Download - Driven - Saison 3 Crashed (NEW ROMANCE) (French Edition)ekladata.com/fsjiDReKEO75J6Oq33BijTYisKk.pdf · Trilogie DRIVEN de K. Bromberg Driven, Driven – saison 1 Driven, Fueled –

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Celivreestunouvragedefiction.Lesnoms,personnages,lieuxetévénementssontleproduitdel’imaginationdel’auteurouutilisésdefaçonfictive.Touteressemblanceavecdesfaitsréels,deslieuxoudespersonnagesexistantsouayantexistéseraittotalementfortuite.

Titredel’éditionoriginaledeK.Bromberg:CrashedparK.Bromberg

Copyright:©2014,K.Bromberg

Tousdroitsréservésycomprisledroitdereproduction,totaleoupartielle,sousquelqueformequecesoit,sansleconsentementpréalabledel’éditeuroudel’auteur.ToutereproductionconstitueraituneviolationduCodedelapropriétéintellectuelle.

Misàpartletexteoriginalécritparl’auteur,toutesleschansons,titresetparolesmentionnésdansleprésentromanCrashedsontlapropriétédeleursauteursrespectifs

etdesdétenteursdesdroitsd’auteur.

Photographiedecouverture:©BayramTunc/iStock

OuvragedirigéparIsabelleSolalCollectionNewRomancedirigéeparHuguesdeSaintVincent

©2015,ÉditionsHugoRomanDépartementdeHugo&Cie

38,rueLaCondamine75017Paris

wwwhugoetcie.fr

ISBN:9782755620290

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

TrilogieDRIVENdeK.Bromberg

Driven,Driven–saison1Driven,Fueled–saison2Driven,Crashed–saison3

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Àmesparents,

quim’ontapprisquelavie,cen’estpasdesurvivreàlatempête

maisplutôtd’apprendreàdansersouslapluie.Etmaintenant,jedanse…

SOMMAIRE

Titre

Copyright

TrilogieDRIVENdeK.Bromberg

Dédicace

Prologue

Chapitre1

Chapitre2

Chapitre3

Chapitre4

Chapitre5

Chapitre6

Chapitre7

Chapitre8

Chapitre9

Chapitre10

Chapitre11

Chapitre12

Chapitre13

Chapitre14

Chapitre15

Chapitre16

Chapitre17

Chapitre18

Chapitre19

Chapitre20

Chapitre21

Chapitre22

Chapitre23

Chapitre24

Chapitre25

Chapitre26

Chapitre27

Chapitre28

Chapitre29

Chapitre30

Chapitre31

Chapitre32

Chapitre33

Chapitre34

Chapitre35

Chapitre36

Chapitre37

Chapitre38

Chapitre39

Chapitre40

Chapitre41

Chapitre42

Chapitre43

Chapitre44

Épilogue1

Épilogue2

Remerciements

Prologue

Tchac.Tchac.Tchac.

Unbattementdouloureuxrésonnedansmatête,enéchoaubruitquiassaillemesoreilles.

Tchac.Tchac.Tchac.

Il y a tellementdebruit –unbourdonnement si fort, si violent – et pourtant, tout est étrangementsilencieux,bordel!Lesilence,etseulementcefoututchacquiserépète.

C’estquoiça,bonsang?Pourquoiai-jeaussifroidalorsqu’ilfaittellementchaudautourdemoiquejevoisdesvaguesde

chaleurmonterdel’asphalte?Putaindebordeldemerde!Quelque chose sur la droite attire mon regard – du métal broyé, des pneus éclatés, du cuir en

lambeaux – et je ne peux rien faire d’autre que regarder fixement. Beck va m’étrangler pour avoirbousillélavoiture.Ilvamemettreenpièces,exactementcommemavoituredontlesmorceauxs’étalentpartoutsurlapiste.Qu’est-cequis’estpassé,bordel?

Unesensationdésagréabledanseaubasdemacolonnevertébrale.Moncœurbatplusvite.Laconfusionsefaitjourauborddemoninconscient.Jefermelesyeuxpouressayerderepousser

lescoupsquimartèlentmespensées.Despenséesquejen’arrivepasàsaisir,quiglissentdemonespritcommedusableentremesdoigts.

Tchac.Tchac.Tchac.J’ouvrelesyeuxpouressayerdelocalisercefoutubruitquiaccentueladouleur…Leplaisirpournoyerladouleur…Cesmotsmetrottentdansl’espritetjesecouelatêtepouressayerdecomprendrecequisepasse

quand je le vois, lui : les cheveux bruns trop longs, ses petites mains serrées sur un hélicoptère en

plastique;unpansementavecSpider-Manrecouvresonindexquifaittournerlesfauxrotors.Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.–Tchac.Tchac.Tchac.Ilparled’unevoixtrèsbasse.Pourquoiest-cequeçafaitautantdebruit,alors?Illèvesesgrands

yeuxversmoietmeregardesoussescilsépais, l’innocencepersonnifiéedansceregardvertpleindegrâce.Sondoigtbutesurlerotorquandsesyeuxcroisentlesmiens,ilredresselatêteetmescruteavecintensité.

–Salut.Mavoixrésonnedanslesilenceassourdissantquinoussépare.Ilyauntrucquicloche.Quiclochevraiment,bordel.L’appréhensionrefaitsurface.Desflashsd’inconnutournoientdansmatête.Letroublem’étouffe.Sesyeuxvertsmebrûlent.L’angoissesedissipequandunlégersourireapparaîtàlacommissuredesapetitebouchemaculée,

creusantunefossetteuniquesurlecôté.–Jenedoispasparlerauxinconnus.Ilseredresseunpeuenessayantdepasserpourlegrandgarçonqu’ilvoudraitêtre.–C’estunebonneinterdiction.C’esttamamanquit’aapprisça?Pourquoimesemble-t-ilsifamilier?Ilhausselesépaulesd’unairdégagé.Ilinspectechaquecentimètredemapersonneavantderelever

lesyeux.Ilregardequelquechosederrièremoi,maispouruneputainderaisonquej’ignore,jen’arrivepasàlequitterdesyeuxpourvoircequec’est.Cen’estpasseulementparcequejen’aijamaisvuunputaind’enfantaussimignon…Non,c’estcommes’ilexerçaitsurmoiuneforced’attractionàlaquellejenepeuxpasrésister.

Son front se plisse, il baisse les yeux et tripote l’autre pansement orné d’un super-héros quirecouvreunegrandeestafiladesursongenou.

Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Vosgueules,putain!J’aienviedehurlerauxdémonsquisontdansmatête.Ilsn’ontaucundroitd’êtrelà…aucuneraison

desepresserautourdecetadorablepetitgarçon,etpourtantilsn’arrêtentpasdetournerautourcommeunmanège.Commemavoituredevraitlefairesurlapiste,encemoment.Alorspourquoiest-cequejem’avanceverscepetitgarçonmagnétiqueaulieudemeprépareràl’engueuladecarabinéequeBecksvamedéverserdessusetque,sij’enjugeàl’étatdemavoiture,jemériteamplement?

Etpourtant,jenepeuxpasrésister.Jefaisunautrepasverslui,lentementetavecdesgestesdélibérés,commejefaisaveclesgarçons

dufoyer.

Lesgarçons.Rylee.J’aibesoindelavoir.Jeneveuxplusêtreseul.J’aibesoindelatoucher.Jeneveuxplusêtrecetêtrecabossé.Pourquoi est-ce que je nage en pleine confusion ? Et pourtant, je fais encore un pas dans le

brouillardverscerayondelumièreinespéré.Soismonétincelle.–C’estungrosboboquetuaslà,ondirait…Ilrenifle.C’esttellementadorabledevoircegaminavecunvisageaussisérieux,quifroncesonnez

constellédetachesderousseurenmeregardantcommesij’étaisdébile.–Sansblague!Etpassalanguedanssapoche,enplus!Legenredegaminquimeplaît.Jeréprimeunpetitrire

alorsqu’ilregardepar-dessusmonépaulepourlatroisièmefois.Jecommenceàmeretournerpourvoircequ’ilregarde,maisilm’arrête.

–Tuvasbien?Heu?–Pourquoitudisça?–Tuvasbien?Tuasl’airplutôtcabossé.–Dequoituparles?Je fais unpas de plus vers lui.Mespensées fugaces sont brouillées par la gravité de sa voix et

l’inquiétudequiselitsursonvisage,toutçacommenceàmeperturber.–Ehbien,jetrouvequetuasl’airmalenpoint.Sondoigtrecouvertdupansementfaittournerl’héliceunefoisdeplus–tchac,tchac,tchac–avant

desebaladerdehautenbassurmoncorps.Un frisson d’angoisse court le long de ma colonne vertébrale jusqu’à ce que je regarde ma

combinaisondepiloteetquejevoiequ’elleestintacte.Jepasselesmainsdessuspourmerassurer.–Non.Jevaisbien,monpote.Tuvois?Pasdeproblème.Jepousseunsoupirdesoulagement.Cepetitconm’afaitpeur,uninstant.–Maisnon,idiot.Illèvelesyeuxaucieletsouffleavantdepointerledoigtderrièremoi.–Regarde.Jetedisquetuescassé.Sontoncalmemedéconcerte.Jemeretourne.Moncœurs’arrêtedebattre.Tchac.Monsoufflesebloquedansmapoitrine.Tchac.Moncorpssefigesurplace.

Tchac.Jeclignedesyeuxencoreetencorepouressayerderepousserlesimagesquiseprésententàmoi.La

scènemeparvientàtraversunbrouillardglauque.Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Bordel.Non.Non.Non.Non.–Tuvois.Jetel’avaisdit.Non.Non.Non.Non.L’air finit par sortir brutalement demes poumons. Jeme force à déglutir,mais j’ai l’impression

d’avoirdupapierdeverredanslagorge.Jesaisquejelevois–lechaosjustesousmesyeux–maiscommentest-cepossible?Commentest-

cequejepeuxêtreenmêmetempsicietlà?Tchac.Tchac.Tchac.J’essaiedebouger.Decourir,bordel!D’attirerleurattentionpourleurdirequejesuislà–queje

vaisbien–,maismespiedsrefusentd’obéiràlapaniquequifaitdesricochetsdansmoncerveau.Non.Jenesuispaslà-bas.Jesuisici.Jesaisquejevaisbien–quejesuisvivant–,jesensmon

soufflequisebloquedansmapoitrinequand je faisunpasenavantpourallervoirdeplusprès.Desfrissonsdepaniquemeparcourentlecuircheveluàcausedecequejevois…cen’estpasvrai…cen’estpaspossible,putain!

Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Lebourdonnementdelasciemedétournedemacolèrejustequandelleallaitexploser.L’équipede

secours découpe mon casque de pilote en deux. À l’instant où ils écartent les deux parties, j’ail’impressionquematêtevaexploser.Je tombeàgenoux, ladouleurestsiviveque je tends lesmainspourlacontenir.Ilfautquejelèvelesyeux.Quejevoiequiétaitdansmavoiture.Quejesache.Maisjenepeuxpas.J’aivraimenttropmal.

Jemedemandesionamalquandonmeurt…Jesursautequandjesenssamainsurmonépaule…dèsqu’elleseposedessus,ladouleurdisparaît.Qu’est-ce…?Jesaisquejedoisregarder.Ilfautquejevoiedemesyeuxquiestdanslavoiture,

même si au bout du compte je connais déjà la vérité. Des souvenirs incohérents se fracassent ets’éparpillentdansmonespritcommelesfragmentsdumiroirquiavoléenéclatsdansceputainderade.

Putaind’HumptyDumpty!Lapeursefraieuncheminle longdemacolonnevertébrale,s’y installeet irradiedans toutmon

corps.Jenepeuxpaslefaire.Jenepeuxpasleverlesyeux.Nejouepaslesmauviettes,Donavan.Aulieudeça,jeregardesurmadroite,danssesyeux,lecalmeinattendudanslatempête.

–Est-cequec’est…?Est-cequejesuis…?Quandj’interrogelepetitgarçon,monsoufflesecoincedansmagorge,l’appréhensiondecequ’il

varépondremelaissesansvoix.Ilsecontentedemeregarder–lesyeuxclairs,levisagegrave,leslèvresretroussées,lestachesde

rousseurquidansent–avantdeserrermonépaule.

–Àtonavis?J’aienviedelesecouerpourobteniruneréponse,maisjesaisquejeneleferaipas.Quejenepeux

pas.Avecluiàmescôtés,ici,aumilieudecechaosindescriptible,jenemesuisjamaissentiaussienpaix,etenmêmetempsaussieffrayé.

Jem’oblige à détacher les yeux de son visage serein pour regarder de nouveau la scène qui sedérouledevantmoi.J’ail’impressiond’êtredansunkaléidoscoped’imagesdissociéesquandjevoislevisage–monvisage,bordel!–surlacivière.

Moncœurs’effondre.Sepulvérise.S’arrête.Meurt.Spider-Man.Lapeaugrise.Lesyeuxgonflés,tuméfiésetfermés.Leslèvresmollesetdécolorées.Batman.Ma résistance rend les armes, le désespoirme consume, la vie bredouille et, pourtant,mon âme

s’accroche.Superman.–Non!Jehurledetoutesmesforces,àmecasserlavoix.Personneneseretourne.Personnenem’entend.

Personneneréagit–nimoncorpsnilestoubibs.Ironman.Lecorpssur lebrancard–moncorps–aunsursautquandquelqu’unsepenchesur lacivièreet

commencelemassagesurmapoitrine.Quelqu’unajustelaminerve.Soulèvemespaupièrespourvérifiermespupilles.

Tchac.Lesvisagessontinquiets.Lesregardsdéfaits.Lesgestesmécaniques.Tchac.–Non!Jecriedenouveau,lapaniqueserépanddanslamoindreparcelledemoncorps.–Non!Jesuisjustelà!Ici!Jevaisbien.Tchac.Leslarmescoulent.L’incertitudebégaie.Lespossibilitéss’éloignent.L’espoirimplose.Maviesebrouille.Monregardseconcentresurmamainquipenddelacivière,inerteetsansvie–uneuniquegoutte

desangtrouvesonchemin,lentement,jusqu’àlapointedemondoigt,avantqu’unenouvellepressionsurmapoitrinenelafassetombersurlesolendessous.Jemeconcentresurcefiletécarlate,incapablederegardermonvisagedenouveau.Jen’enpeuxplus.

Jenepeuxplussupporterderegarderlavies’écoulerdemoncorps.Jenepeuxplussupporterlapeur qui s’insinue dans mon cœur, l’inconnu qui s’immisce dans mon inconscient et le froid quicommenceàs’infiltrerdansmonâme.

–Aide-moi!

Jemetourneverslepetitgarçonàlafoissifamilieretsiinconnu.–S’ilteplaît…Jesupplie,j’imploreaveclerestedeviequej’aienmoi.–Jenesuispasprêtà…Jenepeuxpasfinirmaphrase.Lefairevoudraitdirequej’acceptecequisepassesurlacivière

devantmoi–cequesignifielefaitqu’ilsetrouveàcôtédemoi.–Non?Cesimplemotestleplusimportantdetoutemaputaindevie.Jeleregarde,fascinéparcequejelis

danslaprofondeurdesesyeux–lacompréhension,l’acceptation,lareconnaissance–,etj’aibeaunepasvouloirabandonner lesentimentque j’éprouvepour lui,cequ’ilmedemande–choisirdevivreoudemourir–estladécisionlaplusfacilequej’aiejamaiseuàprendre.

Etpourtant,ladécisiondevivre–dereveniretdeprouverquejeméritequ’onmedonnelechoix–signifiequejevaisdevoirquittercepetitvisageangéliqueetlasérénitéquesaprésenceapporteàmonâmetroublée.

–Est-cequejetereverrai?Jenesaispasd’oùvientcettequestion,maiselleestsortieavantquej’aiepul’arrêter.Jeretiens

marespirationenattendantsaréponse,espérantàlafoisunouietunnon.Ilinclinelatêtesurlecôtéetsourit.–Sic’estécritdanslescartes.Quellescartes,putain?Lescartesdequi?J’aienviedecrier.CellesdeDieu?Dudiable?Lesmiennes?Lescartesdequi,bonDieu?Mais

toutcequejedis,c’est:–Lescartes?–Ouais.Ilhochelatêteenregardantsonhélicoptère,puisrelèvelesyeuxversmoi.Tchac.Tchac.Tchac.Le bruit devient plus fort maintenant, noyant tous les autres bruits autour de moi, et pourtant je

continueà entendre son souffle. Jeperçois toujours lesbattementsdemoncœurdansmes tympans. Jecontinueàressentirlesouffledepaixquis’enrouleautourdemoncorpscommeunsoupirquandilposelamainsurmonépaule.

Toutàcoup,jevoisl’hélicoptèredesauvetage–LifeFlight–surleterrain,lebruitincessantdesrotors–tchac,tchac,tchac–quim’attend.Lebrancardpartenavantquandilssedirigentrapidementverslui.

–Tun’yvaspas?Jedéglutisavecdifficultéenleregardantetjefaisunpetitsignerésignédelatête.–Si…C’estpresqueunmurmure,lapeurdel’inconnuestperceptibledansmavoix.Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.

–Hé!Mon regard revient seposer sur sonputaindepetitvisageaux traitsparfaits. Ildésignedudoigt

l’activitéderrièremoi.–Ondiraitqu’ilssontvenus,tessuper-héros,finalement.Jemeretourne,lecœurauborddeslèvres,laconfusionannihilemesfacultésderaisonnement.Je

nelevoispastoutdesuite,lepilotemetourneledos,ilaideàchargermacivièreàborddel’hélicoptèresanitaire,maisquandilseretournepoursautersurlesiègedupiloteetprendrelemanche,touts’éclaire.

Moncœurs’arrêtedebattre.Etrepart.Unsoupirdesoulagementhésitanttraversemonâme.Lecasquedupiloteestpeint.Enrouge.Avecdeslignesnoires.LesignedeSpider-Manimprimésurledevant.Lepetitgarçonenmoiapplaudit.L’hommeenmois’effondre,soulagé.Jeme retourne pour dire au revoir au petit garçon,mais il n’est nulle part. Comment pouvait-il

savoirpourlessuper-héros?Jelecherchedesyeux–j’aibesoindesavoir–,maisiladisparu.Jesuistoutseul.Seul,maisaveclesoutiendeceuxquej’aiattendustoutemavie.J’aiprismadécision.Lessuper-hérosontfinipararriver.

1

Moncorpss’engourditlentement.Jesuisincapabledebouger,incapablederéfléchir,jenepeuxpassupporterl’idéededétacherlesyeuxdelavoiturefracasséesurlapiste.Sijeregardeailleurs,alorstoutcelavadevenirréel.L’hélicoptèrequivoleau-dessusdematêtetransporteraréellementlecorpsbrisédel’hommequej’aime.

L’hommedontj’aibesoin.L’hommequejenepeuxpasperdre.Je ferme les yeux pour écouter, mais je n’entends rien que le battement de mon sang dans mes

oreilles.Mesyeuxnevoientquedunoir,moncœurneressentriend’autrequelesimagesdissociéesquihantentmonesprit.MaxquisefondenColton,puisColtonquidisparaîtderrièreMax.Dessouvenirsquicréent des lueurs d’espoir auxquelles jeme raccroche comme à une planche de salut, qui vacillent ets’enflammentavantdes’éteindre,commel’obscuritéquiétouffelalumièredansmonâme.

Jetepilote,Ryles.Savoixsifermeetsipuissanterésonnedansmatêtepuissedissipe,nesefaisantplusentendreque

parintermittencedansmonespritcommeunebandedetéléscripteur.Jemepencheenavantenessayantdetoutesmesforcesdefairecoulerleslarmesquim’étranglent

oud’allumeruneétincelleenmoi,maisriennesepasse,hormisleplombquicoulegoutteàgouttedansmonâmeetdontlepoidsmecloueausol.

Jem’obligeàrespirertoutenessayantdemepersuaderquelesdernièresvingt-deuxminutesn’ontjamais existé.Que la voiture n’a jamais fait de tonneau ni voltigé sur elle-même dans l’air saturé defumée.Quelacarrosseriedelavoituren’apasétédécoupéepardestoubibsauvisagesombrepourenextrairelecorpssansviedeColton.

Nousn’avons jamais fait l’amour.C’est la seule pensée quime traverse l’esprit.Nous n’avonsjamaiseul’occasiondepiloterensembleaprèsqu’ilaenfinditlesmotsquej’avaisbesoind’entendre–etqu’ilafinalementacceptés,avouésetressentisparlui-même.

Jevoudraispouvoirremonterdansle tempsetretournerdanslasuiteà l’hôtel,quandnousétionsenlacés,danslesbrasl’undel’autre.Quandnousétionsconnectés–tropvêtuettropdévêtue–,maisla

visionépouvantabledelavoituredisloquéel’interdit.Pour la deuxième fois de ma vie, les traces dans ma mémoire sont si horribles qu’il n’est pas

possiblequemonespoirs’ensorteindemne.–Ry,jenemesenspastropbien,là.Cesont lesmotsdeMaxquipénètrentmonesprit,maisc’est lavoixdeColton.C’estColtonqui

m’avertitdecequivasepasser.Cequej’aidéjàvécuunepremièrefoisvasereproduire.OhmonDieu,non.Jevousenprie.Non.Moncœurseserre.Lecouragememanque.Desimagesmeparviennentauralenti.–Rylee,j’aibesoinquetuteconcentres.Regarde-moi!Les mots de Max, de nouveau. Je commence à m’effondrer, mon corps me lâche, mon espoir

s’envole,maisdesbraspuissantsserefermentautourdemoietmesecouent.–Regarde-moi!Non,cen’estpasMax.NiColton.C’estBecks.Jetrouvelaforcedemeconcentreretdeleregarder

danslesyeux–destachesbleuesavec,aucoin,desridesnouvellementapparues.J’yvoisdelapeur.–Ilfautqu’onailleàl’hôpital,maintenant,ok?Letondesavoixestdouxmaisferme.Ilal’airdepenserques’ilmeparlecommeàuneenfant,je

nevaispasvolerenéclats,contrairementàmonâme.Jeveuxparler,maisjen’arrivepasàavalerlesablequiencombremagorge,alorsilmesecoueune

nouvellefois.Onm’adépossédéedetoutesmesémotions,ilnerestequelapeur.Jehochelatête,maisjeresteimmobile.Lesilenceesttotal.Ilyadesdizainesdemilliersdepersonnesdanslestribunesquinousentourent,etpourtantpersonneneparle.Lesregardssontfixéssurl’équipedenettoyageetcequirestedesnombreusesvoituressurlapiste.

Jetendsl’oreillepourpercevoirunson.Poursentirunsignedevie.Rienquelesilenceabsolu.JesensqueBeckspasseunbrasautourdemoipourmesoutenirtandisqu’ilm’emmènehorsdelatourdecontrôledanslarangéedesstandsetm’aideàdescendrelesmarchespourm’entraînerverslaportièreouverte d’un van qui nous attend. Ilmepousse doucement les fesses pourme faire avancer comme sij’étaisuneenfant.

Ilseglisseàcôtédemoisur lesiègeetmefourremonsacetmonportabledans lesmainsavantd’attachersaceintureetdedire:

–Allons-y.Levanfaitunbondenavant,moncorpsestbrinquebalétandisqu’ontraverseleterrainintérieur.Je

regardeà l’extérieurquandnousentamons ladescentedans le tunnelet jenevoisquedesvoituresdecourse à l’arrêt, éparpillées sur la piste. Comme des bornes aux couleurs vives dans un cimetièred’asphaltesilencieux.

«Crash,crash,burn 1…»

Lesparolesdelachansonsortiesdeshaut-parleursflottentdanslesilencedemortquirègnedanslevan.Moncerveauengourdilesenregistreaveclenteur.

–Éteignezça!Jehurle,dansunétatdepaniquequej’essaiedemaîtriserenserrantlespoingsetlesdents,alors

quelesmotseux-mêmess’inscriventdanslaréalitéquej’essaievainementdeteniràdistance.L’hystériemontresonnez.–Zander.Zanderarendez-vouschezledentistemardi.Rickyabesoindenouveauxcrampons.Les

coursdesoutiend’AidencommencentjeudietJaxnel’apasnotésurlecalendrier.Je lève les yeux et je vois le regarddeBeckett fixé surmoi.Du coinde l’œil, je remarqueque

certainsmembresdel’équipesontassisderrièrenous,maisjenesaispascommentilssontarrivéslà.Ellecommenceàbouillonner.–Beckett, j’ai besoin demon téléphone.Dane va oublier, et Zander doit vraiment aller chez le

dentiste,etScooter…–Rylee.Ilm’interromptd’untoncalme,maisjesecouelatête.–Non!Non!Ilfautquej’aillecherchermontéléphone.Jecommenceàdétachermaceinture,siperturbéequejenemerendsmêmepascomptequeje le

tiens à la main. J’essaie de passer au-dessus de lui pour atteindre la portière coulissante du van enmouvement.Beckettessaiedésespérémentdemeprendredanssesbraspourm’empêcherdel’ouvrir.

Elledéborde.–Lâche-moi!Jemedébats.Jemetortilleetdonnedescoupsdepied,maisilréussitàmeretenir.–Rylee.Letonbrisédesavoixs’accordesibienaveccequejeressensquej’arrêtederésister.Jem’effondresurmonsiège,maisBeckettcontinuedemeserrercontrelui,aussiessouffléquemoi.

Ilmesaisitlamainetlaserredoucement,leseulsignededésespoirquitransparaîtsoussonapparencestoïque,maisjen’aimêmepaslaforcederépondreàsongeste.

Lemondeautourdenoussebrouille,maislemienaarrêtédetourner.Ilestétendusurunbrancardquelquepart.

–Jel’aime,Beckett.Jesuispousséeparlapeur…–Jesais.Unsouffletremblants’échappedeseslèvresetilm’embrassesurlesommetducrâne.–Moiaussi,jel’aime.parl’énergiedudésespoir…–Jeneveuxpasleperdre.Mavoixestàpeineaudible,commesilefaitdeprononcerlesmotsallaitprovoquerlepire.précipitéedansl’inconnu.

–Moinonplus.

***

Lesouffledesportesautomatiquesdesurgencesmeparalyse.Jemefigesurplace.Ce bruit ravive les souvenirs qui me hantent, et le blanc immaculé des couloirs fait tout sauf

m’apportercalmeetsérénité.C’estétrangequel’imagequimerevientàl’espritsoitledéfilédesnéonsauplafond–laseulechosesurlaquellejepouvaismeconcentrerquandonpoussaitmonbrancardàtoutevitessedanslecouloir–,lejargonéchangérapidementparlesmédecins,lespenséesincohérentesquisemélangent,etpendanttoutcetempsmasuppliquepourqueMax,quemonbébé,quel’espoirsurvivent.

–Ry?LavoixdeBeckettmesortde l’étatdepaniquequim’étrangleetdessouvenirsquim’empêchent

d’avancer.–Tuveuxbienentrer?Ladouceurdesavoixserépandsurmoicommeunbaumesurmesblessuresouvertes.Leréconfort

qu’ellem’apportemedonneenviedepleurer.Leslarmesbloquentmagorgeetmebrûlentlesyeux,maisrefusentdecouler.

Jeprendsuneinspirationénergiqueetjem’obligeàmettreunpieddevantl’autre.Beckettmepasseunbrasautourdelatailleetm’aideàfairelepremierpas.

Jerevoislevisagedumédecin.Stoïque.Impassible.Ilhochaitlatête,s’excusantduregard,lecorpscourbé sous lepoidsde ladéfaite. Jeme rappelleàquelpoint j’avaisenviede fermer lesyeuxetdem’échapperpourtoujours,moiaussi.Lesmots«jesuisdésolé»quisortaientdesabouche.

Non,non,non.Jeneveuxpasentendrecesmotsànouveau.Jenepourraipasentendrequelqu’unmedirequej’aiperduColton,surtoutjusteaumomentoùnousvenionsdenoustrouver.

Jegardelatêtebaissée.JecomptelesdallesdeplastiquesurlesoltandisqueBeckettm’emmènedanslasalled’attente.Ilmesemblequ’ilmeparle.Àmoinsquecenesoitàuneinfirmière?Jenesaispas trop, jen’arriveàmeconcentrerquesur l’effortque jedois fournirpour repousser les souvenirs.Repousser le désespoir pour que, peut-être, une petite lueur d’espoir puisse se faufiler dans l’espaceainsilibéréetprendresaplace.

Jem’assiedsàcôtédeBeckettetjeregardemachinalementletéléphonequinecessedevibrerdansmamain.J’aiunefouledetextosetd’appelsd’Haddie,maisjesuisincapabledeluirépondre,mêmesije saisqu’elledoitêtremorted’inquiétude.Celamedemanderait tropd’efforts, là toutde suite.C’esttrop,toutsimplement.

J’entendscrisserdeschaussuressurlelinoquandd’autrespersonnesarriventderrièrenous,maisjen’aid’yeuxquepourlelivrepourenfantposésurlatabledevantmoi.TheAmazingSpider-Man.Monespritvagabonde,sefixe,seconcentre.Coltona-t-ileupeur?Savait-ilcequisepassait?A-t-ilinvoquél’incantationdontilaparléeàZander?

Cettepenséemetue,etpourtantmesyeuxrestentsecs.

Des chaussons de chirurgien apparaissent dans ma ligne de vision. J’entends qu’on s’adresse àBeckett.

– Le spécialiste a besoin de connaître exactement la trajectoire de l’impact pour que nouscomprenionsmieuxlescirconstancesdel’accident.Nousavonsessayédetrouverlereportageenreplay,maisABCaarrêtédelediffuser.

Non,non,non.Jehurleetlesmotsrésonnentdansmatête,maispourtantlesilencem’étouffe.–Onm’aditquevousseriezlapersonnelaplussusceptibledelesavoir.Beckett change de position à côté de moi. Quand il commence à parler, sa voix est si chargée

d’émotionquej’enfoncemesdoigtsdansmescuisses.Ilseraclelagorge.– Il a heurté la glissière de sécurité à l’envers… je crois. J’essaie deme représenter la scène.

Attendez.Il se prend la tête dans lesmains, semasse les tempes et soupire en essayant de rassembler ses

idées.–Oui.Lavoitureétaitsurletoit.L’aileronaheurtélehautdelabarrièredesécuritéalorsquele

nezdelavoitureétaitleplusprèsdusol,lemilieudelavoiturecontrelabarrièreenbéton.Lavoitures’estdésintégréeautourdel’habitacle.

J’entendsencorelesmilliersdepersonnesquiretiennentleursouffleenmêmetemps.–Est-cequevouspouveznousdirecommentilva?demandeBeckettàl’infirmière.Lebruitcaractéristiquedumétalquicèdesouslapression.–Pasencore.C’esttroptôtpourseprononcer,nousnevoulonsriennégliger…–Est-cequ’ilsera…–Nousvoustiendronsaucourantdèsquenousseronsenmesuredelefaire.L’odeurdecaoutchoucbrûlésurl’asphalterecouvertd’huile.Nouveaux crissements de chaussures.Murmures et chuchotements. Beckett soupire et se frotte le

visageavantquesesdoigtstremblantsneviennentcherchermamainagrippéeàmacuisseetlaprennentdanslasienne.

Lepneusolitairetraversantl’herbeenroulantpourrebondirsurlabarrièreduterraincentral.S’il teplaît, fais-moiunsigne.Quelquechose.N’importequoi.Untoutpetitsignederiendutout

pourmediredem’accrocheràl’espoirquimeglisseentrelesdoigts.Dessonneriesdetéléphonesportablesrésonnentsurlesmursstérilesdelasalled’attente.Encoreet

encore.Commelesbipsdumonitoringquiarriventjusqu’ànous.Chaquefoisqu’ilyenaunquisetait,unepetitepartiedemoisetaitaussi.

Àcôtédemoi,Becksaunpetithoquetavantd’émettreunsanglotétrangléquimefrappecommeunouraganmettantenpiècesleméchantsacenpapierdanslequeljeconservemoncourageetmafoi.Ilabeaufaire,seseffortspourcontenirlacrisedelarmesquilemenacerestentvains.Lechagrinestleplusfort,leslarmescoulentsursesjouesensilenceetcelamedévastedevoirs’effondrerl’hommequimecommuniquaitsaforce.Jefermelesyeuxetjem’ordonnederesterfortepourBeckett,maiscequ’ilm’a

dit hier soir me revient en boucle. Je secoue la tête d’avant en arrière, en proie à la panique et àl’incrédulité.

–Jem’enveuxtellement.Tellement.Toutestdemafaute.Beckettresteinterdituninstantavantd’essuyerseslarmesaveclapaumedesesmains.Etcegeste

derepousserseslarmes,commeunpetitenfantquiahontedepleurer,meserrelecœurencoreplus.Jenepeuxempêcherlapaniquedem’envahirquandjemerendscomptequec’estàcausedemoi

queColtonestici.Jel’airejetéetjen’aipasvoululecroire,jel’aifatiguélaveilled’unecourse,ettoutçaàcausedemonobstinationetdemapeur.

–C’estmoiquiluiaifaitça.Cesmotsmetuent.Déchirentmonâme.Beckettlèvesesyeuxrougisparlechagrin.–Dequoiest-cequetuparles?Ilsepencheversmoi,scrutantmonregardavecperplexité.–Toutça…Lesoufflememanqueetjemarqueunepause.–Jeluiaiprislatêtecesdeuxderniersjoursettum’asditquesijelefaisais,jeseraisresponsable

etjen’auraisqu’àm’enprendreàmoisi…–Ryl…–Etjemesuisengueuléeaveclui,etjel’aiquitté,etnousavonsveillésupertard,etilestmonté

danscettevoiture,fatiguéàcausedemoi,et…–Rylee!Malgréletonsévèredesavoix,jecontinueàhocherlatête,lesyeuxbrûlants,incapabledecontenir

mesémotions.–Cequiestarrivén’estpasdetafaute.Jesursautequandilmeprenddanssesbrasetmeserrecontrelui.Jeposemespoingsserréscontre

sacombinaisondepiloteautissurugueuxquifrottesurmajoue.–C’étaitunaccident.Iln’apaspul’éviteràcausedumanquedevisibilité.Cesontlesrisquesdela

courseautomobile.Tun’yespourrien.Savoix sebrise surma surdité. Ilm’entourede sesbras, ilm’emprisonne, la claustrophobieme

gagne.L’étouffementmetientdanssesgriffes.Jemelèvebrusquement,ilfautquejebouge,pourlibérermonâmedumalaisequilaronge.Jefais

lescentpasd’unboutàl’autredelasalled’attente.Quandjepassepourladeuxièmefois,lepetitgarçonassis dans le coin se lève précipitamment pour prendre un crayon de couleur. Les lumières sur seschaussureslancentunéclairrougeetattirentmonattention.Jeplisselesyeuxpourregarderdeplusprès,pourvoirletrianglerenverséavecunSaucentre.

Superman.Le nom volette dans mon inconscient, mais mon attention est attirée par la télévision quand

quelqu’unchangedechaîne.J’entendslenomdeColtonetjeretiensmarespiration,j’aipeurderegarder

mais,enmêmetemps,j’aienviedevoircequ’ilsmontrent.Ondiraitquetoutelasalleselèveetsedéplacecommeunseulhomme.Unemassedecombinaisons

rouges,devisagesravagésparl’émotion,seconcentresurl’écran.Lecommentateurditqu’unaccidentainterrompulacoursependantplusd’uneheure.Àl’image,aumilieud’unnuagedefumée,desvoituresroulentenzigzagpours’éviterlesuneslesautres.L’angledevueestdifférentdeceluiquenousavionssurlapisteetonvoitmieux,maisquandlavoituredeColtonarrivedanslevirage,lereportages’arrête.Toutes lesépaulesautourde la télévisions’affaissentquand l’équipecomprendquecequ’onattendaitavecangoisseneserapasmontré.Lereportages’arrêtesurlecommentateurdisantqueColtonestencemomentmêmesoignéàl’hôpitalBayfront.

Jerevoissoncorpsinertesurlacivière,celuideMaxdanssonsiègeàcôtédemoi.Lasimilitudedesdeuxscènesmecoupelesouffle,ladouleurnecesserajamais.Lessouvenirssetélescopent.

Aumomentoù jeme retourne, lesWestinentrentdans la salle.LamèredeColton,d’habitude sinobleetimposante,semblepâleetdésemparée.J’avalemasaliveavecdifficulté,incapablededétachermesyeuxdutrio.Andylasoutientdélicatement,guidantsespasversunsiège,tandisqueQuinlanluitientlamaindel’autrecôté.

BeckettseprécipiteverseuxpourserrerDorotheadanssesbras,puisilétreintQuinlan,brièvementmaisavecuneaffectionsincère.Andytendlesbraset leserrecontreluipluslongtemps,dansungesteempreintd’unetristessedéchirante.Unsanglotétoufféparvientjusqu’àmoietjemanquem’effondrerenl’entendant.

LascènequisedérouledevantmoimerenvoieauxobsèquesdeMax–uncercueilroseminiaturereposantsuruncercueilnoirdetaillenormale,lesdeuxrecouvertsderosesrouges–etmerappellecesmotsquejeneveuxplusentendre:lapoussièreretourneàlapoussière.Merappellelesétreintesvidesetcreusesquinevousapportentaucunréconfort.Cellesquivouslaissentàvifquandvousavezdéjàétédépouilléedetout.Jerecommenceàfairelescentpasaumilieudesmurmures.

–Combiendetempsavantqu’ilsfassentuncommuniqué?Les visages, d’ordinaire si forts et énergiques, sont plissés par l’inquiétude.Et quandmes pieds

s’arrêtent,jemetrouvefaceàAndyetDorothea.Nous nous contentons de nous regarder, nos visages reflétant la même incrédulité et la même

angoisse,jusqu’àcequeDorotheametendeunemaintremblante.–Jenesaisque…jesuissidésolée…Jesecouelatêtetandisquelesmotsmefontdéfaut.–Noussavons,machérie.Ellem’attiredanssesbrasets’accrocheàmoi,etnousnoussoutenonsmutuellement.–Noussavons.–Ilestcostaud.C’est tout ce qu’Andy parvient à dire en me passant la main dans le dos pour essayer de me

réconforter.Maisça–embrassersesparents,etnous tousquinousréconfortons lesuns lesautres, les

jouesmouilléesdelarmesetlessanglotsétouffés–toutcelarendleschosestropréelles.Monespoirquetoutnesoitqu’unmauvaisrêveestmaintenantréduitànéant.

Je recule en titubant et j’essaie de me concentrer sur quelque chose, n’importe quoi, pourm’empêcherdecraquer.

Mais je revois le visage de Colton. Cet air de certitude absolue quand, debout au milieu del’agitationdesonéquipe–cettemêmeéquipequiestmaintenantassiseautourdemoi,lestêtesdanslesmains, les lèvres serrées, les yeux fermés pour prier –, il a avoué ses sentiments pour moi. Je doism’arrêterpouressayerderetrouvermonsouffle.Ladouleurquiirradiedansmapoitrine,dansmoncœur,refusedesedissiper.

Jesuisdenouveauattiréeparlatélévision.Quelquechosememurmureàl’espritetjemeretournepourregarder.Surl’écranapparaîtunmobilehomequivaservirpourlenouveaufilmdeBatman.Monespoirrenaîtetmonespritremontedanssesprofondeurs,revenantàcequis’estpassédansl’heurequivientdes’écouler.

LelivredeSpider-Mansurlatable.LeschaussuresSuperman.LefilmdeBatman.J’essaiederesterrationnelle,demedirequecen’estqu’unecoïncidence–quedevoirtroisdesquatresuper-hérosestlefruit du hasard. J’essaie demedire qu’ilme faut le quatrièmepour y croire.Qu’il faut Ironmanpourcompléterlecercle–pourquecesoitlesignequeColtonvas’ensortir.

Qu’ilvamerevenir.Je commence à chercher, je regarde autour de la pièce tandis que l’espoir renaît et s’apprête à

fleurir,siseulement j’arriveà trouver lederniersigne.J’ai lesmainsqui tremblent,monoptimismesecachesouslasurface,n’osantpasreleversatêteexténuée.

J’entendsunbruitdanslecouloir–unevoix–quienflammetouteslesémotionsquifrémissentenmoi.

Immédiatement,jesuisauborddel’explosion.Descheveuxblondsetdelonguesjambespassentlaporteetilm’importepeuquesonvisagemontre

autant de désespoir et d’inquiétude que ce que je ressens moi-même. Toute ma douleur, toute monangoisseserebiffentetclaquentcommeunélastiquetenduaumaximum.

Oucommeuncoupdetonnerre.Enunéclair,jesuisdel’autrecôtédelapièce,lestêtesserelèventbrusquementaugrondementque

jelibèredansmonsillagechargédefureur.–Dehors!Jehurle,parcouruedetantd’émotionsquejeneressensplusqu’uneconfusionincontrôlable.Tawny

relèvelatêteprécipitammentetmejetteunregardalarmé,seslèvresbotoxéesformantunOparfait.–Espècedegarceintrigan…Beckettmesaisitbrutalementdanssesbraspar-derrièreetmeplaquecontrelui.–Lâche-moi!Jemedébats,maisilmeserreplusfort.–Lâche-moi!

–Laissetomber,Ry!Ilgrogneenmetenantimmobilisée,savoixtraînantemaisfermecingleàmonoreille.–Tu feraismieuxd’économiser toute cette fougueet cette énergie, parcequeColtonva enavoir

fichtrementbesoin,tupeuxmecroire.Ses paroles font mouche, me pénètrent par tous les pores et font redescendre ma poussée

d’adrénaline.J’arrêtedemedébattre,sesbrassontcommeunétauautourdemoi,etjesenslachaleurdesonsoufflesurmajoue.

–Ellen’envautpaslapeine,d’accord?Jenetrouvepaslesmots–jenecroispasêtrecapabledelamoindrecohérenceencemoment–

alorsjemecontentedehocherlatêteetjem’obligeàmeconcentrersurunetachesurlesoldevantmoi,plutôtquesurlesjambesfuseléessurmadroite.

–Tuessûre?Ilmelâchelentement,passedevantmoietm’obligeàleregarderdanslesyeuxpourvoirsijevais

tenirparole.Jememetsàtrembler,enproieàunmélangedecolère,dechagrinetd’incertitude.Jerespireavecdifficulté,mespoumonsmefontmalchaquefoisquej’essaie.C’estleseulsignedu

troublequim’agitequand jevois lagentillessemêléed’inquiétudedans lesyeuxdeBeckett.Celameculpabilisequ’ilessaiedeprendresoindemoialorsqu’ilaimeColtonetquel’angoisselemineautantquemoi, aussi jeme force à hocher la tête. Il fait demême avant de se retourner, s’interposant entreTawnyetmoi.

–Becks…Ellesoupireetlesimplesondesavoixmetapesurlesnerfs.–Pasunmotdeplus,Tawny,putain!La voix de Beckett est basse et retenue, audible seulement de nous trois, malgré les nombreux

regardsattentifsquisemblentattendrel’affrontement.JevoisAndyquiselèveàl’autreboutdelapièce,essayantdecomprendrecequisepasse.

–Laseule raisonpour laquelle j’accepteque tu restes…Woodvaavoirbesoinde toussesamispourlesoutenirs’il…

Ils’étrangle.–…quandilvasortirdelà…ettuenfaispartie,mêmesi,pourl’instant,aprèslecoupquetuas

montéentreluietRy,amiestunbiengrandmotpourparlerdetoi.LesparolesdeBecksnemanquentpasdemesurprendre.Tawnyrépondparunpetitmurmureévasif

avantque lesilencene s’installe,momentanément…quand soudain j’entendsqu’elle semet àpleurer.Des pleurnicheries silencieuses qui fissurent ma maîtrise de moi que la voix de Beckett n’avait pasébranlée.

Etjecraque.Lapromessequej’aifaiteàBeckettd’économisermesforcess’envoleaumêmetitrequemaretenue.

–Non!

Jehurleenessayantd’écarterBeckettetjeprendsmonélan.–Tun’asaucundroitdepleurerpourlui!Tun’aspasledroitdepleurerpourl’hommequetuas

essayédemanipuler!Desbrasserefermentsurmoipourm’empêcherdelafrapper,maisjem’enfiche,jesuisailleurs.–Sorsd’ici!Jecried’unevoixtremblantetandisqu’onmetireloindesonvisageahuri.–Non!Lâchez-moi!–Chut,chut!C’est la voix d’Andy, ce sont le bras d’Andy qui me serrent, essayant de me calmer et de me

maîtriserenmêmetemps.Et laseulechoseà laquelle jepense–à laquelle jemeraccrochealorsquemon cœur bat à se rompre et quemon corps tremble de colère –, c’est que j’ai besoin d’unarrêt austand.IlfautquejeretrouveColton.J’aibesoindeletoucher,delevoir,pourapaiserletumultedemonâme.

Maisjenepeuxpas.Ilest là,quelquepart,monvoyourebelle, incapablede laisserpartir lepetitgarçonbriséen lui.

L’hommequivientjustedecommenceràguérirestdenouveaubrisé,etj’encrèvedenepasêtrecapabledeleréparer.Depenserquemesmurmuresd’encouragementetquemapatiencenaturelleneserontpascapables de réparer le corps immobile et sans réaction qu’on a chargé sur ce brancard et transportéprécipitammentderrièrecesmurs–siprocheetpourtanttellementloindemoi.Qu’ildoives’enremettreàdesétrangerspourlerépareret leguérir,maintenant.Desétrangersquin’ontpaslamoindreidéedutissucicatricielinvisiblequiesttoujourslà,souslasurface.

D’autresmainssetendentpourmetoucheretmecalmer,cellesdeDorotheaetdeQuinlan,maiscenesontpascellesquejeveux.CenesontpascellesdeColton.

Etsoudain,unepenséeterrifiantemefrappe.ChaquefoisqueColtonestàproximité,jeressenscefrémissement–cebourdonnementquimeditqu’ilestàportéedemain–maislà,jenesensriendutout.Jesaisqu’ilestphysiquementproche,maissonétincelleestabsente.

Soismon étincelle, Ry. J’entends sa voix le dire, j’ai encore le souvenir de son souffle surmapeau…maisjenelesenspas,lui.

–Jenepeuxpas!Jecrie.–Jenepeuxpasêtretonétincellesijenesenspaslatienne,alorsnet’avisepasdet’éteindredans

mondos.Je me fiche d’être dans une pièce avec tous ces gens, que Dorothea me fasse pivoter pour me

prendredanssesbras,parcequejenem’adressequ’àuneseulepersonne,quinepeutpasm’entendre.Jelesais,etcelamedésespèreetconsumelespartiesdemoiquinesontpasglacéesd’effroi.JeserrelespoingsdansledosdeDorothea,jemeraccrocheàelletoutensuppliantsonfils.

–Net’avisepasdemourirdansmondos,Colton!J’aibesoindetoi,bonsang!Jecriedanslesilenceaseptisédelasalled’attente.

–J’aitellementbesoindetoiquejemeursici,encemomentsanstoi!Mavoixsebrise,toutcommemoncœur,etbienquelesbrasdeDorothea,lesmurmuresétouffésde

Quinlanetladéterminationsilencieused’Andymeviennentenaide,c’esttroppourmoi.Jelesrepousseetlesregardefixementavantdetituberàl’aveuglettedanslecouloir.Jesaisqueje

pète les plombs. Je suis si engourdie, si creuse, que je n’ai même plus l’énergie d’argumenter avecBeckettetderallumerlahainequej’éprouvepourTawny.SijesuisresponsabledufaitqueColtonseretrouveici,alorsc’estsûrqu’elleasapartderesponsabilitéelleaussi,putain!

Jetournedanslecouloirpourchercherlestoilettesetjedoismepousserpouravancer.Jem’appuiedes deux mains sur le mur pour me soutenir, sinon je vais m’effondrer. Je me rappelle que je doisrespirer, jem’ordonnedemettreunpieddevant l’autre,mais c’est presque impossiblequand la seulechosequioccupemonesprit,c’estquel’hommequej’aimesebatpourresterenvieetquejenepeuxrienfaire,putain.Jesuisnulleetimpuissante.

Jesuisentraindemouriràl’intérieur.Mes mains, qui me guident, tombent sur une porte et j’entre en titubant dans le cabinet le plus

proche, contente du silence accueillant des toilettes désertes. Je déboutonnemon short et quand je ledescendssurmeshanches,jesaisisauvollemotifàdamiersurmaculotte.Moncorpsesttentédetoutlaissertomber,deselaisserglissersurlesoletdesombrerdansl’oubli,maisjenelefaispas.Aulieudeça,mesmainss’agrippentauxpassantsdelaceinturedemonshortquipendtoujourssurmeshanches.Jen’arrivepasàreprendremonsouffleassezvite.Jecommenceàhyperventileretlatêtemetourne,alorsj’appuielesmainssurlemur,maisrienn’yfaitetlacrisedepaniquemetombeviolemmentdessus.

Jepeuxtegarantirqueça,c’estundrapeauàdamierquinerisquepasdem’échapper.Lesouvenirdesavoixmefaitplaisir. Je laissecegrondementpénétrerenmoicomme leciment

dontj’aibesoinpourfairetenirensemblelesmorceauxdemonêtrebrisé.Monsouffles’échappedemeslèvresenvoluteshachéestandisquej’essaiedemeraccrocheràcesouvenir–cesourireincroyableetl’espiègleriegaminedanssesyeux–avantqu’ilnem’embrassepourladernièrefois.Jeportelesdoigtsàmeslèvrespouressayerdemeconnecteraveclui,l’angoissedel’incertitudepèselourdsurmoncœur.

–Rylee?Lavoixmeramènebrutalementaumomentprésentetjeveuxqu’elles’enaille.Jeveuxqu’elleme

laisseaveclesouvenirintactdelachaleurdesapeau,dugoûtdesonbaiser,desacaressedominatrice.–Rylee?Onfrappesurlaporteducabinet.–Mmm-hmm?C’est tout ce que j’arrive à prononcer, parce que ma respiration est toujours laborieuse et

irrégulière.–C’estQuin.Savoixestdouceetmalassurée,etcelamefaitmald’entendresafêlure.–Ry,jet’enprie,sors…

Je tends lamainpour déverrouiller la porte, elle la pousse etme regardebizarrement, ses jouesinondées de larmes et de coulures de mascara reflètent le désespoir qui se lit dans ses yeux. Elleretrousseles lèvresetéclated’unriresiprochedel’hystériequelorsqu’ilrésonnecontre lecarrelagedesmurs,jen’entendsqueledésespoiretlapeur.Ellemontredudoigtmonshortbaisséetmaculotteàdamieretritdeplusbelle,lestracesdelarmesencorehumidessursesjouescontrastentétrangementaveclesonquisortdesabouche.

Jememetsàrireavecelle.C’estlaseulechosequejepeuxfaire.Meslarmesrefusentdecouler,mapeurnediminuepasetmonespoirvacille,maislerires’échappedemeslèvres.Çanevapasdutout.Riennevaet,immédiatement,Quinlan–lamêmejeunefemmequim’adétestéeaupremierregard–meprend dans ses bras tandis que son rire se transforme en sanglots. En hoquets déchirants de terreurincontrôlée.Soncorpsfluetsemetàtrembleràmesurequesonangoisses’intensifie.

–J’aisipeur,Rylee.C’est laseulechosequ’elleparvientàdireentresessanglots,maisellen’apasbesoind’endire

plusparcequejeressensexactement lamêmechose.Sonattitudedéfaite, l’intensitédesonchagrin, laforcedesonétreintereflètententoutpointlapeurquejen’arrivepasàexprimer,alorsjemeraccrocheàelledetoutesmesforces,j’aiplusquetoutbesoindecetteproximité.

Jelaserredansmesbrasetjelacalmeautantquejepeux,essayantdemeperdredanscerôledeconseillère que je connais par cœur. C’est tellement plus facile de soulager la peine des autres qued’affronterlasienne.Elletentedes’écarter,maisjenepeuxpaslalâcher.C’estau-dessusdemesforcesdesortird’icietd’attendrequelemédecinvienneannoncerdesnouvellesquejesuisterrifiéeàl’idéed’entendre.

Jerattachemonshortetjemeregardedanslemiroir.Jevoisdansmesyeuxdanserlessouvenirsquimehantent.Jerevoisenpenséeunrétroviseurbrisé,lesoleilquisereflètesursesbordsconstellésdesangtandisqueMaxpoussesonderniersoupirdansungargouillis.

Et puismon esprit s’accroche à un autre souvenir, plus heureux celui-là et dans un autremiroir.Celui qui a servi dans le feu de la passion à démontrer pourquoi je comble Colton.Pourquoi il mechoisit,moi.

–Allez,viens.Quinlaninterromptmatranseenmelâchantpourpasserunbrasautourdemataille.–Jeveuxêtrelàsilemédecinfaituncommuniqué.

1.«Fracasse-toi,fracasse-toi,brûle…»(NdT)

2

Letempss’étire.Chaqueminutedureuneheure.Etchacunedestroisheuresquiviennentdes’écouleraduréuneéternité.Àchaquesouffledelaporteautomatique,noussursautonsavantdenousrenfoncerdansnossièges.Lacorbeilledébordedegobeletsdepolystyrènevides.Lesfermeturesdescombinaisonsdepilotesontétébaisséeset lesmanchesaccrochéesautourde la tailleàmesureque l’atmosphèrede lapièce devenait plus étouffante. Les sonneries des téléphones portables retentissent sans arrêt, tout lemondevientauxnouvelles.Maisiln’yatoujoursriendenouveau.

Beckett est assis avec Andy. Dorothea est entourée de Quinlan et de Tawny. La salle d’attentebruisse de murmures étouffés et la télé sert d’arrière-plan à mes pensées. Je suis assise à l’écart etj’appréciecettesolitudeentrecoupéedesseulstextosd’Haddie,commeçajen’aipasàréconforterniàêtreréconfortée–etlaschizophréniedansmatêtenefaitqu’augmenteràchaquesecondequipasse.

Monestomacsesoulève.J’aifaim,maislaseuleidéedemangermedonnelanausée.Moncœurbatàserompre,maisj’aimecettedouleur,j’aimecescoupsredoublésquejecomptepouressayerdefaireavancerletemps.Oudeleralentir–seloncequiestmieuxpourColton.

Lebipélectroniquedelaporte.Lecrissementdeschaussures.Jen’ouvremêmepaslesyeuxcettefois.

–JeviensvousdonnerdesnouvellesdeMonsieurDonavan.La voix me fait sursauter. On entend des frottements de pieds quand les mecs se lèvent, et une

angoissesourdeserépanddanslapiècedansl’attentedecequivaêtredit.La peur s’empare demoi. Je vaism’effondrer. Je suis pétrifiée sur place par lesmots qui vont

passerceslèvres.Jemeforceàavalermasalive,paralyséeparl’appréhension.Lesmainscrispéessurlescuisses,j’enfoncelesdoigtsdansmapeaunueenespérantqueladouleur

vaeffacerlessouvenirs.Pourempêcherlepassédeserépéter–d’échangerunevoituredétruitedansunaccidentavecl’hommequej’aimeàl’intérieurcontreuneautre.

Lemédecins’éclaircitlavoixetjeretiensmonsouffle–jeprie,j’espère,toutestbonpouravoirquelquechoseàquoimeraccrocher.

–Jepeuxvousdirequetouslesexamensnesontpasterminésàcestade,maisd’aprèscequenousavons pu voir, il apparaît clairement queMonsieur Donavan a subi une blessure due à une brusquedécélérationquiaprovoquélaruptured’unorganeinternequandilaviolemmentpercutélabarrièredesécurité.Lablessureestprovoquéeparl’arrêtbrutalducorpsalorsquelesorganesinternescontinuentàbougersousl’effetdelaforced’inertie.D’aprèscequenouspouvonsdire…

–End’autrestermes?J’aichuchoté.J’essaiedecomprendrelejargonmédical,jesaisquesijen’étaispasnoyéedansce

brouillardd’incertitude,celanemeposeraitpasdeproblème.Ilsetaitenentendantmoncommentaireetbienquejen’arrivepasàleregarderdanslesyeux,jerépèteplusfort:

–End’autrestermes,Docteur?Lapeurmesubmerge.Jelèvelesyeuxprudemment,toutel’équipesetourneversmoitandisqueje

leregardefixement.–Noussommestoustrèsinquietsetvous,voussavezdequoivousparlez,maislaterminologieque

vous utilisez nous fiche une trouille bleue…nous sommes trop désemparés pour intégrer tout ça pourl’instant…l’attentenousaparuinfinimentlonguependantquevousétiezaveclui…alorssivouspouvieznousdireleschosessimplement?

Ilmesouritgentiment,maissonregardestgrave.–QuandColtonapercutélemur,lavoitures’estarrêtéenet,maissoncerveauaétéprojetécontre

laparoidesaboîtecrânienne.Heureusement ilportaitunsystèmeHANS 1quiaprotégésesvertèbrescervicales,maislablessuren’enestpasmoinssérieuse.

Moncœurs’emballeetj’aidumalàrespirerenpensantàtouteslesconséquencespossibles.–Est-cequ’il…?Andy passe devantmoi et fait face aumédecin pour poser la question qu’il n’a pas la force de

terminer.Lesilences’installedanslapièceetlesbruitsdepiedss’arrêtenttandisquenoussommestoussuspendusauxlèvresdumédecin,dansl’attentedesaréponse.

–MonsieurWestin,jesuppose?LemédecintendlamainàAndyquiacquiesced’unsignedetête.–JesuisledocteurIrons.Jenevaispasvousmentir…votrefilsafaitdeuxarrêtscardiaquesdurant

letransport.J’ail’impressionquemonâmemelâchequandj’entendscesmots.Nemequittepas.Jet’ensupplie,nemequittepas.Jevoudraisquecesmotsaillentjusqu’àlui,oùqu’ilsetrouvedansl’enceintedel’hôpital.AndytendlebraspourserrerlamaindeDorothea.–Nousavonsréussiàlestabiliserauboutd’unmoment,cequiestbonsigne,carnousavonscraint

unerupturede l’aorteétantdonnélaviolenceduchoc.Aumomentoùjevousparle,noussavonsqu’ilsouffred’unhématomesous-dural.

Ledocteurlèvelesyeux,etnosregardssecroisentavantqu’ilpoursuive.

–Celasignifiequedesvaisseauxsanguinssesontrompusetquelazonequiséparesoncerveaudesoncrâne se remplitde sang.La situationestdoubleparceque lecerveaudeColtonenfleàcausedutraumatismecrééparlechoccontrelaboîtecrânienne.Enmêmetemps,lesangquis’accumulecréeunepressionsursoncerveauparcequ’iln’apasdemoyensdes’évacuerpourlarelâcher.

LedocteurIronsscrutelesregardsdel’équipequil’entoure.–Encemoment,ilestplutôtstable,alorsnouslepréparonspourl’opération.Ilestindispensable

quenousintervenionspourrelâcherlapressionsursoncerveauettenterderéduirel’œdème.DorotheatendlebrasversAndyets’accrocheàluipourqu’illasoutienne,l’évidencedesonamour

inconditionnelpoursonfilsmebouleverse.–Combiendetempsvadurerl’opération?Est-ilconscient?A-t-ild’autresblessures?Beckettparlepourlapremièrefoisetbombardelemédecindesquestionsquenousavonstousen

tête.LedocteurIronsdéglutitetjointlesdoigtsdevantsonvisageenregardantBeckettdanslesyeux.–Lesautresblessures sontminimespar rapport àcellede la tête. Iln’apas reprisconnaissance

pour l’instant. Ilétaitdansunétatcomateuxcaractéristiquedecegenredeblessures– ilmarmonnedefaçon incohérente, il se débat par accès sporadiques. Pour le reste, nous en saurons plus quand nousouvrironspourvoirl’importancedusaignementdanslaboîtecrânienne.

Beckettrelâchelesoufflequ’ilretenaitetjevoissesépauless’affaisser,maisjenesaispassic’estdusoulagementoudelarésignation.Riendecequ’aditlemédecinn’estdenatureàallégerl’angoissequipèsesurmonâme.Quinlans’avanceetsaisitlamaindeBecksenjetantunregardàsesparentsavantdeposerlaquestionquenousredoutonstous.

–Sil’hématomenepeutpasêtreréduitparlachirurgie…Savoixsebrise,Beckettl’embrassefraternellementsurlatêtepourl’encourageràpoursuivre.–…qu’est-ceque…celasignifie?Cequejeveuxdire,c’estquevousparlezdelésioncérébrale

là,etdonc,quelestlepronostic?Ellerespireavecdifficultéenétouffantunsanglot.–Quellessontseschances?LemédecinpousseunprofondsoupiretregardeQuinlan.– Pour l’instant, avant que nous ayons ouvert pour voir l’étendue des dégâts, je ne peux pasme

prononcer.LepetitcriétrangléquepousseAndyvientbriserlesilencequisuitcesparoles.LedocteurIrons

faitunpasversluietposelamainsursonépaulejusqu’àcequ’Andylèvelesyeuxetleregarde.–Nousfaisonsabsolumenttoutcequiestennotrepouvoir.Nousavonsunegrandeexpériencedans

cedomaineetnousen faisonsbénéficiervotre fils. Jevousenprie,comprenezbienquesi jenevousdonnepasdepourcentagedechances,cen’estpasparcequelacauseestperduemaisplutôtparcequej’aibesoind’ensavoirpluspourévaluerlesrisques.Unefoisquenouslesaurons,nouspourronsétablirunpland’actionetnousauronsunebasededépart.

Andyfaitunpetitsignedetêteensepassantlamainsurlesyeux.LedocteurIronsscrutelesvisagesquil’entourent.

–Ilestcostaudetenbonnesanté,etc’esttoujoursunpointquijoueennotrefaveur.IlesttrèsclairqueColtonestentourédegensqui l’aiment…sachezquec’estunfacteurquim’accompagneradans lasalled’opération.

Surcesmots,ilnousfaitunpetitsourire,tournelestalonsetsortdelapièce.Aprèssondépart,personnenebouge.Noussommestoussouslechoc.Nouslaissonslagravitéde

sesparolesnouspénétrerpartouteslesfaillesquifragilisentnotredétermination.Puislesgenssemettentlentementàbouger,àchangerdeposition,tandisqueleurspenséessemélangentetquelebouillonnementdeleursémotionsretombe.

Maisjen’yarrivepas.Ilestvivant.Iln’estpasmort,contrairementàMax.Ilestvivant.Ladouleurlancinantedusoulagementquejeressensn’estrien,comparéeàlasouffranceaiguëde

l’incertitude. Et elle ne suffit pas à atténuer la peur profondément installée au fond demon âme. Lesgriffes insistantes de la claustrophobie commencent à me brûler la peau. Je souffle lentement etlonguementpourévacuerlasueurquiperlesurmalèvresupérieureetquicoulelelongdemacolonnevertébrale.

D’autres images se présentent à mon esprit. Max à Colton. Colton à Max. Le sang qui coulelentementdesonoreille.Auxcoinsdesabouche.Éclaboussant lesdébrisde lavoiture.Monnomquis’étranglesurseslèvres.Sessuppliquesgravéesdansmamémoire.Commeunsceaudestinéàmehanterpourtoujours.

Lesprémicesdumalaisesetransformentenundéferlementdepanique.J’aibesoind’air.J’aibesoind’échapper à l’atmosphère pesante qui rend cette fichue salle d’attente irrespirable. J’ai besoin decouleuretdevibration–dequelquechosecommeColton,pleindevieetdevigueur–d’autrechosequecesteintesmonochromesetcessouvenirsenvahissants.

JemelèveetjesorsdelapièceencourantsansécouterlesappelsdeBeckett.Jemediriged’unpasmalassuréverslasortieparcequecettefoislesouffledesportesm’appelle,m’offreunremèdecontrel’hystériequisiphonnemonespoir.

Tumefaisressentir,Rylee…Jepasselesportesentitubant,lesouvenirtraversemonâmeaveclégèretémaismefrappecomme

un coup de poing à l’estomac. Je souffle bruyamment, la douleur irradie chacun demes neurones. Jeprendsuneinspirationsaccadée,j’aibesoindequelquechose,n’importequoi,pourm’aideràretrouverlafoiquimepermettrad’affronterlaréalitésiColtonpouvaitnepassortirvivantdecetteopération.Delanuit.Dumatin.

Jesecouelatêtepourmedébarrasserdupoisonquirongemespenséesquand,entournantlecoindubâtiment, jeme retrouve projetée dans unmaelström. Je nemens pas en disant qu’il y a plus de centflashes qui crépitent tous en même temps. Un déferlement de questions posées si fort que je suissubmergéeparuntsunamisonore.Aussitôt,jesuisencerclée,colléecontrelemur,tandisquedesmicros

etdesappareilsphotosontbrandisdevantmonvisagesur lequeldoit sevoirmaperteprogressivedecontrôlesurlaréalité.

–Est-ilvraiqu’onaadministrélesdernierssacrementsàColton?Lesmotssecoincentdansmagorge.–QuelleestlanatureexactedevotrerelationavecMonsieurDonavan?Lacolèremonteenmoi,maisjesuisdépasséeparcedéluge.–Est-ilvraiqueColtonestsursonlitdemortetquesesparentssontàsonchevet?Meslèvress’ouvrentetseferment,jeserrelespoings,mesyeuxmebrûlent,monâmesedéchireet

mafoienl’humanités’effondre.Jemerendscomptequejesuiscommeunebicheprisedanslespharesd’une voiture, mais je suis coincée. Alors que je pensais sentir les attaques de la claustrophobie àl’intérieur, ici je sens que j’étouffe quand les mains des médias se resserrent sur moi. Je respiredifficilement.Lecielbleusemetà tournerau-dessusdemoietmonesprit ledéformeenuntourbillonparesseux,lesténèbrespénètrentenmoitandisquemaconsciencesedérobe.

Justeaumomentoùjevaismelaisserglisserdansunoublibienfaisant,desbrassolidesm’entourentet m’empêchent de m’écrouler sur le sol. Je percute Sammy de tout mon poids comme un train demarchandises,etlesouvenirdeladernièrefoisoùjesuistombéedanslesbrasd’unhommemetraversel’esprit.Des images douces-amères de tablettes d’enchères perdues et de portes de placard bloquées.Desyeuxvertsscintillantsetunsourirearrogantetpleind’assurance.

Voyou.Rebelle.Téméraire.LavoixdeSammyparvientjusqu’àmoncerveauembrumétandisqu’ilapostrophelesjournalistes.–Reculez!Ilgrondeensoutenantmonpoidsmort,unbrasautourdemataille.–Nousferonsuncommuniquélorsquenousauronsdesinformations.Lesflashescrépitentdenouveau.De nouveau, le souffle des portes automatiques, mais cette fois je ne recule pas. La bête de

l’intérieurestplusgérablequecellequisetrouveàl’extérieur.Marespirationcommenceàdevenirplusrégulièreet lesbattementsdemoncœurà ralentir.Onmepoussedansun fauteuiletquand je lève lesyeux,jecroiseceuxdeSammyquicherchentquelquechose.

–Àquoivouspensiez,putain?Ilsallaientvousdévorertoutecrue.C’est une telle démonstration d’émotion chez le garde du corps habituellement si stoïque que je

comprends l’erreur que j’ai commise en sortant. Je commence à peine à trouvermesmarques dans lemonde extrêmement public deColton.Et ensuite, jeme sens trèsmal parce que je réalise que tout letempsoùj’étaisdanslasalled’attente,entouréedetoutlemonde,Sammy,lui,étaitdehors,toutseul,pours’assurerqu’onnouslaissetranquillesetqu’onnenousdérangepas.

–Jesuisdésolée,Sammy.J’avaisjustebesoindeprendrel’airet…jesuisdésolée.L’inquiétudeselitdanssesyeux.–Çava?Avez-vousmangéaujourd’hui?Vousavezfaillivousévanouir làdehors.Jepenseque

vousavezbesoindemangerquelque…

–Jevaisbien,jevousremercie.Jemelèvelentement.Jepensequejel’étonneenluiprenantunemainquejeserre.–Etvous,commentçava?Ilhausselesépaulesavecunenonchalancedémentieparsongeste.–Tantqu’ilvabien,moiçava.Ilmefaitunsignedetêteavantd’allerreprendresonposteàlaportedel’hôpitalsansmelaisserle

tempsd’ajouterquoiquecesoit.Jelesuisduregardpendantunmoment,lescommentairesinsensiblesdes journalistes résonnent dansma tête tandis que jem’arme de courage pour retourner dans la salled’attente.

Je ferme les yeux un instant. Jeme force à ressentir autre chose que l’engourdissement qui s’estemparédemonâme.J’essaied’allerchercherdanslesprofondeursdemondésespoirlesondesonrire,legoûtdesonbaiser,etmêmesoncôtébutéetsadéterminationsansfaille,toutcequifaittenirensemblelesmorceauxdemoncœurquel’amourdeColtonarecollés.

Tucomptespourmoi,Rylee.Tunepourraisjamaisêtreinsignifiante.Lesouvenirmurmuredansmonesprit, ilestcommelesilexqui ramèneà lavie lesétincellesde

mon espoir. Je prends une profonde inspiration et je m’oblige à avancer dans le grand couloir endirectiondel’endroitoùtoutlemondeattendavecimpatience.Aumomentoùjepassedevantlebureaudesinfirmières,j’entendsdeuxinfirmièresquimetournentledosprononcerlenomdeColton.Jeralentislepaspouressayerdesaisiraumoinsunebribed’information.J’essaiedenepasm’imaginerqu’onnenousditpastoutelavéritésurlagravitédesonétatquandcequej’entendsmecoupelesouffle.

Arrêtelesbattementsdemoncœur.Faitcourirunfrissonsurtoutmoncorps.–Quiestensalled’opérationnuméro1avecMonsieurDonavan?–C’estledocteurIronsquiestchirurgienenchefsurcecas.–Tantmieux,s’ilyaquelqu’unparquijevoudraisêtreopéréedanscescirconstances,c’estbien

Ironman,putain!Spider-Man.Je pousse un petit cri, les infirmières se retournent en m’entendant. La plus grande des deux

s’approcheetinclinelatête.–Est-cequejepeuxvousaider,Mademoiselle?Batman.–Commentvenez-vousd’appelerledocteurIrons?Superman.Ellemeregardeenplissantlégèrementlefront.–Vousvoulezdirelesurnomquenousluidonnons?Ironman.J’arriveàpeineàhocherlatêtetellementl’espoirm’étrangle.–Oh,ici,toutlemondel’appelleIronman,monpetit.Jepeuxfairequelquechosepourvous?

Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Jemecontentedesecouerlatêteetjefaistroispasverslasalled’attente,maisjem’écroulecontre

unmuret jeme laisseglisser sur le sol, submergéepar l’espoir,dépasséepar laprésencedes super-hérosqueColtonaimetant.

Uneobsessiond’enfantdevenuel’espoirauqueluneadulteseraccroche.Jeposemonvisagesurmesgenouxrepliésetjemeraccrocheàl’idéequecettecoïncidencen’en

estpasune,après tout. Jebalance la têted’arrièreenavant, leursnoms tombentdemes lèvresenunelitaniesilencieusedontjecomprendspourlapremièrefoisqu’elleaétéprononcéeavecuneadmirationabsolue.

–Coltondisaitcelaendormantquandilétaitpetit.Lavoixd’Andymefaitsursauterquandilselaisseglissercontrelemuràcôtédemoi,enpoussant

unprofondsoupir.Jemedéplaceunpeupourpouvoirleregarder.Ilal’aird’avoirvieillidepuisquelacourseadébutécematin.Sesyeuxexprimentunchagrinmuetetseslèvresessaientd’esquisserunpetitsourire mais échouent misérablement. L’homme que j’ai toujours vu si plein de vie a perdu sonexubérance.

–Celafaitdesannéesquejenel’aipasentendu.Enfait,jel’avaiscomplètementoubliéjusqu’àcequejevousentendeledire.

Ilémetunpetitrireetmetapotelegenouenallongeantlesjambesdevantlui.–Andy…Jeprononcesonnomenunmurmureenleregardantsedébattreavecsonémotion.J’aiterriblement

enviedeluiparlerdessignes–l’apparitionaléatoiredessuper-hérosquesonfilsadore–,maisj’aipeurqu’ilcroiequejeperdslatêteetj’aipeurqueBeckslepenseaussi.

Toutcommejelepensemoi-même.– Je suis étonné qu’il t’en ait parlé.C’était le code secret qu’il psalmodiait quand il était petit,

quandilfaisaituncauchemarouqu’ilavaitpeur.Iln’ajamaisvouluexpliquerpourquoicesquatresuper-hérosleréconfortaientàcepoint.

Ilmeregardeencoin,etsondouxsourires’évanouit.–Dottieetmoinepouvionsqu’imaginerdequoiilespéraitquecesquatrepersonnageslesauvent…Cesmotsflottententrenousetforment lesquestionsquenousvoudrionsposer tous lesdeuxmais

queni lui nimoin’osonsprononcer à voixhaute.Que sait-il que je ne sais pas, et viceversa ? Il setamponnelesyeuxdudosdelamainetpousseunsoupirtremblant.

–Ilestcostaud,Andy…ilpeut…ilvas’ensortir.Ilsecontentedehocherlatête.Ungroupedemédecinspassedevantnousencourantetmoncœurse

metàbattrelachamadequandjepensequec’estpourColton.Andysepasselamainsurlevisageetjevoistoutl’amourquecontientsonregard.

–Lapremièrefoisquejel’aivu,ilm’afendulecœurets’enestemparéaupremiercoupd’œil.Jeluifaisunsignedela têtepourl’encourageràcontinuer, jecomprendstoutàfaitcequ’ilveut

direcarsonfilsafaitlamêmechoseaveclemien.

Ils’enestemparé,mel’avolé,l’abrisé,guérietlepossèdeàjamais.–J’étaissuruntournageetjetravaillaisdansmacaravane,àlaréécritured’unescène.Lanuitavait

étélongue.Quinlanétaitsouffranteetn’avaitpasdormi.Ilsecouelatêteetmeregardeunmomentdanslesyeuxavantdedétournerleregardverslebracelet

desamontrequ’iltripotenerveusement.–J’étaisenretardpouruneinterview.Enouvrantlaporte,j’aifailliluimarcherdessus.Ils’arrêteunmomentpourrefoulerleslarmesquiluimontentauxyeux.– J’ai dû pousser un juron et, aussitôt, j’ai vu cette petite silhouette malingre faire un bond en

arrière, visiblement terrorisée. En tout cas, il m’a foutu la trouille de ma vie. Et je ne pouvais pasmanquerd’imaginerpourquoiunenfantauraitcegenrederéaction.Ilrefusaitdemeregardermalgrétouteladouceurquejemettaisdansmavoix.

Jetendslebrasetprendssamaindanslamienneetjelapressepourqu’ilsachequejeconnaislesdémonsdeColtonsansqu’ilaitbesoindemelesrévéler.Jeneconnaispeut-êtrepas lesdétails,maisj’enaivusuffisammentdansmonboulotpourencomprendrelanature.

–Jemesuisassisparterreàcôtédeluietj’aijusteattenduqu’ilcomprennequejen’allaispasluifairedemal.Jeluiaichantélaseulechansonquim’estvenueàl’esprit.«Puffledragonmagique».Ladeuxième fois, il a fini par lever la tête etme regarder.Doux Jésus, ilm’a coupé le souffle. Il avaitd’immenses yeux verts dans un petit visage si pâle et ilme regardait avec une telle peur… tellementd’appréhension…quej’aidûmeretenirdeleprendredansmesbraspourlerassurer.

–Jen’imaginemêmepas.Quandjefaisminederetirermamain,Andylaserreetjem’arrête.–Audébut,ilrefusaitdemeparler.J’aitoutessayépourqu’ilmedisesonnomoucequ’ilfaisait

là,maiscen’étaitpasgrave.Riend’autren’avaitd’importance–nimoninterviewmanquéenil’argentperdu,rien–parcequej’étaishypnotiséparcepetitbonhommefragiledont lesyeuxmedisaientqu’ilavaitvuetconnubientropdechosesdanssacourtevie.Quinlanavaitsixansàl’époque.Coltonétaitpluspetitqu’elle,alorsj’aicruqu’ilavaitcinqansenviron.J’aiétéchoquéquandlapolicem’aditunpeuplustarddanslasoiréequ’ilavaithuitans.

Lasalivequejemeforceàavalerpassemaldansmagorgequandj’entendsracontercesmoments,danslaviedeColton,oùpourlapremièrefois,onluiadonnéunamourinconditionnel.Lapremièrefoisoùquelqu’unluiaoffertuneviefaitedepossibilitésplutôtqu’uneviedominéeparlapeur.

–J’aifiniparluidemanders’ilavaitfaim,etsesyeuxsontdevenusrondscommedessoucoupes.Jen’avaispasgrand-chosedansmacaravanequipuisseplaireàungamin,maisj’avaisunSnickers,etjedoisbienl’avouer,j’avaisvraimentenviequ’ilm’aimebien…alors,jemesuisdemandéquelenfantneselaisseraitpasacheteravecdesbonbons.

Ensouriantaveclui,jenemanquepasdefairelarelationavecleSnickersqueColtonmangeavantchaquecourse.Ilenamangéunaujourd’hui.Moncœurseserreenyrepensant.C’était ilyaquelquesheuresàpeine?Celamesembleuneéternité.

–Tusais,Dottieetmoiavionsenvisagélapossibilitéd’avoird’autresenfants…maisnousavionsdécidéqueQuinlannouscomblait.Enfin, jedevraisplutôtdirequ’elleauraitaiméenavoird’autresetquemoi,unenfant,çam’allaitbien.Bonsang,nousavionsdesviesbienremplies,nousétionstoujoursendéplacement et nous avions la chance d’avoir une petite fille en bonne santé, alors que demander deplus?MacarrièreétaitflorissanteetDottiepouvaitchoisirlesrôlesquiluiconvenaient.MaisaprèscesquelquesheuresavecColton,laquestionneseposaitplus.Commentest-cequej’auraispuabandonnercesyeuxetlesourirequi,j’enétaissûr,secachaitquelquepartsouslapeuretlahonte?

Une larme luiéchappeet roule sur sa joue, le soucipour son fils, à l’époquecommemaintenant,émanedeluiparvagues.Illèveversmoisesyeuxgrispleinsd’émotion.

–C’estlapersonne–l’homme,leplusfortquej’aiejamaisrencontré,Rylee.Ilétouffeunsanglot.–Etj’aibesoinqu’illesoitmaintenant…jenepeuxpasimaginerperdremongarçon.Sesparolesrésonnentauplusprofonddemoi,carjesaiscequec’estqued’êtreterroriséàl’idée

deperdresonenfant.Lapeurbienancréequel’onrefusedereconnaîtremaisquivousenserrelecœur.L’empathie pour cet homme qui a tout donné à Colton me submerge et, pourtant, mon étatd’engourdissementintérieurempêchemeslarmesdecouler.

–Aucund’entrenousnelepeut,Andy.Ilestlecentredumondepournous.Andyinclinelatêtesurlecôtéetmeregardeavecattentionunmoment.–J’aipeurchaquefoisqu’ilmontedanscettevoiture.Chaquefois,putain…maisiln’yaqu’àces

moments-làquejelevoislibérédufardeaudesonpassé…débarrassédesdémonsquilehantent.Ilserremamainjusqu’àcequejerelèvelesyeuxpourleregarder,etjevoislasincéritédansson

regard.–Seulementlà,enfin,jusqu’àcesdernierstemps.Jusqu’àcequejelevoieparlerde,s’inquiéterà

proposdesarelationavec…toi.Jeretiensmarespiration,pourlapremièrefoisdelajournéeleslarmesmemontentauxyeux,mais

ellesnecoulentpas.AlorsqueClaire, lamèredeMax,medétestedepuissi longtemps, l’approbationtacite du père deColton, c’estmonumental. J’ai un petit hoquet quand j’essaie de contenir la tornaded’émotionsquitourbillonneenmoi.

–Jel’aime.C’est tout ce que je parviens à dire. Puis c’est tout ce que je parviens à penser. Je l’aime et je

n’auraipeut-êtreplus lapossibilitéde le luimontrermaintenant,alorsqu’ilvient tout justed’admettrequ’il partageait mes sentiments. Et maintenant, je suis au bord du précipice et des circonstances quiéchappenttellementàmoncontrôlequej’aipeurdeneplusjamaisenavoirl’occasion.

Lavoixd’Andymesortdelacrisedepaniquequimemenace.–Coltonm’aditquetul’avaisencouragéàretrouversamèrebiologique.Je baisse les yeux et je dessine distraitement des cercles surmongenou, dubout dudoigt.Cette

conversationpeutprendredeuxdirectionsdifférentes : soitAndym’est reconnaissant devouloir aidersonfilsàallermieux,soitilestcontrariéparcequ’ilpensequej’essaiedem’immiscerentreeux.

– Je t’en remercie. J’ai toujours pensé qu’il lui manquait un élément et peut-être que savoir cequ’elleestdevenuel’aideraàcomblercemanque.Lesimplefaitqu’ilenparle,qu’ilposedesquestionsàcesujet,estungrandpasenavant…

Iltendlebrasetleposesurmesépaulespourm’attirercontreluidefaçonàcequej’appuielatêtesursonépaule.

–…alorsmercidel’aideràsetrouverlui-même,deplusd’unefaçon.J’acquiesce d’un signe de tête, rendue muette par cette confession. Nous restons comme ça un

moment, nous acceptant et nous réconfortantmutuellement quand tout ce que nous ressentons, c’est ungrandvideintérieur.

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3

C’estunjourparfait.Lecielestbleumarine,lesoleilmechauffelesjouesetj’ail’espritlibredetoutepensée.Lesvaguess’écrasentsur lesableenuncrescendoapaisantet régulier.Jevienssouvent ici,àl’endroitoùnousnoussommesretrouvéspournotrepremierrencardofficiel,parcequejemesensprochedelui,ici.Unsouvenir,quelquechoseàquoimeraccrocherquandjenepourraiplusjamaism’accrocheràlui.

Jemetslesbrasautourdemesgenouxetjerespireprofondément,enacceptantl’idéequelatristesseseraprésente enpermanencedansmoncœur et en regrettant sonabsenceàmescôtés.Mais, enmêmetemps,jesaisquejenemesuispassentieaussienpaixdepuisqu’ilestparti.C’estpeut-êtreunpalierdansmondeuil–dumoinsc’estcequepenselethérapeute–puisquecelafaitdesjoursquejen’aipaseudecrisedepaniquenidecrisétranglésquiconsumentmespenséesetperturbentmonancragedans laréalité. Je pense qu’après tout ce temps je devrais être capable d’aller de l’avant – peut-être pas detournerlapage,maisd’allerdel’avant.

Monattentionestattiréeparunevoitureisoléegaréesurleparking.Jenesaispaspourquoi.Peut-être parce qu’elle est garée près de l’endroit oùColton avait garé sonAstonMartin le soir de notrepremièresortieimprovisée–lerencardsuruneplagelepluscherdetouslestemps–maisjeregarde,moncœurespèrecequemaraisonsaitêtreimpossible.Quec’estluiquiagarésavoiturelàpourvenirmerejoindre.

Justeaumomentoùjetournelatête,jevoisunesilhouettequisedirigeverslecôtépassageretsepenchepourparlerauconducteurparlavitreouverte.Quelquechosechezcettepersonnemepousseàmemettredebout.De lamain, jemeprotège lesyeuxdusoleil et je regarde sonprofil attentivement, j’aisoudainl’impressionqu’ilyaquelquechosequicloche.

Sans réfléchir, je me mets à marcher vers la voiture et mon malaise augmente à chaque pas.L’inconnuseredresseettournesonvisageversmoi.Uninstant,lesoleiléclairesestraitsténébreuxetjetrébuche,lesoufflecoupé.

Monangedesténèbressetientdeboutdanslalumière.–Colton?

Mavoixestàpeineaudibletantmoncerveaufaituneffortpourcomprendrecommentilestpossiblequ’il soit là. Ici, avec moi, alors que je les ai vus poser son corps inerte sur le brancard, que j’aiembrasséseslèvresglacéesunedernièrefoisavantqu’ilsnel’allongentdanssoncercueilpourunreposéternel.Moncœursedéchaînedansmapoitrineetsesbattementsaccélèrentàchaquesecondequipassetandisqu’unespoirmêlédepaniquecommenceàgrandir.

Et,bienquemavoix soit trèsbasse, il incline la tête sur le côtéenentendant sonnom, sesyeuxemplis d’une tristesse sourde se fixent sur les miens. Il commence à lever la main, mais il estmomentanémentdistraitquandlaportièredupassagers’ouvrebrusquement.Ilsepencheversl’intérieurde la voiture puis il me regarde à nouveau, un air résigné creuse ses traits magnifiques. Il lève unenouvellefoisunemainhésitantemais,cettefois,ilvajusqu’auboutdesongeste.Jeporteleboutdemesdoigtsàmeslèvrestandisquelechagrinquiémanedeluifinitparfranchirladistancequinousséparepourm’atteindredepleinfouetetmecouperlesouffle.Jeressensimmédiatementsondésespoirabsolu.Ildéchiremonâmecommeunéclairtraverseleciel.

Àcemoment-là,jesais.–Colton!Cettefois,moncridésespérétranspercelaquiétudedelaplage.Lebruitfaitenvolerlesmouettes,

maisColtonseglissesurlesiègepassagersansunregardpourmoietrefermelaportière.Lavoituresedirigelentementverslasortieduparkingetjememetsàcouriràtoutevitesse.Mes

poumonssontenfeuetmejambesmefontsouffrir,maisjenesuispasassezrapide.Jen’arriveraipasàtemps. J’ai beau courir de plus en plus vite, je n’ai pas l’impression d’avancer. La voiture tourne àdroite,sortduparking,s’engagesurlaroutedéserteetpassedevantmoiensedirigeantverslesud.Lapeinturebleumétallisébrillesouslesrayonsdusoleil,etcequejevoism’arrêtenet.

J’ailesentimentqu’ilyauneéternitéquejenel’aipasvucommeça.LeparfaitAméricain,sainaveccesyeuxbleusetcesourirefacilequej’aimetant.Maissesyeuxne

sedétournentjamaisdelaroutedevantlui.Maxnemeregardejamaisàdeuxfois.Colton,enrevanche,meregardefixement.Lestraitsempreintsd’unmélangedepeurpaniqueetde

résignation. Les larmes qui coulent sur ses joues, les regrets que son regard exprime, les poings quitambourinentfrénétiquementsurlavitre,lesmotsquejelissurseslèvresmaisquejenel’entendspasprononcer.Toutcelameserrelecœuretletordjusqu’àcequ’ilsoittotalementdesséché.

–Non!Jehurle, toutes les fibresdemonêtre se concentrentpour trouver comment l’aider à s’échapper,

commentlesauver.C’est alors que je saisis un mouvement sur le siège arrière, et je tombe à genoux. La douleur

provoquée par lamorsure du gravier n’est rien à côté de celle qui consumemon âme.Et bien que jesouffreplusque jen’aurais jamaispu imaginer,unepartiedemoiest fascinée,perduedanscetamourinconditionnelqu’onnepeutconcevoirtantqu’onnel’apasexpérimentésoi-même.

Lesbouclesquiencadrentsonvisagedechérubinbougentaveclesmouvementsdelavoiture.Ellesourit tendrementàMax, ignorant totalement lesprotestationsvéhémentesdeColton,assisdevantelle.Elleseretournesursonsiègeetregardedansmadirection,sesyeuxvioletsmerenvoientmonimage.Et,imperceptiblement, ses lèvres aussi douces qu’un pétale de rose se relèvent d’un côté tandis que sacuriositéenfantineestplusfortequ’elleetqu’ellemeregardefixement.Sesdoigtsminusculesselèventau-dessusduborddelavitredelavoiturepourmefaireunpetitsigne.

Jedoismecontraindreàrespirer.Meforceràmefaireentrercetteidéedanslatêteparcequ’àelleseuleellem’amiseenpiècesavantderecollerlesmorceaux.Etpourtantlefaitdelavoirm’alaisséeàvif,écorchéeparleslendemainsquin’existerontjamais.

Quejeneferaijamaisrevenir.Quin’ontjamaisétéàmoidemanièredurable.Etdelàoùjemetrouve,surlesol,monâmecherchantquelquechoseàquoiseraccrocheravant

d’êtreengloutiedanslesabyssesdudésespoir,jehurleàpleinspoumonslenomdelaseulepersonnequipeutencoreêtresauvée.

–Colton!Arrête!Colton!Bats-toi,putain!Mavoixsebrisesurlesderniersmots,étoufféeparlessanglots,submergéeparledésespoir.Ma

tête retombe entre mes mains et je me laisse tirer vers le fond pour me noyer, accueillant avecsoulagementlesténèbresdévastatrices,pourladeuxièmefoisdemonexistence.

–Non!Jehurle.Des mains invisibles m’agrippent et tentent de m’arracher à lui, mais je me débats avec toute

l’énergiequejepeuxréunirpoursauverColton.Sauverl’hommequej’aime.–Rylee!Lavoixm’ordonnedemedétournerdeColton.Ilesthorsdequestionquejemesauvedenouveau.Jamais.–Rylee!Lavoixinsisteavecvéhémenceetonmesecoueparlesépaules.J’essaiedebattredesbras,maison

metientserrée.Jemeréveillebrusquement,lesyeuxd’aigue-marinedeBeckettmeregardentintensément.–Cen’estqu’unrêve,Rylee.Rienqu’unrêve.Mon cœur bat à se rompre et j’aspire une grande bouffée d’air,maismon corps ne semble pas

vouloir l’accepter. Je n’arrive pas à prendre la prochaine respiration assez vite. Je lève une maintremblante et la passe sur mon visage pour récupérer mes esprits. C’était si réel. Si impossible, etpourtantsiréel…àmoins…àmoinsqueColtonnesoit…

–Becks.Sonnomn’estàpeineplusqu’unchuchotementsurmeslèvrestandisquelesvestigesdemonrêve

me reviennent et que je commenceà comprendrepourquoiColtonpourrait se trouver avecMaxetma

fille.–Qu’est-cequ’ilya,Ry?Tuesblanchecommeunlinge.Lesmotss’étranglentdansmagorge.Jen’arrivepasàluidirecequiagitemonesprit.Jebégaieen

essayantdeprononcerlesmots,quandnoussommesinterrompus.–LafamilledeColtonDonavan?Toutlemondeselèvedanslasalled’attenteetserassembleprèsdel’entréeoùsetientunefemme

depetitetailleentenuedechirurgien.Elledétachesonmasquechirurgical.Jemelèveaussi,lapeurmepousseàmefrayeruncheminpourpasserdevantlesautresàlasuitedeBecks.Quandnousnousarrêtonsà côté des parents deColton, il tend le bras et prendmamaindans la sienne.C’est le seul signequimontrequ’ilaaussipeurquemoi.

Elleregardetoutlemondeensecouantlatêteavecunsourireforcé.–Non,jevoudraisparleràsafamilleproche.Jeperçoisdelalassitudedanssavoixetmonespritsemetàbattrelacampagne.Andys’avanceverselleets’éclaircitlagorge.–Oui,noussommestouslà.– C’est ce que je vois, mais j’aimerais faire une communication à sa famille proche, en privé,

commec’estlarègledansleshôpitaux,Monsieur.Elleparlesuruntonsévèremaisrassurant,etj’aienviedelasecouerjusqu’àcequ’elledise«et

merde,onsefoutdurèglement»etmedonnedesnouvelles.Andytournelatêtepournousregardertous.–Mafemme,mafilleetmoisommeslafamilleprochedeColton,maistouteslesautrespersonnes

ici?Ellessontlaraisonquifaitqu’ilestvivantencemoment…alorsàmesyeux,ellesfontpartiedelafamilleetont ledroitd’entendrecequevousavezàdireenmême tempsquenous,et tantpispour lerèglementdel’hôpital.

Elleal’airlégèrementchoquéeetjevoispourquoi,ilyatoutescesannées,lespoliciersn’ontpasdiscutéquandAndyleuraditqu’ilemmenaitColtonchezluipourlanuit.

Ellehochelentementlatête,leslèvresretroussées.– Je suis le docteur Biggeti. Le docteur Irons et moi-même nous sommes réunis dans la salle

d’opérationausujetdevotrefils.Ducoindel’œil,jevoisquelaplupartdesgarsacquiescentetsepenchentenavantpourêtresûrde

toutentendre.Dorotheavientseplaceràcôtédesonmari,Quinlande l’autrecôté,et luiprend lamaincomme

Becksserrelamienne.– Colton a bien supporté la chirurgie et nous le transférons actuellement en service de soins

intensifs.Toutelasalleretientsonsouffle.Àl’annoncedecettenouvelle,moncœurs’emballeetmatêtese

metàtourner.Ilestvivant.Ilsebat.Nousnousbattonstouslesdeux,moiquimeursdepeuretluiquirefusedemourir.

LedocteurBiggetilèvelesmainspourfairetairelemurmuredanslasalle.–Aumomentoùjevousparle,ilresteencorebeaucoupd’incertitudes.Lesaignementetl’œdème

étaient très importants et nous avonsdû retirer unepetite portiondu crânedeColtonpour soulager lapression sur son cerveau. Pour l’instant, l’œdème semble maîtrisé mais j’insiste sur les mots pourl’instant. Tout est possible dans des cas comme celui-ci, et les vingt-quatre heures à venir serontdéterminantespoursavoirdequelcôtélecorpsdeColtondécideradebasculer.

JesensqueBeckettvacilleàmescôtés.Jelâchesamain,jepasselebrasautourdesatailleetjemeréconforteenconstatantquenoussommestouslà,àéprouverlamêmechose.Cettefois, jenesuispasseuleàregarderl’hommequej’aimesebattrepoursurvivre.

–J’aibonespoirquel’issueserapositive,cependantjedoisaussivousprévenirquetantqu’iln’estpasréveillé,onnepeutpasécarterlapossibilitéqu’ilyaitdesséquelles.

–Merci.Dorothea s’avancepour serrerbrièvementdans sesbras ledocteurBiggeti, interloquée, avantde

reculerensetamponnantlesyeux.–Quandpourrons-nouslevoir?LemédecinhochelatêteencompatissantaveclesparentsdeColton.–Commejevousl’aidit,ilesttransféréauservicedesoinsintensifsoùonl’installeetonprendses

constantes.Dansunpetitmoment,vouspourrezlevoir.EllesetourneversAndy.– Et, cette fois, je vais devoirme conformer au règlement de l’hôpital qui stipule que seule sa

familleprocheestautoriséeàlevoir.Ilacquiesced’unhochementdetête.–Votrefilsestrobusteetilsebatavecunebelleénergie.Ilestévidentqu’ilaunegrandevolonté

devivre…etchaquepetitdétailcompte.–Mercidetoutcœur.AndysoupireavantdeserrerDorotheaetQuinlandanssesbras.Sespoingsserrésdansleurdosne

laissentdevinerqu’unepartieinfimedel’anxiétémêléedesoulagementquivibresouslasurface.Quandlemédecins’éloigne,sesparolesrésonnentenmoietjefermelesyeuxpourmeconcentrer

surlepositif.SurlefaitqueColtonsebatcommeunbeaudiablepournousrevenir.Pourmerevenir.

***

Pour dégager l’entrée des urgences où nous prenions toute la place, on nous a tous dirigés – lafamilleetl’équipe–versuneautresalled’attente,situéeàunautreétage,plusprèsdessoinsintensifsetdeColton.Dans cette pièced’unbleu clair lénifiant, jeme sens tout sauf calme.Colton est tout près.Cetteseulepenséesuffitàmefairepaniquer.Jenefaispaspartiedesafamilleproche,doncjenevaispaspouvoirlevoir.

C’est suffisant pour que chacune de mes respirations me demande un effort. Laisse toutes mesémotionsàvif,mesterminaisonsnerveusesànu,commesimapeauavaitétéarrachéeetexposéeàunelanced’incendie.

Chacunedemespenséesestoccupéeexclusivementàsavoirjusqu’àquelpointjepeuxsupporterdenepaslevoirsansdevenirfolle.

Jemelèveetmeplacedevantunmurvitréquisurplombelacourenbas.Leparkingestbondédecamionnettesdepresseetd’équipesdereportersquitententtousdeglanerplusd’informationsqueleursconfrèresàcôtéd’eux.Je lesregardesans lesvoir, leurnombreformeunemasse indistincte.Tuétaispourmoiuneétincelledecouleurintensedansunmondequiatoujoursétéunemassed’unecouleurindistincte…

Jesuistellementperduedansmespenséesquejesursautequandquelqu’unposeunemainsurmonépaule. Je tourne la tête pour croiser le regard noyé de chagrin de la mère de Colton. Nous nousregardonsfixementunmomentsansdireunmot,maisnotreéchangemuetestlourddesens.

Ellevientjusted’allervoirColton.J’aienviedeluidemandercommentilva,quellemineila,sic’estaussieffrayantquelesimagesquej’aientête.J’ouvrelabouchemaislarefermeaussitôt,incapabledetrouverlesmotspourexprimercequejeveuxdire.

LesyeuxdeDorotheas’emplissentdelarmesetsalèvretremble.–J’aijuste…Elle s’interrompt et porte lamain à ses lèvres en secouant la tête.Elle reste silencieuseunpetit

momentavantdepoursuivre:–Jenesupportepasdelevoircommeça.J’essaied’avalermasalive,maismagorgesebloque.Je luipose lamainsur l’épauleenserrant

légèrementpouressayerdelaréconforter.–Çavaaller…Desmotsquej’airépétésenboucletoutelajournée,quin’ontpaslepouvoird’arrangerleschoses,

maisjelesdisquandmême.–Oui.Ellefaitunsignedetêterésoluenregardantlecirquedesjournalistessurleparking.–Jen’aipaseuassezdetempsaveclui.J’aimanquéleshuitpremièresannéesdesavie,alorsj’ai

droitàdesannéessupplémentairespourn’avoirpaseulapossibilitédelesauverplustôt.Dieunepeutpasêtreassezcruelpourlepriverdeceàquoiiladroit.

Ellemeregardeendisantcesderniersmots,laforcesilencieusedecettemèrequisebatpoursonfilsestévidente.

–Jenelepermettraipas.Etlafemmeautoritairequiavaitdisparumomentanément,réapparaît,denouveauauxcommandes.–Maman…Quinlan revient dans la pièce en sanglotant.Nous nous tournons toutes les deux vers elle tandis

qu’elle vient vers nous, sous le regard de toutes les personnes présentes dans la salle. Je vois

l’expression du visage de Dorothea changer du tout au tout, passant de la protectrice féroce à laconsolatricematernelle.ElleprendQuinlandanssesbrasetluiposeunbaisersurlesommetducrâne.Lesyeuxfermés,ellemurmuredesparolesd’encouragementauxquellesellen’osepascroireelle-même.

Je me sens de trop – à ce moment précis, ma propre mère me manque plus que tout – quandDorotheameregardepar-dessus la têtedeQuinlan.Dansunmurmurequimecoupelesouffle,ellemedit:

–C’estàvotretour,maintenant.–Maisjenesuispas…Jenesaispaspourquoijesuissiétonnéequ’ellem’offrecettepossibilité.Moncôtérespectueuxdes

règlessehérisse,maismonâmetraumatiséeestaugarde-à-vous.–Maissi.Unsourirepincésurleslèvresetlesyeuxbrillantsdesincérité.–Vousl’aidezàseréparer–laseulechosequejen’aijamaisétécapabledefaireentantquemère,

etcelametue,maisenmêmetempslefaitqu’ill’aittrouvéeavecvous…Elleneparvientpasàfinirsaphraseetsesyeuxs’emplissentdelarmes,alorselletendlebraset

serremamain.–Allez-y.Jeluipresselamainenretouretjehochelatêteavantdemeretournerpourallervoirl’hommesans

quijenepeuxpasvivre.Unepeurmêléed’impatiencemetraversecommeunfeud’artificedansunenuitsanslune.

4

Devantlaporteduservicedessoinsintensifs,jemeprépare.Mapeuretmonespoirentrentencollisionetunebouled’angoisseénormemefait trembler lesmainsquandje tournelecoinducouloiretquejem’arrêtedansl’embrasuredesaporte.

Ilmefautunmomentpourrassemblerlecouragedeleverlesyeuxetderegarderlecorpsbrisédel’hommequej’aime.Lesimagesquimeviennentàl’espritsontpires–sanguinolent,tuméfié,lecarnagetotal–maismêmecelanem’apaspréparéeàcequejevois.LecorpsdeColtonestentieretiln’yapasdesang,maisilestallongélà,siimmobileetsipâle.Satêteestenveloppéedansdelagazeblancheetses paupières sont partiellement fermées, le blanc de ses yeux est visible plus oumoins, à cause del’œdème cérébral. Il a des tubes qui lui sortent de partout et le bip du moniteur se fait entendreconstamment.Maiscen’estpaslavisiondetoutcematérielmédicalquimefaitmal–non–,c’estquelavieetlefeudel’hommequej’aimeonttotalementdisparu.

Jevaisàpasdeloupjusqu’aulit,absorbantchaquecentimètredesoncorpscommesijenel’avaisjamaisvuauparavant.Commesi jen’avais jamaissenti le fracasdesoncœurbattrecontremaproprepoitrine.Jetendslebraspourletoucher–j’enaiterriblementbesoin–etquandjeprendssamaindanslamienne,elleestfroideetinerte.Mêmelescallositésquej’aime–cellesquirâpentdélicieusementmapeaunue–nesontpluslà.

Meslarmesarrivent.Ellescoulentenflotininterromputandisquejemelaissetomberàl’aveuglettesur lesiègeàcôtédu lit. Jeprends lamaindeColtonentre lesmienneset jeposemes lèvressurnosmainsjointes,meslarmescoulentsursapeau.Ellesredoublentquandjeréalisequel’odeursifamilièredeColtonqui nourritmonaddiction a été remplacéepar l’odeurd’antiseptiquede l’hôpital. Jenemerendaispascompteàquelpointj’avaisbesoindesentircetteodeur.Àquelpointj’avaisbesoinquecettepetitepartie,évanescente,del’hommequej’aimedemeure,quandtoutleresteasiradicalementchangé.

Desmotsincohérentspassentmeslèvresetviennents’étouffercontrenosmainsjointes.– Je t’en prie,Colton, réveille-toi. S’il te plaît. Tu ne peux pasm’abandonnermaintenant.Nous

avonstellementdetempsàrattraper,ilyatellementdechosesqu’ilnousresteàfaire.Jedoistecuisiner

desrepasimmondesettudoism’apprendreàsurfer.Nousdevonsallervoirlesgaminsdufoyerjoueraubase-balletilfautquejesoisdanslestribunesquandtugagnerastaprochainecourse.

Àl’idéedelevoirreprendrelevolantd’unevoituredecourse,moncœurseserremaisjen’arrivepasm’arrêterdefairelalistedetoutesleschosesqu’ilnousresteàfaireensemble.

–Ilfautencorequenousmangionsdelaglaceaupetitdéjeuneretdespancakespourledîner.Ilfautquenousfassions l’amour ledimancheaprès-midi,etquand tupasseras laporte je tepousseraicontreparcequenousnesommesjamaisrassasiésl’undel’autre.Jen’aipasencoreeumoncomptantdetoi…

Mavoixs’évanouittandisquejefermelesyeuxetquejeposelefrontsurnosmains,enprononçantlenomdeColtoncommeunelitanie.

–Tusais,jen’aijamaisétéaussiencolèrecontreluiqu’hiersoir.LavoixdeBeckettmefaitsortirdematranse.Jelèveunregardbrouilléparleslarmesetjelevois

adossécontrelechambranledelaporte,lesbrascroiséssursapoitrine,regardantfixementsonmeilleurami.Jesaisqu’iln’attendpasderéponse–etfranchementjesuisaphoneàforcedepleurer–alorsjeluidonne la seule réponse dont je sois capable, unmurmure inaudible, avant de reportermon regard surColton.

–Ilm’afichuenrognedesdizainesdefois,maishiersoir,c’étaitlepompon.Beckspousseunlongsoupirfrustréetj’entendssespastraînantsàtraverslapièce.Ils’assiedsurle

siègeenfacedemoiet tendunemainhésitantepourprendrecelledeColton.Il jetteuncoupd’œilauvisage sans expression de son ami avant deme fixer par-dessus le corps inerte de l’hommeque nousaimonstouslesdeux.

–Quand j’ai su queColton avait l’intention de te laisser partir sans te dire la vérité et sans sebagarrerpourteretenir…

Ilsecouelatêteavecincrédulitéetleslarmesluimontentauxyeux.–…jenecroispasavoirjamaisétéaussifuraxniavoireuautantenviedeflanquermonpoingdans

lafiguredequelqu’unquequandilm’aditdesortirdetachambre.–Ouais,nousnoussommestouslesdeuxconduitscommedesconsbutés,jedoisdire.Je voudrais tant être encore dans cette chambre d’hôtel – revenir en arrière – pour que nous

puissionsarrêterdenousdisputer,etjeleprendraisdansmesbrasenleserrantunpeuplusfort,unpeuplus longtemps.J’aimerais remonter le tempsetpouvoirprévenirColtondecequivasepassersur lecircuit.Maisjesaisquecelaneserviraitàrien.Monrebellecasse-cousecroitinvincible,ilmonteraitdanscettevoituredetoutefaçon.

Jeleregardeetilesttoutsaufinvincibleencemoment.Lessanglotsmontentdansmagorgeetjetentedelesretenir,maisj’échouemisérablement.

–Ilatellementl’habitudedepenserqu’ilneméritepaslesbonneschosesquiluiarrivent.Ilnes’estjamaisétendusurlesdétails,maisjesaisqu’ilpensequ’ilneméritepasmieuxquesonmilieud’origine,quelquesoitcemilieu.Ilpensequ’iln’estpasassezbienpourtoiet…

–Ilesttoutpourmoi.

Cesmotsontjaillidufonddemonâme.UnpetitsourireeffleureleslèvresdeBeckettsansvaincrelatristessedanssesyeux.

–Jesais,Rylee.Tuessaplanchedesalut.JedétachemonregarddeColtonpourregarderBeckettdanslesyeux.–Jenevoispascommentcelapeutl’aider,maintenant.Jel’aiquittéhiersoiraprèsquetuessorti

delachambre.Dévoréeparlaculpabilité,jeregardefixementnosdeuxmainsenlacées.–Aprèscequ’ilm’avaitdit,jen’arrêtaispasdemedire,jenepeuxplusresteravecluidansces

conditions.J’avaispenséquejepourraisresteràsescôtés–pourl’aideràréparercequiétaitbriséenlui–maisjenepouvaispassupporterderesters’ilmetrompait,alorsjesuispartie.

–Tuasbien fait. Ilavaitbesoindesavoircequecela fait. Il s’estconduitcommeunconet ilautilisé sa peur pour entretenir son sentiment d’insécurité…mais il t’a couru après,Ry.Celame suffitpourpenserqu’ilsaitàquelpointilabesoindetoi.

–Jesais.Mavoixn’estguèreplusqu’unmurmurequiseperddanslesbipsincessantsdesmachines.–Jerepartiraisànouveau,sansmeretourner,sanshésitation,sicelapouvaitnousempêcherd’être

iciencemoment.Jediscela sansconvictionparcequ’au fonddemoi je saisque,oùqu’il soit, jene serai jamais

capablederesterloindeColton.Nous restons assis sans parler unmoment, chacun se démenant avec ses propres pensées, quand

Becksselèvebrusquement.Sachaiseraclelesolenbrisantlesilenceaseptisédelapièce.–J’enaimarredecesconneries.Jenepeuxpasresterlààleregarderdanscetétat.Lavoixchargéed’émotion,ils’apprêteàsortir.–Ilvas’ensortir,Becks.Cen’estpaspossibleautrement.Mavoixsebrisesurcesderniersmots,démentantmonassurance.Ils’arrêteetrenifleavantdeseretournerpourmeregarder.–Cepetitconestunetêtedemulequivatoujoursauboutdecequ’ilfait,detoutcequ’ilfait.Iln’a

pasintérêtàmedécevoircettefois.IlreportesonattentionsurColtonets’approchedulitàgrandesenjambées,sonchagrinsemuanten

colèreàchaquesecondequipasse.–Ilfauttoujoursquetouttourneautourdetoi,heinWood?Espèced’enfoiréégocentrique. Je te

jurequequand tu te réveilleras–et tuvas te réveiller,putain,parceque jenevaispas te laisser t’ensortircommeça–jevaistefoutremonpiedauculpournousavoirinquiétéscommetulefais.

Iltendlebraset,entotalecontradictionaveclarudessedesesparoles,ilposebrièvementlamainsurl’épauledeColtonavantdetournerlestalonsetdequitterlapièce.

Jeme retrouve seule avec l’homme que j’aime, le poids de l’inconnu pèse lourd sur nous,maisl’espoircommencefinalementàsuinterdesintersticesdeladouleur.

5

Colton

Jesenslavoiture–lemoteurquivrombitdansmapoitrineetquimeditquejesuisvivant–avantmêmedelavoirmedépasserentrombeensortantdel’arrièreduvirage.Jemeconcentresurmesmains.Ellestremblent,ellesvibrent,putain.Jen’arriveplusàmeraccrocherauvolant,àmespensées,àriendutout,bordel.Levolant trépide sousmesputains dedoigts.Desdoigts incapables de contrôler ce putaindechaosquim’entoure.

Laconfiancequej’avaisdanscetespacequiatoujoursétémonsalutadisparu,putain.Commedelapoussièredansunputaindevent.

Qu’est-cequisepasse,bordel?Le bruit du métal qui cède – du métal broyé – mêlé au crissement de la gomme sur l’asphalte

résonnetoutautourdemoi.LavoituredeJamesonpercuteviolemmentlamienne.Etaumomentduchoc– le soubresaut de mon corps, le rapt de mes pensées –, mes souvenirs s’entrechoquent comme nosvoitures.

LapenséedeRyleemeportelepremiercoupbas.Ceputainderayondelumièrecontremesfichuesténèbres?Lesoleilquiperceàtraversl’affolant

nuagedefuméedel’accident.Laseuleetuniqueexceptionàmaputainderègle.Commentest-cequejepeuxentendresessanglotsdansmoncasqueetenmêmetempslavoirpliéeendeuxsouslechocàcettedistance?Ilyaquelquechosequidéconne.Quidéconneàpleintube.

Maisquoi?Comment?Etendépitdetoutecettefumée,jedistinguenettementsonvisage.Sesyeuxvioletsquimedonnent

unechosequejeneméritepas–saputaindeconfiance.Enmesuppliantdelalaisserentrer,delalaisserm’aideràréparercettepartdemoiendommagéeàvieparunpasséquejenesurmonteraijamais,auqueljen’échapperaijamais,mêmeenmetapantlatêtecontreceputaindemur.

Je vois ma voiture se soulever au-dessus de la fumée – au-dessus de ce putain de mélange deconfiancebriséeetd’espoir inutile–, je suisàboutdesouffleet j’ai l’impressionquemapoitrinevaéclater,explosercommedeséclatsdesouvenirsquis’encastrentsiprofondémentdansmonespritquejeneréussispasvraimentàleslocaliser.Enmêmetempsquej’observelascène,jelasens–laforcedutournoiement,lapressionsurmesmuscles,lebesoindem’accrocherauvolant.Monaveniretmonpasséquimetombentdessuscommeuneputaindetornadetandisquejeperdslecontrôleetquejemedébatscontrelapeuretcetteputaindedouleurquejevoisvenir.

Àlaquellejenepourraijamaiséchapper.Desdébriséparpillés…surlapisteetdansmatête.Desdommages collatérauxqu’une autre pauvre âmedevragérer. J’en ai euplus quemapart. Je

m’étranglesurlabilequimonte–l’âmesiphonnantlapeurquitranspercemapsyché–parcequemêmeen plein vol, quand je devrais être libéré de tout, elle est toujours là. Il est toujours là. Le rappelpermanent.

Colty,quandtun’écoutespas,tuasmal.Allez,soisunbongarçonetattends-legentiment.Quandtuesvilain,devilaineschosesarrivent,monpetitgarçon.

Legrincementdumétal,songrognementmasculin.L’odeurdeladestruction,sapuanteurd’alcoolique.Moncorpssecognantcontrelacageprotectriceautourdemoi,sesdoigtsboudinésquiessaientde

meprendre,demeposséder,demeréclamer.Dis-moiquetum’aimes.Dis-le!Jet’aime.Jet’aime.Jet’aime.Jet’aime.Lechocdecetteputaindevoitureestbienvenuparcequ’ilfaittomberlesmotsdemabouche.Jele

vois,jelesens,jel’entendstoutàlafoiscommesij’étaispartoutetnullepartenmêmetemps,bordel.Àl’intérieuretàl’extérieurdelavoiture.Legrincementcaractéristiquedumétaltandisquesuiscommeenapesanteur,provisoirement libéréde ladouleur.Ensachantqu’une foisque j’auraiprononcéces troismots,iln’yauraplusqueladouleurpourvenir.

Ceputaindepoisonmerongerapetitàpetit jusqu’àcequejenesoisplusquelerienquejesaisdéjàquejesuis.

Cetteputaindepeurmeparalysera–meconsumera– commede ladynamite explosant dansunechambresousvide.

Moncorpsestprojetéviolemmentenavant,maismonharnaism’immobiliseenm’étranglant,commeRylee qui me pousse à aller de l’avant. Comme ce putain de souvenir, lui qui me retient, ces brasimplacablesquim’emprisonnenttandisquejemedébatscontrelesténèbresqu’ilintroduitenmoi.Contrelesmotsqu’ilm’obligeàprononcer,dénaturantleursensàjamais,putain.

Le choc m’atteint de plein fouet – la voiture contre la barrière, mon putain de cœur contre mapoitrine,l’espoircontrelesdémons–maistoutcequejevois,c’estRyleequienjambelemur.Toutcequejevois,c’estluiquivientversmoipendantqu’elles’éloigne.

–Rylee?

Aide-moi. Sauve-moi. Rachète-moi. Elle ne se retourne pas, ne réagit pas. Tout mon espoir estperdu,bordel.

…Jesuisbrisé…Je regarde la voiture – je sens son mouvement qui m’englobe – lentement je m’arrête vers un

dommagedontjenemesurepasl’étendue,tandisquelesténèbresmeconsument.…ettellementtordu…Monderniersoupirderésistance–àlui,pourelle–tandisquejecessedelutter.Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.–Onleperd.Ils’effondre!…Jemedemandesionamalquandonmeurt…–Colton,reviens.Bats-toi,bonDieu!

6

Lesminutesdeviennentdesheures.Lesheuresdeviennentdesjours.

Letempss’envolealorsquenousenavonsdéjàtropperdu.J’insistepourresterauchevetdeColton.Tropdegensl’ontdéjàquittédanssavie,etjerefused’en

faireautantaumomentoùc’estleplusimportant.Alors,jeluiparlesansarrêt.Jeparledetoutetderien,maiscelanesertàrien.Iln’aaucuneréaction,ilnebougepas…etcelametue.

Les visiteurs entrent et sortent par vagues : ses parents,Quinlan etBecks.Des communiqués surl’évolutiondesonétatsontdonnésdanslasalled’attenteoùcertainsmembresdesonéquipeetTawnyserassemblentquotidiennement.JenedoutepasqueBeckss’arrangepourgarderTawnyéloignéedemoietdemonétatémotionnelpourlemoinsfragile.

Le cinquième jour, je n’y tiens plus. J’ai besoin de le sentir contre moi. J’ai besoin de cetteconnexionphysique.Jerepousseprécautionneusementtouslestubesetlesfilssurlecôtéetjem’allongesurlelitprèsdeluienposantlatêtesursapoitrineetlesmainssursoncœur.Maintenantquejesenssoncorpscontrelemien,meslarmessemettentàcouler.Lesbattementssourdsetréguliersdesoncœur,sousmonoreille,meréconfortentplusquelebipélectroniquedumoniteurauquelj’aiprisl’habitudedemefierpourconnaîtresonétat.

J’enfouismonvisagecontrelui,souhaitantsentirsesbrassereplierautourdemoi,etlegrondementdesavoixdanssapoitrine.Despetitsdétailsrassurantsquineviennentpas.

Je reste allongée près de lui unmoment et je commence à sombrer dans les limbes du sommeilquandjesuisréveilléeensursaut.Jejureraisquec’estlavoixdeColtonquim’appelle.Quej’entendssalitaniedesuper-héros,unsoupirtumultueuxsurseslèvres.Moncœurbatlachamadequandjereprendsconsciencedudécorétrangerdesachambre.Leseulélémentquimesoitfamilier,c’estColtonàcôtédemoi,etmêmeluipeineàapaiserlechaosquirègnedansmatêteparcequ’iln’estpaslui-mêmenonplus.Sesdoigtsfrémissentetilgémitdenouveau,etmêmesicenesontpaslesmotsquim’ontréveillée,aufonddemoijesaisqu’illesappelle.Illeurdemandedel’aideràsortirdececauchemar.

Jenesaispasquoifairepourlecalmer.J’aimeraispouvoirpénétrerenluipourl’aideràsesentirmieux,maisc’estimpossible.Alors,jefaislaseulechosequimevientàl’esprit,jecommenceàchanterd’une voix douce en repensant à ce que m’a dit son père. Je croyais avoir oublié les paroles de lachanson que je n’ai pas entendue depuis si longtemps, mais après avoir hésité au début, elles mereviennentfacilement.

C’est ainsi quedans cet environnement froid et aseptisé, je tentedeme servir desparolesd’unechansonpourréchaufferColtonenluichantantcelledesonenfance:«Puffledragonmagique»…

Jenem’aperçoisquejemesuisendormiequelorsquejesuisréveilléeensursautparlecrissementdesemellesdecaoutchoucsurlesoletquandjelèvelesyeux,jecroiseleregardattendridel’infirmièredegarde.Jevoisarriverlaréprimandequ’elleasurleboutdelalangue,maismonregardimplorantl’endissuade.

–Mon petit, vous ne devriez vraiment pas être là-dessus avec lui. Vous risquez d’arracher uneperfusion.

Savoixestdouceetellesecouelatêteenmeregardantdanslesyeux.–Maissivousvoulezresterlàpendantmagarde,jevousprometsdeneledireàpersonne.Ellemefaitunclind’œiletjeluisourisavecgratitude.–Merci.J’avaisjustebesoinde…J’hésite.Commentexpliquerque je ressentais lebesoindecommuniqueravec luid’une façonou

d’uneautre?Elletendlamainetmetapotelebras,compréhensive.–Jesais,monpetit.Etquipeutdirequecelanevapas l’aideràsortirdesonétatactuel?Mais

faitesattention,ok?J’acquiesced’unhochementdetêteavantqu’ellenesortedelachambre.Jeme retrouve seuledans l’obscurité éclairée seulementpar la lueur fantomatiqueprovenantdes

machines.Toujoursblottiecontrelui,jeredresselatêtepourposermeslèvressurmonendroitpréféré,justesoussamâchoire.Sabarbeapousséetj’aimebienlechatouillementdesespoilssurmonnezetmeslèvres.Jelerespireetjemecomplaisdanscettesensation.Lapremièrelarmes’échappedoucementetavantque jepuisse réagir, lesquelques joursquiviennentde s’écoulerme tombentdessus. Je suis là,allongée, accrochée à l’hommeque j’aime–dans la peur omniprésente de le perdre – submergéepartouteslesémotionspossibles.

Alors,jemurmurelaseulechosequimepermetd’exprimerlapeurquitientmonâmeenotage.Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Auboutd’unmoment,meslarmessetarissentetjeretombelentementdanslesbrasdeMorphée.

***

Quand jeme réveille, je suis désorientée.Le soleil qui filtre par les rideauxme fait cligner desyeux.Deschuchotementsmeparviennentauxoreilles,maisunevoixmesurprendplusquelesautres.Elle

vibresousmatête.JesursautequandjemerendscomptequecettevibrationestprovoquéeparlavoixdeColton.Enmoinsd’uneseconde,moncœursemetàbattreàtoutrompre,jeretiensmonsouffleetmonespoir renaît. J’ai un vertige en regardant l’homme que j’aime et j’oublie toutes les autres personnesprésentesdanslachambre.

–Salut.C’estlaseulechosequejesuiscapablededirequandmonregardrencontrelesien.Desfrissonsme

courentsurlapeauetmamainsemetàtremblerenlevoyantréveillé,alerteetconscient.Iljetteuncoupd’œilpar-dessusmonépauleavantdemeregarderdenouveau.–Salut.L’euphoriequejeressenss’intensifie.Ilinclinelégèrementlatêtepourmeregarderavecattention

etlaconfusionquipassesursonvisagem’importepeupuisqu’ilestvivantetentier.Etqu’ilm’estrevenu.Je reste assise là, à le contempler un petitmoment, le cœur battant et incapable de dire unmot

tellementjesuissurprisedelevoirréveillé.–Iron-Ironman…Jebégaie,etjemedisqu’ilfautquej’aillechercherlemédecin.Jen’aipasenviedebouger.J’ai

enviedel’embrasser,deleserrerdansmesbras,deneplusjamaislelâcher.Ilseborneàmeregardercomme s’il était perdu, et c’est compréhensible si on pense qu’il vient juste de sortir d’un chaosfrénétiqueetquelaseulechosequejetrouveàdire,c’estlenomd’unsuper-héros.

Jem’apprêteàsauterdulit,maisiltendlebrasetsesdoigtsenserrentmonpoignet.–Quefais-tuici?Sesyeuxquiscrutentlesmiensposenttellementdequestionsquejenesuispassûredepouvoiry

répondre.–Je…je…tuaseuunaccident.Jebégaieententantdeluiexpliquer.J’espèrequelatrépidationquisefaufilelelongdemacolonne

vertébraleetquiplantesesgriffesdansmoncoun’estquelaconséquencedutrop-pleind’émotionsdesquelquesjoursquiviennentdes’écouler.

–Tut’escrashépendantlacourse.Tatête…tuétaisinconscientpendantunesemaine…Jemetaisquandjelevoisplisserlesyeuxetinclinerlatêtesurlecôté.Jevoisbienqu’ilessaiede

rassemblersessouvenirs,alorsjeluilaissedutempspourlefaire.Denouveau,iljetteuncoupd’œilpar-dessusmonépauleetc’estàcemomentquejemerappelle

avoirentendudesvoixdanslachambre–plusieursvoix–,maisquelquechosedansl’expressiondesonvisagemefaitcraindrederegarderailleurs.

–Colton…–Tum’asquitté.Savoix,briséeetpoignante,estchargéed’incrédulité.–Non…Jesecouelatêteetsaisissamaintandisquelapeurcommenceàs’insinuerdansmavoix.

–Non.Jesuisrevenue.Nousnoussommesréconciliés.Ons’estréveillésensemble.J’entendslapaniquemonterdansletondemavoix,jesenslesbattementsaffolésdemoncœur,la

chutevertigineusedel’espoirquejevenaistoutjustederetrouver.–Nousavonspilotéensemble.Ilhochedoucementlatête,l’airdenepasmecroire.–Non,pastoi.Ilregardederrièremoienretirantsamaindelamienne,qu’iltendverslapersonnequiestderrière

moi.–Tu espartie. Je t’ai couru après,mais je ne t’ai pas retrouvée.C’est elle quim’a trouvédans

l’ascenseur.Lesourirequej’attendaisensilence,dontj’avaisbesoinpourrecréernotreconnexion,apparaît…

maisilnem’estpasdestiné.J’ailesoufflecoupécommeparuncoupdepoing,lesangseretiredemonvisageetunesensation

de froid se répand dans chaque fibre demon âme tandis que le sourire que j’adore – celui qu’ilmeréservaitàmoiseule–estdestinéàlapersonnequisetrouvederrièremoi.

–Coltonn’arrivaitpasàsesouvenirdetout,chérie.Savoixm’agresselesoreillesetmebriselecœur.–Alors,jel’aimisaucourantenluiapportantlesélémentsquiluimanquaient.Tawnyapparaîtdansmonangledevisionenplissantlenezdansunsourirecondescendant.–Jeluiairacontécommenttuétaispartieetcommentnousavionsrenoué,luietmoi.Elle tourne sa langue dans sa bouche tandis que son sourire victorieux s’élargit en délivrant un

messagesansambiguïté.J’aigagné.Tuasperdu.Monmondes’écroulesousmespieds,unvoileobscurcitmavisionetjen’aiplusquelevideàquoi

meraccrocher.

7

Jemeréveilleensursaut.Jerespireavecdifficultéetmonespritperdudansunebrumehébétées’efforcedeseraccrocheràquelquechosedetangible.MoncrimeurtsurmeslèvresquandjemerendscomptequejesuisdanslachambredeColton,seule,allongéeprèsdelui.J’aitoujourslatêtesursapoitrineetlebraspasséautourdesataille.

Unepousséed’adrénalinem’arracheunsoupir tremblant.C’étaitunrêve.Putain,c’était justeunrêve. Je me le répète encore et encore, et j’essaie deme rassurer en fixant mon attention sur le bipincessant du monitoring et sur l’odeur d’hôpital – des choses que j’en suis venue à détester maisauxquellesjemeraccrochepourl’instantcommeunmoyendemeconvaincrequerienn’achangé.Coltonesttoujoursendormi,etjepeuxcontinueràcroireauxmiracles.

SeulementàceuxdanslesquelsTawnyn’intervientpas.Jemeblottis de nouveau contreColton,mon cauchemar persiste à la limite dema conscience et

continueàmedéstabiliser,toutmoncorpsfrémitd’angoisse.Jesuissiperduedansmespensées–danslapeurdemescauchemars–que,alorsquel’adrénalinereflue,mespaupièresdeviennentlourdes.Jesuissiabandonnée à la quiétude bienheureuse du sommeil que quand une main me caresse les cheveux ets’immobilisesurmondos,jemelaissealleràcettesensationapaisante,dansunétatsecond,commedansunrêve.Jemeblottisunpeuplus,acceptantcettechaleuretlasérénitéquil’accompagne.

Etsoudainjecomprends.JelèvebrusquementlatêteetmecognecontrecelledeColton.Lesanglotquis’étouffedansmagorgen’estrien,comparéautumultedemoncœuretàl’éveildemonâme.

Quandnos regards se croisent, je suis tétanisée.Tantdepenséesmepassentpar l’esprit, laplusimportanteétantqu’ilm’estrevenu.Coltonestréveilléetvivantetderetourauprèsdemoi.Nosregardsrestent rivés l’un à l’autre et je vois dans le sien la confusion passer à la vitesse de l’éclair etl’incertitudequileperturbe.

–Salut.Jeluiadresseunsourirehésitant.Jenesaispaspourquoijesuisunpeunerveuse.Coltonsepassela

languesurleslèvresetfermemomentanémentlesyeux,etjepaniqueàl’idéequ’ilperdeconnaissancede

nouveau.Àmongrandsoulagement, il les rouvreaussitôten louchant légèrementet ilouvre labouchepourparler,maisaucunsonn’ensort.

–Chut.Jeposeundoigtsurseslèvres.–Ilyaeuunaccident…Ilfroncelessourcilsettentesanssuccèsdeleverlamain,commesic’étaitunpoidsmort.Ilessaie

deleverlesyeuxpourcomprendrepourquoicesépaisbandagesluientourentlatête.–Ont’aopéré.Sesyeuxs’élargissentavecagitation,et jemereprochementalementmamaladresseetden’avoir

pasétéplusclaire.Lesbipsdumoniteuràcôtédemois’accélèrent,emplissantlesilencedelachambre.–Tuvasbienmaintenant.Tum’esrevenu.Jevoisqu’illuttepourcomprendreetj’attendsqu’uneétincelles’allumedanssesyeux,maisrienne

sepasse.–Jevaischercherl’infirmière.Quandjetendslebraspourdescendredulit,lamaindeColtonposéesurlematelasserefermesur

monpoignet.Ilsecouelatête,cequiluitireunegrimace.Aussitôt,jeprendssonvisagedansmamain,ilestblêmeetdesgouttesdesueurperlentsurl’arêtedesonnez.

–Nebougepas,d’accord?Mavoixsebriseetjescrutesestraitspoursavoirs’ils’estfaitmal.Commesijepouvaislesavoir.Ilhochelatêteavecdifficultéetmurmured’unevoixblanche.–J’aimal.–Jesais.Jepasselebraspar-dessuslelitpourappuyersurleboutond’appeltandisquel’espoirrenaîtau

fonddemoi.–J’appellel’infirmièrepourqu’elletedonnequelquechose,d’accord?–Ry…Savoixsebrisedenouveau,lapeurqu’ellerévèlemefendlecœur.Alors,jefaislaseulechosequi

mesemblepouvoirlerassurer.Jemepencheverslui,jeposeleslèvressursajoueetleslaisselàtoutencontrôlantl’affluxd’émotionsquimesoulèvecommeuntsunami.Leslarmescoulentsurmesjouesetsurlessiennesalorsquejesuissecouéedesanglotssilencieux.Jel’entendssoupirerdoucementet,quandjem’écartedelui,ilsembleêtredenouveauperdudansl’obscurité,derrièresespaupièrescloses.

–Toutvabien?L’infirmièreme sort demes pensées. Je tourne les yeux vers elle, je tiens toujours le visage de

Coltondansmamainetmesjouessontinondéesdelarmes.–Ils’estréveillé…Jen’arrivepasàdireautrechose,tantmonsoulagementestgrand.–Ils’estréveillé.

***

Au cours des quelques jours qui suivent, Colton passe deux ou trois fois encore par des phasesd’éveil.Unbrouillardconfusentrecoupéd’éclairsde lucidité.Àchaque fois, il essaiedeparler, sanssuccès,etàchaquefois,pendantlesquelquesminutesoùilestavecnous,nousessayonsdecalmercequenoussupposons,d’aprèsl’accélérationdesonrythmecardiaque,êtresespeurs.

Je refuse dem’en aller, de peur demanquer lemoindre de ces quelquesmoments précieux.Cesinstantsvolésàl’inquiétudeinterminable,etoùjepeuxfairecommesiriennes’étaitpassé.

Dorothea a quand même fini par me convaincre de prendre quelques minutes pour aller à lacafétéria. Je l’ai fait à contrecœur,mais j’ai conscience d’accaparer son fils, or elle a probablementenviedepasserunpetitmomentseuleaveclui.

Sansappétit,jerechignesurlanourriture,d’ailleursmonjeanflottesurmeshanches,bienplusquequandjesuisarrivéeenFloridelasemainedernière.Riennemefaitenvie–pasmêmelechocolatquiestpourtantmanourrituredeprédilectionencasdestress.

MonportablesemetàsonneretjemeprécipitedessusenespérantentendreDorotheamedirequeColtonestréveillédenouveau,maisnon.Monexcitationretombe.

–Salut,Had.–Salut,mapuce.Dunouveau?–Non.Jemecontentedesoupirer,regrettantden’avoirriendeplusàdire.Elleesthabituéemaintenantet

nes’offusquepasdusilencequis’installeentrenous.–S’il ne sedépêchepasde se réveiller, tant pis pour ceque tudiras, je traînemonculdans le

premieravion,pourêtreavectoi.C’esttoutàfaitHaddieetsonsenspratique.Çanesertàrienqu’ellevienne.Elleneferaitriende

plusqueresterassiseàattendrecommenoustous,etqu’est-cequeçachangerait?–Seulementtoncul?Jem’autoriseunsouriremêmesicelameparaîtplutôtincongrudanscetendroitlugubre.–Ehbien,iln’estpassimal,sijepeuxmepermettre…plutôtrebondi,ettoutça.Ellerigole.–Àlabonneheure,çamefaitplaisirdevoirquetuarrivesencoreàplaisanter.Tutraînesdansle

coin?–C’esttoutcequejepeuxfaire.Jesoupire.–Alors,commentva-t-il?Ils’estréveillédenouveau?–Oui,hiersoir.–Donc,çafait,quoi…cinqfoisendeuxjours,sij’encroisBecks?C’estplutôtbonsigne,non?

C’estmieuxquerien?

– Je suppose… je ne sais pas. Il a l’air si effrayé quand il se réveille… sur lemonitoring, sonrythmecardiaquemonteenflècheetiladumalàrespirer–etc’esttellementbrefquenousn’avonspasletempsdeluiexpliquerquetoutvabien,qu’ilvas’ensortir.

–Maisilvoitquevousêtestouslà,Ry.Lefaitquevoussoyeztouslàdoitluimontrerqu’iln’arienàcraindre.

Jemecontentederépondreparunpetitmurmureévasif,enespérantqu’ellearaison.Quelefaitdenousvoirtousl’apaiseetneluifaitpasplutôtpenserqu’onestréunisparcequ’ilvamourir.

–QueditledocteurIrons?Jeprendsuneprofondeinspiration,craignantque,sijelesformule,mespeursneseréalisent.–Ilditquesonétateststable.Queplusilseréveillefréquemment,mieuxc’est…maisquetantqu’il

n’apasprononcédephrasescomplètes,onnepeutpassavoirsisoncerveaun’apassubidedommages.–D’accord?Elletraînesurlemotcommesic’étaitunequestion.Commesiellemedemandaitcequejecrains,

sansledemander.–Qu’est-cequetunemedispas,Ry?Je recommenceà joueravec lanourrituresurmonassiette,enessayantconfusémentdegagnerdu

temps.J’avalemasaliveavecdifficultéavantdeprendreuneinspirationhésitante.–Ilditqu’ilarrivequelesfonctionsmotricessoienttemporairementaffectées…–Et…Lesilenceplaneetelleattendquejepoursuive.–Posetafourchetteetparle.Dis-moicequit’inquiètevraiment.Etpasdebaratin.Tuesunegrande

fillemaintenant,alors,arrêtedetournerautourdupot,bonsang.Satentativedemefaireriresesoldeparunpetitgloussementquisetransformeenunsoupir.–Iladitqu’ilpourraitnepassesouvenirdegrand-chose.Parfois,dansdescascommecelui-ci,le

patientpeutavoirdespertesdemémoire,temporairesoudéfinitives.–Ettuaspeurqu’ilnesesouviennepasdecequiestarrivé,leboncommelemauvais,c’estça?Je ne réponds pas, jeme sens à la fois stupide et confortée dansmes craintes. Elle prendmon

absencederéactionpouruneréponse.–Ehbien, ilestclairqu’il sesouvientde toi,puisqu’iln’apaspété lesplombsquand il t’avue

allongée sur le lit avec lui la première fois, non ? Il t’a pris lamain, t’a caressé les cheveux ?Celamontrebienqu’ilsaitquitues.

–Ouais…maisjevenaisjustedeleretrouver,Haddie,etmaintenantlapeurdeleperdre–mêmeausensfiguré–meficheunetrouillebleue.

– Arrête d’imaginer des choses qui ne se sont pas encore produites. Je comprends que tu soisinquiète,Ry,maistuesvenueàboutdesituationsplutôtmerdiquesjusqu’àmaintenant–ycomprislesvacheriesdecettemégèredeTawny–,alorsarrêtedetemettrelarateaucourt-bouillonetlaissevenirleschoses.Ilseratoujourstempsdefairefacequandlasituationseprésentera,d’accord?

Jem’apprêteàluirépondrequandmontéléphonemesignaleunSMS.Jel’écartedemonoreilleet

moncœurfaitunbondquandjevoisletextodeQuinlan.Ilestréveillé.–C’estColton.Ilfautquej’yaille.

8

Colton

Ladouleurmemartèlelestempescommeunputaindemarteau-piqueur.LesyeuxmebrûlentcommesijemeréveillaisaprèsavoirdescenduunebouteilledeJackDaniels.Labileremontedansmagorgeetmonestomacsesoulève.

Ilsesoulèvecommesij’étaisderetourdanscettechambre–aveclematelashumide,l’agitationquigranditenmoiquandj’attendsqu’ilarrive,quemamèremelivreà lui,mevende…maiscen’estpaspossible,bordel.Qestlà,etBeckett.Etmonpèreetmamère.

Qu’est-cequisepasse,bonDieu?Jeserrelespaupièresetjesecouelatêtepourm’éclaircirlesidées,maiscelanefaitqu’accentuer

madouleur.Deladouleur.Delasouffrance.Duplaisir.Dudésir.Rylee.Des flashes de souvenirs que je n’arrive pas à fixer ni à comprendre m’aveuglent avant de

disparaîtredanslesténèbresquilesgardentenotages.Maisoùest-elle?Jem’efforcederetrouverd’autressouvenirs,delessaisiretdem’yraccrochercommeàunebouée.A-t-ellefinipardevinerlanaturedeceputaindepoisonquimeronge?Parserendrecomptequele

plaisirnejustifiepasladouleurquejeluicauseraiàlafin?–MonsieurDonavan?JesuisledocteurIrons.Est-cequevousm’entendez?Quiêtes-vous,putain?Desyeuxd’unbleuglacialmeregardentfixement.

–Vousavezpeut-êtredumalàparler.Onvavousdonnerdel’eau.Pouvez-vousserrermamainsivousmecomprenez?

Pourquoi faut-il que je serre samain,bordel ?Etpourquoimamainàmoinebouge-t-ellepas ?Commentjevaisfairepourpiloterdanslacoursed’aujourd’huisijenepeuxpasserrerlevolant?

Moncœurplongecommelapédalequejedevraisenfoncersurlapisteencemoment.Maisjesuisici.Ethiersoir,j’étaislà-bas,avecRy.Jemesuisréveilléàsescôtés…etmaintenant

elleestpartie.…c’estlemomentdel’arrivéeetdudrapeauàdamier,Bébé…Toutm’apparaîtclairementd’unseulcoup.Etpuisc’est lenoircomplet.Lediaporamaquidéfile

dansma tête est entrecoupé de trous noirs, de points vides. Je n’arrive pas à relier les points. Je necomprendsrienàrien,sicen’estquejesuisdansunétatdeconfusiontotale.

Touslesregardssontfixéssurmoicommesij’étaisl’attractionducirque.Etmaintenant,MesdamesetMessieurs,ilvabougerlesdoigts.J’essaieaveclamaingaucheetellerépond.Dieusoitloué,putain.Mon esprit fait machine arrière. Le métal qui s’écrase, les étincelles qui fusent, la fumée qui

enveloppetout.Lefracas,letonneau,lachutelibre,lasecousse.…ondiraitquetessuper-hérosontfiniparvenir,enfindecompte…Jem’efforcedecomprendrecequeçapeutbienvouloirdire,maisjenetrouverien.Ryleeestpartie.Ellen’aimepasmoncôtécabossé,aprèstout.Je secoue la tête pour essayer d’en chasser lesmensonges à la con,mais la douleurme tire un

gémissement.Max.Moi.Elleestpartie.Ellenepeutpasrevivreça.Jen’arrivepasàcroirequej’aiétéassezégoïstepourluidemanderdelefaire.–Colton.C’estlemédecinquimeparledenouveau.–Vousavezeuungraveaccident.Vousavezdelachanced’êtrevivant.Ungraveaccident?Lesimagesfugacesquipassentdansmatêtecommencentàprendredusens,maisdespansentiers

memanquentencore.J’essaiedeparler,maismaboucheestsisèchequ’iln’ensortqu’uncroassement.–Vousavezétéblesséàlatête.Vousavezeuunecommotioncérébrale.Ilsourit,maisjememéfie.Àchevaldonnéonneregardepaslesdents.Ilestpossiblequ’ilm’aitramenéàlavie,maismaputainderaisondevivren’estpaslà.Elleaété

assezmalignepourpartirparcequejenepeuxpasluidonnercedontelleabesoin:lastabilité,unevie

sanscoursedeF1,unepromessed’aveniréternel.–L’infirmièrevavousapporterdel’eaupourhumectervotregorge.Ilnotequelquechosesursonbloc.–Jesaisquecelapeutvousparaîtreeffrayant,fiston,maiscelavas’arranger.Leplusdurestpassé.

Maintenant,nousdevonsvousaccompagnersurlechemindurétablissement.Lechemindurétablissement?Labonneblague!Ceseraitplutôtlavoierapidepourl’enfer.Desvisagesemplissentmonespaceimmédiat.Mamanvientm’embrasserlajoue,levisageinondé

delarmes.Papacachesonémotion,maisjevoisàsesyeuxqu’ilestcomplètementdévasté.Quinestàcôtédesespompes.Becksmarmonnequelquechoseàproposd’unsalopardégoïste.

Çadoitêtreplutôtgrave,putain.Etpourtant,jemesenstoujoursunpeuengourdi.Vide.Incomplet.Rylee.Auboutd’unmoment,ilsreculentlentementàlademandeexpressedemamèrequiveutqu’onme

laissedel’espace,qu’onmelaisserespirer.Etl’airqu’onmedonnem’estreprisaussitôt.Jemeretourneversunevaguesilhouettequejeperçoisducoindel’œil,etelleestlà.Sesbouclesrassembléessurlesommetdesoncrâne,sansmaquillage,levisagecreux,leslarmes

encorevisiblessursesjoues,etsesputainsdelèvresparfaitesquiformentunOdesurprise,ellesetientdansl’embrasuredelaporte.Elleal’aird’avoirpasséunmauvaismoment,maisc’estlachoselaplusbellequej’aijamaisvue,bordel!

Au risque de passer pour une gonzesse, je jure qu’elle est le seul air quemon corps accepte derespirer.Elleesttoutcedontj’aibesoin,bordel,etriendecequejemérite.

Elletripotesonportable,vêtuedemont-shirtporte-bonheur,etjevoissonagitationàsesyeuxquiseposentunpeupartoutdanslapiècesaufsurmoi.

Respire,Donavan.Respire,bordel.Ellen’estpaspartie.Elleest toujourslà.L’antidoteàl’acidequirongemonâme.

Sesyeuxfinissentparcroiser lesmiensets’yarrêter.Toutcequejevois,c’estmonavenir,monsalut, mon unique chance de rédemption. Mais ses yeux ? Putain, ils sont traversés de tellementd’émotionscontradictoires:soulagement,optimisme,angoisse,peurettellementd’autresinconnues.

Etc’estsurlesinconnuesquejemeconcentre.Lenon-ditquimeconfirmequetoutcelaladéchire.Jesuisinjustedeluifairerevivreça.Maisla

F1,c’esttoutemavie.C’estaussiessentielpourmoiquel’airquejerespire–cequiestironiquesionpensequec’estelle,monoxygène,putain.Maisc’estlaseulefaçonpourmoidesurvivreetdedistancerlesdémonsquimepoursuivent.L’écumenoirequisuintedanschaquefailledemonâmeens’assurantdenepouvoir jamais être éradiquée. Jen’ai pas ledroit d’être égoïste en lui demandantde rester àmescôtésalorsqu’iln’yapasdesalaudpluségocentriqueaumonde.

Lapousseràpartirtoutenlasuppliantderester.Maiscommentpourrais-jelalaisserpartiralorsqu’ellepossèdelatotalitédemonêtre?

J’accepterais avec joie de suffoquer si cela pouvait lui permettre de respirer librement. Sansinquiétude.SanscettebonDieudepeurquinelâchepas.

Fairepreuved’abnégationpourlapremièrefoisdemaviealorsquejenemesuisjamaispréoccupéquedemoi-même.

J’auraisdû luidire–dépasser cette foutuepeurquidétruitmonâme–,mais jen’aipaspu…etmaintenantellenesaitrien.

…jeteSpider-Man…Lesmotshurlentdansmatêtemaiss’étouffentdansmagorge.Lesmotsdontjenesaispassijeserai

suffisammentrétabli,unjour,pourlesdire.Ellem’avolécettecapacitéilyatoutescesannées.Etmaintenant,jevaispayerpourça.Enlaissants’échappermonuniquechance.C’est alorsque j’entendsun sanglot sortir de sagorge.Que j’entends l’incrédulité et le tourment

contenusdanscesonsingulierquisecouesesépaulesquis’affaissent.Etjesaisquecequejeveuxetcequiestbonpourellesontdeuxchosestotalementdifférentes.

9

Enlevoyant, lucideetalerte,bienqu’encoregroggy,unsanglots’échappedemagorge.Monhommeblesséestlaplusbellevisionquej’aiejamaiseue.

Je n’aurais jamais cru que mon cœur puisse s’emballer à ce point. Et nous nous regardonsintensément tandisque lebruitet l’excitationqui régnaientdans lachambrediminuent, tout lemondeareculéd’unpasenobservantsilencieusementnotreéchange.

Et pourtant, je suis figée sur place tout en essayant de déchiffrer les émotions qui traversentrapidementlesyeuxdeColton.Ilsemblecontritetpeut-êtretroublé,maisilyaautrechose,uneémotionsous-jacentequejen’identifiepasetquiprovoquechezmoiunecertaineappréhension.

Uneinfirmièrepassevivementdevantmoi,enfrôlantmonépauleetenrompantnotrecontactvisuel.Elleportelapailled’unverred’eauàseslèvresetilboitavidementtoutlecontenu.

–Ehbien,onavaitdrôlementsoif,dites-moi. Jevaisalleren rechercher,maisonvaattendredevoirsivouslagardezavantdevousnoyer,d’accord?

J’essaiedecalmermarespirationhaletante,maiscelanesemblepasapaisermonangoisse.JesensqueQuinlanpasseunbrasautourdemesépaulesenreniflantelleaussi,maisjenelaregardepas.Jenepeuxpasmerésoudreàdétournerlesyeuxdelavisionbrouilléeparleslarmesdecequej’aidevantmoi.L’infirmièreprend legraphiquedesmainsdudocteur Ironset sortde lachambre. Jen’ai toujourspasbougé.JenequittepasColtondesyeuxpendantqueledocteurIronsl’examine:ilsuitlemouvementdesesyeux,testesesréflexes,évaluelaforcedesapoignequandilluiserrelamain.Jeremarquequ’illuidemandederépéterletestpoursamaindroite,et jevoislapaniquepassersurlestraitsdeColton.Jen’arrivepasàregarderailleurs.Jesuischacundesesmouvements,depeurdemanquerquelquechose–lamoindrebribe–decespremiersinstants.

–Bon,toutcelamesembleparfait.Commentvoussentez-vous,Colton?Je l’observe. Il déglutit péniblement et ferme les yeux avec une grimace avant de les rouvrir

aussitôt.Jefaisunpasenavant,jevoudraispouvoirl’aideràfairedisparaîtrecettedouleur.Iljetteunregardcirculairedanslapiècetoutenretrouvantsavoix.

–Matête.Mal.Main?

Il baisse les yeux vers samain droite et son désarroi est visible quand il regarde à nouveau lemédecin.

–Qu’est-ce…s’estpassé?Combiendetemps?LedocteurIronss’assiedsurleborddulitàcôtédeluietentreprenddeluiexpliquerl’accident,

l’opérationetletempsqu’ilapassédanslecoma.–Pourcequiestdevotremain, celapeutêtreuneconséquenced’unœdème résidueldansvotre

cerveau.Ilvafalloircontinueràlasurveillerpourvoircommentelleévolueavecletemps.Coltonacquiesced’unsignedetête,levisagegraveetconcentré.–Pouvez-vousmedirequelleestladernièrechosedontvousvoussouvenez?Je retiensmon souffle quand Colton pousse un soupir. Il déglutit encore une fois et se passe la

languesurleslèvres.–Jemesouviens…d’avoircognéquatrefois.Savoixsort,râpeuse,rocailleuse,desescordesvocalesenrouées.–Quoid’autre?demandeAndy.Coltontournelesyeuxverssonpèreethochelégèrementlatêteavantdeserrerlespaupièresdans

uneffortdeconcentration.–C’estcommedeslambeauxdansmatête.Certaineschosessontclaires…IlavalesasaliveetrouvrelesyeuxpourregarderledocteurIrons.–D’autres… sont vagues. C’est comme si je sentais qu’elles sont là,mais je ne peux pasm’en

souvenir.–C’estnormal.Parfois…–Despétardsdanslesstands.Jemeréveilletrophabillé.Coltonlèvelesyeuxetcroisemonregardenprononçantlesmotsquimemontrentqu’ilsesouvient

demoi,qu’il se souvientde la façonmémorabledont je l’ai réveilléavant lacourse.Unpetit souriresoulèveun coin de sa bouche, qui tranchede façon incongrue sur la pâleur de sa peauhabituellementbronzée.

Aucasoùiln’auraitpasdéjàemportémoncœur,s’iln’enavaitpasdéjàmarquéchaquemillimètredesonsceaureconnaissableentretous,illefaitmaintenant.

Jenepeuxretenirlerirequijaillitdemeslèvres.Jenepeuxempêchermespiedsd’avancerpourmerapprocherduborddulittandisquesesparoless’évanouissentetquesesyeuxsuiventchacundemesmouvements.Monsourires’élargit,meslarmescoulentplusviteetmoncœurgrossitquandjemesenssoulagéepourlapremièrefoisdepuisdesjours.Jetendslebrasetjeserresamainquireposelelongdesoncorpssurlematelas.

–Salut.C’estidiot,maisc’estleseulmotquej’arriveàprononcertantmagorgeestserréeparl’émotion.–Salut.Ilmurmure,avecsurleslèvrescesourireencoinquej’adore.

Nous ne faisons que nous regarder pendant un instant, nos yeux expriment tant de choses qui nepassentpasnoslèvres.J’entrelacemesdoigtsaveclessiensetjevoisl’inquiétudedanssesyeuxquandiltentederépondreàmapressionmaisquesamainrefuse.

–Çanefaitrien.Incapable de résister, je pose mon autre main sur sa joue, heureuse de sentir le muscle de sa

mâchoiretressaillirsousmapaume.–Ilfautquetusoispatientetqu’ontelaisseletempsdeterétablirLesémotionspassentàlavitessedel’éclairdanslevertdesesyeuxtandisqu’ilessaied’intégrer

cettenotion.Et,àcetinstant,latensiondansmapoitrinepassedelapeurdel’inconnuàlacompassionquej’éprouveenregardantl’hommequej’aimesecolleteraveclaconsciencequesoncorpsd’habitudesiviriletréactifneluiobéitpas.

LedocteurIronsintervientenbrisantlaconnexionentrenous.– Rylee a raison. Il faut être patient. Que vous rappelez-vous d’autre, Colton ? Vous vous êtes

réveilléinsuffisammentvêtuetvousavezfrappéquatrefois.Sonvisagenetrahitriendelaperplexitéqu’ildoitéprouveràessayerdecomprendrelesensdeses

propos.–Etensuite?–Non…Coltonfaitlagrimaceetsecouelatête,instinctivement.–D’abord,j’aifrappéetensuite,jemesuisréveillé.JelèvebrusquementlesyeuxversBeckettparcequ’ilestleseulàpouvoircomprendrequecen’est

pasl’ordredanslequellesévénementssesontdéroulés.LedocteurIronsremarquemonairétonnéetmefaitsignedelatêtedemetaire.

–Çanefaitrien.Quevousrappelez-vousd’autre,sansvoussoucierdel’ordrechronologique?Coltonluilanceunregardbizarreetlemédecinpoursuit.–Parfois,quandlecerveauasubiuntraumatisme,commec’estlecaspourlevôtre,lessouvenirs

peuventsedéplacerousetransformer.Pourcertains,l’enchaînementdesévénementspeutavoirdisparumais les souvenirs sont toujours là. Pour d’autres, certains souvenirs sont parfaitement distincts etd’autresontdisparu.J’aidespatientsquiserappellentparfaitementlejourdeleurtraumatismemaisontunblancencequiconcerned’autresmomentsouévénementsquionteulieu.Chaquepatientestunique.

–Combiendetempscesabsencesdurent-elles,généralement?C’estAndyquiaposélaquestion,depuisl’autrecôtédulit.–Parfois elles durent un petitmoment et parfois pour toujours…mais ce qui est bien, c’est que

Coltonsembleavoirdessouvenirsquidatentdujourdel’accident.Onestendroitdepenserqu’iln’aperduqu’unepetite parcellede temps.Le temps aidant, il sepourrait qu’il s’aperçoivequ’il a oubliéd’autreschoses…parcequ’enréalité,tantqu’ilneserappellepasunechose,ilnesaitmêmepasqu’elleluimanque.

LedocteurIronsnousregardetousethausselesépaules.

– Au moment où nous parlons, il ne me semble pas déraisonnable de penser que vous allez laretrouverentotalité,Colton,maisjevousconseillelaprudenceparcequelecerveaupeutnousjouerdestoursparfois.Enfait…

–L’hymnenational,s’exclameColtond’unevoixquidébordedusoulagementd’avoirpurepêcherunautresouvenirdufonddesesténèbresintérieures.

Jeluiadresseunsourired’encouragementtandisqu’ils’éclaircitlavoix.–Je…jenepeuxpas…Safrustrationestpalpabletandisqu’ilfaitdeseffortspoursesouvenir.–Ques’est-ilpassé?Ilsouffleenregardanttoutlemondeautourdeluiavantdepassersamaingauchesursafigure.–Vousétieztouslà.Ques’est-ilpasséd’autre?–N’enfaispastrop,monchéri,ditDorothea.N’est-cepas,DocteurIrons?TousnosregardsseportentsurledocteurIronsquiacquiesced’unhochementdetête,maisquand

nousregardonsColton,ils’estendormi.Nousretenonstousnotresouffle,saisisparlapeurqu’ilnesoitretombédanslecoma.Toutesnos

imaginationspassentlavitessesurmultipliée.LedocteurIronsmetunfreinànotrepanique.–C’estnormal.Sesdeuxoutroispremiersmomentsd’éveilvontl’épuiser.Les épaules se détendent, les soupirs fusent et le soulagement revient, mais notre inquiétude ne

disparaîtpastotalement.Quinlans’approchedulit.–Noussavonsqu’ilal’airde–quesoncerveaual’air–defonctionnernormalementpourl’instant.

Àquoidevons-nousnousattendremaintenant?LedocteurIronsjetteunderniercoupd’œilàColtonavantdeseretournerversnous.–Chaque personne est différente,mais je peux vous dire que plusColtonmettra longtemps à se

souvenir, plus il sera frustré. Parfois le caractère des patients se modifie – parfois ils deviennentirritablesouaucontraireplusconciliants–,quelquefoisilsnechangentpasdutout.Pourl’instant,ilesttroptôtpourseprononcer,ilfaudraattendrepourvoircommenttoutcecil’auraaffectéàlongterme.

–Est-cequeceuxquiétaientprésentsdevraientcomblerlesblancspourluiquandilnesesouvientpas?demandeBecks.

–Biensûr,vouspouvez,maisjenegarantispaslafaçondontilréagira.

***

JereprendsmonposteauprèsdulittandisqueDorotheavientmedireaurevoirenm’embrassantsurlajoueavantdesepencherpourposerleslèvressurlefrontdeColton.

–Nousallonsnousreposerunpeuàl’hôtel.Nousreviendronsdemainmatin.Tun’aspasintérêtàbaisserlesbras.

Elle recule et le regarde fixement unmoment avant deme sourire gentiment et d’aller retrouverAndyetQuinlandanslecouloir.

Je pousse un profond sourire tandis queBeckett rassemble les reliefs de notre souper improvisépendantquenousattendionsimpatiemmentqueColtonseréveille.JelèvelesyeuxdulivrequejelisaisdistraitementpourobserverlesgestesméthodiquesdeBeckett.Lescernesprofondssoussesyeuxet labarbe naissante sur ses joues, d’ordinaire parfaitement rasées, montrent que la semaine qui vient des’écoulern’apasétéclémentepourlui.Ilal’airperdu.

–Commentçava,toi?J’ai parlé d’une voix douce,mais je sais qu’ilm’a entendue parce qu’il s’immobilise un instant

avantdefinirdemettrelesorduresdanslapoubelleetd’appuyerdessus.Ilseretourne,s’appuiecontreuncomptoirderrièreluiethausselesépaulesenmeregardantdans

lesyeux.–Tusais…(j’aifiniparadorersontimbresonoreàl’accenttraînant)…çafaitseizeansquenous

nous connaissons, lui et moi, et pendant tout ce temps, cela ne nous est jamais arrivé de rester silongtempssansseparler.

Ilhausselesépaulesdenouveauetregardeparlafenêtrelesvoituresdesjournalistessurleparking.–Çaabeauêtreunpetitconarrogantetexigeant, ilmemanque.Tupeuxme traiterdegonzesse,

maisj’aidel’affectionpourcemec.Jenepeuxm’empêcherdesourire.–Moiaussi,moiaussi.Becksvientversmoietm’embrassesurlecrâne.–Je faisunsautà l’hôtel. Il fautque jeprenneunedoucheetque j’appellemonfrère.Ensuite je

reviens,d’accord?JesensmonterenmoiuneadorationgrandissantepourBecks,l’amiindéfectible.–Tudevraisresterlà-basetprendreunebonnenuitdesommeilréparateur.Dansunvrailitplutôt

quedansundesfauteuilsmerdiquesdelasalled’attente.Ilsemetàrireenfaisantunsignedetêtedansmadirection.–C’estl’hôpitalquisefoutdelacharité,non?–Jesais,maisjenepeuxpas…etenplus,moijedorsdansundecesfauteuilsmerdiques,ici.(Je

tapotelesiègedeceluisurlequeljesuisassise.)Aumoins,celui-ciestmieuxrembourréqueceuxquisontàl’extérieur.

J’inclinelatêteetleregarderéfléchiràlaquestion.–Jeteprometsdet’appelers’ilseréveille.Ilpousseunprofondsoupiretmelanceunregardréticent.–Ok…maistum’appelles,c’estpromis?–Promis.Je le regarde partir et je me laisse aller au silence caractéristique de la chambre d’hôpital. Je

m’assiedspourregarderColton,vraimentheureusequ’ilsoitlà,entier,devantmoi–qu’ilnem’aitpas

oubliée–quandcelaauraitpuêtretellementplusgrave.Jefaisuneprièresilencieusetandisqueletempspasse,conscientequejevaisdevoircommenceràm’acquitterdesdifférentsmarchésquej’aipassésavecl’au-delàpourobtenirqueColtonmerevienne.

Je réponds aux deux textos qu’Haddie m’a envoyés, je prends des nouvelles des garçons et jem’informepour savoircomment s’estpassé le testdemathsdeRickyhier, avantd’envoyerun textoàBeckspourluisouhaiterbonnenuitetluidirequeColtonesttoujoursdanslesvapes.

Les premières heures dumatin approchent et je ne peux pas lutter plus longtemps. J’enlèvemeschaussures,jedétachemabarretteetjemeplaceauseulendroitaumondeoùj’aienvied’être.

ÀcôtédeColton.

10

Lalumièredumatinbrûlemespaupièresclosesalorsquej’essaiedemeréveiller.Jen’avaispasdormiaussiprofondémentdepuisplusdesixjours.Maisjemeblottisencoreplusprofondémentdanslachaleurquejesenscontremoi.Desdoigtseffleurentmajoue,metirantsubitementdematorpeur.

–Bonjour.Savoix est unmurmure chuchoté sur le sommetdemoncrâne.Moncœur est submergéd’un flot

d’émotionsdiverses,laplusintenseétantunsentimentdeplénitude.Decomplétuderetrouvée.Jechangedepositionpourpouvoirleregarderdanslesyeux.–N’appellepaslesmédecinstoutdesuite.Jen’aibesoinquedeça.Quedetoi.Personned’autre,tu

veuxbien?Sérieux?Est-cequelecielestbleu?Siçanetenaitqu’àmoi,jeleferaissortirendoucedecette

prisonstérileet je legarderaispourmoi touteseulependantuncertain temps.Éternellement.Etmêmeplus s’ilme laissait faire.Mais je garde ce commentaire désinvolte pourmoi et jeme contente d’ungémissementsatisfaitenleserrantplusfortdansmesbras.Jefermelesyeuxetjeprofitepleinementdecemoment.Jevoudraistellementquenoussoyonsailleurs,n’importeoù,pourpouvoirêtreallongéeprèsdelui,peaucontrepeau,connectésdecettefaçonindescriptible.Avoirl’impressionquejecontribueàréparersamémoirefragmentaireetsonâmecabossée.

Nousrestonsallongés,sansparler,mamainsursoncœuretlesdoigtsdesamaindroitequivontetviennentparesseusementsurmonavant-bras.Ilyatantdequestionsquejevoudrais luiposer.Tantdechosesquimepassentparlatêtemaistoutcequejeparviensàdire,c’est:

–Commenttutesens?Sonmouvementmarqueuntempsd’arrêt,si ténuqu’ilmanquedem’échapper,maissuffisantpour

quejemerendecompteque,malgrélesapparences,quelquechosenetournepasrond.–C’estagréable.C’esttoutcequ’ilditetcelaconfirmemonintuition.Jeluilaisseunpeudetempspourrassembler

ses esprits etmettre enplacecequ’ilveutdireparcequ’aprèscesdernières semaines, j’aidécouvert

beaucoupdechoseset,entreautres,monincapacitéàécouterquandilestprimordialdelefaire.Etencemoment,c’estprimordial.Alors,jegardelesilencetandisquemonespritenvisagetouteslespossibilités.–Celafaitplusieursheuresquejesuisréveillé.Jet’écouterespirer.J’essaiedefairemarchercette

foutuemaindroite.J’essaiedecomprendrecequiestarrivé.Ceque jenen’arrivepasàmerappeler.Toutestlà.Jelesens,maisjen’arrivepasàlefairereveniràlasurface…

–Queterappelles-tu?J’aitrèsenviedemetourner,deregardersesyeuxpourylirelapeuretlafrustrationquilesaltèrent

très probablement,mais jeme retiens. Je lui laisse la possibilité d’admettre qu’il n’a pas totalementrécupéré.Decontrebalancercebesoin toutmasculind’être leplus fortpossibleetnepasdévoilersesfaiblesses.

–C’estbienleproblème.Jemerappelledesfragments.Riendefluidecependant,àpartquetuétaisprésentelaplupartdutemps.Tupeuxmedirecequiestarrivé?Commentlajournées’estdéroulée,afinquej’essaiedecomblerlesvides?

–Mmm-hmm.Jehochedoucementlatêteensouriantquandjerepenseàlafaçondontnotrematinéeacommencé.–Jemesouviensdem’êtreréveilléaveclaplusbellevisionqu’onpuisseimaginer–toi,nuesur

moi.Ilsouritd’unairappréciateurquiréveilledespartiesdemonanatomieensommeildepuisledébut

de la semaine. Je n’essaiemême pas de retenir le sourire qui s’affiche surmes lèvres quand je senscroîtresonérectionsousledrapàcôtédemoi.Jesuiscontenteden’êtrepaslaseulequecesouvenirnelaissepasindifférente.

–Becksestentrésansfrapperetçam’afichuenrogne.Ilestrepartietjecroisbienquetonjeans’estretrouvésurlesolettondosappuyécontrelemuràpeineavait-ilrefermélaporte.

Nousgardonslesilence,aveccettechargeélectriqueincontestablequicrépiteentrenous.–Dieuduciel,qu’est-cequejenedonneraispaspourfaireça,làtoutdesuite!Jememetsàrireet,cettefois,quandjemeredressepourleregarder,ilnem’enempêchepas.Je

metournepourluifairefaceetjenepeuxretenirlesfrissonsquicourentsurmapeauquandjeleregardedanslesyeux.

–JenesuispassûrequeledocteurIronsapprouverait.Jesoupiresilencieusement,soulagéedevoirquenoussommesrevenusexactementaupointoùnous

enétionsavantl’accident.Enjoués,endemandeetcomplémentaires.Jenepeuxm’empêcherdetendrelamainpoureffleurersajoue.Jedétestel’idéedenepasêtreencontactaveclui.

–Alors,tupeuxêtresûrequec’estlapremièrechosequejeluidemanderailaprochainefoisquejeleverrai.

–Lapremièrechose?Moncœurfaitunbondetjedéglutisquandilsetourneetdéposeunbaisersurlapaumedemamain.

Cegestesimplefinitdenouerlerubanquientouraitdéjàmoncœur.

–Unhommedoitavoirdespriorités.Siune têteest foutue,aumoins l’autrepeut-êtreutiliséeaumaximumdesonpotentiel.

Ilsemetàrireetfaitunegrimaceenportantsamaingaucheàsatête.Aussitôtjem’affoleetjetendslamainverslasonnettepourappeler,maisilarrêtemongeste.Dans

laseconde,jeréalisequ’il l’afaitdelamaindroite.JecroisqueColtons’enaperçoitenmêmetempsquemoi.

Il avale sa salive avec difficulté et tourne le regard sur samain en lâchantmon bras. Je suis lemouvementdesesyeuxetjevoisquesesdoigtstremblentviolemmentquandilessaieenvaindeserrerlepoing. Je remarque que son front se couvre de sueur au-dessous du bandage quand il essaie decontraindresesdoigtsàserrer.Quandjenepeuxplussupporterdelevoirlutter,jeprendssamaindanslamienneetjecommenceàlamasserenessayantmoi-mêmedelaforceràbouger.

–C’estundébut.Unechoseàlafois,ok?Jen’aiqu’uneenvie,c’estdeleprendredansmesbrasetdefairedisparaîtretoutecettedouleuret

cettefrustration,maisilal’airsifragilequej’aipeurdeletoucher,mêmesicelapermettraitderéduirelemalaise persistant qui s’insinue dansmon esprit.Monoptimismehabituel a étémis à rude épreuvedepuisquelquessemainesetjen’arrivepasàmedéfairedusentimentquelepireestàvenir.Quequelquechoseseprofileàl’horizonquiattend,pournousabattreànouveau.

–Qu’est-cequetuterappellesd’autre?J’essaiedefairediversionpourqu’ilarrêtedesefocalisersursamain.Ilmedonnesaversiondecequis’estpassécejour-là,ilyadesblancsicietlà.Desdétailssans

grandeimportance,maisjeremarquequeplusils’approchedudébutdelacourse,pluslesblancssontconséquents.Etchaquepiècedupuzzlesembledeplusenplusdifficileàretrouver,commes’ildevaitsesaisirdechaquesouvenirpourl’extrairephysiquementdesagangue.

Jeluilaisseunmomentderépitetjevaisdanslasalledebainsattenanteàlachambrepourjeterlebaindebouchequ’ilavaitdemandé.Enrevenant,jeletrouveentrainderegarderparlafenêtrelafouledesjournalistesenbas.

–Jemesouviensquej’étaisdanslacaravane.Onafrappéàlaporte.Quand je reviensm’asseoir sur le lit à côtéde lui, ilme regarde en coin, despensées lubriques

dansentdanslevertbrillantdesesyeux.–Etjerevoisuncertaindrapeauàdamierquejen’aijamaiseul’occasiondegagner.Ilfaitlamoueetmeregardefixement.Touterésistancedevientinutile.C’esttoujourscommeça,jen’aiaucunevolontéquandils’agitdeColton.Jemepenchevers luipour fairecedont j’aiuneenvie folle. Jecèdeàmondésirdesentircette

connexionaveclui–demelaisseralleràmaseuleetuniqueaddiction–etjeposemeslèvressurlessiennes.C’estidiot,maisj’aipeurdeluifairemal.Commesi,d’unecertainefaçon,lespenséeslascivesqui sous-tendent notre chaste baiser risquaient de provoquer des douleurs dans sa tête qui se remet àpeine.

Maisaumomentoùnoslèvressetouchent–aumomentoùunlégersoupirs’échappedeseslèvresets’insinuedansmonâme–j’aidumalàavoirlesidéesclaires.Jereculelégèrementpourm’assurerqu’ilvabienalorsquejemeursd’enviedecroquerlefruitdéfendu.

Coltonnemelaissepasleloisird’hésitermaismelesertsurunplateaud’argentenposantsamaingauche surma nuque et en reprenant possession dema bouche.Nos lèvres s’écartent, nos langues semélangentetnousnousretrouvonsinstantanémentquandnousnousabîmonsdansunbaiserrespectueux.Nousnesommespaspressésdefaireautrechosequedeprendreplaisiràcetteconnexionévidente.Lesbips énervants des moniteurs sont couverts par les doux soupirs et les murmures de satisfaction quitémoignentdel’affectionquiexisteentrenous.

Jesuissiabsorbée,moiquiaieusipeurdeneplusjamaispouvoirlegoûter,qu’uneseulequestionm’importe,commentmerassasierdelui?

Jesensseslèvressepincerquandilgrimacededouleur.Aussitôt,laculpabilitémesubmerge.Jelepousse trop loin, trop vite, pour satisfaire mon propre besoin égoïste de me rassurer. J’essaie dem’écarterdelui,maissamaintientfermementmatêteet ilappuiesonfrontcontre lemien,nosnezsetouchentetnosrespirationssemélangentsurnoslèvresrespectives.

–Donne-moijusteuneseconde.Ilmurmurecontremeslèvres.Jehochelatêtelégèrementcontrelasienne,jeluidonneraistouteune

vies’ilmeledemandait.–Cesmigrainessedéclenchentsibrusquementquej’ailatêtecommeuneenclume.L’inquiétuderefroiditaussitôtmesvelléitésérotiques.–J’appellelemédecin.–Non.Ilfrappedesonpoinggauchecontrelelitenfaisanttremblerlabarrièredesécurité.–Ici,j’ail’impressiond’avoirhuitansdenouveau.Cequejem’apprêtaisàdireeststoppénet.–Toutlemondemeregarded’unairinquietetpersonnenerépondàmesinterrogations…saufque,

pourlecoup,c’estmoiquin’aipaslesréponses.Ilritdoucementetjesenssoncorpsseraidirsousl’effetdeladouleur.–Colton…–Non,non…pastoutdesuite.L’air buté, il me caresse la nuque avec son pouce pour essayer de me détendre alors que cela

devraitêtredansl’autresens.–JemesouviensdemoninterviewavecESPN 1.Etaussid’avoirmangémonSnickers.Sonvisageprenduneexpressionbizarreetildétournelesyeuxuninstant.–Det’avoirembrasséeaustand,etpuisplusrien.Ilparled’autrechosepourm’empêcherd’appelerlemédecin.Jeviensàsonaide.–L’assembléedespilotes.Becksétaitavectoiàcemoment-là.

– Comment ça se fait que je me souviens d’avoir mangé une barre chocolatée et pas del’assemblée?

En y réfléchissant, je fais le rapport avec l’information qu’Andym’a donnée et qui luimanque.Parceque leSnickers, labarrechocolatéeporte-bonheur,est liéeà sonpassé– lapremière rencontrefortuitedesavieavecl’espérance.

–Jenesaispas.Jesuissûrequecelavaterevenir.Jenecroispas…–Tuétaisàcôtédemoipendantl’hymne.Lamusiques’estarrêtée…Savoixbaissetandisqu’ilessaiedeserappelerlesévénementssuivantsetquelamiennes’étrangle

dansmagorge.–J’airegardéDavist’aideràpasserpar-dessuslemur,jevoulaisêtresûrquetuétaisensécurité

pendant que Becks faisait les dernières vérifications… et jeme souviens de cette sensation des plusétrangesd’êtreenpaixquand j’étaissur la lignededépart,et jemedemandebienpourquoi…etpuisplusrienjusqu’àcequejemeréveille.

Lemalaisequiarrivaitenmoisurlapointedespiedssetransformeenunecavalcade.J’ailecœurquiflanche.Lesoufflecourt.Ilneserappellepas.Ilneserappellepasm’avoirditla

phrasequifaittenirensembletousleséclatsdemonêtrefracassé.J’aibesoinderassemblertoutesmesforcespournepaslaisserparaître,dansleraidissementdemoncorps,maréactionàcettegifleinattendueadministréeàmonâme.

Jenem’étaispasrenducompteàquelpointj’avaisbesoindel’entendremedirecesmotsencoreunefois–surtoutaprèsavoircruqueje l’avaisperduà jamais.Àquelpoint lefaitdesavoirqu’ilserappelait cemomentdéterminant entrenous réparerait les dernières fissuresqui subsistaient dansmoncœurconvalescent.

–Ettoi?Savoixvientinterrompremespenséeséparsesetilm’embrassesurleboutdunezavantdemetirer

latêteenarrièrepourpouvoirmeregarderdanslesyeux.J’essaiededissimulerlesémotionsquiysontprobablementvisibles.–Etmoi,quoi?Jeréussisàavalermasalivemalgrécegrosmensongequibloquemagorge.Ilpenchelatêteenme

regardantetjemedemandes’ilsaitquejeluicachequelquechose.–Est-cequetusaispourquoij’étaissiheureuxaudépartdelacourse?Je me passe la langue sur les lèvres en m’interdisant mentalement de me mordiller la lèvre

inférieure,sinonilsauraquejemens.–Non,non.Moncœurseserre.Jenepeuxtoutsimplementpasleluidire.Jenepeuxpasleforceràressentir

desmotsqu’ilneserappellepasavoirprononcésetjeneveuxpasqu’ilsesenteobligéderépéterdesmotsquiluirappellentleshorreursdesonenfance.

…cequetum’asdit–cestroismots–,ilsfontdemoiquelqu’unquejeneveuxplusjamaisêtre.Ilsdéclenchentdeschoses–dessouvenirs,desdémons,tellementdechoses,putain…

Sesparolesm’écorchentlamémoireetylaissentunetracequeluiseulseracapabledeguérir.Etjesaisque,mêmesij’enaienvie,mêmesicelafaitmalderéprimermonbesoindel’entendre,jenepeuxpasleluidire.

Jeplaquesurmeslèvresunminusculesourireforcéetjeleregardedanslesyeux.–Tuétaisprobablementexcitéparlelancementdelasaison,voilàtout.Tudevaistedirequ’àen

croirelestempsréaliséspendantlesessais,tuallaisdécrocherledrapeauàdamier.Jelaisselemensongesortirdemaboucheetl’espaced’uninstantj’aipeurqu’ilnemecroiepas.

Auboutd’uneminute,uncoindeseslèvressesoulèveetjesaisqu’iln’arienremarqué.–Jesuissûrqu’iln’yavaitpasqu’unseuldrapeauàdamierquejevoulaisdécrocher.Jesecouelatêteenleregardant,lesouriresurmeslèvrescommenceàsecraqueler.LevisagedeColtonpasseinstantanémentdurireàl’inquiétudeenvoyantcechangementinattendu

demonexpression.–Çanevapas?Il prendmonvisage dans samain. Je ne peux pas répondre tout de suite, je suis trop occupée à

empêcherladiguedeserompre.–Jevaisbien,Ry.Jevaism’ensortir.Ilmechuchotedesmotsrassurantsenm’attirantcontreluipourmeserrerdanssesbras.Etladigueserompt.Embrasser Colton, c’est une chose, mais être enfouie dans la chaleur de ses bras me donne

l’impressiond’êtredanslelieuleplussûrdumonde.Et,toutbienconsidéré,lacomposantephysiquedenotrerelationest indéniablementphénoménaleetnécessaire,maisenmêmetempscettesensation–sesbrasmusclésautourdemoi,sonsoufflechaudquimemurmuredesparolesrassurantesdanslescheveux,lesbattementsréguliersdesoncœurcontrelemien–estdeloincequim’aideralemieuxàtraverserlesmomentsdifficiles.Lesmomentscommeceluiquenoustraversonsmaintenant.Oùj’aitellementenviedelui–detouteslesfaçons.Desmomentsquejen’imaginaismêmepas.Quinesontjamaisapparussurmonradaravantcejour.

Ilyatantderaisonsàmespleursqu’ellescommencentàsemélangerets’évacuentlentementavecchaquelarmequilaisseunetracemaintenanttropcoutumièresurmesjoues.JepleureparcequeColtonnesesouvientpas.Parcequ’ilestvivantetentieretquesesbrassontserrésautourdemoi.Jepleureparcequejen’aipaseul’occasiond’expérimenterçaavecMaxalorsqu’ilyavaitdroit.Jepleureparcequejedétestel’hôpital,cequ’ilreprésente,etcommentilaffecteetchangelesviesdetouslesgensquiysont,enbiencommeenmal.

Etquandmeslarmessetarissent–quandmacatharsistoucheàsafinetquetouteslesémotionsquej’aigardéesenmoidepuisledébutdelasemaines’apaisent–,jecomprendsquecequicomptevraimentc’estça,icietmaintenant.

Nous pouvons surmonter ça. Nous pouvons nous retrouver. Quelque part au fond de moi, jem’inquiètequ’ilnese rappelle jamaiscemomentsi intensémentgravédansmonesprit,maisenmême

temps,tantd’autresmomentsnousattendent,tantdechosesàfaireensemble,quejenepeuxpascontinueràm’apitoyersurmoi-même.

Jemeserreunpeupluscontreluipourreprendremarespirationdansunhoquet.–J’étaissiinquiète.J’aieusipeur.–Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Ilmurmurecommeunréflexe.–Jesais.Jehochelatêteetjem’écartedeluipourleregarderdanslesyeuxenessuyantleslarmessurmes

joues.–Jelesaiappeléspourqu’ilsviennentt’aider.–Jesuisdésoléquetuaiesdûfaireça.Ilditcelaavectellementdefranchisequejeleregardedroitdanslesyeuxetjevoisqu’illepense

vraiment.Quecesexcusesmontrentqu’ilsaitàquelpointj’aieupeur.Jemecollecontreluietjepressedélicatementmeslèvressurlessiennesencoreunefois,incapable

de résister. Je veux qu’il sente que le soulagement s’installe finalement dans mon âme. Je veux luiprouverquejepeuxêtrecellequiestfortependantqu’ilserétablit.Qu’ilaledroitdemelaisserl’être.

–Ehben,qu’est-cequejevois?LaBelleauBoisDormantafinipartirersonhorribleculdesbrasdeMorphée.

EnentendantlavoixdeBeckett,noslèvresseséparentetjesensmonvisages’empourprer.–J’allaisjustementt’appeler.–Ahoui?C’estvraimentcequetuallaisfaire?Ilsemoquedemoiens’approchantdulit.–Embrasser des tas de crapauds ?Parce que j’ai bien l’impression que le prince comateux que

voilàtetientsoussoncharme.Jenepeuxpasmeretenirderire.–Tuasraison.Jenesuispasdutoutdésolée.Jeserrelamainqu’ilmetend.–Maisj’avaisl’intentiondet’appeleraprès.–Pasdesouci.Jesaisquetul’auraisfait.IlsetourneversColtonaveclesourirelepluséclatantquej’aivudepuislejourdelacourse.–Çafaitplaisirdetevoircommeça.Bienvenueaupaysdesvivants,mec.Ilprenduntonbourrumaisj’entendsl’émotiondanssavoixetjevoisleslarmesquiperlentaucoin

desesyeuxquandilregardeColton.Illuiempoignel’épaule.–Putain.Aveccettepartieraséedetoncuirchevelu,plutôtflippante,tupourraisbienredescendre

parmilesgensquisontseulementbeaux.Queleffetçafaitdequitterledomainedecesputainsdedieux?–Vatefairefoutre.Etçavientdudomained’unputaind’humoriste?Beckettsecouelatêteenéclatantd’unriretonitruant.

–Aumoins,dansmondomaine,onn’apasbesoind’élargirlesportespourlaisserpasserlesegosurdimensionnés.

–Tuparles d’un accueil pourmon retour parmi vous ! Je sens de l’amour,mec. Je crois que jepréfèreencorelesdroguesqu’ilsm’administrentpourmemaintenirdanslesvapesquedemeréveillerpourécoutercesconneries.

Coltonserremamainetmejetteunbrefcoupd’œilavantderegarderBeckettdenouveau.–Tucroisça?Parcequejenevienspeut-êtrepasdesortirducoma,maisjepeuxt’assurerquela

sensationdebrouillarddanslaquellecesdroguesteplongentnevautpascellequeturessensquandtuesbienréveilléetquetuvastefaireunebonne…

–Holà,holà!Je lève lesmains et jeme faufile hors du lit, ne tenant pas du tout à entendre la suite de cette

conversation.L’odeur légèrequisubsistedesrestesdurepasd’hiersoirdans lapoubellemedonne leprétextenécessairepourleslaisserunmomententreeux.

–J’enaiassezentendu,lesgars.Jevaisdescendrefaireuntour,medégourdirlesjambesetsortircettepoubelle.

–Oh,allez,Ry…j’allaisdireunedouche.Unebonnedouchebienchaude.Iléclatederire,aussitôtimitéparColton,etquandjel’entends,j’ailesentimentquelemondequi

avaitétédéplacédesonaxevientd’êtreremisenplace,dansunecertainemesure.–Ben,tiens!Jerigoleensortantlesacenplastiquedelapoubelle.–Moiaussi,jemefaisdesbonnesdouches.JesecouelatêteetjeregardeColton.–J’enaipourdeuxminutes.

1.EntertainmentSportProgrammingNetwork:chaînethématiquedetéléaméricaineconsacréeausport.(NdT)

11

C’estlecœurbeaucouppluslégerquejereviensdanslecouloirquimèneàlachambredeColton.J’aienvoyéunSMSàsesparentsetàQuinlanpourleurdirequ’ilestréveilléetilsnevontcertainementpastarderàarriver.Jemedirigeversleboutducouloiroùlepersonneldel’hôpitalaobligeammentacceptédeplacerColton.Sachambreestbeaucoupplusisoléequelaplupartdesautres,cequiluipermetd’êtrehorsdelavuedesvisiteursdesautrespatients.Etaussidelemettreàl’abridespaparazzis.

Aumomentd’entrerdanssachambre,jemedisqu’ilvoudraitpeut-êtredel’eau.Jefaisdemi-tourdistraitementetjemanquedefoncertêtebaisséedanslaseulepersonnequejeneveuxpasvoir.

Jamais.Absolumentjamais.Tawny.Noussursautonstouteslesdeux.Biensûr, jesuisaffreuse,aprèstoutescesnuitssanssommeil,et

dans les mêmes vêtements depuis des jours, alors qu’elle est parfaitement apprêtée comme pour uneséancedephotos.Jedoisreconnaîtrequ’elleagardésesdistancesdepuisqueBecksluiaremonté lesbretellesdanslasalled’attente.Maisquandellem’adresseunsourirequiseveutconsolant,mêmesijevoisbienquepourunefoisilestsincère,touteslesémotionsquej’airefouléesdepuiscesderniersjoursremontentàlasurfaceetentrentenéruption.

–Qu’est-cequetufaislà?Lesondemavoix,quipasseentremesdentsserrées,exprimelarépulsionquim’anime.Jeserreles

poings,plantantmesonglesdanslespaumesdemesmains,ettouslesmusclesdemoncorpsfrémissentd’indignation.

L’espaced’uninstant,lechocselitsursonvisage,maistrèsviteellereprendsonairsupérieur.Ellehausselesépaules,etunsourirecondescendanteffleureseslèvrespeintesenrose.–Coltonestréveillé.Ilademandéàmeparlerenprivé.Ellerelèvelementond’uncoupcommepourmemontrersonméprispourmoi,aucasoùjeneserais

pasaucourant.–ToutcequiconcerneColtonmeconcerne.

–Tupeuxtoujoursrêver,mapetite.–Arrêteavectesgrandsairs,Tawny.–Onsesentunpeucoupabled’avoirprislatêtedeColtonjusteavantunecourse,c’estça?Toutle

mondesaitbienquetul’asfaitmarchercesoir-là.Qu’ilétaitfatiguéàcausedetoi.Quetu…L’airsortbruyammentdesabouchequandjel’attrapeparlebrasetquejelacolleaumur,furieuse

sousdesdehorsapparemmentcalmes.–Jevaisêtretoutàfaitclaire,Tawny.Jenetediraipasleschosesdeuxfois,alorstuferaismieux

d’écouter,d’accord?Elleavalesasaliveetsonsoufflen’estplusqu’unfrémissementhésitantquandelleacquiesced’un

signedetête.Jemepencheunpeuplusprès,lefeucouledansmesveinesmaismavoixestglaciale.–C’estàcausedetoiqueColtonestici.Detoi.Pasdemoi.Enenfer,ilyadesplacesréservées

pour les femmes comme toi – les femmesqui baisent avec les hommesdes autres – et si tu continuescommeça,tupeuxêtrecertainequetonnomseragravéengrossurl’unedecesplaces.

Jeserresonbrasunpeuplusfortpourl’avertirquejecommencetoutjusteàm’échauffer.–Jevaistedirecommentleschosesvontsepasser,justepourlecasoùtun’auraispaschangéde

montreetoùtuvivraistoujoursdanslepassé.Coltonn’estplussurlemarché.Ilestàmoietjesuisàlui.Est-cequec’estclair?

Elle ne répond pas, mais je m’en moque, je suis lancée et rien ne peut m’arrêter. Ses yeuxs’élargissentetjepoursuis.

–Deuxièmement,sijamaistulaissesentendreàquiquecesoitqu’ilexisteentreColtonettoiautrechosequ’unesimplerelationdeboulot,avecdesliensfamiliaux, tuaurasaffaireàmoi…et jepeuxtegarantirqueçaneserapas joli joli.Tun’asencorerienvu,mapetite. Jedéfendscequim’appartientsansmesoucierlemoinsdumondedeséventuelsdommagescollatéraux.

Elleessaiedesedégagerd’unhaussementd’épaules,cequiapourrésultatquejem’approcheunpeuplusetquejeresserremapoigne.

–Tuvasmetraiteravecrespectettuvastenirtontroupeaudepétassesàdistance,ellesaussi.Malgrésapositiondefaiblesse,ellereprendunpeudesasuperbepourréagir.–Sinonquoi?Jecontinuecommesiellen’avaitriendit.–AvecColton, tu tebornerasàdesrelationsstrictementprofessionnelleset tuespriéedenepas

venirluicollertesnichonsettesautresatoutssouslenez.Est-cequejesuisassezclaireoutuasbesoinquejetel’épelle?

Unefoismonmessageterminé,jerelâchemaprise,maisjenemesenspasmieuxpourautantparcequeColtonesttoujoursalitédel’autrecôtédumur.Tawnymetoisedelatêteauxpieds.

–Oh,jepensequetuasététrèsclaire…C’estbêtequetunepigespasqueColtonabesoindemoidanssavie.

Enunéclair,jelarecollecontrelemur,cettefoisj’appuiemonavant-brascontresapoitrineetmonvisageestàquelquescentimètresdusien.

–Ta date de péremption remonte à des années, chérie. Je suis tout ce dont il a besoin. Et si tuessaiesdeluiprouverlecontraire,tupourraisbienavoiràdireadieuàtonjobprestigieux…Alors,sij’étaistoi,jeréfléchiraisàdeuxfoisavantd’ouvrirlabouche.

Je fais quelques pas,mais jeme retourne et je la fusille du regard. Ses yeux reflètent la colèrecontenuedanslesmiens.

–Unedernièrechose,Tawny.Coltonnesaurariendecetteconversation.Commeça,tupeuxgardertonboulotetluicontinueràcroirequesonamied’enfanceetpetiteamiedutempsdelafacestvraimentunechicfilleetnonlagarcefaux-jetonquetuesenréalité.

–Ilnetecroiraitjamais.Jesuistoujourslà,ilmesemble.Elleaditçadansmondosetjemeretournelentementenessayantdemainteniruntantsoitpeude

contrôlesurlaragequibouillonneenmoi,prêteàexploser.–Ouais,pourl’instant.Jesoulèveunsourciletjesecouelatêted’unairincrédule.–Maistontempsestcompté,mapetite.Tawnys’apprêteàrépondre,maisjeluicoupelaparole.–Vas-y,Tawny.Vas-y.Jetejurequ’iln’yarienquimeferaitplusplaisirlàmaintenantquedete

prouveràquelpointjesuissérieuse.–Ilyaunproblème?Lavoixmetirebrusquementdel’étatsecondprovoquéparmafureuretjeregardel’infirmièrede

toutàl’heurequisortdelachambredeColton.JemetourneversTawnyuninstant.–Aucunproblème,dis-jed’untonmielleux.Jesortaisjustelesordures.JelanceàTawnyunderniercoupd’œild’avertissementavantdefairelesdixpasquimeséparent

delachambredeColtonetd’entreravecunsourireplaquésurlevisage.JepousseunsoupirdesoulagementenvoyantqueledocteurIronsestentraind’examinerColton,

parcequej’aibesoind’uneminutepourcalmermonpoulsquibatlachamadeetletremblementdemesmains.Coltonlèvelesyeuxetmesouritdoucementavantdeseconcentrerdenouveausurlesquestionsdumédecin.

JelibèrelarespirationhaletantequejeretenaisetjevoisBeckettpencherlatêtepourmeregarderd’unair interrogateurenessayantdedevinerpourquoi jesuis toute rouge.Jemecontentedehocher latête.C’est juste à cemoment-là que le docteur Irons décide de retirer la bandequi entoure la tête deColton.

Je dois contenir l’exclamation étouffée qui manque de passermes lèvres. Une zone de son cuircheveluestrasée,avecuncercledecinqcentimètresdediamètred’agrafessurlapartiesupérieuredroitedesoncrâne.C’estencoreenflé,et lesagrafesargentéesformentuncontrastehorribleavec lerosedel’incisionetlerougesombredusangséché.

Colton a dû remarquermon expression parce qu’il jette un coup d’œil àBeckett pendant que ledocteurIronsexaminel’incision.

–C’estmoche?Beckettsemordillel’intérieurdelajoueetsetordleslèvresenregardant.–C’estpasterrible,mec.–Ouais?–Ouais.Becketthochelatête.Coltonhausselesépaulesavecnonchalance.–C’estrien.C’estjustedescheveux,çarepoussera.–Enmêmetemps,penseaucapitalsympathiequeçapourraitterapporterauprèsdeRylee,situsais

lajouerfine.Coltonmelanceuncoupd’œiletsourit.–Jen’aipasbesoindeçaavecelle.Jem’apprêteàrépondrequandsonregardpassepar-dessusmonépaule.–Tawny.Instantanément,lespoilssehérissentsurmondosmaisjem’efforcedemecalmerdumieuxqueje

peux.J’aiditcequej’avaisàdire.Jeluiaidonnéassezdecordepoursependre,onvabienvoirsiellechoisitdesebalanceroudesetenirdebout.

–Hé,dit-elled’unevoixdouce.Celafaitplaisirdetevoirréveillé.J’avancejusqu’aulitàcôtédeColton–pouraffirmermapositionaucasoùjen’auraispasétéassez

clairetoutàl’heure–etjeserresamaindroitedanslamienne,notantaupassagequesaforcen’estpasrevenue.

–Çafaitplaisird’êtreréveillé.Colton grimace sous les doigts intrusifs du docteur Irons sur son cuir chevelu et prend une

inspirationsifflante.–Excuse-moiuneminute,d’accord.–Biensûr.Nous restons tous là en silence à regarderColton jusqu’à ceque l’examen soit terminé et que le

médecinrecule.–Alors,quevoulez-voussavoird’autre,Colton?Jesuissûrquevousavezencoredesquestions

depuisnotrediscussiondetoutàl’heure?Coltonme jette un coup d’œil et je suis sûre qu’il lit le défi dansmes yeux parce qu’une lueur

amuséecommenceàdanserdanslessiens.Iltournesalanguedanssaboucheetsonsourires’élargitenmêmetempsqu’ilhausselessourcils.

–Pastoutdesuite,jeunehomme.LedocteurIrons,quiadevinélaquestion,semetàrireetluitapotelegenou.Jesuiscertaineque

magênesevoitsurmesjoues,maisjem’enmoque.

–Qu’est-cequejenedonneraispaspouravoirencoretrenteans,soupire-t-il.Coltonsemetàrireetmeregardedroitdanslesyeux,latensionsexuellecrépiteetledésirlatentse

ravive.–Oùtuveuxquandtuveux,chérie.Ilmerépètelesmotsqu’ilm’aditslesoiroùnousnoussommesrencontrés.Toutes lesautrespersonnesprésentesdans lapiècecessentd’exister.Monventresecontractede

désir sous l’effetde sesparoles etde son regard suggestif.Lemusclede samâchoire tressaute tandisqu’il me contemple un instant avant de se retourner vers le médecin. Il hausse les épaules d’un airfaussementcontrittandisqu’unsourireespièglerelèveuncoindesabouche.

–Désolé,Doc,maisilsuffitquevousmefixiezunerèglepourqueçamedonneencoreplusenviedel’enfreindre.

LemédecinsecouelatêteenregardantColton.–J’enprendsbonnenote,fiston,maislesramificationsde…Ilcontinuesesavertissementsàproposdelasurveillancedelapressiondusangquicouledansles

artères majeures de son cerveau tant qu’elles ne sont pas totalement rétablies et que donc certainesactivitéséprouvantespeuventfairemontersatensionàunniveauquin’estpasprudentàcestadedelaconvalescence.

–Autrechose?–Oui,ditColton.Jenemanquepasleregardqu’iléchangeavecBeckettavantderevenirsurlemédecin.–Quandest-cequej’aurailefeuvertpourcourirdenouveau?Detouteslesquestionsauxquellesjem’attendais,celle-ciestbienladernière.Et,biensûr,jesuis

assezstupidepouravoirespéréqu’avecunpeudechanceColtonpourraitnepasvouloir reprendre lacompétitionautomobile.Alors,enl’entendantposercettequestion,jesenslapaniques’emparerdemoi.J’aibeauessayerdedissimulerlamini-crised’angoissequesesmotsontprovoquée,toutmoncorpssetend instinctivement, ma main qui serre la sienne se met à trembler et ma respiration se bloquebruyammentdansmagorge.

ColtonquittemomentanémentledocteurIronsdesyeuxpourregarderdroitdanslesmiens.Detouteévidence, lemédecin perçoitmonmalaise etmarque un temps d’arrêt avant de répondre. Pendant cetemps,lesyeuxdeColtonmetransmettentuntasdechosessanspourautantrévélersespenséeslesplusprofondes.Aumomentoùjecommenceàenentrevoirunpeuplus,ildétournelesyeuxpourregarderlemédecindenouveau.

Cequimetapeimmédiatementsurlesnerfs,etjenesaispaspourquoi.Etçameficheunetrouillebleue.L’inconnudansunerelation,c’estbrutal,maisavecColton?C’estunevéritableprisedetête.

LasimplequestiondeColtonsuffità faireaccélérermon rythmecardiaque,etmaintenant jedoism’inquiéterdel’avertissementcryptiquequej’ailudanssesyeux?C’estquoicebordel?Peut-êtreque,comme me l’a dit le docteur Irons tout à l’heure, ses émotions et ses humeurs ont été affectées parl’accident.J’essaiedemepersuaderquec’estuneexplication,etdoncdelanécessitédejouerlejeu–

maistoutaufonddemoij’entendslesignald’alarmeetquandils’agitdenotrerelation,cen’estjamaisbonsigne.

Le docteur Irons se racle la gorge, me tirant brusquement de mes pensées soucieuses. Et jem’inquiètedecequ’ilvaluirépondre.

–Ehbien…Ilsoupireetjetteuncoupd’œilàsoniPadavantd’affronterleregarddeColton.–Danslamesureoùj’aibienl’impressionquevousvousempresserezdefairejustementtoutceque

jevousdiraidenepasfaire…–Vousapprenezvite.Le médecin soupire de nouveau en essayant de lutter contre le sourire qui tire les coins de sa

bouche.– Normalement, je vous dirais que recommencer à piloter n’est pas une bonne idée. Que votre

cerveauaétésuffisammentsecouécommeça,quemêmequandvotrecrâneseracomplètementrétabli,ilconserveraunefragilitéàl’endroitoùl’oss’estressoudéetquecelapourraitêtredangereux…maisjesaisbienque,quoiquejedise,vousallezretournersurlecircuit,jemetrompe?

J’aibeauêtretrèscalmeenapparence,jesuisobligéedem’asseoirparcequ’intérieurementjesaisqu’ilavujuste,etcelameterrifie.

Coltonpousseunlongsoupiretregardeuninstantparlafenêtre,etcelasuffitàmelaisserentrevoirlafailledanssonarmure.C’estfugacemaisindéniable.Ilnel’admettrasansdoutejamais,maisilapeurde reprendre le volant.Peurde se rappeler les détails de l’accident qui ne lui reviennent paspour lemoment.Peurd’êtreblesséencoreunefois.Et ilestsiabsorbéparsespenséesqu’ilneremarquepasqu’ilaretirésamaindelamienne.

–Non,vousavezraison.Toutmoncorpssemetàfrissonner.–C’estcequejevaisfaire.Jen’aipaslechoix…maisjesuivraivosconseilsetj’attendraid’avoir

lefeuvertducorpsmédical.JedemanderaiàmesmédecinsenCaliforniedeprendrecontactavecvouspours’assurerquerienn’estlaisséauhasard.

Ironsdéglutitethochelatête.–D’accord, jevais tabler sur le faitquevousêtesun type sensé…enfin, aussi senséqu’onpeut

l’êtrequandongagnesavieenpilotantunevoitureàtroiscentsàl’heure.LaremarquefaitsourireColton.–Jereviendraivousvoirunpeuplustard.Il sort et, pendant un moment, un silence gêné plane dans la chambre. J’imagine que nous nous

demandonstouslesquatrecequivasepassersi–etpasquand–ilsauteradenouveaudanssaF1,maispersonneneditrien.

Cetteidéem’angoisseprofondémentetjen’aipaslamoindreidéedelafaçondontjevaislagérer.Comment je vais pouvoir le regarder monter dans une voiture en tous points identique à celle danslaquelleilafaillimourir.

C’estColtonquilepremierromptlesilence.–Becks?–Ouais.Beckss’approcheetregardefixementsonami.–N’oubliepasdedireàEddiederécupérermondossierauprèsdudocteurIrons,pourqu’onpuisse

étudiermablessure.PourvoircommentonpeutencoreaméliorerleHANS 1.JesaisqueColtonparledel’équipementdesécuritétopsecretqu’ilportaitlorsdel’accident.Celui

queCDEntreprisesseprépareàfairebreveter,alorsjenecomprendspaslatêtequefaitBeckett.JelevoiséchangerunbrefregardinquietavecTawny,avantderegarderColtondenouveau.

–Quoi,Becks?Qu’est-cequetunemedispas?Visiblement,luiaussiaremarquésaréaction.Becksseraclelagorgeetprenduneprofondeinspiration.–TuasviréEddieilyadeuxmois,Colton.–Quoi?Çava,Becks.Arrêtedemefairemarcheretarrange-toicommetuveuxpourqu’ilaitle

dossier,d’accord?–Jenetefaispasmarcher.Undeuxièmejeudeplansavaitdisparu.Avecsesdettesdejeuetses

autresproblèmes,tropdefacteursledésignaient,alorstul’asviré.Coltondodelinedelatêteenjetantunregardperduautourdelui.Ilal’airdefairedegrosefforts

pouressayerd’intégrercequ’onluidit.–Sérieux?Beckssecontented’acquiescerd’unsignedetêteetColtonconsulteTawnyduregard.Ellefaitouidelatête.–Putaindemerde!IlroulelesépaulesetregardeparlafenêtreunmomentavantderegarderBeckettdenouveau.–Ilvolait?Jenem’ensouvienspasdutout,dit-ild’unevoixblancheetincrédule.Jeserresamainpourqu’ilmeregarde.–Hé,toutvabien.Celavaterevenir.C’estpassager.J’essaiedelerassurerdemonmieux.–Mais…sijenemerappellepasquelquechosecommeça,qu’est-cequej’aioubliéd’autresans

mêmelesavoir?Laconfusionobscurcitsonregardetilfaitunegrimacequifaitbattremoncœurd’angoisse.–Net’inquiètepaspourça,mec.Penseplutôtà tous les trucsemmerdantsdont tuvaspouvoir te

débarrasserenprétextantl’amnésie.JeremercieleCield’avoirBecksetsoninsoucianceparcequemêmesijevoisbienqueColtona

encoredumalàsaisirtoutcequisepasse,jesensdanssamainqu’ilsedétendunpeu.JeremercieBecksduregard.

Tawny s’éclaircit la voix doucement et ce bruit nous tire tous de nos pensées.Colton prend uneprofondeinspiration.

–Tawny,jevoudraisquetufassesunedéclarationàlapresse,toutdesuite.–Qu’est-cequetuveuxquejeleurdise?MadameSuper-efficacevientseposteràcôtédulitenfacedemoipendantqueColtonrassemble

sesidées.Ellemejetteunbrefregardpuisseconcentresurlui.–Colton?–Ouais?Illèvelesyeux.Elletendlamainpourluiserrerlebicepsetpasselesyeuxsursesblessuresavant

deretirersamainquandellevoitqu’ilneréagitpas.–Jesuistellementheureusequetuaillesmieux.Je sens la sincérité dans sa voix – je sais qu’elle le pense –, mais cela ne la rend pas plus

sympathiqueàmesyeux.–Çaauraitpuêtrebienplusgrave,d’aprèscequ’onmedit,maisçavaaller.Coltonboitunegorgéed’eauetsonfrontseplissedeconcentration.– Dis-leur que je suis sorti du coma depuis une journée environ. Que je suis en voie de

rétablissement,quejerenteraienCaliforniedanslasemaine,unefoisqu’onm’auraautoriséàvoyager,etquejeseraideretoursurlespistesdèsquepossible.Remercie-lespourleursoutienetleursprières,etdis-leur qu’au lieu de fleurs ou de cadeaux, je préfère qu’ils fassent un don à Corporate Cares. Lesgaminsenontplusbesoinquemoi.

Tawnylèvelesyeuxdesontéléphonesurlequelelletapesadéclaration.–Etencequiconcernetapertedemémoire?–Çaneregardepersonne.Denouveau,ColtonéchangeunregardentenduavecBecks.–C’esttout.TawnylèvelesyeuxetregardeColton,l’airdenepascomprendre.–Tupeuxyaller,maintenant.Jedoisfaireuneffortpournepaslaisserparaîtrelasurprisequem’inspirecerenvoiinattendu.Tawnylèvelatêted’ungestebrusqueenfourrantsontéléphonedanssonsac.–Ehbien,hum,d’accord.Lesjouesrougesdeconfusion,ellesedirigeverslaporte.–Aufait,Tawn?Elles’arrêtenet.LetonacerbedelavoixdeColtonmecoupelesouffle.–Oui?Elleseretourneetnousregardetouslesdeux,côteàcôte.–Aprèsavoirfaitcecommuniquéàlapresse,tupourrasrécupérertesaffairesetrentrercheztoi.ElleinclinelatêteetfixeColtonunmoment,perplexe.–Çava.C’estmieuxsijeresteicipourm’occuperdesjournalistes…–Non,jecroisquetunecomprendspascequejedis.

Tawnysepasselalanguesurleslèvrescommesiellenecontrôlaitplussesnerfs.Ellefaitunpasverslelittandisqu’ilcommenceàluifourniruneexplication.

–Onseconnaîtdepuis,quoi?Presquetoutenotrevie?Assezlongtempspourquetusachesquejen’aimepasqu’onsefoutedemoi.

Coltonsepencheenavant,elleouvredegrandsyeuxetjeretiensmonsouffle,stupéfaitedevantletonglacialdeColton.

–Tut’esfoutudemoi,T.Etcequiestencoreplusgrave,tut’esfoutudeRylee.Etça,tuvois?Ça,jenesuispasprèsdel’oublier.C’estfinipourtoi.Faistesvalises.Tuesvirée.

Beckettpousseuneexclamationétouffée.Aumêmemoment,Tawnybégaie.–Q…quoi?Colton,tu…–Laissetomber!Coltonlèvelamainpourl’arrêteretsecouelatêted’unairdéçu.–Laissetombertesexcusespitoyablesetbarre-toiavantderendreleschosesencoreplusdifficiles

pourtoi.Elleleregarde,lesyeuxnoyésdelarmes,puisjetteunregardversBeckettavantdepivotersurses

talonsetdeseprécipiterhorsdelachambre.Jelaregardepartirenmedemandantcequeceladoitfaired’êtreàsaplace.Deperdred’unseul

coupsonboulotetl’hommequ’onpensaitêtreàsoi.Etquandj’entendsl’énormesoupirqueColtonpousseàcôtédemoi,j’aidelapeinepourelle.Enfin…pasvraiment.

1.Voirnoten°2page39

12

Unsonétoufféme tiredemonsommeil. Jesuissi fatiguée– j’ai tellementenviedeplongerdansunsommeilsansrêve,j’aitellementpeudormidepuisquinzejours–quejegardelesyeuxfermésetquejel’ignoreenmedisantquec’estleronronnementd’unmoteurd’avion.Maismaintenantjesuisréveillée,alorsquandjel’entendsunedeuxièmefois,jesaisquejemesuistrompée.

J’ouvrelesyeuxetjerestestupéfaite.Lavuedemonbadboycasse-cou–lespaupièresserrées,lesdentsplantéesdanslalèvreinférieure,lechagrinvisiblesursonvisageetdansleslarmesquicoulentsursesjoues–quisedéfaitensilence.Jesuismomentanémentfigéeparl’incertitude.

Jesuistraverséeparledouteparcequej’airessentiunedéconnexionentrenouscesjoursderniers.D’unepart,j’aieul’impressionqu’ilessayaitdemerepousser–demeteniràdistance–enrestantàunniveau très superficiel dans nos discussions. En disant qu’il avait mal à la tête, qu’il avait envie dedormir,chaquefoisquej’abordaisunsujetgrave.

Etenmêmetempsilyaeucesmomentsétranges,quandilpensaitquejenefaisaispasattention,oùje remarquais qu’il me regardait dans le reflet de la fenêtre de sa chambre, avec une expression derespect douloureux, de désirmêlé de tristesse. Et ce regard surprenantme provoquaient toujours desfrissonssurlapeau.

Ilsangloteenhoquetantetouvrelesyeuxlentement,sadouleurestévidente,monhommeadultequiportelesstigmatesdespleursd’unpetitgarçonterrorisé.Ildétournelesyeuxuninstantetjevoisqu’ilessaiedesereprendremaisilneparvientqu’àserrerlespaupièresetàpleurerencoreplus.

–Colton?Jemeredresseetcommenceàtendrelebras,maisjemeraviseenvoyantladésolationabsoluequi

sereflètedanssesyeux.Coltonréagitàmonhésitationenregardantmamainetensecouantlatêtecommesi,aumoindrecontactavecmoi,ilallaits’écrouler.

Malgrétout,jenerésistepas.Jen’aijamaispu,quandils’agitdeColton.Jenepeuxpas le laissersouffrirensilenceàcausedece je-ne-sais-quoiqui luidévore l’âmeet

obscurcitsonvisage.Ilfautquejeretrouvemaconnexionaveclui,quejeleréconfortedelaseulefaçonquiasemblémarchercesdernièressemaines.

Jedécrochemaceinturede sécuritéet je traverse ladistancequinoussépare, luidemandantdesyeuxs’ilestd’accordpourjerétablisselaconnexionentrenous.Jenelelaissepasrépondre–jeneluidonnepasl’occasiondemerepousser–jem’installesursesgenouxenlechevauchant.Jeleprendsdansmesbrasautantquejepeux,j’enfouislatêtedanslecreuxdesoncouetjeletienscontremoiengardantunsilencerassurant.

Jerestecommeçaalorsquesapoitrineestsecouéedefrissonsetquesarespirationesthaletante.Etqueseslarmescoulent,soitpourpurifiersonâme,soitenanticipationd’undésastreimminent.

13

–Jen’aipasbesoind’unputaindefauteuilroulant!C’estlaquatrièmefoisqu’illeditetcesontlesseulsmotsqu’ilaitprononcésdepuisqu’ils’estréveillédansl’avion.Jememordsleslèvresetjeleregardesedébattreenfusillantl’infirmièreduregardquandellepousselefauteuilunefoisencorecontrel’arrièredesesgenouxsansdireunmotàsonpatientpeucommode.Jevoisl’effortqueçaluiademandédesortirdelavoitureetdefairelescinqousixpasverslaported’entrée,lafatiguecommenceàsefairesentir.Ils’arrêteets’appuied’unemainsurlemur.Latensionestsiévidentequejenesuispassurprisequandilfinitparcéderets’asseoir.

Jesuiscontented’avoirenvoyédesSMSàtoutlemondepourleurdiredenepassortirdevantlamaisonpournousaccueillirdansl’allée.Aprèsavoirconstatél’effortqueçaluiademandédedescendredel’avionpourmonterenvoiture,jemesuisditqu’ilseraitgênés’ilavaitdupublic.

Les paparazzis continuent à crier de l’autre côté des grilles closes, réclamant une photo ou unedéclaration de Colton,mais Sammy et ses nouveaux auxiliaires s’acquittent de leur boulot qui est depréserverl’intimitédecemoment,etjeleurensuistrèsreconnaissante.

–Attendezuneseconde,putain.Ilgrondequandl’infirmièrecommenceàpousserlefauteuil,jevoisqu’ilaunemigrainequandil

metsatêtedanssesmains,incurvelavisièredesacasquettedebase-ballduboutdesdoigtsetresteassissansbouger.

Jeprendsuneprofondeinspirationetjerestesilencieusesurlecôtéenessayantdecomprendrecequinevapas.Aprèssonsilencedéprimédansl’avion,jesaisqu’iln’yapasquelesmigraines.Pasquel’accidentnonplus.Quelquechoseabougéetjen’arrivepasàmettreledoigtsurlacausedesesconflitsintérieursetdesessautesd’humeur.

Etlefaitquejen’arrivepasàidentifierlepourquoimetapesurlesnerfs.Coltonappuielesmainssurlecôtédesacasquetteetjevoislatensiondanssesépaulestandisqu’il

essaiede sepréparerà ladouleurqui irradiedans sa tête. Jevaisvers lui, incapablede résister à lapulsiondel’aiderd’unefaçonoud’uneautre,mêmesijesaisqu’iln’yarienquejepuissefaire,alorsjemecontentedeposerlesmainssursesépaulespourqu’ilsachequejesuislà.

Qu’iln’estpasseul.

***

–Jen’aipasbesoind’uneputaind’infirmièrepours’occuperdemoi.Jevaisbien,sérieux.Coltonestpartiellementallongésurunechaiselongue.Enconstatantsonhumeurmaussade,toutle

mondeestpartipeudetempsaprèsnotrearrivée,toutlemondesaufBecksetmoi.Coltons’estdelui-mêmeplantédepuisunedemi-heuresurlaterrasseduhautparcequ’aprèsavoirétéenferméàl’hôpitaldepuissilongtempsilveutjusteresterassisausoleilenpaix.Unepaixqu’iln’arrivepasàtrouverparcequ’iln’apasarrêtéderépéteràtoutlemondequ’ilvatrèsbienetqu’ilveutsimplementqu’onlelaissetranquille.

Beckscroiselesbrassursapoitrine.–Onsaitque tuas la têtedureet tout ça.N’empêche, tuas subiun sacréchoc.Onnevapas te

laisser…–Fous-moilapaix,bordel,Daniels.Sij’avaisbesoindetesconseils,jet’auraissonné.–Ehbien,tuvasdevoirtefaireuneraison,parcequejenevaispasmegênerpourtedirecequeje

pense.IlsepencheunpeuplussurColton.–Tuasmalàlatête?Tuveuxjouerauconparcequetuasétéenfermédansunputaind’hôpital?

Tu veux de la compréhension et tu n’en obtiens pas ?C’est foutrement dommage.Tu as faillimourir,Colton–mourir–alorsfermetagueule,putain,etarrêtedeteconduirecommeunenfoiréaveclesgensquitiennentleplusàtoi.

Becks,exaspéré,secouelatêtetandisqueColtondescendunpeuplussacasquettesursonfrontetserenfrogne.

QuandBecksseremetàparler,illefaitdelavoixdélibérémentcalmeetdoucequ’ilautiliséepours’adresseràmoiquandnousétionsdanslachambred’hôtel,laveilledel’accident.

–Tune veuxpas queMissRatchet1, l’infirmière qui est en bas, te fasse ta toilette ? Je peux lecomprendre.Maistuvasdevoirchoisirentreelle,moiouRyleepourtelaverlecultouslessoirsjusqu’àcequelestoubibstedéclarentrétabli.Pourmapart,jesaisbienquijechoisiraisetcen’estsûrementpascettegrossebonnefemmemalembouchéequiestdanslacuisine.Moi,jet’aime,monpote,maispasaupointdetouchertesbijouxdefamille.

Beckssepencheenarrière, lesbras toujourscroiséset lessourcilsrelevés.Ilhausselesépaulespourréitérersaquestion.

Comme Colton ne dit rien mais garde son air buté en regardant Becks sous la visière de sacasquette, jem’interpose– fatiguée, irritable et impatiented’avoirdu temps seule avecColton–pouressayerderemettreleschosesenplace.

–Jereste,Colton.Inutiledediscuter.Jenevaispastelaissertoutseulici.Jelèvelesmainsquandilcommenceàprotester.Quellefichuetêtedemule!

–Situveuxtecomportercommeundemesgaminsquandilspiquentunecolère,alorsjetetraiteraicommeeux.

Pour la première fois depuis que nous sommes sur la terrasse, Colton lève les yeux pour meregarder.

–Jecroisqu’ilesttempsquetoutlemondes’enaille.Letondesavoixestbasetméprisant.Jemerapproche,jeveuxqu’ilsachequ’ilpeutmerepousserautantqu’ilveutmaisquejenecéderai

pas.Jeluirenvoiesespropresmotsàlafigure.Desmotsdontjenesaismêmepass’ils’ensouvient.–Onpeutfaireçaendouceuroupas,Ace,maistupeuxêtresûrd’unechose,dansl’unoul’autre

cas,c’estmoiquidéciderai.

***

JevérifiequeBecksabienfermélaporteàcléensortant,avantdeprendrel’assiettedefromageetdecrackerspourremonteràl’étage.Coltonesttoujoursaumêmeendroit,sursachaiselongue,maisilaretirésacasquette.Latêtepenchée,lespaupièrescloses.Jemarqueuntempsd’arrêtdansl’embrasuredelaportepourl’observer.Sescheveuxrepoussentsurlapartiedesoncrânequiaétéraséeetcommencentàrecouvrirsavilainecicatrice.Jeremarquelesplissursonfrontquiindiquentqu’ilesttoutsaufdétendu.

J’avancesurlaterrasse,lachanson«HardtoLove»quisortensourdinedelaradiocouvrelebruitde mes pas, je marche sur la pointe des pieds pour ne pas le réveiller en posant ses antalgiques etl’assiettesurlatableàcôtédelui.

–Tupeuxpartiraussimaintenant.Je sursaute en entendant sa voix grognon. Je ne m’attendais pas à ça. Ma mauvaise humeur

commence à bouillir. Je lui jette un coup d’œil et je ne peux rien faire d’autre que secouer la tête,incrédule, parce qu’il a toujours les yeux fermés. Tout ce qui s’est passé ces deux derniers joursmerevient en un kaléidoscope de souvenirs. La distance et l’évitement. Il y a autre chose que la simpleirritationd’avoirétéconfinédanssachambred’hôpitalpendantsaconvalescence.

–Ilyaquelquechosequetuveuxmedire?Unemouetteisoléepasseencriantau-dessusdenostêtestandisquej’attendssaréponseenessayant

demeprépareràentendrecequ’ilvamedire.Ilestpassédeslarmesàcettefaçondemedemanderdepartirsansmefournird’explication–cen’estpasbonsigne.

–Jen’enairienàfairedetapitié,putain!Tun’aspasassezdetouteunemaisonnéedegaminspoursatisfairecebesoininhérentquetuasdematerneretd’étouffer?

Il aurait pume traiter de tous les noms d’oiseaux les plus infâmes que je n’aurais pas été aussiblesséequeparcesmotsqu’ilmejetteàlafigure.Jeleregarde,interdite,laboucheouverte.Levisagetournéverslesoleil,ilgardelesyeuxfermés.

–Pardon?Cen’estpasàlahauteurdecequ’ilvientdemebalancer,maisjenetrouvepasmieux.

–Tum’asentendu.Illèvelementoncommepourmedonnercongémaisn’ouvretoujourspaslesyeux.–Tusaisoùsetrouvelasortie,chérie.Il est possible que mon manque de sommeil ait altéré mes réactions habituelles mais ces mots

poussent lecurseuraumaximum.J’ai l’impressionquenous sommes revenusdes semainesplus tôtet,aussitôt, ma garde de protection est dressée. Le fait qu’il évite deme regarder ne fait qu’excitermafureur.

–Qu’est-cequisepasse,putain,Donavan?Situdoismejeter,lamoindredescourtoisiesseraitdemeregarder.

Ilouvreunœilàdemicommesiçal’agaçaitprodigieusementdedevoirm’accordersonattention,etje commenceà enavoir assezdececirque.Onn’apasséquecinqminutes seuls tous lesdeuxet il atrouvélemoyendemefairedumalpendanttoutcetemps.Deplus,mastabilitéémotionnellenetientqu’àunfil,etçan’aidepas.Ilm’observeetunsemblantdesourireironiquepassesurseslèvres,commesimaréactionl’amusait,commes’ils’amusaitàjoueravecmoi.

Desmotspasséssoussilencetraversentmonespritetmesuggèrentd’yregarderdeplusprès.Maisqu’est-cequim’échappe?

–Rylee,c’estprobablementmieuxdedireleschosestellesqu’ellessont.–Probablementmieux?Mavoixmonte dans les aigus et jeme rends compte que nous sommes sans doute tous les deux

épuisésetdépasséspartoutcequiestarrivé,maisjenecomprendstoujourspascequisepasse,putain!Lapaniquecommenceàmonterenmoiparcequecelanesertàriendes’accrocheràquelqu’unquineveutpasdevous.

–Putain,Colton?Qu’est-cequisepasse?Je repoussemon siège et je vais jusqu’à la balustrade pour contempler la mer unmoment. J’ai

besoind’unpeudetempspourrepoussermafrustrationafindelaissermapatiencereprendreledessus,maisjesuistoutbonnementépuiséeparcedéferlementd’émotionscontradictoires.

–Tunepeuxpasmerepoussercommeça,Colton.Tunepeuxpasàunmomentmedirequetuasbesoindemoiet,lemomentsuivant,merejeteraussidurementquetulefais.

J’essaiedenepasmontreràquelpointjesuisblessée,maisc’estpratiquementimpossible.–Jefaiscequejeveux,bordel!Jepivotesurmoi-même,lesdentsserrées,legoûtamerdurejetdanslabouche.–Non,pasquandtuesavecmoi!Ma voix résonne sur le béton de la terrasse et nous nous regardons fixement dans le silence qui

étouffetoutepossibilitéd’ouverture.–Alors,jenedevraispeut-êtrepasêtreavectoi.Letonglacialettranchantdesavoixmecoupelesouffle.Ladouleurirradiedansmapoitrinequand

j’essaied’avalerdel’air.C’estquoicebordel?Est-cequej’aitoutfaux?Qu’est-cequim’échappe?J’aienviedemejetersurlui.Delaisserlibrecoursàlafureurquibouillonneenmoi.

Colton détourne les yeux et, soudain, c’est le déclic. Toutes les pièces du puzzle qui semblaientmanquerdepuisledébutdelasemainefinissentparsemettreenplace.

Ettoutdevientsitransparenttoutàcoupquejemesenscommeuneidioteden’avoirpascomprisplustôt.

Lemomentestvenudeleprendreaumot.Etsijelefaisetquejemetrompe?Rienqued’ypenser,moncœurfaitunbond,maisest-ceque

j’ailechoix?Jepassemesmainsmoitessurmescuisses,furieused’êtresinerveuse.Jefaisunpasverslui.–Trèsbien.Tusaisquoi?Tuasraison.Jen’aipasàsupporterça,nidetoinidepersonne.Jesecouelatêteetjeleregardesaisirsacasquetteetselavissersurlatêteenbaissantlavisièrede

tellefaçonquec’estàpeinesijevoissesyeux,grandsouvertsmaintenantetquimeregardentavecuneintensitémaîtrisée.

–Cen’estpasnégociable,tutesouviens?Jeluirenvoieàlafigurelamenacequiremonteànotreaccordpassédanslabaignoireilyades

semaines.Jevoisquecesmotsfontpasserunepointed’émotiondanssesyeuximpassiblesparailleurs.Ilsecontentedehausserlesépaulesd’unairnonchalant,maisj’aicomprissonpetitjeumaintenant.

Je ne sais peut-être pas ce que c’est, mais je sais que quelque chose ne va pas et, franchement, cesconneriesdugenrejesuisdéjàpasséparlàcommencentàbienfaire.

–Çanet’apasservideleçon?Ilsn’auraientpasenlevélazonedusenscommundetoncerveauquandilst’ontouvertlecrâne?

Illèvelesyeuxbrusquementsurmoietjesaisquej’aiobtenusonattention.Bien.Ilneditrien,maisjesaisaumoinsquesesyeuxetsonattentionsontfixéssurmoi.

–Jen’airienàfairedetesconneriescondescendantes,Rylee.Ildescendlavisièredesacasquettesursesyeuxetreposelatêtesurledossierdesachaise,me

congédiantunefoisencore.–Tuconnaislecheminverslasortie.En un éclair, je traverse la terrasse et j’envoie balader sa casquette, j’approche mon visage à

quelques centimètres du sien. Il ouvre vivement les yeux et je vois les émotions contradictoires queprovoquentenluimesréactionsinattendues.Ildéglutitavecdifficultéetjesoutienssonregard,refusantdemelaisserintimider.

–Nemerepoussepas,sinonjevaisréagirdixfoisplusviolemment.Jel’obligeàregarderenlui-mêmesanssementir.Sanssementiràproposdenous.–Cen’estpaslapremièrefoisquetumefaisdumaldélibérément.Jesaisquetudonnesdescoups

entraître,Colton…alorsvas-y,dis-moidequoituessaiesdemeprotéger.Jemepencheplusbassurlachaiselongue,noscuissessefrôlent,etj’essaiedecréerlaconnexion

pourqu’ilpuisselaressentir,qu’ilnepuissepasnierqu’elleexiste.Il regardeunmomentvers l’océan avantde tourner lesyeuxversmoi, visiblement enproie àun

conflit.

–Detout.Derien.Ilhausselesépaules,détournantlesyeuxdenouveau.–Demoi.Lafêluredanssavoixdénouelabouledetensionquienserremoncœur.–Quoi?Dequoiest-cequetuparles?Jeglissemamaindanslasienneetjeserre,curieusedesavoircequisepassedanssatête.–Meprotéger?Quandtumedonnesdesordresetquetumedisdefoutrelecamp,tunemeprotèges

pas,Colton.Tumefaisdumal.Onenadéjàparléet…–Lâchel’affaire,Ry.–Jenelâcheriendutout,merde!Jehausselavoixpourfairepasserlemessage.–Tunepeuxpas…–Laissetomber!m’ordonne-t-illesmâchoiresserrées,latensionvisibledanssoncou.–Non!–Tuasditquetunepouvaisplussupporterça.Savoixmeparvientpar-dessuslebruitapaisantdel’océanencontrebasquicontrasteavecleflot

turbulent des vagues qui déferlent dansmon cœur.Au tonmonocorde de sa voix, je comprends qu’ilsouffre,maisc’estcequ’ilditquimepousseàrechercherdansmamémoirecedontilparle.

–Dequoi…?Je m’arrête quand il lève la main en serrant les paupières sous la violence de la migraine qui

l’assaille.Et,biensûr,jemesenscoupabledel’avoirprovoquée,maisilsefaitdesidéess’ilcroitqueje vaism’en aller. Je suis tentée de tendre lamain pour l’apaiser, pour essayer de faire passer cettedouleur,mais jesaisque riendeceque je feraine l’aidera,alors jemerassiedset jepasse lepoucedistraitementsurledosdesamaincrispée.

–Quand j’étais dans les vapes… je t’ai entendudire àBecksque tun’enpouvais plus…que tuseraiscontentedetebarrer…

Savoixsebrisetandisqu’ilmescruteduregard,avecuntressaillementdumuscledesamâchoire.L’expressionbutéedesonvisagesuffitàposerlaquestionqu’ilneformulepas.

–C’estsimplementdeçaqu’ils’agit?Jesuisstupéfaite,maisenmêmetempsjecomprendsmieux.–Unebribed’uneconversationquej’aieueavecBecksoùjedisaisquej’auraispréférétequitter–

ouavoirfaitquelquechose,n’importequoi–sicelaavaitput’empêcherdeteretrouverdanslecomadansunlitd’hôpital?

Je vois comment il a réinterprété des parties de ma conversation avec Becks sans jamais medemander d’explications. Sans communiquer. Et c’est ça, plus que le malentendu lui-même, qui medérange.

–Tuasditquetuseraiscontentedetebarrer.Ilsebutecommes’ilnecroyaitpascequejeluidis.

–Jen’ainibesoinnienviedetapitié.–Tut’éloignesdemoiparcequetupensesquec’estlapitiéquimefaitresterici?Cettefois,jesuisfurax.–Jesuiscontentedesavoirquetuasunesihauteopiniondemoi.Quelconnard!Jemarmonnecesderniersmotspluspourmoi-mêmequepourlui.–Netegênepaspourfairedessuppositions,parceque,aucasoùtunel’auraispasremarqué,cela

afaitdesmerveillesdansnotrerelation,jusqu’ici,tunecroispas?Jenepeuxpascontenirlesarcasmequiserépanddansmavoix,maisaprèstoutcequenousavons

traverséensemble–toutcequesurquoinousfinissonstoujoursparreveniraprèscoup–,jesuisvexéequ’ilpuissepenseruneseulesecondequej’auraismoinsenviedeluiparcequ’iln’estpasaumaxdesescapacités.

–Rylee.Ilpousseunprofondsoupirettentedemeprendrelamain,maisjelaretireaussitôt.–Nemeparlepassurceton.Malgrémoi,mesyeuxs’emplissentdelarmes.–J’aifailliteperdre…–Tupeuxledire,putain!Etc’estbienpourçaquejedoistelaisserpartir!Enlaissantéchapperunjuronétouffé,ilcroiselesdoigtsderrièresanuqueetbaisselescoudespour

essayerdecanalisersacolère.Étrangléeparlaperplexité,jerelèvevivementlesyeuxpourleregarderenface.

– Je t’ai entendue au téléphone avecHaddie l’autre soir. Tu croyais que j’étais endormi. Tu luidisaisquetun’étaispassûredepouvoirmevoirreprendrelaF1.Onnepeutpasmedemanderdechoisirentretoietlacompétition.

Son angoisse est si palpable qu’elle déferle de lui en vagues qui viennent s’écraser sur mondésespoir.

–J’aibesoindevousdeux,Rylee.Ladésolationdanssavoixtoucheunecordesensibletoutaufonddemoi,sapeurestévidente.–Devousdeux.C’est làquetoutdevientclair.Cen’estpasqu’ilpensequejeneveuxplusdeluiparcequ’ilest

blessé,maisquejenevoudraiplusdeluidansl’avenirparcequej’auraipeuràchaqueseconde,pendanttoutletempsoùilseradanscettevoitureetmêmeavantqu’ilnemontededans.

Jen’avaispasidéequ’ilavaitentendumaconversation.UneconversationavecHaddiequiétaitsidirecte,jefrémisenmerappelantcertaineschosesquej’aidites,sanslesformesquej’auraisutiliséesavecn’importequid’autre.

Jeprendssonvisagedansmamainpourl’obligeràmeregarder.–Parle-moi,Colton.Aprèstoutcequenousavonstraversé,tunepeuxpasmeteniràl’écartoume

repousser.Ilfautquetumeparles,sinonnousnepourronsjamaisavancer.

L’émotionestperceptibledanssonregardet jedéteste levoir luttercontre.Jedétestesavoirquequelquechoselerongedepuisunesemaineoùsaseulepréoccupationauraitdûêtredeserétablir.Pasnous.Jedétestesavoirqu’ils’estmêmeposédesquestionssurquelquechosequiaàvoiravecnous.

Ilpousseunsoupirhésitantetfermelesyeuxunpetitmoment.–J’essaiedefairecequiestlemieuxpourtoi.Savoixestsibassequ’elledisparaîtpresquedanslebruitdesvagues.–Cequiestlemieuxpourmoi?J’aiprislemêmetonquelui,désorientéemaisdésireusedecomprendrecethommesicompliqué,et

pourtantsienfantinàbeaucoupd’égards.Ilouvrelesyeuxetladouleurestlà,sivive,etluisivulnérablequemoncœurseserre.–Sinousne sommespas ensemble…alors jenepourrai pas te faire souffrir chaque foisque je

monteraidanslavoiture.Ilavalesasalive, jelui laisseletempsdetrouverlesmotsqu’ilcherche…etcelamepermetde

retrouvermacapacitéàrespirer.Ilmerepousseparcequejecomptepourlui,parcequ’ilpenseàmoid’abord,etcettepenséemetransporte.

Iltendlebrasetprendmamainquiesttoujoursposéesursajoue,glissesesdoigtsdanslesmiensetlareposesursesgenoux.Sesyeuxrestentconcentréssurnotreconnexion.

–Jet’aiditquetumerendaismeilleur…etjefaistoutcequejepeuxpourêtrecommeçapourtoi,maisj’échouemisérablement.Unhommemeilleurterendraittalibertépourquetun’aiespasàrevivreàlafoiscequiestarrivéàMaxetmonaccidentchaquefoisquejeparticipeàunecourse.Ilferaitcequiestlemieuxpourtoi.

JerestemuetteunmomentparcequecequeColtonvientdemedire–cesmots-là–revientàdirequ’ilmepilote.Celareprésenteunetelleévolutionchezl’hommequ’ilestquejenepeuxretenirlalarmequiroulesurmajoue.

J’obéisàlanécessité.Jemepencheenavantetjeposemeslèvressurlessiennes.Pourlegoûteretpourm’assurerqu’ilestlà,bienvivant.Quel’hommequejepensais,etquej’espérais,trouversouslescicatricesetlessouffrances,estbienlà,qu’ilestbiencethommemagnifiquementcabossé,dontleslèvressepressentsurlesmiennes.

Jem’écarteuninstantpourleregarderdanslesyeux.–Cequiestlemieuxpourmoi?Tunesaispasquecequiestlemieuxpourmoi,c’esttoi,Colton?

Chaque facette de ton être.Lebuté, le sauvage et le casse-cou, celui qui aime s’amuser, le sérieux etmêmelespiècesendommagées.

Jeponctuemesparolesenpressantmeslèvressurlessiennesentrechaquemot.– Toutes ces facettes de toi, je ne pourrai jamais les trouver chez quelqu’un d’autre… et elles

constituentcedontj’aibesoin.Cequejeveux.Toi,Bébé.Rienquetoi.Jevoudrais luicrier :C’estçaqu’onappelle l’amour.Et lesecouer jusqu’àcequ’ilcomprenne

quec’estl’amourvéritable.Paslasouffrancesansretenueetlesabusqu’ilaconnusparlepassé.Pasla

versiontorduedesamère.C’estçal’amour.Luietmoi,quilerendonspossible.Êtrefortquandl’autreestfaible.Fairepasserl’autreenpremierpourluiéviterdesouffrir.

Maisjenepeuxpasledire.Jenepeuxpasl’effrayerenluidemandantdeserappelercequ’ilaressentipourmoioucequ’il

m’adit.Etmêmesicelamehandicapedenepaspouvoirluidirejetepilote,jepeuxleluimontrerenrestantàsescôtés,en lui tenant lamain,enétant fortequandila leplusbesoindemoi.Enmetaisantquandjemeursd’enviedeleluidire.

Ilmeregardefixementensemordantlalèvreinférieure,puisils’éclaircitlavoixenhochantlatête,sansunmot,semblantaccepterlasuppliquecontenuedansmesparoles.

–CequetuasditàHaddien’enrestepasmoinsvrai.Tunevivraspluschaquefoisquejemonteraidanscettevoiture…

– Je ne vais pas tementir. Je ne vivrai plus, c’est vrai,mais je trouverai lemoyen de gérer lasituationlemomentvenu.

Jedisça,maisàcetteseulepensée,jeressensdéjàlapeurquipointelenez.–Noustrouveronsunmoyen.Quandjemecorrige, leplusadorabledessouriresretrousseuncoindesabouche,faisantfondre

moncœur.Ilhoche la tête sans riendire, sesyeux fontpasser lemessageque j’ai envied’entendre, et à ce

moment,celamesuffit.Parcequequandtoutcequetuveuxsetrouvejustedevanttoi, tuesprêtàtoutaccepterrienquepourlegarderlà.

–Jenesaispasm’yprendre.L’inquiétudeemplitsonregardets’imprimesursonvisage.–Personnenesait.Jeserrenosdoigtsliés.–Lesrelationsnesontpasfaciles.Ellesontduresetpeuventmêmeêtreviolentes,parfois…mais

c’estdanscesmoments-làquel’onapprendleplussursoi-même.Etquandelless’arrangent…Jemarqueunepausepourm’assurerquesesyeuxsontrivésauxmiens.–Quandelless’arrangent…c’estcommederentreràlamaison…detrouverl’autremoitiédeson

âme…Je détourne les yeux, soudain gênée par mes déclarations introspectives et mes tendances

incurablementromantiques.Ilserremamain,maisjegardelevisagetournéverslesoleil,enespérantquelerougequim’est

montéauxjouesneseremarquepas.J’envisagefébrilementtoutcequecelaimpliqueraitpournouss’ilpouvait se résoudre à me laisser occuper une place permanente. Le silence n’est plus un problèmemaintenant parce que dans l’espace vide entre nous, le possible remplace lemalentendu. Et sur cetteterrassebaignéedesoleil,nousnousperdonsdansnospenséesparcequenousacceptonslefaitqu’ilyauradeslendemainsquenouspourronsexplorerensemble,etc’estunebonnechose.

Tout en laissant mon esprit vagabonder, je pose les yeux sur l’assiette de nourriture et lesmédicamentssurlapetitetableàcôtédenous.

–Hé,tudoisprendretesmédocs.Jemetourneversluietjeleregardedanslesyeux.Iltendlebrasetprendmonvisagedanssamain,caressantmalèvreinférieuredupouce.Jeprends

uneinspirationhésitantetandisqu’ilpenchelatêtepourm’observer.–Tuesleseulmédicamentdontj’aibesoin,Rylee.Jenepeuxpasretenirlesourirequis’affichesurmeslèvresnilecommentairesarcastiquequisort

demabouche.– J’ai l’impression que les médecins n’ont pas touché à ta capacité de trouver des répliques

flatteuses,non?–Non.Sonsouriredémoniaquem’attireversluijusteaumomentoùilsepencheversmoijusqu’àceque

nosvisagessetouchent.Nos lèvres se frôlent délicatement, encore et encore, avant qu’il n’écarte les lèvres et glisse sa

langueentrelesmiennes.Noslanguesdansent,nosmainscaressentetnoscœursjubilenttandisquenousnous installonsdans la tendressedecebaiser. Il pose sonautremain surmonautre joueet je la senstremblerquandilessaiedelamaintenirenplace.Jeposelamainsurlasiennepourl’aideràlagardercontremajoue.Ledésirvientseloverdanslesprofondeursdemonventreetj’aibeausavoirquejenepeuxpasassouvirlapassiondemoncorps,ordredesmédecins,celaneveutpasdirequejen’enaipasterriblementenvie.

Au cours de nos rencontres intimes, c’est plus que le simple orgasme ébouriffant dû aux mainsexpertesdeColton,maisplutôtquelquechosed’indéfinissable.C’estpresquecommesi,aumomentoùnoscorpsseretrouvent,ilyavaituncontentementquisefraieuncheminprofondémentdansmonâmeetmerendcomplète.Quinousliel’unàl’autre.Etcettesensationmemanque.

Ungrognement incroyablement sexy sort du fondde sa gorge et cela nem’aidepas à éteindre ledésir brûlant que j’éprouve. Je dégagemamain, je la passe sur la surface de sa poitrine, j’adore lefrémissementqui l’agitesousmacaresse.Unfrissonpassesurmapeau,quin’estpasprovoquépar labrisevenuedel’océanmaisplutôtparletsunamidesensationsquemoncorpsréclamedésespérément.

–Putain,jemeursd’envied’êtreentoi,Ry.Ilmurmurecontremeslèvresettouteslesterminaisonsnerveusesdemoncorpssemettentaugarde-

à-vousetréclamentd’êtreprises,marquéesetdéclaréessiennesencoreetencore.Etjesuissiprèsdedireetmerdepour les interdictionsdesmédecinsquemamainglissesurson torseetpénètresous laceinturedesonpantalon,quandjesenstoutsoncorpssetendreetsarespirationsiffler.

Je suis immédiatement submergée de culpabilité devant le manque de volonté qui me rend siprompteàcéderàlatentation,etjepasseenmodealertemaximale.

–C’estdouloureux?

LagrimacesurlevisagedeColtonnedisparaîtpas,lespaupièresserrées,ilsecontentedehocherlatêtedoucementetserenfoncedanssachaiselonguejusqu’àtrouverlapositionallongée.J’attrapesesmédicamentsetlesplacedanssamain.

Jesupposequejenesuispasleseulmédicamentquiluisoitnécessaire,finalement.

1.NurseRatchet:personnagedel’infirmièreautoritaireetrevêchedansVolau-dessusd’unniddecoucou.

14

JetraînedanslescouloirsdelamaisondeMalibu–jen’arrivepasàdormirparcequejem’inquiètepour Colton, les garçons et Haddie me manquent. C’est la première fois que je reste loin d’eux silongtempset,malgrétoutl’amourquejeporteàColton,j’aibesoindecetteconnexionavecmavie.

J’ai besoin de leur énergie qui élève mon âme et nourrit mon esprit. Je n’étais pas là pour ladépositiondeZander,pourlepremiermatchdebase-balldeRickynilorsqu’Aidenaétéappeléchezleprincipal pour avoir arrêté une bagarre et non pour l’avoir provoquée… J’ai l’impression d’être unemauvaisemèrequinégligesesenfants.

Incapable deme calmer, jemonte les escaliers pour la énième fois pour voir s’il va bien. Pourm’assurerqu’ilest toujoursdans lesvapesaprèsavoirpris lecocktaildemédicamentsque ledocteurIronsluiaprescritpartéléphonetoutàl’heurequandlamigrainedeColtonnevoulaitpaspasser.

Jesuistoujoursinquiète.Jepensequ’inconsciemmentj’aipeurdem’endormirparcequejepourraisnepasl’entendres’ilavaitbesoindemoi.

C’estalorsquejerepenseàcequeColtonm’arévéléunpeuplustôt,avantquelamigrainenesedéclenche, et je ne peux pasm’empêcher de sourire.Qu’il ait voulume repousser dans le but demeprotégerestsansdouteuneaberration,maisc’estsuperquandonypense.

Touslesespoirssontpermispournousdeux,finalement.Jevaisverslelit,onentendHalestormquisortdoucementdesenceintesau-dessusdenousetjene

peux retenirun soupirquand jem’assieds sur le lit à côtéde lui. Il est allongé sur leventre, lesbrasenfoncéssousl’oreilleretlevisagetournéversmoi.Lesdrapsbleuclairsontdescendusjusqu’àsatailleetjeparcoursdesyeuxlescontoursmusculeuxdesondos,lesdoigtsmedémangentdetoucherlachaleurdesapeau.Jeregardesoncrâneetjeremarquequelescheveuxrecommencentàpoussersurlazonequiaété rasée autour de la cicatrice. En un rien de temps, avec les cheveux, personne ne saura rien dutraumatismequ’ilasubi.

Maismoijelesaurai.Etjemerappellerai.Etj’auraipeur.Jesecouelatêteetjefermelesyeuxenserrantlespaupières,ilfautquejereprennelecontrôledu

floteffrénéd’émotionsquimetraverse.Jeremarquesachemiseabandonnéesurlelitàcôtédeluietje

nepeuxpasm’empêcherde la ramasseretd’enfouirmonnezdedans,pourm’imprégnerdesonodeur,pour laconfigurerdansmamémoireafindediminuer l’inquiétudequinemequitteplus.Celanesuffitpas,cependant,alorsjemefaufiledanslelitàcôtédelui.Jemepencheetjeposemeslèvresjusteentresesdeuxomoplates.

Jerespiresonodeur,jesenslachaleurdesapeausousmeslèvresetjeremercieDieudebénéficierde ce moment, de nouveau avec lui. Une seconde chance. Je reste un moment comme cela, desremerciementsmuetspleinlatête,quandColtongémit.

–S’ilteplaît,non.Letonenfantindesavoixestpoignant,troublant,dévastateur.–S’ilteplaît,Maman,jeseraigentil.Nelelaissepasmefairedumal.Il proteste par desmouvements désordonnés de la tête, son corps se tend, ses bras battent l’air

tandisqueletondesavoixdevientpluspressant,plusdérangeant.J’essaiedeleréveiller,jeleprendsparlesépaulesetjelesecoue.

–S’ilteplaît,maman.S’ilteplaaaaaaîîîît.Son gémissement prend un ton plaintif chargé de terreur. Mon cœur se serre et les larmes me

montentauxyeuxenassistantàcetteangoissantecombinaisondupetitgarçondanslecorpsdecethommeadulte.

–Colton,réveille-toi!Jesecouesonépaulevigoureusementdenouveauetilcommenceàs’animer,maislesmédicaments

que le docteur Irons m’a dit de lui donner sont trop puissants pour que j’arrive à le tirer de soncauchemar.

–Allez,réveille-toi.Soncorpssemetàsebalanceretl’incantationquejeconnaistropbiensortdeseslèvres.J’étouffeunsanglottandisqu’ilchangedepositionunenouvellefois,savoixsetaitetilroulesurle

dos.Ilsedéplacedeuxfoisencoreetjesuissoulagéedevoirqu’ilsembleêtresortidesoncauchemar.Maisilal’airencoreperturbé,alorsjemeglisseàcôtédeluietjeposelatêtesursapoitrine,unejambepasséesurlessiennes,jeposeunemainsursoncœurquibatfrénétiquement.Etjefaislaseulechosequejepeuxenespérantlecalmer,jechante.

Je chante des histoires de petits garçons et de dragons imaginaires, où l’on croit à des chosesincroyables,oùl’onoublieetonvadel’avant.

–Monpèrechantaitçapourmoiquandjefaisaisdescauchemars.Savoix rauqueme flanqueunepeurbleue. Jenem’étaispas renducomptequ’il était réveillé. Il

passeunbrasautourdemoietm’attirecontrelui.–Jesais,etc’étaitlecas.Lesilenceplaneentrenousdanslachambreéclairéeparlaluneetilpousseunpetitsoupir.Jevois

bienquesesrêvessontencoreprésentsdanssonesprit,alorsjenedisrien,letempsqu’ilarriveàs’ensortir.Ilposeunbaisersurmoncrâneetlaissesabouchelà.

Quandilsemetàparler,jesenslachaleurdesonsouffledansmescheveux.

–J’aieupeur.Jemesouviensvaguementd’avoireupeurcesdernièressecondesdanslavoiturequifaisaituntonneau.

Etc’est lapremièrefoisqu’iladmetquelquechosequiconfirmemescraintesencequiconcernel’accident.

Jepasselamainsursapoitrine.–Moiaussi.–Jesais.Endisantcela,ilpasselesmainssouslaceinturedemapetiteculotte,empoignemesfessesetme

faitremonterlelongdesoncorpspourquejeleregardedanslesyeux.–Jesuisdésoléquetuaiesdûrevivreça.Jevoisleregretdanssesyeux,danslesplisdesonfront,etjesuisincapabledeparler,leslarmes

bloquentmagorgeàl’idéequ’ilprendmessentimentsencompte,alorsjeleluimontredelameilleurefaçonquejeconnais.Jemepencheetjeposedélicatementleslèvressurlessiennes.

Quandseslèvress’écartentetquejeglissemalangueentreelles,undouxgrognementmontedufonddesagorge,mepoussantàcontinueràgoûterauseuletuniqueobjetdemonaddiction.Jepasselesmainssursesjouesmalraséespuissursanuqueetjemerepaisdecemélangeenivrantdontjesuisdevenuedépendante.Songoût,soncontact,savirilité.

Il entouremon visage de sesmains, ses doigts s’emmêlent dansmes boucles tandis qu’il écartemomentanémentmonvisage,sibienquenoussommesàquelquescentimètresl’undel’autre,nossoufflesmurmurent l’un contre l’autre et nos yeux révèlent des émotions que nous avions jusqu’ici gardéesenferméesàdoubletour.

Jesenslapulsationdesamâchoireserréesouslespaumesdemesmainsquandiltentedeparler.–Ry,je…Je retiensmon souffle. J’espèrede toutemonâme.Etmentalement, je finis saphrase à saplace,

j’ajoutelesdeuxmotsquilacomplètent,quinouscomplètent.J’exprimelesmotsquejelisdanssesyeuxetquejesensdanslavénérationdesoncontact.Ilparvientàavalersasaliveetajoute:

–Mercid’êtrerestée.–Jenevoudraispourrienaumondeêtreailleurs.Jevoisqu’ilentendetintègrelesmotsquejemurmurequandilm’attirecontrelui,meguidantpour

changer de position et m’asseoir à califourchon sur ses genoux tandis que sa bouche s’écrase sur lamienne.Etelles’écrasevraiment.Mondésiretsondésespoirentrentencollisiondansuneexplosiondepassion frénétique. Nos mains vagabondent, nos langues se fouillent, et nos émotions s’intensifient àmesurequenousreprenonscontactavecleslignesetlescourbesdel’autre.

Coltonpassesamaingauchelelongdemondosetempoignelapartiecharnuedemahanchetandisque jeme balance sur la pointe de son érection recouverte de son boxer. La sensation enfle enmoi,provoquantundésirsipuissant,siintense,prochedeladouleur.Moncorpsréclameleplaisirdévorantqueluiseulpeutsusciterenmoi.

J’avalesongémissementenmelaissantsubmergerparl’émotion–laconnexionentrenous–decemoment.LamaindroitedeColtonglisseversmonautrehancheetilattrapedesdeuxmainslescôtésdemon débardeur en essayant de le relever pour le retirer. Mais quand je sens que sa main droite neparvientpasàsaisirletissu,jeprendsrapidementlecontrôlepournepasgâchercemoment.Jecroiselesbrasdevantmoi,jesaisislebasdemondébardeuretjelepassepar-dessusmatête.

Je suis assise à califourchon sur lui, vêtue seulement de ma petite culotte, et il contemple lescourbesdemoncorps,avecdans lesyeuxunregardd’appréciationmasculinenondissimulé.Dedésirbrut.Defaimévidente.Iltendlamainpourtoucher,promèneleboutdesesdoigtsenremontantlelongdemontorsepourallercherchermonvisageetleguiderverslesienafindepouvoirprendre,goûter,tenter.

Le contact de mes seins venant s’appuyer contre la fermeté de sa poitrine, les tétons dresséssensibiliséspar la caresse,me tireungémissementdeplaisir.Coltonbalancemeshanchesd’avant enarrière,etlasensationmefaitvibrer,lesnerfsàfleurdepeau,auborddel’explosion.Jemerejetteenarrière,éperdue,quandsabouchetrouvemesseins,sachaleurcontremachairfrissonnante.

Jeleveux.J’aibesoindelui.Jeledésireplusquetoutcequej’auraisjamaispuimaginer.Noushaletonsetnoscœurss’emballentquandnousnoussoumettonsà l’instinctquinousaattirés

l’unversl’autredepuislepremierjour.Justeàcemoment-là,jesenssamainfléchiretl’avertissementdudocteurIronsmetraversebrusquementl’esprit.Jesuistentéedel’ignorer,deluidired’allersefairevoiretmelaisserreprendremonhomme,luidonnerduplaisir,lepossédercommeilmepossède,danstouslessensduterme.Maisjenepeuxpasprendrecerisque.

Jeportelesmainsàmeshanchesetj’entrelacemesdoigtsaveclessiens.J’interrompsnotrebaiseretj’appuiemonfrontcontreceluideColton.

–Onnedoitpas.Cen’estpasprudent.Latensionestperceptibledansmavoix,montrantbienàquelpointilm’estdifficiledenepasaller

jusqu’au bout et de prendre ce que nous voulons tous les deux.Colton reste silencieux et contente deserrerplusfortmeshanchesentresesmainstandisquenossouffleshaletantsemplissentlesilencedelachambre.

–Çatedemanderaittropd’efforts.–Bébé,sijenefaispasd’efforts,alorsc’estsûrquejenelefaispasbien.Ilgloussedansmoncou,sabarbenaissantechatouillemapeauquiréclameencoreplusdecaresses.Àcontrecœur,jemeredresseetjem’assiedspourmettresaboucheàdistance,maisilnemevient

pas à l’esprit que cette nouvelle position augmente la pression sur le trianglemoite entremes cuissesquandjem’installedetoutmonpoidssursonérection.Jeréprimelegémissementquimanques’échapperdemeslèvres.Coltonsouritd’unairmoqueur,sachantexactementcequivientdesepasser.J’essaiedefairecommesijen’étaispasaffectée,maisçanesertàriencarilsemetàroulerdeshanches.

–Colton.–Tusaisaussibienquemoiquetun’aspasenviequej’arrête.Ettoujourscesouriremoqueur.Jetendslamainetjeposeundoigtsurseslèvrespourl’empêcher

decontinuer.

–Lafemmequiteparlepenseseulementàtasanté.–Oh,mais tu oublies que lemalade a toujours raison et lemaladequi te parle pense que cette

femme…Ilprendmonindexdanssaboucheetlesuce,mettantlefeuàmondésir.-…abesoind’êtrebaiséeàfondparcethommequiteparle.Mesjambesseraidissentautourdeluietjeplantelesdoigtsdanslehautdemescuissesquandtout

moncorpssesouvientàquelpointlabaiseavecColtonDonavanpeutêtreàfond.Et,auméprisdemesbonnesrésolutions,moncorpstoutentiersemetàhurler,prends-moi,marque-moi,possède-moi.Prendspossessiondetoutmonêtre,icietmaintenant.

–Prudence.Jem’efforcederetrouverunsemblantdemaîtrisedemoncorpsetdelasituation.J’essaiedepenser

àsasantéplutôtqu’àcedésirquibrûleenmoicommeunfeudeprairie.– Ryles, tu me connais, tu m’as déjà vu jouer la sécurité ? (Il me décoche ce sourire moqueur

diaboliquementirrésistible.)S’ilteplaît…laisse-moienfairetrop.Jesaisquesouscetonlégersecacheunhommequifaittoutsonpossiblepourseretenir.–Jemeursd’enviedeprendrelevolantetdedonnerdelavitesse.Jenepeuxm’empêcherderireparcequecequ’ilvientdediremerappellequelquechose.–Quandjet’airencontré,Haddiesedemandaitsitubaisaiscommetupilotes.Ilpousseunpetitgrognementrigolard,etunsouriremalicieuxpassesurseslèvresencreusantcette

fossettequej’adore.–C’est-à-dire?–Unpeuimprudemment,enrepoussantleslimitesetàfondjusqu’auderniertour…Jem’interrompsenpassantunongleentresespectorauxquisecrispentenattentedemacaresse.Ilpenchelatêtesurlecôtéetsonsourirearrogants’élargit.–Alors,elleavaitraisonoubienilfautquejetefassefaireunautretourdecircuitpourterafraîchir

lamémoire?J’adoreretrouverleColtonquejeconnais,leColtonquim’amanqué,sipleindeviequejedécide

dem’amuserunpeu–deleprendreàsonproprejeu.Ilveutdusexequejenevaispasluidonner,maisçaneveutpasdireque jenepeuxpas luioffrirunspectacleenattendant.Luidonnerunpetitquelquechosepourcalmerledésir.

Ouintensifierlemanque.Jefaiscourirmesdoigtsendescendantlelongdesontorsejusqu’àmesgenouxécartésetjeremonte

lelongdemescuisses.Ilsuitdesyeuxleurprogressionsuggestivetandisqu’ilsviennentseposersurletriangledetissuquirecouvremonsexe.

–Jenesuispassûredebienm’ensouvenir,Ace.Çafaitunboutdetempsquejenet’aipasvuenaction.

Ilprendune inspirationsifflanteetcette réactionm’aiguillonneetmepousseàallerplus loin. Jeremontelesdoigtslentementsurmonventrenupourallersoulevermesseinsalourdisparledésir.J’étire

volontairementmalèvrepourexhalerundouxgémissementtoutenpinçantmestétonsentrelepouceetl’index.Lasensationsetransmetenricochetdansmesterminaisonsnerveuses.Enmevoyantmedonnerduplaisir,leregarddeColtonsevoile,seslèvress’écartentetjesenslapulsationdesaqueuesousmoncentrevital.

Sa réactionme libère,me donne le courage et l’assurance d’aller jusqu’au bout. Il y a quelquesmois,jen’auraisjamaisoséfaireça–mecaresseraussiaudacieusementsoussonregardinquisiteur–,maisc’estgrâceàluiquejepeuxlefaire,ilm’amontréquemesrondeurssontsexy,quelecorpsquej’étaisenclineàcritiquersuscitesondésir,etl’excite.C’estplusquesuffisantàsesyeux.

Etgrâceàcetteassurance, jepeuxluifairececadeausansquemesmains tremblent,etenpleineconfiance.

Unautregémissement s’échappedemes lèvres etmême si jevois ledésirmonterdans sesyeuxverts,jesaisimmédiatementqu’ilmesuit.Unlentsourireretrousseuncoindesabouchedélicieusementbelle.Ilsecontentedesecouerlégèrementlatête,l’airamusé,pourmesignifierqu’ilestplusqueprêtàentrerdanscejeu.

– Bébé, si tu as l’intention deme convaincre d’arrêter, alors tu ne devrais pas dire des chosescommeça.

Ilrouleleshanchessousmoi,sonmembredurcommeunrocappuieàl’endroitprécisoùjeressensunbesoinpressantqu’ilsepose–où je lesuppliesilencieusementdemecaresser–et ilnourritcettedélicieusedouleur.J’essaied’étouffermaréaction,denerienlaisserparaître,maisc’estinutilelorsqu’ilrecommence.Mabouche s’entrouvre, un ronronnement satisfait en sort et, sansypenser, je presse lesdoigts sur l’extérieur de ma petite culotte trempée. Il me faut quelque chose pour enrayer l’envieirrépressibledeprendrecedontj’aitellementenvie,tellementbesoin.

Lui.Quand ses hanches s’immobilisent, je plante mes doigts dans la chair de mes cuisses pour

m’empêcherdefairecequejeveux–baisserbrutalementsonboxer,prendresonmembred’acierdansmamain, le guider enmoi, pour qu’il m’écartèle et me donne la satisfaction sublime –, je réussis àreprendre suffisamment demaîtrise demoi pour relever les yeux et le regarder en face. Pour feindred’avoiruneemprisetotalesurmoncontrôlequimenacedesauter.

Du bout du doigt, il trace un trait entre mes seins avec une lenteur insupportable. Son sourires’élargitquandmestétonssedressentsoussacaresse,prouvant,endépitdemonimpassibilitédesurface,qu’ilmefaituneffetpaspossible.

–Ehbien,situpensesquejebaisecommejepilote,tudevraismevoirporterlecoupdegrâceettepiloterjusqu’àlaligned’arrivée.

Malgrémoi, je retiensmonsouffle. Ilautilisécetteexpression–c’estnormaldanssaprofessionaprèstout–c’estsûrementunecoïncidence,maisjenepeuxpasm’empêcherd’espérerdetoutmonêtreque jeme trompe.Qu’il l’utilise pourme dire qu’il se souvient.Mais à peine cette pensée s’est-ellegonflée d’espoir qu’elle se dégonfle et retientmon souffle dansmes poumons.Alors, je fais la seulechosequejepeux,pourm’aideràoublieretpourl’aider,lui,àsesouvenir.

Lemomentestvenudeluidonnerlespectacleaveclequeljeletentedepuistoutàl’heure.Tandisquesonregard fait l’alleret retourentremesyeuxetmesdoigts, j’écarteplus les jambes

pourêtresûrequ’ilvoiebientoutcequejefais.Jecommenceàglisserleboutdesdoigtssouslaceinturedemaculottepuisjem’arrête,moncorpsréclamantmacaresseautantquelui,sij’encroisl’expressiondans son regardet sesdoigtsqu’il frotte lesuns sur les autres, frustrédenepouvoirmecaresser lui-même.Maisilestencoremaîtredelui.Toujoursaussicalme.

Ilesttempsdetestercetteretenue.–Jecroyaisquepilotern’étaitpasunsportd’équipe.Tuvois,plutôtlegenredetrucoùc’estchacun

poursoi.Jevérifiequ’ilregarde,qu’ilvoitmesdoigtsglisserunpeuplusverslebas.Etjesaisqu’illevoit

àsapommed’Adamquimonteetquidescendquandildéglutitavecdifficulté.–Pourchaquehomme,oui,finit-ilpardired’unevoixtendue.–Piloterpeutêtreunsportdangereux,aussi,tusais?–Ah,vraiment?Jeprendsl’initiativedecéderàlatortureexquise,d’écartermonintimitéetd’essuyerlapreuvede

mon excitation pour pouvoir appliquer à mon clitoris la friction tellement attendue. Et même aussiagréablequecesoit–lapression,lafriction,saqueuetenduequisefrottecontremoi–riennem’exciteplus que l’expression sur le visage deColton. Son excitation évidente et sa concentration totale alorsqu’ilobservedesmouvementsqu’ilpeutseulementdevinerautraversdelasoierouge.

J’en veux encore plus. Je veux voir craquer cette retenue stoïque, alors je m’abandonne à cettesensation,àl’érotismedumoment–luiquimeregardependantquejemedonneduplaisir–etjefaislachosequi,j’ensuissûre,valefairebasculerdel’autrecôté,appuyersurladétenteentirantcefilqu’ilaenroulé si serré. Je rejette la tête en arrière, je ferme les yeux et je laisse un « Oh, Seigneur ! »s’échapperdemeslèvres.

–DouxJésus!Saretenuecraqueaumêmemomentquelesfinesbandesdetissuquiretiennentmonstring.Jegardelatêteenarrière,conscientequ’ilobservemesdoigtsquibougent–prenantmonplaisir–

parcequ’ilyaquelquechosed’étonnammentlibérateurdanslefaitqu’ilm’arrachemesvêtementspourpouvoir regarder. Je suis libérée, dépouillée de toute honte, et totalement offerte à lui, aussi bienphysiquementquementalement.

Monpoulss’accélère.Unechaleurserépandenmoicommeuntsunamidesensationsdanslequeljesuisprêteàmenoyer.Coltonpousseungrognementenfacedemoietjereprendsconsciencedumomentprésent,jeredresselatêteetj’ouvrelesyeux.Lessienssontrivéssurletrianglequijointmescuisses.Jepousseungémissementensortantmamainpourluimontrermesdoigtsluisantsdemonexcitation.Jeluttepourmaîtriser le feu qui se répand enmoi, embrasant des endroits dont je ne soupçonnaismême pasl’existence,etpourtenterderetrouvermavoix.

–Tusais,Ace,ledangerpeutêtresurévalué.Ilsemblequejesacheparfaitementcommentattaquerunepisteglissante.

Je ronronne, incapable de réprimer un sourire moqueur quand ses doigts s’enfoncent plusprofondémentdanslapartiecharnuedemeshanches.Toutengardantlesyeuxrivéssurlessiensavecunairdedéfi,jeportemesdoigtsàmeslèvresetjelessucelentementavantdelesressortir.

Unmusclesautedanssamâchoire.Saqueuepalpitesousmoi.Ilalesoufflecourt.–Glissanteetmouillée,hein?Ledangern’ajamaisétéaussitentant,putain!Ilparled’unevoixtraînanteetpasselapointedesalanguesurseslèvressèchesensuivantdesyeux

mesmainsquiglissentdenouveaulelongdemontorse,surmesseins,surmonventre,pourfinirentremes cuisses.Cette fois, pourtant, j’ouvre encore plus les genoux et j’écartema fente d’unemain pourqu’ilpuissevoirmesdoigtsglisserentrelesplisrosesetgonflésdemonsexe.Jevoislecombatquiselivre en lui sur les ridesmagnifiques de son visage, j’observe le désir qui le submerge, et le sourireentenduquiretrousseseslèvresluivaàlaperfection.

Monbeauvoyouarrogant.Unpeuprétentieux.Trèsimparfait.Ettotalementàmoi.–Tusais…Ilparled’unevoixrauqueenremontantduboutdudoigtlelongdemacuisse,évitantàdesseinle

centredemondésirquisecontracted’avance,avantderedescendrelelongdemonautrejambe.-…parfois dansune course, afin d’atteindre la ligned’arrivée, des débutants comme toi doivent

travaillerenéquipepourobtenirlerésultatrecherché.Jen’essaiepasdecombattrelesourirequimevientnidedissimulermonsoufflefrissonnantquand

ses doigts s’éloignent dema peau. Jeme penche en avant, je pose lesmains sur sa poitrine et je leregardedroitdanslesyeux.

–Désolée,maiscemoteursembletrèsbiens’ensortirenfaisantlacourseensolo.Jedessinedes lignesparallèlesduboutdesonglesendescendant le longdeson torse toutenme

redressant. Ses muscles se contractent sous mes doigts, venant me prouver que même si le sourirearrogantrestesurseslèvres,soncorpsveutetabesoindecequej’aiàoffrir.Jeglissedenouveaumesdoigtsentremescuissesetjedislaphrasequi,jel’espère,valefairecraquer.

–Jesaisexactementcequ’ilvafalloirfairepouratteindrelaligned’arrivée.–Oh, commeça, ça te plaît de nepas faire la course à la loyale, hein ?D’enfreindre toutes les

règles?Ilmeprovoqueenrenvoyantdirectementlaballedansmoncamp.–Oh,iln’yaaucundoute,jepeuxlefaire.Jehausselessourcilsetjetendslamain.Sesyeuxrétrécissentquandjeporteàseslèvresundoigt

luisantdemamoiteur.Aussitôt,illèvelamainetattrapemonpoignet,guidantmesdoigtsverssabouche,avecunronronnementgravevenudufonddesagorgeetquirésonneautourdemoi,àtraversmoi,enmoi.Etcettefois,c’estmapropreretenuequiestmiseàl’épreuvequandsalangues’enrouleautourdemesdoigtsetquemeshanchess’écrasentetsebalancentsurluiautomatiquement.

Putain, c’est absolument divin.Mes terminaisons nerveuses atteignent le point culminant de lafièvrequandjerecommenceàmebalancer,sonmembredurcontremadouceur,etjenepenseplusqu’àcedésirquimetraversedepartenpart.Àlamoiteurquis’accumuleentremesjambes.Àsesdoigtssurmoi,enmoi,quimepilotent.

Putain,j’aibesoindelui,maintenant.Désespérément.Alors,jefaislaseulechosequejepeuxfairesansallerjusqu’àsupplier.Jelanceledernierdéficohérentquimeresteparcequetoutesmespenséess’embrouillentdansmatêtesousl’assautdessensations.Jemepencheverslui,j’effleuredemeslèvressamâchoirerecouvertedebarbenaissanteetj’inhalesonodeuravantdemurmurer:

–Toiquiesunprofessionnelconfirmé, tuvaspeut-êtredevoirmontrerà ladébutanteexactementpourquoionditquelefrottementfaitlacourse.

Jefaistournermeshanchessurluietjesensqu’ilserrelesdentspournepaslâcher.Jerépètelemouvement une fois encore, un soupir satisfait s’échappedemes lèvres tandis quemon corps enveuttoujoursplus.

–UngrandpiloteprofessionneldeF1commetoiauraitpeurdemontreràunenéophytecommenttenirlemanche,hein?

J’avaisoubliéàquellevitesseColtonpouvaitsedéplacer,mauvaisemainoupas.Enunéclair,ilmepoussepourm’obligeràmeremettreassise.Iltiremespiedsenavantpourqu’ilssoientposésàplatsurlelitdepartetd’autredesacagethoracique,etilécartemesgenouxaussiloinquepossible.

Bingo.Fusibleallumé.Lafrontièreténueducontrôlefranchie.Dieumerci!Il doit prendre l’expression de mon visage – un soulagement teinté de désespoir – pour de la

perplexitéparcequ’ildit:–Jechangedevitesse,chérie,parcequ’iln’yaquemoiquiailedroitdepilotercettevoiture.J’entendsleronronnementquivientdufonddesagorgequandilglisselesmainssurmescuisseset

s’arrête pour passer ses pouces le long de mon étroite bande bouclée. Une caresse excitante qui metraversed’unecascadedepetitsfrissons,préfigurantcequivasuivre,leniveaudeplaisirauquelilpeutm’amener.

Ses doigts s’immobilisent et ses yeux parcourentmon corps pour venir rencontrer lesmiens, unsouriresatisfaitflottantsurseslèvres.Ilsoutientmonregard–commes’ilvoulaitmemettreaudéfideregarderailleurs–et,toutenécartantd’unemainlesplisgonflésdemachair,del’autreilmepénètredesesdoigts.

Matêtetombeenarrièreetlasensationqu’ilmeprocurem’arracheuncri,sesdoigtsmefouillent,memanipulent,mecaressentenformantdespetitscerclessurmonboutonsensibleetréactif.Sesdoigtsentrent et sortent en glissant, et mes parois se contractent autour de lui, s’accrochant à lui dans unmouvementdepurenécessitécharnelle.Depureavidité.

J’observe son visage. Sa langue qui se glisse entre ses lèvres, le désir qui voile son regard.J’observelesmusclesquiondulentsursesbrastandisqu’ilmetransporteversleparoxysme.Qu’ilmefaitmonteràtoutevitesseparcequejesuissifrustrée–j’aiemmagasinétantdedésir–quelesimplefaitdeleregarder,delesentir,demesouvenir,mefaitbasculerdel’autrecôté.

Mesongleslabourentsesavant-brastandisquetoutmoncorpssetend,quemachattesecontracteetquejecriesonnomsifortquecelaemplitlapièceautourdenous.Latêtelapremière,jem’écroulesursa poitrine tandis que la chaleur qui me traverse par vagues me liquéfie à l’intérieur. Écartant toutepossibilitédecohérence.Jeveuxsentirsapeausur lamienne.Jeveuxlesentirfermecontremoiet lasécuritédesesbrasautourdemoipendantquejemenoiedanslasensationqu’ilarépandueenmoi.

Lesoufflecourt,jelaissemoncorpssecalmer.Duboutdesdoigts,iltracedestraitslelongdemacolonnevertébrale.Jelesensriredoucementcontremapoitrine.

–Hé,ladébutante?Jem’obligeàleverlesyeuxverslui–àsortirdemoncomapost-orgasmique.–Hum?C’esttoutcequejepeuxfairesoussonregardamusé.–Iln’yaquemoiquiailedroitdetepiloterjusqu’àceputaindedrapeauàdamier.Jenepeuxpasretenirlerirequimonteenmoi.Ilpeutréclamermondrapeauàdamierquandille

veut.

15

–Oh,jesuissifièredetoi!Jesavaisqueturéussirais.Jerepousselavaguedeculpabilitéquimesubmerge.Jen’étaispaslàpouraiderConnoràrévisersontestdanslamatièrequ’ilredouteleplus–lesmaths.

–J’airepenséàcepetittrucdonttum’avaisparléetçaamarché.Lafiertédanssavoixmefaitvenirdeslarmesdejoie,maisaussideregretden’avoirpasétélà.–Jetel’avaisbiendit!Maintenant,prépare-toipourlebase-ball.JesuissûrequeJaxt’attenddéjà.Ilconfirmeenriant.–Jeteprometsdevenirtevoirdanslasemaine,ok?–Ok.JeteLego.–JeteLego,moiaussi,monpote!Jeraccrocheetjejetteuncoupd’œilverslaterrasseoùdesriresrecouvrentlefracasdesvagues–

desannéesd’amitiésontvenuesàboutdelamauvaisehumeurdeColton.JesuisvraimentreconnaissanteàBeckettd’êtrepassé.Jelesentendsrireauxéclats.J’auraispréféréêtrecellequiaréussiàremplacerl’expressionrenfrognéedecesdernierstempsparunsourire,maisjesuisdéjàtrèscontentequ’ilensoitainsi.

C’estmieuxquerien.Jelesvois trinqueravecleursbouteillesdebièreet jepousseunprofondsoupir.J’aimeraisbien

que la tension qui persiste entre Colton et moi disparaisse. Je suis sûre que c’est à cause de notrefrustration sexuelle.Désirer une chosequi est juste sous votre nez,mais ne pas pouvoir la prendre etcroquerdedans,c’estviolent,danstouslessensduterme.

C’estvrai,sesdoigtsplusqu’expertsm’ontapportéunpeudesoulagementavant-hiersoir,maiscen’estpaspareil.Laconnexionaétéétabliemaisn’estpasassurée,parcequelorsqueColtonmepénètre,m’étirantlittéralementverstouteslesprofondeursimaginables,jesuiscomblée,ausensproprecommeaufiguré.Ilmecomplète,mepossèdeetm’arendueàjamaisimproprepourtoutautrehommequelui.

Jemesensplusprochede luimaintenantque l’onpasse tellementde tempsensemble,etpourtantj’ail’impressionqu’ils’estéloigné.Etj’aihorreurdeça.

Jemesecouepoursortirdecetteséanced’auto-apitoiementenmedisantqueleschosespourraientêtrebienpires.J’enlèvemeschaussuresetjesorssurlaterrassepourprendrel’air.JepasseentreColtonetBeckettallongéssurleurschaiseslonguesetjevaism’asseoirsurlamienneenfaced’eux.

Jelesobservedederrièremeslunettesdesoleiletjemedisqu’iln’yapasunefemmeaumondequi ne rêverait d’être à ma place. Les deux hommes sont relax, avec leurs shorts de surfeurs, leurscasquettesdebase-balletleurslunettesnoires.Jenemeprivepasdebaladermonregardsurleurstorsesnusauxmusclesbiendessinésetjeréprimeunsourire.

–Ah,maisneserait-cepasFlorenceNightingale 1?lanceBeckettaveccetaccenttraînantquiluiestpropre,enportantsabouteilleàseslèvres.

–Ehbien,jepensequesij’étaismadameNightingale,jediraisàmonpatient,monsieurDonavaniciprésent,qu’ilnedevraitprobablementpasboired’alcoolavectouslesantidouleursqu’ilavale.

–Oncroiraitplutôtentendreledragon…Colton me regarde par-dessous la visière de sa casquette, baladant ses yeux verts sur toute la

longueurdemes jambesétaléesdevantmoisur lachaise longue. Ilpasserapidementsa languesurseslèvres,cequimeditqu’ilaimeraitallerbeaucoupplusloinquecesimpleregard.

–MissRatchet,hein?Jefaisglissermonpieddehautenbassurmonmolletenessayantdenepasmevexer.–Ouais.Ilretrousseleslèvresenmeregardantpar-dessuslegoulotdesabière.–Siellemedonnaitcequejeveuxvraiment,jemerétabliraisbienplusvite.Ilhausselessourcilsenmeregardantd’unairsuggestif.–Etmerde!Quandjen’essaiepasdevousremettreensembletouslesdeux,jedoistoutfairepour

vousempêcherdevoussauterdessus.–Noussauter?reprendColtonenimitantBeckett.L’expressionmesemblebienchoisie.Beckettglousseenlevantlesyeuxauciel.–Oui,eneffet,c’estlemotjuste.Coltonlâchemonregardpourlapremièrefoisetinclinelatêtepoursetournerverssonplusancien

etmeilleurami.–Soistranquille,mec,quandj’aurailefeuvertdumédecin,rien–tum’entends–rienneviendra

s’interposerentreRyleeetmoipourunetrèslonguesauterie,saufpeut-êtrepourchangerlesdraps.Safranchisemefaitmonterlerougeauxjoues,maistoutmoncorpsréagitàlapromessecontenue

danssesparoles.EtjememoquequeBeckettaitentenduparcequejeneretiensquelesmotsune trèslonguesauterie.

–C’estnoté,ditBecksenbuvantuneautregorgéedebière.–Fautquej’aillepisser.Coltons’extraitdesachaiselongue.Commej’aiapprisàlefairecesderniersjours,jem’obligeà

resterassiseenvoyantColtonsedébattreunmomentavecsonmanqued’équilibreetlevertigesoudainquilesaisit.Auboutd’unpetitmoment,ilsemblestableetvaposersabouteilledebièresurlatableà

côtéde lui.Àune trentainedecentimètresde la table,samaindroite le lâcheet labouteille tombeenclaquantsurlesoldelaterrasse.

Beckettmelanceuncoupd’œilinquietavantdesemettreàrireenfaisantcommes’iln’avaitrienremarqué.

– Catastrophe ! Je pense que Miss Ratchet n’a pas tort à propos des mélanges de médocs etd’alcool.

–Vatefairefoutre!Coltonretourneversl’intérieurdelamaison.–Rienquepourça,jevaism’enjeteruneautre!JeregardeColtonentrerdanslacuisine.Quandilpensequ’onneleregardepas,ilobservesamain

etessaiedeserrerlepoing,puisilsecouelatête.–Commentilva?JemeretournepourregarderBecks.–Lesmigrainess’espacent,maisilestfrustré.Iln’arrêtepasdetrouverdespetiteschosesicietlà

dontilnesesouvientpas.Etpuisilsesentenfermé.Ettusaiscommentilestquandilsesentenfermé.Beckettlaisseéchapperunprofondsoupirensecouantlatête.–Ilfautqu’ilretournesurlecircuitaussivitequepossible.Jeleregardebouchebée.–Quoi?C’est commeun coup de couteau dans le dos.Lui, sonmeilleur ami. Il n’est pas soucieux de sa

sécurité?Delegarderenvie?–Tudisqu’ilsesentenfermé…lecircuit,c’estleseulendroitoùils’esttoujourssentilibre.Beckssoutientmonregardstupéfait.–Deplus,s’ilnereprendpaslevolantrapidement,ilvalaissersapeurledévorer,s’installerdans

sa têteet leparalyser,putain,etquand ilpenseraqu’ilpeut remonterdans lavoiture,c’est làqu’il semettraendanger.

Jesuisquelqu’und’intelligentetpeut-êtrequesijen’étaispastoujourssidéréeparcequ’iladit,j’entendraisvraimentcequ’ilmedit–jeverraisleschosesdansleurensemble–,maiscen’estpaslecas.

–Dequoituparles?Depuisqu’ilestrentré,iln’apasarrêtéderâlerparcequ’ilvoulaitretournersurlecircuit.

Beckettsecontentederigoleretmêmes’iln’estpascondescendant,jemesensdosaumuretsonriremefaitgrincerdesdents.

–Mais,putain,Ry,biensûrqu’ilapeur.Ilestmortdetrouille.Sicen’estpassamainqu’ilprendcommeprétexte,ceseraautrechose…etilfautabsolumentqu’ilsurmontecettepeur.Sinon,ellevalebouffertoutcru.

Mentalement, jeme repasse la semaine qui vient de s’écouler.Des choses queColton a dites àproposde laF1.Des chosesqu’il fait et qui contredisent ses paroles.Et je commence àmedire que

Beckettaraison.–Mais,etmapeuràmoi?Jenepeuxpasdissimulerledésespoirquipercedansmavoix.–Parcequetucroisquejen’aipaspeur,moiaussi?Tucroisqueçavaêtrefacilepourmoi?Sontonmordantmepousseàmeretournerpourleregarder.–Tucroisquejenevaispasrevivrecesminutesencoreetencoredansmatêtechaquefoisqueje

vaisbouclersaceinture?Chaquefoisqu’ilvadébouleràfonddansunelignedroite?Putain,Ry,moiaussi j’ai failli le perdre. Si tu crois que ça va être facile pourmoi, tu te trompes.Ça va être superviolent,putain,maisc’estlemieuxpourColton.

Il s’extrait de son siège et va jusqu’à la balustrade.Lesmains écartées, il s’appuie dessus et sepencheenavant.

–Jusqu’àcequ’ilteconnaisse,c’étaitlaseulechosequicomptaitpourlui.Laseulechosequiluipermettaitdenepasdevenirfou.Ilneconnaîtqueça.

Ilseretournepourmefaireface,sesyeuxsontcachésderrièresesRayBanAviators.–Alors,oui,ilvaramenersonculsurlecircuitetjeserailepremieràvenirl’encourager,maisne

vapascroirequemoncœurnebattrapasàseromprechaqueminuteoùilysera.Jelesuisdesyeuxtandisqu’ilarpentelaterrasseàgrandspaspouressayerdesecalmer,puisil

revientversmoietsaisitsabouteillepourlaviderd’uncoup.– La course automobile, c’est environ quatre-vingts pour cent de mental et vingt pour cent de

technique,Rylee.Nousdevonsluiremettreçadanslatête,l’ameneràpenserqu’ilestprêt,alorsilseraprêt.

Jevoisbienlalogiquedesonraisonnement,maisçanem’empêchepasd’êtremortedepeur.

***

Je lève la tête pour bénéficier des derniers rayons du soleil qui ne vont pas tarder à disparaîtrederrièrel’horizon.Collidesediffuseendouceurdeshaut-parleursextérieursetjechantonneenrepensantàBeckettetànotreconversation.JemedemandecommentjevaisréagirquandColtonvareprendrelevolantets’ilauraaussipeurquemoi.

–Hé,qu’est-cequetufaislàtouteseule?LavoixrauquedeColtonmefaitréagir,etquandj’ouvrelesyeux,jevoisqu’ilm’observedepuisle

perchoirconfortabledesachaiselongue.Lamarqued’oreillersursajouemeremplitdetendresseetjenepeuxpasm’empêcherd’essayerd’imaginerlepetitgarçonqu’ilétait.

–Lasiesteétaitbonne?Ilvients’asseoirprèsdemoi,jemepoussepourluifairedelaplacemaispastroppourpouvoirme

pelotonnercontrelui.Ilmeprenddanssesbrasetm’attirecontrelui.–Ouais,j’étaisdanslecoaltar.

Ilposeunbaisersurmoncrâneenriant.–Maisplusdemigraine,etça,c’estbien.– Je n’en reviens pas que la quantité de bière que tu as éclusée avec Becks ne t’ait pas

complètementanesthésié.–Grossemaligne!–Jepréfèreêtreunegrossemalignequ’unegrosseidiote.–Tuchercheslabagarre?Endisantcela,ilmechatouillelescôtes.–Tusaisl’effetqueçamefait,chérie,etjet’assurequejen’airiencontre,làmaintenant.Jemedégagedesonétreinteenmetortillant.–Bien essayé,maison ferait probablementmieuxd’attendre encoreun jouroudeux, et là jeme

prêteraiàtouteslesbagarresquetuvoudras.Jehausselessourcilsquandilmecaresseledosdélicatementduboutdesdoigts.–Chérie,tunedevraispasfairecegenredepromesseàunhommeauxaboiscommejelesuis,situ

n’aspasl’intentiondelestenir.–Oh,pasdesouci,Ace,jetiendraitouteslespromessesdebagarrequetuveuxàconditiond’être

sûrequetuvasbien.Enguisederéponse,Coltonémetunpetitgrognementévasif.Nousnousinstallonsunmomentdans

unsilenceconfortableque j’apprécieparcequec’est lapremière foisdepuisplusieurs joursquecettetensionétrangeentrenousdisparaît.Enadmirantlespectacledusoleilcouchantbercéparlesoupirdesvaguesdanslanuittombante,jelaissemonespritdériverdenouveauversmaconversationavecBecks.Et selonmonhabitude, je cède àmon envie de savoir ce queColton ressent à l’idée de reprendre lacompétition.

–Jepeuxteposerunequestion?–Mmm-hmm.J’hésiteuninstant,craignantd’évoquerdespréoccupationsauxquellesiln’apasencorepensé,mais

jemelance.–Tuaspeurderetournersurlecircuit?Derecommenceràcourir?Lesmotssortentdemaboucheensebousculantetjemedemandes’ilestsensibleàl’agitationque

trahitletondemavoix.Sesdoigtss’immobilisentuninstantsurmondosavantdereprendreleurcourseetjesaisquej’ai

touchéunpointqu’iln’apasvraimentenvied’abordernidereconnaître.Ilsoupireavantderépondre.–C’estdifficileàexpliquer.Ilchangedeposition,sibienquenousnousretrouvonscôteàcôte.Nosregardssecroisent.Ilfaitun

petitsignedetêteavantdepoursuivre.–C’estcommesiçamefaisaitpeurmaisquej’enavaisenvieenmêmetemps.Jenepeuxpasledire

autrement.Jeressenssonmalaise,alorsjefaiscequejefaislemieux,j’essaiedel’apaiser.

–C’estunechosequetuascomprise,avecmoi.Ilmeregarde,perplexe.–Qu’est-cequetuveuxdire?Jen’avaispasdutoutl’intentiond’enarriverlànidelemettremalàl’aiseenparlantdu«nous»

quiexistaitavantl’accident.Le«nous»qu’ilpilotaitetqu’ilaoublié.Jetendsunemainetlaposesursajouemalraséepourm’assurerd’avoirtoutesonattention.

–Tuavaisàlafoispeuretenviedemoi…Jen’endispasplus.Ilreprendsonsouffletandisquel’émotionpassedanssonregard.Ilretrousse

leslèvresuninstant.J’entendssarespirationhaletante,lebruitdel’océan,lesbattementsdemoncœur,maisluigardelesilence.Ildétournelesyeuxetjemeprépare,àquoi?Jenesaispastrop.Maisquandilreposelesyeuxsurmoi,unlentsourirehésitantrelèveuncoindesabouche,etilacquiesced’unsignedetête.

–Tuasraison,c’estvraiquej’aibesoindetoi.Quelquechoseaufonddemoisedénoue,jesuissoulagéequ’ilaitenfinreconnunotreconnexion.

Qu’ill’accepte.Ettantpiss’ilnemeditpasqu’ilmepilote,parcequeça,lefaitqu’ilaitbesoindemoi,c’estplusquecequejepouvaisespérer.

Ilglissedélicatementlamainsurmajoueetpasselepoucesurmalèvreinférieure.Ilsepencheeteffleure tendrementmes lèvresdes siennes avantdeposerunbaiser sur leboutdemonnez.Quand ils’écartedemoi,jepeuxvoirlesouriremalicieuxsursonvisage.

–Àtontour.–Montour?Iljoueduboutdesdoigtsaveclesboutonsdemonpetittop.–Ouais.C’estlemomentdesquestions-réponses,Ryles,etc’estàtontourd’êtresurlasellette.–Jevoudraisbienfaireunpetittoursurtasellette.Cetterépliquemevautcesourirevifcommel’éclairquiagitsurmeshormonescommeunaimant.–Faisgaffe,chérie,j’aitellementlesboulesaprèstoutcetempsd’abstinencequejenerêvequ’à

unechose,franchircetteligned’arrivéesituéeentretescuisses.Endisantcela,ilsepencheenavantassezprèspourm’embrasser,maisilnelefaitpas.Quiaparlé

detortureexquise?Quandilparledenouveau,sonsoufflemecaresseleslèvres.–Ilvautmieuxnepastropmettremacapacitéàmeconteniràl’épreuve.Touteslesparcellesdemoncorpssetournentverslui–ledésirent,leréclament,ledéfient–maisil

faitencorepreuvedeself-controlquandilritd’unpetitriredouloureux.–Donc,àmontourdeteposerunequestion.Pourquoin’es-tutoujourspasalléevoirtesgarçons?Detouteslesquestionsqu’ilpouvaitmeposer,c’estcelleàlaquellejem’attendaislemoins.Jesuis

d’autant plus sidérée qu’il a raison. J’ai terriblement envie de voir mes gamins, mais je ne sais pascommentlefairesansentraînertoutlecirquemédiatiquedansmonsillage.Uncirquedontilspeuventsepasseretqueleurvie,déjàbienfragilisée,nelesapaspréparésàgérer.

–Tuasdavantagebesoindemoipourl’instant.

Jenetienspasàluidonnerlavraieraison.Iln’estpasnécessairequ’ilsepréoccuped’autrechosequedesonrétablissementencemoment.

–C’est des conneries, ça,Ry. Je suis un grand garçon. Je peux rester seul la nuit. Il ne va rienm’arriver.

Ets’ilarrivaitquelquechose?Situavaisbesoindemoietquepersonnenesoitlàetqu’ilsepassequelquechosed’horrible?

–Ouais…c’estjusteque…Jeneterminepasmaphrase.J’aiàlafoisbesoindeledireetpeurdelefroisser.–Jeneveuxpasquetonmondeentreencollisionavecleleur.Ilsn’ontpasbesoindeseretrouver

devant des caméras qui vontmontrer à tout lemonde qu’ils sont orphelins – que personne n’a voulud’eux–nidejenesaisquelleconséquencefâcheusequecelanemanqueraitpasd’entraîner.

–Ry,regarde-moi.Ilsoulèvemonmentonpourmeregarderdanslesyeux.–Toietmoi?Jeneveuxpasquetoutça–moi,lafoliedesmédiasautourdemavie,lapresse,et

tout–viennesemettreentretoietlesgarçons.Cesonteuxquicomptent,etjecomprendsçamieuxquequiconque.

Entrelefaitqu’ilm’aitditqu’ilavaitbesoindemoietcettedéclaration,jejurequejeneseraispasplusheureusesij’avaisgagnéàlaloterieparcequecesdeuxchosesfontdemoilapersonnelaplusrichedumonde.Ilmecomprendvraiment.Ilcomprendquemesgaminsfontdemoiquijesuisetquepourêtreavecmoi,ilfautqu’illesaime.BeckettditquejesuislaplanchedesalutdeColton,maisjepensequ’ilvientjustedemeprouverquecelamarchedanslesdeuxsens.

Jeravalelabouledelarmesquimeserrelagorgetandisqu’ilcontinueàmeregarderfixementpourêtresûrque j’entendscequ’ilmedit. J’acquiesceenmarmonnant,muetted’émotion. Il sepencheversmoietposeunpetitbaisersurmeslèvres.

–Jevaistrouverunmoyen.Jevaisfaireensortequetupuisseslesvoirbientôtsansinterférencedesjournalistes,ok?

Jehochelatêteetjemeblottiscontreluitandisquemonespritbourdonnedenombreusesquestionsjusqu’àcequ’uneprenneledessus.

–Àmontour.J’aienviedeconnaîtrelaréponse,maisjelaredouteenmêmetemps.–Mmm-hmm.–Lepremiersoir…Jemarqueun tempsd’arrêt,ne sachantpas trèsbiencomment formuler laquestion. Jedécidede

plongerlatêtelapremièreenespérantquejesuisdanslegrandbain.–Qu’est-cequetufaisaisavecBaileydanscettealcôveavantdetombersurmoi?Coltonéclated’unrirebruyantsuivid’unjuron,etjemedisquemaquestionl’aprisparsurprise.–Tutiensvraimentàlesavoir?

C’estunebonnequestion.Maintenant,jen’ensuisplussisûre.Jehochelatêteetjefermelesyeuxenmepréparantàl’explicationquivasuivre.

–JesuisallédanslescoulissespourrépondreàunappeldeBecks.Ilrigole.–Putain,j’avaisàpeineraccrochéqu’elles’estjetéesurmoicommeundiablequisortdesaboîte.

Ellem’aretirémaveste,adégrafésarobeetcollésabouchesurlamienneenmoinsdetempsque…Il s’interromptet j’essaiedenepas réagir,mais je saisqu’il sent la tensiondemoncorpsparce

qu’ilappuieseslèvressurlesommetdemoncrânepourmerassurer.–Crois-moi,Rylee,ilnes’estrienpassé.–Ahbon?Lecélèbrecoureurdejupons,ColtonDonavan,quirefuselesavancesd’unefemme,ce

seraitunepremière!Le sarcasme est évident dansma voix. J’ai beau avoir posé la questionmoi-même, c’est quand

mêmedéplaisantd’entendrelaréponse.–Deplus,jecroyaisquetuaimaislesfemmesquis’installentauxcommandes.Ilrigoledenouveau.–Tun’asaucuneraisond’êtrejalouse,chérie…mêmesijetrouveçaplutôtexcitantquetulesois.Jelepoussedudoigt,satisfaitequ’ilessaied’adoucirlechocdelavérité,etaulieudes’écarterde

moi,ilmeserreplusfortdanssesbras.–Etjen’aijamaislaisséqu’uneseulefemmeprendrelescommandesparcequec’estlaseulequiait

jamaiscomptépourmoi.Jefronceleneztandisquemoncœursoupired’aiseàcecommentaire,maismaraisonsedemande

s’ilditçajustepoursedédouaner.Lecynismel’emporte.–Hum.Jesuispourtantcertained’avoirentenduDouxJésussortirdetaboucheetpasLâche-moi.LecorpsdeColtonestsecouéparcerirefrancquej’adoreetquiluivasibien.–Imagine-toidévoréevivanteparunpiranhaauxdentsémoussées.Jenepeuxm’empêcherderireaussiàcetteimageetjesecouelatête.– Non, sérieusement, dès que j’ai pume dégager pour reprendremon souffle, c’est la première

chosequiestsortiedemeslèvresparcequecettenanaembrassecommeunputaindebouledogue.Cettefois,jenepeuxplusm’arrêterderire,majalousiefaitplaceàdusoulagement.–Et le plus drôle, c’est qu’à cemoment-làmamèrem’a appelé pourme demander comment la

soiréesepassaitetm’a,sanslesavoir,tirédesesgriffes.–Tuveuxdiredesachattemagique?–Ah ça non, putain ! Toi, Bébé – c’est toima chattemagique. Bailey ? C’est plutôt une chatte

piranha.Nouscontinuonsàrireparcequ’iltrouvedescomparaisonsdeplusenplusdrôles,etsoudainilme

dit:–Ok,alorsdonc…

Duboutdudoigt,iltraceuneligneimaginairesurlapeaunuedemonbrasenlaissantdeminusculesétincellesélectriquessursonpassage.

-…Ace?J’attendaiscettequestion,etjesecouelatêteenm’écartantdelui.–Tuvasgâchertaquestionsuivantepourça?Tuvasêtretropdéçu.Jeleregardeentordantleslèvres.–Iln’yapasautrechosequetuaimeraissavoir?–N’essayezpasdegagnerdutemps,MissThomas!Ilm’enfoncesesdoigtsdanslescôtesetjemetortillepourtenterdem’ysoustraire.–Arrête…Jecontinueàmetortiller.-…Ok,ok!Jelèvelesmainsetils’arrêteimmédiatementavantquejelerepousse.–Tyran!Ilmechatouilleencoreunefoispourfairebonnemesureetgrognequandj’essaiedeluiexpliquer.–Haddieatendanceàavoirunpenchantridiculepourlesbadboysrebelles.Jem’arrêtequandillèvelessourcils.–C’estl’hôpitalquisefoutdelacharité,non?Jevoisbienqu’ils’efforcedenepassourire.–Jetel’aiditquandonétaitàlafêteforaine,moijenesorspasavecdesbadboys.–Oh,Bébé,tuessortieavecmoi,tunepeuxpasdirelecontraire.Jen’essaiemêmepasdemeretenirderireparcequelesouriremalicieuxetarrogantestderetour

sursonvisage,illuminantsonregardetconfirmantqu’ilabeletbienvolémoncœur.–C’estvrai,eneffet.Maistuétaisincontestablementl’exceptionquiconfirmelarègle.–Commetoipourmoi.C’estétonnantàquelpointmaintenantceschosessemblentfacilesàdirepourluialorsqu’ilyaun

mois je n’aurais jamais cru ça possible. Il se penche versmoi et pose ses lèvres sur lesmiennes, salangues’aventurantentreellespourmegoûteretaiguisermonappétit.Jepousseungémissementfrustrélorsqu’ilrecule.

–Àprésent,j’exigedesréponses,femme.Ace?Ilhaussedessourcilsinterrogateurs.–D’accord,d’accord.Jerendslesarmes,mêmesijesuistoujoursdistraiteparlaproximitédeseslèvresetl’envieque

j’éprouved’ygoûterencore,alorsquelesmiennesgardentlachaleurdesonbaiser.–Commejetedisais,Haddieàunfaiblepourlesmecstatouésquinevontpasmanquerdeluibriser

lecœur.Certainsluifontdubien,maislaplupartdutempsc’estlecontraire.Çanousfaisaitmarrer,Maxetmoi,larondeperpétuelledesrebellesautourd’elle.Àlafac,elleestsortieavecuntypequis’appelaitStone.

Devantsonairincrédulejehochelatêtepourconfirmerqu’ilabienentendu.–Oui,Stone.C’étaitvraimentsonnom.Bref,cemecétaitunconnardfinimaisHaddiel’avaitdans

lapeau.Unsoir,ill’aplantéepoursortiravecsescopainsetalorsquenousétionstouteslesdeuxavecunebouteillede tequilaetunpaquetdecookiesdechezHershey, je luiaiditquecette foiselleavaitdégotéun«véritableAsde laconnerie».Unechoseenentraînantuneautre,unshotentraîneunautreshot.

Jerisenrepensantàcetteépoquelointaine.–Etàforcedeboire,AsestdevenuAce,etonadécidéd’enfaireunacronyme…onétaitmortesde

rireen trouvantdes trucs tousplushilarants lesunsque lesautres,etquandonachoisiceluiquinoussemblaitabsolumentparfaitpourStone,onnepouvaitpluss’arrêterderigoler.Plustarddanslasoirée,après sa virée avec ses potes, il s’est pointé chez nous et quandHaddie a ouvert, elle a dit « Salut,Ace!»etlesurnomestresté.Ilcroyaitqu’elleluidisaitqu’ilétaitunasauplumardalorsqu’enréalitéelleluidisaitqu’ilétaitunarrogantconnardégoïste.

Coltoncroisemonregardquandjeluidisenfincequ’ilvoulaitsavoir.–Àpartirdecemoment-là,chaquefoisqu’elleestsortieavecunmeccommeStone,onl’aappelé

Ace.Ilsecontentedemeregarderfixementuninstantavantdehocherlégèrementlatête.–Pff.C’est tout ce qu’il dit, le visage stoïque et inexpressif. Je me mordille la lèvre inférieure en

attendant,etsoudainunlentsourireparesseuxretrousseuncoindesabouche.–Pourmoi,çaresteuneamoureusecollisionétonnante,maisj’imaginequej’aiméritécetitrela

premièrefoisquenousnoussommesvus.–Hum,ouais,tupeuxledire.–Necognepasunhommeàterre.Ilprendunairfaussementtristeetjemepencheversluipourluidonnerunbaiser.–Pauvrechéri!–Ouais?Etpuisquetumeplains,tuvasmelaisserteposeruneautrequestion.Ilyaautrechose

quejenemerappellepasetquetuneveuxpasmedire?Moncœurs’arrêtedebattreetmagorgeseserre.J’essaiedenepashésiter.Denepasmarquerde

rupturederythmedansmesplaisanteriesquiluimontreraitquejesaiseffectivementquelquechosequ’ilignore.

–Bienessayé,Ace.Jedéglutisavecdifficultéetmedisantqueleleurreestcrucialàcemomentprécis.Jebaisselatêtepourdéposerdespetitsbaiserstoutlelongdesoncouetsursapoitrineet,soudain,

j’aitrouvémaquestionsuivante.Jenedevraisprobablementpaslaposer–jesaisquelesujetesttabou,alorsjemeprépareàluidemanderlasignificationdesquatrecoupsfrappéssurlecapotdelavoiture,quandlaquestionpassemeslèvresavantquejepuissel’arrêter.

–Qu’est-cequ’ilsveulentdire,testatouages?

Jesenssapoitrinemarqueruntempsd’arrêtetjelèvelesyeux.–Jeveuxdire, jeconnais lasignificationdessymboles…maisqu’est-cequ’ilsreprésententpour

toi?Ilmeregardefixement,letumulteestvisibledanssesyeuxetl’incertitudedanssagrimace.–Ry…Ilsoufflemonnomtandisqu’iltentedetrouverlesmotspourexprimerlesémotionscontradictoires

quipassentàtoutevitessedanssonregard.–Pourquoilesas-tufaitfaire?Jemedisquejevaispeut-êtrerétrograder,n’importequoi,pourvuquejeledébarrassedelapeur

quejelisdanssesyeux.–Jemesuisditquej’étaismarquédefaçonpermanenteàl’intérieurdemoi–jevivaisavectousles

jours,c’étaitcommeunrappelconstantquinepartiraitjamais–jepouvaisaussibienmemarquermoi-mêmeàl’extérieuraussi.

Ildétournelesyeuxenpoussantunprofondsoupiretregardeendirectiondel’océan.–Pourmontreràtoutlemondeque,parfois,unemballagequevoustrouvezparfaitnecontientrien

d’autrequedesmarchandisesavariées,marquéesdefaçonirrémédiable.Savoixsebrisesurcederniermotet,avecelle,unpetitmorceaudemoncœur.Sesparolessont

commedel’acidequirongemonâme.Jenesupportepaslatristessequi lesubmerge,alors jeprendslesrênes.Jeveuxqu’ilsacheque

quellequesoitlasignificationdesestatouages,ellen’apasd’importance.Jeveuxluimontrerqu’ilestleseulàpouvoirprendrecequ’ilconsidèrecommeunenlaidissementinvisibleetenfaireuneœuvred’art,visibleetbelle.Luiexpliquerquesescicatrices,intérieurescommeextérieures,sontinsignifiantesparcequec’estl’hommequilesporte–quilespossède–quicompte.L’hommedontjesuistombéeamoureuse.

Maiscommejenesaispastrèsbiencommentluimontrerça,jemefieàmoninstinctetjetouchesonbraspourqu’illesoulève.Trèslentementjemepencheversluietj’appuiemeslèvressurletatouagetoutenhaut,lesymboleceltiquequireprésentel’adversité.Jesenssapoitrinefrissonnersousmeslèvresquandilessaiedecontrôlerleflotd’émotionsquil’inondeaumomentoùjedescendstoutaussilentementversledeuxième:l’acceptation.

L’idéequ’ilfaudraitsemarquerdefaçonindélébilepouraccepterdeshorreursquejen’osemêmepas imaginerme choque profondément. J’appuie longuementmes lèvres sur ce rappel artistique et jefermelesyeuxpourqu’ilnevoiepasmeslarmes.Pourqu’ilnelesprennepaspourdelapitié.Mais,enfait,jemerendscomptequejeveuxqu’illesvoieaucontraire.Jeveuxqu’ilsachequesadouleurestmadouleur.Sahonte,mahonte.Sonadversité,monadversité.Soncombat,moncombat.

Qu’iln’aplusbesoindemenercecombat toutseul,avecsoncorpsetsonâmeentachésdehontesilencieuse.

Quandjedétachemeslèvresdusymboledel’acceptationetquejedescendsverslaguérison, jelèveversluimesyeuxbrouillésdelarmes.Sonregardserivesurlemienetj’essaiedeversertoutcequej’aienmoidansnotreéchangevisuel.

Jet’accepte,Telquetues.Lespiècescabossées.Lespiècesfaussées.Cellescouvertesdehonte.Lesfêluresquilaissentpasserl’espoir.Lepetitgarçonrecroquevillédepeuretl’hommeadultequisuffoquetoujoursdanssonombre.Lesdémonsquitehantent.Tavolontédesurvivre.Ettonespritquisebat.Touteslespiècesquiteconstituentformentcequej’aime.Cequej’accepte.Cequejeveuxaideràguérir.Jepourraisjurerquependantcetéchangesilencieuxnousretenonstouslesdeuxnotresouffle,mais

je sens les murs qui s’écroulent autour de ce cœur qui bat juste sous mes lèvres. Les grilles qui leprotégeaient sont maintenant forcées de s’ouvrir sous la poussée des rayons d’espoir, d’amour et deconfiancequipassentautravers.Desmursquis’effondrentpourlaisserentrerquelqu’unpourlapremièrefois.

L’absoludecemomentfaitjaillirmeslarmesquiroulentsurmesjoues.Lesalésurmeslèvres,sonodeurdansmesnarineset le tonnerredanssoncœurmefontvolerenéclatsetmeréassemblentd’unemultitudedefaçons.

Ilserrelespaupières,repoussantseslarmes,etavantdelesrouvrir,ilmerelèvepourquenosyeuxsoient à lamême hauteur. Je vois lesmuscles de samâchoire qui tressautent et je vois qu’il cherchecommentverbalisercettetension.Nousrestonsassissansparlerpendantunmoment,pourluipermettredeseressaisir.

–Je…Savoixsebriseetilbaisselesyeuxuninstantavantdelesreleverpourmeregarderenface.–Jenesuispasencoreprêtàenparler.C’esttrop,etcelaabeauêtreclairdansmatête–dansmon

âmeetdansmescauchemars–,lediretouthaut,pourlapremièrefois,c’estjuste…Moncœursebrisepourcethommequej’aime.Voleenunmillierd’éclatsminusculesàcausedes

souvenirs qui provoquent ce regard perdu, contrit, honteux. Je tends les bras pour prendre son visageentremesmains,pouressayerd’apaiserladouleurimpriméesurleslignesmagnifiquesdesonvisage.

–Chut,toutvabien,Colton.Tun’asrienàexpliquer.Jemepenche,j’embrasseleboutdesonnezcommeilfaitavecmoietjeposemonfrontcontrele

sien.–Maistusaisquejesuislà,sijamaistuvoulaislefaire.Ilpousseunsoupir tremblotantetmeserreplusfortcontre lui,pouressayerdemerassureralors

quec’estmoiquidevraisfaireçapourlui.

–Jesais,murmure-t-ildanslanuittombante,jesais.Etilnem’échappepasqu’ilmelaisseembrassertoussestatouages–exprimermonamourdetous

lessymbolesdesavie–saufceluiquireprésentelavengeance.

1.FlorenceNightingale(1820-1910),infirmièrebritanniquepionnièredessoinsinfirmiersmodernes.(NdT)

16

Colton

–Enfoiré!Oùest-ceque je suis, bordel ? Jeme réveille en sursaut et jem’assiedsdans le lit.Moncœurbat lachamade, le sangcogneàmes tempeset je suishorsd’haleine,putain ! Je suis ennageet j’essaiededonner un sens aux images embrouillées qui flottent dans mes rêves avant d’entrer en collision. Dessouvenirsquis’évanouissentcommedesputainsdefantômesàl’instantoùjemeréveille,nelaissantdansmabouchequ’ungoûtamer.

Oui,nousdeux–lescauchemarsetmoi–onseconnaîtbien.Copainscommecochons.Jejetteuncoupd’œilauréveil.Iln’estqueseptheuresetdemiedumatin,etj’aidéjàbesoind’un

verre–foutaises–d’unebouteilleentière,poursupportercesputainsderêvesquifinirontparavoirmapeau.Tuparlesd’uneironie.Lessouvenirsd’unaccidentdontjenemesouvienspasaurontmapeauàforced’essayerdem’ensouvenir.

Quiest-cequiditquejedébloque,avecunDmajuscule?J’éclatede rireet lebattementde laqueuedeBaxter sur soncoussin,par terreàcôtédu lit,me

répond. Je tapote le lit de lamainpourqu’ilmontedessus et après l’avoir caresséunmoment, jemebagarreavecluipourqu’ilsecoucheetjerisquandilmelèchesauvagement.

Jereposelatêtesurmonoreilleretjefermelesyeuxenm’efforçantdemerappelermonputainderêve,pouressayerdecomblerlesvidesdansmatête.Rienderien,putain!

DouxJésus!J’aibesoind’unpeud’aide,là.Baxter grogne à côté de moi. J’ouvre les yeux, m’attendant à un regard de chiot réclamant de

l’attention.Nonnon.Paslemoinsdumonde.Jenepeuxpasm’empêcherderire.Ce foutu Baxter. Le meilleur ami de l’homme, et tout et tout, mais aussi une source de rire

thérapeutiquequandc’estnécessaire.

–Sérieusement,monpote?Si jepouvaisme léchercommeçamoi-même, jen’auraispasbesoind’unefemme.

Mesparolesnel’empêchentpaslemoinsdumondedefinirdefairesatoiletteintime.Auboutd’unmoment,ils’arrêteetmeregarde,latêtepenchée,lalanguependantaucoindesagueule.

–Neme lancepas ce regardhautain, espèced’enfoiré.Tu teprendspeut-êtrepouruncador, là,parcequet’essoupleettout,maismonpote,toiaussitucraqueraispourlachattedeRy.Delamagiedepremière,Bax.

Jetendslamainpourluigratterledessusdelatêteetjerisdenouveauensecouantlamienne.Jesuistombésibasquejeparledesexeàmonchien?Etlemédecinquiditquejen’aipasune

caseenmoins?Merde,jecroisqu’ilaprisunvirageàdroitedetropsurunepisteovale.Baxterselèveetdescenddulitd’unbond.–Jevoiscequec’est,tuprofitesdemoietaprèstumelaissestomber.LesmotsdeRyleequandnousnoussommesrencontrésmereviennentà l’esprit.Baiseet largue.

Enfoirée de Rylee. La classe, belle comme pas possible, insolente et prête à en découdre. Putain !Commentonafaitpourarriverjusqu’ici?

JejuredevantDieuquelavieestunesuccessiondemoments.Certains,inattendus.Laplupart,non.Maistrèspeusontinsignifiants.Putain, jen’aurais jamaiscruqu’unbaiservolépouvaitmeneràça.ÀRyleeetmoi.

Desenfoirésdedrapeauxàdamierettoutlecirque.Jesouffletandisquelamigrainedémarre,jeroulesurlelitpourattrapermesmédocsantidouleur

sur la tabledenuit. J’ai l’impressionquema têteexplosequandunbrillant éclairblanc–un flashdel’assembléedespilotes–mefrappecommeunputaindecoupdemarteauetdisparaîtavantquejepuissesaisirplusd’undixièmedecequ’ilmontrait.

–BonDieu!Jemesorsdulit,lesvertigessontmoinsprononcésqu’hier.Etqu’avant-hier.J’essaiedemecalmer

en me forçant à me souvenir, à obliger ma putain de tête à retrouver tout ce que je viens à peined’entrevoir.Jefaislescentpas,monespritnemeprésenterienquedesputainsdeblancs.Jesuisfrustré,jemesensenfermé,déstabilisé.

Pluspauméquejamais.Jen’aiplusl’impressiond’êtremoi.Pourtant,cedontj’aibesoin,plusquetout,encemoment,c’est

d’êtremoi,bordel!D’êtremoi.D’avoirlecontrôle.D’êtreàlahauteur.D’êtretoujoursColtonDonavan,putain!–Aaaaahhhh!Je crie parce que ce dont j’ai besoin, là tout de suite, c’est de baiser. C’est ce quim’aidera à

retrouver lemoiquime faitdéfautencemoment. J’aibeau faire lescentpasdevant la fenêtredemachambre,maqueueestdurecommeunrocetj’ailescouillessibleuesquejevaisbientôtressembleràcefoutuGrandSchtroumpfsiletoubibnemedonnepaslefeuvertrapidement.

Leplaisird’enterrerladouleur,moncul.Sionnepeutpasavoirleplaisir,qu’est-cequ’onfaitdeladouleur?

Etquejesoisdamnésicen’estpaslapire–laplusexquise–destorturesquededormiràcôtédelaseule femmepour laquelle j’ai jamaiséprouvé tantdedésir. Jene tiendraipasun jourdeplusàcerégime-là.Mêmesicelafaitunmaldechien,leseulfaitdepenseràellemepousseàprendremaqueuedansmamainpourm’assurerqu’ellenes’estpasrabougrieavantdetomberàforcedenepasservir.

Ouais,elleesttoujourslà.Etc’estlàquemamainsemetàtrembler.Elletrembletellementquemesdoigtsn’arriventmême

plusàtenirmaproprequeue.Putaindebordeldemerde!Maintenant, je tremblede frustration,putain. Jem’enveux, j’enveuxàceputainde Jamesonqui

m’estrentrédedans,j’enveuxaumondeentier,bordel!J’étouffed’êtreenfermécommeça.Jepètelesplombs!Jedeviensdingue,putain!

Jeramasselecoussinquiestàcôtédemoisurlecanapéetjelejettedanslabaievitréedevantmoiavantdemelaissertomberdansunfauteuil.

–Etmerde!Je serre les paupières et, soudain, j’ai l’impression que des images passent en trombe,

s’entrechoquent à un rythme effréné et viennent frapper à l’avant de mon esprit. L’éclair éblouissantrevientavecencoreplusd’intensité,m’écrasantetmeparalysantenmêmetemps,putain!

Vas-y,vas-y,vas-y.Allez,un–trois.Allez,bébé.Vas-y,vas-y,vas-y.Tropvite.Putain!Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.J’ouvre les yeux brusquement tandis que des souvenirs que je croyais effacés me reviennent

brutalement,encouleuretenhautedéfinition.Monestomacseserrequandlessensationsoubliéesmefrappentdepleinfouet.Lapeurm’étrangle

quandj’essaiedereconstituerl’accidentàpartirdecegruyèrequ’esttoujoursmamémoire.La crise d’angoisse me frappe de toutes ses forces et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Les

étourdissements.Lesvertiges.Lanausée.Lapeur.Lesquatresemélangentcommedans leLongIslandIced Tea 1 que je rêverais d’avaler en ce moment où tout mon corps tremble sous l’effet des éclatsminusculesdesouvenirsquemamémoireachoisidemerenvoyer.

J’ail’impressiond’êtresurunegranderoue,àmi-chemindeladescenteenchutelibretandisquejemedébatspouravoirdel’air.

Ferme-la,Donavan!Arrêtedetelamentercommeunegonzesse!Putain,toutcequejeveux,làtoutdesuite,c’estRylee.Etjenepeuxpasl’avoir.Alors,jesuislà,à

mebalancerd’avantenarrièrecommeuneputaindemauviettepourmeretenirde l’appeler,alorsquec’estlapremièrefoisqu’ellepartpourpassertouteunejournéeaveclesgarçons.

Mais j’ai terriblement besoin d’elle, bordel !…surtout que je comprendsmaintenant… que je lacomprendsmaintenant.Jecomprendslaclaustrophobiequilahandicape,parcequemoi,encemoment,jenefonctionnemêmepas.Toutcequej’arriveàfaire,c’estresterallongésurlesol,avecmavisionquisetroublesurlesbords,lapièceautourdemoiquitourneetmoncœurquibatàserompre.

Etdansunmomentdeluciditéquitranspercelapaniquequim’étrangle,jedoisreconnaîtrequesijene me sentais pas moi-même il y a un moment, alors maintenant je me déteste totalement dans cetteversion de moi-même, une vraie gonzesse – paumé, qui se barre en couille, allongé sur le sol àpleurnichercommeunepetitechienneàcausedequelquessouvenirs.

Jefermelesyeuxtandisquemonespritdérivedansunfoutubrouillard.…sic’estécritdanslescartes…D’autres souvenirsviennent frôlermamémoire,mais jen’arrivepas à les atteindreni à lesvoir

assezlongtempspourmeraccrocheràcesenfoirés.…ilssontvenus,tessuper-héros,finalement…Jerepousse lessouvenirs, je les renvoiedans les ténèbres. Jesuis sinul,encemoment,putain !

Malgrémonbesoindemelesrappeler,jenesuispassûrdepouvoirlesgérer.J’aitoujoursétédugenreàfoncer,maisencemomentjedoisapprendreàavanceràpetitspas,sansbrûlerlesétapes,ettoutcemerdier.

Jefermelesyeuxpouressayerd’arrêterlemanègequecettechambreestdevenue.Tchac!Unnouveau flashvient frappermamémoire. Il y a cinqminutes, je neme rappelais quedalle et

maintenant je ne réussis plus à oublier, putain !Cabossé ou déformé,mon cul,maintenant je suis unevéritablecasse.

Respire,Donavan.Respire,putain.Tchac!Jesuisvivant.Entier.Présent.Tchac!Jeprendsdeuxgrandesinspirations,masueurcouleetfaitdesauréolessurletapis.J’essaiedeme

relever,derassemblermespiècesdétachéeséparpilléesdanstoutelachambre,envain,parcequ’ilvamefalloirunpeuplusqu’unelampeàsouderpourmeremettreenétat.

Et ce que je dois faire là, tout de suite, vient me percuter comme un enfoiré de train demarchandises.Çabouge.Sij’étaispluscohérent,jerigoleraisenmevoyantàpoil,ramperàtraverslachambrepourattraperlatélécommande.Jesuistombébienbas.

Maisjesuistellementauxaboisquejen’enairienàbattre.Cequicompte,c’estdemeretrouver.Decontrôlerlaseulepeurquejepeuxcontrôler.D’affronterlessouvenirsetdelesrendreimpuissants.Denepasêtreuneputaindevictime.Jamais.Plusjamais.

Lestroismètresquejedoisramperpouratteindrelatélécommandemedemandentplusd’effortsquede courirmes huit kilomètres habituels. J’ai tellement de points faibles en cemoment que je ne peuxmêmepaslescompter.Jesuishorsd’haleineetlemarteauareprissonboulotdansmatête.Jefinisparatteindremonlitetjem’assiedsdifficilementenm’adossantaupieddulit.Parcequelemomentestvenud’affronterlesdeuxpeursquidominentmesrêves.

J’orientelatélécommandeverslatélé,jepresseleboutonetl’écrans’allume.Ilmefautuneminutepouraccommoder,mesyeuxontunpeudemalàfairecoïnciderlesimagesquejevoisendouble.Mesputainsdedoigtssontcommedelaguimauve,et jedoism’yreprendreàplusieursfoispourtrouverlavidéosurl’enregistreur.

Il fautque jem’accrochepourregardermavoiturepropulséecommeparunecatapulteetplongerdanslafumée.

PournepasdétournerlesyeuxquandlavoituredeJamesonpercutelamienne.Enmettantlefeuàlamèchedufeud’artifice.

Pour ne pas oublier de respirer quandnous – la voiture etmoi – décollons dans l’air chargé defumée.

Pour ne pas me recroqueviller en entendant le bruit épouvantable et en me voyant emboutir laglissièredesécurité.

Pourregarderlavoiturevolerenéclats.Sedésintégrerautourdemoi.FairedestonneauxcommeuneputaindepetitevoitureHotWheelsquitombedanslesescaliers.Etcen’estquequandjedégueulequejem’autoriseàdétournerlesyeux.

1.Cocktailàbasedetequila,degin,devodka,derhumetdeliqueurd’orange.(NdT)

17

Jefrémisd’impatienceetjesuisd’excellentehumeurenconduisantsurl’autorouteinondéedesoleilquimeramènechezColton,danscettemaisonque jeconsidèrecommemonchez-moidepuisunesemaine.Uneentréesurlapointedespiedsàl’intérieurd’uneavancéemonumentaledansnotrerelation.

C’estseulementparnécessitéetnonparcequ’ilveutquejeresteavecluipendantunepérioded’uneduréeindéterminée.Non?

J’ailecœurpluslégeraprèsavoirpassémapremièrepermanencedevingt-quatreheuresaveclesgarçonsdepuisplusdetroissemaines.Jenepeuxpasm’empêcherdesourireenrepensantausacrificedeColtonpourm’aideràsortirdelamaisonetàallerretrouverlesgaminssansuneescortedepaparazzis.JemesuismiseauvolantdelaRangeRover,dissimuléederrièrelesépaissesvitresteintées,etColtonaouvertlagrilledel’alléepuisestalléàpiedjusquedansl’arènedesmédias,enattiranttoutel’attentionsurlui.Etquandlesvautourssesontabattussurlui,jesuissortiedel’autrecôtéetj’aipupartirsansêtresuivie.

L’attenten’estpassansimportance.La phrase tourne dans ma tête, et une myriade de possibilités découlent des quelques mots que

Coltonm’aenvoyéspartextotoutàl’heure.Etquandj’aiessayédel’appelerpourluidemandercequecelavoulaitdire,jesuistombéesursaboîtevocale,etunautretextoestarrivé.

Pasdequestions.Jecontrôle.Jeteverraiaprèsleboulot.

Etlasimpleidéequ’aprèsavoirétéavecluipratiquementnon-stopdepuistroissemaines,jen’aiemaintenantpasledroitdeluiparler,suffitàsérieusementcréerl’attente.Maislaquestiondemeure,quesuis-jecenséeattendreexactement?Moncorpsadéjàdécidé,etilestfébriledansl’attentedecequ’ilsaitêtrelaréponse.Maraison,elle,essaiedemeprépareràautrechose.J’aibienpeurquesijepensequ’ilabienreçulefeuvertdumédecinetquecen’estpaslecas,alorsjeseraisifrénétiqueetsubmergéeparmondésirquejeprendraicequejeveux–sidésespérément–,quitteàlemettreendanger.

Jenepeuxm’empêcherdesouriredeplaisiràl’idéedecequecettesoiréepourraitm’apporter– pour terminer en beauté une super journée passée avec les autres hommes de ma vie. J’ai eul’impressiond’êtreunerockstarquand jesuisarrivéeaufoyer, tellement lesgarçonsm’ontaccueillieavec chaleur et affection. Ilsm’avaient tellementmanqué et c’était si réconfortant d’entendreRicky etKyle se chamailler pour savoir qui est lemeilleur aubase-ball, d’entendre ledoux sonde lavoixdeZanderdanssesquelquesraresmomentsdestabilité,d’écouterShanejacasseràproposdeSophiaetdel’étatdeColtonquis’améliore,pourpouvoirluiapprendreàconduire.Ons’estembrassésetjeleuraiaffirméqueColtonallaitbienetquelestitresdejournauxquiprétendaientlecontrairenedisaientpaslavérité.

Jemontelesondelaradioquandj’entends«WhatINeeded»etjememetsàchantertouthaut,lesparolesrenforçantmabonnehumeur,sic’estpossible.Jejetteuncoupd’œilpar-dessusmonépauleetjechange de file, c’est la troisième fois que je remarque cette berline bleu foncé. Je n’ai peut-être paséchappéauxpaparazzis,finalement.ÀmoinsquecenesoitundestypesdeSammyquiveuts’assurerquesuisbienrentrée.Quoiqu’ilensoit,jenesuispastroprassurée.

Cela me rend parano, alors j’attrape mon téléphone pour appeler Colton et lui demander s’il achargéSammydemettreenplaceuneprotectionpourmoi.Jetendslebrasau-dessusdusiègepassageretmamainheurtelapiledecadeauxquelesgarçonsontfabriquéspourColton.C’est làquejemerendscomptequequandj’aimis toutesmesaffairesà l’arrièrede lavoiture, j’aiposémontéléphoneet j’aioubliédelereprendre.

Je jette un coupd’œil dans le rétroviseur en essayantdemedébarrasserde l’impressionquimetracasseetquim’inquièteenvoyantlavoituretoujoursàlamêmedistancederrièremoi.Jem’obligeàmeconcentrersurlaroute.Jemedisquec’estjusteunphotographeprêtàtout.Pasdequois’enfaire.C’estlaroutinedeColton,ça,unechoseàlaquelleilesthabitué.Maispasmoi.Jepousseunprofondsoupirentraversantlevillagedeborddemeravantdem’engagerdansBroadbeachRoad.

JenedevraispasêtreétonnéedevoirlespaparazzisquibouchenttoujourslaruedevantlesgrillesdeColton.Çanedevraitpasmestresserdedevoircirculerdanslaruequandilsseprécipitentsurmoiparcequ’ilsontremarquéquejeconduissavoiture.Jenedevraispasvérifierdansmonrétroencoreunefoistoutenpoussantleboutonpourouvrirlesportesetvoirlaberlinequisegareauborddutrottoir.Enrevanche,jedevraisremarquerquelapersonnedanslavoiturenedescendpas–nesortpasd’appareilphotopourprendreleclichépourlequelellem’asuivie–maisavectouscesflashesquicrépitentautourdemoi,ilm’estdifficiledemeconcentrersurautrechosequesurmaconduite.

Jepousseunpetit soupirde soulagementquand lesgrilles se referment surmoietque jegare laRangeRover.Quandj’ensors,j’aiencorelesmainsquitremblentunpeuetjemedemandecommentonpeut s’habituer au chaos absolu de tous ces journalistes hystériques alors que je les entends encoreappelermonnomdel’autrecôtédumur.JetournelesyeuxversSammyquisetientjustedececôtédelagrilleetjerépondsaupetitsignedetêtequ’ilm’adresse.Jem’apprêteàluidemanders’ilaenvoyéunhommepourmeprotéger,maisletextodeColtonmerevientsoudainenmémoire.

L’attenten’estpassansimportance.

Moncorpstoutentierseserreetsecontracte,mesterminaisonsnerveusessontàvifetselanguissentdel’hommequim’attenddanslamaison.Jeprendsmonsacàl’arrièredelavoitureenmedisantquejeviendraichercherleresteplustard.Jemedirigerapidementverslaported’entrée,metslaclédanslaserrureetj’ouvrelaporteenunriendetemps.Quandjelareferme,lesilenceremplacelacacophoniequirègneàl’extérieuretjem’appuiecontrelebois,mesépaulesselibèrentdeleurtensionquandjemedisquej’aiexclulerestedumondeetquejesuisdansmapetitebulledeparadis.

JesuisavecColton.–Durejournée?Jefaisunbonddecinquantecentimètres.Coltonsortdupetitsalonplongédansl’obscuritéetjedois

faireuneffortconsidérablepournepasoublierderespirerquandils’appuiesurlemurderrièrelui.Jeparcoursd’unregardgourmandchaquecontour,chaquecentimètredepurevirilité,desoncorpsmuscléquin’estvêtuqued’unshortdesurfeurrougequ’ilportebassurleshanches.Mesyeuxsebaladentsursapoitrineetsestatouagesavantdesaisirunpetitsourireencoin,maisc’estquandnosregardssecroisentquej’aperçoisl’étincellejusteavantl’explosion.

Etentredeuxrespirations,précédéesparungrognementcharnel,ilestsurmoi–soncorpsprécipitécontrelemien,mepoussantcontrelaporte,sabouchefaisantbeaucoupplusqueseulementm’embrasser.Ilmeprend,meréclame,memarqueavecunbesoinsansretenue,unabandontotal.Aussitôt, j’agrippeunepoignéedecheveuxsursanuquependantqu’ilfaitlamêmechosed’unemainetposel’autresurmahancheenenfonçantsesdoigtsimpatientsdansmachairofferte.Messeinss’écrasentetdurcissentsurlafermetédesapoitrine,lachaleurdesapeauvenants’ajouteràcelledubrasierquis’allumeenmoi.

Undésirincandescentmonteenmoi,quimeparaîtimpossibleàsatisfaire.Nousprogressonsenunesériede réactionsenchaînepassionnées,desamain ilemprisonnemes

boucles et, donc, ma bouche est à la merci de ses lèvres expertes. Alors, sa langue peut fouiller etaguicher et goûter comme s’il savourait sondernier repas, comme s’il disait va te faire foutre à toutesortederetenueetqu’ilacceptaitavecplaisirsonpéchédegourmandise.

Duboutdesdoigts, jecaressesesomoplates tandisqu’il retientsonsouffle–si reconnaissantdepouvoirvivre toutescessensationsdenouveau–avantdesouleverma jambepour la fairepasserau-dessusdesahanche.Jepousseungémissement,cechangementdepositionpermetàsonsexeenérectiondeseplacerparfaitementcontremoncentrevitaldouloureuxdedésir.

Jerejettelatêteenarrièrecontrelaportequandcelégerfrottementm’inonde,etColtonenprofitepoursejetersurmoncoudénudé.Enunéclair,saboucheestsurmachairtendre,salangueglissesurmesterminaisonsnerveuses,lesréveilleenlesbrûlantdesondésir.

Jem’accrocheàsesbicepstendustandisquesesmainss’empressentsurleboutondemonjean.Jetortilledeshanchesquandsesmainsseglissententreletissuetmachairimpatiente.Jem’extirpedemonjeanetsesdoigtssebaladent,passentsurmesplisgonfléspourexcitersansprendre.Del’autremain,ilsoutientmesfesses,formantunebarrièredeprotectionentrelaporteetmoi,etmecollecontrelui.

Mondésiratteintdeshauteurs insoupçonnéestandisquel’impatienceconsumechaqueparcelledemoncorps.

–Colton…Jegémis,jeveux–non,j’aibesoin–qu’ilailleauboutdenotreconnexion.Jetâtonnedesmainsle

long de son torse et je défais brusquement le velcro qui ferme son short de surf. J’entends siffler sarespirationquandmamainserefermesursonmembretorturé.Toutsoncorpsse tendquandilsentmapeausurlasienne.

–Ry…Le souffle court, il prononcemonnomquand je fais glissermamain de haut en bas sur lui. Ses

mainssefraientuncheminsousmontop,ilmel’arracheetdégrafemonsoutien-gorgeenuntournemain.–Rylee,dit-il,lesdentsserrées.Ilestsisubmergéparlessensationsquilebombardentqu’ilarrêtedem’embrasser,qu’ilarrêtede

passerlesmainssurmoimaisprendappuisurellesenlesposantsurlaportedepartetd’autredematête.Ilappuiesonfrontcontre lemien, toutvibrantdudésirqui le traverse,sonsoufflehaletantcontremeslèvres.

Il dit quelque chosed’unevoix si basse qu’elle est couverte par le bruit de nos respirations quiemplissentlapiècesilencieuse.Jereprendslemouvementdemamain,j’aimelesentirtremblercontremoi.

–Arrête,souffle-t-ilcontremeslèvres,etcettefoisjel’entends.Je m’arrête aussitôt et je recule pour le regarder, craignant que sa tête ne le fasse souffrir.

Immédiatement, jem’inquiète en voyant ses paupières serrées. Il prendune respiration douloureuse etouvrelesyeuxlentementpourmeregardertoutenpétrissantmesfessesduboutdesdoigts.

–Jemeursd’enviedetepénétrer,demesentir,meperdre,metrouverentoi,Ry…Latensiondanssoncouestvisibleetsapassions’entenddanssavoix.–Jedevraistefaireçadoucementetlentement,bébé,maisjenevaispaspouvoirêtreautrementque

rudeetrapideparcequ’ilyatroplongtempsquej’attendsça,bordel!Seigneur, cequ’il peut être sexy, cemec !Et cequ’ilmeditm’excite tellement que je nepense

mêmepasqu’ilserendecompteàquelpointjemefichedefaireçadoucementetlentement.Moncorpsesttellementtendu–mesémotions,messensations,mavolonté–quelemoindrefrôlementdesapartvasans aucun doute me faire voler en un million de putains d’éclats de plaisir qui, bizarrement, meremettrontenplace.

Je lève la tête vers lui, jeme penche et pose la bouche sur la sienne. Je l’entends prendre unerespirationdouloureuse, jesenssatensionlorsquejemordilledoucementsalèvreinférieure.Quandjem’écartedenouveau,jecroisesonregardchargédedésir.

–J’aienviedetoi.Jemurmure,entourantd’unemainsonmembred’acieretempoignantdel’autrelescheveuxsursa

nuque,pourqu’ilsentebienl’intensitédemondésir.–De n’importe quelle façon.Rude, vite, doucement, lentement, debout, assise – peu importe, du

momentquec’esttoiquit’enfoncesenmoi.

Ilme fixeétonné, l’incrédulité rivaliseavec ledésirquienflammeson regard. Jevoisbienqu’ils’efforcedelecanaliser,jelesenstremblerdeconvoitise,etjepeuxdireexactementàquelmomentsadétermination s’effondre. Sa bouche se pose sur la mienne – nos lèvres s’écrasent et nos langues semélangent–etilprend,goûteetprovoquecommeluiseulsaitlefaire.Desesmainspuissantesildessinelescontoursdemontorse,caressantdespoucesledessousdemesseinsdéjàalourdisparledésir,avantderedescendresurlesrondeursdemeshanches.

Sijem’imaginaisquelesgrainesdudésirplantéesplustôtavaientfleuri,j’étaiscomplètementdansl’erreur,parcequec’estmaintenant–encetinstantmême–quejesuisunjardinfleurissantdedésir.

Ildevientencoreplusimposantdansmamainquandjefrottedemonpoucelapointehumidedesonsexeetjesuisrécompenséeparungrognementquiprovientdufonddesagorge.Del’autremain,jegriffeson dos tandis que mes lèvres impriment autant de ferveur sur les siennes. En une seconde, Coltonm’attrape par les hanches etme soulève en appuyantmon dos contre la porte. J’essaie de passer lesjambesautourdesataillemaisilm’arrête,ensuspens,desortequelecontactquejedésireleplusnesefait pas et qu’il me torture de son membre dur appuyé contre mes cuisses, en faisant culminer monexcitation.

Ilinspirebrièvementquandjepasseunemainentremesjambespoursaisirsonsexe,pourtenterdecontrôlercethommeincontrôlable.Quejedésirehorriblement.Formidablement.Detouteslesmanièrespossibles.

Sesyeuxreflètentuneémotionindéchiffrable,maisjesuissidemandeuse,sipréoccupéeparcequivasepasserdanslessecondesquisuivent,quejenemeposepasdequestions.

Je le lâcheun instantpour enfoncermesdoigts entremes jambeset leshumecter à la réservedemoiteurdemonintimitéavantd’entourersonglandetdel’enenduirepourlepréparerphysiquementetpour luimontrer leseffetsconcretsqu’ilproduitsurmoi,etceque j’attendsprécisémentde lui.Etmapetitedémonstrationaraisondesarésistance.

Il enfonce ses doigts profondément dans mes hanches et me soulève un peu plus haut pour mepermettredenousaligneravantqu’ilnemefasseredescendresurlui.Nouspoussonsuncritouslesdeuxenmêmetempsquandnotreconnexionestenfinréalisée.Quandmachaleurhumides’étireaumaximumpours’adapteràsoninvasion.

Etc’estcommesi,depuisletempsqu’ilnem’avaitpaspénétrée,moncorpsavaitoubliélabrûlureduplaisirquesaprésenceenmoipeutprovoquer.

–MonDieu!Jesuistropétroite.Jemets cela sur le compte du fait qu’il y a plus de trois semaines que nous n’avons pas eu de

rapportsintimes.–Non,Bébé.Colton,lesyeuxrigolards,s’immobilisepourmelaisserletempsdem’adapter.–C’estjustequejesuistrèsgros.Leriremonteenmoimaisn’apasletempsd’arriverjusqu’àmeslèvres.Enunéclair,j’entrevois

sonsourirearrogantavantquesabouches’écrasesurlamiennedenouveau.Maiscettefois,tandisque

sonbaiserprendpossessiondemabouche,seshanchessemettentenmouvement,sesmainsserventdeguide et sa queue caresse chaque centimètre avide à l’intérieur de moi. Il maîtrise totalement nosmouvements,nosréactions,notreescaladedesensations.

Jedétachematêtedelaporteetjeleregarde.Sesyeuxsontfermés,seslèvreslégèrementécartées,ses cheveux ébouriffés par mes caresses et les muscles de ses épaules ondulent au rythme de notremouvement.

Mon homme cabossé estmaintenant enmode total dominateur, et chaque instance demon corpsdemandeàsesoumettre.Àdevenirsienne.Àêtrecelleàlaquelleilprouvesavirilité.

–Putain,cequetuesbonne!Ilmesoulèveetreplongeenmoitandisquemesmusclessetendentetquemessensreçoiventenfin

l’attentionqu’ilsréclamaientavectantd’insistance.–Colton…J’enfonce les doigts dans ses épaules tandis qu’ilme précipite vers les sommets. Les sensations

montentenspirale–despetitesondesdechocdeplaisirquimepréparentautremblementdeterrequ’ilvaprovoquersousmespieds–etlachaleurcommenceàserépandreenmoicommeunfeudeforêt.Ilmepénètre de nouveau etmes cuisses se serrent autour de lui,mes ongles dessinent des partitions etmabouchecherchelasiennefrénétiquement.

Ilne fautqu’unepoignéede secondespourque leplaisir culminedansuneexplosionde lumièredans les abysses d’obscurité qui m’ont consumée. Et je me perds instantanément dans un monde quis’étend au-delà de notre connexion. Il n’y a plus que lui et moi – submergée par mes sensations etdépourvue de souffle – quand je me noie dans un océan de chaleur et que je m’abandonne à mesperceptions,enrépétantsonnomdansunelitaniehaletante.

Peudetempsaprès,lecrideColtontraversel’étatcomateuxdanslequelm’aplongéeleplaisir,enmême temps que ses hanches convulsent furieusement sous les miennes quand il atteint son propreparoxysme. Ilvaetvientenmoiencorequelques foispour tenterdeprolonger l’instant, la respirationhaletanteetlapoitrineluisantedenossueursmélangées.

Soncorpss’affaissecontrelemienetilenfouitsonvisagedanslecreuxdemoncou.Jepasselesbrasautourdelui,sansquittermapositionàchevalsursonpelvisetadosséecontrelaporte.Jeprofitedumoment–sapoitrinequimonteetquidescendrapidement, lachaleurdesonsouffledansmoncou,l’odeurcaractéristiquedusexe–etjecomprendsquejeremueraiscieletterrepourcethommesanslamoindrehésitation.

Coltonmodifielapositiondesesmainssurmeshanchesetj’abaisselentementmespiedsverslesolbienquematêtesoit toujourslittéralementdanslesnuages.Ilsortdemoienglissant,etpourtantnotrelienn’estpasrompuparcequ’ilmeprenddanssesbras,peaucontrepeau,commes’ilnevoulaitpasmelaisserpartirtoutdesuite.

Etmoi,çameva,parcequejenepensepasquejeseraijamaiscapable,moinonplus,delelaisserpartir.

–Putain,j’enavaisbesoin.

Ilsouritenémettantunpetitgloussementetjenetrouveriend’autrequ’uneréponseévasiveparceque,franchement,jeplanetoujoursaussihaut.

Nous gardons le silence un moment, perdus dans l’intensité de l’instant, savourant la sensationréconfortantesimplementd’êtreensemble.

–Jen’enrevienspasquetunem’aiesriendit.C’est lui qui rompt le silence en secouant la tête, avant de s’écarter et de saisir l’expression

intriguéedansmonregard.–Àquelsujet?Un petit sourire ironique s’affiche sur ses lèvres, il pose une main sur ma joue, et passe avec

légèretésonpoucesurmeslèvresencoregonfléesparsesbaisers.–Cequejet’aiditavantdem’installerdanslavoiture…Marespirationsebloque,moncœurmanqueunbattementetseserreenentendantlesmotstomber

deseslèvresetenvoyantl’émotiondanssonregard.Jevoudraisluidemanderdeledire,deprononcerlesmotslui-même,parcequeoui,putain,jesaiscequ’iladitmaisjeveuxentendrequ’ilsesouvientdecesparolesetsaisittoujourslasignificationdecequ’ellescachent.

J’essaiederespirerrégulièrementetdeparlersanstremblementsdanslavoix,maisilfautquejesache.

–Dequoiparles-tu?Jemenstrèsmaletjesaisqu’ilperceàjourmaprétendueperplexité.Ilémetunpetitriresilencieuxetsepencheversmoipourdéposerunbaiserpleindetendressesur

meslèvrespuissurleboutdemonnezavantdes’écarterdenouveaupourmeregarderenface.Ilpassesalanguesurseslèvresetdit:

–Jetepilote,Ryles.J’ailecœurquifondetmonâmesoupireenl’entendantrépétercesmotsquim’ontservidecolle

pour rassembler les morceaux que l’accident avait dispersés.Mais même si ces mots m’apaisent, jeperçoislanervositéquifaittremblersavoixetl’angoisseenlevoyantmordillersalèvreinférieure.Etjecommenceàavoirletrac.Est-cequ’iladitcesmotsetmaintenantneressentpluslamêmechosequ’àcemoment-là?Jesaisquec’estidiotdepenserçaaprèscequivientdesepasserentrenous,maiss’ilyaunechosequej’aiappriseausujetdeColton,c’estqu’ilesttoutsaufprévisible.

Jesoupire,enaffrontantledéfidanssonregard.–Ouais.Cesmots…tulesprononcesmaintenantparcequelesouvenirt’estrevenuouparcequetu

lespensestoujours?Ça y est. J’ai mis cartes sur table, je lui ai donné la possibilité de dire que c’est la première

interprétationetnonlaseconde–unesortieaucasoùilnemepiloteraitplus.Pourlecasoùl’accidentauraitchangésessentimentsetquetout–nous,luietmoi–seraitrevenuàunstatutderelationpurementoccasionnelle.

Colton incline la tête pourm’observer unmoment, une supplique dans le regardmais les lèvresimmobiles. Le silence se prolonge alors que j’attends une réponse, que j’attends de voir s’il va me

réduireenmiettesous’ilseralebaumeapaisantsurmoncœurconvalescent.–Ry…tunesaispasquejen’oubliejamaislemoindremomentoùjepilote…surouendehorsde

lapiste?Ilmefautunmomentpourenregistrer lesmots,pourquecesmotsetcequ’ilssignifientpénètrent

moncerveau.Pourcomprendrequ’ilsesouvientetquesessentimentsn’ontpaschangé.Etmaintenantquejesais–maintenantquemoninquiétuden’aplusderaisond’êtreetquenouspouvonsallerdel’avant–,jesuisfigéesurplace.

Noussommesnus,appuyéscontreuneportederrière laquelle se trouveaumoinsunecentainedereporters, l’hommeque jepilotevient deme dire qu’ilme pilote lui aussi, et pourtant tout ce que jetrouve à faire, c’est de le regarder fixement tandis que mon âme prend conscience de l’espoir quis’installeenellepourenfairesademeurepermanente.

Coltonsepencheversmoietsabouchen’estplusqu’àunsouffledelamienne,sesmainsencadrentmonvisageetilscrutelesprofondeursdemonâme.

–Jetepilote,Rylee.Ildoitcroirequemonsilencesignifiequejen’aipascomprissaprécédentedéclaration.Iln’apas

idéequejesuistombéesifolleamoureusedelui,icietmaintenant–corpsdénudéetcœurànu–quej’aiperdutoutaccèsaulangage.Alors,àlaplace,j’acceptel’effleurementdeseslèvressurlesmiennespourunbaiserdouxetchasteavantqu’ilnereposesonfrontcontrelemien.

–Tunelesaispas?Tuesmonputaindedrapeauàdamier.Jesensseslèvress’incurverdansunsourirequandellespassentsurlesmiennesetjelibèrelerire

quimonteenmoi.C’estsibonsoudainden’avoirpluscetteépinedanslepied.Desavoirquel’hommequej’aimem’aimeaussi.Desavoirqu’ilarattrapémoncœurquitombaitenchutelibre.Lesmains deColton s’aventurent le long dema colonne vertébrale – le tremblement de samain

droiteestdevenusi légerque je le remarqueàpeine–et remontent tandisque je sensqu’ildurcitdenouveaucontremonbas-ventre.

–Sijecomprendsbien,tuasreçulefeuvertdumédecin?Moncorpsrepurecommencedéjààvibrerdedésirrenouvelé.–Ouaiseneffet,maisaprèslajournéequej’aipassée…Ils’interromptpourm’embrassersurlefrontetm’attirerdenouveaudanssesbrasaccueillants.-…j’enavaisrienàfoutrequ’ilmeledonneounon,j’étaisdécidéàprendrecequim’appartient.–Cequit’appartient,hein?Jelefaismarcher,maiscesmotsmecomblentd’aise.–Ouaip.C’estalorsquecequ’iladitavantmerevientetjem’écartepoursavoirdequoiils’agit.–Qu’est-cequis’estpassédanslajournée?Jevoissonregardsevoileruninstantavantdes’éclaircirànouveau.–Net’inquiètepas.

Biensûr,jem’inquièteaussitôt.–Ques’est-ilpassé,Colton?Est-cequequelquechosed’autret’estrevenu?Quelquechosequi…–Non.Ilmefaittaireenappuyantseslèvressurlesmiennes.–Jenemesouviensquedeschosesimportantes.Ilrestetoujoursquelquesblancs.Et,enbonspécialistedeladérobade,ilpoursuit:–J’ail’impressionquejet’ainégligéedernièrement.Donc,ilneveutpasparlerdecequiletracasse.D’accord…bon,danslafouléedecequivientde

sepasserpendantcesvingtdernièresminutes,jevaisbienvolontiersluiaccorderl’espacequ’ilnemedemandepasetnepasinsister.

–Tum’asnégligée?–Oui,jenet’aipastraitéecommeilconvient.Il ponctue sesmots enme donnant une claque sur les fesses. La sensation de brûlure n’est rien,

comparéeauxondesdechocquitraversentlazonehypersensibleentremescuisses.–Tut’esoccupéedemoi–detoutlemondesaufdetoicommed’habitude–etmoi,jenemesuis

pascorrectementoccupédetoi.–Jecroisaucontrairequetuviensdet’occuperdemoi…ettrèscorrectement.Jetortillemoncorpsnucontrelesien,cequimevautlegrondementquisortdesprofondeursdesa

gorge.–Situconsidèresçacommenepass’occuperdemoi–menégliger–Ace,alorss’ilteplaît…Jelemordillesouslementon.-…néglige-moiencoreunpeu.–BonDieu,beauté,tumetsleself-controld’unmecàrudeépreuve.Ilgrognetandisquesesmainsdescendentlelongdemacolonnevertébraleetserefermentsurlebas

demondos.–Maiscen’étaitqu’unediversionmineurepour…–Jenediraispasqu’elleétaitmineure.Jelèvelesyeuxetjetortillemeshanchesànouveau,cequilefaitéclaterderire.–Jesuisprêteàtesuivrepouruneautredetesdiversionsquandtuveux.–Jen’endoutepasunseulinstant.Ilmepinceleshanchesrapidement.–Maiscommejetedisais,ilesttempsquejet’offreunesortiedignedecenom,pourchangerde

cettenourritured’hôpitaldégoûtante,etpourêtrerestéeàmedistrairependantquej’étaisallongédansmonlit.

Quandjehausseunsourcilsuggestifenl’entendantparlerdedistractiondanssonlit,ilsecontentedesecouerlatête,etcesourirequej’adoreilluminesonvisage.Ilsepenche,m’embrassedoucementetmurmurelasuitecontremeslèvres.

–Tuaurastoutletempsdemedistrairedansmonlitplustardparcequepourl’instant–cesoir–jet’emmènevoirunfilmenavant-première.

Sesmotsmeprennenttotalementaudépourvu.–Qu…quoi?Je le regardebouchebée, l’air totalement incrédule. Il se contente deme sourire avecun regard

satisfaitparcequ’ilm’asurprise.Un petit frisson d’excitation me parcourt à l’idée de découvrir quelque chose de nouveau avec

Colton–nousfabriquerdenouveauxsouvenirs–maisenmêmetempscelasignifiequejevaisdevoirlepartageraveceux.Lespaparazzisquisquattentdevantlagrilleetassisterontcertainementàl’événement,avecleursquestionsindiscrètesetleursappareilsphotoqu’ilsvouscollentenpleinefigure.Etcelaveutaussidirequenousallonsdevoirsortirdecemonde,denotrepetit royaumedouilletoùnouspouvonsfairel’amourdoucement,paresseusementquandetoùnousvoulons.

C’estsûrquej’aiunepréférence.C’estlàquemerevientenmémoiresoncommentairehumoristiqueàBecks,ilyaquelquesjours,et

ils’yincruste.Lesmotssortentdemabouchesansquej’aieletempsdelesfiltrer.–Jecroyaisqu’unefoisquetuauraislefeuvert,rienneviendraits’interposerentretoietmoi,sauf

pourchangerlesdraps,pendantunetrèslonguesauterie.Jereprendssespropresparoles.LesyeuxdeColtons’assombrissentd’unvoilededésiretscintillentdemalicetandisqu’iltordla

boucheensedemandantquelchoixilvafaire.–Bon,jedoisreconnaîtrequej’aiditça.Ilpasseundoigtparesseuxsurmajoue,lelongdemoncou,pourfinirentremesseins.Malgrémoi,

j’inspirebrusquement,leboutdemesseinsdurcitetmoncœursegonfle.–Ettumeconnais,Rylee,toujoursfidèleàmaparole…alorsjemedemandebiencommentjevais

te garder comme ça, nue avec seulement un drap et en même temps assister à une avant-première àlaquellej’aiacceptéd’êtreprésent?Hum…lesdécisions!

Ilmurmureenbaissantlatêtepourdessinerlacourbedemoncouavecleboutdesalangue.–Qu’est-cequ’onvafaire?J’ouvrelabouchepourrépondre,maistoutcequejepeuxfairec’estessayerderespirerquandil

mordillelelobedemonoreille.– J’imagineque lemondenevapas tarderàapprendreàquelpoint tues sexy,enrouléedansun

drap.J’ouvre les yeux brusquement pour le regarder tandis que la surprise fait baisserma libido d’un

cran.Laseconded’après,Coltonetsonsouriredémoniaquem’ontsoulevéedeterre,toutenueetjetéesursonépaule.

Jepousseuncriaigutandisqu’ilavanceversl’escalier.–Non!Pose-moiparterre.–Lesmédiasvontpouvoiryallerbontrainaveccetruc-là.

Jeluifrappelesfesses,maisilcontinue.–Ehbien,celapeutavoirdubon,tuneperdraspasdetempsàchoisircommenttuvast’habiller.–Tuasperdulatête!Je crie, ce quime vaut une autre claque surmes fesses nues perchées si impudiquement sur son

épaule.–Sijeperds,tugagnes,chérie!Ilrigoleengravissantladernièremarchedel’escalier.–Jegagne,moncul.Jemarmonneetiléclatederiredenouveau.–Vraiment?Ilpenchelatêteetposeunpetitbaiserchastesurmahanchequiestjusteàcôtédesonvisage.–Jenesavaispasquetuaimaisjouercommeça,maisjesuissûrquenouspourronsexplorercette

voiequandletempsseravenu.Je restebouchebéeet j’émetsun rirenerveux tandisqueColton s’arrête et fait lentementglisser

moncorpslelongdechaquecentimètredesoncorpsmuscléjusqu’àcequemespiedstouchentlesol.LalueurespiègledanssesyeuxmepousseàmedemandersiColtonnes’adonneraitpasàquelquechosed’autreauquel jen’auraispaspensé jusqu’ici. Jesuissiperduedansmespenséeset lescalculsmuetsdanssonregardquejen’aipasprêtéattentionaufaitqu’ilm’aposéesurlaterrasseprivéeaudeuxièmeétage.

Et quand jem’en rends compte – quand je regarde autour demoi –, je suis surprise encore unefois…maiscettesurpriseestdugenreàfairefondremoncœur.

–Oh,Colton!Jene trouveplusmesmotsquand jevois tous lespréparatifsautourdemoi.Unécrandecinéma

mobileaétéinstallétoutaufonddelaterrasseetleschaiseslonguesontétédisposéescommedessiègesdecinéma,recouvertesdeplusieurscouchesdecequin’estautrequedesdraps.Unsourires’étalesurmon visage et la chaleur envahitmon âme quand je remarque toutes les petites attentions, les petiteschosesquimemontrentqu’ilestattentif:unboldecookiesdechezHershey,unebouteilledevin,descônesdebarbesàpapa,desbougiesalluméesdisposéesunpeupartoutetdes tonnesdecoussinspours’allongerdessus.

Jenepeuxretenirmeslarmesetçanemedérangepasquel’uned’ellesroulesilencieusementsurmajoue.Laprévenancedonttémoignenttoutesceschosessijolimentarrangéesdevantmoimelaissesansvoix.Jemeretourneversluietjehochelatête…Cequisetrouvederrièretoutçameprivedemotsetlabeautéintérieureetextérieuredecethommeravitmoncœur.Ilestlà,debout,nu,malrasé,lescheveuxébourifféset–sansparlerdelapartierasée–engrandbesoind’unecoupedecheveux,avecunregardquiconfirmecequ’ilm’aditenbas.

–Merci.C’estlachoselaplusadorable…Mavoixsebrisetandisqu’ilfaitunpasversmoietvientprendremonvisagedanssesmainspour

quejeleregardedanslesyeux.

–Lameilleurefaçondesortir.UnfilmavecmonAceetdesdraps…riend’autreentrenousquedesdraps.

Ilmefaitcepetitsouriretimidequimefaitcraqueretsepencheversmoipourunsoupçondebaiseravantdes’écarter.

–C’esttoutàfaitça,Ry.Riend’autreentrenousquedesdraps.Plusjamaisrienentrenousqu’unepairededraps.

Sesmotsmestupéfient,m’émeuvent,mecomplètentet jenepeuxrienfaired’autrequed’avancervers luipourposermes lèvressur lessiennes–sentirsoncœurcontremoi, lagriffuredesa jouemalraséesurmonmenton,voirl’amourdanssesyeux–etdire:

–Riend’autrequedesdraps.

18

Jesuisréveilléeparl’ardeurdusoleilmatinalsurmapeau,tempéréeparlafraîcheurdelabrisevenuede la mer. Des enceintes, que nous avons oublié d’éteindre hier soir, me provient la voix de MattNathansonquicouvreàpeinelebruitdesvagues.JemepelotonneunpeupluscontreColton,siheureusedelatournureinattenduequ’ontprisenosvies,lejouroùnousnoussommestombésdessusplusoumoinsparaccident,quemoncœurmefaitpresquemaltellementc’esténorme.Heureusequ’unesecondechancenousait étéofferte–quenous finissonsparaccepter l’unet l’autre–etquenousn’aurions jamaispuimaginerilyaunan.

Je plisse les yeux, contente que la pergola projette son ombre sur les chaises longues danslesquelles nous nous sommes endormis hier soir. Je n’essaie même pas de réprimer mon soupir decontentementquandjerepenseàlafaçondontje luiaifait l’amour, lentement, tendrement,souslecielétoiléenguisededrapetdansunlitfaitdesmultiplespossibilitésquis’offraientànous.

Jemerevoismedressantau-dessusdelui,retombantsurluietobservantlesémotionsquipassaientsans retenuedans son regard. Je réalise combien, avecColton, faire l’amour doucement et lentement,c’est aussi ébouriffant que de le faire vite et fort. Comment cet homme, habitué à nemontrer aucuneémotion – à barricader son cœur à tout prix – s’ouvre lentement, déplaçant une brique après l’autre,permettantàlaclédetournerdanslaserrure.

Je souris doucement en relevant la tête pour regarder les vestiges de la soirée. Les attentionsadorablesvenuesd’unhommequijurerejetertoutenotionderomance,quandtoutautourdenousprouveincontestablementlecontraire.Quelhommedemanderaitcommeunefaveuràsonpèredeluifournirunecopie de son prochain blockbuster, pas encore sorti sur les écrans, afin de passer une soiréeininterrompueseulavecsapetiteamie?Etmêmesi,d’aprèscequej’aicompris,ilabénéficiédel’aidedeQuinlan,l’idéevenaitdelui…lespetitestouchesicietlà,etcespetitsdétailsreprésententbeaucouppluspourmoiquetouteslesextravagances.

Je relève la têtedesapoitrinepour le regarderdormir,et je réchauffeàmonamourpour lui lespartiesdemoncorpsrafraîchiesparlabrisemarine.

–Jesaisquetumeregardes.

Lavoixensommeillée,ilsourittoutengardantlesyeuxfermés.–Humm.Jenepeuxpasm’empêcherdesourire.–Quiaeul’idéededormirici?Ilyabeaucouptropdelumière.Ilchangedeposition,lesyeuxtoujoursfermés,pourbaisserlesbrasetm’attirertoutcontrelui.– Il me semble que tes mots exacts étaient : « Ta chatte magique a opéré son charme et m’a

dépossédédetoutemonénergie.Jesuisincapabledefairelemoindremouvement.»Jen’essaiemêmepasdecachermonsouriresatisfaitnilafiertéquitransparaîtdansmavoix.–Nan!J’aijamaisditça.Ilentrouvreunœilpourmelancerceregardcoquinquej’adore,etmegratified’unsourirefanfaron.–J’aidel’énergieàrevendre,Bébé,c’estsûrementunautremecquetessortilègesontmisàplat.Je réprimemon envie de rire parce que cette voix rocailleuse dumatin et ces yeux endormis le

rendentparfaitementsexy,etj’aidumalàfeindrel’indifférence.–Oui,tuasraison.Jeterappellequejenesorspasaveclesbadboysdanstongenre.Jehausselesépaules.–Çadoitêtreletypebienraséquejevoisdetempsentemps.Celuiquim’apportecequetun’as

pas.Jeletaquinetoutenrelevantledrapquinousrecouvreàpartirdelataillepourjeteruncoupd’œil

endessous,etmesyeuxsebaladentavecgourmandisesur sonérectionmatinale impressionnante.Mesmuscles intimes, légèrement courbatus de la veille, se contractent aussitôt en anticipant la suite desévénements. Je ferme lesyeuxpourdissimuler ledésirquinedoitpasmanquerde lesobscurcir et jelaisseéchapperungémissementsatisfait.

–Tuvoisquelquechosequitefaitenvie?Quelquechosequ’ilnepeutpast’apporter?J’adoreletonespiègledesavoix.Jem’arrangepourne rien laisserparaîtreparceque toutcemarivaudagepréliminaireexcitemon

désirpourcequisetrouveàportéedemesdoigts.–Pasdesoucis.Jeforceletondemavoixtoutenleregardantpar-dessousmescilsetjevoisqu’unelueuramusée

dansedanssesyeux.–Cette femmequi teparleestparfaitementcomblée. Inutiled’utiliser tamagiequandcethomme

saitpiloterdansladernièrelignedroiteavecuntalentincroyable.Enunriendetemps,Coltonmeretournesurledosetsepencheau-dessusdemoi.Appuyésurun

coude,ilimmobilisemespoignetsau-dessusdematêtedel’autremain.Sonvisagen’estqu’àquelquescentimètresdumien,lesourireironiquebienenplaceetlessourcilslevésd’unairdedéfi.

–Jecroisavoirparlél’autrejourd’unetrèslonguesauterie.Ilappuiesonérectionsurlecentredemondésir.– Voilà pour la longue, chérie, maintenant il ne reste plus qu’à régler la partie sauterie de la

proposition.

Monéclatderiresetransformeenungémissementdeplaisirquandilpénètremoncorpsconsentant.Jenesuispastotalementprêteàl’accueillir,pourtantcen’estpasdouloureuxalorsqueçaleseraitentemps normal. Mais cela ajoute au contraire un frottement qui vient parfaitement éveiller toutes mesterminaisonsnerveuses,etmêmecertainesquipourraientluiavoiréchappéhiersoir.

–BonDieu,tuesvraimentdivine,chérie.Ilchuchoteàmonoreilletandisqueseshanchesvontetviennent,etdesamainlibreilcontinueà

tenirmespoignetsau-dessusdematête.Dansungesteétrangementintime,ilposesonvisagejustedanslecreuxdemoncou,sibienquechaquefoisqu’ilplongeenmoi,lefrottementdesabarbenaissanteetlachaleurdesonsouffleviennentexcitermapeau.Etc’estpeut-êtreparcequesonvisageestsituésiprèsdemonoreille,outoutsimplementparcequenoussommestellementenphasedenouveau,maisquelquechose dans les sons qu’il produit me paraît trop excitant. Les grognements se transforment engémissementsdeplaisirnondissimulé.

Jevoudraisbougerlesbras,maisillesmaintientfermementenplace.–Colton…Je halète tandis quemon corps semet à bouger de plus en plus vite, qu’une onde de chaleur se

répandenmoietquemondésiresttenducommeunressortprêtàbondirpourselibérer.–Laisse-moitetoucher.–Hum?Lavibrationdeseslèvresdansmoncousetransmetdanstoutmoncorps.Ilbougeleshanchesenun

mouvementcirculaire,entouchantdesaqueuelesnerfscachésdemesparoisinternes,avantdeseretireretdelapositionnerdefaçonàfrottermonclitoris,cequiajouteunefrictionquimedonnetantdeplaisirquej’enoublietoutevelléitéd’utilisermesmains.Ilrigole,toutàfaitconscientdel’effetqu’ilproduit.

–Tuaimesça?–Oh,Dieu,oui!Jegémisquandil recommence,mescuissesse tendentetmapeaus’embrasequandle tsunamide

sensationssedéclencheenprévisiondesonassautfinalsurmoncorps.–Jesaisquejesuisbon,Bébé,maisDieurisqued’êtreunpetitpeujalouxsitucommencesànous

comparer.Cetonléger,cettefaçonnonchalantedefairel’amour,parcequecettefoisnousfaisonsl’amour–

mêmes’ilcontinueàappelerçapiloter–,cesmotschuchotés,cettetotaleacceptation,cetteconnaissanceducorpsdel’autre,desonconfort,c’estrésolumentsafaçondememontreràquelpointilm’aime.

Jenepeuxpasempêcherleriredesortirdemeslèvres,pasplusquemondosdesecambreretmeshanchesdes’ajusteraurythmelentethabiledesescoupsdeboutoir.

–Alors…attends-toiàêtrejalouxàtontour.Maprovocationluifaitreleverlatêteetfrottervolontairementsesfavorissurmontétondénudé,ce

quiapoureffetdedéclencherunbesoinévidentde lediriger toutdroitvers l’endroitoù ils’activesihabilemententremesjambes.Amusé, ilhausselessourcils,enessayantdecomprendrelesensdemesparoles,tandisqueseshanchesreprennentleurmouvementrotatif,etjemelaisseemporter.

Parl’instant.Parlui.Parl’orgasmequiserépandtoutseulàtraversmoncorpsetm’engloutitdanssonflotdesensations.ParleOhmonDieu,monDieu,monDieu!quisortdemeslèvrestandisquelesvaguesdéferlent

l’uneaprèsl’autresurmoi.Etjem’abîmedanslabrumedemonplaisir,cequinem’empêchepasdel’entendreglousserquand

ilcomprenddequoiilpourraitbienêtrejaloux.Moncorpscontinuedepalpiterautourdesonmembre,continue de jouir, quand il se penche pour murmurer dans le creux de mon oreille, ajoutant le douxchatouillementdesavoixrauquedumatinauxondesdeplaisirviolentquicontinuentdesesuccéderenmoi:

–C’estpeut-êtreluiquetuappellesencemoment,moncœur,maisdansuninstant,c’estmoiqueturemercieras.

Ilmordillemonépauleavantderelâchermespoignets,etlachaleurdesoncorpsquittelemien.Jesuissiperchéesurlacrêtedemajouissancequelachaleurdesabouchesurmonintimitédéjà

hypersensibilisée me tire un cri, j’emmêle mes doigts dans ses cheveux, les deux mains sur sa têtepositionnéeentremesjambes,salangueglissetoutlelongdemafente.

–Colton!Jecriequandilmepénètredelalangue,démultipliantl’intensitédemonorgasme,prolongeantma

chutelibredansl’extase.–Colton!Jemetortillecontresabouchequandmonplaisirdevientsigrandqu’ilenestpresqueimpossibleà

supporter.Ilrelèvelatêteetremonteenléchant,sanss’arrêtermaisendessinantunelignedebaisers,bouche

ouvertelelongdemonventre,surmapoitrineetdansmoncou,etquandsalangues’immisceentremeslèvres,jepeuxsentirlegoûtdemapropreexcitation.Sabouchesurlamienneabsorbemongémissementétoufféquandilmepénètreunenouvellefoisetentreprendd’allercherchersonpropreorgasme.

Quandils’éloignedemaboucheets’assiedàgenouxenécartantmesjambesetqu’ilcommenceàalleretvenirenmoi,ilm’octroiecesourireéclairauqueljenepeuxjamaisrésister.

–Jetel’avaisbienditqueceseraitmonnomquetuappelleraisàlafin.Je commence à dire quelque chose,mais ilm’attrape par les hanches et recule pour aussitôtme

pénétrerànouveau.Ledébutd’unrythmeeffrénéquimepousseàm’accrocherauxdrapsetàrépétersonnomenhaletanttandisqu’ilnousemportejusqu’aupointculminantquenousatteignonsensemble.

***

–Qu’est-cequ’ilvoulait,Becks?J’entredanslapièceetj’appuiemesfessessurlebureaudeColton,devantlui.Sijenem’étaispas

miselà,j’auraismanquél’éclaird’hésitationquipassedanssesyeux,avantqu’ilnefasselagrimace.

–Tuasmal?Jefaisallusionàlamigrainequ’ilessaieenvaindemecacher.–Nan,pastrop.Ellessontdeplusenplusespacées.Ilretombedanslesilenceentripotantuntromboneavecbeaucoupd’application.–Becks?Jerépète,sentantquequelquechosenevapas.–Il…heu…ilvoulaitsavoirs’ildevaitréserverlecircuit,parcequ’ilfauts’yprendrelongtempsà

l’avance.Pourêtresûrquejepourraiyallerquandj’enauraienvie.Ildétournelesyeuxetseconcentredenouveausurletrombonequ’ildéplieconsciencieusement.–Ilpensequejedevraisreprendrelacourse.CetenfoirédeBeckett!J’aienviedehurlerdetoutesmesforces,maisjechoisisdel’engueulermentalement.D’accord.Je

luiaiexprimémacolère.Jereconnaisquec’estlachoseàfaire,pourautantcelaneveutpasdirequeçameplaît…Pasdutout.Jemesentiraisfichtrementmieuxsij’avaisunpunching-ballenplus,parcequejesuis toujours terrorisée à l’idée de voir Colton assis au volant, en combinaison de pilote. Mais laquestionreste.Est-cequec’estpareilpourlui?

–Qu’est-cequetuenpenses,toi?Tutesensprêt?Ilsoupireetserenfoncedanssonfauteuil,lesdoigtscroisésderrièrelatête,lesyeuxauplafond.–Nan…Ilétirelemotpourgagnerdutempsetretardersonexplication.–Hier,j’ai…Ilsecouelatêtesansterminersaphrase.–Peuimporte…Mamainestencoretropmerdiquepourtenirlevolant.Jesaisquec’estunputaindemensongepuisqu’hieriln’aeuaucunedifficultéàmeporterpourme

prendre contre la porte d’entrée,mais je sais aussi que le dire tout haut serait comme de frapper unhommeàterre,nonseulementjesauraisqu’ilapeurmaisenplusjeprouveraisqu’ilment.

Cependant, son explication avortée, qu’il ne prend pas la peine de terminer, ajoutée à soncommentaired’hierimpliquantqu’ilavaiteuunerudejournée,memetlapuceàl’oreille.Sansposerlaquestion,jevaisverslui,jem’assiedsàcalifourchonsursesgenouxetjemeblottiscontreluiIlpousseunsoupirrésignéavantdedécroiserlesdoigtsetderefermersesbrassurmoi.J’attendsunpetitmoment.

–Ques’est-ilpasséhier?Jesenssoncorpsmarqueruntempsd’arrêtetjeposeleslèvressursapoitrinenuepourluisignifier

silencieusementmonsoutien.–J’airegardélereplay.Iln’apasbesoind’endireplus.Jesaistrèsbiendequelreplayils’agitparceque,moi-même,je

n’aipasencorepumerésoudreàleregarder.–Etcommentas-tusupporté?

Soncorpssemetàvibrerd’uneénergiemalcanaliséeetquandilcommenceàs’agitersousmoi,jesensqu’ilabesoindel’évacuer.Jememetsdeboutetquandilselèveetsedirigeverslafenêtre,jemelaisseretombersurlecuirdusiègequiconservelachaleurdesoncorps.

Colton se passe lamaindans les cheveux, sa tension est visible dans lesmuscles de sondosnutandisqu’ilregardeparlafenêtrelaplageencontrebas.Ilseforceàrire.

–Ehbien,situparlesd’unhommeadultequirampenusurceputaindesolenvomissantàcaused’uneputaindecrisedepaniqueaprèsquelamoindresensationdel’accidentluiestrevenueenpleinegueule,alors,putain,sionpeutappelerçasupporter,alorsouais…jediraisquej’airéussiceputaindetesthautlamain.

Ilroulelesépaulesetsortdubureausansseretourner.Jerelâchelesoufflequejeretenaislorsquej’entendslaportecoulissantedelaterrasses’ouvriretserefermerderrièrelui.

Je laisse s’écouler un peu de temps, perdue dans mes pensées, triste pour Colton qui luttevisiblemententresonenvieetsapeurdepiloter,etjemelèvepourallerleretrouver.

Quandjesorssurlaterrasse, j’entendsungrandploufetjevoissasilhouettelongilignefendrelasurfacedel’eaudansunegracieusefluidité.Ilavitefaitdecouvrirunelongueurdepiscine,detoucherlebordavantdefaireunesortedesautpérilleuxsous l’eau,derefairesurfaceetderepartirdans l’autresens.

Assiseentailleurauborddelapiscine,j’admiresaconditionathlétiquenaturelle–l’ondulationdesesmuscles,latotalemaîtrisedesoncorps–etjemedemandesicetteattiranceabsoluequej’éprouvepourluialamoindrelimite.

Auboutd’unmoment,ilfaitundecesviragessousl’eauducôtélepluséloignédemoietaulieuderecommencerànagerimmédiatement,ilsemetsurledosetselaisseflotter,sonélanlefaisantdériverautomatiquementverslebordoùjesuisassise.Ilal’airsipaisible,maintenant,malgrélesmouvementsdesapoitrineaprèsl’effort,quejeregrettedenepasvoirplussouventcettesérénitésursonvisage.

Sontorseémergedel’eaulorsqu’ilbasculelespiedsverslefonddubassinetsepasselesmainssur levisage.Quand il les retire, il lève lesyeux, surprisdemevoirassiseen trainde l’observer, etm’adresseunsourireàcouperlesouffle.Ilfroncelenez,cequilefaitressembleraupetitgarçonqu’iladûêtre,ettoutesmesinquiétudesconcernantsonétatd’esprits’évanouissent.

Ils’approchedemoi,lesyeuxrivésauxmiens.–Jesuisdésolé,Ryles.Ilsecouelatêteensoupirant.–C’estdifficilepourmoid’admettrequej’aipeurderemonterdanslavoiture.Sonaveumefaitunchoc.Jetendslebrasetjepassemonpoucesursajoue,plusamoureusedelui

quejamais.–C’estnormal.Çamefaitpeur,àmoiaussi.Ilm’attrapeparleshanchesetm’attireplusprèsdeluipourpouvoirm’embrasser.Lecontactdeses

lèvresetl’odeurdechloresursapeaumesuffisentpourmesentirbienavecluidenouveau.Ilcommenceunephraseets’arrête.

–Quoi?Ils’éclaircitlagorge,passelalanguesurseslèvresetdétourneleregardverslaplage.–Quandjereprendrailavoiture…est-ceque…est-cequetuseraslà?–Évidemment!Jerépondssanshésiteretjepasseimmédiatementlesbrasautourdesontorsemouillépourdonner

plusdepoidsàmesparoles.Jelesensfrissonneretsarespirationmarqueuntempsd’arrêttandisqu’ilmeserreplusfort.J’ébouriffesescheveuxduboutdesdoigtsalorsquesonvisageresteenfouidanslecreuxdemoncou.

Jet’aime.Lesmotsviennentàmonespritet jedoisfaireuneffortpour lesempêcherdefranchirmeslèvrestellementl’intensitédecequej’éprouvepourluiestindescriptible.L’amoursansconditions.

Nous nous écartons l’un de l’autre quand la sonnette de la porte d’entrée nous parvient depuisl’intérieurdelamaison.Jeleregarde,surprise.

–C’estprobablementundestypesdelasécurité.Jemelève,luinageverslesmarches.–J’yvais.Jerentredanslamaisonenécartantmont-shirtmouillédemonbuste,etjemefélicited’avoirchoisi

ledébardeurrougeplutôtqueleblanc.J’aidéjàlamainsurleboutondelaporteetjetiresurlepanneaudeboisquandlavoixdeColton

meparvientdepuislaterrasse.–Attends!Troptard.Laportes’ouvreengrandetsansquej’aiepum’ypréparer,jemeretrouvefaceàl’unde

mespirescauchemars.Mesépauless’affaissentquand je lavois.Les longues jambes fuselées, lachevelureblondeet le

sourirecondescendantsonttoutcequej’aperçoisquandelleentreetpassedevantmoi.Puiselles’arrêteettournelatêtepourmeregarderpar-dessussonépaule.

–Tupeuxrentrercheztoi,maintenant,mapetite.Larécréationestterminée.Coltonn’aplusbesoindetoi.Ilestdansdebonnesmains,maintenant.Mamanestrentrée.

Jerestebouchebée,muettedevantsonaudace.Sansmelaisserletempsderetrouverl’usagedelaparole,ellefiledanslamaisoncommesielleétaitchezelle,meplantantdanslesillagedesonparfumcapiteux.

–Colton?Aumomentmêmeoùje l’appelle, ilarrivedans l’entréeenseséchant lescheveux.Ilen lâche la

serviettequitombesurlesol.Des sentiments variés passent dans son regard, celui qui prédomine étant l’agacement,mais son

visageresteimpassible.Et quand le visage deColton est à ce point froid et dépourvu d’émotion, on peut se dire qu’une

tempêteseprépare.–Qu’est-cequetuviensfoutreici,Tawny?

Letonglacialdesavoixmeparalysemaisnesemblepasl’impressionner,elle.–Coltchéri,ilfautqu’onparle.Jesaisqueçafaitunmomentet…–Jenesuispasd’humeuràécoutertesconneriesmélodramatiques,alorsarrêtetoutdesuite.Coltonavanced’unpas.–Tusaisquetun’espaslabienvenueici,Tawny.Sij’avaiseuenviedetevoir,jet’auraisinvitée.Leveninquicouledanssavoixmefaitfrémir.Enmêmetemps,jesuisfurax.Furaxqu’ellesepointe

ici–unemaisonoùiln’ajamaisamenéd’autresfemmesquemoi–commesic’étaitsondroit.–Onestbiengrognon.Elles’amuseàlegronder,imperturbabledevantlafroideurdeColton.– J’étais trop inquiète, je me demandais si tu allais bien et si tu avais retrouvé la mémoire

maintenantque…–Jemecontrefousdetesinquiétudes!Tuasdeuxminutes.Discequetuasàdireoujetevireà

coupsdepompedanslecul.Coltonavanceencored’unpasverselle,lesmâchoiresserrées,etjesuisfrappéeparl’indifférence

méprisantequ’ilaffichepourelle.–Cen’estpasparcequetumetslongtempsàterétabliretqueçat’énerve–etquetunetesouviens

pasdeschosesimportantes–quetudoist’enprendreàmoi.Tawnypartd’unrirecondescendantetseretournelégèrementpourmelancerunregardincrédule,

commepourmedire«Vraiment?Iltepréfèreàmoi?».–Jesuissûrequeçat’amusedejouerlesinfirmièresettoutça,chérie,maisonn’aplusbesoinde

tesservices.Jem’écartedumurenunéclair,prêteàluivolerdanslesplumes,maisColtonmecoiffeaupoteau.

Lafureurquiémanedeluiestpalpablequandill’attrapeparlebras.–Ilesttempsquetupartes.Engrondant,illaconduitverslaporte.–Tunevienspaschezmoitemontrergrossière,Ry…–Jesuisenceinte.Lesmotsquisortentdesaboucheviennentmourirdans lesilencequiemplit soudain lapièceet,

pourtant, je lesvoisvibrerà l’intérieurdeColton.Soncorpss’arrêtenet,sesdoigtssecrispentsur lebrasdeTawnyetilgrincedesdents.Ilmarqueunepauseavantdereprendresamarcheenlatirantverslaporte.

–Tantmieuxpourtoi.Félicitations.Letondesavoixestmordantetsarcastique.–Enchantédet’avoirconnue.Aumomentoùilouvrelaporte,ellesedégagebrusquement.–C’esttoilepère.La main de Colton s’immobilise sur le bouton de la porte, et mon cœur se crispe à ces mots.

J’assiste à la scène qui se déroule là sous mes yeux, mais j’ai l’impression d’être complètement en

dehors,àdeskilomètresdelà.Jevoisqu’ilbaisselatêtel’espaced’uneseconde,jeremarquequ’ilserrelespoingsetjevoislafureurdanssesyeuxtandisqu’ilseretourne,commeauralenti.Ilmejetteuncoupd’œil,soutientmonregarduninstantetcequejevoisdanssesyeuxmecoupelesouffle.Cen’estpasdefureurqu’ilsbrillent–non–c’estd’incrédulitémêléederegrets.Desregretsquimedisentqu’aufonddelui il craint qu’elle ne dise vrai.Des gouttes de plomb fondume tombent sur l’estomac tandis que lemasquequ’ilalaisséglisserseremetenplaceetqu’ilseretournepourdirigersacolèreversTawny.

–Noussavons,toietmoi,quecen’estpaspossible,Tawny.Il faitunpasenavantetdémontresacapacitéàsecontenir– leseffortsqu’il faitpournepas la

prendreparlecouetlajeterdehors,ausenspropreduterme.Ilregardealternativementsonvisageetsonventre.

–Quoi?Tunetesouvienspas?Onentenddanssavoixàquelpointelleestchoquéeetblessée.Elleporteunemainàsaboucheet

sesyeuxs’emplissentdelarmes.–Colton,toietmoi…lesoirdel’anniversairedeDavis…tunet’ensouvienspas?Monestomacseserreparcequesijepensaisqu’ellepouvaitfairesemblant–jouerlacomédiepour

lefairerevenir–,ellevaraflerlesOscarsaveccetairblesséetcesaccentsdedésespoirdanslavoix.OhmonDieu!OhmonDieu!Impossibled’avoirunepenséepluscohérentequeça,moncorpstout

entieresttraversédetouteslesémotionspossiblesetimaginables.–Non.Coltonsecouelatêted’avantenarrière,etl’expressionsursonvisage–cellequiditques’ilrépète

ce non encore et encore, tout ceci ne sera qu’un cauchemar –, cette expression me tue. Me déchireprofondémentetm’ouvreendeux,pourmeprépareràl’assautdedouleurquim’attend.

–C’estlaseulepossibilité.Elleposesamainsursonventreoùondistingueunlégerrenflementquandelletiresursont-shirt.–Çafaitcinqmois,Bébé.Je dois ravaler la bile qui me remonte dans la gorge tandis que le doute s’installe en moi. Je

m’oblige à respirer. À me concentrer. À me dire qu’il ne s’agit pas de moi. Qu’il s’agit du pirecauchemar de Colton qui devient réalité juste après la nuit absolument magique que nous venons depasserensemble.Maisc’estdifficile.

Cequ’elleditplongedansmachaircommedesgriffes.Cequimetaraude,cesontlesdates–lesjoursécoulés.Cinqmois,cinqmois,cinqmois. Jeme le répèteencoreetencoreparcequec’estplusfacilede se raccrocher au tempsquipassequ’aumondequivient debasculer sousmespieds.Quandj’arrivedenouveauàformerunepenséecohérente,jemerendscomptequecelafaitjusteunpeumoinsdecinqmoisquenousnoussommesrencontrés.Putain,c’estpossible.

Je me dis qu’elle ment. Qu’elle essaie de coincer Colton, de lui mettre le grappin dessus – des’accaparer leprixqu’elleconvoiteplusque tout–en jouant lacarte jesuisenceinte.Le truc leplusvieuxdumonde.Maislapreuveestlà,danssonventrearrondi,etl’expressiondeterreursurlevisagedeColton confirme que c’est une possibilité – qu’il fouille loin dans les profondeurs verrouillées de sa

mémoire en essayant de retrouver le souvenir précis dont elle parle. La peur passe sur son visage,s’installedanssesyeuxqui,brusquement,refusentdesetournerversmoi.

Moi aussi, je voudrais regarder ailleurs,mais rien à faire, je n’y arrive pas. Peut-être que si jecontinueàledévisagerilvaleverlesyeuxetmefairelemêmesourirequetoutàl’heuredanslapiscine,etelle,ellevadisparaître,toutsimplement.

Maisçanemarchepas.Ilrestelà,entrenous,immobile,perdudansdespenséesquenepeuxqu’imaginer.L’hommeléger

d’hier,celuiquej’aime,adisparu.Jevoislesrouagesquitournentdanssatête,jeremarquesagrimacededouleuretjesuissûrequ’unenouvellemigrainelefrappe…maiss’ilestcomplètementfigé,moi,jesuisparalyséedespiedsàlatête,putain!

Tawny me lance un regard de mépris total avant de regarder Colton avec un sourire plein detendresse.

–Tum’asraccompagnéeaprèslasoiréechezDavis,tuasdemandéàmonter…onafaitl’amour.Lapremière fois, nous étions ivres… impatients de nous retrouver… et nous n’avons pas utilisé depréservatif.

Etcommesi lepoignardn’avaitpasdéjàpénétréassezprofondpouratteindremoncœur,elleenrajouteunecoucheen laissantentendrequ’ils l’ont faitàplusieursreprises,pourappuyer làoùçafaitmal.

–Avant…àl’époqueoùnoussortionsensemble…Ils’éclaircitlavoixavantdepoursuivre.–…tunejuraisquepartapilule.Sa voix estméconnaissable. Pourtant, ilm’est déjà arrivé de subir sa colère,mais là, ce ton de

méprisabsolumefaitfroiddansledos.–Jeneprenaispaslapilule.Elle hausse les épaules avec un toupet incroyable et avance vers lui, lamère potentielle de son

enfant.Ladouceurintimedesavoixmefaitmonterleslarmesauxyeux.ElletendlamainpourtoucherlebrasdeColton,maisilreculevivement.

Devant cette réaction et la panique évidente dans les yeux de Tawny, la réalité de tout cecicommenceàpercerlabarrièredemondéni,ouvrantlavoieàlapossibilitéquecenesoitpasjusteunstratagèmedestinéàlereconquérir.

Jem’affaissecontre lemurauquel jesuisadossée,mes fantômesetmes insuffisancesen tantquefemmemenacent de relever leurs têtes immondes. Je pose une main sur mon ventre pour apaiser ladouleur qui jaillit dansmamatrice inutile. Celle qui restera à jamais vide. Celle qui ne peut pas luidonnerlaseulechosequecettefemmepeut.Jesensmonterenmoilessignesavant-coureursd’unecrisedepanique–larespirationdifficile,lecœurquis’emballe,l’incapacitéàfixermonregard,quandjemedemandesil’hommequijuraitnejamaisvouloird’enfantpourraitchangerd’avisenétantconfrontéàlapossibilitéd’enavoirun.Çaarrivetoutletemps.Etsic’estlecas,qu’est-cequenousdevenons,nous?Qu’est-cequejedeviens?Moi,lafemmequinepeutpasluidonnerça.

–Non!C’estsortidemaboucheenréponseàmesinterrogationsmuettes.Coltonseretournebrusquementpourmeregarder,unmasquededétressealtèresestraitsenréaction

àmoninterventioninattendue.C’estalorsqu’ellepousseuneexclamationdédaigneusequijettedel’huilesurlefeudeColton.

–Fouslecamp!Ilacriésifortquejesursauteetl’espaced’uninstant,dufaitqu’ilestenfacedemoi,jecroisque

c’estàmoiqu’ils’adresse.Jedéglutisavecdifficulté,ilmejetteunregardrapideavantdeseretourneretdemontrerlaportedudoigt.

–Fous.Le.Camp.Bordel!–Colty…–Nem’appellejamaiscommeça,tum’entends!Ilhurle,d’unevoixcoupantetoutenlevantlesyeuxverselle,quin’apasbougéd’unpouce.–Personnen’aledroitdem’appelercommeça!Tutecroisau-dessusdesautres?Tucroisquetu

peuxtepointericipourmedirequetuesenceintedecinqmois?Tucroisquej’enaiquelquechoseàfaire?Pourquoitumedisçamaintenant,hein?Parcequec’esttroptardpourmedemandermonavis,tupensesquetum’aspiégé?Quetuasdécrochélegroslot?

Ilsemetàarpenterlapièce,lesmainscroiséesderrièrelatête,ensoufflantbruyamment.–Jenem’appellepasWillyWonka 1,chérie.Ilfaudratetrouverunautrepigeon.–Tunemecroispas?Coltonfaitbrusquementvolte-face,nosregardssecroisentetjesuissidéréedevantlevidedeson

regard.Sesyeuxsansexpressionseposentsurmoibrièvement,puisilromptnotreconnexionetrepartàgrandesenjambéesversTawny.

–Non,jenetecroispas,putain!Arrêtetesconneriesettire-toiavectesmensongesdemerde!Il se tient à quelques centimètres de son visage, ses yeux lancent des éclairs, son attitude est

menaçante.–Maisjet’aimetouj…–Tun’asaucundroitdem’aimer!Ilhurleentapantdupoingsurlebuffetàcôtédelui.Lebruitdesvasesquis’entrechoquentrésonne

danslesilencedelamaison.Tawnyémetunsanglot,maisCotondemeuretotalementinsensibleàcettemanifestationd’émotion.

–Jenet’autorisepasàm’aimer.Quandillerépète,savoixestsibassequej’entendsdeladouleurderrièrelesmots,quejesensle

désespoirquiémanedelui.Ilsepasselesmainssurlevisageetregardeparlafenêtrelatranquillitédel’océanquicontraste

aveclatempêtequifaitragesoussoncrâne.Jesuisballottéedanslesturbulencesdesesémotions,sansaucune planche de salut à laquelle me raccrocher. Quand il reporte les yeux sur Tawny, tellementd’émotionspassentsouslemasquequisefissurequejemedemandelaquellevaprendreledessus.

–Jeveuxfaireuntestdepaternité.Tawnypousseuneexclamationétoufféeetposelamainsursonventred’ungesteprotecteur,maisje

voislatransformationquis’opèresursonvisage.Jevoislademoiselleendétressesemétamorphoserenharpievindicative.

–Tueslepèredecetenfant,Colton.Jenecouchepasàdroiteàgauche.Coltonpousseunpetitrireméprisantensecouantlatête.–C’estça,tuesunepetitesainte,putain!Ilvaverslaported’entréeetseretournepourlaregarder.–Vadireçaàunautreconnardcrédulequeçaintéresse.Monavocattecontactera.–Ilvatefalloirdesargumentsunpeuplussolidesquelasimplemenacedetonavocatpourtesortir

delà,moncoco.Tupeuxpréparertonchéquieretjetepréviensquetonegorisqued’enprendrepoursongrade,monchou!

–Tuasvraimentcruque tupourrais tepointercommeça,poser tabombedemerde,etque je tecroiraissurparole?Quejeteferaistaireavecunchèquesubstantielouquejet’épouseraisetquenousnousenvolerionsdanslesoleilcouchant?

Ilrugit.–Je.Ne.Suis.Pas.Le.Père!Tawnyhausselesépaulesetuneexpressiondejubilationtransformesestraits.–Lapressevas’endonneràcœurjoieaveccequejevais leurraconter…unjolipetitscandale

bienjuteuxdanslequelplanterleurscrocs.Ellesedirigeverslasortieetjusteaumomentoùjem’imaginequejevaisenfinpouvoirrespirer,

Colton tapebrusquementduplatde lamainsur laporte, lebruit traverse le silencedemortqui règnedanslapièce.Ilseretourneets’approcheàquelquescentimètresdesonvisage, lavoix tremblantederage.

–Pourinfo,monchou,tuvasdevoirtrouverquelquechosedepluscostaudquecettemenace,situcroisquelapressemefaitpeur.Onpeutêtredeuxàjoueràcejeu-là.

Ilouvrelaporte.–Assure-toidebienleurdonnertouslesdétailscroustillantsparcequ’encequimeconcerne,jene

leur cacherai rien, tu peux en être sûre, bordel. Tu n’imagines pas la vitesse à laquelle une carrièreprometteusepeutêtreanéantiedanscetteville,quandlesrumeursfontlaunedesjournauxàproposdesexigences astronomiques de certaines personnes qui se prennent pour des divas. Personne ne veuttravailleravecuneputaindesalope,etilestincontestablequec’estcequetues.Maintenant,barre-toi,bordel!

Tawnyvaverslui, leregardefixement,mêmes’ilrefusedelaregarderdanslesyeux,etfinitparpasserlaportequiserefermederrièreelledansunclaquementsonore.Coltons’empareaussitôtd’undesvasesposéssurlebuffetetlelancesurlemur.Lebruitdeverrebrisé,suividutintementqu’ilproduitenretombant sur le carrelage, contraste avec la lourdeur de l’ambiance. Visiblement, cela ne lui a pas

apportélesoulagementescompté,alorsColtonposelesmainssurlebuffetets’appuiedetoutsonpoidsdessus.

Je sors de l’ombreoù jeme tenais, incertainede la conduite à tenir, lorsqu’il lève la tête etmeregardedroitdans lesyeux. J’essaiededéchiffrer sesémotions,envain–sagardeestdenouveauenplaceetverrouillée.Quandjepenseau travailqueçavamedemanderpourrefaire tombercemur,unpetitmorceaudemoimeurt,meurtettombeàcôtédumorceauquis’estbrisélejouroùlemédecinm’aditqu’ilfaudraitunmiraclepourquejetombedenouveauenceinte.

Le vide demon ventreme revient en force quand jeme dirige vers lui. Ilm’observe,mâchoireserrée,corpstendu.

–Colton…je…–Rylee,fiche-moilapaix,putain!–Etsic’étaitvrai?Sivousl’aviezvraimentfaitetquetunet’ensouviennespas?C’estlaseulepenséecohérentequejepeuxverbaliser,les«etsi»etles«çan’arriverajamais»

medonnentletournis.–Pourquoi?Ilseretourneversmoietj’avalemasaliveavecnervosité.–Pourquetupuissesjoueraupapaetàlamaman?Ilavanceversmoietjebaisselesyeuxsoussonregard.–Parceque tuveux tellementunbébéque l’idée teplaît?Tuseraisprêteàfairen’importequoi

pourenavoirun?Àenprendreun,qu’ilsoitdemoiounon,pourpouvoirmemettrelegrappindessus,toi aussi ? Avoir lemeilleur des deuxmondes, hein ? Le pactole et un bébé – le rêve de toutes lesfemmes.

Sesmotscinglantssontcommeunegifleenpleinefigureetdéchirentcettepartiedemoiquisaitquejeferaisn’importequoipouravoirlachanced’avoirunbébé.

–Cen’estpasvrai!dit-ild’unevoixtonitruante.Cen’estpasvrai!Quandillerépète,savoixesttropcalme.Jesuisfigéesurplace–j’aienviedecourir,derester,j’aimalpourmoi,jesuisdévastéepourlui–

aucarrefourdel’incertitude.Toutcequejevoudraisfaire,c’estmeroulerenbouleetoublierlemonde.OublierColton,etTawny,etledeuil,quejeneferaijamais,desentirunbébébougerdansmonventre.Decréerquelquechoseàpartirdel’amour,aveclapersonnequej’aime.

Labileremontedansmagorgequandjepenseàça,j’aiunhaut-le-cœuretjemetsmamainsurmabouchepourm’empêcherdevomir.

–Ouais,moiaussi,l’idéequejepuissedevenirpèremedonneenviededégueuler.Ilmeregarded’unairironique,maisiln’yapasqueduméprisdansletondesavoix.Etcen’est

pasçaquimedonneenviedevomir,maisjenepeuxpasleluidireparcequejesuistropoccupéeànepasvomir,justement.

–Entrelesdraps.Iléclated’unrirecondescendantetlèvelesyeuxauplafondavantdemeregarderdenouveau.

–C’estpasironique,ça,Rylee?Lefaitd’avoirétéentredesdrapsavecquelqu’und’autreseraitàl’originedecelégerdilemme.Qu’est-cequeçatefait,présentécommeça,hein?

–Vatefairefoutre!J’aiditçapluspourmoi-mêmequepourlui,d’unevoixbasseetblessée.J’enaimarre.Jeveuxbien

admettrequ’ilestbouleversé.Quesonpasséépouvantableressurgitpeut-êtredanssamémoire,maiscelaneluidonnepasledroitdeseconduirecommeunsaleconetdes’enprendreàmoi.

Ilseretournepourmeregarder,ilestl’imagemêmedelafureurquisedétachesurlecalmederrièrelui.

–C’estça!Jevaisallermefairefoutre.Etsurcesmotsd’adieu,Coltonouvrebrutalementlaportedelaterrasse.Jenelerappellepas–je

n’en ai pas envie–mais je le regardedescendre en courant les escaliers quimènent à la plage, et jel’entendssifflerpourappelerBaxter.

1.PersonnagedemilliardaireexcentriquedansCharlieetlachocolateriedeRoaldDahl.

19

Assisesurlaterrasse,j’attendsqu’ilrentre,etplusletempspasse,plusjesuisinquiète.Etfurieuse.Jesuisinquièteparceque,àpartnagertoutàl’heure,Coltonn’apasfaitdesportdepuisqu’onluia

donnélefeuvert.Etc’étaithier.Jesaisquesacolèrevalepousseràcourirplusviteetpluslongtemps,etjenesaispascequelesvaisseauxconvalescentsdesoncerveaupeuventsupporter.Celafaitbientôtuneheurequ’ilestparti,est-cequecen’estpastrop?

Etjesuisfurieuse,demefaireencoredusoucipourlui,aprèstoutcequ’ilm’adit.Jesecouelatête,lesparolesqu’ilm’aditesrésonnenttoujoursdansmatêtetandisquejeregardela

plageencontrebas.Jepeuxcomprendresacolère,cebesoininhérentd’envoyerdesvacheriesbaséessurdespréjugésqu’iladumalàcombattre,maisjepensaisquenousavionsdépasséça.Jepensaisqu’aprèstoutcequenousavionstraversé,dansletempsassezcourtquenousavonspasséensemble,jeluiavaisprouvéqu’ilsetrompait.Prouvéquejenesuispascommed’autresfemmes.Quej’aibesoindelui.Quejenelemanipuleraijamaispourobtenircequejeveuxcommel’ontfaittantd’autresfemmesdanssavie.Que je ne l’abandonnerai jamais. Pourtant, j’ai furieusement envie de partir, là maintenant – pouréchapper à la dispute et à la souffrance supplémentaire que je crains ne pas pouvoir éviter quand ilrentrera–mais jenepeuxpas.Maintenantplusque jamais, jedois luiprouverque jenevaispasmesauverquandilaleplusbesoindemoi,mêmesilasimplepenséequ’ilpuisseavoirunenfantavecuneautrem’estinsupportable.

Je ravale labilequimenacede refaire surface,maiscette fois jen’arrivepasà lacontenir. J’aijusteletempsdecouriràlasalledebainspourévacuerlecontenudemonestomac.Jeprendsunpeudetemps pourme remettre etme persuader de descendre de l’appui de fenêtre d’où j’ai envie de sauterparcequeçacommenceàfairetroppourmoi.Tantdechosessesontproduitesensipeudetempsquemonespritaenviedefermerboutique.

Maissic’estvrai,qu’est-cequeçaimplique?Pourluientantqu’individu,pournousentantquecoupleetpourmoien tantque femme,quinepourrai jamais luidonnerça?Et surtoutqueça lui soitdonnéparelle?Monestomacserévulseàcetteidée,ettoutcequejepeuxfaire,c’estlaissertomberla

têtesurlecouvercledestoilettes,serrerlespaupièresetrepousserlesimagesd’unadorablepetitgarçonavecdescheveuxnoirdejais,desyeuxvertémeraudeetunsourireespiègle.Unpetitgarçonquejeneseraijamaiscapabledeluidonner.

Maiselle,ellepeut.Etsic’est lecas,commentest-ceque jevaispouvoir lesupporter,putain?Aimerl’homme,maispaslebébéparcequejenesuispaslamère–simplementparcequ’ilestenpartieTawny–quelgenred’horriblepersonnagecelaferaitdemoi?Etjesaisquecen’estpasvrai,jesaisquejenepourraisjamaisnepasaimerunenfantàcausedecirconstancesqu’ilnepeutpascontrôler,maisenmêmetemps,ilyauraitcerappelpermanentetdévastateurdecequequelqu’und’autrepeutluiapporter,contrairementàmoi.

Lecadeauultime.L’amoursansconditionsetl’innocence.J’essuieleslarmesquicoulentsansquejem’enaperçoive,quandj’entendsl’aboiementlointainde

Baxter, et je sors sur la terrasse. Cet énorme animal inoffensif apparaît au sommet des marches enremontantdelaplageetselaissetomber,épuisé,surlesoldelaterrasseenpoussantungrognement.Jeprendsuneprofondeinspirationetjemepréparepourl’arrivéedeColton,nesachantpasàquellefacettedupersonnagejevaisêtreconfrontée.

Ilarrivequelques instantsaprès, lescheveuxdégoulinantsdesueur, les jouesrougeset lesoufflecourtaprèsl’effortqu’ilvientdefournir.Jesuistentéedeluidemandercommentilsesent,commentvasatête,maisjem’abstiens.Jepréfèreluilaisserlesoindedonnerletonànotreconversation.

Il lève lesyeuxet jevois la surprisepasser sur sonvisagequand ilmevoit. Il restedebout, lesmainssurleshanches,etmeregardefixementunmoment.

–Qu’est-cequetufousencorelà,putain?Ah,tuleprendscommeça!Jepensaism’êtrecalmée,j’espéraisqu’illeseraitaussi,aprèssonjogging,maisvisiblement,nous

sommesl’uncommel’autretoujoursenfermésdansdesbarbelésdedouleur.Nousvoulonstouslesdeuxavoirraison,quelqu’ensoit leprix.Laquestionestdesavoircomment ilvaprendreceque j’aià luidire.Va-t-ilm’envoyerdesvacheriesdenouveau?Memettreenpiècesunedeuxièmefois?Oubienva-t-ilserendrecompteque,malgrélabombelâchéeparTawny,notrecoursevirtuellenes’arrêtepaslà?Quenouspouvonssupporterlesdommagescollatéraux.

–Tunedoisplusfuir,Colton.J’espère quemes paroles – lesmêmes qu’il a employées avecmoi il y a quelque temps déjà –

atteindrontleurbutetferontleureffet.Ils’arrêtenetàcôtédemonfauteuilmaisgardelatêtebaisséepouréviterdemeregarder.–Jenet’appartienspas,Rylee,putain!Tun’aspasàmedirecequejedoisounedoispasfaire,

pasplusqueTawny.Savoixn’estqu’unmurmure,maiscequ’ilmeditestcommeuncoupdepoingàl’estomac.–Cen’estpasnégociable,tutesouviens?

Le défi qui passe dansmes yeux ne reflète pas ce que je ressens. Il reste là, impatient,musclestendus,etjemesensobligéedecontinuer.Soitj’arrêtetout,toutdesuite,soitjedéclencheleconflitquicouveentrenous.

–C’estvrai.Tunem’appartienspas…etd’ailleursjenelevoudraispas.Maisquandonestavecquelqu’un,onn’apas ledroitde faire souffrir cettepersonne sousprétextequ’on souffre soi-mêmeetaprèsdes’enlaverlesmains.Ilyadesconséquences,ilya…

–Jetel’aidéjàdit,Rylee…Ilseretournepourmefaireface,lesyeuxtoujoursbaissés,maisautondesavoix–depurdégoût–

jemelèved’unbond.–…jefaisexactementcequejeveux.Tuferaisbiendet’ensouvenir.–Colton…C’esttoutcequejetrouveàdire,j’ail’impressiond’avoirétéprojetéeplusieurspasenarrièrepar

cette affirmation soudaine, par son brusque besoin de se saisir de sa vie qu’il sent partir en vrille,échappant à tout contrôle. Mais il oublie une chose. Ce n’est plus seulement sa vie. C’est aussi lamienne!Ils’agitdel’hommequej’aimeetdecequejeressens.Cettehistoirem’anéantitautantquelui,maisilesttellementabsorbéparsaréactionqu’ilnevoitplusriend’autre.Jedéglutisavecdifficultéenessayant de trouver lesmots pour le lui dire, pour luimontrer que nous sommes deux à souffrir, passeulementlui.Maisjenevaispasassezvite.Ilmecoiffeaupoteau.

–Tumedisquenoussommesensemble,Rylee…Es-tubiensûrequec’estcequetuveux,parcequemavie,c’estça.

Ilhurle,toutsoncorpsestagitédemouvementsdésordonnéscausésparsonénergienégative.–LaviecharmantedeceputaindeColtonDonavan.Pourchaquehaut, ilyauneputaindechute

libreverslebas.Pourchaquebonnechose,ilyenaunemauvaise.Ilfaitunpasversmoi,enessayantdememettreencolèreetdemepousseràbout.Jeplantemes

onglesdanslapaumedemesmainspourmereteniretlelaisservidersonsac.IlpeutaccuserlaTerreentièresiçapeutl’aideràsecalmer,àserendrecomptequecen’estpaslafindumonde,mêmesiçayressemblepourmoi.

–Tuesprêtepourcegenredetourdepistesurlecircuitdemavie?Ils’arrête,dusarcasmepleinlabouche,puiss’approcheunpeuplusdemoi.Sacolèreestpalpable,

et je mesure son niveau de désespoir à la perche qu’il me tend pour me forcer à réagir. J’avaledifficilementmasaliveetjesecouelatête.

–D’accord.J’étirelemotpourgagnerdutempsenessayantdetrouverquoidire.–Quelleestlabonneetquelleestlamauvaise,alors?–Labonne?Ilouvredegrandsyeuxtandisquelasueurdégoulinesursontorse.–Labonne,c’estquejesuisvivant,Rylee.Jesuisvivant,bordel!

Ilcrieensefrappantlapoitrinedupoing.Jereculequandsavoixrésonnedansmesoreilles.Ilseméprendsurmaréactionetrepartdeplusbelle.

–Quoi?Tucroyaisquej’allaisdiretoi?Jemedisqu’ilnefautpaspleurer,quecen’étaitpaslaréponsequej’espérais,maisquiest-ceque

jetrompe?Est-cequej’aivraimentcruqu’aumilieudecette tourmenteilseraccrocheraitàmoipourpuisersaforce?Saraison?Jepeuxtoujoursespérer,maisavecunhommeaussihabituéànecompterquesurlui-même,jenedevraispasêtresurprise.

–Tucroisqu’ilsuffitquetutepointesicietquetujouesàlamaîtressedemaison,quetut’occupesdemoi jusqu’àceque jemerétablisse,pourque tousmesproblèmes– tousmesputainsdedémons–disparaissent?JecroisqueTawnyvientjustedeprouverquec’étaitfaux,non?

Ilpousseunpetitrirecondescendantquipercedespetitstrousdanslepeudedéterminationquimereste.

–Leputaindemondeparfaitauqueltucroisn’existepas.Onnepeutpasfairedelalimonadeavecuncitronquipourritdel’intérieur.

Etjenesaispascequifaitleplusmal,lesremontéesacidesdansmonestomac,sacolèrequimevrillelestympansoulasouffrancequimeserrelecœur.L’ondedechoclaisséeparTawnysetransformeen un véritable tremblement de terre d’incrédulité et de souffrance tandis quemes pensées partent envrilleetfoncenttêtebaisséedanslemur,exactementcommeColtonl’afait.Mais,cettefois,ledommagecollatéral est trop difficile à supporter. Mon estomac se soulève encore tandis que j’essaie de meraccrocheràquelquechose,n’importequoiquipourraitmedonnerunelueurd’espoir.

J’aibesoind’air.J’étouffe.Ilfautquejem’éloignedetoutceci.Dansmonbesoindefuir, jereculedequelquespaset je trébuchecontre larampe.Je luttecontre

l’enviedevomirquinemequittepas,etjemerattrapeàlabarredeboispourretrouvermonéquilibre.–Tun’asplusledroitdefuir,Rylee,noussommesensemble.Est-cequecenesontpastespropres

règles?Savoixgoguenardeestplusprochequejem’yattendaisetquelquechosedanslafaçondontildit

ça,cetteintimitédoubléedesarcasme,mefaitdémarrer.Jefaisvolte-face.– Je ne fuis pas, Colton ! Je souffre ! Je craque, putain ! Parce que je ne sais pas quoi dire ni

commentréagiravectoi.Jesuisfuraxparcequejet’enveuxd’êtreaussiduralorsquetuasraison!Jedonnerais n’importe quoi pour avoir un bébé.N’importe quoi ! Mais je ne peux pas, et l’idée quequelqu’unpuissetedonnerlaseulefoutuechosequejenepeuxpasmetue.

Jeprendsmatêteentremesmainsetjerestecommeçaunmomentpouressayerd’arrêterdepleurer,pouressayerderassembler les idéesque jedoisexprimer.Jerelève la têteet jecroisesonregarddenouveau.

–Maistusaisquoi?Mêmesijepouvais,jenet’utiliserais,netemanipuleraisjamaispourenavoirun.JenesuispasTawny,putain,etjenesuispasnonpluslapauvrepauméequ’étaittamère.

Leslarmesruissellentsurmesjouesetbrouillentmavue.Jeledevineplantélà,devantmoisidéréparmadiatribeetladéterminationdemespropos.

Ils’apprêteàdirequelquechose,maisjel’arrêteenlevantlamain,jeveuxallerjusqu’auboutdecequej’aiàdire.

–Non,Colton,jenefuispasetjenetequittepas,maisjenesaispasquoifaire.Jen’enaipaslamoindreidée,putain!Restericiettelaissermemettreenpièces?Jemeursàl’intérieur,Colton.Tunelevoispas?

J’essuiemeslarmesetjesecouelatête,enattendantuneréactiondesapart,n’importelaquelle.–Oubienest-cequejem’envais,toutsimplement?Jenouslaissedeux,troisjourspourréglerce

quinevapas,chacundanssatête?Pourquejenet’enveuillepasd’avoirunchoixquejen’aipas.Pourquetuterendescomptequejenesuispascommelesautresfemmesquisesontserviesdetoi.

Je fais un pas vers lui. Lui, l’homme que j’aime, et je voudrais pouvoir faire quelque chose –n’importequoi–pourcalmerlatourmentequiledévaste,maisjesaisquejenepeuxpas.Jesensbienqu’ilaatteintunpointderupture,toutcommemoi.Qu’êtreconfrontéàlapossibilitéd’avoirunenfant,c’estplusquemêmelui–unhommequiasurmontétantd’épreuves–nepeutsupporter,maisjenesaisquefairepourl’aiderquandjesuismoi-mêmeenproieàlatourmente.

Le muscle de sa mâchoire se contracte et je vois qu’il fait tout pour garder le contrôle de sesémotions,desacolère,desonbesoindesedéfouler.Jevoudraispouvoirfairepluspourluiparcequesimoncœursebrise,jenepeuxpasimaginercequ’ilressent,lui.Maislaseulechosequejepeuxfaire,c’estnousdonnerdel’espace…nousdonnerlapossibilitédenouscalmer…deréfléchirpourpouvoirêtrebienensembledenouveau.

Denousretrouver.Jem’avanceversluietilfinitparleverlesyeuxpourcroiserlesmienssibienquejepeuxylirece

qu’il ressent.Et c’estpeut-être le fait quenousnous connaissonsbienmaintenant, quenous avons faittomber nos barrières mutuelles, parce qu’indépendamment des efforts qu’il fait pour cacher sessentiments,jepeuxtousleslirequandilspassentdanssesyeux.Lapeur,lacolère,laconfusion,lahonte,l’inquiétude,ledoute.Lavéritéestlà–oùj’étaissûredelatrouver–ilmepousse,memetaudéfidefuirpour luiprouverque jecorrespondsbienà l’imagequ’ilse faitde toutes lesautres femmes.Enmêmetemps,j’yvoisaussiduremords,etquelquepartjesoupireenvoyantça,etcelamedonnequelquechoseàquoimeraccrocher.

Ilfaitunpasversmoietnoussommestoutprèsl’undel’autremaisnousnenoustouchonspas.Jevoisl’émotionpassersursonvisage,sesmusclessetendrequandilessaiedecontenirtoutcequejevoisdanssesyeux.J’aipeur,sijeletouche,quenouscraquionstouslesdeuxet,pourl’instant,ilfautqu’aumoinsl’undenousrestefort.

Çanepeutêtrequemoi.–Regarde-moi,Colton.

J’attendsquesesyeuxseposentsurlesmiensdenouveau.–C’estmoi, celle qui te pilote.Celle qui se battra bec et ongles pour toi.Celle qui fera tout –

n’importe quoi – pour faire disparaître la blessure de ton regard et la souffrance de ton âme – fairedisparaîtrelesaccusationsdeTawny…maisjenepeuxpas.Jenepeuxrienfairepourtoisitucontinuesàmerepousser.

Jem’approcheencoreplusprès,j’aienviedetendrelamainpourletouchereteffacerladouleurdanssesyeux.

–Parceque,toutcequejeveux,c’estt’aider.Jepeuxtesupporterquandtujouesaucon.Jepeuxmême supporter que tu te défoules surmoi…mais cela ne va rien régler.Cela ne fera disparaître niTawny,nilebébé,nirien.

Jem’étranglesurleslarmesquimeserrentlagorge.–Jenesaisvraimentpascequejepeuxfaire.–Rylee…Ilparlepourlapremièrefoisdepuisunmoment,etledésespoirquipercedanslafaçondontildit

monnomavecunetelleangoissemefaitfrissonner.–J’ailatêteplutôtchambouléepourl’instant.Jeme force à déglutir et je hoche la tête pour qu’il sache que j’ai entendu. Il ferme les yeuxun

instantetpousseunprofondsoupir.– Écoute, je… je… j’ai besoin d’un peu de temps pour la remettre d’aplomb… alors je ne te

repoussepas…c’estjuste…Jememords la lèvre, je ne sais pas si je suis contrariéeou soulagéequ’ilmedisedepartir, et

j’acquiesced’unhochementdetête.Iltendlamainpourmetoucheretjefaisunpasenarrière,craignant,s’illefait,denepasêtrecapabledem’enaller.

–D’accord.Jet’appelledansunjouroudeux.Jenepeuxpasleregarderdenouveau,notresouffranceàtouslesdeuxesttroppalpable,bienque

pourdesraisonsdifférentes,alorsjetournelestalonsetjerentredanslamaison.–Rylee,Ilprononcemonnomencoreunefois–personneneditmonnomcommelui–etjem’arrêtenet.Je

sais qu’il ressent lamême chose quemoi – le doute, l’indécision, il veut que je reste, il veut que jeparte–alorsjemecontentedehocherlatêtesansmeretourner.

–Jesais.Jesais qu’il s’enveut –deme faire souffrir, dem’aimer et deme faire subir ça, deTawny, du

doute,demespropresinsécuritésencequiconcernecequejenepeuxluioffrir…tantdechosespourlesquelles il s’en veut… et le pire est qu’il est désolé deme laisser partirmaintenant parce qu’il netrouvepaslaforcedemedirederester.

20

–Jesuissuperfièredetoi,mongars.JeregardeZanderdanslesyeuxenretenantmeslarmes.Jetiensàcequ’ilsacheàquelpointilcomptepourmoi et l’importance que j’attache à ce qu’il vient de faire.D’avoir donné au procureur tous lesélémentsnécessairesàengagerdespoursuitescontreunhommequis’esttransforméencourantd’air.Des’êtreassisàunetableoùsiégeaientuntasd’adulteseffrayantsetleuravoirexpliqué,d’unevoixqu’ilvenait tout juste de retrouver, comment son père a assassiné samère – comment il l’a agressée par-derrière,l’apoignardéeàplusieursreprisesetaensuiteattenduqu’ellemeurependantquelui,Zander,étaitcachéderrièreledivanalorsqu’ilétaitcenséêtredanssonlit.Ça,c’estungamincourageux.Jeleserrefortdansmesbras,pluspourmoiquepourlui,enregrettantdenepaspouvoireffacercesouvenirdesamémoire.

–Oùas-tutrouvélecouragedelefaire?Jen’attendspasvraimentderéponse,aussiquandellevient,jesuisabasourdie.–Lessuper-hérosm’ontaidé.Ilhausselesépaules.Jemeforceàdéglutir.L’émotionmeserretellementlagorgequejen’arrive

pasàparler.Jeregardeaufonddesyeuxdecepetitgarçonquej’aimedetoutmoncœuretjenepeuxpasm’empêcherd’yvoirdesrefletsdel’hommequis’enestemparé.Cecœurquiseserrepoureuxdeux,etmêmesijedébordedefierté,cesentimentestmêléd’unetouchedetristesseparcequejesaisqueColtonaimeraitsavoircequeZanderaaccompliaujourd’hui.Lesbarrièresimaginairesqu’ilafranchiesetquelaplupartdesadultesn’imaginentmêmepas.

Maisjenepeuxpasleluidire.Celafaitquatrejoursquejesuispartiedechezlui.Quatrejourssansluiparler.Quatrejourspourqu’il,pourquenousréglionsnotreproblèmechacundenotrecôté.Et quatre jours d’un chaos absolu pour moi, pour plus d’une raison : le foyer, mes sentiments,

l’emballementdesmédiasausujetd’unéventuelbébé,levidesansColton.

JedisàZanderd’allerjoueraveclesautresgarçons,quejevaismettresonchienenpelucheadorédans sa chambre. Aller vivre sa vie de gamin, jouer, rire, et oublier les images qui le hantent – ensupposantquecesoitpossible.

Jem’affaireauxpréparatifsdudînertandisquelessonsfamiliersetrassurantsquiproviennentdel’extérieurm’aidentàtenirlecoup.

Colton me manque. Nous avons été ensemble tous les jours pendant plus d’un mois et je suishabituéeàsaprésence,àsonsourire,ausondesavoix.Jesuistristequ’ilnem’aitpasappeléemais,enmêmetemps,celanem’étonnepas.Àpartuntextopours’assurerquej’étaisbienrentréeetlachanson«IamHuman»,jen’aieuaucunenouvelledelui.Ilabeaucoupdechosesàrégler,beaucoupàaccepter.Et,bonDieu, oui, j’ai envie d’être à ses côtés, pour l’aider à le faire,mais ce n’est pasmoi qui ai unproblème.Purementetsimplement.

Jenecomptepluslenombredefoisoùj’aiprismontéléphonepourl’appeler–pourentendresavoix, voir comment il allait ou juste pour dire bonjour –, mais je ne peux pas. Je sais mieux quequiconquequetantqueColtonnemelaisserapasrentrerdanssoncœurbarricadé,unappeln’apporterariendebon.

Jesuisentraindeglacerlegâteauquej’aifaitplustôtdanslajournéepourrécompenserZanderdeson courage, quandmon téléphone sonne. Je jette un coupd’œil à l’écran et j’appuie sur « ignorer ».C’estunnuméro inconnu,probablementun journalisteprêt àmeverserune somme rondelettepourmaversionde l’histoiredeTawny.Elle a raconté à lapresseque,moi, lamaîtresse, j’ai brisé le couplequ’elle,lavictimeenceinte,formaitavecl’amourdesavie…Colton.

Laseuleconsolation,c’estquelespaparazzisn’ontpasencoredécouvertlefoyer.Maisjemedoutequeçanevapastarderetj’ensuisencoreàmedemander:commentréagiràcemoment-là?

Pour une raison que j’ignore, la fable que Tawny leur a servie me fait rire. Je ne crois pas le«scoop»parudansPageSixquiditqueColtonetelleontrenoué.J’étaisprésente.Jesaisàquelpointillaméprise,elleettoutcequ’ellereprésente.Cen’estpasçaquimerendtriste.

Maisilmemanque,toutbonnement.Toutchezluimemanque.Leplusdrôledel’histoirec’estque,cettefois,jenesuispasinquiètequ’ilaillevoirailleurs.Nous

avonspassécecapet,pourdireleschosescommeellessont,unefemmedeplusdanscettehistoireneferaitqueluicompliquerunpeupluslavie.Cen’estpasqu’ilailleversuneautrefemmequim’inquiète,c’estqu’ilnereviennepasversmoi.

Desbruitsdevoixmedétournentdemespenséesalorsquejesuisentraindecouperdespommesdeterrepourledîner.J’entendslavoixdeConnor.

–C’estencorececrétin.–Onpourraittoujourslefairemarcher.Là,c’estlavoixdeShane.Dequoidiableest-cequ’ilsparlent?–Hé,lesgars?Jem’essuielesmainsenmedirigeantversleliving.

–Quiestencorelà?Shanefaitunsignedetêteverslafenêtrequidonnesurlarue.–Cetype.Ilmontrequelquechosedudoigt.–Ilsecroittropincognito,danssabagnolegaréelà-bas.–Comme si onne le voyait pas.Et qu’onne savait pas qu’il estphotographe. Ton appareil est

gravevisible,mec.Aussitôt,jetirelesrideauxetjeregardedanslarue.Avantmêmed’avoirrepérélavoiture,jesais

ce que je vais voir. La berline bleu foncé est garée deuxmaisons plus loin, partiellement dissimuléederrièreuneautrevoiture.Jel’avaiscomplètementoubliée.

Aumoinscelui-làestvraimentcupideetpréfèrenepasrévélerl’endroitoùmetrouverpourpouvoirgarderl’argentpourluitoutseul.Jepeuxluiêtrereconnaissantedeça.Maiscelaveutaussidireques’ilm’a trouvée, d’autres ne vont pas tarder à le suivre pour essayer d’obtenir le scoop directement deslèvresdelabriseusedeménagequejesuiscenséeêtre.

Merde!Jesavaisquel’anonymatdufoyer,c’étaittropbeaupourdurer.–Allez,venezlesgars.C’estl’heurede…–C’esttropcool,tuvasêtrecélèbre!TandisqueConnortournelestalons,jem’apprêteàlesermonner,maisShanemegagnedevitesse,

avecuncoupd’épauleenjoué.–Maisnon,crétin!C’estColtonquiestcélèbre.T’asriencompris!–Allez,çasuffitcommeça!

***

–Mercid’êtrevenuemechercher.–Pasdeproblème.Haddieredémarrequandlefeupasseauvert.–C’étaitplutôtrigolodefairemarcherlesphotographes,mêmesijenecroispasqu’ilsm’aientcrue

quandjeleuraiditquetuétaisterréeàl’intérieur.Jepousseungrognement.J’aimisunmomentàm’habituerauxphotographesquitraînentautourdela

maisonmais,maintenant,j’aipeurquelepetitnombreauqueljemesuishabituéenesetransformeenunefoulequioccupetoutelacour.

–Jepeuxteposerunequestion?Haddiemejetteuncoupd’œiletunsourireinsouciantpasserapidementsurseslèvres.– Nan, tu ne peux pas ! On n’y pense même pas… ni à Colton… ni à moi… on ne pense à

absolumentriend’important,putain!–Ahbon?

Jelaregardeetjenepeuxpasm’empêcherdesourire,jesuiscontentequ’elleaitpuselibérerpourvenirmechercherauboulotetessayerdetenirlesvautoursàdistance.

–Ouais!Lespneuscrissentdanslevirage.–On va se trouver un coin obscur pour noyer nos chagrins, et ensuite on cherchera de la bonne

musiquepourdanserjusqu’àcequ’onaittoutoublié.Jerisavecelle,cette idéemesembledivine.Unmomentpouréchapperauxpenséesqui tournent

dansmatêteenpermanenceetaupoidsquej’aisurlecœur.–Qu’est-cetuasquinevapas?Quelchagrintuveuxnoyer?L’espaced’uninstant, jesuistristequenousayonsététropoccupéescesdernièressemainespour

quejeconnaisselaréponseàcettequestion,alorsqu’avantjen’auraisjamaiseubesoindelaposer.Ellehausselesépaulesetrestesilencieuseunmomentavantderépondre,cequineluiressemble

pas.–C’estjusteuntrucavecLexy.Jem’apprêteàluidemanderdequoielleparle,parcequ’elleetsasœursonttrèsproches,maiselle

medevance.–Cesoir,onneparlepasdecequifâche,t’aspasoublié?–Çameva!Àcemoment-là,lamusiquedéferledanslavoitureetnousnousmettonstouteslesdeuxàchanteren

mêmetemps.

***

En reposantmon verre bruyamment, jeme rends compte quemes lèvres sont un peu engourdies.Non,ellessonttrèsengourdies.Jevoisqu’Haddiefaitunpetitsourirenarquoisàl’hommeàl’autreboutdubar,puisellereportesonattentionsurmoi,etsonsourires’élargit.

–IlaunpetitquelquechosedeStone.Ellehausselesépaulesetjesuiscontentequemonverresoitvide,sinonj’auraisrecrachétoutson

contenu.Jenesaispascequimefait rire,parcequ’iln’yariendedrôle,maismoncerveaucommenceà

s’amuserà relier les souvenirs entreeux.Stoneme faitpenser àAce,AceàColton, et le seul faitdepenseràColtonmedonneenviede…lui.

–Non,non,non.Haddiecomprendàquoijepense.–Remettez-nousça,dit-elleaubarman.Nepensepasàlui.Tuaspromis,Ry.Pasdemecs.Pasde

tristesse.Lespénisperturbateursnesontpasadmis.–Tuasraison.Jerisenespérantqu’ellemecroie,mêmesijesaisquejenesuispastrèsconvaincante.

–Lespénisperturbateursnesontpasadmis.Lebarmanfaitglisserdenouveauxverresdevantnous.–Merci.JemeconcentreenagitantlaglaceavecmapaillepouréviterdepenseràColton,demedemander

cequ’ilfaitencemoment,oùilenestdesesréflexions.Etj’échouemisérablement.–JeluiairacontépourStone,l’autrejour.Çam’étonnerait qu’Haddiepuissem’entendre. Jeparle tropbas.Mais jevoisque si, quandelle

tapeduplatdelamainsurlebar.–Jesavaisquetun’yarriveraispas.Ellehurle,attirantl’attentiondesgensautourdenous.–Jesavaisquetuauraisbeauboire,onfiniraitquandmêmeparenarriverlà.–Excuse-moi,jesuisvraimentdésolée.Jereportemonattentionsurmonverre,contrariéed’avoirlaissétombermonamie.Ellemepassela

mainsurlebras.– Hé, je n’imagine même pas… je suis désolée… j’essayais simplement de lutter contre la

dominationduphallusetdelaisserunpeus’exprimerlagarcequiestennous.Jehausselessourcilsenvoyantqu’ellesouritetjemecontentedesecouerlatête.–D’accordpourlagarceennous.Jeposelatêtesursonépaule,maisjenesuispasvraimentconvaincue.–Alors,tuluiasparlé?– Je croyais qu’on ne devait pas parler de phallocrates, de mecs au pénis perturbateur, qu’ils

s’appellentColtonouStone?–Enfait…Elletraînesurlesmots.–C’estsuperdifficiledenepasparlerdutien,avecsadémarcheinsolente,sonregardirrésistibleet

cecôtétotalementsexy.Putain,laseuleraisonqu’onauraitdevirerunmeccommeluidesonlitseraitd’avoirenviedebaisersurletapis.

J’éclatederire,d’unvrairire,jusqu’àcequesoudainilsetransformeenlarmesquimemontentauxyeuxetmefonttremblerlalèvreinférieure.Jeravalemonsanglotetjemaudisaussitôtl’alcool–cenepeutêtrequedelafautedel’alcoolsijesuistristetoutàcoupetqu’ilmemanqueàlafolie.

Ressaisis-toi,Thomas!Çafaitunesemaine,putain!Hautlescœurs!Mesauto-encouragementsintérieursnemarchentpasparceque,queçafasseunjouroudixjours,ça

nechangerien.Ilmemanqueàlafolie.Jenesaispasquelestl’équivalentdusortilègedelachatte,maisonpeutdirequejesuisbienatteinte.

–Enfin,ellelâcheprise!Haddiemepasselebrasautourdesépaulesetm’attirecontreelle.–Tagueule!

Jedisçamaisjenelepensepas.Jepensequ’onestvendredisoir,quejesuisassisedansunbaravecmameilleureamieetquejedevraisêtresupercontente,maisquejen’arrêtepasdepenseràColton.Est-cequ’ilvabien?Est-cequ’iladéjàfaitletestdepaternité?Est-cequ’ilvam’appeler?Pourquoinem’a-t-ilpasappelée?Est-cequ’ilpenseàmoi,luiaussi?

–Alors,jevaismettrelespiedsdansleplatparcequenoussavonstoietmoiqu’onabeaun’êtrequetouteslesdeux,Coltonestvirtuellemententrenous.Probablementquecetteidéel’exciterait,mais…

Jefinisparrécompenserseseffortsenriant.–Ouah!Quellehorreur!–Alorspourquoitunel’appellespas?Etvlan!Laquestionàunmilliondedollars.–ToutecettehistoireavecTawnyl’adémoli.Çafaitremonterlamerdedesonpasséetmêmesije

meursd’envied’êtrelà-bas–del’appeler–,jerefused’enfairelesfrais.J’aiappeléBeckspouravoirdesesnouvelles,pourm’assurerqu’ilvabien.Ilm’aditqueçaallait,maisqueColtonesttoujoursunpeupaumé. J’aienviede luiparler,c’est sûr,mais jedois le laisser soufflerunpeu,puisquec’estcequ’ilveut.Ilm’appelleraquandilauraréglésonproblème.

–Hum,j’aidéjàentenduçaquelquepart,non?Jehausselesépaules.–C’estunefemmetrèsaviséequil’adit.–Trèsavisée,commetudis.Elleritenlevantlesyeuxaucieletelletrinqueavecsonverrecontrelemien.–Comme il se trouve que je suis cette femme, puis-jeme permettre de te donner un autre petit

conseild’amie?–UnHaddie-isme?–Oui,c’estça,unHaddie-isme.J’aimebienlemot.Ellehochelatêtepourmontrersonapprobationtoutenbuvantunegorgéeetensouriantautypeà

l’autreboutdubar.–Jet’aidéjàdemandésitupensaisqueColtonenvalaitlapeine…etmaintenantquetuleconnais

mieux, est-ce que tu penses toujours la même chose ? Est-ce que tu crois qu’un avenir avec lui estpossible?

–Jel’aime,Had.La réponse passe mes lèvres en une fraction de seconde. Aucune hésitation, aucun doute, la

convictionlaplustotale.Ellemeregardefixementuninstantetjevoisbienqu’aufondellejaugemaréponse,qu’elleessaie

d’avoirunevisiond’ensembledelasituationetquemaréactionsansrestrictionslasurprendunpeu.–Est-cequetul’aimesparcequec’esttonpremiermecdepuisMaxouparcequec’estluiquetu

choisis?Pasparcequetuveuxleréparer,noussavonstouteslesdeuxquetuaimeslesâmescabossées,maisparcequetulechoisis,lui,telqu’ilestmaintenant,etleluiqu’ilseradanscinqans?

Jene répondspas,nonpasque jeneconnaissepas la réponsemais jenepeuxpassortirunmottellementj’ailagorgeserrée.Maisellemeconnaîtsuffisammentpoursavoircequejeressensetdevinermaréponse.

–Ets’ilestbienlepèredecebébé?Jeretrouvemavoix.–Purée…tuposesvraimentlesquestionsquifâchentcesoir.Jecroyaisquejustement,nousétions

censéesnepenseràabsolumentrien.JecroyaisquetumeréservaisunHaddie-isme?Cen’estpascommesi jenem’étaispasposécesquestions,mais lesentendredesaboucherend

toutecettehistoireencoreplusréelle.Parfois,lesbagagessonttellementlourdsquel’amourlui-mêmenesuffitpasàlessurmonter.–J’yviens.Ellepoussemonverreversmoi.–Maisc’estimportantparcequec’estmameilleurepotequisouffre,alorsboisuncoupetréponds

àmaquestion.Jeboisunegorgéeetjenepeuxretenirmonsourirerésigné.–Cen’estpasqu’ilsoitlepèrequiposeproblème…c’estlaréactionqu’ilauraaucasoùquime

faitpeur.Etpourlapremièrefois,j’admetsàvoixhautecedontj’ailepluspeur.–S’ilestlepèreetqu’ilnepeutpaslegérer?Commentest-cequejepourraisaimerunhommequi

n’aimeraitpassonpropreenfant,indépendammentdequiestsamère?Signerunchèquepourl’acheteretfairecommesil’enfantn’existaitpas.Ets’ilchoisitcetteoption?Commentest-cequejepourraispasserla nuit avec un homme qui renie son propre enfant et ensuite aller travailler dans un foyer de jeunesgarçonsaquiilestarrivélamêmechose?Quelleespèced’hypocritecelaferait-ildemoi?

Etçayest.Onyest.Maplusgrandepeur,j’aimeunhommequivaabandonnersonpropreenfant.Etjevaisdevoirquitterl’hommequej’aimeparcequ’ilnepeutpasaffrontersespropresdémons,ilnepeutpasassumerlefaitqu’ilpeutêtrel’hommedontsonenfantabesoin.Fairedescompromissurleschoix,lespréférencesetlesenvies,pourvivreunerelation,c’estunechose,maisfairedescompromissurquil’onest–surleschosesancréesenvous,voscroyances,vosvaleurs–ça,cen’estpasnégociable.

Jesoupireensecouantlatête.–Quesepassera-t-ildanscecas-là,Haddie?Sic’estlechoixqu’ilfait.–Ben…Elletendlebrasetmeserrelamin.-…iln’yapasencorederéponse,alorscen’estpaslapeinedeteprendrelatêtepourl’instant.De

plus, tu dois lui accorder le bénéfice du doute… Il a eu un choc, il était contrarié, bouleversé, furaxl’autrejourquandellealancésabombe…maisc’estunmecbien.Tuvoisbiencommentilestavectesgamins.

–Jesais,maistun’étaispaslà.Tun’aspasvusaréactionquand…–Tusaiscequejedis?

Elleme coupe la parole en levant les deux shots de tequila qui étaient en souffrance sur le bardevantnous.Jelaregardesanscomprendrepourquoitoutàcoupelleveutporteruntoastaubeaumilieud’uneconversationàcœurouvert,maisjelèvemonverre.

–Jedis,neregardejamaisunhommedehautàmoinsqu’ilnesoitentretesjambes.Jem’étrangle simplement en reprenantmon souffle. Je devrais avoir l’habitude depuis le temps,

maisellemesurprendcontinuellementetjel’enaimed’autantplus.Quandj’arrêtederire,jelaregardedanslesyeux.

–Unpourlachance…–Etunpourlecourage.Nousvidonsnosverresculsec.J’apprécielabrûlure,leicietmaintenantavecmameilleureamie,etquandjeréfléchisàcequ’elle

vientdedire,jelaregardeducoindel’œil.–Àmoins qu’il soit entre tes jambes, hein ?C’est un vieil adage familial ?Qui se transmet de

générationengénération?–Ouaip.Elletordleslèvresenessayantderetenirlesourirequivavenir,j’ensuissûre.–IlnefautjamaisdérangerunhommequibrouteauY.Jerigole.–Haddie!Quandmême!–Jepeuxcontinuercommeçatoutelanuit,monchou!Ellecognesonverrecontrelemienpourtrinquerencoreunefoisetmesjouesmefontmalàforce

desourire.–J’enaiunautre:Tameilleureamieesttriste?Soûle-laetemmène-ladanser.–Ehbien…Jedescendsdemontabouretetj’attendsuneminutequelapiècearrêtedetourner.-…jepensequec’estunesuperbonneidée,bordel!Haddierèglelesconsommationsetappelleuntaxitandisquenousnousdirigeonsentitubantversla

sortie.Pendantcetemps,jedoismeconvaincredenepasluidemanderdem’emmenerchezColtontoutdesuite,parcequ’enfait,c’estColtonquejeveux–danssesmeilleurscommedanssespiresmoments,toutletemps.

–Allezviens,onestparties.Troisheuresdansunbar,c’estbeaucouptroplong.Ellepassesonbrasautourdematailleetm’aideàmarcheraussidignementquepossiblevers la

sortie.

Quandnousfranchissonslaportedubar,l’obscuritédelanuits’illumined’unbarrageélectriquedeflashesetdecris.

–Qu’est-cequeçafaitd’êtreappeléelabriseusedeménage?–Vousn’avezpasderemordsdevousêtremiseentreColtonetTawny?–VousnetrouvezpasçahypocritedepousserColtonàabandonnersonbébéalorsquec’estvotre

boulotdevousoccuperd’enfantsabandonnés?Etçacontinuecommeça.Enrafale.Jemesenspriseaupiègetandisqu’Haddieessaiedem’aiderà

traverserlamassedecaméras,demicros,deflashesetdemépris.J’aicommel’impressionquelapresseafiniparmeretrouver.

21

Colton

–Tutefousdemoi,là?Jerésisteàl’enviedecasserquelquechose.Cettepulsionquidirigechacunedemesémotions,cellequimepousseàrechercherlebruitdeladestruction.Lebruitdemaputaindeviequiexplose.

Monespritrepousselesimagesquiluireviennentdecesdeuxderniersjours.Lesprisesdesang,lesmarqueursd’ADNetlesfoutustestsdepaternité.Tawnyetsesmensonges,seslarmesdecrocodilequelesputainsdevautoursavalentcommedela

chairfraîche.LesvisitesàJacketJim1,quandçamerendtellementmaladederegardermavieàtraverslefond

d’unverrevidequejepréfèreboiredirectementàlabouteille.EtpuisilyaRylee.CetteenfoiréedeRylee.Destracesd’ellepartout.Lesdrapsquiconserventsonodeur.Unebarrettesurl’étagèredelasalle

debains.LescanettesdesonDietCokechérirangéesméticuleusementdanslefrigo.SonKindlesurlatabledenuit.Sescheveuxsurmont-shirt.Despreuvesquelaperfectionexiste.Despreuvesquequelquechose d’aussi bien – d’aussi pur – peut effectivement arriver à quelqu’un commemoi –moi qui suismarquéetfracasséavecungrandF.

Jelaveux,j’aibesoind’elleetjedétesteça,jedétesteavoirtellementbesoind’elle,alorsquejenepeuxpasfaireça.Jenepeuxpasl’entraînerdanscetteputaindetempêtedemerdequim’entoure.Jeneveuxpasqu’ellesoitconfrontéeàcemoifracassé,quemêmemoijedéteste,tantquejen’arrivepasàm’ensortir.Tantquejenecontrôlepaslesémotionsquidirigentmesactions.

Tantquejen’aipaslerésultatnégatifdelarechercheADN.Mamèreavaitraison,putain!Elleavaitraisonetellenem’aconnuquependanthuitanssurles

trente-deuxdemavie…Siça,çaneprouvepasquelquechose,alorsjenevoispascequilepourrait.On

nepeutpasm’aimer.Siquelqu’unm’aime–sijelaissequelqu’uns’approcherassezprès–mesdémonspersonnelsvonts’attaqueràcettepersonneaussi.Sefrayeruncheminàtraversmesfaillesettrouverlemoyendeladémolirelleaussi.

–Colton,tueslà?Jem’extrais demes pensées – toujours lesmêmes qui courent dansma tête depuis une semaine

commeunhamsterdanssaroue.–Ouais,jesuislà,Chase.Jepousselestorchonsquisontdevantmoi,maisjepourraisaussibienlesmettreàlapoubelleou

foutreuneallumettededans,parcequelesimagesdeRyleesortantdecebarsonttoujoursmarquéesauferrougesurmoncerveau.Lasurprisedanssesyeux,leslèvresentrouvertesetl’aird’êtrecomplètementdépasséeparlemaelströmquiluitombedessusquandellesort.

Etcelametue,bordel!Celamedéchiredesavoirquemesconneries–leseulfaitd’êtreavecmoi–sontàl’originedecetteexpressionsursonvisage.Lapeurdanssesyeux.Toutcequejevoudrais,c’estêtrelapersonnequil’accompagne,cellequipassesonbrasautourd’elle,maiscen’estpasmoi.Cen’estpaspossibleparcequejen’aipaslesmoyens–lesmotsoulesactes–defairequecesoitmieux.Defairedisparaîtrecettepeur.Delaprotéger.

–Toutça,c’estdesconneriesettulesais.J’entends mon attachée de presse soupirer au bout du fil. Elle sait que je suis furax, que, quoi

qu’elledise,jeneseraipascontenttantqu’ellenemedirapasdetrouvercesenfoirésquiharcèlentRy,etdelaisserlibrecoursàmonenviededestruction.

–Colton,aveclesaccusationsdeTawny,ilvautmieuxquetunefassesrien.Situréagis,tonimagepublique…

–J’enairienàfoutredemonimagepublique!–Ohjelesais,tupeuxmecroire.Maissituréagis,lapresses’enempareraetalorsilsnevontplus

telâcherjusqu’àcequetufassesuneconnerieouquetupèteslesplombs?Celaveutdireaussiqu’ilsnevontpluslâcherRylee…

Putaindemerde,ellearaison.Maisbordel,qu’est-cequejenedonneraispaspoursortirdevantlagrilleetleurdirecequej’aisurlecœur.

–Undecesjours,Chase.–Jesais,jesais.Jelancemontéléphonesurlecanapéenfacedemoietjemefrottelevisage,avantdemelaisser

retombersurlecanapéetdefermerlesyeux.Qu’estcequejevaisfaire,putain?Etdepuisquandest-cequej’enaiquelquechoseàfoutre?

Qu’est-ce qui m’est arrivé, putain ? Avant, j’en avais rien à foutre de rien ni de personne, etmaintenantRyleememanqueetj’aienviedevoirsesgamins.Lesattachesettoutça.Putain!

Une voix qui remercie Grace, ma gouvernante, me ramène au présent en faisant disparaître cesputainsdelicornesetd’arcs-en-cielquin’ontrienàfairedansmespensées.Desconneriesgénéralement

associéesauxgonzessesetauxconnardsqu’ellesmanipulent.Desconneriesquin’ontpasleurplacedansmatêteaveclepoisonquil’occupedéjà.

J’attendsuneminute.Jesaisqu’ilestlà,entraindem’observer,àessayerdecomprendremonétatd’espritdumoment, sans riendire. J’entrouvreunœilet je levoisappuyécontre lechambranlede laporte,lesbrascroiséssurlapoitrine,leregardinquiet.

–Tuvasresterplantélààmeregarderoutuvastedécideràentrerpourmediremesquatrevéritésenface?

Ilcontinueàmeregarderunpetitmomentencoreet jemesens trèsmal.Jedéteste l’idéeque,enplusdetouslesgenssuruneputaindelongueliste,jeledéçois,luiaussi.

–Jenetejugepas,fiston.Ilentredanslapièceets’assiedsurlecanapéenfacedemoi.Jenepeuxmerésoudreàleregarderdanslesyeux,maisjedoisunefièrechandelleàcettefichue

Grace,parcequesansellecetendroitseraitundésastre,etilsauraitexactementàquelpointtoutecettehistoireavecTawnym’adémoli.Jeprendsuneprofondeinspiration,j’aimeraisboireunebière,làtoutdesuite.Autantdonnerlecoupd’envoidelafête,tantqu’àfaire,non?

–Vas-y,accouche,Papa.Jemedoutebienquetun’espaslàuniquementpourmedirebonjour.Ilrestesilencieuxunmomentetjenesupportepasça,bordel!Jefinisparleregarder.Ilmeregarde

droitdanslesyeux,sonregardgrisperdudanssespensées,leslèvresquisetordentquandilcherchesesmots.

–Ehbien,jepeuxdiresansmentirquejesuiseffectivementpassévoircommenttusupportaistoutça,maisvutonhumeurdechien,jepensequ’ilestinutilequejeposelaquestion.

Ils’enfoncedanssonsiègeetposelespiedssurlatablebasseenmeregardantfixement.Merde,ilsemetàl’aise.–Alors,turacontes,fiston,oubienonpasselanuitàseregarderdansleblancdesyeux?Moi,j’ai

toutmontemps.Ilregardesamontrepuisrelèvelesyeuxversmoi.Putain!Jen’aipaslamoindreenviedeparlerdecemerdier.Jen’aipasenviedeparlerdebébéset

de femmes qui cherchent de l’or, ni de petits garçons quimemanquent et d’une femme à laquelle jen’arrêtepasdepenser.

–Putain,j’ensaisrien.–Tuvasdevoirêtreplusexplicite,Colton.–Qu’est-cequetuveuxquejetedise?Quej’aimerdé?C’estçaquetuveuxentendre?Je leprovoquepour lefaireréagir.Etçafaitdubiendesedéfoulersurquelqu’unpourunefois.

Depuisunesemaine, tout lemondemarchesurdesœufsautourdemoietprenddesgantsavecmoidepeurque jepèteuncâble,alorsçafaitdubien,mêmesi jesaisqu’après jevaism’envouloird’avoirchoisimonpèrepourcible.

–Tuveuxquejetedisequej’aibaiséavecTawnyetquejen’aiquecequejemériteparcequejel’ailarguéecommeunemerdeetquemaintenantellemetombedessusenmedisantqu’elleestenceinte?

Que jeneveuxpasdemôme–que jen’auraipasdemôme–ni avec elleni avecpersonne. Jamais.Parcequejerefusedelaisserquelqu’unseservird’unenfantcommed’unpionpourobtenircequ’onveutdemoi. Parce que tume vois devenir père alors que je suis toujours aussi paumé que quand tum’astrouvé,bordel?

Jemelèvebrusquementetjememetsàarpenterlapiècedelongenlarge.Jeluienveuxdenepasmordreàl’hameçon–denepasréagirensebagarrantcommejel’espérais–aucontraireilresteassislàaveccetairdetoutcomprendreetdetoutaccepter.Unpacificateur.Jevoudraisqu’ilmedisequ’ilmedéteste,quejel’aidéçu,quejeméritecequim’arrivemaintenantparcequec’esttellementplusfacilepourmoi,putain,demeraccrocheràçaetd’ycroireplutôtquel’inverse.

–EtRylee,qu’est-cequ’ellepensedetoutça?Jem’arrêtenetetjemetourneverslui.Quoi?Jenem’attendaispasdutoutàçavenantdelui.–Qu’est-cequetuveuxdire?–Jet’aidemandécequeRyleepensedetoutça.Ilsepencheenavant,lescoudessurlesgenoux,leregardscrutateursousdessourcilslevés.–Qu’est-cequej’ensais,putain?Jegrogneetmonpèresecouelatête.BonDieu,j’aihorreurdedevoirm’expliquer.Maisc’estmon

père.Monsuper-hérosintégral,commentfaireautrement?–ElleétaitlàquandTawnyabalancésabombe.Ons’estengueulésparceque,enbonimbécilesans

considérationquejesuis,jemesuisdéfoulésurelle.Melamentantsurmonsortàproposd’unbébéquejeneveuxpasalorsqu’elle,ellenepeutpasenavoir.

Jelèvelesyeuxauciel.–Ons’estmisd’accordpourfaireunbreak,histoirederetrouvernosesprits.Letempsquejerègle

monproblème.–Etvousnevousêtespasparlédepuis?–Qu’est-cequetumefais,là,Papa?«Questionspourunchampion»?Est-cequej’ail’aird’avoir

réglémonproblème?Jepousseunpetitrirededérision.Unpasenavant,vingtpasenarrière,putain!–Est-cequeTawnyesttoujoursenceinte?Est-cequej’aireçulesrésultats?Ouietunénormenon,

bordel…Alors,non, jene l’aipas rappelée.Tupeuxajouter ça à la listedes chosesque tupeuxmereprocher.

Ilmeregardefixement.–C’estcequejefais?Jetefaisdesreproches?Moi,j’aiplutôtl’impressionquetun’asbesoinde

personnepourça,fiston.Alors,laisse-moiteposerlaquestionquetuneteposespas:Pourquoitunetepoussespasauculpourl’appeler?

Jepousseunprofondsoupir.Putaindemâledominant.–Jeneveuxpasparlerdeçamaintenant,Papa.Va-t’en, s’il te plaît. Laisse-moi descendre une autre bouteille de Jack pendant que la pendule

tourneetquelesmédecinsprennentleurtempspourdécidersij’aivraimentbousillélavied’unenfantà

naître.Parcequesicegosseestdemoi,putain,ilpartdanslavieavecuneâmedéjàsouilléeetça,c’estquelquechosequejenepeuxpasavoirsurlaconscience.

–Ehbien,moi jeveuxenparler, alors tupeuxassisterà tapropre séanced’apitoiement sur toi-même,Colton,parcequejenepartiraipastantquenousn’auronspasfinideparler.Tum’entends?

Jerestebouchebéeetjemeretrouvequinzeansenarrièrequandj’aipasséunenuitaupostepouravoir fait une course de dragsters. Au moment où il est venu me chercher, il m’a passé un savonmémorableetm’aditcommentleschosesallaientsepasseràpartirdemaintenant.Putain!J’aidupoilaumenton,desmaisonsettoutça,maisilarriveàmedonnerl’impressionquejesuistoujoursunado.

Lacolèremonteenmoi.Cen’estpasd’unputaindepsydontj’aibesoin,pourl’instant.C’estd’unrésultatnégatifàuneanalysedesang.EtdeRyleedansmesbrasquipousseundouxsoupiraumomentoùjelapénètre.Leplaisirultimepourenterrertoutescesconneries.

–Alors,tuvasvraimentlalaisserpartirsansmêmetebattre?LalaissersortirdetavieàcausedeTawny?

–Ellenevapasmequitter.Jecrie,leseulfaitqu’ilpensequ’ellepourraitfaireçaestinsupportable.Est-cequ’elleleferait?Ilhausseunseulsourcil.–Précisément.Alors,arrêtedelatraitercommesielleenavaitl’intention.Cen’estpastamère.J’aienviedehurlerquejesaisbienqu’ellenel’estpas,bordel!Denepaslamettredanslamême

phrasequemamère,maisaulieudeça,jejoueaveclacoutureducanapéencherchantlesmotsquejecroisqu’ilveutentendre.Ceuxdontj’essaiedemeconvaincrequ’ilssontlavérité.

–Elleneméritepasça…lemerdierquifaitpartiedemoi.Monpassé…etmaintenantmonavenirpossible.

Ilfaitunpetitbruitdegorgequejedétesteparcequejenesaispascequ’ilsignifie.–Tunecroispasquec’estàellededécider,Colton?Jeveuxdire, tuprendsdesdécisionsàsa

place…ellen’apassonmotàdire?J’aienviedecrier:Tais-toi.Nemerappellepascequ’ellemérite,jelesaisdéjà.Jelesaisdéjà,

bordel !Et je le sais parceque je ne peux pas lui donner ce qu’ellemérite. Je croyais pouvoir… jecroyaisenêtrecapable,etmaintenant,aveccettehistoire,jesaisquenon.Celavientconfirmertoutesleschosesqu’ellemedisait…touteslessaloperiesdontjenepourraijamaispurgermonâme.

–Tudisqu’ellenetequitterapasquandleschosesdeviendrontdifficiles,fiston,maistesactionssontencomplètecontradictionavecça.Maistunel’aspasvuelutterpourtoichaquejourquetuaspassédanscelitd’hôpital.Touslesjours,bonsang.Ellenet’apasquittéuneseconde.Alors,celameconduitàpenserquecepetitdilemmequetuasn’arienàvoiravecelle.

Quandj’entendsça,toutenmoiserévolte.Ditsparn’importequid’autre,cesmotsmemettraientenrage,maisparrespectpourluijemeretiensdehurler,parcequecesmotsappuientlàoùçafaitmal.

–Celaaàvoiravectoi.Lacalmedéterminationdanssavoixtraverselapièceetm’atteintcommeunegifle.Pourmepousser

àmordreàl’appâtetàneplusmeretenir.

EtjeneveuxpasplusfaireçaquejeneveuxpasserunenuitdeplussansRyleedansmonlit.Àyregarderdetropprès,onfaitapparaîtrelesfantômesquiremontentàlasurface,etjen’aiplusdeplacepourlesfantômesparcequemonplacardetdéjàpleindeputainsdecadavres.

Mais l’allumette est enflammée, l’essence est répandue. Le feu intérieur embrasé et toute lafrustration,ledouteetlasolitudedelasemainepasséeatteignentunpointcritique,ilexploseenmoi.Jevaisfinirparcreuserunetranchéedansceputaindesolàforced’alleretvenirtandisquej’essaiedelecombattre,delecontenir,enpureperte.

–Regarde-moi,Papa!Jecriesifortqu’ilseredressesurlecanapé.J’écartelesmainsetjemedétesteparcequemavoix

sebrise,jemedétestepourcetétalagedefaiblesseimprévu.–Regardecequ’ellem’afait!Et jen’aipasbesoind’expliquerdequi jeparleparceque leméprisquipercedansmavoixest

suffisammentexplicite.Jerestecommeça,lesbrasécartés,aveclesangquibatàmestempes,lacolèrequiboutenmoi,et

luiresteassis,calmecommecen’estpaspossibleetilmesourit–ilmesourit,putain!–Jenefaisqueça,mongarçon.Jeteregardetouslesjoursenmedisantquetuesunepersonne

formidable.Sesparolesdégonflentmacolèreinstantanément.Jeluihurledessusetilréagitcommeça?Àquoi

il joue?Àembrouillerencoreplus la têtedeColton?Putain, j’aientendusesparoles,mais jene leslaissepaspénétrer.Ellessontfausses.Ellesnepeuventpasêtrevraies.Formidableetfracassénevontpasensemble.

Onnepeutpasemployerlemotformidablepourdécrirequelqu’unquiditqu’ill’aimeàl’hommequiabusedelui,quecesmotssoientprononcéssouslacontrainteoupas.

–Cen’estpaspossible,putain.Jemarmonnedans le silencede lapièce tandisquedessouvenirs immondesviennent raviverma

colère,isolermonâme.Jenepeuxmêmepasleregarderdanslesyeuxparcequ’ilpourraitvoiràquelpointjesuisréellementfracassé.

–Cen’estpaspossible.C’estparcequetuesmonpère,tuesobligédedireça.–Non, cen’estpaspour ça.Deplus, techniquement jene suispas tonpère,donc jene suispas

obligédedirequoiquecesoit.Alorslà,çam’arrêtenet…etmeramèneàl’époqueoù,petitgarçonterrorisé,j’avaispeurqu’ilme

renvoie.C’estlapremièrefoisqu’ilmeditça,etmaintenantletourqueprendcetteconversationmefaitflipper,putain.Ilselèveetavanceversmoi,lesyeuxaccrochésauxmiens.

–Tutetrompes.Jen’étaispasobligédem’arrêterpourm’asseoiravectoisurleseuildelaporte.Jen’étaispasobligédet’emmeneràl’hôpital,det’adopter,det’aimer…

Il continue en alimentant les pires angoisses d’enfant que j’ai jamais eues. Je déglutis avecdifficulté. Jem’oblige à garder les yeux dans les siens parce que tout à coup j’ai une trouille bleued’entendrecequ’ilaàdire.Lesvéritésqu’ilvaadmettre.

-…maistusaisquoi,Colton?Mêmequandtuavaishuitans,terroriséetmortdefaim,j’aisu–j’aisutoutdesuitequellepersonnefantastiquetuétais,quetuétaiscetêtrehumainincroyableauqueljenepouvaispasrésister.Restelà!

Savoixtonitruantemefileunchoc.Decalmeetrassurante,elledevientfurieuseenuninstant.Jemefigeimmédiatement.Mondésird’échapperàcetteconversation,quiremuetantdemerdeetde

révolteenmoi,mepousseàcontinueràmarchertoutdroitetàpasserlaportepourallersurlaplageencontrebas.Maisjenelefaispas.Jenepeuxpas.J’aifuichaquefoisqu’ilsepassaitquelquechosedansmavie,maisjenepeuxpasfuir laseulepersonnequinem’apaslaissétomber.Jebaissela têteet jeserrelespoingsenattendantcequ’ilvadire.

–Celafaitaumoinsvingtansquej’attendsd’avoircetteconversationavectoi,Colton.Savoixestpluscalme,maintenant.Plusposée.Etcelamefaitencoreplusflipperquequandilcrie.–Jesaisquetuasenviedefuir,depassercetteputaindeporteetdet’échappersurtaplagechérie,

maistuneleferaspas.Jenevaispastelaisserprendrelatangente,commeundégonflé.–Dégonflé?Jeme retourneengueulantpour l’affronteravecdesannéesde rageaccumulée.Desannéesàme

demandercequ’ilpensevraimentdemoi,etquiarriventàleurpointculminant.–Tuappellescequej’aisubiunesortiededégonflé?Celaramèneunsourireironiquesursonvisageetmêmesijesaisqu’ilveutjustemefaireréagir,et

qu’ilmeprovoquepourquejesaisisselaperchequ’ilmetendetquejedéballetout,jelasaisisquandmême.

–Commentoses-tutetenirlàcommeçaetteconduirecommesi,mêmesitum’asrecueillicheztoi,çaavaitétéfacilepourmoi.Commesilavieétaitfacilepourmoi!

Moncorpsvibredelacolèrequis’emparedemoietdemarancœurquiexplose.–Commentpeux-tumedirequejesuiscettepersonneformidablequandpendantvingt-quatreanstu

m’asditunmilliondefoisaumoinsquetum’aimais–TUM’AIMAIS–etquepasunefoisjetel’aidit,moi.Pasuneseulefois,putain!Ettuveuxmefairecroirequeçatevacommeça?Commentest-cequejepeuxnepaspenserquejesuistaréquandtum’astoutdonnéetquejenet’aiabsolumentriendonnéenéchange,putain?Jenepeuxmêmepastedonnertroisfoutusmots!

Quandcesderniersmotssortentdemeslèvres,jereprendsmesespritsetjemerendscomptequejesuisàquelquescentimètresdemonpère,lecorpstremblantdecettecolèrequim’adévorétoutemavieparcequedeminusculesparticulessautentdemonputaindecœurendurci.

Jereculed’unpas,maisenunéclairilrevientsurmoi.–Rien?Rien,Colton?Savoixrésonnedanslapièce.–Tum’as tout donné, fils.L’espoir et la fierté et leputaind’imprévu.Tum’asapprisquec’est

normald’avoirpeur.Quequelquefoisilfautlaisserceuxqu’onaimepoursuivredeschimèresparcequec’estleseulmoyenqu’ilsontdesedébarrasserdeleurscauchemars.C’esttoi,Colton,quim’asappriscequec’estqu’êtreunhomme…parcequec’estfacilecommetoutd’êtreunhommequandlemondevous

estoffertsurunplateaud’argent,maisquandonvoustendlesandwichdemerdequ’ont’aservi,etquetutetransformesenl’hommequiestdevantmoi?Alorsça,fils,c’estça,êtreunhomme.

Non,non,non,j’aienviedecrierpouressayerdenoyerlesmotsquejenepeuxpascroire.J’essaiedeme couvrir les oreilles commeunpetit gaminparceque c’est trop.Tout ça – lesmots, la peur, leputain d’espoir que je pourrais être seulement un peu cabossé et pas complètement foutu – c’est trop.Mais ilneveutpas l’admettre, et celamedemandeuneffortdecontrôleconsidérablepournepas luifoutremonpoingdanslafigurequandilenlèvelesmainsdemesoreilles.

–Non,non.Ilgrogneparcequecelaluidemandeuneffort.–Jenepartiraipasavantdet’avoirditcequejesuisvenutedire–cequej’aiététroplâchepourte

diredepuisbeaucouptroplongtemps–etque,maintenant,jemerendscompteàquelpointj’avaistortentantquepèredenepast’obligeràécouterplustôt.Plustum’enempêches,plusçavaprendredetemps,alorsjetesuggèredemelaisserallerjusqu’aubout,fils,parcequecommejetel’aidittoutàl’heure,j’aitoutmontemps,putain.

Jemecontentedeleregarderfixement,partagéentredeuxcorpsquisecombattent:unpetitgarçonrecherchantdésespérémentl’approbationetunadulteincapabled’ycroireunefoisqu’onlaluidonne.

–Maiscen’estpasposs…–Pasdemais,fils.Aucun.Ilmeretournepournepasmetoucherpar-derrière,sachantquejenepeuxtoujourspaslesupporter

aprèstoutescesannées,afindemeregarderdanslesyeux…pourquejenepuissepasmecacherdelasincéritéabsoluequejevoisdanslessiens.

–Pasuneseule foisdepuisque je t’ai rencontré, jen’ai regrettéde t’avoirchoisi. Jamais,mêmequandtut’esrebelléouquetut’opposaisàmoi,ouquetufaisaisdescoursesdedragsterdanslesrues,ouquetuvolaisdelamonnaiesurlecomptoir…

Jesursauteenentendantça–leputaindepetitgarçonenmoidévastédes’êtrefaitprendre–mêmes’iln’estpasencolère.

–…tut’imaginaisquejenesavaispaspourlepotdepiècesdemonnaieetlaboîtedenourriturequetucachaissoustonlit…laréservequetugardaisaucasoùnousnevoudrionsplusdetoietquenouste jetterions à la rue ?Tu n’as pas remarqué toute lamonnaie que j’ai soudain laissée traîner un peupartout?Jelalaissaisexprèsparcequejen’aijamaiseulemoindreregret.Mêmequandtupoussaisleslimitesàl’extrêmeetquetuenfreignaistouteslesrèglespossibles,parcequel’adrénalinedecesdéfisétaittellementplusfacileàressentirquelessaloperiesqu’ellelesalaisséstefaire.

J’enailesoufflecoupé.Toutmonmondesemetàtourneretunemontéed’acidejaillitcommedelalavedansmonestomac.Laréalitépartenvrilleàl’idéequemaplusgrandefrayeurs’estréalisée… ilsait.Leshorreurs,mafaiblesse,leschosesimmondes,l’amourproclamé,lessouilluressurmonesprit.

Jenepeuxmerésoudreàleregarderdanslesyeux,jenepeuxrepousserlahonteassezloinpourparler. Je sens sa main sur mon épaule tandis que j’essaie de recommencer à me concentrer sur lebrouillarddemonpasséetd’échapperauxsouvenirsgravésdansmonesprit–tatouéssurmoncorps–,

maisjen’yarrivepas.Ryleem’aapprisàressentir–afaittombercettefoutuebarrière–etmaintenantjenepeuxplusfaireautrement.

–Etpendantquenouséclaircissonsleschoses…Savoixaprisuntonbeaucoupplusdoux,ilserremonépaule.–Jesais,Colton.Jesuistonpère,jesais.Leputaindesolcèdesousmespieds,etjetentededégagermonépauledesapoignemaisilm’en

empêche,ilnemelaissepasluitournerledospourcacherleslarmesquimebrûlentlesyeuxcommedespicsàglace.Deslarmesquirenforcentlefaitquejesuisunemauviettequin’arienréglédutout.

Etalorsquejevoudraisqu’illaferme…qu’ilmelaissetranquille,putain…ilcontinue.–Tun’aspasbesoindemeledire.Tun’aspasbesoindefranchircetteligneimaginairedanstatête

quitefaitcraindrequesitul’admets,toutlemondevatequitter,quecelaprouveraquetun’espasunhommeetferadetoilepionqu’ellevoulaitquetusois…

Ilmarque une pause, et je dois prendre surmoi pour tenter d’affronter son regard. Et j’y arrivependantunefractiondesecondeavantquelaportedelaterrasse,lesablesousmespiedsetlabrûluredel’oxygènedansmespoumonsquandmespiedsfoulentlaplagenem’appellentcommel’héroïneappelleun toxico. Échappe-toi. Cours. Fuis. Mais je suis figé sur place, les secrets et les mensongestourbillonnentetentrentencollisionaveclavérité.Unevéritéqu’ilconnaîtmaisquejenepeuxtoujourspasmerésoudreànommeraprèsvingt-quatreansd’unsilenceabsolu.

–Alors,neparlepas toutdesuite.Contente-toid’écouter.Jesaisqu’elle les laissait te fairedeschosesimmondesetrépugnantesetquimerendentmalade.

Monestomacsesoulève,marespirationtrembleenentendantçadittouthaut.–…deschosesquepersonnenedevraitjamaisavoiràsubir…maistusaisquoi,Colton?Cen’est

paspourçaquec’estdetafaute.Celaneveutpasdirequetuleméritaisniquetulesaslaissésfaire.Jeme laisseglisser contre lemurderrièremoi jusqu’à ceque je sois assis sur le sol commeun

putaindepetitgarçon…maissesmots,lesmotsdemonpère…m’ontramenélà-bas.M’ontfaitpeur.M’ontchangé.M’ontembrouillélatêteàtelpointquelessouvenirssemettentàpousseràtraverslestrousdever

dansmoncœuretmonâmesouillés.J’aibesoind’êtreseul.J’aibesoindeJacketJim.J’aibesoindeRylee.J’aibesoind’oublier.Denouveau.–Papa?Mavoixestchevrotante.Lavoixd’unepetiteputequidemandelapermission,etest-cequecen’est

pascequejesuis,làtoutdesuite,putain?Surlesol,encoreunefois,surlepointdedégueuler,lecorpstremblant,lecœurbattantàserompretandisquemonestomacserévulse?

Ilestassisparterre,àcôtédemoicommequandj’étaispetit,lamainposéesurmongenou,etsapatiencemecalmeunpeu.

–Ouais,fiston?Savoixestsidouce,sihésitante,quejevoisqu’ilapeurd’yêtrealléunpeufort.Dem’avoirbrisé

unpeuplusalorsquej’aidéjàétéfoutrementmisenpiècesetrecolléavecdel’adhésifdepuisbientroplongtemps

–J’aibesoin–j’aibesoind’êtreseul,maintenant.Je l’entends prendre une inspiration, je sens son acceptation résignée et son amour infini.Et j’ai

besoinqu’ilparte.Maintenant.Avantquejecraque.–D’accord.Maistuastort.Tun’aspeut-êtrejamaisprononcélesmotsàvoixhaute–tunem’as

peut-êtrejamaisditquetum’aimais–maisjel’aitoujourssu.C’estdanstesyeux,danstonsourirequis’éclairequandtumevois,danslefaitquetupartageaistesSnickerschérisavecmoisansdemander.

Ilrigoleenyrepensant.–À la façondont tume laissais te tenir lamainet t’aiderà invoquer tessuper-hérosdans ton lit

pourt’endormir.Alorsdesmots,non,Colton…maistumeledisaistouslesjoursd’unefaçonoud’uneautre.

Ilgardelesilenceunmomentpendantqu’unepartiedemoifinitparadmettrelefaitqu’ilsait.Quetoutel’inquiétude,quej’airessentiependanttoutescesannées,qu’ilnesachepascequej’éprouvaispourluin’avaitpasd’importance.Ilsavait.

–Jesaisquetaplusgrandepeurestd’avoirunenfant…L’euphoriequimegagnaitestétoufféeparlapeurenentendantcesmots.C’estvraimenttrop–trop,

tropvitequandpendantsilongtempsj’aiétécapabledemeboucherlesyeux.–S’ilteplaît,non.Jeserrelespaupières.–D’accord…jet’aibalancébeaucoupdetrucs,maisilétaittempsquetulesentendes.Etjesuis

désolé,jet’aiprobablementembrouillélatêteplusquetun’auraisvoulu,mais,fiston,iln’yaquetoiquipuissesréglerçamaintenant–tupeuxlefairemaintenantquetouteslescartessontsurlatable.Maisilfautquejetedise,tun’espastamère.L’ADNnefaitpasdetoiunmonstrecommeelle…etsijamaistudevaisavoirunenfant,sachequetesdémonsneserontpastransmisàcettenouvellevie.

Je serre les poings et les dents sur ces derniersmots, desmots qui alimententmes plus grandespeurs – et l’envie de casser quelque chose me revient. L’envie de noyer la souffrance dans unevengeance.Jesaisqu’ilm’apousséjusqu’aupointderupture.Jeperçoissonsoupirmuetàtraversleshurlementsdetouteslesfibresdemonêtre.

Ilselèvelentementetjem’enjoinsdeleregarder.Deluimontrerquejel’aientendumaisquejen’aipaslaforcedelefaire.Ilposelamainsurmatêtecommesij’étaisredevenuenfantet,d’unevoixhésitante,ilmurmure:

–Jet’aime,Colton.

Cesmotsrésonnentdansmoncœur,maisjeneréussispasàlesfairepasseroutrelapeurquimeserrelagorge.Dépasserlessouvenirsdel’incantationquejepsalmodiaisetquiprécédaitlabrutalitéetla douleur indicible. J’ai beau vouloir le lui dire – ressentir le besoin de le lui dire – je n’y arrivetoujourspas.

Tuvois,cequejetedisais.Celamontrebienàquelpointjesuisbousillé.Ilvientdesemettreànupourmoietjenepeuxmêmepasluidonnerlemoindreretourparcequ’ellem’avolécettecapacité.Etilcroitquejepourraisêtrepère?Àcaused’elle,j’ailecœurnoiretjesuispourridel’intérieur.Iln’estpas question que je prenne le risque de transmettre ça à quelqu’un d’autre, si par le plus grand deshasardsilarrivaitquejeledevienne.

J’entendslaporteserefermeret jerestepar terresansbouger.Lalumièreextérieurefaiblit.Jackm’appelle,metente,mesuggèredemenoyerdanssonréconfort,pasbesoindeprendreunverre.

Laconfusionmesubmerge.Metireendessous.J’aibesoindem’éclaircirlesidées,putain!Jedoisréglermonproblème.C’estseulementàcemoment-làquejepourraiappelerRy.EtDieusaitquej’aienviedel’appeler.

Mesdoigtss’attardentau-dessusdecettefoutuetouched’appel.Pendantaumoinsuneheure.Appel.Find’appel.Appel.Find’appel.Putain!Jefermelesyeuxenserrantlespaupières,latêtedanslebrouillardaprèstoutcequej’aibu.Etje

memetsàrireenvoyantàquoij’ensuisréduit.Lesoletmoisommesentraindedevenirlesmeilleursamisdumonde.

Putaindemâledominant.Riendeplusfacilequederemonterquandtutoucheslefond,putain.Ilesttempsdeprendrecefoutu

ascenseur.Jememetsàrire.Jesaisqu’iln’yaqu’unmoyendem’éclaircirlesidées–leseulmoyenquej’aideplaner,àpartRylee–celuiquimaintiendramesdémonsàdistanceunpetitmoment.J’aivraimentbesoin deRylee pour l’instant,mais il y a une chose que je dois faire d’abord si je veux réglermonproblème.Mafoutuemaindroitetremblequandjem’apprêteàappuyersurlatouche«Appel»,etquandjelefais,jesuismortdetrouille,maislemomentestvenu.

Réglermonproblème.EnsuiteRylee.Unechoseaprèsl’autre,bordel.–Hé,Ducon.Jepensaisque tun’avaisplusmonnumérode téléphone,depuis le tempsque tune

m’aspasappelé,bordel!Toujourségalàlui-même.BonDieu,j’aimecemec.–Jeveuxreprendrelacourse,Becks.

Sonrires’éteintinstantanément,lesilencequisuitmeconfirmequ’ilm’abienentendu,entenducequ’ilvoulaitentendredepuisquej’aieulefeuvertdestoubibs.

–Qu’est-cequit’arrive,Wood?T’essûr?Qu’est-cequ’ilsonttousàmeremettreenquestioncesoir?–J’aiditquejevoulaisreprendrelacourse,putain!–Ok.Qu’est-cequet’asdanslatête?–Tutefousdemoi,putain?D’abord,tumepoussesàreprendreetmaintenanttumetsendoutele

faitquejeveuillelefaire.Tuteprendspourmanourriceouquoi,bordel?Ilrigole.– Eh bien, j’aime assez qu’on joue avecmes tétons,mais à vrai dire,Wood, venant de toi, j’ai

commel’impressionqueçameferaitplutôtdébander.Jenepeuxpasm’empêcherderire.CefoutuBeckett.Aveclui,onesttoujourssûrdesepayerune

bonnetranchederigolade.–Arrêtededéconner,tupeuxm’arrangerçaoupas?–Est-cequetupeuxparlerplusdistinctementetoublierJack,parcequeça,c’estvraimentunsigne

quet’esdanslesvapes…alorsjerépètemaquestion:T’asquoientête?–Unfoutumerdier!Sijenevoulaispasqu’ilentendequejesuisbourré,c’estraté.–Putain,Becks!C’estpourçaquejedoisretournersurlecircuit.J’aibesoindemesortirçade

latêtesijeveuxm’ensortir.Le silence s’installe sur la ligne et je me mords la langue, je sais que si j’insiste, il va me

raccrocheraunez,cecon.–Cen’estpaslecircuitquivat’aideràremettredel’ordredanslemerdierquetuasdanslatête,je

penseraisplutôtàunecertainenanafriséeetsexypourfaireçapourtoi.–Lâche-moi,Becks.Montonestcinglant,jenesuispasd’humeurpouruneautreséancechezlepsy.–Jamaisdelavie,ducon.Bébéoupas.Tuasvraimentl’intentiondefoutreàlaportelameilleure

chosequitesoitjamaisarrivée?Débutdelaséancenumérodeux.–Vatefairefoutre.–Nonmerci.Tun’espasmongenre.Sontonpaternalistemefoutenrogne.–Resteendehorsdeça,putain!–Oh!Alors,tuvaslalaisserpartir?C’estpasuntitredechanson,ça,ouuntrucdugenre?Ehbien

alors,situlalaissespartir,jepensequejevaistentermachanceavecelle.Lefilsdepute.C’estsifaciledemepousseràbout,cesoir?–Pourtonbien,jeteconseilledefermertagueule.Jesaisquetumeprovoques…pourmepousser

àl’appeler.

–Waouh!Maisilécoutecequ’onluidit.Alorsça,c’estnouveau,putain!J’enaimarre.–Arrêtetesconneries,faistonboulotetarrange-toipourmeremettresurcettefoutuepiste,Beckett.–Soisaucircuitdemainmatin,dixheures.–Quoi?–Ilseraittemps.Celafaitunesemainequejel’airéservé,j’attendaisquetutedécides.–Pfff.Ilm’abieneu.–Tuneviendraspas.Ilrigole.–Vatefairefoutre.–Danstesrêves.

1.JackDanielsetJimBean:deuxcélèbresmarquesdewhiskyaméricain.(NdT)

22

Jesouffleendéroulantmesépaules,j’apprécielasensationdebrûlurequandj’étiremesmuscleschaudset exténués. J’avais terriblementbesoind’aller courir–decette échappéepar le jardinet lagrilledenotrevoisindederrièrepourpouvoirm’enallersansêtrevuedesjournalistesinsistants.

Je lève lesyeuxenm’étirantetquelquechosede l’autrecôtéde la rueattiremonregard.Jesuisimmédiatementsurmesgardesquandjerepèrelaberlinebleufoncéenface,etl’hommeappuyédessus,appareilphotoàlamain,levisagedissimuléparletéléobjectif.Quelquechosedanssonalluremeparaîtfamilier,etjen’arrivepasàmettreledoigtdessus…maisjecomprendsquemonpetitespacedeliberté–monpassagesecret–aétédécouvert.

Cettepenséem’exaspèreetalorsquejen’aiencorejamaiscommuniquéaveclapresse,jemedirigeversluisansprendreletempsderéfléchir.Enrépétantmentalementenbouclelesavonquejevais luipasser.Ilmeregardeapprocher,l’obturateurcliqueenrafale,levisagetoujourscachéparl’appareil.Aumomentoùjevaisentamermonlaïus,àenvironcentmètresdelui,montéléphonesemetàsonnerdansmamain.

Mêmeaprèstoutcetempssansnouvelles,monpoulsaccélèretoujoursenl’entendant,espérantquec’estColtonmaissachanttrèsbienquecen’estpasluiavantmêmederegarder.JesuisdécontenancéequandjevoislenomdeBecketts’affichersurl’écran.Aussitôt,j’arrêtedemarcheretjecafouilleavecmontéléphone,inquiètequ’ilsoitarrivéquelquechose.

–Becks?–Salut,Ry.Ilneditriendeplusetgardelesilence.Ohmerde!L’angoissemetombedessuscommeunechape

deplomb.–Beckett,ilestarrivéquelquechoseàColton?L’inquiétudeestperceptibledansmavoix.Lesilences’étireetmonespritbatlacampagnetandis

que je jette un bref coup d’œil en direction du photographe avant de tourner les talons et de rentrerprécipitammentchezmoi.

–JevoulaisjustetedirequeColtonestenroutepourlecircuit.

Jesuisàl’extérieur,àl’airlibre,maissoudainj’aidumalàrespirer.–Quoi?Jemedemandes’ilm’aentendue,tellementj’aiparlébas.Desimagesdéfilentdansmatêtecomme

dansundiaporama:l’accident,lemétaltordu,Coltonbriséetinconscientdansunlitd’hôpital.–Jesaispourvousdeux…l’histoiredubébé…qu’ilnet’apasappelée.Ilsoupire.–Ilfallaitquejet’appellepourteledire…j’aipenséquetuaimeraisêtreaucourant.J’entendsdanssavoixqu’ilestpartagéentretrahirlaconfiancedesonmeilleuramietfairecequ’il

penseêtrelemieuxpourColton.–Merci.Submergéepardessentimentscontradictoires,c’esttoutcequejeparviensàdire.–Jenesuispascertainquetulepenses,Ry,maisjemesuisditquejedevraist’appeler.Lesilenceretombeentrenousetjesaisqu’ilestaussiinquietquemoi.–Tucroisqu’ilestprêt,Becks?C’esttoiquiluimetslapression?Jenepeuxcacherlaréprobationquipercedansmaquestion.Ilsouffleetsemetàrire.–PersonnenemetlapressionàColton,Ry,àpartColtonlui-même.Tulesaisbien.–Oui,jesais.Maispourquoimaintenant?Oùestl’urgence?–Parcequec’estcequ’ilabesoindefaire…LavoixdeBeckettsetaittandisqu’ilcherchesesmots.J’ouvrelagrilleetjepassepar-dessusla

petitebarrièrequiséparelejardinduvoisindumien.–Premièrement,ilabesoindeseprouverqu’ilesttoujoursaussibon.Deuxièmement,c’estsafaçon

àluidegérerquandilatropdetrucsdanslatêtequ’ilnepeutréussiràfairetaire,ettroisièmement…Jen’entendspascequeBeckettditensuiteparcequejesuistropoccupéeàmesouvenirdenotre

soiréelaveilledelacourse,denotreconversation,etlesmotssortentdemabouchetandisquejepenseàvoixhaute.

–Leflou.–Lequoi?C’estquandBeckettditçaquejemerendscomptequejel’aieffectivementdittouthaut,etsavoix

mesortbrutalementdemespensées.–Rien.C’estquoilatroisièmeraison?–Laissetomber.–Tuenasdéjàtropditpourt’arrêtermaintenant.Unmalaises’installeentrenousetilhésiteunmoment.–C’estrien,enréalité.J’allaisjustedirequeparlepassé,ilsetournaitverstroischosesquandil

étaitcommeça.Excuse-moi,jen’auraispasdû.–Çanefaitrien.Jevoiscequec’est–jeleconnais.Avant,ilsetournaitsoitverslesfemmes,soit

versl’alcool,soitverslecircuitquandlavieluipesaittrop,c’estça?

Becksneditrien,etj’aimaréponse.–Alors,jesupposequejedevraisêtrecontentequ’ilyaituncréneaudelibresurlecircuit,c’est

ça?Beckettéclatederireetjesensqu’ilestsoulagé.–BonDieu,ilneteméritepas,Rylee.Çamefaitsourireendépitdel’inquiétudequimeserrel’estomac.–J’espèreseulementquevousvousrendezcomptetouslesdeuxàquelpointilabesoindetoi.Leslarmesmemontentauxyeux.–Mercidem’avoirappelée,Becks.J’arrive.

***

Heureusementpourmoi,lacirculationestfluidequandjefonceverslecircuitdeFontana.Deplus,lasécuritéduparkingempêchelesjournalistesdemesuivreverslesinstallations.Jegarelavoituresurleterraincentraletjemefigequandj’entendslestarterdelavoiture.Lemoteurdémarreenvrombissant,lebruitrésonnecontrelestribunesetserépercutedansmapoitrine.

Jenesaispascommentjevaisfaire.CommentjevaissupporterderegarderColton,attachédanssavoiture,quifileàtouteallureautourdelapiste,quanddansmatêtejenerevoisquelafuméeetquejeneressensquelapeur?Maisjeluiaipromisd’êtrelàquandils’assiéraitauvolant.J’étaisloindepenserqu’onm’appelleraitpourvenirtenirmapromessejustementquandtoutseraitsiincertainentrenous.

Maisjenepeuxpasnepasêtrelà.Parcequejetienstoujoursmespromesses.Etparcequejenepeuxpassupporter l’idéedelesavoir icisanssavoirs’ilvabien.Biensûr,nousnenoussommespasparlé,etnoussommesperturbésetblessés,maisçaneveutpasdirequejepeuxignorermessentiments.

Levrombissementdumoteurmetiredemespensées.Monagitationetlebesoind’êtrelàpourlui,pourmoi,pourmasantémentale,mepoussentàmettreunpieddevantl’autre.Davismerejointauborddelalignedesstandsetfaitunsignedetêteenmeserrantlamain,avantdem’accompagnerverslestandoùs’affairel’équipedeColton.

Jem’arrêteenvoyantlavoitureetlacourbeducasquedeColtondansl’habitaclederrièrelevolant.BeckettestpenchésurluietattachesesceinturesdesécuritécommeColtonnelelaissefairequeparlui.Jem’obligeàdéglutir,maisjemerendscomptequejen’airienàavalerparcequemaboucheestsèchecommeducoton.Jemesurprendsàchercherl’anneauquejeneporteplus,manervositéfaisantrenaîtrel’habitude,etjedoismecontenterdeserrerlesmainsl’unesurl’autre.

Davismefaitmonterl’escalierdelatourd’observationau-dessus,pratiquementidentiqueàcelledanslaquellej’étaisassisequandj’aivulavoituredeColtonpartirenvrille.Chacunedesmarchesmeramèneàcejourfatidique–lebruit, l’odeur, l’angoisseaucreuxdemonestomac, l’horreurabsolue–chaque contremarche est un nouveau rappel des instants qui ont suivi le choc de la voiture dans labarrière.Moncorpsaenviedefuir,maismoncœurmeditquejedoisêtrelà.Jenepeuxpaslelâcherquandilaleplusbesoindemoi.

Lebruitdumoteurchanged’intensitéetjen’aipasbesoindemeretournerpoursavoirqu’ilroulelentementlelongdelalignedesstandsversl’asphaltedelapiste.Jesuisdeboutdanslatour.Certainsmembresdel’écurie,lesyeuxrivéssurlesmanomètres,surveillentl’électroniquedelavoiture,maisilmesuffitdequelquessecondespoursentirlanervositéambiante,etjesaisqu’ilssontaussiangoissésquemoidesavoirColtondanslavoiture.

Despassurlesmarchesderrièremoim’annoncentl’arrivéedeBeckett.Avantmêmequejepuisseluidirequelquechose, lebruit dumoteurdiminueetnous regardonsenmême temps l’extrémitéde laligne des stands vide. Au bout d’un moment, le ronronnement du moteur s’emballe de nouveau et lavoitureentrelentementsurlapiste.

Beckettmejetteunbrefcoupd’œiletmetenduncasque.L’expressiondesonregardmeditqueçalerendaussinerveuxetmalàl’aisequemoi,etcelamesoulageunpeuquelquepart.Ilsepencheversmoiavantquejepositionnelesécouteurssurmesoreilles.

–Ilnesaitpasquetueslà.Jemecontentedehocherlatêteetjeleremercieduregard.–C’estmieuxcommeça.Delamain,ilmedésigneunsiègeàl’avantdelatour,maisjesecouelatêteénergiquement.Iln’est

pasquestiondem’asseoirpour l’instant. Je suisunevraiebouledenerfs et jemebalanced’avant enarrièresurmestalonstandisquemonâmeresteaccrochéeàmapeur.

Le moteur ronronne doucement quand la voiture s’engage dans la ligne droite après le premiervirageetjemeretournepouressayerdesuivreColtondesyeux,mêmesijecrèved’enviedeluihurlerdes’arrêter,desortirdecettevoitureetdemerevenir.Lavoitureentameledeuxièmevirageenaccélérant.

–C’estça,Wood.Doucement.Becks lui parle sur un ton cajoleur. La seule chose que j’entends dans lemicro ouvert, c’est la

cadencedumoteuret larespirationsonoredeColton,maisaucuneréactiondesapart.Jememordslalèvre et je jette un coup d’œil à Beckett, ça ne me plaît pas que Colton ne dise rien. Je ne peuxqu’imaginercequisepassedanssatête.

–Putain,Becks!C’estlapremièrefoisdepuisplusd’unesemainequej’entendssavoix–oùjeperçoisdelapeur

mêléeàdelacolère–etjem’agrippeàmesécouteurs.–C’estdelamerdecettebagnole!Jecroyaisquetuavaistoutvérifié.C’est…–Iln’yarienquiclochedanscettevoiture,Colton.LetonégaldelavoixdeBecksestparfaitementclairetillanceuncoupd’œilversunautremembre

del’écurieenfaisantundiscretnondelatête.–Arrêtetesconneries!Elletremblecommeunefeuilleetellevatomberenpiècesdèsquejevais

lapousserunpeu.Lavibrationqu’onentendd’habitudedanssavoix,dueàlapuissancedumoteur,n’yestpas.Ilne

finitpasledeuxièmetourassezvitepourêtreaffecté.–C’estunenouvellevoiture.Jel’aivérifiéesoustouteslescoutures.

–Tunesaispasdequoituparles,putain,Beckett.Bordel!Ilhurletandisquelavoitures’arrêtedanslalignedroiteentrelepremieretledeuxièmevirage.On

entendlafrustrationdanssavoixquirésonnedanslemicro.–C’estunenouvellevoiture.Iln’yapersonnesurlapistepourteharponner.Restecalme.Pas de réaction. Rien que le murmure lointain d’unmoteur au ralenti qui ne va pas tarder à se

couper,etalorsilsvontdevoirlaredémarreràlamanivellesurlapistepourqu’ellereparte.CelalaissedutempsàColtonpourpenseretsesouvenir,etrevivrel’accidentlefrapped’incapacité.

Tandisqueletempss’étire,moninquiétudepourl’hommequej’aimedécuplemonangoisse.Mêmesi nous sommes tous là pour le soutenir, je sais que là-bas, il se sent très seul, dans son cercueil àroulettesenmétal.J’ailecœurserré,lapaniqueetl’impuissancecommencentàm’étouffer.

Beckett fait les cent pas en se passant nerveusement les doigts dans les cheveux, ne sachant pascommentpersuadersonamidesortirdelabanded’arrêtd’urgence,alorsqu’iln’écouteplus.Jechangedeposition–larespirationhachéedeColtonestleseulsonquinousparvienneparlaradio.

Etjen’ytiensplus.JevaisversBeckett.–Coupelesradiosdetoutlemonde.Ilmeregardesanscomprendre.–Coupe-les.Monaccentdésespérésignalel’urgencedemarequête.–Toutlemondecoupesaradio,ordonneBeckettaussitôt.Jevaisverslemicroquiestposésurlecomptoir.Jem’assiedssurlesiègeetj’attendslesignalde

Beckett,unefoisqu’ilauracompriscequejefais.Jetripotelesboutonssurlemicro,etDavissepencheetappuiesurceluiquim’intéresse.–Colton?Mavoixtremble,maisjesaisqu’ilm’entendparcequemoij’entendssonsoufflemarqueruntemps

d’arrêt.–Rylee?Unseulmot,monnom,maissavoixbriséeetlavulnérabilitéaveclaquelleilleprononcemefont

monterleslarmesauxyeux.J’ail’impressiond’entendreundemesgaminsquiseréveilleaumilieud’unrêveterrifiantetjevoudraispouvoircourirsurlapistepourallerleprendredansmesbrasetlerassurer.Maisc’estimpossible,alorsjefaislachosequis’enrapprocheleplus.

–Parle-moi.Dis-moicequitepasseparlatête.Personnen’écoutesaufmoi.Le silence seprolonge encoreunpeu, lapaumedemesmainsdevientmoited’angoisse et jeme

demandesijevaisêtrecapabledel’aideràsurmontercettecrise.–Ry…Ilpousseunsoupirdésespéréetaumomentoùjesautesurlemicro,ilcontinue.–Jenepeuxpas…jenecroispasquejevaispouvoir…Savoixsebriseetjesuissûrequ’ilestassailliparlessouvenirsdel’accident,toutcommemoi.–Si,tupeuxlefaire.

Jeparleavecuneassurancequejen’éprouvepasréellement.–NoussommesenCalifornie,Colton,pasenFloride.Iln’yapasd’autresvoitures.Pasdepilotes

débutantspourcommettredeserreursstupides.Pasdefuméequit’aveugle.Pasdevoitureaccidentéequetuvaspercuter.Iln’yaquetoietmoi,Colton.Toietmoi.

Jemarqueunepauseetenvoyantqu’ilnerépondpas,jedislaseulechosequimetrottedanslatête.–Riend’autrequelesdraps.Jel’entendsrigoleretjesuissoulagéed’avoirréussiàl’atteindre.D’avoirutilisélebonsouvenir

pour dépasser la peur paralysante.Mais quand il reprend la parole, je perçois toujours une certaineagitationdanssavoix.

–C’estjuste…Ils’arrêteetsoupire,c’estdurpourunhommed’admettresavulnérabilité,surtoutdevanttouteune

écuriequilerespectejusqu’àl’idolâtrie.–Tupeuxlefaire,Colton.Onpeutlefaireensemble,d’accord?Jesuislà.Jenevaisnullepart.Jeluiaccordequelquessecondespourintégrercequejeviensdedire.–Tesmainssontsurlevolant?–Hum…mamaindroite…–Ellevatrèsbien.Jet’aivul’utiliser.Tonpiedestsurlapédale?–Ry?Savoixhésiteencore.–Lapédale?Ouiounon?Jesaisqu’àpartirdemaintenantilabesoinquejeprennelesrênesetquejesoisforteàsaplace,et

pourlui,jeferaisn’importequoi.–Oui…–Ok,videtatête.C’estentretoietlapiste,Ace.Tupeuxlefaire.Tuenasbesoin.C’estsynonyme

delibertépourtoi,tutesouviens?J’entendslemoteurrugirunefoisoudeuxetjevoislesoulagementmêlédefiertédanslesyeuxde

BeckettavantdemereconcentrersurColton.–Tuconnaisçasurleboutdesdoigts…appuiesurl’accélérateur.Passelavitesseetappuie.Leronronnementdumoteurs’intensifieetjecontinue.–Ok…tuvois?Tuas réussi.Tun’espasobligéd’allervite.C’estunenouvellevoiture, tuvas

avoirdessensationsnouvelles.Becksserafuraxsitugrilleslemoteur,alorsvas-ymollo.JemeretournepourregarderlavoitureenretenantmonsouffletandisqueColtonamorcelentement

leviragenumérotrois.Ilestloinderouleràlavitessedesessais,maisilavance,etc’estcequicompte.Nous sommes confrontés ensemble à notre peur de le voir revenir sur les pistes. Je n’aurais jamaisimaginéqueceseraitenlepersuadantdeconduirequejediminueraislamienne.

Lemoteur rugitdenouveauet sa résonance se transmetdansmapoitrinealorsqu’il approcheduviragenuméroquatreetjel’entendsjurer.

–Toutvabien?

Seullesilencemerépond,etlerugissementdumoteurquiserapproche.–Parle-moi,Colton.Jesuislà.–Mesmainsn’arrêtentpasdetrembler.Jenerépondspas,retenantmonsouffletandisqu’ilaccélèreenamorçantleviragenuméroun.–Becksvaêtrefurieuxparcequematêtedéconneàpleinstubes.Je lanceunregardversBecksetquand jevois lesourireéclairersonvisage, jecomprendsqu’il

écoutepours’assurerquesonmeilleurpotevabien.–Toutvabien…jeteregarde.Lamiennedéconneaussi…maistuesprêt,tupeuxlefaire.–Onfaitunebellepaire,putain!Il respire dans la radio et je sens qu’un peu de son angoisse et de sa peur se dissipe à chaque

secondequipasse.Jeperçoisquelestypesautourdemoisedétendentenvoyantlesourirequis’élargitsurleslèvresdeBeckett.

–Commetudis.Jerisavantdepousserunprofondsoupirdesoulagement.BonDieu,jet’aime.J’aienviedeledire,

maisjemeretiens.Legrondementaugmentedanslalignedroiteetjenepeuxretenirlesourirequis’étalesurmonvisageenentendantlebruitdelaréussite.

–Hé,Ace,jepeuxdireauxgarsderouvrirleursmicros?–Ouais…Ry…je…Moncœursegonfleenentendantl’émotiondanssavoix.J’entendsaussilesexcuses,etjesenssa

totalesincéritéenfiligrane.–Jesais,Colton.Moiaussi.JeretiensleslarmesdejoiequimemontentauxyeuxetquandjemeretourneversBeckett,jevois

un doux sourire flotter sur son visage. Il secoue la tête imperceptiblement et je peux lire lesmots saplanchedesalutsurseslèvres.

23

Lavoiturearriveaustandets’arrête.Beckettseprécipitependantquejem’agitederrièrelemuret.JeveuxvoirColtonenfacepourêtresûrequetoutvabien.IltendlevolantàBecksavantdedétachersoncasque. Becks l’aide à le décrocher du système HANS et, quand il l’enlève en même temps que sacagoule, toute l’équipepoussedes cris de félicitations. Je suisparcouruede frissons en entendant cesmanifestationsde joie quandBecks l’aide à sortir de la voiture. Je passepar-dessus lemuret avec lerestedel’équipe,incapabledegardermesdistancespluslongtempsparcequeColtonestlà,ensueurettellementsexy,monDieu.Unsentimentdefiertémêlédedésirmetranspercedepartenpart.

Toutel’équipeoublielavoiturepouraller lui tapersurl’épauleet leféliciter.Beckett leregardeavecunsouriremitigésursonbeauvisage.

–Jesuisfierdetoi,mec,maisputain,tontemps!Çacraint!Coltonsemetàrireenpassantunbrassurlesépaulesdesonami.–Jepeuxtoujourscomptersurtoipourmerameneràlaréalité.Ils’apprêteàdireautrechosemaiss’arrêteenmevoyant.J’aiuneimpressiondedéjà-vu,Coltondeboutaumilieuduchahutdesonéquipe,lesyeuxrivésaux

miens, avec sur les lèvres un sourire sexy comme ce n’est pas permis.Le temps s’arrête et lemondedisparaît,etnousnenousquittonspasdesyeux.

Jesaisqu’ilyauntasdechosesdontnousdevonsparler–savoiroùonenestdepuisladernièrefois – mais en même temps, j’ai besoin de cette connexion avec lui. J’ai besoin de cette attirancecharnelleirrésistiblequiexisteentrenousetquimefrappecommeuneondedechocquandelleparcourtla distance qui nous sépare et vient se fracasser surmoi sans nous laisser le temps de penser à autrechose.

Etjesaisqu’ilressentlamêmechoseparcequ’ilseprécipiteversmoiàgrandesenjambéesetavecdétermination.Ilaàpeineletempsd’arriverprèsdemoiquedéjàmesjambesentourentsatailleetquenosbouchesse rejoignentdansunélandedésir frénétique.Jem’agrippeàsesépaules.D’unemain, ilm’empoignelesfessesetdel’autreilm’attrapeparlecou,maintenantsaboucheestsurlamiennepourpouvoirs’emparerdetoutcequejeluioffre,etmêmeplus.

–Putain,cequetum’asmanqué!Ilgrondecontremaboucheentredeuxbaisers.Etsansplusd’explications,nousvoilàpartis!Ses

jambespuissantesavancentàgrandspas sousmoi, sesbrasathlétiquesmesoutiennentpourque jemesenteensécuritétandisqueseslèvresécrasentlesmiennesdansunmouvementdepossessivitéspontané.

Dessonsreviennentprogressivement.Lescrisetleshourrasdesmembresdel’équipeemplissentlestade désert et Colton ne s’excuse même pas de leur fausser compagnie sans hésiter une seconde.Quelqu’uncrie«ilyadeshôtelspourça!»etjesuissisubjuguée,j’aitellementenviedesatisfaireledésirquiexploseenmoietmesecouequec’estmoiquiréponds:

–Pourquoifaire,unhôtel?Aussitôt,meslèvresreviennents’écrasersurlessiennes,mesdoigtss’emmêlentdanssescheveux,

meshanchessepressentcontrelessiennesalorsquesonérectionfrottesurmoiàchaquepas.Desriresnousaccompagnent,suivisdesifflets,maiscenesontquedesbruitsdefondquin’arrêtent

pasletraindudésirquifoncesurnous.–Dépêche-toi.–Putain!Iltâtonnepourtrouveruneporteouvertedansmondossansdétachersabouchedelamienne.–Tunelepensespas,si?Jem’écarteunpeupourqu’ilpuisseattraperlapoignée.Iléclatederireet,englissantlalanguesur

soncou,jesenslegoûtduseletlavibrationdesonriresurmeslèvres.Etnousvoilàrepartis,enhautd’unevoléedemarchesdansuncouloirobscur,jen’aipaslamoindre

idéedel’endroitoùnousnoustrouvons.Jem’accrochepourlabalade,secouéederire,envahieparunsentimentdesoulagementtandisquemoncorpssetenddanslaperspectivedecequivasuivre.

Noussommessoudainentourésd’unelumièrediffuseetjetournelatêteenclignantdesyeuxpourinspecter l’endroit. Nous sommes dans une de ces loges luxueuses situées au-dessus des stands : descanapésdouillets,undistributeurdeboissonsd’uncôté,unetablequifaittoutelalongueurdelaparoideverreteintéquidonnesurlapisteoùlesmembresdesonécuries’affairentsursavoiture.

Jen’envoispasplusparcequeleslèvresdeColtonsontsurlesmiennesdenouveau,saboucheestunedécoctionenivrantededésircharnel.Mesjambeslâchentseshanches,mespiedstouchentlesol,etnous nous déplaçons vers le comptoir en une chorégraphie maladroite. Nous atteignons le bord ducomptoir,surlequelj’appuiemesfessestandisquelesmainsdeColtonsebaladentlelongdemonbustepourfinalementpassersousmont-shirtetseposersurmapeaunue.

Jenesaispassimondésirestdécupléparl’adrénalineinhérenteaucircuitautomobile,ouparnotreréconciliation,maisj’ail’impressiondenejamaispouvoirmerassasier–soncontact,songoût,lesonaufonddesagorge,monnomsurses lèvres.Jedégrafe leVelcrosursoncoupourpouvoirdescendrelafermetureàglissièredesacombinaison.Mêmecettetoutepetiteactionestunesouffranceparcequ’ellem’obligeàséparermeslèvresdessiennes.Mais,dèsquej’aidescendulafermeture,maboucheestdenouveausurlasienne.Desmainsdégrafent,desbrassortentdesmanches,desdoigtsfontdescendreshort

etculotte,desvêtements sont jetésaupetitbonheur lachance sur le sol, etpendant toutce temps,nosbouchesrestentsoudéesl’uneàl’autre.

–Ry,dit-ilentredeuxbaisers,metenantd’unemainfermementparlescheveuxtandisquedel’autreilmetestepoursavoiràquelpointjesuisprêteàlerecevoir.

Lespréliminairesnesontpasd’actualité.Noussommessifrustrés,sidésespérésderedresser lestortsdenotredernièreconversationque,sansavoirbesoindeparler,noussavonstouslesdeuxquenousavonsbesoindenousretrouverdecettefaçon.

Nousparleronsplus tard.Lescâlinset lesmotsdoux,ceserapourplus tard.Pour lemoment, ledésirnousconsume,lapassionnoussubmergeetl’amours’emparedenous.

–Putain,j’aienviedetoitoutdesuite.–Prends-moi.Deuxmots toutsimples.Je lesprononcesanshésiter,et jene lespasplus tôtditsqueColtonme

retourne,mesmains seposent sur le comptoir, les siennes agrippentmeshanches, sa queuepalpitantes’alignecontremafente,par-derrière.Ilposesonglandentremesplisetlefaitglisserdehautenbas,provoquant la tensiondemon corps tout entier et ungémissement qui s’échappedemes lèvres.À cetinstant,quelquechosesepasse,avecColtonprêtàmeprendresansdemander,quipoussechaquezonedemoncorpsàréclamersajouissance,àdésirerplusdecontact.

–S’ilteplaît.Maintenant.J’ailesoufflecourt,etmonsexefrémitdedésir,moncorpsesttellementenphaseavecchacunde

sesmouvementsqu’ilréagitdelui-même,s’ouvreets’offre.Je me cambre en arrière et j’essaie de le prendre moi-même, pour lui montrer le désir qui me

traverseetmonteenspiraleàtraverslamoindredemesterminaisonsnerveuses,mefaisantperdrelatêteetpoussanttousmessensàenvouloirplus.

–Unpeudetenue!Ilémetunpetitriretypiquementmasculintoutenempoignantmescheveuxd’unemainetquel’autre

s’abat vivement sur le côté gauchedemon cul. Je tourne la tête, surprise par la sensation de brûlure,pourtantnégligeablecomparéeàl’affluxdesensationsquimetransportequandilmepénètreenuneseulepousséefluideetphénoménale.Jenepeuxpasretenirlehalètementsuivid’unpetitsoupirquisortdemabouchequandcettesensationsediffuseenmoietquemesparoissecontractentautourdelui.

Ilmetire lescheveuxpour inclinermatêteenarrière,sibienque lorsqu’ilsepenche,ses lèvressontsurmonoreille.

–Iln’yapasdebruitplussexyaumonde,putain.Il grogne avant de poser ses lèvres sur mon épaule nue, sa barbe naissante chatouille la zone

érogèneleplussouventoubliéedemondos.Ilmemordillel’épauleavantd’yappuyerseslèvrestoutensepressant enmoi, et je pousseungémissement depur ravissement quand je sens le frottement de sabarbetoutlelongdemonéchine.

Etmaintenant,c’estàmontourd’apprécierlesbruitsqu’ilfaitquandnousnousmettonsàbougersurunrythmesynchronisé.Endépitdelachaleurquiserépandenmoi,toutmoncorpssecouvredechairde

poule.Unemainagrippéeàlapartiecharnuedemahanche,Coltoncontrôlechaquepousséeversl’avant,source de plaisir suivie de chaque retrait qui excitemon désir.Mon corps s’accélère, rattrapé par lanatureanimaledesonemprisesurmescheveuxetsurmoncorps.

–Seigneur!Jehalète, j’enveuxencore, j’enveuxplus,mais jene suispascapablede toutprendreenmême

temps.Mesmains,moitesdesueur,commencentàglissersurlasurfaceducomptoir.–Putaiiiin!Sa volonté de contrôler son tempo est perceptible dans sa voix. Est-ce par défi ou simplement

pousséeparladiablessequ’ilarévéléeenmoi,maisj’aienviedebrisercecontrôle.Jeveuxlepousserplusloin,plusvite–leprendredansunabandontéméraire–parceque,bonDieu,lesongutturalquisortdesagorge,laplénitudequejeressensquandilmepénètrejusqu’àlagarde,lemouvementcirculairedeseshanchesquandilsemeutenmoi,mepoussentplusfort,plusvite,au-delàdecequej’aijamaisconnu.Medonnentenviedeluirendreaumoinsledixièmeduplaisirquesoncorpsmeprocure.

Jepasselamainentremesjambes,etrésistantàlatentationdecaressermonclitoris,jem’emparedesescouillestandisqu’ildonneunenouvellepousséedeseshanchescontremoi.Duboutdesdoigtsjelescaresse,jelesexciteduboutdesongles,etjelesprendsdansmamainalorsqu’ilmetirelescheveuxenarrièreavecplusdeforce.J’entendslesbruitsqu’ilfait,jesaisqu’ilserrelesmâchoires,qu’ilsurfesurlacrêteultra-fineentreledésirdegarderlecontrôleetceluides’abandonneràlanaturecharnelledel’acte.Deprendrepourlui-mêmesansréfléchir.Etcelam’excite,medonneenviedelepousserencoreplusloin,deleforceràpasserdel’autrecôtéencoreplusvite,parcequ’ilm’entraîneavecluidansleprocessus.

Jemeperdsdans lasensation, lesbruitsdesoncorpsquiclaquecontre lemien, lecontactdesamainquis’appropriemahanche,monnomquisortdeses lèvreset,sansm’enapercevoir, j’ysuis,enéquilibre instable surmapropre lignede crête. Jem’effondredans la chute libre infiniede la félicitéquandmajouissancemesubmerge,transformantmoncorpsenunefournaisedesensationsconflictuelles.

–Colton!Jecrie,encoreetencore,tandisqu’ilralentitlemouvementetpassesalanguesurleplatdemondos

pourcontribueràfairedurermonorgasme.Jesensmesmusclessecontracterautourdelui,toujoursenmoi,quibougelentement,etsoudainun

crianimalrésonnequandilnepeutseretenirpluslongtemps.Ildonneencorequelquescoupsdeboutoiravant d’entourermon buste de ses bras et deme soutenir pourme remettre debout,mon dos toujoursappuyécontresapoitrine.

Dansunmouvementdetendresseinattenduquicontrastetotalementavecl’entièredominationqu’ilvientd’exercersurmoncorps,ilmeserrecontreluietenfouitsonvisagedanslecreuxdemoncou.Nousrestonscommeçaunmoment, totalementabsorbés l’unpar l’autre,acceptantmutuellementnosexcusesmuettes.

24

Le silence se fait autourdenous tandisquenousnous rhabillons.Àprésentquenous avons satisfaitnotredésirphysiquemutuel–quenoscorpsnesontplusconnectés–,jem’inquiètedesavoircommentnousallonsnousconnecterverbalement.

Parcequenousnepouvonspaslaisserleschosesenl’état.Etnousnepouvonspaslesignorernonplus.Avecunpeudechance,cettepériodedeséparationquinousarendussimalheureuxnousauraaidésàallerdel’avant.

Maismêmesic’estlecas,oùallons-nousexactementàpartirdemaintenant?Je lui jette un coup d’œil à la dérobée tandis qu’il remonte la fermeture de sa combinaison en

regardantparlesvitresteintéeslesmembresdesonécurieenbas.Ilest indéchiffrable.J’enfilemont-shirtetjemepasselalanguesurleslèvresenessayantdetrouveruneentréeenmatière.

–Ilfautqu’onparle.Jeparleàvoixbassecommesij’avaispeurdetroublerlesilencequiemplitlapièce.–JemetsenventemamaisondePacificPalisades.Ilditçacalmement,sansjamaisregarderdansmadirection,et jesuissiconcentréesurluietson

absenced’émotionqu’ilmefautunmomentpourcomprendredequoiilparle.Waouh!Quoi?Alorsc’estcommeçaqu’ila l’intentionde la jouer?La traditionnellestratégie

d’évitement?Bienqu’ilnemeregardepas,jesaisqu’ilm’observe,alorsjefaismonpossiblepourdissimulerle

chocquesesmotsprovoquentenmoi,toutcommeceuxqu’iln’apasformulés.–Colton?Jeprononcesonnomcommeunequestion,quidemandeuntasdechosesdifférentes.Est-cequ’onen

parle?Est-cequ’onfaitcommesicelan’existaitpas?Pourquoivends-tucettemaison?–Jen’yvaisjamais…Ilrépondàlaquestionquejen’aipasposée,enmejetantunbrefcoupd’œilavantdereporterson

regard sur ses gars en bas.Et la façon dont il dit ça, en s’excusant presque,me fait penser que c’est

quelquechosequ’ilfaitpourmedirequ’ils’excusepourtoutcequiarrive–Tawny,unbébépotentiel,lalibertédontilabesoin.

Commejeneréagispasmaisquejecontinueàleregarderpatiemmentsansriendire,ilseretournevers moi. Nos regards se croisent et nous nous regardons fixement pendant un moment, posant desquestionsmuettesauxquellesnousnerépondonspas.

–Jen’enaiplusbesoin.Ilobservemaréaction.Etmêmesitoutn’estpasrésoluentrenous,cequ’ilvientdediremelaisseà

penserqu’ils’impliquevraimentpourlelongterme.Quemêmeavectoutcequinousesttombédessusdepuisplusd’unesemaine,quipourraitmettresonuniverssensdessusdessous,ilvendl’endroitoùj’aijurédene jamaisremettre lespieds.Que jecompteassezàsesyeuxpourqu’ilveuillesedébarrasserd’unlieuquisymbolisesonmodedeviepassé,bardédeconditionsetdelimites.

–Oh…J’enperdsmesmots.Alors,nouscontinuonsànousregarderdroitdanslesyeux,sansriendire,dans

cettepiècequigardel’odeurdusexe.Jevoisqu’ilréfléchit,qu’ilessaiedetrouverlesmots–commentavanceràpartirdelà–alorsjel’aide.

–Àquoitupenses?–Jeréfléchis.Ilfaitunemoueetsepasselamaindanslescheveux.– Je me dis que je nem’étais pas rendu compte à quel point j’avais besoin d’entendre ta voix

aujourd’huisurlapiste,jusqu’àcequetumeparlesdanslecasque.Undouxsoupirdesatisfactionmonteduplusprofonddemoi,meréchauffantàl’intérieurcommeà

l’extérieur,etilsefraieuncheminautourdel’emprisequ’ilasurmoncœur.Avant,j’auraislevélesyeuxauciel,jemeseraisditqu’ilessayaitdesefairebienvoir,maisavant,jen’avaispasautantbesoindeColton,ilnememanquaitpasautant,jenesavaispastoutcequ’ilaàoffrir.

–Iltesuffisaitdem’appeler.Jetendslamainetlaposesurlasienneàcôtédemoi.–Jet’avaispromisd’êtrelàpourtonretour.Ilémetunpetitricanementd’autodérisionensecouantlatête.–Etj’auraisditquoi?Jemesuisconduitcommeuncon–jenet’aipasappeléedutout–maisj’ai

besoindetoisurlapisteavecmoiaujourd’hui?Savoixestlourdedesarcasme.Jeserresamain.–C’estundébut.Ons’étaitmisd’accordpourréglernotreproblème,pourseremettrelesidéesen

place,maisjeseraisaccourueimmédiatementsitum’avaisappelée.Ilsoupireeninclinantlatêteverslapisteenbas.–Jesuisdésolépourcequejet’aidit…lesreprochesquejet’aifaits…jemesuisconduitcomme

unimbécile.L’émotionfaittremblersavoix,cequirendcequ’ilditencoreplustouchant.Jeneveuxpasgâchercemoment,maisilfautqu’ilsache.

–Tum’asblessée.Jesaisquetuétaisbouleverséetquetutedéfoulaissurlapremièrepersonnequetuavaissouslamain…maistum’asblesséeàunmomentoùj’étaisdéjàfragilisée.Nousnousdébattonsquotidiennementavecnotrepassé,etpuisquelquechosecommeçaseproduitet…je…

Jenetrouvepaslesmotsjustes,alorsjenevaispasauboutdemapensée.Coltonavanceversmoiettendlebraspourmeprendrelamain,m’attirantdoucementcontreluisi

bienqueseulsnosvêtementsfontbarrageentrenous.–Jesais.Ilprenduneinspirationtremblanteavantdepoursuivre.– Je n’ai pas l’habitude, Ry. Je navigue à vue. Je sais quemes excuses commencent à sentir le

réchaufféetquebientôtellesn’enserontplusdutout,mais…putaindemerde,j’essaie.Jehochelatête,àcourtdemots,parcequ’ilselivreàunexercicequin’ajamaisétésonfort:il

communique.Etcen’estpeut-êtrepourluiqu’untoutpetitpasenavant,maisquifaiténormémentavancerleschosesdansnotrerelation.

Ilsepencheversmoieteffleuremeslèvresd’unbaiserinattenduavantdemurmurer:–Vienslà.Il s’appuie, les fesses contre le bord du comptoir, tout enm’attirant contre lui, si bien que nous

sommesdebout,mondoscontresontorse,sesjambesencadrantlesmiennes.J’appuiematêtecontresapoitrineetjemesensridiculementsatisfaitequandilm’entouredesesbrasetmeserrecontrelui.Ilposesonmentonsurmonépaule.

–Mercipouraujourd’hui.Personnen’ajamaisfaitçapourmoi.Sesmotsmesurprennentunpeumais,àlaréflexion,jecomprendscequ’ilveutdireetj’éprouvele

besoindelereprendre.–Becks,tafamille,ilsfontçatoutletemps.C’estsimplementquetunet’autorisespasàlevoirouà

l’accepter.–Oui,maisc’estmafamille,c’estnormal.Ilmarqueunepauseetbienquejenevoiepassesyeux,jesensqu’ilréfléchitetjemedemandeoù

ilmesitueexactement.–Alorsquetoi?Tuesmonputaindedrapeauàdamier.Jepenchela têtesur lecôté justeassezpourvoirunminusculesouriresurses lèvresalorsqu’un

sourireéblouissantéclairelesmiennes.–C’estunpeudifficiledes’habitueràcetteidée,nouvellepourmoi.Jedoism’habitueràtetrouver

làpourmoietàavoirbesoindetoi,etputainçapourraitbienmerenvoyeràquelquesarrêtsaustand,parfois,parcequecelameficheunetrouillepaspossible.

Bon sang ! Je suis sidérée une fois de plus par cette tentative d’explication de l’agitation quichatouillecertainementlescontoursdesoninconscient.Jeposelesmainssursesbrasserrésautourdemoi,et jedonneunepetitepressionpour luimontrerque jecomprendsqu’ilveutmefairesentirqu’ilprogresse.

–Jen’aipasl’intentiondefuir,Colton.Jenel’aipasfaitjusqu’ici,maistum’asvraimentblessée.Jesaisquetutraversesunepériodemerdique,maisreconnaisquetun’espasuncadeau.Jevaisavoirbesoin de faire un arrêt au stand, moi aussi, de temps en temps. Je veux dire, entre toi, le feu desprojecteurs,lesfemmesquicontinuentàt’aimeretàmedétester,lapossibilitéque…

Jenevaispasauboutdemapensée,jenepeuxpasmerésoudreàlaisserlemotbébéfranchirmeslèvresnimedébarrasserdel’amertumesoudainedontjesenslegoûtdansmabouche.

L’éléphantdanslemagasindeporcelaine.Ilpousseunprofondsoupiretsamâchoireseserresurmonépaule.Jen’aipasenviedegâchercemoment–cecœur-à-cœurquenousdevrionsavoirplussouvent–

maispuisquej’aiabordélesujetparinadvertance,autantcontinuerets’endébarrasser.–Oùt’enesavec…ça?Jefermelesyeuxetjeserrelesdentsenattendantlaréponse.–Jemefousdecequ’elleditàproposdecequejesuiscenséavoirfaitoupasfaitetquej’aurais

oublié,putain!Jesaisquejenesuispaslepère,Rylee.Lasimplicitédecetteaffirmationet lavigueurdesondémentimedonnentdes raisonsd’espérer.

Quis’envolentaussitôt.S’ilaeulesrésultats,pourquoinem’a-t-ilpasappelée?–Tuasdéjàreçulesrésultats?J’essaiedenepasmontrermoninquiétude.–Non.Ilsecouelatêteetmonespoirs’envolecomplètement.– J’ai fait le test il y adeux jours.Les résultatsnevontpas tarder à arrivermaintenant.Mais je

sais…jesaisquejenesuispaslepère.Etd’aprèslesondesavoix,jenesaispasquiilessaiedeconvaincreleplus:luioumoi.–Commentpeux-tulesavoir,Colton,situnetesouvienspas?J’ai haussé la voix, je suis frustrée et j’ai besoin d’en finir avec cette histoire, j’ai besoin qu’il

montre plus d’émotion que ce que j’obtiens. Je prends une profonde inspiration pour essayer de mecalmer.

–Jeveuxdire,siTawnyettoi…Jem’interromps,j’aidumalàallerjusqu’aubout.-…elleaditquevousn’aviezpasmisdepréservatif.Jeparled’unevoixtrèscalme,jedétesteêtreobligéed’avoircetteconversation.Jedétestequ’une

foisdeplus,unmomentdeplaisirsoitgâchéparlemondeextérieuretlesconséquencesdenotrepassé.–Tueslaseulepersonne,Ry…laseulefemmeaveclaquellejen’aipasmisdepréservatif.Tant

pissitucroisquej’aicouchéavecelle,maisjesais,Rylee…jesaisquej’auraismisunecapote.J’entendsdanssavoixqu’ilmesuppliedelecroire.Decomprendreneserait-cequ’undixièmede

la peur qu’il éprouve à l’idée d’avoir un enfant.Comme je ne réagis pas, ilme repousse et semet àarpenter lapiècedelongenlarge.Soncalmedetoutà l’heureafaitplaceàdelapurefébrilité,celled’unanimalcherchantàs’évaderdesonenclos.

–Jenesuispaslepère.Ilhausselavoix.–C’estcomplètementimpossiblequejesoislepère.–Maissic’étaitlecas?Jemerendscomptequejejoueaveclefeu.–Çanel’estpas.Putain!Toutcequejesais,c’estquejenesaisriendutout.Jedétestequeles

journalistestesuiventetteharcèlent.Jedétestecetteexpressionsurtonvisagequimeditquetuvaspéterlesplombssijesuislepèremêmesitumedisquenon.JedétestecetteputaindeTawnyettoutcequ’ellereprésente.Lesconneriesqu’ellecolporteàtonsujetetauxquellesChasemeditquejenedoispasréagirsinonilsvonttepoursuivreencoreplus.Jedétestel’idéequ’unefoisdeplusjetefaisdumal…quejevaistoutfairefoirerparcequemonpasséestcequ’ilest…

Ilfermelesyeuxetdéroulelesépaulesenessayantdecontenirsacolère.Cegenredebagarre, jepeuxgérer.Luiquidonne librecoursàsa fureuretmoiquiécoute,pour

qu’ensuite,avecunpeudechance,unpetitpeudesadouleurdisparaisseetquelepoidsquiluipèsesurlesépaulessoitallégé,mêmesiçanedurepas.

–Tuasassezàfaireavectesproblèmes.Tun’aspasbesoindet’inquiéterpourmoi.Jelepensemais,enmêmetemps,jesuistouchéequ’ilsoitcontrariéparlesconséquencesquetoute

cettehistoireasurmoi.–Tu crois ça ?Mais c’estmon taf, putain, de te protéger, et je ne peuxmêmepas le faire pour

l’instantàcausedetoutcebordel!–Colton…–Jetejure,tavieestsensdessusdessousàcausedemoiettoi,tut’inquiètespluspourmoietpour

tesgaminsquepourtoi-même.Ilvientversmoiensecouantlatêteetmetendundoigtaccusateur.Jeleregardesanscomprendre.–Tuesvraimentcetteenfoiréedesaintequejeneméritepas.–Chaquepécheurabesoind’unsaintpourrétablirl’équilibre.Jeluifaisunpetitsouriresatisfait.Ilsemetàriredoucementettendlesbraspourprendremonvisageentresesmains.Etbienquenous

ayons déjà assouvi notre désir, mon corps recommence instantanément à vibrer à cette proximité,tellement j’ai envie de lui, besoin de lui. Ses yeuxplongent dans lesmiens, et des reflets de ce qu’ilaimeraitmefairedansentderrièrelafrangedesescils.

–BonDieu,jetepilote,putain!L’emphasedel’expressionsurseslèvresestsuivied’unsourireencoinetd’unhochementdetête,

commes’ilavaitencoredumalàappréhenderlaprofondeurdesessentiments.Est-ce quemon cœur peut fondre encore plus pour cet homme ? Parce qu’une fois de plus je la

retrouve, l’imprévisibilité de Colton, qui rend ce qu’il dit encore plus poignant ? Tout mon corpsfrissonneenl’entendantdirecela.

Jen’essaiemêmepasdeluttercontrel’émotionquimefaitmonterleslarmesauxyeuxparcequesesparoles vont bien au-delà, pour moi, du simple terme « piloter ». Elles signifient qu’il essaie, qu’ils’excusepourlesfoisoùilvafoirer.Etpourunhommequiétaitsiferméauxautres,ilmetendlacléduverrouetmedonneunpassillimité.

De ma main libre, je l’attrape par la nuque et je l’attire contre moi parce qu’un homme aussimagnifique,àl’extérieuretàl’intérieur,estvraimenttropirrésistible.Jel’embrassetendrement,glissantmalangueentreseslèvrespourunedanseintimeaveclasienne.Sansurgence,justeunedouceetdélicatemarqued’acceptation.Notredernierbaisernedatequedequelquesminutesmaisj’ail’impressionqueçafaituneéternité.Quandnotrebaisertoucheàsafin,ilappuiesonfrontcontrelemien.

–Moiaussijetepilote.Je sens son sourire sur mes lèvres et, à cet instant, je sais qu’il comprend vraiment. Il accepte

réellementlefaitquejel’aimeetc’estuntelrayondelumièrequiprovientdemonangenoirquejem’yaccroche,mepromettantsilencieusementdemerappelertoutemaviecequejeressens,icietmaintenant.

Il sepeutquenousn’ayonspasencore tout réglé,quenousne sachionspasceque l’avenirnousréserve,maisaumoinsjesaisquenoussommesdanslacourseensemble.

Ilmetireparlamain.–Viens.Sortonsd’ici.Nous allons vers les ateliers où les gars travaillent sur la voiture. Quand nous entrons, Beckett

hochelatêteensouriantd’unairentendu.Jedétournevivementleregard,hyperconscientequetouslesmecs dans l’atelier savent exactement ce que nous venons de faire. Lamarche de la honte, c’est unechose,maisquandvousavezunpublicquisaitquecequevousavez fait,ehbien…c’estunpeuplusgênant.

Coltonsemetàrireàcôtédemoietpressemesdoigtscroisésaveclessiens.–Qu’est-cequ’ilyadesidrôle?Jemarmonne,lesyeuxtoujoursrivésausol.–Tuescraquantequandturougis.Mêmesijepréfèrelerosed’uneautrepartiedetonanatomie.Choquée,jerestebouchebée,maissansmelaisserletempsdemeressaisir,ilécrasesabouchesur

lamienne.Noussommesplongésdanslefracasmétalliquedesoutilsmais,pourtant,jen’entendsquelesbattementsdemoncœur.Cebaisern’estqu’unéchantillondecequenousavonsfaitplustôt,maisquandil s’écarte de moi après avoir déposé un dernier baiser sur le bout de mon nez, un sourire satisfaitretrousseuncoindesabouche.

–C’étaitenquelhonneur,ça?Enfait,jememoquedelaréponse.Ilpeutmefaireçaquandilveut,oùilveut.–Tume connais,mon chou.Tant qu’à faire qu’ils regardent, autant leur donner quelque chose à

regarder,non?Deplus,sijamaiscen’étaitpasencoreassezclair,jeveuxquetoutlemondeicisachequetuesàmoi.

Quandilditça,moncœursegonfleavantquelesarcasmenemetombedeslèvres.–Alorscommeça,onfaitvaloirsesdroits,c’estça?

–Bébé,mesdroitsontdéjàétéreconnus.(Ils’arrêtepourmefaireunpetitsourirefanfaron.)Celanefaitaucundoute.

Jelèvelesyeuxaucieletjememoquedeluiencontinuantàmarcher.–Alors,Ace,t’arrivepasàtemainteniràlahauteur?Ilmemetuneclaquesurlesfesses.–Tuesbienplacéepoursavoirquejepeuxtoutmainteniràlahauteur.Ilmepasselebrasautourdesépaulesetsepenchepourquesabouchesoitprèsdemeslèvres.– Ma queue, toi appuyée contre cette porte, mon énergie, et plein d’autres choses qu’on peut

mainteniràlahauteur…maiscelles-cisontlesplusimportantes,tunecroispas?Ilglousseetjesecouelatêteenrigolantaveclui.Onarrange leschosesavecSamypourqu’il ramènemavoitureà lamaisonetColtonm’emmène

versunparkingferméoùestgaréeSexe.Jedoisadmettrequ’àlavuedecettevoiturehypersexyunflotdesouvenirsinoubliablesmefaitvenirunsouriredecontentementsurlevisage.Jecontemplelecapot,puisjejetteuncoupd’œilàColtondontlesourirelascifrépondaumien.Ilhausselessourcils,unelueursuggestivedansedanssesyeuxetilpasselapointedesalanguesursalèvreinférieureenm’ouvrantlaportière.

–C’estsympad’avoirchoisicettevoitureaujourd’hui.Jemeglissesurlesiègeluxueux.–Ellemefaitpenseràtoi,etj’avaisbesoindetoiiciaujourd’hui.Il referme la portière sansme laisser le temps de répondre. Et c’est peut-êtremieux comme ça,

parcequecetteaffirmationsimplesignifietellementpourmoi.Àpetitspas.Enquelquessecondes,noussommessurl’autorouteaveclesonduDaveMatthewsBandquiflotte

autourdenous,leronronnementdumoteurquinousenveloppeetlameutedesjournalistesquinoussuit.Coltonregardedanslerétroviseuravantdemejeteruncoupd’œilàtraversseslunettesdesoleil.

–T’asattachétaceinture?Etsoudainmonestomacfaitdesnœuds,affoléparcequivasepasser.Jen’aimêmepasletempsderépondrequedéjàlavoiturefaitunbondenavant,lemoteurrugitet

Coltonsemetàriretandisquelavoiturefileplusvitequelesjournalistesquinouspoursuiventpourrontjamaisaller.Lapousséed’adrénalineenmoimefaitentrevoirlaforcedesonaddiction,maisquandjelèvelesyeuxetquejevoisqu’ilsefaufileentrelesvoitures,magorgeseserreetlemondeautourdemoidevientflou.

25

Je finisde lire lesdocuments sur lecomptoirde lacuisine. Je suis satisfaitedes transcriptionsde ladépositiondeZanderquipermettrad’inculperofficiellementsonpère.Enlesrangeantdanslachemisecartonnée, je m’aperçois que j’ai oublié l’heure. La pendule dit sept heures quarante et les garçonsdoiventêtresurleterrainàhuitheures.Ohzut!Jedoisencorefinirdepréparerleursaffairespourlesmatchs.Jemelèveetjecommenceàremplirlesgourdesquejeposesurlecomptoiràcôtédessachetsdegrainesdetournesol.Jetendsl’oreilleetleraffutquej’entendsdansleschambresmeditqueJacksonamislesgarçonsenrouteetqu’ilssontbientôtprêts.

–Hé,Ry?–Ouais?JelèvelesyeuxversJacksonappuyécontrelemur,l’airinquiet.–ZanderetScootdormentencore.Ilmarqueunepauseavantdepoursuivre.–TunedormaispasquandShaneestrentréhiersoir?Jeleregardeenmedemandantpourquoiilmedemandeça.–Non.Jelisaisdansmachambre.–Tul’asvu?Tuluiasparlé?Unesonnetted’alarmetintedansmatêteetjelaissetombercequejesuisentraindefairepourle

regarder.–Non.Jel’aiappeléetilm’aditbonsoiravantderentrerdanssachambre.Tumefaispeur,Jax,il

yaunproblème?–Ehbien, ondirait queShane en tenait unebonnehier soir. Il est dans lesvapes sur son lit, sa

chambrepuelabièreetsi j’encroislespectacledesasalledebains, ilarendutoutcequ’ilavaitbudanslestoilettes.

Undemi-souriredansesursonvisage,etjesaisquecen’estpastrèsapproprié,maisjeréprimeuneenviederireenpensantqueShaneafaitquelquechosedetellementnormalpoursonâge.

Mais tout de suite, mon sens des responsabilités reprend le dessus. Je me mords les lèvres enregardantJax…

–Çadevaitbienarriverunjouroul’autre…Mince,tuveuxquejevoieçaavecluioutupréfèreslefaire?

–Ont’attenddanslevan,Jax!hurleRicky.–Ok.Ilsetourneversmoi.–JepeuxresteravecZand,ScootetShanesitupréfèresalleraubase-ballaujourd’hui?–Non,çaira.Ilprendlesgourdes.–Onvousretrouverasurleterrainunpeuplustardpourlesmatchs.Jepeuxréglerleproblèmeavec

Shane.–Tuessûre?–Absolument.Jaxditaurevoiretaumomentoùilfermelaporte,jenesuisplusaussisûredemoi.Jem’assieds

surundestabouretsdubaretjeréfléchisàlafaçondegérerunadodeseizeansavecunegueuledebois.C’estleplusvieuxdugroupeetlepremieràpasserparlà,alorsjesuisunpeudésarmée.Évidemment,quandmoij’étaisaulycéej’avaisbientroppeurpourboire–lavraiepetitefillemodèle–alorsjesuisenterreinconnue,là.

Montéléphonesonne,jeregardel’écranetunsourireéclairemonvisageenvoyantquec’estColton.–Bonjour.Moncœur sautede joie.Lesderniers joursont été superpournousdeuxmalgré la tension sous-

jacente liée à l’attente des résultats du test de paternité que nous avons fait superbement semblantd’ignorer.Coltonétaittoutexcitéàl’idéederetourneraubureaulasemaineprochaine.Ilvoulaitêtrelàpoursuperviserlesderniersajustementsapportésausystèmedesécuritésurlequelilstravaillent.Celam’afaitrireetjeluiaiditquejetrouvaisçadrôlequ’ilsoitretournésurlecircuitavantderetourneraubureau.Maisilm’ajusteditavecunpetitsourirequepourluilecircuitc’estunenécessité,alorsquelebureau…

–Hé…jem’ennuiedanscelit,toutseulsanstoi.Savoixrauqueetencoreensommeilléemeplaîtetsesparolesmeséduisentquandj’aiautrechoseà

penser.–J’aimeraismieuxêtreavectoi,tupeuxmecroire…–Ehbien,qu’est-cequetuattends?Arrive,Bébé,parcequ’onn’apasdetempsàperdre.J’aiune

longuelistedechosesàfaireaujourd’hui.L’humour souligne le tonsuggestifde savoix.Et j’aimeçachez lui–cheznous–, savoix seule

suffitàm’aideràoublierlestressdecematin.–C’estquoitoutesceschosesquetudoisfaireaujourd’hui?

–Teprendresurlecanapé,surlecomptoirdelacuisine,contrelemur…Teprendredanstouslesendroitsimaginables…

Savoixs’estompetandisquelesendroitsdemoncorpsencoreendormiss’éveillentbrusquement.Jegémisdansletéléphone.

–Tun’aspasidéeàquelpointc’esttentantparcequecettejournéeamaldémarré.–Pourquoi?Qu’est-cequis’estpassé?–Shaneafaitsapremièreexpérienceavecl’alcooletd’aprèsJax,çan’apasdûêtreterrible.Coltonéclatederire.–Ils’estbourrélagueule?Bravo,Shane!–Colton!J’essaiededonneruneéducationrespectableàcesgarçons!Aumomentmêmeoùjedisça,jemerendscompteàquelpointçasonnevieuxjeuetprude,mais

c’estlavérité.–Tuesentraindemedirequejenesuispasrespectable,Ryles?Jesourisparcequej’imaginelesouriremalicieuxsursonvisageencemoment.–Ehbien,ilfautdirequetufaisdescochonneriespastrèsrespectablesavecmoi…Jelefaismarcher,maismoncorpssecontracteetmonbas-ventrepalpitequandjerepenseànotre

dernièrepetitesexcapadesurlesmarchesdelamaisondeMalibuavant-hier.Ilpousseungloussementcoquinetséducteur.–OhBébé, les cochonneries avec toi, c’est ce que je fais demieux,mais je parlais de tous les

autres.J’aiprisdescuitesaveclesmeilleursàcejeu-làaulycéeetjenem’ensuispassimalsorti.– Ça, ça se discute. Tu essaies deme dire que ce n’est pas grave ? De laisser passer ça sans

conséquences?–Non,cen’estpascequejedis.Jepenseseulementquec’estbonsigne,qu’ildevientunadode

seizeansnormal.Jenedispasquec’estbienoumal,justetypique.Etsiçaresteuneexpérienceisolée–qu’ilneboitpaspouréchapperàsonpassé–alorstoutvabien.

Dansunsens,jesuisd’accordavecColton,maisenmêmetempsjesaisquejedoisenparleravecShane,jedoisluidirequejenesuispasd’accordetquecelanedoitpassereproduire,mêmesijesaisqueçaarrivera.

– Alors, ô toi-qui-es-passé-par-là-quand-tu-étais-ado-et-qui-t’es-assagi, qu’est-ce que tu meconseillespourgérerçaaumieux?

–Primo, jenemesuispasassagi,Ry.Etàmonavis, trèschère,cen’estpasprèsdes’arranger.Deuxièmement,demandeàJaxdegérerçaavecluiparcequetoi,ilnet’écouterapas.

–Permets-moidenepasêtred’accord.Jeneveuxpasquelesgarçonsrefusentdemeparleroudem’écoutersousprétextequejesuisune

desraresfemmeséducatricesaufoyer.–Nemontez pas sur vos grands chevaux,MademoiselleThomas ! Je ne dis pas que tu n’es pas

capablederéglerça.Jedisseulementqu’ilécouteramieuxsic’estunhommequiluiparle.–Ehbien,Jaxestaveclesautresaubase-ball,doncceseraobligatoirementmoi.

–Tuestouteseuleaufoyer?J’entends aussitôt l’inquiétude dans sa voix et ce besoin soudain demeprotégerme fait sourire.

C’estplutôtmignon.–Colton.Ilyaaumoinscinquantephotographesdevantlaporte.Jenerisquerien.–Précisément.Cinquantephotographesquin’ontriend’autreàfoutrequedevousharceler,toietles

gamins.Putaindemerde!J’enaivraimentraslebolquemonputaindemerdierseretrouvesurlepasdetaporte.

–Vraiment,cen’estpasun…–Jesuislàdansunedemi-heure.Surcesmots,ilraccroche.D’accord!Alorsilvientpours’occuperdesjournalistes,cequinedonnerariendebon,etmoi,je

nesaistoujourspascommentjevaisfaireavecShane.Putain!

***

–Tupeuxt’amuserencoreuneheureenviron,Scooter,etaprèsoniralesvoirjouer,ok?–Ouaip!Il se précipite dans le couloir vers la salle commune où je suis sûre que les dessins animés du

samedimatinvontl’occuperunpetitmoment.Jecontinuedanslecouloiretjem’arrêtedevantlachambredeZanderetAiden.Zanderestsurson

lit,unecouverturesurlesépaulesetsonchienenpeluchechériserrésurlapoitrine.Lesyeuxfermés,ilsebalanced’avantenarrière.Jepenchelatêteetjefaisunpasdanslachambre.Jeleregardeunmomentpoursavoirs’il rêveous’ilest réveillé.Enm’approchant, j’entends ladoucemélopéequivientdesapoitrineetjecontinueinstinctivement.

–Hé,Zander,çava,mongars?Jemebaissetrèslentementetjem’assiedssurlematelasàcôtédelui.Ilcontinueàsebalancermaisillèvelatêtepourmeregarder.Deslarmescoulentsursonvisageet

sesyeuxreflètentsaprofondetristesse.Letempsquipassen’effacerajamaislessouvenirsquienfoncentleurstentaculesaussiprofondémentquepossiblepourqu’ilnepuissejamaisoublier.Ilpourrapeut-êtreavanceràunmomentdonné,maisiln’oublierajamais.

–Jeveuxmamaman.Simoncœurpouvaitsebriserenunmilliondemorceaux,illeferaitpourcepetitgarçonquej’aime

plusquetout.Leplusdélicatementpossible,jeleprendssurmesgenouxetjel’entouredemesbras,enfouissant

satêtedansmoncoupourqu’ilnevoiepasleslarmesquejeversesurlui,sursoninnocenceperdue,surcettepartiedelui-mêmequ’ilpleureratoujours–samère.

–Jesais,monchéri.Jesais.Elleseraitlàsiellepouvait.Ellenet’auraitjamaisquittésilesangesn’avaientpaseubesoind’elle.

–Maismoiaussi,j’aibesoind’elle…Ilrenifleetjen’airienàrépondreàça.Rien.Alorsjel’embrassesurlatêteetjeleserreunpeu

plusfort,enessayantdelaissermonamourleverunpeudupoidsqu’ilasurlecœur,maisjesaisqueçanesuffirajamais.

Nousrestonsassiscommeçaunmoment,enessayantdetirerautantderéconfortquepossiblel’undel’autre.Ilsecalmeunpeuàmesurequeletempspasseetquejeluicaresselescheveuxenessayantdetrouverquelquechosepourluichangerlesidéesetlefairesourire.

–Hé,tusaisquoi?Coltonvavenir.Jelesensquiseredresseetillèveversmoisesyeuxrougisparleslarmes.–C’estvrai?Justeàcemoment-làj’entendsleremue-ménagedevantlamaison.Mêmeaveclesfenêtresfermées

etlesstoresbaissés,j’entendsleronronnementd’unmoteur,lesclicsdesappareilsphotoetlesquestionslancéesparlesjournalistes.

–Ouaip.Et,àmonavis,ilvientd’arriver.ReconnaissanteàColtonpourceparfait timingetpour l’étincellequivientdes’allumerdans les

yeuxdeZander, jemelèveetjemedirigeversl’entréedelamaison.Jem’assurequelesenfantssontbiendanslapiècecommunepourque,quandj’ouvrirailaporte,ilsnesoientpasàportéedesappareilsphoto.

Colton pénètre par l’entrebâillement de la porte en marmonnant un juron avant de la refermeraussitôt.Ilmeregarde,lefrontplissé,iltientunsacenpapierkraftsouslebras.Ilmesourit.

–Salut.–Çava,Ace?Je m’avance vers lui pour l’embrasser, mais il se raidit. Je recule immédiatement quand je

m’aperçois qu’un des gamins est derrière moi. Colton fait toujours très attention à eux et évite dem’embrasser en leur présence, même un petit bisou sur les lèvres, parce qu’il sait qu’ils sonthyperprotecteursavecmoi,etilneveutsurtoutpasperturbercetéquilibre.

–Embrasse-laetqu’onenfinisse!NouséclatonsderiretouslesdeuxenentendantletonexaspérédeScooterderrièremoi,etjeme

retourneversluiensouriant.Coltonposesamainlibresurmesreinsetvientàcôtédemoi.Ils’accroupitdevantScooter.–T’esd’accord?Lepetitgarçonouvredesyeuxrondscommedessoucoupes.–Jeveuxdire,cen’estpastrèscorrectd’entrerchezunautrehommeetd’embrassersacopine…et

comme tu es undes hommesde lamaison, je supposeque je peux l’embrasser si tumedis que tu esd’accord.

Scooterleregardebouchebéeetseredresse,toutfier.

–Vraiment?Ilal’airsiexcitéquejeposelamainsurmoncœur.–Ok,jesuisd’accord.Àconditionquetunelafassesjamaispleurer.–Marchéconclu!Colton tend le bras et ils se serrent lamain.Mon cœur déborde d’amour, et je dois retenir les

larmesquimemontentauxyeuxpour ladeuxièmefoisde la journéemaiscettefoisprovoquéespar lafiertéquej’éprouvedevantdeuxdeshommesdemavie.

Coltonserelèveetmeregarde.–Ehbien,l’hommedelamaisonditquejepeuxt’embrasser.Monsourires’élargittandisqueColtonsepencheversmoietmeposeunpetitbisoufraternelsur

leslèvres.–Beurk,c’estdégoûtant!Scooters’essuielabouchedureversdelamainetrepartverslasallecommuneencourantpourle

direàZander.Coltonregardepar-dessussonépaulepourêtresûrqueScooterestpartietquandilseretourne,ses

lèvres trouvent lesmiennessans lamoindrehésitation.C’estunbaiserbrefmaissuperstimulantetquifaitplusquerenforcerl’idéequ’ilestladroguedontjenepeuxpasmepasser.

–Waouh!–Iladitquejepouvaislefaire.Ilhausselesépaulesensouriant.–Ilestoù,notrepoivrot?–Ildortencore.Jebaisselesyeuxverslesacenpapiersoussonbras.–Qu’est-cequec’est?Coltonsourit.–Unpetitquelquechosepours’assurerqu’ilsesouviennelongtempsdecematin.Rince-cochonet

compagnie.Enyregardantdeplusprès,jetrouvequelaformedusacressembleunpeutropàunpackdebière.–Colton!Onnepeutpasluidonnerdelabière!Jevaismefairevirer.Jecrieàvoixbasse.Ilaleculotderigoler.–C’estjustementpourça.Surce,ilsedirigeversleboutducouloiràgrandesenjambéesettourneàdroitedanslachambrede

Shane.Commeilm’adittoutàl’heurequeShanenevoudraitpasm’écouter,jeluiemboîtelepaspourvoircequ’ilvafaire.

Il remonte les stores, etune lumièrevive inonde lapièce.Enun riende temps, leshaut-parleursbranchés sur l’iPod de Shane hurlent à plein régime une ligne de basse assourdissante. Shane bonditaussitôtdeson litencriant, lesmainssur lesoreilles,maismarqueun tempsd’arrêtenvoyantquiestdeboutaupieddesonlit,lesbrascroiséssurlapoitrine,lessourcilslevésetlesourireauxlèvres.

IlsseregardentdroitdanslesyeuxunmomentsansparlerpuisShaneattrapeunoreilleretselemetsurlatêtepourcouvrirlesonetbloquerlalumièreaveuglante.

–Arrêteça!Coltonrigoleetvaversl’iPodpourl’éteindre–Merci!ditShanesanssortirlatêtedesoussonoreiller.–Non,non.Coltonsautesur le litet luiarrachel’oreillerdesmains,alorsShanesecouvrelesyeuxavecles

bras.–D’aprèsl’odeurdetachambreetlatêtequetuascematin,jediraisquetuentenaisunebonne,

hiersoir.Jemetrompe?CommeShanenerépondpas,ilpousseunrirelimitesinistre.–Tuaslecœurquitape?Tuaslatêtequitourne?Tuasmalauxyeux?Tuasl’impressionquetu

vasvomiralorsquetun’asriendansl’estomac?–Ferme-la.Shanegrogneenessayantdeseremettrelescouverturessurlatête,maisColtonlestireenarrière.–Non,non.Tuveuxtraîneraveclesgrands–tebourrerlagueulecommeeux–alorsilestl’heure

deteréveilleretd’assumercommeunhomme.Demon poste d’observation dans le couloir, je regarde Colton appuyer la tête contre lemur et

s’installerconfortablementavantdeprendrequelquechosedanslesacenpapierkraft.J’entendss’ouvrirunecanettedebièreetShanes’assiedaussitôtdansson litet regardeColtoncommes’ilavaitpétéuncâble.

–T’escomplètementmalade?Ilal’airpaniqué.–Ouais!Coltonjetteuncoupd’œilendirectiondeShaneetsourit.Ilboitunegorgéedebièrepuistendla

canetteàShane.–Tupeuxledire.Boisuncoup,fiston.Shanereculecommesilacanetteétaitenfeu.–Çavapas!Tun’aspasledroitdemedonnerdelabière!Coltonhausselessourcils.–C’estpourtantceque jeviensdefaire,non?Neprendspasçacommeprétexte.Tuétaisassez

adulte hier soir pour en descendre une, non ? Alors, c’est le moment de te rappeler pourquoi ça t’atellementplu.

Coltonluiremetlacanettesouslenez.–Allez,boisuncoup.T’espascap’!–Qu’est-ceque…–Bois!Quoi?T’esassezdétendupourboireavectespotesmaispasavecmoi?–Çavamefairegerber!

–Ah,ondiraitquetucommencesàcomprendre!Coltonsouritd’unairsatisfaitetmetlamaindanslesacpourprendreuneautrebière.–Ilyenacinqautrespourtoidanscesac,pourquandtuaurasbucelle-ci.Shaneouvredesyeuxrondsetdevienttoutpâleenentendantça.–Horsdequestion!Jevaisvomir.Coltonsepenchesurlui.–Tantmieux. Bois ça, je voudrais que tu te rappelles comme c’est bon quand ça te remonte la

deuxièmefois.Laprochainefoisquetespotestepoussentàboireouquetuasenviedeboirepouravoirl’aircoolauprèsdesdemoiselles…jeveuxquetuterappellescommetuavaisl’aircool,penchésurlestoilettesentraindevomir,parcequetupeuxmecroire,jesaisparexpériencequecen’estpastrèsbeauàvoir.

Coltons’écartedeluietreprendsapositioncontrelemur,avecunsouriresuffisant.IlpenchelatêteenarrièretoutenobservantShaneducoindel’œil.

–T’essûrquetuneveuxpasdecettebière?Tuneveuxpasretrouverlegoûtqu’ellea?Shane fait nonde la tête, unpeu choquéde s’être fait houspiller par son idole, tout commemoi,

d’ailleurs.QuandColtonrecommenceàparler,savoixestétrangementcalme.–Maintenantquej’aitoutetonattention,passonsàquelquesrèglesdebase,tuveuxbien?IlpoursuitsansattendrelaréponsedeShane.–Commentt’esrentréhiersoir,Shane?Laquestionmesurprend,autantqueShane,apparemment.–Daveym’aramené.–EtDavey,ilavaitbuluiaussi?ShanebaisselesyeuxenentendantletoncalmedelavoixdeColton,cequimefaitmalaucœur.–Ilavaitbuquelquesverres.J’entendslahontedanslavoixdeShane,ilsaitquecen’estpasbien.–Hou,mauvaiseréponse!Coltontournelatêtepourleregarderdenouveau.–Quetuaiesenviedejouerauconetdetesoûler,c’estunechosequejepeuxcomprendre.Quetu

montesdansunevoitureavecquelqu’unquiatropbu–parcequesoyonsréalistes,tuétaiscomplètementbourréalorscommentpeux-tusavoircequeDaveyavaitbu?–ça,c’estquelquechosequejenetoléreraipas ! Ilyabeaucoup tropdegensdanscettemaisonqui t’aiment.Qui tiennentà toi,Shane–Ry, lesgarçons,moi–onneveutpasqu’ilt’arrivequelquechose.Alors,laisse-moireformulerlaquestion,ok?Jenevaispas tedemander si tu te soûleras encoreparceque cela t’obligerait àmementir.Voilàmaquestion:est-cequeturemonterasenvoitureavecquelqu’unquiabu?

Shanedéglutitpéniblementenfaisantnondelatête.CommeColtoncontinueàlefixerdesyeux,ilditàvoixhaute:

–Non.

–Àlabonneheure!Enfinonavance…Colton donne un coupde poing dans lemur qui fait sursauterShane. Il se prend la tête dans les

mainspendantqueColtonéclatederire.–Tuesvraimentsûrquetuneveuxpasdecettebière?Shanesecouelatêtefrénétiquement.–Çameplaîtdevoirungarçonintelligentquiécoutecequ’onluidit.Tutedémerdespourrentrer,

tum’appelless’illefaut,maistunerefaispasça.Unedernièrechose…pourquoi?Shanelèvelesyeuxpourleregarder.–Qu’est-cequetuveuxdire,pourquoi?Coltonleregardelonguementsansparleretçamerenddinguedenepasêtreplusprèspourvoir

dansleursyeuxcequ’ilssedisentsansparler.– Pour être cool ? Pour impressionner une fille ? Pour oublier la tristesse quand tu penses à ta

mère?Tun’espasobligédemeledire,Shane,maislaréponseesttrèsimportante.C’estunechoseàlaquelletuasbesoindetrouverlaréponse,pourtoi-même.

Je vois Shane baisser la tête et je retiens mon souffle, inquiète. Shane change de position pours’adosseraumurcommeColton, les jambescroisées, lesbrascroiséssur lapoitrineet lesyeux levésversleplafond.Lesvoircommeçatouslesdeux,çan’apasdeprix,etjesaisquecemomentresteraàjamaisgravédansmamémoire.

Coltonpousseunsoupiretquandilsemetàparler,savoixestsibassequej’aidumalàl’entendre.–Quandj’étaispetit,ilm’estarrivéuntrucvraimentmoche.Vraimenttrèstrèsmoche.Etquoique

jefasse,j’avaisbeauêtretrèssageoufairedesefforts…rienn’yfaisait…rienn’arrêtaitça.Personnenevenait à mon secours. Alors, dansma tête de sept ans, je me disais que c’était dema faute, et celam’arrive encore parfois de le penser.Mais le pire, c’était de vivre avec cette souffrance et avec laculpabilitéquiendécoulait.

Il soupire et détache les yeux du plafond en attendant que Shane fasse la même chose pour leregarderdanslesyeux.

–Putain,j’étaisbienplusjeunequetoiquandj’aicommencéàpicoler,Shane…etjebuvaisparcequej’avaistellementmal.Etaprèsquelquescascadesdébilesetquelqueshistoiresdontj’aieulachancedemetirerindemne,monpèrem’afaitasseoiretm’aposélamêmequestionquejeviensdeteposer.Ilm’adit lesmêmeschosesque je t’aidites, etpuis ilm’ademandé :«Pourquoiboirepouroublier lasouffrancequandsouffrirc’estressentir,etressentirc’estvivre.Tunetrouvespasquec’estbond’êtrevivant?»(Coltonsecouelatête)Ettusaisquoi?Certainsjours,jemedisaisquec’étaitdesconneries,quejeneseraisjamaiscapabledepasserlemoindrejoursansypenser,sanssouffriràcausedeçaoumesentircoupableàcausedeça…putain!Cesjours-là,j’avaisvraimentenviedeboire.J’avaisquinzeans,Shane,etjevoulaisboirepourgérertoutça…maismonpèremefaisaitasseoiretmerépétaitcesmots.Et tu sais quoi ? Il avait raison.Cela a pris du temps.Beaucoupde temps.Et ça nedisparaît jamais,jamais…mais je suis trop content d’avoir choisi de ressentir plutôt que d’être endormi.Trop contentd’avoirchoisidevivreplutôtqued’êtremort.

Sansquejem’enaperçoive,leslarmescoulentsurmesjouescommesurcellesdeShanejusqu’àcequeColton l’attrape par le cou et le tire contre lui. Il lui donne une accolade rapidemais virile quiprovoqueunsanglotquisecoue tout lecorpsdeShane.Colton luiposeunbaiser très inhabituelsur lesommetducrâneetluirépèteàvoixbasse:

–Rappelle-toi, souffrir c’est ressentir, et ressentir c’estvivre, et tune trouvespasquec’estbond’êtrevivant?

Moncœur se serre, j’ai le souffle coupé et toutevelléité que j’ai pu avoir dequitter cet hommemagnifiqueetcatastrophiquesedissipeàjamais.

L’hommefracasséausecoursdel’enfantcabossé.IlrelâcheShanedesonétreinteetjesensaussitôtquecettemanifestationdesentimentlesmetaussi

malàl’aisel’unquel’autre.ColtonselèvebrusquementetritquandShanerepousseunedernièrefoislabière qu’il lui propose. Il ramasse le sac contenant les autres canettes et se dirige vers la porte. Aumomentdesortir,ilseretourne.

–Hé,Shane?Tupues,mec.Prendsunedoucheethabille-toi,ondoitallervoirdubase-ball.Coltonfranchitlaporteets’arrêtepourlancerunregardinterrogateurenvoyantleslarmessurmon

visage.Jeluidislaseulechosequejepeuxdire:–Merci.Ilhochelatêtecommes’iln’étaitpascertaindepouvoirparleretsedirigeversleboutducouloir.

26

Colton

–Jepeuxteleslaisser,Jax?JesurveilleScooterquiachètejenesaisquellesucrerieausnackavecl’argentquejeluiaidonné.Shanea décliné. Ce petit con est toujours blanc comme un linge. Il ne pourra rien avaler pendant un petitmomentsansrisquerdetoutrendreaussitôt.

Ah,lesbonssouvenirsdutempsoù,adolescent,ons’allumaitcommeunarbredeNoël.Jenepeuxpasm’empêcherdecompatir,maisilfautbienreconnaîtrequec’estassezdrôledelevoirsacrifieràceritedepassage.

Jaxajustesoncasquedebase-ball,baissesabatteetvientversmoi.–Oui,oui,c’estbon.Iltendlamainpourserrerlamienne.–Mercipour…IldésigneShaned’ungestedumenton.–Pasdeproblème.C’étaitloindecequej’aiconnuquandj’aiprismapremièrecuite,maisjeluiai

parlé.–Merci.Ryachangéd’avis?Ellenevientpas?–Non!JesecouelatêteenvoyantRickyfaireunswingetlancerlaballeendehorsduterrainpendantson

entraînement. Je sifflepourqu’il sacheque je l’aivuet ilme fait lepluscraquantdessouriresenmeregardant. Je saisplusquequiconqueque lemoindre signede reconnaissance,quelqu’il soit,marquepourlongtemps.

–Si,si,ellevient.MaisjecroisqueZanderapasséunemauvaisematinée,alorsellenevoulaitpasl’exposerauregarddesjournalistes.Doncj’aiemmenélesautresavecmoi,enespérantquecesputainsdevautoursmesuivraient.

JeregardeendirectionduparkingverslaRangeRoveretilssonttouslà,lesappareilsautourducoupointésversmoi,enespérantsaisir…vasavoirquelscoop,putain,pendantunmatchdebase-balldegamins.Maisaumoins,quandjesuisaveclesenfants, ilsgardentleursdistancesetnemebombardentpas,cequim’étonneunpeu.Depuisquandont-ilsapprislesbonnesmanières?Cen’estpascommesij’allaisfairejenesaisquoid’excitantderrièrelesgradinsetcréerd’autresrumeursinfondéesd’enfantsillégitimes.

Jehausselesépaules.–Entoutcas…ondiraitqueçaamarché.Jaxrigoleenregardantlameutesurleparking.–Tucrois?C’estlafolie,monvieux,devivreavecçaenpermanence.Est-cequ’ons’yhabitue?–Est-cequ’unevoitureroulesansroues?C’estlaquestionlaplusstupidedumonde,maisc’estJax.Cemecestcool.IlprendsoindeRy.–C’estjuste.Jecontinueàbavarderavecluiavantdem’apprêteràoffriràcesconnardsdeparasiteslegrosplan

quivaleurfairegagnerunpeudefric.Etqui,avecunpeudechance,nouspermettrad’êtretranquillesunjourdeplus.

Ilsmecanardentavecleursputainsd’appareilsphotoquandjepasseprèsd’euxetjedoisfaireuneffortpourmeretenirdebalancerdescoupsdepoingparcequeçameferaitdubiendemelaisseralleràleurtomberdessus.PutaindeChase.Jefaiscequ’elledituniquementparcequecelaferaitdutortàRysijefaisaislenumérodubadboyingérablequipètelesplombs,celuiqu’ilsattendentdemoienmeposantleursquestionsàlaconquilafontpasserpourunebriseusedeménage.

Putaindepromesses.Qu’ellesaillentaudiable!C’estpourçaquejen’enfaisjamais.Quejen’enfaisais jamais avant Rylee, en tout cas.Qui aurait pu penser qu’un jour viendrait où jeme laisseraisensorcelerparunechatte,avecmonconsentementenplus,bordel!

Lespoulessemettentàavoirdesdents,ondirait,quandonvoittoutlechangementqu’elleopèreenmoi.

Jeluiaiditquej’essayaisdedevenirmeilleur,putain.Ehbien,putain,jenepensaispasqu’onallaitseretrouverdanscemerdierquiallaitnoustirerdanstouslessenscommeunputaindebrasdefer.

J’aitenubonjusqu’ici.Jen’aipasprismontéléphonepourpourrirTawnyaveccettemascaradedemerdequ’ellenousfaitenjetantRyleeauxchienspouressayerdemefairedumal.Maisjesaisquesijelefais,celaprouveraseulementqu’ellem’aatteint.Etpourelle,çareviendraitàgagnerlamoitiédelabataille.

–Àquandlemariage,Colton?–TawnysaitquevousêtesavecRylee,aujourd’hui?–Vousavezdéjàchoisileprénomdevotrefils?Un autre photographe me bouscule et je me tourne vers lui d’un bond, les poings serrés, les

mâchoirescrispées.–Baslespattes,putain!

Rylee.Rylee.MapetiteRylee,putain.Ilfautquejemerépèteçaenbouclepourm’aideràignorerleursmensongesdemerdeetm’empêcherdepéteruncâble.

Aumoins,lemecreculepourmelaisserouvrirlaputaindeportièredelavoiture.Cequiestbienaveclesvoituresdeluxe,c’estquedèsquejerefermelaportière,iln’yaplusunbruitetaveclesvitresteintéesc’estdifficilepour lesappareilsphotodemeprendreaumomentoù jem’énerve. Jevoudraisbienresterassislàletempsdemecalmer,maisiln’yarienàfaireavectoutcecirqueautourdemoi.

Jefaisdémarrerlemoteurenespérantqu’ilsvontcomprendrelemessageetreculerpourquejenelesécrasepas.Unautrerugissementdumoteuretlelégermouvementderecullesprécipitenttousversleursvoiturespourpouvoirmesuivre.

Putaindemerde.Pourunpeud’excitation,suivez-moi,putain!Sijemettaisundecesridiculesautocollantssurmonpare-chocs,c’estcequ’ildirait.Jeregardes’iln’yapasd’enfantsetj’appuiesurl’accélérateurencoreunefoisavantdesortirdu

parking.Jesuisdébarrassédelafoliequandjelarguelamajeurepartiedesvoituresàunfeurougeenpassantàl’orangeàladernièreseconde.Jefinisparpousserunsoupirdesoulagement,jepeuxprofiterd’uneminutedetranquillitéenchantonnantsur«BestofYou»,àlaradio,etc’estlàquejeregardemontéléphone.

Et l’air que je viens d’inspirer ressort aussitôt, comme si j’avais reçu un coup de poing dansl’estomac.Monpiedhésitesurlapédaled’accélérateurcommeceluid’unputaindedébutantenvoyantletextoaffichésurl’écran.

L’enveloppecachetéetrônesurmonbureau.Tesrésultatssontarrivés.Appelle-moi.

Toutmoncorpssefige–mespoumons,moncœur,magorge,tout.Jeregardedroitdevantmoi,lesjointuresdemesdoigtsblanchissenttantjeserrelevolant,enessayantdefairefaceàl’assautd’émotionsquimesubmerge.

Jem’obligeàrespirer,àclignerdesyeux,àréfléchir.Aumomentoùs’enclenchentlescommandesdematêteàmoncorps,jecoupelafileenprovoquantunconcertdeklaxons.Jerentresurlapremièreairequejevois,leparkingd’uncentrecommercial,etj’enfoncelapédaledefrein.

Jeprendsmontéléphonepourappelermonavocat,puisjelereposeetjefermelesyeuxenessayantdecontrôlermesnerfsquimenacentdemelâcher,toutàcoup.C’estfini.Laréponseàl’autreboutdufilvasignifiersoitlapiredemesconneriessoitmonplusgrandsoulagement.

Lacertitudequej’avaisjusque-làqueçanepouvaitpasêtrevrainemeparaîtplusaussiévidente.Jesouffleungrandcoup,jetapedupoingsurletableaudebord,jemeprendslescouillesàdeuxmainsmentalementetj’attrapemontéléphone.

Chaquesonneriemetue.Commesij’attendaisqu’onfassetomberlachaisequiestsousmespiedsalorsquej’aiunnœudcoulantpasséinnocemmentautourducou.

–Donavan.Ilmefautuneminutepourrépondre.–Salut,CJ.Jenereconnaispasmavoix,putain,ondiraitunpetitgaminquiattendqu’onluiannoncesapunition.–T’esprêt?–BonDieudemerde,vas-y,tuveux?Ilrigoleetj’entendslebruitd’uneenveloppequ’ondéchire.C’estfacilepourluideriremaintenant

quandmoncœurbatàtoutrompre,quelesangbatdansmatête,etquemonpiedtrépignesurleplancherdelavoiture.C’estalorsquej’entendsCJsouffler.

–C’esttoutbon.Jen’arrivepascroirequej’aibienentendu.–Quoi?–Elleamenti.Tun’espaslepèredecebébé.Je tends le poing au-dessus dema tête en criant. Jeme prends la tête dans lesmains tandis que

l’adrénalinemefrappedepleinfouet,mesmainssemettentàtrembleretleslarmesmemontentauxyeux,putain.Jen’arrivemêmepasàpenserclairement.JesaisqueCJmeparle,maisjen’entendspascequ’ildittellementmoncœurbatfortdansmesoreillesàcausedel’adrénaline,commeaudépartd’unecourse.Jelèvelebraspourmepasserlamaindanslescheveux,maisjem’arrêteàmi-cheminetjetapesurlevolantavantdemefrotterlevisage,jesuistellementsubmergé…inondédesoulagement,putain,quejenepeuxpasalignerdeuxidéescohérentes,àpartcelle-ci:

–Cen’estpasmoilepère.Jen’aipasfaitfoirerlavied’unpauvreêtreenlecontaminantavecmonsang.Unenfantquivanaîtred’unegarcemanipulatricecommeTawny.–Çava,Wood?J’aibesoind’unesecondepouravalermasaliveetretrouvermavoix.–Ouais.Superbien!Merci.–JevaisdemanderàChasedefaireuncommuniquéàlapressepour…–Jem’enoccupe.Iln’yarienquimefasseplusplaisirqueremettrecesvautoursàleurplaceetobtenirqu’ilsnous

lâchent lesbasketsunmoment.Pour laisser lapossibilitéàRyleede s’adapteràmaviededingue, letempsquenousprenionsnosmarques.

Etvoilà,jerecommence.Jeparledetrouvernosmarquesetdel’avenirettoutçaavecelle.Monputaindetalond’Achille.

Enfoiré.Etj’ypensesoudain.Rylee.Ilfautquejeluidise.–Merciencore,CJ,ilfautquej’appelle–ilfautquejeraccroche.

Je raccrocheet je commenceaussitôt à composer lenumérodeRylee,maismesmains tremblenttellementàcausedel’adrénalinequicourtdansmesveinesquejesuisobligédem’arrêteruneseconde.

Et soudain, jem’aperçoisque jeveuxmettreun termeàcettehistoireunebonne foispour toutesavantdeparleràRy. Jeveux remettre lescompteursàzéroavantde l’appelerpour luidirequec’estderrière nous. Le bébé, Tawny, les mensonges – tout ça, c’est définitivement de l’histoire ancienne,putain.

Jeprendsuneprofondeinspirationetjecomposelenuméroquim’étaitsifamilieràuneépoqueetquimaintenantmemethorsdemoi.

–Colton?Jesuiscontentqu’ellesoitétonnée,del’avoirpriseparsurprise.Laballeestdansmoncamp.–Tawny.Mavoixestneutre,dénuéed’émotion.Jenedisriend’autre.Jelalaissemariner.Jeveuxqu’ellese

demandesijesaisoupas.Elleestassezculottéepourmementirenmeregardantdroitdanslesyeux,onvavoirsiellevacontinuercettemascaradeoujouercartessurtable.

Maisletestdepaternitéestmacartemaîtresse.–Salut.Elleparlesibasquejen’arrivepasàsavoirsielleestintimidéeousielleminaude.Quecesoitl’unoul’autre,j’ail’estomacquisesoulève.Jememords la joue en essayant de décider où je veux aller avec cette conversation, parce que

mêmesi j’aienviede la fairesouffrir, jeveuxsurtoutneplusentendreparlerd’elle.Sayonara,adios,salutàtoutjamais.Elles’éclaircitlavoixetjesaisquemonsilencel’inquiète.

Tantmieux.–Colton…Jedoismemordrelalanguepournepasrépondre,pourlalaissers’angoisser.–Tuvoulaisquelquechose?Jesuisunpeuétonnéequetum’appelles…–Étonnée?Vraiment?Lesarcasmecouledemavoixcommedel’huiledemoteur.–Commentc’estpossible?Ellecommenceàbredouillerquelquesmots,maisaucunnevaplusloinquelapremièresyllabe.–Arrêteça,Tawn.Dis-moiseulementunechose.Pourquoi?Àquelmoment est-elle devenue comme ça, putain ?Quand est-ce quemapetite amie de fac est

devenuelagarceintriganteetmanipulatricequej’aiauboutdufil?Qu’est-cequej’aimanqué,putain?–Pourquoi?Ellefaittraînerlemot.Nousavonsétéamispendantsilongtemps,jesaisqu’ellevaàlapêche.Elle

chercheunindicepourpouvoirleprendreetletordreetlemanipulerpourmefairedirecequil’arrange.Et j’en ai marre. La routine innocente a fait long feu en ce qui la concerne, elle et ses foutus

mensonges.Aumoins, je levoismaintenant.Aprèscequ’ellea fait àRy?Etmaintenantcequ’elleaessayédemefaire,àmoi?

Findepartie,monchou.–Ouais,pourquoi?Parcequetuasmenti,putain.Tut’esservidemonaccidentpour…–Colton,jen’essayaispasde…–Ferme-laputain,Tawny!J’enairienàfoutredetesexcusesminables!Jecrieparcequejesuisàboutetquec’estsacrémentbond’exploser.D’expulserlacolère,lapeur

etl’incertitudequidominentmaviedepuisquelquessemaines.Quim’ontlaisséaussidésorientéquesijeconduisais à l’aveugledans l’écrande fuméed’unaccident en espérant ressortir de l’autre côtéde cebrouillardoppressant.

–Tun’essayaispasdequoi?Jesuffoquedecolère.Ilfautquejebouge.J’aibesoindel’expulseralorsj’ouvrebrusquementla

portièredelaRangeRoveretjememetsàfairelescentpasenpassantmamainlibredansmescheveuxetentapantdespieds.

–Tun’aspasessayédeteservirdemonaccident–dubrouillarddansmatête–pourarriveràtesfins?Pourdirequejet’avaisbaiséealorsquec’étaitfaux?Pourmepiégeretquejeservedepèreàtonmômeillégitime?C’estpascomplètementtordu,ça?Quelleespècedetasdemerdefaitcegenredechoses,Tawn?Hein?Peux-tumedirepourquoilafemmequej’aiconnue–quiétaitmonamie ilyabien longtemps, putain–pourquoi cette femmeest tombée si basqu’elle s’est servied’ungaminpouressayerdemereconquérir?

Iln’yapasassezd’asphaltesurceputaindeparkingpourquejepuissefaireretomberlafureurquicouledansmesveines,parcequeplusj’ypense–plusjepenseàcequ’elleessayaitdefaire–,pluslaragemonteenmoi.

Elleafichtrementraisondesetaire.Elleneréagitàaucunedemesquestions.Toutcequej’entends,c’estdespleurnicheriesàl’autre

boutdufil.–Quandjepensequejetenaisàtoi,àuneépoque.C’estincroyable,putain.Jesecouelatêteetj’avaleunegrandeboufféed’air.–C’estcommeçaquetutraiteslesgensquetuprétendsaimer?Utiliserungaminpourmanipuler?

Tromperpoursefaireaimer?–Tuasreçulesrésultats.Cen’estpasunequestion,seulementuneaffirmationsuruntonétrangementcalme.Etellesait.–Ouais,jelesaireçus.Lafroideurcalmedemavoixdevraitluidonnerenviedecourirsecacher.– Tum’avais déjà fait un sale coup une première fois, Tawn. J’ai réagi aussi délicatement que

possibleparcequenosfamillessontliées.Jem’adossecontrelaRoverencontinuantàsecouerlatête,monpoulsbatàcentàl’heureetj’aile

soufflecourt.

–Mais,visiblement,tutefousdeçapuisquetuasrecommencé,etenbeautécettefois.Tuasessayédemedétruireaveclachosedonttusavaisqu’elleallaitmebousillerplusquen’importequelleautre.Alors,jeteconseilled’écouterattentivement,parcequejenemerépéteraipas.Jeneveuxplusentendreparlerdetoi.N’essaiepasdemecontacter.EttuastoutintérêtànepascontacterRy.Pourlesfêtesdefamille?

Jerismaiscen’estsûrementpasparcequejesuiscontent.– Je suggère une gastro ou n’importe quoi dans le genre qui t’empêche d’y assister. C’est bien

clair?Tuétaismonamie,ehbien,maintenanttun’esplus…rien.–Jet’enprie,écoute-moi…Ellem’implore,maissavoix–unevoixquiacomptéàunmoment–cettevoixnemefaitrien.Du

tout.–Nesoispassifroid…–Froid?Jecrieettoutmoncorpsfrémitdecolère.–Froid?Froid?Prépare-toipourlecerclepolaire,parcequetoutestfini.Tuesmortepourmoi,

Tawny.Iln’yariendeplusàdire.Je raccrochesans tenircomptedusanglotque j’entendsà l’autreboutdufil. Jemeretourneet je

m’appuie des deux mains sur le côté de ma voiture en essayant de tout repasser dans ma tête. Decomprendrecommentuneamied’enfanceapumefaireça.

Et soudain, jeme rends compte qu’en réalité ça n’a pas d’importance, putain.Lespourquoi, lesdansquelbut.Riendetoutçan’ad’importance.

Parcequej’aiRy,maintenant.Putaindemerde.Jesuistellementabsorbédansmespenséesetparcequejeviensdefairequej’ai

oubliélavraieraisonpourlaquellejel’aifait.Rylee.Je remonte dans la voiture en cherchant nerveusement dans mon téléphone et je mets quelques

secondesàlaretrouverdansmarécentelisted’appels.Letéléphonesonnemaisjem’impatiente.–Allez,réponds,Ry!Jetambourinesurlevolanttandisquelasonneriepassedansleshaut-parleursdelavoiture.–Salut!Ellerit.Ceton.BonDieudebonDieu!Cetoninsouciantdanssavoixmeprendlecœuretleserresifort

quej’ai l’impressiondenepluspouvoirrespirer.C’estcommesi, toutd’uncoup,toutescesconneriesavaientdisparuavecTawnyetl’accident,etmêmesij’ailesoufflecoupé,j’ail’impressiondepouvoirrespirerpourlapremièrefoisdepuisuntempsfou.C’estàçaquec’estcenséressembler?Laputaindeclartéettoutça?

Jecommenceàparler,mais jenepeuxpas.C’estquoicebordel?C’estcommesi jevoulais luidiretoutàlafoisetpourtantjenesaispasparoùcommencer.Jememetsàrire,d’unriredemalade,

parcequejesuisaumilieud’uncentrecommercialdemerdeetqueçametombedessusmaintenant.–Çava?Jem’étranglederire.–Ouais,j’aijuste…J’entends un petit rire dans le haut-parleur, clair et distinct, et jem’interromps. C’est le rire de

Zanderetc’est lapremièrefoisque je l’entends.Cesonmetranspercecommeuncouteauàdécouper.Vraiment,jedeviensunevraiegonzesseencemomentavectoutesmesémotionsétaléescommeçasurlaplacepublique.

–Vacherchertongantdanslacouretonyva,ok?Jel’entendsdireouisurlehaut-parleur.–Excuse-moi,tuallaismedirecequ’ilyavaitdesidrôle.Je commence à lui dire pour les résultats du test quand un bruit me parvient, si terrifiant qu’il

pénètremapoitrineetdéchiremoncœurendurci.–C’estquoiça,bordel?Jene ledispasassezviteparcequ’endépitduhurlementsuraiguquirappelle lecrid’unanimal

blesséluttantpoursavie,j’entendsencoredansletéléphoneRyleequibouge.Monestomacseserreenentendantcebruit,etellequinerépondpas,putain!–Ry?Dis-moicequisepasse.Ry?–Non,non,non,non!Ilyaquelquechosedanssavoix–delapeur,del’incrédulitéetdelasurprisemêléededéfi–qui

mefaitfroiddansledosetmepousseàfairedémarrerlavoitureimmédiatementetàpasserunevitesse.–BonDieu,Ry!Parle-moi.Qu’est-cequisepasse?Jehurledansletéléphone, lapaniquemegagne,maisjen’entendsquesarespiration.Etpuisdes

pleurs.–Rylee!–Vousn’avezpasledroitdel’emmener!Savoixestétonnammentcalmeetsembletrèslointaine,etjecoupelarouteàunpauvremecsurla

voied’àcôté.–C’estqui,Ry?Dis-moi,Bébé,jet’ensupplie.Unepeur,commejen’enaiplusressentidepuismonenfance,faitremonterlabiledansmabouche.

Lapeurquisenichedanschacunedemesterminaisonsnerveuses.J’hésiteàraccrocherpourappelerle911parcequecelavoudraitdirequejenel’auraisplusenligneetquejenesauraispassiellevabien.

–Espècedesalope!C’esttoutcequej’entends,etjusteaprèsellepousseuncridedouleuretplusrien.–Non!Jehurleen tapant sur levolant.Mavisionsebrouillequand j’essaiedecomposer lenumérosur

montéléphone,maisj’ailesdoigtsquitremblenttellementquejen’arriveàfairele911qu’aprèstroistentatives.

Unevoixdésincarnéemerépond.–911.Qu’est-cequejepeuxfairepourvous?–Jevousensupplie,ilsontbesoind’aide.Ilscrientet…ilscrient!–Quiest-cequicrie,Monsieur?–RyleeetZand…Jen’arrivepasàpenserclairement,putain!Monsangseglacedansmesveinesetlaseulechose

quej’aientête,c’estqu’ilfautquej’yaille,alorsjenemerendsmêmepascomptequecequejedisn’aaucunsens.

–S’ilvousplaît,ilyaquelqu’unquiestentrélà-baset…–Monsieur,quelestvotrenom?C’estàquelleadresse?–Co…Colton…Jebredouillequandjem’aperçoisquejeneconnaismêmepascetteputaind’adresse.Justelenom

delarue.–SwitzerlandAvenue.Ohputain,putain!Accroche-toiBébé.Accroche-toi, j’arrive.Jemerépèteçaenboucledansma

têtesanspouvoircontrôlerlestremblementsquisecouentmoncorps.–Quelleadresse,Monsieur?–Jen’ensaisrien,putain!C’estlamaisonavectouslespaparazzisdevant.Elleesttouteseuledans

lamaisonavecunpetitgarçon.Jevousensupplie!Faitesvite!Quandjerelèvelesyeuxaprèsavoirraccroché,jefreineviolemment,bloquépardestravaux.–Etmerde!Jehurleenappuyantsurleklaxoncommesimavietoutentièreendépendait.Rylee.Jenepensequ’àelle.Rylee.BonDieu,jevousensupplie,non!

27

–Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Spider-Man.Batman…Zander, assis en boule dans un coin de la cour derrièremoi, répète ça en boucle.C’est la seule

chosequej’entendspar-dessuslebourdonnementqu’aprovoquélecoupdepoingdansmatête.Zander,lesmainssurlesoreilles,sebalanced’avantenarrière,psalmodiantlalitanieenseretirantenlui-même.Dans unmondequ’il se crée, où il n’y a niméchants qui déboulent le pistolet à lamain ni pères quitiennentdescouteauxpourcouperleurfemmeenmorceaux.

Leproblème,c’estquedanslemondedeZanderc’estuneseuleetmêmepersonne.Je remarque tout çadans la fractionde secondequi suit le coupdepoingdans la figurequim’a

envoyée valdinguer, en apercevant mon gentil petit garçon qui se replie sur lui-même. Le tempss’immobilisepuisrepartauralenti.Ladouleurdansmajoueetmonœilnecontribuepasàfairediminuerlapeurlogéedansmoncœurquandjecroiseleregarddel’hommequiaétéconstammentprésentdansmaviedepuisquelquessemaines.Ilaperdusacasquetteetseslunettesnoires,etcelamefrappe.

Jeconnaiscethomme.Jel’aidéjàvu.C’est l’hommequim’a foutu les jetonsdans leparkingdeTarget.C’est l’hommedans lavoiture

bleufoncégaréedevantlefoyeretdevantchezmoi,quimesuit.Sans sa casquette et ses lunettes de soleil, je vois la ressemblance avec Zander. Je comprends

pourquoiilm’asemblésifamilierdansleparkingcejour-là.Ilalesyeuxdelamêmecouleur,lesmêmestraits;ilalescheveuxpluslongsetunpeuplusfoncés,maislaressemblanceestfrappante.

Je considère lemétalnoirmatdupistolet qu’il pointe surmoi, puis sesyeux–desbillesnoiresdénuéesde touteémotion–quipassentnerveusementdemoiàZander,à l’arrière-plan,quipsalmodiesansrelâchelalitaniedessuper-héros.

–Qu’est-cequevousluiavezfait?IldirigesonpistoletversZanderpuisleretourneversmoi.–Pourquoiilfaitça?Répondez-moi!Restecalme,Rylee.Restecalme,Rylee.

–Il…ilapeur.J’aienviedehurler:C’estvousquiluiavezfaitça.C’estdevotrefaute,espècedenul,assassin

de merde. Mais tout ce que je fais, c’est me répéter, en essayant de cacher ma peur et de ne pasbafouiller.J’essaiedemeconcentrersurlesbattementsdemoncœur.Jecomptelespulsationsdemonsang dans mes oreilles pour garder mon calme. Je sens les rigoles de sueur qui coulent entre mesomoplates et mes seins. Je sens l’odeur de la peur, et mon estomac se révulse, sachant que c’est lamienne,mélangéeàlasienne.

Etjem’accrocheàcetteidée.Qu’ilapeurluiaussi.Réfléchis,Ry.Réfléchis.Ilnefautpasl’énerver.IlfautprotégerZander,etjen’aipaslamoindre

idée de ce que je pourrais faire. La peur irrépressible que j’éprouve dispersemes idées,me rendantincapable de la moindre cohérence. Incapable de décider de ce que je dois faire, sachant qu’il estcapabledetuer,qu’ill’adéjàfait.Assassinélamèredesonenfant,saproprefemme,rienqueça.

Qu’est-cequipourraitl’empêcherdemetuer?Iln’aplusrienàperdre.Etc’estcequimefoutlatrouille,plusquetoutlereste.Jem’obligeàdéglutir,jeregardeautourdemoi.Sonappareilphotoetsafaussecartedepressesont

surlesol,àcôtédelagrille.Monportableauborddelapelouseoùilesttombéquandilm’afrappée,etjepenseaussitôtàColton.

Jemeraccrocheimmédiatementàl’espoirqu’ilm’aentendue,qu’ilsaitquenousavonsdesennuisetqu’ilappellera lessecours–parcequ’autrement jen’aiaucunechancedeprotégerZandercontrecemalade.Nidemeprotégermoi-même.

Meslarmesmebrûlentlespaupières,monœilgonflémefaitsupermal.J’ailesmainsquitremblentetlapeurm’empêchederespirernormalement,tandisquelevolumesonoredesincantationsdeZandermontentdeplusenplus,cequiajouteauniveaudestressdelasituation.

Jen’entendsqueçadanslesilencedecematin–lamélopéed’unpetitgarçonquisaitquel’espoirn’estpluspermis.Etàmesureque le tempspasse, lesmotschuchotésdeviennentdeplusenplusfortsquandilessaiedenoyerlesondelavoixdesonpère.

–Qu…qu’est-cequevousvoulez?JefinisparposerlaquestionenessayantdecouvrirlavoixdeZander,maisjesensquel’hommea

depuis longtemps perdu contact avec la réalité. Et je ne sais pas comment tenter de raisonner unepersonnedémente.

Ilavanceversmoi,sesyeuxsebaladentsurtoutelasurfacedemoncorps,etalorsquejecroyaisquetousmesnerfsétaientenmodealertemaximale, le regarddanssesyeuxmorts,quandil remonteàmonvisage,provoqueenmoiuneréactionsupplémentaire.Dessonnettesd’alarmesemettentenmarcheetmonestomacsecontracteviolemment,àtelpointquejedoiscombattrelanauséequimemenace.

Iltendsonpistoletetjemefigequandilenpassel’extrémitédehautenbasdemajoue.Lefroiddel’acier,ladureréalitédumétalsurmachairetcequecelareprésente,meglacentlesang.

–Hé,vousêtesbonne,Rylee.Lafaçondontilprononcemonnom,commes’illetripotaitdelalangue,medonneenviedevomir.

En un instant, il serremes joues entre ses doigts, son visage est à quelques centimètres dumien. Leslarmescommencentà rouler surmonvisage. J’essaied’être forte. Jevoudrais luidired’aller se fairefoutre, d’allermourir. Je voudrais crier àZander de courir pour aller chercher de l’aide. Je voudraissupplierDieu,suppliern’importequi,pourqu’onnousvienneenaide.JevoudraisdireàColtonquejel’aime.Maisriendetoutcelan’estpossiblelà,toutdesuite.J’ailesgenouxquitremblent,lesdentsquiessaientdeclaqueràl’intérieurdesamainquilesmaintientserrées.Toutcequejesuis–monavenir,lespossibilitésquis’offrentàmoi,maprochainerespiration–toutdépenddubonvouloirdecethomme.Ils’approcheencoreplus,jesenssonsoufflepassersurmeslèvrestandisquesesdoigtss’enfoncentplusprofondémentdansmesjoues,etjen’arrivepasàretenirlecridepeurquisortdemeslèvres.

–Laquestion,Rylee,c’est…jusqu’oùiriez-vouspourprotégerundevosgamins?–Allezvousfairefoutre!Lesmotssontsortisdemaboucheavantquej’aieeuletempsdelesretenir,lacolèreasuppriméle

filtreentrematêteetmabouche.Etjen’aimêmepasletempsdeclignerdel’œilqu’ilmeflanquesonpoingdansleventresifortquejesuisprojetéeenarrière.J’atterrisavecunbruitmatsurlesolenbétondelaterrasseetjeheurtedesépaulesetdelatêtelabarrièreenboisderrièremoi.

Laterreurquimeconsumel’emportesurladouleurducoup.J’aiatterriprèsdeZander,alorsjemedéplacepéniblement,aussivitequejepeux,àcôtédeluietjeletireversmoienessayantdeleprotégerdemonmieux.Jesaisquel’hommeestderrièremoi,jesenslaprésencemenaçantedel’armepointéesurmoi,maisjeberceZander.

–Toutvabien,Zander.Ilneteferademal.Jenelelaisseraipasfaire.Jeluiparleàvoixbasse,maisZandern’arrêtepasdesebalancer,n’arrêtepassalitanie,etjesuis

sipétrifiéeencemomentquejecommenceàinvoquerlessuper-hérosaveclui,alorsquenoussommeslà,assisdansunjardinbâtisurl’espoiretquiserabientôt,jelecrains,contaminéparlaviolence.

–Jesuisvenucherchermonfils.Savoixm’avaitdéjàparufroideauparavant,maismaintenantelleestaussiglacialequel’acierde

sonarme.–Non.J’essaiedeparleravecuneassurancedémentieparletremblementdemavoix.–Voussavezàquivousavezaffaire,putain?Ilpointesonarmedansmondos,pressantleboutducanonentremesomoplates.–C’estlemomentdelâchermonfils.Jeserrelespoingspourempêchermesmainsdetrembler,pourqueZandernesachepasàquelpoint

j’aipeur.Jeneveuxpasquesonpères’enaperçoive,luinonplus.J’avalepéniblementmasalivetandisquelecorpsdeZanderestsecouédesanglots,etaucasoùjenel’auraispassu,jesaismaintenantsansl’ombred’undoute–malgrélasueurfroidequiinondemoncorpsetlapeurlogéedansmoncœur–je

saisquejenepeuxpaslaissersonpèreleprendre.Quejeleprotégeraidetoutesmesforces,parcequepersonnenel’ajamaisfaitauparavant.

Lapressionducanondansmondoss’accentue,etjeravaleuncridedouleurtandisquedeslarmesruissellent surmes joues. Jecommenceàmordillerma lèvre inférieureparceque jevaisme lever.Etquand jeme retournerai, il faudraque je luimontreque jen’aipaspeurde lui. Il fautque je fasse lenumérodemavieafindesauvercepetitgarçon.

–Maintenant!JesursautequandsoncritraverselalitanieininterrompuedeZander.Jepressemabouchecontrel’oreilledeZanderetj’essaiedel’immobiliseralorsqu’ilsebalance,

en espérant que mes mots l’atteindront – se fraieront un chemin jusqu’à ce monde dans lequel il atransportésonespritafind’échapperàlapeuretauxsouvenirsdesonpère.

–Zander,écoute-moi.Jenevaispas le laisser t’emmener.Je te lepromets.Lessuper-hérosvontarriver.Ilsarrivent,d’accord?Jevaismemettredebout,maintenant,maisquandjediraiBatman,jeveuxqueturentresdanslamaisonencourantleplusvitepossible,d’accord?Batman.

J’aiàpeinefinideluiparlerquejesenslerevolverquittermesomoplates,maisaussitôtilbalancesa botte dansmon flanc gauche. Je gémis de douleur en recevant le coup, serrant les bras autour deZandertandisquenousheurtonslagrillecontrelaquellenoussommescoincés.

–Debout,putain,Rylee!–Batman,ok?Jelerépèteenserrantlesdentsàcausedeladouleurquejeressensquandjerespire,etjem’oblige

àmemettredeboutsurdesjambesflageolantes.Jeprendsuneprofondeinspirationetjemeretournepourluifaireface.

–T’esunedureàcuire,toi!Çameplaît,moi,lesfemmesquirésistent.Jeravalelabilequiremontedansmagorgeetjemeforceàgarderunevoixneutre.–Jenevouslaisseraipasl’emmener.Iléclatederire,lèvelesyeuxaucielavantdelesreposersurmoietjemedemandesijen’aipas

laissépassermaseuleetuniquechancededireàZanderdepartir.Decourir.Moncœurseserrequandj’ypense.

–Jepensevraimentquevousn’êtespasenpositiondemedirecequejepeuxounepeuxpasfaire.Exact?

Jeréfléchisàtoutevitesseàcequejepourraisluidire.Auxmoyensdelecalmer,parcequejevoisquesesnerfslelâchentàmesurequeletempspasse.Maistoutdemême,j’aibesoindecetemps.Plusj’engagne,pluscelalaissedechancesauxsecoursd’intervenir.

–Ilyaunemeutedejournalistesdevantlaporte.Commentcomptez-voussortird’iciaveclui?Ilsemetàriredenouveauetjesaisquecesonhanteramesrêvespourlerestantdemesjours.–C’estcequivoustrompe.Ilsonttouslevélecampenmêmetempsquevotrecrâneurdepetitami

etilsl’ontsuivi.Ilserapprocheetmemetsonarmesouslenez.

–Iln’yaquevousetmoi,etZ-manlà-bas.Alors,qu’est-cequevousditesdeça,hein?Tout mon sang reflue jusqu’à l’extrémité de mes pieds et je dois faire un effort pour rester

concentréequandtoutsemetàtournerautourdemoi.Auboutd’unmoment,jeréussisàmestabiliser,àpercerlevoilequiobscurcitmavision,etj’essaiederéfléchiràcequejevaisfaireensuite.

Laseuleidéequimevientàl’espritestqu’ilfautquejetrouveunmoyendeledistraire,demejetersurl’armeetdecrieràZanderdesesauver.

Maiscomment?Quand?Nousrestonscommeçapendantcequimeparaîtêtreuneéternité–uneconfrontationsilencieuseoù

il ne fait pas de doute que le pouvoir n’est pas partagé équitablement dans cette relation contrainte.Comme le temps s’étire, je vois que ses mains se mettent à trembler, les muscles de son visage àtressaillir et la sueurperler sur son front, tout ça alorsque les incantationsdeZander,quimontent enintensité,continuentd’ajouterdelatensionàunesituationquipeutexploseràtoutmoment.

–Faites-letaire,putain!Ilmehurledessus toutenparcourantnerveusement le jardindu regard, commeunanimalpris au

piègequihésitesurlamarcheàsuivre.JesursauteenentendantunbruitdansledosdupèredeZander.Moncœurbonditdansmapoitrine

quand le chien du voisin se met à aboyer méchamment à travers le grillage. Le père de Zander seretourne,détournant le revolverdanssongeste.Jeme laisseguiderparmon instinctsansréfléchirauxconséquences.

–BATMAN!Toutencriant,jemejettesurlepèredeZander.Jetombesurlui.Laviolencedel’impactdemon

corpsathlétiquecontrelesienannihiletoutepenséedemonesprit,àpartune,pourvuqueZanderm’aitentendue.Quemonmessagesoitpasséetqu’ilcourepours’échapperparcequesij’airaté,monsortestscellé.

Lebruitestassourdissant.Ladétonationdurevolverquandlecouppart.Lesursautdesoncorpsprovoquéparlereculdel’arme.Monhurlement,uncriprimalquej’entendsmaisquejenereconnaispascommevenantdemoi.Et

puis tout s’arrête.L’air sort brutalement demespoumonsquandnous nous abattons sur le sol, je suismomentanémentsidérée–moncorps,monesprit,moncœur–quandjetombesurlui,avantd’essayerdemedégager.Ilfautquej’attrapelerevolver,jedoism’assurerqueZanderestparti.

Jemesoulèvepourm’écarterdusale typequicontinuedesedébattreau-dessousdemoi.Jen’aiqu’uneidée:prendslerevolver,prendslerevolver,prendslerevolvertandisquemesmainsglissentdans un liquide visqueux au-dessous de moi. Je recule brusquement, traversée par la panique et ladouleur.J’atterrissurlesfessesavecunbruitmat,etlaforcedel’impactserépercutetoutlelongdemacolonnevertébraleetmefaitbrusquementsortirdemonétatdechoc.

Jequittel’hommedesyeux,tandisquejeregardelesangsurmesmainstremblantes.Jedécouvrelesangquimaculemont-shirtaveclamascottedel’équipedeRickyimprimésurledevant.Monespritluttepourpenser,enfouillantfrénétiquementtoussesrecoinspourtrouvercequejesuiscenséefaire,parcequelavuedetoutcesangmedonneletournis.

Jesuispaumée.J’aipeur.J’ailatêtequitourne.Lemondeautourdemoisombredansl’obscurité.

28

–Allez,Bébé,jet’enprie,réveille-toi.Colton?J’entendssavoixetjereconnaissonparfumprèsdemoi.J’ailatêteembruméeetj’essaiedecomprendrecequisepasseexactement.Mespaupièressontsilourdes,jenepeuxpaslesouvrirtoutdesuite.

–Monsieur,ilfautquejel’examine…–Iln’estpasquestionquejebouged’ici,putain!Ilfaitsibonetjesuissibienlàdansl’obscurité–tellementensécurité–maispourquoiColton…

Et,soudain,toutmerevientcommeuntsunamid’émotions.J’essaiedemeredresser.–Zander!Sonnomsortdemaboucheenunfaiblecroassementetjemedébatscontredesbras,desmainsetje

nesaisquoid’autre,quimemaintiennentallongée.–Chut,chut!Toutvabien,Ry.Toutvabien.Colton.Toutmoncorpss’affaisse.Coltonestlà.J’ouvrelesyeux,leslarmessontdéjàlà,etmapremière

vision c’est lui.Mon As. Une lumière qui brille dans toute cette obscurité. Nos regards se croisent,l’inquiétudeacreusédesridesautourdesesyeux,maisunsourireforcés’étalesurseslèvresravageuses.

–Toutvabien,Bébé.Jeclignedesyeuxrapidement tandisquetoutseremetenplace, le tourbillond’activitéautourde

nousdanslejardin–despoliciers,lestoubibs.–Zander.Revolver.Père.Monespritmoulineet jenepeuxpasmettredesmotssurmes idéesassezvite.Mesyeuxvontet

viennent,etjefinisparfairelepointsurungrouped’hommespenchéssurquelquechoseàcôtédemoi.Je continue à répéter lesmêmesmots jusqu’à ce queColton se penche pourm’embrasser sur la

bouche.Jesenslegoûtduselsurseslèvresetj’essaiedesaisirpourquoiilapleuré.Quandilreculelatête,sonsourireestunpeumoinshésitant.

–Ça,c’estmacopine!

Ilmecaresselescheveux,lesjoues,levisage.–Tuvasbien,Ry.Zandervabien.Ilappuiesonfrontcontrelemien.–Maistoutcesang…–Cen’étaitpasletien.Seslèvresseretroussentenunsouriresoulagécontrelesmiennes.–Pas le tien.Tu as agi commeune idiote et je suis terriblement en colère contre toi,mais tu as

essayéd’attrapersonrevolveretlapoliceapuviser.Sonsang,bébé.C’étaitsonsang.Ilestmort.Je reprendsmon souffle.Un soupir de soulagementque je n’avais pas consciencede retenir sort

brusquementdemespoumons.Et les larmes suivent–des sanglotsviolents,hachés,qui secouentmoncorpsetenrelâchenttoutelatension.Ilm’aideàm’asseoiretm’attirecontreluisibienquejesuisassisedecôté,sursesgenoux,sesbrasautourdemoi,quimesoutiennentetassurentmasécurité.Ilenfouitsonnezdansmoncouetnousnousaccrochonsl’unàl’autre.

–Zandervabien.Ilestàl’intérieur.Jaxgardelesautresàl’écartpourqu’ilsnesachentpas–qu’ilsnevoientpas–cequis’estpassé.IlaappeléAverypourqu’ilviennes’occuperdeZander.Sathérapeuteestenroutepourvenirl’aiders’ilenabesoin.

Ilconnaîttoutesmesinquiétudesetmetranquilliseenmedisanttoutça.–Es-tu…As-tumalquelquepart?–Monsieur,s’ilvousplaît,pouvez-vousnouslaisser…–Pastoutdesuite!Coltonrépondsèchementàlavoixdansmondos.–Encoreunpetitpeu.Savoixestsibassequejel’entendsàpeineetilmeserreencoreplusfortcontrelui,enrespirant

maprésence.Jesuiscomplètementréveilléemaintenant,etjevoisl’activitéautourducorpsdupèredeZander.Etjenemerendscomptedesrisquesquej’aiprisquequandjesenslecorpsdeColtonsemettreàtremblercontrelemien,àfrissonnerquandilretientlessanglotsquilesecouenttoutentier.

Jesuispaumée.Jenesaispasquoifairepourcethommesifortquis’écrouleensilence.Jetentedebougerpourchangerdepositionetmetournerverslui,maisilresserresonétreinte.

–S’ilteplaît.Jeneveuxpastelâchertoutdesuite,putain.Justeencoreuneminute,c’esttout.Alors,jelelaisse.Jelelaissemetenircontreluidanscejardin,surunepelouseoùlaviolenceabienfaillidéposséder

définitivementZanderdetoutespoir.

***

Colton referme la portière pour moi et monte de son côté de la Range Rover puis démarre. Ilfranchitlesbarrièresdelapoliceetpassedevantlesflashesdesjournalistesàl’affûtquandnousquittonslefoyer.Troislonguesheuresontpassé.Troisheuresdequestionspendantlesquellesj’aidûrediretout

cequejemerappelaisdecequis’étaitpassédanslacour,derrièrelamaison.Etquej’avaisditàZanderde se sauver quand je dirais «Batman ». Les regards deColton assis dans un coin quand j’ai refusél’assistancemédicaleouunbilanàl’hôpital.Sacolèregrandissantequandj’airapportélescommentairesdupère deZander et ses agressions physiques. Signer des dépositions et laisser prendre en photo lescontusionssurmoncorpscommepreuves.Jerépondsàdesappelsdemesparentsetd’Haddiepourlesrassureretleurdirequejevaisbienetquejelesrappelleraiplustard.

Trois heures pendant lesquelles je me suis sentie impuissante à réconforter mes gamins, où jevoulais leurdireque j’allaisbien.Lapsychologue apenséqu’il valaitmieuxqu’ils nemevoientpasavecmonœilaubeurrenoiretmajoueenflée,queçarisquaitdefaireremonterleurspropreshistoires.Mêmesicelam’ennuiedenepaslesvoir–pourleurmontrerquejevaisbien–,j’aiembrasséZanderetjel’aigardédansmesbrasaussilongtempsquej’aipuenlefélicitantencoreetencoredenepass’êtrecachéderrièreuncanapé,cettefois.Enluidisantque,cettefois,ilaaidéàsauverquelqu’un.Biensûr,jene suis pas sa maman, mais c’était immense de pouvoir atténuer le sentiment de culpabilité etd’impuissancedanssonpsychismetraumatisé.

Nousentronssurl’autorouteetseulelavoixdeRobThomasdans«Unwell»,distilléeparleshaut-parleurs,entame,nonsansironie,lesilencequirègnedanslavoiture.Coltonnedesserrepaslesdentsetses jointures blanchissent tellement sesmains sont crispées sur le volant. Sa colère est palpable, elleémanede luiparvagues, et la seule raisonque j’yvois c’est qu’il est furieuxparceque j’ai prisdesrisques.

J’appuiematêtesurledossierdusiègeetjefermelesyeux,maisjelesrouvreaussitôtparcequetoutcequejevois,cesontsesyeux,toutcequejeressens,c’estlefroiddel’aciercontremajoue,toutcequej’entends,c’estZanderpsalmodiantsalitanieenboucle.

Jevoudraisbiendétendrel’atmosphèreentreColtonetmoi,parcequej’aivraimentbesoindeluiencemoment.PasdeceColton-là,enfermédanssonmondedecolère. J’aibesoindesesbrasautourdemoi,delachaleurdesonsouffledansmoncou,dusentimentdesécuritéquej’éprouvequandjesuisaveclui.

–Ilasuivitonconseil.J’aiparlésibasquejenesuispassûrequ’ilm’aitentenduedirelaseulechosequejen’aipasdite

auxpoliciers.Laseulechosequi,pourmoi,seraitunetrahisondelaconfiancequeColtonm’aaccordéeenmelaracontant.Auboutdequelquessecondes,ilpousseunsoupiretmejetteuncoupd’œil.Alors,jepoursuis:

–Quandjesuissortie,j’aitrouvéZanderrouléenbouledansuncoindelacouretpendanttoutletempsoùnousavonsétédehors,jel’aientenduinvoquertessuper-héros.

Je pousse un petit cri quandCoton braque brusquement et coupe les deux voies, dans les bruitsfurieuxdesklaxons,pours’arrêterd’unseulcoupsurlebas-côtédelaroute.Avantmêmequej’aiereprismonsouffleetquemaceinturedesécuriténesedéverrouille, ilestdehorset fait le tourde lavoiturepourvenirdemoncôté.Jeregardedetouscôtésenessayantdecomprendrecequinevapas.Est-cequ’ilyaunproblèmeaveclavoiture?Jel’observe,alorsqu’ilpassedevantmaportière,vajusqu’auboutde

laRoveretrevientsanss’arrêterversl’avantduvéhicule.Ilcontinueàmarcherpendantunecinquantainedemètres,etalorsqu’ilmetourneledos,jel’entendshurlerquelquechosedetoutessesforcesavecunefureursauvagequejen’aijamaisentenduechezluiauparavant.Sijamaisj’avaiseulavelléitédesortirde lavoiture,ellem’acomplètementpasséàprésent.Sa tensionestvisibledans lemouvementdesesépaulesquimontentetdescendentaurythmedesarespirationsaccadée.Ilserre lespoingscommes’ilétaitprêtàsebattre,luiseulcontrelerestedumonde.

Jecontinuede l’observer, incapablededétachermonregard,et j’essaiedecomprendrecequisepasse dans sa tête. Au bout d’un moment, il fait demi-tour et revient vers ma portière qu’il ouvrebrusquement.Je tourne instinctivement la tête,sesmâchoiressontserrées,soncou tendu.Je le regardedroitdanslesyeux.Nousnousfixonsetj’essaiedelirelemessagequ’iltentedemefairepasser,maisilsemble tellementencontradictionavecsonattitudeque jepenseme tromper. Jevois lacrispationdesmusclesdesamâchoirequandiltendlamainversmajouepourlaretireraussitôt.J’inclinelatêted’unairinterrogateur,malèvreinférieuresemetàtremblerparcequelà,çacommenceàfairebeaucouppourlajournée.Jeremarquequesesyeuxdescendentsurmaboucheetenregistrentmavulnérabilité,ettoutàcoupjemeretrouveécraséesursapoitrine,undesesbrasmesoutientledos,unemainsurmanuque,etilmecollecontre luienuneembrassadetotalementdésespérée.Nosnousraccrochonsl’unà l’autreetmeslarmestombentsursont-shirt.

–Detoutemavie,jenemesuisjamaissentiaussiimpuissant.Savoixestassourdieparl’émotionetilmeserreencoreplusfort.–Jesuisabsolumentfurieux,là,etjenesaispascommentgérerça.J’entendsungrondementdesacolèrequiboutjustesouslasurface.–C’estfini,Colton.Toutvabien…–Ilaposélesmainssurtoi,bonsang!Ils’écartedemoienhurlantetfaitquelquespasavantdefairevolte-faceensepassantlamaindans

lescheveux.Ilneditrienmaismeregardefixement,sesyeuxmesupplientdeluipardonneralorsqu’iln’arienfaitdemal.

–Ilalevélamainsurtoietjen’étaispaslàpourteprotéger,alorsquec’estmonboulot,putain,Rylee.Teprotéger!Prendresoindetoi!Etjen’aipaspu,bordel!Jen’aipaspu!

Ilbaisselesyeuxverslegraviersurlebas-côtédelarouteetl’angoissequej’entendsdanssavoixmedéchire,parcequ’iln’auraitrienpufairedetoutefaçon,maisjesaisqueçaneserviraitàriendeleluidire.

Quandilrelèvelesyeux,jevoisbrillerseslarmes.– J’ai voulu passer en force le barrage de police. Ils m’ont enfermé à l’arrière d’une de leurs

voiturespourquejemecalmeparcequej’étaisprêtàentrer,avecousanseux.Je t’avaisentendueautéléphone,Rylee.J’avaisentendutavoixet jemelarepassaisenboucledansmatêteet jenepouvaisrienfaire.

Ilsecouelatêtetandisqu’unelarmeuniqueetpoignanteroulesursajoue.–Jenepouvaisrienfaire.

Savoixsebriseetjefaisminededescendredevoiture,maisillèvelamainpourquejelelaissefinir.

–J’aientendulecoupdefeu…Jelevoislutterpourcontenirlesémotionsquilesubmergent.–…etj’aipensé…j’aipenséquec’étaittoi.Etpendanttoutcetempsj’attendais,etquandj’aivu

Zanderhurlant,sortirencourant,j’aiattenduquetusortes,envain…bordeldeDieu,Ry,làj’aipétélesplombs.Complètement.

Ilfaitunpasversmoi,essuyantvivementunelarmedudosdelamain.Jedéglutisavecdifficulté,lagorgeserréeparl’émotion.

–JemesuisassuréqueZanderallaitbienetjesuisentrédeforcedanslamaison.Ilfallaitquejesoisavectoi,quejetevoie,quejetetouche…etjesuisentrédanslasallecommuneetlàjevousaivus,touslesdeux,allongéssurledosdansl’herbe.Vousavieztouslesdeuxlapoitrinecouvertedesang.Etvousnebougiezpas,nil’unnil’autre.

Ilvientsemettreentremes jambesécartées, renouant lecontactphysiquedont j’ai tantbesoin,etprendmajouedanssamain.

–J’aicruquejet’avaisperdue.J’étaiscomplètementpétrifié,putain.Etjesuisalléàcôtédetoi,jesuis tombéàgenouxpour teprendredansmesbras, pour te secourir, pour… jene saispas ceque jepensaisfaire,maisilfallaitquejetetouche.Ettuétaisvivante.

Savoixsebrisedenouveauquandilsepencheetposesonfrontsurlemien.–Tuétaisvivante.Ilposeseslèvressurlesmiennesetnelesretirepasquandlessanglotssecouentsesépaulesetque

leslarmescoulentsursesjouesjusqu’àcequejesentelegoûtduselentrenoslèvres.–JesuislàColton.Jevaisbien.Jelerassuretandisquenousappuyonsnosfrontsl’uncontrel’autre,lesmainsposéessurlanuque

del’autrealorsquelemondeextérieurpassedevantnousàcentàl’heure,maisplusrienn’existeàpartluietmoi.

Seulsaumonde.Acceptantl’idéequelessentimentsquenousressentonsnefontquegrandiravecletempsquipasse.Etquenousneseronspastoujourscapablesdesauverl’autre.Éprouvantl’unpourl’autreunamourquenousn’aurionsjamaiscrupossible.

***

Nous tournons dans Broadbeach Road, nos mains jointes entre nous, et nous traversons la plusgrandemeutedejournalistesquej’aijamaisvue.Coltonpousseunprofondsoupir.NosémotionsontétémisesàrudeépreuveetjenesaispassiColtonvapouvoirtenirencorelongtempssanscraquer.

Etjepriepourquecettefouleindisciplinéenesoitpaslagouttequivafairedéborderlevase,parcequefranchement,j’enaivraimentraslebol.

Je baisse la tête et je lève la main pour dissimuler le côté enflé de mon visage des flashesincessants,etdescoupspleuventsurlavoiturepournousfaireleverlatête.Peudetempsaprès,Coltonralentitetnouspassonslesgrillesquis’ouvrentdevantnoustandisqueSammyetlesdeuxautrestypesdela sécurité s’avancent pour empêcher la presse d’entrer dans la propriété.Nous nous garons et quandColton vient ouvrirma portière, le rugissement soudain des journalistes de l’autre côté du portailmefrappecommeunrazdemarée.

Ilm’aideàsortirdelavoitureetjegrimacededouleurquandmoncorpsvientmerappelertoutcequ’ilasubi.Cotonleremarqueet,sansmelaisserletempsdeprotester,ilmesoulèvedanssesbrasetmeporteverslaported’entrée.Jeposelatêtesoussoncou,etjesenslesvibrationsdanssagorgequandilappelleSammyetlesalued’unsignedetête.

Etsoudain, il s’arrêtenet. Jemedemandecequ’ilaentenduoucequi le fait réagir,maiscontretouteattente,ilfaitdemi-touretsedirigeversleportailauboutdel’allée.

–Ouvrecesputainsdegrilles,Sammy!Quandnousenapprochons,jemeserrecontrelui,enproieàlaplusgrandedesconfusionsetàune

totaleincertitude.J’entends le claquement du métal et les moteurs qui se mettent en marche, les reporters qui

deviennenthystériquesenvoyantlesgrilless’ouvrir,ettotalementdinguesquandilsnousvoienttouslesdeuxdevanteux.Moncœurbatàserompreetjen’aipaslamoindreidéedecequ’ilfait.Nousrestonscomme ça un moment, lui qui me tient contre lui, et moi le visage dans son cou, sous les questionsincessantesquipleuventl’uneaprèsl’autreetlesflashesdesappareilsphotosiviolentsquejelesvoisàtraversmespaupièrescloses.

Colton baisse la tête et approche les lèvres demon oreille.Malgré le bruit qui nous entoure, jel’entendsclairementmedire:

–C’estunechosequej’auraisdûfairedepuisledébut.Jesuisdésolé.Ilposeunbaiserchastesurmajoue.–Jevaisteposerparterremaintenant,d’accord?J’essaiedecomprendredequoiilparle,maisjemecontentedehocherlatête.Quefait-il?Ilmeposeparterre.–Çava?Ilmeregardedanslesyeuxcommesinousétionsseuls.Quandj’acquiesced’unsignedetête,ilace

petitsouriresatisfaitetavantquejepuissevoiroùilveutenvenir,seslèvressontsurlesmiennespourunbaiserdévorant,quimefaitbattrelecœuretserrerlescuissesetquibalaietouslesdoutespossiblessuràquiappartiennentlecœuretlessentimentsdeColton.Seslèvress’emparentdemoietilmedégustecommeunhommeenmanqueetaffamé.Etjesuistellementabsorbéeparlui–toutaussiavidequelui–que jen’entendsplus lesgensautourdenousni lesclicsdesappareilsphoto,parcequequandonfaitabstractiondumondeextérieur,cequicompteaufond,c’estnous.

Quandilmetfinànotrebaiser,jepousseunpetitcriétoufféetilmefaitcepetitsourireentendudenouveau.

–Tantqu’àfairequ’ilsregardent,Ryles…Etilhausselesépaulesinsolemmenttandisquejefinismentalementlaphrasequ’ilm’avaitditeà

LasVegas…autantleurendonnerpourleurargent.–Vousavezbientouslabonnephoto?Ils’adresseàlafoulequinousentoureetjeleregardesanscomprendre.–Alors, voici ce que vous allez pouvoir publier avec votre fichu cliché. Ce n’est pasRylee la

briseusedeménage,lesgars.C’estTawny.Tawny,quiestaussiunefoutuementeuse.Iljetteuncoupd’œildemoncôtéetjeleregardebouchebée.–Ouaip.Letestdepaternitéestnégatif.Alorsvotrehistoire?Ehbien,iln’yaplusd’histoire,en

fait!Ilme fautuneminutepour intégrer le sensdesesparoleset je reste làà le fixer tandisqu’ilme

regardeavecsonsourirelepluséclatantetsecouelatêteenm’attirantcontrelui.–Mais…pourquoi…comment?Jebégaie,dépasséeparlesémotionsquidéferlentenmoiàunrythmeeffréné,avecunedominante,

cependant:lesoulagement.–Chasevametuerpourça.Ilseparleàlui-mêmeenaffichantunpetitsourireironiquequejenecomprendspas.Avantqueje

luiposelaquestion,ilnousfaitpivoteretfranchitlesgrillesdansl’autresensaumomentoùarriventlesquestionssurcequis’estpasséaufoyeraujourd’hui.Illesignoreetattendquelesgrillesserefermentavantdesetournerversmoi.

–C’estpourçaquejet’appelais.Pourteledire…etpuistoutestarrivé.Jemecontentedeledévisager.Jevoisquelepoidsdufardeauadisparudesonregard–ilavait

probablementdisparuplustôtdanslajournéemaisilfautdirej’aieud’autressoucis.Jehochelatête,incapabledeparlerquandilmeprendlamainetlaporteàseslèvres.

Etcelamefrappeavecplusdeforcequejamais.Nouspouvonsyarriver.Touslesobstaclesquisedressaiententrenousontdisparud’unefaçonoud’uneautre.Ilnereste

quecettefilledésintéresséeetcegarçonconvalescent,etçapeutmarcherentrenous,vraiment.Ilmeregardetandisqueleslarmesmemontentauxyeuxetjemejettedanssesbrasetjenelelâche

plus,parcequec’estexactementl’endroitoùjeveuxêtre.Exactementàmaplace.Chezmoi.

29

–Tuessûrequeçava?C’est aumoins la centième fois qu’il me pose la questionmais, quelque part, je souris en douce enpensantàlafaçondontils’occupedemoi.Lajournéen’enfinissaitplusquandj’airassuréHaddie,luiconfirmantquej’allaisbienetqu’ellen’avaitpasbesoinderevenirdeSanFrancisco,oùelleétaitpoursontravail,pourvérifierelle-mêmequetoutallaitbien,etquejel’appelleraislelendemainmatin.Après,ilyaeumesparentsetlesmêmesparolesdestinéesàlesrassurer,etenfinlesgarçons…pourprendredesnouvellesdeZanderenregrettantdenepasêtrelàpourluiparlerfaceàfaceainsiqu’auxautres.

Àpartirdelà,Coltonainterceptélesappelsetaditàtoutlemonde–sesparents,Quinlan,Beckett,Teddy–quej’avaisbesoindemereposeretquejelesappelleraisdemain.

–Çava.Jenemesenspastrèsbienmaisjepensequec’estparcequejesuisépuisée.Jesuisunpeubarbouillée. J’aurais dûmanger plus avant de prendre les antidouleurs.En plus, ilsme donnent superenviededormir…

Ils’assieddanslelit.–Tuveuxquej’ailletechercherquelquechoseàmanger?–Non.Jeletireparlebraspourqu’ilserallongeetjeleregarde.–Prends-moidanstesbras.Aussitôt,ilchangedepositionetpassedélicatementsesbrasautourdemoietmetirecontreluide

tellefaçonquenosdeuxcorpss’emboîtentparfaitement.–Commeça?–Hmmm.Jemeserrecontreluiautantquemoncorpsendolorimelepermetparcequeladouleurestunpeu

plussupportablequandilmetientserréecontrelui.On reste comme ça un moment, nos respirations deviennent plus régulières. Je suis en train de

sombrerdanslesommeilquandilmurmure:–Jetepilote?Rylee.Jetepilotevraiment,vraiment.

Toutemapersonnesoupireenentendantcesmots,cetaveuquiluidemandeuneffort,jelesais.Jeposemeslèvressurmonendroitpréféré,soussamâchoire.

–Moiaussi,jetepilote,Colton.Plusquetunelesaurasjamais.

***

Cesontlesspasmesdansmonventrequimeréveillent.Jesuisallongéedanslenoircomplet,parcettenuitsanslune,et lespetitsélancementscontinuels

combinésaveclasueurquicouvremoncorps,pluslesvertiges,medisentqu’ilfautquej’aillevitedansla salle de bains avant de vomir. Jeme dégage doucement de l’étreinte de Colton et j’essaie demedépêchersansledéranger.Ilmarmonnequelquechoseetjem’immobiliseenattendantqu’ilseretournesurledosetredeviennecalme.

J’ailatêtequitournequandjememetsdebout,etjesuiscomplètementabrutieparlesanalgésiques.J’ail’impressiondemarcherdansl’eau.Jerisparcequemêmelesolal’aird’êtremouillémaisjesaisquec’estl’effetdesmédicaments.Jepasselamainlelongdumurpourmestabiliseretmeguiderdansl’obscuritéafind’éviterdemecognercontrequelquechoseetderéveillerColton.

OhmonDieu,jevaisvomir!Jesenssousmespiedslesépaistapisquirecouvrentlesoldelasalledebainsetjepousseunpetit

gémissementdedouleurmélangéedesoulagementquandjemerendscomptequelestoilettessontsiprès.Je glisse un peu quand j’arrive sur le carrelage et jemaudis Baxter et son bol d’eau qui éclaboussetoujourspartout.Jefermelaportedelasalledebainsetj’allumelalampedontl’éclatsoudainmefaitmalauxyeux.Jelesrefermeaussitôttandisquejesuisprisedeviolentsvertiges.Jemepencheenavant,lesmainssurleborddelacuvette,l’estomaccontracté,prêteàvomir,maistoutcequejeressens,c’estlapiècequitourneautourdemoi.Monestomacserévulse,secouépardesspasmesrépétés.Aprèsunecontractionparticulièrementviolente,jesensquelquechosequicoulelelongdemesjambes.

Et jememets à riredevoirque je suis asseznullepourgerber tellement fort que jem’enpissedessus.Maismonespritestsiramolli,silentàrassemblermesidées,qu’aulieuderéfléchiràcequejedoisfaireensuite,jemelaissetombersurlesgenoux.Jeglissesurlesoldemarbrecouvertd’urine,maisj’ai tellement mal au ventre et j’ai tellement le tournis qu’en fait je m’en fiche. La seule chose quim’inquiètec’estquejedoisavoirl’airvraimentpathétique.Jenerisquepasd’appelerColtonàl’aide.

Etjesuissifatiguée–j’aitellementsommeil–ettellementpeurdevomirdenouveauquejedécidedeposerlatêtesurmesmainssurleborddelacuvetteetdemereposeruninstant.

Matêteglissepetitàpetitduborddelacuvetteetjenesaispascombiendetempsapassé,maisjemeréveilleensursautquandelletombe.Jesuisimmédiatementassaillieparuneboufféedechaleurquitraverse tout mon corps, suivie d’un tremblement absolu que je m’oblige à faire cesser, le temps deprendreuneprofondeinspiration.

Ilyaquelquechosequicloche.

Jelesensaussitôt,mêmesij’essaiedemeremettrelesidéesenplace,lesalignerpourleurdonnerunpeudecohérence.Maisjen’yarrivepas.Jenecomprendsriendutout.J’ailatêtelourdeetmesbraspèsenttroistonnes.J’essaied’appelerColtonàl’aide,j’aidépassélahontequ’ilmetrouveassisedansunemaredepisse.Ilyavraimentuntrucquinevapas.Jeposelamainsurlelambrispouressayerdememettredeboutetd’ouvrirlaporteafinqu’ilm’entendel’appeler,maiselleglisse.Etquandjeparviensàouvrirlesyeux,quandj’arriveàaccommoder,jevoisqu’ilyal’empreintedemamainensanglantéeenbasdumur.

Hmm.Jepousseuneespèced’éclatderirequandledélires’installe.Quandjebaisselesyeuxetqueje

voisquejenesuispasassisedansunemared’urine.Non.Maispourquoilesolest-ilcouvertdesang?–Colton?Maisjesuistropfaible,jesaisquemavoixneportepasassezloin.Jeflotteetc’estsichaudet jesuissifatiguée.Jefermelesyeuxet jesourisparcequejevoisle

visagedeColton.Sibeau.Toutàmoi.Jesenslesommeilquimegagne–monesprit,moncorps,monâme–etj’abandonnelavictoireà

sesdoigtsléthargiques.Etjusteavantqu’ilm’emporte,jecomprendslepourquoi,maispaslecomment.Oh,Colton.Jesuisdésolée,Colton.L’obscuritémenacedem’engloutir.Jet’ensupplie,nemedétestepas.Jen’aipluslaforcederésisteràsonobscuritéétouffante.Jet’aime.Spider-Man.Batm…

30

Colton

Ladétonationmeréveilleensursaut.Jem’assiedsd’unbonddansmonlitet jepeineàreprendremarespirationenmedisantquec’estterminé.Cen’estqu’unputaindecauchemar.Cefilsdeputeestmortetiln’aeuquecequ’ilméritait.Zandervabien.Ryleevabien.

Maisilyauntruc.Quelquechosequicloche.«Citequelquechosequej’abandonnepourtoi…»Jesursaute,frappédepaniqueenentendantlesparolesdelachansonquim’arrivedeshaut-parleurs

au-dessusdematête.Merde.J’aioubliéde leséteindrehiersoir.Est-cequec’estçaquim’afoutu latrouille?Jemefrottelevisagepourmesortirdemonhébétudeensommeillée.

C’estsûrementça.«…Excuse-moiden’avoirpasréussiàterejoindre…»J’attrape la télécommande sur la table de nuit pour éteindre la musique. Et c’est alors que je

l’entendsdenouveau,cebruit,etj’ailacertitudequec’estçaquim’aréveillé.–Bax?Etc’estlàquejeréalisequeRyn’estpasdanslelit.Baxtergémitencore.–Putain,Bax!T’asvraimentbesoind’allerpisseràcetteheure-ci?Jesorsdulitetquandjememetsdebout, j’attendsunesecondepourmestabiliseretDieumerci,

putain, çadevientdeplusenplus facile,parceque j’enaimarred’avoir l’impressiond’avoirquatre-vingtsanschaquefoisquejemelève.

Jeregardeaussitôtverslehautdel’escalierpourvoirs’ilyadelalumièreenbas,etmespoilssehérissentenconstatantqu’ilfaitnoircommedansunfour.Baxterrecommenceàgémir.

–Ducalme,mec.J’arrive!Jefaisquelquespasvers lasalledebains,et jesuisunpeusoulagéenvoyant lefiletdelumière

autourdelaporteferméedestoilettes.BonDieu,Donavan,calme-toiputain,ellevabien.C’estpasla

peinedel’étoufferettoutça,parcequetucontinuesàflipper.Baxtergémittoujoursetjem’aperçoisqu’ilestentrédanslasalledebains.C’estquoicebordel!

Cechiens’esttropléchélescouillesetçalerenddingue.–Fiche-luilapaix,Bax!Ellenesesentpastrèsbien.Jevaistesortir.J’entredanslasalledebainsparcequejesaistrèsbienqu’ilneviendrapassijenel’attrapepas

parlecollier.J’étouffeunjuronenessayantdelefaireobéir,maisilnebougepas.Jesuiscrevéetpasd’humeuràsupportersescaprices.Jeglissedansl’eaurépanduesurlesoletçamefoutenrogne.

–Situbuvaisunpeumoinsdeflotte,tun’auraispasenviedepisseraumilieudelanuit!J’avanceencored’unpasetunefoisencorejeglisse,etcelamemethorsdemoi.J’enaipleinle

dosmaintenantetj’aidumalàgardermoncalme.Baxterrecommenceàgémirdevantlestoilettes,alorsjecognedoucementàlaporte.–Toutvabien,Ry?Silence.Qu’est-cequisepasse,bordel?–Ry?Çava?Enune fractionde seconde, j’ouvre la porte à toute volée,mais celameparaît une éternité, bon

Dieu.Unmilliarddepenséessebousculentdansmatête,commeaudépartd’unecourse,maislaseulequejebloquetoujours,cellequejenelaissejamaismecontrôler,s’installesoudaindanstoutmonêtre.

Lapeur.Maraisontented’analysercequejevois,maisjen’yarrivepasparcequejesuisobnubiléparle

sang.Toutcesang,etaumilieu,lesépaulesaffaisséescontrelemur,lespaupièresclosesetlevisagesipâlequ’ilnetranchemêmepassurlemarbreclairdanssondos,Rylee.Moncerveaubégaieenessayantdecomprendrelasituation.

Etsoudain,letempsreprendsoncoursetleschosessemettentàallerbeaucouptropvite.–Non!Je neme rendsmêmepas compte que c’estmoi qui hurle, je ne sens pas le sang dans lequel je

m’agenouillepourlaprendredansmesbras.–Rylee!Rylee!Jelasecouepouressayerdelaréveiller,putain!Maissatêtependsurlecôté,inanimée.–Oh,monDieu!MonDieu!Jelatirecontremoietjelabercetoutenluisecouantlesépaulespouressayerdelafairerevenirà

elle.Et, toutàcoup, jemefige.Justeaumomentcrucialoù il fautque jem’active, jemefige.Jesuiscomplètementparalysé,putain,quandj’avancelamainetl’immobiliseavantd’appuyersurlepetitcreuxsoussonmenton, j’ai troppeur,quand jevaisappuyerduboutdemesdeuxdoigts,denesentiraucunbattement.

Seigneur,elleestsibelle.Cettepenséevacilleets’évanouit,commemoncourage.LenezhumidedeBaxtersurmondosmerappellebrusquementàlaréalité,etjelaisseéchapperun

souffle que je retenais sansm’en rendre compte. Je retrouve un peu dema raison – un peu de santé

mentale – pas très vaillante, mais qui est là quandmême. J’appuie les doigts et je pousse un cri desoulagementensentantlefaiblebattementdesonpouls.

J’aijusteenvied’enfouirmonvisagedanssoncouetdelatenircontremoi,deluidirequeçavaaller,maisjesaisquelestrentesecondesquejeviensdeperdre,commeuncon,àresterassislàpeuventêtredéterminantes.

Jemerépètequ’ilfautquejeréfléchisse,quejedoismeconcentrer,maismesidéespartentdanstouslessensetjen’arrivepasàenarrêteruneseule.

Appelerle911.Laporterenbas.Toutcesang.Jeneveuxpaslaperdre.–Resteavecmoi,Bébé.Jet’ensupplie,resteavecmoi.Jenesaispasquoifaire.Jesuisperdu,terrifié,complètementàcôtédemespompes,bordel!Jeperdslittéralementlatêteàessayerdedéciderquoifaireetcequiestleplusimportant…maisla

seulechosedontjesuisabsolumentcertain,c’estquejeneveuxpaslalâcher.Maisillefaut.Jelatirehorsdelapetitepièce,mespiedsglissentdanslesangquirecouvrelesol,etlavuedestracessombresquisouillentlesolclair,quandjetiresoncorpsjusqu’autapis,fontremontermapanique.

Jel’allongedélicatementparterre.–Téléphone.Jerevienstoutdesuite.Jeglisseencoreunefoisenmeruantdanslachambrepourprendremontéléphonesurlatablede

chevet.J’écoutelasonnerieenrevenantàcôtéd’elleetjeposeimmédiatementleboutdesdoigtssursoncou.

911…–5462BroadbeachRoad.Faitesvite!S’ilvousplaît.–Monsieur,j’aibesoinde…–Ilyadusangpartout,putain,etjenesaispas…–Monsieur!Calmez-vous,nous…–Mecalmer?J’aibesoind’aide!Faitesvite,jevousensupplie!Jelâchemontéléphone.Ilfautquejelaporteenbas.Pourquecesoitplusfacilepourl’ambulance

quivavenirlachercher.Jelasoulèvedansmesbrasetjelaprendscontremoi,sanspouvoirretenirceputaindesanglotqui

me secoue en traversant en courant la chambre, et en bas des escaliers. Une peur panique mêlée deconfusions’emparedemoi.

–Sammy!Jehurlecommeundémentetjem’enfousparcequejenevoisquelesangquirecouvrelesoldela

salledebains.Jemerevois,enfant,etcetteputaindepoupéequiappartenaitàQuin–RaggedyAnn1ouuntrucdugenre–avecsatête,sesbrasetsesjambesquipendaienttoutmoussurlescôtés,quelleque

soitlafaçondontellelatenait.EtcommentQuinpleuraitparcequejelataquinaistoutletempsenluidisantquesapoupéeétaitmorte.

Et jen’arrivepasàpenseràautrechosequ’àcettefoutuepoupéeparcequec’estàçaqueRyleeressembleencemoment.Avecsatêteinertequiballottesurmonbras,etsesmembresquipendentdanslevide.

–Oh,monDieu!J’arriveensanglotsaubasdesmarches,bloquésurcetteputaind’imagedepoupée.–Sammy!J’espèrequejeneluiaipasditderentrerchezluicommed’habitudemaisbiendedormirdansla

chambred’amis,àcausedesjournalistesingérableshiersoir.–Colt,qu’est-cequinevapas?Ilarriveencourantetsesyeuxs’agrandissentquandilmevoitlaporterdansmesbras.Ilsefigesur

placeet, l’espaced’un instant irréel, jemedisqueRyleeserait furaxque je luiaiepermisde lavoircommeça–justeavecsondébardeuretsaculotte–etjel’entendsm’engueuler.Etlesondesavoixdansmatête,c’esttrop.Jetombeàgenouxavecelle.

–J’aibesoind’aide,Sammy.Rappellele911.Appellemonpère.Pourmoi.Pourelle.Jesangloteenenfouissantmonvisagedansoncou,jelaberceetjeluidisdetenirlecoup,queça

vaaller,qu’ellevaallerbien.J’entends Sammy qui téléphone, je l’entends parler,maismon cerveau en état de choc ne reçoit

qu’uneinformation:ilfautquejelasauve.Ellenepeutpasmelaisser.Elleestbrisée.–Colton!Colton!La voix de Sammy me sort de mon état hypnotique. Je lève les yeux vers lui. Le téléphone à

l’oreille,ilreçoitvisiblementdesinstructionsdu911etjenesaismêmepassijeluirépondsoupas.–D’oùvientlesang?–Quoi?–Regarde-moi!Letondesavoixmesortunpeudemonbrouillard.–D’oùest-cequ’ellesaigne?Ilfautessayerd’arrêterl’hémorragie.PutaindeDieu!Qu’est-cequinevapaschezmoi?J’ouvrelabouchepourrépondre,pourluidire,

etjem’aperçoisquejesuissipaniquéquejen’enaipaslamoindreidée.Sammymeregardedroitdanslesyeuxcommepourmedirequejepeuxlefaire,qu’elleabesoinde

moi,et ilparvientàpénétrerdansmoncerveauquimarcheauralenti.Aussitôt je l’allongepar terre–même si çame tue parce que j’ai l’impression qu’elle a si froid que je dois la garder au chaud. Jecommenceàpasserlesmainssurtoutsoncorpsetjememetsàtremblertellementjesuisfurieuxaprèsmoiden’yavoirpaspensé,tellementj’aipeurdecequejevaisdécouvrir.

Jepousseuncrideterreurquandjemerendscomptequelesangcontinueàcoulersursesjambesetquejen’arrivepasàcomprendrepourquoi.

–Sonaccident.Çaaquelquechoseàvoiravecsonaccident.

Jesoulèvesont-shirtpourmonterlescicatricessursonventrecommesicelaexpliquaittout.Etjenerésistepasàl’impulsiondelasaisiretlaserrercontremoi–lefroiddesoncorpscontrelachaleurdemapeau–tandisqueSammyseremetàparleraveclapersonneàl’autreboutdufil.

–Tiensbon,chérie.Lessecoursvontarriver.Je labercecontremoi, sachantque jen’ai aucunmoyend’arrêter les saignements–ni le sienni

celuidemoncœur.Jelatienssiserréequejesuiscertaindel’avoirsentiebouger.Jehurlesonnompouressayerdela

réanimeretqu’ellemerevienne.–Rylee!Rylee!Jet’ensupplie,Bébé.Maisiln’yarien.Rien,putain.Quandjesanglote,désespéré,soncorpsfrémitdenouveauetjeme

rendscomptequec’estmoiquilafaisbouger.C’estmonproprecorpsquitrembleetquipleureetquisupplie,quilafaitbouger.

–Oh,monDieu.Paselle.S’ilvousplaît,paselle.Vousm’avezpristoutcequej’avaisdebien.Jem’adresse,enhurlantdansunemaisonvide,àunDieuauqueljenecroisplusencemoment.–Vousn’avezpasledroitdemelaprendre.Jemeraccrocheàlaseulechosepossiblequandtoutceàquoijecroyaismeglisseentrelesdoigts.

J’enfoncemonvisagedanssoncou,secouépardessanglotsdévastateursenessayant,parlachaleurdemonsouffle,deréchauffersapeauquirefroiditsousmeslèvres.

–Vous…n’avezpas…ledroit…demelaprendre.–Colton!Quelqu’un me secoue par l’épaule, me faisant sortir brusquement de ma transe, je ne sais pas

combiendetempsapassémaisjelesvoismaintenant,lestoubibs,etlesgyropharesquisereflètentsurlesmursparlaported’entréeouverte.Etjesaisqu’ilsvontdevoirmel’enleverpourlasecourir,maisj’aitellementpeurquejeneveuxpaslalâcher.

Elleabesoindemoi,làtoutdesuite,maisjesaisquej’aiencoreplusbesoind’elle,putain!–S’ilvousplaît,s’ilvousplaît,nemel’enlevezpas.Ilslasoulèventpourl’emporter,etjenesaispasbiensijem’adresseauxambulanciersouàDieu.

***

–Çafaitcombiendetemps,Sammy?Jemelèvebrusquementdemonfauteuil,àboutdenerfsetincapabledecouvrirassezdedistance

pourmecalmer.–Àpeineunedemi-heure.Ilfautleurlaisserletemps.Jesuisconscientquetoutlemondedanscetteputaindesalled’attentemedévisage,intriguéparcet

hommeauxvêtementscouvertsdesang,quifaitlescentpascommeunanimalencage.Jesuisnerveux.Impatient.Terrorisé,putain.J’aibesoindesavoiroùelleest.Cequinevapas.Jemerassieds,avecles

genouxquisautentsansarrêtcommeunputaindejunkiequiabesoindesonfixetjemerendscomptequec’estça.J’aibesoindemonfix.J’aibesoindemaRyles.

J’ai cru l’avoir perdue aujourd’hui seulement pour apprendre que non, et ensuite quand je croisqu’elleesthorsdedanger–à l’abridansmesbras,putain,quandnousnousendormons–onvientmel’arracher, putain. Je suis complètement paumé. Tellement en colère, bordel. Tellement… Je ne saismêmepluscequejesuis,maisjeveuxquequelqu’unsortedederrièrecesputainsdeportesautomatiquesetmedisequ’ellevas’ensortir.Quesonétatestbeaucoupmoinsgravequeçan’enavaitl’air,avectoutcesang.

Maispersonnenevient.Personnenem’apportederéponse.J’aienviedehurler,dedonnerdescoupsdepoing,decourirquinzebornes,n’importequoipour

êtredébarrassédecetteputaindedouleurdanslapoitrineetdecepoidssurl’estomac.J’ail’impressiondedevenirfou.Jeveuxquele tempss’accélèreouqu’il ralentisse,bordel,cequ’ilyademieuxpourelle,pourvuquejepuisselavoirbientôt,quejepuisselaprendredansmesbrasbientôt.

Jesorsmontéléphone,j’aibesoind’avoiruncontactavecelle.Quelquechose.N’importequoi.Jecommenceàtaperuntexto,pourluiexprimer,delafaçonqu’ellecomprendlemieux,cequejeressens.

Je termine, j’appuie sur la touche« envoyer », et jeme raccroche à l’idée qu’elle va le trouverquand elle se réveillera – parce que c’est obligé qu’elle se réveille – et qu’elle saura exactementcommentjemesensencemoment.

–Colton!C’estlavoixdel’hommequiatoujourssucommentarrangerleschosespourmoimais,cettefois,il

nepeutrienfaire.Etc’estpourçaque…quandjel’entendsm’appeler,jecraque,putain.Jenemelèvepas pour lui dire bonjour, je ne relèvemême pas la tête pour le regarder parce que je suis tellementdépasséparlesévénementsquejenefonctionneplus.Jemelaissetomber,latêtedanslesmainsetjememetsàsanglotercommeunbébé,putain.

Jemefousdesgensquisontlà.Jemefousd’êtreunadulteetqueleshommesnepleurentpas.Jemefousdetout,saufdufaitquejenepeuxrienfairepourellepourl’instant.Quemonsuper-hérosdutoutdernierrecoursnepeutrienpourelle,làmaintenant.Mesépaulessontsecouéesdesanglots,mapoitrinemefaitmaletlesyeuxmebrûlenttandisquejelesenspassersonbrasautourdemoietqu’ilm’attiresursapoitrinecommeilpeutpouressayerdemeréconforteralorsquejesaisqueçanevarienchangerpourelle,putain.CelanevapaseffacerdemonespritlesimagesducorpsinertedeRaggedyAnnetdeseslèvrespâles.

HumptyputaindeDumpty.Jeme sens simal que je ne peuxmême pas parler. Etmême si je pouvais, je ne sais pas si je

pourraismettredesmotssurmespensées.Etilmeconnaîtsibienqu’ilneditrien.Ilsecontentedemetenircontreluitandisquej’expulsetoutcequejenepeuxpasexprimerautrement.

Nousrestonsassisensilenceunmoment.Mêmequandmesputainsdelarmessesonttaries,illaisseunbrasautourdemesépaulestandisquejemepencheenavant,latêtedanslesmains.

–Jesuislà,fils.Jesuislà.

Ilrépèteçainlassablement,laseulechosequ’ilpeutdire.Jefermelesyeuxetjeserrelespaupières,enessayantdevidermonesprit,maisçanemarchepas.

Jen’arrêtepasdepenserquemesdémonsont finipargagner. Ilsm’ontpris lachose lapluspurequej’aiejamaiseuedansmavieetilsmevolentsalumière,putain.

Sonétincelle.Qu’est-cequej’aifait?J’entendslecrissementdechaussuressurlesolquiviennents’arrêterdevantmoietj’aisipeurde

cequecettepersonnevamedirequejegardelatêtepenchéeetlesyeuxfermés.Jerestedansmonmondeobscur,enespérantquej’arriveàlecontrôlersuffisammentpourqu’ilnes’emparepasd’elleaussi.

–Vousêteslepère?C’estunevoixà l’accent chantant, duSud,quipose laquestion, je sensmonpèrequi changede

positionetjesupposequ’ilfaitouidelatête,prêtàécouterlesnouvellesàmaplace,porterlefardeauàlaplacedesonfils.

–Vousêteslepère?Lavoixrépètelaquestionetj’écartelesmainsdemonvisagepourregardermonpère,j’aibesoin

qu’il fasse ça pourmoi, j’ai besoin qu’il prenne tout à sa charge pour lemoment pour que je puisserefermerlesyeuxetêtrelepetitgaminimpuissantquej’ail’impressiond’être.Quandjetournelesyeuxvers lui,monpèreme regardedroitdans lesyeux–croisemon regardetne le lâchepas–etpour lapremièrefoisdemaviejen’arrivepasàdéchiffrerleurmessage.

Etilsnefaiblissentpas.Ilsmeregardentexactementcommequandj’étaisenpetiteliguedebase-balletquej’avaispeurd’allersurceputaindemarbreparcequeTommy«je-ne-rate-jamais-la-balle»Williamétaitsurlemonticuleetj’avaispeurdeprendrelaballedanslatête.Ilmeregardecommeillefaisaitàl’époque,sesyeuxgrisporteursd’unmessaged’encouragementquiditquejepeuxlefaire,quejepeuxaffrontermapeur.

Moncorpssecouvred’unesueurfroidequandjecomprendscequeceregardessaiedemedire,cequecettefemmeessaiedemedemander.Jedéglutisavecdifficulté,assailliparlebourdonnementdansmatêtequimelaisseensuitesecouéjusqu’auplusprofonddemoi.Jeredresselatêtepourregarderlesyeuxbrunsdelafemmequiattendpatiemmentdevantmoi.

–Vousêteslepère?Lescoinsdesaboucheserelèventdefaçonsinistrecommesiellesouriaitpouratténuercequ’ellea

àmedire.Jemecontentedelaregarderfixement,incapablededireunmottantlesémotionsdontjecroyais

m’êtrevidépendantquemonpèreme tenait dans sesbras reviennentme submerger en force. Je resteassis,frappédestupeur,sansvoix,terrifié.Monpèremepressel’épaulepourmedonnerducourage.

–Rylee?Jen’aipasdûbiencomprendre.Elledoitsetromper.–Vousêteslepèredubébé?

Elles’assiedàcôtédemoietposelamainsurmongenouendonnantunepetitepression.Etlaseulechosequiretientmonattentionpourl’instant,cesontmesmains,mesdoigts, lescuticulescouvertesdesangséché.MesmainssemettentàtrembleretjenepeuxpasdétachermesyeuxdecesignequelesangdeRyleeesttoujourssurmoi.

Lesangdemonbébéquitachemesmains.Je relève la tête, arrachantmon regard au symbole de vie craquelé et demort surmesmains, et

j’espèreetjeredouteàlafoisdeschosesdontjenesuisplussûrmaintenant.–Ouais.J’avalemasalivemalgrélegravierquiencombremagorge.–Oui.Monpèremeserrel’épauleencoreunefoistandisquejelaregardeaufonddesesyeuxbruns,la

suppliantduregarddemedireouietnonenmêmetemps.Ellecommenceàmeparlerlentement,commeàunputaindegamindedeuxans.–Ons’occupedeRylee.J’ai envie de la secouer et de lui demander ce qu’elle veut dire par s’occuper de.Mon genou

recommence à sauter de haut en bas et j’attends qu’elle continue, les mâchoires serrées, les mainspresséesl’unecontrel’autre.

–Elleasubisoituneruptureduplacentasoitunplacentapraeviatotalet…–Stop!Jenecomprendspasuntraîtremotdecequ’elleditetjelaregardecommeundaimprisdansles

pharesd’unevoiture.–Lesvaisseauxqui la rattachaient aubébé se sont rompuspourune raisonque l’on ignore– ils

essaient de déterminer la cause en ce moment même – mais elle a perdu beaucoup de sang. On latransfusepourl’aiderà…

–Elleestconsciente?Moncerveaun’imprimepascequ’ellevientdedire.J’entendsbébé,sang,transfusion.–Jenevousaipasentendudirequ’ellevaallerbien,parcequej’aibesoindevousentendredire

qu’ellevabien,putain!Jehurletandisquetoutdansmavies’écrouleautourdemoi,commesij’étaisdenouveaudanscette

putaindevoituredecourse,maiscettefoisjenesaispasquellespiècesjevaispouvoirréassembler…etc’estcequimefoutunetrouillebleue.

–Oui.Cettevoixlénifiantemedonneenviedelasecouercommeunputaind’écranmagiquejusqu’àceque

j’obtienne un peu plus d’assurance. Jusqu’à ce que j’efface ce qu’il y a dessus et que je puisse créerl’imageparfaitequejeveuxvoir.

–Nous lui avons administré des analgésiques pour atténuer la douleur du curetage, et après uneautretransfusion,elledevraitallerbeaucoupmieux,surleplanphysique.

Je n’ai pas lamoindre idée de ce qu’elle vient de dire, mais je me raccroche auxmots que jecomprends :elle irabien.Jemereprends la têteentre lesmainset j’appuiesurmesyeuxpournepaspleurer,parcequejeneressentiraipasdevraisoulagementtantquejenel’auraipasvue,touchée,sentie.

Ellepressemongenouencoreunefois.–Jesuisvraimentdésoléequelebébén’aitpassurvécu.Jenesaispasàquoijem’attendaisparcequemoncœurconnaissaitlavéritémêmesimaraisonne

l’avaitpasencoretotalementintégrée.Maiscesmotsarrêtentlemondedetournersousmespiedsetmecoupent le souffle, je ne peux plus aspirer d’air. Je me lève brusquement et je fais quelques pas entitubantd’uncôtéavantderepartirdel’autrecôté,complètementdésorientéparlebourdonnementdansmesoreilles.

–Colton!J’entendslavoixdemonpère,maisjesecouelatêteetjemeplieendeuxenessayantderetrouver

monsouffle. Jeporte lesmainsàma têtecommesi le faitde la tenirallait fairecesser le tumultequicogneàl’intérieur.

–Colton.Jetendslesmainsdevantmoipourluifairesignedereculer,putain.–J’aibesoind’unarrêtaustand,bordel!Jevoismesmainsdenouveau,lesangdequelquechosequej’aicréé,quiétaitunepartiedeRylee

etdemoi–lasainteetlepécheur–surmesmains.L’innocenceimmaculée.Etjesensquecelaseproduit,jesensquequelquechosevoleenéclatsenmoi–l’emprisequeles

démonsavaientsurmonâmedepuisplusdevingtans–toutcommelemiroirdansceputaindetroquetlesoiroùRyleem’aditqu’ellem’aimait.DeuxmomentsdansmavieoùLAchosequejen’auraisjamaisvouluvoir seproduire arrive, et pourtant… jenepeuxpasm’empêcherde ressentir, demedemanderpourquoidessuggestionsdepossibilitéss’insinuentdansmonespritalorsquejesavais,cettefois-là,etquejesaismaintenantqueçanepeuttoutsimplementpasêtre.Voiciunechosequejen’aijamais,jamaisvoulue.Etpourtant,toutcequej’aitoujourssuachangéd’unecertainefaçon.

Etjenesaispasencorecequecelasignifie.Seulementcommejemesens:différent,libéré,incomplet–c’estterrifiant,putain.Mon estomac se soulève etma gorge s’obstrue, avec tant d’émotions, tant de sentiments, que je

n’arrivemêmepas à analyser cette nouvelle réalité.Tout ce que je peux faire pour ne pas perdremaputainderaison,c’estdemeconcentrersurlaseulechosequi,jelesais,peutêtreaidéepourl’instant.

Rylee.Je n’arrive pas à reprendre ma respiration et mon cœur bat comme un putain de train de

marchandises,mais jenepensequ’àRylee.Toutceque jeveux, toutcedont j’aibesoin,c’estRylee,putain.

–Colton.

Lesmains demonpère sont surmes épaules, encore – lesmains quim’ont soutenupendantmesheureslesplusnoires–pouressayerdem’arracheràcetteputaindenoirceurquiveutmereprendredanssesgriffes.

–Parle-moi,fils.Qu’est-cequisepassedanstatête?Tutefousdemoiouquoi?J’ai envie dehurler parcequ’en réalité je ne sais pas quoi faire d’autre, avec cette peur quime

consume, que me défouler sur la personne qui m’est la plus proche. Une peur qui est complètementdifférentemaistoujourslamême.Alors,jemecontentedesecouerlatêtetoutenregardantlafemmeauxyeuxbruns,enessayantdetrouverquoifaire,quoiressentir,quoidire.

–Est-cequ’ellesait?Jenereconnaismêmepasmaproprevoix.Lafêlure,l’incrédulitéquis’ycachent.–Lemédecinluiaparlé,oui.EllesecouelatêteetjeréalisetoutàcoupqueRyleetraverseçatouteseule,qu’elleseprendça…

toute seule. Le bébé pour lequel elle aurait donné n’importe quoi – qu’on lui a dit qu’elle n’auraitjamais–etqu’elleaeuenfait.

Etperdu.Encore.Commentest-cequ’elleaprisça?Quellesserontlesconséquencessurelle?Surnous?Toutpartenvrille,putain.Etmoi,j’aijustementbesoind’êtredanslecontrôle.J’aibesoinquele

solcessedebougersousmespieds.Jesaisquelaseulechosequipeutremettremonuniversdroit,c’estelle.J’aibesoindesentirsapeausousmesdoigtspourapaisertoutcechaosquisedéchaîneenmoi.

Rylee.–J’aibesoindelavoir.–Pourlemoment,elleserepose,maisvouspouvezallervousasseoiràcôtéd’ellesivousvoulez.Elleselèveetjemecontentedehocherlatêteetdereprendremarespirationquandelles’éloigne

danslecouloir.Lamaindemonpèreest toujoursposéesurmonépauleetcettemarquesilencieusedesoutienrestelàpendantquenousavançonsdanslecouloirverslaportedesachambre.

–Jeseraidehorssituasbesoindemoi.JevaisattendreBecks.Jehochelatêteparcequelenœuddansmagorgeesttellementénormequ’ilnelaisserienpasser.Je

passelaporteetjem’arrêtenet.Rylee.C’estleseulmotauqueljepeuxmeraccrochertandisquemonesprits’efforcedetraitertoutesces

informations.Rylee.Elleparaîtsipetite,sipâle,putain,commeunepetitefilleperduedansungrandlitdedraps

blancs.Quandjem’approched’elle,jedoispenseràrespirerparcequejen’aiqu’uneenvie,latoucher,mais quand je tends le bras, j’ai trop peur qu’elle se casse si je le fais. Qu’elle se brise en millemorceaux.Etjenelaretrouveraijamais.

Mais je ne peux pasm’en empêcher, et si je croyaisme sentir impuissant quand j’étais assis àl’arrièrede lavoituredepolice,maintenant jemesens totalement inutile.Parceque jenepeux rienyfaire.Jenepeuxpasarrivercommeunefleuretsauverlajournée.Ça…jenesaisjustepasquoifaireensuite,quoidire,oùalleràpartirdeça.

Etçamedéchire,putain.Jem’approched’ellepourlaregarder,danssatotalité–depuisseslèvrespâlesetcharnuesjusqu’à

sa peau douce qui, je le sais, sent la vanille, surtout derrière son oreille, et je sais que cette femmefougueuse,àlarépartiefacileetimpertinente,pleinedeprincipesnonnégociables,mepossède.

Ellemepossède,putain.Toutentier.Depuisletempsassezcourtquenoussommesensemble,elleafaittomberdesputains

demursquej’avaispasséunevieàconstruire,sansmêmem’enapercevoir.Etmaintenant,sanscesmurs,jesuisperdusanselle,parcequequandonn’arienressentipendantsilongtemps–quandonachoisides’engourdir – et qu’on apprend à ressentir de nouveau, on ne peut plus s’arrêter.Tout ce que je sais,maintenant,enregardantsabeautéabsolue,intérieurecommeextérieure,c’estquej’aiplusbesoind’ellequeden’importequoi.J’aibesoinqu’ellem’aideànaviguerdansceseaux inconnuesavantque jemenoiedanslaconsciencequec’estmoiquiluiaifaitça.

Jesuis la raisonpour laquelleellevadevoir faireunchoix,que jenesuismêmeplussûrque jeveuxqu’ellefasse.

Jem’enfoncedanslefauteuilàcôtédesonlitetjecèdeàmaseuleetuniquefaiblessemaintenant,ledésirdelatoucher.Jeprendsdélicatementsamaininerteentrelesdeuxmiennes,etbienqu’elledormeetnesachepasquejelatouche,jelasenstoujours,cetteétincellequis’allumequandnousnousconnectons.

Jet’aime.Lesmotsmeviennentàl’espritetjeretiensmonsouffletandisquemoncorpstoutentierserévolte

contrelesmotsquejepensemaispascontrelesentimentquejeressens.Jemeconcentresurcedécalage,enrepoussantcesmotsquinereprésententquedelasouffrancequandilssortent,parcequejeneveuxpasqu’ilsviennententachercemoment.Jeneveuxpasquelefaitdepenseràluisemélangeaveclefaitdepenseràelle.

J’essaiederecommenceràrespirertandisqueleslarmesmemontentauxyeuxetquemeslèvressepressentsurlapaumedesamain.MoncœurbatlachamadeetmaraisonsaitqueRyleevientpeut-êtred’escaladercedernierputaindemurd’acier,del’ouvrircommeuneboîtedePandore,pourquetoutlemal, enfermé pour toujours à l’intérieur, puisse s’envoler et sortir demon âme en n’y laissant qu’unechose.

L’espoir,putain.Laquestionest:qu’est-cequej’espère,maintenant,putain?

1.Poupéedechiffon,personnagecentrald’unesériedelivrespourenfantsquidatedudébutduXXesiècle.

31

J’ailatêteembruméeetjemesenstellementfatiguée.J’aijusteenviedereplongerdanscettechaleur.C’esttellementagréable!

Et,soudain, toutmerevient.Lesang, lesvertiges, ladouleur, lesdallesrectangulairesauplafondtandisquelacivièrerouleprécipitammentdanslecouloiretquej’anticipeunefoisdepluslesparolesdumédecinquej’espéraisneplusjamaisentendre.J’ouvrelesyeuxenespérantquejesuischezmoietquetoutçan’estqu’unmauvaisrêve,maisjevoislesmachinesetjesensl’écoulementfroiddelaperfusion.Jesensladouleurdansmonventreetleseldeslarmesquiontséchésurmesjoues.

Les larmesquej’aiverséesensanglotantquandj’aientendulesmotsconfirmantcequejesavaisdéjà. Pourtant je l’avais sentie, cette vie qui s’écoulait hors de moi, mais ce n’en était pas moinsdéchirant d’entendre la confirmation dumédecin. J’ai hurlé et je l’ai injuriée, je lui ai dit qu’elle setrompait–qu’elleavaittort–parcequ’aumomentmêmeoùelleramenaitmoncorpsàlavie,sesmotsarrêtaientlesbattementsdemoncœur.Etellememaintenaitallongéetandisquejemedébattaiscontrelaréalité, la douleur, l’anéantissement, jusqu’à ce que l’intraveineuse m’entraîne de nouveau dansl’obscurité.

Jegardelespaupièrescloses,enessayantderessentirquelquechoseau-delàduvidequirésonneenmoi,detraverserlebrouillardd’incrédulité,lechagrinsanslimitesquejenepeuxmêmepasenvisager.Enessayantdefairetairelespleursimaginairesquej’entendsmaintenantmaisquejen’aipasperçuslanuitdernièrequandmonbébémourait.

Unelarmeroulesurmajoue.Jesuissiéloignéedemessensationsquejemeconcentreentièrementsurcequejeressensensuivantcettelarmedanssachute,parcequ’ellemefaitpenseràmoi.

Seule.Quidisparaît.Quifuit,avecpourseulecertitudel’inconnu.–Lavoilàquirevientparminous.Une dame en blouse blanche, avec un regard gentil, se tient àmadroite.C’est lamêmequim’a

annoncélanouvelletoutàl’heure.–Vousavezétéinconscienteunpetitmoment.

Jeréussisàsourire,faiblement,enguised’excusepourmaréaction,parcequelaseulepersonnequejevoulaisvoir,laseulepersonnedontj’aibesoinplusquetout,n’estpaslà.

Etjesuisanéantie.Est-ilaucourantdelaviequenousavionscréée?Moitiélui,moitiémoi.Est-cequ’iln’apaspule

supporter et a préféré partir ?D’emblée, la paniqueme gagne.Les larmesmemontent aux yeux et jesecouelatête,incapabledeparler.Commentest-ilpossiblequeDieusoitassezcruelpourmefaireçadeuxfoisdansmavie–perdremonbébéetl’hommequej’aime?

Jenevaispaslesupporter.Pasdeuxfois.Les mots se bousculent dans ma tête, le chagrin pousse son scalpel plus profondément, plus

violemmentdanslaplaie,tandisquej’essaiederessentirautrechosequecettedouleurquin’enfinitpas,cevidequineressembleàriend’autreetquis’installedanstoutmonêtre.Jecherchequelquechoseàquoimeraccrocherquinesoitpascespoignéesdelamesderasoirsurlesquellesjeretombetoujours.

Ellemecaresselebras.–Jesais,machérie.Jesuistellementdésoléepourvous.J’essaiedecontrôlermesémotionsencequiconcernelebébéetColton–deuxchosesque jene

peuxjustementpascontrôler,etdeuxchosesquejeviensdeperdre.Mapoitrinemefaitmaletjen’arrivepasàinspirerassezvite.J’essaiederavalerl’émotionquiempêchel’airdesortir.Etpuis,soudain,jemedis que tout serait plus facile si je m’étouffais. Que je pourrais me laisser glisser, retourner en mefaufilant souscette capede ténèbreset êtredenouveau insensible.Espérerdenouveau.Plier sansmerompre,denouveau.

–Rylee?Elle sedemande si jevaisbienou si jevaispiquerunecrisecommequandellem’aannoncé la

faussecouche.Maisjemecontentedesecouerlatêteenlaregardantparcequ’iln’yarienàdire.Jemeconcentre

surmesmainscrispéessurmesgenouxetj’essaiedemeressaisir,dem’habitueràl’idéedelasolitudedenouveau,etduvide.

Quandj’aienfinréussiàmecalmer,ellemesourit.– Je suis ledocteurAndrews. Jevous l’aidéjàditmais jecomprendraisquevousne l’ayezpas

retenu.Commentvoussentez-vous?Jehausselesépaules,lemalaisedansmonventreviden’estrienàcôtédeladouleurquis’estlogée

dansmoncœur.–Jesuissûrequevousavezdesquestionsàmeposer.Oncommencetoutdesuiteouvouspréférez

attendrequeColtonrevienne?Alors,ilnem’apasquittée?J’avaleuneénormeboufféed’airtandisquelenœuddansmagorgese

desserre, laisse entrer l’air, et que grâce à ces mots l’action du fameux scalpel est un peu moinsdouloureuse.Elle incline la tête etme regarde avec tristesse, j’ai l’impressionqu’ellemedit quelquechosesansmeledire.Maisquoi?LaréactiondeColtonquandilaappris?J’aisipeurdelevoir,de

devoir luiparlerdeçaensachantcomment ila réagià labombedeTawny,maisenmême tempsuneétincelledesoulagements’allumeenmoienapprenantqu’ilesttoujourslà.

–Ilestlà?–Ilvientjustedesortir,c’estlapremièrefoisdepuisvotreadmission.Ilestbouleversé,maisson

pèreafinalementréussiàleconvaincredesortirsedégourdirlesjambes.Cesparolesmeprocurentuntelsentimentdesoulagementquedesfrissonsmeparcourentlesbras

quand je réalise qu’il nem’a pas quittée. Il nem’a pas abandonnée. C’est idiot, quand on y pense,d’avoirmêmeimaginéqu’illeferait,maisj’aisubitellementdechocsdernièrement,toutlemondeaseslimites.

Etlesmiennessontdépasséesdepuislongtemps.Jefinisparretrouvermavoixetjelèvelesyeuxpourcroisersonregard.–Onpeutcommencer.J’ai tant de questions qui nécessitent des explications. Tant de réponses qu’à mon avis, Colton

préféreranepasentendre.J’ensuisencoreàessayerdetraitertoutescesinformations.Jedéglutisenravalantmeslarmesencoreunefois.–Qu’est-cequi…?–…s’estpassé?Elleterminemaphraseàmaplacequandellevoitquejenepeuxpasallerjusqu’aubout.–Onm’avaitditquejenepourraisplusêtreenceinte,quelescicatricesétaientsi…Jesuissitroublée,mentalementetphysiquement,quejen’arrivepasàallerauboutdemesidées.

Ellesmebombardentsi rapidementque jen’arrivepasàmeconcentrersur l’uned’entreellesplusdequelquesminutes.

– Tout d’abord, je dois vous dire que j’ai parlé à votre gynéco et que j’ai lu votre dossier, eteffectivementvoschancesdeporterunenfant,oumêmed’enconcevoirun,étaientextrêmementminces.

Ellehausselesépaules.–Mais parfois le corps humain fait preuvede résilience…desmiracles se produisent, la nature

reprendledessus.Jesourisdoucementmêmesijesaisquecesourirenegagnepasmesyeux.Commentest-cequeje

pouvaisporterunevie–monbébé,unmorceaudeColton–sanslesavoir?Sanslesentir?–Commentçasefaitquejenelesavaispas?Jeveuxdire,çafaisaitcombiendetemps?Pourquoi

est-cequej’aifaitunefaussecouche?Est-cequec’étaitdemafaute?Quelquechosequej’aifait?Oulebébé–monbébé–neserait-ilpasalléàtermedetoutefaçon?

Lesquestionspleuventl’uneaprèsl’autre,enunflotininterrompu,parcequejepleure,leslarmescoulentsurmonvisagequandj’enfileledossarddelaculpabilitéencequiconcernelafaussecouche.Elleme laisse poser toutesmes questions sans intervenir, en attendant patiemment, de la compassionpleinlesyeux.

–Est-cequec’étaitmaseulechanceoubienest-cequeçapeut se reproduire? Je suis tellementdépassée.Etjenesaispas…jenesaisplusquoipenser.J’ailetournis…

–C’esttoutàfaitcompréhensible.Vousaveztraversédesépreuves.Elle change de position et tout à coup il est là, appuyé contre lemontant de la porte, lesmains

enfoncéesdanslespoches,let-shirtmaculédesang–monsang,celuidubébé…lesangdenotrebébé–etsijem’imaginaisquelesdiguesavaientdéjàrompu,ellessedésintègrenttotalementquandjelevois.

Il accourt à mon côté, le visage marqué par la douleur et les yeux en proie à des émotionsincommensurables.Iltendlesbraspourvenirmeconsolermaisilmarqueuntempsd’hésitationquandilvoit,dansmesyeuxbrouillésdelarmes, leregardquejeposesursont-shirtsouillé.Enunéclair, ilaretirésavesteetenlevésont-shirt,etilleslancedanslefauteuilavantdemeprendredanssesbrasetdemeserrercontrelui.

Leslarmesaffreusescommencentmaintenant.Dessanglotsénormes,hachés,saccadés,quisecouentmoncorpsqu’iltientserré–complètementincapabledesavoirquoifairepourquecelaaillemieux–,etilmelaissepleurer.Sesmainsmontentetdescendentdansmondosetilmemurmuredesmotsdouxquinepercentpasvraimentlevoiledemonchagrinmêléd’incrédulité.

Et je ressens tellement de choses à la fois que je ne peux en retenir une seule à laquelle meraccrocher.Jesuisperdue,terrifiée,anéantie,vidée,choquée,saineetsauve,etj’ail’impressionquetantdechosesneserontplusjamaiscommeavant.

Pourmoi.Entrenous.Les espérances, les rêves, les désirs quim’ont été arrachés et prédéterminés par un destin dans

lequeljen’aijamaiseumonmotàdire.Etmeslarmescontinuentàcoulerquandjemerendscomptequej’aiencoreperdu.Cesespérancesquiétaientpeut-êtrejusteunepossibilitéetdontjen’avaisjamaiscruqu’ellespourraientrevenir.

Etpendanttoutcetemps,Coltoncouvredebaisersmonvisagetrempédelarmes,inlassablement,enessayantdechasserladouleurparlacompassionetlechagrinparl’amour.Ilpenchelatêteenarrièreetsesyeuxplongentdanslesmiens.Nousrestonsassisunmoment,échangeanttantdechosesparleregardquand nos lèvres restentmuettes.Mais le pire,mise à part une évidente sensation de soulagement, jen’arrivepasàdéchiffrercequesesyeuxveulentmedire.

Laseulechosedontjesuissûre,c’estqu’ilestaussiperduetconfusquemoi,maisaufond,j’aipeurquelesraisonspourlesquellesilestdanscetétatsoientdiamétralementopposéesauxmiennes.

–Hé…Unimmensesouriresoulèvelescoinsdesabouche.Jesenssesmainstremblerlégèrement.–Tum’asflanquéunedecestrouilles,Ryles.–Excuse-moi.Tuvasbien?Mavoixestensommeillée,traînante.Coltonbaisselesyeuxetsecouelatêteenétouffantunpetitrire.–C’esttoiquiesdansunlitd’hôpitalettumedemandesàmoi,sijevaisbien?

Quandilrelèvelesyeux,jeremarqueseslarmes.–Rylee,je…Ils’interromptetexhaleunsoupir,savoixdéborded’émotion.Aumomentoùilvapoursuivre,ontoquesurlemontantdelaporte.C’estledocteurAndrewsqui

veut savoir si elle peut revenir. Nous ne nous étions aperçus ni l’un ni l’autre qu’elle était partie,tellementnousétionsabsorbésl’unparl’autre.

–Êtes-vousprêteàentendrelesréponsesàvosquestions?Jefaisouidelatête,j’hésite,maisj’aibesoindesavoir.Coltonmelâchetemporairement–perdre

soncontactmefaitsursauter–pourpasserlesbrasdanssonsweat-shirt.Ilrevientmeprendrelamaintandisqu’elleseposteàcôtédulitetsoupire.

–Ehbien,malheureusementjenepeuxrienvousdiredeconcretparcequenousn’avionsquelesconséquencespouressayerdereconstituercequis’estpassé.Maintenantquevousavezlesidéesunpeuplusclairesquelorsquenousnoussommesrencontrées,est-cequecelavousennuieraitdenousracontercedontvousvoussouvenez?

J’ail’impressiondenagersousl’eaumaisjepasseenrevuetoutcedontjemesouviens,depuislemomentoùj’étaisassiseparterredanslasalledebainsetpuisplusrienjusqu’àcequejemeretrouveici.EllehochelatêteetprendquelquesnotessursoniPad.

– Vous avez eu beaucoup de chance que Colton vous trouve à cemoment-là. Vous aviez perdubeaucoupdesangetquandvousêtesarrivéecheznous,vousétiezaubordduchochypovolémique.

J’ai tantdequestionsà luiposer…tantd’inconnuesquemonespritessaied’analyser. Je regardeColtonunmomentetj’hésiteàformulerlaquestionquimepréoccupeleplus,àcausedetoutcequiestarrivéavecTawny.Alors,j’optepouruneautrequimetracasseaussi.

–J’étaisenceintedecombiendetemps?J’ai parlé doucement et Colton serre ma main. L’idée même que je me retrouve à poser cette

questionmetranspercejusqu’auplusprofonddemoi.Jeportaisunbébé.Unbébé.Monmentonsemetàtrembleretjefaisuneffortdésespérépournepasrecommenceràpleurer.

–Douzeàquatorzesemaines,d’aprèsnosestimations.Jefermelesyeuxenessayantdecomprendrecequecelaimplique.LesdoigtsdeColtonsecrispent

sur lesmiens, et je l’entendsexhalerun soufflecontrôléetnéanmoins irrégulier.Elleattendun instantpournouslaisserletempsd’intégrertoutçaavantdepoursuivre.

–D’aprèsnosconstatations,soitvousavezfaitundécollementplacentairesoitunplacentapraeviacompletdanslequellesvaisseauxontéclaté.

–Etqu’est-cequeçasignifie?–Aumoment oùvous avez été admise, l’hémorragie était si considérable et si étenduequenous

n’avonsaucunecertitudequantàlacause.Noussupposonsquec’étaitunplacentapraeviaparcequ’onararementvuuneruptureplacentairesitôtdansunegrossesse,àmoinsqu’ilyaiteuuntraumatismeviolentauniveaudel’abdomenet…

Ellecontinueàparler,maisjen’entendsplusunmotdecequ’elledit,etc’estlamêmechosepourColtonquiselèvesubitementdemonlitetsemetàarpenterlachambre,vibrantd’énergienégativeetlevisagemarquéparlacolère.

Etc’esttellementplusfacilepourmoidemeconcentrersurluietl’explosiond’émotionsquejelissursonvisageplutôtquesurlemien.Moncerveausurchargéseditqu’enleregardant,jen’aipasbesoind’affrontermespropressentiments.Jen’aipasàmedemandersi j’aipoussélepèredeZanderunpeutroploin,unpeutropfort,etsitoutcelaestarrivéparmafaute.

Le docteurAndrews le regarde puis tourne versmoi un regard plein de sympathie tandis que jeracontelesévénementsdelajournée.ChaquefoisquejementionnelescoupsquelepèredeZanderm’adonnés,jevoisl’agitationdeColtonaugmenter.Jenesaispascequeçaluifait,nicommentvasatête,nis’il peut en supporter beaucoupplus, et beaucoupde chosesme font peur parceque je sais ceque jeressens.

–Celapeuttrèsbienavoirétélacause–l’élémentdéclencheur–quiaprovoquélafaussecouche.JefermelesyeuxuninstantetjemeforceàdéglutirtandisqueColtonpousseunjuronétouffé,le

corps toujoursagité, lespoingsserrés. Je l’observeenessayantdedéchiffrer lesémotionsquipassentdanssesyeuxavantqu’ilnes’immobilisepourmeregarder.

–Excusez-moiuninstant.Iltournelestalonsetsortdelapièceentrombe.Meslarmesreviennentetjesaisquejesuisdansunétatémotionnelépouvantable,jesaisquejen’ai

paslesidéesclairesquandlapenséemetraversel’espritqueColtonestfurieuxcontremoid’êtretombéeenceinte et pas à cause de la perte de notre enfant. Je repousse cette idée aussitôt – jemedéteste del’avoireue–maisàlalumièredesquelquessemainespasséesetdetoutcequenousavonstraversé,jenepeuxpasm’enempêcher.Etalors,cetteidéeenentraînetellementd’autresdansunespiraleincontrôlableque je doisme raisonner.Me dire queColton tient àmoi, qu’il ne s’en irait pas pour quelque chosecommeça.Jem’obligeàmeconcentrersurlesréponsesetnonsurl’inconnu.

Etsansréfléchir,jeposelaquestionsuivante,quiresteensuspensdansl’airoùcontinueàvibrerlacolèredeColton.

–Est-cequec’estpossible…est-cequejepourraiêtreenceintedenouveau?Est-cequejepourraimenerunegrossesseàterme?

Ellemeregarde,unéclairdecompassionpassesursonvisagestoïque,unsoupirsurleslèvresetdeslarmespleinlesyeux.

–Possible?Elle répète lemotet ferme lesyeuxunmomentenhochant la tête.Elle tend lebraset serremes

mainsdanslessiennesenmeregardantdroitdanslesyeux.–Cecin’étaitpascenséêtrepossible,Rylee.Savoixsebrise,monchagrinetmonincrédulitél’affectentvisiblement.–Jeveuxespérerqueledestinneseraitpasassezcruelpourvousimposerunetelleépreuvedeux

foisetnepasvousdonneruneautrechance.

Elleessuiepromptementunelarmeenreniflant.–Parfoisl’espoirestlapluspuissantedesmédecines.

***

Jelesensavantmêmed’ouvrirlesyeux,jesaisqu’ilestassisàmonchevet.L’hommequin’attendpersonnem’attendpatiemment,moi.Moncorpssoupiredoucementàcettepenséeetpuismoncœurseserreàl’idéed’unpetitgarçonperduàjamaispourmoi–descheveuxnoirs,desyeuxverts,destachesderousseursurlenez,unsourireespiègle–etquandj’ouvrelesyeux,lesmêmesyeuxquej’aivusenimaginationcroisentlesmiens.

Maiscesyeuxparaissentfatigués,lassésdelutteretinquiets.Ilsepencheversmoietprendlamainquejeluitends.

–Salut.Jechangedepositionpoursoulagerladouleurdansmonventre.–Salut.Ilglissejusqu’auborddesonsiège,etjeremarquequesont-shirtaétéremplacéparunetunique

d’hôpital.–Commenttutesens?Ilpresseseslèvressurmamainetleslarmesmemontentauxyeuxdenouveau.–Non.Ilselèveetvientposerunefessesurleborddemonlit.–Jet’enprie,nepleurepas,Bébé.Ilm’attirecontresapoitrineetmeserredanssesbras.Jesecouelatête,messentimentsfontdesmontagnesrusses.Anéantieparlaperted’unenfant–une

chancequipourraitnejamaissereprésenter,mêmesionnepeutrejeteraucunepossibilitéauregarddecettesituation–etenmêmetempscoupabledemesentirsoulagée,parcequesij’avaisétéenceinte,oùcelanousaurait-ilmenés,Coltonetmoi?

–Çava.Jeposeunbaiser sous samâchoire, tirantma forcedubattement régulier de sonpouls sousmes

lèvres,avantdereposer la têtesurmonoreillerrelevédefaçonàpouvoir leregarder.Jesoufflepourécartermescheveuxdemonvisage,pouréviterdemeservirdemamainetderomprenotreconnexion.

Sonregardestsiintense,lesmâchoiresserrées,leslèvrescontractéesparl’émotion,quejebaisselesyeuxversnosmainsjointesenmepréparantmentalementàcequejedoisluidireparcequejecrainssesréactions.Jeprendsuneprofondeinspirationetjemelance.

–Ilfautqu’onparledecequivientdesepasser.Mavoixestàpeineplusqu’unmurmureetjelèvelesyeuxpourcroiserlessiens.Ilsecouelatête,unsigneavant-coureurdel’objectionquivasuivre.Ilserremamain:

–Non.Laseulechosequicompte,c’estquetuaillesmieux.–Colton…Jenedisquesonnommaisjesaisqu’ilentendmasupplique.–Non,Ry!Ilselèvebrusquementetarpentel’espaceréduitàcôtédulit.Jelerevoishier,surlebas-côtéde

l’autoroute,submergéparlaculpabilité.Cen’étaitqu’hier?J’ail’impressionqu’unevieentièreapassédepuis.

–Tunecomprendspas,hein?Jemerecroquevilledansmonlitenentendantlavéhémencedanssavoix.–Jet’aitrouvée…Ilgardelesyeuxbaissésetsavoixquisebrisemebouleverse.–Ilyavaitdusangpartout.Ilrelèvelesyeuxpourmeregarder.–Partout…ettoi…tuétaisallongéelà,ensanglantée.Ilvientjusqu’auborddemonlitetmesaisitlesdeuxmains.–J’aicruquejet’avaisperdue.Pourladeuxièmefoisenl’espaced’unejournée,putain!Enuninstant,samainmetientfermementparlanuqueetilécraseseslèvressurlesmiennesavec

autorité.Jesensl’angoissebruteetpalpableet l’aviditésursalangueavantqu’ilnes’écarteetappuieson front contre le mien, une main toujours fermement posée sur ma nuque tandis que l’autre viententourermajoue.

–Accorde-moiuneminute.Laisse-moiça,ok?J’aijustebesoindeça…detoi…toutdesuite.Detetenircommeça,parcequejedevenaisdingue,putain,àattendrequetuteréveilles.Àattendrequetume reviennes, parce que, Ry, maintenant que tu es là, maintenant que tu es dans ma vie… que tu esdevenueunepartiedemoi,jenerespireplussijenesuispassûrquetuvasbien.Quetuvasmerevenir.

–Jereviendraitoujourspourtoi.Lesmotssontsortisdemabouchesansquej’ypense,parcequequandlecœurveutparler,illefait

sans préméditation. Je l’entends prendre une inspiration tremblante, je sens ses doigts se plier surmanuque,etjesaisàquelpointcethommequin’ajamaiseubesoindepersonne,essaiedésespérémentdetrouverquoifaireàprésentqu’ilnepeutplussepasserdelaseulechosedontiln’ajamaisvoulu.

Nousrestonsassisunmomentsansparler,etjustequandilsepencheversmoipourposerunbaisersur leboutdemonnez, j’entends levacarmequi laprécèdeavantde lavoirentreren trombedans lachambre.

–BonDieudemerde,nana!Çat’amusedemefilerunecrisecardiaque?Haddiepasselaporteet,unesecondeplustard,elleestàmescôtés.–Enlèvetespattesdelà,Donavan,etlaisse-lamoi.JesenslesouriredeColtonquandilposeseslèvressurmajoue.Enunefractiondeseconde,jesuis

engloutieparce tourbillonquiapournomHaddie,ellemeserredanssesbrasetnousnousmettonsàpleurertouteslesdeux.

–Laisse-moiteregarder!Ellepenchelatêteenarrièreensouriantàtraversseslarmes.–Tuasuneminededéterréemaistuestoujoursaussibelle.Çava?Sasincéritémefaitmonterleslarmesauxyeuxdenouveauetjedoismemordrelalèvrepourles

retenir.Jefaisouide la têteetHaddie lève lesyeuxetcroiseceuxdeColton. Ilséchangentunregarddanslequelleurémotionàtouslesdeuxestvisible.

–Merci,luidit-elledoucement,etjefermelesyeuxuninstant,touchéeparl’énormitédetoutça.–Pasdelarmes,d’accord?Elleserremamaindanslasienneetjehochelatêteavantderouvrirlesyeux.–Ouais.Jepousseunsoupiret jecroise leregarddeColton.J’yvoisquelquechoseque jenesaisispas,

maisnousavonstraversétantdechosescesquelquesderniersjoursquejemedisquec’estprobablementdelasurchargeémotionnelle.

Nousrestonscommeçaunpetitmoment.Àchaqueminutequipasse,Coltonserenfermeunpeuplus,etjevoisqu’Haddieleremarque,elleaussi,maisellecontinueàbavardercommesinousn’étionspasdansunechambred’hôpitaletquejenepleuraispaslaperted’unbébé.Etcelameconvientqu’ellesoitcommeça,parceque,commed’habitude,ellecomprendcedontj’aibesoin.

Elleestentraindemedirequ’elleaparléàmesparentsquisontenchemindepuisSanDiegoquandsontéléphonereçoituntexto.EllelelitpuisregardeColton.

–Becksestenbasdansleparkingetilveutquetuviennesluimontrerlechemin.Illuilanceunregardétrangemaishochelatête,m’embrassesurlefrontetmesourittendrement.–Jerevienstoutdesuite,d’accord?JeluirendssonsourireetjeleregardesortiravantdereporterlesyeuxsurHaddie.–Çat’ennuieraitdem’expliquercequisepasse?Jerigole,jesaisqu’ellevaêtrefrancheetdirecte.– Tu fais fort, merde ! Je t’avais dit de t’envoyer en l’air avec lui, pour enlever les toiles

d’araignéesettoutça.Tun’auraispaspufaireplustélé-réalitésitul’avaisfaitexprès.Tefairemettreencloque,tebattreavecunmecarméd’ungun,faireunefaussecouchealorsquetunesavaismêmepasquetuétaisenceinte!

J’enpleure,derire.N’importequi,écoutantcetteconversation,penseraitqu’Haddieestinsensible,maisjesaisqu’aufondellegèresonangoissesoudainedelaseulefaçonqu’elleconnaît–enenrajoutantdanslesarcasme.

Et en cequime concerne, c’estma thérapie personnelle.C’est à cela que jeme suis raccrochéedepuisdeuxans,lessoirsvraimentdursaprèslamortdeMax.

Elleritavecmoi,elleaussi,maissonrireestsuividelarmesquandellemeregarde.– Je veux dire, qui aurait pu savoir que le sperme de ce mec avait des super-pouvoirs qui lui

permettaient de plonger en piqué pour venir secourir et réparer unematrice endommagée, comme unputaindesuper-héros?

Jem’étrangle,surpriseparcequ’ellevientdedire,parcequejeneluiaijamaisparlédeColtonetdesessuper-héros,nevoulantpastrahirsaconfiance.Ellenefaitpasattentionetcontinue.

–Àpartirdemaintenant,chaquefoisquejeverraiunlogodeSuperman,jepenseraiàColtonetàsonsuper-sperme.

Je ris avec elle, et je souris à tout ce qu’elle dit en regardant vers la porte, impatiente qu’ilrevienne.

–Commentva-t-il?Jehausselesépaules.–Ilnetientpasvraimentàaborderlesujetdubébé.Lesimplefaitdedirelemotmefaitmaletjeserrelespaupièrespourretenirmeslarmes.Elleserre

mamain.–Ilneledirapas,maisils’enveut.Jesaisqu’ilpenseques’ilnem’avaitpaslaisséetouteseuleau

foyer,lepèredeZanderneseraitpasvenu.Nem’auraitpasfrappée.Jen’auraispas…Et c’est vraiment idiot,mais je n’arrive pas à dire cesmots – fausse couche ou perdre le bébé.

Aprèstoutcetemps,onpourraitpenserquemeslèvresseseraienthabituéesàlesdire.Maisàchaquefoisquej’ypense…quejelesdis,c’estcommesic’étaitlapremièrefois.

Ellehochela têteetmeregardeavantdebaisser lesyeuxsurnosmains jointes.J’attendsqu’elleparle,qu’ellesorteundesesfameuxHaddie-ismespourmefairerire,maisquandellerelèvelesyeux,ilssontpleinsdelarmes.

–Tum’asflanquéunedecestrouilles,Ry.Quandilm’aappelée…situavaisentendusavoix…jen’aipluseuaucundoutesursessentimentspourtoi.

Et,biensûr,seslarmessontcontagieuses,alorselleselève,vients’asseoirsurlelitàcôtédemoipourmeprendredanssesbrasetmeserrerfort–lamêmepositiondanslaquellenousavonspassédesheuresaprèsquej’aiperduMaxetnotrebébé.Aumoinscettefois-ci,lefardeauquipèsesurmoncœurestunpeuplusléger.

32

J’ail’impressiond’êtreàlaparadequandColtonpoussemonfauteuilroulantverslasortiedel’hôpital.Je peux marcher, mais mon infirmière dit que c’est le règlement de l’hôpital. Ma mère bavardetranquillement avec Haddie, et mon père écoute avec un petit sourire parce que même lui n’est pasinsensible au charmedemon amie.Becks s’est chargéd’amener laRangeRover devant l’entrée pourColton, tandis que Sammy se tient devant la porte, inquiet de voir arriver les journalistes, qui,heureusement,n’ontpaseuventdel’histoire.Pasencore.

Coltonmepoussesansdireunmot,maisilfautdirequecelafaitdeuxjoursqu’ilestsilencieux.Sic’étaitquelqu’und’autre,jemettraisçasurlecomptedelarencontreinopinéeavecmesparents.Jeveuxdire, rencontrer les parents de l’autre est une étape importante dans n’importe quelle relation, maisencore plus pour quelqu’un comme Colton qui n’a jamais expérimenté ce genre de choses. Et il fautajouteràcelaquelarencontresefaitaprèsquelapetiteamieafaitunefaussecouchealorsqu’ellenesavaitmêmepasqu’elleétaitenceinte!

Mais avec Colton, c’est différent. Et j’ai beau adorer mes parents pour s’être précipités à monchevet,Haddieet sonhumoursans faille,Beckset ses traitsd’espritdécalés,et tous lesgensquisontpasséspourmesouhaiterunbonrétablissement,toutcequejeveux,c’estmeretrouverseuleavecColton.Quandiln’yauraplusqueluietmoi,ilnepourraplusm’éviteretfairelasourdeoreilleàcequ’ilasurlecœur.Cesilencenousétouffelentementet jeveuxquenouspuissionsrespirer.J’aibesoinquenoussoyonscapablesdecrieretdehurleretdepleureretd’exprimernotrecolère–detoutfairesortir–sansleregarddenosfamillesquinoussurveillentpourêtresûrsquenousn’allonspascraquer.

Parce que nous avons besoin de craquer.Nous avons besoin de voler en éclats.C’est seulementaprèsquenouspourronsramasserlesmorceauxl’undel’autreetnousreconstruiremutuellement.

Par-dessusmonépaule,jejetteuncoupd’œilrapideàColton,toujoursaussiimpassible.Jenepeuxpasm’empêcherdemedemandercequ’ilenseraits’iln’yavaitpaseulepèredeZander.Etsij’étaistoujoursenceinte?Oùenserions-noustouslesdeux?

Nete focalisepas là-dessus.Mais jenepensequ’àça :moienceinte.Çaparaît êtred’une telleréalité, tangiblemême, que çame revient sans cesse à l’esprit. Colton immobilise le fauteuil roulant

aprèsavoirpassélesportesdel’hôpitaletilfaitletourpourseretrouverfaceàmoi.Sesyeuxcroisentlesmiens,avecunedouceurquiatténuel’intensitéquej’yaivuecesquelquesjours.Unsourirepassesurseslèvres.Est-cequejepourraisquittercethommeparcequejeveuxunenfantetqueluin’enveutpas?Est-cequejevoudraisquitterleseulhommedontjesaisquejenepeuxpasvivresanslui,pourunechosedontj’aipenséàuneépoquequejeferaisn’importequoipourl’avoir?

Non.Laréponseestaussisimplequeça.Cethomme–beau,cabossé,maisquiavance–correspondbeaucouptropàcedontj’aibesoinpourquejepuissejamaislequitter.

Il sepencheversmoi, poseundouxbaiser surmes lèvres, et je culpabilised’avoir eude tellespensés.

–Çava?Jetendslamainpourluicaresserlajouedoucementetjesourisenhochantlégèrementlatête.–Ouais,ettoi?Sonsourireéclairesonvisageparcequ’il saitque je fais référenceau regardquenousavonsvu

touslesdeuxdanslesyeuxdemonpèrequiessaiedesavoirsicethommeestassezbienpoursapetitefille.

–Jegère.Ilmefaitunclind’œiletsecouelatêteenseredressant,lesyeuxtoujoursrivésauxmiens,avecce

sourirequimechauffelecœur.–Tudoutesdemescapacités?–Ahça,certainementpas.Jememetsàrire,maisjem’arrêtequandilpenchelatêtesurlecôtéetmeregarde,surpris.–Quoi?–C’estjustequec’estbondetevoirsourire.Maissonregardsevoilequandsonattentionestattiréeparquelquechosedansmondos.Quandses

yeuxreviennentsurmoi,ilssontdenouveauclairsetsonexpressionestredevenueplusdouce.–Prêteàmettrelesvoiles?Quandjemelève,Coltonmeprendparunbrasetmamèreparl’autre,etilsrestenttouslesdeuxà

côtédemoipourêtresûrsquejetienssurmesjambes,cequin’estpasnécessaire.–Jevaisbien,jevousassure.Mamèremeprenddanssesbrasetmeserrecontreelleunpeuplusquedecoutume.–Situveux,nouspouvonsresterenvilleunjourdeplus.Pourêtresûrsquetuesconfortablement

installéecheztoiavantderentreràlamaison.–Ellenerentrepaschezelle.TouteslestêtessetournentbrusquementversColton,lamienneaussi.Alorsquetouslesyeuxsont

braquéssurlui,lessienssontexclusivementsurmoi.–Tuvienschezmoi,pasdediscussion.Etaprèsavoirdécrétéça,Coltonpasseautourd’unBeckettgoguenard,d’uneHaddiesatisfaiteetde

mesparentsstupéfaits.IlrefermelehayondelaRangeetsedirigeversmesparents.

–Vousêteslesbienvenuschezmoi.C’esttrèsspacieux.Ilhausselessourcils,prêtàrépondreàn’importequelleobjection.–Non.Toutvabien.MonpèretendlebraspourserrerlamainqueColtonluitend.–Jevousfaisconfiancepourprendrebiensoind’elle.Cen’estpaspluscompliquéqueça.Lelienmuetd’unpèreavecl’hommequesafilleaimepasse

entreeux.D’hommeàhomme.Deprotecteuràprotecteur.Colton tient lamaindemonpère fermementdans la sienne et hoche la tête en signe d’acceptation de la confiance qui vient de lui être accordée.Colton estmaintenant responsable – en langage d’homme – demoi. Ils continuent de se regarder enprolongeantleurpoignéedemainunpetitmoment.L’émotionmeserrelagorgetandisquejeregardeàladérobéemamèrequiobservecetéchangeenversantunelarme,elleaussi.

Nouslesregardonstouteslesdeuxunmomentavantquemamèrem’aideàmonterdanslavoiture.Elleattachemaceintureettournelesyeuxversmoienprenantmonvisagedanssesmains.

–Tum’asditunefoisquetun’étaispassûredecequ’ilyavaitentreColtonettoi.Elleécarteunemèchefolledemonvisage.–Cethommeestfollementamoureuxdetoi,machérie.Elle sourit doucement et hoche la tête quand je m’apprête automatiquement à répondre pour

minimisercequ’elledit.–Jesuistamère.Pourmoi,c’estévident.Leshommesnelevoientjamais,nel’acceptentjamais,ne

leveulentjamais,jusqu’aujouroùçaleurtombedessus.Tuasdelachancequecelat’arrivedeuxfoisdanstavie,d’avoirunhommeprêtàl’accepterdelui-même,àsautercepassansfond.Mêmequandilferadesbêtises…

Ellelèvelamainquandjem’apprêteàledéfendreetlèvelesyeuxauciel.– Soyons réalistes, c’est un homme, il fera des bêtises…Montre-toi patiente parce qu’il t’aime

autantque tu l’aimes.Lesmotsqu’il n’arrivepas àprononcer sont écrits en toutes lettres sur cebeauvisage.

Jemecontentedehocherlatête,enmordillantmalèvreinférieurepourempêcherceflotdelarmesquin’enfinitpasdevouloircouler.

–Jesais.Mavoixestcalme.Bonheuretchagrinmesubmergent.Elleserremesmainsjointessurmesgenoux.–Situdoisavoirunbébé,Ry,celaarrivera.Jesaisquecen’estpasuneconsolation,maisaumilieu

de la nuit, quand tu seras triste, tu pourrasm’entendre te le dire.Rappelle-toi, la vie ce n’est pas desurvivreàlatempête,maisd’apprendreàdansersouslapluie.

Ellesepencheetm’embrassesurlajoue.–Jet’aime.–Moiaussi,jet’aime,Maman.Jelaprendsdansmesbrasetsesparolesdesagessedansentdansmatête.

–Merci.Nousfaisonsnosadieuxrapidementparcequelavoitureestsurunezonedechargement.Beckettest

le dernier à dire au revoir. Il se penchedans la voiture etmedonneunebrève accolade pendant queColtons’entretientavecSammyàl’extérieur.Beckss’apprêteàrefermerlaportièremaisseraviseetmeregardeensecouantlatête.

– Cette histoire de planche de salut, ça marche dans les deux sens, tu sais. Appuie-toi dessus.Appuie-toisurlui.Ilnevapassebrisersitulefais…maistoitupourraisbien,situnelefaispas.

–MerciBecks.Tuesvraimentunamiprécieuxpourlui.–Unevraietêtedecon,tuveuxdire!Coltonseglissesurlesiègeàcôtédemoi.–Sic’étaitvraimentunami,ilenlèveraittoutdesuitesespattesdemacopineetilmelaisseraitla

rameneràlamaison,putain!–Quandonparledenotreamiauxmanièresraffinées!Becksrigoleenserrantmamain.–Jet’aime,moiaussi,Wood!–Lamême,mec!Coltonrigoleenpoussantleboutonsurletableaudebord,etlemoteursemetàrugir.–Soyezsages!Becksmefaitunclind’œiletsecouelatêteavantdefermerlaportière.Noussortonsduparkingetnous installons l’unet l’autredansunsilenceconfortablependantque

nousroulons.Jesuisimpatiented’arrivercheznous,dedormirdansmonlitaveclachaleurrassurantedeColtoncontremoi. Je ferme lesyeuxet jepenche la têteenarrièreen repassantdansma tête tous lesévénements chaotiques qui se sont produits au cours de ces dernières semaines. Je soupire et Coltonallumelaradioavantdemeprendrelamain.

LavoixdeSaraBareillisflottedansl’airetjenepeuxpasm’empêcherdefredonneràvoixbasseetdesourireenécoutantlesparolessipoignantes.JesaisqueColtonlesécouteaussiparcequ’ilserremamain,etquandj’ouvrelesyeuxpourleregarder,jesuisinterloquéeparlespectaclequis’offreàmavue.

–Colton,qu’est-ce…?– Je sais que tu n’es pas complètement rétablie, mais je voulais t’emmener dans un lieu qui te

rendraitheureuse.–Tumerendsheureuse.Jeleregardedroitdanslesyeuxpourappuyermesparoles,avantdedécouvrirlaplagequis’étend

devantnous.–Cettefois-ci,jemesuispréparé.Ilmesourittimidement.–J’aidescouvertures,desvestesetdequoimangersituasenvied’allert’asseoirunpetitmoment

avecmoi.Leslarmesmemontentauxyeuxetjememetsàrire.

–Oui.Jesuisdésolée.Jesuisàfleurdepeau.Leshormonesdelagrossesseet…Jem’interrompsquandjemerendscomptequejeviensdetoucherausujettabouquenousn’avons

pasencoreabordé.Unsilenceembarrassés’installeentrenous.Coltons’agrippeauvolantetpousseunprofondsoupiravantdesortirdelavoituresansdireunmot.

Ilouvre lehayonarrièreet sortuncertainnombredechosesavantdem’aideràdescendrede lavoiture.

–Doucement.–Çava.Nousnousprenonsparlamainetnousmarchonsverslaplageensilence.Nousnesommespasseuls

aujourd’hui,contrairementàladernièrefoisoùnousnousétionsretrouvésici,ilyaquelquesmois–lejour de notre premier rencard officiel. Le fait qu’il ait pensé que cet endroitme consoleraitme rendheureuse.

–Là,c’estbien?Illâchemamainetétaleunecouverturesurlesable.Ilposedessusunsacenpapierbrunpuismet

sesmainssurmeshanchesquandjem’assieds.–Jenevaispascasser.Maisj’adoresentirsesmainssurmoi–laforce,leconfort,lasécurité–toutesceschosesquivont

aveclesimplecontactdesesmains.Il s’assied derrièremoi, entouremes jambes des siennes etm’attire contre sa poitrine, les bras

toujoursserrésautourdemoi. Ilposesaboucheet sonmentondans lecreuxdemoncouetpousseunsoupir.

–Jesaisquetunevaspascasser,Ry,maistuasbienfailli.Jesaisquetuesforteetindépendanteetquetuasl’habitudedefaireleschosestouteseule,maiss’ilteplaît,laisse-moiprendresoindetoipourl’instant,d’accord?J’aibesoin…j’aibesoinquetumelaissesfaireça.

Ilponctuesesmotsparunbaiser,sansretirersabouche,illalaisselàsibienquejesenslachaleurdesonsouffleetlefrottementdesabarbenaissantesurmapeau.

–D’accord.Jepousseunprofondsoupirensentantunserrementdansmonventrequimerappellequ’ilfautque

nousparlions. Je lève lementon endirectiondu soleil et je ferme les yeuxpour apprécier sa chaleurparcequejecontinueàmesentirtoutefroideàl’intérieur.

–Vas-y,dis-le.Unepointed’exaspérationpercedanssavoix.–Jesensbienquetuestendue,tufaiscommesitonespritnecarburaitpasàunmilliondetoursàla

minuteavecceje-ne-sais-quoiquetuveuxmedemander.Tunetedétendraspastantquetunel’auraspasdit.

Ilrigole,sapoitrinevibrecontremondos,maisjesensbienquecelanel’enchantepasplusqueça.Jefermelesyeuxuninstant,jen’aipasenviedegâcherlatranquillitédecemomententrenous,mais

enmêmetempsj’aibesoind’affrontercettetensionsous-jacente.

–Ilfautqu’onparle…dubébé…Jesuisfièredeconstaterquemavoixnetremblepas,contrairementauxautresfoisoùj’aiessayé

d’aborderlesujet,aucoursdesjoursprécédents.–Tu nemedis rien et je ne sais pas ce que tu penses…ce que tu ressens.Et j’ai besoin de le

savoir…–Pourquoi?Cesimplemotclaquedansl’air,uneréactioninstinctive,j’ensuissûre,parcequejenevoispasson

visage,maisjesenssoncorpssetendre.–Pourquoiest-cesiimportant?Cettefois,savoixestunpeuplussouscontrôle.Parcequec’estcequisefaitquandonestdansunerelation.–Colton,quelquechosed’essentielnousestarrivé…àmoi,entoutcas…–Ànous.Cetteaffirmationmedéconcerteuninstant.C’estlapremièrefoisqu’ilreconnaîtlebébéquenous

avonsperdu.Quelquechosequenousavonscrééensembleetquinouslieàjamais.–…ànous.Maisjenesaispascequeturessens.Jesaisquemonuniversaétébouleverséetqueje

suisencore sous lechoc. Jevoudrais juste…Tues làet tu traversescetteépreuveavecmoi,maisenmêmetempsj’ail’impressionquetuterenfermesettunemeparlespas.

Jesoupire,sachantquejedévie,maisjenesaispascommentl’atteindre.J’essaieunedernièrefois.–Tumedisquetuasbesoinquejetelaisseprendresoindemoi.Jepeuxlecomprendre.Deton

côté,peux-tucomprendrequej’aibesoinquetumeparles?Quetunepeuxpasm’exclureencemoment?Ladernièrechosedontj’aibesoinpourl’instant,c’estdem’inquiéterdesavoiroùnousensommes.

Jem’obligeànepasendireplusparcequej’entendsl’insistancedansmavoixetqu’iln’atoujourspas répondu, alors nous plongeons dans un silence gênant. Colton commence à s’écarter de moi, etimmédiatementjemeprépareàaffronterlevidequandilprendsesdistancesaumomentoùj’aileplusbesoindelui.C’estalorsquesonnezvientseblottirdansmescheveuxpourmerespirer.Jefermelesyeuxtandisquedesfrissonscourentsurmapeauparcequejecomprendsqu’ilnevapasmerepousser,maisquec’estsafaçondeprendresontempspourrassemblersesidées.

–Rylee…Au tonsur lequel ilditmonnomensoupirant, je retiensmonsouffleparcequ’ilya là tellement

d’émotioncontenue.Ilappuiesonfrontsurl’arrièredematêteetserremesbras.–Jenepeuxpasenparler.Jenepeuxvraimentpas.Jecomprendsqu’ilfaitréférenceaubébé.–Jenepeuxgérerqu’unechoseàlafois,putain.Etpourl’instant,jesuistoujoursentraind’essayer

demefaireàl’idéequej’aifailliteperdre.Ilbalancesonfrontcontrematête.–Jenesuispashabituéàressentirleschoses,Ry.Jesuishabituéàêtreinsensible…àfuirdèsque

leschosesdeviennenttropréelles.Ettoi,nous,ça…

Ilsoupire.-…c’estréeldechezréel,putain.J’ail’impressiond’avoirprisuncoupsurlatêtejustequandje

commençaisàm’habitueràunenormaliténouvellepourmoi.J’ai la têteà l’envers.Jenesaisplusoùj’ensuis,putain,maisjegèredumieuxquejepeux.Etcelaimpliqued’effacerdemonespritcettevisiondetoicommeuneRaggedyAnnsansvie.

Ses mots plongent dans les profondeurs de mon âme et me redonnent les minuscules bribes del’espoirquej’aiperdudanslafaussecoucheetlescraintesquesonsilenceprovoquaitenmoi.Doncilneveutpas–nepeutpas–aborderlesujetdubébé,aumoinsill’adit.Etj’aibeauvouloiretavoirbesoind’enparleraveclui,luiassurerquec’estdeluidontj’aibesoinetquelerestepeutattendre,jenedisrienetjelelaissegérerlesouvenirdecequim’estarrivé.

Je me déplace entre ses jambes si bien que je suis assise de côté sur ses genoux, mes jambesreposantsurl’unedessiennes.J’aibesoindevoirsonvisage,j’aibesoindeluimonterquejevaisbien.Jeleregardedanslesyeux,ilal’airtotalementdéstabilisé.Jeposeunemainsursajoueetjeluisourisdoucement.

–JevaisbienColton.Tum’assauvélavie.Jemepencheversluietj’effleureseslèvresd’unbaisertendre.J’ail’impressionquejenepourrai

jamaism’enrassasier.–Mercidem’avoirsauvée.Ilsecouelatêtelégèrement.–Jepensequec’estmoiquidevraisteremercier.C’esttoiquimesauves.Sesmotsmevident la têtede toutepenséeàpartcelleque jenepeuxpas luidire.Je t’aime. Je

t’aimeplusque tunepeux l’imaginerouque jepourrai jamais l’exprimer.Est-cequ’ilnese rendpascomptequelaseulechosequimepermetdelesauver,c’estqu’ilm’afinalementlaisséeentrer?Quandfinira-t-ilparaccepterl’idéequ’ilvautlapeined’êtresauvé?Nousnenousquittonspasduregardtandisquenouséchangeonsdesparolesmuettes.Jesuisétonnéeparleslarmesquis’accumulentaucoindesesyeuxetparsonsouffletremblé.

–Net’inquiètepas,Rylee.J’aijustebesoind’unpetitarrêtaustandpourfairelepointdetoutescesconneriesqui semélangentdansma tête et auxquelles jene suispashabitué, ok ? Jenedemandepasd’espacenidefaireunbreak,j’aijustebesoind’unpeudepatiencependantquej’essaiedecomprendretoutça.

Je hoche la tête en me mordillant la lèvre inférieure parce que je suis incapable de parler – physiquement incapable – tellement je suis sidérée. Il comprend ma plus grande peur et essaie del’apaiseravantquejenecommenceàtropréfléchiretàtoutdécortiquercommejefaistoujours.

Nousrestonscommeçaunpetitmoment,lesilences’installeautourdenousdansunconfortfacile.–T’asfaim?Jehausselesépaules,jesuisbiencommeça,aveclatêteblottiesoussoncouetsesbrasautourde

moi.–Lapremièrefoisquenoussommesvenusici,tum’assidéré.

–Pourquoi?Mavoixestsomnolenteetsatisfaite.Pourrienaumonde,jenevoudraisêtreailleursencemoment.Jelesenshausserlesépaulescontremoi.–Jenesaispas.Jem’attendaisàcequetusoisfuraxquejet’aiamenéesuruneplagepourt’offrir

dusaucisson,dufromageetduvindansdesgobeletsencarton.Ilrigole.–J’étaisloindemedouterquetuallaisbouleversermavie,putain.Unedoucechaleurm’envahit.Desimagesmereviennentàl’esprit,jemerevoisplusieursmoisen

arrière,assiseiciaveccethommed’unebeautéinsensée,entraindemedemandercequ’ilmetrouvait.Etmaintenantjecomprends.Ilvoyaitenmoilespiècesdétachéesquipouvaientêtreassemblées.Ilacceptaitcesbordsdéchiquetésquidemandaientàêtreréparés,parcequ’ilavait lesmêmes.Etnousrevoilà,enmorceaux,demandantdenouveauàêtrerassemblés.Maiscettefois,nouspouvonsnousappuyerl’unsurl’autre,nouspouvonsnousaidermutuellement.

–Seigneur,cequetupouvaisêtrearrogant!Maisj’étaisincapabledeterésister,Ace.–Oh,maisjesuistoujoursaussiarrogant,Bébé,etrésolumentirrésistible!Jelèvelesyeuxaucielengloussant.–MonDieu!Jenepeuxpasm’arrêterderireetilmeposeunbaisersurlecrâne.–Cethommeestleroidel’arrogance!–Nan!L’asdel’arrogance!–Nul!Jem’amusebeaucoupdecejoyeuxbadinageentrenousetj’inclinelatêteenarrièrepourregarder

sonvisage.–Sérieux?C’esttout?Tun’asriendemieuxàmeproposer?–OhRy…Ilme fait un sourire satisfait, enme regardantd’unair suggestif, et sepenchepour effleurermes

lèvresd’unbaiserrapide.–Netefaispasdesoucisencequiconcernecequej’aiàteproposer,jepeuxtedirequetuaurais

dumalàtrouverunhommeavecquiceseraitmieux.Avantquej’aieletempsderépondre,seslèvressontsurlesmiennes,sesmainssurmondos,etnos

cœursenlacésd’unefaçonquejen’auraisjamaiscruepossible.Onaaimé.Onaperdu.Etmaintenant,nousreprenonspied.Nousdenouveau.Etjenemesuisjamaissentieaussibiende

meperdreenquelqu’unpourmeretrouvermoi-même.

***

–Tuessûrequetuvasbien?Son poids fait bouger le lit quand il s’assied à côté demoi, son parfummasque temporairement

l’odeurd’antiseptiquequel’équipedenettoyagealaisséederrièreelle.–Hmm-hmm.Jesuisfatiguée,c’esttout.Jeroulesurlecôtépourleregarder.–Mercipourcetaprès-midi.Jepenseautempsquenousavonspassésurlaplage.Ànotreconversation,aupique-niqueachetéau

delicatessenensouvenirdenotrepremierrencardetausilenceentrenous,quin’estplusnisolitairenidouloureux.

–Ettoi,tuvasbien?IlflatteBaxtersurlatêteetsepenchepourm’embrassertendrement,maisilnem’échappepasqu’il

nerépondpasàlaquestion.Ilselèvedulit.–Jevaistravaillerunpeu.Tuessûrequeçaira?–Jevaisbien,Colton.J’aijustebesoindedormir.Jeserresamainquandilseretournepoursortirdelachambre.–Hé,tun’aspasvumontéléphone?JevoudraisappelerHaddiepourluidirequetoutvabien.Ilvalecherchersurlacommodeetmel’apporte,posantunautrebaisersurmonfrontpuissurmon

nezenpassant.Jenelequittepasdesyeuxenmedisantquejamaisjenemefatigueraideleregarder.Jeneprendraijamaisçapouracquisétantdonnélemalquenousnoussommesdonnépourenarriveràcepoint.

J’allumemontéléphone,étonnéequ’ilnesoitpasdéchargéalorsqu’ilestrestélàdepuislanuitoùtoutestarrivé.Ils’allumeetjesecouelatêteenvoyantlalistedetextosdepromptrétablissement.J’enlisquelques-unsàproposdelacérémonied’inaugurationquenouspréparonspourcélébrerledébutdenotrenouveauprojet.Etledernierdelalistemelaissepantoise.

Mecoupelesouffleetravitmoncœur.IlvientdeColtonetjenepensepasquedesmotsvenantdeluiaientjamaisétésihonnêtesnison

désespoirsiprofond.Je suis paumé ici. Tu te trouves quelque part dans ce foutu hôpital et j’ai besoin de te parler. De tetoucher,putain!Dete…jenesaisquoi,parcequejesuismortdepeur…alorsjevaistelediredetellefaçonquejesaisquetum’entendras.«Broken»parLifehouse.

Alors,meslarmesviennent.Ellescoulentlibrementetjenefaisrienpourlesretenirnilescacherparcequ’iln’yapersonnepourlesvoir.Etparcequecesontdeslarmesdejoie.

Ilm’aime.

33

Colton

–Tuvasresterassislà,ànoyertonputaindechagrintoutelanuitenpleurnichantcommeunegonzesseouquoi?

Jefaisunbondenentendantlavoixquisortdelanuitnoire.–PutaindeDieu,Becks!Jemeretourneetjelevoisarriversurlecôtédelamaison.–Putain,mec?T’asjamaisentenduparlerdelaported’entrée?–Ouais,benettoi,t’asjamaisentenduparlerderépondreàtonputaindeportable?Enplus,c’est

lesamisquifrappentàlaporte,moijefaispartiedelafamille,alorsarrêtederâler.–J’aidéjàpasséassezdetempsdansleshôpitauxdepuisdeuxmois,unecrisecardiaquenefaitpas

partiedemesprojets,putain.Jeboisunelonguegorgéedebière,etmatêtefinitparêtresuffisammentembruméepourque,quand

jepenseàRylee,jelavoieautrementquefroide,couvertedesangetinanimée.–Ehbien,quelssontlesprojets,alors?Ilouvreunebièrequ’ilaprisedans lefrigo,aveccesouriresatisfaitquimeditqu’ilmarqueun

point,etputain,jen’aipasbesoindepointsmarqués,nideconseils,niden’importequoid’autrepourlemoment!

–Tegênepassurtout,t’asqu’àmepiquermesbières!–Nan,jetelesemprunteseulement.Ilselaissetomberdanslefauteuilàcôtédemoietnousrestonsassissansriendire,enessayanttous

lesdeuxdejaugerl’humeurdel’autre.–Onn’apaseubeaucoupl’occasiondeparleràl’hosto.–Non?Peut-êtrequej’avaisdeschosesplusimportantesdanslatêtequedetaillerleboutdegras

avectoi…

Jemeconduiscommeunconnard,putain!J’avaisbesoinqu’ilsoitlà,aussi,maisjenesuispastrèsàl’aiseaveccequejevoisvenir.Jesensqueçavaêtremafête.Putain!

–Elledort?Ilfaitunsignedumentonversledeuxièmeétage.–Àtonavis?Ilestplusdeminuit.–Arrêtedejoueraucon.Écoute,tuaseuuntasdemerdieràgéreret…–Occupe-toidetesfesses,Becks.Laisse-moiboiremaputaindebièretranquille.Je lance la bouteille vide en direction de la poubelle, que je rate. Je dois être plus soûl que je

pensais.Putaindemerde!–Tupeuxtoujourscourir,frangin.Ilsoupireetjemurmureconnardàvoixbasse,cequimevautungloussementdesapart.–Tuasfaillitoutfairefoirerunefoisdetrop,alorsjesuislàpouraider.–Neteprendspaslespiedsdanslaporteenpartant,monchou.J’aijusteenviequ’onmefoutelapaix,putain.Moi,mabière,monchienetleputaindesilence.–Bienessayé.Maistuvasdevoirtefaireuneraison,mec.Tunetedébarrasseraspasdemoi.Un

peucommel’herpès,maisenmieux.C’estquoicebordel?–Ehmec,tuviensvraimentdetecompareràdel’herpès?Je penche la tête en arrière pour regarder le ciel étoilé avant deme tourner pour le regarder en

secouantlatête.–Parceque,aumoinsavecl’herpès,c’estmaqueuequireçoitdessoinsenpremier.Avectoi,c’est

plutôtcommedesefaireculbutersanslubrifiant.Il semet à riredece rirequime forceà sourire.Ceconnardobstinéarriveàm’atteindremême

quandtoutcequejeveux,c’estqu’onmefoutelapaix,putain.–Aumoinsc’estsympadevoirquetumelaissesentrer,enunsens.Ilmefaitunclind’œiletmeregardefixementjusqu’àcequejen’ytienneplus.Jelaissesortirle

rirequejeretenais.–T’esungrandmalade,tusaisça?Jedécapsuleuneautrebouteilledebière.–Tunem’aimeraispassinon.–Hmm.Jedescendslamoitiédelabouteilleenlaissantlesilencedelanuits’installerautourdenous.J’ai

beauavoir envied’être seul–pour réfléchir à cemerdierdansma têtequimedit que jevaisdevoirprendreunedécisiontôtoutard–,c’estsympaqueBeckssoitlà,mêmesic’estunvéritableemmerdeur.JetapotedespoucessurSeetherquisortdeshaut-parleurstandisqu’ilmelaissedeuxminutesderépitavantdesemettreàjouerlespsysaveclemerdierempoisonnéquej’aidanslatête.

–Tutesouviensdecettefille,RoxyTomlin?Jenem’attendaispasàça.

–L’Aspirateur?Jerigole,curieuxdesavoirpourquoiilmetsurletapislareinedelapipedenotrejeunesse.Celle

quiavaitsucéBecksjustepourm’approcher.Etnormalement,j’auraisfoutucettepétasseàlaportepouravoirfaitcegenred’entourloupe,maiscommeilavaitdithautetfortquec’étaitlameilleurepipequ’onluiavaitjamaisfaite,j’avaisprofitédel’offrefaiteavecuntelenthousiasme.

–Ouais,l’Aspirateur,putain.Lasuccionquines’arrêtejamais.Ilsemetàrireavecmoietsecouelatêteenyrepensant.–Elleesttoujourstrèsbienplacéesurmonéchelledeclassementpersonnelle.Jehausselesépaules.–RienàvoiravecRylee,maisouais,elleétaitpasmal.–Pasmal?Jetejure,cettefillen’avaitpaslemoindrehaut-le-cœur.–Peut-êtreparcequetun’enaspasuneassezgrossepourallerjusqu’aufonddesagorge.Jehausselessourcilsetjevideuneautrebière.Ah,ilvientchezmoipourmeprendrelatête,eh

bien,moiaussijepeuxenfaireautantaveclasienne,putain.–Vatefairefoutre,Wood.Lacapsuledesabièrem’arriveenpleinepoitrinejustequandjemeredresseensouriant.–J’aidespropositionsbeaucoupplusalléchantes,monpote,maismerciquandmême.J’attrapeletournisàessayerdevoiroùilveutenveniraveccegenredetruc,maisjenevoispasdu

tout,putain.–Jesuistombésurellel’autrejour.Lecalmeaveclequelilmeditçamefaittournerlatêtepourleregarder.–Et…?–J’aiétésuperchoquéenlavoyant.–Pourquoiça?Je fais semblant d’être intéressé,mais en réalité je l’écoute distraitement. Je jette un coupd’œil

verslafenêtredelachambreoùlalumièreesttoujourséteinteetmêmesij’aibubienau-delàdeslimitesraisonnables, je suis content de savoir queRy est là-haut. J’essaie deme concentrer surBecks,maisqu’est-cequej’enaiàfairedelafillefacilequenousavonspartagéeilyadeslustres,satêteétaitsitorduequ’ellevalaitbienlamienne.

– Je l’ai à peine reconnue. Elle est toujours superbe. Avec les rondeurs qu’il faut où il faut,maintenant.

Oui,bon,vadroitaufait,putain,Becks.–Etelletiraittroisgaminsderrièreelle.–Écoute,jesaisqu’ilyaunjeudugenre«LessixdegrésdeKevinBacon1»encemoment,maisje

t’avouequelà,jenetesuispas,alorsvas-y,crachelemorceau,putain.Soudainjecomprends.Oh,merde!–Nemedispasqu’ilssontdetoi,Becks,si?–BonDieu,Donavan,tuesencoreplusbourréquecequejecroyais!

Ils’étrangleentoussantavantdeleverunemainenl’airetdesedésignerdudoigt.–Tuasdevanttoileroideladoublecapote!–Etquit’aapprisça,enfoiré?–Apparemmentpastoi,puisquevisiblementtun’aspasmisenpratiquecequetuprêches,putain.Jenem’attendaispasàçaetjedétestelepincementdansleventrequesesparolesmeprocurent.Le

mêmepincementquejeressenschaquefoisquejepenseàRyleeallongéesurlesol,touteseule,depuisDieu seul sait combiende temps, et chaque foisque jepenseàcettepetiteparcelledemoimourantàl’intérieur de son ventre. Je descendsma bière en repoussant ces pensées dema putain de tête et jem’obligeàrespirer.

–Oùtuveuxenvenir,Daniels?Jesuisbourré, jeperdspatienceet jecommenceàcroirequetuessaiesdemepousseràboutpourmefaireréagiràjenesaisqueltrucquetuveuxprouverenprenanttouttonputaindetemps.Alorsviens-enaufait,merde!

–Tutesouviensdecettesoiréeoùons’esttousbourrélagueuleaufeudejoiechezJimmy?–Beckett!Jegrondeparcequemalimitedetoléranceestdépasséedepuisquelquechosecommecinqputains

deminutes.–Ducalme!Ferme-laetécoute.Jerelèvebrusquementlatêtepourleregarderparcequejenesuisvraimentpasd’humeur.–Onétaitcomplètementtorchésetelleacommencéàparlerdesemmerdesquiluiétaientarrivés–

untrucvraimentmoche–tutesouviens?Jehochelatête,sansplus,jenevoistoujourspasdansquelsméandresils’estfourvoyé,maisjeme

rappellecettehistoiredemaltraitance,danstouslessensduterme.Uneconversationàlaquellejen’avaispasparticipé.

– Et elle avait dit qu’elle n’aurait jamais d’enfants, que la vie était tropmerdique et qu’elle nevoulait pas qu’ils subissent les mêmes saloperies qu’elle. Et maintenant elle est mariée, elle a troisgossesetellesembleréellementheureuse.

–Etalors?Oùtuveuxenvenir,putain?–Arrêted’êtresibuté,Donavan,etrelielespointsentreeux,tuveux?–Jenesuispasuneconstellation.Tespointsneformentpasuneimage,alorsaide-moi.–Moi,tumefaispenseràlaPetiteOurse.Ilsouritd’unairsatisfait.Jeramasseuncoussinàcôtédemoietjeleluilanceàlatête:–Jet’emmerde.PlutôtlaGrandeOurse,ouais.Jeprendsunelonguegorgéedebière.Putain,elleestvide.Ellesdisparaissenttropvite,jen’arrive

mêmepasà lescompter.Normalement je resteraisdormir là,maisRyest justeau-dessus. Iln’estpasquestionquejedormesanselleàmescôtés.Jesoupire,lesparolesdeBeckstournentenronddansmatête,suggérantcequ’ilveutdiresansjamaisvraimentallerdroitaubut.

–Sérieusement,Becks,qu’est-cequetuessaiesdemedire,là?Vas-yfranco.

–Leschoseschangent,mec.Laviechange.Lesprioritéschangent.Lesputainsd’idéespréconçueschangent.Tudoist’adapteretchangeravecelles,sinonturestesàlatraîne.

Ilselèvebrusquementdesonfauteuil,vajusqu’àlabalustradeetregardedansl’obscuritéenfacedelui.Quandilseretourne,ilestsupersérieux.

–Çafaitcombiendetempsquenoussommesamis?Bientôtvingtans.Jet’aime,monpote.Jenem’immisce jamais dans tes histoires… je ne porte jamais de jugement sur la femme qui réchauffe tesdraps,maisputaindemerde,Wood…

Jen’aimepaslatournurequeprendcettediscussion.Ilfautquejefassediversion.–Jecroyaisquetum’avaisditpasdeputains!J’essaiedemettreunpeud’humourdanscetteconversationsérieuseetjemedemandebiencomment

onestpassésdeTomlinl’AspirateuràBecksquifourresonnezoùilnefautpas.Ilsemetàrire–ilaleculotdesefoutredemoi–avantdevenirversmoiensecouantlatête.–Tunepigespas,hein?Tunevoispasquelafemmequilesvauttoutesestenhaut,endormiedans

tonlit,etquelaseulepersonnequipeuttoutfairefoirer,c’esttoi!C’estquoicebordel?Ilsemetdesoncôté?C’estévident,Ryaréussiàl’envoûteravecsachatte

magiquesansqu’ill’aitjamaiseue.Quandonparledesuper-pouvoirsettoutça!–Becks?Commentça, jevais tout faire foirer ?Elleest ici, si jeneme trompe,non? Jeveux

qu’elle soit ici, je l’aiamenée ici, alorsqu’est-ceque tuveuxdeplus?Etqu’est-ceque l’Aspirateurvientfairedanscettehistoire?

–PutaindeDieu!Ilsemetàfairelescentpasdevantmoienprenantunelonguegorgéedesabière.–Oui,elleestici,pourl’instant!Elleesticijusqu’àcequetutemettesàtropréfléchirsurlefait

que,maintenantqu’ellepourraitpeut-êtreavoirunbébé,ellepourraitneplusvouloirdetoiparcequetoitun’enveuxpas.Jusqu’àcequetucommencesàlarepousserenessayantdeluifairedumalpourquecesoitellequiprenne ladécisionà taplaceen t’évitantd’avoirà laprendre toi-même.Mais leschoseschangent, Colton ! Regarde cette fichueRoxy « l’Aspirateur » Tomlin. Elle ne voulait pas d’enfant àcausedecequiluiétaitarrivéquandelleétaitpetiteetmaintenant,sesgamins,c’esttoutesavie!

–Va.Te.Faire.Foutre.Letonglacialdemavoixpourraitrivaliseraveclefroidducerclepolaire,putain.– Non, c’est toi, Colton, qui vas te faire foutre ! Tu es resté assis dans cette foutue chambre

d’hôpitalquandelleavait leplusbesoinde toietc’estsûr, tuétais là…mais tapotersesoreillers,cen’estpasréparerlamerdequiluifaitmalàl’intérieur.Ouentoi.Jemesuisassislàetjet’aiobservéquandtuascommencéàterenfermersurtoi–même,àt’éloignerd’elle.

–Jetepréviens,Becks!Jemelève,lespoingsserrés,lafureurcourtdansmesveines.Sesparolestouchentunpeutropprès

delacible.Unpeutropprèsd’unevéritéquej’aitoujoursditquejenevoulaispas–quejenetoléreraisjamais–etquetoutàcoupjenepeuxplusmesortirdel’esprit.Desidéesd’uneviequejen’aijamaisimaginée possible pour moi. Mais comment est-ce possible, putain ? Le manège cassé dans ma tête

continueàtourner,maistoutceàquoijepeuxpenser,c’estàfairetaireBecksparcequ’ilaraisonquandilditquejemesuiséloigné.Quandilditquejen’étaispaslàquandelleavaitleplusbesoindemoi.Ilatellementraisonquemonestomacestunvraichampdebataille.

–Lavérité ça faitmal,mec?Tuveuxme flanquer tonpoingdans la figure?Me faireporter lechapeauparcequetuneveuxpasaffronterlavérité?

Jegrincedesdents,jelancemabouteilledanslapoubelleetjelaregardeexploserenunmilliondemorceaux, putain. Et une fois de plus jeme retrouve là, le verre cassé, l’esprit cabossé, fracassé departout.Ilmepoussel’épaule,chercheàmeprovoqueretjemordsàl’hameçonsansréfléchir.Jepivotesurmoi-même,lesbraspliés,lespoingsserrésettotalementhallucinéparlacolère.

Becks, lui, reste là, les yeux rivés auxmiens, lementondressédans cette posture deva te fairefoutrequimemetaudéfidedonnerlepremiercoup.

–C’estquoitonproblème,grandchef?Tunefaispluslefiermaintenant,hein?Toutmoncorps réagit, semetàvibrerde lamoindrebribed’émotionque jecontiensdepuisune

semaine,mais jesuis incapabledefaireautrechoseque le regarder fixement,dévoréparceputaindesentimentdeculpabilitéquejevoudraistellementexpulser.

La culpabilité que tout ce qui est arrivé est dema faute – incapable deme conduire comme unhomme,l’avoirlaisséeseuleavecZander,nepasêtrearrivéassezviteaufoyer,pasassezvitedanslasalledebains.Laculpabilitéquis’accrocheàtantdechosesenmoi–lepoisonetl’espoir–quelaseulechosedontj’aienvie,c’estdeboireuneautrebière,dem’insensibiliserpourlafairedisparaître.

–T’asenviedetebattre?Etsitumettaiscetteenvieenréserve?Tupourraistebattrepourcequienvautvraimentlapeine.Parcequ’elle…

Ildésignedudoigtlafenêtredelachambreetbaisselavoix.–…elle,elleenvautlapeine,mec.Ellejustifietouteslespeursquiterongent.Toutes,Colton,de

AàZ,putain.Ilavanceversmoietplantesondoigtdansmonthorax.–Ilesttempsd’affrontertonpassé,parcequeRylee…Denouveauilpointelachambredudoigtavantdeleramenersurmoi.–Ryleec’esttonavenir,putain!Tebattreoutebarrer,àtoidechoisir,mec.J’espèreseulementque

tuesbienl’hommequej’aitoujourspenséquetuétais.Moncorpstoutentiersetendenentendantça,etjesuistellementfuraxcontremoi-mêmequejene

lui dis pas tout de suite qu’il n’est qu’un connard. Je suis tellement en colère, putain, que pendant unmoment–justeunefractiondeseconde–lapeurprendledessusetjepenseàlafuite.

Penser à fuir alors qu’elle n’a rien fait d’autre que prouver qu’elle se bat – qu’elle est unebagarreusesuperbe,provocatriceetteigneusequandils’agitdedéfendrecequiluiappartient–alorsquemoijepassemontempsàtergiverser,putain.J’ailesmâchoirestellementserréesquej’ail’impressionquemesmolaires vont se casser, je lui tourne le dos pour aller vers la balustrade et je jure dans lesténèbresquivontbienaveclanoirceurquejeressensdansmonâmeencemoment.

Jenelaméritepas,putain.Lepécheuretlasainte.Mamiseengardepoursonputaindedrapeauàdamier.Etj’aibeaulesavoir–j’aibeausentirunedouleurdansmapoitrinechaquefoisquejerespireàcausedeça–jenevoisriend’autrequ’elle.Jeneveuxriend’autrequ’elle.MaputaindeRylee.

–T’asperdu ta langue,Colt ?T’esvraiment assez stupidepour foutre le campparcequ’elle esttombéeenceinte,putain?Parcequetuasvéc…

Là,c’esttrop.Lecâblequipète.L’essencequ’onversesurmonfeu.–Tun’aspaslamoindreidéedecequej’aivécu!Jeluihurledessusetmavoixsebrisequandjemeretourneverslui.–Paslamoindre,putain!Beckettestsurmoiencinqenjambées.–Tuasraison!Jen’enaipaslamoindreidée!Ilm’attrapeparlesépaulespourquejenepuissepasmedétourner,etj’aibeaumedéfendre,ilne

melâchepas.–MaisColton,monfrère,çafaitdesannéesquejetevoistedébattreaveccequetaputaindegarce

demèret’afaitquandtuétaisenfant,maisça,cen’estplustoi.Tun’espluscegamin.Tune leserasplusjamais.Et,mec,Rylee l’accepte.Elle t’accepte.Elle t’aime,putain.Trouve lemoyend’accepterça,etleresteviendratoutseul.

Iltendlamainetmedonneunepetitemanchettesurlajoueavantdereculerensecouantlatête.–Ilesttempsquetuterendescomptequetul’aimes,toiaussi,putain.Avantqu’ilsoittroptardet

quetuperdeslaseulepersonnecapablederecollertesmorceaux.Trouveunmoyend’affrontertonpassépournepasperdretonavenir.

Surce,cetemmerdeurhochelatêteetrentredanslamaisoncommesiderienn’était.Ils’arrêteenouvrantlaporteetseretourneversmoi.

–Quandnousétionsplusjeunes, jenecomprenaispascequ’ilvoulaitdire,maiscequetonpèredisaitàproposdesouffrirc’estressentir,ouuntrucdanslegenre?

Jemecontentedehocherlatête.–Ouais?Ben,jepensequetuferaisbiendet’ensouvenir,maintenant.Il tourne le dos et disparaît dans la maison, me laissant seul dans la nuit vide hantée par les

souvenirs.

***

Souffrirc’estressentir,etressentirc’estvivre,ettunetrouvespasquec’estbond’êtrevivant?Lemantrademonpèremetraversel’espritaumomentoùjerentredanslachambreetquejevois

Ryeeendormie.Putain!

Elle continue àme couper le souffle.À provoquermon désir,mon besoin,monmanque, commepersonne.Etputain,moijecontinueàvouloirlapervertir–cettepartiedemoinemequitterajamais.Jerisdemonpropreesprittordu,maisjesaisaufonddemoiquelaperversionn’aplusd’importance.C’estellequicomptemaintenant.

Rylee.Avecsesputainsdedrapeauxàdamierettoutça.Jevaisvers le litenmedisantque jepourrais resterassisdesheuresà la regarder.Sesboucles

brunesétaléessurmonoreiller,ledébardeurquicouvresesputainsdenichonsparfaitsetremontesursonabdomen,sibienquelaluneéclairelescicatricesdesonpassé.Lescicatricesquil’avaientprivéed’unavenirqu’ellecroyaitimpossiblejusqu’àilyatroisjours,putain.

Mamainglissesurmonflanc,elleeffleuremescicatricesencréesquimerappellentàunavenirquejen’imaginaismêmepasenvisageableilyaencoretroisjours,etmesdoigtss’attardentsurladernièrevideetsanscouleurs.Ladernièrechosequejedoisaffronteravantdesavoiraveccertitudesi jepeuxfairecesurquoimoncœuretmaraisons’accordent.

Parce que vos bagages peuvent être déterminants. Ils peuvent vous retenir. Vous empêcherd’avancer.Voustuer.Etparfoislessentimentsnesuffisentpasàbriserleuremprise.Pourvouspermettred’avancer.Maisaussivraiquejesuislààcontemplersapoitrinesesouleverets’abaisser,ilesttempsquemon747–avecmesbagagesettout–décolle,putain!

Parcequej’aichoisidemebattre.Monsoufflesebloquedansmapoitrinequandjem’aperçoisquec’estcequejeveux.C’estelleque

jeveux,putain.Dansmavie–lejour,lanuit,maintenant,plustard–etcettepenséemedéstabilise.Mebriseetmerépare.Apprivoiseleputaindesauvage.Putaindemerde.

Je secoue la tête en riant doucement. Et je ne peux pas résister plus longtemps. Je m’allongedélicatementsurlelitàcôtéd’elleetjerepousselesimagesdecequis’estpasséladernièrefoisquenousavonsdormiicitouslesdeux.

Jecèdeaubesoinquicourtdansmesveinescommel’adrénalinequimemanque.Jelaprendsdansmesbrasetjelaserrefort.Elleroulesurelle-mêmedansmesbrassibienquesonvisagevientseblottirsousmonmenton,sesbrasappuyésentrenous,etlachaleurdesonsoufflemechatouillelapeauquandellemeditdansunmurmure:

–Jet’aime,Colton.Ellel’aditd’unevoixsibassequec’esttoutjustesijel’entends.Suruntonsicalmeetsitraînant

que je me rends compte qu’elle dort toujours, mais ça ne fait rien, j’arrête de respirer. Mon poulss’accélèreetmoncœursecontracte.J’ouvrelaboucheetjelarefermeaussitôtpourdéglutirparcequec’estcommesijetentaisd’avalerunepleinebouchéedecoton.Jefaislaseulechosepossible.Jeposeunbaisersursoncrâne.

J’essaiedemettreçasurlecomptedel’alcool.J’essaiedemedirequ’unjourpeut-êtrej’arriveraiàdirecesmotssansavoirlasensationderouvrirdesvieillesblessuresquis’infecterontdenouveau.

J’aienvied’espérerquelanormalitépourraitêtreenvisageablepourmoi.Quecettefemmeblottiecontremoiesteffectivementmonremède.

Alors, je prends le parti de prononcer les seulsmots quime viennent, ceux dont je sais qu’ellecomprendcequ’ilssignifientpourmoi.

–Jetepilote,Ry.J’appuiemeslèvressursonépaule.–Bonnenuit,Bébé.

1. «Les sixdegrésdeKevinBacon»–The six degrees ofKevinBacon– est un jeu sur le cinémadont le but est de relier un acteurquelconqueàKevinBacon,parsixpartenairesdecinémaaumaximum.(NdT)

34

–Lacérémoniecommenceàseizeheures.Vousserezlà,sûr?–Oui,Maman!Onseralà.Shanesedirigeverslaported’entrée,levisageéclairéparunsourireimmense,ilsepavaneunpeu

etdesclésdevoiturecliquettentdanssamain.–J’aibienpeurquenousn’enfassionsunmonstre.JeregardeColtonquimefixesansriendire,appuyécontrelemur.Jeremarquelescernessousses

yeux.Ilssontlàdepuiscesdernièressemainesetçamefaitdelapeinedesavoirqu’ilarecommencéàfairedescauchemarsetqu’ilneveutpasm’enparler.Enmêmetemps, ilnemeparlepasvraimentdegrand-chose,àpartleboulotoulesgarçonsoulacérémonied’inaugurationquimarquelelancementdenotreprojetetquidoitavoirlieuunpeuplustarddanslajournée.Etc’estbizarre.Cen’estpascommesileschosesallaientmalentrenous.En fait, c’est tout le contraire. Il estplusattentionnéetprésentquejamais,mais j’ai l’impression que c’est sa façon à lui de se faire pardonner le fait que nous n’avonstoujourspasparlédemafaussecouche.

Ilavouludel’espace,etjeluienaidonnéàlapelle,jen’aipasparlédelaperte,nidecequejeressentais,nidecommentjelagérais.Jesuismêmealléejusqu’ànerienluidiredemaconsultationdesuivid’hier.

Je comprends que nous ayons chacun notre propremanière de gérer ça. Lui, il se referme, veutréglersonproblèmetoutseul,quandmoijeveuxquenousnousserrionslescoudes,etj’aibesoindeluipour ça. Je peuxgérer cette distancemomentanée entre nous– je sais que c’est temporaire –mais enmêmetempscelamefaitdumaldesavoirqu’ilsouffre.Desouffrirmoi-mêmequandj’aibesoindeluietquejenepeuxrienluidemanderdeplusalorsquej’aibesoindelaconnexionquiestàlabasedenotrerelation.

Deluiaccorderl’espacequ’ilademandéquandtoutcequejeveux,c’estréparer.Danslanuit,quandjemeréveilleaprèsdesrêvespeuplésd’accidentsdevoitureetdesolscouverts

desang,jeleregardedormiretmonespritagitedespenséesprofondesetsombresdontjeparviensàmecacherenpleinjour.Jemedemandes’ilneveutpasseconfronternimêmeparlerdelafaussecouche

parcequ’ils’inquiètequelaseulechosequejeveuillemaintenant,cesoitunbébé.Quepeut-êtrenotrecoupleestvouéàl’échecparcequeluin’envoudrajamais.

Mais si je ne peux pas lui parler, s’il change de sujet chaque fois que j’essaie de l’aborder,commentfairepourledétromper?

Alors en effet, des idées de bébé m’ont bien traversé l’esprit, mais je suis obligée de lesabandonner.Jenepeuxpasm’autoriseràespérerquejepourraisavoircettechance,miraculeuseaprèsl’accident, plus d’une fois dansma vie. Ce genre d’espérance peut vous détruire si vous n’avez riend’autreàquoivousraccrocher.

Maisest-cemieuxdemeraccrocheràl’espoirqu’ilvameparler–merevenir–etnonmeglisserlentemententrelesdoigts?Est-cequecetteespérance-lànevapasmedétruire,elleaussi?Becksm’aditd’êtrepatiente,qu’autantqu’ilpuisseenjugeraprèstoutescesannéesd’amitié,Coltonestentrainderéglersonproblème.Maisdenepaslelaissertrops’éloignerquandmême.Commentest-cequejesuiscenséesavoiràpartird’oùceseratroploin?

J’aibesoinqu’ilaitbesoindemoiautantquemoideluiaumomentoùjesubislechocémotionneldeperdreunmorceaudequelquechosequin’étaitqu’ànous…etlefaitquecenesoitpaslecasmetue.Etpourtantilm’entouredesesbraslanuitquandnousdormons,maissonespritestailleurs.Perdupeut-êtredanslesinterminablestextosetconversationsàmotscouvertsdontilestdevenuadepterécemment,etquimecontrarient,mêmesiaufonddemoijesaisqu’ilnemetrompepas.

Maisilmecachequelquechose,ilrèglequelquechose,etillefaitsansmoi,àunmomentoùj’aibesoindeluipourm’aideràréglermonproblème.

J’essaiedemepersuaderquec’est l’absencedeconnexionphysiquequimefaitsurinterpréter leschoses. Trop analyser tout. Alors que je suis dans ses bras chaque nuit, serrée contre sa poitrine àl’endroitexactoùjeveuxêtre,nousn’avonspasfaitl’amourdepuisquejesuisrentréedel’hôpital.Nousnousembrassonsetquand j’essaied’allerplus loin,que jedescends lesmainssursoncorpsetque jel’inciteàmedésirercommemoij’aienviedelui,ilm’attrapelespoignetsetmeditd’attendrequej’aillemieux,mêmesijeluidisquejenesuispasblesséeetquejevaisparfaitementbien.Quej’aienviedelesentirenmoi,delesentirseconnecteràmoietmeprendrecommeavant.

Ce rejet fait extrêmementmalparceque je connaisColton– je sais qu’il a besoinde ce contactphysiqueetvirilquandilsouffre–alorspourquoi lerefuse-t-il?Pourquoinemeprend-ilpas,s’ilvaaussimalquesesyeuxmelemontrent?

Je m’extrais de mes pensées et me concentre sur les yeux vert émeraude rivés sur les miens.L’hommequej’aime.L’hommedontj’ai,plusquetout,peurqu’ils’éloignedemoi.

–Unmonstre?Non.Ilsecouelatêteetunsouriresoulèvelecoingauchedesabouchesibienquesafossettesecreuse.–Unadoenliberté?Ça,c’estsûr.Jeluisourisetilserapprochedemoi,assezprèspourmetoucherpuisquelesautresgaminssontà

l’entraînementdebase-balletnousrejoindrontàlacérémonieaprès.–Çava?

C’estlaénièmefoisdelasemainequejeluiposelaquestion.–Ouais,çava.Ettoi?–Hmm-hmm.Etc’est lamêmeconversationquenousavons trois foispar jour,aumoins.Cetteaffirmationque

toutvabienalorsquetoutatellementchangé.–Colton…Maislecouragememanqued’allerauboutdemaquestion.Ilsentmonhésitationetposelamainsur

ma jouequ’ilcaressedélicatementdupouce.Je ferme lesyeuxpourprofiterdececontactparcequ’ilreprésente tellementplusquesimplementsapeausur lamienne. Il résonneenmoiet s’insinuedans lamoindredemesfibres,jusquedansdesendroitsinconnusqu’ilmarqueàjamaisdesonsceau,merendant,grâceàdestatouagesinvisibles,inaccessiblepourquiconquevoudraitdemoiàl’avenir.

Quandjerouvrelesyeux,jeplongedirectementdanslessiens.–Hé,arrêtedet’inquiétercommeça.Toutvas’arranger.Pasdeproblème.Ildéglutitetbaisselesyeuxpuislesramèneaussitôtsurlesmiens.–Jesuisjusteentraind’essayerderéglermonproblèmepourqu’ilnenousaffectepas.–Mais…Ses lèvres sur les miennes coupent court à ma question. C’est un baiser tendre et léger qu’il

approfonditlentementenpassantsalangueentremeslèvrespourengagerunlentballetaveclamienne.Maboucheperçoitsonbesoinetsondésir,maismonespritesttotalementtournéversuneseulequestion:pourquoirésiste-t-il?

Jeremontelesmainsdanssondosetmesdoigtsvonts’enroulerdanssescheveuxquibouclentsursoncol,j’enjoinsàmonespritdesetaire,desecalmer,pourmelaisserprofiterdecemoment,profiterde lui. Je sens venirmes larmes tant la tendresse contenuedans sa caressemebouleverse.Comme sij’étaisfragileetqu’ilavaitpeurdemebriser.

Jene suis pas sûrequ’il perçoive le tremblementdemon soufflequand j’essaiede contenirmesémotions,maisilposeunautrepetitbaisersurmeslèvrespuissurmonnez,manquantdepeud’ouvrirlesvannesdemesémotions,avantdem’écarterdeluipourmeregarder.Ilprendmonvisagedanssesmains,sesyeuxfouillentlesmiens.

–Nepleurepas.Ilsepencheetposeundernierbaisersurmonfront.–S’ilteplaît,nepleurepas.–C’estjuste…Jesoupire,netrouvantpaslesmotspourexprimercequej’éprouve,cedontj’aibesoin,cequeje

veuxdeluitoutenneluimettantpastroplapression.–Jesais,Bébé.Jesais.Moiaussi.Ilappuieseslèvressurlesmiennes,cequilibèreunelarmequivientroulersurmajoue.–Moiaussi.

***

Je termine mon discours sous les applaudissements de la foule et je descends du podium enparcourantl’assistanceduregard.Shane,assisàcôtédeJackson,frappedanssesmainscommelerestedesgarçons,maisjenevoispasColton.

Jemedébrouillepourtrouveruneexcusevalableauplusgrossponsorduprojetquivaêtreabsentàlacérémoniedecoupureduruband’inaugurationetàlaséancedephotodepressequisetiendrontdansmoinsdedixminutes.

Oùest-il,bonsang?Ilnemanqueraitjamaisvolontairementquelquechoseenfaveurdesgarçonsoudu projet dans lequel il a joué un si grand rôle. Je regarde l’écran demon smartphone en allant versShanepourluidemanders’ilsaitoùestColton,maisiln’yarien.Aucunappelmanqué,aucuntexto,rienderien.

LesapplaudissementsdiminuentetTeddymontesurlepodiumàsontourpourmettreuntermeàlaconférencedepresse.

–Shane!Shane!Jax lui donne un coup de coude et il se lève et vient versmoi. Je tourne le dos à la foule et je

m’éloigneenluifaisantsignedemesuivre.Noustournonslecoindubâtimentpourêtrehorsdeportéedesjournalistesetjemeforceàreprendremonsouffle.

–OùestColton?J’essaiedenepasparaîtreangoissée.Ildansed’unpiedsurl’autreavantdeleverlesyeuxpourmeregarder.–Ben,envenantici,ilareçuuncoupdetéléphoned’uncertainKellyetilm’ademandédemegarer

surlecôtédelaroutepourpouvoirdescendreluiparlerenprivé.Moncœurs’arrêtedebattreetseserre,mêmesijemedisqu’ilyasûrementuneexplicationtoutà

faitlogiqueàça.Cependant,meledireetm’enconvaincresontdeuxchosestotalementdifférentes.–Çava?LesyeuxbleusdeShanepassentsurmonvisagepourseposersurlesmiens.Jemeréprimandementalement,ilnefautpasquej’oubliequeShanen’aplusdouzeans,maisque

c’estunado,bientôtunhomme,etqu’ilvoitleschoses.–Ouais,çava,jevaisbien,Jesuisjusteunpeuétonnée,c’esttout.– Eh ben, il est remonté dans la voiture et a dit aumonsieur qu’il allait le rappeler dans deux

minutes parce qu’il fallait pas qu’on soit en retard. On s’est garés juste avant que les discourscommencentetilm’aditd’yalleretqu’ilarrivait.Ilestdescendudevoitureetm’aregardém’asseoiràcôtédeJaxetj’aivuqu’ilparlaitautéléphone,ilm’afaitaurevoirdelamain.Pourquoi?Ilyaquelquechosequinevapas,Ry?

–Non,non.Riendutout.J’aijustemanquésonappel.JemensàShaneainsiqu’àmoi-même,probablementpouradoucirlecoup.

–Jevoulaissavoirs’il t’avaitditquandilreviendraitparcequeçam’embêteraitqu’ilmanquelacérémoniedecoupureduruban.

–Ouais,ben,c’étaitsûrementquelquechosed’importantpourqu’ilnesoitpaslà.Ilsaitbiencequeçareprésentepourtoi,ettoutça.

Iltordlaboucheenessayantdemeréconforterdecettemanièremaladroitequ’ontlesados,etquimeréchauffelecœur.

Jeluisouris.–Tuasraison,celadevaitêtretrèsimportant.Tusaisquevouscomptezénormémentpourlui.Jepasselebrasautourdesesépaulesenl’entraînantdenouveauverslafouleetj’espèrequ’ilne

sentpascequejenedispas,àsavoirquepeut-être,moi,jenecompteplusautantquecelapourlui.Nousrevenonsà tempspour lacérémoniedecoupureduruban,et jenepeuxpasm’empêcherde

scruterfrénétiquementlafouleàsarecherche.JemerépèteenbouclelesmotsdeShane.Celadoitêtrequelquechosedetrèsimportant.Quelquechosed’énorme,c’estsûr,maisquoi?

Etlà,biensûr,ledoutes’insinueenmoietcommenceàeffritermesbonnesrésolutions.Est-cequec’estquelquechoseavecTawny?Ousafamille?Maissic’étaitça,ilm’auraitappelée,envoyéuntexto,quelquechose,non?

Unefoisquelacérémonied’inaugurationestterminéeetquej’aiditaurevoirauxgarçons,j’ailesnerfsàvif.D’inquiète,jesuisdevenuefurax,malàl’aise,encolère,ettandisquejefoncesurlePacificCoastHighwayendirectiondeBroadbeachRoad–etquejetombesursaboîtevocalechaquefoisquej’appelle–,j’aimalàl’estomacd’inquiétude.

Quandj’arriveàlagrilleetquejem’engagedansl’alléevide,jesuisauborddelacrisedenerfs.Jemetslaclédanslaserrureetj’ouvrelaporteàtoutevolée.Jel’appelle,maisavantmêmedepasserdevantlacuisine,jesaisqu’iln’estpaslà.PasseulementparcequeBaxterestcomplètementexcitémaisaussiàcausedusilenceinquiétantquirègnedanslamaison.

J’ouvrelaportecoulissantepourlaissersortirBaxterquanduneidéemefrappe.Ets’ilétaitarrivéquelque chose à sa tête ? S’il gisait quelque part, blessé, appelant à l’aide sans que personne ne lesache?

Jeretourneencourantdanslacuisineetj’appelleHaddie.–Salut!–Coltonn’apasappelé?–Non,pourquoi?Ilyaquelquechosequinevapas?L’inquiétude est perceptible dans la voix d’Haddie,mais je n’ai pas le temps d’entrer dans les

détails.–Jet’expliqueraiplustard.Merci.Jeraccrocheenluicoupantlaparole,enmedisantquejem’excuseraiplustard,toutenappelantla

prochainepersonne.–Rylee!–Becks,oùestColton?

–Aucuneidée,pourquoi?J’entendsunefemmeglousserderrièreluietçanemeposeaucunproblèmed’interromprecequ’il

estentraindefaire.–Onnel’apasvuàlacérémonie.Shaneaditqu’ilavaitreçuunappeletonnel’apasrevudepuis.J’entendsBecksdireàlafemmedesetaire.–Iln’estpasvenu?Savoixestchargéed’appréhensionetjel’entendss’agiteràl’autreboutdufil.–Non.QuiestKelly?–Qui?Laligneestsilencieuseuninstant.–Aucuneidée,Ry.Sonsilencemefaitdouterdesafranchiseetlesidéeséparpilléesdansmatêtesortentenvrac.–Jemefousdevoshistoiresdecoded’honneurvirilet toutça,Beckett,alorssi tusaisquelque

chose – tant pis si cela doit me faire du mal –, il faut que tu me le dises parce que je suis morted’inquiétude,putainet…et…

Jeparsdanstouslessens,alorsjem’obligeàarrêterparcequejedevienshystériqueetqu’iln’yapasderaison,àpartcetteintuitionquimeditqu’ilyaquelquechosequicloche.

–Calme-toi.Respire.D’accord?Jefermelesyeuxetj’essaiedemecontrôler.–Ladernièrefoisquejeluiaiparlé,ilemmenaitShanepourlefaireconduireetensuiteilsallaient

àlacérémonie.Tusais…–Pourquoiest-cequ’ilnerépondpasàsontéléphone,alors?–Ry,ilapleindetrucsquiluiprennentlatête,peut-êtrequ’ilajuste…Ils’interrompt,nesachantpastropquoimedire.Jel’entendspousserunprofondsoupirtandisque

jevais fermer laportepar laquelleBaxtervientderentrer.Le téléphonefixesur lecomptoirsemetàsonneretafficheQuinlan.Ilsepassequelquechose,etsonnomsurl’écranmeditquej’airaisond’êtreinquiète.

–IlyaQquiappelle.Jedoisyaller.Aumomentoùjechangedetéléphone,ilmeditdelerappeler.–Ilvabien?Mesmotsseprécipitentquandjeprendssonappel,l’estomacserréparl’angoisse.–Jet’appelaispourtedemanderlamêmechose.Àsavoix,jesensqu’elleestaussiinquiètequemoi.–Quoi?Commentsavais-tuquequelquechosen’allaitpas?Jen’ycomprendsrien.Jepensaisqu’ellesavaitcequisepassait.–J’étaisencourstoutelajournéeetj’avaiséteintmontéléphone.Jeviensjustedelerallumeretil

m’alaisséunmessage.J’aipeurdeluidemandercequ’ildit.

–Ilavaitl’airperturbé.Ildivaguait,disantqu’ildevaitparleràquelqu’unparcequ’ilétaitpaumé.Qu’ilsait.Maisiln’apasditcequecelavoulaitdire.

Duplombfondutombesurmonâmetandisque j’essaiederaccorderdespiècesdepuzzlequinevontpasensemble.

–Ils’estpasséquelquechose,Ry?C’estàcausedelafaussecouche?C’estjusteque…jenel’aijamaisentenducommeça.

Despenséesmepassentparlatêteetdisparaissentaussitôtpendantquej’essaied’imaginercequiapu arriver àColton.Et jemeprécipite en haut tandis quemon cerveau commence à faire la liste desendroitsoùilpourraitêtre.

–Q,jepensesavoiroùilest.Jet’appelledèsquejesaisquelquechose.Je lance le téléphoneet jemeruedans lasalledebains toutenretirantmontailleur, laissantune

lignedevêtementsdansmonsillage.Enunriende temps, j’aienfiléune tenuedesportet je lacemesbasketsaussivitequejepeux.J’attrapemonsmartphoneetjedévalel’escalier,jesorsparlaportequidonnesurlaterrasseetjedescendssurlaplageencourant.

Jecoursàtoutevitesseversl’endroitoùColtonm’aemmenéelepremiersoir,sonendroitheureux,oùilseréfugiequandilveutréfléchir.Plusj’ypense,plusjesuissûrequejevaisletrouverlà.Ilestprobablementassissursonrocheràregarderlesoleilsecouchersurlamerenréfléchissantàtoutcequiestarrivé.

Mais pourquoi n’a-t-il pas emmené Baxter ? Où est sa voiture ? Je repousse les doutes quim’assaillentetjemepersuadequ’ilestlà-basentraind’envisagerleschoses,maisl’incertitudesemetàgrandiràchaquepasquejefais.

Etquandjeprendslevirage,jesaisquejeneletrouveraipasici.Enarrivantsurplace,j’aidéjàcomposélenuméroetj’entendssonner.

–Tul’astrouvé?J’entendsàsavoixqueBecksflippe,etjeculpabilised’avoirprovoquéça,maisjesuisinquiète.–Non,jecroyais,mais…Il faut que jem’arrête pour reprendremon souffle parce que j’ai les poumons en feu aprèsmon

sprintsurlaplage.–Ry,qu’est-cequisepasse?–IlaappeléQuinetluialaisséunmessageoùilditqu’ilsaitetqu’ilestpaumé.Alorsjesuisvenu

jusqu’àsoncoinsurlaplagemaisiln’yestpas.Tuleconnaismieuxquepersonne…oùva-t-ilquandilabesoindes’éclaircirlesidées,àpartici?

–Toi.–Quoi?–Ilvaverstoi.Lafranchisecontenuedanssavoixrésonneàmonoreille.Mesjambess’arrêtentnet.Sesparolesme

touchentetmoncœurseserred’amouretd’inquiétude.Leslarmesjaillissentquandjemerendscompteàquel point il me manque en ce moment, cet homme que j’avais retrouvé il y a quelques semaines,

seulement pour qu’ilme soit repris, encore une fois, par le cruel coup du sort dema fausse couche.J’avalelenœudquibloquemagorgeetilmefautuneminutepourretrouvermavoix.

–Avantmoi,Becks…–Lecircuit.–Ildoitêtrelà-bas.Jecommenceàretournerverslamaisonencourant.–J’yvais.–Veux-tuqueje…–C’estàmoidelefaire,Becks.Ilfautquecesoitmoi.Jen’enaijamaisétéaussiconvaincue,parcequ’aufonddemoijesaisqu’ilabesoindemoi.Jene

saispaspourquoi,c’estjustequejelesais.–Jet’envoieuntextopourtedirecommententrerdanslesbâtiments,ok?–Merci.

35

J’ai l’impressiond’avoirmisuneéternité à rejoindre lavoie express à causedes embouteillages surl’autoroute.JeprendslasortieàFontana,lecœurserréd’angoisseetl’espoirenbandoulière,alorsquejemedemandeoùjevaismettrelespiedsquandjevaisletrouver.

Lapaniquem’étreintquandjepasselesgrillesducomplexesportifparcequ’ilfaitnuitnoire,àpartquelquesréverbèresdeparkingpar-ci,par-là.JefaisletourdesbâtimentsversletunnelquimèneàlapisteetjepousseunsoupirdesoulagementenvoyantlaRangeRoverdeColton.

Alors,ilestbienlà,maisqu’est-cequejevaisfairemaintenant?Jemegareàcôté,l’obscuritédelapistevideestvraimentinquiétante.Jemetslefreinàmainetje

pousseuncriaiguquandonfrappeàlavitreducôtépassager.J’ailecœurquitambourine,maisquandjevoislevisagedeSammydanslavitre,jerecommenceàrespireretjedescendsdevoiture.

L’expressiondesonregardnefaitqu’augmentermoninquiétude.–Jevousenprie,Sammy,dites-moiqu’ilvabien.Jevoisqu’ilestpartagéentremeparlerettrahirsonpatronetami.–Ilabesoindevous.Iln’enditpasplus,maisc’estsuffisant.–Oùest-il?Jeluiemboîtelepasetnoustraversonsuneentréeobscuresituéesouslesimposantestribunes.Nous

arrivons à un espace situé entre les gradins et je m’aperçois que je suis au milieu des tribunessurplombant une piste automobile étrangement vide. Je parviens à croiser le regard de Sammy dansl’obscuritéetilmemontreunpointderrièremoiàmagauche.Jemeretourneaussitôt.

Etjelevois.Uneseulelampeestalluméedansuneportiondestribuneset,danssapériphérie,jevoisuneombre

solitaire assise dans l’obscurité. Sans plus réfléchir, je commence à gravir les marches, l’une aprèsl’autre,danssadirection.Jenevoispassonvisagedansl’ombre,maisjesaisquesesyeuxsontposéssurmoi,jesenslepoidsdesonregard.J’arriveàlarangéedegradinsoùilestassisetjemedirigeverslui,angoisséeetcalmeàlafois.

J’essaiedepenseràcequejevaisdire,maismonespritesttellementembrouilléparl’inquiétudequejen’arrivepasàmeconcentrer.Cependant,dèsquejevoissonvisagedansl’ombre, j’oublie toutsaufmoncœurquiseserreetmonamourinconditionnel.

Son attitude est révélatrice. Il est assis, penché en avant, les coudes sur les genoux, les épaulesaffaissées et le visage couvert de larmes. Et ses yeux – habituellement intenses mais aussi brillantsd’espièglerie ou de joie – débordent maintenant d’un désespoir absolu. Ils se fixent sur les miens,suppliants,attendanttellementdemoiquejenesaispascommentréagir.

Quand j’arriveàcôtéde lui, sonchagrindéferlesurmoicommeun tsunami.Avantque jepuissedirequoiquecesoit,ilpousseunsanglotétrangléettendlesbraspourmeprendrecontrelui.Ilenfouitsonvisagedanslecreuxdemoncouets’accrocheàmoicommeàsaplanchedesalut,laseulechosequil’empêchedecouleretdesenoyer.Je l’entouredemesbraset jem’accrocheà luienessayantde luiapportercedontilabesoin.

Parce qu’il n’y a rien de plus déstabilisant que de voir un homme fort et sûr de lui s’effondrertotalement.

Mon esprit bat la campagne quand je perçois ses sanglots étouffés dans le silence et que lestremblementsdesoncorpsserépercutentenmoi.Ques’est-ilpassépourréduiremonvoyouarrogantàcethommedésemparé? Ilcontinueàs’accrocheràmoi tandisque j’essaiede lecalmeren leberçantdoucement–jeferaistoutpourapaiserlatempêtequisemblefairerageenlui.

–Jesuislà.Jesuislà.C’estlaseulechosequejepeuxluidiretandisqu’illaissesortircetumulted’émotions.Alors,jele

tienscontremoidans lenoir,dansun lieuoù ila réaliséses rêves,enespérantquepeut-être ilestenpassed’accepter–des’arrêterpouraffronter–lesdémonsqued’habitudeilvientfuirsurcettepisteenallantplusvitequ’eux.

Letempspasse.Lesbruitsdelacirculationsurl’autorouteau-delàduparkingdésertontdiminuéetlalunetraverselentementleciel.Etpourtant,Coltonnemelâchepas,continuantàpuiserenmoicequiluimanque,etmoi, jemeréjouisdevoirqu’ilaencorebesoindemoialorsquejepensaisquec’étaitfini.Monespritfaitdesallersetretoursentrelesouvenird’uncertainbancdedouche,etluiaccrochéàmoi,à l’époquecommeaujourd’hui.Surcequipeutmettrecethomme,monhomme,métaphoriquementsurlesgenoux.Alors,jemecontentedeleserrercontremoimaintenant,commejel’aifaitàl’époque,jouantdemesdoigtsdanssescheveuxpourlerassurerjusqu’àcequeseslarmessetarissentdoucementetquelatensiondanssoncorpsdiminue.

Jenesaisquedire,quepenser,alorsjedislapremièrechosequimepasseparlatête.–Çava?Tuveuxenparler?Il relâche son étreinte et appuie les paumes de sesmains surmon dos, pourme serrer plus fort

contre lui, si c’est possible, tout en prenant une inspiration hésitante. Il me fait peur, je me dis quequelquechosed’énormeadûseproduirepourqu’ilaitcegenrederéaction.

Ilsepencheenarrièreetfermelesyeuxenserrantlespaupières,puisilsefrottelesmainssurlevisageavantdesoufflerbruyamment.Enfin,illaissetomberlatêteetlasecoue,etcelamedéplaîtdene

plusvoirsonvisage.–Jesuis…Il souffle encore une fois et je tends le bras pour poser unemain sur songenou. Il hoche la tête

comme s’il se parlait à lui-même et, soudain, son corps se crispe de nouveau avant qu’il semette àparler.

–J’aifaitcequetum’asconseillédefaire.Quoi?J’essaiedemerappeleràquoiilfaitréférenceexactement.–J’aifaitcequetudisaisetmaintenant…maintenant,jesuistellementperturbéàcausedeça.Je

suiscomplètementenvrac.Lechagrinbrutquibrisesavoixmepousseàm’asseoirprèsdeluietàattendrequ’ilmeregarde

danslesyeux.–Qu’as-tufait?Iltendlebrasetmesaisitlamainencroisantsesdoigtsdanslesmiensetenserrantfort:–J’airetrouvémamère.Monsoufflesebloquedansmagorgeparcequequandj’aiditça,jamais,augrandjamais,jen’ai

cruqu’il le feraitvraiment.Etmaintenant, jenesaisplusquoidire,parceque jesuis lecatalyseurdetoutecettedouleur.

–Colton…C’est toutceque jepeuxdire, toutceque j’aiàproposeràpartporternosmainscroiséesàmes

lèvrespourembrasserlasienne.–Kellym’aappeléquandj’étais…Oh,putain!J’aimanquélacérémonie.Jet’aiposéunlapin.Enentendantl’incrédulitéabsoluedanssavoix,jecomprendsqu’ilavraiment,sincèrement,oublié.–Non,non,non.Je le calmeenessayantde luidirequeçan’apasd’importance.Que la seulechosequi compte,

c’estqu’ilarriveàaffrontersespeurs.–Çanefaitrien.Jeserrenosmainsdenouveau.–Jesuisdésolé,Ry…c’estjuste…jen’arrivemêmepasàavoirlesidéesclaires,làtoutdesuite.Ildétachesesyeuxdesmiens,l’airhonteux,toutenessuyantdesamainlibreleslarmesquicoulent

sursesjoues.–Tusais…Ilsecouelatêteenregardantlapistedansl’obscuritédevantnous.–… c’est plutôt marrant, habituellement je viens ici quand je veux oublier, et ce soir c’est le

premierendroitquim’estvenuàl’espritpouressayerd’acceptercettehistoire.Ensuivantsonregard,jeréalisel’énormitédecequisepasse:lapiste,sesactions.Nousrestons

silencieux.Jesuisfrappéeparl’importancedecequisecachederrièresesparoles.Ilessaied’affronterleschoses,d’avancer,decommenceràguérir.Etjen’aijamaisétéplusfièredelui.

–Ilyaquelquesmois,j’aidemandéàmonpères’ilsavaitcequ’elleétaitdevenue.Ilm’amisencontactavecundétectiveprivé–ils’appelleKelly–qu’ilavaitengagéquandj’étaisplusjeuneetquil’asurveilléependantdixanspours’assurerqu’ellenereviennepasmechercher.

Ilparled’unevoixblanche,monocorde,quicontrastetotalementavecledésespoirhoquetantdetoutàl’heure,etpourtantjeressensl’étenduedel’émotionquivibrejustesouslasurface.

–Ilm’aappeléaujourd’hui.Ill’aretrouvée.Ilmeregarde,l’airsiperdu–unpetitgarçonquicherchesonchemin–quejem’effondre,laissant

librecoursàl’émotionquejeretenaispourêtrefortepourlui.Pourêtrelerocquandils’écroule.Mapremièrelarmecoulequandjeposelamainsursajoue,uncontacttoutsimplequitransmetun

maximumdecequejepense,decequejeressens,decequejesaisqu’ilattenddemoi.Jemepenchevers lui, samâchoire se contracte dans la paume demamain, ses yeux se fondent dans lesmiens, etj’effleureseslèvresd’unbaiserlégercommeuneplume.

–Jesuissifièredetoi.Jeneluidemandepascequ’iladécouvertniquielleest.Jeconcentretoutemonattentionsurlui,

sur le présent, parce que je sais qu’il essaie désespérément d’accepter le passé tout en essayantd’imaginerl’avenir.Alorsjenepensequ’à«icietmaintenant»etj’espèrequ’ilcomprendquejeserailààchaqueétapeduchemin,s’ilveutdemoi.

Nous restons immobiles, dans le silence qui conforte l’assurance donnée par ma caresse et lacompréhension portée parmon baiser. Et, pour une fois, ce silence rassurantme prouve que son âmetorturéeaacceptémesparoles.

Il déglutit péniblement et bat des paupières rapidement comme s’il peinait lui aussi à toutcomprendre, et pourtant il dispose de beaucoup plus de pièces du puzzle que moi, alors j’attendspatiemment,sansbouger,qu’ilpoursuive.Ildétachesesyeuxdesmienspourlesreportersurlapiste,unefoisencore.

–Mamèreestmorte.Il adit cela sansaucuneémotionetbienque lesmots s’éloignenten flottantdans lanuit, je sens

qu’ilsl’étouffent.Jeleregarde,étonnée,j’observesonprofiléclairéparlaluneetquisedétachesurlecielnocturne,etjechoisisdeneriendire,delelaissermenerlaconversation.

Incapablede rester immobileplus longtemps, il se lèvebrusquement etvaàgrandspas jusqu’auboutdelarangée.Ils’yarrête,l’éclairagedelaseulelampealluméederrièreluicréeunhaloautourdesasilhouette.

–Ellen’ajamaischangé.J’imaginequej’auraisdûm’yattendre.Ilditçacalmement,maisj’entendschaquepetiteinflexiondanssonton,chaquefêluredanssavoix.

Ilseretournefaceàmoietfaitquelquespasdansmadirection,maiss’arrêteànouveau.–Jesuis…jesuis–c’estuntelbordeldansmatêteencemoment,j’aijuste…Ilpasselamainsursonvisageetdanssescheveuxavantd’émettreunpetitrired’autodérisionqui

medonnedesfrissons.

–Jen’aiaucunsouvenirpositifd’elle.Pasunseul.Huitansdemaputaindevieetjenemerappellepaslamoindrechosequipourraitmefairesourire.

Je sais qu’il se débat et j’ai terriblement envie de franchir la distance qui nous sépare pour letoucher,leserrerdansmesbras,leréconforter,maisjesaisaussiqu’ildoitvidersonsac.Ilfautqu’ilsedébarrassedesonpoisonautoproclaméquirongesonâme.

–Mamèreétaituneputaindedroguée.Elleestmortecommeelleavécu.Larancunedanssavoixetladouleursontsibrutalesetsiviolentesquejenepeuxretenirleslarmes

quimemontentauxyeux,nilefrissondansmonsoufflequandjereprendsuneinspiration.–Ouaip!Unetoxico.Ellen’étaitpasregardante,çanon.Elles’envoyaitn’importequoipourplaner

parcequ’iln’yavaitqueçaquicomptait.Çacomptaitbeaucoupplusquesonpetitgarçonassisdansuncoin,mortdepeur,putain.

Ilroulelesépaulesets’éclaircitlavoixcommes’ilvoulaitravalersonémotion.–Alors,jenecomprendspas…Ils’arrêteetj’essaiedesuivresapensée,maisjen’yparvienspas.–Tunecomprendspasquoi,Colton?–Jenecomprendspaspourquoiçamefaitquelquechosequ’ellesoitmorte,putain!Soncrirésonnedanslestadedésert.–Pourquoiçam’emmerde.Pourquoiçametouche.Pourquoijenesuispassoulagé,toutsimplement.Savoixsebriseunefoisdeplus,l’échodesesparolesrebonditsurlebéton.Monestomacsenoueparcequ’ilsouffreetquejenepeuxrienyfaire.Jenepeuxrienarranger,rien

réparer,rienrésoudre,alorsj’essaiedelerassurer.–C’étaittamère,Colton.C’estnormalquetusoisbouleverséparcequ’aufondjesuissûrequ’elle

avaitsafaçonàelledet’aimer…–Dem’aimer?Ilhurleetcepassageradicalduchagrininexpliquéàlarageabsoluemeprendaudépourvu.–M’aimer?Ilvientversmoienhurlantetenponctuantsesmotsensefrappantlapoitrine,puisils’arrête.–Tuveuxsavoircequec’était,aimer,pourelle?Aimer,c’étaitéchangersonfilsdesixanscontre

saputaindedrogue,Rylee!Aimer,c’étaitlaissersondealerviolersonfils,baisersonpetitgarçonquidevait répéter tout haut combien il aimait ça, combien il aimait cemec, pour qu’elle puisse avoir saputaindedose!Letraiterpirequ’unputaindechienpourpouvoiravoirassezdedroguepours’envoyeren l’air ! C’était savoir que ce salaud lui donnerait les plus petites quantités possible parce qu’il nepouvaitpasattendredereveniretderecommencer.Aimer,c’étaitresterderrièrelaportedelachambrefermée et entendre son petit garçon hurler de douleur, putain, quand on le déchirait physiquement etémotionnellement,etnerienfairepourarrêterça,parcequ’elleétaittropégoïste,putain.

Ilreculeendisantcesmots,soncorpsesttellementtenduquej’aipeurquelesmotssuivantsnelefassentcraquer,qu’ilssoulagentlepetitgarçonmaisbrisentl’homme.Jeleregarde,etmoncœuréclateenmorceaux,toutceenquoijecroissedissoutenimaginantl’horreurinfligéeàcecorpsd’enfant,etje

m’oblige à contenir la répulsion que cesmotsm’inspirent parce que j’ai peur qu’il croie qu’elle estdirigéecontreluietnoncontrelesmonstresquiontabusédelui.

Jel’entendslutterpourreprendresonsouffle,jevoisquesespropresparoleslerévulsentetqu’ilseforce à déglutir. Quand il recommence à parler, sa voix est plusmaîtrisée,mais son ton étrangementcalmemefaitfroiddansledos.

– Aimer, c’était briser le bras de son petit garçon en deux parce qu’il avait mordu tellementsauvagement l’homme qui le violait qu’après ça il refuserait de lui donner son prochain speedball.Aimer, c’était dire à son fils qu’il aimait ça, qu’il n’avait que cequ’ilméritait et qu’onne l’aimeraitjamaission l’apprenait.Oh,etpourcouronner le tout,c’étaitdireàsonfilsque lessuper-hérosqu’ilappelaitpendantqu’onleviolentait–qu’onl’anéantissait–ouais,ceux-là,luidirequ’ilsneviendraientjamaisàsonsecours.Jamais!

Il crie dans le noir, les larmes ruissellent sur nos deux visages, et ses épaules tremblent desoulagementd’êtreenfinlibéréesdupoidsqu’ilportedepuisplusdevingt-cinqans.

–Alors,siça,c’estaimer?Ilritsombrementunefoisdeplus.–…alors,oui,pendantleshuitpremièresannéesdemavie,j’aiétéaimé,àunpointquetunepeux

pasimaginer,putain!Il s’approche de moi et, malgré l’obscurité, je sens la colère, le désespoir, le chagrin qui se

répandentenlui. Ilbaisse lesyeuxunefractiondesecondeet jeregardeles larmesquicoulentdesonvisagefairedes tachessombressur leblancdubétonau-dessous. Il secoue la têteunefoisdeplus,etquandilrelèvelesyeux,larésignation,lahontequej’yvoismeterrassent.

–Alors,quandjemedemandepourquoijesuisdéconcertéderessentirautrechosequedelahaineenapprenantqu’elleestmorte,c’estpourça,Rylee.

Ilparlesibasquejepeineàl’entendre.Jenesaispasquoidire.Jenesaispasquoifaire,parcequetoutmonêtres’estfracasséetécrasé

autour demoi. J’ai déjà entendu tout ça dansmon boulot, mais l’entendre de la bouche d’un hommeadulte,brisé,perdu,désespéré,croulantsouslepoidsdelahontependanttoutunevie,unhommeàquijedonneraismoncœuretmonâmesicelapouvaitluisupprimeràjamaisladouleuretlessouvenirs,çamelaissecomplètementdésemparée.

Etdanslafractiondesecondequ’ilmefautpourpensertoutça,Coltonserendcomptedecequ’ilvient de dire. La poussée d’adrénaline que lui a procurée cette confession redescend. Ses épaules semettentàtrembler,sesjambescèdentsousluietils’effondresurlebancderrièrelui.Letempsd’arriverprèsdelui,ilestentraindesangloter,latêtedanslesmains.Dessanglotsdéchirants,dessanglotsquipurifient son âmeen secouant son corps, tandisqu’il répète inlassablement«Oh,monDieu !OhmonDieu!».

Je le prends dans mes bras, totalement impuissante, mais incapable de le lâcher, refusant de lelâcher,jamais.

–Toutvabien,Colton,toutvabien.

Cesmotsquejerépèteenbouclesemélangentauxsiens,meslarmestombentsursesépaulesetjeleserrecontremoipourqu’ilsacheque,aussibasqu’iltombe,jelerattraperai.

Jelerattraperaitoujours.Jem’efforcederetenirlessanglotsquimesecouent,maisc’estinutile.Iln’yariend’autreàfaire

pourmoiquedepartagersadouleur,sonchagrin,sondeuil.Nousrestonsassisdanslenoir,moiquilesoutiensetluiquilâcheprisedanscelieuquiluiatoujoursapportélapaix.

Jeprieseulementquecettefoislapaixqu’ilvaytrouvers’installedanssonâmetraumatiséepouryrester.

Nos larmes se tarissent, mais il garde la tête dans les mains, les paupières serrées, et traverséd’émotionsquilemettentànu.Jeveuxquecesoitluiquiprennel’initiative,maintenant.Qu’ilmedisecommentjepeuxl’aider,alorsjeresteassisesansriendire.

–Jen’avaisjamais…jen’avaisjamaisditçaàvoixhaute,jusqu’ici.Savoixestenrouéed’avoirpleuré,etsesyeuxseconcentrentsursesdoigtsquis’agitent.–Jenel’avaisjamaisditàpersonne.J’imaginequejecroyaisquesijeledisais,…jenesaispas

cequejecroyaisqu’ilallaitsepasser.–Colton.J’essaiedetrouverlesmots.J’aibesoindevoirsesyeux,besoinqu’ilvoielesmiens.–Colton,jet’enprie,regarde-moi.Jeluiparleaussidoucementquepossibleetilnefaitquesecouerlatêtecommeunpetitgarçonqui

apeurd’êtrepuni.Jelelaisseprendresontemps,secacherdanslesilenceetl’obscuritédelanuit,etmespenséesse

consumentdedouleurpourcethommequej’aimetant.Jefermelesyeuxenessayantderéfléchirquandjel’entendsmurmurerlaseulechoseàlaquellejenem’attendaispasencemoment.

–Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.Et celam’apparaît avec une évidence aveuglante. Ce qu’il essaie deme dire avec cette simple

déclarationchuchotée.Moncœurmemanqueetmaraisonhurle.–Non,non,nonetnon!Jetombeàgenouxdevantlui,jeprendssonvisageentremesmainsetjelerelèvepourl’obligerà

me regarderdans lesyeux.Et j’ai unpetitmouvementde reculquand il sursaute àmoncontact. Il estpétrifiéàl’idéedefairecepremierpassurlechemindelaguérison.Effrayéparcequejepensedelui,maintenantquejeconnaissonsecret.Inquietdel’imagequejemefaisdel’hommequ’ilest,parcequ’àsespropresyeux,ilestcomplicedecequiluiestarrivé.Ilahontequejelejugesurlescicatricesquimodèlentencoresonesprit,soncorpsetsonâme.

Etilnepourraitpasêtrepluséloignédelavérité.Jem’assiedset j’attendspatiemment,mesdoigts tremblent sur ses joues, jusqu’àcequesesyeux

vertsmeregardentavecunesouffranceinimaginable.–Ilyatantdechosesquejeveuxetquej’aibesoindetedire…tantdechoses…

Jen’empêchepasmavoixde trembler,mes larmesdecoulerni lachairdepouled’envahirmoncorps.

–…des choses que je veuxdire au petit garçon que tu étais et à l’homme incroyable que tu esdevenu.

Il déglutit péniblement et le muscle de sa mâchoire tressaille, tandis qu’il essaie de retenir leslarmesquiemplissentsesyeuxdanslesquelslapeursemêleàl’incrédulité.

Etj’yvoisaussidel’espoir.Ilaffleuresouslasurface,n’attendantquelemomentdesesentirensécurité,desesentirsprotégé,aimé,pours’épanouir,maisilestlà.

Jesuisimpressionnéeparlavulnérabilitéqu’ilmedévoile,parcequejenepeuxqu’imagineràquelpoint il est difficile de s’ouvrir quand tout ce qu’on a toujours connu, c’est la douleur. Je passemonpoucesursajoueetsursalèvreinférieure,luinemequittepasdesyeux,etjetrouvelesmotsnécessairesàluitransmettrelavéritéqu’ilabesoind’entendre.

–ColtonDonavan,cen’estpasdetafaute.Situnedoisentendrequ’unechosedecequejetedis,quecesoitcelle-ci.Tuportescefardeaudepuissilongtemps,j’aibesoinquetum’entendesquandjetedisqueabsolumentriendecequetuasfaitquandtuétaisunenfant,oumêmeunadulte,nepeutjustifiercequit’estarrivé.

Sesyeuxs’élargissentetilsetournelégèrementversmoi,relâchantsonattitudedéfensive,j’espèrequecelareflètecequ’ilressentavecmoi.Qu’ilm’écoute,qu’ilcomprend,qu’ilentend.

Parcequ’ilya tantdechosesque jeveux luidiredepuis si longtempsàproposdeceque jenefaisaisquesupposeretquemaintenantjesais.Maintenant,jepeuxlesdire.

–Iln’yariendonttudoivesavoirhonte,nialors,nimaintenant,nijamais.Jesuisimpressionnéepartaforce.

Ilveutprotester,maisjeposeundoigtsurseslèvrespourlefairetaireavantderépétercequejedisais.

–Jesuisimpressionnéeparlaforcequ’ilt’afallupourgardertoutçaentoipendanttoutcetemps,sans t’autodétruire. Tu n’es ni cabossé, ni bousillé, ni un cas désespéré, au contraire, tu es résilient,courageuxetrespectable.

Mavoixsebrisesurlederniermot,etjesenssonmentontremblersousmamainparcequecesmotsluisonttropdifficilesàentendreaprèsavoircrulecontrairependantsilongtemps,maisilgardelesyeuxrivésauxmiens.Etcelasuffitàmontrerqu’ils’ouvreàl’idéedeguérison.

–Tureviensd’unespacededouleurinimaginableetpourtanttu…tuescetteincroyablelumièrequim’aaidéeàmeguérir,àguérirmesgamins.

Je secoue la tête en essayant de trouver les mots pour exprimer ce que je ressens. Pour qu’ilcomprennequ’ilyatantdelumièreenluialorsque,depuissilongtemps,iln’yavuquedesténèbres.

–Ry…Ilsoupireetjevoisqu’iladumalàaccepterlavéritédemesparoles.–Non,Colton.C’est lavérité,Bébé. Jen’imaginemêmepas combiencela adûêtredifficilede

demanderàtonpèresonaidepourretrouvertamère.Jen’imaginemêmepascequetuasdûressentiren

prenant cet appel aujourd’hui. Je ne mesure même pas combien cela a dû être difficile pour toi deconfesserlesecretquipèsesilourdementsurtonâmedepuissilongtemps…maisjet’enprie,sachequetonsecretserabiengardé.

Ilréprimeunsanglot,batdespaupièresrapidementavec,surlevisage,uneexpressiondouloureuse,etjemepencheversluipourposerunbaisertendresurseslèvres–uncontactphysiquedestinéànousrassurertouslesdeux.Jeposeunbaisersursonnezpuisj’appuiemonfrontcontrelesien,ententantdeprendreletempsd’intégrertoutça.

–Mercipourcettepreuvedeconfiance.Jemurmure,etmesparolesvonteffleurerseslèvres.Ilnerépondpasmaisjen’enaipasbesoin.

Nousrestonscommeça,frontcontrefront,nousréconfortantl’unl’autre,nousacceptantnous-mêmes,toutcommelesfrontièresquiontétéfranchies.

Jenem’attendspasàcequ’ilseconfiedavantage,alorsquandilreprendlaparole,jesuisétonnée.–Engrandissant,jenesavaispascommentgérerça,commenttenirlecoup.Lahonteabsoluequipercedanssavoixmerenverse,etj’imaginelesentimentdesolitudequ’iladû

endurerquandilétaitadolescent.Jecaressesajouedemonpoucepourqu’ilsachequejesuislà,quejel’écoute.Ilsoupiredoucement,sonsouffleréchauffemeslèvrestandisqu’ilachèvesaconfession.

–J’airapidementessayédemeprouverquejen’étaispasvouéàl’enfer,malgréleschosesqu’ilm’avait faites. J’ai dragué le plus de filles possible au lycée pourme prouver le contraire. Celamefaisaitdubien–d’être recherchéetdésirépardes filles–parcequeçamedébarrassaitde lapeur…mais c’est aussi devenu un moyen pour tenir le coup…monmécanisme de défense. Le plaisir pouroublierladouleur.

Jemurmurelesmotsenmêmetempsquelui.C’estlaphrasequ’ilm’aditedanslachambred’hôtelduFloride,etquim’estrestée,quim’arongée,parcequejevoulaiscomprendrepourquoiilétaitcommeça.Etmaintenant, ça explique tout.Ça explique les coucheries à droite à gauche.Le« tu baises et tulargues».Autantdemoyensdeseprouveràlui-mêmequesonpassénel’avaitpasmarquéauferrouge.Unmoyendeposerunsparadraptemporairesurdesblessuresouvertesquinecicatrisaientjamais.

Jefermelesyeux,maraisonetmoncœursouffrentpourcethomme,quandsavoixbriselesilence.–Jenemerappellepastout,maisjemerappellequ’ilarrivaittoujoursversmoipar-derrière.C’est

pourça…Savoixsibassedevientinaudible,etj’ailaréponseàunequestionquejeluiavaisposéelesoirdu

galadecharité.–Jevois.Jeveuxqu’ilsachequejel’entends,quejecomprendspourquoionluiavolélacapacitéd’accepter

uncontactsiinnocent.Satotalefranchisemecoupelesouffle.– Les super-héros.Même quand j’étais enfant, j’avais besoin deme raccrocher à quelque chose

pouressayerdem’évaderde ladouleur,de lahonte,de lapeur,alors je lesappelaispouressayerdetenirlecoup.Pouravoirunesorted’espoirauquelmeraccrocher.

Je sens le goût du sel sur mes lèvres. Je suppose que cela vient de mes propres larmes, maiscommentenêtresûre?Jenesauraisdireoùilfinitetoùjecommence.Nousnebougeonspas,toujoursfront contre front, et jeme demande si c’est plus facile pour lui en étant assis comme ça – nos yeuxfermés,noscœursbattantsetnosâmesencommunion–d’avoirsortitoutça.Pourqu’iln’aitpasàvoirledésespoir, la douleur et la compassion dansmes yeux.Mais bien que ses yeux soient fermés, je sensquandmêmesebriserleschaînesquiontentravésonâmesilongtemps.Jesenslesmursquis’écroulent.Jesensl’espoirquiprendsonessorhorsdecetendroitplongédanslesténèbres.Justeluietmoidansunlieuoùilpeutmaintenantpoursuivresesrêvessansquesonpasséneserefermesurlui.

Jepenchelatêteetjeposeunbaisersurseslèvres.Ellestremblentsouslesmiennes,monhommesisûrdelui,dépouilléetouvert.Ilfinitparrepousserlatêteenarrière,nosfrontsnesetouchentplus,maismaintenantjepeuxleregarderdanslesyeuxetj’ytrouveuneclartéquejen’yaijamaisvueauparavant.Etquelquepartaufonddemoi, jesoupireàl’idéequ’ilpuisseêtrecapabledetrouverunpeudepaixmaintenant,d’enterrersesdémonspourtoujours.

Jeluisourissolennellementtandisqu’ilprenduneinspirationhésitanteettendlesmainspourquejeviennem’asseoirsursesgenoux,oùilmeprenddanssesbras.Jemeblottiscontrelui,rassuréed’êtreaimée par un homme capable de tant de choses. J’espère que lui aussi est capable de le voir et del’accepter. Un homme qui jure qu’il ne sait pas aimer alors que c’est exactement ce qu’il me donnemaintenant–de l’amour–aumomentoù ilestdans ledésespoir leplusprofond. J’appuiemes lèvressoussamâchoire,sabarbenaissantechatouillemapeausensible.

Lapoussièred’unpassébriséretombeautourdenoustandisquel’espoirs’élèveau-dessusdesesdécombres.

–Pourquoimelediremaintenant?Ilprendunerespirationrapideetresserresonétreinte,posantunbaisersurlesommetdemoncrâne,

etilpousseunpetitrire.–Parcequetuesmonalphabet.Quoi?Jesecouelatêteenreculantpourpouvoirleregarder.Etquandjecroisesonregard,quand

lesourirequis’affichesursonvisagefaitbrillerlevertdesesyeuxdansl’obscuritéquinousentoure,moncœurdégringoledansdenouvellesprofondeursd’amourpourcethomme.

–Tonalphabet?Jesuissûrequec’estl’expressionsurmonvisagequiélargitsonsourire,encreusantsafossette,et

lefaitsecouerlatête.–Ouaip,deAàZ.Une étincelle de cette personnalité qu’il avait perdue fait une apparition fugace, et cette touche

d’arroganceamuséedanssavoixmeréchauffelecœur.Ilgloussedenouveauetdit«enfoirédeBecks»avantdevenirappuyerseslèvressurlesmiennessansrépondreàmoninterrogation.

Ils’écartedemoietmeregardeintensément.–Pourquoimaintenant,Ry?Àcausedetoi.Parcequej’airuédanslesbrancardsetquejet’aifait

tropdemal…etmalgrétout,tutebatspourmoi–pourmegarder,m’aider,meguérir,mepiloter–et

pourlapremièrefoisdemavie,j’aienviequequelqu’unfasseçapourmoi.Etj’aienvied’êtrelibredefaireçapourquelqu’un.Je…

Ilsoupireenessayantdetrouverlesmotsjustespourexprimersanslatrahirl’émotionquejevoisdanssesyeux.Desyeuxtoujourshantéssurlesbordsmaistellementmoinsqu’auparavant,etcelasuffitàatténuerladouleurdansmonâme.

–Jeveuxsaisircettechancedeprouverquej’ensuiscapable.Quetoutecette…Ilfaitungestedelamain,inapproprié.–…nem’apasdépossédédeça.Quejepeuxêtrel’hommequetuattendset tedonnercequetu

désires.Latristessedesaconfessionestperceptibledanssavoix,maisj’yentendsaussiquel’espoiretle

possiblecoexistent.Etj’ensuissiheureusequejeretrousseleslèvresetlespressesurlessiennes.L’émotion vibre toujours en lui quand il glisse la langue entre mes lèvres entrouvertes et

consentantes pour approfondir ce baiser. Je sens qu’il continuede tenter de s’accrocher à ce nouveauterrainsurlequelilessaiedetrouversesmarques,maisjenedoutepasqu’ilvalestrouver.

Parcequec’estuncombattant.Qu’ill’atoujoursété.Etleseratoujours.

36

J’observe la lumière tombant des réverbères de la rue qui joue sur les angles de son visage, tout enfredonnant,enmêmetempsqueLifehouse,«Everything»quipasseàlaradio.Ilesttard,maisletempss’est arrêté quand nous étions assis ensemble dans les tribunes, à enterrer les vieilles blessures et àmettrelesnouveauxdépartssurlatable.Sammyramènemavoiture,maistandisqueColtonetmoisortonsdel’autoroutedanslaRangeRover,jem’aperçoisquenousnerentronspasàlamaison.Pastoutdesuite.

Lamaison.C’estuneidéefolle.PenserquejerentreàlamaisonavecColton,parcequemaintenant,aprèsla

soiréequenousvenonsdepasser,lesmotsdésignenttellementplusqu’unsimplebâtimentdebriquesetde ciment. Ils signifient la consolation et la guérison, et Colton. Mon as. Je soupire, la poitrinecompriméeparl’amour.

Jetournelesyeuxversluietildoitsentirlepoidsdemonregardparcequ’àsontourilmefixe,lesyeux encore légèrement rouges d’avoir pleuré. Il les pose sur les miens, un instant, en me sourianttendrement,puisilsecouelatêtecommes’ilenétaittoujoursàessayerdecomprendrelesévénementsdecesdernièresheures,avantde regarder la routeànouveau.Mais jegarde lesyeuxsur luiparcequ’aufonddemoi,jesaisquec’esttoujourslàqu’ilsseposeront,quelquesoitcequ’ilsregardentparailleurs.

Jesuistellementabsorbéeparmespenséesquejenereconnaismêmepasl’endroitoùnoussommesquandColtonentredansunparkingetgarelavoiture.

–Ilyaencoreunechosequejedoisfaire.Tuviensavecmoi?Jeleregardesanscomprendrecequenousfaisonsàonzeheuresdusoirdansunparkinginconnu,à

lapériphéried’Hollywood.Detouteévidence,c’estimportantparcequ’aprèscettesoirée,j’auraisplutôtpenséqu’ilseraitépuiséetnepenseraitqu’àrentreràlamaison.

–Biensûr.Nous descendons de voiture et je regarde autour demoi, un peu inquiète de laisser une si belle

voituredansceparkingdélabréetmaléclairé,maisColtonestcomplètementimperturbable.Ilm’attirecontreluietm’emmèneversuneimpressionnanteporteenboisqu’oncroiraittoutdroitsortieduMoyen

Âge. Colton l’ouvre et je suis éblouie par des lumières vives, une musique en sourdine et unbourdonnementétrangementunique.

JetournelatêtebrusquementversColtonquim’observeavecunecuriositéamusée.Ilsecontentederireensecouantlatêteenvoyantmaréaction:bouchebéeetlesyeuxronds.

Jen’aijamaismislespiedsdansundecesendroitsauparavant.Aufonddemoi,jesaispourquoinoussommeslà,maiscelan’apasdesens.

Coltoncroisesesdoigtsaveclesmienstandisquenousavançonsdansuncouloirétroitquimèneàunesallevivementéclairée.Colton franchit le seuilenpremieret s’arrêteun instant jusqu’àceque lebourdonnementcesse.

–Hé,espècedesalefilsdepute!Ceputaind’enfantprodigequinousrendvisite.Bonsang,çafaitplaisirdetevoir,Wood!

Je vois des bras couverts d’une variété de couleurs et de dessins entourer Colton et l’étreindrebrièvement.Unepaired’yeuxnoisettem’aperçoitpar-dessusl’épauledeColton.

–Putaindemerde.Excusezmonputaindelangage!L’hommeàquiappartiennentlavoixetlesyeuxpousseColtonsurlecôtéets’approchedemoi.–Hé,mec,tupourraismeprévenirquandtudécidesdeveniravecuneputaindedameici,quejeme

montrepolietbienélevéettoutça!Coltonsemetàrirealorsquel’hommes’essuielesmainssursonjeanavantdetendrelebraspour

me serrer lamain. Je parcours des yeux cet homme baraqué, couvert de tatouages, avec des cheveuxcoupéstrèscourtetunelonguebarbeindisciplinée,maiscequejetrouveleplustouchant,c’estlerougequiluimonteauxjoues.C’esttoutàfaitadorable,maisjenepensequeçaneluiplairaitpasquejeleluifasseremarquer.

–Vraimentdésolé,putain!BonDieu,jerecommence.Ilsecouelatêteetpartd’unrirecaverneux,jenepeuxpasm’empêcherdesourire.–Pasdesoucis.JedésigneColtond’ungestedumenton.–Luiaussiesttrèsgrossier.Jem’appelleRylee.–D’accord?Ehbien,jevaisessayerd’employerunminimumdeputain.Ilrougitdenouveau.–Jeveuxdire–pasvousbiensûr–enfaitsaufsivousvouliezparcequ’alors…–N’ypensemêmepas,Sledge.ColtonsemetàrireetSledge–sij’aibiencompris–secouelatêteetpartdecerireparticulierqui

estlesienavantdenousfaireentrerdanslesalondetatouage.–Alors,mec,t’esbiensûr?–Ouais.Ilsetourneversmoiensouriant.Etjesuiscomplètementperdue.–Vraiment.

–Siçapeuttefairebander,mec.Il va vers le comptoir en secouant la tête et commence à chercher quelque chose dans un tas de

papiers.–Àproposdebander,ettoutça…Il jette un coup d’œil dans ma direction et son visage se plisse en guise d’excuses avant de

reprendresesrecherches.–Commentvatasœuretsonbeaupetitculquimefaitassezbander,jedoisdire?JemedisqueColtonvapiquerunecrise,maisilsecontentederejeterlatêteenarrièreetdehurler

derire.Jedéduisdecetteréactionqueçafaitunbailquecesdeux-làseconnaissent.–Elletedévoreraittoutcru,ettulesais,ça,mec…unemauviettecommetoi!–Jet’emmerde!SledgesemetàriretandisqueColtonenlèvesont-shirt.Etmalgrétoutesleschosesnouvellesqu’il

y a à regarder ici, je ne peux pas détacher mon regard de ses abdos ciselés. J’observe les quatresymboles–lesreprésentationsdesonpassé–enmedemandantcequ’ilvafairemaintenant.

–Ouais…t’esundur!Coltonletaquinetoutenmedésignantunfauteuiletilmeposeunbaiserchastesurleslèvres.Ilme

regardedanslesyeuxuninstant,commepourmedire«fais-moiconfiance»,avantdes’asseoirlui-mêmedansunautrefauteuil.

–UntatouéquiécouteBarbaraStreisandetgardecescinqchatonsdansl’arrière-salle!Dequoiest-cequ’ilparle,bonsang?–Tusavaispas?Situveuxpasserpourunduràcuire,tudoisécouterdudeathmetaletavoirun

pitbulltueurplutôtqu’autantdechatsqu’unevieillefille.Coltonrit,ilestmêmeinsouciant,etçameplaîtque,quiquesoitcethommeparadoxal,ilsuscite

cetteréactionchezColton.–Jesuisunepetitefleurdélicate!Sledges’esclaffeavantdehurler.–Haha!–Petitefleurmoncul!ColtonsecouelatêteetritautantqueSledgequis’approchedelui,unefeuilledepapieràlamain.–C’estça?demandeColton.Jemeredressepouressayerdevoircequeçareprésente.Ilregardeunmomentenretroussantles

lèvresetenhochantlatête.–Tuessûr?Çavavraimentmarcher?IllèvelesyeuxversSledgeavecunregardinterrogateur.–Commesituavaisbesoindedemander,putain!Mince,j’aiencoreditputain.Ilhausselessourcilsenmejetantuncoupd’œild’excuse.–Mec,sijedoistetatouer,jefaisdesrecherchespourêtresûr.–TuveuxdiredesrecherchessurGoogleouaufondd’unebouteille?

–Barre-toidemonputaindefauteuil!Sledgemontrelaporteenrigolantavantdesetournerversmoi.–Vousvoustapezvraimentcettepetitemerdetouslesjours?Enriant,jefaisouidelatête.Coltonsepencheversmoietmeregardefixement,etl’espaced’un

instant,jevoisunéclairdetristesseaufonddesesyeux,maisquidisparaîtaussivitequ’ilestapparu.–Ryles?–Ouais?Jemeglisseauborddemonsiège,toujourscurieusedevoircequ’ilyasurlepapier.–C’estlemomentd’enterrerlesdémons.Ilmeregardedroitdanslesyeux.–Etdetournerlapage.Je me force à détacher mon regard du sien pour voir le dessin fait de courbes imbriquées. Je

reconnaisunnœudceltique,ilestàlafoissemblableetdifférentdesautres,maisjenesaispasquelleestsasignification.

Jelèvelesyeuxdupapier,demandantduregarduneexplicationàColton.–Nouveauxdéparts…renaissance.Etjevoisdanssesyeuxqu’ilestprêt.Je retiens mon souffle, les larmes me brûlent les paupières, la signification du symbole est si

émouvantequejenetrouvepaslesmotsetjemecontentedehocherlatête.– Ok, j’ai bien compris que tu es sentimental et romantique et tout le merdier, mais je meurs

d’impatiencedetepiquer,Wood,alorsramènetonculàsaplace.IlappuiesurlesépaulesdeColtonetmefaitunclind’œiletunsouriresatisfait.–Parcequetunerisquespasderenaître,enfoiré,siturestesassisàlaregardersilongtempsquetu

vastedessécheretmouriravant.J’éclate de rire, et je sens que je vais aimer cet hommeque je viens juste de rencontrer.Colton

s’exécute,maispassansrépliquer.–Hé,mec,c’estlajalousiequitefaitparler!–Putainoui,t’asraison.Jesuissûrqu’ellealecoupdemain…Il s’arrête, ses yeux vont et viennent entre Colton et moi, puis il les baisse de nouveau sur ses

appareils.–…pourréussirunbonplatdemacaroniaufromage.Iléclatederiredenouveau.–Tupeuxledire,répondColtonenluidonnantuneclaquesurlesépaules.Finetcrémeux.Jem’étrangle avecma salive enmême tempsqueSledge, et nousdevenons tous les deux rouges

commedespivoines.JelanceàColtonunregardincréduleetjesecouelatêtequandjevoislalueurdemalicequibrilledanssesyeux.Etdelevoircommeça–lefauteurdetroubledanstoutesasplendeur–mefaitsourireencoreplusfranchement.

–Rienqu’àcausedeça,jedevraistefaireuneputaindepenséeàlaplace…

Ilsecouelatêtetandisquelebourdonnementdel’aiguilleredémarre,cequifaitsursauterColton.Sledgejettelatêteenarrièreetéclated’unrireprofondquisortdesonventre.

–Tuseraispasmignonavecunepenséesurlecul,enfoiré?Oh…uncœur!Oh…unvagin!Oh…unepâquerette!

SledgelefaitmarcherenfaisantsemblantdeposersonaiguillesurlecorpsdeColton.Jesuismortederire,j’avaistellementbesoind’unpeudelégèretéaprèslagravitédecettesoirée.–Oh…uncoupdepiedaucul,tuvasvoir.Coltonsemetàriremaiss’arrêtedèsqueSledgeapprochel’aiguilledesonflanc.Jen’aijamaisvu

personnesefairetatoueretjesuiscurieusedevoirça.Jevaism’asseoirsurunechaisevideàcôtédeColtonpourpouvoirregarder.

Maisaudébutjen’yarrivepas–jenepeuxpasquandjevoislecorpsdeColtonseraidiretqu’ilsouffleensifflantaupremiercontactdel’aiguille.

–BonDieu,riennechange!Unemauvietteresteunemauviette.Lebourdonnementcesse,illèvelatêteetregardeColton,l’airexaspéré.–Sérieux,mec?Sijedoism’inquiéterparcequetutremblescommeunputaindechihuahua,onva

avoirquelquesproblèmes,putain,etjenerevendiqueraipasceboulotcommevenantdemoi.Coltonsecontentedeleverlamainpourluifaireundoigtd’honneuravantdereporterlesyeuxsur

moi puis de les fermer quand l’aiguille redémarre. Cette fois, le bourdonnement demeure régulier etquand jevoisColtonsedétendreunpeu, jepassede l’autrecôtépourvoir si je supportede regarderSledgetirerlesangdeColton.Etquandjerassemblefinalementlecouragederegarder,cequejevoismedéconcerte.

L’aiguille de Sledge est en action sur le symbole de la vengeance. Il a coupé des lignes rougesombrequimefontfrémiràl’idéedel’effetqueçadoitproduiresurlescôtesdeColton.Jelèvelesyeuxetjecroisesonregardposésurmoitandisquej’essaiedecomprendrecequisepasse.

–Sledgeatrouvéunmoyenderecouvrirlavengeanceaveclenouveaunœud.–Lavengeanceadisparu.Pouruneraisonquej’ignore,cetteidéemesemblesiémouvantequejeresteplantéelà,leslèvres

entrouvertes,àsecouerlatêteenregardantSledgereconfigurerunconceptquinepouvaitquecontinueràdétruireColtonpourleremplacerparunautre,chargéd’espoir.

–Lemomentd’enterrerlesdémons.Jedéglutispar-dessus lenœudquimeserre lagorgeet je tends lebraspour luiprendre lamain

pendantquenousregardonsensemblelalentetransformationdel’unedesescicatricestatouées.Unequiestmaintenantunsymboled’espoiretdeguérison.

Auboutd’unmomentetaprèsd’autrestaquineriesdepartetd’autre–etmoiquitombedeplusenplusamoureusedeSledge–letatouagedeColtonestenfintransformé.

– Jevoudrais levoir avantque tu le recouvresd’unpansement. Jevais aller caresser tespetiteschattesetvérifierquetun’enaspasprofitépourmerefilerdescœursoudesarcs-en-cielquelquepartvuquetum’interdisaisderegarder,espèced’enfoiré.

Coltonselèvedufauteuiletjeremarquequeletempsqu’illuifautpoursestabiliseràlasuitedesonaccidentestbeaucouppluscourtmaintenant.Ilsedirigeversl’arrière-salleoùsetrouvelemiroir.

Etjenesaissousquelleimpulsion–peut-êtrelesévénementsdelasoiréeoupeut-êtrel’espoirquiestentraindesefrayerunchemindansnosvies–maismadécisionestpriseàpeineColtonapassélaporte.Jedois lefairemaintenant,avantque lecouragenememanque,avantquemaraisonnerattrapemoncœur.

Avantdemedégonfler.–Hé,Sledge…Jem’assieds dans le fauteuil queColton vient de libérer, je baisse la ceinture élastique demon

pantalondejoggingsurmahancheetmontrel’emplacementdudoigt.–Jecroisquelemomentestparfaitementchoisipourfairefairemonpremiertatouage.Jevoudrais

lemêmequeceluideColton,maisenbeaucouppluspetit.Ilmeregarde,surprisetlesyeuxrigolards.–Chérie,quandj’aiditputain,jen’aijamaispenséquetumeprendraisaumotetquetubaisserais

tonpantalonpourmoi,avecWooddanslapièceàcôtéenplus,putain!Ilmefaitunclind’œiletsouritavantdemeregarderdanslesyeux.–Tuveuxmefairetuer,ouquoi?Jerigole.–Ilneleprendrapasmal.Jecroisbienqu’ilaunfaiblepourtoi,Sledge.–Ouais,plutôtunefaiblessedanslatête,àmonavis.Ilsepasselalanguesurleslèvresetregardemahancheavantdes’adresserdenouveauàmoi,l’air

préoccupé.–T’essûre?C’estdugenrepermanent,tulesais?Il hausse un sourcil amusé. Je fais oui de la tête avant de perdre le courage de le faire – pour

prouveràColtonquejeveuxêtrelàpourluiàchaqueétapedecevoyage.Sledgeritetsefrottelesmains.–J’adoreêtrelepremieràtoucherunepeauvierge.Celameserrelescouillesettoutça…Ilsouffle.–Putaindemerde,excuse-moi.Encore.Il secoue la tête en commençant à tracer le dessin sur ma hanche après m’avoir regardée pour

vérifierquec’estbienlàquejeleveux.–Tuesformelle?Jehochelatêteparcequej’aitellementletracquejepeuxàpeineavalermasalive.Jenesuispaslegenredefillequisefaittatouer,alorspourquoiest-cequejefaisça?Etlà,jeme

rendscomptequejenesuispasnonpluslegenredefillequisortaveclesbadboys.Onvoitcequeçadonne,cegenredecertitudes.

Je sursaute quand l’aiguille semet à bourdonner, le souffle court et le corps frémissant d’attentenerveuse. Jememords la lèvre inférieure et je serre les poings quand la première piqûreme touche.

Putain!Çafaitbeaucoupplusmalquecequejecroyais.Netedégonflepas,netedégonflepas.Jemerépèteçaenboucledansmatêtepouressayerd’oublierl’aiguillequimebrûlelahanchecommec’estpaspossible.Etcommemalitanienecalmepasladouleur,jefermelesyeuxetjerespire,enfaisantsigneàSledgedecontinuerquandils’arrêteetmeregardepourvoirsiçava.

Jenel’entendspasetjenelevoispas,maisjesaisqueColtonestlààlaminuteoùilrevientdanslapièceparcequejesenssaprésence.Sonénergie,notreconnexion,l’attirancequ’ilexercesurmoimefontouvrirlesyeuxetlesfixeraussitôtsurlessiens.

L’expression sur son visage n’a pas de prix – la surprise, la fierté, l’incrédulité – quand ils’approchepourregarderletravaildeSledge.Jesaisqu’illevoitparcequejel’entendsreprendresonsouffledesurpriseavantquesesyeuxreviennentcroiserlesmiens.

–Nouveauxdéparts.Jen’endispasplusenvoyantl’émotionquidansedanssesétincellesvertes.–Tusaisquec’estpermanent,hein?Ilsecouelatête,toujourssouslecoupdelasurprise.–Ouais.Jetendslesbraspourcroisermesdoigtsdanslessiens.–Unpeucommenousdeux.

37

Jenepeuxpasm’empêcherderireetdedevenirsentimentalequandColtonachèvedem’expliquersonhistoired’alphabet.Letonlégerdesavoixmefaitplaisiretmerappellelesheuressombresdel’hôpitalquandjenepensaisqu’àentendrecettevoixdenouveau,etj’exprimeunerequêtesansyréfléchiràdeuxfois.

–Onpeutavoirdelaglacepourlepetitdéjeuner?LamaindeColtons’immobilisesurmacuisseetilbredouilleunpetitrire.–Quoi?J’adore l’expression de son visage à ce moment-là. Insouciant, léger, débarrassé du poids des

secretsquin’existentplusentrenous.Jeme contente de sourire en le regardant, allongé sur le côté près demoi, tandis que j’arrange

l’oreillerdansmondosetquejemerecouche,ensoupirant,soussonregardamusé.Leshaut-parleursau-dessus de nous distillent leurmusique et je hausse les épaules, soudain gênée par la stupidité demaremarque.C’est justequej’ai l’impressionquelaboucleestbouclée.Leschosesquejedisaisvouloirfaire,quej’avaisbesoindefaire, lespromessesque j’ai faitesquand ilétaità l’hôpitaletque jedoistenir.

–Oui,delaglaceaupetitdéjeuner.Jegrimaceenbougeantcarmaculottetiresurlepansementquirecouvremontatouagetoutneuf–

mamèrevametuerquandelledécouvriraquejemesuisfaittatouer.Maisl’étonnementsoudainquejevois dans les yeux deColtonme tire demes pensées et jeme penche pour le regarder de plus près,curieusedesavoircequil’aprovoqué.

Ilmeregardefixementuninstant,puisaprèsquelquesbattementsdepaupièrescommes’ilessayaitdecomprendrequelquechose,ilsecouelatêteetmesourit,cequifaitfondremoncœuretconfirmequejeneregretteabsolumentrien.

Nid’êtreavecluiniletatouagequejeviensdefairepourleprouver.Ni les hauts et les bas que notre relation a traversés, affrontés, surmontés et dont elle est sortie

renforcée.

Riendetoutcela,parcequecelanousaamenésaupointoùnoussommes–icietmaintenant.Guérissantensembleetamoureuxl’undel’autre.Faisantnospremierspasversnotreavenir.Ilposelatêtesursamainappuyéesursoncoudeetretrousseleslèvres.–Vosdésirssontdesordres,Madame.–Alorsça,çameplaît,parcequej’aiuntasd’autresdésirs,MonsieurDonavan.–Ohvraiment?Etonpeutsavoirlesquels?Ilhausselessourcils,etunsourirelascifjoueaucoindeseslèvresquandilsepenchepourposer

undouxbaisersurleborddemonpansement.Quandilrelèvelesyeuxsurmoi,ledésirdanseaufonddesesyeuxetilremonteenrampantlentementlelongdemoncorpsjusqu’àcequeseslèvresnesoientplusqu’àquelquescentimètresdesmiennes.

Seigneur,ceque jepeuxavoirenviedegoûteràces lèvresetdesentirmapeaurenaîtreà laviesous sa caresse, mais j’ai une autre requête à formuler avant de me laisser aller contre lui, dem’abandonner.

–Pourdîner,jeveux…–Despancakes.Delaglaceaupetitdéjeuneretdespancakesaudîner.Jemesouviensdet’avoir

entendudireça.Savoixestchargéed’admirationrespectueuseetmoncœurbonditendécouvrantqu’ilm’entendait

quandilétaitinconscientàl’hôpital.Jeleregardeessayerd’intégrertoutçaenhochantdoucementlatête.–Tun’arrêtaispasdeparler.Ils’approcheunpeuplusdemeslèvressansmetoucher,etjesaisqu’ilsouritparcequejesensles

plisquiseformentautourdesesyeux.–Donc,onalesmenuspourdem…Coltonsepencheenavant,etsabouchecapturelamiennepourunbaisertendre.–Ilesttempsquetuarrêtesdeparler,Rylee.Ils’écartepourmeregarderdanslesyeux,etj’yvoisserefléterl’humouretl’amoursansréserves.–Colton…Jemecambrepouressayerd’effleurersapoitrinenuedemesseinsparcequemoncorpstoutentier

réclamedésespérémentdele toucher,delegoûter,derenouercecontactentrenous.Etcommeilresteimmobile sans réagir, je tends le bras pour saisir sa nuque en essayant de l’attirer versmoi,mais ilrésiste.

Ilrestelà,sansbouger,lesyeuxfixéssurmoiavecintensité.Etpourlapremièrefois,jecomprendscequ’ilvoulaitdirequandilm’aditquej’étaislapremièreàréellementvoirenlui–àpénétrerdanslesprofondeursdesonâme–parceque,encetinstant,iln’yarienquejepuisseluicacher.Absolumentrien.Notrelienestàcepointfortetirréfutable.

Cettesoiréeaététellementchargéed’émotion,encorepluspourluiquepourmoisansdoute,maismoncorpsàbesoindes’enlibérerphysiquement.Ilvibred’undésirqueluiseulpeutsatisfaire.

–Rylee…

Cettefaçonimplorantedeprononcermonnommetoucheàchaquefois.–Arrête.Jediscerne l’inquiétudequivoile ledésirexprimédanssesyeux.Jeprendssonvisageentremes

mainsetjel’immobilisepournepasluilaisserd’autrechoixquem’écouter.–Jevaisbien,Colton.–J’aitellementpeurdetefairedumal…Ilsetait,etl’inquiétudequipercedanssavoixmefaitplongerencoreplusprofondémentdansleraz

demaréedel’amour.–Non,Bébé,non.Tunevaspasmefairemal.Jemepencheversluietj’effleureseslèvresd’unbaiser,puisjem’écartedenouveaupourvoirses

yeux.–C’estquandtuneveuxpasêtreavecmoiquetumefaismal.C’estçaquimedétruit.J’aibesoin

detoi,Colton,detouteslesfacettesdetonêtre–physiqueetémotionnel.Aprèscettesoirée,àprésentquenoussommesdépouillésdetouslesoripeauxquinousséparaient,j’aibesoindepartagerçaavectoi.De nous relier de toutes les façons possibles parce que c’est le seul moyen que j’ai de te prouvervraimentcequejeressenspourtoi.Detemontrercequetumefais.

J’entendssonsoupirfrémissantbienavantquesachaleurnetouchemeslèvres.Samainserremonbraspuisseradoucitcommes’ilvoulaitetnevoulaitpasenmêmetemps.Ilsecontentedemeregarderfixement,maissonvisagereflètesonindécision.Etsoudain,cemuscle,toujourslemême,palpitesursamâchoire, le dernier bastion de sa résistance parce que le désir qui embue son regardme dit que sadécisionestdéjàprise.

Quandilsepenchepourm’embrasser,legoûtdelavictoireestplusdouxquejamais.Ses lèvres effleurent lesmiennes, une fois, deux fois, puis sa langue s’insère entremes lèvres et

vientcaresserlamienne.Ilglisselesmainsdansmondosetm’attirecontreluitandisquenoslanguesselivrentàunballetdeséduction.Sesmainstrouventleurcheminsousl’ourletdemont-shirtetagacentmapeaunuequandillerelèveetmel’ôte.

Meslèvreslaissentéchapperunpetitsoupirquandnousnousséparons,letempsdelelaisserpasserle t-shirtpar-dessusmonvisage,puisretrouvent immédiatement lessiennes.Jerelâchemaprisesursanuquepourglissermesonglessurlesmusclesd’acierdesonbiceps,faisantréagirsoncorpsquisetendsousma caresse. Le son guttural qui sort du fond de sa gorgem’excite,m’incite à en vouloir plus, àdésirerplus.

Mondésir, justement, se rassemble et bondit à chaque secondequi passe,mes cuisses se serrentl’unecontrel’autre,marespirations’accélère.

–Colton…Seslèvressebaladentlelongdemamâchoirejusqu’àmonpointsensible,justeau-dessusdemon

oreille,etjecambremondosengémissantàcecontact,surlapierrechaufféedemachairconsentante.Ilpasselesmainssurmescôtespourvenirprendremesseins,alourdisparledésir.Lessensationsmontentetmetraversentdespiedsàlatête.

–Putain,Rylee,tusaisyfairepourmettremonself-controlàl’épreuve.Çamemanquaitdegoûteràtachattedélicieuse.D’entendrelesonquetufaisquandjeplantemaqueueentoi.Lasensationquejeressensquandtujouisautourdemoi.

Ilgrognequandjeglisselesmainssoussonboxerpoursaisirsonmembreéchauffé.Etautantsondiscoursestincendiaire,autantilattiseenmoidesfeuxdéjàimpossiblesàcontrôler,autantlatendresseajoutéeàsescaressescontrastedemanièrefrappanteavecsoncôtéexplicite.

– Jeveuxque lamoindreparcellede ton corps frémisse, tremble,me suppliede teprendre,Ry,parcequejeferailamêmechose,putain!Jeveuxêtretonsoupir,tongémissement,toncriquandtujouis,ettouslesautresbruitsintermédiaires.

Ilsepencheetmemordillelalèvre,jelesensfrissonneretjesaisqu’ilestaussiaffectéquemoi.– Jeveux te sentir.Tesongles seplanterdansmesépaules.Tes cuisses se contracter autourdes

miennesquandjet’amènedeplusenplusprès.Ilsouffle,ladominationdanssavoixsous-tenduededésirbrutfaitvibrermonêtretoutentier.– Je veux voir tes doigts de pied se contracter en poussant surma poitrine. Voir ta bouche qui

s’ouvre et tes yeuxqui se ferment quand ça devient trop – le plaisir trop intense, putain – parce que,Bébé,jeveuxsavoirquec’estmoiquitefaisceteffet-là.Jeveuxsavoirquetutesensaussivivanteàl’intérieurquetulefaispourmoi.

Et jenepeuxplus tenir,sesmotsfont lemêmeeffetquelesplusséduisantsdespréliminairessurmon corps qui attend sa caresse avec avidité. Je l’attire contremoi, sans plus aucune hésitation.Noscorpsetnoscœursentrentencollisionetnoustombonsàlarenversesurlelittandisquenosmainsetnosbouchesexplorent,goûtent,excitent.

Jel’obligeàsemettresurledosenluilabourantlapoitrinedemesongles,sesmusclessetendentetungémissementdésespérés’échappedesagorge.Mabouchelaisseunetracelangoureusedelalignedeson cou auxmusclesbandésde son abdomen,qui ondulent à chaquepassagedema langueoudemesdoigts. Je trace un chemin de baisers sur un côté de sonV hypersexy, puis je fais lamême chose enremontantde l’autrecôté,en faisantattentionàsonflanc fraîchement tatoué, tandisque leboutdemesdoigtstrouveetencerclesonmembredresséàtraverssoncaleçon.

Jerelèvelatêteetjeplongedanssesyeuxvoilésparledésiretchargésd’émotion,toutenbaissantsonshort.Jeposeunelignedebaiserslelongdelamincelignedepoilsetjecontinueàdescendrepouragacer lapointede songlandduboutdemes lèvreschaudesethumides.Saqueuepalpite contremeslèvres.

–Putain!La façon traînante dont il prononce lemotm’encourage à le prendre plus profondément dansma

bouche,etjepressemalanguesoussavergeenglissantsurluijusqu’àlagarde.Sesmains posées négligemment sur le lit se crispent et ses hanches tressaillent quand je le fais

glisserhorsdemabouchejusqu’àcequeseulelapointedesaqueuesoitentremeslèvres.Jeroulemalangue tout autour en insistant particulièrement sur les terminaisons nerveuses du dessous, avant de

redescendrejusqu’àcequ’ilheurtelefonddemagorge.Enunriendetemps,sesmainss’accrochentdansmescheveuxtandisqueleplaisirlesubmerge.

–SeigneurDieu!Sarespirationhaletantesefaitpluscourtequandjecontinuelemouvementdemabouchesurlui.–C’esttropbon,bordel!Du bout des doigts, j’agace sa peau plus sensible au-dessous, je chatouille et je presse tout en

creusantlesjouesàchaqueglissementverslebas,etquejesuceenremontant.Jeleregardeetjenepeuxpasretenirlesouriresatisfaitquiseformesurmeslèvresmalgrélaplacequ’ilprenddansmabouche.Coltonalatêterejetéeenarrière,seslèvressontpincéesdeplaisiretlesmusclesdesoncouptendusaumaximum.Leseulfaitdelevoirsedéfairecommeçasuffiraitàmefairemouillerdedésirsicen’étaitpasdéjàlecas.

Je ferme le poing autour de son membre et je lui imprime des mouvements circulaires tout enmontantetdescendantlatêtesurlerestedesonsexe.Ilgémit,durcissantdansmaboucheet,toutàcoup,ilm’attiresurtoutelalongueurdesoncorps,lapointedemesseinsréclamantlecontactpeauàpeau.

Saboucheest sur lamiennedèsquemes lèvres sont à saportée, etnos lèvres,nos langues,nosdentsserencontrentavecgloutonnerie,tandisqu’ilcommandelebaiser,s’emparantdecequ’ilveut,sansattendrequejeluidonnepourtantbienvolontiers.Ilchangenospositionsenunclind’œilsibienquejesuismaintenantsurledos,appuyéesurlesoreillersempilésdansmondos.Ilbaladesonregardsurtoutelalongueurdemonbuste,etunsouriresuggestiféclairesonvisagequandilregardemaculotte.

–Jemanqued’entraînement.Ilsecouelatêteenfaisantapparaîtresafossetteunique.Etlà,endépitdubesoincharnelquimetà

vifchacunedemesterminaisonsnerveuses,jenepeuxpasm’empêcherderirequandildéchireletissudemaculotteendeux.

–Voilà.Ilpasselabouchesurmonventreetydéposeunbaiser.–C’estmieuxcommeça.Et cen’est pas tant le baiser lui-mêmeque la soudainetéde ses lèvresqui s’immobilisent tout à

coup, juste sousmon nombril, qui fait retomber l’excitation dumoment pourmoi.Mais qui, enmêmetemps,lerendencoreplusdoux.Sesyeuxsontfermésetseslèvresappuyéessurlasurfacedelamatricequiaportésonenfant,immédiatementdesfrissonscourentsurmachairenattente.

Auboutd’unmoment, ses lèvres reprennent leur ascension si lenteque c’est une torture, demescôtesjusqu’àmesseins.Jesenssonsoufflechaud,leglissementdesalangue,lemouvementdesucciondesabouchequiserefermesurmontéton,etjepousseuncri.Lessensationsquemeprocuresabouchesontunéclairquifrappedirectementmonsexe,mesinhibitionsseconsumentetmoncorpss’enflamme.

–Colton…Je halète tandis que la douleur dumanque s’intensifie au cœur demon désir, que je laboure ses

épaulesdemesonglesetquesabouches’amuseetannonce leplaisirquivasuivre.Quandmes tétonssont si totalementserrésetagacésqu’ilsensontpresquedouloureux, il remontesurmoncorps.D’une

main,ilattrapemescheveux,emprisonnantmesboucles,tandisquel’autreseglisselelongdemoncorps,entremesjambes.

Je retiens mon souffle pendant cet espace de temps entre le moment où ses doigts écartent mesjambesetceluioù ilme toucheréellement.Lespoumonsprivésd’airet lecorpsbrûlantd’impatience,Coltonmemarqueauferrouged’unbaiserquivousconsumel’âme,quidéfielagravité,etjustequandmatêtesemetàtourneretquemondésirpartenvrille,sesdoigtsm’écartentetrevendiquentleurdroitdepossession. Sa bouche capture le gémissement qu’il me soutire tout en manipulant mes terminaisonsnerveuses avec expertise.La poudre s’enflamme et un gémissement enthousiastemonte du fond demagorgealorsquejesuistotalementdéfaiteetconsumée.

Sesdoigts recouvertsdemonexcitationressortentdemoienglissantetajoutentunfrottementsurmonclitorisdéjàpalpitant.

–Ah!Je ne peux pas contenir un cri étouffé quand ses doigts me connectent, que les sensations me

submergentetquemesémotionss’amplifient.Sesdoigtsmecaressentet,delabouche,ilagacemapeaule longdemoncou tandisquemoncorpsgravit rapidement lavague.Mes tétonssecontractentetmescuissessecrispent,ledésirmetraverseenfaisantdesricochetspuisrevientmefrapperavecuneforcedécuplée.

Et je me perds. Je pénètre dans l’oubli qui assaille mes sens et qui engloutit toute pensée. Jem’accrocheàsesbras,etmeshanchesdonnentdesruades tandisquemoncorpsexploseenunmilliond’étincellesdeplaisir.Laseulechosequej’entendsàpartlespulsationsdemonsangquirésonnedansmesoreilles,c’estlegémissementsatisfaitquis’échappedeseslèvres.

Dans la dernière seconde où je surfe sur la dernière vague de mon orgasme, Colton change deposition,m’écarte lescuissesavecsesgenoux toutenplaçant lapointedesaqueuecontremonentréeencorepalpitante.

Et tout d’un coup, cela me tombe dessus – passe à travers mon état comateux dans lequel m’aplongéeledésir–etmeramènebrusquementàlaraison.Jerepoussesapoitrine,ensecouantlatête.

–Colton…nousavonsbesoind’unpréservatif…Laréalitéfaitsoudainpasserausecondplanlesfrissonsd’orgasmequicontinuentàgronderenmoi.LecorpsdeColtonseraiditetilrelèvebrusquementlatête.Illapencheenmeregardantfixement,

etlesilencedelachambren’estplusbriséqueparmarespirationhaletanteetlesaccordsde«Stolen»sortant des haut-parleurs au-dessus de nos têtes.Mais le regard qu’ilme lance – comme si j’étais sadernièreboufféed’air–découragelamoindreprotestationdepassermeslèvres.

–Jeneveuxpasmettredepréservatif,Rylee.Ce n’est pas tant ses mots qui me surprennent que la façon dont il les prononce, un mélange

d’incrédulitérésignéeetd’irritation.Maispourquoi?L’incrédulitéparcequej’aigâchél’ambianceenparlantdeça?L’irritationparcequec’estdevenu

nécessaire?

–Arrête,Colton,nesoispascommeça.Jesaisque lasensationn’estpas lamême,maisondoitfaireattentionet…

Coltonchangebrusquementdepositionsurlelitetmetireversluienmeredressant,sibienquejesuismaintenantassiseàcalifourchonsursesgenoux,siétonnéequej’enoubliemonobjection.Sesmainsseposentsurmanuque,sespoucesencadrentmonvisageetsesyeuxpercentlesmiensavecuneintensitérespectueusequejen’aijamaisvueauparavant.

–Non,Ry.Jeneveuxpasmettredepréservatifetcen’estpasàcausedel’absencedesensations.Putain,Bébé,mêmeavecdelatoiledejuteautourdelaqueue,jetesentirais.

J’aienviederireenessayantd’imaginerlasituation.–Qu’est-cequeça…qu’est-cequetuessaiesdemedire?Etbienqu’ilnem’aitpasencorerépondu,lesbattementsdemoncœurs’accélèrentetmesdoigtsse

mettentàtrembler.Je le regardedéglutir,sapommed’Adammonteetdescendet,surses lèvresapparaît lesoupçon

d’unsourire.Ilsecouelégèrementlatêteetsonsourires’élargit.–Jenesaispascommentdire,Ry.Cettenuit-là,çaaétéhorrible.C’estquelquechosequiresteraà

jamaisgravédansmamémoire–toi,moi…lebébé…Ils’interromptensecouantlatêtedoucement,lesyeuxbaissésunmomentparcequejesaisqu’ila

toujoursdumalàaccepterl’idéequenousavonsperduunbébé,notrebébéàtouslesdeux.Ilpousseunsoupirhésitantetquandilrelèvelatête,l’honnêtetéabsoluequejevoisdanssesyeuxmefaitbaisserlesmiens.

–J’aieulapeurdemavie.Ilsepencheversmoieteffleuremeslèvresduplustendredesbaisers,avantd’embrassermonnez

puisdes’écarterdenouveau.–Çacontinuedemefairepeurchaquefoisquej’ypense,etàcequiauraitpusepasser.Je…c’est

justequejenesaismêmepasl’expliquer.Il exhale un profond soupir, et je vois sur son visage le besoin de trouver lesmots justes pour

exprimercequ’ilressent.–Prendstontemps.Jeluidonneraistoutletempsdumondes’ilmeledemandait.Ilfrottesespoucessurmesjoues,j’ailachairdepouletellementcemomentestémouvant.–Unepartdemoi…Sa voix se brise et je vois lemuscle tressaillir sur samâchoire tandis qu’il essaie de contrôler

l’émotionquidébordedanssesyeux.-…unepartdenousestmortecejour-là.Maisc’estcettepartdemoiàlaquellejemeraccroche

depuis.Quandildésignecebébécomme lenôtre,monsoufflesebloquedansmapoitrineet je tends les

mainspourm’accrocheràsesbras.

–J’étaisassisdanscettesalled’attente,Ry,avectonsang,lesangdenotrebébé,surmapeau,etjecrois…jecroisquejenemesuisjamaissentiaussivivant,putain.

Cedouxsourireestrevenusurcettebouchemagnifique,maiscesontsesyeuxquimecaptivent.Cespaillettesvertesquisupplient,réclamentetfouillentpours’assurerquejecomprendslesmots–ditsounondits–qu’ilprononceencemoment.

Ilbaisse lesyeux sur sesmains, l’émotion traversant sonvisagequand il se souvientdecequ’ilavaitressenti,avantdelesreportersurmoi.

–Lesangd’unbébéquejenerencontreraijamais,maisquenousavionscrééensemble…Savoixsebrisesurcesderniersmots,maissesyeuxdemeurentrivésauxmiens,pours’assurerque

jevoistoutcequ’ilsexpriment,lechagrin,l’incrédulité,ledeuil.–Toutescesémotions…toutcequisepassait…essayerd’intégrertoutça,c’étaitcommedeboire

unegorgéed’eauavecunelanceàincendie,putain.Ilpousseunnouveausoupirenfermantlesyeuxunmomentquandlesouvenirlebouleverseetqu’il

netrouvepaslesmotspourl’expliquer.–Etjenesaistoujourspassijeseraicapabledel’intégrerunjour,Ry.Maisilyaunechosequeje

sais…Sesdoigtssecrispentsurmesjouespourrenforcerlacertitudedesesparoles.–…c’estquequandj’étaisassisdanscettesalled’attenteetquelemédecinm’aannoncé…pourle

bébé…dessentimentsdontjen’imaginaismêmepasl’existencem’ontenvahi.Sesyeuxquinebronchentpasetlerespecttotaldanssavoixfontbondirmoncœurd’uneespérance

endeschosesquejenepensaisjamaispouvoirmêmeenvisager.Ilessuieunelarmequicoulesurmajoueetquejen’avaismêmepassentie,avantdepoursuivre:–Et,assislà,danscettefoutuechambred’hôpital,enattendantquetuteréveilles…j’aicomprisce

quetusignifiaispourmoi,cequenousavionscrééensemble…lameilleurepartdechacuncombinéeàlameilleuredel’autre.Etc’estlàquej’aicompris.

Ilyatellementdetendressedanssonregardquequandj’ouvrelabouchepourparler,riennesort.Ilmesouritdoucementensepassantlalanguesurlalèvreinférieure.

–J’aicomprisquecequ’ellem’avaitfaitnedoitpasnécessairement se reproduire.Que jepeuxdonneràquelqu’unlaviequejen’aipaseue,Rylee.Laviequetuasrenduepossible.

Jeravalelaremarquequimevientbrusquementàl’esprit,tandisquelesparolesdeColtonfinissentdefairetomberlesdernièresformesdeprotectionquej’avaisérigéesautourdemoncœur.Mesdoigtssetendentsursesbras,etlesémotionsquimetraversentfonttremblermonmenton.

–Non,nepleurepas,Ry.Ilsepencheversmoipourembrasserlestracesdelarmesquistrientmesjoues.–Tuassuffisammentpleurécommeça. Jeveux juste te rendreheureuseparceque,putain,Bébé,

c’esttoiquifaisladifférence.C’estgrâceàtoiquej’aidécouvertquemaplusgrandepeur–leplusnoirdespoisons–n’étaitpasdutoutunepeur.C’étaitunprétextepournepasm’ouvrirauxautres,endisantquejenepouvaisapporterquedelasouffranceentransmettantmesdémons.Maisjesais–jesais–que

jenepourraisjamaisfairedemalàunenfant–unbébéquiseraitmachairetmonsang.Etjesais,sanslemoindredouteputain,quetunepourraisjamaisfairedemalàquelqu’unpourtevengerdemoi.

Sesyeuxs’emplissentdelarmesquandillesbaisseuninstantetsecouelatête,saconfessionetlapurificationdesonâmefinissantparsefairesentir.Maisquandil relève lesyeuxsurmoi,bienqu’ilssoientnoyésde larmes, j’yvois tellementdeclarté, tellementde respect,que j’enai le soufflecoupé.Moncœurqu’ilm’avoléilyalongtempsluiappartient,sansl’ombred’undoute.

–C’est comme si des ténèbres immondes, dans lesquelles j’ai dû vivre toutema vie, sortait cetincroyablerayondelumière.

Savoixsebrise,une larmetombe,etnousrestonsassissurce lit,nus,avecnospassésétalésaugrandjour, lescœursmisànu,complètementvulnérables,etpourtant jenemesuisjamaissentieaussisûred’uneautrepersonnedetoutemavie.

Ilmetirelatêteenarrièrepourquejeleregarde.–Alors,est-cequetuesd’accordavecça?Je ne suis pas certaine de savoir exactement ce qu’il me demande, mais j’espère que mes

suppositionssontlesbonnes.

38

Colton

–Bonsang,j’aibesoindesavoirquetuesd’accordavecça,Ry?Je scrute son visage, pour y chercher le signe qu’elle me suit sur ce coup-là, parce que pour

l’instant,monputaindecœurbatlachamadeetmapoitrineseserreàchaquerespiration.Cesyeuxviolets–lesseulsquiaientjamaisétécapablesd’allervoirtoutdroitaufonddemonâme

toutcequej’yavaiscaché–repoussentleslarmesetessaientd’intégrercequejeviensdeluidire,c’est-à-direquecequejen’aijamaisvouluavant,jeleveuxmaintenantavecelle.

Deslendemains.Despossibles.Unputaind’avenir.Leputaindedrapeauàdamierultime.Etaufonddemoncœur,jesaisavecuneabsoluecertitudecequejeressenspourcettefemmequi

est entrée avec fracas dans ma putain de vie, m’a attrapé par les couilles – et aussi par le cœur,apparemment – et n’a jamais lâché. Je ne peux pas résister à la goûter brièvement pour calmerl’appréhensionquimetraverse,pourapaiserletumulted’uneâmequis’esttoujourscruevouéeàl’enfer.Jemepencheetjeposemeslèvressurlessiennes,puisantenellesl’assurancesilencieusequ’ellen’estmêmepasconscientedemedonner.

Jeregardemesmainsquitremblentsursesjoues.Jesaisquecetremblementn’arienàvoiravecmonputain d’accidentmais tout à voir au contraire avec la guérison de blessures si anciennes etmalreferméesdontjen’avaisjamaispenséqu’ellespourraientêtreguériesunjour.Jerelèvelesyeuxverselleparcequequandjeleluidirai,j’aibesoinqu’ellesachequ’ilyenapeut-êtreeubeaucoupavantellemaisqu’elleestlaseulequientendrajamaisça,putain.

–QuandnousétionsenFloride,jet’aiditquej’utilisaisl’adrénaline–leflou,lesfemmes–pourcomblerlevidequej’avaistoujoursressenti.Etmaintenant…

Jesecouelatête,ignorantcommentjevaispouvoiramenerlesmots,quitournentdansmaputaindetête,àformerundiscourscohérent.Jeprendsuneprofondeinspirationparcequecesmotssontlesplusimportantsquej’aijamaisprononcés.

–Maintenant,Ry, riende toutcelan’aplusd’importance.Tues toutcedont j’aibesoin.Toi.Et.Riend’autre.Etlesgarçonsdufoyer.Ettoutcequenouscréeronsensemble.

Desfrissonscourentsurmapeauetjesuissibouleversépartoutça–cemoment,cessensations,cetteputaindevulnérabilité–quejedoismeforceràdéglutirtandisquejefermelesyeuxunmoment.Etquandjelesrouvre,lacompassionetl’amourquejevoisdanslessiens–etlesimplefaitdevoirsonamour, de l’accepter – me procurent une euphorie qui accélère mon pouls et viennent à bout de ladernièrebarrièrevenuedemonpassé.

–Jet’aimeRylee.Jeledisdansunmurmure.Lepoidsquipèsesurmapoitrinesefracture,voleenunmilliond’éclats

enlibérantmonâmecommeun747quiprendraitsonenvol.

39

Ilm’aime.Cettepenséetournedansmonesprit,encoreetencore,enfaisantjaillirl’adrénalinedansmesveines.

Ilvientdemedirequ’ilm’aimait.Lesmotsmemanquentetunevaguedefiertéetd’amourpourcethommemesubmerge,m’enveloppe

dansuncocondepossibilitésetbalaielesderniersdoutesquejepourraisencoreavoir.–Colton…Jesuissibouleverséequejenetrouvepaslesmotspourluiavouercequej’aiattendusilongtemps

pourluidire.–Chut.Ilposeundoigtsurmeslèvrestandisqu’unsouriretimideseformesurlessiennes.–Laisse-moifinir.Jet’aime,Rylee.Sa voix est plus affirmée, maintenant qu’il commence à prendre ses marques dans ce nouveau

monde.Sonsourires’élargitetlemienaussisoussondoigttoujoursposésurmeslèvres.–Etjecroisquec’estdepuisledébut…depuiscettefameusesoirée.Tuétaiscepointlumineux–

cetteputaind’étincelle–dontjenepouvaispasmecachermêmequandlesténèbresmeréclamaient.BonDieu,Bébé,onatraversétellementdetrucs,putain,queje…

Ils’interromptcar les larmesaccumuléesdanssesyeuxdébordent,une larmeunique roulesursajoue.

Jehoquettelesanglotquej’airetenusilongtemps.Jeprendssonvisageentremesmains,sabarbenaissanterâpeuseestréconfortantesousmespaumes,etjepressemeslèvressurlessiennesaumomentoùilmeprenddanssesbrasetmetientserréecontrelui.J’appuiemonfrontcontrelesienetj’emmêlemesdoigtsdanssescheveuxdefaçonàpouvoirtirersatêteenarrièrepourvoirsesyeux.

–Jet’aime,Colton.Ilyasilongtempsquejevoulaistelediredenouveau.Jeris,incapabledecontenircebonheurquibouillonneenmoi.– Je t’aime, espècedemeccourageux, stupéfiant, compliqué,buté,magnifiquedont jenepourrai

jamaismelasser…

Seslèvrescapturent lesmiennes,etnosbouchesserejoignentpourunbaisersichargéd’émotionque jenepeux retenirmes larmesni lesmotsmurmurésque je libère etque je répète enbouclepourrattrapertoutletempsoùj’aidûlesempêcherdesortir.

Lescallositésdesesdoigtsmerâpentledosquandilmepressecontrelui,sapeaurugueusecontrela douceur demes seins rallume les flammèches de désir tapies au fond demon ventre.Nos languess’emmêlent,nossoupirsrivalisent,notrebesoins’intensifietandisquenousnouslaissonsallerdansunbaiserlentmaisquiéveilletotalementnossenstoutenengourdissantnotrecerveau.Lamoindreparcelledemoncorpsréclamelacaressedesesdoigtspartoutetn’importeoù.

Jebalance lecentredemondésirsur lapointedesonérectionenmême tempsquesa languemelaisse vulnérable et sans défense, enmemarquant de son sceau indélébile par son simple baiser. Jecaresseduboutdesdoigtslesmusclesfermesdesesépaulesavantdelesemmêlerdanssescheveuxpourcapturersatêtecommeill’afaitpourchaqueélémentdemonêtre.

Il tire en arrière, se dégageant de notre baiser, et je pousse un cri de protestation quand jem’aperçoisque jenepourrai jamais rassasier ledésirque j’éprouvepour lui. Je regarde ses cheveuxébouriffés et ses yeux pétillants avant d’être attirée par ses lèvres retroussées en un sourire quidéstabilise complètement les fondations demon univers.Du bout des doigts, il trace des lignes aussilégèresquedesplumeslelongdemacolonnevertébraletandisquej’essaied’interpréterlemessagequesesyeuxmecommuniquent.

–Laisse-moitefairel’amour,Ry.Savoixenrouéeparledésirestchargéed’affection.Combiendefoisencorecethommeva-t-ilmecouperlesoufflecesoir?Combiendefoisencore

va-t-ilmedonnerdesmorceauxdesonêtrebrisépourquejepuisselesteniretguériravecluipourlesrassembler?

Jeleregardeétonnée,unsourireseformesurmeslèvres.–C’esttoujourscequej’aifait.Jesecouelatêteetl’émotionmarquemesjoues.C’estbête,enfait,d’êtregênéeparmonaveuquand

nousavonspartagétoutcequ’ilyavaitentrenous,maisj’aimel’étincelledanssesyeuxetseslèvresquis’écartentquandmesmotslefrappent.Jepasseunemainlelongdesonbrasetjelaposesursoncœur.

–Moi,jet’aitoujoursfaitl’amour,seulementtunelesavaispas.Il semet à rire en changeant de position pour nous allonger sur les oreillers derrièremoi. Son

visagen’estqu’àquelquescentimètresdumien,soncorpsappuyésursescoudesetsesgenouxentremescuisses.

–Ehbien,maintenantnouslesavonstouslesdeux.Ilprenduneinspirationhésitantetandisquesonmembredressésepressecontremonsexe.Jefermelesyeux,etmoncorpstremblededésirsouslesiendansl’attentedel’assautdesensations

dévorantesquinevontpasmanquerd’arriver.–Regarde-moi,Ry.

J’ouvre les yeux en battant des paupières et je le regarde pourme perdre dans la beauté de sonvisage.

–Jeveuxteregarderpendantquejeteprends.Jeveuxteregarderpendantquetumelaissest’aimer.Ilpenchelatêteetagacemeslèvresavecuneffleurementdebaiseravantderetrouvermonregard.–Jet’aime.Endisantcesmots, ilmepénètreet jepourrais jurerquedesétincelles s’allumentaumomentde

notreunionparceque, cette fois, il y aplusdanscet actequ’une simple connexionphysique.C’est laréuniondenoscœurs,denosâmesetdetoutcequ’ilyaentrelesdeux.Jeregardesesyeuxsevoilerdedésirets’assombrird’émotionquandilprendtoutesaplaceenmoi.

–DouxJésus!Ilgémitencommençantàsemouvoirenmoi,passantsurchacunedemesterminaisonsinternes.Mon

corpsréagitinstinctivement,meshanchesseredressent,moncorpssecambrepourquejepuissetirerlemoindrefragmentdeplaisirdecethommeincroyable.Jesuisassailliedesensations.Leglissementdesapeau sur lamienne.Le désir sans retenue et l’amour libéré dans son regard.Le douxgémissement deplaisirdufonddesagorge.Laboufféedechaleurquim’enveloppequandilsepresseenmoienfaisantdescerclesdeseshanchesavantdeseretirerlentementpourreplongerettoutrecommencer.

Moncorpsvibresousl’effetdecebouquetsensuel–unecollisiondetouslessensavecuntimingparfaitauqueljenepourraispaséchappermêmesijelevoulais.

LapressionmonteetleplaisirmecatapulteàunehauteurétourdissantetandisqueColtontrouveunrythmerégulierquiluipermetdeprendresontemps.Sesyeuxsonttoujoursaccrochésauxmiens,maisjevoisqueleplaisircommenceàatténuersonbesoindemeregarderquandilfermelesyeuxunmoment,lamâchoirecrispéeparlaconcentration,lespaupièreslourdesetlesnarinesdilatées.

–Colton…Jegémisquandundésird’anéantissementcommenceàmetraverser,quemesmusclessetendenten

préparation de l’assaut de sensations qui est tout proche. Quand je prononce son nom, il change deposition, fait courir sesmains sur toute la longueur demon corps tandis qu’il s’assied sur ses talons.Ellespassentlégèrementsurlesommetdemonsexe,sonpouceeffleuremonclitoris,cequimefaitruerdeshanchespourréclamerplus.

Lesridesdeconcentrationsursonvisages’estompentquandseslèvresseretroussentenunsourirelascif.

–Tuenveuxencore?Je ne peux qu’acquiescer de la tête,mesmots sont perdus dans l’assaut demes sensations. Ses

doigts,attentifsàmontatouagetoutneuf,attrapentlapartiecharnuesurlecôtédemeshanches,metenantfermement,sonsouriredansetoujourssurseslèvresetsesreinscontinuentleuralternancedecoupsdeboutoirs exquis et de retraits. Je ne peux rien faire d’autre queme concentrer et essayer de gérer sesassautsdévorants.Luisoutientmonregardetmefaitmonterdeplusenplushaut.Mescuissessetendentetmatêteretombeenarrièretandisquelaforcedemonorgasmeimminentculmine.

Etpuisrien.

Coltoncessetoutmouvement,mevolantmonorgasmeparsonabsencesoudainedemouvement.Frustrée,jelèvelatêtebrusquementpourleregarderetjecroisesesyeuxvertsbrillantsd’hilarité

contenue.Ilsepencheenavant,sonmembresurchauffépousseàdesprofondeursinimaginablesenmoi,tirant

demoiunirrépressiblegémissementquejen’essaiemêmepasd’arrêter.Sesmainsramènentl’arrièredemescuissesversl’avanttandisquesonvisageemplittoutmonchampdevision.Jesenslachaleurdesonsoufflehaletantsurmonvisageetjevoissesmusclessetendrequandilcontrôlesonbesoindedonnerdescoupsdeboutoirenunabandonirréfléchiquinousmèneaubordduprécipiceviteetfort,commejesaisqu’ilaime.

–Putain,Bébé,tuesdivine.Ilsepencheenavanteteffleuremeslèvresdessiennes.Ilmesurprendenpoussantsalangueentre

mes lèvresetdominecebaiserde lamêmefaçonqu’ildominemoncœur. Jesenssoncontrôlequi serelâche,jesenschaquecentimètredesonmembresedévelopperàl’intérieurdemoi.Jesavoureledésirquicroît,lebesoinquiexcèdelaraison.

Sabouchememarqueetmerevendiquetandisquesoncorpsrecommenceàsemouvoir–prenant,excitant,poussantlemienàacceptersondéfi.Lefeuliquideserallumeunefoisencore,lalavefonduecarboniseet ravive la fournaisequ’il vient justedemecontraindreàquitter. J’avale songémissementtandisqu’ils’enfonceplusprofondémentenmoi,desétincellesdeplaisirfulgurantmettentlefeuàtousmessens.

Ilmordillemalèvreinférieureetinterromptnotrebaiserquandilcommenceàaccélérersontempo,ilpénètreenmoiavecunepassioneffrénéetoutenlaissanttombersonfrontsurmonépaule.Moncorpssemetàtremblersousl’intensetiraillementdemonventretandisqu’ilcontinueàcerythmeinfernal.Lachambrerésonnedemesgémissements,desesgrognementsinarticulésetduclaquementdesapeaucontrelamiennequandilm’entraîneversdeshauteursvertigineuses.

Sesdents,eneffleurantmaclavicule,ontraisondemoi.Unplaisirsansmélangesesaisitdemoi,moncorpssecontracteautourdeluiettombeenchutelibredansunravissementoublieux,etjemelivreàluicorpsetâme.

J’ai toutoublié– ilm’a fait toutoublier– sauf sonodeur, sesbruits, songoût, son toucher.Moncorpsplongedanscettevaguedesensations,sonnomsurmeslèvres,noscorpsunisquin’enfontplusqu’un.

–C’esttellementsexydeteregarderquandtujouis.Sabarbenaissantegrattelapeaudemoncou,soncorpss’immobilise,puisilrecommenceàalleret

venirenmoilepluslentementpossiblepourprolongerlesderniersfeuxdemonorgasmequis’étireenmoi. Mon sexe palpite et se contracte autour de sa queue, mes ongles labourent ses épaules et jem’accrocheàchaquepousséedeplaisir.

–Putain,Ry,c’esttropbon,putain!Il gémit quand le mouvement saccadé de ses hanches et mon propre orgasme commencent à

déclencher le sien. Très vite, Colton est de nouveau à genoux, il relève mes cuisses et ses hanches

cognentcontremoipendantqu’ilœuvrepouratteindresaproprejouissance.–Vas-y,Bébé.J’essaiederépondreàsescoupsdeboutoir,m’abandonnanttotalementàsesmoindresdésirs.Songrognementgutturalrésonnedanslachambrequandilatteintlepointculminantetquesoncorps

frémitetsetendtandisqu’ilsurfesurlavaguedesonplaisir.L’instantd’après,ilnousfaitrouler,noshanchessont toujoursconnectéesdansunepositiondesplusprimitivessibienquejesuisallongéeau-dessusdelui,majouesursapoitrineoùj’entendssoncœurbattreàserompre.

Nous restons comme ça un moment, traçant du bout des doigts des lignes sur nos peaux nues,reprenantnotresouffleetattendantquelerythmedesbattementsdenoscœursralentisse.Lesilencequinousentoureestsiconfortable,sansdémonspourhanterlescoinssombres.Biensûr,unepartdeluiseratoujourshantéeetcabossée,maispourlapremièrefoisdesavie,ilaquelqu’unàquiilpeutseconfier.Quelqu’unquipeutl’aideràallégersonfardeau,àguérir.

Cettepenséemefaitsoupireretjemesenscombléequandilposeunbaisersurlesommetdemoncrâne.

–Jet’aime.Jesuistoujoursbouleverséepartoutcequiachangépendantcettesoirée.Sesdoigtscontinuentàse

baladerauhasardlelongdemacolonnevertébrale.Jefermelesyeuxpoursavourerlasensationquemeprocurentnosdeuxcorpsserrés l’uncontre l’autreet la simplicitédesacaresse.Et, toutàcoup,monTOCseréveilletandisquejereconstituementalementleslettresquesesdoigtstracentsurmondos,etjebougelatêtesibienquemonmentonreposesurmesmainsposéessursonsternum.

–Quoi?Ilsouritd’unair innocentet jevoisdanssesyeuxcetteexpressionmalicieuseque j’adoreetque

j’attendsdelui.Jemecontentedehausserunsourcilinterrogateur,etleroulementdesonriretraversesapoitrineetlamienne.

–L’alphabet,Ace?J’essaiederéprimermonsourire,envain.–Ouais,jevoisl’alphabetsousunjournouveaudepuisquelquetemps.Ilarrêtedetracerdeslettresetmecaresseledosendescendantjusqu’au-dessusdemesfesses.Unsoupirprendledessussurmonrirequandillessaisitàpleinesmains.Jesensledésirquicouve

enpermanencecommenceràseraviver.Sonsexesedurcitànouveauenmoietlamoiteurseconcentrequandledésirestaugmentéparlatotaleconnexiondenosdeuxcorps.

–Etc’estquoi,talettrepréférée,aufait?Ilpartd’ungrandrirequisecouesoncorpsetserépercute jusqu’auboutdesaqueue,maintenant

réveilléeetintégralementenfoncéeenmoi.–OhBébé,biensûrj’aiunfaiblepourtonV.MaistonQnemanquepasd’attraits,luinonplus.Jen’aimêmepasle tempsderireàcetteblagueringardeparcequec’est lemomentqu’ilchoisit

pour donner un coup de boutoir entraînant mon corps avec le sien, sa peau frotte mes tétons et fait

remonterungémissementdeplaisirdu fonddemagorge.Mesyeux se ferment etmoncorps s’amollitsoussesmouvementsquidécuplentlesréactionsdemachairdéjàgonfléeparsacaresse.

–SeigneurDieu!Jesoupirequandilmesortdemonétatcatatoniquepost-orgasmiquepourmefairetombersousson

charme,unefoisdeplus.

40

Colton

LesoleilsurmapeauestaussiagréablequelabièrebienfraîchequicouledansmagorgeetlavuedeRyleepliéeendeuxdevantmoi.Putain,iln’yapasd’autremot,maisjemedisquej’aidespenséespastrèsconvenables,surtoutaveclesgaminsquisontlà.

Est-cequeçanes’arrêterajamais?Cetteenvied’êtreprèsd’elle?Enviedelaregarderdormiretdemeréveilleràcôtéd’elle?Cebesoindem’enfoncerenelle.Iln’yaquetroisheuresquenousavonsquittémonlitet,putaindeDieu,jevoudraislaramenerlà-haut,toutdesuite,pourlaprendreencore.

–Baslespattes!Ça,c’estlavoixquimeferafondre.–Çabiche,Becks?– Apparemment moins bien que toi, mais il va t’arriver des bricoles si tu continues à la mater

commesituvoulaislaculbutersurcettechaiselonguepourlabaiserjusqu’àcequ’elleoublietout.Ilprendunelonguegorgéedesabière.Cen’estpasunemauvaiseidée.Jegrogne.–Mercipourl’image,mec,parcequeçan’aidepasvraiment,làtoutdesuite.Je lève lesyeuxaucielensecouant la têteavantde regarderautourdemoipourvérifierque les

gaminssontassez loinetqu’ilsnerisquentpasdenousentendreparlerdeceque je feraisbienà leurtutricetellementsexy.Ilfautdirequ’elledonneraitdesidéesàplusd’un.Jechangedepositionsurmachaiseenlaregardants’accroupiretajusterlehautdesonmaillotavantdebadigeonnerZanderd’écransolaire.

Jerepenseàsoninquiétudetoutàl’heureaumomentdechoisirquelmaillotelleallaitmettrepourrecevoir les garçons qui venaient s’amuser dans la piscine. Même avec le une-pièce rouge qu’elle

trouvaitmémère,chacunedesescourbesestétaléecommesurunecarteroutièrequimedonneenviedel’emporterpourdesessaissurroute.

Attention,courbesdangereuses?PutaindeDieu.C’estpourmoi.Jesuisunhommequiaimevivredangereusement.Lepiedquejeprends!Etçamedémanged’attraperlescléssansplusattendre,putain!

Àfondetautaquet,commeondit.–Àvoirtonairbéat,leschosestournentbienpourtoi,ondirait?Beckss’assiedàcôtédemoietmesortbrutalementdemespenséescochonnes.–Plutôtbien,oui.Jefaissauterlacapsuled’uneautrebouteilleetjeboisuncoup.–S’ilteplaît,nemedispasquetuvasdevenirlevraipetithommed’intérieur,ettoutlebordel.Tu

nevaspasmefaireça!–Unhommed’intérieur?Putain,non.Jerigole.–Même si je dois admettre que cette nana est superbandante, perchée sur ses talons, en trainde

pousserunCaddiedesupermarchédevantmoi.Endisantça,jerevoislascène,etrienquecetteidéemedonneenviedelaprendre.–Toi–ColtonDonavan–tuasmislespiedsdansunsupermarché?–Ouaip!Jehausselessourcilsetsourisenvoyantsonétonnement.–Etc’étaitpasseulementpouracheterdescapotes?Jenepeuxpasm’enempêcher.J’adorelefairemarcher.–Nan,c’estplusnécessairequandtuastacartedemembreassiduduclubdebarebacking.–SeigneurDieu,mec,tuveuxvraimentquejem’étrangleavecmabière!Ilessuiesursonmentonlabièrequ’ilvientderecracher.–J’aiautrechoseàtedonnerpourt’étrangler,jeluimurmurealorsquemonregardestdenouveau

attiréparRyleequisepenche,monsexeenétatconstantdesemi-érectionnedemandequ’àsedéployer.Jesuissifocalisésurelleetlesidéessalaces,maisohlàlàsigéniales,decequejevaisluifaireplustardquejen’entendspascequeBecksmedit.

–Hein?–Mec,tuescomplètementenvoûté,tusaisça,enfoiré?Jeleregarde,prêtàdéfendremaputaindevirilité,quandjemerendscomptequ’elleestjustement

làoùj’aienviequ’ellesoit,entrelesmainsdeRylee–lemélangeparfaitdesucreetd’épices.Alors,jerisenportantmabièreàmeslèvresetjehausselesépaules.

–Tantquec’estsachattequim’envoûte,jejouelejeudumatinausoir,bordel!Beckss’étrangledenouveaumaisderirecettefois,etjeluitapedansledostandisqueRyregarde

dansnotredirectionpours’assurerqu’ilvabien.–BonDieu !Çadoitvraimentêtre lameilleureenfoiréedechattemagiquedumondepouravoir

réussiàapprivoiserceputaindeColtonDonavan.

–Apprivoisé?Jamaisdelavie.Jericaneensecouantlatête,etjem’appuieaudossierdemachaisepourleregarder.–Maisgrâceauxconseilsd’unconnard–euh,d’unami–, jemesuis renducompteàquelpoint

j’aimel’alphabet,putain.–Donc,cetamimériteraitunepleinecargaisondebièreenremerciement.Çaouunsuperbeaupetit

culenéchange.Jeluisuisreconnaissantdesessarcasmesquim’évitentd’aborderlesgrandssentimentsettoutle

merdieraveclequeljenesuispastrèsàl’aise.Jecommencetoutjusteàm’habitueràparlerdeçaavecRy,cen’estpaspourmemettreàverserdanslesentimentalismeavecBecks,çac’estsûr.

–Elleaunecopinesuperbandante.Jehausseunsourcil,cequimevautungrognement.C’estcequejeluiavaisditlesoiroùjel’avais

persuadéd’inviterRyàveniràLasVegasavecnous.–Ça,c’estvrai.Maisavantquejepuisseréagir,Aidenfaitunebombedanslapiscineetnouséclaboussedespieds

àlatête.Onsemetàrire,laremarqueestoubliéeetnoslunettesdesoleiltoutéclaboussées.–Hé!Jetournelesyeuxversluidenouveau.–Ilfautbienqueje tefasseunpeuchier,parcequ’onfonctionnecommeçatoietmoi…maisen

réalitéjesuisvraimentcontentpourtoi,Wood.Maintenant,t’aspasintérêtàtoutfairefoirer.Jeluisouris.Quelenfoiré!–Mercipourtaconfiance,mec.–Yapasdequoi,mec,yapasdequoi.Nousrestonscommeçaunmoment,sansparler,enregardantlesgaminsquisecomportentcomme

ilssontcenséslefaire,commedesgamins.–Alors,t’esprêt?Becksme tire demes pensées etme ramène à ce sur quoi je devraisme concentrer, en fait : la

coursedelasemaineprochaine.Premierretoursurlecircuitdepuisl’accident.Lepiedauplancheretleprochainvirageàgauche.Etilfautbiendirequerienqued’ypenser,matensionmonteenflèche.

Maisjegère.–Putain,jesuisprêtdepuisquejesuisné.Jecognelegoulotdemabièrecontrelasienne.–Ledrapeauàdamierestàmoi.–C’estsûr,putain!Ilbaisselesyeuxsursontéléphoneparcequ’ilvientderecevoiruntexto,alorsmonregarddérive

versRyleeetjerepenseàunecertaineculottedécoréed’undrapeauàdamierquejenesuisjamaisalléchercher.Putain,ilvafalloirquej’yremédievitefait.

Jesecouelatêteenmelaissantretomberdansmachaiselongueetjeregardelesenfantsquisautentdanslapiscineetseprovoquentlesunslesautres.Jemeredresseetj’attendsqueçaarrive,maisnon,

rien ne se passe. Ce putain de pincement de jalousie que j’avais avant, quand je voyais des garçonss’amuseràdesjeuxdeleurâge,cequemoi,jen’avaisjamaispufaire.Parceque,mêmeaprèsavoirétéadopté,lapeurétaittoujourslà,toujoursaussivive,putain!

Rylee interceptemonregarddepuis l’autreboutde la terrasse, lescoinsdeces lèvresaussi sexyqu’unpéché s’écartent enun large sourire etme font courir, putain.Mes couilles se contractent etmapoitrineseserrequandjepensequec’estmoiquisuscitecesourire.Cettenanaestmonputaindepointfaible.

Quid’autrequ’elleaurais-jeautoriséàinviterseptgaminsàvenirsebaignerdansmapiscinepourcélébrerl’arrivéedel’été?Avecquelleautrefemmeaurais-jepupartagermesdémonssansqu’ellesebarreencourantcommeunéclair,quandelle,aucontraire,meregardedroitdanslesyeuxetmeditquejesuiscourageux?Quid’autre se feraitmarquer lapeaude façon indélébilepourmeprouverqu’elleetmoi,c’estfaitpourdurer?

Putaindebordeldedrapeauxàdamier,d’alphabetsetdedraps.Àpartirdequandest-cequetoutcebordelm’asemblénormal?

Jesecouelatête,enfaisantcommesijenevoulaisriendetoutça,maisjedoisbienadmettrequedèsquejeregardeailleurs,danslasecondequisuit,jelacherchedesyeux.

Je lève labière fraîchequeBecksme tendet jecommenceàboireunegorgéeen le regardant. Ilsecouelatêteensemoquantdemoi.

–Quoi?–Putain,jesuissûrquetuvasl’épouser!C’est àmon tourdem’étrangler avecmabière. Jemeplieendeux,prisd’unequintede toux, et

Becksmetapedansledos,unpoiltropfort,àmonavis.–Toutvabien?Jel’entendscrier,tandisquej’essaiedecontrôlerlatouxmêléederirequimebrûlelagorge.–Toutvabien?J’entendsl’amusementdanssavoixquandillerépète.–Dégage,Becks!Jeréussisfinalementàreprendremonsouffle.–Çarisquepasd’arriver!Niallianceniattaches.Jecitenotrevieilledeviseenriant.Etpuis je lèvelesyeuxpourchercherRy.Elleestdel’autre

côtédelaterrasseauborddelapiscine,unDietCokeàlamain,lesgarçonsjouentàMarcoPolo 1etellefait l’arbitre.Ricky se fait prendre commeunbleu etRylee rit aux éclats à quelque chose que lui ditScooter.

Etilyaquelquechosechezellemaintenant–sescheveuxéclaircisparlesoleil,uneinsouciancedanssonrireetl’aird’êtreclairementamoureusedetoutlemondeautourd’elle.Quelquechosedanssafaçon d’être avec les gamins, de leur rendre la vie normale dans un lieu qui n’a jamais été un foyerjusque-là–avantelle–quimefrappeencoreplusfortqueceputaindedébutantdeJamesonapulefaire

enFloride.Etquimefaitpenseràdes«pourtoujours»et toutça,qui, ilyaàpeinesixmois,nemeseraientjamaisvenusàl’esprit.

C’estsûrementBecksquim’amisçadanslatête.Quim’aembrouillé.Cesalaudferaitbiendelafermeràproposdetrucsquin’arriverontpas.

Jamais.Alors,pourquoiest-cequejemedemandecommentelleseraitenblanc?Pourquoiest-cequejeme

demandecommentçasonne,RyleeDonavan,sionledittouthaut?Jamais.J’essaiedemechassercesidéesdelatête,maisellesyrestentetmefontflipper,putain!–Çarisquepasd’arriver,putain.Jerigole,nesachantpasexactementsic’estpourconvaincreBecksquejemelerépèteoupourme

convaincremoi-même.JeregardedenouveauRyleeuninstant.Vendrelapeaudel’ours,commeondit.PutaindeBeckett!

–Apprivoisé,c’estunechose,enfoiré.Maislebouletaupied?Jepousseunsifflement.–C’estuneautrepairedemanches.Pasdutoutmontruc.Jesecouelatêteenvoyantsonsourirefaux-culetjemelèvedemachaiselongue.–Jamais.–Onverrabien.J’aimeraiseffacercesouriresuffisantdesonvisage.–Mec,tusensça?Jelèvelesbrasetjedirigemonvisageverslesoleilavantdemeretournerverslui.–Hein?–Onappelleçalachaleur,Daniels.L’enfernepeutpasgelertantqu’ilfaitchauddehors,etcen’est

pasdemainlaveillequelespoulesaurontdesdents.Jevaisversleborddelapiscine.Findeladiscussion.Plusd’histoiredemariageettoutça.Ilveutquejefasseunecrisecardiaqueouquoi?Putain.–Bombe!Jesautedansl’eauenespérantprovoquerplusdebordeldanslapiscinequecequeBecksessaiede

memettredanslatête.

1.Jeuquisejoueàplusieursjoueursdansunepiscine.(NdT)

41

Une impression de déjà-vu me tombe dessus quand je descends du 4x4 devant Colton. La chaleurhumidedeFortWorthmefrappeinstantanément,maislasueurquidégoulinedansmondosn’arienàvoiraveclatempératuremaistoutavecl’angoissequim’étreint.

AusujetdeColton.Etausujetdelavoitureverslaquellenousmarchons.Jesaisqu’ilestnerveux,jelesensàlafaçondontilserremesdoigtsenlacésdanslessiens,mais

sonapparenceextérieurenereflèteriend’autrequ’unhommequiseprépareàfairesonboulot.Lesgensautourdenousbavardent sansarrêt,maisColton,Becksetmoi traversons le terraincentralcommeunseulhomme,totalementconcentrés.

Je m’efforce de repousser les souvenirs qui assaillent mon esprit, de paraître calme, même sichaquefibredemonêtreestenpleineébullition.

–Çava?Savoixrauquemebouleverse,jeculpabilisedevoirqu’ils’inquiètepourmoialorsquejedevrais

lerassurer.

Jesuisincapabledeluimentir.Illesauraitetçaneferaitquel’inquiéterencoreplus.Ladernièrechosequejeveux,c’estqu’ilpenseàmoi.Jeveuxqu’ilsoitconcentréetsûrdeluiquandilbouclerasaceintureetqu’ilconduiraledrapeauvertjusqu’audrapeauàdamier.

–Çavaaller.Je respire et je serre samainquandnous arrivons aux standsoù attend la fouledephotographes

venuspourimmortaliserleretourdeColtonsurlescircuitsaprèsl’accident.Lesclicsetlesquestionsquifusentnoientsaréponse.Alorsquejesuisdeplusenplustendue,Coltonsemblesedétendreunpeu,àl’aisedanscetenvironnementcommedansunesecondepeau.

Etjeprendsconsciencequ’alorsquetoutcecim’estétrangeretmemetsmalàl’aise,celafaitpartiedu flou dans lequel Colton résidait de façon permanente, avant. Entouré de cris et de flashes, il est

parfaitement dans son élément.Ce chaos absolu lui permet d’oublier l’inquiétude qui empoisonne sespensées,etjemesenssoulagée.

Jefaisunpasdecôtéetjel’observerépondreauxquestionsaveccepetitsouriredésarmantquimetouche à chaque fois. Et j’ai beau voir le bad boy arrogant qui transparaît derrière chacune de sesréponses, jevois aussiunhommequi s’implique totalementdans le sportqu’il adore etdans laplacequ’ilyoccupe.Unhommequiregagneàchaqueréponsedesmorceauxdelaconfiancequ’ilaperduesurlecircuitdeSt.Petersburg.

Autantjeredouteletraditionnel«Messieursdémarrezvosmoteurs»,autantjesuis,quelquepart,soulagéedelevoirrevenir.Monvoyoutéméraireetrebellearetrouvésesmarquesetvientreprendresaplace.

***

Lesilencesefaitautourdenous–lebrouhahadiminuejusqu’àn’êtreplusqu’unbourdonnementàmesureque lesminutes s’écoulent, nous rapprochant irrémédiablementdudépartde la course. Je sensgrandir l’agitationdeColton, je le vois dans sesmouvements incessants, et j’aimerais qu’il trouveunmoyende sedétendreunpeu,mais j’aipeurqu’il sente lamienneetquecelane fassequ’empirer leschoses.

JelevoisjeterlepapierdesonSnickersdanslapoubelleàcôtédeluienconsultantleplanningdesarrêtsaustandavecBecksetcertainsdesmembresdesonécurie,levisageconcentrémaislelangageducorpsfluide.Jel’observequandils’écartepourregardersavoiture,latêtepenchée,leregardfixe–pourunéchangesilencieuxentrel’hommeetlamachine.Ils’enapprochelentement,lesmécaniciens,occupésàfairelesderniersréglages,reculent.Iltendlamain,lapassesurlemuseauetremontejusqu’aucockpitdupilote,enunesortedecaresse.Puisilcognesesquatrecoupshabituelssurlecôté.Auderniercoup,ilgardelepoingposésurlemétalunesecondeavantdesecouerlatête.

Etmalgré le chaosdespréparatifsdedernièreminutequi sedéroulent autourdemoi, jenepeuxdétacherlesyeuxdelui.Jemerendscompteàquelpointjemetrompaisquand,assiseàcôtédesonlitd’hôpital, j’espéraisqu’ilallaitabandonner toutça.Àquelpoint luidemanderd’abandonner lacourseseraitcommeluidemanderderespirersansair.D’aimersansêtrelapersonnequ’ilaime.Ilalacoursedanslesang–unenécessitéabsolue–etçan’ajamaisétéaussiévidentqu’encemoment.

Jemedemandesicettecourseseradifférentepourluisanslapressionconstantedesesdémonssursestalons,delanécessitédeconduireplusvite,depousserplusloinpourlesdistancer.Est-cequeceseraplusfacileouplusdifficilesanslamenacequil’apoursuivitoutesavie?

Lebourdonnementduhaut-parleurdispersemespenséesetlemomentderéflexiondeColton.Quandil regardepar-dessus son épaule, sesyeuxviennent immédiatement seposer sur lesmiens.Un souriretimideflottesurseslèvres,prouvantquenotreconnexionestsiprofondequenouspouvonsnouspasserdemots.Etcesentimentn’apasdeprix.

Desgenss’agitentautourdenous,maissansmequitterdesyeuxilcognedeuxfoisdeplussurlecapotavantdeseretourneretdevenirversmoi.

–Tulancesunenouvelletradition?Jeleregardeavecunhaussementdesourcils,unsourired’unmètredelargeetlecœurdébordant

d’amour:–Deuxdepluspourplusdechanceouquelquechosedugenre?–Nan.Ilsouritenfronçant lenezde la façon laplusadorablequisoit–un telcontrasteavec les lignes

affirméesdesonvisagequemoncœurfond.–Toutelachancesupplémentairedontj’aibesoinestdevantmoi.Il se penche versmoi, pose le plus tendre des baisers surmes lèvres et laisse sa bouche sur la

mienneunmoment.Des émotions rivalisent en moi – s’y font la guerre en fait –quand j’essaie de me dire que sa

soudaineaffectionn’estpasdueaufaitquelespuissancesdudestinlà-hautm’offrentunderniersouvenirde luiparcequequelquechosedemauvaisva seproduireencoreune fois. J’essaiedésespérémentdeluttercontreleslarmesetdeprofiterdumoment,maisjesaisqu’ilsait,jesaisqu’ilperçoitmonmalaise,parcequ’ilprendmonvisageentresesmainsets’écartepourmeregarderdanslesyeux.

–Toutvabiensepasser,Ry.Ilnevarienm’arriver.Jem’oblige àm’imprégner de la certitude absolue que j’entends dans sa voix pour pouvoirme

détendreunpeuetêtrefortepourlui.Jehochelatêtelégèrement.–Jesais…–Bébé,leCielneveutpasencoredemoi,etçam’étonneraitquel’enferarriveàmegérer,alorsje

croisquetuescoincée,tuvasdevoirmesupporter.Ilmedécocheundeces sourireséclairquiporteen lui toutceque jedétestais avant– soncôté

imprévisible,aventureux,arrogant–etquimaintenantallumeenmoiundésirquejenecontrôlepas.–Tesupporter,c’estça?Ilsepencheetapprochesabouchedemonoreille.–Jepencheraisplutôtpourtepénétrer.Sonsoufflechaudcontremonoreillefaitcourirdesfrissonstoutlelongdemacolonnevertébrale.–Alors,s’ilteplaît,s’ilteplaît,dis-moiquetuportesquelquechoseavecundrapeauàdamierque

jepourraivenircherchertoutàl’heureparcequejeneteracontepasàquelpointj’aienviedetejetersurmonépaulepourfaireuntourd’essai,làtoutdesuite.

Toutmon corps se tend. Peut-être est-ce l’effet de l’adrénaline et de l’excès d’émotions quimesubmerge dans ce moment si précieux qui nous a été volé brutalement il y a des mois, mais c’estexactementcequejevoudraisqu’ilfasse,putain!

–J’adorequ’unhommesoitprêtàquémander.Mesdoigtsjouentaveclescheveuxquibouclentpar-dessuslecoldesacombinaisondepilote.

–Tun’aspasidéedeschosesquejesuisprêtàquémanderquandils’agitdetoi,monchou.Jeletrouvedésarmantaveccesourirevoyouetcesparolesquimecoupentlesouffle.–Deplus,quandjequémande,tugémisetputain,ça,c’estlesonleplussexyquejeconnaisse.J’exhaleunpetitgémissementdefrustration.J’aidésespérémentbesoinetenviedeluiquandjene

peuxpasl’avoir…etjesaisquec’estexactementpourçaquemondésirestsiintense.Jecommenceàparler,mais je suis interrompuepar lespremiers accordsde l’hymnenational.Coltoncontinueà tenirfermementmonvisagedanssesmainsetmeregardeencoreunmomentavantdeposerunbaisersurmeslèvresetsurmonnez,puisdeseretournervers ledrapeauenretirantsacasquetteporte-bonheuretdeposersamainsursoncœur.

Pendantquel’hymnes’achève,jeprendsuneprofondeinspirationpourmeprépareràvivrecequivasuivre–pourêtreforteetnepasluimontrerquemapeuresttoujourslà,endépitdesescertitudes.Etalors,lechaoss’installeautourdenousdanslesacclamationsdelafoule.

Coltonestharnaché,enrubanné,fermetureàglissièreremontée,gantsenfilés.Lesmoteurssemettentàrugirunpeuplusloinsurlaligneet leurvrombissementserépercutedansmapoitrine.Ilestdanslazone,ilécouteBecksetsepréparepourlatâchequil’attend.

La superstition me dit d’aborder cette course différemment. De repasser derrière le muret sansl’aidedeDavis.Denepasrépéterlesmêmesgestespourqueletempsneserépètepas.Etc’estalorsqu’ilm’appelle.Réduisantànéantmesbellesrésolutionsavecleséchardesdelanostalgie.

–Rylee?Immédiatement, je lèvelesyeux, lesoufflecoupéparsesmotset lessouvenirsdoux-amersqu’ils

évoquent,etjeleregardevenirversmoiàgrandspas,rejetantd’unhaussementd’épaulesl’objectiondeBeckettàproposdelapertedetemps.

Meslèvress’entrouvrentetmonfrontseplisse.–Oui?Iltendlesbras,avecjustecepetitmurcommebarrièreentrenous,etilcollemoncorpscontrele

siensibienquenoscœursbattentl’uncontrel’autre.–Tupensaisvraimentquecettefois-cij’allaistelaisserpartirsansteledire?Lesouriresurmonvisagefaitaumoinsunmètredelargeparcequej’aimalauxjoues.Leslarmes

memontentauxyeux,maiscettefoisellesnesontpasduesàlapeur.Maisàl’amour.Àl’adorationinconditionnellequej’éprouvepourcethommequimeserrecontrelui.–Jet’aime,Ryles.Ilprononcecesquatremotstrèsdoucement,desavoixrauque,maismêmeavectoutcequisepasse

autourdenous–lesmoteursquirugissent,lestribunesbondées,lescraquementsdeshaut-parleurs–,jel’entendsclairement.

Sesmots s’enroulent autour demon cœur, s’infiltrent dans ses fibres et nous lient l’un à l’autre.J’exhaleunsouffletremblantetjeluisouris.

–Jet’aime,moiaussi,Ace.

Ilsouritd’unairsatisfaitavantdeposerunbaisersurmeslèvresquimefaitfrissonner.–C’estlemomentdudrapeauàdamier,Bébé.–C’estlemomentdudrapeauàdamier.–Rendez-voussurlaligned’arrivée.Ilme fait un clin d’œil avant de se retourner et de rejoindre lesmembres de son équipe qui se

tiennentimmobilesenattendantleurpilote.Jelesregardel’aideràenfilersoncasque,hypnotiséeàlafoisparl’amouretparlapeur,puisje

laisseDavism’accompagnerenhautdesmarches,danslaloge,d’oùjepourrairegarderdepuisunpostesituéenhauteur.Jemetslecasqueaudiotoutenregardantpar-dessuslarambardeetjelesvoisattachersonsystèmeHANS,bouclersonharnaisetinstallerlevolant.

–Vérificationdelaradio,Wood.Lavoixdésincarnéedel’observateurmefaitsursauter.–Checkun,deux.Un,deux.On n’entend plus rien et je regarde en bas comme si je pouvais le voir à travers son casque et

l’équipequil’entoure.L’observateurfaitunautreessai.–Un,deux.–Check,A,B,C.LavoixdeColtonmeparvienthautetclair.–Wood?L’observateurrappelle,décontenancé.–Çava?–Jamaisétéaussibien?C’étaitjusteunappelàl’alphabet.Etmanervositésedissipeimmédiatement.–L’alphabet?–Ouaip.DeAàcetenfoirédeZ.

***

Quinlan m’agrippe la main tandis que je regarde le compteur en haut de l’écran qui indique lenombredetoursrestants.

Dix.Encore dix tours pour passer par toute la gamme des émotions possibles – de la nervosité à

l’excitation, de la frénésie à l’espoir, et l’amour bien sûr – comme je l’ai fait pendant les deux centtrente-huitdernierstours.Jemesuislevée,jemesuisassise,j’aidéambulé,j’aihurlé,j’aipriéetj’aidûmerappeleràl’ordrepourpenseràrespirer.

–Ilvaréussirsoncoup.

Quinlanmeserrelamainencoreplusfortetalorsquejesuisd’accordavecelle–Coltonvagagnercettecourseets’auréolerdegloirepoursonretoursurlescircuits–,jeneveuxpaslediretouthaut,depeurdeluiporterlapoisse.

JebaisselesyeuxversBecksquiéchangequelquesmotsavecunmembredel’écurie,leurstêtessetouchentpresquetandisqu’ilsgribouillentquelquechosesurunboutdepapier.Jeneconnaispasgrand-choseà lacourseautomobile,maisassezpourcomprendrequ’ils s’inquiètentque leursestimationsdecarburant laissent si peu demarge que Colton pourrait bien carburer aux vapeurs d’essence, au senspropre,danslederniertour.

Jeregardelenombredetoursquidiminue,aveclepoulsquis’accélèreetl’espoirquimontedansmoncœurquandlechiffrecinqs’affiche.

–TuasMasonquiremonteviteetfortsurlecôté?L’angoisseestperceptibledanslavoixhabituellementsiimpassibledel’observateur.–Bienreçu.C’esttoutcequeColtonditenguisederéponseetonperçoitlaconcentrationquirésonnedanssa

voix.–Ilenveut,criel’observateur.Jejetteuncoupd’œilaumoniteurdevantmoipouravoirunevisionplusrapprochéedecequise

passesurlapiste,etl’impatiencetendmoncorpstandisqu’ilsentamentletroisièmetouravantlafin,cesmonstresdemétalquisedéfientàdesvitessesinfernales.Toutlemondedanslalogesepencheenavantpourmieuxvoir.Jeserrelepoingetjemehissesurlapointedespiedscommesicelapouvaitm’aideràvoir,etj’envoiemesprièresversColtontandisqueMasonleprovoquepourprendrelatête.

J’entendslafouleaumomentoùmonregardrevientsurlemoniteur, justeàtempspourvoir leurspneus arrière se toucher.Mason redresse et va percuter lemur sur sa droite tandis que la voiture deColtonzigzaguedanstouslessenssurlabanded’asphalteàlasuitedelaviolencedel’impact.

Toutlemondedanslalogeestdebout,lemêmebruit,surdescircuitsdifférents,mettantnosnerfsàrudeépreuve.Lamainsurlabouche,jemepencheparlafenêtreouvertedelalogepourvoirlapiste.

–Colton!Beckscriedanslaradioetjeretiensmonsoufflequandunevoiturerougeglissehorsdecontrôlesur

labanded’arrêt.Normalement,Coltonrépondimmédiatement,maislà,c’estsilenceradioabsolu.Etj’ailesentimentqu’unepetitepartiedemoimeurtàcetinstant.Unepartieinfimeperdueàjamaisquandjemedisqu’ilyauratoujourscefiletd’incertitudeetleretourdesémotionstumultueuseséprouvéeslejourdel’accidentdeColton,chaquefoisquejeverraidelafuméeouagiterledrapeaujaune.

Becketttiresurlavisièredesacasquettedebase-ballenfixantlapistedesyeux.L’angoisseprendle contrôle demon corps à présent, et pourtant je sens encore enmoi les graines de la certitude quel’assurancedeColtonaseméesenmoitoutàl’heure,prêtesàs’enracineretàpercer.Etjenepeuxpasimaginercequisepassedanssatête–lemélangedétonnantdesémotionsetdessouvenirs–maisilnelâchepas.Lavoitureneralentitpaslemoinsdumonde.

Etpourtantilneparletoujourspas.

–Allez,fils.Andynes’adresseàpersonneenparticulier,ilestagrippéauborddelatablederrièrelaquelleilse

tient,sesjointuresblanchissent.Il ne s’écoule que quelques secondes,mais celame semble une éternité tandis que je regarde la

voituredeColtonsedirigerdefaçonincontrôléeverslapelouseduterraincentral,droitverslabarrière,avantdeseredressercommeparmiracle.

Àcemoment-là,lalogetoutentièreexplosed’uncridejoiecollectifquandlemuseaurougeetbleuélectrique,reconnaissableentretous,remontesurlabanded’arrêtetrevientsurl’asphalte,souscontrôle.Ettoujoursentête.LavoixdeColtonsortduhaut-parleur.

–Putaindemerde,direct!Whoohoo!Lesurplusd’émotionperceàlafoisdanssavoixetdanslaradio,suivid’uncridejoie.Lapoussée

d’adrénalinelefrappantdepleinfouet.–Ramène-laàlamaison,Bébé!Becks crie en faisant les cent pas en dessous de nous et il souffle bruyamment en retirant ses

écouteursetsacasquetteunmomentpourseressaisiravantdelesremettresursatête.Encorequatretours.J’ail’impressiondepouvoirrecommenceràrespirer,jemetordslesdoigts,j’ailesnerfsàfleurde

peauetmesespérancess’envolentversdenouveauxsommets.Vas-y,Bébé.Tupeuxlefaire.Jeluiparledansmatêteenespérantqu’ilsentemonénergiemalgrélesmilliersdepersonnesdanslestribunesquilepoussentàallercherchercettevictoire.

Encoretroistours.Jen’enpeuxplus.Moncorpsvibre,maiscen’estpasdûqu’auvrombissementdes moteurs quand les voitures passent devant nous l’une après l’autre en un défilé interminable. Jem’écarteducomptoiretjehausselesépaulesenréponseauregardinterrogateurdeQuinlan.Jeveuxêtreleplusprèspossibledelui,alorsjemedirigeverslesescaliersetjememetsàlesdescendreencourant.

–Plusquedeux,Bébé!Beckscriedanslemicroaumomentoùj’arrivesurladernièremarche,etjeresteprèsdupetitmur

en bas sur la partie intérieure des stands. Je ne vois pas très bien la piste d’ici, mais je souris enobservant Becks les yeux rivés sur le moniteur qui secoue la tête d’avant en arrière, le corps enmouvementincessant,débordantd’énergie.

JelèvelesyeuxversleclassementetjevoisqueColtonesttoujoursentêtequandmonregardestattiré vers le podium des drapeaux où le commissaire prend le drapeau blanc, ce qui signifie que lederniertourapproche.Etill’agiteetmoncœurseserre.Beckslèvelepoingettendlebraspourserrerl’épauledumécanicienàcôtédelui.

Jesensquelqu’unm’effleurerl’épauleetjetournelesyeuxpourvoirAndyàcôtédemoi,unsourireprudent prêt à éclairer son visage quand le drapeau à damier est brandi. Je relève les yeux,maismavisiondupodiumdesdrapeauxestobstruéeparunerangéedecombinaisonsrougesdeboutsurlemuretdustand,quiregardent,quiattendent,quianticipent.

Etlà,jel’entends.

Levacarmedescrisdelafouleetlescrisdejoiedesgarsdel’écuriedeColtonquisautentdumurenhurlantàlavictoire.Jesuissibouleverséequejenemerappellepasquiaétreintl’autremaistoutcequejesais,c’estqu’Andyetmoisommesdanslesbrasl’undel’autreennousembrassant.Ill’afait.Ill’avraimentfait.

Les minutes qui suivent passent dans un brouillard, tandis que tout le monde se congratule ets’embrasse,onretirelesécouteursetonvatousenmasseverslaligned’arrivée.LemoteurrugittandisqueColtons’arrêteàsonspotàlafindesontourd’honneur.

Jeneconnaispasleprotocolepourlesmembresquinefontpaspartiedel’équipe,maisjesuisaumilieu d’eux et je joue des coudes pour le voir. Une horde de chevaux sauvages ne pourrait pasm’empêcherdem’approcherdelui.

Mavueestbloquéetemporairementpardeséquipesdereportersetjesuissiimpatiente–lecœurbattant,lesjouesquifontmalàforcedesourire,lecœurdébordantd’amour–quejefaistoutpourlesrepousserafind’arriverjusqu’àlui.

Quandilssedéplacentpourfaireunmeilleurcliché,jelevoislà,debout,acceptantlesfélicitationsdeBecks,unebouteilledeGatoradeauxlèvres,passantlamaindanssescheveuxtrempésdesueurquisedressentsursatêteenmèchesfolles,etl’expressionlaplusincroyablesurlevisage–d’épuisementmêlédesoulagementetdefierté.

Ettoutàcoup,commes’ilsentaitmonregardsurlui,sesyeuxcroisentlesmiens,accompagnésduplus large, du plus enivrant des sourires illuminant son visage.Mon cœur s’arrête de battre et repartquand je le regarde.L’air crépite d’étincelles qui jaillissent denotre connexion.Sansmêmeunmot àBeckett,illeplantelàetcommenceàsefrayeruncheminàtraverslafoule,lamassebougeantaveclui,sesyeuxnequittentpaslesmiensjusqu’àcequ’ilsoitdevantmoi.

Jesuiscontreluienuninstant,sesbrasserefermentautourdemoietilmesoulèveenrejetantlatêteenarrièrepouréclaterdurireleplusinsouciantquej’aijamaisentenduavantd’écraserseslèvressurlesmiennes.Etilyaunteltumulteautourdenous–lechaostotal–maiscen’estriencomparéàcequisepasseenmoiàcemoment-là.

Toutettoutlemondedisparaîtparcequejesuisexactementàmaplace–danssesbras.Jesenslachaleurde soncorps appuyécontre lemien, jenevoismêmepas les journalistesquinousbousculentdans tous lessenspouravoir lameilleurephoto.Je respiresonodeur, lesavonet ledéodorantquisemélangentàl’odeurd’unedurejournéedelabeur–etmesphéromonessontaugarde-à-vous,lepoussantsilencieusement àme prendre,me dominer,me posséder de telle façon que je soismarquée par cetteodeur.Ses lèvresont legoûtdeGatoradeetc’est loindesuffireàsatisfaire ledésirquiparcourtmoncorps,parcequ’avecColton,unesimpledégustationnepourrajamaismecontenter.J’entendssonriredenouveau quand il interrompt notre baiser, pose son front contre lemien et le laisse là unmoment, sapoitrineservantdecaissederésonanceàcesoneuphorique.

–Tuasréussi!–Non,nousavonsréussi.C’estnous,touslesdeux,ensemble,jen’auraispaspugagnersanstoi.

Moncœurdégringoledansmapoitrineets’écrasedansmonestomacquiestremontébrusquementcommesijetombaisenchutelibre.Etenunsens,c’estlecas.Parcequemonamourpourluiestinfini,sansfond,éternel.

Jeluisouris,leslarmesbrouillentmavisionquandjeposeunbaiserchastesurseslèvres.–Tuasraison.Nousl’avonsfait.Ilmeserrecontreluiunefoisencoreetmereposesurlesolavecunnouveausourireéblouissant

tandisquelemondequinousentoureréapparaîtprogressivement.Jereculedequelquespaspourdonneràtouslesautreslapossibilitédes’entreteniravecluiquelquessecondes,maisjenepensequ’àcequ’ilvientdemedire,c’estnousquil’avonsfait.

Et je l’observe – l’hommeque j’aime–, je sais que sesmots n’ont jamais été aussi vrais.Nousavonsvraimentréussi.Nousavonsaffronténosdémonsensemble.

Sonpassé,sespeurs,sahonte.Monpassé,mespeurs,monchagrin.Au milieu d’une interview, il regarde dans ma direction et me fait un clin d’œil et un sourire

satisfait.Lafierté,l’amouretlesoulagementsedéversentsurmoicommeunrazdemarée.Putain!Onl’avraimentfait.

42

JemerenfoncedansmonsiègetoutenobservantZanderquitravailleavecsonéducateur,etmoncœurbonditdansmapoitrineen levoyant si intéressé. Ilparlebeaucoupmaintenant et il commenceàallermieux.Jenefaisrienpourréprimercesentimentdefiertéquimonteenmoinileslarmesquibrouillentmavisionparcequ’ilyarrive.

Ilyarrivevraiment.Jeles laissetravaillerdanssachambreet jemedirigeverslacuisineenécoutant lamusiquequi

sortdelachambredeShaneetlesbavardagesdesautresgarçonsquiconstruisentunevilleenLegosurlaterrasse, derrière lamaison.Dane finit de vider le lave-vaisselle quand j’entre dans la cuisine etmelaissetombersuruntabouretenpoussantunsoupirépuisé.

–Jesuisbiend’accord!Ilfermeuntiroiretvients’asseoiràcôtédemoi.–Alors,commentçasepasseavecl’Adonisauregarddebraisequifaitfondrelespetitesculottes?Jelèvelesyeuxauciel.–TupréféreraisquecetAdonisfassefondrelesboxer,enfait?–Putain,tul’asdit,maisj’aiabandonnél’espoirdelefairechangerdebord.Ilfaudraitêtreaveugle

pournepasvoirlafaçondontilteregarde.–Oh,Dane.Jesoupire,etungrandsourirememonteauxlèvresàlaseulepenséedecequenousvivonsdepuis

quelques semaines. Au rythme réconfortant dans lequel nous nous sommes installés sans même avoirbesoin d’en parler. Les choses se font naturellement. Comme si cela devait se passer ainsi. Plus dedrames,plusdeproblèmesdecommunicationetplusdesecrets.

–Toutsepassesuperbien.Çanepourraitpasêtreplusparfait.Etjepensevraimentcequejedis.Jenecrainspasleretourdebâton,commeavant.C’estplutôtle

contraire,enfait.Jen’attendsplusrienparceques’ilyaunechosequej’aiappriseenétantavecColton,c’estquenotreamourn’estpaspatient,iln’estpasgentilnonplus,ilestjusteunique.

–Alors,laviecommunenes’estpasavéréeêtreunhorribledésastre?

–Non.Jepensequec’esttoutàfaitlecontraire.–C’estassezincroyable,enfait.–Oharrête,cemecaobligatoirementdescôtéshorribles.–Nan,ilestvraimentparfait.Jenemanquepasuneoccasionderépéterlemotparfaitquandils’agitdeColtonetmoi.Danetapedupoingsurlecomptoir.– Je n’y crois pas. Il doit obligatoirement semettre les doigts dans le nez, ou ronfler commeun

sonneur,oupéteraffreusement.–Non!Jemetordsderire,etilfaitdeseffortsinouïspournepassourire,maissarésolutionnedurepas.–Jesuissûrquetumens,Ry,parcequ’aucunhommenepeutêtreaussiparfaitqueça,bordel!Ilhausselesépaules.–Enfin,àpartmoi,biensûr.–Biensûr,enfin!Jesecouelatêteenriant.–Voyons…Jemecreuselatêtepourtrouverquelquechosequiluifasseplaisir.–Ilaeffectivementrefuséd’allerm’acheterdestamponsenrentrantduboulotl’autrejour.L’expressiondesonvisageestimpayable,bouchebéeetlesyeuxronds.–Lecon!Ilsecouelatêteenprenantunairfaussementdégoûté.–Mince,ilvientderemonterdevingtpointsdansmonestime.Monchou,tunepeuxpasdemanderà

unAdonisdominantd’allerachetertestrucsdefille.Çarevientàluidemanderdeservirsescouillessurunplateau.

Jem’enétranglepresqueavecl’eauquej’essayaisd’avaler,tellementjeris.–Dane!–Maisenfin,c’estvrai.Ilhausselesépaules.–Jesuisravid’apprendrequ’ellessonttoujoursfermementattachées.–Ouais,toutçaparcequ’ellest’intéressent.–Ehbien,nousferionsunbeaucouple,etjedoisdirequej’aimequelesgensavecquijesorsaient

lescouillesbienattachées.Je n’ai pas autant de chance avec cette gorgée d’eau qu’avec la précédente. Le rireme fait tout

recracher,cequiapoureffetderedoublernotrehilarité.Ilnousfautplusieursminutespournouscalmerparcequechaquefoisquenousnousregardons,nousrepartonsàriredeplusbelle.

***

Jesuisretenuaubureauunefoisdeplus.Haddieviendratechercheràmaplace.Jet’appelledèsquejepars.«CrashMyParty»,LukeBryan.Bisous.C

Moncœurbonditetmonâmeestraviequandjevoislachansonqu’ilm’envoiepartexto.Monmâledominantsentimentaletpleindecontradictions.Jesoupireenm’efforçantd’oubliermadéception.Ilm’aterriblementmanquéaujourd’hui,mais jesuisraviedepasserunpeudetempsavecHaddie.Jenel’aipasbeaucoupvuecesdernierstemps.

Jeprendsmontéléphonepourrépondre.Tumemanques.Dépêche-toiderentrer.«AllofMe»,JohnLegend.Bisous.

Jeregardelapenduleetjevoisqueletempsafilésansquejem’enaperçoive,alorsjecommenceàrassemblermesaffairesetàdireaurevoirauxenfants.

Quand jesorsde lamaison,ellem’attenddanssavoiture. J’ouvre laportièrecôtépassager,ellepousseuncridejoie.

–Putain,çamefaitplaisirdetevoir!–Jesais!Ellemeprendbrièvementdanssesbraspar-dessusl’accoudoiravantdetournerlaclédecontactet

dedémarrerenriant.Jerejettelatêteenarrièreenriantavecelleetjefermelesyeuxuninstant,laissantleventquirentre

parlavitreouvertemebalayerlevisage.Elleremontelavitreetquandjetournelatête,elledétachelesyeuxdelaroutepourmeregarder.

–Mercid’êtrevenuemechercher.Si j’avaissuqueColtonallait travailler tard, j’auraisprismavoiture.Désolée.

–Jesais!Tuesvraimentchiante!Ellemetleclignotantettourneàgauche.–Alors, puisqueMonsieurPlus-beau-que-moi-tu-meurs t’a larguéepour lemoment, quedirais-tu

d’unverreoudeuxpoursemettreàjour?Dugenre«pourquoi,alorsquetoutestesaffairessontencoreàla maison, toi tu n’y es jamais… » bien que tu refuses catégoriquement de reconnaître que tu as«officiellement»emménagéchezlui.

Jesecouelatêteenriant.–Jeneveuxpastenterlemauvaissort.Tusaiscommentjesuis.Jehausselesépaules.– Ouaip, ça c’est sûr. C’est d’ailleurs pour ça qu’on va s’en jeter quelques-uns pour que tu te

détendes,pourtedélierlalangueetquetumeracontestout.Biensûr,j’aitrèsenviequ’onrattrapenotreretard,maisjesuismortedefatigue.–Pourquoionn’iraitpaschezlui?Onpourraitsemettresurlaterrasseetboireunverredevinen

regardantlamer.Deplus…Jeregardemonjeanetmont-shirt.

–Jenesuispashabilléepourallerdansunbar.–J’étaissûrequetuallaisdireça.Elletendlebrasetattrapequelquechosederrièremonsiège.Elleposeungrandsacfourre-toutsur

mesgenoux.Quandjelaregarde,ellesecontentedemefaireunpetitsouriresatisfait.–Bienessayé,Ry,maisonvaprendreunverre.Ellefaitunsignedetêteverslesac.–Unechemise,deschaussuressexyetdumaquillage.–Quoi?Jesuissurpriseet,enmêmetemps,pasétonnéedevoirqu’onvafairecequ’elleveut.–Active-toi,Bébé!Jeconduisetletempspasse.Jesecouelatêteenriant.–Tumeremercierasavantlafindelasoirée.Elleralentitets’arrêteàunfeurouge,elleprendsontéléphonepourenvoyerunbreftextoavantde

lereposeretdemeregarder.–Tunevaspasyéchapper,Thomas.Monamiememanque,j’aienviedeprendreunverre,point

final.Lefeupasseauvertetelledémarreetjesouris.Seigneur,j’adorecettefille.Jenefaispasvraimentattentionà ladirectionquenousprenonsparceque jemeregardedans le

miroir de courtoisiepour rectifiermonmaquillage et arrangermes cheveux.Le seul conseil d’Haddieétant«laisse-lesdétachés»quandj’essaiedemettreunebarrette.Nousbavardonsdechosesetd’autres,pourrattraperleretard.Aumomentoùjerefermematroussedemaquillage,montéléphonesonne.

Je l’attrape comme je peux quand je vois s’afficher le nomdeColton. Jeme dis immédiatementqu’ilafiniplustôtqueprévuetqu’ilvapouvoirnousrejoindrepourprendreunverre.

–Salut!Jefourretoutdanslesacàmespiedssurlesol.–Salut,moncœur.Etrienquelesondesavoixsuffitàmerecouvrird’unevagued’amour.–Tuasfini?–Jet’aimenti.Jenecomprendspas.–Jenesuispasauboulotparcequejesuistropoccupéàorganiserlerencardparfaitpourtoi,alors

lèvelesyeuxparcequecerencardcommenceàcetinstantprécis.Je lèvela têtebrusquementet jenepeuxpasretenir lesanglotquimontedansmagorgequandje

vois lechampde terreet la fête forainesilencieusequi s’étenddevantmoi.Lagrande roue immobile,l’alléecentraledéserte,lestourniquetsverrouillés.

–Colton…qu’est-ce…pourquoi?Lasurprisemefaitbégayer,etsonpetitrireamusérésonnesurlaligne.

–Nousn’avonspasfaitunevraiesortiedepuisnotresoiréeàlafêteforaine,alorsj’aipenséqueceseraitlafaçonlaplusappropriéedecommencercelle-ci.Jesaisquetun’appréciespastropl’inconnu,maispromets-moidejouerlejeu.Pourmoi.

Quoi?Putain!–Oui…biensûr.–Àbientôt.Etçacoupe.JemetourneaussitôtversHaddie,unsourireimmenseéclairesonvisage.–Toi,alors!Mavoixsebrisesouslecoupdetantd’émotion.–Tusavais?–Àtonavis?Biensûrquejesuisdanslecoup!Jeresteassisedanslavoiture,bouchebée,jeregardeautourdemoietj’essaied’intégrercequise

passe.Decomprendrecommentcethommequijurequ’iln’estpasromantiqueestaufondleplusgranddesromantiques.

–Comment…quoi?J’essaiedeformulerlesquestionsquiseformentdansmatête,maisellesnesortentpas.–Coltonaestiméquetuméritaisunevraiesortie–unesoiréepourteremercierd’avoirtenubon

avecluiquoiqu’ilarrive,alorsilademandéunpeud’aide.Ellehausselesépaules.–J’étaisd’accordaveclui,etvoilà.Mesyeuxse remplissentde larmeset jeprendsuneprofonde inspiration,enessayant toujoursde

réaliserquejesuisdevant lamêmefêteforainequ’ilyaseptmois.Alorsquejeresteassise,sidérée,Haddiepasselebrasderrièremonsiègeetensortuneboîteplusgrandequ’uneboîteàchaussures.

Jeris.–Tuasunvraimagasinlàderrière?–Non.C’estlederniertruc.Ellememet laboîtedanslesmainset j’émetsunpetit rirenerveux,nonpasquejesoisvraiment

inquiètemaisjen’aimepasl’imprévuetj’aitoujoursbesoind’êtredanslecontrôle.Coltonmeconnaîttropbien.Jeresteassiselà,àregarderfixementlaboîtegrise,rectangulaire,etje

nepeuxpasretenirlepetitsourirequimevientauxlèvresenrepensantàunechosequeColtonm’aditeilyalongtemps–parfoiscelapeutêtreextrêmementlibérateurdenepasêtredanslecontrôle.

Haddie,prèsdemoi,frémitd’impatience:–Bonsang,tuvasl’ouvrircettefichueboîte,ouiounon?Cesuspense,çametue!

Je prendsuneprofonde inspiration et j’entrouvre le couvercle comme si quelque chose allaitme

sauteràlafigure.Quandjelesoulève,jetrouveuneenveloppeportantmonnom,poséesuruneespècedepapierdesoieàcarreauxnoiretblanc.Jelaprendsetjesorslepapierqu’ellecontient.

Ryles,Jesaisquetutedemandesprobablementcequisepasse,alorslaisse-moit’expliquer.Tufais

toujourspasserlesautresenpremier–moi,lesgarçons,lechienperduaucoindelarue–alors,j’aipenséqu’ilétaittempsderenverserlesrôlesetquetusoiscellequipassedevant.Donc,avecl’aidedecertainespersonnes,j’aipréparéunepetitechasseautrésorpourtoi.Pourgagnerleprix,tudevrasrépondreàtouteslesquestionsensuivantlesindicesquiteserontfournis.

Bonnechance.Voici tonpremier indice :La fête foraineest le lieuoù j’ai suque tu représentaisbeaucoup

plus que ce que j’avais imaginé.Assis sur la grande roue avec toi, j’ai su quemalgré tousmeseffortspourrésister,çanepouvaitpasêtrequ’unplanculsanslendemainavectoietquetuméritaisbeaucoupmieuxque çademapart.Alors, le premier élément que tu dois trouver t’attend sur lepremiermanègeoùnoussommesallés.

Jet’embrasse,Colton

J’essuieleslarmesquiroulentsurmesjouesenessayantdenepasbousillerlemaquillagequejeviensjusted’appliquer.Haddiemeserrelebraspourm’aideràcontrôlerletremblementdemesmains.Je la regarde en essayant d’imaginer ce que ça suppose pourColton d’avoir organisé tout ça et aussid’avoirmissurlepapierlessentimentsqu’ilatantdemalàexprimerverbalement.

–Bougetoncul,sorsdecettevoitureetvacherchertonmecavantquejefasseunecrisecardiaquetellementjesuiscurieuse.

Ellemepousseversmaportièreouverte.Jemeglissehorsdelavoiture, lecœurbattant.Jen’enrevienspasqu’iltienneassezàmoipourfairetoutça.Jevaisjusqu’àlagrilledel’entréeetjetrouveunseultourniquetdéverrouillé.Jelepasseetpénètredansl’étrangeatmosphèredelafêteforainedésertée,monpass’accélèreàmesurequelessouvenirsmereviennent.Leschiensenpeluche,lesbaisersvolésetla barbe à papa. Les défis lancés à un bad boy qui s’était déjà emparé demon cœur,même si je nevoulaispasl’admettre.Lespeurs,etlespremièresfois,etunsouriretimideencoinsursonbeauvisage.

J’arrive dans la zone desmanèges et je vais directement vers le Tilt-A-Whirl. Je pousse un criétoufféenvoyantShaneetConnorsortirduguichetobscuravecdessouriresimmensesetuneboîteàlamain.

JeposelamainsurmapoitrinetellementjesuissurpriseetenadorationabsoluepourColtonquiapenséàincluremesgaminsdanscettechasseautrésor.Àleurpermettredel’aideràfairequelquechosedegentilpourmoi.

–Vous,alors!Jevaisverseuxencourantetjevoisdelamalicedansleursyeux.–Vousm’avezcachéça?Jem’approchepourlesserrertouslesdeuxdansmesbras,etnousrionsensemble.–Nousavionsjurédegarderlesecret,ditShaneenrougissant.

–Enplus,Coltonaditquenousneserionspaspunispourt’avoirmenti,ajouteConnorensecouantlatête.

–Non.Jeris,complètementbouleverséepartoutça.–Jamaisjenevouspuniraipouruntruccommeça.Shanes’éclaircitlavoixetjemetourneverslui.–Nousavonsledeuxièmeindice.–Oh,d’accord.Jepousseunpetitrire,nerveusedenouveau.–Tudoisdonnerlabonneréponseàunequestionpouravoirtonprochainindice,ok?Jehochelatête.–QuandtuvoisletrucqueConnorvatemontrer,quelmottevientàl’esprit?Connormetendunpetitcanardenplastiquejauneetjememetsàrireauxlarmes.Jesecouelatête

enessayantderéprimermonrire,maisjen’yarrivepas.–Couac!Etd’autressouvenirsmereviennentdecrisetdedouleur,depuislafroidurematinalesurlapelouse

delamaisondePacificPalisadesjusqu’àunechambred’hôtelenFloride,ettouslesnomsd’oiseauxquej’ai lancés à la tête de Colton quand j’essayais de préserver mon cœur de vérités mal interprétées.D’avoirétésibornéequejen’écoutaispasvraiment,quejen’entendaispascequ’ilmedisait.

Maismaintenant,j’écoute.Iln’estpasleseulàavoirévoluédepuisquenoussommesensemble.ConnoretShanepoussentunpetitcridefélicitationetmetendentuneautreenveloppequej’ouvre

avecprécipitation.

Lessouvenirsqueceprochainindiceévoquepourmoisontgravésdansmamémoiredefaçonaussipermanenteque l’encredemes tatouages.Et tuétais tellementsexy,putain!«Aucasoù tuauraisbesoind’unepetitesucrerieaprèsmonpassage.»Oùexactementachèterais-tucela?

ToutelapartiedemoncorpssituéesouslataillesecontractequandjerevoisColtonetsabarbeàpapa,etjesouristoutenmesentantunpeugênéed’avoircegenredepenséeàcôtédesgarçons.

–Çavaaller,lesgars?Ilslèventlesyeuxauciel.–Onn’estpasvenusicitoutseuls.Bon,maintenantvacherchertesprochainsindices!–Ok.Monexcitationmonte.Je les embrasse tous lesdeux sur le crâneet je traverse la foire encourant à la recherched’une

baraquedebarbeàpapa.Àchaquepas,jem’attendsàtombersurColtonprêtàmesurprendreavecsonsourireespiègle.

Maisiln’yarien.Je commence à paniquer dans le silence de cet endroit. Au bout d’un moment de recherches

infructueuses,jetournedansunealléeetenlevantlesyeux,jevoisunseulentonnoiràbarbeàpapaquipend d’une enseigne. En m’approchant, je pousse un cri quand je vois Ricky et Jackson, revêtus detabliersettoutsourires.

–Jen’enpeuxplusd’attendre!Rickys’agitederrièrelecomptoiretmetenduneautreboîtetandisqueJaxetmoirionsdelevoirsi

excitédefairepartiedetoutça.Jeposelaboîte,jel’ouvreetjetrouveuneardoised’enchèresquidit:

Retourneoùtoutacommencé.Làoùj’aiapprisqueledéfipeutêtresacrémentsexy.

Jesecouelatêteencoreunefois,j’ail’impressiondeflotterendehorsdemoncorpsenleurdisantaurevoir.Jeretourneauparkingaussivitequejepeux.Haddieestassiseauvolant.Lessourcilslevés,elletambourined’impatiencesurlevolant.

Quandjemeglissesurlesiège,ellen’arrêtepasdedire:–Raconte,raconte!Jeluidisdem’emmenerlàoùs’estdéroulélegaladecharitéetjeluiracontelesdeuxindicesque

j’ai eus au parc d’attractions. Elle saute sur son siège d’enthousiasme, alors que je reste là les yeuxécarquillés,encoresouslechocdel’adorablesurprisedeColton.

– Putain demerde, ce pète au casque pendant la course en Floride lui a vraiment fait faire desprogrèscôtéromance.Selonmoi,celadevraitdevenirobligatoirepourl’ensembledugenredesporteursdepénis!

Jerisavecelle.–Tun’étaisvraimentpasaucourantdecettepartiedujeu?–Ry,ilm’ajusteditqu’ilt’avaitorganiséunepetitesortiesympaetilm’ademandésijepouvaiste

servir de chauffeur.Alors,me voilà, et c’est pour ça que je suis impatiente de voir ce qu’il a prévud’autre.

Elletendlebraspourpasserlesdoigtssurcequiestécritsurl’ardoisedesenchères.Elleestposéesurmacuisseetjen’arrêtepasdelaregarder.

Les étoiles doivent être alignées parce que nous passons au travers des embouteillages de LosAngelesetnousarrivonsauvieuxthéâtreenuntempsrecord.

–Jet’attendsici!Je descends de la voiture avec l’ardoise à la main et je cours jusqu’à la porte d’entrée

impressionnanteduvieuxthéâtreoùjevoisqu’unbattantestentrebâillé.Jepénètredanslefoyerquim’estfamilieretjeregardepartoutenallantverslaporteàdroitedela

scène, comme je l’ai fait il y a tellement demois en arrière.Machinalement, jememets à fredonner

« Overjoyed » de Matchbox Twenty qui sort des haut-parleurs en haut. Ça ne peut être qu’unecoïncidence parce quemêmeColton ne pouvait pas régler le timing avec autant de précision,mais jesourisenpensantàquelpointc’estparfaitquecesoitmongroupequ’onentende.Jerepousseunelarmequandjeprendsconsciencede lasignificationdecemoment–Coltonquimeramène iciaprès toutcetemps,danscelieuoùquelquechosequejen’avaisjamaisvraimentvouluaréellementcommencé.

Etregardeoùnousensommesmaintenant.Je ravale les larmes qui me brûlent la gorge en poussant la porte qui ouvre sur le couloir des

coulisses, ilestéclairé.Et,aussitôt,meslarmesfontplaceàunfourire incontrôlablequandjevois lerubandesignalisationquiesttenduentraversdelapetitealcôveoùBaileyluiasautédessus.Etencoreplushilarant,unpetitécriteauquidit:«Attention,piranhas!»

Jeristoujoursquandjetournelecoinetquejevoisquelaportedulocalderangementestouverteetqu’ilyadelalumièreàl’intérieur.Lestalonsdemesbootsclaquentsurlelinoetjemedemandequijevaistrouvercettefois.Quelquepart,j’aienviequecesoitColtonpourpouvoirl’embrasseretleserrerdansmesbrasetleremercierpourtoutça,maisenmêmetempsjepensequejenesuispasencoreprêtepourquecettebaladesurlechemindessouvenirss’arrêtedéjà.

Etmon fou rireme reprend quand je voisAiden etmon collègueAustin assis sur des chaises àl’intérieurdulocal,entraindejouerauUno.Aidenselèved’unbondenpoussantuncriaiguquandilmevoitetAustinetmoirionsdevantcetteréactionenthousiaste.

–Salut,lesgars!–Rylee,tiens!C’estpourtoi!Ilcrie,toutexcité,etmetendmaladroitementuneenveloppeetdeuxboîtes.Unetoutepetiteposée

suruneplusgrande.Jevoislessouriresimpatientsd’Aidenetd’Austinquidoiventrefléterlemienquandjeposelesboîtessurlatableetquejedéchirel’enveloppe.Jedéchiffrel’écriturefamilièredeColton.

Tueslapremièrepersonnequim’aitjamaisregardéenvoyantjusqu’aufonddemonâme.Etcelam’afoutuunetrouilledetouslesdiables.Oùcelas’est-ilproduit?Situasbesoind’unindice,ouvrelaboîtedudessus.(N’ouvrelaplusgrandeboîtequequandtuaurasquittélethéâtre.)C.

Moncœurbatlachamadeetj’ailesmainsquitremblentd’excitation.Jeconnaislaréponse.Ilparledupenthouseoùnousavonscouchéensemblepour lapremière foisaprès la soiréedepromodu rhumMerit,maisriennem’apréparéeàcequejetrouvedanslapremièreboîte.

J’ailesoufflecoupéetjemeposelamainsurlaboucheinstinctivementavantdesortirlaboucled’oreille solitairequi est à l’intérieur.Laboucled’oreilleque j’ai cherchéepartout ce soir-là tout enessayant de retrouver assez de dignité pour sortir de la chambre d’hôtel. La boucle d’oreille que j’aiabandonnée,sansmesoucierdelarevoirunjour,pasplusquel’hommequimelarendmaintenant.

Quelquechoseàlavuedecetteboucled’oreille,ajoutéaufaitqu’ill’agardéetoutcetempsmêmequand je l’aiquitté, fait remonter tellementd’émotionà lasurfaceque jepeuxàpeineparlerquand je

remercie Aiden et Austin, avant de ramasser l’autre boîte et de sortir précipitamment pour retrouverHaddieetnotreprochainedestination.

Jemontedans lavoiture, sidérée et décontenancée, tout en racontant àHaddie l’histoirede cetteboucled’oreille.Elledémarreendirectiondel’hôteltandisquej’ouvrelaplusgrandedesdeuxboîtes.Etjem’étranglederirequandjevoisdanslaboîtetouteslesculottesqu’ilm’aarrachées.Ilyaenplusune autre enveloppe que jemets uneminute à ouvrir tellement je ris en pensant à tous les souvenirsqu’ellesévoquentetaufaitqu’illesavraimentgardées.

–Purée!Alors,c’étaitpasuneblaguequandtudisaisquecemecavaitopéréuneponctiondanstestiroirs!

Ellehochelatêteenmefaisantsigned’ouvrirl’enveloppe.JeladéchireetilentombeunecartecadeaupourLaPerlad’unmontantastronomique.Maisc’est

surtoutlepetitmotquientourelacartequiadelavaleuràmesyeux:

Tuferaismieuxdefairedesprovisions,Ry,parcequejenevoispasmondésirdeteprendrequand,oùetcommejeveux,setarirdesitôt.

Lasensualitéexplicitedecemotprovoqueenmoiuneboufféededésirquivientselogerentremescuissesetquejen’essaiemêmepasd’ignorer.

–Waouh!Haddieme tiredemespenséespasvraimentpuresen sepenchantpour lire la cartependantque

noussommesarrêtéesàunfeurouge.–Cemecestincroyablementsexyet,enplus,ilditcegenredecochonneriesdominatrices!Putain,

Ry… si c’était moi, je lui dirais dememenotter auxmontants du lit et de faire demoi son esclavesexuellepourlavie.

Ellerigole.J’avouequej’aidumalàréaliserquecethommeestvraimentlemien.–Quiteditquejenel’aipasfait?Jehausselessourcilsavecunpetitsouriresatisfait.–Ehbien,putain!Ellemetapelacuisse.–Ça,c’estmacopine!Nousrionstouteslesdeuxenessayantdedevinercequeseraleprochainindice,àl’hôtel,jusqu’à

cequ’ellesegaredevantleservicevoiturier.–Àmonavis,j’enaipouruneminute.Jesorsde lavoitureet jecoursdans lehall,mais jem’arrêteaussitôt. Jenepeuxpasmonterau

penthousecommeçaetfrapperàlaporte.Jemedirigeverslaréceptionetquandj’approche,unefemmemeregardedelatêteauxpieds.

–MademoiselleThomas,jeprésume?–Oui…Jesuisunpeuétonnéequ’ellesachequijesuis.–Parici,s’ilvousplaît.Ellemeconduitversunascenseurprivésurlecôtéduhall.Ellesortunecartequ’ellepassesousle

lecteuretlaportes’ouvre.–Etvoilà.Sonimpassibilitésefissurequandellemefaitunlargesourireavantderetourneràl’accueil.–Merci.Quand jemonte dans l’ascenseur, le décor familier de la cabine fait remonter enmoi un flot de

souvenirsdenotrepremièrefois,messensétaientéchauffésparlapromessecachéecontenuedanscequeColtonmedisaittandisquenousfaisionslamêmeascensiondansunautreascenseur.Lasonnetterésonnequandlacabineatteintledernierétageetjesors,incapabledeluttercontrelepetitsourirequimevientquandjenousrevoissortirmaladroitement,dévorésparledésir,cesoir-là.

Je toqueà laportedupenthouse et j’entendsdes fous riresde l’autre côté tandisque lapoignéecommenceàtourner.Zanderapparaîtàlaporte,Averyestdeboutderrièreluietilsarborenttouslesdeuxun sourire éclatant. Et le rire insouciant qui tombe des lèvres de Zander me réchauffe le cœur, déjàdébordantdebonheur.

–Salut,lesgars!Laissez-moideviner,vousavezunindicepourmoi?ZanderhochelatêtefrénétiquementenregardantAverypourvoirs’ilpeutmedonnercequ’iladans

lamain.–Hé,Rylee.–Salut!–Bon,notreindiceest:quelestlepremiermotquitevientàl’espritquandtuvoiscequeZandera

danslamain?JebaisselesyeuxquandZandersortunepetiteboîtenoirequ’iltenaitdanssondosetmelatend.

Averyal’aird’êtreaussiperplexequemoi,jusqu’àcequeZanderlaretourne.Etlà,jeris.Laboîtecontientunepochettedesmokingrougepompier.Messenssontsoudainassaillispartoutes

lessensationsqueColtonasuscitéeschezmoidanslalimousinecesoir-là,quandnousétionstropvêtuetpasassezvêtue.Maisçanepeutpasêtrelaréponseparcequeçafaittropdemots.

–Anticipation!Je crie presque quand le mot me frappe comme la foudre, des images de cette soirée plus que

mémorablemetraversentl’espritcommedesflashes.–Bingo!crieAverytandisqueZandersautesurplace.–Bravo,Ry!Ilmetenduneautreboîteetuneenveloppe.Jeregarde,lessourcilsfroncés,cequilefaitglousser

deplusbellequandjelaprendsdanssamain.

–C’estpourmoi?–Héhé…Ilhochelatête.–Tuessûr?–Oui!Ouvre-la!dit-ilsuruntond’exaspérationamusée.Jepasseledoigtsurl’enveloppeetjesourisavantmêmedesavoircequ’ilyadedansparcequeje

saisd’avancequelesmotsdeColtonvontmetoucher.

Ry,j’aitoujourssuquetuétaisdifférente…maisvoicilanuitoùtuesdevenuemondrapeauàdamier. Sans lemoindre doute. Célébrons la soirée où j’ai su que j’étais prêt àme battre pourgarderlachosequejen’avaisjamaisvoulue.Vaoùtuasfaitlaconnaissancedel’objetquiestdanslaboîte.–C.

J’ouvre la boîte avec précaution et je lève les yeux au ciel en secouant la tête quand je vois unmodèleréduitdeFerrariF12rouge.Jesaisexactementoùjedoisallerensuiteparcequecettesoirée-làestrésolumentunedecellesquejen’oublieraijamais.

Je leur dis au revoir, et c’est en frémissant d’impatience que je reprends l’ascenseur pourredescendredanslehalletsortir,enpassantenvitessedevantl’hôtessequisouritàl’accueil,pourcourirà lavoiture. Jemeglissesur lesiègeen racontant l’indiceàHaddie,et je risenvoyantsa tête tandisqu’ellemeconduit,quelquespâtésdemaisonplusloin,àl’hôteloùsedéroulaitl’autregalaauquelj’aiassistéavecColton.

Jeluidisdemonterjusqu’audernierétageduparkinget,instinctivement,jeretiensmonsouffleenvoyant Sexe.Des images et des émotionsme traversent l’esprit et je n’essaiemême pas de retenir lesoupirqu’ellesprovoquent.

–Putain!Cettevoitureestunvéritableorgasmevisuel.–Tun’imaginesmêmepas.Jepousseunsifflementetjesorsenrougissant,puisjecouvrelacourtedistancequimeséparede

sonspotsituéàl’écartdanslegarage.Enm’approchant,jedistingueunesilhouettederrièreunecolonneàcôtédelavoiture,etmoncœurbonditdansmapoitrine.J’espèrequec’estColton.J’aieumoncomptedece pèlerinage sur les lieux du passé et même si j’ai adoré ça, là maintenant, j’ai envie de lui.Terriblement.

Je ris quand Beckett sort de l’ombre, affichant un large sourire faux-cul sur son beau visage. Ilregarde par-dessusmon épaule et fait un petit signe de tête àHaddie. Son sourire se radoucit, ce quipiquemacuriosité,maismonattentionestrapidementdétournéequandilsemetàparler.

–Bon,jenesaispastrèsbiencequetuasfaitàmonpote,maisondiraitquesescouillesontrétrécisij’enjugeparcetétalagedesentimentalisme,etjedoisdirequeçameplaît!

–Jesuissûrequetun’arrêtespasdel’emmerderavecça.

Ilpenchelatêteetmeregardeunesecondeavecunedouceurquis’affichesursestraits.–Jenel’aijamaisvuaussiheureux.Avantdeprendreletempsderéfléchir,lesmotsmesortentdelabouche.–Etc’estdûàquoi,selontoi?Il se contentede rire etme tendun sac enplastiqueblancenme lançantun regardamusé. Je lui

prendslesacdesmainsetjeregardeàl’intérieur.Jemetsunmomentàcomprendrecequec’est.–Parcequejesuistoutl’alphabet.Jeregardeleslettresenplastiqueutiliséesenécolematernelle.–DeAàcetenfoirédeZ,Ry.Jerelèvelatête,justeàtempspoursaisirleclind’œilqu’ilmefait,accompagnéd’unsourireen

coin.Jeleregardeavecunsourireahuri.–Bon,jesuischargédeteconduireàtanouvelledestination.Aussitôt,jeregardederrièremoietàmagrandesurprisejeconstatequelavoitured’Haddien’est

pluslà.J’étaissiabsorbéeparcequedisaitBeckettquejenel’aimêmepasentenduepartir.Ilmefaitsignedemonteret jem’exécute.Dèsquenosceinturessontboucléesetque lemoteur rugit,Becksmeregarde.

–Dansquelendroitas-tuprouvéàColtonquelespilotesdébutantspeuventgagner?Jerisimmédiatementenpensantànotreéchangeintimeàproposdesdébutantsetdupilotageavant

dem’apercevoir queColton fait référence à la fois, beaucoupplus innocente, oùnous étions avec lesgarçons.

–Lecircuitdekarting!Etnoussortonsduparkingsouterrainpournousretrouverdanslesruesadjacentes.–Oui,M’dame.Nous nous engageons sur l’autoroute en laissant la circulation derrière nous.Nous bavardons de

chosesetd’autres,mais j’aibeaufaire, jen’arrivepasàobtenirdeBecksqu’ilmedonnelerestedesindicesnilafindujeupourcesoir.Ilsecontentedemefaireunsourirenarquoisenhochantlatête.

Enunriendetemps,nousarrivonsdanslazoneindustrielleoùColtonnousaemmenés,lesgarçonsetmoi,fairedukarting.

–Jet’attendsici.Jedescendsdevoitureetjepasselaporteenverre.Monsourires’élargitquandjevoisDaneetScooterappuyéscontrelecomptoir.–Rylee!Scooterseprécipitepourmeserrerdanssesbras.Je le serre fort contremoi et je l’embrasse sur le crâne avant de regarderDane en haussant un

sourcil.–Tuétaisaucourantettunem’asriendit!CequiprovoqueunfourirechezScooter.–Danscertainscas,çavautlapeinedegarderunsecret.

Ilhausselesépaulesetmesouritens’écartantducomptoirpourdonnerunsacàScooter.Jehoche la tête en lui lançantun regard faussement furibardqui le fait rire. Jen’endispasplus

parcequeScooterfaitdesbonsdecinquantecentimètrestellementilestexcité.–D’accordScoot…tuvasm’aideràdéchiffrercelui-ci?–Jepeux?–Biensûr!Jemetslamaindanslesacetj’ensorsunefigurineenplastiquedeSpider-Man.Aussitôt,leslarmes

mepiquentlesyeux,malgrélesourirequiseformesurmeslèvres.–C’estquoilaréponse?ÀquoiSpider-Mantefaitpenser?Etjeréfléchisunesecondeparcequ’ilyadeuxréponsespossibles,maisétantdonnéquelafaçon

deScooterdedirejet’aimeaétélecatalyseur,audépart,detoutça,jeréponds:–JeteSpider-Man!Quandjevoissonvisages’allonger,jesaisimmédiatementquejemesuistrompée,maisçam’est

égalparcequeçam’adonnéuneoccasiondeluidirequejel’aime.Alors,jetentemadeuxièmeréponse:–Spider-Man.Batman.Superman.Ironman.–Ouais!IlsautesurplaceavantdemeserrertrèsfortcontreluitandisqueDaneetmoinousmettonsàrire.Danelèvelesyeuxetcroisemonregardenmetendantuneenveloppe.–J’imaginequeleschosessontaussiparfaitesqu’ellesenontl’air.–Imparfaitementparfaites.Jeluisouriscalmementenouvrantl’enveloppe.

Pourquoilessuper-héros?Parcequedepuiscettesoiréeaucircuit,jen’aipluspeur.Jen’aiplusbesoindecequimeréconfortaitdansmonenfanceparcequejet’ai,Ry.C’esttonnomquejerépète maintenant, plus les leurs. L’indice pour le lieu suivant : « Bienvenue dans la cour desgrands,Ace.»

Jerisenlerevoyantmedireça,enretournantcontremoimatentativelamentabledeséduction,etpendanttoutcetemps,jesuisbouleverséeparcequejeviensdelire.Qu’ilmemetteaumêmeniveaudeconsidération que ses chers super-héros. Mon cœur est tellement gonflé d’amour qu’il craque auxcoutures.Quand je relève les yeux pour regarderDane, à traversmes larmes, il ne dit rienmais sonregarddittout.C’estlui.

Jedisaurevoiret jesorsprécipitammentquandj’entendsleronronnementsexydelaF12.JemeglissesurlesiègeetjemetourneversBeckettquisourit.

–Onvaoù,maintenant,Ry?–LeSurfShack.Jehochelatêteetnousnousregardonsfixementuninstant.

–Quoi?Ilpenchelatêteenmeregardant.Jerespireprofondémentetjeregardedevantmoiunmoment,enréfléchissantàtoutça.–Rien,c’estjusteque…j’essaiededigérertoutça…c’esttellementénorme.–Benouais,ondiraitbienque,enfindecompte,lespoulesontdesdentsmaintenant,putain!Ilritetjerisaussi,posantlatêtesurl’appuie-tête.Pendantletrajet,jesuisreconnaissanteàBecks

derespecterlesilencequimepermetderassemblermesidéesetderéfléchiràtoutcequeColtonm’aditaujourd’hui.

NousnousarrêtonsdansleparkingetjemerappelleimmédiatementavoiramenéTannerici,etqueColtonavaitbienfaillisebattreaveclui.Jemerappellel’excèsdetestostéroneetsonexpressionoutréequandjel’avaisplantélàdehors,toutseul.JeregardeBecksetsonexpressionsemblemedire:

–Ehbien,vas-y.Jedescendsdevoitureetj’entredanslerestaurantoùjetrouveRacheldeboutàlaréception.Elle

mefaitungrandsourire.–Votretableestprête.–Merci,Rachel.Je passe précipitamment devant elle pour voir quelle estma prochaine surprise. Je suppose que

c’estKylepuisquec’estleseulgarçonquejen’aipasencorevu.Jemedirigeverslaterrasseetjemerappellecomment j’ai faitconnaissanceavecColtonaucoursdenotrepremièresoirée ici,ceque j’aiapprissursonpassé,safamilleetcombienilaimaitquejesoisdécontractée.

Quandje relève lesyeuxdunuagedessouvenirs, jevoisQuinlanetKyleassisà la table–notretable–avecunsourireaussigrandquel’océandansleurdos.

–Salutlesgars!–Salut,Ry.QuinlanparleenmêmetempsqueKyle.–Alors…onaunautreindicepourtoi.–Tonfrère,ilestfou!Ellerit.–Oui,c’estaussimonavis.Enmêmetemps,l’amour,çaatendanceàfaireceteffet-là.Leslarmesluimontentauxyeuxquandellemeregarde,j’yvoisdeladouceur,del’acceptationetun

remerciement.Kyleinterromptnotreéchangemuetenmetendantbrusquementuneautreboîte.–Ouvre-la,ouvre-la!Tudoismedonnerunebonneréponsepouravoirleprochainindice!Je fais glisser le couvercle de la boîte et j’éclate de rire en trouvant une paire de draps, avec

l’alphabetdessus.Quinmeregardeinterloquée.– J’espère qu’il y a une bonne explication pour celui-là parce que, vu de l’extérieur, ça semble

plutôtbizarre.–Oh,ilyaunetrèsbonneexplication,tupeuxmecroire!

Jeris,impressionnéequ’iln’aitrienoubliédanscettechasseautrésor.JeregardeKyle.–Riend’autrepoursemettreentrenousquedesdraps.–Youhou!Ilsautesurplaceetmanquerenverser la table.Quinlan la rattrapeetpasseunbrasautourdeses

épaulesenriant.–Elleatrouvé!Quinlanhochelatêteetilmetenduneenveloppe.–Jedoisl’ouvrir?Mesdoigtssontdéjàentraindeladéchirer.–Oui!Lesautresclientsdurestaurantsursautentenl’entendantcrier.Jeladéchireetjelislemotquiestàl’intérieur:

Ry,J’aisuplusquejamaisquandjenepouvaisplust’avoirquejenepeuxpasvivresanstoi.Je ne l’ai peut-être pas dit avec desmots,mais j’y pensais souvent.Où étions-nous quand nousavonsdit«plusjamaisriend’autreentrenousquedesdraps»?

J’ail’impressiond’avoirunsourirepermanentgreffésurlevisagequandjedisaurevoiretquejevaisretrouverBeckettquim’attenddanslavoiture.

–Alors?–BroadbeachRoad!Noussuivons lacôteetàmesurequ’onserapproche,monexcitationgrandit.Jesuiscertaineque

Coltonm’yattend.

43

Tandis que nous roulons sur Broadbeach, je suis excitée et nerveuse et je passe par tous les étatsémotionnelspossibles.Lesgrilles s’ouvrent avantquenous les atteignions et jenedonnemêmepas àBeckettletempsdes’arrêtercomplètementavantdesortirdelavoitureetdecourirverslaported’entréeoùsetientSammy.

–Salut,Sammy!Horsd’haleine,j’attendsqu’ils’écartedelaporte.–Vousnevoulezpasconnaîtreledernierindice?Sa voix profonde gronde, et j’ai l’impression que ma mâchoire tombe et que mes épaules

s’affaissent parce que je croyais qu’il n’y avait plus d’indices. Je pensais être dans la dernière lignedroite,enroutepourallervoirColton.

–Biensûrquesi.Sansréfléchir,jemecouvrelevisagepourévitercequeSammyenvoieenl’air.Pendantuninstant,

jenecomprendspascequisepasse.Lesminusculespaillettesargentéessereflètentdanslesrayonsdusoleilet,toutàcoup,jecomprends.Toutmoncorpssemetaugarde-à-vousetmapeausecouvredechairdepoule.Etcelasemblesidrôle,enfait,cethommefortetintimidantdeboutsousunepluiedepaillettes.C’estimpayable,pourplusd’uneraison,parcequecesontdespaillettesdansl’air 1.

Un sanglot s’étrangle dansmagorge tandis qu’un large sourire s’affiche sur le visagedeSammyquandilmetenduneboîte.Jelaprends,incapablededireunmot,moncœurdégringolantsanscrainte.Quandj’ouvrelaboîte,leslarmesquejeretenaisn’ontplusaucunechanceparcequejetrouveunmugremplidemorceauxdesucre.

Etc’estpeut-êtrelecombledelaringardise,maisl’idéequeColtonm’aentenduecesoir-làquandje lui ai parlé du sens du refrain de la chanson dePink (tu tenaismon café et tum’appelais «monsucre»)etqu’ilmelereditmaintenant,enplusdetouslesautresgestesqu’ilaeuscesoir,merenverse.

Mebouleverse,memetànuetmecomplète,toutçaavecunseulmugroseremplidemorceauxdesucre.

–Alors?

Sammyessaiedenepassourireenvoyantmaréactionhyperémotionnelleàcetindicedemauvaisgoût.

–Youcalledmesugar 2.J’ailavoixquitrembleetjesouris.–Bienjoué!Ilritetsepoussesurlecôtéenouvrantlaportederrièrelui.–Dernierindice.Jeleregarde,lesyeuxbrillants.–Rendez-vouslàoùvousavezentenduçalapremièrefoisavecWood.–Merci,Sammy!Je traverse lamaison en courant commeune folle et jemonte les escaliers quatre à quatre.Mon

cœurbatlachamade,j’ailesmainsquitremblentetlatêtequitourne,jemeursd’impatiencedelevoir,deletoucher,del’embrasser,deleremercier,maisquandj’arrivesurlaterrasse,elleestvide,saufquedescentainesdebougiesalluméessontdisséminéessurtouteslessurfacespossibles.

Je pousse un cri étouffé devant la beauté de ces douces lumières qui scintillent dans le soir quitombe.J’avancesurlaterrasseetjepasselesdoigtssurunechaiselongue,j’entends«GlitterintheAir»quisortdoucementdeshaut-parleursau-dessusdemoietjeris.

–PutaindePink!C’estsavoixamusée,cettevoixrocailleusequisedéversesurmoi,otageconsentante,etmêmesi

ellemefaitsursauter,quandjel’entends,jemesenschezmoi.–PutaindePink.Je répète sesmots et jeme retournepour faire face àColton– l’hommeque j’aimede toutmon

cœur–qui se tient devantmoi, avec le soleil couchantdans le dosqui fait unhalode lumièredouceautour de ses traits sombres. Tellement d’émotions se bousculent en moi en le voyant là, les mainsenfoncées profondément dans les poches de son jean usé, avec son t-shirt préféré couvrant ses largesépaules appuyées négligemment sur lemontant de la porte, et sur les lèvres ce sourire timide qui faitfondremoncœur.

–Tuaspasséunebonnejournée?Ilmedemandeça l’airde rien, tandisquesesyeuxsebaladentdehautenbassurmoncorps, sa

languepointeentreseslèvresqu’ilhumecteenfaisanttoutcequ’ilpeutpournepasafficherunsourireintégral.

Je meurs d’envie de me jeter dans ses bras et de l’embrasser jusqu’à ce qu’il ne puisse plusrespirer,toutmoncorpsvibred’undésirtoutàlafoisémotionneletphysique,sifortquejedoisserrerlemugentremesmainspourm’empêcherdecéder.

–Quelqu’unm’aenvoyéesurunefaussepiste,maisjesuispratiquementsûrequejesuisexactementàmaplacemaintenant.

–Hum…Ils’écartedumuretsedirigelentementversmoi,lesexepersonnifié,aumoins.

–Etc’estoù,ça?Ilhausselessourcils.Sanonchalancemetue,traverselefeuquifaitrageenmoi.Jemeursd’envie

de dévorer cet homme.Cet hommequi a rassemblé les pensées, lesmots, les souvenirsmarquants dutempsquenousavonspasséensembleet lesaemballésenunseulpaquetpourque je lesdéballe l’unaprès l’autre, afin de pouvoir me rappeler l’importance de chacun d’entre eux. Me rappeler qu’ilscomptenttouspourluiautantquepourmoi.

–C’estici.Maplaceesticiavectoi,Colton.J’avanceverslui–manécessité,madose,monaddictionéternelle–etjetendslebraspourposer

lamainsursajouealorsquecedontj’aivraimentenvie,c’estdel’attirercontremoietdeneplusjamaislelâcher.

–Merci.Noscorpssontséparésdequelquescentimètres,maisnoscœurssontindéniablementconnectés.–Jesuissansvoix.Il laisse son sourire s’élargir et tend la main pour jouer avec une boucle qui retombe sur mon

épaule.J’observesesyeuxquisuiventlemouvementdesesdoigts.Lefaitquemoncomplimentparaisselerendrenerveuxlerendencoreplusadorableettoutecettesoiréeencoreplusimportante.

Auboutd’unpetitmoment,sesyeuxreviennentlentementseposersurlesmiens,cevertcristallindéborded’émotion,etilhaussedoucementlesépaules.

–Tueslapersonnelamoinségoïstequejeconnaisse.Jevoulaisjustefairequelquechosepourtemontreràquelpointçacomptepourmoi.Jevoulaisquelesgarçonsenfassentpartiepourqu’ilspuissentteprouvercombiençacompteaussipoureux.

Pouraumoinslacentièmefoisaujourd’hui,mesyeuxs’emplissentdelarmesetjeravalelenœudcoincédansmagorgeenregardantcethommeaussibeauàl’intérieurqu’àl’extérieur.Unhommequ’àune époque je trouvais arrogant et seulement préoccupé de lui-même.Un homme quim’a prouvé quej’avaistort,commelechampionqu’ilest.

Oujedevraisplutôtdirecommel’asqu’ilest.Jeluicaresselajoueavecmonpouceetjeluisouris.–Jesuissciée…bouleverséeenfait…partoutcequetuasfait.Jebaisselesyeuxuninstantpourstabilisermavoixquitremble.–Personnen’avaitjamaisfaitunechosepareillepourmoi.Ilsepencheeteffleuremeslèvresduplusdouxdesbaisers.J’essaied’allerplusloin,affamée,je

veuxtoutdelui,lesouffledesonsoupir,lachaleurdesapeau,maisils’écarte,embrasseleboutdemonnezetappuiesonfrontcontrelemien.Iltendl’autremainetemmêlesesdoigtsdansmescheveuxtoutenprenantmonvisageentresesmains.

–C’étaitunepremièrealors,enquelquesorte.Lachaleurdesonsouffleéchauffemeslèvres.–Oui.Jelaisseéchapperunpetitsouffletremblant,moncœurbatàserompre.

–Tantmieux,parceque,Ry,jeveuxêtretonpremier,tondernierettoutcequ’ilpeutyavoirentrelesdeux.

Ilinsistesurchaquemotcommesic’étaitpresquedouloureuxdelesprononcer.Mon cœur se serre parce que les espérances et les rêves que j’ai souhaités pour nous sont

maintenantpossibles,maisavantquej’aieletempsdesaisirvraimentcetteréalité,ilsepencheenarrièreetmeregardedanslesyeuxavecunetelleintensitéquec’estcommes’ilmevoyaitpourlapremièrefois.Alors,ilmeposeunequestionàlaquellejenem’attendaispas.

–Pourquoiest-cequetum’aimes,Rylee?Jebougelatêteetjeleregardeàmontour,tantdechosesmeviennentàl’espritquejenetrouvepas

lesmots, alors jeme contente de rire. Ilme regarde bizarrement, et je profite de cette pause pour leprendreaudépourvu,jel’attrapeparlanuquepourl’attirerversmoi.

Enunclind’œil,meslèvressontsurlessiennes,malangueseglisseentreseslèvresentrouvertesetsemêleàlasienne.Jesenssasurpriseaupincementdeseslèvres,maisellesedissipeaussitôtetsesmains viennent s’emmêler dans mes cheveux tandis que nous nous abandonnons à ce baiser doux ettendre.Jeluimontrepourquoijel’aimeparlacaressedemalangue,legémissementsatisfaitquimontedemagorge,monbesoininsatiabled’avoirtoujoursplusdelui.

Et,bienquecesoitloind’êtreassezpourmoi,jem’écartedeluiavecsongoûtsurmalangueetjeleregardedanslesyeux.

–Jet’aime,ColtonDonavan,pourunetonnederaisons.Jem’arrêteparcequel’émotionmesubmerge,etjeveuxqu’ilvoiemesyeuxquandjeluidisçaafin

qu’ilsacheaveccertitudepourquoijeressenscequejeressens.–Jet’aimepourcequetues,pourtoutcequetun’espas,pourlàd’oùtuviensetpourlàoùtuveux

aller.Jelaisseunpetitsourireflottersurmeslèvresenleregardant,cethommequej’aimetellement,etje

prendsletempsderessentirtoutcequejeluidis.–J’aimelesouriredupetitgarçoncachéderrièretessarcasmesdebadboy.Jet’aimeparcequetu

m’aslaisséeentrer,quetum’asouverttoncœur,quetum’asconfiétessecretsetquetum’aslaissévoircettefacedetoiàlaquellepersonned’autren’aeuaccès…quetum’aslaisséeêtrelapremièrepourtoi.

Mavoixsebrisesurcesderniersmotsetleslarmesmemontentauxyeuxtandisquejeleregarde,vaincueparl’émotion.

–J’aimequetuaiesunpenchantpourlabarbeàpapaetlesvoituressexy.J’aimecettefossettequetuaslà…

Jelèvelatêteetjeposeunbaiserlàoùellesecache.-…etj’aimeçalà…Jepasselamainsursabarbenaissante.–Etj’aimeceux-làquandtuesau-dessusdemoi,prêtàmefairel’amour…Jeserresesbicepsetillespliepourmoietmedécocheunsourire.

–Mais,plusquetout,j’aimecequ’ilyalà.Jemepencheenavantetj’appuiemeslèvressursapoitrineoùsoncœurtonnesousmonbaiser.Je

leslaisselàunmomentavantdeleverlesyeuxverslui,àtraversmescils,etdeterminerparlaraisonlaplusimportantedetoutes:

–Parcequecequ’ilyalà,Colton,estpuretbonetintactetsi incroyablementbeauquecelamelaissesansvoix,commeçal’afaitaujourd’hui…commeçalefaitmaintenant.

Ilmeregardefixement,lemusclepalpitedanssamâchoiretandisqu’iltented’acceptertoutcequejeviensdeluidire.Nosregardsrivésl’unàl’autre,nosâmesmisesànuetnoscœurssiprêtsàacceptertoutcequel’autreest,quenoussommesperdusdansnosparolesmuettes.

Toutàcoup,ilm’attirecontrelui,m’entouredesesbrasetmeserrefort.–Jet’aime,putain!Son visage est enfoui dans le creux de mon cou, et je sens la chaleur de son souffle irrégulier

pendantqu’ilessaiedesecalmer.L’intensitéde sacaresseetde sesmotsaffirme tout cequ’ilyaentrenous tandisquenousnous

accrochonsl’unàl’autre.–C’estcequejeveuxdire.Ilpresseseslèvressurmoncouetmurmurecontremonoreille.–Cettesoiréeestcenséet’êtreconsacrée–àtoi,rienqu’àtoi–etpourtant,tuviensdemedonner

tantquec’esttoutjustesij’arriveàrespirermaintenant,putain!Il sepencheenarrière et l’émotiondans sesyeuxmebouleverse.Lepetit garçon, l’hommeet le

voyourebellemeregardenttousencemoment,etmedisenttousqu’ilsm’aiment.Ilprenduneprofondeinspirationetdéglutitavecdifficulté.

–C’est impossible d’être avec toi,Ry, sans être émupar toi, d’unemanière ou d’une autre.Magorgeseserreetmonestomacfaitdesnœudslestroisquartsdutempsquandtuesprèsdemoi.

Ilsecouelatêteetjeluisouris,touchéeparsescompliments.Iltendlamainetdéplaceunemèchedecheveuxquitombesurmonvisage.

–Tum’asaimédansmesmomentslesplussombres.L’absolueréalitédesesparolesmedonnelachairdepouleetjenetrouverienàdire.Leslarmes

brillentdanssesyeuxet ilsemordla lèvre inférieure,avantde trouver lesmotsdont ilabesoinpourveniràboutdecequ’ilaàdire.

–Tum’asaiméquandjemedétestaismoi-même.Quandjet’airepousséeetquej’aiessayédetefairesouffrirpourt’empêcherdevoir…toutcequ’ilyavaitdansmonpassé.Tuasacceptémapeurettum’asaiméàcaused’elle.

Ilsecouelatête.–Etpuistum’asattrapéparlescouillesettum’asditnonnégociable.Cela nous fait rire tous les deux, la légèreté de la remarque nous permet d’expulser un peu de

l’énergiecontenuedansl’intensitéinattenduedecetteconversation.–C’esttoujoursvalable,soitditenpassant.

Jeluifaisunpetitsourirenarquois,etilsepenchepoureffleurermeslèvresd’unbaiser.–Je…Ilsoupire.–Ry,tum’asdonnétellement,putain,etaujourd’huijevoulaisjustequetusachesquej’aicompris.

Quejel’acceptemaintenantetquejeressenslamêmechose.Ilsepasseunemaindanslescheveuxetfermelesyeuxuninstant,puiscepetitsouriretimideque

j’adorerevientsurseslèvres.Ils’apprêteàdirequelquechosemaiss’arrêtepourlaisserpasserl’émotionquiétranglesavoix,

puisilrelèvelesyeuxetcroiselesmiens.–Tum’asdonnédel’espoirquandjepensaisquej’étaisunecauseperdue.Tum’asapprisquele

défiestterriblementsexy,quelesrondeurssontrésolumentmonpointfaible,etquelesblondespeuventallersefairefoutre,lesbrunessontbienplusmarrantes.

Jerisdevoirquemonbadboyarrogantestderetourtandisqu’ilsefrottelevisage,legrattementdesamainsursabarbemedonnedesfrissons.

–Jedivaguelà…cequejedisn’apasbeaucoupdesens,alorsviensparlàuninstant.–Jenevoudraispourrienaumondeêtreailleurs,Colton.Ilm’emmèneversunechaiselongue.Jem’assiedsetilsemetàgenoux,devantmoi,soncorpsentre

leVdemescuisses,lesmainssurmataille.–Ry,jet’aidemandépourquoitum’aimesmaiscequejevoulaisenréalité,c’étaittediretoutesles

raisons pour lesquelles moi, je t’aime. C’est important pour moi de savoir que tu ne mets pas messentimentspourtoiendoute…parceque,Ry,tum’asmissurlecul,putain.Tuétaislaseulechosequej’aiejamaisvoulue–àlaquellejenemeseraisjamaisattendudansmavie–etmaintenantjenepeuxplusvivresanstoi,putain!

Cetaveulefaitrire,etmonsourires’élargit.–Tumetestesettumetentesettumefaisregarderenfacelesvéritésquejeneveuxpasaffronteret

tuestêtuecommeunemule,maisbonDieu,Bébé,jenevoudraispasdetoiautrement.Jenevoudraispasdenousautrement.

Ilposelesmainssurmesépaules,caressantdespouceslecreuxentremesclaviculesetsecouantlatêteavantdepoursuivre:

–Jepensequej’aitoujourssuquetuétaistellementplus…maisj’aisuquej’étaisamoureuxdetoilesoirdugalapourKidsNow…tuétais làdansce jardinet tum’aspousséàprendreunrisque…tum’asmisaudéfidet’aimer.

Savoixsebrised’émotionquandilserappellecettesoirée.–Etaprès,onafaitl’amoursurSexe.Macontribution,faiteenriant,mevautungémissementdesplussexyvenantdufonddesagorge.–Putain,Ry,entrelescagesd’escalier,lescapotsdevoitureetlabarbeàpapa,commentfairepour

arrêterdepenseràtoi?–C’étaitmonplandepuisledébut.

–Ahvraiment?Tumemanipulesdepuistoutcetemps-là.–Heu…Allez,soisbeaujoueur,ok?Bienvenuedanslacourdesgrands,Ace.Laremarquem’estvenueenunéclairetmonsarcasmeestrécompenséparcesourirequej’adore.Il

hoche la tête, se penche pour aguichermes lèvres des siennes etme surprend en allant plus loin. Salangueexciteetjoueavecmondésirquis’insinueetcontractetousmesmusclessituésau-dessousdelaceinture,puisils’éloigne.

–Tuvois ?C’est pour ça que je t’aime.Ce ne sont pas les grandes choses que tu faismais lesmilliersdeputainsdepetiteschosesquetufaissansmêmet’enapercevoir.Commetrouverletrucpourmefairerireparcequetusaisqueçamemetmalàl’aisedeparlerdecegenredetrucsetquetun’enfaispasunehistoire.Commemefairevoirlemondesousunangledifférent,commelaglaceaupetitdéjeuneretlespancakespourdîner,tuvois?

Ilsecouelatêteenbaissantlesyeuxunmoment.–Etc’estpourçaquemoi,jet’aime.Parcequemêmesic’estcompliquépourtoid’exprimerceque

turessens,tusaisquej’aibesoindel’entendreettuessaies…bonsang,t’asassuréaujourd’hui.C’était–tues–parfait.

–Jesuisloind’êtreparfait,Ry.Jetendslamainpourletoucher,jepasselesdoigtslelongdesamâchoire.–Tuesparfaitcommej’aime,Colton.Ilmesourittendrementetsonregarddevientsoudainsiintenseetgrave.–Non,jenecroispasquetusaisisses,Ry,etjenesaispascommentledireautrement…Denouveau,ilprendmonvisageentresesmainspourmeregarderdroitdanslesyeux.–Jeveuxêtretonputaindedrapeauàdamier,Rylee.Tavoiturepilotepourtemontrerlechemin

danslespassagesdifficiles,tonarrêtaustandquandtuasbesoindefaireunbreak,talignededépart,taligned’arrivée,taputaindelignedelavictoire.

Ilm’aretirélesmotsdelaboucheetsatisfaitlebesoinquejeressensdepuisquejel’airencontrélapremière fois. J’avais beau essayerde combattre ce sentiment, lorsde cette fameuse soirée, en fait jevoulais être à lui. Je voulais tellement plus que cette séance de flirt dans un couloir en coulisse. Jevoulaisfairetoutecetteputaindecourseaveclui.

–Tontrophée.Jesourisenrepensantànotreconversationlematind’aprèsnotrepremièrefois,etjesaisqu’ils’en

souvientparcequ’ilmeretournemonsourire.–Non…Ilsepencheversmoipourm’embrasser.–…tues tellementplusqu’un trophée,Rylee.Les trophées sont insignifiantsaprèscoup…mais

toi?Tunepourraisjamaisêtreinsignifiante.Jesensseslèvress’incurverenunsourire.–Non,toietmoiensemble…celateferaitmienne.Jesourisenapportantmaproprepartàl’évocationdecemomentmémorabledenotrepassé.

–Bienjoué.Ilsepencheenarrièreavecunsourirediaboliquesursonbeauvisage.–Àmontour.Ilsepasselalanguesurleslèvresavantquesonsourirerevienne:–Ilyaquelqu’und’autreàquijedoisbotterleculavantdepouvoirofficialiser?Ilrigole,fierdecechallengeàmamémoire.Jehochelatêteensourianttandisqu’ilpasseleboutdesdoigtslelongdemonbrasetquesesyeux

medéfientdemerappelermaréponse.Sacaressenedétournepasmonattention,jemesouviens.Jeleregardeenbattantdescils.

–Officialiserquoi,MonsieurDonavan?Quandjecroisesonregard,jesuissurprisedesonintensité.–Ceci,Rylee.Officialiserceci.J’étouffe un petit cri en portant ma main à ma bouche quand je vois la bague de fiançailles

étincelante.Heureusementquejesuisassise,parcequelemondesemetàtournerautourdemoiettoutsebrouille. Je ne peux queme concentrer sur la luminosité de l’homme devantmoi quime demande derendresonuniverscomplet.Ununiversquejenecroyaispaspossiblepourmoi.

J’enoubliederespirer,etjenesuispassûredepouvoirarticulercorrectement,alorsjemecontentedeleregarderetmoncorpssecouvredefrissonsmalgrélachaleurdel’amourqu’ilmetransmet.Jeleregardeà traversunbrouillarddelarmeset, toujourssouslechoc, jefaisunpetitouidela tête.Jenedétachepasmonregarddusien,parcequejevoisquecemomentcompteautantpourluiquepourmoi.

–Officialiseavecmoi,Rylee.Savoixestassurée,maissesmainstremblent.J’adorelefaitqu’ilsoitnerveux,quejereprésente

tellementpourluiqu’ilapeurquejedisenon.–Jet’aiditunjourquemêmesijenepouvaispasprononcerlesmots,jeferaisn’importequoipour

te prouver mes sentiments pour toi. Eh bien, maintenant je peux prononcer ces mots, Bébé. Tu m’asmontrécomment.Jet’aime.

Il soutientmonregard,mais jenepeuxm’empêcherdebaisser lesyeuxsurcesourire timidequin’appartientqu’àluietquipossèdemoncœur.

–J’aimequituesetcequetufaisdemoi.J’aimequetonétincelleaitdissipélebrouillard.Quetuaieseuenviedefairelacourseavecmoi.Quejen’aieplusbesoindessuper-hérosparcequej’aibesoindetoiàlaplace.

Ilhochelégèrementlatêteetritnerveusementavantdepoursuivre.–Ehmerde,nousavonsdéjàfaitlapartiepourlemeilleuretpourlepire,etaussicelledans la

santéetdanslamaladie,alorsallons-ypourjusqu’àcequelamortnoussépare.Faistavieavecmoi,Ryles.Démarreavecmoi.Finisavecmoi.Complète-moi.Soismaseuleetuniquepremièrefois.SoismalignedelavictoireetmonputaindedrapeauàdamierparcequeDieusaitquejeseraitoutçapourtoisituveuxbien.Veux-tum’épouser,Ry?

Leslarmesruissellentsurnosdeuxvisagesetjesuissibouleverséeparlabeautédesesparolesetl’ouverturesursonâmequejenepeuxpasparler,alorsjeleluimontreàlaplace.Jemepencheversluietjeposemeslèvressurlessiennes,legoûtduselsemélangesurnoslèvrestandisquejem’abandonneàcebaiser.

Etjesuisprised’unfourirealorsquemeslèvressontappuyéessurlessiennesetquelesémotionssedéchaînentenmoi.Jenepeuxpasm’enempêcher.Jemepencheenarrièreetjeravalemeslarmes.

–Tuveuxmamort,Ry…Savoixfrémit,révélantunmélanged’exaspérationetd’angoisse.Sesyeuxrestentrivésauxmiens–

suppliant,implorant,plaidant–etjemerendscomptequejen’aiaucundoutesurlaréponse,maisquejenelaluiaipasencoredonnée.

–Oui,Colton.Mavoixmontedanslesaigussouslecoupdel’excitationetdenouvelleslarmesseforment.–Oui,jeveuxt’épouser.–Bontédivine!Ilsecouelatêteensoupirantetmeregardeavecunaird’adorationtotale.Mesyeuxsonttoujours

fixéssur lessiens,mais il tend lamainpourprendre lamienne. Il romptnotreconnexionetbaisse lesyeux, et je fais la même chose pour le voir passer à mon doigt une bague de fiançailles sertie d’undiamantcoussinjauneentouréd’unhalodediamantspluspetits.

Nous le regardons fixement sansdire unmot, frappéspar l’intensité de cemoment.Labague esténormeetmagnifique,maisunsimpleanneaud’oraurait fait l’affaireparcequemavraie récompense,elleestdevantmoiquandjelèvelesyeux.Lescheveuxnoirs,lesyeuxverts,lesjouesmalraséesetuncœurquimepossède:esprit,corpsetâme.

–Jet’aime.–Moiaussi,jet’aime.Ilpresseseslèvressurlesmiennespuisrejettelatêteenarrièreetéclatederireavantdecrierde

toutessesforces.–Elleaditoui!Jesuisstupéfiéeparcecri,maisjecomprendsmieuxlorsquej’entendsuntonnerred’acclamations

et jemeprécipitevers lebordde la terrasse.Quand je regardeenbas, je suis sidéréedevoir tout lemondequi nous regardedepuis le patio endessous.Tous ceuxqui ont participé aujourd’hui, plus nosparents,lessiensetlesmiens.

Tout lemondepoussedes cris de joie et des sifflements, et je ne peux rien faire d’autre quedesecouerlatêteetdereconnaîtreleurbonheur.Jeleurfaissigneentendantlamainpourleurmontrermabagueetmeréjouiraveceux.

JeregardeColton,complètementsubmergéeparmesémotions.Jel’aimedetoutmoncœur.Aucunequestion.Aucundoute.Aucunepeur.

–Hé,Ryles…Ilm’attirecontrelui.

–Quitteàcequ’ilsregardent…Illèveunsourciletsouritquandilvoitlabagueàmamaingaucheposéesursonbras.Jerejettelatêteenarrièreetjerisavantdeterminerlacitationpourlui.-…autantleurendonnerpourleurargent.Illèveunsourcilenmeregardant.–Putain,jet’aime,futureMadameDonavan.Desfrissonscourenttoutlelongdemacolonnevertébraleetunsourireécartemeslèvresquandil

sepencheenavantpourm’embrasser.Lesacclamationstournentautapageenbas,maistoutcequej’entends,c’estledouxgémissementde

Colton.Toutcequejesens,c’estlecontactdenosdeuxcorpsquisetouchent.Toutcequejesais,c’estquelachaleurquiserépandàl’intérieurdemois’yinstalledefaçonpermanente.

Toutlerestedisparaît.Lafouleendessous.Lemondeau-delà.Parcequetoutcedontj’aibesoinestjustelà,dansmesbras.Laseulechosequeniluinimoinevoulionss’estavéréeêtrelaseulechosesanslaquelleniluini

moinevoulonsplusjamaisvivre.Nous.

1.«GlitterintheAir»(despaillettesdansl’air)estunechansondelachanteuseaméricainePink.(NdT)

2.Sugar:sucre.Ausensfiguré,petitmotdoux:chérie,monchou.(NdT)

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Unanplustard

Tuesenretard.Tuteprendspourqui,lamariéeouquoi?Letexton’enditpaspluset jememetsàrireenessayantdetaperuneréponse,maisjen’yarrivepasparcequej’ailesmainsquitremblent.Jen’arrivepasàlesstabiliseretpourtantillefaut.Simamèreentre,ellevacroirequej’ailetrac.Ellevapenserquej’aidesdoutesetquejevaischangerd’avis.

Alorsquec’esttoutlecontraire.Je suis tropprêteàplonger tête lapremière.Tropexcitéede levoir,de l’embrasser,dedevenir

officiellementsienne,jesautesurplaced’excitation.Monestomacsenoueparcequejesuisimpatientedevoirsatête–cequ’ilyademieuxdansunmariage,àmonavis–quandilmeverrapourlapremièrefois.

Jebaisselesyeuxsurmontéléphoneetjeréponds:Je serai en retard si jeveux.C’estmonmariage.Règlenuméroun.Lamariée– l’épouse–a toujoursraison.Nonnégociable.

Jeregardeparlafenêtredenotrechambrequidonnesurlaterrasseendessousetjecontempleleparadis tropical que la terrasse est devenue.Notre famille proche et nos amis arrivent, et les garçonsvêtusdesmokingsassortislesescortentversleurssièges.

J’appréciecemomentdecalmeloindelafrénésiequiarégnéduranttoutelamatinéeetlechaosquivabientôtsuivre.MesderniersmomentsentantqueRyleeThomas.Vêtuedeblancdespiedsàlatête–pasuncentimètredemoiquinesoitruchéouincrustéoutransforméenprincesseàlaperfection–àuneseuleexceptionprès,surlaquellej’airefusédecéder.

Je regarde dans lemiroir la ceinture à damier noir et blanc quim’entoure la taille et retombe àl’arrièredemarobe.Monpetitclind’œilàColtonetànotreblagued’initiés.

Montéléphonemesignaleuntexto.Nous ne sommes pas encoremariés et tu dictes déjà tes règles ?Une certaine épouse que je connaispourraitbienavoirbesoindesefairebaiserpoursesoumettre,bientôt.Marèglenuméroun:Tupeux

avoirtouteslesrèglesquetuveux,Bébé,maisdanslachambreàcoucher,c’estmoiquidictelesrègles.Jememetsàrireetmoncorpsestdéjàtellementtenduquejesaisqu’ilsuffirad’unsimplecontact

avec lui pour que je démarre. Je souris en pensant au thème du drapeau à damier que j’ai appliquéjusqu’àmessous-vêtementsetaugémissementquej’entendraiquandColtonledécouvriratoutàl’heure.

Etjesuissiimpatiented’enêtrelà,sionpensequejenel’aipaslaissémetoucherdepuisunmois,sourdeàtoutessesdemandesetsessupplications.Maisquandj’aidécidéd’envoyerbaladermespropresrègles–decéderàmonpropredésirqu’ilmefassel’amour,ilm’arejetée.

–Bienvenuedanslacourdesgrands.Soncommentairepréféré.

Ace, tu domines déjàmon esprit,mon cœur,mon âme… la chambre à coucher, ce n’est qu’un bonussupplémentaire.Deplus,depuisquandsuis-tulesrègles?

J’appuie sur«envoyer»en respirantprofondémentet je sourisàmon imagedans lemiroir.Lescheveux relevés avec des boucles qui retombent librement, les yeux brillants, sûrs d’eux, si prête àmarcher vers l’autel vers l’homme avec qui je veux passer le reste dema vie.À cemoment-là,monregardestattiréparl’éclatdestraditions 1demariagequejeporte.Etjereprendsmontéléphone.J’adoremoncadeau.Tun’étaispasobligé.Merci.Jesuisimpatientedetevoir.

Aumomentd’appuyersur«envoyer»,jemeravise,j’aibesoindeleluidireànotrefaçon.Alorsj’ajoute:«Unconditionally»,KatyPerry.

Leslarmesbrouillentmavisionquandjepenseàluienpassantlesdoigtssurlebraceletquientouremonpoignet.Lecadeauqu’ilalaissépourmoisurmacommode.Quandjel’aiouvert,mamèreafroncélessourcils,mais j’ai rienvoyant les lettresde l’alphabetreliéespardesdiamantsalternantavecdessaphirs.

Monquelquechosedeneufetquelquechosedebleu.Monregards’arrêteensuitesurlesdiamantsàmesoreilles,ceuxquemamèreportaitquandellea

épousémonpère,etj’espèrequemonmariageseraaussiheureuxqueleleur.Monquelquechosedevieux.Moncœurseserrequandjerepenseàlatêted’Haddiehiersoirquandellem’aproposécesimple

diadèmepourquejeleporte.–Tueslaseulesœurquimerestemaintenant.Çameferaitplaisirquetuleportes.Monquelquechosed’emprunté.Jefermelesyeuxuninstant,l’émotionmenacedemefairecraquerquandjeregardetoutça.Tandis

quejegravedansmoncerveaul’effetqueçafait–çachangelavieetenmêmetemps,c’estterriblementexcitant.Etmonespritrepartversl’hommeavecquijesuissiimpatientedepartagermavie.L’hommequim’a attrapée ce premier jour, etmalgré quelques anicroches, nem’a jamais laissée tomber – sauftomberencoreplusamoureusedelui!Jouraprèsjour.

Àquoipense-t-ilencemoment?Qu’est-cequ’ilressent?Est-cequ’ilestagité?Nerveux?Est-ilaussisûrdeluiquemoi?

Montéléphonem’alerteencoreunefois.

Habitue-toiàêtregâtée.Iln’yenapluspourlongtempsmaintenant.Tusaisàquelpointjet’aimeparcequeje teremetsmescouilles temporairement, le tempsde taper le titrede lachansonsuivante,quiesttellementvraie,putain.–«Halo»,Beyonce.Hou.Couillesdenouveauenplace.Etaufait,ilyauntasdefemmessurleurtrenteetunici,commentjevaisfairepoursavoirlaquelletues?

Lesparolesdelachansonmefrappentenmêmetempsquesaplaisanterie,etjepousseunpetitriresanglotant, mon corps ne sait plus quelle émotion prend le dessus. Et je décide de les laisser toutesprendreledessus–chacuned’entreelles–parcequec’estlegenredejourquin’arrivequ’unefoisdanslavie.

Etcommejem’autoriseàmelaisseralleràtoutesmesenvies,làtoutdesuite,toutcedontj’aienviec’estlui,terriblement.Jesuiscontentequetouslesinvitéssoientlà,maisjememoquepasmaldetoutelapompeetdudéroulementdelacérémonieparcequecequicomptelepluspourmoi,c’estl’hommequevam’attendreàl’autel.

Jeprendsmon téléphoneunedernière fois,unsouriresur les lèvreset je tape : Je serai celle enblanc.

Ontoqueàlaporteetjesuistiréedemarêverie.–Entrez.–Tuesprête,machérie?Lavoixdemamèretiresurtouteslesémotionsquisebousculentenmoietjedoisluttercontreles

larmesquimebrûlentlagorge.Jen’arrêtepasdemedirequejenedoispaspleurer–quejevaisabîmermonmaquillage –mais je sais que c’est inutile. J’ai versémon quota de larmes pour une vie entièrependantlestroisansetdemiquiviennentdes’écouler,j’aibienledroitdebousillermonmaquillageenversantdeslarmesdejoieaujourd’hui.

–Oui.Jeregardemamère,etmeslèvresseretroussentenundouxsourirequirépondausien.Ellesoutient

monregard,safierté,mêléed’unsoupçondetristessedemelaisserpartir,estévidentedanssesyeux.–Necommencepas.Jesaisquesiellesemetàpleurer,jevaisfairepareil.–Jesais.Elle renifleetpuissemetà rireenposantsesdeuxmainssurmes jouesetellemeregardedroit

danslesyeux.–C’estlebon,Ry.Unemèresaitceschoses-là.Ellesecouelatête,undouxsourireéclairesonvisageavantqu’ellenerépondeàlaquestiondans

mesyeux.–Ildansesouslapluieavectoi.C’estcommeçaquejelesais.Jeravalemeslarmesunefoisdeplusenmerappelantleconseilqu’ellem’avaitdonnéquandnous

quittionsl’hôpital.«Laviecen’estpascommentonsurvitàlatempêtemaiscommentondansesouslapluie.»Etsij’avaiseulemoindredouteàproposdecequejem’apprêteàfaire,ilseseraitévanouienuninstantaveccettesimpleremarque.

Riendetelquel’approbationd’unemèrepourrendrecemomentencoreplusdoux.Jem’apprêteàdirequelquechoselorsqu’Haddiefaitsonapparition,telunbouletdecanon.–C’estlemomentd’agiterledrapeau,Bébé,lemomentdemarcherversl’autel!Ellepousseunsifflement.–Putain,lafille!–Merci.Jeristandisquemamèreetellecommencentàrassemblerlatraînedemarobeetnousallonsvers

l’escaliersurlesaccordsde«AThousandYears»interprétéàlaguitareacoustiqueenbas.Lesparolesreflètentexactementtoutcequej’éprouvepourl’hommequim’attend.

Quinlannousdonnelefeuvertd’enbas,cequiveutdirequeColtonestenplaceetnepeutpasmevoir.MamèreetHaddiem’aident àdescendreenportantma traînepourque jenemeprennepas lespiedsdedansouquejemecasseunecheville.Quandnousarrivonsenbas,mamèremeserrefortdanssesbrasavantdereculerenmesouriant,lesyeuxdébordantd’émotion.

–Jesais.JefaisunpetitsignedetêteetShanevientpourl’escorterjusqu’àsachaise.Unemainvientseposer

surmonbrasetquandjemeretourne,Tannerestlàquimesourit.Ilesttropbeaudanssonsmoking.Monfrèremeregardedanslesyeuxetsecontentedehocherlatête.

–Incontestablement,cen’estplusunesoiréedéguiséechezMamie.Ilmetaquine,maissonaffectionsereflètedanssesyeuxquandilprendmesmainsdanslessiennes.–Tuesprêtepourça,monpetitlapin?Je hoche la tête énergiquement, la gorge nouée par l’émotion quand je repense à l’époque où,

enfants,nousjouionsaumariagecheznotreMamie.DesGummyLifesavers 2enguised’alliancesetnosanimauxenpeluchepourfairelesinvités.

–Plusquejamais.Je l’embrasse sur la joue et lesyeuxdemon frère, d’ordinaire si impassibles, se remplissent de

larmes.–Tuesresplendissante.Ilsecouelatêted’unairincréduleencoreunefoisavantdemeposerunpetitbaisersurlajoue.–Papa?Jecherchenotrepèredesyeuxpar-dessussonépaule.–Ilessaiedesecalmer,dit-ilenmefaisantunclind’œil.Cen’estpastouslesjoursqu’onmariesa

petitefille.Ilseralàdansuneminute.JehochelatêteetilseretournepourallerseplaceràcôtédeQuinlan,quiestdéjàtoutedéfaite.

Elle croise mon regard et secoue la tête, une façon muette de reconnaître que si nous nous parlonsmaintenant,nousallonstouteslesdeuxnousmettreàpleurersifortquenousnenousenremettronspas.

–Ah,voilàlafemmequiestresponsabledecequedescentainesdereprésentantesdusexefémininpleurentdansleurcafécematin.

Jetournelatêteetjemetrouvedevantcethommequej’aimedeplusenplusdepuisunan.

–Becks.C’est tout ceque jepeuxdire,mais le ton admiratif demavoix lui dit tout cequ’il a besoinde

savoir.Jel’adorepourtoutuntasderaisons,dontlamoindreestdenousavoirpoussés,Coltonetmoi,danslesbrasl’undel’autrequandnousnepensionsqu’ànousséparer.

– Salut, beauté. Tu as encore le temps de t’éclipser, si tu veux. Son ego ne va faire que seboursouflerdavantagequandilaurareçusarécompenseultimeaujourd’hui.

Moncœurseserreenentendantcela.–Seulementsic’esttoiquiconduis!Jeris,maisjeprendsuneprofondeinspirationpourmaîtrisermonémotion.–Nan,ilrisqueraitdemebotterleculpourça.Ilritdoucementetmeserredanssesbras.–Ilt’attend,memurmure-t-ilàl’oreille.Sesmotsatteignentleurcibletandisquetoutredevientclairautourdemoi.Lamusique.Haddieet

Quinlanavec leurclassique robenoireetdesbouquetséclatants.Tannerqui sebalancesur sespieds,s’efforçant de rester calmemais impatient que la cérémonie soit finie pour pouvoir enlever sonnœudpapillon.Lescordesdesguitares.Lebourdonnementdetoutcequitourbillonneautourdemoi.Moncœurquitonned’uneimpatienceindicible.

Jesuistellementprêtepourtoutcequivasuivre.Haddie s’approche,mon amie la dure à cuire a les larmes aux yeux et commence à arrangerma

traîneautourdemoi.Quandelleafini,ellemeregardeensouriant.–Rappelle-toiunechose, lemariage sera rudeparfois.Dans ces cas-là,metsune robeavecune

fermetureÉclairdansledos.Jerisenlaregardantcommesielledevenaitfolle.– Ildevra te toucherpour t’aiderà tedéshabiller et cequ’ilverraendessous lui feraoublier la

raisonpourlaquelleilétaitfurax.Ellehausselessourcils.–C’estalorsqueviendralemeilleur,lesexederéconciliation.Elleritetjelèvelesyeuxauciel.–Merci,Had.Jehochelatêteparcequebienquejesoisabsolumentsûredecequejefais,monestomacestnoué.–Jet’aime,Ry.Ellem’embrassesurlajoue,etjememordslalèvreenhochantlatête.–Unpourlachance.–Etunpourlecourage.Jel’embrassesurlajoueàmontour,jen’aipasbesoindetequilacettefoisparcequel’émotionà

elleseulesuffitàmefaireplaner.EllefaitquelquespasversBecketttandisqueQuinlanetTannercommencentàavancerversl’autel,

maiselles’arrêteetseretourne.

–Hé,Ry?–Ouais?– Cette journée va passer incroyablement vite. Tout va filer à cent à l’heure. N’oublie pas de

t’arrêteretdebientoutregarderpourpouvoirvraimentterappelerlepremierjourdurestedevotrevieensemble.

Jepeuxàpeine respirer tellement j’aidumalàme retenirdepleurer. Je faisouide la têteet jesoufflepouressayerdememaîtriser.Nosyeuxsecroisent,unéchangemuetsefaitentrenous,puiselleseretourneetpasselebrassousceluideBecks,etilscommencentàavancer.

Je regarde furtivement entre les rideaux, je veux tout voir, pour prendre lamesure de ce qui sepasse,maismesyeuxnefontriend’autrequechercheràlevoir.Etd’oùjesuis,jenelevoispas.Alors,jeregardenotrefamilleetnosamis.L’écuriedeColton,mescollègues,nosfamillesoccupentleschaisesetregardentnosmeilleursamisquimarchentensembleversl’autel.JecroiseleregarddeDorothea,sonsourires’élargitetjelis«superbe»surseslèvresavantqu’ellenedonneuncoupdecoudeàAndy.Iltourneimmédiatementlatête,nousnousregardonsetilmefaitunpetitsignedetête,avecsurlevisage,uneexpressiond’admirationetdegratitude.

–Tuesprête,petite?Lavoixdel’hommeàquij’aitoujourscomparétouslesautreshommesestderrièremoi,etjesais

que je vais la perdre. Jeme retourne pour contemplermon père, si incroyablement beau, et toutmoncorpssemetàtrembleràl’idéequ’àpartirdecejourjeneseraiplussapetitefille.Jepousseunsoupirtremblant tandisqu’ilme regarde, incapablededissimuler les larmesqui s’accumulent aucoinde sesyeux.

–C’estbien,Ry.Ilhochelatête,lementontremblantd’émotion.Etmapremière larme roule surma joueenentendantceque toutepetite filleattendde sonpère,

l’approbation–surtoutquandils’agitdelapersonneaveclaquellej’aichoisidepasserlerestedemavie.

–Merci,Papa.Jenepeuxpasdiregrand-chosedeplussansouvrirlesvannesetjesaisqu’ilressentlamêmechose

parcequenousdétournonslesyeuxtouslesdeux.AuxpremiersaccordsduCanondePachelbel,moncorpssecouvredefrissons.C’estmonsignal.

Mon pèreme tend le bras sous lequel je glisse lemien,m’accrochant à lui une dernière fois. Il seratoujoursmonhérosetceluiversqui jemetourneraipourdemanderconseil,mais le tempsestvenudemarcherversl’hommeavecquijevaiscréerdenouveauxsouvenirs.

Monavenir.Monil-était-une-fois.Monheureux-pour-toujours.–Tun’asjamaisétéaussibelle.Nouspassonslaporte,etmesyeuxsebrouillentdelarmesnonversées.

–Tonmarit’attend.Cesmotsdoux-amers–ceuxd’unpapalaissantpartirsapetitefille–mebrisentd’émotionetjeme

forceàdéglutirpourcontenirlesgrandeseaux.Jeprendsuneprofondeinspirationetjeregardelespétalesderosecoloréséparpilléssurl’alléede

tissublancdevantmoi.Jeclignedesyeuxpourséchermeslarmesparceque,quandjeleslèveraiversColtonpourlapremièrefois,jeveuxquecemomentsoitabsolumentclair.Libredetouteentrave.Parfait.

Toutàfaitcommel’amourquej’éprouvepourlui.Nousfaisonslepremierpas.J’entendslebruissementdenosinvitésquis’efforcentdemevoiret

lesmurmuresétouffésquandilsyarrivent.J’entendslesviolonsetleclicdesappareilsphoto.Jesenslapulsation demon sang dansmes veines et le tremblement dans le bras demon père tandis que nousentamons la plus importantes des marches ensemble. Je sens le parfum des fleurs qui recouvrent laterrasse, mêlé à la brise qui vient de l’océan. J’essaie de tout enregistrer comme Haddie me l’arecommandéetdemémoriserlemoindrepetitdétail.

Etpar-dessustoutça,j’entendsl’inspirationqueprendColtonquandilmevoit,etjen’enpeuxplusd’attendre.Moncorpstoutentiervibred’impatience.

Jelèvelesyeux.Etmespiedsbougent.Maismoncœurs’arrête.Etrepart.J’ailesoufflecoupéquandmesyeuxseposentsurceuxdeColtonetquejevoissonvisagemédusé.

Cethomme,quiesttoujourssisûrdelui,sembleavoirperdutoussesrepères,commesilemondeavaitarrêtédetourner,s’étaitinclinéetavaitdéviédesacourse.

Etleplusamusantc’est…qu’ill’afait,àl’instantoùilm’aprisedanssesbras.Nosregardsrestentrivésl’unàl’autre.Mêmelorsquej’embrassemonpèresurlajoueetqu’ilserrelamaindeColtonavantd’allers’asseoiràcôtédemamère.MêmequandColtonprendmesmainsdanslessiennesethochelatêteavecunpetitrireendisant:

–Jolidrapeauàdamier.–J’avaispeurquetunesachespaslaquellej’étais.Enplaisantant,j’ail’impressiondepouvoirrespirerpourlapremièrefoisdelajournée.Moncœur

batlachamadeetmesmainstremblent,maisilestavecmoimaintenant.–Bébé,mêmeaveugle,jesauraisoùtues.Etcesourire,celuiquiilluminesesyeuxetréchauffemonâme,s’étalesurseslèvres.Jemeperds

tellement dans ses yeux, et dans tout ce qu’ils me disent sans qu’il ait besoin de parler, que je nem’aperçoismêmepasquenotreofficianteacommencé lacérémonie, jusqu’àcequeColton la regardepuismeregardedenouveau.Levertdesesyeuxbrilled’émotion,sonsourireseradoucitetilmeregardedroitdanslesyeux.

–Rylee, j’étaisunhommequimenait saviecommeunecourse, lanotiond’amourn’avait jamaistraversémonradar.Cen’étaitjustepasfaitpourmoi.Etpuistuasfaituneentréefracassantedansma

vie.Tuasvudubonenmoialorsquejenelevoyaispasmoi-même.Tuasvudespossibilitéslàoùjenevoyaisriendutout.Quandjeterepoussais,tupoussaisdixfoisplusfortdansl’autresens.

Ilritdoucement.– Tu m’as montré ton cœur, à maintes reprises. Tu m’as appris que les drapeaux à damier ont

beaucoupplusdevaleurendehorsde lapistequedessus.Tuasapporté la lumièredansmes ténèbresavectonabnégation,tatémérité…

Il tend lamain pour venir essuyer de son pouce les larmes qui coulent silencieusement surmesjoues,maintenant.

Sesvœuxindiquent laprofondeurdesonamourpourmoi–cethommequi juraitqu’ilnepouvaitpasaimer,lefaitdetoutsoncœur.

–Tum’asdonnéuneviequejen’imaginaismêmepas,Ry.Etpourça?Jeprometsdemedonneràtoi–lefracassé,lecabosséettoutcequ’ilyaentrelesdeux–detoutmoncœur,sanstromperie,sansinfluencesextérieures.Jeprometsdet’envoyerdeschansonspartextopourquetum’entendesquandtunevoudras pasm’écouter. Je promets d’encourager ta compassion parce que c’est ce qui te fait, toi. Jeprometsdetepousseràêtrespontanéeparcequ’enfreindrelesrègles,c’estcequejefaislemieux.

Ilsourittandisqu’unelarmeisoléecoulesursonvisage.–Jeprometsdejouerbeaucoup,beaucoup,aubase-ball,enveillantàcequenoustouchionstoutes

lesbases.Homerun 3!Ilprononcelesderniersmotstoutbaspourquejesoisseuleàlesentendre,etjerisàtraversmes

larmes.Et je ne peux pas me retenir plus longtemps, alors je tends le bras pour passer la main sur sa

mâchoire,mefichantpasmaldecequelesgensvontpenserdecevœu.–Etcerire…?Jeprometsdetefairerirecommeçatouslesjours.Etsoupirer.J’aimeentendretes

soupirsaussi.Ilmefaitunclind’œil.–Jeprometsqueriendansmavien’auraplusdevaleurquetoi.Quetuneserasjamaisinsignifiante.

Queceuxquetuaimes,jelesaimeraiaussi.Ilregardeverslarangéeoùtouslesgarçonssontassis.–Enme tenant ici pour te promettre d’être à toi, deme consacrer à toi, je sais déjà qu’une vie

entièrenesuffirapasàt’aimer.Cen’estjustepaspossible.Ilhausselesépaules,etmoncœursegonflequandsavoixvacillelégèrement.–Mais,Bébé,j’ail’éternitépouressayer,situveuxdemoi.–Oui!Jem’étrangletandisqueColtonpassel’allianceàmondoigt,moncorpstremblemaismoncœurn’a

jamaisétéaussirégulier,etmesidéessontcomplètementclaires.–Jet’aime,murmure-t-il.Mes larmes coulent et je ne fais rien pour les retenir. Il a l’air d’être en proie à un débat de

conscience, il a envie deme prendre dans ses bras pourme consoler. Il regarde notre officiante, lui

demandantdesyeuxlapermissiondemetoucher.Etc’estsiadorable,monhommequinerespectejamaislesrèglesetquiapeurtoutàcoupdelesenfreindre.

Jem’essuielesyeuxavecunKleenextenduparHaddieetjeprendsuneprofondeinspirationpourmeprépareràprononcermesvœux.

–Colton,j’aieubeauessayerderésister,jecroisquejet’aiaimédèsl’instantoùjesuistombéedece placard directement dans tes bras.AmoureuseCollisionÉtonnante.Tu as vu une étincelle enmoiquand,depuissi longtemps, jen’éprouvaisplusautrechosequeduchagrin.Tu t’esmontré romantiquealors que tu jurais que la romance n’existait pas dans la réalité. Tum’as appris que j’avais le droitd’éprouverdessentimentsalorsque,depuissilongtemps,messensétaientendormis.

Jesecouelatêteetjebaisselesyeuxsurnosmainsavantderevenirplongerdanssonregard.–Tum’asmontréquelescicatrices–intérieuresetextérieures–sontbellesetquejepouvaisme

lesappropriersanscrainte.Tum’asmontrélevraitoi–tum’aslaisséeentrer–alorsquetutefermaisauxautres.Tum’asmontré tellementdeforceetdecourageque jenepouvaispas faireautrementquet’aimer. Etmême si tu ne l’as jamais su, tum’asmontré ton cœur àmaintes reprises. Avec tous sesmorceauxcabossés.

Jereprendsmarespirationsanslâchersamain.Etl’expressiondanssesyeux–emplisd’acceptation,d’adoration,derévérence–,jenel’oublierai

jamais.Leslarmescoulentsilencieusementsursesjoues,formantuncontrastefrappantaveclagravitédesonvisage,maisjevoissavulnérabilité.Jesenssonamour.

–Tudisquej’aiapportélalumièredanstesténèbres,maisjenesuispasd’accord.Talumièreétaitdéjàlà,jet’aijustemontrécommentlafairebriller.Tum’offreslaviequej’aitoujoursvoulue.Etpourça?Jeprometsdemedonneràtoi–ledéfi,l’abnégation,toutlefichualphabet–detoutmoncœur,sanstromperie,sansinfluencesextérieures.

Jenepeuxpasm’enempêchermêmesijesaisquec’estcontrelesrègles,jemepencheenavantetjeposeunpetitbaisersurses lèvres,etquandjemepencheenarrière, leregarddanssesyeuxetsonsourireencoinsonttelsquejelesgarderaienmémoirepourlerestedenosvies.

–Désobéissante!Ilplaisanteenhaussantunsourciltandisquejemeprépareàterminermesvœux.–J’aiétéàbonneécole.Jesecouelatêteetjeleregardedenouveau,l’espritclair.–Jeprometsd’encouragertalibertédepenserettatendanceàenfreindrelesrègles,parcequec’est

ce qui fait que tu es toi. Je promets de te lancer des défis et de temettre la pression pour que nouspuissionscontinueràévoluerversdemeilleuresversionsdenous-mêmes.Jeprometsd’êtrepatienteetdetetenirlamainquandtulevoudraslemoinsparcequec’estcequejefaislemieux.Jeprometsdet’envoyerdeschansonspar textopourquenouspuissionsgarderouvertes les lignesdecommunicationentrenous.EtjeprometsdeporterdesrobesavecdesfermeturesÉclairdansledos.

J’ailancéçasuruncoupdetête,etColtonseretourneversHaddiequiritdeboncœurderrièremoi.Ilsecouelatêteavantdereportersonregardsurmoi.

–Jeprometsunevieentièrederire,depetitsdéjeunersavecdelaglaceetdedînersdepancakes.Etmêmesij’adoreagitercedrapeauàdamier,Batterup,Baby 4!

Monsourirerépondausienetmonamourpourluigonfleets’envoleversdeshauteursnouvelles.– Je promets que rien dansma vie n’aura autant de valeur que toi – parce que tout le reste est

insignifiant–etquetoiColton,tunel’esabsolumentpas.Jemesouviensd’unefoisoù,assisedansunStarbucks,jet’observaisenmedemandantcequeçaferaitd’avoirlapossibilitédet’aimer,etmaintenantj’aitoutelaviepourledécouvrir.Etjecontinueàpenserquecelanesuffirapas.

Jeprendsl’alliancequ’Haddiemetend,l’anneaugravéavecundessinàdamier,etjelapasseàsondoigt.

Beckscommenceàsemoquer,ettouslesinvitésrient.Mêmesij’aitrèsenviedel’étrangler,jenepourraijamais.C’estmaviemaintenant,etilenfaitpartie.

–C’esttoileprochain,enfoiré.Beckss’étrangleetjerisdeplusbelle.Auboutd’uneminute,lesriresdiminuent,toutlemondese

calmeetl’attentionrevientsurnous.–Colton,nousavonsl’éternitépouressayer,situveuxdemoi.–Tusaisquec’estpermanent,hein?Il dit cela doucement et cela me rappelle le symbole qui marque ma hanche pour toujours.

J’acquiesced’unpetitsignedetêtetandisqu’ilmeregarde,latêtepenchée,lesyeuxpétillants,lesourireauxlèvres.

–Jen’auraispasvouludetoiautrement.Il baisse les yeux sur samain, sur l’alliance toute neuve à son annulaire, et il secoue la tête un

moment,letempsdesefaireàl’idéedecequivientd’arriver.L’expressionsursonvisagen’apasdeprix.Etavecuneimpatiencedigned’undemesgamins,illanceunregardversl’officiante.Elleémetunpetitrire,sachantexactementcequ’ilveut.

–Oui,Colton,vouspouvezembrasserlamariée!Jesuissubjuguée,d’émerveillementetd’amour.–Dieumerci!Enpoussantunsoupir,ilavanceversmoipourprendremonvisageentresesmains.–Voiciundrapeauàdamierquejevienschercherpourtoujours.Et ses lèvres sont sur les miennes, notre connexion est incontestable, et j’entends l’officiante

annoncer.–Chersamisetmembresdelafamille,j’aileplaisirdevousprésenterMonsieuretMadameColton

Donavan.

1.Wedding traditions, « les quatre éléments » : quelque chose d’ancien, quelque chose de nouveau, quelque chose d’emprunté et quelquechosedebleu.(NdT)

2.Bonbonsgélifiésenformedebouées,d’oùleurnom.(NdT)

3. Jeu demots à connotation sexuelle utilisant des termes du base-ball. Les « bases » correspondent aux différentes étapes de la relationsexuelle,leterme«HomeRun»désignel’ensembledelarelation.(NdT)

4.Batterup : termedebase-ball employépar l’arbitrepourappeler lebatteur suivant. Ici, onpeut le comprendrecomme :À toide jouer.(NdT)

ÉPILOGUE1

10ansplustard

Les vibrations du moteur résonnent dans ma poitrine bien avant que la voiture n’attaque le viragenuméro quatre. Je ne quitte pas la voiture des yeux, tandis qu’il se fraye un chemin entre les autresconcurrentsdansson troisièmetouravant la fin,et jemedemandesicesera toujourscommeça.Si jeseraitoujourscettebouledenerfsquandilseralà,surlapiste.

Absolument.Sansl’ombred’undoute.Jel’entendsrétrograderquandils’engagedansleviragenumérodeux, leseulquejenepeuxpas

voirdemaplacedanslaloge,lelongdelalignedesstands,alorsjetournelatêteverslemoniteurenfacedemoi.J’entendslecommentateurdevenirhystériqueàmesurequelafindelacourseapproche,etjeneréprimenimafierténimonsourire.

– EtDonavan avale le virage numéro trois. Encore un, et il remportera le drapeau à damier iciaujourd’hui,chersamisfansdeF1,etilprendralatêteduclassement.Lesautresconcurrentss’écartentpourluilaisserlaplacetandisqu’ilattaqueleviragenuméroquatreet,maintenant,Donavanestdansladernièrelignedroite,lavoieestlibrepourlui.

L’excitationducommentateurestcontagieuseetjedétachemonregarddel’écranpourlevoirvolerverslaligned’arrivée.

Pourtant,alorsmêmequel’issuesedérouledevantmoi,riennepourracalmermonangoissetantquejenel’auraipasserrédansmesbras,unefoisdeplus.

–Etc’estunepremièrepourDonavan!Ildécrocheledrapeauàdamierici,aujourd’hui,auGrandPrix Indy Lights,Mesdames etMessieurs ! Une nouvelle victoire pour ce pilote talentueux que nousreverronsencoretrèssouventsurlepodium,j’ensuiscertain.

La loge autour demoi bourdonned’excitation,mais je neprendspas le tempsdem’arrêter pourbavarder.Enunriendetemps,jemedébarrassedemesécouteursetjedescendslesmarchesencourant.Toutlemondeconnaîtmaroutinemaintenantetjenem’inquiètepasde«quiestavecqui»,oude«où

nousnousreverrons».Jetraverselafoulejusteàtempspourvoirsavoitureentrerlentementsurlazoneàdamiernoiretblancdelalignedelavictoire.

Jetrembletellementjesuisexcitéeetmoncœurseserrequandjevoistouslesmembresdel’écurieserassemblerautourdelui,tendantlesbrasdanslecockpitpourluipresserl’épauleoudonnerunetapesurlesommetdesoncasquepourleféliciter.Jeresteunpeuenretraitpourleurlaisserleurmomententremecsdel’équipe,impatientedelefélicitermoiaussi.

Unefoisquelevolantaétésorti,jel’observequisedépliepoursortirdelavoiture.Onl’aideàsestabiliserquandilsortetsedégourditlesjambesaprèsêtrerestéassispendantcinqheures.

L’équipe s’écarte pour laisser passer un homme.C’est notre routine porte-bonheur depuis un an.L’amour m’envahit quand je regarde l’homme de qui je tombe amoureuse un peu plus chaque jour,avanceretcommenceràl’aideràdébouclersoncasque.

Lesjournalistessepressentautourdemoipours’approcher,maisjenebougepasd’unpouceetjecontemplecespectaclequimeserrelagorgechaquefoisquej’yassiste.Unspectacledontl’effetsurmoineperdrajamaisdesonintensité.

Lecasqueetlacagouleblanchesontenlevésendouceur,cequimepermetdevoirbrillerdanslesyeuxdeZanderunefiertéetuneexcitationcomparablesàcellesquejeressensàlasuitedesavictoire.Colton luiprendsoncasquedesmainsetserrenotre filsdanssesbrasbrièvementmaisdansungestepleind’émotion.EtjesaiscequeColtonluidit.Lamêmechosequ’illuiaditeunnombreincalculabledefoisdepuisdesannées.

–Jesuisfierdetoi,fils.Jet’aime.Cesontlesmotsqu’ilveutqueZandern’oubliejamaisetn’aitjamaishontedeprononcerlui-même.

Je ravale lenœudquimeserre lagorge tandisqueColton lui ébouriffe sescheveux trempésde sueuravantdereculerpourlelaisserprofiterdesonmomentdanslalumière.

ColtonseperddanslafouletandisqueBeckss’avanceetpasseunbrassurlesépaulesdeZanderpourleféliciteravantquelesmédiasneleurtombentdessus.

Jeresteimmobiledanslafoulequim’entoureetj’attends,sachantqu’ilsaurametrouver.Ilnemetqu’uneminutepourvenirglissersesmainsautourdematailleetm’attirercontrelui,madouceurcontrelafermetédesamusculature,enmêmetempsquejesenssabouchecontremonoreille.

–Zanderaétébonaujourd’hui,hein?Jefermemomentanémentlesyeuxausondesavoixrauqueetjemedemandecomment,auboutde

dix ans, ce son peut toujoursme faire autant d’effet. Peut toujours faire resurgir toutes ces sensationscommelepremiersoiroùnousnoussommesrencontrés.

Jepenchelatêtesurlecôté,sabarbenaissantemechatouilletandisquej’approchemeslèvresdesonoreillepourqu’ilpuissem’entendremalgrélescommentateursettoutel’hystérieautourdenous.

–Ildevientmeilleuràchaquecourse.J’appuiemeslèvresau-dessousdesamâchoireetjeleslaisselàuninstant.–Ilaunsuperprofesseur.Àtontourdedécrocherledrapeauàdamiermaintenant.

Jerelèvelatêtejusteàtempspourlevoirhausserunsourciletfaireunsourirecoquin,etjesaisqu’ilnepensecertainementpasàsacoursedelasemaineprochaine.Jenepeuxm’empêcherderire.

–SurlecircuitAce!Celui-ci,tul’asdéjàdécroché!–Tupeuxledire!Direct!Ilritavantdeposerundernierpetitbaiserchastesurlecôtédematêteens’yattardantunpeuavant

demurmurer:–Jedoisretourneraustand.Onsevoittoutàl’heure?–Mmm.Disàtoutlemondequeledînerestàdix-huitheurestrentetapantes,demain,ok?–Ouaip.Ilmefaittournerdanssesbraspourmeregarderaveccepetitsourirequej’adore.Lesannéesont

étéclémentesavec lui, justequelquesridesdeplusautourdesyeux,etencore,mais ila toujourscettemêmeallured’Adonisquimecoupelesouffle.

Il sepencheenavantpourm’embrasser sur les lèvres,et jedoismeretenirde toutesmes forcespournepasm’abandonnerunpeuplusàcebaiser,àlui.Parceque,mêmeaprèstoutcetemps,jenepeuxtoutsimplementpasmerassasierdelui.

Commepourtoutcequimeconcerne,ilperçoitmonenvieetjesenslesouriresursonvisageavantqu’il n’effleureunedernière foismes lèvresdes siennes. Il sepencheversmoipourmurmurer àmonoreille.

–Onserattraperatoutàl’heure.–Etqu’est-cequiestadvenude«oùjeveux,quandjeveux»,Ace,hein?J’adorelesoninsouciantquisortdeseslèvresquandilrejettelatêteenarrièreenéclatantderire.

Ilsecouelatêteenmeregardantetjetteuncoupd’œilpar-dessusmonépauleverslasallederéunion.–Jecroisbienvousavoirdéjàdonnéunepreuvedecettethéoriecematin,MadameDonavan.Sesparolesréveillentlemanquequ’ilasatisfaittoutàl’heuresurlebureaudanscettesalle,mais

quienredemande.Ilglisseundoigtsurmajoue.–Maisjenedemandepasmieuxquederevenirsurcepointunpeuplustarddanslasoirée.– Oh, pas de souci. Ce point n’attend que ça même si nous nous sommes déjà étendus sur la

question!–Bébé,nousenavonsdéjàbienfaitletour,ilfautlereconnaître.Ilmelanceunregardsuggestifenétalantlamainsurmesreins,etilmepressecontreluidefaçonà

ceque je lesentedurcircontrecepointdemonbas-ventre. Jenepeux rien faired’autrequesoupireralorsquetouteslespartiesdemoncorpsleréclamentavidement.

–Putain, je t’aime,ajoute-t-ilenposantunchastebaisersurmeslèvresavantdemefaireunclind’œiletderepartirversZanderetlerestedesonécurie.

Je reste làà le regarders’éloigner– lesépaules larges, la têtedroite,et toujours incroyablementsexy.Jehochelatêtequandjenousrevoistoutescesannéesenarrière,aumomentoùils’estéloignédemoidanssacombinaisondepilote.Quandilm’aappelée,atrouvélecouragedemedirequ’ilmepilotaitetachangélecoursdenosvies,etpasseulementdesnôtres,pourtoujours.

ÉPILOGUE2

Colton

Lamaisonbourdonnecommeuneputainderuche.ToutàfaitcommeRylesl’aime.Mêmesijemedemandebienpourquoi,putain,sionpenseàtoutecettetestostéronesurpuissantequidépassedebeaucoupsonminusculeapportd’œstrogènes.

Endescendantlesescaliers,jejetteuncoupd’œilverslaterrasseetjevoisShanequiparleavecConnordesonnouveauboulot,entenantsafemmeparlatailleetenportantunebouteilledebièreàseslèvres.

TouslesgarçonssontlàpournotrerepasdefamillemensuelcommeRyl’appelle,mêmesicertainsdesgarçons–merde,deshommesmaintenant–songentàfonderleurproprefamille.

–Hé,Shane…Jel’appelleparlesportescoulissantesouvertespourlacirconstance.–J’aiencorequelquesbièresaufraissituveux.Illèvelesyeuxaucielenréponseàmablague.–Nonmerci,une,c’estbon.

Il lève sa bière commepour porter un toast en faisant un grand sourire. Je ris en le revoyant ce

matin-là,toutvertetaveclagueuledebois.Jetraverselecouloiretjecontemplelespectacle.Aidenavecsonmaillotdebase-ballUCLA,qui

arrivetout justedel’entraînement,enpleinediscussionavecZanderenshortdesurfet lacasquettedebase-ball à l’envers, un sourire détendu sur le visage. Scooter assis sur la terrasse, jouant avec desfigurinesdeSpider-ManaveclefilsdedeuxansdeShane,putain!

J’ail’impressiond’êtreunvieuxcroûton.Toutlemondeestlà,saufKyleetRicky.JeplainslesfillesdepremièreannéeàStanford,auprès

desquellescesdeux-làs’emploientàdéployerleurscharmesactuellement.Àmoinsquecenesoit leur

genredemagieàeux.Lesfemmesn’ontaucunechanceaveceux.Ilvayavoirdescœursbrisés.Baiseetlargue.Quandjepenseàeux,cettevieilleexpressionmerevientcommeunboomerangetlessouvenirsde

cettepremièrenuitme remontent tout à coup. Jen’essaiemêmepasdeme retenirde sourirequand jepense à tous les cœurs que j’ai brisés…putain, j’étais bon – jusqu’à ce qu’une certaine démone auxcheveuxbouclésfassesonentréefracassantedansmavieets’accrochepourneplusjamaislâcherprise.Lesdéfiset lescourbeset toutmonuniverssesontretrouvéssensdessusdessousquandj’aiouvertcedamnéplacard.

Dieumerci!MafoutueRylee.J’entendssavoixdanslacuisine,etmespiedssedirigentversellesanslamoindrehésitation.Je

m’écartedelaporteetlamoindreparcelled’amourquejen’avaisjamaiscrupouvoiréprouverunjour,jamaisenvisagéecommeunepossibilité,mecoupelesoufflecommechaquefoisquejelesvoiscommeça.

Çaboutdanslescasserolessurlacuisinière,lemicro-ondessonneetonentendlesGooGooDollsdansleshaut-parleursau-dessusdenostêtes,maisjeneremarqueriendetoutçaparcequemesyeuxsontrivéssurlespectaclequis’offreàmoi,etmoncœurbatàserompre.Ilssontassisparterreentailleur,lesgenouxquisetouchent,saisisd’unfourireincontrôlableàproposd’unsecretpartagépareuxseuls,lesmainsetlesvisagescouvertsdefarineetempreintsd’uneadorationtotaleetmutuelle.

Jerestelààlesregarder,lecœurprêtàexploser,enmedisantquejesuisl’enfoirélepluschanceuxdelaTerre.Jesuisalléenenferetj’ensuisrevenu,maisçaenvalaitlapeinepuisqueçam’apermisdeconnaîtrecequej’éprouvemaintenant…dessentimentsquinemesontplustellementétrangers,putain!

Ceuxsanslesquelsjenepeuxpasimaginervivretouteunevie.Le fou rire s’arrête, et une paire d’yeux vertsme regarde à travers des cils noirs, des taches de

rousseursurunnezfroncécouvertdefarineetunpetitsourireencoin.Ilneditrien,essayantdesavoirsijevaismefâcherenvoyantlebazardanslequelila,detouteévidence,jouéunrôle.

Puisdesyeuxvioletsselèventversmoi,àleurtour,accompagnésdecedouxsouriresurceslèvresquej’adore,etquim’estdirectementadressé.Etjem’émerveilleensilencedelafaçondontcesimplesourire continue de me subjuguer à chaque fois, putain, malgré les années. Il me donne envie de laprendredansmesbras,deluiconfiertousmessecretsetdelasauterjusqu’àluifaireperdreconscience,enmêmetemps.

Sespouvoirsmagiquesfonttoujoursleureffet,putain.Etpourrienaumondejenevoudraisqu’ilensoitautrement,putain.Jerésisteausourirequimenaced’apparaîtresurmeslèvresparcequ’ilmefaittoujourscraquer–

unfaitquejenierégulièrement–etj’essaiedeprendrel’airsévère.–Qu’est-cequisepasseici?Aumomentoùj’entredanslapièce,Ryleetapesesmainsl’unecontrel’autre,unnuagedefarinese

formetoutautourd’elleetilssemettentàriredeplusbelle.

J’avanceverseuxenramassantdelafarinesousmespiedsnusetjem’accroupisàcôtéd’eux.Mesyeuxvontde l’unà l’autreà toutevitesseet,soudain, je tends lebraset jeposemondoigtcouvertdefarinesurleboutdesonnezàlui.

–Ondiraitquevousavezfaitunbeaubazartouslesdeux.J’essaied’endosserlerôledupèreautoritaire,maisj’échouemisérablement.–Sansblague!llmeregardeenrigolant,lesarcasmeàsoncomble.–AceThomas!Ryréprimandenotrefils,maissesmotsm’ontfoutusurlecul.Je le regarde, en scrutant son visage encore et encore, en l’étudiant comme une putain de carte

routièrepourvoirs’ilalamoindreidée,lemoindresoupçondecequ’ilvientdemedire,maisilnemerenvoieriensaufceregardvertmalicieuxetcesourirepoignant.Moitoutcraché.

–Hé?Cettevoixveloutéeetsexymetiredesflashesd’hélicoptèresenplastique,despansementsdécorés

de super-héros sur un index, et des tchac, tchac, tchac… Des souvenirs qui ne me reviennent quepartiellementmaisquisemblentclairscommedel’eauderoched’unecertainemanière.Jesecouelatêtepouressayerdedissipercetteconfusionavantdelaregarder.

–Ouais?–Çava?Elletendlamainetmetouchelajoue,puismeregardefixement.Et il se met à rire, brisant l’emprise de mes pensées. Il montre la farine qu’elle a maintenant

transféréesurmajoue.–Quoi?Jegrondeen imitant lesmonstreset cegarçondebientôt sixans semetàpousserdescris aigus

commeunepetitefillequandmesdoigtss’approchentpourlechatouiller.– Tu es un monstre de farine, toi aussi, maintenant ! dit-il entre deux hoquets en essayant de

m’échapperensetortillant.Notrefestivaldechatouillesseprolongeencoreunpeutandisquejelelaisses’échapperpuisqueje

lepoursuisetenfinquejeleserredansmesbras.Etilcontinueàsetortillermaisfinitparmepasserlesbrasautourducouetseserrercontremoi.

Ces petits bras remportent lemorceau parce qu’ils tiennent tout ce que je suis dans leursmains,putain.Jeprofitedecemomentpourlerespirer–cepetitgarçon,lafarine,etunsoupçondelavanillevenantdeRy,toutçamélangé–etjefermelesyeux.

J’imaginequec’étaitécritdanslescartes,aprèstout.Putaindemerde!Ilm’asauvé.Àl’époqueetmaintenant.Justecommesamèrel’afait.

Jesensqu’elleposesamainsurmondos,qu’elleappuieseslèvrescontremonépaule,etj’ouvrelesyeuxpourlaregarder–monalphabettoutentier,putain–etjeluisouris.

–Jecroisquenotremonstredefarineauraitbienbesoindeprendreunpetitbainrapideavant ledîner.

–Nan.Jetendslamainpourébouriffersescheveuxensoulevantunnouveaunuagedefarine.–Çavapartiravecunebombedanslapiscine,hein,Ace?–Ouais!Ilmetapedanslamainetsortcommeuneflèchedelacuisine.Jeleregardecouriretsauterdansla

piscine,faisantglapirZanderquiesttoutéclaboussé.–Iltemèneparleboutdunez.Ellevaserincerlesmainsdansl’évier.–Pastoi,peut-être?Jesecouelatêteenm’avançantderrièreelleetjeluipasselesbrasautourdelataillepourl’attirer

contremoi.Et,biensûr,ceculappuyécontremaqueuemedonneenviedelaprendre,delajetersurmonépauleetdelamontertoutdesuiteàl’étage.

Jeposemeslèvressurcepointbienprécisjustesoussoncou,etmêmeaprèstoutescesannées,soncorpsréagitinstantanément.Sapeausecouvredechairdepoule,sarespirations’arrêteetellepousseceputain de soupir quime fait bander, comme si elle prenaitma queue dans sesmains. Et si son corpssuperbenemefaisaitpasbanderaussidurquedel’acier,saréactivitélefaitdirect,putain!

Ça,pluslefaitquejesaisàquelpointellem’aime,avecmesdéfautsettout.Je secoue la tête tandisque toute lamerdequim’est arrivéedansmaviedéfiledansma tête. Je

rigoleparceque leschosesquimefrappent leplus–quicomptent leplus–ont toutesdébutéavecunputaindelocalderangementetcetteprovocatricedansmesbras,quim’arappeléàl’ordre,m’aattrapéparlescouillesetm’aditquenotrerelationétaitnonnégociable.

Et putain de Dieu, il nous reste encore toute une vie pendant laquelle elle pourra mener le jeucommeelle l’entendparcequemescouillessont toujoursbienaccrochées,nichéesà l’endroitoùellesdoiventêtre,justedanssesmains.

–Qu’est-cequitefaitrire?–Jerepenseàtatêtequandtuasdécouvertquej’avaisgagnélesenchères.Tuétaistropfurax.–Quellefemmenel’auraitpasétéavecunmecaussiarrogantquetoi?Ellerigoleetsoupiredoucement.Cesoupiràluitoutseulsuffitàmefairebander.–Arrogant?Moi?Jamais.–Peuimporte!Jesaisquetuavaistruquélesenchères,Ace.J’éclatederire.Seigneur,j’aimecettefemme.Dixansaprèsettoujoursaussifougueuse.–Bébé,c’estuneréponseàlaquellejevaism’accrocheréternellement.Jeposeunbaiserdanssescheveux.

–Impossible…Ellelèvelatêtepourm’embrassersouslamâchoire.–…parcequetuserastropoccupéàt’accrocheràmoi.–Putaindemerde,tuasraison.Jelaserreunpeuplusfort,jen’aipasenviedelalâchermaintenant,parceque,putain,quelpilote

neveutpass’accrocheràsondrapeauàdamierunpeupluslongtemps?Aumoins,jesaisquelemienneflottequepourmoi.Monpointfaible.Monalphabet,cetenfoirédeAàZ.MaputaindeRylee.

FIN

Remerciements

Waouh!Parquoiest-cequejecommence?Onm’acritiquéepourlalongueurdemesremerciementspourFueled…Alors,sivousfaitespartiedeceuxquionttrouvéquej’étaistropbavarde,jevoussuggèredesautercequisuit.

Ilyaunpeuplusdeneufmois,j’aidécidédepublierDriven.Jenesaispastrèsbiencequej’espérais.Jesaisjustequemamèreetmonmarin’arrêtaientpasdemediredenepasme faire tropd’illusions. Jepourraisvousmentiretvousdireque j’imaginaisque lesgensallaientadoreretquemacarrièred’écrivainallaitdécollerdujouraulendemain.Enréalité,j’étaismortedepeur.Jen’avaisjamaisrienfaitquimemettait«enlumière»danslasphèrepublique,pouryêtrescrutée,critiquéeet,avecunpeudechance,félicitée.J’espéraisquelesgensachèteraient le livrequiparlaitdecepilotedeF1arrogantetsûrde luietd’unehéroïne,fougueuse,certes,maiscrédible.Oui, j’aiutilisé lescénario formatéde la rencontregoodgirl/badboy,mais j’espéraisque lesgenschoisiraientaudépart le livrepourcettesimple raisonpuisdécouvriraientquejepouvaisvraimentécrire,raconterunehistoire,vousentraînerdansununiversdifférentetvousdonnerdesémotions.Etlesgensl’onteffectivementacheté.Etdesgensonteffectivementcritiquémonintrigueàthèmes.MaisdesgenssontaussitombésamoureuxdeRyleeetColtonetdesgarçons.

Ilyaunpeuplusdesixmois,j’aidécidédepublierFueledavecdesattentesdifférentesetbiendéterminéeàprouverquejepouvaisrendrecettehistoirepluspersonnelle.Quejepouvaismettremapattesurlamalédictiondu«secondvolume»d’unetrilogieetluipermettredese distinguer des autres livres auxquels il était comparé. J’ai réécrit la plus grandepartie de ce que j’avais déjà écrit, ajouté des chapitresdonnantlepointdevuedeColton,incorporélessuper-héros,lethèmedu«Jetepilote».Etquandj’aipublié,j’avaisunpeuplusdeconfianceenmoietlacertitudeque,grâceàcelivre,matentativededevenirun«vrai»auteurallaitsoitêtreuneréussitesoitunéchec,çapasseouçacasse.

Jenem’attendaispasdutoutàcequiestarrivéensuite,jen’avaisjamaisimaginéquedesagentsm’appelleraient–desagents,soitditenpassant,quiavaientprécédemmentrejetémeslettresdedemanded’information–qued’autresauteursquej’admiraism’enverraientdese-mails,quedeslecteursvoudraienttoujoursplusdecetuniversetdel’histoirequej’avaiscréée.Leseulmotquejepeuxutiliserpourdécrire,mêmepartiellement,lescinqderniersmois,c’est«surréaliste».Complètement,incroyablementsurréaliste.

Jemesuislancéedansl’écrituredeCrashedavecmonébauchedequatre-vingtspagesetlapressiondeslecteurspourqu’ilsortevite.Rien de tel que lamotivation, non ?Mais, enmême temps, quelle chance j’avais que les gens en redemandent ! Je sais que les auteurstravaillent toute leur vie pour cemoment, alors pour rien aumonde je n’allais prendre pour acquise l’opportunité quim’était offerte. J’aicommencéCrashedet j’aibataillépourqu’ilsoità lahauteurdeFueled.Commentest-cequej’allais laisserquelquechosequirésonneraitchezleslecteursaussiprofondémentquelalitaniedessuper-hérosouleJetepilote?Cesdeuxpremiersmoisd’écriturefurentrudes.EtpuisjemesuisaperçuequeCrashedn’étaitpasobligéd’êtreàlahauteurdususpensequel’ontrouvaitàlafindeFueled,parcequec’étaituneautrepartiedel’histoiredeRyleeetColton.Alors,aprèscettedécouverte,leschosesontcommencéàsemettreenplacepourformercequevousvenezdelire.

J’espèresincèrementquevousavezappréciélaconclusiondel’histoiredeRyleeetColton.Jesuisextrêmementfièredeleurparcours,deleurguérison,deleuraccomplissement,etpourtantcetteconclusionmelaisseunsentimentdoux-amerparceque,toutcommevous,j’aifiniparlesaimer,euxetlesgarçons.

Àcesujet,j’aireçuuntorrentdecorrespondancedelecteursquiontététouchésparl’histoiredemaltraitancedeColtonetparlafaçondont je l’aiabordée…quecesoitàcausede leurexpériencepersonnelleoudecelledepersonnesqui leurétaientchères.Jesuisvraimentattristée par vos histoires et en même temps honorée que vous ayez trouvé que j’avais décrit ces situations et leurs conséquences

psychologiquesavecjustesse.Jeregrettepourvousquevousayezpumeledireparcequevoussaviezcequec’était.Pourceuxd’entrevousquiysurvivez…heureaprèsheure,jouraprèsjour…votreforcemestupéfie.Jesaisquelessouvenirsnes’effacerontjamais,maisj’espèrequ’unjourviendraoù,commeColton,votre747pourras’envolerluiaussi.

Un certain nombre de personnesm’ont aidée à faire de ce dernier livre ce qu’il est devenu et je voudrais prendre le temps de lesremercier.Tout d’abord,monmari etmes trois jeunes enfants qui sont ceuxqui ont fait les plus gros sacrifices pour quevouspuisiez lireCrashed leplusvitepossible.D’unemaman/épouse toujoursprésente,quin’oubliait jamais rienet était toujourspartantepour tout, ils sontpassésàunepersonnesouventperduedanssespensées,quiestdevenuedistraiteetquirefuseparfois l’imprévuparcequ’elleveutfinircechapitrependantqu’ilestencoreclairdanssatête.

Ensecondeposition,jemedoisderemercierBetaBiggsetBetaYeti.Crashedabeaucoupbénéficiédeleurréactioninitialequiétaitqu’au chapitre 15 on avait l’impression d’être encore au chapitre 6 (c’est-à-dire qu’on avançait lentement) et pour ça, parmi beaucoupd’autreschoses, je leurenseraiéternellementreconnaissante.Mercidem’avoirpoussée,dem’avoirmiseaudéfidevous faire« ressentirplus » et de tous ces commentaires disant « je sais que vous pouvez fairemieux que ça ». Votre contribution a étémonumentale, votrevigilanceinoubliable,etleprocessustoutentierindolore(enfin,parfois)…etvousméritezvousaussid’êtrefélicitéespourcelivreparcequevousavezaidéàrendrelaconclusiondel’histoiredeRyleeetColtonmémorable,cedontnouspouvonsêtrefières.

JedoisaussiremercierBetaWhoetBetaHawpour leursconseilsbienvenuset leurfranchisedetous les instants.Decela, jeseraiéternellementreconnaissanteetneserai jamaiscontrariéemêmesi jechoisisd’emprunterunitinérairedifférent.Lesamiesavant les livres,toujours.

Pourmesautresrelecteurs,mercidevotreaide.Etpuisilyacegroupedinguedefemmes–ellessont7500–quisefontappelerlesV.P.PitCrewsurFacebook.Jesuisébahiepar

votresoutien,votremotivation,lesamitiésquevousavezentaméesetl’ensembledelacommunautéquevousavezcrééeautourdeceslivres.Votre soutien sans failleetvotre implication fontdemoi lapluschanceusedesauteursaumonde.Soyezassuréesquemêmesi laTrilogieDrivenestachevée,legroupenel’estpas.

Aufait,Mesdames,avez-vousvumesappelsdansCrashed?Je voudrais aussi remercier mes #WickedAwesomeAdmnins/mes Géniales Assistantes (Cara Arthur, Amy McAvoy et Christina

Hernandez)ainsiquel’assistantedeColton(aliasLara)pourtoutcequ’ellesfontpourmoisansriendemanderenéchange.Mesdames,lesamitiés que nous avons nouées ont tellement plus de valeur que les livres qui nous ont rassemblées que, pour ça, je serai éternellementreconnaissante.

#Beckspert#TheRealMrsDonavan#WalkersChristina#LaraMetHimFirst…Merciduplusprofondducœur. Jen’auraispaspu lefairesansvous.

ÀMaxanneDobbs de The Polished Pen… encoremerci d’avoir polimon style et de l’avoir fait briller. Jeme dois aussi de vousremercier pour avoir répondu àmes nombreuses questions etm’avoir apporté les connaissances nécessaires pour supporter l’ouragan quevous aviez vu venir. Je vous suis éternellement reconnaissante et je n’écrirai jamais un autre « action beat » sans penser à vous avecaffection…enfin,etprobablementvousmaudire,maisceseraitquandmêmeunmouvementd’amour.

ÀDeborahdechezTugboatDesigns,mercid’avoireulebonsensdenousparler,d’alleràcontre-courantetdem’avoirditquejemetrompaisdansmonpremierchoixpour lacouverturedeCrashed. J’ai tellementdechanced’avoir tantdegenscommevousavecmoi,quis’occupentdemoipourd’autresraisonsqueleurprofitpersonnel.Jesuisheureusequevousayezdonnévotrepointdevueparcequevousaviezraison,ilfallaituncouplesurlacouverturedeCrashed.Etquandonregardelestroislivresensemble,c’estparfait.

ÀStaceydechezHaysonPublishing,mercid’avoirétépatientequandjen’enfinissaispasdecorrigeretd’avoirrenduCrashedbeauetprofessionnel.Etdigned’undrapeauàdamier.

ÀAlyTannenbaum,mercid’avoirfaitpreuvedepatienceaveccetauteurindépendante,méfiante,quis’estmontréeunpeubrusqueaucours de nos premières conversations. J’apprécie votre science, vos conseils, et je suis impatiente de voir où nous pouvons emmener laprochaineétapedecettebalade.

Aux blogueuses… je n’ai pas de mots pour exprimer ma gratitude pour le soutien que vous m’avez apporté, à moi et aux livres.Certainesd’entrevousm’avezsuiviedepuismesdemandesinitialesdelireDriven,enavril2013.Vousêteslaraisonquifaitquenoslivressontvusparleslecteurs.Notrepublicitégratuite,sivousvoulez…jenel’oublieraijamais.Ungrandmercipourtoutcequevousavezfaitpouraideràlapromotiondeslivresetavoirparticipéauxidéesquimeviennentauhasard.

MerciàJodiEllenMalpaspourm’avoirlaisséeposerdesquestionssurcequivientaprès,pouravoirréponduavecfranchiseetavoircomprisqu’onpuissedevenir ridiculementémueendisantadieuàunhommefictif.MerciàRaineMiller,LaurelinPaige,BJHarveyet lesdifférentsauteursquiontréponduauxquestionsdecettenouvellevenue.MerciàTristaetCarlaquim’ontapprisàriredecetteexpériencequinepeutvenirqued’uneamitiéàdeuxchiffres.

AudouxParker,hé,tessuper-hérosontfiniparveniraussi!

Etpourfinir,merciàmeslecteurs…vousêtesabsolumentmerveilleuxetmelaissezsansvoixtouslesjoursavecvospetitesnotes,e-mailsetremarques.JesaisquevousêtestristesquelasérieDrivensoitfinie,maissoyezrassurés,vousn’enavezpasterminéavecColtonetRylee.Entre-temps,unlivrepourBecksetHaddieestprévu.EtsiRyleeetColtonvousmanquenttrop,j’aiunpetitquelquechosepourgarderleurmagievivantepourvousquis’appelleC.R.A.S.H.Dash…Pourensavoirplusrendez-voussur:

www.kbromberg.com/?page_id=743ouwww.facebook.com/Crash13Dash

Commetoujours,mercidemelireetpourvotresoutiensansfaille.