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juin 2011REPORTAGE

« L’accident du travail du 21e siècle »Dès 2001, la presse anglaise à l’époque considérait les chocs acoustiques, un phénomène alors tellement inconnu que chacune de ses occurrences était inscrite entre guillemets, comme l’« accident du travail du 21e siècle » en puissance. Un procès sans précédent a été mis en place pour évaluer les réparations dues à plus de 80 employés de l’opérateur historique. Dix ans plus tard, toutes les demandes n’ont pas encore été examinées. Mais une des victimes a, à elle seule, obtenu près de 100 000 euros de dommages et intérêts de la part de British Telecom.

Les agents de British Telecom demandent réparation pour les chocs acoustiques

Par Robert Verkaik,The Independent, Le 13 Février 2001

Les avocats sont en train de préparer des douzaines de demandes de réparations et dommages au bénéfice de salariés de centres d’appels, qui se plaignent d’avoir été rendus sourds par des « chocs acoustiques », un accident du travail qui pourrait devenir de plus en plus répandu au XXIe siècle.

L’avocat représentant 81 agents de British Telecom (BT), dont les plaintes vont être jugées l’an prochain, a dé-claré qu’il craignait que bien d’autres employés de centres d’appels étaient en danger, y compris dans les centres d’appels pour les services d’urgence et au Government Communications Headquarters (ndlr : le service d’écoute des armées et de la police…). Les employés de BT se sont plaints d’acouphènes et de graves maux de tête après avoir été soumis à des sons stridents à travers leurs casques.

Adrian Fawden, conseil du syndicat Communication Workers Union, a déclaré que certains des bruits soudains et forts dont il a été fait état auraient pu avoir été causés par des alarmes incendie automatiques, des fax, et même par des appelants pernicieux qui faisaient sonner des alarmes personnelles. Selon lui « les résultats varient en fonction de la gravité, allant de la personne qui ne fait que crier ‘‘ Aïe ! ‘‘ et qui enlève son casque à celles qui sont obligées de prendre des congés maladie, souffrant de pertes d’audition et de d’équilibre, à l’autre extrême ».

Mr Fawden, du cabinet d’avocats Simpson Millar, a commencé à s’occuper de chocs acoustiques dès le début des années 1990, obtenant des réparations d’une valeur totale de 250 000 livres (288 000 euros) pour plus d’une trentaine d’individus. Mais la question de la responsabilité n’a pas été tranchée au tribunal. Un porte-parole de BT a dit que la société était « au contrant du fait que ce problème pouvait se manifester », mais certains employeurs nient son existence.

Hier le Trades Union Congress a publié un rapport demandant aux centres d’appels d’améliorer les salaires et les conditions de travail, et disant que ce secteur en forte croissance devait se défaire de son image de sweatshop. Le TUC a dit que les salariés de centres d’appels, qui représentent plus de 2% de la population active britannique, étaient payés bien en deçà de la moyenne nationale (ndlr : 9 000 livres de moins par an à l’époque, le salaire moyen étant alors de 12 000 euros par an pour un call center au Pays de Galles), et que beaucoup subissaient des conditions de travail inacceptables.

Les chocs acoustiques dans les centres d’ap-pels sont une réalité – mais ils déclenchent pourtant un silence assourdissant.Les outsourceurs ne sont manifestement plus les seules victimes de chocs acousti-ques. Alors que les médias principaux res-tent sourds face à la multiplication des cas, le Parisien osait révéler le cas des CRC de BNP Paribas, dénonçant un « phénomène apparu mystérieusement en 2008, qui de-puis inquiète les 700 salariés des trois cen-tres d’appels ». Ce ne seraient pas moins de 81 accidents du travail liés à ces chocs qui ont été enregistrés pour la seule année 2010, sur le seul plateau lillois de la banque qui ne compte que 125 téléconseillers. Si l’argent n’a pas d’odeur, il n’y a pire sourd que celui qui ne veut entendre parler de ces chocs acoustiques. Comme lorsque ce phénomène s’était fait jour au centre CCA International de Car-maux, En-Contact, le magazine de la pro-fession a mené l’enquête. Et elle ne s’est pas avérée plus simple qu’alors : cadres des centres touchés, représentants syndicaux, fabricants de casques, de limiteurs et autres équipementiers parlent toujours aussi dif-ficilement, et chacun pour faire valoir des versions encore une fois bien différentes, dissimulant la préservation d’intérêts très concrets. Une enquête très compliquée, où il nous aura fallu faire le tri des approximations, des dis-simulations, et des non-dits. Certainement parce que les enjeux sont considérables : en 2001, l’opérateur historique British Telecom a dû affronter un procès intenté par 81 té-léconseillers rendus sourds par ce type de chocs (voir notre encadré).Une enquête qui nous aura mené des bu-reaux parisiens aux plateaux lillois, en pas-sant par les laboratoires bretons et jusqu’aux antipodes australiens.

Chocs acoustiques dans les centres d’appels :

des limiteurs australiens seuls capables de résoudre le problème ?

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Angélique Monfraix, où en est votre rela-tion avec CCA International aujourd’hui ?Je ne suis plus dans l’entreprise depuis le pre-mier décembre, j’ai été déclarée inapte par la médecine du travail suite aux pressions, agressions et harcèlement que j’ai subis lors de l’affaire des chocs acoustiques sur le centre. Je suis toujours salariée mais je suis en attente de licenciement.

Et en ce qui concerne les poursuites de CCA International à votre endroit ?J’ai appris en février que la mise en examen à mon encontre était levée. La procureure a donc finalement accepté de prendre en compte le retrait de la plainte de CCA International. S’ils ont retiré cette plainte dans un souci d’ « apai-sement », je n’oublie pas que suite au non-lieu qu’avait suscité leur première plainte, contre X, ils avaient ensuite envoyé une lettre, que j’ai pu lire car elle était dans le dossier, m’accusant

de diffamation, ainsi que le journaliste de la Dépêche du Midi qui avait recueilli mes propos et rédigé l’article qui révéla cette affaire.

Le centre subit-il toujours des chocs acous-tiques ?Il y en a beaucoup moins, certes, mais je sais de source sûre qu’il s’en produit encore. Nous ne savons pas pourquoi ces chocs se sont raré-fiés, tout comme nous ne savons toujours pas pourquoi ils sont apparus. Cela rejoint ce que nous avaient annoncé les experts, pour qui ces phénomènes sont inexpliqués.

Mais quels travaux ont-ils été effectués dans le centre pour adresser le problème ?L’installation électrique a été complètement refaite, sur tout un bâtiment : il s’agissait en plus du bâtiment le plus récent, qui venait à peine d’être ouvert quand les chocs ont com-mencé.

Travaillerez-vous à nouveau dans un centre d’appels ?Ici, il y a CCA International et la CPAM à Albi, donc si je retravaille dans un centre d’appels le choix est limité. Je ne sais pas si je retravaille-rai à nouveau dans ce secteurs, mais ce qui est certain c’est que si l’opportunité se présente je poserai beaucoup de questions au sujet des ins-tallations, des protections acoustiques, je me renseignerai beaucoup plus. Quand on a vécu un choc acoustique, on regarde différemment les installations techniques.

De quand date l’apparition de ces chocs acoustiques sur les Centres de relations clients de BNP Paribas ?En 2008, un conseiller a signalé avoir perçu un bruit qu’il a qualifié de fort et soudain. Il l’a comparé à un grésillement. Ce conseiller a été arrêté quelques temps et a repris son activité. Le phénomène s’est ensuite reproduit, plutôt sous forme de sifflement aigu. C’est la répéti-tion qui nous a alertés et qui nous a conduits à mettre rapidement en place un dispositif de suivi pour comprendre et apporter des solu-tions. Afin de documenter ce phénomène, nous avons alors mis en place un protocole de recen-sement exhaustif de tous les cas remontés au travers d’une main courante. Ce choix volon-taire de recensement de tout les cas a eu pour conséquence de remonter des sons liés à l’en-vironnement d’appel du client : appel depuis des mobiles, depuis une gare, près d’une voie rapide, etc. ou encore des télécopieurs. C’est pourquoi nous distinguons la notion d’événe-ment acoustique de choc acoustique. Les deux axes que nous avons rapidement dégagés sont la recherche des causes et les moyens de pro-tection les plus efficaces.

Ces deux pistes de travail ont-elles suffi ?Sincèrement, nous avons exploré plusieurs pistes avec les experts qui nous ont progressi-vement accompagnés. Nous avons ainsi testé plusieurs matériels et avons changé à plusieurs reprises notre parc de 1 000 casques et boî-tiers. C’est cependant en organisant les actions autour des ces deux axes et par la multiplica-tion de mesures et d’audits techniques internes que nous sommes aujourd’hui arrivés à des so-lutions efficaces. Nous avons réussi à élaborer avec nos partenaires un dispositif de protection figurant, je pense, parmi les plus novateurs et performants d’Europe. Les recommandations d’Orange sur le sujet ont été d’une grande aide car leurs « Labs » nous ont convaincus d’aller au-delà des normes en vigueur pour la protec-tion de nos salariés. Toutes les actions que nous avons lancées dans le temps nous ont aidés à vérifier que ces événements avaient une origi-ne extérieure à nos infrastructures et nous ont amené à alerter des opérateurs télécoms sur des dysfonctionnements dans l’acheminement de certaines communications.

De qui s’agissait-il ?Depuis 2008, nous avons eu des cas de dysfonc-tionnements avec des appels issus de plusieurs

opérateurs mobiles. Grâce à nos remontées et à la réactivité de ces opérateurs, une solution a pu être mise en place à chaque fois et très rapidement.

« Orange nous a convaincus d’aller au-delà des normes en vigueur pour la protection de nos salariés »

Cela-t-il permis de résoudre le problème définitivement ?Oui. Chaque cas issu de réseau mobile a trouvé une correction : nous avons reçu un fort appui des différents opérateurs pour résoudre les cas que nous leur avons soumis. Sur le plan de la

protection, le laboratoire R&D d’Orange nous a accompagnés en étudiant toutes les solutions du marché jusqu’à arriver à la conclusion que, si toutes celles que nous utilisions (ou avions utilisées) respectaient parfaitement les normes européennes, nous pouvions aller plus loin que ces normes. C’est ce qui a guidé notre démar-che à partir de 2009 : nous nous sommes ins-pirés de la norme australienne, plus complète et restrictive. Nous avons choisi de tester deux types de limiteur de la marque Plantronics et Polaris pour finalement retenir Plantronics, qui offrait, à cette époque, la meilleure performan-ce en terme de qualité de voix.

Justement, la collaboration avec les mar-ques de casque a-t-elle été aisée, sachant que l’une d’elles avait été initialement mentionnée comme source possible du pro-blème par les organisations syndicales ?Toutes ont collaboré et nous maintenons le dia-logue avec chacune d’elles. Nous maintenons

une veille permanente sur toutes les solutions du marché. C’est ce qui nous a permis de tester les évolutions de la solution Soundshield qui of-fre aujourd’hui une qualité de voix qui convient à nos exigences en la matière. Nous avons tou-jours écarté l’influence des équipements utili-sés, casques ou boîtiers, dans les événements remontés : l’origine externe a été vérifiée. Nous n’avons pas de doute sur la question.

Lorsque les syndicats mentionnent à la presse que la direction a tardé à réagir, voi-re à méconnaître ou sous-estimer le problè-me, s’agit il d’un problème de dialogue ?Nous échangeons avec les organisations syndi-cales à fréquence régulière sur la situation dans le cadre des instances prévues à cet effet. BNP Paribas s’est mobilisée dès les premiers cas et a mis en œuvre les moyens adaptés à la situa-tion. On ne peut pas douter de la mobilisation de la direction sur ce sujet. Ce sujet nécessitait de s’entourer des meilleurs spécialistes en la matière sur le plan technique et médical. C’est ce que nous avons fait depuis 2008. Nous avons multiplié les actions : plusieurs audits techni-ques, cellule de veille avec les constructeurs, développement de solutions de protections uniques en France, intervention auprès des di-rections des opérateurs télécoms, etc.

Où en est-on au 15 mai ?Chaque cas est analysé. Même les événements liés à un bruit de la vie courante font l’objet d’un traitement. Nous avons aujourd’hui déployé un dispositif protection efficace s’appuyant sur la combinaison de deux solutions : des boîtiers protecteurs individuels pour chaque collabora-teur des centres de contacts et une solution de filtrage automatique en amont.Ce dispositif a permis de supprimer les chocs acoustiques dans les centres de contact BNP Paribas. Ceci est un vrai plus par rapport à de nombreux centres de contact en France. Il reste maintenant ponctuellement quelques évène-ments acoustiques : ce sont des bruits comme vous pouvez en recevoir dans les communica-tions courantes. Nous travaillons quotidienne-ment à réduire ces nuisances par la recherche des meilleurs casques, boîtiers ou solution filtrante en amont des communications. La solution de filtrage a été développée par no-tre partenaire Cisco sur la base d’un cahier des charges Orange. Elle analyse en temps réel nos communications dans le sens client vers les conseillers et neutralise les sons anormaux.

« J’ai été déclarée inapte par la médecine du travail suite aux pressions que j’ai subies »

Angélique MonfraixTéléconseillère pour CCA International Site de Carmaux

Nous avons retrouvé Angélique Monfraix, la victime des chocs acousti-ques subis sur le site de CCA International à Carmaux, par qui le « scan-dale » était arrivé en 2008, lorsqu’elle avait décidé d’évoquer la situation dans la presse. Bien que la direction a retiré la plainte pour diffamation qu’elle avait déposée à son encontre, ainsi qu’à celle du journaliste qui avait publié ses propos, elle est aujourd’hui en attente de licenciement et se pose beaucoup de questions sur la profession.

« L’origine externe a été vérifiée. Nous n’avons

pas de doute sur la question »

Ludovic ArnaudDirecteur des Centres de contactsBNP Paribas

Pour Ludovic Arnaud, la BNP ne pouvait pas faire plus pour protéger ses salariés. Si Fabrice Hallais met en cause le temps de réaction de la direction de la banque, il apparaît qu’une fois qu’elle a pris conscience du problème, celle-ci a réellement tout mis en œuvre, tout testé, tout essayé, pour mettre fin au problème. Et s’il n’a pas été simple d’obtenir la validation de ses commentaires, nous saluons le fait que Ludovic Ar-naud ait accepté de nous répondre.

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juin 2011REPORTAGE

Lorsque sont apparus les premiers chocs acoustiques au sein des centres de relation client de BNP Paribas, certaines orga-nisations syndicales ont manifestement corrélé le problème au matériel dont le micro casque nouvellement utilisé, le Senn-heiser CC520, qu’en était-il en réalité ?Dans le cadre de cette problématique rencontrée en 2008 par ce CRC concerné, il convient en premier lieu de rappeler brièvement le con-texte. Les premiers chocs acoustiques sont apparus alors que le CRC était équipé d’un matériel concurrent. Les tests effectués suite à ces premiers chocs ont fait apparaître que les solutions Sennheiser pro-posaient le meilleur niveau de protection. Ainsi furent déployées les solutions filaires évoquées, accompagnées de protecteurs acousti-ques conformes à la directive européenne. Malgré cette installation, certains chocs acoustiques ont tout de même été répertoriés par les utilisateurs. Suite à ces chocs, une nouvelle marque a été implé-mentée sur les plateaux et l’équipement n’a pas donné 100% satis-faction, ceci prouvant que la nature des chocs acoustiques constatés relevait de signaux audio non identifiés à l’époque et de ce fait, très difficiles à traiter et à analyser par les boîtiers protecteurs actuelle-ment sur le marché.

A l’épreuve des faits, ceci semble-t-îl exact ? A l’épreuve des faits, il apparaît surtout que les études réalisées à posteriori indiquent que nos modèles respectent scrupuleusement les normes en vigueur. La difficulté est donc de réussir à détermi-ner la nature exacte des chocs constatés et la manière de traiter ces nouveaux types de signaux perturbateurs. Ainsi, nous pouvons simplement affirmer que les périphériques audio utilisés ne peuvent

Depuis quand le CRC de la BNP à Lille est-il affecté par les chocs acoustiques ?Le CRC est touché depuis l’été 2008. Ce centre, traitant principalement des appels entrants, re-groupe 125 « conseillers banque en ligne » sur les quelque 17 000 actifs sur le territoire fran-çais. Le centre est opérationnel depuis 2001.

Combien de cas ont été recensés ?Notre combat syndical consiste précisément à faire en sorte que tous ces cas soient recensés par la direction, qui au départ niait le problème. Sur l’ensemble de l’année 2010, ont été effec-tivement enregistrées 81 déclarations d’acci-dents du travail liées à ces chocs. Sur la seule période du 22 mars au 1er avril 2011, 19 cas ont été recensés.

Quels symptômes ont été constatés ?Les symptômes varient selon la gravité des chocs, allant de l’inconfort, aux vertiges, aux acouphènes, et jusqu’à la perte d’audition. Les cas de 2011 ont été particulièrement graves, causant jusqu’à l’hospitalisation pour certains. 18 inaptitudes au port du casque ont été décla-rées, des droits de retrait ont été demandés et acceptés pour « danger grave et imminent ».

Quelle a été l’attitude de la direction ?Au départ elle a tout fait pour minimiser le pro-blème. Au pire, les managers disaient à ceux qui en étaient victimes d’aller fumer une ciga-

rette, de prendre un café, de faire une pause. Puis elle a fait venir différents experts : notam-ment ceux d’Orange Business Services – or ce sont également nos fournisseurs. On a changé de fournisseurs de casques, on a essayé Plan-tronics, Sennheiser, sans résultat. On a ins-tallé des limiteurs. Orange Business Services a installé des patches de correction réseau. A chaque fois la direction nous disait : c’est bon, on a identifié le problème, on l’a réglé. Or cela continuait.

Les salariés utilisaient-ils systématique-ment leurs casques et limiteurs ?Oui, mais ils étaient sans effet pour prévenir les chocs.

Donc l’origine des chocs reste inconnue ?Oui. Plusieurs hypothèses ont été invoquées, et parfois avérées, comme les pannes sur les ré-seaux des clients qui nous appellent, mais elles sont aussi nombreuses que les réseaux utilisés, tantôt Bouygues, tantôt Orange… Donc, dès que le problème était identifié, une autre cause surgissait.

Des changements significatifs au niveau de vos installations ont-ils précédé l’appari-tion de ces chocs ?Je note que les chocs ont commencé en 2008, soit après que le site ait changé tout son équi-pement matériel et loigiciel suite au passage

à la VOIP. La direction nous a dit que la VOIP était plus sûre que les lignes analogiques mais je suis sceptique ! La technologie est mise en avant, mais il y a tellement de normes qui se téléscopent…

Aviez-vous entendu parler des chocs acous-tiques dans les centres d’appels précédem-ment ?Non, lorsque les premiers chocs ont eu lieu, on se disait : ce n’est pas possible, nous sommes les seuls à subir ce genre de phénomènes ? Puis j’ai appris, notamment grâce à votre magazine, ce qu’il s’est passé à Carmaux chez CCA Interna-tional. Et voyant comment notre direction gère ces problèmes, j’ai compris qu’il y avait une omerta sur le sujet dans les centres d’appels. Il y a beaucoup de pression pour nous empêcher d’en parler. Notre direction va jusqu’à nous demander de reformuler toute allusion à des « chocs acoustiques » dans nos tracts en « évé-nement acoustique » ! Et pourtant, c’est la BNP, une grande entreprise, avec une représentation du personnel et un dialogue avec la direction structurés, un travail par ailleurs confortable et des salaires corrects… Je n’ose imaginer l’atti-tude des directions de prestataires ou de pres-tataires de prestataires dans la relation client lorsque ces phénomènes se produisent.

Quelles ont été les dernières mesures prises pour traiter le problème ?On a commencé à tester des casques austra-liens, fournis par la firme Polaris. Les salariés qui les ont testés n’ont plus subi de chocs. Nous testerons bientôt les casques associés de la même marque. Mais la réduction du bruit est vraiment très importante, c’est comme si on avait de l’ouate dans l’oreille : il faut plusieurs minutes pour se réadapter à un environnement sonore « normal » après avoir utilisé ces cas-ques, aussi je m’interroge sur les conséquences à long terme de l’utilisation d’un tel équipe-ment.

« J’ai compris qu’il y avait une omerta sur le sujet dans les centres d’appels »

Fabrice Hallais Chef de projet informatique BNP Paribas, Délégué syndical CGT au CHSCT du CRC de Lille, Secrétaire général Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens

« La solution viendra de l’avancée en matière de détection des chocs plus que d’une baisse

simple du niveau d’exposition »

Axel Perret-GentilResponsable Distribution Télécom

Sennheiser

Axel Perret-Gentil est un interlocuteur de valeur pour cette enquête sur les chocs acoustiques. D’une part parce que Sennheiser a un temps équipé les centres de la BNP touchés par les chocs acoustiques, d’autre part parce que, passé par la concurrence et jouissant de plusieurs années d’expérience dans le secteur, il semblait bien placé pour nous affirmer que les micro-casques ne pouvaient à eux seuls résoudre le problème de certains chocs. Quelle que soit leur marque.

Cette solution est évolutive et peut à tout moment s’enrichir de nouvelles fréquen-ces. La solution de protection individuelle vient compléter cette solution de filtrage : le boîtier Soundshield de Polaris. Il s’agit d’un boîtier australien qui a fait ses preu-ves en termes d’atténuation des bruits extérieurs dans le cadre d’appels émis depuis des environnements bruyants. Son rôle est efficace et surtout mesurable puis-que nous sommes en mesure de connaître le niveau sonore en sortie de boîtier.Dans des cas d’appels clients émis depuis des mobiles dans des environnements bruyants ou pour des appels de mauvaise qualité, nous avons pu apprécier ce rôle d’atténuation. Enfin, nous sommes par-ticulièrement attentifs à l’accompagne-ment des conseillers qui nous remontent toute nature de dégradation des commu-nications par principe de précaution.

« La solution de filtrage a été développée par Cisco sur la base d’un cahier des charges d’Orange. Le boîtier Soundshield la complète. »

Estimez vous que l’entreprise BNP Pari-bas a mis en place désormais des mesu-res de nature à ce que ces chocs soient évités ou reste-t-il une part d’inconnue dans l’origine de ces troubles ?BNP Paribas a surtout œuvré pour protéger ses salariés. Nous avons confiance dans les solutions de protection déployées. Plu-sieurs origines externes ont été identifiées et corrigées par les opérateurs. Et bien sûr nous maintenons tous nos pro-tocoles d’analyses et d’audits réguliers afin de rester en phase avec les évolutions régulières des télécommunications.

Fabrice Hallais n’a pas connu les malheurs d’Angélique Monfraix lorsqu’il a dénoncé les chocs acoustiques que ses collègues subissaient sur les plateaux de la BNP à la presse. Mais au moment où il l’a fait, les chocs sévissaient depuis déjà bien plus d’1 an – à tel point qu’ils avaient déjà été évoqués, en off, à la rédaction d’En-Contact lorsqu’elle travaillait sur le cas de Carmaux. A-t-il donc saisi les médias par désespoir de cause ? Si la direction avait fini par prendre le problème au sérieux, ses efforts restaient alors vains pour mettre fin au problème.

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Depuis quand Polaris s’est-il spécia-lisé dans les solutions de protection acoustique dans les centres d’ap-pels ?Wayne Guest : Notre société, Polaris Communications, a pris conscience des maux liés aux chocs acoustiques dans les centres d’appels en Australie il y a plus de dix ans. Tout particulièrement lorsque Tesltra, le plus grand opérateur téléphonique australien a commencé à prendre le problème très au sérieux : ils avaient à traiter des centaines de demandes de réparations de leurs télé-conseillers. Nous avons développé une solution qui utilise le traitement digi-tal des signaux et inventé les limiteurs Soundshield (en français, « bouclier so-nore »). Le Soundshield a été installé sur toutes les positions de travail chez Telstra en 2001-2002 et est devenu le seul limiteur utilisé chez eux pour pro-téger leurs téléconseillers depuis. Il y a désormais 100 000 Soundshields dans les centres de contact australiens, ce qui représente 90% du marché.

Comment a commencé votre déve-loppement en Europe ?WG : Vers 2003, nous avons commen-cé à fournir certains centres d’appels pour les services d’urgence au Royau-me-Uni. Etant donné la nature des ap-pels qu’ils traitent, avec de nombreux bruits potentiellement dangereux ou distrayants, et l’importance critique de ces appels, le Soundshield a eu beau-coup de succès.

Quelles sont les régions du monde qui offrent selon vous les meilleures perspectives de croissance pour Po-laris ?WG : Au-delà de l’Australie, nous voyons un potentiel énorme au Royau-me-Uni et en Europe et espérons que la réussite probable de notre collaboration avec la BNP en France sera le point de départ d’un succès sur le marché fran-çais. Nous voyons un énorme poten-tiel dans tous les pays européens qui hébergent de vastes centres d’appels, qui ont conscience de l’importance de la sécurité sur le lieu de travail et qui sont prêts à investir dans nos solutions. Nous prévoyons aussi de distribuer nos produits en Amérique du Nord dès 2011 ou 2012.

Comment vos produits diffèrent-ils de ceux de la concurrence ?Julie Watling : En général, les Soundshield sont installés en rempla-cement des matériels respectant la nor-me « Bruit au travail ». Ceux-ci ne font que limiter le niveau sonore pour assu-rer le respect de la norme sans éliminer les crêtes extrêmes. Les autres grandes différences sont que : le Soundshield li-mite non seulement le niveau sonore, mais écarte les signaux dangereux et annihile les chocs acoustiques totale-ment. L’historique des niveaux sonores qui passent par le Soundshield peut être téléchargé sur un PC pour être analysés et rassurer totalement les utilisateurs.

« Nous voyons un énorme potentiel dans tous les pays européens qui hébergent de vastes centres d’appels, qui ont conscience de l’importance de la sécurité sur le lieu de travail »

Qui sont vos clients, au Royaume-Uni, en France et en Europe actuel-lement ? JW : Nos clients au Royaume-Uni sont principalement les services d’urgence : pompiers, police. Nous n’avons pas ac-tuellement de représentant direct en France. Nous gérons BNP, notre seul client en France, depuis le Royaume Uni.

Comment expliquez-vous ce succès auprès des services d’urgence ?JW : D’abord, parce qu’ils prennent la sécurité et la santé de leurs conseillers plus au sérieux. Et puis, à cause de la na-ture des appels. Vous voyez, lorsqu’on appelle les pompiers, ou la police, il y a de fortes chances qu’une alarme soit en train de sonner près de vous : c’est un son pénible pour la personne qui vous écoute et qui l’empêche d’entendre clairement ce que vous lui dites, alors que votre appel est d’une importance vitale. Le Soundshield limite voire an-nule complètement le son de l’alarme, tout en laissant la voix de votre interlo-cuteur confortablement audible.

Quelles sont les perspectives de dé-veloppement ? JW : A partir du moment où les patrons de centres d’appels prendront les chocs acoustiques au sérieux, nos ventes pro-gresseront. Jusque-là, ils ont été réti-cents à investir pour protéger leurs sa-lariés. Mais je note le début d’une prise de conscience : le cas de la BNP en est un bon exemple.

« Les patrons de centres ont été réticents à investir pour protéger leurs salariés »

Wayne Guest Directeur Général Polaris Communications

Julie Watling Communication Solutions UK distributeur exclusif pour l’Europe

Même selon les syndicalistes de la BNP les plus véhéments et malgré l’incrédulité de leurs concurrents, ils ont trouvé la solution au problème de la BNP. Wayne Guest est le PDG d’une marque dont on n’a que peu entendu parler en France, mais dont on devrait entendre reparler : Polaris est un fabricant de casques australien qui, dès le début, a été créé pour apporter une réponse aux chocs acoustiques. Les experts nous l’ont confirmé : les limiteurs Soundshield sont les seuls à respecter tous les volets de la norme australienne, bien plus complète et plus rigoureuse que l’européenne. Et c’est Julie Watling, la distributrice de la marque en Europe, basée au Royaume-Uni, qui a fourni la BNP alors aux abois. Avec succès.

être mis en cause dans le cadre de ces chocs acoustiques, en ce sens que l’ensemble des marques testées n’ont pas permis de résoudre les problématiques rencontrées.

Comment avez-vous collaboré avec la direction des CRC de cette banque pour élucider la question et quelle est a posteriori votre analyse de ces incidents ?Sennheiser a été particulièrement proactif dès la détection des premiers désagréments rencontrés et reste attaché à anti-ciper l’apparition de nouveaux chocs acoustiques liés aux ré-seaux IP via un service R&D concentré sur ce sujet particuliè-rement important pour les utilisateurs et prescripteurs. Dans le cas présent, nous nous sommes rapprochés des services IT de la banque concernée afin d’obtenir le maximum d’informa-tions sur la nature, la fréquence, la localisation des chocs. De nombreux tests ont été réalisés sur les sites concernés et un rapprochement avec l’intégrateur et hébergeur réseau a été effectué pour travailler de concert sur ce sujet transversal à tous nos métiers. A l’heure actuelle, nous sommes toujours très concentrés sur le développement de nouveaux protec-teurs optimisés pour les nouveaux réseaux téléphoniques et avec la volonté d’aller plus loin que les seuils imposés par l’UE (qui à l’époque n’avaient pas pris en compte les nouvel-les technologies de communications type VoIP).

« La nature des chocs acoustiques constatés relevait de signaux audio non identifiés à l’époque et de ce fait, très difficiles à traiter et à analyser par les boîtiers protecteurs » Quelle est la fonction des boitiers protecteurs et les nor-mes européennes sont elles suffisantes ? La fonction première des boîtiers protecteurs est de détecter tout signal audio potentiellement dangereux (via dépasse-ment d’un certain seuil) et de compresser automatiquement ce signal à un niveau non nocif pour l’utilisateur. En ce qui concerne les valeurs énoncées par les normes européennes, il convient de rappeler que cette problématique constatée au sein de ce CRC reste une exception. La valeur moyenne d’exposition imposée par l’Union Européenne, de 87 décibels, paraît pourtant bien adaptée mais peut être optimisée. L’im-portant est aussi de garantir un niveau sonore suffisant pour l’utilisateur tout en le prémunissant de tout choc acoustique. Ainsi, un abaissement de seuil moyen d’exposition pourrait donc paraître plus protecteur dans l’absolu mais de ce fait, c’est la qualité audio ressentie qui serait pénalisée et à terme incommoderait l’utilisateur. Pour ma part, je pense que la so-lution viendra de l’avancée en matière de détection des chocs plus que d’une baisse simple du niveau d’exposition (les diffé-rentes études sur les chocs concernés ont fait apparaître des chocs réseaux et non liées aux communications).

En vous fondant sur votre expérience, significative dans cette industrie, y a-t-il parfois une utilisation des maté-riels déficiente qu’il conviendrait de pallier et de quelle façon ?Les protecteurs acoustiques et casques sont initialement des interfaces permettant de nombreux réglages de confort pour l’utilisateur. Les boîtiers présents sur le marché intègrent des fonctions d’activation ou désactivation du système de protec-tion. Il arrive parfois que les utilisateurs modifient les para-mètres de base et ainsi, coupent la protection liée aux chocs. Mais cela reste sporadique et résiduel. La meilleure façon de pallier toute problématique serait de travailler en amont sur le traitement du signal (PABX/IPBX/Postes téléphoniques). Ceci permettrait, grâce à l’avancée des constructeurs de mi-cro-casques en la matière de limiter au maximum l’exposi-tion des utilisateurs finaux. Il appartient donc à tous les in-tervenants du secteur des télécommunications de travailler ensemble sur une protection tout au long du cheminement du signal.

Soundshield3G

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Julien Faure, quelles sont vos fonc-tions chez Orange ?Je suis ingénieur de recherche en codage de parole et de l’audio. Je travaille à Lannion, dans un des cen-tres de recherche et développement d’Orange, les « Orange Labs », au sein du laboratoire dédié à l’audio et la vidéo. L’unité de recherche où je travaille s’occupe du traitement de la parole et des sons. Il y a 15 personnes dans cette unité, 4 d’entre elles ont parmi leur mission l’étude des chocs acoustiques. Nous avons trois axes de travail : le traitement de la parole et des sons à travers des développe-ments algorithmiques, la normalisa-tion dans une perspective internatio-nale, et depuis deux ans l’analyse des chocs acoustiques.

Cette organisation existe-t-elle chez les autres opérateurs ?En France, à ma connaissance non.

Comment avez-vous été amené à traiter des chocs acoustiques ?Cette activité a été créée suite à un cas qui nous avait été rapporté par un client.

Comment le résultat de vos recher-ches est-il utilisé par Orange ?Le groupe nous donne trois objectifs : valoriser nos activités de recherches via notamment des publications et des contributions en normalisation, s’assurer que la normalisation et son évolution ne s’accompagne pas d’une dégradation des services et servir de support d’expertise pour l’ensemble du groupe sur les questions pour les-quelles nous sommes compétents. Vis-à-vis des chocs acoustiques, nous essayons aussi de faire évoluer les constructeurs de protecteurs indivi-duels à l’appui de nos recherches.

Mais les fabricants de limiteurs clament tous qu’ils respectent les normes, alors quel est le problè-me ?Effectivement, tous les clients qui nous ont contactés étaient protégés. Les téléconseillers victimes de chocs étaient tous équipés de protecteurs in-dividuels. Et ces limiteurs respectent

la règlementation. Mais pour nous la règlementation est insuffisante. Les normes ne sont pas assez restricti-ves. On parle pour la règlementation européenne d’un seuil de 80 décibels en moyenne sur une période de huit heures et pour la norme internatio-nale ITU sur les casques, d’un niveau maximal de 120 décibels. La norme australienne est non seulement plus complète - elle prend en compte les niveaux par bandes de fréquences - mais aussi plus rigoureuse sur les valeurs de seuils. Pour assurer une bonne intelligibilité, le différentiel de niveau sonore entre le son qui arrive dans l’oreille du téléconseiller et celui de son environnement doit être suffi-samment grand. En étant plus restric-tive sur les niveaux du bruit d’envi-ronnement, la norme australienne se permet ainsi d’être plus restrictive sur les niveaux moyens de parole. C’est très pertinent, car plus ce différentiel est élevé, mois le téléconseiller aura besoins d’augmenter le volume so-nore de son téléphone, moins il aura de fatigue auditive, et moins il y aura de risques de chocs.

Justement, comment définissez-vous le choc acoustique ?Nous distinguons le choc acoustique et le phénomène de choc acoustique. Le choc acoustique est un sifflement soudain qui apparaît notamment dans des zones fréquentielles où l’audition est la plus sensible. Le phénomène de chocs acoustiques correspond à la théorie développée par les chercheurs australiens. Nous pensons qu’elle est corroborée par les cas français que nous avons observés : il s’agit d’une répétition de chocs acoustiques d’un niveau maximal inférieur à 94 déci-bels (car les limiteurs fonctionnent et bloquent tout ce qui est au-delà) qui développe un stress, une peur qui fragilise les téléconseillers. Le réflexe stapédien, notre protection naturelle face aux agressions acoustiques, est diminué, en amplitude et en rapidité. Certaines personnes rencontrent ce problème parce qu’elles en ont enten-du parler par leur collègue, par exem-ple, et elles ont donc développé une peur et un stress avec des conséquen-

ces similaires. Une hypersensibilité se développe du fait de la fragilisation de ces réflexes stapédiens, pouvant entraîner dans les cas extrêmes des pertes d’équilibre. Et cela ne diminue pas en dehors du centre d’appels, cela empire.

Vous être en train de me dire que les chocs sont psychosomatiques ?Psychophysiologiques pour être exact, car certaines personnes présentent des cas de symptômes physiques avé-rés.

Vous ne définissez par les chocs par leurs symptômes ?La répétition des chocs peut faire sur-venir des symptômes tels que des per-tes d’audition, des acouphènes liés à des pertes d’audition, mais d’après les études scientifiques, un seul choc iso-lé ne peut pas créer de lésions direc-tes, surtout dans le cas d’utilisation de limiteurs qui écrêtent le niveau so-nore à 94 décibels, comme c’est le cas dans la plupart des centres d’appels.

On a aussi évoqué des problèmes sur le réseau pour expliquer cer-tains chocs, l’avez-vous vérifié ?Des problèmes sur le réseau, il y en a partout. Mais ce n’est pas la cause principale. Je pense vraiment qu’il y a une conjoncture, liée à la fatigue au travail.

Quelles causes techniques avez-vous donc identifiées ?Il y a des causes d’usage. Parmi cel-les-ci, certaines sont bien connues, comme les porteuses de fax sur les-quelles ont peut tomber dans le cas d’appels sortants – même si certains automates d’appels parviennent à ne pas transférer la communication à temps quand ils en détectent –, il y a aussi les effets Larsen, particulière-ment avec certains terminaux utilisés

en mode haut parleur, mais il y a aussi les problèmes liés à la multiplication des matériels. Suite à une de nos ex-périences, nous avons trouvé qu’entre la bouche de l’appelant et l’oreille de l’appelé, la multiplicité des matériels et des réseaux utilisés, toutes les opé-rations de codage et de décodage pou-vaient provoquer jusqu’à neuf gains différents. Des solutions de filtrage implémentées dans certains boîtiers ont prouvé leur efficacité sur une par-tie de ces cas en les neutralisant ou plus fréquemment en les atténuant.

On a évoqué le problème d’une bor-ne mobile parmi les causes ayant occasionné un phénomène de chocs acoustiques dans un centre d’appels, l’avez-vous constaté ?Oui il y avait un matériel défectueux, nous avons développé un patch avec le constructeur de ces bornes et passé le message aux autres opérateurs.

A quoi était liée cette faille sur la borne mobile ?

Vous savez, il faut que la borne soit en permanence en adéquation avec les conditions de trafic et l’ensemble des terminaux mobiles appelants. Or il y a des dizaines de marques et de matériels possibles, tous n’ont pas été testés, c’est très compliqué.

Comment travaillez- vous lors-qu’un client vous remonte un cas de choc acoustique ?Nous analysons des enregistrements clients, nous identifions les signatu-res sonores et testons des limiteurs en concertation étroite avec nos clients. Comme je vous ai dit, les limi-teurs respectent la norme. Celle de la réglementation. Mais nous avons fait une grande enquête fin 2009 sur les principaux limiteurs du marché, les évaluant au regard de critères plus restrictifs et plus complets que les

normes actuellement appliquées en France – notamment sur les fréquen-ces pures soudaines de 2 000 hertz ou les rampes en fréquence. De fait, nos étalons s’approchaient des normes australiennes. Et à l’issue de cette en-quête, il nous est apparu que soit les limiteurs protégeaient bien des chocs mais dégradaient la qualité vocale perçue, suscitant ainsi une fatigue auditive, soit ils assuraient une bonne qualité sonore mais une protection moyenne. Aucun ne donnait satisfac-tion sur les deux plans à la fois. Une partie de notre travail consiste à dé-velopper des algorithmes que nous présentons aux fabricants de casques et limiteurs pour leur prouver qu’il est possible d’offrir une protection effi-cace en même temps qu’un confort suffisant.

Et le casque Jabra qui a un réglage qui permet de respecter les normes australiennes ?Oui, je connais leur argument, mais le fait est que ce réglage ne respecte

pas totalement la norme, seulement son volet concernant le niveau sonore global. Et il ne permet pas de sélec-tivité séquentielle, son utilisation est difficile à supporter, le volume est trop faible.

Vous parlez beaucoup des casques, mais l’avènement de la VOIP n’a-t-elle pas coïncidé avec la multipli-cation des chocs acoustiques ? Y a-t-il un lien entre les deux ?Un paquet IP ne peut que disparaître. Il ne peut pas être altéré. Non, c’est vraiment la multiplication des ma-tériels et des fabricants qui a com-mencé à poser un problème. De plus, l’apparition de la VOIP a surtout vu la multiplication des centres d’appels, donc du nombre de cas potentiels… Et même, certains problèmes ont dispa-ru avec la VOIP, comme par exemple

« Une origine psychophysiologique »Julien FaureIngénieur de recherche en codage de la parole et de l’audioFrance Telecom Orange

France Telecom Orange ne laisse que très rarement filtrer quoi que ce soit de ses « Orange Labs » : disséminés en France et désormais dans le monde, c’est dans ces centres que quelques chercheurs triés sur le volet travaillent au développement des produits et des services téléphoniques et in-formatiques de demain. Etant donné la portée scientifique et commerciale de ces recherches, le terme « secret industriel » définissant les activités de ces centres aura rarement été aussi adapté. Et précisément, rarement une telle aura de mystère et de non-dits n’a enveloppé un sujet aussi important pour l’industrie que celui des chocs acoustiques. Depuis le cadre bucolique de l’« Orange Lab » de Lannion en Bretagne, Julien Faure a pourtant accepté de partager un peu de ce qu’il sait du phénomène. Et s’il est peut-être la personne qui maîtrise le mieux les aspects théoriques de la question en France, il s’est également penché sur des cas très concrets ayant touché des centres d’appels français – les « Orange Labs » servant occasionnellement de force de conseil interne au groupe pour les besoins de la division Business Services.Pourtant tenu au secret professionnel en ce qui concerne la citation de quelque nom de client d’Orange que ce soit, il évoque dans cet entretien exclusif avec la rédaction d’En-Contact les causes du phénomène. Et prend le risque de nous livrer cette conclusion étonnante, mais qui serait scientifiquement prouvée : les chocs acoustiques, plus on en parle, plus il y en a, plus ils font mal.

« Une répétition de chocs acoustiques d’un niveau maximal inférieur à la norme développe un stress, une peur qui fragilise les téléconseillers »

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17www.en-contact.com REPORTAGE

Suite à la révélation des chocs de la BNP, la rédaction avait prévu de faire un reportage. Ce fut en fait une en-quête. Cette enquête sur les chocs acoustiques révèle finalement une explication étonnante au problème des

chocs acoustiques : leur origine serait en grande partie « psy-chophysiologique », et ces phénomènes se développeraient d’autant plus vite qu’on en parle. Si l’expertise scientifique nous manque pour évaluer la pertinence de cette conclusion, nous ne pouvons à la rédaction d’En-Contact que remarquer son admirable commodité, tant elle justifie la « nécessité » du silence de toute une profession au sujet de ce phénomène qui menace des centaines de salariés.Encore une fois, les intérêts en jeu sont énormes. Pourquoi les rares experts techniques de cette problématique extrêmement complexe ne peuvent-ils être trouvés que dans des sociétés qui sont parties prenantes de l’économie de la relation client – par exemple, Orange Labs est intervenu pour les chocs à la BNP en tant qu’expert partenaire du fournisseur technologique de la Banque, Orange Business Services ? Pourquoi la question de la limitation des chocs n’est-elle imposée qu’au niveau du der-nier maillon de la chaîne, les micro-casques, et non pas au ni-veau du site ou du plateau ? Pourquoi les fabricants de casques s’arcboutent-ils sur le respect des normes européennes ?A la lumière de nos entretiens, poser ces questions consiste déjà en grande partie à y répondre.Depuis la série de chocs acoustiques de Carmaux, pourtant, nous notons des évolutions rassurantes.S’il est encore (très) difficile d’obtenir leurs commentaires en tant que journalistes, les employeurs ne cherchent plus à occulter le problème au regard de leurs représentants du per-sonnel – au moins dans les grands centres internalisés, et le prennent réellement au sérieux. Le cas d’Angélique Monfraix, initialement poursuivie par sa direction pour diffamation lors-qu’elle avait évoqué les chocs qui affectaient son centre dans la presse, ne se reproduira sans doute pas.Les centres d’appels prennent le problème tellement au sé-rieux que la protection du téléconseiller est devenue un véri-table argument de vente pour les fabricants de micro-casques.

Voire un enjeu beaucoup plus important qu’ils ne l’admettent : fin 2009, un tribunal fédéral australien condamnait Plantro-nics pour « tromperie » suite à la publication à l’initiative de la firme américaine d’un rapport « indépendant », à charge contre le limiteur Soundshield.Enfin, on commence à se pencher sur la question du filtrage des chocs au niveau non plus seulement d’un casque, mais d’un plateau tout entier, avec le développement de limiteurs réseaux. C’est justement l’installation d’un tel limiteur réseau, déve-loppé par Cisco sur un cahier des charges d’Orange, accom-pagnée de celle de limiteurs individuels Polaris, qui semble aujourd’hui avoir mis fin au phénomène de chocs acoustiques subis à la BNP.Nous croyons véritablement à En-Contact qu’un travail journa-listique rigoureux permet d’aboutir à une prise de conscience, au-delà des intérêts des différentes parties prenantes. Aussi, nous tenons à remercier vivement les interlocuteurs qui ont accepté de nous répondre dans le cadre de cette enquête.

La conclusion de la rédaction

> 25 langues maitrisées> un niveau d’éducation parmi les plus élevés du monde > des prestations normalisées (NF 345 et label de responsabilité sociale)

> 120 positions de travail

Arménie

découvrez et... adoptez ICS !

Interview de OLIVIER MOURADIAN, PDG d’ICS Performance LtdPourquoi l’Arménie peut elle constituer une alter-native crédible et qualitative au Maghreb ?A quelques heures de Paris, il existe un petit pays, géographiquement très proche de l’Europe, dans sa culture et son histoire : les salariés possèdent un ni-veau d’éducation unanimement reconnu ainsi qu’une maitrise des langues parfaite et qui est une très an-cienne tradition ; si l’on y ajoute un niveau de salaire moins élevé qu’en Europe occidentale, toutes les con-ditions sont réunies pour être en mesure d’assurer de façon très qualitative des prestations de service client, sondage, études etc. Mais ceci autorise également des prestations très spécifiques : on peut déléguer ainsi un médecin ou un ingénieur sur des missions particulières car nous disposons de ce type de profils, ce qui constitue réellement un aspect différenciateur de notre prestation. ICS possède d’ailleurs la norme NF 345 ainsi que le label de responsabilité sociale, ce qui est une exception pour un prestataire non français ?En effet, c’est l’héritage de l’histoire : avant que je ne reprenne l’entreprise, elle était rattachée à un grand groupe d’outsourcing qui l’avait mise en conformité avec ces normes de qualité exigeantes ; c’est un vé-ritable avantage distinctif et qui rassure d’ailleurs car l’Arménie ... on ne s’y rend pas tous les jours.

Quelle est votre capacité de production et la cou-verture géographique des pays auxquels vous pouvez vous adresser ?Nous disposons de 120 postes de travail et de 300 sa-lariés ; le nombre de langues parlées au sein de l’en-treprise est de 25, ce qui signifie que nous pouvons intervenir sur la quasi-totalité des pays dans le monde grâce à cette faculté multilingue.

ICS Performance Ltd Tél. : 01 56 29 32 59 // [email protected] www. ics-performance.fr

ceux liés à l’échos électrique dans le cas d’une communi-cation IP de bout en bout.

Et plutôt que de toujours obliger les fabricants de limi-teurs individuels à appliquer d’autres rustines, n’est-il pas possible de développer des limiteurs fonctionnant au niveau du réseau ?Cela fait partie des pistes envisagées même si pour nous ce n’est pas une solution optimale. De plus, cela nécessite de très importantes ressources de calcul. Un tel limiteur pourrait être plutôt installé dans un gateway ou dans un matériel distinct - un de plus… Des tests ont été menés sur ce type de solution et cette démarche a même été mise en œuvre en France, dans un centre touché par des chocs acoustiques, avec des résultats probants.

Vous avez participé au développement de ces maté-riels ?(il hésite) On a donné les « specs ».

Pouvez-vous travailler sur d’autres maillons de la chaîne ?Les téléphones mobiles peuvent intégrer des protecteurs individuels. Nous implémentons nos algorithmes sur nos propres softphones, les logiciels de communication Orange aussi. Mais il est difficile de travailler avec tous les cons-tructeurs sans cadre normatif ! Si on veut imposer à tel ou tel fabricant de téléphones portables de respecter telle ou telle norme, on ne fait pas le poids.

Et travailler avec les éditeurs de logiciels de SVI, les Vocalcom, les Avaya ?C’est une bonne idée.