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Séminaire doctoralUniversité d’État d’Haïti

Janvier [email protected]

Éthique des sciences et démocratie scientifique

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L’éthique des sciences3 domaines : éthique de la recherche

avec des participants humains, intégrité scientifique, responsabilité sociale des chercheurs et des universités

Réflexions sur le métier de chercheur et ses modes de régulation, notamment les politiques publiques gouvernementales ou locales (dans les universités)

Poser la question de la démocratie scientifique vs la tour d’ivoire.

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Éthique de la recherche avec des participants humains

Issue de la bioéthiqueLe consentement éclairé, le droit à

l’information des participantsLe respect de l’individu, de ses droits et

de son bien-êtreLe principe d’équipoise

(bienfaits/méfaits)Limites Le cas des pays du sud :

conférence TED

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L’intégrité en recherche Aussi appelée intégrité scientifique ou éthique de la

recherche fondamentale ou encore « conduite responsable de la recherche ».

Comment éviter les « misconducts » ou manquements à cette intégrité ? Fraude, plagiat, falsification de données, corruption, conflits d’intérêts, etc.

L’augmentation de ces manquements est liée directement à la professionnalisation du métier de chercheur (carrière, compétition, monétarisation de la recherche, conflits d’intérêts, etc.)

On est bien loin de l’idéal scientifique du début : partage des connaissances pour le bien commun, de tous.

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Science et bien commun: une question de responsabilité sociale

La responsabilité sociale du chercheur : avoir le souci des conséquences de ses travaux scientifiques, ne pas se dire « après moi, le déluge ». Être conscient de la portée de ses choix (sujet de recherche, lieux de diffusion, langue, jargon, etc.), se sentir inscrit dans une cité. Cf. science et guerre (nucléaire).

La responsabilité sociale des universités : rayonnement dans la communauté locale ou obsession pour la compétition internationale? Céder à l’idéologie du management ou se centrer sur les besoins de sa communauté? S’impliquer ou non dans les grands débats de société?

Responsabilité sociale de l’État : dans sa définition d’une politique scientifique au service du bien commun. Cela exige d’intégrer les débats publics et le point de vue des citoyens à la réflexion sur « la science que les citoyens veulent » : rapports avec l’industrie, les PME, la société civile, les priorités, les projets financés et l’accès aux publications scientifiques, entre autres.

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QuestionsD’où vient cette idée du lien moral entre la

science (acteurs, institutions, pratiques) et la société (citoyens, État, industrie, etc.?

Pourquoi la recherche scientifique devrait-elle être liée au bien commun?

À quelle conception du bien commun la recherche scientifique devrait-elle être liée?

Pour y répondre, commençons par l’évocation de la doctrine conventionnelle de la neutralité scientifique, encore très vivante dans nos universités : les chercheurs n’ont rien à voir avec ce que la société fait des résultats scientifiques.

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1. La doctrine : La science est et doit rester hors de la Cité

La science doit se développer hors de la Cité, car cette distance est ce qui garantit l’absence d’ingérence externe dans le mouvement autonome de développement de la science, fondé sur la rationalité scientifique, un langage épuré et des méthodes spécifiques.

La science n’a pas de compte à rendre en dehors de ceux prévus par ses critères internes. La soif de connaissance, une meilleure compréhension de la pensée et du monde sont ses seules raisons d’être.

La science est universelle et a-locale, elle transcende les sociétés, les époques et les cultures.

Elle n’est pas concernée par les débats politiques sur le bien commun, ni par les usages que font d’elle les citoyens, l’État, les élus, l’industrie, la société civile, etc.

C’est la tour d’ivoire.

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Pas de fenêtre…

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2. Le réalisme. Un contrat social entre l’État et la science Quand même, la science ne vit pas de rêve et d’eau fraîche. Il lui

faut des ressources financières pour se développer. En 1945, en pleine reconstruction post-conflit, c’est l’État qui, seul, pouvait offrir ces ressources. D’où le contrat social de la science, rédigé par Vannevar Bush après la Seconde Guerre mondiale et qui a donné lieu à la National Science Foundation et au concept de science publique, d’organismes subventionnaires, etc. : l’État finance le développement de la science sans trop s’en mêler en échange de quoi les scientifiques s’engagent à faire des recherches qui, en tout ou en partie, répondent aux désirs de l’État, assimilés au bien commun.

La National Science Foundation (NSF) se proposait ainsi de « promouvoir l’avancement de la science, faire évoluer la santé, la prospérité et le bien-être national et sécuriser la Défense nationale » en subventionnant des travaux scientifiques.

Elle voulait mettre la science au service du bien commun défini ici comme l’ensemble des intérêts de l’État, le grand responsable de la protection et du développement de l’intérêt général et des ressources collectives.

Bien commun = intérêts et décisions de l’État

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Vannevar Bush,General of Physics,Mai 1944

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3. Fin du contrat social ? Ce contrat social, repris dans bien d’autres pays, était en fait une

conscription de la science. Il garantissait aux chercheurs des fonds de recherche qu’ils n’auraient pas obtenu de l’État autrement, en échange de travaux scientifiques utiles aux projets de l’État (notamment l’armée).

Ce contrat a duré longtemps, au point de paraître « naturel » à plusieurs générations de chercheurs.

Mais il est actuellement menacé par la transformation de l’État en État néo-libéral. Cette transformation impose une réduction des dépenses publiques et la recherche de partenariats avec le secteur privé, notamment la grande industrie, pour compenser. En échange de ce transfert de responsabilités au secteur privé, ce dernier doit recevoir des avantages. L’innovation commercialisable est un de ces avantages que la science peut offrir.

Une nouvelle forme de conscription de la science s’est mise en place depuis 1995 dans les États néolibéraux : le capitalisme cognitif ou l’économie du savoir qui demande à la science de générer des brevets ou des inventions susceptibles d’aider l’industrie, notamment pharmaceutique ou agro-alimentaire.

Cette « nouvelle alliance » entre l’État et l’industrie autour de l’innovation s’est incarnée dans les dernières politiques scientifiques des États néo-libéraux.

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Qu’est-ce qu’une politique publique scientifique ?

Une politique publique scientifique est un outil d’action qu’une équipe élue (un gouvernement) se donne et implante pour faire valoir sa conception de la contribution de la science à sa vision du bien commun.

Elle comporte des instances de décision et de reddition de comptes, des budgets, des institutions (universités, centres de recherche, centre de transfert, etc.) qui ont pour but d’orienter la science afin de la modeler sur sa vision du bien commun.

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Deux grands mouvements en ce moment dans les politiques scientifiques

1. La marchandisation du savoir: capitalisme cognitif, économie du savoir 2. La société du savoir, qui implique la science ouverteUne troisième dimension reste plus

floue: la démocratie scientifique, c’est-à-dire la place des citoyens dans ces débats publics sur la science.

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L’économie du savoirLa marchandisation de la connaissance entraîne une

présence accrue de l’industrie et du marché dans la recherche scientifique. Concept de l’OCDE en 1996. « Perversion » de l’idée que la science doit être au service de la société car ici, société = capital, grande industrie.

Financement privé de la recherche scientifique qui entraîne des conflits d’intérêts majeurs, dans toutes les disciplines, mais surtout en recherche biomédicale et agro-alimentaire

Situation fragilisée des sciences sociales et humainesPour résister : le concept de société du savoir pour la

paix et le développement durable (UNESCO) – en consultation jusqu’au 3 février

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Les politiques publiques scientifiques au Canada

La Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (Gouvernement du Québec, 2006) fait la promotion d’un « environnement qui valorise la recherche et l’innovation » dans le but d’instaurer une réelle « économie du savoir : son objectif est de « valoriser l’innovation, augmenter le nombre d’entreprises qui investissent dans l’innovation et améliorer l’efficacité de ces corridors où une avancée scientifique se transforme en produits commercialisables, en emplois et en richesse nouvelle » (ibid. : 5).

En 2007, le gouvernement fédéral canadien publia sa propre stratégie en la matière, Réaliser le potentiel des sciences et des technologies au profit du Canada (Gouvernement du Canada, 2007). Cette politique publique vise à « créer une économie plus compétitive, […], plus concurrentielle et plus durable, grâce aux sciences et à la technologie » (ibid.), en impliquant davantage le secteur privé. Cela passe d’abord par la création d’« un marché concurrentiel et d’un climat d’investissement qui encourage le secteur privé à faire concurrence au monde entier avec ses technologies, produits et services innovateurs. Le Canada doit maximiser la liberté des scientifiques de mener des recherches et la liberté des entrepreneurs d’innover ».

Le bien commun = la prospérité économique d’une élite industrielle et politique, dont on espère vaguement qu’elle profitera ensuite au reste des citoyens. Ce n’est plus l’intérêt général de tous les citoyens médiatisé par l’État.

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La science est politique Ces politiques scientifiques, même si elles sont mal connues

des chercheurs, affectent directement leur quotidien : elles touchent leur salaire, leurs conditions de travail, les critères de promotion, les programmes de subvention, les budgets, les lieux de diffusion et de publication.

Cet impact touche même le choix des sujets de recherche et des méthodes, soit le cœur de la pratique scientifique : des programmes particuliers de subvention peuvent encourager

tel ou tel sujet de recherche et, par contrecoup, en décourager la composition des comités de pairs qui évaluent les demandes de

subvention peut privilégier telle ou telle méthode les programmes qui exigent la recherche en équipe sur une

problématique unique nuisent à la diversité des approches d’une même question de recherche, etc.

la performance calculée sur le nombre de publications encourage la quantité et non pas nécessairement la qualité

l’expertise pointue peut être préférée à la culture générale scientifique nécessaire à la synthèse

La science est modelée par les politiques publiques de l’État. Elle est politique et, à ce titre, devrait être débattue dans les institutions démocratiques par tous les citoyens et les élus.

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Quelques suggestions recueillies dans les délibérations du projet québécois « La science que nous voulons »

L'État devrait mettre en place un organisme indépendant représentant équitablement toutes les disciplines scientifiques et responsable d'établir les priorités scientifiques du Québec en prenant compte des facteurs économiques ainsi que du bien commun.

Des consultations publiques ouvertes, conviant autant la communauté scientifique, la direction des universités, les acteurs économiques que le grand public, devraient être organisés en aval de la mise en place des politiques scientifiques québécoises.

Le gouvernement du Québec (comme celui du Canada) devrait accroître significativement le financement de la recherche fondamentale, tout en intégrant le critère d'intérêt collectif (et non de pertinence économique) dans l'évaluation des projets.

Le gouvernement du Québec devrait accroître significativement le financement de la recherche dans le domaine des sciences sociales.

Un organisme indépendant composé de chercheurs et professeurs de toutes les disciplines et champs interdisciplinaires devrait avoir la responsabilité évaluer les besoins en recherche de la société pour faire face aux défis à venir, d'évaluer en quoi la recherche réalisée au Québec correspond aux besoins et formuler des recommandations quant aux lacunes à combler.

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Le bien commun comme inspiration pour la science

Dans la lignée des critiques du néolibéralisme et de sa vision rétrécie du bien commun comme prospérité économique de l’élite, voici donc une autre vision du bien commun, celle qui peut inspirer les chercheurs, sans déni et sans conscription.Le bien commun d’une société est constitué de: La richesse collective, les ressources publiques, le travail accompli

par tous au quotidien Le patrimoine culturel matériel et immatériel qui inclut tous les

textes, littéraires, journalistiques, mais aussi scientifiques, écrits et lus par les citoyens : la science fait partie du bien commun, même dans ses démarches les plus audacieuses

Les ressources naturelles, la terre, l’eau, l’air, la faune, la flore Les valeurs collectives de la culture publique commune et les

institutions éducatives et démocratiques qui les incarnent La diversité des visions d’avenir et des savoirs qui co-existent Des services publics accessibles à tous, en toute égalité Des citoyens soucieux du bien commun et qui ne délèguent plus

son entretien à l’État Une société civile active et vigilante Une industrie socialement responsable et ancrée dans une

communauté Des espaces de débat public intègres et indépendants

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La science ouverte, pour une société du savoir

L’accès libre aux publications scientifiquesVoie dorée : revues en accès libre, plus ou moins financée

par les auteursVoie verte: auto-archivage dans des bases de données ou

des dépôts institutionnelsLe partage des données scientifiques (la science en ligne)La science citoyenne ou collaborativeLa science 2.0 : les blogs de science, l’évaluation ouverte

post-publicationL’éducation ouverte (en ligne ou non),

les ressources éducatives libres – Khan AcademyLes universités populaires Les boutiques de sciences (Accès savoirs)La notion de justice cognitive (Swaraj Knowledge

Manifesto)La démocratie scientifique

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Impact d’une science ouverte sur l’éthique des sciencesPlus de transparence : la participation accrue de

citoyens éclairés aux politiques scientifiques et aux processus d'allocation des subventions entraînera une plus grande transparence de la part des institutions scientifiques et universitaires, stimulant ainsi une forme plus soutenue d'éthique des sciences dans la pratique scientifique.

Renforcement de la responsabilité sociale des chercheurs les conduit vers une démocratisation de leurs pratiques de recherche, notamment un effort pour mieux communiquer leurs travaux.

La démocratisation de la science est en elle-même un enjeu d'éthique des sciences, d'éthique publique des sciences.

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La science au cœur du bien communL’Association science et bien commun et son projet La

science que nous voulons proposent un double virage, sur la notion de bien commun et sur le rapport entre la science et la cité:Le bien commun ne peut plus se limiter à ce qu’en dit ou fait

l’État qui, dans l’idéologie néo-libérale désormais dominante (bien que contestée), se rapproche de plus en plus des intérêts économiques. La société civile doit prendre le relais pour exprimer son refus de réduire le bien commun aux intérêts économiques. Les étudiants nous le montrent!

Loin du mythe de la neutralité et des pièges de la conscription, les chercheurs doivent redécouvrir une éthique de la concitoyenneté où le souci du bien commun n’est pas un assujettissement à des intérêts quelconques ni une entrave aux joies de la connaissance, mais le fondement d’un dialogue avec leurs concitoyens, les autres membres de la cité, pour créer une science nécessaire et bénéfique à l’ensemble de la société, ne serait-ce que parce qu’elle nourrit l’esprit critique et l’ouverture sur le monde. Le mur doit être transpercé de multiples fenêtres!

Une autre science est possible…

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Lectures pour la semaine prochaine:À lire :

Présentations powerpoint du colloque Une autre science est possible

Articles de la revue Éthique publique sur la responsabilité sociale des chercheurs et l’éthique de la recherche

Tous les hyperliens de cette présentation powerpointCes hyperliens sont tous accessibles en mode diaporama.

À faire pour la semaine prochaine chaque étudiant prépare une réflexion sur son projet de recherche

en lien avec certains des enjeux éthiques présentés : choix du sujet, lien avec les participants, choix du lieu de publication, liens avec l’industrie, etc.

Ajouter aussi une réflexion sur ce que devrait prioriser une politique scientifique pour Haïti.

Suggestion: créer un blogue collectif pour échanger des réflexions et des références sur le métier de chercheur et ses enjeux éthiques