EN PRATIQUESOMMAIRE
N°49 - SEPTEMBRE 2011 >Après un beau parcours en grande entreprise, le CFO peut être tenté par l’aventure de la PME, pour y rechercher d’autres défi s et d’autres plaisirs. Mais attention: être directeur fi nancier en PME, ce n’est pas forcément la même chose. Analyse et conseils dans notre dossier.
DAF en PME: Small is Beautiful!
Dossier
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
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CFO en PME: Docteur Jekyll ou Mister Hyde?
L icencié en sciences économiques, Baudouin
Durieux travaille dans un premier temps dans
l’audit, au Grand-duché de Luxembourg, avant
de devenir contrôleur de gestion de la Générale
de Service Informatique (GSI), une entreprise française présente
principalement en Europe mais aussi aux Etats-Unis. Il est en-
suite envoyé aux Pays-Bas pour prendre en charge la direction
fi nancière d’une entreprise acquise récemment par GSI. Une
mission menée jusqu’en 1995, date où le groupe est alors vendu
aux Américains d’ADP. Ceux-ci décident de se séparer de la fi liale
hollandaise et Baudouin Durieux se voit chargé du managing
buy-out. Il évolue alors du poste de CFO à celui de COO jusqu’en
2005 et le passage de son entreprise entre des mains anglaises.
Notre homme investit alors dans différentes PME et s’associe
notamment chez 3StarsNet en tant que partenaire où il prend
en charge plus spécifi quement les volets fi nanciers et le custo-
mer care. « Dans une grosse structure, généralement, le directeur
fi nancier est confronté à des contraintes en matière de reporting,
de normes comptables, etc., dans une mesure beaucoup plus
importante que dans une PME, relève-t-il. Le nombre de règles
imposées à un CFO dans une grande entreprise est relativement
conséquent. Alors que, dans une PME, le directeur fi nancier est
un peu dans la ‘jungle’ et il doit essayer de s’orienter. »
En outre, dans une petite structure, le directeur fi nancier sera
avant tout le bras droit du patron de l’entreprise. « Et idéa-
lement, un contre-pouvoir du CEO. C’est pourquoi il bénéfi cie
d’une large marge de manœuvre pour prendre des initiatives. Il
aura généralement les RH en dessous de lui. Le CFO d’une PME
est donc quotidiennement au four et au moulin alors que, dans
une grande organisation, il est assisté d’un certain nombre de
personnes et il peut faire appel à leurs talents d’expertise. Dans
une PME, le CFO est un généraliste, il touche à tout. »
CHOIX AFFECTIFPour Baudouin Durieux, directeur fi nancier de PME ou de
grande entreprise sont deux profi ls différents, deux person-
nalités distinctes. La zone de confort du CFO est plus impor-
tante dans une multinationale parce que les contraintes
amènent le job à devenir un peu plus « mécanique ». « Tandis
que dans une PME, quand on arrive au bureau, le planning de
la journée est toujours chamboulé par un événement inatten-
du. Personnellement, je préfère le monde des PME parce que je
suis quelqu’un de concret. A mon avis, en fonction de son profi l
« Dans une PME, le directeur fi nancier est un peu dans la ‘jungle’ et il doit essayer de s’orienter. »
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS
Small is beautiful, dit-on. Après un beau parcours en grande entreprise, le CFO peut être tenté par l’aventure de la PME, pour y rechercher d’autres défi s et d’autres plaisirs. Mais attention: être directeur fi nancier en PME, ce n’est pas forcément la même chose. Faut-il des qualités spécifi ques? Réponse avec trois responsables fi nanciers qui témoignent.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
on se dirige vers l’une ou l’autre carrière. Maintenant, est-ce
fait consciemment ou non? Je l’ignore… »
Travailler dans une multinationale avec ses nombreuses
règles fut néanmoins une merveilleuse expérience pour
notre interlocuteur. De son propre aveu, pendant huit ans, il
a professionnellement beaucoup appris et il a également pu
découvrir une autre culture de travail lors de son passage aux
Pays-Bas. « Mais je m’épanouis davantage en PME, je suis entre-
preneur dans l’âme. Dans une PME, la partie responsabilité est
plus importante. Si vous formez un bon duo avec le CEO, géné-
ralement, l’entreprise en retire des avantages. Dans les multi-
nationales par contre, les CEO de fi liales sont régulièrement
imposés par des décisions du top management. C’est comme
cela que se composent des binômes qui ont peu d’affi nités ou
qui ne partagent pas les mêmes valeurs. »
Une multinationale, c’est aussi normalement l’assurance
d’une plus grande sécurité en terme d’emploi et d’un meilleur
package. « Mais la PME vous apporte davantage de satisfaction
avec l’emprise que vous avez sur le job. On ne fait pas ce choix
par hasard, c’est une question d’affi nité. Ce qui me plaît c’est
justement la variété de la fonction. Le CFO de PME est un initia-
teur, il met en place la structure qui permettra à l’entreprise de
croître de façon homogène ».
Baudouin Durieux n’est toutefois pas convaincu qu’il existe
un modèle idéal. « Une multinationale aura des obligations
de reporting, un certain nombre de contraintes et l’évolution
du cadre légal est de plus en plus imposante. Recréer un climat
PME me semble délicat car, si vous structurez votre entreprise
en entités autonomes, vous serez automatiquement rattrapé
par les règles de groupe. Et la fonction fi nancière n’est de toute
façon pas vraiment l’endroit où l’innovation est au pouvoir. Je
crois en réalité qu’en PME ou dans une multinationale, le conte-
nu de la fonction peut être similaire. L’habillage, par contre,
peut-être différent. »
CONSEILLER PROCHEJoffroy Moreau entame son parcours professionnel en tant
que consultant chez Bain & Co où il vérifi era que la devise
Work hard, Play hard n’est pas un mythe. Le pragmatisme,
l’effi cacité et le « zero error » y sont âprement nécessaires
pour tirer son épingle du jeu en tant que « junior », mais
l’ambiance très jeune, dynamique et élitiste en font une ex-
périence unique que le CFO actuel d’A4 Group conseille vive-
ment au début d’une carrière. D’un naturel entrepreneurial,
Joffroy Moreau rejoint ensuite l’équipe d’EEBIC pour partici-
per à la gestion des fonds Theodorus et Sherpa Invest. Ces
fonds spécialisés en Start-up et PME lui ont d’ailleurs permis
d’apprendre quelques fi celles du métier d’entrepreneur en
analysant les projets des autres mais surtout en participant
activement à la gestion de participations comme Euro Heat
Pipes, Pains & Tradition et Mobile Token.
Le métier d’investment manager n’étant pas tellement diffé-
rent de celui de consultant, il caresse toujours la volonté d’aller
plus loin, de passer de l’autre côté. En 2008, avec l’appui d’un de
ses anciens professeurs, l’opportunité de devenir CFO de All4it
Groupe (renommé depuis en A4 Group) se présente. Il s’agit
d’un groupe de sociétés de services actives dans les études
cliniques Pharma (Contract research organisation) et IT (tierce
maintenance d’exploitation de système Oracle et SAP), réali-
sant un chiffre d’affaire de 12M d’euros, avec environ 120 col-
laborateurs et possédant des bureaux à Waterloo, Lille et Paris.
« Au niveau d’une PME, à ce niveau de management, il faut
assurément être entrepreneurial et ne pas avoir trop peur des
responsabilités que l’on peut devoir endosser en urgence. Au tra-
vers de mes différentes expériences en PME, j’ai toujours était le
conseiller proche d’un fondateur/CEO qui avait atteint une étape
de développement clé. Le plus diffi cile à ce poste est souvent de
faire accepter ou d’imposer des décisions à un fondateur-action-
naire-CEO ayant toujours eu l’habitude de décider seul. Il faut
faire ses preuves très rapidement et être convaincant… »
UN « MONSIEUR NON »En PME, Joffroy Moreau pense également qu’il est nécessaire
de se construire un bon réseau d’experts indépendants autour
de soi. En effet, les budgets sont limités et on ne peut pas se
permettre d’avoir toutes les ressources en interne… Ces rela-
tions doivent toujours se construire sur la confi ance et le long
terme. A l’analyse des dossiers d’investissement chez EEBIC,
le degré de relations extérieures (réviseur, experts comp-
Baudouin Durieux: « Le CFO d’une PME est quotidienne-ment au four et au moulin alors que, dans une grande or-ganisation, il est assisté d’un certain nombre de personnes et il peut faire appel à leurs talents d’expertise. Dans une PME, le CFO est un généraliste, il touche à tout. »
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tables, fonds…) était déjà un critère d’évaluation. Aujourd’hui,
le CFO d’A4 Group en comprend largement le bien fondé.
« La crise fi nancière puis économique a éclaté quelques mois
après mon arrivée chez A4 Group, raconte-t-il. Le groupe comp-
tait sept structures réparties sur trois pays. Aucune des enti-
tés ne clôturaient en même temps et le cash faisait largement
défaut. Le département fi nancier se résumait à une comptable
fraichement diplômée et moi. Il m’a fallu plusieurs semaines
pour comprendre l’étendue des dégâts: une perte opération-
nelle de près de 8% sur les neuf premiers mois. Nous avons
enclenché un programme de restructuration complet avec
une obsession pour le cash management. En moins d’un an,
nous avions renversé la tendance pour retrouver l’équilibre et
ensuite les cashfl ows. »
Joffroy Moreau s’est même retrouvé « DRH ad interim » en
2009 car le groupe n’avait plus personne à ce poste… alors,
effectivement, il faut être polyvalent et, surtout, ne pas
avoir froid aux yeux! Pour notre interlocuteur, l’esprit PME
est souvent plus dynamique et réactif que dans les mul-
tinationales. Les décisions se prennent à deux ou trois et
s’implémentent directement. Les choses bougent vite. La
culture d’entreprise, elle aussi, peut-être fortement impac-
tée par les personnalités du top management. Malheureu-
sement, le CFO est souvent vu comme le « méchant », le «
monsieur non » et il lui est parfois difficile de montrer son
côté humain. « Je pense que nombreux de nos collaborateurs
seraient bien étonnés de me connaître personnellement ou de
discuter avec les membres de mon équipe… »
MENTOR LUNCHA la différence de ce qui peut se produire dans une grosse
structure, en PME, il n’est pas nécessaire de passer par dix
procédures ou dix réunions avec cinq comités pour prendre
une décision importante. « Il faut s’assurer que c’est la meil-
leure à prendre. Je pense qu’en PME, on travaille beaucoup
plus le contenu que la forme. Et l’atmosphère est souvent bien
plus décontractée et informelle. Enfin, en ce qui me concerne,
le poste de CFO, est clairement une étape avant le dernier
saut, celui d’avoir sa propre entreprise. Aussi, je pense qu’une
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS FISCALITÉ DOSSIER
« En PME encore plus qu’ailleurs, l’aventure est avant
tout une histoire d’hommes et de femmes, de relations
humaines. »
Joffroy Moreau: « Au niveau d’une PME, à ce niveau de management, il faut assurément être entrepreneu-rial et ne pas avoir trop peur des responsabilités que l’on peut devoir endosser en urgence. Il faut faire ses preuves très rapidement et être convaincant… »
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expérience en PME est primordiale avant de lancer son propre
business. Dans mon cas, je recherche une société à reprendre
pour la gérer, la redresser et/ou la faire croître. Je n’ai pas la
volonté de démarrer un projet d’une page blanche, j’en ai vu
trop de qualité se terminer en échec. Par contre, faire mieux
avec l’existant, avec comme meilleure outil le bon sens, c’est
ce que je m’efforce à faire au quotidien depuis quelques an-
nées…et ça marche! »
De son parcours, Joffroy Moreau retient avant tout un grand
bonheur. Car jusqu’à aujourd’hui – et il touche du bois –,
il s’est toujours montré plus heureux et épanoui à chaque
étape franchie… sans que cela n’implique qu’il regrette son
parcours, au contraire. « Il faut dire que, même de caractère
très entrepreneurial et impulsif, j’essaye de gérer ma carrière
de manière réfléchie. Aussi, je ne manque pas de m’être trouvé
un mentor, en la personne d’Olivier Witmeur, ancien profes-
seur devenu ami, qu’on ne présente plus dans le secteur de
l’entreprenariat en Belgique. C’est une personne dont j’admire
les qualités humaines et la capacité à voir juste dans les situa-
tions compliquées… Mon premier conseil, le mentor lunch, au
moins une fois par an! »
Joffroy Moreau déborde d’énergie intérieure et a besoin de
la canaliser mais aussi de la mettre au service d’une cause,
d’un objectif, d’un projet. S’il se sent sur une voie de garage
ou en désaccord avec ses valeurs, il risque de péricliter… Que
ce soit en PME ou ailleurs, il faut être capable de se remonter
les manches, de rebondir et de transformer un problème en
opportunité! « Enfi n, en PME probablement encore plus qu’ail-
leurs, l’aventure est avant tout une histoire d’hommes et de
femmes, de relations humaines. J’y consacre aussi beaucoup
d’énergie et de temps afi n que mon équipe, qu’elle soit consti-
tuée de collaborateurs internes ou externes, partage un noyau
de valeurs et une vision commune. Les valeurs se trouvent en
recrutant les membres de l’équipe, mais la vision ne s’impose
pas, elle se construit et évolue avec l’apport de chacun. »
TOUCHE-À-TOUTLicenciée en sciences appliquées, Cléonice Mastrostefano,
CFO et administrateur de Façozinc, a bénéfi cié d’une forma-
tion très généraliste. C’est donc surtout sa première expé-
rience professionnelle qui a orienté la suite de sa carrière.
Recrutée sur campus par KPMG, elle va prendre la voie de la
fi nance. Durant six ans, en audit, elle aura l’occasion de dé-
couvrir de l’intérieur la vie et les chiffres de fi liales de groupes
internationaux. Vient alors le temps d’une réfl exion à mener
par rapport à un objectif de carrière.
« Dans la logique des choses, soit on restait dans l’audit et
on s’y investissait totalement en espérant décrocher un titre
de partner, soit on quittait l’entreprise pour devenir assistant
d’un directeur fi nancier ou contrôleur de gestion dans un grand
groupe, indique-t-elle. J’ai opté pour une troisième alternative
atypique à l’époque: rejoindre Façozinc, une PME. Il y a 17 ans,
travailler en PME n’avait pas la même connotation qu’actuel-
lement. C’était un peu péjoratif. Mais je connaissais bien cet
univers puisqu’il s’agissait d’une PME familiale créée par mes
deux oncles… » La décision devait toutefois être mûrement
réfl échie car Cléonice Mastrostefano savait que, si elle rejoi-
gnait cette structure de moins de 10 personnes, elle opérerait
un « retour en arrière » pour assumer toutes les tâches admi-
nistratives, dans tous les sens du terme.
A cette époque, les PME n’attiraient traditionnellement pas
d’universitaires. « Ce qui m’a poussée à venir, c’est la possibilité
de devenir actionnaire, administrateur et responsable fi nancier
de l’entreprise. Un job qui demandait avant tout une grande
polyvalence car, jusque là, personne n’occupait cette fonction
administrative et fi nancière. » Cléonice Mastrostefano souligne
également que le poste exige de se montrer très proche de
l’opérationnel et d’être impliqué dans tous les fl ux. « Je super-
vise par exemple les productions, l’administration des ventes et
des achats, la logistique, les ressources humaines, le payroll, l’in-
formatique, la comptabilité, la fi scalité, les assurances… »
Polyvalence est donc le maître mot pour le directeur fi nancier
de PME, y compris dans des matières où, parfois, il ne pos-
sède pas, naturellement, toutes les compétences idéalement
requises. « J’attire donc l’attention: en tant que CFO d’une PME,
vous êtes amené à toucher à tout. C’est pourquoi vous devez
aussi savoir où se situent vos limites de compétences pour ne
pas tomber dans un travers: celui de ne pas externaliser cer-
taines tâches, notamment celles où l’expertise est essentielle.
En procédant de la sorte, vous pouvez faire plus de tort que
de bien à votre entreprise. Il y a la question de coûts, certes,
mais toutes les compétences au sein d’une PME n’étant pas
présentes, il est bon d’évaluer, de temps à autres, ce que l’on
doit externaliser. Je pense effectivement qu’il peut en résulter
un gain de temps et permettre à l’entreprise de retirer un plus
grand bénéfi ce si la tâche est opérée par une personne compé-
tente et expérimentée. Pour prendre ces décisions, sachez vous
entourez de personnes de bon conseil. »
STRATÉGIE ET STRUCTUREEn tant que CFO, Cléonice Mastrostefano est également ame-
née à côtoyer des hommes de terrain et des entrepreneurs.
Aussi, il lui faut faire preuve d’une grande largesse d’esprit
pour entendre et comprendre leurs idées et leurs projets. Ce
qui n’est pas toujours donné à un esprit très cartésien, comme
celui des fi nanciers. « Je pense aussi que le rôle du fi nancier en
PME, malgré cette collaboration étroite avec le terrain, est
« Si on considère les PME qui percent sur le marché, on retrouve très souvent ce binôme entrepreneur/fi nancier. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
24 de conserver son indépendance afi n d’évaluer les projets et les
performances de l’entreprise. C’est particulièrement important
dans une petite structure où les décisions se prennent rapide-
ment. Car, dans une PME, le CFO va régulièrement devoir ras-
surer ses partenaires fi nanciers. Pour concrétiser des projets,
amener sa société à croître, il est essentiel de compter sur la
confi ance de ses partenaires fi nanciers qui sont aussi bien des
banquiers que des invests locaux. Acquérir une crédibilité, de
la notoriété et monter à ses partenaires que l’entreprise sera
pérenne constitue un défi permanent. »
Cléonice Mastrostefano note également que le directeur ad-
ministratif et fi nancier d’une PME participe à la stratégie de
l’entreprise. « Il accompagne l’entreprise pour concrétiser cette
stratégie, il est impliqué dans l’opérationnel du business. Cette
proximité par rapport à l’opérationnel et cette implication que
le fi nancier peut avoir pour écrire la stratégie et l’accompagner,
est sans doute la plus grosse différence entre un fi nancier dans
une PME et celui d’une plus grande entreprise. Dans un grand
groupe, le fi nancier va plutôt évaluer a posteriori les perfor-
mances de son organisation tandis que dans une PME, on l’at-
tend déjà à l’accompagnement de la stratégie. J’estime qu’il est
sans doute plus intéressant mais aussi plus aisé de commencer
par une PME, afi n de bien connaitre le business à la base. En
PME, le fi nancier peut apporter comme input sa connaissance
de l’activité dans laquelle il évolue. Cela lui permettra, à cer-
tains moments, d’orienter certaines décisions. »
Le CFO veillera également à structurer la PME car dans les
petites entreprises familiales, les procédures sont rarement
en place. En provenant de l’audit, c’est peut être ce qui a été
le plus diffi cile à réaliser. La nécessité de structure doit égale-
ment être partagée par le reste des actionnaires et adminis-
trateurs. Cléonice Mastrostefano considère donc qu’indénia-
blement, le fi nancier doit évoluer comme un entrepreneur…
même si parfois ce profi l est très contradictoire dans son es-
prit un peu « formaté ». « Je crois que c’est d’ailleurs pour cela
que, dans une PME, on retrouve plus souvent un binôme entre-
preneur/fi nancier à la tête de la société. Le premier pour porter
les projets, le second pour les cadrer et assurer leur accompa-
gnement. Si on considère les PME qui percent sur le marché, on
retrouve très souvent ce binôme. »
Notre interlocutrice retire une grande satisfaction d’avoir
accompagné l’entreprise dans son développement serein,
avec des résultats positifs à la clé, ainsi que d’avoir amené
le Conseil d’administration à se structurer pour continuer à
grandir. « Or, ce n’est pas toujours évident en PME qui, en se
structurant, craint de se rigidifi er et de perdre sa réactivité. Il
faut garder le dynamisme d’une petite organisation mais avec
les procédures et les structures d’une entreprise plus impor-
tante, conclut-elle. Aujourd’hui, la PME n’a plus du tout cette
connotation péjorative, elle constitue le tissu économique de
notre pays… »
« La PME n’a plus du tout cette connotation péjorative: elle
constitue le tissu économique de notre pays… »
Cléonice Mastrostefano: « En tant que CFO d’une PME, vous êtes amené à toucher à tout. C’est pourquoi vous devez aussi savoir où se situent vos limites de compétences pour ne pas tomber dans un travers: celui de ne pas externaliser certaines tâches, notamment celles où l’expertise est essentielle. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
25Existerait-il deux « modèles » de CFO, selon la taille de l’entreprise?
Olivier Witmeur: « Précisons avant tout qu’au sein d’une PME,
on parle souvent de directeur administratif et fi nancier, en
abrégé DAF. Cette dénomination est d’ailleurs beaucoup plus
répandue en France que chez nous. Cette personne combine,
en général, les fonctions fi nancières, de contrôle qui s’orientent
davantage vers des référentiels comptables et fi scaux avec
les volets ressources humaines et leur volet administratif.
Le directeur fi nancier d’une PME est plus ‘passif’ que celui
d’un grand groupe, davantage tourné vers des aspects de
communication, notamment destinée à l’extérieur et aux
investisseurs. Pour ces DAF, il y a bien entendu des nuances de
caractères d’une personne à l’autre, mais aussi essentiellement
en fonction du profi l du patron de la PME et de la nature des
activités de celle-ci. D’ailleurs, en général, au sein des PME, on
observe que le volet fi nancier/recherche de partenaires, émane
plus souvent du CEO que du DAF. Alors que dans les grands
groupes, une part importante de la communication avec les
investisseurs se trouve entre les mains d’un CFO. Les profi ls
sont donc assez différents, en tout cas au départ. »
Quel est le profi l de ces DAF?
Olivier Witmeur: « Très souvent, les directeurs fi nanciers de
PME ‘classiques’ auront un background de comptable ou dans
l’audit. Alors que du côté des grands groupes, nous aurons
plutôt un fi nancier ‘pur’. Les comptables sont des hommes
de précision, ils enregistrent les opérations, travaillent dans
un contrôle formel et a posteriori. Les fi nanciers, de leur
CFO ou DAF: les profils sont différents
Le directeur fi nancier d’une PME est-il un homme ou une femme « différent(e) » par rapport à son homologue en grande entreprise? Réponse avec Olivier Witmeur, chargé de cours à la Solvay Brussels School of Economics and Management, et excellent observateur de la fonction fi nance dans le monde de l’entreprise.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
Olivier Witmeur: « La principale diffi culté pour le directeur fi nan-cier de PME est que, souvent, son entreprise a tendance à grandir assez vite. Au début, il peut se montrer très performant en étant simplement un ‘bon comptable’. Dès que le capital va s’ouvrir, sa vie va se compliquer signifi cativement. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
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côté, jonglent davantage avec des outils de fi nancement,
se projettent plus dans le futur, élaborent des plans… et
délèguent la comptabilité à des comptables. Dans les PME
en début de croissance, quand l’équipe de management se
forme, le directeur fi nancier est rarement un personnage
clé. Les compétences techniques et commerciales sont bien
plus importantes pour le développement de l’activité. La
compétence fi nancière, au début, est d’ailleurs souvent sous-
traitée et le directeur fi nancier n’arrive alors qu’en cours de
route. Et comme ses tâches sont plutôt administratives, il
n’aura pas forcément un profi l d’entrepreneur. »
S’oriente-t-on préférentiellement vers une l’une ou l’autre
fi lière dès ses études?
Olivier Witmeur: « En général, les étudiants sont plutôt formés
sur des référentiels de grandes entreprises. C’est pourquoi nous
avons développé un cours intitulé Entrepreneurial fi nance, orienté
vers le fi nancement des PME, dans lequel ils vont découvrir que
la manière dont une PME ou un grand groupe se fi nance est fort
différente. L’accès au fi nancement pour les PME étant quand
même relativement compliqué, celles-ci sont habituées à jouer
avec des fi nancements bancaires, des subsides, éventuellement
du capital à risque… En outre, elles ont plutôt tendance à se
débrouiller avec un seul partenaire bancaire, parfois un second
pour faire contrepoids. Alors qu’une grosse structure accèdera
souvent au capital via la bourse et mettra plus facilement les
banques en concurrence. Les fondamentaux sont donc très
différents. Dans une grande entreprise, l’information comptable
est supposée fi able; dans les PME, ce n’est pas toujours le cas.
Dans les grandes entreprises, il y a une distinction supposée entre
les actionnaires et le management. Dans le PME c’est rarement
le cas. Enfi n, dans les grandes structures, le risque est maîtrisé,
voir mesurable, alors que dans une PME ce n’est pas le cas. Dernier
élément de différentiation essentiel: la complexité du référentiel
comptable. Dans les PME, on tient une comptabilité simple,
DOSSIER
« L’accès au fi nancement pour les PME étant relativement compliqué, les fondamentaux sont très différents. »
Le dirigeant de PME/entrepreneur est généralement au four et
au moulin de son affaire. Mais, malheureusement, très souvent,
les banquiers ainsi que les autres intermédiaires fi nanciers lui
reprochent son manque de connaissances fi nancières. Quand
une petite entreprise a le luxe de bénéfi cier des services d’un
directeur fi nancier, ce qui n’est généralement pas le cas, celui-ci
doit développer des qualités particulières. Car en effet, la fi nance
en PME s’éloigne de la fi nance « traditionnelle ». « Par exemple, si
le directeur fi nancier ne parvient pas à comprendre qu’une PME est
souvent conduite selon les aspirations des dirigeants – avec parfois
des implications familiales – il lui sera impossible d’appréhender
la fonction fi nancière », explique Frank Janssen, professeur en
entrepreneuriat à la Louvain School of Management.
Si l’on se réfère à certains « standards » ou aux « bons usages »,
certaines décisions prises pourraient avoir l’air d’aller totalement
à l’encontre des intérêts fi nanciers de la PME. « Or, elles peuvent
prendre tout leur sens dans la mesure où elles permettent de
satisfaire les aspirations du management. Je pense, par exemple,
à des projets à long terme fi nancés par de l’endettement à court
terme, simplement parce que, de la sorte, le dirigeant n’aura pas
l’impression d’être tenu à long terme. Dans un certain sens, la
fi nance en PME peut paraître plus humaine car elle ne sera qu’une
fonction parmi les autres. »
Point intéressant pour le fi nancier: dans une PME, les tâches
ne sont pas cloisonnées comme elles peuvent l’être dans une
grande structure. Toutes les sphères s’interpénètrent: marketing,
ressources humaines, fi nance, etc. « Aussi, le directeur fi nancier de
PME devrait pouvoir vivre une expérience plus polyvalente et être
davantage capable de comprendre les implications de la fonction
fi nancière sur les autres domaines de l’entreprise. De quoi lui offrir
la possibilité d’élargir son champ d’action par la suite. A contrario,
un directeur fi nancier débutant sa carrière dans une grande
structure risque de se retrouver quelque peu cloisonné. »
COMPRENDRE L’ESPRIT PME
Frank Janssen: « Le directeur fi nancier de PME devrait être davantage capable de comprendre les implications de la fonction fi nancière sur les autres domaines de l’entreprise. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
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éventuellement analytique, tandis que les grandes entreprises
vont privilégier des référentiels comptabilités multiples qui
permettront d’analyser par produit, par pays, par type d’activité…
Il n’est pas question des normes IAS dans les PME. »
A quoi le directeur fi nancier doit-il faire particulièrement
attention?
Olivier Witmeur: « La principale diffi culté pour le directeur
fi nancier de PME est que, souvent, son entreprise a tendance
à grandir assez vite. Au début, le DAF peut se montrer très
performant en étant simplement un ‘bon comptable’. Mais
plus la structure va progresser, plus les opérations vont se
complexifi er et les partenaires se diversifi er. Dès que le capital
va s’ouvrir, la vie du DAF va se compliquer signifi cativement. »
De quelles qualités les DAF de PME doivent-ils faire preuve?
Olivier Witmeur: « Si l’entreprise est petite, il doit être un
excellent administratif et un très bon bras droit du CEO.
Comptable et fi scaliste émérite, il doit également bien maîtriser
les fi nancements bancaires. La comptabilité d’une PME sera
toujours à mi-chemin entre la comptabilité de l’entreprise et la
comptabilité personnelle de la famille ou du dirigeant. »
Quelles sont ses missions?
Olivier Witmeur: « Avec la croissance, la mission du DAF
devient plus stratégique: planifi er la santé fi nancière de
l’entreprise à travers ses résultats et une trésorerie, assurer la
rentabilité pour les actionnaires, une certaine indépendance
fi nancière et planifi er les opérations fi scales. La mission est
également opérationnelle, avec le contrôle de gestion, la
gestion de la trésorerie et du fonds de roulement… Il y a encore
les aspects légaux: tenir et publier des comptes, introduire des
déclarations TVA, s’occuper en temps et en heure de l’impôt des
sociétés, de l’ONSS… Les missions opérationnelles et légales du
DAF s’articulent autours d’une intense activité de controlling
et de reporting. Enfi n, n’oublions pas que le DAF est également
souvent impliqué dans la direction des ressources humaines et
que, là aussi, ses tâches sont nombreuses. »
Sur quels outils peut-il compter?
Olivier Witmeur: « Ils sont à la fois nombreux et très différents.
L’outil de base est bien entendu la comptabilité générale. Mais il y
a aussi le système de facturation, le système de gestion des achats,
la gestion des stocks et des immobilisés, le système de gestion des
prestations, la comptabilité analytique, construire un budget… »
Vous dites également que le reporting constitue un « out-
put » essentiel du DAF…
Olivier Witmeur: « En effet, car ses objectifs sont multiples.
Il sert avant tout à analyser et comprendre l’état fi nancier de
l’entreprise mais également à analyser et comprendre des
prestations de l’entreprise. Ses signaux d’alerte permettront
quant à eux de détecter des situations et transactions
exceptionnelles. Le reporting est essentiel pour sauvegarder/
protéger les biens de la société, estimer son évolution future
– rentabilité, trésorerie… –, suivre les investissements… Pour
structurer sa tâche, le DAF doit construire un tableau de
bord et bien identifi er les Key Performance Indicators, les
fameux KPI. En amont du reporting, il convient d’établir un
budget et de cerner les objectifs. En aval, il faudra réaliser
une analyse de la performance. Les méthodes et les outils
peuvent naturellement changer d’une entreprise à une autre
mais, en règle générale, je privilégierais de comparer budget
et réalisation, d’analyser la rentabilité – par projet, client,
département, région… –, d’analyser les risques et de valoriser
et interpréter les résultats. »
Au sein des PME, différents postes à responsabilité sont
parfois, voire même souvent, occupés par la/les mêmes
personnes. C’est ce qui fait la spécifi cité de ces petites
entreprises… et aussi leur charme, diront certains. Le
cumul des fonctions fi nancières avec celles des ressources
humaines est un exemple fréquent. Moins présente
chez nous, la dénomination « DAF », pour directeur
administratif et fi nancier, est d’ailleurs fort répandue chez
nos voisins de l’Hexagone. Bien entendu, chaque métier
possède ses particularités et des compétences spécifi ques
sont requises dans les deux « camps ». Mais ce n’est pas
parce qu’il préfère les chiffres à l’humain qu’un directeur
fi nancier ne fera pas un bon gestionnaire de ressources
humaines. Aussi, nous pourrions lui conseiller de s’entourer
de techniciens des RH et d’externaliser certains processus à
faible valeur ajoutée, comme la paie, par exemple.
En outre, si l’on compare la GRH des PME à celle des
plus grandes structures, on remarque que ce qui touche
au développement du personnel, de sa carrière et aux
formations est suivi de manière beaucoup moins poussée.
Aussi, le directeur fi nancier appelé à gérer les ressources
humaines veillera avant tout à maîtriser les bases
juridiques et spécifi ques du métier mais aussi et surtout
à développer ses compétences comportementales. Car la
PME, elle aussi, a tout à gagner de ce « mariage de genres ».
Stratégiquement tout d’abord, grâce à l’appréhension des
risques, exercice auquel le CFO est habituellement rompu.
Economiquement de par l’optimisation des coûts en raison
du partage des outils. Enfi n, au niveau de son organisation
grâce aux nouvelles synergies développées entre les
équipes de la fi nance et des RH. Par ailleurs, à un niveau
plus personnel, les nouvelles compétences acquises par le
directeur fi nancier et l’expérience dont il pourra témoigner
pourront certainement être valorisées plus tard, s’il venait
à briguer à un poste à plus haute responsabilité, par
exemple au sein d’une direction générale.
CFO + DRH = DAF
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
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Le directeur financier doit avoir un bon tailleur
C harles Delloye dispose d’une expérience à la fois
riche et variée: il a connu la grande comme la pe-
tite et moyenne entreprise, en Belgique, comme
à l’étranger, dans des fonctions variées (fi nance,
commercial, logistique, etc.) avant d’évoluer comme directeur
général et, aujourd’hui, comme dirigeant d’entreprise, consul-
tant ou encore « mentor ». Un parcours impressionnant qui lui
offre une vue d’hélicoptère pouvant éclairer de manière origi-
nale notre question: la fonction de directeur fi nancier de PME
est-elle spécifi que comparée à ce qu’elle est au sein de la grande
entreprise? Et quelles compétences convient-il d’avoir/de déve-
lopper pour l’exercer adéquatement?
COMPÉTENCES SUPPLÉMENTAIRESUne façon de considérer cette question pourrait être de parler
en termes d’évolution, en observant les différents stades de vie
d’une entreprise, depuis la TPE-PME jusqu’à la grande entre-
prise, note-t-il. « Le ‘vêtement’ du directeur fi nancier devra être
adapté en conséquence. On peut presque dire qu’il part avec une
couche-culotte, pour passer au short, au jeans d’ado avant d’en
arriver au costume, jusqu’à passer à la tenue de cérémonie avec
pochette, boutons de manchette et haut de forme. »
L’analogie est osée, mais traduit bien la réalité: « Dans une TPE, le
patron détient toutes les casquettes, joue tous les rôles, explique-
t-il. Quand sa société grandit et atteint une certaine taille, il va
devoir se détacher du volet fi nancier, par exemple en l’externali-
sant auprès d’une fi duciaire. Ensuite, ce volet sera ré-internalisé,
avec l’embauche d’un profi l de type comptable qui se chargera de
la comptabilité générale, mais aussi de la gestion de trésorerie de
base. Pour que l’entreprise vive, il faut que ses clients la paient et
qu’en retour, elle puisse payer ses propres fournisseurs… »
S’ajoutent ensuite généralement des aspects de droit des
sociétés, la relation avec les divers établissements fi nanciers
ou encore les contacts avec l’administration fi scale. « Par la
suite, plus l’entreprise va grandir, plus le costume du directeur
fi nancier va devoir s’enrichir de compétences complémentaires:
contrôle de gestion, relation avec les actionnaires, gestion des
risques, aspects de fusion et acquisition, stratégie, … Les compé-
« Le CFO doit, par nature, être invité à toutes les tables et savoir ce qui se passe partout au sein de son entreprise. »
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS
Au fur et à mesure que l’entreprise grandit, sur une échelle allant de la TPE à la grande entreprise, il faut que le directeur fi nancier se dote d’un costume toujours plus élaboré, illustre Charles Delloye (AletheA). Au-delà des compétences requises, le ‘CFO de PME’ doit mettre en œuvre des approches différentes de son homologue actif dans un grand groupe. Analyse.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°49 - SEPTEMBRE 2011
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tences requises ne peuvent faire qu’augmenter en fonction de la
taille de l’entreprise et de la complexité de ses fl ux. Mais certains
‘vêtements’ peuvent aussi être enlevés: dans une grande entre-
prise, aujourd’hui, le CFO ne doit plus être un expert comptable
ou avoir été contrôleur de gestion. Il devra par contre piloter les
personnes qui ont cette expertise. Se rajoute ainsi un vêtement
supplémentaire, celui du people management. »
FORER À LA VERTICALE La question peut également être abordée en termes de fl ux
propres à toute entreprise, depuis la partie in (les achats par
exemple) jusqu’à la partie out (la sortie du produit, sa manu-
tention, son expédition et sa facturation par exemple). Dans
une société de services, il en va de même, si ce n’est qu’au lieu
d’avoir des outils qui transforment la matière première, ceux-
ci sont étroitement associés aux personnes elles-mêmes. « Le
responsable fi nancier intervient sur la dernière couche, à savoir
la ‘manipulation’ des chiffres – au sens noble du terme –, tout
en jouant un rôle d’interface avec l’ensemble de ses clients in-
ternes », relève Charles Delloye.
Le directeur fi nancier doit donc parler plusieurs langages: ex-
ploitation, RH, logistique, etc. « En PME, ces langages sont sinon
similaires, du moins très proches. En grande entreprise, ils peuvent
fortement différer. Or, il est essentiel de bien se comprendre dans
l’entreprise. Et quand la société grandit, cette compréhension de-
vient de plus en plus complexe, car le CFO doit, par nature, être
invité à toutes les tables et savoir ce qui se passe partout au sein
de son entreprise. Si l’on regarde tous les fl ux depuis l’approvision-
nement jusqu’à la livraison, il doit à chaque fois pouvoir forer à la
verticale – un peu comme dans une strate minière – afi n de voir
toutes les couches. Ce qui lui permet, par exemple, de connaître
pour chaque produit le prix de revient, la quantité de matières pre-
mières et le nombre d’ETP nécessaires pour le produire, etc. Ce type
d’information doit être de plus en plus fi nement récoltée au fur et
à mesure que la société grandit. »
OUVERT ET INCONTOURNABLE A la question de savoir si, en grande entreprise, le CFO se doit
d’être plus « politique » – au sens de se positionner dans les jeux
de pouvoir qui s’y déroulent immanquablement – alors qu’il
devrait être plus « entrepreneur » en PME, Charles Delloye se
montre très réservé. « Je n’aime pas ce qualifi catif de politique.
On peut toutefois dire que, dans la grande entreprise plus que
dans une PME, le directeur fi nancier est souvent perçu comme un
‘emmerdeur’, un casse-pied qu’on va essayer de contourner car il
est au carrefour de toutes les informations, y compris celles qui
dérangent. Or, celui-ci doit justement s’évertuer à être celui qu’on
ne veut pas contourner, qui peut parler avec toutes les personnes
de l’entreprise… quelqu’un d’ouvert et qui en maîtrise bien le fonc-
tionnement. S’il livre un tableau de bord et se limite à en faire le
compte-rendu au patron, il passe à côté de son rôle. Il doit avoir
cette proximité au terrain et lui amener de la valeur ajoutée. »
En PME, on aura davantage besoin d’un profi l doté d’un solide
bon sens, plus « hands on », pragmatique. « Un euro que l’en-
treprise dépense, elle doit d’abord l’avoir gagné, conclut Charles
Delloye. En ce sens, il n’est pas forcément idéal que le directeur
fi nancier soit lui-même entrepreneur dans l’âme: il doit plutôt
être capable de protéger le patron entrepreneur contre ses excès,
en veillant par exemple à garantir que toute initiative entrepre-
neuriale ait bien une fi n économique. La relation avec le patron
est très différente: en PME, c’est le bras droit, l’associé du moment.
Dans la grande entreprise, le CFO peut plutôt apparaître comme
le challenger légitime, notamment en raison de la visibilité qu’il
peut développer vers les actionnaires et le monde extérieur… »
« En PME, le directeur fi nancier est le bras droit du patron. En grande entreprise, il peut apparaître comme le challenger légitime. »
Charles Delloye: « Il n’est pas idéal que le directeur fi nan-cier de PME soit lui-même entrepreneur dans l’âme: il doit plutôt être capable de protéger le patron entrepreneur contre ses excès, en veillant par exemple à garantir que toute initiative ait une fi n économique. »