérateurs», fait beaucoup de bruit,

notamment vis-à-vis des associations de mémoire(Holocauste notamment). Certains de ces évènementsont entraîné des «heurts» diplomatiques entre laRussie, qui aujourd’hui encore nie sa politiqueimposée dans les États baltes, et les gouvernementsestonien, lituanien et letton.

SOURCES

M. Afiero, Nordland : i volontari europei sul frontedell’est, Marvia Edizioni.

M. Afiero, I volontari stranieri di Hitler, Rittereditrice.

W. Tiecke, Tragedy of Faithful : a history of the III°SS-panzer-Korps Fedorowicz Publishing.

Daniel Laurent, Volontaires Estoniens dans laWaffen-SS, in

Bundesarchiv

http://en.wikipedia.org/wiki/Alfons_Rebane

http://www.histoquiz

http://www.antraspasaulinis.net

www.flamesofwar.com

http://www.feldgrau.com

http://www.valka.cz

http://www.battlefield.ru

42

HISTOMAG’44 MAG

44

Position de FlaK détruite à Kaunas, après la prise dela ville par l'Armée Rouge

Carte des opérations dans les États baltes,correspondant à «l’offensive de la Baltique», entre le14 septembre 1944 et le 24 novembre 1944.

Soldats allemands dans le secteur de Memel (actuellement Klaïpeda en Lituanie).

Page 43: histomag'44 N°72

Les espagnols de l’Armée rouge

Par Philippe Chollier

Nous accueillons dans ce numéro la premièrecontribution de notre ami Philippe Chollier, connu surnotre forum sous le pseudo de philo931.Hispanophone, Philippe s’intéresse à l’histoire desEspagnols et nous parle ici de ceux qui étaient sur lefront de l’Est. Non, pas de la Division Azul de Franco,mais de ceux qui étaient « en face »…

Daniel Laurent

Avant de parler de l’invasion allemande et duconflit qui suivit, il est nécessaire de présenterla communauté espagnole sur le territoire

soviétique. La plus grande part des 6 402 espagnolsinstallés en URSS sont les enfants réfugiés (« niños dela guerra »), répartis dans des grandes villes, dans desfamilles d‘accueil et des institutions (2 895 garçons etfilles) et leurs accompagnateurs (122 personnes).Sont aussi présents, des militants politiques et leursfamilles (891 adultes et 87 enfants), des officierssupérieurs de l’armée républicaine en formation àl’académie militaire supérieure de Frunze, la majoritédes membres d’une promotion d’élèves pilotes enformation (157 présents depuis 1939), des marins dela marine marchande (67). La majorité des autrespilotes de l’armée de l’air républicaine est venue, parses propres moyens, dans leurs avions, d’Espagne enURSS lors de la défaite républicaine.

Après la fin de la guerre civile espagnole, en France,on peut voir des représentants de l’ambassadesoviétique sillonner les camps de réfugiés de mars àseptembre 1939 pour proposer des emplois en Unionsoviétique. Ainsi, un certain nombre d’ex-combattantsde l’armée républicaine rejoignent leurs compatriotesen Russie. Certains d’entre eux entrent dans desécoles techniques, d’autres intègrent l’académie deFrunze. Il faut aussi ajouter 2 103 autres personnesvenues vivre en URSS entre 1920 et 1940,recensement effectué par l’historien russe AndréiElpatevski.

Dès les premiers jours de juillet 1941, est créée àMoscou la 4ème compagnie spéciale forméeexclusivement d’Espagnols. Cette compagnie estpartie intégrante du 1er régiment de la divisionspéciale motorisée du ministère de l’Intérieur. Lamajorité des engagés sont des vétérans de la défensede Madrid. Fins politiques, leurs chefs savent faireaccepter tant leur organisation « autonome » que leurprésence au sein des dispositifs de défense soviétique.Cette compagnie, dirigée par Peregrín Pérez Galarzaet son commissaire politique Celestino Alonso,célèbres pour leur courage lors de la bataille deMadrid, est rapidement déployée autour de Moscou.D’autres Espagnols sont regroupés au sein d’unesection de mortier du 79ème régiment de la Garde deMoscou, des officiers espagnols encadrent le 2ème

bataillon de la 1ère brigade autonome chargée desmissions spéciales. Des volontaires espagnols sont surle front devant la fabrique de locomotive Kolonna, prèsde Moscou au sein d’autres unités de la Garde.

En quelques semaines, ils et elles sont présents danstous les contingents constitués pour l’urgence, ladéfense des villes. Certains participent à la défense dela fabrique de tracteurs de Jarkov. D’autres sontpositionnés autour des usines d’automobiles àMoscou, à Gorki et devant le Kombinat électrique deLeningrad.

Les premiers engagés au combat sont les pilotes. Aumoment de l’invasion, trois pilotes espagnols sont enformation à l’académie militaire de Frunze afind’intégrer l’armée soviétique : Antonio Arías Arías,Domingo Bonilla et Juan Lario Sánchez. Comme leurscompatriotes, ils insistent pour participer à la batailledu fait de leur statut d’ex-pilotes de l’arméerépublicaine espagnole, ce qui leur est finalementaccordé en août 1941. On regroupe avec eux 15 ex-pilotes de la République espagnole dans une unitésous la responsabilité du NKVD. Envoyés àl’aérodrome Chkalov près de Moscou, ils reçoivent unerapide instruction et sont envoyés dans l’Oural. Basésinitialement à Aramil, du fait de l’avancée allemande,ils s’installent à Svedlovsk, où se trouvent lesinstallations de l’Institut d’expérimentation scientifiquedes forces aériennes. Dès le lendemain de leurarrivée, les pilotes espagnols apprennent la missionqui leur est confiée. Organisés en « guérilla »aérienne, ils doivent attaquer l’arrière des troupesallemandes avec des avions maquillés. Ces avions,acquis avant 1940, étaient des Messerschmitt Bf 109E-3, des Bf 110 C-4, des Junkers Ju 88 K-1 et desDornier Do 215 B-3. La vie de cette mission estcourte : après quelques sorties, les pilotes sontdéplacés à l’aérodrome de Bykovo pour participer à ladéfense de Moscou, intégrant la 1ère brigade aériennefin 1942. Par la suite, de nouveaux pilotes espagnolsintègrent cette unité, pour la plupart des jeunesréfugiés ayant atteint l’âge de s’engager. L’un des plusjeunes, Luis Lavín Lavín, enfant réfugié arrivé en 1937en URSS, entre à l’école de pilotage à 15 ans enoctobre 1940. En avril 1941, avec sept de sescompatriotes, il rejoint l’académie supérieured’aviation de Chkalov. Huit de ces pilotes seront mêmequalifiés d’As soviétiques car ils auront de nombreusesvictoires à leur actif. Une partie des pilotes formésentrent en action à bord de Pe-2 et de II-2 poursoutenir les régiments d’assaut tandis que les autreseffectuent de nombreuses missions d’observation denuit. Sur un total de 88 pilotes espagnols quiparticipent aux combats, on peut évoquer certainsparcours.

Antonio Arías Arías, né en 1915, engagé dans lesmilices qui défendent Madrid, reçoit une formation depilote et s’illustea durant la guerre civile espagnole ausein de la 4ème escadrille. Après la défaite, il séjournedans les camps d’Argelès et de Gurs pour finalementrejoindre l’URSS en août 1939. Il y participe à ladéfense de Moscou au sein de la 1ère brigade aérienneet termine la guerre comme chef d’escadrille près deVologda.

Manuel Zarauza Clavero est né en 1917, il s’engagecomme volontaire dans l’aviation républicaine et

43

HISTOMAG’44 MAG

44

Page 44: histomag'44 N°72

s’illustre aux commandes de biplans I-15 « Chato ».Il rejoint la France avec son avion et est détenu aucamp d’Argelès. Il rejoint ensuite l’URSS et se fixe àJarkov. Il se présente aux autorités soviétiques dès lespremiers jours de la guerre. As de l’aviation, il estcrédité de 20 victoires personnelles et participe à plusde cent combats aériens. Il termine le conflit avec legrade de colonel.

Après la « stabilisation » du front, le contingentespagnol, la 4ème compagnie spéciale du 1er régimentde la division spéciale motorisée du ministère del’Intérieur, est envoyé en formation quelques moispour acquérir les techniques du combat partisan :déraillement de trains, attaques d’arrière garde,organisation de sabotages divers, renseignementsstratégiques…

Quinze espagnols sont à l’origine du premierdétachement partisan en Ukraine en mai 1942. LesEspagnols sont présents au sein des groupes departisan dans le Kouban (haut Caucase), en Crimée,en Biélorussie, dans la région de Moscou, dans larégion baltique et vers les lacs autour de Leningrad.

Parachutés à l’arrière des lignes allemandes, cescombattants sans uniforme constituent, avec lespopulations locales et les soldats dispersés, lespremiers groupes de combat. Miguel Boixó termine leconflit comme major de l’Armée rouge et chef d’undétachement partisan. Miguel Bascuñana est lui chefd’un bataillon partisan, Joaquin Feijó, chef dedétachement. José Fusimana Fabregas, capitaine del’armée rouge et d’un détachement de partisan enCrimée ; Matéo Merino, colonel de division ; MarcelinoUsatorre, major de division ; Alejo Vela, major debataillon. On dénombre plus de 700 combattantsespagnols intégrés au sein des groupes de partisans.

Du nord au sud du front, derrière les lignes, lescombattants espagnols organisent, encadrent,commandent d’importants groupes de combat. Ils s’yillustrent par leur vaillance et il n’est pas très étonnantde constater que de nombreux Espagnols rejoignentl’état-major général des groupes de partisans.

Issu de l’académie militaire supérieure de Frunze,Santiago Aguado, ancien officier supérieur de l’arméepopulaire espagnole, devient lieutenant-colonel dansl’armée soviétique, professeur à l’école de guérillerosde la région de Moscou et plus tard instructeur del’armée yougoslave. Vicente Carrión est, lui, colonel àl’état-major des groupes de partisans ; Enrique Soler,capitaine à l’état-major ; Jerónimo Casado, major chefde brigade est nommé à l’état-major ; José Asuncion,capitaine à l’état-major.

D’autres Espagnols issus de la 4ème compagnie,intègrent des unités soviétiques comme par exempleRafael Alhama qui termine la guerre comme majordans une unité de blindés. Ils sont présents duranttoutes les batailles de Moscou à Berlin,particulièrement dans les unités de sapeurs et demortiers de la Garde.

Durant tout le siège de Leningrad, des Espagnols, pourla plupart de jeunes adultes, anciens « niños de laguerra » combattent au front ; les jeunes femmes etaccompagnatrices intégrant, elles, les servicessanitaires. On en retrouve notamment au Kombinattextile « Drapeau rouge » de Leningrad. Sur ce front,le 13 septembre 1941, 74 jeunes Espagnols, membres

du 3ème régiment de volontaires, sont engagés dansune tentative de rompre l’encerclement. Seuls septs’en sortent vivants. Les femmes ne sont pasinactives, l’une d’entre elles, Maria Pardina (Marusia),reçoit pour sa bravoure la médaille de l’Ordre duDrapeau rouge. On trouve aussi des Espagnols au seindu 4ème régiment de volontaires, de la 20ème Division,du 264ème bataillon spécial de mitrailleurs, de la 1ère et2ème Division de volontaires et le 4ème régiment de laGarde.

Même à Stalingrad, des Espagnols combattent etmeurent. Ainsi Rubén Ruiz Ibarruri, fils de la secrétairegénérale du parti communiste espagnol DolorèsIbarruri, est tué en combattant au sein de la 43ème

Division d’ingénieurs ; un de ses neveux combattra luijusqu’à Berlin.

Des 700 combattants espagnols engagés dans leconflit côté soviétique, on compte 151 morts aucombat, 15 disparus et 420 victimes civiles desbombardements. Deux reçurent la médaille de Hérosde l’Union soviétique, deux celle de l’Ordre de Lénine,70 furent décorés de l’Ordre du Drapeau rouge, del’Étoile rouge, de la Guerre patriotique et de Guérillerode premier et second degré et 650 reçurent desmédailles de la Défense de Moscou, de Leningrad, deStalingrad, du Caucase, de la Libération de Varsovie,de Prague et de la bataille de Berlin. Ils furent aussihonorés par les gouvernements polonais, hongrois,roumain, yougoslave et tchécoslovaque.

Le dernier combattant espagnol vivant en Russie estdécédé le 25 mars dernier : Angel Grandal Corral,marin ayant patrouillé dans le détroit de Gibraltar,participa aux services secrets soviétiques. Endécembre dernier, est décédé à Madrid l’un desderniers pilotes, accompagnateur de Staline à laconférence de Téhéran, José Maria Bravo, formécomme pilote en URSS (médaille du Courage, del’ordre de la Guerre patriotique et de l’Étoile rouge).

Références

Republicanos españoles en la secunda guerra mundial,Eduardo Pons Prades, La Esfera de los Libros, 2003.

Sebastian», un clandestin contre Franco, NatachaLillo, Féliz Pérez, L’Humanité, 17-18 novembre 2001.

Les ultimos « niños de la guerra », Pilar Bonet, El País,9 mai 2010.

44

HISTOMAG’44MAG

44

Espagnols dans l’Armée rouge

Page 45: histomag'44 N°72

Armée Rouge contre Chemises NoiresLa 63ème Legione CC.NN. d’Assalto Tagliamento

Par Alexandre Sanguedolce

La création du CSIR

Les déboires du Regio Esercito, l’armée de terreitalienne, en Grèce et en Libye (opérationCompass) mettent fin aux espoirs du Duce

d’une « guerre parallèle ». Mussolini décide departiciper à « la croisade contre le bolchevisme » pourdes motifs idéologiques. L’Italie fasciste avait éténéanmoins un des premiers pays à reconnaître l’UnionSoviétique.

Le Duce ordonne à Ugo Cavallero, chef d’état-majordu Regio Esercito de mettre sur pied le Corpo diSpedizione Italiano in Russia ou CSIR, sous les ordresdu général de Corpo d’Armata Francesco Zingales.

Composition du CSIR

3ème divisione Celere Principe Amedeo Duca d’Aosta(PADA) commandée par le général Mario Marazzani ;

3ème Regt. Bersaglieri (colonel Caretto) ;

Rgt Savoia Cavalleria (colonel Weiss Poccetti) ;

Rgt Lancieri di Novara (colonel Giusana) ;

3ème Rgt Artiglieria a cavallo (colonel Colombo) ;

Gruppo Carri Veloce San Giorgio ;

9ème Division «autotrasportabile» Pasubio commandéepar le général Giovanelli ;

79ème Rgt inf. Roma (colonel Blasioli) ;

80ème Rgt inf. Roma (colonel Chiaramonti) ;

8ème Rgt Art. Mot. (colonel Reginella) ;

2ème Division «autotrasportabile» Torino commandée

par le général Manzi ;

81ème Rgt inf. Torino (colonel Piccini) ;

82ème Rgt inf. Torino (colonel Fioravanti) ;

52ème Rgt Art. Mot. (colonel Ghiringhelli).

Afin de donner un caractère idéologique à cettecroisade, une Légion de Chemises Noires est intégréeau CSIR : la 63ème Légion CC.NN. d’assaut« Tagliamento ».

Le transfert des unités du CSIR débute le10 juillet 1941. En cours de route, le général Zingalestombe malade et est remplacé par le général GiovanniMesse.

Si ces unités appelées « autotrasportabile » sontdotées de moyens de transport supérieurs à lamoyenne des divisions italiennes, il n’y en aura passuffisamment, et pour beaucoup d’hommes, c’est àpied que s’effectuera le trajet jusqu’au front.

La 63ème Legione CC.NN. d’Assalto Tagliamento

Elle a son centre de mobilisation à Udine, les recruesdes bataillons CC.NN. provenant de la même région.

Son commandant est le Console Niccolo Nicchiarelli.Elle est constituée du :

- LXIII Bat. CC.NN. « Udine », commandé par le Primo Seniore Ermacore Zuliani ;

- LXXIX Bat. CC.NN. « Regio Emilia », commandé par le Primo Seniore Alberto Patroncini ;

- 103ème Comp. CC.NN. Mitrailleuses lourdes ;

- 183ème Comp. CC.NN. Mitrailleuses lourdes ;

- 1ère compagnie de commandement ;

- 4 Carabinieri ;

- 66 véhicules de transport provenant du 4ème Reg.

45

HISTOMAG’44 MAG

44

Le général Messe

Tagliamento avec étendard

Page 46: histomag'44 N°72

Train Verona et 133 conducteurs ;

- LXIII bataillon Armi d’Accompagnamento, lieutenant-colonel Vittorio de Franco ;

-171ème Reg. Fanteria de la Brigada Sassari (Regio Esercito) qui sera inclus ultérieurement dans la

légion.

(afin de faciliter la lecture, les bataillons CC.NN. sontnumérotés en chiffres arabes, ceux du Regio Esercitodemeurant en chiffres romains).

En tout, 1 191 Chemises Noires et 284 militaires del’armée régulière.

Le départ

La 63ème Legione CC.NN. d’Assalto Tagliamento quittel’Italie le 12 août 1941 par chemin de fer, en6 convois. Après la traversée de l’Autriche et de laHongrie, elle est débarquée à Turasti en Roumanie oùelle est rassemblée.

Le départ pour le front s’effectue par camions, le21 août, traversant les routes poussiéreusesd’Ukraine, en direction du Dniestr, qui est franchi àJampol. Le 26, c’est au tour du Bug (méridional) endirection de Pervoymarsk. Depuis son départ deRoumanie, la légion a parcouru 750 km sans avoir tiréun coup de feu.

Le 28 août, Mussolini et Hitler en personne, passenten revue les unités italiennes, devant le généralMesse.

Le lendemain, c’est à pied que les légionnaires doiventreprendre la route, à la dépendance de la divisionPrincipe Amedeo Duca d’Aosta, les véhicules devantservir à transporter la division Torino.

Le baptême du feu

Le front est atteint finalement le 9 septembre 1941 :la Légion doit tenir un front de 17 km sur la rive droitedu Dniepr où elle connaît son baptême du feu lors d’unpilonnage de l’artillerie soviétique des positionsitaliennes qui voit tomber les premières ChemisesNoires.

La légion se voit assigner la mission de soutenir leflanc gauche de la division Wiking lors des combats dufranchissement du Dniepr, qui est traversé le

21 septembre tandis que l’unité gagne la tête de pontde Dniepropetrovsk pour relever le régiment Westfaliade la division Wiking.

La manœuvre de Petrikovka

L’état-major du CSIR, qui peut enfin compter surtoutes ses unités en ordre de bataille, élabore un planvisant à encercler d’importantes forces soviétiques àpartir de la tête de pont de Dniepropetrovsk et lecours de l’Orel. Le village de Petrikovka est le point dejonction de la division Pasubio au nord-ouest et de ladivision Torino au sud-est, la division Celere devantfranchir le Dniepr pour ratisser et fermer la poche.

Le 28 septembre, la Division Torino se met en marchesur deux colonnes : à droite son 81ème Reg.Fant. avecla Legione Tagliamento, à gauche le 82ème Reg.Fant.

Le 2 octobre, la colonne de gauche fait la jonction avecle 79ème Reg. Roma de la Pasubio à Petrikovka, alorsque les bersaglieri de la Celere, une fois le Dnieprfranchi referment la nasse sur 10 000 soldatssoviétiques. Les pertes italiennes sont peu élevées ets’élèvent à 291 hommes dont 87 tués.

Avec cette incontestable victoire du CSIR s’achève lepremier cycle opérationnel sur le front de l’Est.

La conquête du bassin du Donetz

Après le succès de la bataille de Petrikovka, le CSIRse voit confier la tâche d’occuper le bassin industrieldu Donetz, sur l’aile gauche du I.Panzergruppe de vonKleist.

46

HISTOMAG’44 MAG

44

Départ pour le front russehttp://www.littorio.com/mvsn/camprus.htm

« pour beaucoup d’hommes, c’est à pied ques’effectuera le trajet jusqu’au front »

http://www.littorio.com/mvsn/camprus.htm

Chemises noires et Waffen SS de la Division Viking

Page 47: histomag'44 N°72

Démarrant l’offensive à partir de la tête de pontPavlograd conquis le 11 octobre par la LegioneTagliamento et la 198 I.D., la ville industrielle deStalino est atteinte le 26 octobre, les Italiens occupantl’aérodrome de Stalino, base pour le 22ème gruppo CT.,le groupe de l’aviation de chasse, équipé de Macchi200.

Cependant, les premiers froids se font sentir,surprenant les légionnaires qui n’ont pas reçul’équipement adapté, et l’éloignement des basesprovoque un problème de ravitaillement.

Un nouvel effort est demandé au CSIR afin des’emparer des villes sidérurgiques de Gorlovka etRykovo.

La Legione, appelée à la rescousse du 80ème régimentd’infanterie Roma de la division Pasubio menacéd’encerclement à Gorlovka, parvient à rétablir lasituation.

La bataille de Noël

Le 6 décembre, la 63ème Legione est mise à ladisposition de la division PADA dans le secteurKrestowka – Malo Orlovka – Novaia Orlovka. L’unitéest disposée de la manière suivante :

- Poste de commandement de la Légion : Krestovka, avec une compagnie de commandement ;

- Malo Orlovka : PC du 63ème Bat avec les compagnies 1/63 et 3/63 ;

- Novaia Orlovka : comp. 2/79, 1 peloton d’artillerie (canons 47/32), 1 peloton de mortiers ;

- Shevschenko : 2/63 et 1 compagnie de mitrailleuses lourdes ;

- Mikhailovka : PC 79 Bat, 1 et 3/79.

Les premiers affrontements débutent le 18 décembreavec une attaque repoussée par le 79ème Bat. CCNN àNovaia Orlovka avec l’aide de l’artillerie italienne. Unepatrouille russe est capturée et fournit de précieuxrenseignements notamment sur la présence deblindés permettant de prendre de nouvellesdispositions pour positionner des canons antichars. Ilfaut compter aussi sur un froid intense : lethermomètre affiche des températures avoisinant -30°et les légionnaires ont toutes les peines pourconstruire des abris dans un sol gelé.

L’offensive débute le jour de Noël 1941, à 6 h 30.L’objectif de la Staka est de s’emparer de la villestratégique de Stalino en enfonçant les défenses duCSIR à la jonction des divisions Torino et PADA,positions défendues par la 63ème Legione CCNN.

À Ivanovka, les bersaglieri du XVIII Bat. du 3ème Reg.Bersaglieri doivent se replier sur Mikhailovka.

À Novaia Orlovka, le village est investi par la296ème division d’infanterie et après d’âpres combats,à court de munitions, le 79ème Bat. CCNN se replie surMikhailovka, abandonnant ses blessés qui seront tousachevés.

À Malo Orlovka, le 63ème Bat. CCNN réussit à repoussertoutes les attaques et peut compter sur des renfortsenvoyés par la division Torino.

En fin d’après-midi, les fantassins du 962ème régimentd’infanterie (296ème division) investissent Krestovkamais sont repoussés par l’artillerie de la Pada.

À la tombée de la nuit la situation est la suivante :Malo Orlovka et Mikhailovka sont encerclés, NovaiaOrlovka et Ivanovka sont perdus.

Le 26 décembre, l’attaque reprend sur Mikhailovka à9 h 00. La 2/63 compagnie quitte Schevschenko pourmarcher sur Novaia Orlovka, appuyée par le 81ème

Reg. Fant. (division Torino). Novaia Orlovka est reprisà 11 h 30. L’aviation italienne, qui a réussi à fairedécoller quelques avions, mitraille les Russes au sol,permettant de dégager ainsi Krestovka.

Le 27, toutes les positions d’avant l’offensive ont étéreconquises. Les pertes sont néanmoins trèsimportantes. Dans l’élan le village kolkhozien deVoroschilo est atteint, mais il ne reste plus au sein dela Légion que 31 officiers et 538 hommes de troupesvalides.

En récompense de sadéfense, le primo senioreErmacore Zuliani, chef du63ème Bat. recevra laMedaglia d’Argento alValore Militare.

Les combats continuentautour du village deVoroschilo et de la côte331,7 (ou KourghanOstrij), où les légionnairesassiégés avec desparachutistes allemandsrepoussent toutes lesattaques durant 23 jours.Épuisés, souffrant de

47

HISTOMAG’44 MAG

44

Colonel Ermacore Zuliani

1897-1958

Chemises noires en actionhttp://www.littorio.com/mvsn/camprus.htm

Page 48: histomag'44 N°72

gelures, les légionnaires sont relevés le 20 janvier etle 23, les bersaglieri perdant le village, les positionsse retrouvent dans le même état qu’avant l’offensivede Noël.

Épilogue

Le 25 avril 1942, la 63ème Legione devient le GruppoBattaglioni CCNN M Tagliamento, l’élite des bataillonsdes Chemises Noires. Sa mostrine (patte de colletconsubstantielle à l’armée italienne) représentant unfascio est remplacée par un M de Mussolini entrelacéavec un fascio.

Avec le Gruppo CCNN Montebello, ils forment leRaggruppamento CCNN 3 Gennaio.

Composition du Gruppo CCNN M Montebello :

- VI Btg CCNN M Vigevano ;

- XXX Btg CCNN M Novara ;

- XII Btg CCNN M Aosta.

Le second raggruppamento fut le RaggruppamentoCCNN 23 Marzo, composé des bataillons suivants :

Gruppo di battaglioni CCNN M Leonessa

- 14 Bgt CCNN M Bergamo ;

- 15 Bgt CCNN M Brescia;

- 38 Btg CCNN M Asti ;

Gruppo di battaglioni CCNN M Valle Scrigna

- 5 Btg CCNN M Tortona ;

- 34 Btg CCNN M Savona ;

- 41 Btg CCNN M Trento.

Soit en tout 11 bataillons M sur 22 luttant sur le frontde l’Est.

En juin 1942, le console Nicchiarelli est remplacé parle console Domenico Mittica. Le CSIR devient le XXXVCorpo d’Armata et fait partie de l’ARMIR (ARMataItaliana in Russia), la 8ème armée italienne dirigée parle général Italo Gariboldi. L’unité se distingue lors descombats défensifs du Don en août 1942. Lors del’opération Petite Saturne, elle se replie en luttant auxcôtés des Allemands pour extraire les troupes de l’Axeenfermées à Tchertkovo.

Dans son livre La Plupart ne reviendront pas, EugenioCorti, lieutenant d’artillerie dans la Division Pasubioraconte : « […] certaines Chemises Noires avaientmême grimpé sur les chars russes pour glisser leurs

grenades à main à travers les meurtrières. »

Le retour en Italie et la fin

La Tagliamento est reconstituée après son retourd’URSS et est intégrée à la Divisione CorazzataLegionara M, l’unique division blindée de la Milice.

Après l’armistice du 8 septembre 1943, la Légion estreconstituée et intègre la GNR pour participer à laféroce lutte contre les partisans.

Lors de l’effondrement de la République SocialeItalienne, les survivants se rendent, le 28 avril 1945,aux partisans qui fusillent 43 légionnaires à qui onavait promis la vie sauve, parmi eux, GiuseppeMancini, neveu du Duce et fils d’Edvige Mussolini.

Sources

Dal Dniepr al Don, la 63ème Legione CC.NN.Tagliamento nella campagnia di Russia, Édition Volpe.

L’Italie en Chemise Noire, Enzo et Laurent Berrafato,Édition L’Homme libre.

La plupart ne reviendront pas, Eugenio Corti, Éditionsde Fallois.

48

HISTOMAG’44 MAG

44

Mostrine bataillon MSVN

Mostrine bataillon M

En 1942, dans la zone du Donhttp://www.littorio.com/mvsn/camprus.htm

Spectacle en l’honneur des chemises noires de retourde Russie - Bologne - avril 1943

http://www.littorio.com/mvsn/camprus.htm

Page 49: histomag'44 N°72

Récit d’évasion du 1st Lt. Paul Herring, tombé à Glabais, au lieu-dit "Trou au Sable", le 4 mars 1944.

Par Paul Herring, traduit de l’américain par Philippe Save

Nous en étions à notre quinzième mission, lepremier raid américain de jour sur Berlin. Nousavons eu des problèmes de moteur et nous

n’étions plus capables de maintenir la vitesse, nousavons dû quitter la formation. Nous avons rencontrédes chasseurs allemands qui causèrent pas mal dedégâts à l’avion, détruisant un moteur et en incendiantun autre. Nous avons pu éteindre le feu et mettre lemoteur en drapeau mais nous n’avons pu nousmaintenir à une vitesse suffisante et nous avonsdécidé d’abandonner l’avion. J’ai enclenché le pilotageautomatique en position de descente douce et nousavons sauté.

Il était aux environs d’une heure de l’après midi. J’aidit une prière en quittant l’avion, tiré sur le cordond’ouverture du parachute et regardé en l’air pour voirle parachute se déployer au-dessus de moi. C’était unetrès belle vision. Je me souviens avoir pensé combienil faisait calme alors que je descendais vers le sol autravers des nuages. Il neigeait et le sol, sans doutegelé, était très dur et j’ai ressenti une forte secousseà l’atterrissage. Je ne me suis pas relevé, mais j’airassemblé mon parachute et rampé jusqu’à une meulede foin. Il y en avait beaucoup dans le champ où j’aiatterri. Les meules étaient grandes et je n’eus aucunmal à m’y introduire avec mon parachute. J’étaisprotégé de la neige qui recouvrait par ailleurs lestraces que j’avais pu laisser. Lorsque je quittai lechamp, j’abandonnai, bien enfoncé dans la meule,mon parachute, ma Mae West, mon pistolet et monceinturon. Je suis certain qu’il y eut un fermier biensurpris lorsqu’il les découvrit.

Je n’étais dans la meule que depuis quelques minuteslorsque j’entendis un grondement que je pris pour lebruit d’un train de marchandises qui démarre ou quirenverse la vapeur, mais c’était probablement monavion qui atterrissait puisque je me rendis compte,lorsque je revins à Genappe, que l’avion avait touchéle sol tout près de l’endroit ou j’étais. Il y avait uncimetière près du champ, avec un petit mausolée,

mais je n’ai pas vu d’église.

Je restai caché dans la meule de foin jusqu’aucrépuscule et je descendis la route proche vers unemaison, distante d’environ un quart de mile. Il y avaitune grange proche de l’habitation, j’y entrai et montaidans le grenier. Je me fis un lit dans la paille et passaila nuit.

Le lendemain 5 mars au lever du jour, j’entendis desvoix. Je descendis et m’approchai de la porte de lagrange. Il y avait deux femmes dans le jardin,occupées à quelque besogne, et bien sûr, ma présenceles effrayant, elles crièrent et gesticulèrentm’enjoignant de m’en aller. Un homme plus âgéentendit le tintamarre et sortit de la maison. Utilisantle langage des signes, je lui fis comprendre que j’étaisun aviateur qui était tombé dans les environs et quej’avais besoin d’aide. Il me fit signe d’entrer dans lamaison.

La RAF avait des années d’expérience dans la manièred’éviter la capture aux aviateurs tombés dans les payseuropéens occupés. On nous avait inculqué différenteschoses à faire et surtout à ne pas faire en pareillescirconstances.

Nos chances de ne pas être capturés dépendaient del’aide que nous recevions et la première personnerencontrée était de la plus haute importance. S’ils’agissait d’un sympathisant nazi, nous tombions dansles mains des Allemands. J’étais béni car le premierBelge rencontré était amical et n’aurait pu être d’uneplus grande aide. J’étais affamé et il me donna dupain, du beurre et du café. Ensuite il m’apporta desvêtements civils. J’étais alors vêtu d’une combinaisonde vol chauffante, d’une veste de vol et de botteschauffantes. Il me donna des chaussures, unpantalon, une chemise, un pardessus et unecasquette. J’étais habillé en civil. Mes chancesd’échapper à la capture atteignaient près de 100 % !!!

Je lui montrai mes plaques d’identité et lui donnai monnom et mon adresse. Il me donna une croix chrétienneet sa bénédiction et me montra la direction deBruxelles. (J’ai gardé la croix avec mes plaquesmilitaires durant tout le reste de ma carrière dans l’US

49

HISTOMAG’44MAG

44

Bombardier quadrimoteur Boeing B17 dit «forteressevolante» du type que pilotait le Lt Herring

L’épave du B17 « Mischief Maker II » sous bonnegarde

Source photo : Société d'Histoire de Genappe

Le Lt Herring était le pilote du B17 n° 43 30412 «Mischief Maker II» appartenant à la 339ème escadrille du96ème groupe de bombardement de la VIIIème Air Force.

Page 50: histomag'44 N°72

Air Force). J’ai reçu un courrier de lui après la guerre.J’ai correspondu avec lui pendant un certain temps etje lui ai envoyé quelques cadeaux. Mon regret estd’avoir perdu le contact et de ne pas me souvenir nide son nom ni de son adresse.

Ma « promenade » commençait. Nous avions reçu unkit d’évasion qui contenait quelques francs français,des comprimés pour purifier l’eau, des biscuitsvitaminés au chocolat (des biscuits pour chienauraient eu un meilleur goût !) une carte de l’Europede l’Ouest imprimée sur un foulard en soie et uneboussole de la taille de l’ongle de mon index. J’essayaide me diriger vers l’ouest, en direction de la France.Je fis des « zigzags » afin de brouiller ma piste. Jepassai par Neville1, Charleroi et Binche. Dans l’après-midi je vis un homme sur le pas de sa porte, personned’autre en vue. Je lui demandai donc à boire. J’étaisfatigué, j’avais faim et soif. Il me fit entrer dans lamaison où sa femme préparait le repas. Apprenantquel étranger j’étais, elle fut effrayée et elle se mit àpleurer. Elle pleura tout le temps que je suis restédans la maison. L’homme insista et je restai pour lerepas que je pris avec eux. J’en fus très heureux. Ilme donna du pain emballé dans du papier. Je lesremerciai et pris congé. Plus tard dans l’après-midi jevis un autre B17 qui s’était écrasé non loin de la routesur laquelle je marchais2. Il y avait bon nombre despectateurs autour de l’avion et plusieurs soldatsallemands qui le gardaient. Plus haut sur la route,devant, il y avait beaucoup plus de soldats. Je tournaidonc dans une petite route qui descendait vers uncimetière3. Je traversai le cimetière et du côté dontj’étais le plus éloigné, j’aperçus un petit mausolée dequatre pieds sur quatre et huit de haut. Quelqu’unavait fait un trou de deux pieds sur deux dans un coindu mausolée, pensant sans doute y trouver des objetsde valeur. Le crépuscule approchait. Je rassemblai desherbes sèches et me fit un lit à l’intérieur du mausoléeoù je passai la nuit. Je dois admettre que la situationétait assez angoissante mais j’estimais que les soldatsne penseraient pas à chercher dans un cimetière, lanuit, quelqu’un qu’ils ne savaient pas être là. J’étaisprotégé du mauvais temps et je passai une bonnenuit.

Je me mis en route tôt le matin suivant, dans ladirection approximative de l’ouest. Je passai par Monset sus que j’approchais de la frontière française endébut d’après midi. La route sur laquelle je metrouvais traversait une voie de chemin de fer et, à peuprès à cent yards plus bas sur la voie, il y avait unepetite gare4. J’avais fort soif, fort faim et j’étais trèsfatigué. Je me dirigeai vers la gare où un jeune garçond’une quinzaine d’années était en train de nettoyer. Iln’y avait personne en vue. J’indiquai un robinet sur lecôté du bâtiment et demandai un peu d’eau au garçon.Il me jeta un regard amusé (je ne savais pas àl’époque que personne en Belgique ni en France nebuvait de l’eau !!!) Je lui dis que j’étais un aviateur

américain. Il me fit signe de ne pas bouger. Il rentradans la gare, vraisemblablement pour voir son père.Il ressortit après quelques minutes, prit sa bicycletteet m’indiqua de le suivre. Nous nous dirigeâmes verssa maison, à un quart de mile de la gare. Sa mère menourrit, me donna à boire et me conduisit dans unechambre où je dormis un bon moment. À mon réveil,on me dit d’attendre. Un peu plus tard, un hommeapparut avec deux bicyclettes. On m’en donna une eton m’indiqua de suivre ce monsieur. Il faisait nuitlorsque nous arrivâmes au n° 134 de la rue deMonsville à Quaregnon, la maison d’Henri Lechien.J’étais vraiment béni des dieux car chaque Belge quej’avais approché m’avait aidé et maintenant, je metrouvais dans une famille qui faisait partie de l’ArméeBlanche, un mouvement de résistance belge.

Les Lechien n’auraient pu être plus gentils avec moi.

Leur maison était du type « maison de ville » avecdeux chambres à l’étage. Henri était tailleur, etAdrienne tenait une petite boutique de mode dans la« pièce de devant », au rez-de-chaussée. La cuisine–salle à manger se trouvait à l’arrière de la maison.Quant aux toilettes, elles se situaient dans une courmurée adossée à l’arrière de la maison. Ils avaient unfils de huit ans, Henri junior que l’on surnommait Lulu.C’était une lourde charge que de m’avoir chez eux,mais ils firent tout pour que je me sente comme chezmoi. Henri se mit à réparer le pantalon et le pardessusque le premier homme que j’avais rencontré m’avaitdonnés. Il me fit cadeau de chaussures pourremplacer ma première paire que j’avais usée jusqu’àla corde.

Ils firent venir à la maison un homme qui parlait unpeu anglais et qui me posa un tas de questions. Ils mephotographièrent et un peu plus tard me donnèrentune carte d’identité. Mon métier était tailleur et j’étaissourd-muet ! En fait, j’entendais très bien !

Je passais le plus clair de mon temps assis dans ungrand fauteuil dans la cuisine. Je n’allais jamais dansla « pièce de devant » et ne montais à l’étage qu’à lanuit tombée. Je ne vis jamais personne d’autre que lesgens que les Lechien faisaient entrer pour me voir et,de toute façon, je ne pouvais jamais converser aveceux.

Un matin, je fus invité à me tenir prêt à partir. Nousallâmes, telle une famille qui rend visite à des amis,quelques portes plus loin dans la rue. Après peu detemps, Henri et moi prîmes congé et montâmes dansun bus à bord duquel nous roulâmes une dizaine deminutes (c’était la première fois que je sortais de lamaison des Lechien). Nous n’étions pas montés etnous ne nous sommes pas assis ensemble dans le bus.Nous n’avons pas marché côte à côte, mais bien dansla même direction. Nous avons marché pendant à peuprès deux miles et nous rencontrâmes, dans un parc,un homme qui avait deux vélos. C’est là qu’Henri mequitta. Je ne devais plus jamais le revoir. En juin, Henriet Adrienne cachaient un autre aviateur et ils furent

50

HISTOMAG’44MAG

44

Lire « Nivelles »

Il s'agit du B17 42-31565, 95th BG, tombé à Saint-Symphorien, "la pannetrie", le 4 mars vers 17 h.

Il s'agit vraisemblablement du cimetière de Saint-Symphorien.

Il s'agit vraisemblablement de la gare de Cuesmes-État.

1 :

2 :

3 :

4 :

Silhouette du B17 « Mischief Maker II »

Page 51: histomag'44 N°72

pris. Henri fut tué et Adrienne put s’échapper. Elle dûse cacher jusqu’à la Libération.

Je ne me souviens plus du nom de l’homme aux deuxvélos, mais je l’ai suivi jusqu’au village de Blaregnies,à quelques miles de la frontière française, chezmadame Biron et madame Mislian. C’était une grandemaison à deux étages, à l’extérieur du village5 dansune zone agricole. Madame Biron avait 63 ans et sasœur, Madame Mislian 72 ans6. Elles m’accueillirentcomme le Fils Prodigue. Je m’émerveille encore de leurcourage, leur bravoure et leur dévouement à laRésistance. Lorsque je suis arrivé à Blaregnies, quatreaviateurs de l’équipage d’un même B177 étaient chezMesdames Biron et Mislian depuis plusieurs semaines.Il y avait là Robert «Bob« Walther, le pilote, deBayonne, New Jersey ; Donald Dahlin, le navigateur,de Choteau, Montana ; Monroe «Waxie« Gordon,bombardier, de Brooklyn, New York ; Lester «Smitty«Smith, mitrailleur latéral de Chicago, Illinois.

Un certain monsieur Godart, un officier de laRésistance s’occupait de nous. Il venait à Blaregnies

toutes les deux semaines et apportait de la nourritureet diverses denrées aux dames afin de leur permettrede nourrir les cinq jeunes affamés que nous étions.J’ai rapidement compris que la plupart de cesprovisions provenaient de trains allemands et demagasin « pillés » par la Résistance.

À l’origine, la maison des sœurs était une ferme avecune grange à l’arrière. La maison avait été remodeléeet l’espace entre la maison et la grange avait ététransformé en véranda où se situaient les toilettes.Dans une partie de la grange, on avait inclus unegrande pièce dont le sol était en ciment, et un fauxmur. C’est dans cette pièce que nous passions toutesnos journées. La maison était proche de la route, maistrès sûre et aucun passant ne pouvait voir ni lavéranda ni la partie arrière du bâtiment.

Nous essayions d’aider les dames aux diversesbesognes ménagères, mais il n’y avait pas grand-chose que nous puissions faire puisque nous nepouvions accéder à la partie avant de la maison, saufle soir pour aller nous coucher à l’étage. madame

Biron faisait la plus grande part du travail et s’activaitdans toute la maison comme l’aurait fait une personnedeux fois plus jeune qu’elle. Les dames étaient toutesdeux excellentes cuisinières, et je les remercie den’avoir jamais eu faim.

Il y avait une dame de Frameries qui venait assezsouvent à Blaregnies. Je ne me souviens pas de sonnom. Je crois qu’il s’agissait d’une relation de madameBiron ou madame Mislian. Elle n’était pas membreactif de la Résistance. C’était plutôt unesympathisante qui aidait le mouvement selon sesmoyens. Alors que nous étions à Blaregnies depuispresqu’un mois, un membre de la Résistance quisavait où nous étions fut arrêté. Monsieur Godartcraignait que cet homme soit contraint à parler etnous dûmes être déplacés. Un homme et une femmede Frameries vinrent en camion et nous montâmes àl’arrière, au milieu de denrées diverses, recouverts decarpettes et de bâches. Nous fûmes ainsi conduits àla maison de la mère de la femme, à Frameries. C’étaitune grande maison à trois étages et nous restâmescachés au troisième pendant deux semaines, c’est àdire jusqu’au moment où l’homme arrêté fut relâchéet qu’il était possible de retourner à Blaregnies entoute sécurité, ce que nous fîmes de la même manièrequ’à l’aller.

Le camion était très intéressant. Les Belges ne

pouvaient pas obtenir d’essence et l’homme avaitconverti son camion en une espèce de machine àvapeur ! Il y avait une chaudière derrière la cabine etau-dessus, côté chauffeur. Il y avait un foyer au-dessous de la chaudière que le chauffeur entretenaitavec des petits morceaux de bois. Le camion roulaitrégulièrement mais pas très vite. Nous sommesrentrés à Blaregnies sans le moindre incident.

Un matin, madame Mislian était partie faire descourses. Elle téléphona à madame Biron et lui dit derentrer les chats car il y avait un chien enragé dans levillage. Cela voulait dire qu’il y avait des soldatsallemands qui inspectaient les maisons et lesbâtiments dans le village. Nous nous rendîmes tousderrière le faux mur de la pièce dans laquelle nouspassions nos journées. Nous disposâmes un meuble

51

HISTOMAG’44MAG

44

Route d'Aulnois à Blaregnies.

Le nom de famille des deux sœurs est Alterman.

B17 "Dollie Madison", 42-31109 tombé aux environs dePéruwelz le 4 Février 1944.

5 :

6 :

7 :

Mesdames Anna Mislian et Julia Biron.Source photo : Cercle d'Histoire "Les dix clochers",Quévy

Blaregnies les six évadés(De gauche à droite) Lester SMITH, Anna MISLIAN,

Robert WALTHER, Don DAHLIN, Gerald MILLER, Julia BIRON, le chien Flika, Waxey GORDON,

Paul HERRING.Source photo : Gerlad Miller, Desmoine, Iowa,USA

Page 52: histomag'44 N°72

en face du mur et nous restâmes cachés quelquestemps, jusqu’à ce que les Allemands quittent levillage. Ils ne vinrent pas à la maison où nous étions.

Madame Biron avait un poste de radio à ondes courtesque nous gardions dans la pièce à l’arrière et nousécoutions la BBC le matin à sept heures et le soir à sixheures. C’était les seules nouvelles diffusées enanglais. Un matin, un des gars, je crois que c’étaitDahlin, s’était levé plus tôt et avait allumé la radio. Ilrevint quatre à quatre à l’étage ; les Forces Alliéesavaient débarqué, c’était le jour J, le 6 juin. Nousavions une carte sur laquelle nous suivions l’avancedes Américains et des Anglais. Après ça, nous n’avonsplus manqué une seule émission de la BBC et nousavons passé des moments pleins d’anxiété. Plus lesAlliés avançaient, mieux nous nous sentions.

On devait être à la mi-juillet lorsqu’un autre aviateuraméricain abattu nous a rejoint. C’était Gerry Miller,un mitrailleur de Des Moines, Iowa. (C’est le seul deceux qui étaient avec moi à Blaregnies avec lequel j’aipu rester en contact. J’ai assisté à une réunion de la8th Air Force à Des Moines il y a quelques années etj’y ai rencontré quelques-uns des compagnonsd’équipage de Miller. Gerry et son épouse, Maureen,avaient passé l’hiver à Sebring en Floride, non loin deFort Myers où je réside. Nous nous sommesrencontrés à maintes reprises)

Lorsque Paris tomba aux mains des Forces Alliées enaoût nous sentîmes que le moment de notre libérationétait proche. Les Allemands reculaient en débandadeen se dirigeaient vers l’Est utilisant tous les moyensde transports possibles et ne présentant qu’unerésistance sporadique. Le 2 septembre, vers 9 heuresdu matin, nous entendîmes et virent une colonneblindée descendant la route. Les premiers Alliés àentrer en Belgique passaient devant la maison.Lorsque nous eûmes réalisé qu’ils étaient américains,nous nous ruâmes à l’extérieur pour les accueillir.C’était une patrouille de reconnaissance de la 3ème

division Blindée et le sergent qui la commandait nesavait que penser de ces six gars se ruant à l’extérieurde la maison et hurlant qu’ils sont des aviateursaméricains. Il prévint un officier de la compagnie quiarriva rapidement et commença à nous poser des tasde questions de façon à s’assurer que nous étions bience que nous prétendions être. Il interrogea Miller surDes Moines. Où avait-il été à l’école ? Miller répondit :à l’école supérieure. L’officier demanda alors où il avaitété à l’école primaire. L’école qu’il avait fréquentéeportait le nom du grand-père de l’officier. L’officiernous dit que nous étions OK mais que nous nepouvions rester car nous nous étions exposés et nousmettions en danger la sécurité des personnes qui nousavaient aidés. Nous devions partir. Ainsi, après cinqmois, j’ai étreint madame Biron et madame Mislian enles remerciant à n’en plus finir et je suis parti.

Nous sommes montés à bord d’un Half-track. On nousa donné une arme et un casque et plus tard ununiforme. La colonne a rejoint le reste de lacompagnie et nous avons pénétré au cœur de laBelgique. Je suis resté avec la compagnie pendantquatre jours et nous n’avons rencontré que peu derésistance. Les Allemands se rendaient par milliers.J’étais surtout débordé, envahi par les citoyens belgesqui, alignés le long de la route nous faisaient signe,nous congratulaient, nous tendaient des fruits et duvin. Quelques-unes des plus jeunes filles montaient

sur les chars et les véhicules et embrassaient lessoldats. À certains moments, la colonne avait peine àavancer. Ces gens avaient été sous l’occupationallemande pendant cinq ans et nous pouvionscomprendre leur réjouissance. Je me réjouissais moiaussi !

Les camions d’approvisionnement transportaientcontinuellement du ravitaillement vers le front et auretour chargeaient les prisonniers allemands pour lesconduire dans un camp au sud de Paris. Nous fûmesdésignés comme gardes sur chaque camion et nousavions la charge de trente à quarante prisonniers pourle voyage vers Paris qui durait à peu près quatreheures. Nous avions une carabine, mais les camionsétaient équipés d’une mitrailleuse calibre 50. Nousn’eûmes donc aucun problème avec notrechargement. Une fois arrivé au camp de prisonniers,on m’emmena vers un hôtel à Paris où se trouvaientbon nombre d’aviateurs libérés dont notre navigateuret notre mécanicien de bord.

Après deux jours passés à Paris je me suis envolé pourLondres où j’ai reçu mon uniforme d’officier et mesinsignes et où je fus interrogé. Plus tard, j’ai rejointma base, celle du 96ème groupe de bombardiers auquelj’appartenais en tant que membre de la 339ème

escadrille. J’ai reçu des ordres pour rentrer aux USAet à la mi-octobre j’étais chez moi.

Durant la période au cours de laquelle je me trouvaisen Belgique, je n’ai été proche de l’action que deuxfois. Lorsque j’étais à Frameries, les Anglais ontbombardé une gare de triage à un demi-mile de lamaison où je me trouvais. Il n’y eut pas de dégâts àla maison, mais nous pouvions entendre et ressentirles explosions et voir les incendies qui en résultaient.Une semaine avant notre libération, des chasseursaméricains mitraillèrent un petit train de voyageursqui passait devant la maison8. Il n’y eut pas de dégâtsà l’habitation, mais le train fut arrêté et plusieurspersonnes furent tuées.

Je suis encore à ce jour impressionné et profondémentreconnaissant à l’égard de ces braves gens deBelgique qui ont tant risqué pour aider les aviateursaméricains abattus. Six d’entre eux étaient de notreéquipage. Cinq de cet équipage sont tombés auxmains des Allemands et faits prisonniers jusqu’à la finde la guerre. Je suis infiniment reconnaissant que tousles onze membres de notre équipage aient pu rentrersains et saufs chez eux et que la guerre en Europe aitpris fin.

Sources

Missing Air Crew Report 3425.

Témoignage de Paul Herring.

52

HISTOMAG’44MAG

44

Il s'agit en fait du tram, encore à vapeur à cette époque.8 :

Page 53: histomag'44 N°72

Les montres et la Seconde Guerre mondialePar Fréderic Bonnus

S’il est un sujet très rarement abordé c’est bienl’importance des montres et de leur précisiondurant la Seconde Guerre mondiale qui, avec

ses opérations combinées et ses opérations com-mando, demande désormais une très haute précision.

De plus le silence radio imposé remet au goût du jourla navigation astronomique.

Toutes les manufactures horlogères sont sollicitées :Omega, Rolex, Breitling, IWC… Plus spécifiquementdédiées à la Royal Air Force, les « 6B/159 » sont prin-cipalement produites par Omega, Longines et surtoutLeCoultre.

1 - Les Montres dans l’action

Durant la Seconde Guerre mondiale, la grande maisonde la Vallée de Joux « Jaeger-LeCoultre » fabrique plu-sieurs calibres destinés à la chronométrie de marine,parmi lesquels le calibre Jaeger-LeCoultre 162.

En parallèle, la manufacture livre à l’armée britan-nique un important lot de montres de poche en acier,équipées du calibre Jaeger-LeCoultre 467, dont unepartie fut destinée à l’armée de terre (gravure G.S.T.P.et Broad Arrow - symbole de l’appartenance du garde-temps à l’armée britannique), et l’autre partie fut li-vrée à la Royal Air Force (gravure 6E/50), pour lepersonnel au sol.

Mais Jaeger-LeCoultre fournit surtout des montres depilotes dont la qualité et la précision comptent pourpartie dans la réussite des opérations de la RAF. Alorsque l’aviation est appelée à jouer un rôle décisif surtous les fronts, le système de navigation pose encored’importants défis. Naturellement, le système de gui-dage satellitaire (GPS) n’existe pas encore...

Si l’aviation civile utilise la transmission radio pourfaire le point en vol, l’armée ne peut recourir à cemode opératoire au-dessus du territoire ennemi, aurisque d’être repérée. Lorsque la navigation visuellene permet pas de faire le point (nuit, couvre-feu, volau dessus de la mer, brouillard…), celui-ci est effectuéen calculant la distance parcourue à partir du lieu dedépart, la vitesse, la direction et la durée du vol. Bap-tisée « deduced reckoning » ou « dead reckoning »,cette méthode implique de posséder une montre trèsprécise et résistante aux vibrations de l’avion.

Fabriqué à partir de 1940, le premier modèle de mon-tres de pilotes Jaeger-LeCoultre répond aux spécifica-

tions A 11 de l’US Army Air Corps et aux normes MarkVIIA 6B/159 de la Royal Air Force.

Il offre un calibre Jaeger-LeCoultre 450. Dotée d’uneseconde au centre, la montre est équipée d’une lu-nette tournante externe, sécurisée par une couronnespéciale. Ce dispositif permet au pilote ou au naviga-teur de synchroniser la montre avec le dernier bip ho-raire reçu par radio, avant d’entrer en mode « deadreckoning ». Ce système est communément appelé« Weems », du nom de son inventeur, le pilote mili-taire américain Philip Van Horn Weems (1889 - 1979),qui déposa un important brevet en 1935 (US2008734).

À partir de 1943, la Royal Air Force introduit des mo-dèles Mark VIIA 6B/159 dépourvus de la lunette dite« Weems », majoritairement équipés du calibre Jae-ger-LeCoultre 470. Tous ces garde-temps jouent unrôle capital dans le déroulement des opérations aé-riennes. Ils complètent les appareils de bord, en par-ticulier le célèbre le Chronoflight de Jaeger-LeCoultre.

2/ La fabuleuse histoire des Rolex « POW »

De nombreux documents d’époque montrent queRolex fournit régulièrement des montres aux POW(Prisonners Of War en anglais) lors de la SecondeGuerre mondiale, même si cette pratique est proba-blement limitée à certains camps tels que le fameuxStalag Luft III.

À l’époque, la fourniture de ces garde-temps aux POWest une opération financière pour le moins risquée. Eneffet, le fabricant adresse ses montres gracieusementà ses clients gradés, considérant qu’un officier, en vé-ritable « gentleman » ne manquera pas de régler safacture après sa libération.

Voici donc la fabuleuse histoire de ces montres histo-riques achetées par le caporal Clive Nutting et le majorR.J. Henderson.

Ces montres sont commandées à Rolex dans les an-nées 40/41 par deux soldats, pendant qu’ils sont re-tenus prisonniers au Stalag Luft III situé près deBagan (actuelle Pologne). L’un est Canadien et l’autre,Clive James Nutting est un sujet britannique.

C’est plus spécifiquement de la montre de ce dernierdont nous allons parler… Le caporal Nutting est cap-turé le 28 mai 1940 puis détenu au Stalag Luft III –

53

HISTOMAG’44 MAG

44

Chronomètre Jeager-Lecoultre calibre 162

Montres de pilote Jaeger-LeCoultre Mark VIIA - A11,

Page 54: histomag'44 N°72

celui-là même qui fut le théâtre de « La Grande Éva-sion » mise en scène par Hollywood en 1962. CliveNutting passe donc toute la guerre dans ce camp deprisonniers où il exerce le métier de cordonnier.

De son côté, Hans Wilsdorf, Fondateur de Rolex, hor-loger de nationalité allemande installé à Genève de-puis 1919 pour des raisons fiscales, participe ainsi àsa manière à l’effort de guerre, « mais cette actionpermet également à Rolex de tester ses montres dansdes conditions extrêmes ». D’ailleurs, dans ses cor-respondances avec ses clients, la marque genevoisedemande souvent des informations quant au fonction-nement de ses montres.

Plus concrètement, la Rolex 3525 Oyster Chrono-graphe en acier inoxydable de Clive Nutting est com-mandée le 10 mars 1943. Lorsque Rolex reçoit l’ordred’achat de ce Chronographe Oyster No. 122 de la partdu caporal Clive Nutting (prisonnier 738), la directionde la marque genevoise souligne « un inévitable délaidans la fabrication de cette pièce, non pas à cause desconditions de guerre ou des restrictions, mais à caused’un grand nombre de commandes de la part des of-ficiers » qui bénéficient alors de l’offre « achetez main-tenant et payez quand vous le pourrez ».

La montre est probablement envoyée le 10 juillet sui-vant accompagnée d’une facture portant la mention« gratuit ». « La montre coûte actuellement 250 francsen Suisse mais ne vous préoccupez pas de payer pen-dant la durée de la guerre », écrit alors à son client lefondateur de Rolex, Hans Wilsdorf, en soulignant ladeuxième partie de la phrase.

Clive Nutting est libéré le 28 mai 1945. À son retouren Grande-Bretagne, le caporal écrit à Rolex pour ré-clamer sa facture et demander l’adresse d’un horlogeroù faire régler sa montre qui prend une heure par jour« mais qui a bien résisté au froid » précise-t-il.

Ce n’est que trois ans après la guerre, en 1948, queM. Nutting reçoit enfin une facture de Genève d’unmontant de 15 livres, 12 shillings et six pence. Ilconserve sa montre jusqu’à sa mort en Australie en2001, à l’âge de 90 ans. Elle est ensuite achetée auxenchères par un Australien.

Le dernier «enregistrement« de la montre POW deClive Nutting dans les archives de la ManufactureRolex date du 28 mars 2003. Il s’agit d’une révisionpour un montant de 2 356 dollars australiens… 63 ansaprès que son propriétaire d’origine fut fait prisonnierde guerre.

Sources

- Forum "ForumAMontres" dont l’auteur est membreforumamontres.forumactif.com

- Archives de la Manufacture "ROLEX" à Genève.

54

HISTOMAG’44MAG

44

Clive Nutting (à droite) avec ses camarades du Stalag Luft III

http://www.timezone.com/library/extras/200704246126La Rolex 3525 de Clive Nutting

D’autres marquessuisses ont recherché

la clientèle des prisonniers de guerre

Facture de Clive Nuttinghttp://www.timezone.com/library/

extras/200704246126

Page 55: histomag'44 N°72

Winston Churchill (1874-1965) et ses dentiersPar Xavier Riaud

Winston Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni de 1940 à 1945, fait Compagnon de laLibération par le général de Gaulle en 1958,

était connu pour ses bons mots. Alors que la guerrebat son plein, un jour, Charles de Gaulle convieChurchill à petit-déjeuner : « Disons 7 heures,monsieur le Premier ministre. »

N’aimant pas se lever aux aurores, Churchill se seraitexclamé : « Pourquoi pas 6 heures, mon général ?Nous pourrions prendre notre douche ensemble ! »

Ou encore, toujours à Londres, lors d’une rencontreavec un militaire français qui se serait exclamé en levoyant apprêté comme un dandy : « Mais, c’est lecarnaval de Londres ! », il aurait rétorqué : « Moncher, tout le monde ne peut pas s’habiller en soldatinconnu ! »

Mais, il a aussi été un fervent défenseur du sol anglaiscontre les nazis. Il a représenté une certaine idée dela liberté et de la démocratie en Europe, tout au longdu conflit.

Pourtant, il était aussi connu pour avoir de véritablesdifficultés d’élocutions. Causé par un problèmedentaire qu’il avait depuis l’enfance, il était fréquentqu’il zézaie, ce qui lui rendait difficile l’exercice dudiscours. Malgré tout, les Britanniques ont eu le loisird’écouter, tous les jours qu’a duré la Seconde Guerremondiale, sa voix martiale à la radio, dans desmonologues incitant ses concitoyens à poursuivre lalutte contre l’oppresseur allemand.

Après avoir essayé de s’en départir sans succèspendant de nombreuses années, Churchill a demandéà son dentiste que ses prothèses dentaires soient un

peu moins ajustées que de coutume pour combattrece défaut dans l’art de la diatribe. Il souhaitait en effetque ses concitoyens l’identifient sans aucunehésitation lorsqu’il s’exprimait, rendant essentiellechacune de ses allocutions.

Ses appareils dentaires ont ainsi été confectionnésspécialement pour lui dans le respect de sesdirectives. Il avait donc, toujours avec lui, deuxprothèses amovibles de rechange. Faites en alliageprécieux, elles remplaçaient ses quatre incisivessupérieures (12, 11, 21, 22) et ses deux prémolairessupérieures gauches (24, 25). Par ailleurs, elles neprésentaient pas de crochet sur la canine supérieuregauche (23) ou sur la molaire supérieure gauche (26).

En outre, son prothésiste dentaire, Derek Cudlipp,aurait, sur ordre du Premier ministre anglais, étéexempté de combat. Lorsqu’il a présenté sa demandede mutation pour rejoindre un régiment, Churchill luiaurait arraché des mains ce document considérant quela présence du prothésiste était bien plus importanteà Londres pour l’effort de guerre, occupé à réparer sesprothèses.

Dans une interview récente à la BBC, le fils duprothésiste se souvient que Churchill avait l’habituded’éjecter son appareil de sa bouche lorsqu’il recevaitde mauvaises nouvelles du front. Il témoigne : « Monpère racontait des tas d’anecdotes sur la façon dontChurchill mettait son pouce derrière ses dents pour leséjecter. Il disait qu’il pouvait savoir où en était l’effortde guerre à la distance qu’elles parcouraient dans lapièce. »

Le 19 janvier 2011, à Londres, lors d’une vente auxenchères, une prothèse amovible de Churchill,appartenant à la famille Cudlipp, a été vendue 19 000euros.

Une autre prothèse est exposée au HunterianMuseum, Royal College of Surgeons de Londres.Offerte par la même famille, cette pièce constitue undes éléments les plus regardés du musée et, commel’affirme son conservateur : « Voici les dents qui ontsauvé le monde. Sans elles, “Fight them on thebeaches” n’aurait pas eu la même intonation. Elles ontété vitales pour l’effort de guerre. »

55

HISTOMAG’44MAG

44

Page 56: histomag'44 N°72

Le coin lecteurPar Philippe Massé

Calme plat chez les éditeurs : très peu de sorties,ceci dit le quantitatif est supplanté par lequalitatif. Nous voyagerons beaucoup et nous

parlerons Bataille de l’Atlantique grâce à l’excellentlivre de Guy Malboscq mais aussi de l’Amiral Döenitzsuite à la publication de sa biographie. Je vouspropose un parcours dans les coulisses de la Cour desComptes, célèbre institution française. Le moisprochain direction le Front de l’Est avec la réédition dulivre d’Eddy de Bruyne consacré à Léon Degrelle.Bonne lecture à tous.

La bataille de l’Atlantique (1939-1945) - Lavictoire logistique et celle du renseignement,clés de la victoire des armes. 2ème édition. GuyMalboscq. Éditions Économica.

Un livre sur la Bataille del’Atlantique qui n’est pasécrit par un marin mais parun ancien officier de l’arméede Terre. J’ai eu l’occasionde rencontrer l’auteur il y aquelques années et lespremières pages luesmontrent que ce livre esttrès complet sur le sujet. LaBataille de l’Atlantique a faitl’objet de nombreuxouvrages, dont le volumeest à la mesure du sujet.

Mais l’approche chrono-logique habituelle, appliquée

à un sujet aussi vaste, aussi varié et aussi complexeque celui-ci, rend les synthèses difficiles. Cet ouvragepropose au lecteur des chapitres chronologiques etdes chapitres de synthèse sur les points nécessaires àl’acquisition d’une vue d’ensemble du sujet : sous-marins et chasseurs de sous-marins, corsaires desurface, guerre des communications, etc.

Un effort particulier a été accompli pour montrer demanière aussi claire que possible le rôle des états-majors, celui du renseignement et des décryptages,pour essayer de préciser la logique ayant conduit auxprises de décisions les plus importantes. Ce quipermet également d’apprécier la part de logique ou dehasard intervenant dans la marche des événements.La victoire remportée par les Alliés sur toutes les mersa été la condition indispensable à leurs victoires surterre.

Dans la guerre moderne, la logistique prime l’habiletétactique des meilleurs généraux, comme l’exprime sibien un expert comme Rommel. Cet ouvrage s’attachedonc à montrer l’imbrication des stratégies navales etterrestres, si visible en Méditerranée. La Bataille del’Atlantique est d’abord une affaire d’organisationn’impliquant d’ailleurs que quelques dizaines demilliers d’hommes. Mais les organisations des deuxcamps ont été animées par un petit nombred’hommes, dont certains furent exceptionnels. Leurpersonnalité est présente tout au long de cet ouvrage

Le livre est largement documenté par des tableaux etdes graphiques. (Commentaires éditeur)

À posséder, à mon sens, au même titre que le livre deWarren Tutes et John Costello portant sur ce sujet.

Prix : 33 €.

Döenitz Le dernier «Führer». François-Emmanuel BREZET.

La biographie de celui qui alongtemps occupé une placeà part parmi les hiérarquesdu Troisième Reich, l’un desseuls à avoir bénéficié d’unjugement favorable de lapostérité.

Karl Döenitz, né en 1891,grand amiral de laKriegsmarine à partir dejanvier 1943, incarne à luiseul la guerre sous-marinesystématique menée par lesAllemands contre les Alliés.Derrière l’organisateur horspair se dessine, sous la

plume de François-Emmanuel Brézet, uninconditionnel de Hitler, qu’il poussera à la résistanceenvers et contre tout.

À la mort du Führer et à sa demande, il lui succède àla tête du Reich pendant huit jours au cours desquelsil tente sans succès de rapatrier les troupes du frontde l’Est afin qu’elles se rendent aux Alliés et non pasaux Russes. Il ne fait rien, bien au contraire, pourinfléchir le régime, multipliant les ordres d’exécutionde déserteurs. À Nuremberg, il est condamné à dixans de prison. Après sa libération de la prison deSpandau et jusqu’à sa mort en 1980, il bénéficie d’unevéritable aura chez beaucoup de ses compatriotes,tant pour son rôle militaire que pour avoir mis fin à laguerre, et cultive avec habileté la « palme du martyre« qu’on lui avait décernée.

S’appuyant sur de nombreux travaux allemandsrécents, l’auteur démonte, preuves à l’appui, le mythe

56

HISTOMAG’44 MAG

44

Page 57: histomag'44 N°72

Döenitz, celui d’un grand amiral qui aurait mené une« guerre propre « tout en conservant ses distancesavec le nazisme.

Ancien officier de marine, docteur en histoire del’université Paris-IV-Sorbonne, François-EmmanuelBrézet a publié chez Perrin une Histoire de la marineallemande (1939-1945). (Commentaires éditeur)

Prix : 22.50 €.

La Cour des Comptes pendant les années noires(1939-1945). Édition la documentationfrançaise, Jean François Potton.

Voici une étude inédite, sur un panméconnu de l’histoire de la Courdes Comptes. Après uneprésentation de la situation de laCour en septembre 1939 et durantles années d’occupation, pendantla Seconde Guerre mondiale,l’ouvrage aborde les questionssuivantes : quelle a été l’attitudede Vichy envers la Cour ? Quelle aété l’attitude de la Cour à l’égardde Vichy ? L’étude distingue ce quiconcerne les magistrats et ce qui

concerne l’institution. On y suit l’ensemble de sesactivités de contrôle de la comptabilité publique. Il estquestion de collaboration mais aussi de la Résistanceen son sein, puis, de la Libération et des commissionsd’épuration administrative. Une étude factuelle, sur lerôle de cette institution durant ces années obscures.Les annexes, très riches, ajoutent encore à l’intérêt decet ouvrage. (Commentaires éditeur)

Prix : 12 €.

Les Juifs en Normandie (1939-1945). ÉditionsOuest France, Yves Lecouturier.

Une étude complète etchiffrée sur le statut desJuifs en Normandie de 1940à la fin de la guerre : à partirde 1942, arrestations etrafles ont conduit près d’unmillier de Juifs vivant enNormandie vers des campsd’internement. Parmi eux,près de 800 ont été envoyésvers des camps deconcentration et surtoutd’extermination. Seulssoixante déportés en sontrevenus vivants. Untémoignage sur l’applicationbrutale des lois françaises et

des ordonnances allemandes. On y trouve nonseulement les aspects néfastes de ces mesures maisaussi des actes d’une grande générosité.(Commentaires éditeur)

Prix : 22 €.

Aktion T4. Éditions Calman Levy. MichaëlTregenza.

Considérés par Hitler et sesproches comme des poidsmorts dans l’économie deguerre, les handicapésphysiques et mentaux furentdécrits auprès de l’opinionpublique comme des êtresdont « la vie ne vaut pasd’être vécue ». De 1939 à1943, le IIIème Reich mena àleur encontre une vasteentreprise de mise à mort.Le programme ditd’« euthanasie », ou T4 – enréférence à l’adresse del’administration : Tiergar-tenstraße 4, à Berlin –, fut

élaboré par l’entourage du Führer dans une semi-clandestinité. Médecins, infirmiers, membres de la SSparticipèrent à cette opération, sous le contrôle duKriminal-inspektor Christian Wirth, et sous l’égide deproches d’Adolf Hitler (Philipp Bouhler, Viktor Brack,Martin Bormann…).

Arrachés à leurs asiles, les malades furent conduitsdans des centres spécialement aménagés enAllemagne et en Autriche (Grafeneck, Hartheim,Brandeburg, Hadamar…), où ils furent gazés puisincinérés. Plus de 100 000 personnes furent ainsiassassinées. L’« euthanasie » des malades mentauxet des handicapés allemands préfigure ainsil’extermination systématique des Juifs mise en œuvreà partir de 1942.

Michael Tregenza apporte ici une remarquablecontribution à la connaissance du programme T4,basée sur l’étude approfondie de sources allemandes,autrichiennes et polonaises, et notamment sur lestémoignages et les interrogatoires menés lors desprocès des années 1940 à 1960. Il décrit l’élaborationde l’entreprise d’euthanasie, son fonctionnement etsurtout ses responsables et ses exécutants.(Commentaires éditeur)

Prix : 27 €.

Propagande nazie : « Un handicapé vivant 60 anscoutera 50 000 reichmarsks »

57

HISTOMAG’44 MAG

44

Page 58: histomag'44 N°72

Revue Histoire de la shoah N 194- L’horreuroubliée : la shoah roumaine, Mémorial de laShoah.

La Shoah en Roumanie a puêtre caractérisée commeune Shoah « oubliée » etson historiographie commeun « trou noir ». Pour lesdiscours officiels roumains, iln’y aurait pas eu de Shoahdans un pays qui auraitprotégé ses Juifs, et laresponsabilité n’auraitincombé qu’aux seulsAllemands.

La réalité est toute autre.Oui, il y a eu une Shoah enRoumanie et elle fut, trèsmajoritairement, une Shoahroumaine. Une violente

législation antisémite, promulguée dès 1937, s’estdurcie en 1940. Même si les initiatives liées à ladéportation et à l’extermination des Juifs ont pu porterles marques distinctives de l’entreprise nazie, leurmise en œuvre et leur exécution ont relevé pleinementdu fascisme roumain, qui d’ailleurs les a revendiquéessans équivoque. Les Roumains n’ont-ils pas eu leursEinzatzgruppen, ces unités de gendarmerie qui ontfonctionné pendant toute la guerre comme des unitésde tueries mobiles, leurs Aktionen, menées demanière si brutale que même les Allemands, choqués,déclarèrent que le problème juif, dans ces régions,avait été placé en de « mauvaises mains ».

La Shoah en Roumanie fut le théâtre de massacres deJuifs parmi les plus massifs de la Seconde Guerremondiale. Pourtant, ils demeurent largementméconnus, depuis le pogrom de Bucarest (janvier1941,) celui de lasi (juin 1941), jusqu’aux massacresd’Odessa (octobre 1941), de Bessarabie et deBucovine (1941-1942). Pour finir par les déportationsen Transnistrie (près d’un demi-million de victimes),dans un territoire que le régime du maréchalAntonescu considérait comme son « dépotoirethnique ». La mémoire de ces massacres à la miseen œuvre atypique (marches de la mort,extermination par la faim, par le feu), est au cœur dece volume qui en analyse aussi l’impact dans laRoumanie d’aujourd’hui. (Commentaires éditeur)

Prix : 19 €.

Interdit aux nomades - RaymondGurême et Isabelle Ligner. Éditions Calman-Levy.

Raymond Gurême est l’un desrares survivants d’une pageoccultée de l’histoire de France :celle de l’internement defamilles « nomades » de 1940 à1946.

Né dans une caravane, Raymondmarche dans les pas de sesancêtres sur la piste du cirquefamilial. Tout disparaîtbrutalement lorsque sa familleest enfermée, sur ordre de la

police française dans les camps de Darnétal, près deRouen, puis de Linas-Monthéry, dans l’Essonne. Là, lafamille Gurême vit coupée du monde, sans nourriture,sans hygiène, sans chauffage. Mais Raymond réussità s’en échapper et entre dans la Résistance. Il neretrouvera les siens que neuf ans plus tard.

Aujourd’hui, ce patriarche d’une famille de 15 enfantset de 150 descendants brise soixante-dix ans desilence pour dénoncer les discriminations toujoursvives à l’égard des nomades.

Un témoignage exceptionnel pour comprendre latragédie des tsiganes. (Commentaires éditeur)

Prix : 17 €.

58

HISTOMAG’44 MAG

44

Page 59: histomag'44 N°72

L479 « Anton »PC de chasse de nuit

Par Jean Cotrez

Avec ce blockhaus on s’attaque au très lourd desréalisations de l’organisation Todt. Sadénomination officielle est : Unterstand für

FunkmeßgeräteAuswertung Jafü. Ici Jafü est leraccourci de Jagdführer. Son petit nom est L479Anton. Son rôle, PC de chasse spécialisé dans lachasse de nuit. Il servait aussi bien sûr de jour maisson équipement, en particulier ses Seeburg tisch,était une technologie qui permettait de repérer lesavions alliés la nuit mais surtout de guider leschasseurs allemands non équipés pour la chasse denuit vers leurs cibles. Le détail de cet équipement aété décrit dans l’article sur les radars allemands dansla rubrique BTP du HM 68.Construit à 17 exemplaires entre les AOK1, 7 et 15, ilse trouve généralement à proximité ou au centred’une station radar. Celui que je vous présente estcelui de la station Skorpion dans la Somme. Cettestation faisait partie de la ligne de défense anti-aérienne Himmerbett. (voir HM 68).

Description :

D’une longueur de 26,8 m par 18,2 de large, il estd’une hauteur de 8,30 m car il comporte 2 étages. Sontoit et ses murs sont au standard de 2 mètres et leradier de 80 cm. Pas moins de 16 pièces différentes auxquelles ilconvient d’ajouter les couloirs et l’escalier. Pourconstruire tout çà il fallait 2 610 m3 de béton,155 tonnes de ferraille. L’ouvrage ne comprenait pasmoins de 22 portes blindées de 4 types différentsselon leur emplacement et leur rôle. Enfin il étaitventilé et chauffé.

Visite guidée :

Sur la vue de faceextérieure ci-contre, onaperçoit, en partant de lagauche vers la droite, unepremière ouverture qui estl’extraction de l’air vicié del’intérieur de l’ouvrage.Juste à côté se situel’accès extérieur autobrouk de défense dublockhaus dont on devinela légère protubérance surle toit du blockhaus.L’orifice suivant est labouche d’aspiration d’airfrais qui arrive à l’étageinférieur du bloc. Sous letrou beaucoup plus petitsitué toujours plus à droitedans la partie haute de lafaçade se trouve la porte« de service » murée parlaquelle on faisait entrerdans le blockhaus lesmatériels de grandes

dimensions. Toujours en glissant vers la droite onarrive sur la première entrée pour les hommes qui aété murée (les parpaings sont plus clairs) ensuite sousla visière la seconde entrée, elle aussi murée. Les 2orifices côte à côte tout à droite sont les orificescommuniquant avec la salle radio. Deux orificessimilaires sont situés sur le côté droit du blockhaus.

Visite intérieure :Nous allons commencer par ce qui pourrait laisserpenser qu’il est le rez-de-chaussée, puisque lesentrées protégées par la caponnière 1 sont au niveaudu sol. En fait c’est l’étage supérieur, puisque l’autreniveau est enfoui dans le sol. Cette caponnière sert enoutre de poste de garde car le local est assez vaste etl’on trouve des traces de fixation de câblestéléphoniques qui laissent à penser que cette pièce entemps de paix servait également de salle d’accueil aux

59

HISTOMAG’44 MAG

44

Etage supérieur (niveau RdC)

L479 vue extérieure de face

Page 60: histomag'44 N°72

visiteurs. Les 2 entrées sont également protégées pardes créneaux de défense intérieurs. Celui de l’entréede droite donne dans le couloir 8 où se trouvel’escalier permettant l’accès au niveau inférieur. Celuide l’entrée de gauche donne dans la salle 4, que l’onpourrait comparer aux salles de corps de garde de nosvieux châteaux.Le tobrouk 7 permet une surveillance des environs dublockhaus. Comme d’habitude ce dernier possède unaccès extérieur indépendant et sans communicationavec l’intérieur de l’ouvrage. Le repère 6 est une entrée provisoire dont la tailleimportante permet de faire entrer et sortir lesmatériels encombrants qui ne peuvent passer par lesentrées du personnel.

Un peu comme les issues de secours dans lesblockhaus de combat après utilisation, cette sortie estobstruée de manière solide mais provisoire par desmatériaux que l’on pourra retirer à la demande pourune future utilisation.Dans la présentation, il est indiqué que le blockhausest aéré et ventilé. Vous pouvez voir les bouchesd’aspiration et de rejet d’air extérieur. Celle à droitedu tobrouk aspire l’air frais qui est envoyé à l’étageinférieur où après être passé à travers des filtres, il

est distribué dans tout l’ouvrage par des gaines deventilation. L’air vicié est récupéré à l’étage supérieurdans le petit local 5 d’où il est renvoyé vers l’extérieurpar le conduit situé à gauche du tobrouk. Afin d’éviterau maximum les désagréments de l’humidité, les 2étages communiquent entre eux à plusieurs endroitsafin d’assurer une circulation continuelle de l’air (voir

photo plus bas).L’autre local repéré 5, un peu plus grand, est un localtechnique depuis lequel s’effectuait la distributionélectrique provenant du groupe électrogène quandcelui-ci était en fonctionnement. Le blockhaus estalimenté électriquement par une source extérieuremais en cas de panne ou de coupure, l’ouvrage peutfonctionner en autarcie grâce à ce groupe. Ce dernierest situé dans la salle sur laquelle donne les 2 locaux5 ainsi que l’entrée 6.

De là on pénètre dans une grande salle d’exploitationdes données 3. Cette pièce fait 40 m2 et son entréeest protégée par un créneau de défense. L’accès esttrès large et ne comporte pas de porte. Cette sallepossède une très large ouverture avec l’une des sallesrepérée 3, de 35 m2, dans laquelle on trouve 2 trousbéants sur lesquels étaient installées les Seeburg tish9 dont on retrouve la structure à l’étage inférieur.Cette pièce communique avec l’autre pièce repérée 3,également de 35 m2, à travers une large ouverturequi était obstruée par une grande vitre sur laquelleétait représentée la région concernée et qui permettaitaux opérateurs de pointer sur cette carte lesinformations reçue des radars en liaison avec le PC.C’est pourquoi vous notez la présence d’un passageentre les 2 pièces afin qu’elles communiquent entreelles.Ces 2 pièces donnent sur le couloir 8 qui permetl’accès à la salle des transmissions radio 2 et ladescente à l’étage inférieur par l’escalier.

Ici se termine la visite du « rez-de-chaussée ».

60

HISTOMAG’44MAG

44

Local technique

Vue de l’entrée

Orifice de circulation d’air entre les pièces

Salle 3 : A noter les trous des Seeburg Tish

Page 61: histomag'44 N°72

La visite continue par le sous-sol dans lequel on trouve3 pièces repérées 1 pour le logement des hommes.La plus grande, celle de gauche, mesure 8 m x 5 m.Dans le blockhaus visité la salle 1 de droite n’est pascoupée en 2 comme sur le plan. Elle fait 35 m²environ. On peut malgré tout en déduire que cettepièce-là était réservée aux officiers et sous-officiersprésents dans le blockhaus, tout comme la plus petitedes 3 qui communique avec la grande mais en estséparée par une porte.

La pièce 2 est, comme à l’étage supérieur, un local detransmission, mais téléphonique cette fois. Les deuxpièces 3 sont des pièces de stockage possibles devictuailles.La salle 4 est un grand local technique dans lequelarrive l’air frais aspiré de l’extérieur. L’air est filtréavant d’être distribué dans toutes les pièces del’ouvrage. Quant à la partie 5, ce sont les embasesdes Seeburg tish (repères 9 à l’étage supérieur).

Toujours au sujet de la ventilation et de l’aération dansce mastodonte, il est à noter que toutes les piècesd’un même niveau communiquent entre elles par des

orifices situés en haut desmurs afin d’autoriser lacirculation libre de l’air.De plus les deux étagescommuniquent égalementpar d’autres orifices situésau bas des murs. Cesystème de ventilationconcerne aussi les piècesfermées par des portes.Les 2 bouches d’aspirationet d’évacuation d’airvisibles sur la façade del’ouvrage, permettentaussi d’alimenter legroupe électrogène en airfrais et de permettrel’évacuation des gazd’échappement quand legroupe est enfonctionnement.

Photos et texte de l’auteur.Plans de Patrick Fleuridas.

61

HISTOMAG’44MAG

44

Etage inférieur (sous-sol)

Pièce 5 (embase Seeburg tish)

Vestiges de gaines électriques dans la salle detransmission au sous-sol

Pièce 1 de droite

Page 62: histomag'44 N°72

Modelisme : Le KV2, un colosse aux pieds d’argile

Par Michel Wilhelme et Alexandre Prétot

Ala fin des années 30, l’armée rouge étaitquasiment la seule à posséder des chars lourds.Parmi ceux-ci, le KV1 (KV signifiant Kliment

Vorochilov, nom du commissaire à la défense del’époque) fut mis au point en février 1940. Testé avecsuccès lors de la guerre d’hiver en Finlande, il fut misen production et utilisé jusqu’en 1943.Il s’agissait d’un engin de 48 tonnes armé d’un canonde 76 mm et de trois mitrailleuses de 7,62. A cetteépoque, le blindé allemand le plus lourd, le Pz IV ausfD, pesait 20 tonnes.

Durant la guerre d’hiver, l’armée rouge ressenti lebesoin d’une artillerie mobile capable de détruire lesbunkers de la ligne Mannerheim. Cela conduisit audéveloppement d’une version spéciale équipée d’unetourelle énorme destinée à abriter un obusier de 122puis de 152 mm.Ce nouveau modèle, baptisé KV2 connu de trèsnombreux problèmes liés à la conception de latourelle, et en particulier des bloquages et parfois unedésolidarisation de la tourelle sous l’effet du recul ducanon, ce qui força les ingénieurs russes à opérer demultiples modifications de cette partie de l’engin et àtenter de développer des obus perforants entrainantun faible recul.Par la suite, la confrontation avec la Wehrmachtmontra que la silhouette du KV2, beaucoup trophaute, en faisait une cible facile pour l’artillerieallemande. Les limitations de son canon interdisait letir d’obus perforants, il n’était donc pas apte aucombat contre les chars.Il fut rapidement constaté que le KV2 n’apportait pasgrand chose sur le champ de bataille tout enabsorbant une main d’oeuvre et des matièrespremières qui pourraient avoir une bien meilleureutilité. La production fut donc stoppée en octobre1941, 334 exemplaires avaient été construits.

Caractéristiques techniques :

Longueur : 6,88 mLargeur : 3,32 m Hauteur : 4 mPoids : 52 tonnesÉquipage : 5 hommesMoteur : V-2K V12Vitesse : 32 km/hArmement : obusier de 152 mm

La Maquette : KV2 TRUMPETER ECHELLE 1/72

J'ai choisi le kit de chez Trumpeter,mais on trouve lekv2 chez "Hobby Boss", PST, et certainement chezd'autres marques. Avec Trumpeter, le choix est largeet les maquettes sont en général de bonne qualité etd'un montage simple

62

HISTOMAG’44MAG

44

A la rencontre de l’Histoire et du jouet, le modèle réduit permet à certains de concilier leur passion pour laseconde guerre mondiale et l’esprit d’enfant qui sommeille, parait-il, en chacun de nous. Développant un savoir-faire extraordinaire et un étonnant sens de la « débrouille », le modeliste expérimenté arrive parfois à donnernaissance à de véritables chefs-d’oeuvre recréant, au travers d’un diorama ou d’une décoration personnalisée,de petits moments d’histoire. Histomag’44 a demandé à l’un d’entre-eux, Michel Wilhelme, dont vous pouvezadmirer les créations sur le forum « un monde en guerre » sous le pseudo « Michel 76 » de nous faire profiterde son travail et de ses conseils. Il a gentiment accepté de nous faire partager sa passion.

Char KV1

KV2 capturé par les allemands

Page 63: histomag'44 N°72

Le montage

On commence toujours par le montage des galets dutrain de roulement, opération qui, bien que simple, nem'amuse pas trop car elle est très répétitive. Aprèscollage des galets sur le chassis, on pourra, monter lacaisse du blindé. En géneral, je monte toujours unblindé comme cela. Sur la caisse, je monte tous lesaccessoires (lot de bord, mitrailleuses, écoutilles etc.).Je passe ensuite au montage de la tourelle, mêmeprincipe que pour la caisse.

La peinture

Ayant 3 ensembles à peindre, le chassis, la caisse etla tourelle, j'utilise des teintes de chez Humbrol àsavoir du vert 117 pour l'ensemble du kit, ensuitej'ajoute quelques gouttes de jaune 154, pour éclaicirma base et donner un effet de profondeur (différencede teintes). Au camouflage du char, j'ai souventconstaté lors d'expositions, qu'un blindé dont lapeinture est très uniforme ressemble plus à un blocde plastique qu'à un char, mais ce n'est que monopinion.Après avoir joué sur les teintes, il reste à repiquer tousles petits détails au pinceau (échappements, lots debord etc.)Ensuite il faudra monter les chenilles qui serontcollées à la colle cianoacrylate. Elles sont en plastiquesouple, donc fragiles. Pour la mise en peinture, j'utilisedu 133 et du 53 toujours de chez Humbrol. Aprèsséchage il faudra les monter sur le chassis, aprèsverification du bon positionnement des chenilles il nerestera qu'à coller la caisse, et ajouter la tourelle.

Patine

On passera pour débuter un petit jus de noir mat(Humbrol 33) sur l'ensemble du blindé. Aprèsséchage, on pourra reprendre la teinte de baseéclaircie de jaune et effectuer un brossage à sec(utilisation de très peu de peinture, pour cela bienessuyer le pinceau) et on brossera toujours dans lemême sens toutes les surfaces pour faire ressortirtous les détails du blindé.Reste la pose des décalcomanies, passer un vernismat sur l'ensemble de la maquette et ensuite lamettre en situation si vous voulez l'ajouter à undioramaVoila pour terminer le kit Trumpeter, d'un montagesimple, qui ne pose pas de probleme et que nosjeunes maquettistes pourrons monter sans difficultémajeure.

Sources : - Le guide des chars de la 2eme guerre mondiale Christopher F Foss - Bordas

- Encyclopédie des armes - Editions Atlas

Contacter Michel : [email protected]

63

HISTOMAG’44MAG

44

Le slogan sur la tourelle dit à peu près :« La victoire est à nous «

Page 64: histomag'44 N°72

Site Mémoire d’Oradour sur GlanePrésenté par Daniel Laurent

Nous vous présentons dans ce numéro de votreHistomag’44 un site qui mérite très largement ledétour.

Il s’agit d’Oradour-sur-Glane de notre ami Mahfoudqui accomplit un travail énorme tant sur son site qu’autravers de reconstitutions époustouflantes d’unités del’Armée Française.

C’est avec un très grand plaisir que l’Histomag’44encourage ses lecteurs à aller signer le livre d’or deMahfoud, il le mérite largement.

Daniel Laurent

Ouvert en février 2007, ce site regroupe le résultat demes recherches tournant autour de la tragédied’Oradour sur Glane le 10 juin 1944 ou 642 hommes,femmes et enfants ont été massacrés par deséléments de la 2ème division blindée SS Das Reich .

Cependant je ne me limite pas au récit des faits de lajournée du 10 Juin et j’explore tout Oradour, de la viedu village, j’essaie de retracer les biographies de seshabitants , une vision du village, avant, pendant etaprès le massacre, en résumé tout ce que j’ai purécolter depuis mes premiers travaux de recherchesqui datent d’avril 2006.

De ce qu’était Oradour à l’antiquité, de la vie de seshabitants à la tragédie du 10 Juin 1944 revivez àtravers ce site ce qu’a été ce qu’est et ce que resteraOradour dans la mémoire collective : Un symbole dela barbarie humaine.

Mahfoud Salek Prestifilippo

http://memoiredoradour.voila.net/

64

HISTOMAG’44MAG

44

Page 65: histomag'44 N°72

Le forum du Front de l’EstPrésenté par Daniel Laurent

Nous vous présentons dans ce numéro de votre His-tomag’44 un forum spécialisé dans l’histoire du Frontde l’Est.

Signalons une riche rubrique concernant les crimescommis sur ce front.

L’un des animateurs de ce forum, dont l’épouse estrussophone, est également contributeur de l’Histo-mag’44, qu’il en soit ici remercié.

Daniel Laurent

Russie, Ukraine, Biélorussie et d’autres pays del’ex-URSS, se préparent à célébrer ce qui fut, ily aura 70 ans le 22 juin prochain, le début du

plus important conflit terrestre de l’Histoire.

La guerre à l’Est n’a ressemblé à aucune autre danstous les domaines, ce qui justifie amplement qu’unforum en français lui soit consacré.

Les sujets sont infinis : des batailles titanesques dansdes conditions climatiques souvent très difficiles àl’évolution des matériels, des diverses unités enga-gées dans les deux camps, en passant par l’inévitablecôté politique de cette lutte à mort entre les deux plus

importantes puissances totalitaires continentales del’Histoire.

Les intervenants sont des passionnés d’histoire mili-taire, de matériels, de reconstitution, de modèles ré-duits…

Certains sont russophones, ou connaissent des natifsde l’ex-URSS, ce qui permet d’avoir des informationsintéressantes et souvent méconnues du conflit sou-vent réduit, jusqu’à la chute de l’URSS, à des généra-lités faute de sources fiables.

D’autres enfin ont voyagé à l’Est, rapportant des pho-tos de musées ou de lieux de combats, des livresrares.

Les autres fronts et leur incidence sur la guerre à l’Estne sont pas oubliés non plus, même s’ils sont traitésde manière moins approfondie (Prêt-bail, bombarde-ments stratégiques sur l’Allemagne, guerre dans le Pa-cifique)

Un forum à visiter, et où chacun peut amener sa pierre

L’équipe du forum du Front de l’Est.

http://ostfront.forumpro.fr/

65

HISTOMAG’44 MAG

44

Page 66: histomag'44 N°72

Contact Presse - H2ACOMAlice Sabi - [email protected] - 07 86 00 74 03

Diffusion Distribution Vilo

Collection : BiographieClassification : Biographie, documentFormat: 13,5 x 21 cm Broché

Le livreSeptembre 1939, Frania Eisenbach est une jeune adolescente de 13 ans lorsque l’armée allemande envahit la Pologne.« Avec ma musique je vais te faire rire et te faire pleurer »,disait son père, musicien et chef d’orchestre. Il a disparu dans la tourmente nazie comme plus des soixante membres de la famille de Frania. Meurtrie à jamais par l’enfer du ghetto et de la vie concentrationnaire, six longues années durant, c’est en France qu’elle se trouve réfugiée puis choisit de s’installer après l’ouverture des camps. Elle attendra plus de cinquante ans avantde pouvoir témoigner. Sa rencontre avec Dany Boimare, l’amitié et la confiance qui en naîtront, auront permis la naissance de ce livre, dans une première édition, fin 2007, aujourd’hui épuisée.Il est illustré de quelques photographies et documents d’histoire relatifs aux quatre ghettos et camps où Frania a été déportée, de la Pologne vers l’Allemagne.

Ce livre est inscrit sur le Chemin de mémoire par le gouverne-ment (site du ministère de la Défense) depuis 2008.

La 2e édition est augmentée d’une préface signé par Rémi Picard, ancien médecin et « passeur de mémoires ».

Éditions Édite79, rue Amelot75011 Paris

Les AuteursFrania Eisenbach Haverland a donné son témoignage à l’association de Steven Spielberg suite au film La Liste de Schindler. Elle participe encore aujourd’hui à de nombreuses conférences, et participe à des rencontres scolaires.

Dany Boimare est née en 1950. Issue d’un milieu ouvrier, elle est vite confrontée aux réalités sociales, à l’injustice, qui font naître ses révoltes et son militantisme. C’est cette ouverture aux autres et cette écoute attentive qui la conduiront à prendre la plume pour écrire l’histoire de Frania Eisenbach Haver-land.

Parution : 17 Juin 2011

Communiqué de presse

Nb de pages : 260 p.Prix TTC : 18 €

Tant que je vivraiFrania Eisenbach Haverland & Dany Boimare

NOUVEAUTE