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  • RBSS EDITION SPECIALE 2001

    INTRODUCTION PAR CAROLINE DE LA PORTE

    A l'aube du 21me sicle, la perspective d'un largissement europen vers l'Est est passe du domaine du virtuel celui du rel. En effet, le sommet de Nice s'est avr tre " le plus long de l'histoire de la Communaut europenne ", mais galement le plus difficile, donnant lieu l'laboration d'un texte de 172 pages et prparant ainsi l'Union europenne (UE) inclure les douze pays candidats. Le nombre des voix attribu chaque nouvel tat membre au sein du Conseil est connu (1). Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2005. Le nombre de Commissaires de la Commission europenne et de membres du Parlement europen ont galement t revus. A partir du 1er janvier 2005, tous les pays auront un Commissaire, ce qui implique que les grands pays n'auront plus le privilge d'en disposer de deux. A partir du 1er janvier 2004, le nombre de membres du Parlement europen sera adapt en vue d'accueillir les nouveaux membres. Implicitement, cela signifie que l'Union europenne devrait avoir dj accueilli quelques nouveaux tats membres afin que ceux-ci puissent participer aux lections parlementaires de 2004 (OSE, 2000).

    Le Conseil europen de Nice a galement adopt un ambitieux Agenda social pour 2000-2006, qui fixe pour ce qui concerne l'largissement les grandes lignes d'une stratgie dans le domaine social. Faisant office de prcurseur, le Conseil europen de Lisbonne avait soulign que le dfi social de l'largissement ne devait pas tre sous-estim. Le nouvel Agenda social affirme que l'Union " doit rsolument appuyer les efforts dj engags par les pays candidats pour adapter et transformer leurs systmes sociaux et favoriser la mise en place d'un processus de convergence dans le progrs " (Conseil de l'Union europenne, 2000a : paragraphe 23). Cette transformation va au-del de l'acquis social - ayant trait aux domaines de l'galit de traitement, de la sant et de la scurit au travail, du dialogue social, de la protection des travailleurs - de porte limite et juridiquement contraignant, pour englober des valeurs sociales communes. En effet, les fondements qui sous-tendent les systmes de scurit sociale impliquent la garantie d'un niveau social appropri pour tous les citoyens europens. En outre, la recalibration de l'Etat-providence est ancre dans le contexte du processus de mondialisation de l'conomie et des changements technologiques et structurels. Ce faisant, une dimension supplmentaire est encore ajoute la transformation paradigmatique dj radicale que connaissent actuellement les PECO. Les systmes de protection sociale des tats membres de l'UE sont actuellement eux-mmes en cours de rforme. Le noyau du processus de modernisation des systmes de protection sociale consiste renforcer la dimension active de l'Etat-providence tout en garantissant aux individus une protection contre les divers risques sociaux. La stratgie commune de l'UE, base sur la coopration entre Etats membres, a t lance pour " encourager une rflexion collective sur la meilleure approche adopter en vue de moderniser et d'amliorer les diffrents systmes de protection sociale ". Un groupe de fonctionnaires de haut niveau dsign pour se pencher sur ces questions a soulign l'importance de la modernisation des systmes de protection sociale dans les pays candidats et " dans ce contexte, l'instauration d'un dialogue avec les pays candidats revt une importance toute particulire ". Mais, un tel dialogue constructif n'a pas encore t instaur. Le Conseil europen de Nice reconnat le double dfi sans prcdent

  • auquel les PECO sont confronts en raison de la modernisation de leurs systmes de protection sociale : " non seulement, ils font face au dfi majeur de l'adaptation et de la transformation de leurs systmes, mais ils sont galement confronts la plupart des problmes auxquels s'attaquent les tats membres actuels de l'Union europenne. Il est donc ncessaire de prendre en compte la perspective de l'largissement dans l'ensemble des domaines de la politique sociale " (Conseil de l'Union europenne, 2000a : paragraphe 23).

    De fait, " Il n'y a jamais eu autant de pays candidats l'adhsion, et jamais les diffrences entre les membres actuels de l'UE et les pays candidats n'ont t aussi marques C'est galement la premire fois que l'UE a l'intention d'accepter comme membres des pays qui subissent un processus de transformation systmique radical, processus n'ayant aucun prcdent historique " (Langewiesche, 2000). En 1998, la parit moyenne du pouvoir d'achat dans les dix pays PECO candidats s'levait 40 % de la moyenne de l'UE. Il est intressant de noter les diffrences considrables entre ces pays, allant de 68 % pour la Slovnie 23 % pour la Bulgarie. Les divers pays candidats sont censs, et ce pour de bonnes raisons, intgrer l'UE diffrents moments. Une hypothse quant l'adhsion des cinq premiers pays candidats est qu'une intgration progressive dans l'UE pourrait produire - si la date d'adhsion se situe entre 2003 et 2006 - des effets nets en terme de prosprit pour les anciens membres de l'ordre de 0,1-0,2 % de leur PIB (Langewiesche et Lubyova, 2000 : 452).

    Dans quelle mesure les transformations en cours au sein de l'UE influent-elles et se diffusent-elles dans la restructuration des systmes de protection sociale des PECO ? L'adhsion des PECO influencera-t-elle ngativement le modle social dj diversifi de l'Europe, donnant lieu un processus de divergence plutt que de convergence ? Dans quelle mesure leurs systmes de scurit sociale comprennent-ils des valeurs " europennes " ? La liste des questions ouvertes est longue.

    Le dfi social majeur pos par l'largissement a t mis en vidence par l'Observatoire social europen en 1998. Nous avons entrepris un projet de recherche intitul " Les dfis sociaux de l'largissement de l'Union europenne pour les pays d'Europe centrale et orientale ", coordonn par Bart Vanhercke (OSE) pour le ministre des Affaires sociales, de la Sant publique et de l'Environnement en mai 1999. Une originalit de cette recherche consistait confier l'laboration des rapports nationaux spcifiques des experts des pays analyss. Ces rapports nationaux s'articulent autour des aspects suivants :

    concepts et sources de la scurit sociale ; structure administrative ; porte personnelle de l'application ; couverture des risques sociaux et des allocations dues relatives aux risques sociaux lis la vieillesse, au dcs, l'incapacit de travail, au chmage, aux soins de sant, aux charges familiales et aux besoins ; financement de la scurit sociale ; aperu juridique ; normes de scurit sociale et ralit de la scurit sociale ; consquences sociales de l'largissement.

    Les tudes de cas portent sur les cinq pays candidats dits " de la premire vague " -Rpublique tchque, Estonie, Hongrie, Pologne et Slovnie. Depuis le Conseil europen de Helsinki, a mis les douze pays candidats plus la Turquie sur pied d'galit dans le cadre du processus d'largissement. Ces tudes prsentent un tableau complet de spcificits nationales et indique l'influence des rgimes de scurit sociale des autres tats europens sur leur organisation. Ces rapports ont t ractualiss pour cette dition spciale, approfondissant les sujets abords lors

  • d'une confrence organise le 18 octobre 2000 " Nouvelle gouvernance et dimension sociale de l'largissement ".

    La confrence explorait d'une part la situation des PECO dans les deux domaines devenus des priorits europennes en matire de protection sociale : l'insertion sociale et la pauvret d'une part et, d'autre part, les pensions. En ce qui concerne l'insertion sociale, la stratgie de l'UE vise intgrer les personnes exclues. Au vu de la ncessit de s'adapter un monde du travail en mutation, de nouvelles structures familiales et une socit axe sur les connaissances, comment des phnomnes tels que l'exclusion sociale sont-ils mesurs dans les PECO, et quelle est la stratgie mise en place en matire de lutte contre la pauvret ? Des mesures ont-elles t prises pour inclure l'insertion sociale dans les politiques gnrales, pour la placer " au centre de tout le processus politique " ? Par ailleurs, pour ce qui est des dispositions en matire de pensions - dans le contexte du vieillissement de la population - une tendance commune peut-elle tre identifie dans ce domaine parmi les PECO ? Quelles sont leurs stratgies nationales respectives pour rduire la charge sur la population active ?

    De plus, la confrence s'est interroge sur le processus de gouvernance par le biais duquel les normes europennes prvalant dans ces deux domaines (et dans d'autres) seraient transfres aux PECO. Une rponse prometteuse est apporte par la nouvelle mthode ouverte de coordination, conue comme un " processus d'apprentissage pour tous ", respectant les diversits nationales dans une dynamique de non-comptition. Cette mthode est conue comme un compromis entre une logique d'intgration pure et une logique de simple coopration. Son objectif stratgique sous-jacent est de dvelopper l'Europe dans le sens d'une conomie de la connaissance, par le biais d'une amlioration quantitative et qualitative de l'emploi et du renforcement de la cohsion sociale (Conseil de l'Union europenne, 2000b). Cette mthode parat particulirement pertinente au vu de l'largissement imminent de l'Union. L'essence de cette mthode consiste encourager les tats membres dfinir leurs propres " objectifs " aux chelons rgional et national, en fonction d'un ensemble relativement large d'" indicateurs de rfrence " ou de " repres ", dfinis au niveau de l'UE. On peut nanmoins s'interroger si les infrastructures socio-politiques de ces pays disposent de la maturit suffisante pour intgrer de telles mthodes dans leurs systmes de dcisions politiques ?

    Parmi les diffrents dbats en cours sur la situation des politiques sociales dans les PECO, ce numro spcial apporte avant tout une contribution essentielle en termes d'information sur les systmes de protection sociale dans les PECO. De fait, les experts nationaux des PECO ont ralis des descriptions dtailles de leur systme de protection sociale - portant particulirement sur les mesures adoptes en matire de pauvret et d'intgration sociale tout comme sur l'organisation prcise des systmes de pension - des descriptions indispensables pour entamer un dbat. Nous tenons remercier Martin Mcha (Rpublique tchque), Lauri Leppik (Estonie), Szilvia Borbly (Hongrie), Gertruda Uscinska (Pologne) et Andreja Kavar Vidmar (Slovnie) pour leurs prsentations claires et approfondies. Du point de vue de la perspective europenne, des contributions substantielles ont t apportes par des intervenants majeurs impliqus dans la dynamique de politique sociale europenne : Mme Gabrielle Clotuche, Directrice de l'unit de la protection sociale et de l'intgration sociale de la Direction gnrale des Affaires sociales et de l'Emploi et Mme Anne Van Lancker, membre du Parlement europen. Les diffrents angles d'approche partir desquels les enjeux sociaux de l'largissement ont t examins - du point de vue des PECO et du point de vue des perspectives europennes -

  • contribuent un dbat qui deviendra de plus en plus central dans l'agenda europen.

    REFERENCES

    Conseil de l'Union europenne (2000a), Contribution du Conseil (Emploi et Politique Sociale) au Conseil europen de Nice en vue de l'adoption d'un Agenda social europen, 28 novembre 2000.

    Conseil de l'Union europen (2000b), Suivi du Conseil europen de Lisbonne - La mthode ouverte de coordination : un processus en cours, Note de la Prsidence, 14 juin 2000.

    Langewiesche, R. (2000), " Editorial ", Transfer, Vol. 6, N 3, automne 2000.

    Langewiesche, R. et Lubyova, M. (2000), " Migration, mobility and the free movement of persons : an issue for current and future EU members ", Transfer, Vol. 6, N 3, automne 2000, pp.450-467.

    OSE (2000) " Le trait de Nice - Analyse et premiers commentaires ", CIGinfo - Lettre lectronique sur la Confrence intergouvernementale, N 5, Observatoire social europen, dcembre 2000.

    (1) Formellement, il 's agit seulement d'une position de ngociation des 15 mais personne ne pense srieusement un quelconque changement.

  • LA PROTECTION SOCIALE DANS LES PECO DANS LE CADRE DE L'LARGISSEMENT PAR GABRIELLE CLOTUCHE

    1. INTRODUCTION : DE L'IMPORTANCE DE TRAVAILLER ENSEMBLE

    Depuis le Sommet europen de Lisbonne, la politique sociale et la protection sociale constituent une priorit de l'agenda europen. L'Union s'est en effet fix Lisbonne " un nouvel objectif stratgique pour la dcennie venir : devenir l'conomie de la connaissance la plus comptitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance conomique durable accompagne d'une amlioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohsion sociale ".

    La modernisation du modle social europen en investissant dans les ressources humaines et en crant un tat social actif est une des trois lignes d'action de la stratgie dfinie par les Chefs d'tat et de Gouvernement pour atteindre ces objectifs.

    Ils ont en outre dcid de piloter cette stratgie chaque anne au printemps, lors d'une runion du Conseil europen, ils dfiniront les mandats pertinents pour ce faire et veilleront leur suivi. La premire de ces runions est prvue en mars Stockholm.

    La protection sociale est au cur de ce processus. La communication de la Commission (COM (99) 347 final du 14 juillet 1999) " Une stratgie concerte pour moderniser la protection sociale " avait anticip cette voie ; elle permet aujourd'hui de la soutenir.

    Vouloir relier les dveloppements rcents en matire de protection sociale au processus d'largissement est une tche aussi ambitieuse que ncessaire. Elle exige rflexion, discussion et coopration tous les niveaux avec tous les acteurs concerns.

    Les quinze tats membres ne sont pas les seuls concerns par la stratgie propose dans la communication. Les nouveaux pays qui adhrent l'Union doivent reprendre tout l'acquis communautaire. Dans le domaine de la protection sociale cet acquis englobe les directives et rglement en vigueur au moment de l'adhsion et les valeurs et principes communs auxquels les tats membres souscrivent.

    La coopration qui se renforce entre les tats membres aujourd'hui est partie de cet acquis.

    Cette coopration est importante parce que tous les tats membres sont confronts des problmes et des enjeux similaires. Taux d'emploi trop faible ou volution dmographique qui inquite, mutations conomiques, changements socitaux sont autant de dfis que les tats membres ont relever et qui ont un impact sur les systmes de protection sociale. Tous les tats membres s'efforcent de consolider le fonctionnement, l'efficacit et la durabilit de leurs rgimes de protection sociale. L'Union europenne peut les y aider en proposant un forum de discussion et d'change d'expriences et par la dfinition d'objectifs communs.

  • " Coopration " est le mot-cl dans ce processus. C'est pourquoi, rflchir l'importance des systmes et des politiques de protection sociale - la fois dans les tats membres et dans les pays candidats - me parat aujourd'hui fondamental.

    2. LE MESSAGE POLITIQUE : LA PROTECTION SOCIALE EST UN FACTEUR PRODUCTIF ET UN LMENT CONSTITUTIF DU MODLE SOCIAL EUROPEN

    Nos rgimes de protection sociale font partie intgrante du Modle social europen. Nulle part en dehors de l'Union europenne, les systmes de protection n'ont influenc autant l'dification de la socit, l'conomie et la vie des citoyens. Grce aux systmes de protection sociale, les fruits de la croissance ont t largement rpartis parmi les citoyens.

    Un niveau lev de protection sociale n'est pas seulement un objectif du Trait, c'est aussi une longue tradition et une valeur partage dans les tats membres. La socit a mis en place des systmes collectifs et solidaires pour aider les personnes en cas de maladie, de vieillesse, de chmage, Les tats membres ont sans doute opt pour des solutions institutionnelles diffrentes, mais tous poursuivent le mme objectif.

    C'est l un signe distinctif de l'approche europenne et la Commission europenne tient mettre cette caractristique en vidence dans le dialogue avec les pays candidats parce que des systmes de protection sociale forts, stables et solidaires sont non seulement le reflet de certaines valeurs de socit, mais aussi un lment qui contribue au succs conomique.

    Tous les tats membres ont dvelopp des systmes de protection sociale stables et y consacrent en moyenne environ 28 % de notre PIB.

    Ceci masque la diversit existante qui est contenue dans une fourchette allant de 18,5 % (en Irlande) 35 % (en Sude). Si la tendance gnrale veut que les dpenses sociales soient directement proportionnelles au PIB par habitant, les deux pays extrmes font exception : l'Irlande n'atteint pas le niveau estim tandis que la Sude dpasse celui-ci.

    3. LE MESSAGE EST PARTICULIREMENT IMPORTANT POUR LES PECO

    Les conomies en phase de transition rapide ont particulirement besoin de systmes de protection sociale efficaces. une poque de changement structurel spectaculaire et de grande incertitude, il importe que le citoyen sache qu'il existe un filet de scurit, et plus que cela mme, un soutien actif pour l'aider retrouver une place dans la vie conomique. Les systmes de protection sociale aident la population accepter les changements conomiques et s'y adapter. Bref, ils sont des ferments de cohsion sociale et de dynamisme conomique. Cette exprience est particulirement importante pour les pays candidats.

    4. LA COOPRATION RENFORCE AU NIVEAU EUROPEN

    La similitude des dfis auxquels la plupart des tats membres sont confronts : un chmage trop lev et un taux de participation au march du travail trop bas, des changements sur le march du travail, dans la composition des familles et dans les structures dmographiques justifient les progrs rcents accomplis dans la coopration au niveau europen.

  • Crs il y a des dizaines d'annes, dans des conditions conomiques et sociales assez diffrentes de celles que nous connaissons aujourd'hui, les systmes de protection sociale des tats membres doivent s'adapter aux nouvelles ralits. Leur prennit l'exige.

    La communication de la Commission (COM (97) 102 du 12 mars 1997) " Moderniser et amliorer la protection sociale dans l'Union europenne ", a fait apparatre un large consensus entre les tats membres et les institutions europennes sur la ncessit et la valeur ajoute que prsente la coopration au niveau europen.

    S'appuyant sur ce consensus, la Commission a prsent, en 1999, (cf. infra) une communication suggrant de renforcer la coopration au niveau europen. Elle proposait quatre grands objectifs pour orienter celle ci :

    rendre le travail plus avantageux et garantir un revenu sr ; garantir des retraites sres et des systmes de retraite viables ; promouvoir l'intgration sociale ; garantir un niveau lev et durable de protection de la sant.

    En outre, la Commission a propos de renforcer l'infrastructure institutionnelle de cette coopration au niveau europen. Le Conseil a approuv ces ides dans sa conclusion de dcembre 1999 et un groupe de travail ad intrim a t cr au dbut de la prsidence portugaise.

    5. CHANGEMENTS INSTITUTIONNELS : UN NOUVEAU COMIT

    Ce groupe de travail est devenu le " comit de protection sociale " suite la dcision du Conseil du 29 juin 2000.

    Avec la cration de ce nouveau comit, la protection sociale est reconnue, en termes institutionnels, sur le mme pied que la politique conomique et la politique de l'emploi. Ceci est plus qu'une simple formalit. partir de maintenant, la protection sociale acquiert un statut quivalent celui de la politique de l'emploi et de la politique conomique, consacrant ainsi le " triangle politique "auquel notre Commissaire Mme Diamantopoulou est trs attache. La cohrence entre ces trois piliers se voit ainsi facilite et devrait se traduire dans les travaux soumis aux futurs Conseils europens de printemps sur la stratgie et les politiques conomiques et sociales.

    6. DEUX PRIORITS DE TRAVAIL

    Ds juin 2000, le groupe ad intrim a soumis au Conseil europen de Feira un rapport identifiant deux priorits de travail : la lutte contre l'exclusion sociale et la durabilit des rgimes de protection sociale.

    6.1. Exclusion sociale

    En ce qui concerne le dossier de la lutte contre l'exclusion sociale, la Commission a prsent, en mars, une communication sur l'dification d'une socit de l'insertion qui a t discute lors du Conseil europen. Le Conseil a souscrit notre intention d'utiliser pleinement le nouvel article 137 du Trait et la Commission, au mois de juin, a donc prsent une proposition de programme d'action communautaire actuellement examin par le Conseil et le Parlement.

  • Paralllement, sous la prsidence franaise, les tats membres ont collabor avec la Commission au dveloppement d'un cadre propice la dfinition d'objectifs appropris de lutte contre la pauvret et l'exclusion. Le Conseil Emploi et Politique sociale d'octobre 2000 a transmis sa proposition au Conseil europen de Nice qui l'a approuve.

    Quatre axes y sont prsents :

    promouvoir la participation l'emploi et l'accs de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services ;

    prvenir les risques d'exclusion ; agir pour les plus vulnrables ; mobiliser l'ensemble des acteurs.

    Ces objectifs constitueront la pierre angulaire de nos tentatives de promotion d'une meilleure comprhension du phnomne de " l'exclusion sociale " afin de rendre ces tentatives plus transparentes, comparables et oprationnelles dans une perspective politique et afin d'amliorer la qualit de vie des citoyens. Ce document constitue la premire tape de la mthode ouverte de coordination qui s'applique ce domaine.

    Le Conseil a invit " les tats membres dvelopper leurs priorits dans le cadre de ces objectifs, prsenter d'ici juin 2001 un plan national d'action concernant une priode de deux ans et dfinir des indicateurs et des modalits de suivi permettant d'apprcier les progrs accomplis ".

    6.2. Retraite et durabilit

    En ce qui concerne l'autre priorit de travail, la Commission a adopt le 11 octobre 2000 une Communication sur l'volution venir de la protection sociale dans une perspective long terme avec une insistance particulire sur la scurit et la durabilit des retraites (COM (2000) 622 final du 11 octobre 2000). Sur cette base, le groupe de travail de haut niveau a prsent un rapport intrimaire au Conseil europen de dcembre 2000. Dans sa Communication, la Commission a numr un certain nombre de principes gnraux que les tats membres sont invits prendre en considration au moment de la rforme de leurs systmes. Le but de la Commission est de souligner l'importance des programmes de retraite publique l'intrieur des systmes de protection sociale et d'encourager les tats membres renforcer l'quit et la solidarit entre les gnrations. Les tats membres sont invits transmettre pour le 15 fvrier 2001 leur rponse un questionnaire tabli en commun et relatif aux rformes engages ou envisages. Ces contributions doivent permettre de transmettre un premier rapport au Conseil europen de Stockholm en mars 2001.

    7. PROTECTION SOCIALE DANS LES PECO

    Je pense que ces rformes sont familires tous ceux qui uvrent la rforme et au dveloppement de la protection sociale dans les pays candidats. La Commission en a d'ailleurs prsent une analyse approfondie dans son dernier rapport sur la protection sociale. Il ressort de ce document que les tats membres, comme les pays candidats, sont confronts des problmes trs similaires.

    Nous cherchons tous moderniser nos systmes de protection sociale et les rendre durables dans un contexte conomique caractris par un progrs technique rapide et une concurrence mondiale.

  • Il ne faut pas sous-estimer les pressions qui s'exercent sur les systmes de protection sociale dans les pays en phase de transition et de restructuration, ni l'ampleur des tches que certains pays candidats doivent affronter. Les changements qui accompagnent l'largissement de l'Union europenne, auquel nous uvrons, sont d'une ampleur et d'une rapidit rarement vue. Aussi, il est absolument essentiel que les rgimes de protection sociale soient en mesure de rpondre la tche qui les attend.

    8. L'IMPORTANCE DE " L'ACQUIS "

    Il y a d'abord l'ensemble des dispositions lgislatives - relativement peu nombreuses dans ce domaine il est vrai - prescrivant certaines normes. Ce sont les directives qui fixent les principes de l'galit de traitement entre les hommes et les femmes en matire de scurit sociale, ce sont les rglements directement applicables qui garantissent la coordination des rgimes de scurit sociale des tats membres pour les travailleurs qui se dplacent l'intrieur de l'Union europenne et c'est la directive relative aux rgimes complmentaires pour ces mmes travailleurs migrants.

    Il est noter que lors du dernier " screening " au sein du Comit Consultatif de Scurit Sociale pour les travailleurs migrants, les six pays candidats du " Groupe de Luxembourg " ont dclar qu'ils mettront en uvre l'acquis communautaire ds leur adhsion (Pologne, Hongrie, Rpublique Tchque, Slovnie, Chypre et Estonie).

    Le Conseil des ministres n'a pas encore demand leurs positions respectives aux pays du groupe " Helsinki " (Lituanie, Lettonie, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie). Ds la rception de ces prises de position, nos services commenceront rdiger les projets de propositions en vue de l'tablissement d'une Position Commune.

    Jusqu' prsent, ces Directives et Rglements qui forment l'acquis juridique ont constitu juste titre le centre d'intrt principal des travaux. Mais il importe de ne pas perdre de vue l'ensemble du problme.

    9. " L'ACQUIS " POLITIQUE DANS LA PROTECTION SOCIALE

    Comme je l'ai dcrit ci-avant, au cours des dernires annes, l'avenir de la scurit sociale a fait l'objet d'un vaste dbat impliquant les tats membres et les institutions communautaires. Nous avons vu que le point culminant de ce dbat a t la Dcision prise par le Conseil, en juin 2000, de crer le Comit de protection sociale. Ce changement institutionnel est important pour l'largissement, parce que le consensus intervenu entre les tats membres sur la ncessit de travailler ensemble s'est ainsi officiellement transform en un lment supplmentaire de l'acquis communautaire.

    En termes d'objectifs politiques, l'approche dfinie Lisbonne permet de dterminer clairement et avec force la direction que doit prendre la politique de protection sociale. Ce signal est capital autant pour les pays candidats l'adhsion que pour les tats membres.

    L'ampleur de la tche dpend de la situation de dpart dans chaque pays, qu'il s'agisse d'un pays membre de l'Union ou d'un pays candidat et de la capacit de chacun conduire les volutions ncessaires.

  • Pour le moment, l'initiative la plus rcente qui a t prise au niveau europen, ne concerne que les tats membres. Toutefois, la question de savoir comment impliquer les pays candidats dans ce processus a t pose.

    Une attention toute particulire sera accorde cette question.

    La DG Emploi s'engage galement ce que les dveloppements rcents dans le domaine de la protection sociale soient pris en compte dans le cadre de la stratgie de pr-adhsion, notamment lors de la rdaction des prochains " accession-partnerships ".

    Une srie d'valuations des systmes de protection sociale dans les diffrents pays candidats sera en outre effectue. Les donnes ainsi rcoltes seront d'une grande valeur dans le cadre de la stratgie de pr-adhsion.

    L'avenir des systmes de protection sociale en Europe. Concerne tous les citoyens europens. Il est essentiel d'en tre conscient. Cette chance historique est saisir pour l'avenir de l'Union donc aussi pour son largissement.

    TABLE DES MATIERES

    1. INTRODUCTION : DE L'IMPORTANCE DE TRAVAILLER ENSEMBLE 2. LE MESSAGE POLITIQUE : LA PROTECTION SOCIALE EST UN FACTEUR PRODUCTIF ET UN ELEMENT CONSTITUTIF DU MODELE SOCIAL EUROPEEN 3. LE MESSAGE EST PARTICULIEREMENT IMPORTANT POUR LES PECO 4. LA COOPERATION RENFORCEE AU NIVEAU EUROPEEN 5. CHANGEMENTS INSTITUTIONNELS : UN NOUVEAU COMITE 6. DEUX PRIORITES DE TRAVAIL 6.1 Exclusion sociale 6.2 Retraite et durabilit 7. PROTECTION SOCIALE DANS LES PECO 8. L'IMPORTANCE DE " L'ACQUIS " 9. " L'ACQUIS POLITIQUE " DANS LA PROTECTION SOCIALE

  • POLITIQUE NOUVELLE ET DIMENSION SOCIALE DE L'ELARGISSEMENT(*). PAR ANNE VAN LANCKER

    Parlementaire europen SP et rapporteur agenda social "Politique nouvelle" et dimension sociale de l'largissement

    1. INTRODUCTION

    La possible adhsion l'Union europenne soulve juste titre beaucoup d'attentes parmi les citoyens des pays candidats. Ils consentent de gros d'efforts pour pouvoir faire partie du 'club' europen. La transition de l'conomie tatique vers une conomie sociale de march est source de grandes ingalits et de chmage. Ceci fait merger des problmes plus spcifiques tels que : le manque de qualifications dans les zones rurales, les grandes disparits rgionales au sein des pays candidats, les problmes avec le systme de prestations de soins de sant pour n'en citer que quelques-uns.

    Par ailleurs, le processus d'largissement intervient un moment o les pays de l'Union subissent eux-mmes une restructuration conomique et que la politique europenne en matire sociale et conomique est en plein dveloppement. Ceci a pour consquence que l'acquis communautaire en matire sociale, dfini en 1995 dans le Livre blanc de la Commission europenne comme lment d'valuation des pays candidats, a entre-temps normment volu.

    Cette double dynamique exige une discussion approfondie sur la stratgie adopter en matire d'adhsion, non pas pour rendre la tche des pays candidats encore plus difficile, mais bien pour viter des drames sociaux et l'closion de frustrations dangereuses. A l'vidence, un dbat srieux sur les aspects sociaux induits par ce processus d'adhsion doit absolument avoir lieu pour que cet largissement soit une russite. Par ailleurs, nous ne pouvons pas, non plus, navement ignorer les consquences sociales de cette opration.

    2. L'AGENDA SOCIAL EUROPEEN : UN NOUVEAU CONTENU POUR L'ACQUIS SOCIAL EUROPEEN

    Plus que jamais, l'agenda social europen (1) met en lumire deux aspects : d'une part, les politiques sociales et de l'emploi doivent se situer au mme niveau que la politique conomique et d'autre part, la politique sociale doit tre un facteur productif du triangle politique conomique, politique de l'emploi et politique sociale.

    L'Union europenne dispose de normes sociales plus leves que celles d'autres conomies dveloppes et les Etats membres organisent de considrables transferts financiers via la scurit sociale et la fiscalit, ce qui permet de limiter la pauvret et l'exclusion et de garantir aux citoyens un niveau de vie dcent. Ces transferts sociaux reprsentent un facteur important pour la cohsion sociale au sein du march intrieur europen. Aussi, la politique sociale devrait tre au centre de la discussion sur l'largissement. L aussi, l'amlioration de la qualit de la vie et l'introduction de normes sociales doivent constituer deux des objectifs de la politique de l'Union. Sur ce point, un certain nombre de questions doivent tre claircies d'urgence. Il s'agit, entre autres, de la place de la politique europenne de l'emploi et de la lgislation sociale europenne dans le dbat sur l'largissement. Dans ma contribution ce numro, je souhaite pourtant me limiter deux thmes centraux, d'ailleurs dernirement mis en avant dans la politique sociale europenne, savoir :

  • la politique europenne en matire de protection sociale et la politique en matire d'exclusion sociale et de pauvret.

    Deux questions mergent ici : quelle est la place de l'acquis social dans cette discussion sur l'largissement ou, en d'autres termes, quel est le poids de la politique sociale (dans tous ses aspects) dans la supervision des critres de Copenhague? (2) et quel est le rapport entre la ncessit d'une convergence sociale et la convergence conomique ?

    Avec ses propositions prcises, l'agenda social europen tente de donner au modle social europen un contenu plus concret. Outre le plein emploi tenant compte de la qualit de ceux-ci et l'accent sur la concertation sociale, il veut galement garantir une politique sociale de qualit par une protection sociale approprie et des services sociaux aisment accessibles, l'galit des chances et le respect des droits sociaux fondamentaux.

    L'agenda social offre galement la possibilit de recourir un nouvel instrument : en plus de la lgislation sociale, fruit des ngociations collectives entre partenaires sociaux ou des procdures lgislatives, du soutien financier grce aux fonds structurels, nous disposons dsormais aussi de la mthode ouverte de coordination qui, depuis le Sommet de Lisbonne, est unanimement accepte comme instrument politique sur des domaines qui, ce jour, taient surtout considrs comme tant du ressort des comptences nationales.

    Cette volution n'est pas anodine : lors des Conseil europen de Lisbonne et de Feira, Chef d'Etat ou de gouvernement ont renou avec les objectifs sociaux initiaux du Trait. Pour rappel, il s'agissait de la volont d'atteindre un niveau lev de protection sociale, que les diffrents Etats membres doivent garantir au niveau national. A ce jour, ce n'tait que peu visible dans la politique communautaire. Ils ont galement repris le fil de la Charte europenne des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, qui, l'poque, lanait l'ide de la convergence des objectifs de la protection sociale, dans le respect de la diversit des systmes nationaux. La Commission europenne a traduit ces principes en proposant deux recommandations sur la convergence des objectifs et des politiques de la protection sociale tout en laborant des critres communs pour garantir un niveau minimal de prestations sociales, notamment le revenu garanti. En 1992, le Conseil a approuv l'unanimit ces deux recommandations. Dj alors, si tous les Etats membres admettaient l'existence de grandes disparits dans l'organisation et le financement de leurs systmes, ils reconnaissaient en mme temps de grandes similitudes en matire d'objectifs. Ils ont, en outre, dmontr leur volont politique de garantir tous les habitants un revenu minimal et ont tenu l'officialiser sur le plan europen.

    Cependant, huit ans plus tard, la concrtisation de ces recommandations ambitieuses ne s'est pas ralise, si ce n'est le fait que certains pays du Sud, entre autres le Portugal, se rfrant expressment la recommandation, ont introduit le droit un revenu minimal garanti ( ). Dans ce domaine, les Sommets de Lisbonne et de Feira ont permis une nouvelle perce, grce l'introduction d'une nouvelle mthode : la mthode ouverte de coordination. Cette mthode, qui a dj port ses fruits dans le secteur de l'emploi est actuellement lance dans de nouveaux domaines politiques. Ceci se fait la fois de faon moins concrte et de manire nettement moins contraignante. Toutefois, de nouvelles opportunits s'ouvrent ainsi pour une politique communautaire plus efficace dans le secteur de la protection sociale.

  • Dans son document du 14 juillet 1999 sur une "stratgie concerte pour la modernisation de la protection sociale", la Commission europenne exprime clairement la ncessit d'tablir un lien entre la nouvelle stratgie europenne de coordination en matire de protection sociale et l'largissement. La nouvelle approche devra non seulement veiller l'adaptation et la modernisation des systmes de scurit sociale des Etats membres de l'Union avec de nouveaux besoins et dfis, mais en outre indiquer que l'largissement ne pourra russir que si les pays candidats mettent galement en place un systme adquat de protection sociale.

    3. ADAPTER L'ELARGISSEMENT AU SOCIAL

    L'actuel processus d'largissement diffre fondamentalement des quatre largissements prcdents. Non seulement l'largissement est trs ambitieux, mais il doit galement tenir compte des grandes disparits dans le niveau de prosprit tant entre les pays candidats qu'avec les actuels Etats membres de l'UE, des diffrences de structure des conomies et des marchs de l'emploi. Les chiffres sont suffisamment loquents : un accroissement dmographique de 105 millions de personnes, ce qui reprsentera 21% de la population de l'UE en regard des 7 % du PIB de l'Union europenne qu'atteint seulement ce groupe de pays candidats.

    La protection sociale devrait, ds lors, jouer un rle prioritaire dans la transition d'une conomie tatique vers une conomie de march socialement corrig et donc vers l'adhsion l'Union europenne. Ceci est essentiel pour garantir la stabilit politique de ce passage et pour viter les frustrations. Pourtant, la ralit est tout autre.

    Malgr que le revenu moyen s'amliore nouveau dans les pays d'Europe centrale et orientale, il reste largement plus faible que dans l'Union europenne. Par ailleurs, la croissance conomique reste amplement en de des attentes et, du fait des privatisations, le chmage s'est aggrav. Les salaires sont nettement infrieurs (quatre fois en moyenne) ceux pratiqus dans l'Union. Par ailleurs, le taux de participation, surtout chez les femmes, se situe sensiblement en de du niveau europen. Il existe galement un problme de rpartition des ressources disponibles, ce qui se traduit par des grandes disparits internes dans les revenus, de l'accroissement de la pauvret et de l'exclusion sociale, ainsi qu' de grandes fluctuations rgionales, surtout entre les villes et les campagnes. Les efforts que doivent fournir les pays candidats pour restructurer leurs conomies et pour adhrer au march intrieur et l'Union montaire, doivent se focaliser sur la lutte contre l'inflation et sur la stabilit montaire. Or, l'adoption de telles mesures se fait souvent au dtriment des dpenses sociales, de la protection sociale et des services sociaux, qui sont confrontes avec d'importants dficits de financement.

    Etant donn que la croissance conomique dans ces pays candidats - en 1999, en moyenne 2,3% - se situe nettement en dessous des attentes, on peut d'ores et dj prdire que la convergence conomique avec l'Union europenne se produira nettement plus lentement qu'escompte. Toutes ces constatations concrtes hypothquent srieusement la cohsion sociale, tant au sein des pays candidats que dans la future Union europenne.

    Dans le cadre de la prparation de l'largissement, les pays candidats doivent ds lors oeuvrer au dveloppement de rgimes efficaces, effectifs et durables de protection sociale tout comme ils doivent transcrire dans leurs lgislations l'acquis social europen en matire de protection sociale et de lutte contre la pauvret et l'exclusion sociale ainsi qu'en matire d'galit des chances.

  • 4. LE NOUVEL ACQUIS SOCIAL ET L'ELARGISSEMENT

    Mais, ceci pose la question de la nature, du contenu et de la force de l'acquis social europen dans le cadre des discussions sur l'largissement.

    Dans le discours communautaire, la politique sociale est dfinie de manire trs gnrale : en plus de couvrir l'acquis sous la forme de rgles contraignantes du Trait, de directives, de rglements et d'accords entre partenaires sociaux, elle comprend galement un ensemble diffus de principes fixs sous forme d'une 'lgislation plus souple' (" soft law "), comprenant des rgles plus flexibles telles que : communications, codes de conduite, livres blancs et verts. Elle devrait aussi se rapporter aux nouvelles mthodologies comme la mthode ouverte de coordination.

    En ralit, la situation est nettement moins claire. C'est juste titre que l'accent est mis sur le caractre essentiel de la politique sociale pour la stabilit et sur la place cruciale qu'elle doit occuper dans les discussions relatives l'largissement. On souligne que les pays d'Europe centrale et orientale doivent tre encourags investir dans le dveloppement de principes similaires de scurit sociale. Toutefois, un aspect reste particulirement flou : savoir selon quels mcanismes et comment cela doit-il se faire ?

    L'agenda social europen prvoit en effet une vaste gamme d'actions ayant trait l'acquis social au sens large dans les pays candidats. En plus de la supervision de la mise en uvre des rglementations europennes contraignantes, il est soulign l'importance d'une valuation de la politique de l'emploi, du renforcement du dialogue social (parfois la mise en place d'un dialogue social), et du soutien des classes moyennes. C'est lgitimement que les "nouveaux" domaines politiques soulignent la porte de la politique d'galit des sexes et s'attachent la prparation des analyses communautaires sur le plan de la protection sociale.

    Le Livre blanc de la Commission europenne, de 1995, relatif l'largissement et l'Agenda 2000 de 1997 dfinissent l'acquis social en le limitant cinq domaines : la coordination des systmes de scurit sociale pour les travailleurs migrants, la lgislation relative la scurit et la sant sur les lieux du travail, le cadre lgislatif en matire d'galit des chances entre les hommes et les femmes et la lgislation sur le travail et les conditions de travail.

    La Commission europenne, elle-mme, n'est pas suffisamment claire sur ce que l'on pourrait qualifier d'acquis social en relation avec la politique extrieure. Illustratif de ce manque d'unanimit au sein de la Commission, est le fait qu'elle n'a pas encore t en mesure de rdiger une Communication sur la "dimension extrieure de la politique sociale", communication qui aurait d paratre, selon les prvisions, vers la mi-1998. Il est galement inquitant de constater la quasi-absence de dialogue avec les pays candidats sur la protection sociale. La prcdente tentative d'instaurer un tel dialogue a t avorte et ce malgr l'insistance du Groupe de Haut niveau de la protection sociale d'intgrer au plus tt les pays candidats dans ses activits.

    Les priorits des Etats membres actuels, mais aussi celles des pays candidats dans les ngociations doivent donc tre revues de fond en comble. Lors de l'apprciation des critres conomiques de l'adhsion, il convient d'accorder beaucoup plus d'attention la cohsion sociale, l'emploi et la qualit sociale.

    Par ailleurs, dans un grand nombre de pays candidats, il est urgent d'uvrer au dveloppement d'un systme quilibr de protection sociale, comme il ressort des

  • rapports de la Commission europenne. Ceci est d'autant plus urgent que le chmage et la fracture sociale ne cessent de s'accrotre.

    La volont des Etats membres actuels d'aider les pays candidats dans cette tche gigantesque, en ralisant des transferts sociaux de l'Union vers ces pays est excessivement modeste. Pourtant, la demande s'en fait plus criante et le Parlement europen qualifie d'insuffisantes les conclusions du Sommet de Vienne en liaison avec la stratgie de pradhsion et de financement des fonds structurels. Il me semble utile d'examiner comment adapter les accords budgtaires de Berlin et de Vienne la nouvelle ralit pour, ainsi, les revoir et les amliorer.

    5. APPROFONDISSEMENT DE L'ACQUIS SOCIAL : L'UNION AUSSI DOIT ETRE PLUS CLAIRE PAR RAPPORT A ELLE-MEME

    Toutefois, la politique mene au sein de l'Union europenne doit tre reformule et clarifie, tant sur le plan de la lutte contre l'exclusion sociale et la pauvret que sur le plan de la modernisation de la scurit sociale.

    Le Conseil Emploi et Affaires sociales a fix quatre axes en novembre 1999 qui serviront d'outils de travail : rendre le travail plus avantageux et fournir un revenu sr ; garantir des retraites sres et des systmes de retraites viables ; promouvoir l'intgration sociale et garantir un niveau lev et durable de protection de sant. Ces priorits peuvent exercer un effet positif et stimulant, tant sur les Etats membres actuels que sur les pays candidats, condition de concrtiser sans tarder cette stratgie et d'interprter correctement les points de dpart.

    Quelques exemples clarifieront mon propos.

    Ainsi, la prennisation des pensions et l'accessibilit aux systmes de pensions ne doivent pas tre pralablement considres sous l'angle de l'objectif de la stabilit et de la discipline budgtaire, mais prioritairement sous l'angle de la garantie d'une participation sociale des ans digne de ce nom la socit. Pourtant, il existe cet gard, au sein du Conseil, mais aussi au sein de la Commission une controverse srieuse sur le mode d'approche des aspects conomique et social.

    Dans la lutte contre l'exclusion sociale, il faudra tenter galement d'obtenir par Etat membre et par pays candidat une vision claire des dfis. La collecte d'informations statistiques est non seulement un problme dans les pays candidats, mais galement dans les Etats membres de l'Union. On s'accorde de plus en plus sur le fait que la pauvret et l'exclusion sociale constituent des problmes aux facettes multiples, qui doivent tre abords dans diffrents domaines : travail, enseignement, politique du logement, soins de sant, participation sociale, etc. Toutefois ce caractre pluriel ne peut srement pas servir d'argument pour ngliger l'aspect revenu. L'Union europenne doit ds lors aussi avoir le courage de garantir le droit un salaire, une retraite ou un revenu minimum et d'tablir des normes de base pour dfinir ce minimum.

    Naturellement, la lutte contre la pauvret et l'exclusion sociale ne peut se limiter garantir un nombre de droits minimaux. L'objectif de la protection sociale rside dans la ralisation de la participation sociale. Ceci est possible en garantissant aux personnes qui ne peuvent - ou ne peuvent plus - travailler un revenu de remplacement suffisamment lev et en compensant les frais supplmentaires lis la maladie. Il existe manifestement une corrlation ngative entre le pourcentage de la richesse consacr la protection sociale et le nombre d'individus vivant en de

  • du seuil de pauvret. Ce sont particulirement les dpenses de scurit sociale au-dessus du minimum d'existence qui empchent les personnes ges, les handicaps ou les chmeurs de s'enliser dans la pauvret. A cet gard, la scurit sociale cre, dans une large mesure, dans un grand nombre d'Etats d'Europe occidentale une plus grande cohsion au sein de la collectivit.

    Cette philosophie doit, en tout premier lieu, recevoir une traduction concrte et claire dans le cadre de la mthode ouverte de coordination, dfaut de quoi celle-ci risque de devenir un sauf-conduit pour le dmantlement de la scurit sociale. Par ailleurs, ceci est galement ncessaire pour donner un signal positif en direction des pays candidats et particulirement leurs citoyens.

    6. CONSIDERATION FINALE

    L'largissement de l'Union europenne reprsente un dfi de taille pour la cohrence sociale du projet europen. Ce dfi ne pourra tre relev que grce une politique volontariste. Dans le cadre du prsent article, je n'ai pas parl de l'emploi ou de la politique macroconomique, o l'absence d'un dialogue social bien structur constitue un handicap important pour un dveloppement quilibr de l'conomie de march socialement corrige.

    Les pays candidats doivent tre associs de faon adapte mais aussi troite la stratgie de coordination ouverte en matire d'emploi et de lutte contre la pauvret et l'exclusion sociale. Ils doivent tre impliqus dans les activits relatives la modernisation de la protection sociale. Ceci doit les aider tablir eux-mmes des systmes efficaces et effectifs de solidarit se rapprochant de ce qui a t ralis dans les Etats membres les plus performants de l'Union europenne. Ce n'est pas le systme moyen, mais le systme le plus performant qui doit servir de modle aux pays d'Europe centrale et orientale afin qu' terme, il soit possible de rpondre aux fortes attentes des citoyens de ces pays candidats.

    (*) Discours prononc au Colloque organis par l'Observatoire social Europen Bruxelles, le 18 octobre 2000. L'agenda social europen, le programme politique pour 2000 - 2005 de l'Union europenne, a t approuv le 29 novembre par le Conseil emploi et affaires sociales et ratifi par le Conseil europen de Nice (dcembre 2000). Les rfrences utiles sont : Agenda social europen, Conclusions du Conseil europen de Nice, annexe 1, 8.12.2000, http://ue.eu.int/newsroom Commission europenne, Communication au Conseil, au Parlement europen, au comit conomique et social et au comit des rgions concernant un agenda pour la politique sociale 28.6.2000 (COM (2000) 379) (http://www.europa.eu.int/comm/employment_social/index_en.htm) Parlement europen, Rsolution du Parlement europen "agenda pour la politique sociale" in : procs-verbaux du Parlement europen du 25 octobre 2000 sur la base du Rapport Van Lancker A5-0291/2000 (http://www.europarl.eu.int/plenary) La concrtisation de cet agenda social est value chaque anne au cours ce qu'il est convenu de qualifier le "Sommet du printemps", qui se penche sur la situation socioconomique dans l'Union

    (1) L'agenda social europen, approuv par le Conseil emploi et affaires sociales le 29 novembre 2000, aborde cette question et prvoit des changes rguliers de points de vue - en concertation avec les partenaires sociaux - sur tous les aspects de l'largissement et sur la promotion de la participation des pays candidats la

  • stratgie europenne de l'emploi, la ralisation des objectifs axs sur la lutte contre la pauvret et l'exclusion sociale et une collaboration plus troite dans le domaine de la protection sociale. L'agenda social spcifie galement que le dveloppement d'ONG et du dialogue social doit tre soutenu.

    (2) Entre-temps, l'agenda social du Conseil fait explicitement rfrence cet instrument : "assurer, au terme des premiers plans d'action nationaux (relatifs la lutte contre la pauvret), le suivi de la recommandation de 1992 relative aux garanties minimales de ressources devant tre assures par les systmes de protection sociale et examiner les initiatives possibles pour accompagner les progrs en la matire (cette disposition a t adopte sur avis du Parlement europen).

  • ENJEUX ET PERSPECTIVES DE LA DIMENSION SOCIALE DE L'ELARGISSEMENT (1) PAR CAROLINE DE LA PORTE

    1. INTRODUCTION

    Les avantages du futur largissement sont clairs, tant en termes de stabilit politique de l'Union europenne qu'en termes de renforcement de l'Europe en tant que puissance conomique sur la scne mondiale. Dans la perspective post-Lisbonne et dans le contexte du renforcement de l'aspect social de l'Union, la question de la dimension sociale de l'largissement gagne finalement du terrain. L'amlioration des conditions sociales dans les pays candidats figurait parmi les objectifs du " document de stratgie " de la Commission sur l'largissement. En effet, un tiers du budget PHARE pour 2000-2006 a t rserv la cohsion conomique et sociale. Il sera consacr plus particulirement au dveloppement de mcanismes et d'institutions pour la mise en uvre des Fonds Structurels aprs l'adhsion (CE, 2000a).

    Ce numro spcial est destin clairer le dveloppement des systmes de protection sociale dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) et clarifier des lments visant lancer le dbat sur l'influence de l'UE sur les PECO et inversement. La premire partie de cette conclusion consiste cerner les contours et les nuances des systmes de protection sociale dans les PECO. La deuxime partie compare la perception de la scurit sociale dans les PECO la fois de leur point de vue et du point de vue institutionnel (Commission europenne). La troisime partie est consacre l'valuation du risque de dumping social et des migrations. En conclusion, ces diffrents lments seront relis et nous nous interrogerons sur l'avenir en matire de politique sociale d'une Union de 27 Etats membres.

    2. SYSTEMES DE PROTECTION SOCIALE DANS LES PECO

    Dans une perspective comparative Est-Ouest, la diffrence du niveau de dveloppement entre les tats membres de l'UE et les pays candidats constitue le facteur essentiel, recouvrant les structures socitales et le comportement social de ces 50 dernires annes. Les systmes de protection sociale qui, puisqu'ils concernent la faon dont rpond la socit aux diverses situations de besoin, sont troitement lis l'identit nationale, font partie intgrante des diffrents " habitus " collectifs nationaux, dans le sens attribu par P. Bourdieu ce terme, habitus se rapportant ici un comportement socital spcifique un groupe particulier (Bourdieu, 1980). Dans le processus de transformation des lments relevant des " habitus " nationaux, des schmas communs peuvent tre identifis dans l'organisation mergente de la protection sociale des PECO, comme appartenant un mme modle global tout en prsentant des variations nationales distinctes.

    La manire dont la dpendance vis--vis du modle sovitique a t rompue constitue l'une des particularits des nouveaux systmes de protection sociale des PECO. Au cours des annes 80, le mouvement anticommuniste s'est structur, finissant par culminer dans les rvolutions " de double rejet " de 1989-1991. Le rejet portait, d'une part, sur ce qui tait peru comme une domination extrieure et, d'autre part, sur le communisme en tant que systme de pouvoir. Ce systme incluait un systme de protection sociale universaliste, galitaire, " se distinguant par des services tendus et une faiblesse des transferts " et associ l'emploi, au sein duquel tous les aspects lis l'individualisme taient dcourags et stigmatiss

  • (Standing, 1996). Alors que le communisme tait doublement discrdit, l'essence profonde et universelle de la dmocratie, du march et mme de la souverainet, n'a pas t comprise au dbut, en raison de l'isolement de 50 annes qu'ont connu ces pays par rapport la culture dans laquelle se sont dveloppes les valeurs de march, de politique comptitive, et de l'Etat-providence occidental. Le postcommunisme, qui n'est pas une idologie alternative mais un phnomne transitoire, prsente des caractristiques spcifiques qui ont influenc le mode d'organisation des politiques sociales dans les PECO. Les aspects pertinents du postcommunisme incluent l'affirmation de l'indpendance et la monte du nationalisme, le cynisme et la mfiance envers les institutions politiques, le rejet du tlologisme et des grandes thories. De plus, le postcommunisme - malgr son instabilit dans la pratique - prsente un mouvement gnral dynamique, dans le sens o des progrs sont raliss et des solutions recherches et testes. Dans un mme temps, il y existe un sentiment d'inscurit fort rpandu, donnant lieu des attitudes irrationnelles. Cette inscurit a t exacerbe par la rduction du rle, du champ d'action et des capacits de l'Etat-providence, en particulier durant les premires annes de l'indpendance (Holmes, 1997 : 14-15). Sur quelles bases reposaient les systmes de protection sociale existants ? L'ancien droit au bien tre social qui, durant la priode communiste, tait bas sur l'entreprise d'tat, a conduit l'tablissement d'une assurance lie l'emploi, constituant le pilier fondateur du systme. La politique sociale fonde sur le travail, inspire dans une large mesure du modle allemand, reprsente une continuit par rapport au systme communiste bas sur le travail et une constante du point de vue des habitus profondment ancrs dans ces pays. A l'origine, il s'agissait d'une politique conservatrice et corporatiste. Son dveloppement a galement t soutenu par le dsir d'tablir une base sociale pour la dmocratie, tout en prservant la loyaut des classes moyennes montantes par la mise en uvre de " politiques sociales orientes vers les classes moyennes et lies aux performances " (Standing et Alber, 2000).

    Les rformes de la protection sociale se sont poursuivies tout au long des annes 90 et prsent, vers la fin de l're postcommuniste, elles commencent tre bien ancres. Nanmoins, les pays candidats sont toujours aux prises une redfinition de leurs politiques sociales - domine par une idologie nolibrale et individualiste - qui n'assurent gnralement qu'une couverture minimale. Bien que les systmes de protection sociale des PECO prvoient une couverture pour de nombreux risques, son accs est de plus en plus conditionnel et l'aide prodigue ne suffit pas assurer un niveau de vie dcent. En ralit, les dfaillances des systmes de protection sociale et de sant sont devenues plus frquentes, mais aussi plus profondes (Fayolle, 2000). Les systmes de protection sociale doivent tre renforcs, en particulier en matire de chmage, lequel a augment de faon considrable dans les pays candidats au cours de la dernire dcennie. En outre, il est probable que le taux de chmage continuera crotre avec l'adhsion en raison de la restructuration conomique venir, notamment dans l'agriculture et l'industrie (Zecchini, 2000).

    Quelle est la nature des systmes de protection sociale mis en place pour rpondre aux nouveaux dfis sociaux, notamment de nouveaux types d'exclusion sociale et le vieillissement de la population ? Ce n'est ni l'inspiration, ni les modles qui manquent : les intervenants trangers sont en effet - trop ? - dsireux de prter assistance. Les pays actuellement membres de l'UE constituent la premire source d'inspiration et, dans ce cadre, le systme allemand bas sur l'assurance, considr comme le modle dominant de l'UE, est celui qui remporte le plus grand succs. Le modle nordique, plus universaliste, a constitu pour certains pays une rfrence utopique, mais une fois mis en pratique, il ressemble au modle anglo-saxon plus minimaliste. Des lments proches du modle clientliste de l'Europe du Sud, un reliquat de l're

  • sovitique, ainsi que le rle significatif de l'conomie parallle, doivent galement tre pris en compte dans cette rflexion. En effet, les activits de l'conomie parallle reprsentent dans les PECO approximativement 20% - 30% du PIB, amortissant dans une certaine mesure la prcarit socio-conomique (Draus, 2000). Comme la confiance dans les institutions est loin d'tre rtablie, il faudra probablement encore attendre longtemps avant de parvenir endiguer ce phnomne.

    Les organismes internationaux, notamment la Banque Mondiale et le Fonds Montaire International, qui assortissent leur soutien financier des conditions politiques, sont parvenus exercer une influence non ngligeable, en particulier dans certains pays (2). En effet, les organismes financiers internationaux ont fait pression sur les PECO " pour introduire un systme de protection sociale slectif de type 'filet de scurit sociale', allant dans le sens de la privatisation de toutes les sphres de la politique sociale " (Standing et Alber, 2000: 113). En Hongrie par exemple, de tels organismes ont jou un rle significatif, notamment dans la rforme du systme de pension. En 1994, dans le cadre d'un contrle des dpenses publiques, la Banque Mondiale suggra pour la premire fois l'instauration d'un systme de pension multi-piliers en Hongrie. Au cours des trois annes suivantes, la Banque fournit une assistance technique au Groupe de Travail pour la Rforme des Pensions, une commission interministrielle charge de lgifrer en matire de rforme des pensions. Le Prt d'Ajustement au Secteur Public (PASP) conditionnel de 150 millions de dollars, approuv dbut 1998, est dvolu la rforme des pensions en Hongrie. Du point de vue hongrois, " les exigences de la Banque Mondiale, bases sur des accords de prt en vue de la mise en uvre, comprenaient des rgles d'admissibilit plus strictes, un rle accru des forces du march (drgulation), une place plus importante accorde aux revenus et la responsabilit individuels, une diminution de la solidarit, un rle plus modeste assumer par l'tat et des normes moins leves en vue de rduire le ratio des pensions au sein des dpenses sociales " (voir la contribution de Szilvia Borbly dans ce numro). D'autre part, la Banque Mondiale est fire de cette " lgislation historique (qui) introduit le premier programme de pension multi-piliers de la rgion en privatisant environ un quart du systme public existant (4) ". Bref, la politique de la Banque Mondiale en matire de rforme du systme public de pensions destine aux pays en transition, consiste tablir un systme trois piliers qui " assurerait une protection l'gard des nombreux risques lis la vieillesse " :

    " Un systme gr par le secteur public, participation obligatoire et avec l'objectif limit de rduire la pauvret parmi les personnes ges ; Un systme d'pargne obligatoire gr par le secteur priv ; Un systme d'pargne volontaire " (Banque Mondiale, 1994).

    Cette philosophie " a fortement influenc les conseils et l'aide prodigus par la Banque Mondiale aux pays en voie de dveloppement qui rforment leur systme public de pensions ". De fait, la Banque Mondiale s'enorgueillit du nombre de pays auxquels elle a mis des recommandations dans le cadre de leur rforme des systmes publics de pensions, comprenant notamment tous les PECO ( ). Les experts de la Banque Mondiale sont bien implants dans les PECO, prodiguant constamment des conseils orients vers le libralisme ainsi qu'une assistance technique dans le processus de rforme de la politique sociale. En effet, " l'tendue du travail ralis par la Banque dans cette rgion dpasse tout le reste. " Le noyau des rformes proposes consiste en " une politique cible de dveloppement d'un systme d'aide sociale qui conserverait seulement des pensions montant fixe et un droit restreint d'autres allocations, tout en crant un second plan de pension calcul individuellement, entirement financ et dont la gestion serait confie au

  • secteur priv. " (Deacon et al., 1997). Par ailleurs, la crise conomique, qui a frapp la plupart des PECO en 1997, a conduit une extension de l'approche " filet de scurit sociale ", dans laquelle le rle modeste attribu l'tat est complt par une privatisation et la certitude que l'aide fournie l'chelon local aux individus dans le besoin sera insuffisante (Standing et Alber, 2000: 14).

    En raison des diffrentes sources d'influences, les modles de scurit sociale adopts dans les PECO se sont avrs mixtes, prsentant des lments issus du modle allemand, mais aussi des lments inspirs du modle scandinave, d'une porte plus universelle. C'est le systme allemand bas sur l'assurance qui est au centre des politiques sociales des PECO. En effet, la plupart des rgimes de scurit sociale d'Europe centrale et orientale sont prsent financs par les impts, taxes et versements assimils sur rmunrations. Certains auteurs sont optimistes, affirmant que " la Rpublique tchque, la Pologne, l'Estonie, la Slovnie (sont) en voie d'instaurer un modle d'Etat-providence de type ouest-europen " (Standing et Alber, 2000). Nanmoins, bien que la base de leurs systmes soit dans une certaine mesure similaire celle de nombreux pays de l'UE, le contexte culturel et sociopolitique distinct dont sont issus les rgimes de protection sociale en modifie la forme.

    Dans les faits, les systmes de protection sociale sont dualistes, la majorit de la population ayant accs des services plutt mdiocres et limits tandis qu'une fraction privilgie de la socit, ayant les moyens de se payer une assurance complmentaire, bnficie d'une protection sociale de qualit. Par ailleurs, il est intressant de noter que, mme dans les pays de transition qui ont retrouv une croissance conomique positive aprs un grave marasme conomique, la pauvret n'a pas encore t rduite. Caractristique de cette nouvelle situation dans les PECO est l'ingalit drastique, gnratrice de tensions entre les individus exclus et les individus intgrs dans la socit et susceptible, dans le pire des scnarios, d'accrotre les difficults de gouvernance. L'exclusion est notamment due aux salaires excessivement bas des travailleurs non qualifis, l'mergence d'une strate sous-capitalise et sous-finance de l'conomie prive informelle et la monte d'une grande pauvret parmi les chmeurs, les travailleurs non qualifis et les enfants, le tout associ un Etat-providence dont la gnrosit diminue progressivement (Mosley et Kalyuzhnova, 2000). En outre, comme c'est le cas en Europe Occidentale, le taux de fertilit dcrot (avec une moyenne de 1,3 enfants par femme en 1997 dans les cinq PECO qui nous concernent) et la population vieillit et diminue (moyenne de -1,9 par 1000 habitants en 1997) (Commission europenne, 1999). Une partie considrable de la fraction ge de la population vit dans la pauvret, et la charge financire du systme de pensions s'alourdit sans cesse.

    Nanmoins, comme l'illustrent les tudes de cas nationales, on observe une prise de conscience accrue de ces problmes, et des rformes visant y remdier commencent prendre forme - mme si des efforts supplmentaires doivent encore tre consentis. Quant l'exclusion sociale, il convient de noter qu'elle est reconnue comme un phnomne multidimensionnel, apprhender comme tel. Un des dfis qui subsiste a trait l'valuation de la pauvret et de l'exclusion sociale, essentielle un ciblage correct des besoins, en particulier si l'on tient compte du fait que la plupart des mesures sont subordonnes une enqute sur les revenus. En effet, les sources d'informations statistiques sont multiples, ce qui donne lieu des valuations divergentes de la situation. Cet aspect est progressivement amlior grce l'application des mthodes utilises par des intervenants externes, tels que les Nations Unies, l'Organisation internationale du Travail ou le Conseil de l'Europe. En termes de moyens consacrs aux exclus sociaux, le niveau des allocations d'aide

  • sociale dans les rgimes lgaux de scurit sociale a gnralement tendance tre modeste, peine suffisant pour survivre, mais insuffisant pour permettre cette couche de la population de surmonter la pauvret. En gnral, le systme prsente un lment de dcentralisation, les autorits locales intervenant dans l'octroi des allocations et, dans certains cas, galement dans la formulation de politiques au niveau local. La plupart des mesures ont tendance tre passives, bien qu'un glissement progressif en faveur de mesures plus actives soit observ. L'Union europenne pourrait et devrait, par le biais de la mthode ouverte de coordination, fournir une impulsion pour promouvoir l'intgration sociale, comme c'est le cas dans les tats membres actuels de l'UE.

    Quant aux systmes de pensions, ils tendent s'articuler autour de trois piliers, voquant les systmes ayant cours dans les pays de l'UE. La majeure partie de la rforme des pensions des PECO a t ralise au cours de la deuxime moiti des annes 90. Le premier pilier, prvoit une pension de base pour ceux qui n'ont pas droit au composant li la rmunration dont les montants rels diminuent progressivement. Le deuxime pilier est un composant obligatoire li la rmunration, caractris par des conditions d'admissibilit de plus en plus strictes en termes d'ge, de nombre d'annes de cotisations et de salaire. Les temps sont donc mrs pour qu'une place plus importante soit concde au troisime pilier volontaire, dont la mise en uvre a t confie des socits prives but lucratif, trangres ou locales. Les effets sociaux et socitaux du systme de pension ne deviendront apparents que dans plusieurs dcennies. Entre-temps, il est possible de formuler quelques pronostics. La population active qui russit sur le plan conomique, savoir les " nouveaux riches ", va investir de manire approprie dans sa pension par le biais du pilier volontaire, tandis que les couches les plus pauvres dpendront du systme de pension organis par l'tat. Les premiers pourront trs probablement vivre leurs vieux jours de faon confortable, tandis que les seconds vivront trs probablement dans la pauvret ou la limite de la pauvret.

    Au moment de leur adhsion l'UE, les pays candidats participeront au groupe de travail sur la protection sociale et se pencheront, parmi d'autres questions, sur les thmes de l'inclusion sociale et de la prennit des pensions, y compris sur leurs aspects de financement et de bien-tre social. Le risque rel d'une socit deux vitesses doit tre pris en compte ds prsent, tant au sein de l'UE que dans les futurs tats membres, o le risque est encore plus vident.

    3. L'ANALYSE " INSTITUTIONNELLE " VERSUS L'ANALYSE NATIONALE DU DEVELOPPEMENT DE LA POLITIQUE SOCIALE DANS LES PECO

    La ncessit de progresser dans les domaines de la politique sociale et de l'emploi a t souligne par la Commission dans son document de stratgie pour l'largissement de 2000 : " l'adoption de l'acquis se poursuit lentement dans les domaines de la politique sociale et de l'emploi La cohsion sociale sera compromise si aucun progrs n'est accompli paralllement la mise en place de rformes et l'adoption de l'acquis dans les autres composantes de ce domaine. Il est par consquent essentiel que les pays candidats intensifient leurs efforts. " Dans son planning, l'Union a constitu une feuille de route des progrs accomplir dans les ngociations touchant aux chapitres encore ouverts. Dans ce contexte, le chapitre 13 sur la politique sociale et l'emploi est programm pour le premier semestre 2001, soulignant une nouvelle fois l'urgence d'accomplir des progrs dans ce domaine.

  • Afin de pouvoir apprcier la situation en matire de politique sociale, nous passerons brivement en revue, pour les pays qui nous concernent, les lments essentiels des domaines de la protection sociale et de l'emploi souligns par la Commission dans ses rapports nationaux sur les progrs avancs. Nous les comparerons aux valuations ralises par les experts des PECO dans leurs rapports nationaux.

    3.1. REPUBLIQUE TCHEQUE

    La Commission estime que " des ralisations importantes " ont t accomplies dans les domaines de la protection sociale et de l'emploi en Rpublique tchque au cours de l'anne 2000. En effet, les amendements apports la loi sur l'Assurance-Pension Complmentaire ont renforc les pouvoirs du Ministre des Finances et impos des exigences plus strictes la gestion du fonds de pension. Le rapport souligne que de nouvelles dispositions lgales ont t adoptes en vue d'amliorer la protection sociale et lgale des enfants. Le rle des organisations non gouvernementales dans le secteur social a fait l'objet de commentaires favorables. Nanmoins, la Commission a galement mis l'accent sur plusieurs problmes graves, notamment le dficit croissant du rgime d'assurance sociale de l'Etat et la ncessit d'amliorer le rgime d'aide sociale et les allocations alloues dans ce cadre, tant du point de vue organisationnel que du point de vue de l'octroi des allocations et de l'encouragement l'emploi, du contrle de la fraude et des abus. La Commission a galement soulign la ncessit de renforcer le financement des soins de sant.

    Pour la Commission, la formulation de la politique tchque en matire d'emploi, ractualise la lumire des dernires Lignes Directrices de la CE pour l'Emploi et du " Joint Employment Revue " (Examen Conjoint de l'Emploi) a constitu une tape importante. Le gouvernement a notamment revu son budget la hausse afin de mettre en uvre sa politique active en matire d'emploi, et a approuv des mesures visant accrotre l'emploi des jeunes diplms. Dans ce contexte, les dpenses publiques s'lvent 0,42% du PIB, en ce compris les allocations de chmage, certaines mesures actives en faveur des jeunes dfavoriss et des personnes handicapes, ainsi que des subventions l'emploi pour la cration d'emplois directs par le biais de travaux publics et d'une formation adapte au march de l'emploi. En 1999, le taux d'emploi tait de 65,9% (Commission europenne, 2000b).

    Quant la protection sociale, la ncessit de " se concentrer tout particulirement sur l'efficacit et la rationalisation " et de faire face la question du fonctionnement de l'administration a t souligne dans la contribution de Martin Mcha. Un autre lment mis en vidence par le rapport national tait l'augmentation de la pauvret et les carts entre les revenus, allant de pair avec de nouveaux schmas de pauvret et d'exclusion sociale et avec la coexistence d'une " ancienne pauvret dmographique et d'une nouvelle pauvret de march ". Selon l'auteur, le filet de scurit sociale cr pour lutter contre ce phnomne, dont la clef de vote est constitue par le minimum de subsistance, " est suffisant pour couvrir la somme des biens et services ncessaires pour satisfaire de manire temporaire et trs modeste les besoins de base. " Les moyens visant combattre l'exclusion sociale plus efficacement, prsents dans le rapport, incluent l'association de mesures passives et actives. Mais il devient de plus en plus difficile de trouver des " approches conjointes pour finaliser les rformes encore inacheves ", notamment cause de problmes lis la viabilit financire du systme et de la ncessit de trouver des synergies entre ses diffrents composants. Dans ce contexte, l'auteur considre la mthode ouverte de coordination comme un instrument prcieux, mme de lutter contre l'exclusion sociale et de crer une politique sociale efficace.

  • 3.2. ESTONIE

    En Estonie, l'valuation globale de la Commission tait qu'" un certain progrs " avait t accompli dans la mise en uvre de la rforme de la protection sociale, notamment grce l'adoption d'une lgislation sur la protection sociale pour les chmeurs, au renforcement de mesures visant protger les familles avec enfants et l'adoption de la Loi sur l'Assurance-Pension de l'tat, introduisant le pilier volontaire du systme de pension. Le Registre National d'Assurance-Pension est devenu oprationnel. En janvier 2000, la Loi sur les Allocations pour Handicaps est entre partiellement en vigueur, et des rglements portant sur les procdures d'octroi des allocations sociales ont t promulgus. Les mesures adoptes dans le cadre de la transformation du march de l'emploi et de l'adaptation du systme de l'emploi, en vue de mettre en uvre la Stratgie europenne pour l'Emploi, ont t soulignes par la Commission. En outre, la Loi sur les Services du March de l'Emploi a t adopte en juin 2000, procurant un cadre lgal au fonctionnement des services de l'emploi. Le taux de chmage lev, atteignant 14,8% au deuxime trimestre 2000, a fait l'objet d'une mention particulire par la Commission (Commission europenne, 2000c).

    Selon le rapport estonien de Lauri Leppik, le systme de scurit sociale en Estonie est complet et " la ralit de la scurit sociale est fort proche des normes de scurit sociale - les gens reoivent ce quoi ils ont droit au moment prvu. " D'autre part, le rapport a galement montr que les attentes de la population quant au niveau des allocations avaient tendance tre plus leves que les montants rellement perus, et " l'on pourrait affirmer que la demande de bien-tre social est plus forte que l'offre, d'o rsulte un certain conflit entre les attentes et la ralit. " Le rapport prsente diffrentes sources de donnes. Selon l'tude sur la pauvret de 1999, 21,7% de la population vivent dans un tat de pauvret directe, alors que 16,1% vivent la limite de la pauvret ; selon des donnes plus subjectives fournies par l'tude sur les conditions de vie de 1999, l'autovaluation conomique tait plus positive : 10,5% des chefs de mnage considraient leur mnage comme pauvre et 23,5% s'estimaient vivre la limite de la pauvret.

    3.3. HONGRIE

    Selon la Commission, la Hongrie " cherche maintenir un quilibre entre la protection sociale et les possibilits conomiques ". Les rformes ralises dans les domaines des allocations d'invalidit et d'infirmit, du soutien familial, de l'aide sociale et des services de soins ont t soulignes, tout comme la rvision de la rforme des pensions. Le renforcement des soins pour les personnes ges et pour les enfants par le biais de modifications apportes la loi sur l'administration sociale et l'aide sociale et de la loi sur l'aide l'enfance a t mentionn. Un programme national pour les handicaps a t adopt en dcembre 1999, ax sur les conditions de travail et l'accs aux btiments publics, incluant notamment l'obligation pour les entreprises de plus de 20 personnes de rserver 5% de leurs postes aux personnes handicapes. La Commission a soulign la poursuite de la rforme du systme de sant publique en 1999 - 2000, incluant notamment une loi sur la privatisation des cabinets des mdecins gnralistes, qui jette les bases de la privatisation des soins de sant primaires. La Commission a galement point du doigt les indicateurs de sant, considrablement plus bas que ceux de l'UE, et la Hongrie a t encourage faire des efforts en vue d'amliorer la situation.

    La Commission a comment la situation en matire d'emploi : ce dernier a augment de l'ordre de 1 - 2% depuis 1997, pour atteindre un taux d'emploi de 55,7% en 1999.

  • Le taux d'emploi est relativement bas parmi les jeunes de moins de 25 ans ainsi que parmi les travailleurs gs. Accrotre le niveau de l'emploi, rduire le taux de chmage et instituer un march de l'emploi plus flexible sont les objectifs majeurs que le gouvernement s'est fix. Des mesures actives ont t mises en uvre pour lutter contre le circuit conomique informel. La Commission a lou l'approche plus active et plus prventive, conforme aux lignes directrices europennes pour l'Emploi, qui remplace progressivement les mesures passives. La responsabilit globale de la politique de l'emploi a t confie au ministre des Affaires conomiques (Commission europenne, 2000d).

    L'valuation de la situation par le rapport national hongrois de Szilvia Borbly est quelque peu plus critique. L'auteur a attir l'attention sur le fait que les personnes vivant en-dessous du seuil de pauvret - savoir 50% du revenu mensuel moyen par habitant - " vivent dans des conditions de grave privation " et tout particulirement si l'on tient compte du fait que le revenu mensuel moyen par habitant ne suffit pas assurer un niveau de vie dcent. En 1999, 14% de la population vivaient en de de ce seuil de pauvret. Le rapport affirme que mme si une amlioration de la situation s'impose, les mesures pour lutter contre le dficit budgtaire et l'inflation, qui ont guid et continuent guider les rformes dans le domaine de protection sociale, ont " finalement provoqu une diminution des rgimes d'allocations importants, telles que les pensions et les allocations familiales ". De plus, le rapport indique que depuis le milieu des annes 90, l'ide de privatisation a t appuye par les autorits publiques et fait prsent partie intgrante du systme, malgr le nombre limit de personnes qui peuvent se permettre de souscrire une assurance prive.

    Le rapport a mentionn les caractristiques de la pauvret et l'insuffisance des ressources pour le combattre. La pauvret a tendance se concentrer dans les rgions qui tiraient leurs principales sources de revenus de l'agriculture ou de l'industrie lourde, rgions caractrises par des taux de chmage chronique levs. Les ressources procures aux pauvres sont de nature occasionnelle ou transitoire, ce qui ne facilite pas leur rinsertion dans la socit. De plus, le faible niveau d'aide accorde (allocations familiales, allocations de chmage, allocations sociales temporaires ou rgulires alloues par des autorits locales) est peru comme insuffisant pour lutter contre la pauvret, mais permet aux familles qui vivaient dans la pauvret de survivre. Dans son rapport, Szilvia Borbly conclut que " la question de la pauvret interne n'est pas tant lie la nature des services sociaux, mais au faible niveau de salaires ".

    3.4. POLOGNE

    La Commission a estim que la Pologne n'avait que " peu progress " en matire d'adoption de textes lgislatifs dans les domaines de la politique sociale et de l'emploi. La mise en uvre de la rforme de la scurit sociale entame en janvier 2000 a t un chec. La rforme du systme de soins de sant comprenant notamment le systme de suivi et de contrle de la sant se poursuit.

    En outre, la Commission a soulign que la situation en matire d'emploi s'est dtriore depuis 1999, l'enqute sur la population active indiquant que le niveau de l'emploi a baiss de plus de 4% entre fvrier 1999 et fvrier 2000, pour s'tablir 56% de la population. Au cours de cette priode, le chmage a augment de 12,5% 16,7%. En rponse aux problmes structurels que connat le march de l'emploi polonais, le gouvernement a adopt pour la priode 2000 - 2006 une stratgie nationale pour le dveloppement de l'emploi et des ressources humaines. La mise

  • en uvre des objectifs prsents dans la stratgie est planifie dans les Plans d'Action Nationaux pour le Dveloppement de l'Emploi, qui ont t structurs en tenant compte de la Stratgie europenne pour l'Emploi. La Commission a fait remarquer que des efforts doivent tre consentis pour concrtiser efficacement ces Plans d'Action Nationaux, en particulier en vue d'assurer un contrle troit du service public pour l'emploi rcemment dcentralis (Commission europenne, 2000e).

    Le rapport de Gertruda Uscinska souligne galement le lent dveloppement du systme de protection sociale voqu dans l'valuation de la Commission. Le rapport souligne que la rforme a t difficile raliser en raison de l'instabilit et de la faiblesse de la conjoncture conomique et financire. La pauvret est apparue comme une consquence de la transition, se distinguant par un taux de chmage lev et par des salaires bas. Selon le rapport, les mesures existantes d'aide sociale sont juges comme insuffisantes pour surmonter la pauvret. En outre, le rapport indique que le service de sant a connu une situation de crise financire, nombre d'institutions de scurit sociale taient srieusement endettes et les priodes d'attente pour les services de soins de sant de plus en plus longues. Dans l'ensemble, le rapport conclut que les conditions de vie se dtriorent et le systme de scurit sociale est loin d'tre en mesure de remdier cet tat de fait.

    3.5. SLOVENIE

    Selon le rapport de la Commission sur la situation en Slovnie, " un certain progrs " a t accompli en termes de transposition de l'acquis dans la politique sociale, mais aucun progrs significatif n'a t ralis dans le domaine de la lgislation du travail.

    En matire de protection sociale, le Programme de Lutte contre la Pauvret et l'Exclusion Sociale a t adopt en fvrier 2000, suivi en mars 2000 par l'adoption du Programme National de Protection Sociale, mettant en oeuvre une stratgie dans ce domaine jusqu'en 2005. La Commission a soulign l'adoption d'un document stratgique tourn vers l'avenir pour une politique de l'emploi jusqu'en 2006. Un plan d'action national pour l'emploi a t adopt pour 2001, qui s'accorde avec les quatre piliers de la Stratgie europenne pour l'Emploi. Les priorits englobent des dfis cls pour la politique de l'emploi, tels que le dveloppement d'une approche active et prventive, l'amlioration du systme d'ducation et la rvision du systme fiscal et du systme d'allocations en vue d'accrotre les stimulations l'emploi et la cration d'emplois. Depuis 1994, le taux d'emploi a augment rgulirement, pour atteindre 65% en 1998 (Commission europenne, 2000f).

    Le rapport d'Andreja Kavar Vidmar prsente une approche plus critique des principaux problmes dans le domaine de la scurit sociale. Premirement, il souligne qu'un obstacle srieux une mise en uvre correcte des rgimes sociaux est la dure des procdures pour le versement des allocations, qui dure souvent six mois au lieu des deux mois lgaux. Un deuxime problme concerne l'conomie grise, qui reprsente entre 17% et 25% du PIB. Afin de combattre ce phnomne, la loi sur la prvention de l'emploi et du travail clandestins a t adopte en mai 2000. Un troisime problme voqu est celui du taux de pauvret en Slovnie, atteignant 14,9% en 1996 - lorsque le seuil de pauvret est fix 50% du revenu moyen. D'ailleurs, de fortes disparits rgionales s'observent dans le domaine de la pauvret ainsi que dans le domaine de la sant de la population. Selon des donnes subjectives, 35,4% des mnages jugeaient leurs revenus insuffisants. L'auteur a soulign qu'une loi donnant une plus large dfinition du cot minimal de la vie, couvrant davantage que simplement le strict minimum - incluant la nourriture et les boissons, l'habillement et les chaussures, le logement et frais annexes, les soins de

  • sant, l'ducation et autres frais - a t soumise au Parlement et devrait tre adopte d'ici peu. Selon l'auteur, il s'agit l d'une volution cruciale, tant donn la dtrioration dans la structure du chmage, le nombre croissant de chmeurs long terme et de chmeurs non qualifis, en particulier dans le groupe d'ge des plus de 40 ans.

    3.6. EVALUATION

    En se penchant sur l'analyse de la politique sociale dans les rapports nationaux publis par la Commission, on observe que la Commission europenne aborde le dveloppement de la politique sociale dans les PECO au sens large du terme, incluant les normes et valeurs communes tous les systmes europens de protection sociale. Cette approche est en cohrence avec le trait d'Amsterdam, qui tend la porte de la politique sociale de la Communaut. L'identit de la politique sociale europenne est effectivement particulire : " Nos structures sociales sont bases sur des valeurs communes d'galit et se distinguent par leur nature universelle et par l'tendue de leurs systmes d'aide sociale Les normes sociales europennes sont plus leves et plus solides que celles de toutes les autres conomies comparables les transferts sociaux dans les tats membres de l'UE contribuent prvenir la pauvret l'importance de parvenir un quilibre - entre la politique conomique et la politique sociale, et entre la flexibilit et la scurit - est au centre du processus d'intgration europenne les politiques sociales sont essentielles pour une prosprit plus grande et plus largement partage " (Quintin, 1999).

    L'intensit de plusieurs problmes poss par les systmes de scurit sociale des PECO, comme le faible niveau gnral des salaires, l'importance de l'conomie grise et la pauvret rgionale, n'a toutefois pas reu l'attention qu'elle mritait dans les valuations de la Commission. Ces problmes, dcrits dans les contributions nationales dans ce volume, font partie intgrante des systmes de protection sociale de leur pays. On y observe une thique individualiste particulire du travail et une relation l'aspect institutionnel des systmes de protection sociale qui diffrent considrablement de la situation au sein de l'UE. L'conomie grise prospre, et l'essence du discours de l'UE en matire de politique sociale, savoir : " la politique sociale est un facteur productif bnfique l'conomie, l'emploi et la comptitivit " (Quintin, 1999), est difficile faire passer. Le discours plus libral sur la responsabilit individuelle, qui s'adresse particulirement la jeune gnration, fonctionne beaucoup mieux. Cette tendance s'entrecroise dans le postcommunisme, et a par ailleurs t amplifie par les conseils de politique librale prodigus par la Banque Mondiale et le Fonds Montaire International. Selon ce mme raisonnement, le dialogue social ne fait pas partie intgrante des politiques sociales comme c'est le cas au sein de l'UE, principalement en raison du fait qu'il est fortement associ l'ancien systme communiste. La Commission affirme qu'" il est important que tous les pays candidats accordent une attention particulire au mode de dveloppement des organisations de partenariat social, et d'encourager un dialogue actif et autonome entre ces organisations " (Quintin, 1999). Dans la plupart des PECO cependant, le nombre de personnes affilies un syndicat est peu lev et est mme en baisse, et le rle des organisations reprsentant les employeurs est quasi inexistant.

    Dans sa dernire valuation annuelle, la Commission a soulign la participation des PECO dans les processus politiques " souple " (soft) de l'UE en rapport avec la politique de l'emploi. De fait, les pays qui nous concernent ont tous fix des objectifs nationaux en fonction des besoins suscits par leurs situations particulires, en

  • tenant compte des objectifs et points de rfrence fixs au niveau europen. Mais s'agit-il simplement d'une question de forme, ou galement de substance ? En d'autres termes, les termes rcurrents de la Stratgie europenne pour l'Emploi, tels que " apprentissage tout au long de la vie " et " employabilit ", font-ils partie intgrante des structures sociales dans les PECO ? Et les intervenants de la socit civile ainsi que les partenaires sociaux dans ces pays participent-ils pleinement la formulation de la politique de l'emploi ? Contrairement son apparence 'douce', la stratgie pour l'emploi est un instrument qui, long terme, engendre des changements structurels qui peuvent ne pas convenir certains types de contextes. Comme le fait remarquer un acteur clef de la politique sociale estonienne : " La Stratgie europenne pour l'Emploi influence l'Estonie, mais la situation et le contexte en Estonie sont trs diffrents de ceux de l'UE. Le march de l'Emploi estonien est en mutation constante. Et selon moi, les politiques europennes du march de l'emploi ne sont pas adaptes aux besoins de l'Estonie. La Stratgie europenne pour l'Emploi est base sur un systme bien tabli, caractris par des partenaires sociaux forts et d'autres institutions. Cette vision est lie une structure (5). " Bien que la Stratgie europenne pour l'Emploi soit de nature ouverte en ce sens que les intervenants nationaux slectionnent des objectifs au vu d'objectifs plus larges, sa philosophie sous-jacente est lie des structures profondment ancres qui appartien