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ETHIQUE DES AFFAIRES

NIKE : Une puissance au service

de l’éthique ?

Année 2009 – 2010

ETHIQUE DES AFFAIRES

NIKE : Une puissance au service de l’éthique ?

SOMMAIRE

Introduction

Partie 1 : L’origine du scandale

I. Nike, une entreprise toute puissante

1. Des résultats éloquents

2. …mais une réalité moins élogieuse

II. Des révélations qui effritent l’icône

1. Dégradation de l’image de la marque

2. Des mesures correctives

Partie 2 : 10 ans plus tard, Nike est-elle devenue un modèle éthique ?

I. Un nouveau comportement ?

1.1. Les réactions propres au scandale sur ces 13 dernières années

1.2. Nike : Des mesures pour prendre les devants ?

II. L’image de Nike perçue par la population

2.1. La réalisation de l’enquête

2.2. L’analyse du questionnaire

2.3. Les conclusions

Conclusion

Bibliographie, Webographie

Partie 1 :

L’origine du scandale

I. Nike, une entreprise toute puissante

1. Des résultats éloquents

Leader du marché des articles sportifs, Nike doit tout d’abord sa suprématie à sa

grande popularité. En effet, en 2000, Nike détient 40% de parts de marché de

chaussures de sport, devançant ses concurrents directs, Reebok et Adidas, comme

le montre ce diagramme.

[pic]

Cette domination peut être expliquée par un souci d’innovation et de technologie

de pointe. Nike bénéficie également d’un marketing agressif, à travers un slogan

accrocheur « Just do it » et un fort sponsoring, qui permet une identification aux

plus grands sportifs internationaux. De plus, Nike est très présent lors des grands

évènements sportifs, tels que les coupes du monde de football par exemple. Ainsi,

le chiffre d’affaires record constaté par Nike en 1998, soit 9.5531 milliards de

dollars, peut être en partie expliqué par la coupe du monde, qui a suscité un fort

engouement pour l’achat de maillots de football, de ballon, et d’accessoires divers

(écharpes de supporters par exemple).

Cependant, les fortes performances de Nike ne sont pas uniquement le fruit de

leur implantation sur le marché. La stratégie d’outsourcing adoptée par Nike depuis

le début des années 1970 explique leur haut niveau de marge. C’est Phil Knight, le

fondateur et actuel dirigeant de Nike qui a mis en place cette forme de production

en investissant en 1970 au Japon. Depuis, Nike n’a cessé de faire appel à des sous-

traitants asiatiques. Aujourd’hui, le géant sportif traite avec des producteurs

thaïlandais, coréens, indonésiens, chinois, vietnamiens… Le système de

délocalisation de la production consiste à faire produire les biens dans des pays en

voie de développement, où la main d’œuvre est abondante et bon marché. Ainsi,

l’entreprise diminue considérablement ses coûts salariaux et constate une marge

considérable. Nike peut donc se permettre d’afficher des prix compétitifs et ainsi,

de préserver ses parts de marché. La sous-traitance productive de Nike est très

importante, puisque 54.48 % des unités productives de la marque sont situées en

Asie. Le succès de Nike repose donc également sur ses sous-traitants : Nike

emploie directement 20 000 personnes environ alors que près de 550 000 salariés

sont indirectement rattachés à Nike par la sous-traitance, comme le montre le

tableau suivant.

|Régions du monde |Nombre d'unités de

production |Nombre |En % |Nombre |En % |

| |par gamme de

produit |d'unités | |de salariés | |

| |Chaussures |Habillement |Matériel | |

| | |

| |de sport |sportif |de

sport | | | | |

Asie |57 |227 |67 |401 |54,48% | 467 146 |83,91% | |Etats-Unis |0 |117 |14 |131

|17,79% | 13 369 |2,40% | |Amérique, sauf EU |8 |91 |3 |102 |13,86% | 37

514 |6,74% | |Reste du monde |3 |94 |5 |102 |13,86% | 38 693 |6,95% |

|Total |68 |529 |89 |736 |100% | 556 722 |100% | |

Source : Locke (2001) et Nike (2001), extrait de l’article « Nike face à la

controverse éthique relative à ses sous-traitants » par Nacer Gasmi et Gilles

Groleau.

A travers ces chiffres, nous voyons bien que Nike fait appel de façon massive à

la sous-traitance. Aux vues de ces performances économiques, cette stratégie a l’air

de porter ses fruits. Cependant, en faisant appel à des unités de production externes

et géographiquement lointaines, Nike perd une partie du contrôle de sa production.

En effet, l’externalisation peut présenter des effets pervers qui peuvent notamment

nuire à l’image de marque de l’entreprise.

2. … mais une réalité moins élogieuse

Il est vrai que le leader du marché des articles sportifs demeure convoité par ses

concurrents du fait qu’il dégage des chiffres spectaculaires, mais il reste en

revanche bafoué, (mais non dénoncé car beaucoup de grandes entreprises agissent

de la même façon) en ce qui concerne ses relations sociales et notamment les

rapports de la direction avec ses employés.

Comme nous venons de le voir, le groupe Nike a mis en place, dès le début, une

stratégie d’externalisation de sa production, implantant ainsi ses usines aux quatre

coins du monde et notamment sur le flanc oriental. En effet localisé au Vietnam, en

Chine ou encore au Japon, l’entreprise a choisi des lieux stratégiques, c’est-à-dire,

dans lesquels les coûts sont bas et surtout où la main-d’œuvre n’est pas chère. Mais

le contrecoup est que, dans ces pays en développement, l’environnement et les

normes éthiques ne sont pas les mêmes que celles en vigueur dans les pays

développés. De nombreuses dérives font donc leur apparition et c’est ainsi que l’on

a découvert que les conditions de travail chez les sous-traitants de Nike, sont loin

d’être recevables.

En effet, en délocalisant dans de tels pays, Nike a de la sorte accès à un grand

nombre d’individu qui se trouve disponible et à la recherche d’un emploi. Mais le

fait qu’il existe justement autant de personnes sur le marché du travail permet à

l’entreprise d’en profiter, voire d’en abuser. Elle exploite ainsi la main-d’œuvre

présente sur le terrain, en élaborant une politique de bas salaires, qui, établit dans

les pays développés, ne pourrait perdurer. Ces travailleurs démunis se retrouvent de

ce fait surexploités et sous-payés.

C’est donc en profitant de ce labeur à faible coût que Nike compte pénétrer ce

marché des articles de sport. Mais si dans certains pays le prix de l’heure de travail

devient trop élevé par rapport aux objectifs que le groupe s’est fixé, il délocalise

dans d’autres pays où le coût du travail se trouve encore moins cher, comme par

exemple en Corée, en Thaïlande ou encore en Chine. Le problème reste que ces

derniers ne peuvent pas augmenter leurs coûts salariaux car cela leur ferait perdre

toute leur attractivité, et ils risqueraient de voir ainsi de plus en plus d’entreprises

partir de leur pays. On pourrait penser que certaines autorités devraient sévir quant

à cette façon d’agir et d’abuser de ce facteur travail, mais il faut savoir que se sont

des pays tellement pauvres, qu’ils ont besoin de se développer économiquement. Or

s’ils protestent contre la politique salariale de Nike, ils risquent de voir le groupe

progressivement délocaliser vers d’autres pays, ce qui engendrerait ainsi un

manque d’emploi pour la population et un ralentissement du développement

économique. L’entreprise se sert de cette situation de fragilité, et utilise cette

menace de délocalisation pour empêcher les pays en développement d’augmenter

leurs coûts salariaux.

Cette stratégie de départ a permis à Nike de mettre un peu les voiles sur les pays du

Sud-est Asiatique et ainsi d’accroître ses parts de marché en dehors de son pays

d’origine que sont les Etats-Unis. La plupart des gens qu’il emploie dans les pays

en développement sert à la production des différents articles, tandis que ceux

localisés aux States correspondent à des métiers moins pénibles physiquement, à

savoir la R&D ou encore, le marketing. La société emploie et exploite ainsi

plusieurs centaines de milliers de personnes à travers tous ces pays émergents. En

effet les politiques existantes chez ses sous-traitants ne sont pas forcément loyales

envers les employés, et sont surtout considérées comme non conformes aux

principes éthiques qui existent dans les pays développés. Certains sous-traitants

abusent de leur autorité et interdisent à leurs employés de pouvoir créer un

syndicat, alors que dans les pays développés, le droit syndical fait parti du droit du

travail ; l’employeur ne peut donc en aucun cas s’y opposer. D’autres licencient

leur personnel afin d’éviter de payer leurs primes d’ancienneté,… Ils mettent

également en place de sévères conditions de travail comme par exemple, le travail

forcé ou encore le travail des enfants.

C’est ainsi que les pays en voie de développement restent dominés par le géant

qui profite de leur situation de faiblesse pour instaurer des conditions de travail

difficiles en faisant pression sur l’éventualité d’une délocalisation vers d’autres

pays où la main-d’œuvre est plus avantageuse. Cette relation de chantage lui

permet de profiter de la vulnérabilité de ses employés et de les discipliner. C’est par

ce biais qu’il met en place différentes politiques de travail qui entrent en parfaite

contradiction avec le respect des droits de l’homme. En effet, il fait travailler les

petits enfants, et exploite son personnel dans ses nombreuses usines qui héritent

ainsi du terme « sweatshops » signifiant « usines à sueur », du fait de la fixation de

quotas de production et donc d’heures supplémentaires. Mais il existe aussi

d’autres « façons de faire », comme par exemple le harcèlement physique (coups,

pincements, tiraillements des oreilles,…) et/ou sexuel (attouchements, abus

physiques, faveurs sexuelles,…), punitions excessives, ou encore harcèlement

verbal (insultes, humiliations, intimidations,…).

Si ces pratiques ont existées et existent peut être toujours, cela vient du fait qu’il y

a différentes parties prenantes dans cette affaire et que certaines y sont favorables et

d’autres moins. A noter que ce sont les actionnaires, les pays sous-traitants (pas

étonnant), mais également les consommateurs, qui apprécient ce choix et qui sont

propices à ces pratiques, portant ainsi les problèmes éthiques au second plan.

Cependant il ne faut pas que Nike néglige le fait que cette dimension éthique est de

plus en plus considérée comme un critère de compétitivité.

II. Des révélations qui effritent l’icône

1. Dégradation de l’image de Nike

a) Nike, cible des médias

Les conditions de travail chez les sous-traitants de Nike ont été révélées au grand

jour notamment par le biais de la presse. Les médias sont bien entendu montés au

créneau dès la prise de connaissance des agissements de la firme, qualifiés de

« borderline ».

C’est en 1996, que le magazine « Life » est le premier à rendre publique cette

affaire, en publiant une photo « choc ». Souhaitant marquer les esprits, cette image

illustre un enfant confectionnant un ballon de football à l’effigie de la marque. Le

but du magazine a largement été atteint puisque cette photographie a massivement

été reprise dans d’autres journaux de monde entier.

[pic]

Photographie parue dans le magazine « Life », 1996

Ne se contentant pas de reprendre cette image, d’autres journalistes ont voulu à

leur tour montrer cette face cachée de la mondialisation. La polémique a donc été

lancée par le fait de la médiatisation et de la parution d’images marquantes de ce

type, dont voici deux exemples.

[pic] [pic]

Comme nous le montre le graphique suivant, le géant du sport a vivement été

critiqué dans les médias à partir de 1995, et ce jusqu’au début des années 2000.

Cette étude, tirée de Locke, a été établie sur un échantillon de 50 quotidiens

anglophones les plus importants.

[pic]

D’après ce document, nous voyons donc bien que Nike a été dénoncé à de

nombreuses reprises par les médias, associant cette marque aux termes

« sweatshop » (qui désigne les usines exploitants ses ouvriers), « child labour »

(signifiant le travail des enfants), et exploitation. Bien entendu, cette omniprésence

dans la presse a nourrit la polémique et a influencé l’opinion publique.

b) Des acteurs engagés

Suite à l’annonce de la polémique sur le travail des enfants chez les sous-traitants

de Nike, et à cet emballement médiatique, la population a souhaité manifester son

mécontentement, notamment à travers le boycott de la marque mais aussi à travers

les nombreuses manifestations d’étudiants, et de militants de par le monde.

Au cours de la lutte conte la marque, de nombreuses associations de

consommateurs se sont montées contre Nike ; en effet, elles ont toutes tenté de

combattre l’influence de Nike sur les consommateurs d’articles de sport dans le but

de faire baisser les ventes, d’une part pour nuire directement à la marque et d’autre

part afin de diminuer le travail effectué par les enfants dans les usines sous-

traitantes. En 1998, la marque s’est faite attaquée pour publicité mensongère par un

américain nommé Mike Kasky. Les tribunaux américains avaient dans un premier

temps donné raison à Nike, mais la Cour Suprême américaine a finalement décidé

de condamner la célèbre marque de sportswear. Ceci fut le seul cas de procès pour

Nike ; en effet, aucune action en justice n’a été intentée concernant le manque

d’éthique notoire dont elle a fait preuve à travers ses sous-traitants.

La marque a également vu se liguer contre elle des personnes influentes, tels que

Mickael Moore, célèbre réalisateur autodidacte, connu pour avoir des points de vue

critiques envers la société américaine. En 1999, dans son film « The big

one », Moore traite des aberrations économiques dues à la mondialisation ; il

parcourt les Etats-Unis à la rencontre de chefs d’entreprise ayant licencié des

salariés, alors même que des profits étaient enregistrés au cours de l’année. Lors de

son entretien avec le président de Nike, Moore adopte un comportement

décontracté et tourne en dérision l’interview pour prendre le dessus sur son

interlocuteur. Phil Knight livre ainsi aisément des informations sur le travail des

enfants chez ses sous-traitants, et fait ainsi lui-même sa mauvaise publicité.

Il rejoint dans ce film le mouvement altermondialiste puisqu’il dénonce les

agissements des grandes multinationales américaines, avec une critique

essentiellement au niveau social ; le chômage, les conditions de travail, sont des

points importants à respecter si l’on ne veut pas s’attirer les foudres des acteurs de

ce mouvement. On peut également noter le livre de Naomi Klein, No logo, écrit

en 2000, qui a été considéré comme « bible de l’alter mondialisme ». Elle y fait une

critique de la société de consommation actuelle, en parlant des dérives commises

par les grandes entreprises influentes de ce monde, notamment celles de Nike, et

des techniques qu’ont ces marques pour manipuler les consommateurs. Ce livre,

traduit en 28 langues, a ainsi largement contribué à la dénonciation publique des

abus commis par Nike entre autres. Grâce à ce livre, qui arrive après la polémique

Nike, les lecteurs ont pu avoir un aperçu des dérives commises dans les pays sous-

traitants ; c’est ici, une fois de plus, un coup dur pour la marque qui accumule les

mauvaises publicités.

Dans le même but que Naomi Klein, des campagnes de publicité « anti-

sweatshops » (mot anglais pour désigner les usines où les salariés sont exploités) se

sont créées dans le but de sensibiliser progressivement l’opinion publique

internationale comme le montre cette image :

[pic]

A noter que d’autres manifestations de mécontentement ont eu lieu, principalement

aux Etats-Unis, par des étudiants pour la plupart antimondialistes. Ces jeunes, que

la marque avait cru avoir défini et mis sous sa coupe, par le phénomène

d’identification sociale et l’importance grandissante dans nos sociétés de porter des

marques, ont finalement manifesté contre Nike en faveur du respect des conditions

de travail dans les pays sous-traitants. En effet, la marque, sûre d’elle, les a invité à

se rendre dans ses usines des pays en développement afin qu’ils constatent par eux-

mêmes les conditions réelles de travail ; mais Nike n’avait pas prévu que ce

qu’allaient voir les étudiants les pousserait à aller dans la rue et à manifester pour le

boycott de la marque.

Tous les mouvements sociaux, quels qu’ils soient, ont tous loué un but commun ;

celui de démolir une marque leader sur son marché au niveau mondial, dans le but

de la sanctionner pour son manque d’éthique. Bien que peu de traces de ses actions

ne soient disponibles aujourd’hui, que ce soit sur Internet (en tant que principal

canal de recherche utilisé actuellement) que dans les mémoires des générations

précédentes, elles ont contribué à d’importants changements au niveau des sous-

traitants, comme l’adoption de chartes éthiques, pour des conditions de travail

décentes.

c) Des clients sensibilisés

Bien que la marque soit un pilier dans le monde du sport, sa popularité a été

entachée par cette polémique. Aux vues de l’acharnement médiatique et de la

multiplication des mouvements sociaux à travers le monde, la clientèle de Nike a,

elle aussi, manifesté sa déception. La mauvaise publicité qu’a subie Nike s’est donc

traduite en boycott. Ainsi, la firme a vu son chiffre d’affaires diminuer de près de

8.13 % de 1998 à 1999. Le résultat de la société a également connu une chute

remarquable entre 1998 et 1999, passant de 795.8 millions à 399.6 millions de

dollars.

Bien sûr, ceci est à nuancer car ces éléments peuvent également être mis en

corrélation avec l’apparition de la crise du Sud-est asiatique. Cependant, il est plus

que probable que cette régression soit une conséquence des différentes attaques

dont Nike fut la cible. Il est indéniable que le comportement d’achat de la

population ait été influencé par la réputation et la mauvaise image véhiculées par la

célèbre virgule.

[pic]

Constatant cette chute historique des résultats, les marchés ont aussi réagi avec

véhémence. En effet, le cours de l’action a subi le même sort que les résultats de

Nike. Alors que les actions de Nike avaient une valeur de transaction de 76 dollars

en 1997, ces dernières ont chuté jusqu’à 27 dollars en 2000 (cours le plus bas

observé durant l’année). Cette chute considérable du cours de l’action Nike est pour

la plus grande partie expliquée par la baisse d’activité de la société aux Etats-Unis,

qui est son premier marché. Alors que le chiffre d’affaires réalisé dans cette zone

atteignait 5.54 milliards de dollars en 1997, les ventes américaines n’étaient plus

que de 2.43 milliards de dollars en 2000, soit une chute de 44%. La population

américaine semble donc avoir été très sensible aux agissements de Nike.

La controverse dont Nike à fait l’objet a donc eu des répercussions importantes sur

son image de marque ainsi que sur la confiance accordée par ses clients.

Conséquence directe de ce désamour entre Nike et le consommateur, l’entreprise a

dû également gérer cette perte de vitesse au niveau financier. Pour retrouver un

niveau d’activité à la hauteur de la puissance de Nike, la firme a dû regagner la

confiance du marché, et donc des consommateurs. Comment l’entreprise a-t-elle

procédé ? Quels engagements, quels changements ont permis à Nike de redorer son

image ?

2. Des mesures correctrices

a) Des mesures préventives inefficaces

Il faut souligner que, comme s’en défend Nike, les faits précédents ne relèvent

pas directement de sa responsabilité et que les sous-traitants avec lesquels elle

collabore sont des entreprises indépendantes. Mais ce n’est pas excusable pour

autant, et c’est au groupe de prendre les choses en main et de mettre en place divers

moyens afin de contrôler ce qui se passe dans ses usines au bout du monde.

Depuis le début des années 90, Nike semble pourtant avoir instauré plusieurs

principes, pour gérer au mieux toutes les critiques qui agissent contre elle. En effet

seulement deux ans après les premières controverses, le groupe élabore un code de

conduite : le « Memorandum of Understanding ». Ce code impose le respect des

lois relatives au travail, reprenant celles en vigueur dans les pays développés. Il

stipule notamment l’interdiction de faire travailler des enfants, ou encore

l’interdiction d’avoir recours au travail forcé.

Dans le même temps, un second point a été mis en place en vue d’améliorer les

conditions de travail des employés chez les sous-traitants : il s’agit d’une

vérification de tous les salaires que perçoivent les employés liés indirectement à

Nike. Est étudiée ici la décence des rétributions ainsi que leur conformité aux

normes légales. Le bémol à ce niveau est la crédibilité portée à l’approbation de ces

rémunérations, si celle-ci est réalisée par un membre de l’usine sur place et non par

une personne extérieure et objective.

Ce n’est qu’en 1994, que le groupe décide d’établir un système de contrôle des

différentes techniques mises en place depuis 1992, par le biais de vérifications sur

le terrain. Il s’agit de s’assurer que le code de conduite, établit deux ans plus tôt, est

bien respecté par les sous-traitants. Toutefois cette action est à nuancer car cette

surveillance est effectuée par du personnel de l’usine même ; c’est en quelque sorte

une auto-vérification qui limite ainsi l’impartialité de la mission.

En 1996, le travail des enfants constitue la préoccupation majeure de Nike selon

ses dires. Nike semble manifester un réel intérêt pour ce problème. Cependant, en

l’absence d’enregistrement de l’âge des employés, Les sous-traitants peuvent

continuer à faire travailler des enfants. De même, en l’absence de vérification des

conditions sociales de travail de manière indépendante, les sous-traitants continuent

à agir comme ils le souhaitent.

b) Intervention l’OIT

L’organisation internationale du travail fait partie de l’ONU et à pour but de

promouvoir le travail décent partout et pour tous. Elle est chargée de veiller à ce

qu’il n’y ait pas d’abus concernant le travail des enfants, la discrimination au

travail, la liberté syndicale, et le travail forcé.

D’une manière générale, l’OIT a un rôle important à jouer au niveau mondial

car il lui incombe de veiller au respect des règles et des bonnes mœurs, sur

l’ensemble du globe. Dans le cas de Nike, l’entreprise a délibérément choisi de

mettre à mal les règles sociales publiées par l’OIT. Dans certaine usines

indonésiennes, les ouvriers travaillent en moyenne 60 heures par semaines avec des

pics à 97 heures et chaque ouvrier doit produire un minimum de 350 paires de

chaussures par jours d’une valeur totale de 30 000$, pour un salaire de 40$. La part

du salaire dans le prix de vente des chaussures est d’environ 0,5%. La liste des

aberrations est encore longue... Mais quelle a été la réaction de l’OIT lors de

l’explosion médiatique du scandale ?

Etant donné la période à laquelle les évènements se sont passés, aucun document

traitant des éventuelles sanctions qu’aurait reçu Nike n’est disponible. Cela est à

déplorer car si les archives des précédentes décisions rendues par l’OIT étaient

consultables, cela encouragerait peut-être des sociétés à mieux se conduire. En

effet, les compagnies sanctionnées joueraient le rôle d’exemple et d’avertissement

pour des sociétés qui auraient éventuellement recours à des méthodes de travail non

éthique.

Mais comment Nike a-t-elle pu user de cette situation pendant autant d’années ?

Les usines implantées dans les pays sous-développés sont plus sujettes à faire

travailler des enfants que les usines occidentales ou outre-Atlantique étant donné la

situation économique de la population. Pourquoi l’OIT ne renforce-t-elle pas ses

contrôles spécialement dans ces pays ? Les directeurs de ces usines, qui usent de

tous les vices possibles pour exploiter leurs salariés, jusqu’à les détruire

moralement, ont conscience des facilités que procurent leur localisation. Les usines

peuvent parfois se trouver dans des coins reculés, difficile d’accès, ce qui peut

rendre difficile d’éventuelles vérifications. De plus, la pression menée sur les

salariés en cas de dénonciation, ou en cas de baisse de la cadence les empêche de

parler de leurs conditions de travail. Nike, après la polémique et les nombreuses

manifestations de la population, a mis en place des mesures de dénonciation

anonyme, pour que les salariés puissent faire part de leur mal être au sein de

l’entreprise. Pourquoi l’OIT n’a-t-elle pas mis en place de telles mesures

auparavant ? Cette organisation mondiale est pourtant au courant de la situation

dans laquelle vivent les habitants de ses pays et il a fallut un scandale pour faire

bouger les choses.

L’OIT ne fait pas état des sanctions prises envers des sociétés ne respectant pas ses

engagements. Nike en est la preuve puisqu’aucune information n’est disponible sur

la toile concernant les manquements aux règles de l’OIT alors que certains

identifient cet acte comme un crime contre l’humanité. L’OIT représente-t-il un

garde-fou suffisamment efficace face à la multitude des usines usant de mauvaises

conditions de travail dans les pays pauvres ? L’engagement de personnes dépêchées

sur place pour contrôler efficacement les usines serait me semble-t-il plus efficace

que des bureaucrates siégeant en Belgique ! Des conditions de travail telles qu’elles

étaient dans les usines sous-traitantes auraient pu être éradiquées plus rapidement.

On peut noter qu’actuellement, Nike travaille en étroite collaboration avec

l’OIT pour l’information de ses employés sur ses engagements ainsi que sur la

qualité sociale mise en place sur les différents sites de production. De plus, le code

de conduite élaboré en 1998 par Nike, et révisé déjà deux fois depuis sa création,

répond aux exigences de l’OIT.

Aujourd’hui le groupe Nike a dû changer et faire évoluer sa politique, et il

consacre exclusivement pour cela une centaine de personnes aux questions relatives

aux conditions de travail dans les pays des activités productives, et considère les

problèmes éthiques et environnementaux comme des priorités stratégiques.

Partie 2 :

10 ans plus tard,

Nike est-elle devenue un modèle éthique ?

I. Nike : Un réel changement ?

1.1 Les réactions propres au scandale sur ces 13 dernières années

Juste après le scandale des années 1996 et 1997 avec la parution de la photo

dans le magazine life en juin 1996, on a constaté que les mesures correctives prises

par Nike depuis le début des années 90 n’étaient qu’une façade. En effet, Nike n’a

jamais contrôlé le fait que ses sous-traitants respectent le code et, de ce fait, elle n’a

jamais appliqué aucune sanction en cas de non respect comme le prouve les faits.

Pourtant, il nous semble qu’un leader tel que Nike a la possibilité d’influer sur le

comportement de ses sous-traitants. En effet, ces derniers seraient prêts à tout pour

ne pas perdre le marché. De plus, leur comportement provient nécessairement des

exigences de Nike en matière de coût, de délai, et de quantité de production. En

effet, si le temps pour produire une certaine quantité était plus long, les sous-

traitants n’auraient pas besoin de recourir au travail des enfants ou à des journées

sans fin pour les travailleurs. De plus, il faut noter que Nike n’ignorait pas

l’existence de telles pratiques lorsqu’elle a décidé de recourir à des entreprises

sous-traitantes dans ces pays.

Il semble que beaucoup de personnes et de groupes partagent notre opinion.

Aussi, Nike a continué à être mal menée malgré les explications qu’elle a pu

fournir au sujet de ses sous-traitants. Comme les gens pensent que le groupe a sa

part de responsabilité, Nike a dû adopter une autre stratégie pour redorer son image.

Elle a donc commencé à réellement et concrètement prendre en compte les

problèmes éthiques.

En 1997, Nike adhère au Apparel Industry Partnership (appelé aujourd’hui

Fairlabor) créé dans le but d’améliorer les conditions et les normes de travail dans

les usines sous-traitantes. Néanmoins, il est à noter que cette adhésion lui a

fortement été recommandée par le Président Clinton et donc qu’elle n’y a pas

forcément adhéré de son propre chef. On peut donc penser que Nike attend qu’on

l’oblige à faire quelque chose pour agir ce qui montre encore une fois sa passivité

concernant les problèmes éthiques. L’adhésion à l’AIP aura tout de même le mérite

d’obliger Nike à revoir son code de conduite : Nike doit intégrer dans son code les

normes de l’AIP qui sont basées sur les conventions de l’Organisation

Internationale du Travail.

En 1998, Nike semble devenir plus réactive face aux problèmes éthiques. Elle

prend la décision de faire contrôler ses sous-traitants chaque année par un cabinet

indépendant (PriceWaterhouse Coopers) pour vérifier la bonne application du code

de conduite. Cette décision nous semble être une bonne idée car l’indépendance du

cabinet permet d’obtenir des résultats qui reflètent bien la réalité. En effet, si Nike

décidait de contrôler elle-même ses sous-traitants, rien ne nous assure qu’elle nous

donnerait les vrais résultats car il lui serait aisé de les falsifier. Cependant, « ces

audits-là sont efficaces pour vérifier les niveaux de salaire, les dépassements

d'heures, mais pas pour contrôler les conditions sociales de travail » admet Mme

Maria Eitel, vice-présidente chargée de l’engagement éthique chez Nike.

C’est pourquoi, en 1999, Nike créé et adhère à Global Alliance, une association

indépendante qui réunit la Fondation Internationale pour la Jeunesse, la Banque

Mondiale, la Fondation Mc Arthur, Nike, Gap Inc. ainsi que huit universités.

Chaque membre de l’association alloue une part de son budget à cette association

pour qu’elle enquête sur les conditions de travail et mène diverses actions de

mécénat et de formation. En mars 2002, Global Alliance avait déjà « interrogé 9

000 ouvriers dans 29 usines en Thaïlande, au Vietnam et en Indonésie sur leurs

besoins et leurs aspirations. A la suite de ces enquêtes, Global Alliance a fourni à

presque 10 000 ouvriers des programmes qui répondent aux besoins exprimés en

termes de santé, nutrition et compétences d’encadrement. En outre, Global Alliance

a formé 700 directeurs et contremaîtres d’usine pour leur donner des connaissances

et des compétences de direction » souligne Hannah Jones, la responsable du service

Responsabilité d’entreprise de Nike pour la zone Europe/Moyen Orient et Afrique.

Dans le même registre, Nike lance en avril 2000 le programme « Transparency

101 » où elle s’engage à publier, sur son site internet, les rapports d’audit de

PriceWaterhouse Coopers chez ses sous-traitants. En effet, jusque là, il leur était

possible d’auditer les usines mais les résultats n’étaient pas communiqués. Or, en

l’absence d’une telle communication, l’audit permet uniquement à Nike de prendre

d’éventuelles mesures. Il n’y avait donc aucune transparence pour le

consommateur. On peut donc penser que Nike a préféré attendre quelques années

avant de permettre la publication des rapports d’audit afin d’obtenir un délai lui

permettant de faire respecter son code de conduite. En agissant ainsi, elle peut

montrer une meilleure image d’elle car elle a eu le temps de prendre des mesures

auprès de ses sous-traitants. Aussi, les rapports d’audit ne peuvent être que plus

élogieux.

De plus, Nike a créé des services entièrement dédiés aux problèmes des

conditions de travail et de l’environnement. Ces services emploient environ 85

personnes et sont situés dans les pays où sont localisées les activités productives.

Enfin, pour jouer la transparence au maximum, il faut quand même souligner le

fait que Nike a publié le 13 avril 2005 la liste de ses 704 sous-traitants dans le

monde pour permettre à tout ceux qui le souhaite de faire leurs propres contrôles.

Nike est la seule et unique grande entreprise leader dans le domaine du sport a

avoir accepté de rendre cette information publique tout en sachant que certaines

conditions de travail continuaient à être bafouées. Néanmoins, elle a attendu que

des progrès aient été fait en la matière pour rendre cette information publique.

Il semble que Nike ait compris l’enjeu des problématiques éthiques en matière

de conditions de travail et que de réels progrès aient été faits pour améliorer les

conditions de travail dans les usines productives. Même si on peut penser que Nike

attend à chaque fois que la situation s’améliore pour rendre publique certaines

informations afin d’être valorisée, ce comportement a tout de même le mérite

d’avoir fait avancer les choses.

1.2 Nike : Des mesures pour prendre les devants ?

Suite aux nombreuses pressions concernant les conditions de travail de ses

sous-traitants, il semble que Nike ait décidé de prendre des mesures préventives sur

d’autres problèmes éthiques. Ces pressions auraient-elles transformé l’esprit de

Nike ?

En effet, l’entreprise Nike a pris un certain nombre de mesures en matière de

développement durable : Par exemple, elle a remplacé les solvants toxiques utilisés

pour fabriquer les chaussures par des solvants à l’eau qui en plus d’être plus

écologique, sont meilleurs pour la santé des ouvriers. De plus, Nike lance des

versions écologiques de ses modèles phares de chaussures de basket, comme l’Air

Jordan XX3. En effet, les quantités de colles toxiques nécessaires à la production

d’une chaussure sont réduites et la semelle est réalisée en caoutchouc recyclé.

Cependant, on peut s’interroger sur le fait que Nike garde ses versions classiques.

En effet, pourquoi continuer à lancer des versions non écologiques quand il est

possible de faire des versions écologiques ?

De même, Nike a mis en place le programme Reuse-A-Shoe en Amérique du

Nord. Ce programme consiste à récupérer les chaussures usagées, à les décomposer

et à les transformer en revêtement de sol pour terrain sportif. De plus, un des

composants recyclés (le Nike Grind) est utilisé dans la fabrication d’un autre

modèle : la Nike Trash Talk. Ce modèle de chaussure de basket entièrement

écologique devrait sortir à l’horizon 2011. Cette chaussure sera entièrement

fabriquée à base de déchets (essentiellement des déchets des usines sous-traitantes)

tels que des pièces de cuir, du caoutchouc, des mousses ou autres matériaux. Ce

programme apparaît être une bonne initiative à nos yeux cependant, pourquoi la

collecte est elle limitée à l’Amérique du nord ? De plus, il faut bien voir que les

chaussures collectées en Amérique du Nord vont devoir être expédiée dans une

usine de production puis de nouveau réexpédiée dans un pays distributeur de

chaussure. Toutes ces distances parcourues ne nous semblent pas très écologiques.

Il faudrait donc disposer de plus d’informations sur le coût pour la planète de ce

système afin de vérifier qu’il est bien écologique et qu’il n’est pas juste un moyen

de réduire encore une fois les coûts. En effet, dans ce genre de situation, la matière

première n’a qu’un coût de transport et de recyclage qui est peut être moindre par

rapport au coût d’achat des matériaux. Cependant, en l’absence d’élément sur ce

sujet il ne faut pas non plus être trop négatif.

Au niveau biologique, Nike a pris l’initiative en 1998 pour l’horizon 2003,

d’associer au coton conventionnel de ses tee-shirts, du coton biologique pour

permettre aux productions biologiques de se développer. Cependant, pour une

pièce, seulement 3% du coton est biologique, ce qui est relativement faible,

d’autant que l’utilisation de ce type de coton n’engendre pas un surcoût de

production trop élevé comme le montre le tableau ci-dessous :

[pic]

Source : revue française de gestion n°157 année 2005

Nike argue qu’il n’y a pas assez de productions biologiques de coton pour

permettre de créer des tee-shirts 100% coton biologique. Néanmoins, il y a un gap

entre 3% et 100%. On peut donc reprocher à Nike de ne pas utiliser plus de coton

biologique. Cependant, il semble que Nike envisage d’augmenter progressivement

la quantité de coton biologique par pièce. Il faut donc juste être sûr que cette

mesure sera réellement appliquée et qu’elle ne constitue pas juste une justification

de la faiblesse de la quantité de coton biologique utilisée.

Au niveau écologique, Nike avait mis en place en 1993 le comité

Environmental Action Team, servant à diriger et coordonner des programmes

mondiaux liés à l’environnement, comme la réduction de l’impact de ses activités

et de ses politiques sur la planète. Cependant, Nike n’est pas paru aussi crédible

qu’elle l’aurait souhaité. En effet, avant d’instaurer ce comité elle a accumulé un

sévère retard qui semble difficile à rattraper, et ceci ajouté à son manque

d’expérience dans ce domaine, ne rend pas les agents nécessairement plus

confiants. Néanmoins, quelques années plus tard, Nike s’est engagée dans le

Programme Climate Servers pour la diminution des gaz à effet de serre. A ce titre,

elle a reçu une distinction pour la baisse de diffusion de gaz à effet de serre dans

ses usines ce qui montre un acte bien réel et non juste un acte d’apparence.

L’entreprise a aussi pris un certain nombre d’engagements au niveau social et

communautaire:

Elle a contribué à fonder l’organisation « Ninemillion » de défense des droits

des enfants réfugiés et elle soutient aussi bien financièrement cette association que

par ses agissements. En effet, elle contribue à la sensibilisation à travers le monde

et elle soutient cette campagne à travers l’engagement des employés. Par exemple,

un tee-shirt 100% coton biologique est en vente sur le site store.nike.com. Les

profits de cette vente seront reversés à la fondation FC Barcelone et à Ninemillion

pour financer la scolarité et les activités sportives d’enfants réfugiés. On constate

dans cet exemple que Nike ne cherche en aucun cas à faire du profit (elle récupère

uniquement le coût de production du tee-shirt) mais simplement à aider les enfants.

Malgré tout, on peut penser que cet acte a aussi pour but de redorer son image

puisque les tee-shirts portent le logo de la marque et qu’ils sont en vente sur son

site internet.

En 2005, elle a contribué à la campagne de sensibilisation contre le racisme

« Stand up, Speak up ». Elle a fait diffuser 5 spots télévisés mettant en scène une

douzaine de joueurs de football selon les pays concernés par la campagne (Thierry

Henry pour représenter la France par exemple). Ces spots, financés par Nike,

avaient pour objectif de faire acheter des bracelets noir et blanc pour la somme de

2€ pour soutenir l’association. Aussi, dans cette campagne, Nike a donné de son

temps et de son argent sans rien attendre directement en retour au niveau financier.

Néanmoins, comme dans l’exemple précédent, cette action lui permet de redorer

son image et par la même occasion d’augmenter ses ventes. Cependant, on ne peut

pas critiquer cette façon de faire car personne n’a jamais interdit les autres leaders

sur le marché du sport de faire de même. Or, pour autant que nous nous en

souvenions, ils ne l’ont pas fait.

Plus récemment encore, au 1e décembre 2009, Nike a commencé à

commercialiser des pairs de lacet dans le cadre de la campagne « Lace Up. Save

Lives » (ou en français « des lacets pour sauver des vies ») en partenariat avec RED

pour lutter contre le virus du sida. L’ensemble des fonds qui seront recueillis

serviront pour des programmes éducatifs et médicaux en Afrique.

En conclusion, il apparaît que Nike a mis beaucoup de temps à réaliser que les

problématiques éthiques étaient importantes et qu’elles n’étaient pas toujours

opposées aux problématiques économiques. Au début, la prise en compte de ce

type de problématique par Nike relevait plus d’une obligation que d’un choix.

Cependant, on peut noter que Nike a fait de réels progrès en la matière puisqu’elle

intègre même maintenant d’autres problématiques que celles liées à ses sous-

traitants. Il reste encore du travail à faire car tout est loin d’être parfait comme on a

pu le voir mais Nike est sur la bonne voie.

Il faut tout de même noter un paradoxe : en effet, l’éthique est quelque chose de

normal à nos yeux donc on devrait sanctionner un comportement non éthique mais

un comportement éthique ne devrait pas susciter de réaction. Or, dans le cas des

entreprises comme Nike, on constate que la situation est inversée : quand une

entreprise ne fait pas preuve d’éthique, outre les groupes de pressions, elle ne

risque pas grand-chose. Au contraire, il semble qu’il faudrait presque remettre une

médaille aux entreprises éthiques alors qu’il s’agit d’un comportement normal. Ce

paradoxe apparaît aussi chez les enfants : en ce sens, Nike fait penser à un enfant

auquel on promet un bonbon s’il reste bien sage alors que, normalement, les bêtises

faites par un enfant devraient relever de l’exception et l’obéissance et la sagesse

devraient être la règle.

II. L’image Nike perçue par la population

Dans cette seconde sous-partie, il apparait essentiel de s’interroger sur l’impact

de cette polémique sur la population en général. Afin de pouvoir analyser la

situation actuelle dans l’esprit de la population, nous avons décidé de recourir à une

petite enquête, que nous soumettrons à quelques personnes de notre entourage.

Dans un deuxième temps, nous en ferons une analyse plus pertinente, et en

tirerons certaines conclusions.

2.1. La réalisation de l’enquête

La réalisation du questionnaire s’est faite en plusieurs étapes. Nous avons

préalablement rédigé des questions intermédiaires, que nous avons retravaillé afin

d’arriver au questionnaire final.

La plus grande difficulté fut de rendre les questions pertinentes afin que l'analyse

apporte une valeur ajoutée à notre projet. La banalité des questions était donc à

exclure.

Pour chaque intitulé des questions, nous avons essayé de faire en sorte de rester le

plus neutre possible afin de ne pas influencer les choix des interrogés.

Toutes les formes différentes de questions ont été utilisées : les questions fermées,

semi-ouvertes et ouvertes.

Les questions fermées permettent d'orienter le questionnaire dans la direction que

l'on souhaite et d'obtenir une facilité dans l'analyse. Il est vrai que l'objectivité du

questionnaire peut alors être remise en cause. Mais si ce type de question n'était pas

utilisé, les questionnaires iraient dans des sens bien trop divergents, et il serait

impossible d'en tirer une analyse intéressante.

Les questions ouvertes permettent de laisser une libre expression aux questionnés et

d'obtenir des informations plus précises (parfois inattendues) que nous n'aurions

pas eu avec une question semi-ouverte.

Les questions semi-ouvertes permettent d'avoir une réponse plus précise qu'une

question fermée, mais en restreignant le nombre de possibilité de réponses.

Les questions de contrôle permettent de s'assurer de la sincérité et de l'attention du

questionné. Nous n’avons pas jugé utile d’employer ce type de questions, car le

questionnaire ne touche pas des points personnels ou sensibles.

Afin de rentrer progressivement dans le questionnaire, il est courant de commencer

avec des questions d'ordre général. Pour ce questionnaire, les deux premières

questions sont des questions introductives. Ces dernières nous serviront pour

compartimenter l’analyse.

Nous avons réalisé un test du questionnaire avec un membre du corps enseignant

de l’IAE. Nous lui avons donc soumis le questionnaire, afin d’obtenir un avis

objectif sur celui-ci. Ce professeur nous a fait part de son avis et nous a permis

d’effectuer quelques modifications pertinentes, comme l’intégration de la notion «

pas d’avis » comme réponse possible. Une fois ce test effectué, nous avons pu

lancer réellement ce questionnaire.

Notre groupe étant composé de six étudiantes, nous avons choisi de faire remplir

le questionnaire à au moins 4 personnes chacune, dans le but d’obtenir un nombre

suffisant de réponses à analyser. Les questionnaires ont été soumis en face à face

ou par téléphone, la personne interrogée s’est simplement contenter de donner ses

réponses oralement. Comme les questions proposées ne traitaient pas de sujet

tabou, l’anonymat n’était pas de rigueur.

Après avoir expliqué la réalisation et le mode d’affectation du questionnaire,

nous allons passer à la phase clef de cette partie, à savoir l’analyse des réponses.

2.2. L’analyse du questionnaire

Une fois que les questionnaires furent proposés et remplis, nous sommes passés

à la phase suivante, c'est à dire l'élaboration des tableaux, pour ensuite construire

des graphiques, des histogrammes et autres procédés beaucoup plus démonstratifs.

A présent, passons à la phase de l’analyse du questionnaire.

Questions 1 et 2 : Participation au questionnaire

[pic]

Vingt-six personnes de notre entourage ont gentiment accepté de participer à

notre questionnaire. Nous remarquons que nous avons interrogé plus de personnes

de 15-25 ans et 45-65 ans (nos amis, parents, oncles, tantes..).

Nous avons également d’avantage interrogé des étudiants et des actifs, à hauteur de

85 %.

Question 3 : Nike évoque les termes suivants :

[pic]

Pour la majorité des personnes, Nike est synonyme de : sport, de chaussures de

sport, ou bien d’une marque connue. A aucun moment, le mot « Nike » n’évoque le

travail des enfants. Nous nous attendions à d’autres commentaires que ceux

obtenus.

Question 4 : Nike est-elle une entreprise éthique ?

[pic]

A travers ces réponses, nous constatons que c’est la catégorie « étudiants » qui

a un avis le mieux défini. Ils sont 80 % à penser que Nike n’est pas une entreprise

éthique, les actifs, quand à eux, sont majoritairement du même avis. Les retraités

ont un avis contraire, ils disent croire à 50 % que Nike est éthique.

Question 5 : Avez-vous entendu parler de la polémique Nike qui s’est produite

il y a quelques années ?

[pic]

Comme nous pouvons le constater grâce à cet histogramme, ce sont les 25-45

ans qui ont le plus en mémoire la polémique de Nike sur le travail des enfants. 75

% d’entre eux s’en souviennent, alors qu’à l’opposé, aucune personne de plus de 65

ans n’a été marquée par ces évènements passés. Ceci peut s’expliquer par le fait

que les 25-45 ans ont été des consommateurs des produits Nike à l’époque du

scandale (les jeunes pratiquent plus de sport que les séniors).

Quant aux 15-25 ans, nous pouvons estimer qu’ils étaient trop jeunes pour avoir

été réellement marqués par ce sujet.

Question 5B : Si oui, quel est votre avis sur le sujet ?

[pic]

50 % des personnes ayant répondu favorablement à la question précédente

trouve que le travail des enfants est déplorable, scandaleux et qu’il est une

exploitation de personnes vulnérables et pauvres. 30 % trouve que ceci est à

relativiser, la cause du problème est liée au système, et surtout à l’augmentation des

délocalisations. Nike n’est qu’une entreprise concernée parmi tant d’autres.

Question 6 : Suite à cette affaire, votre comportement d’achat envers Nike a-t-il

changé ?

[pic]

Suite à cette affaire, parmi les personnes ayant été conscientes de la polémique,

seuls les 45-65 ans ont réellement pris en compte le manque d’éthique de Nike dans

leur comportement d’achat.

Bien qu’ayant à l’esprit le scandale de Nike, aucun des 15-25 n’ont changé

leurs habitudes d’achat. Ici, rien de démontre qu’ils sont des clients de Nike, ils ne

l’ont peut être jamais été.

Question 7 : Suite à leur problème d’image, avez-vous remarqué des

changements

dans la communication ou la publicité de l’entreprise ?

[pic]

Parmi les interrogés ayant remarqué le problème d’image de Nike, que peu

d’entre eux ont remarqué des changements dans la communication de l’entreprise.

Au total, seules deux personnes ont soulevé des changements qui sont les suivants :

-développement de publicité plus éthique, et commercialisation de bracelet

« antiracisme »

-moralisation plus active de l’entreprise.

2.3. Les conclusions

Au final, bien que l’avis d’une vingtaine de personnes ne reflète pas

obligatoirement celui de millions de personnes, nous nous sommes permis de faire

différents constats tirés de l’analyse du questionnaire. Les différents constats

formulés ci-après sont donc à nuancer.

Les individus jugent Nike comme non éthique, mais pour certains, sans arguments

ou faits précis : toutes les grandes entreprises n’ont pas obligatoirement des vices

cachés !

Le scandale qui s’est produit il y a plusieurs années n’est plus ancré dans l’esprit

des gens, ou ne l’a peut être jamais été.

Bien que les questionnés ont jugé majoritairement le travail des enfants comme

scandaleux, ils n’ont pas pour autant modifié leurs habitudes d’achat vis-à-vis de

Nike. On peut donc se demander si les consommateurs attachent réellement une

grande importance à l’éthique des entreprises. A première vue, tout un chacun

semble être révolté quant aux manque de responsabilité de Nike et des grandes

entreprises en général, mais cela ne modifie pas pour autant leur comportement

d’achat. Ainsi, on peut en déduire que l’affectif vis-à-vis de la marque prend le pas

sur la conscience citoyenne. Les consommateurs, bien que plein de bonne volonté

et d’idéaux, ne sont pas dans les faits prêts à renoncer à leurs marques favorites.

Les individus continuent à acheter des produits Nike, cette entreprise est toujours

une valeur sûre en ce qui concerne l’équipement sportif.

Pour finir, le changement de communication de l’entreprise n’a pas réellement

été remarqué. En effet, Nike use toujours d’un marketing agressif et d’un fort

sponsoring. Nike fait également de plus en plus appel à de célèbres sportifs de haut

niveau pour illustré son expertise. Cependant, Nike n’a pas de réelle

communication concernant ses engagements « éthiques ». Nike ne souligne ni sa

responsabilité environnementale, ni sa volonté d’œuvrer en faveur d’un commerce

plus équitable…Ainsi, comme le montre notre petite étude, Nike ne bénéficie

toujours pas d’une image responsable et éthique auprès des consommateurs. Ce

manque d’information peut pourtant lui être fatal car la population s’interroge : cet

état de fait marque-t-elle une volonté stratégique de la marque ou un manque réel

d’engagement social et environnemental ? Aux vues de ses résultats colossaux et de

sa présence sur le marché du sport, Nike repose en quelque sorte sur ses lauriers, en

récoltant les fruits de sa popularité, sans se soucier sérieusement des questions

éthiques.

Cette affaire est peu à peu tombée dans l’oubli de nos questionnés, mais c’est

en oubliant, que de telles erreurs peuvent refaire surface. Il est vrai que la presse

nous évoque le même sentiment : Nike et le travail des enfants ne fait plus partie de

la Une des journaux depuis longtemps. Non seulement cette polémique est

obsolète, mais nous pouvons aussi noter le fait qu’il est difficile de trouver des

articles ou bien des informations sur cet évènement passé. Ce problème rencontré

est notamment lié à l’archivage papier qui n’est plus conservé passé un certain

délai, mais également à l’archivage web qui a même été supprimé ! Nous avons

donc été confrontés à un vrai manque d’information, auquel nous avons répondu en

mettant en œuvre notre questionnaire afin d’obtenir des réponses à nos questions.

Conclusion

L’ensemble de cette analyse a été fait dans le but de répondre à une unique

question : Nike est-elle une puissance au service de l’éthique ?

Après avoir réalisé toute cette analyse, on peut répondre que l’entreprise Nike

n’est pas au dessus des problèmes éthiques même si certains éléments semblent

indiquer le contraire.

En effet, le scandale a mis à mal l’image de l’entreprise et a fait chuter ses

résultats financiers comme nous avons pu le voir dans la première partie. Nike a

donc été dans l’obligation de réagir car le fait d’arguer qu’elle n’était pas

responsable des agissements de ses sous-traitants n’a pas suffi à la dédouaner et à

apaiser les esprits. Aussi, les groupes de pression puis le public ont réagit par un

boycott de la marque. Comme nous l’avons vu, Nike s’est vue dans l’obligation de

prendre des mesures afin de redorer son image de marque. Elle a ainsi agi de

manière concrète contre les conditions de travail appliquées aux employés dans les

usines sous-traitantes. De plus, elle a d’elle-même adopté une stratégie intégrant

d’autres problèmes éthiques que ceux qui lui été reprochés. Il semble donc que

l’éthique ait pris le dessus sur la puissance du leader.

En revanche, ce qui est surprenant dans ce scandale, c’est que les autorités les

plus à même à sanctionner Nike n’ont pris aucune mesure. Nike était donc dans une

position où elle ne se sentait pas en danger de par son comportement. Néanmoins,

l’absence de sanctions pénales ou civiles ne rime pas avec « liberté de continuer et

d’agir».

Pourtant, aujourd’hui, il semble que le scandale ait été oublié : Même si les

gens ne considèrent pas pour autant Nike comme une entreprise éthique, cela ne les

empêche pas de continuer à acheter des produits de cette marque. Nous pensons

que ce comportement peut s’expliquer par le fait que, avec l’inondation des

produits asiatiques sur le marché, quelque soit le produit acheté, le consommateur

pense qu’il sera fabriqué dans les mêmes conditions de travail.

De plus, il faut souligner que la présence des médias est un élément clé dans ce

scandale car, en leur absence, Nike continuerait toujours à agir de la sorte. Or, les

médias, qui ont tenu une place majeure dans la révélation du scandale, semblent

avoir totalement oublié cette affaire. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, il

est difficile d’obtenir des informations sur le scandale. Il faut avouer que lorsque

nous avons choisi le thème de notre exposé, nous nous attendions à avoir des

sources d’information considérables, ce qui est loin d’avoir été le cas. Le scandale

Nike est tombé dans l’oubli pour les médias et, par là même, il a disparu de l’esprit

des consommateurs. Les médias ont une forte influence sur l’opinion du public.

Aussi, si les médias ne soulèvent pas un problème, l’opinion publique pense que ce

problème n’existe pas dans la réalité. Ainsi, même si la majorité des gens que nous

avons interrogé ne considère pas Nike comme une entreprise éthique, le fait que les

médias ne parlent plus de Nike leur suffit à penser que la situation n’est pas si

dramatique. La puissance des médias dans cette affaire est donc un fait

indiscutable. L’essentiel réside dans le fait que Nike a réagi et a adopté un réel

comportement éthique et non un comportement de façade. Même si le scandale est

tombé dans l’oubli, l’éthique semble être plus forte que la puissance. De plus, on

peut penser que le scandale est tombé dans l’oubli car Nike a pris des mesures. En

effet, les médias aiment montrer des images « chocs » et non pas des situations où

tout va bien. Aussi, même si Nike n’a pas communiqué sur les changements qu’elle

a effectué ou que les gens n’ont pas vu ce changement, le fait que les médias ne

parlent plus du problème a été suffisant.

Bibliographie

Webographie

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