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Dossier Energies Marines Renouvelables

FACE A L’OBJECTIF 2020, LE SERPENT DES MERSEMERGERA-T-IL ENFIN ?

Lorsqu’il présente, en novembre dernier, son pro-gramme de développement des énergies renouve-lables, Jean-Louis Borloo s’attarde sur les énergiesmarines... Il se dit même, dans les couloirs du mi-nistère, que lorsqu’on lui présente les différentesPPI (programmations pluriannuelles des investisse-ments pour l’électricité, le gaz et la chaleur, toujoursen attente de parution officielle), il interroge : « etles énergies marines ? ». Nouveau fantasme d’unministre d’Etat plus "écolo" que nature ? Pas seule-ment. Les engagements européens seront difficilesà réaliser, nul n’en doute, et toutes les pistes sontà envisager pour atteindre l’objectif français d’unepart de 23 % pour les énergies renouvelables dansla consommation d’énergie à l’horizon 2020. Le BIPet ENERPRESSE se sont penchés sur la question.

Dès mars 2007, l’Ifremer lance, avec les principauxacteurs institutionnels, industriels et scientifiques, uneréflexion prospective sur les énergies marines renou-velables à l’horizon 2030, qui s’achève au printemps2008. Les conclusions sont présentées en octobre àBrest où se tient la 2ème conférence internationale surles énergies marines renouvelables et font l’objet d’unlivre publié en début d’année, dont deux des auteurs,Michel Paillard et Denis Lacroix, nous présenterontdans notre prochaine édition les tenants et aboutis-sants. Simultanément ou presque, les Pouvoirs publicslancent le Grenelle de la Mer, dont l’un des groupes detravail, le n° 2, a pour vocation d’évaluer les ressourcesénergétiques du domaine maritime.

PAS DE PÉTROLE MAIS UN POTENTIEL IMPORTANTEN ÉNERGIES MARINES

Si la France n’a pas de pétrole (et très peu de gaz),en tant que nation maritime, elle dispose d’un poten-tiel important pour exploiter les sources d’énergie ma-rine. La mer est un milieu riche en flux énergétiquesqui peuvent être exploités sous différentes formes :l’éolien offshore, l’énergie des vagues (houlomotrice),l’énergie des courants, l’énergie thermique des mersgrâce à la différence de température entre les eaux desurface et les eaux profondes, l’énergie marémotrice

liée au flux et reflux de la marée ou encore l’énergieosmotique (voir en pages Documents).

« Disposant du second potentiel d’Europe pour l’hy-drolien et l’éolien marin, d’une excellente ressourcehoulomotrice et de grandes étendues marines tropi-cales, la France peut jouer un rôle important en re-cherche comme en développement », observe l’Ifremeren introduction de son étude. Pourtant, dans le Gre-nelle de l’Environnement, cet éventuel potentiel n’apas été pris en compte.

Le "Comop Energies Renouvelables" a identifié, rap-pelons-le, l’équivalent de 20 millions de tonnes équi-valent pétrole d’énergies renouvelables à créer pourparvenir à l’objectif de 23 % d’ENR dans la consom-mation d’énergie fixé par l’Union européenne à l’hori-zon 2020 (contre 10 % en 2005). Il a cherché à la répar-tir entre les différentes filières, mais sans tenir comptedes énergies marines, hormis l’éolien en mer, pour le-quel un objectif de 6 000 MW en 2020 a été fixé, ce quipermettra une production de 18 TWh, soit l’équivalentde la consommation domestique (chauffage compris)de 8 millions de Français.

A venir :

●●● Entretien avec Michel Paillard et Denis Lacroix,ingénieur et chercheur à l’Ifremer, deux des auteurs del’étude prospective à l’horizon 2030 publié aux Edi-tions Quae - Annexe : une première plate-forme d’es-sais en mer au large des côtes des Pays de la Loire

●●● Le rôle de l’Ademe - Document : la Commissionrecommande le déploiement à grande échelle de l’éo-lien en mer

●●● EDF, en haut de la vague/Total : la technologiepétrolière au service des vagues et des courants

●●● Entretien avec Philippe Gouverneur, directeurd’Enertrag, Président de la commission offshore duSyndicat des Energies Renouvelables

●●● La Réunion sa lance dans l’énergie thermique desmers

●●● Microalgues : le nouvel or vert ?

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UNE PART DE 7,7 % EN 2020 ?

L’Ifremer a voulu aller plus loin. Sachant qu’en l’étatactuel des technologies et des développements, l’ob-jectif 2020 sera difficile à atteindre, il s’est demandéqu’imaginer de plus pour y parvenir. D’où sa réflexionprospective sur les énergies marines renouvelables.A l’arrivée, un scénario "normatif", intégrant des hy-pothèses concrètes et équilibrées de réalisations faitainsi apparaître « un apport net possible des énergiesmarines de 1,5 million de tonnes d’équivalent pétrole(Mtep) par an (17,2 TWh/an) pour l’horizon 2020, cequi représente 7,7 % des 20 Mtep d’augmentation de laproduction d’énergie renouvelable », estime l’Ifremer.Dans ce scénario, ces 7,7 % se décomposeraient en 5,2% pour l’éolien marin et 2,5 % pour les autres énergiesmarines. En tonnes, cela équivaut à 1,5 million de tepau total, 1 Mtep pour l’éolien offshore, 0,5 Mtep pourles énergies marines autres que l’éolien offshore.

Un blog dédié

●●● Sous l’adresse, http//energiesdelamer.blog-spot.com, un blog publie tous les jours des articles surle sujet. C’est à la demande de 3B Conseils, bureaud’études et cabinet conseil spécialisé dans la commu-nication technique et financière que Francis Rousseau,ancien journaliste de LIBÉRATION puis de RADIO FRANCE,crée, en août 2007, ce blog qui compte aujourd’hui,nous précise-t-il, 950 lecteurs quotidiens. De cette veilleinternationale de plusieurs mois, il retire l’impressionqu’il est bien dommage que la France n’ait pas encorefait le choix de ces énergies marines, alors qu’elle aété « au départ des choses » : c’est en effet un industrielfrançais, Georges Claude, qui, le premier, démontrala faisabilité de l’énergie thermique des mers à Cuba,en 1930, avec ses propres deniers. Mais la France aensuite laissé tomber, et ce sont les Américains qui ontpris le relais en 1979 à Hawaï. Pour Francis Rousseau,les actions, en France, sont encore loin des intentionsaffichées...

DES MESURES DE SOUTIEN INDISPENSABLES

Malgré un développement soutenu de ces filières "ma-rines" dans quelques autres pays d’Europe et dans lemonde, aucun dispositif, hormis en éolien marin, n’aencore été qualifié au niveau industriel. Il est donc en-core temps, pour la France, de prendre une place dansce marché en devenir tout juste émergent. Reste à ceque soit mis en place un dispositif de soutien, qui pas-sera forcément par une augmentation du tarif d’achat

de l’électricité produite de cette façon. Certains l’ontbien compris qui, comme la Grande-Bretagne, offre275 euros le MWh, alors que le régime français pro-pose timidement 150 e.Le développement de ces filières est bien évidemmentaussi lié à la recherche et à l’innovation, à l’arrivéed’investisseurs pour développer la production. Depuisle grand "show" qu’a été la deuxième conférence inter-nationale, les initiatives se multiplient. La manifesta-tion de Brest a été l’occasion pour plusieurs régionsfrançaises (Basse-Normandie, Bretagne, Haute Nor-mandie, Pays de la Loire, Région Paca, La Réunionet Rhône-Alpes) de créer, aux côtés du Meeddat, del’Ademe, de l’Ifremer, d’EDF et de DNCS Ipanema,Initiative Partenariale nationale pour l’émergence desénergies marines. Quelque 70 autres entités se sont de-puis montrées intéressées pour rejoindre les 12 signa-taires fondateurs.Le groupe de travail ainsi fondé a pour mandat de pro-poser les modalités rendant accessibles le développe-ment des énergies marines renouvelables et en parti-culier étudier la pertinence et la faisabilité de créa-tion d’une structure d’envergure nationale, à vocationde recherches et d’essais, sur le sujet. Les conclusionssont attendues dans les semaines qui viennent.

UNE ÉVOLUTION D’IMPORTANCE POUR L’ÎLEDE LA RÉUNION

Brest a aussi été l’occasion pour DCNS et la régionRéunion de se rapprocher autour d’un projet commun :une étude de faisabilité en vue de l’implantation d’undémonstrateur énergie thermique des mers, qui a étéofficiellement lancée le 7 avril. Pour l’île, le challengeest tout autre qu’en métropole, son objectif étant d’êtreautosuffisante en énergie à l’horizon 2025, un objectiflancé officiellement dès 1999 par le président de ré-gion Paul Vergès. Laurent Gautret, directeur techniqued’Arer, l’agence régionale de l’énergie de la Réunion,nous explique les enjeux dans ce dossier.Pour les industriels que nous avons pu interroger,d’autre part, le sujet "énergies marines renouvelables"n’est pas qu’un gadget de plus. EDF, qui a été pré-curseur dans ce domaine, en exploitant la seule usinemarémotrice (ou presque) du monde à La Rance, enIlle-et-Vilaine, se propose aujourd’hui d’aller plusloin et d’installer entre 2011 et le début 2012 unepremière hydrolienne au large de Paimpol-Bréhat,dans les Côtes d’Armor, avant de se pencher sur laperspective d’exploiter l’énergie des vagues.Total, pour sa part, est actif dans deux expérimenta-tions, l’une dans le domaine de l’énergie de la houle et

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des vagues, au large de l’Espagne, l’autre dans le do-maine de l’énergie des courants marins, dans les îlesOrcades, en Ecosse. Le groupe réfléchit d’autre part àl’énergie thermique des mers.Enfin, Alstom, on l’a vu (CF. BIP DU 29.05) vientd’annoncer le lancement d’une offre hydraulienne.Le consortium a conclu un accord exclusif de licencemondiale avec Clean Current Power Systems.

Un premier prototype pour GDF Suezau large des côtes brésiliennes

●●● Via sa filiale Tractebel Energia, le groupe GDFSuez a annoncé fin mars une première tentative dansl’énergie des vagues. En partenariat avec l’Universitéfédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), Tractebel Energia de-vrait réaliser, d’ici à 2011, le premier prototype d’uneinstallation à terre de conversion d’énergie des vaguesen électricité. Ce projet est unique au Brésil, a souli-gné le groupe français. Le pilote serait construit dansl’Etat de Ceara, où les conditions maritimes sont fa-vorables. D’un coût de 15 millions de reais quelque5,13 millions d’euros), il bénéficiera du soutien finan-cier de Tractebel Energia et de différentes instances del’Etat de Ceara. Selon des études menées par l’UFRJ,le Brésil, avec plus de 8 000 km de côtes, a le poten-tiel pour couvrir jusqu’à 15 % du total de ses besoinsen énergie grâce à la conversion d’énergie des vaguesen électricité. Le projet s’inscrit bien dans la stratégiede Tractebel Energia de produire de l’électricité à par-tir de sources d’énergies propres et renouvelables. «Nous avons pris la décision d’investir dans le dévelop-pement de technologies qui n’ont pas encore été testéessur une base commerciale », a commenté le patron dela compagnie, Manoel Zaroni Torres.

Enfin, Enertag, une filiale du groupe allemand épo-nyme qui est un des plus grands producteurs d’énergiespropres outre-Rhin, projette, quant à elle, l’installation

du premier parc éolien offshore de France au large deVeulettes-sur-Mer, près de Fécamp. Si le parcours a étésemé d’embûches, le parc devrait être officiellementopérationnel dans les mois qui viennent.Quoi qu’il en soit, le dossier va bientôt franchir unenouvelle étape avec le lancement, au tout début del’été, d’un appel à manifestation d’intérêt dans le cadredu Fonds démonstrateur géré par l’Ademe. Ne resteraplus ensuite qu’à définir une stratégie nationale dansce domaine, ce qui pourrait être fait à l’occasion duGrenelle de la Mer, nous indique le directeur des Ener-gies renouvelables de l’Agence de l’Environnement etde la Maîtrise de l’Energie, Jean-Louis Bal.

565 millions d’euros pour les éoliennesen mer dans le PEER

●●● Le programme énergétique européen pour larelance, qui vient d’être adopté par les différentesinstances européennes, fait une bonne place auxéoliennnes en mer, qui se voient attribuer une contri-bution de 565 millions d’euros sur un total d’un peuplus de 3 milliards d’euros. Le texte précise bien quel’assistance financière devra aller aux projets quisont en mesure d’avancer à un rythme soutenu en2009 et 2010. En 2008, 25 parcs offshore étaienten service dans cinq pays (Danemark, Royaume-Uni,Suède, Hollande et Irlande), cumulant une puissanceinstallée d’environ 1 100 MW. Ils ne représententactuellement que 1,8 % de la puissance éolienne dansle monde, mais produisent 3,3 % de l’énergie éoliennemondiale, en raison de vents beaucoup plus forts quesur les continents. Les plus important sont les parcsd’Horns Rev et de Nysted, au Danemark, avec 80 et72 éoliennes, totalisant respectivement 160 et 165,5MW, soit environ la moitié de la puissance d’unecentrale thermique. Selon l’Association européennede l’énergie éolienne (EWEA), la puissance installéeen 2020 en Europe pourrait atteindre 40 000 MW,soit l’équivalent de l’ensemble de la consommationdomestique française.

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LES DIFFÉRENTES FILIÈRESSource : Ifremer - Etude prospective à l’horizon 2030

Que recouvre l’appellation énergies renouvelables marines ? Les explications de l’Ifremer,assorties des différentes évaluations (de l’AIE, du Conseil Mondial de l’Energie, etc.) surles ressources potentielles. En fin de texte, on trouvera la présentation chiffrée du scénarionormatif de l’Ifremer.

L’ÉNERGIE ÉOLIENNE EN MER

L’énergie éolienne en mer est celle qui contribue le plus à la production électrique quel que soitle scénario. La maturité de cette technologie en Europe et son potentiel de ressources, notammentdans l’hémisphère Nord, contribuent à expliquer cette place. C’est à l’évidence la technologie la plusproche de la rentabilité commerciale. Cette maturité permet aussi d’oser des chiffres de productionimportants, bien plus que sur d’autres technologies encore à l’état de prototype aujourd’hui. Le dé-veloppement de cette technologie va être confronté aux enjeux liés aux impacts environnementauxet aux multiples usages de l’espace marin à proximité des côtes. De nouveaux concepts destinés àpermettre de s’éloigner des côtes, comme des structures flottantes, sont d’ores et déjà étudiés.

Selon une étude de l’Agence Internationale de l’Energie, conduite en 2000, le potentiel européentechniquement exploitable serait de l’ordre de 313 TWh/an, en considérant les sites à moins de 20km des côtes et de moins de 20 m de profondeur.

Estimation pour la France : 4 000 MW de puissance installée et environ 12 TWh de productiond’énergie, soit par exemple 16 fermes de 50 éoliennes de 5 MW chacune à 3 000 h de fonc-tionnement par an. L’éolien offshore contribuerait ainsi à hauteur de 5,2 % à l’objectif 2020d’un total de 23 % pour l’ensemble des énergies renouvelables dans la consommation françaised’énergie.

L’ÉNERGIE THERMIQUE DES MERS (ETM)

L’énergie thermique des mers a l’avantage de permettre tant la climatisation que la production d’eauet d’électricité, ce qui lui donne un atout considérable en termes d’usages. Mais pour tous ces usages,elle n’est exploitable que sous les tropiques. En zones tempérées, elle ne peut être utilisée que pourle chauffage/la climatisation comme source thermique d’une pompe à chaleur.

La ressource mondiale théorique basée sur un gradient de température de 20° C au moins permettraitde produire environ 80 000 TWh/an dans les zones intertropicales.

Estimation pour la France : En électrique, 200 MW de puissance installée et environ 1,4 TWHde production d’énergie, soit par exemple 10 centrales de 20 MW chacune à 7 000 h de fonc-tionnement par an (0,6 % de l’objectif ENR de 2020) ; en froid, 55 MW électriques économisés,soit 0,4 TWh, soit par exemple 12 centrales de 20 MW chacune à 7 000 h de fonctionnement(0,2 %).

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L’ÉNERGIE DES COURANTS (HYDROLIEN)

L’énergie des courants a un potentiel moindre en Europe que d’autres technologies. Si les hydro-liennes parviennent à être totalement sous-marines, elles peuvent s’implanter dans des zones depassage maritime où il sera difficile d’implanter d’autres énergies marines ou d’autres activités.Par ailleurs, la technologie est relativement connue et peut, pour certains concepts, bénéficier del’expérience acquise dans le développement d’hydroliennes fluviales. Le développement ne devraitrequérir que du progrès technologique incrémental bien que les contraintes d’installation (ancrage)et de maintenance nécessiteront le développement de solutions innovantes.

Le potentiel techniquement exploitable à l’échelle mondiale est estimé à 450 TWh/an, celui de l’Eu-rope étant compris entre 15 et 35 TWh/an, pour quelque 10 GW.

Estimation pour la France : 400 MW de puissance installée et environ 1,4 TWh de productiond’énergie, soit par exemple 5 sites de 80 turbines de 1 MW chacune à 3 500 h de fonctionne-ment par an ((0,5 % de l’objectif ENR 2020).

L’ÉNERGIE MARÉMOTRICE

L’énergie marémotrice, captée en barrant un estuaire, est connue mais présente l’inconvénient d’af-fecter les écosystèmes humides. Pour pallier cet inconvénient, une autre solution envisagée pourl’avenir serait de construire un lagon artificiel en mer. Mais, comme pour le barrage, il s’agit d’in-frastructures lourdes qui ont également des impacts sur l’environnement et sur les activités en placeet qui se justifient en termes d’investissement à partir d’une puissance minimale d’installation à di-mension plus industrielle qu’expérimentale, de l’ordre de quelques centaines de mégawatts.

Le Conseil Mondial de l’Energie estime le potentiel mondial pour des « sites classiques à un seulréservoir » à 380 TWh/an pour 160 GW.

Estimation pour la France : 500 MW de puissance installée et environ 2,5 TWh de productiond’énergie, soit par exemple une centrale de 500 MW à 2 500 h de fonctionnement par an (0,6 %de l’objectif 2020). Ce scénario considère que l’usine marémotrice de la Rance ne contribuepas à l’objectif du Grenelle.

L’ÉNERGIE DES VAGUES

L’énergie des vagues est une ressource bien répartie entre les deux hémisphères et dont le potentielest élevé en comparaison de la plupart des ressources marines étudiées ici. La difficulté majeure decette technologie est son caractère novateur ; pour l’imposer, ses développeurs vont devoir confirmerleur capacité à réaliser une rupture technologique. Les systèmes qui auront démontré leur fiabilité,car conçus pour la survie en mer lors des conditions extrêmes, s’imposeront. Par ailleurs, bien quepeu sensible au risque d’impact paysager, les utilisateurs de l’espace occupé en surface pour exploitercette énergie devront tenir compte du risque de conflits d’usage avec d’autres activités. Toutefois, lacapacité d’installation au km² est supérieure à celle de l’éolien (30 MW/km² pour les vagues et lescourants contre 6 à 10 MW/km² pour l’éolien marin).

Toujours selon le Conseil Mondial de l’Energie, environ 10 % de la demande annuelle mondiale enélectricité pourrait être couverte par la production houlomotrice, soit un potentiel techniquementexploitable de 1 400 TWh/an.

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Estimation pour la France : 200 MW de puissance installée et environ 0,8 TWh de productiond’énergie, soit par exemple 20 sites de 10 Machines à 1 MW unitaire pour 4 000 h de fonc-tionnement/an (50 % dans les DOM-POM) - 0,3 % de l’objectif 2020.

LA BIOMASSE MARINE

L’utilisation de la biomasse marine, issue de la culture de micro-algues, présente des atouts forts pourproduire des biocarburants : croissance rapide, rendement et capacité de capture de CO2 élevés (aumoins 10 fois ceux des meilleures plantes terrestres), pas de conflit avec la production alimentaire.Cependant, sa culture extensive dans des lagunes est limitée, en Europe, par l’espace disponibleet peut présenter un risque de prolifération. Les risques, évoqués récemment, de contribution desagrocarburants à l’augmentation de l’effet de serre, sont vraisemblablement applicables aux micro-algues, même si cette donnée scientifique n’a pas encore été documentée.

La culture intensive à terre dans des structures verticales transparentes et le progrès en matière demaîtrise des biotechnologies (OGM) permettent d’envisager des rendements à l’hectare très élevés.Ces investissements dans les biotechnologies sont aussi justifiés à moyen terme pour la productionde molécules dans le domaine médical (pharmacie) ou dans l’agroalimentaire.

Dans les scénarios envisagées, les chiffres de production de biocarburants d’origine marine en Francerestent faibles. L’évolution des prix relatifs des énergies pourrait susciter l’intérêt industriel pourl’usage des biotechnologies. En production extensive, les pays disposant de grandes surfaces lagu-naires pourraient devenir d’importants producteurs de carburant.

La production mondiale pourrait représenter 20 000 à 60 000 litres d’huile par hectare par an contre6 000 litres pour l’huile de palme, un des meilleurs rendements terrestres.

Estimation pour la France : un site développé d’abord comme démonstrateur puis comme piloteindustriel, puis comme usine , soit par exemple 2 000 ha à 30 t d’huile/ha, soit 25 tep/ha, soitenviron 0,05 Mtep/an (0,3 % de l’objectif 2020).

ENERGIE OSMOTIQUE

L’énergie des gradients de salinité (pression osmotique) est, de toutes les technologies envisagées,la moins mature, en raison de la difficulté de mettre au point une membrane semi-perméable perfor-mante. De plus, pour utiliser cette ressource, la nécessité de disposer à la fois d’eau douce et d’eausalée limite les zones d’implantation possibles, si l’on cherche à réduire les risques de conflit. En-fin, la demande en eau douce ne cessant de croître, un sous-produit comme l’eau saumâtre n’a pasd’intérêt, au contraire.

Pas d’estimation.

Estimation pour la France : Les contraintes technologiques et celles de l’environnement, notam-ment les besoins en espace et en eau douce, ne permettront pas l’émergence de prototype àl’échelle industrielle, indique l’Ifremer.

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PRÉSENTATION CHIFFRÉE DU SCÉNARIO NORMATIF DE L’IFREMER

Le tableau ci-après résume les apports respectifs des technologies dans le scénario normatif. On notele poids de l’éolien, ce qui est normal en raison de la maturité de la technologie et du temps à courir.

On observe donc que par rapport aux objectifs européens pour la France, repris dans le cadre duGrenelle de l’environnement (soit + 20 Mtep d’énergies renouvelables à l’horizon 2020), l’apportdes énergies marines dans le scénario normatif, éolien marin compris, serait de l’ordre de 1,5 Mtep,soit 7,7 %, ce qui est significatif par rapport aux autres filières renouvelables. En part de la consom-mation électrique française à l’horizon 2020 (soit 530 TWh estimés), les EnRM apporteraient 17,2TWh, soit 3,2 % du total.

PUISSANCE ET PRODUCTION DES TECHNOLOGIES SELON LE SCÉNARIO NORMATIF (1)Typo d’énergie renouvelablemarine

Puissanceinstallée

(MW)

Heures defonctionnement/an

Energieélectrique(TWh/an)

Energie(Mtep/an)

% - Réf.Objectif 202020 Mtep/an

Eolien offshore 4000 3000 12 1,03 5,2

ETM élec. 200 7000 1,4 0,12 0,6

ETM froid - économisé 55 7000 0,4 0,03 0,2

Marémoteur 400 3500 1,4 0,12 0,6

Hydrolien 500 2500 1,25 0,11 0,5

Vagues 200 4000 0,8 0,07 0,3

Biomasse - - 0,05 0,3

Total 17,2 1,5 7,7

Total hors éolien 5,2 0,5 2,5

(1) Conversion : 1 TWh = 0,086 Mtep

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DE LA NÉCESSITÉ D’UNE STRATÉGIE NATIONALEEntretien avec Michel Paillard et Denis Lacroix, respectivement ingénieur

et chercheur à l’Ifremer

« Décrire un éventail de futurs possibles », c’estdans cet esprit que le p-dg de l’Ifremer, Jean-YvesPerrot, a lancé en mars 2007 un travail de réflexionprospective sur les énergies renouvelables d’originemarine à l’horizon 2030. Une vingtaine de parte-naires français représentant les principaux acteursdu secteur - Ademe, EDF, Total, Saipem, Technip,Veolia… - ont participé à ce travail. Des projectionssont avancées, nous l’avons vu en introduction, maisle chemin risque d’être long. L’expertise technolo-gique n’est pas toujours au rendez-vous et d’autressoucis, celui de l’acceptabilité en premier lieu, de-vront être résolus. Rencontre avec deux des auteursde l’étude prospective de l’Ifremer, Michel Paillard etDenis Lacroix.

BIP. En lançant cette étude, l’Ifremer a-t-il cédé à "lamode" des énergies renouvelables tous azimuts ?Denis Lacroix. Au-delà de tout phénomène de mode- les premières expérimentations sur l’utilisation del’énergie des mers (les moulins à marée) remontent àl’antiquité et leur développement en France est avérédès le 12ème siècle ! -, cette étude s’imposait, la Franceétant, en la matière, loin derrière les pays du Nordde l’Europe alors qu’elle dispose du deuxième terri-toire marin du monde. Elle a ainsi accès à d’énormesressources énergétiques, y compris à celles des eauxchaudes de ses territoires d’outre-Mer, ce qui n’est pasle cas de l’Allemagne, par exemple.Notre pays pourrait donc être un des quatre ou cinqpremiers du monde pour l’exploitation de ces éner-gies marines. Outre la réduction de notre dépendanceénergétique ainsi induite, une telle percée, alors qu’au-cune des technologies n’est encore à maturité, hormisl’éolien, permettrait aussi à nos industriels de mettreau point les technologies susceptibles d’être valoriséesdans de nombreux pays côtiers ou insulaires.C’est ce souci qui a animé Jean-Yves Perrot lorsqu’il ainitié cette étude, en mars 2007, alors que le Grenellede l’Environnement était à peine en gestation et quel’idée d’un Grenelle de la Mer n’était pas encore évo-quée. Le président de l’Ifremer a souhaité rassembler,autour de cette prospective 2030, tous les acteurs ma-jeurs dans ce domaine afin d’étudier les moyens d’êtreprêts à saisir ces nouvelles opportunités.

Trente variables ont été analysées, ce qui est beaucouppour ce type d’études mais cela a permis d’aboutir àdes scénarios robustes, car assis sur de nombreusesracines. Un exemple : celui de l’acceptabilité sociale.L’étude passe en revue tous les facteurs favorables oudéfavorables aux différents types d’installation pourles élus, les pêcheurs, les citoyens… Elle en déduit uncertain nombre de scénarios qui vont d’un rejet subjec-tif à un oui raisonné, en passant par un « oui mais ».

BIP. Quelle suite a été ou sera donnée à cette étude ?Denis Lacroix. L’étude a été valorisée soustrois formes : une synthèse de 36 pages réaliséeen français et en anglais et destinée aux décideurs ; unarticle de 18 pages publié dans la revue de prospectiveFUTURIBLES ; et enfin, le livre de plus de 300 pagesqui est disponible en deux langues depuis le début decette année (1).

BIP. L’étude accorde-t-elle à toutes ces énergies ma-rines les mêmes chances de développement ?Michel Paillard. Elle a été faite à deux échéances : uneétude prospective avec quatre scénarios à 2030 et uneétude dans la perspective de l’objectif de 23 % d’éner-gie renouvelable en France en 2020. Les scénarios à2030 conduisent à des développements différents partypes d’énergie ; l’exercice à 2020 propose un scénarionormatif qui retient toutes les sources d’énergie ma-rine, sauf l’osmotique. La démarche a été délibérémentvolontariste et adaptée aux objectifs ambitieux fran-çais repris par le Grenelle de l’Environnement.

BIP. Des utilisations à échelle industrielle de l’une oul’autre de ces énergies existent-elles de par le monde ?Michel Paillard. Oui, en ce qui concerne l’éolien off-shore avec, notamment, le plus grand parc au monded’une puissance de 194 MW, au large des côtes bri-tanniques. Mais des projets de plus grande importancesont en cours de construction, d’autres le seront pro-chainement notamment en Grande Bretagne et en Al-lemagne. C’est une industrie qui a acquis sa maturitéavec des techniques de pose classique. Des engins depose dédiés aux installations éoliennes offshore voientle jour, comme il en existe pour l’industrie pétrolière

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offshore. C’est toute une filière qui se met en place.Et si au début des années 90, la puissance unitaire deséoliennes était de 300 à 400 kW, elle atteint désormais5 à 6 MW.Des machines de 10 MW de puissance unitaire verrontprobablement le jour comme des éoliennes flottantesqui, du fait de leur éloignement des côtes, répondronten partie à certains des conflits d’usages que l’on peutconstater aujourd’hui. Des projets existent en Europeet notamment en France. L’Allemagne a des projetsambitieux éloignés des côtes et elle devrait connecterdès cette année son premier parc au réseau.S’agissant de l’énergie de la houle, la filière indus-trielle n’est pas encore en place ; on reste dans le do-maine de l’expérimental, à peine du pré-commercialpour le pionnier qui affronte actuellement des difficul-tés. Pour atteindre la fiabilité indispensable dans desconditions économiques, il reste des progrès à faire. Lasituation est voisine pour l’énergie des courants où denombreux concepts sont au stade des essais soit en bas-sin soit en mer comme en Grande Bretagne (Ecosse,Irlande du Nord)

L’Ifremer en chiffres

●●● Un budget annuel de près de 235 millions d’eu-ros, financé à hauteur de 80 % par le ministère de laRecherche

●●● 1 500 salariés Ifremer et 375 de l’arma-teur Genavir

●●● 5 centres : Manche/Mer du Nord, Brest, Nantes,Méditerranée, Tahiti

●●● 26 implantations sur tout le littoral métropolitainet dans les DOM TOM

●●● 8 navires

●●● Un ensemble de moyens d’essais

BIP. Quid de l’énergie marémotrice ?

Michel Paillard. La seule unité en exploitation aumonde est celle de La Rance, en France, qu’EDFexploite depuis plus de 40 ans avec une puissanceinstallée de 240 MW. Mais d’autres centrales existent,notamment une de 20 MW au Canada. En Corée,un projet de 254 MW est en construction sur un siteoù existait précédemment un barrage, à proximité deSéoul.

Une évolution importante est d’autre part à signaler :la réouverture du dossier par les Britanniques qui étu-dient plusieurs options à soumettre, après études d’im-pact, à enquête publique. L’option la plus spectacu-laire atteindrait plus de 8 000 MW installés dans l’es-tuaire de la Severn (auquel un ingénieur d’EDF parti-cipe - voir dans notre article consacré aux activités dugroupe français dans ce domaine - ndlr).

BIP. Et l’énergie thermique des mers ?Michel Paillard. La France a été pionnière dans ce do-maine avec les travaux de Georges Claude dans les an-nées 30. L’Ifremer a également conduit dans les an-nées 80, un avant-projet de 5 MW avec un groupementindustriel. Un des intérêts de l’énergie thermique desmers est qu’elle n’est pas intermittente. Elle est dispo-nible 24 heures sur 24, 365 jours par an. Elle permetégalement de produire du froid pour la climatisationmais aussi de l’eau douce et d’autres sous produits va-lorisables.Par contre, cette énergie n’est disponible que dans leszones intertropicales qui ne sont pas celles où la de-mande énergétique est la plus élevée. Mais cette res-source présente un intérêt pour toutes les régions in-sulaires comme les DOM/COM. D’ailleurs plusieursprojets sont à l’étude, en Polynésie, à la Martinique et àla Réunion. L’Arer et DCNS ont récemment communi-qué à ce sujet (voir article par ailleurs). On peut imagi-ner, ultérieurement, des centrales flottantes de grandepuissance destinées à produire de l’hydrogène en mer,qui serait ensuite acheminé vers les zones de consom-mations. Le potentiel exploitable, là, serait complè-tement différent. L’impact d’une utilisation à grandeéchelle devrait être également bien évalué.La rentabilité économique des énergies marines seraatteinte plus rapidement dans les zones isolées oùl’énergie, produite à partir de combustible fossile, esttrès chère. Les DOM-COM ont ainsi un fort potentiel,compte tenu de leurs spécificités qui conduisent à unegrande dépendance énergétique.

Denis Lacroix. Enfin, n’oublions pas l’énergie osmo-tique, tirée de la différence de gradients de salinitéentre l’eau salée et l’eau douce. Elle a été testée avecsuccès pendant plus d’un an en Norvège par Statkraftsur son site expérimental de Hurum, à une soixantainede km d’Oslo sur un petit module de laboratoire dequelques watts ! Ainsi, beaucoup de progrès restent àfaire au niveau technologique et l’avenir de cette éner-gie s’inscrit dans le long terme.

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Dossier Energies Marines Renouvelables

BIP. Que dire de l’énergie tirée des algues ?Denis Lacroix. La transformation des algues en carbu-rants est une hypothèse séduisante dans la mesure oùces algues ont généralement un rendement bien supé-rieur aux plantes terrestres, et où un tel marché n’im-pliquerait pas de prendre des terres agricoles ou de dé-forester, ce qui est un des inconvénients majeurs desbiocarburants actuels. Ce développement ne menace-rait donc pas la sécurité alimentaire.Mais on tâtonne beaucoup sur ce thème. Les scienti-fiques ont identifié 2 000 espèces d’algues sur un totalde…. 250 000, soit à peine 0,4 %. Il faut, sur ce dos-sier, rester modeste.

BIP. Quels sont à vos yeux les principaux freins à leverpour favoriser le développement de toutes ces énergiesrenouvelables ?Michel Paillard. Plusieurs conditions sont à remplirpour favoriser ce développement. Il faut en premierlieu accompagner l’émergence de démonstrateurs pardes soutiens adaptés. A cet égard, l’appel à manifes-tation d’intérêt que s’apprête à lancer l’Ademe dansle cadre du Fonds démonstrateur qu’elle gère, devraitpermettre le développement de démonstrateurs maissera-t-il suffisant ?Il faut aussi des sites d’essais pour les projets d’exploi-tation de l’énergie des vagues et de l’énergie des cou-rants. L’Ecole centrale de Nantes, avec le soutien de laRégion Pays de Loire et de l’Etat, travaille à un sited’essais pour l’énergie des vagues au large du Croisic.Des réflexions sont également en cours en Bretagnepour l’énergie des courants. Nous avons aussi besoind’une stratégie nationale dans ce domaine. Les préfetsde régions ont été chargés d’élaborer une planificationsur l’ensemble des façades maritimes, notamment pourl’éolien offshore, afin de déterminer, en relation avecles collectivités et les parties concernées, les zones àprivilégier. Cela va permettre d’engager cette concer-tation en amont et non au coup par coup.Une simplification de la réglementation paraît bienévidemment aussi indispensable de même qu’un plusfort soutien à la R&D sur ces sujets.Tous ces aspects seront abordés dans lecadre d’Ipanema, Initiative partenariale natio-nale pour l’émergence des énergies marines, dont

l’Ifremer est l’un des membres fondateurs. Ipanemacompte désormais 90 membres et a mis en placedes groupes de travail thématiques dans le butd’identifier les verrous et de proposer des solutions.D’ici à l’automne, des propositions émergeront de cesgroupes de travail.

BIP. Quel peut être le rôle de l’Ifremer dans le dévelop-pement de ces énergies ?

Michel Paillard. Nous avons beaucoup travailléjusqu’au milieu des années 80 sur l’énergie thermiquedes mers et l’énergie de la houle. Ces travaux ontcessé en 1986, à l’époque du contre-choc pétrolier,pour reprendre au début des années 2000, souvent à lademande de l’Etat. En 2002, nous avons participé, àla demande du Ministère de la recherche, à un groupede travail, coordonné par le Secrétariat Général dela Mer, qui a produit un document émettant des re-commandations pour le développement de l’énergieéolienne en mer. En 2004, nous avons accompagnél’Ademe dans le développement d’un outil de zonage.Enfin, les industriels nous saisissent régulièrementpour la fourniture de données utiles pour leurs étudesd’impact. Nous participons également à des projetsANR et européens comme le projet Equimar qui viseà la prénormalisation des méthodes d’évaluation desressources énergétiques exploitables ou des protocolesd’essais en bassin et en mer ou encore d’évaluationenvironnementale.

L’Ifremer participe d’autre part, aux côtés de plusieurspartenaires, dont Saipem et DCNS, à un projet visant àdévelopper une éolienne, répondant au nom de Winflo.Le Président de l’Ifremer a, comme vous le savez,conduit cette réflexion prospective énergies marinesrenouvelables afin de redéfinir le positionnement del’Institut dans ce domaine. Ainsi les énergies marinesrenouvelables figurent parmi les axes stratégiques del’Institut redéfinis cette année pour les années à venir.

(1) « Energies renouvelables marines - Etude prospective àl’horizon 2030 » - Ouvrage collectif coordonné par MichelPaillard, Denis Lacroix et Véronique Lamblin - Editions Quae(www.quae.com) - Prix : 50 euros

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UNE PREMIÈRE PLATE-FORME D’ESSAIS EN MER AULARGE DU CROISIC EN 2010

Portée par l’Ecole Centrale de Nantes, où le dévelop-pement durable a été retenu comme thème priori-taire du contrat quadriennal de l’Ecole 2008-2011,une première plate-forme d’essais en mer visant àaccueillir des systèmes de production d’énergie élec-trique à partir des vagues doit voir le jour durant l’été2010 au large du Croisic, dans les Pays de Loire. Ceprojet, entièrement public, vient tout juste de bouclerson financement évalué à 5,8 millions d’euros, nousindique l’ingénieur responsable, Hakim Mouslim.

C’est en septembre dernier qu’a eu lieu, tout à faitofficiellement, à Nantes la présentation du pro-jet SEM-REV pour « Site d’Expérimentation en Merpour la Récupération de l’Energie des Vagues », surlequel l’Ecole Centrale de Nantes planche depuis2006 et qui a reçu le feu vert de l’Etat et de la Régiondes Pays de Loire en 2007.

IDENTIFIER UN SITE OPTIMUM

Forte de la conviction que l’exploitation de cette nou-velle source d’énergie présente divers intérêts, notam-ment en France où le gisement potentiel est important,l’Ecole de Nantes a conçu cette plate-forme dont le butest d’être un outil de recherche collaborative permet-tant de mettre au point en grandeur nature le principede récupération de l’énergie de la houle testé préala-blement en laboratoire.Les chercheurs et industriels disposeront ainsi desmoyens nécessaires aux essais de prototypes avantleur exploitation industrielle. Est ensuite venue laphase recherche d’un site adapté, le choix devant sefaire en fonction de plusieurs critères d’arbitrage.

DIX INGÉNIEURS À TERME

Un site optimum a été localisé au large du Croisic. Lazone littorale des Pays de Loire est soumise à un flux devagues dont le potentiel diffère d’un site à l’autre selonla bathymétrie. L’étude sur le potentiel énergétique dela houle montre que le site en question est modérémentexposé. Le SEM-REV étant un site de mise au point,il est important que le flux énergétique y soit limité.La proximité du Port Autonome de Saint-Nazaire étaitaussi un atout, les ports avoisinant pouvant accueillirun navire de service et des équipements légers.

Des infrastructures terrestres existantes ont égalementété identifiées au Croisic. Une base de recherche àterre a été identifiée dans deux bâtiments du Conser-vatoire du littoral, dans le parc de Pen-Avel. Trois in-génieurs de l’Ecole centrale et du CNRS y travaille-ront de manière permanente, chargés de surveiller laplate-forme et d’accueillir les chercheurs internatio-naux intéressés par les mouvements de la mer. A terme,ce sont dix ingénieurs qui pourraient être employés àtemps plein.Début mai, un premier houlographe, grosse bouée per-mettant de mesurer la houle grâce à des capteurs ensurface, était installé en mer. D’autres instrumenta-tions doivent suivre comme un capteur d’effet Dopler,positionné dans les fonds marins pour mesurer le cou-rant. Le poste de livraison électrique arrivera fin 2009.Il sera raccordé au réseau ERDF par des câbles de20 km en haute tension, la puissance ne devant pas ex-céder 2,5 MW.

BUDGET BOUCLÉ

Quasiment bouclé lors de la présentation officielle duprojet, le financement vient d’obtenir le solde qui luimanquait. Le projet, qui figure sur le prochain contratEtat (1,56 million d’euros)-Région (2,19 Me), a aussiobtenu le soutien de l’Europe et du département, à hau-teur de 1,4 Me et de 650 000 euros. L’étude environ-nementale d’impact est en cours. Il manque aussi l’au-torisation d’occuper le domaine maritime, soumise àl’autorité des Affaires maritimes.Si l’installation de la plate-forme est acceptée pour20 ans la pose des câbles est envisagée au printemps2010 et la première expérience d’exploitation dèsjuillet. Les essais pourraient prendre un an à un an etdemi.

APRÈS LE CROISIC, L’ÎLE D’YEU ?

D’autres sites dans la région des Pays de la Loire pré-sentent un intérêt pour le développement de la filière,estime l’Ecole de Nantes. Un site au large de l’îled’Yeu, grâce à son fort potentiel énergétique, a été re-péré pour le développement d’un site de productionénergétique une fois que les technologies auront dé-passé le stade de prototype expérimental.

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L’ADEME, PILIER DU DÉMARRAGE DE CES NOUVELLESENERGIES

Si la production d’électricité à partir de moyens re-nouvelables exploitant les ressources marines, horséolien offshore, n’entre pas dans le cadre des prio-rités de l’Agence de l’Environnement et de la Maî-trise de l’Energie, celle-ci a toutefois choisi depuis plu-sieurs années, face à l’effervescence qui règne autourde ces thématiques, de se positionner sur ce domainede deux manières : l’évaluation de la ressource et laveille technologique. Elle a ainsi été le « pilier » dudébut des énergies marines, observe Jean-Louis Bal,son directeur des Energies renouvelables. Prochaineétape : un appel à manifestation d’intérêts, dans lecadre du Fonds démonstrateur, qui sera lancé au toutdébut de l’été.

Dans le cadre du développement scientifique et tech-nologique de cette nouvelle filière, l’Ademe apporteson soutien financier à plusieurs projets de R&D. Dansle domaine de l’hydrolien, il s’agit des projets Har-vest et Sabella. Le premier est un projet d’hydrolienneà axe vertical formant des colonnes comportant plu-sieurs unités empilées ; il est porté par l’INPG de Gre-noble, EDF et Areva. Le second est un projet d’hydro-lienne à axe horizontal porté par la société HydrohélixEnergies avec le soutien du Pôle Mer Bretagne.

DU SOUTIEN FINANCIER...

Concernant, d’autre part, l’énergie houlomotrice,l’Ademe soutient le projet Searev, porté par le CNRS,et suit la réalisation d’un système Wavegen à Tahiti parla société Ito Are et la Sedep. L’objectif du premier estde lancer d’ici cinq ans un protoype de 500 kW crètedans la région des pays de la Loire. La phase d’indus-trialisation du prototype est en cours et la premièreferme marine expérimentale implantée au large dePornic devrait voir le jour vers 2012. Avec un certaincoefficient de vagues, un alternateur de 500 kW pour-rait produire 2 000 MWh par an, soit environ la moitiéd’une éolienne de 2,5 MW. Cette production seraitobtenue grâce à un temps de fonctionnement de 5 000h par an ; cette longue durée de production annuelleest un avantage certain par rapport à de nombreuxsystèmes de production d’électricité, renouvelablesou non.Quant au système dit Wavegen, expérimenté à Tahiti,il est l’un des deux procédés principaux, avec Pelamis,

qui permettent d’utiliser l’énergie de la houle : le pre-mier utilise l’oscillation de la houle dans une colonned’air pour comprimer, puis décomprimer ce dernier,une turbine se chargeant de convertir ces mouvementsd’air en électricité ; le second (dont il sera questiondans l’article consacré à EDF - ndlr) consiste en degrands flotteurs rigides articulés entre eux. Leurs mou-vements actionnent des vérins hydrauliques qui com-priment de l’huile, cette huile sous pression faisanttourner une turbine.

... AUX ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENTDES MARCHÉS

L’Agence participe d’autre part à une étude technico-économique de l’éolien offshore réalisée par Saipem.Le projet "COEF" a consisté, dans le domaine de l’éo-lien offshore, en l’étude de solutions techniques adap-tées aux sites types représentatifs de chaque façademaritime française. Saipem a ensuite cherché à défi-nir le cadre technique du futur marché de l’énergie éo-lienne en mer. L’étude porte aussi sur l’élaboration destarifs d’achat pour les différentes filières. Le tarif éo-lien offshore est de 13 ce/kWh pendant dix ans, puis de3 à 13 cts pendant dix ans selon les sites ; pour l’éner-gie houlomotrice, il est de 15 ce/kWh.

EN PASSANT PAR LA RÉGULATION

L’Ademe pilote, d’autre part, un projet visant à pro-duire un outil d’aide à la décision pour les services del’Etat concernant les zones favorables à l’implantationde moyens de production d’énergie marine : éolien,courant et houlomoteur. Ainsi, les services de l’Etatdisposeront de cartes permettant la concertation au ni-veau local pour, par exemple, la mise en place de ZDE(zones de développement de l’éolien) en mer. Le ré-sultat de ce projet est un SIG (système d’informationgéographique) permettant de superposer les donnéestechniques de faisabilité (ressource, distance au pointde connexion au réseau, bathymétrie) et les donnéesrelatives aux autres usages de la mer (navigation, ex-traction de granulats, zones de tir, etc), ainsi que leszones protégées.Enfin, l’Agence, et Jean-Louis Bal en particulier, aparticipé au groupe de travail animé par l’Ifremer, dont

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le rapport prospectif doit servir de support de réflexionpour établir la stratégie de recherche des deux orga-nismes, notamment.

LA FEUILLE DE ROUTE EN COURS D’ÉLABORATION

Si cette phase "amont" se poursuit, l’intervention del’Ademe va maintenant prendre une autre dimension.En effet, les énergies marines renouvelables sont ins-crites dans les domaines concernés par le Fonds dé-monstrateur mis en place avec un budget de 400 mil-lions d’euros sur quatre ans (2009-2012).

Le Fonds démonstrateur de l’Ademe

●●● Le Fonds démonstrateur de recherche est un ou-til du Grenelle Environnement, géré par l’ADEME, pourfinancer des projets de démonstrateurs sur les théma-tiques liées aux Nouvelles Technologies de l'Energie(NTE). Le comité de pilotage rassemble le Meeddat,le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Re-cherche, le ministère de l’Economie, de l’Industrie etde l’Emploi. Il sélectionne les différentes filières jugéesstratégiques, identifie les filières devant faire l’objet dedémonstrateurs, valide les feuilles de routes proposéespar l’Ademe, les appels à manifestation d’intérêt (AMI)et la sélection des projets. Dans un premier temps, ontété retenus comme prioritaires le développement destechnologies en matière de captage et séquestrationdu CO2, de production de biocarburant de deuxièmeou troisième génération, de véhicules "décarbonés",de réseaux intelligents et d’énergies marines. Pour lestrois premiers domaines, les AMI ont déjà été lancés(cf. BIP du 3.06). Dans un second temps, nous indiqueJean-Louis Bal, l’énergie solaire (process industriel desindustries photovoltaïques) ou les centrales thermo-dy-namiques pourraient figurer parmi les filières soutenuespar le Fonds démonstrateur.

L’appel à manifestation d’intérêt concernant les éner-gies marines renouvelables devrait donc être lancé finjuin ou début juillet. Sans préjuger des choix qui se-ront faits par le groupe d’experts en train d’élaborer lafeuille de route, les technologies qui paraissent les plussusceptibles d’être retenues sont les plus prometteusesà court terme, à savoir les hydroliennes, l’énergie hou-lomotrice et les éoliennes flottantes. Ce concept nou-veau consiste à installer des éoliennes sur plate-formeflottante avec ancrage souple, un concept particulière-ment intéressant pour la France car il permet de s’af-franchir de la limitation de la profondeur des eaux. Ildevient possible de développer les installations jusqu’à150 mètres de profondeur au lieu de 50 mètres pour lesfondations à ancrage rigide. A l’inverse du Danemarkou de l’Allemagne, la France ne dispose pas de largeszones de profondeur inférieure à 50 mètres.Après l’AMI, la sélection des projets pourrait interve-nir d’ici à la fin de l’année et il faudra ensuite entre unet deux ans pour qu’ils soient réalisés.

ELABORER UN PROGRAMME NATIONAL

Mais tous ces efforts ne porteront vraiment leurs fruitsque si la France se dote d’un véritable programme na-tional de développement des EnRM. Ce pourrait êtrel’une des recommandations du Grenelle de la Mer, dedécider que ces énergies marines renouvelables sont unsecteur prometteur et donc une priorité et qu’il faut dé-sormais envisager leur développement en intégrationavec les autres politiques de la mer, et pas au détri-ment de la pêche ou du tourisme par exemple. Ce pro-gramme national pourrait tout à fait entrer dans les pré-rogatives de l’initiative Ipanema, dont l’Ademe, à nou-veau, a été l’un des fondateurs. Quant à l’évaluationdes ressources et à l’impact d’un développement desEnRM sur le milieu marin, ils pourraient faire l’objetd’un programme de recherche confié à l’Agence Na-tionale de la Recherche.

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LA COMMISSION EUROPÉENNE RECOMMANDE LEDÉPLOIEMENT À GRANDE ÉCHELLE DE L’ÉOLIEN EN MER

Source : Rapport d’information déposé par la Commission chargée desAffaires européennes de l’Assemblée nationale

Nous extrayons ci-après du rapport d’information sur la deuxième analyse stratégique de lapolitique énergétique européenne signé par les députés André Schneider (UMP, Bas-Rhin)et Philippe Tourtelier (socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’Ille-et-Vilaine) pour laCommission chargée des Affaires européennes de l’Assemblée nationale, la partie reprenantla position de la Commission européenne sur l’énergie éolienne en mer.

La communication de la Commission européenne sur l’énergie éolienne en mer (1) reconnaît quel’énergie éolienne terrestre restera prédominante dans un premier temps, mais estime que les ins-tallations en mer prendront de plus en plus d’importance et qu’il faut favoriser cette évolution. LaFrance soutient également cette idée.

Du fait de vents plus puissants et plus réguliers en mer, une éolienne off shore peut produire jusqu’à50 % d’électricité en plus par rapport à une éolienne installée sur les terres. Les autres avantages deséoliennes off shore tiennent à une bien meilleure acceptabilité pour les habitants du pays concerné,puisque ces éoliennes, bien que dotées d’hélices de taille supérieure, sont peu ou pas visibles niaudibles pour les résidents des côtes (1).

Toutefois, ces éoliennes demeurent beaucoup plus coûteuses à fabriquer et à installer que les éo-liennes on shore : les fondations, le montage et la connexion au réseau sont significativement pluschères ; une turbine off shore coûte en moyenne 20 % de plus et les tours et fondations peuvent coû-ter jusqu’à 150 % plus cher (chiffres cités par l’Agence internationale de l’énergie). C’est ce qui aconduit M. Claude Mandil, lors de son audition par la commission chargée des affaires européennes,à se prononcer clairement en faveur d’une orientation des efforts vers le développement de l’éolienterrestre, qui « n’est pas loin d’être compétitif », plutôt que vers l’éolien en mer, « terriblementcoûteux et donc rigoureusement non rentable ».

En revanche, M. Dominique Maillard a souligné devant les rapporteurs le caractère prometteur del’éolien off shore, par opposition aux projets éoliens terrestres qui se heurtent à des difficultés im-portantes d’acceptation par les populations (particulièrement en France).

Géographiquement, la ressource éolienne off shore n’existe que pour certains Etats membres del’Union européenne. Mais l’ampleur globale de cette ressource rend envisageable, à condition dedisposer des interconnexions correspondantes, de diffuser cette électricité au sein de l’Union. Ac-tuellement, les unités de production off shore d’électricité éolienne sont ainsi réparties :

BIP N°/ V

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La construction de plusieurs parcs est prévue, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, à la li-mite des ZEE de la Suède, de l’Allemagne et du Danemark… En incluant les projets engagés, larépartition des capacités éoliennes off shore en Europe est la suivante :

L’Union européenne a nommé un coordinateur européen (M. Georg Wilhelm Adamowitsch, désignéen novembre 2007) pour surveiller les progrès réalisés dans la mise au point de connexions entreles éoliennes en mer du Nord et en mer Baltique et le réseau à terre. M. Adamowitsch a remis àla Commission européenne son premier rapport annuel d’activité en septembre 2008. Le groupe detravail qu’il anime étudie la faisabilité d’un réseau sous-marin pour l’interconnexion et la distributionde la production éolienne de ces deux mers.

Cependant, pour qu’une plus grande part de la demande en électricité dans l’Union puisse être sa-tisfaite par l’énergie éolienne produite en mer, il faut que soient mis en place de nouvelles unités deproduction et de nouveaux réseaux. Dans le Livre vert de novembre 2008 « Vers un réseau d’éner-gie européen sûr, durable et compétitif », la Commission européenne regrette que « dans les Etatsmembres, la planification stratégique se révèle insuffisante et le dialogue avec le public inadéquat ».

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En France par exemple, il n’existe pas à ce jour pour l’éolien off shore de dispositif comparableaux « Zones de Développement de l’Eolien » terrestre permettant de définir de manière concertéedes zones favorables pour installer les fermes. Actuellement, l’éolien français est à 100 % terrestre,comme l’a rappelé M. Dominique Maillard pendant son audition.

Toutefois, l’éolien offshore n’est pas absent de l’action des autorités françaises, puisque l’Etat s’estfixé comme objectif, dans sa Programmation Pluriannuelle des Investissements, une capacité de4 000 MW d’éolien off shore à l’horizon 2015 (et de 17 000 MW d’éolien en tout), et de 6 000MW d’éolien off shore en 2020 (pour 25 000 MW d’éolien au total) dans le cadre du « Grenelle del’environnement ». La France dispose d’un potentiel important en Manche et en mer du Nord où lesconditions de vent et de profondeur sont favorables. Quelques projets sont également pressentis surla façade Atlantique, mais en revanche pas en Méditerranée où la profondeur est un obstacle.

Les différents interlocuteurs des rapporteurs se sont montrés partagés sur la possibilité pour la Franced’atteindre ou non ces objectifs ambitieux. Si M. Dominique Maillard, président de RTE, s’est ditplutôt confiant, M. Benoît Praderie, de « Planète Eolienne », s’est montré plus sceptique, insistant surla longueur excessive des procédures administratives préalables à la mise en service des éoliennes.

De manière générale, par rapport aux autres projets dans le domaine des énergies renouvelables, lesprojets d’éoliennes off shore sont confrontés à plusieurs séries de difficultés spécifiques :

Des enjeux technologiques et donc financiers, tout d’abord. Par rapport à l’énergie éolienne ter-restre, l’énergie éolienne en mer demeure une technologie relativement chère et peu développée. Lefinancement des projets est difficile. Peu de fabricants disposent d’une expérience conséquente en lamatière, et il existe des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement (fabrication descomposants d’éoliennes, navires d’installation, installations portuaires adéquates, personnel quali-fié…). Comme le résume la Commission européenne, « les pionniers de l’éolien en mer se battentpour passer du statut de niche à celui d’industrie à part entière car, tant que cette technologie est enphase de maturation, les investisseurs hésitent beaucoup à réaliser de lourds investissements dansla recherche et le développement et dans les augmentations nécessaires de capacité ».

Le deuxième problème est l’insuffisance de planification stratégique intégrée au niveau des Etatsmembres et de coordination transfrontalière. Le troisième problème est la question de la compatibi-lité entre le développement des éoliennes off shore et l’application de certains textes communautairesen matière de protection de l’environnement : selon la Commission européenne, le retard pris parles Etats membres dans la désignation des zones protégées au titre des directives « habitats » et «oiseaux » en milieu marin rend impossible de déterminer avec certitude la liste des sites susceptiblesde recevoir l’installation d’éoliennes.

L’une des principales difficultés pour l’avenir est de parvenir à éviter que plusieurs démarches lé-gitimes –- le développement de l’éolien terrestre, la prospection gazière et pétrolière en mer, ledéveloppement de l’éolien en mer - ne se fassent concurrence pour attirer les investissements, no-tamment au niveau des programmes de recherche-développement. La Commission européenne attireavec justesse l’attention sur ce risque, ainsi que sur l’impérieuse nécessité de mener simultanémentle développement de l’éolien off shore et l’adaptation du réseau électrique existant pour intégrercette production d’électricité dans le système.

(1) A l’heure actuelle, la plupart des éoliennes off shore existantes sont installées en eau peu profonde ; des turbinesflottantes destinées à être installées encore plus loin des côtes, en eau très profonde (deep off shore) sont en phase d’ex-périmentation et de démonstration, notamment en Norvège et en Italie, où des prototypes doivent entrer en fonctionnementdans le courant de cette année. Une société française (Nénuphar) travaille également sur de tels équipements.

BIP N°/ VII

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EDF EN HAUT DE LA VAGUE

Pour l’électricien français, le dossier des énergiesmarines renouvelables, s’il prend aujourd’hui unenouvelle acuité, n’a rien de nouveau. EDF a en effetété précurseur dans ce domaine en utilisant l’énergiedes marées dans l’usine marémotrice de La Rance, enIlle-et-Vilaine, grâce à laquelle elle produit, chaqueannée, depuis plus de 40 ans, l’équivalent de laconsommation en électricité de la ville de Rennes.Mais l’heure est aujourd’hui à l’engagement dansla technologie des hydroliennes et à la réflexion surl’énergie houlomotrice. Le groupe a été d’autre part,avec DCNS l’un des deux industriels à participer à lacréation d’Ipanema, Initiative partenariale nationalepour l’émergence des énergies marines. C’est direqu’il "y croit", lui qui est déjà l’énergéticien le moinsémetteur de CO2 en Europe.

L’usine de la Rance utilise le mouvement ascendant dela marée pour créer le dénivelé indispensable à la pro-duction d’énergie, fournissant de l’électricité de ma-nière régulière et prévisible. Cette installation produit,chaque année, grâce au rythme des marées, près de540 millions de GWh et fournit 90 % de l’électricitéproduite en Bretagne.

L’ÉNERGIE MARÉMOTRICE : UNE TECHNOLOGIEMATURE

En service depuis plus de 40 ans, elle a « fait sespreuves », notamment en ce qui concerne la résistanceà la corrosion marine, nous explique Bernard Mahiou,directeur délégué de la Direction Production Ingénie-rie Hydraulique d’EDF en charge de la coordination del’eau et du développement. L’installation d’Ille-et-Vi-laine est « l’exemple le plus fameux » d’utilisation del’énergie des marées, « l’usine la plus puissante dumonde ».

Elle ne devrait pas le rester, le monde entier surfant surla vague de ces énergies marines qui pourraient appor-ter le complément indispensable dans la difficile réali-sation de l’objectif européen d’atteindre 20 % d’éner-gies renouvelables dans la consommation d’énergie en2020.

EDF ASSOCIÉ À D’AUTRES PROJETS DE PARLE MONDE

C’est ainsi que les Britanniques viennent de relancerun groupe d’études sur le projet Severn, l’estuairequi sépare l’Angleterre et le Pays de Galles, dont faitpartie un ingénieur d’EDF. Le projet est pharaoniquepuisqu’il prévoit, dans sa variante la plus importante,d’installer une usine d’une puissance de 8 640 MW,susceptible de produire 17 TWh, indique BernardMahiou. L’investissement pourrait approcher la ving-taine de milliards d’euros.

Plus modeste et hors des frontières de l’Union euro-péenne, un projet de 260 MW doit voir le jour en Coréed’ici deux ans. Là encore, EDF a participé en réalisantune partie de l’ingénierie.

De manière générale, l’électricien français « se posi-tionne sur tous les projets dans le monde ». Il a ainsirépondu à des appels d’offres en Inde et en Austra-lie. Le principal avantage de cette énergie marémo-trice ? La technologie est parfaitement maîtrisée, ré-pond Bernard Mahiou, ce qui, on le sait, n’est pas lecas de toutes les énergies dites renouvelables. Resteà trouver des sites et des financements mais là où lesmarées sont importantes, rien n’empêche d’implanterdes installations de production de grande masse. Desconcepts nouveaux avec des bassins multiples en merou adossés à la côte sont imaginés.

UNE PREMIÈRE FERME HYDROLIENNE AU LARGEDES CÔTES DE PAIMPOL

A la différence de l’énergie marémotrice, la filière hy-drolienne n’est pas encore mature. Mais EDF entendbien saisir l’opportunité que constitue le territoire fran-çais puisque l’Hexagone concentre à lui-seul 20 %du potentiel hydrolien européen, soit une productiond’électricité estimée à 10 TWh par an correspondantà une puissance installée de 3 000 MW au large de laBretagne et du Cotentin. Dès les années 1950, paral-lèlement aux études sur l’énergie marémotrice, EDFavait mené des études préliminaires sur « la possibilitéd’utiliser l’énergie des courants marins au moyen de

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machines analogues aux aérogénérateurs » qui n’ontpas eu de débouchés industriels.

Un potentiel égal à 2 % de la produc-tion française d’électricité ?

●●● La société Hydrohelix Energies, qui a conçu unprojet de démonstration d’une unité hydrolienne ma-rine "vraie grandeur" labellisé par le pôle Mer de Bre-tagne en décembre 2005, mais dont le financementreste à trouver, estime que sur des sites à configura-tion favorable, essentiellement en Bretagne, la produc-tion annuelle à partir de cette énergie pourrait atteindreplus de 10 000 GWh, soit 2 % de la production fran-çaise actuelle d’électricité. (Source : http://energiesde-lamer.blogspot.com

C’est au début des années 2000 que le groupe a sou-haité ré-évaluer l’intérêt technico-économique des hy-droliennes. Depuis 2002, il est ainsi progressivementmonté en puissance dans le développement de la so-ciété Marine Current Turbines (MCT) qui a lancé lesprojets pilotes Seaflow (prototype de 300 kW installéen 2003 au large de Bristol, au Royaume-Uni), puisSeagen (hydrolienne de 2 x 600 kW, dont l’installationest attendue en Irlande du Nord).

En juillet dernier, le groupe a décidé la constructiondu premier projet pilote en France, sur le site de Paim-pol-Bréhat, dans les Côtes d’Armor, dans une zone oùl’intensité des courants atteint des niveaux parmi lesplus élevés d’Europe. Quatre hydroliennes, d’une ca-pacité totale de 2 MW, seront installées et raccordéesau réseau de distribution d’électricité.

IMMERSION TOTALE

Pour limiter l’impact environnemental et ne pas êtrecontraint par les différents états de la mer, les hydro-liennes seront « totalement immergées » par 35 mètresde fond, à 15 km de la côte, explique Bernard Mahiou.Cette immersion est la condition sine qua non de l’ac-ceptabilité auprès des pêcheurs, puisqu’elle évite toutconflit d’usage. Les demandes d’autorisation pour ceprojet ont été déposées fin janvier dernier, l’enquête

publique aura lieu en 2010 et l’installation entre 2011et le début 2012.

Ce démonstrateur permettra à EDF de tester la tech-nologie en conditions réelles et d’évaluer précisémentson impact sur le milieu marin dans le cadre de dif-férentes études. La zone de Paimpol-Bréhat pourraitd’ailleurs accueillir, dans l’avenir, d’autres essais detechnologies dans le cadre d’une extension en uncentre d’essais par EDF.

UNE PREMIÈRE MONDIALE

Cette première mondiale représente l’aboutissementde plus de quatre années de concertation et d’étudescomparatives sur les côtes bretonnes et normandes(notamment sur le site de Barfleur dans la Manche),souligne celui qui sera, demain, directeur finances etdéveloppement de la Direction des Systèmes Energé-tiques Insulaires de l’électricien.

ET L’ÉNERGIE DES VAGUES ?

Il sera ainsi bien placé pour passer à l’étape suivante :l’expérience de l’énergie des vagues, dite houlomo-trice. Sur la façade Atlantique française, la puissancemoyenne transmise par les vagues est de l’ordrede 45 kW par mètre de ligne de côte. Reste que lesconnaissances dans ce domaine sont moins avancéesque pour l’énergie des courants de marée, et que« la rupture technologique doit être plus forte »,au croisement de l’hydraulique et de l’éolien. Resteaussi qu’il s’agit d’une énergie intermittente, mêmesi, selon notre interlocuteur, c’est moins flagrant quepour l’éolien. Mais le « potentiel est plus importantque celui de l’énergie des courants ». EDF EnergiesNouvelles est en train d’étudier la faisabilité de testsà La Réunion, d’une part, à l’île d’Yeu, en métropole,d’autre part.

Parallèlement à ces projets concrets, le groupe « faitde la veille » et suit donc de très près l’expérience"Pelamis" (voir encadré), avec laquelle Energias dePortugal fait figure de « pionnier ». Pionnier que les ar-ticles de presse n’ont pas épargné récemment, au granddam de l’électricien français qui juge que cette média-tisation ne rend pas service à l’ensemble de la filièrenaissante.

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L’expérience Pelamis

●●● Les Pelamis sont des machines semi-immergées.Grâce à leur structure articulée qui leur donne l’allurede serpents de mer, ils épousent le mouvement desvagues et produisent du courant électrique. En juilletdernier, une première machine flottante a été installéeau Nord du Portugal. Deux l’ont rejointe en septembre,chacune disposant d’une capacité de production de750 kW. Mais les problèmes se sont enchaînés et lesPelamis ont été sortis de l’eau pour une durée indétermi-née. Entre-temps, la crise financière a mis en difficultéle groupe d’investissement australien Babcock & Brownqui détenait 35 % du projet, et indique ne plus pouvoirpoursuivre son investissement.

EDF ne cache pas qu’elle s’aventure là « en pays in-connu » et que tout ce qui a été fait jusqu’à présent dansce domaine « a été détruit par la mer ». Le conceptauquel le groupe fera appel est, toutefois, totalementdifférent de la technologie Pelamis.

L’ÉNERGIE THERMIQUE DES MERS : EN PRIORITÉDANS LES EAUX CHAUDES

L’énergie thermique des mers visant à exploiter la dif-férence de température entre l’eau de surface et l’eauprofonde, l’électricien réfléchit par ailleurs au lance-ment de démonstrateurs dans les mers chaudes, auxAntilles et en Martinique, en particulier, mais égale-ment à La Réunion, où l’opportunité semble d’autantplus intéressante que le bilan énergétique des îles posedes problèmes à la fois économiques et environnemen-taux.Le principe technique de la conversion énergétique aété démontré depuis longtemps, avec des expériencesau large de Cuba et d’Abidjan, mais des probléma-tiques techniques (tuyaux de remontée d’eau froide,optimisation thermodynamique) demeurent. Encoreplus épineuse est la question de la rentabilité.

UNE VOLONTÉ POLITIQUE

Aussi pour Cyrille Abonnel, en charge du projet Ener-gies Marines à la Direction Production Ingénierie Hy-draulique d’EDF, tout dépendra de la volonté politiquequi sera, ou non, affichée dans le cadre du Grenelle dela Mer. Si les énergies marines renouvelables sont ef-fectivement plébiscitées, de premiers prototypes pour-raient apparaître d’ici à 2012-2015, nous précise-t-il.La volonté politique devra aussi s’exprimer dans les ta-rifs d’achat de l’électricité. Curieusement, alors qu’iln’existe aucune exploitation de taille commerciale, untarif d’achat des énergies marines a été imaginé enmars 2007, qui est de 150 euros par MWh. Ce qui, auxyeux de l’électricien, ne peut suffire à financer « ni undémonstrateur, ni des technologies naissantes ». Le ta-rif idéal serait de 250 euros par MWh, notamment dansles DOM. Comme pour les autres énergies renouve-lables, des aides seront d’autre part nécessaires. Via lefonds démonstrateur de l’Ademe par exemple.

LES ACTEURS EN RÉSEAU

C’est à ces conditions que des acteurs pourront sepositionner sur ce nouveau marché. En attendant,un groupe s’est déjà constitué afin de « favoriserl’émergence en France d’une filière industrielle etscientifique dans ce domaine ». Répondant au nomd’Ipanema (Initiative Partenariale Nationale pourl’émergence des Energies Marines), elle a vu officiel-lement le jour le 17 octobre dernier à Brest. EDF, nousl’avons dit, fait partie des 12 signataires fondateurs,aux côtés de l’Ademe, des régions Basse Normandie,Bretagne, Pays de la Loire, etc.A ce jour, se réjouit Cyrille Abonnel, 70 entités au totalont manifesté leur intérêt, ce qui témoigne d’un « vraidésir de mettre en réseau les acteurs » privés et pu-blics. Les conclusions du groupe de travail doivent êtrerendues publiques d’ici quelques mois. Elles préconi-seront le développement de sites d’essais en mer adap-tés aux différentes technologies d’énergies marines,pré-requis à la démonstration de leur rentabilité éco-nomique.

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TOTAL : LA TECHNOLOGIE PÉTROLIÈREAU SERVICE DES VAGUES ET DES COURANTS

Cela fait quelques années déjà que le groupe Total apensé mettre son expertise des grands fonds marinset des exploitations pétrolières difficiles au servicedes énergies marines, celles des vagues et descourants essentiellement même s’il réfléchit aussi àl’énergie thermique des mers. Le groupe a participé àl’étude prospective de l’Ifremer et vient de rejoindrel’initiative Ipanema. Thomas Renaut, responsableEtudes solaire concentré et énergies marines au seinde la Direction Gaz et Energies nouvelles que dirigePhilippe Boisseau, fait le point sur les activités etprojets du groupe dans ce domaine.

Dans le domaine de l’énergie de la houle et des vagues,c’est en juin 2005 que Total prend une participationde 10 % dans un projet pilote situé au large de San-tona, sur la côte Nord de l’Espagne. Il y est associéà Iberdrola et à la société Ocean Power Technologies(OPT), créée en 1994 et qui a mis au point des bouéesflottantes susceptibles de capturer l’énergie des vagueset de la transformer en électricité.

A Santona, la construction de la première bouée d’unepuissance de 40 kW, s’est achevée par sa mise à l’eauen septembre 2008. Ce démonstrateur vise à évaluer lepotentiel technique et économique de cette technolo-gie.

A terme, la consommation de plu-sieurs centaines de foyers

●●● Si le consortium emmené par Iberdrola va aubout de son projet, ce serait 10 bouées au total quiseraient installées, pour une capacité de 1 390 kWau total. L’électricité ainsi produite équivaudrait à laconsommation de quelque 700 foyers. Iberdrola (60%) et Total (10 %) sont associés dans ce projet à l’OPT(10 %), l’IDEA (10 %) et la société de développementSodercan Cantabrie (10 %). OPT, qui est le pionnieraméricain de l’exploitation de la technologie d’éner-gie des vagues, a signé au début d’année une lettred’intention avec Lockheed Martin afin de collaborer audéveloppement d’un projet similaire en Amérique duNord, soit au large des Côtes de Californie, soit aularge de celles d’Oregon. (Source : http://energiesde-lamer.blogspot.com)

UNE HYDROLIENNE EN COURS DE DÉVELOPPEMENTDANS LES ÎLES ORCADES

Plus récemment, en 2006, Total fait son entrée dans lecapital de la société Scotrenewables MarinePower, ba-sée aux îles Orcades, en Ecosse, dans une zone où l’in-tensité des courants marins atteint des niveaux parmiles plus élevés observés en Europe. Le groupe observe,à cette occasion, qu’à long terme, l’énergie des cou-rants « pourrait contribuer significativement à la pro-duction d’électricité d’origine renouvelable, en parti-culier au Royaume-Uni et en France ».Aujourd’hui Scotrenewables développe le prototype àl’échelle 1 de 1,2 MW. Les tests sont menés en étroitecollaboration avec l’European Marine Energy Center,une plate-forme d’essais européenne mise en place en2003.

SYNERGIE TRANSVERSE

Cette nouvelle aventure du cinquième pétroliermondial est favorisée par la présence historiquede sa filiale locale Total Exploration & Produc-tion Aberdeen. « C’est un petit milieu pétrolier etocéanographique », qui renforce cette associationavec Scotrenewables, commente notre interlocuteur.De même, Total envisage de financer un projet derecherche sur la modélisation de l’interaction desvagues sur les courants.Enfin l’expérience écossaise relève, aussi, pour legroupe français, d’une « synergie transverse » avecses activités d’exploration/production d’hydrocar-bures. Total apporte la compétence bien particulièreacquise dans le développement des plates-formesoffshore.

ETM : RENDEMENT FAIBLE, MAIS DISPONIBILITÉPERMANENTE

Si le groupe n’est pas prêt à se lancer tout de suitedans une expérimentation sur l’énergie thermique desmers, il poursuit une veille attentive et reconnaît, àl’instar de l’ensemble des personnes interrogées dansle cadre de ce dossier, que l’ETM présente l’énormeavantage d’être disponible 24h sur 24, 365 jours paran. Un énorme contre-poids face à un rendement trèsfaible : 3 à 4 % net, soit trois à quatre fois moins quel’énergie solaire, précise Thomas Renaut.

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Là encore, Total pourrait, si les études montrent unpotentiel de viabilité économique de la filière, faireappel à son expertise des installations offshore.

EVALUER LE POTENTIEL FRANÇAIS

Total, on l’a dit, a participé à l’étude prospective del’Ifremer. Mais le groupe veut aller plus loin dans

l’étude du potentiel français en énergies marinesrenouvelables et a, en ce sens, rejoint l’Ipanema,Initiative Partenariale Nationale pour l’émergence desEnergies Marines, créée en octobre dernier à Brest.A quel horizon l’énergéticien voit-il apparaître lespremières installations commerciales ? Peut-être d’icitrois ans seulement pour le projet expérimenté enEcosse, à plus long terme (2015-2020) pour l’énergiethermique des mers.

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LE PARCOURS SEMÉ D’EMBÛCHES DE LA PREMIÈREÉOLIENNE FRANÇAISE OFFSHORE

Entretien avec Philippe Gouverneur, directeur d’Enertrag et présidentde la Commission Energies Marines du SER

Entre les bonnes intentions et les faits, il y a sou-vent, en France en particulier, un gouffre que lasociété Enertrag, établissement français du groupeallemand éponyme, s’efforce de franchir depuis…huit ans, pour installer, dans la Manche, le premierparc éolien offshore de la France. Après les obstaclesadministratifs qu’il a fallu lever un à un, se posedésormais l’ultime question : où trouver les quelquesdizaines de millions d’euros qui manquent encorepour réaliser cette première ? Retour sur ce parcourssemé d’embûches avec Philippe Gouverneur, direc-teur d’Enertrag et qui vient d’être nommé présidentde la commission Energies Marines du Syndicat desEnergies Renouvelables, au sein duquel il était déjàprésident de la commission offshore de France Ener-gie Eolienne (FEE).

BIP. Qui est Enertrag ?Philippe Gouverneur. Enertrag est l’établissementfrançais du groupe allemand Enertrag AG. En 2001, ilne comptait qu’une personne, moi-même. Aujourd’huinous sommes 35 personnes avec de nouveaux recrute-ments en cours. En Allemagne, le groupe investit dansl’éolien et, depuis peu, dans les centrales hybrides.Dans l’Hexagone, nous sommes actifs dans l’éolien etle solaire photovoltaïque.Enertrag dispose de sept parcs de 10 à 12 MW de puis-sance en France. Nous avons d’autre part cinq pro-jets autorisés qui devraient être lancés au deuxième se-mestre 2009 ou au premier semestre 2010, dont deuxviennent de sortir victorieux d’un recours en conten-tieux, alors que nous avions obtenu tous les permis né-cessaires !Dans le solaire, nous avons beaucoup de projets, maisencore aucune réalisation ni en France ni en Alle-magne. Enertrag est un ensemblier, dont l’activité va

de la recherche de site à l’exploitation et la mainte-nance, en passant par le montage et l’instruction desdossiers. La finalité de cette mission est de produiredes kilowattheures propres, ce qui fait de nous in fineun énergéticien.

BIP. Venons-en à ce projet d’éolienne offshore qui se-rait une première en France...Philippe Gouverneur. Dès 2001, Enertrag a étéconvaincue que l’avenir serait un jour dans ces instal-lations en mer. Nous avons donc décidé d’identifierdes sites de moindre impact, tous critères considérés,à la fois techniques, environnementaux et sociaux.Quelques rares sites ont été identifiés. D’emblée, laMéditerranée doit être écartée car il est impossibled’aller suffisamment loin des côtes pour ne pas êtredérangeant.Pour d’autres raisons, plus techniques, la côte Atlan-tique a également été exclue. Le territoire idéal nous aparu être la Manche, avec un site en particulier, celuide Veulettes-sur-Mer, à proximité de Fécamp. Partietôt, Enertrag était donc prête lorsque le premier appeld’offres pour des projets éoliens offshore a été lancépar les Pouvoirs publics en 2004. Et nous avons eu lasatisfaction d’être le seul lauréat. Toutefois, l’autori-sation d’exploiter avec la bénédiction des Pouvoirs pu-blics ne nous dispensait pas du parcours du combattantque nous avons dû emprunter ensuite.Etant novateur, ce projet a suscité beaucoup de ques-tions d’un point de vue juridique et administratif. Etles arcanes des différentes lois sur l’eau, l’urbanisme,etc. étant ce qu’elles sont, nous sommes tombés sousle coup de sept ou huit motifs d’enquêtes publiquesque nous avons réussi à regrouper en trois. Face à cettecomplexité, la tendance actuelle semble être à la sup-pression du permis de construire pour de telles instal-lations, c’est en tout cas ce qui est prévu dans le cadredu Grenelle de l’Environnement. Ce permis serait rem-placé par des concessions, un système déjà existant.Précisons enfin que c’est un projet de 21 aérogénéra-teurs de 5 MW chacun. Les machines seront espacéesd’environ 800 m dans chaque ligne et le parc couvriraune surface totale de l’ordre de 15 km².

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BIP. Une fois n’est pas coutume, les procédures régle-mentaires ont-elles constitué un frein supérieur à celuide l’acceptabilité sociale ?Philippe Gouverneur. En effet. Si le parcours admi-nistratif a été long, nous avons la chance d’avoir unprojet qui confirme que la zone dite de moindre im-pact est bien celle que nous pensions et que les conflitsd’usages y sont faibles. J’en veux pour preuve quenous n’avons pas d’opposition franche des pêcheursmais seulement beaucoup d’inquiétude et de curiosité.D’autre part, nous comptons bien prouver que l’im-plantation d’un parc éolien, contrairement à ce que l’onpeut dire sur la dégradation du milieu marin qui en dé-coulerait, pourrait finalement s’avérer favorable pourla biodiversité.Il faut enfin savoir que le projet est soumis, non pas à lataxe professionnelle en voie de quasi disparition, maisà une taxe sur les installations de production électriqueà partir d’énergie mécanique du vent, instituée par dé-cret en 2008 et dont le montant est de 12 000 euros parmégawatt installé.

BIP. Où en êtes-vous à ce jour avec le projet ?Philippe Gouverneur. Nous sommes prêts àconstruire… mais nous avons deux recours sur ledos. L’un d’un particulier, avocat, qui s’applique àtrois autorisations principales, dont l’établissementd’une ligne électrique terrestre entre Veulettes et Fé-camp ; l’autre, d’une association nationale sollicitéepar une organisation régionale. Nos financementssont en conséquence bloqués, les banques se refusantà tout engagement tant que ces recours sont en sus-pens. J’espère que le tribunal administratif va se saisirrapidement de cette affaire.Et, enfin, last but not least, nous n’avons pas encorebouclé le tour de table pour le financement du projet.Il nous manque quelques dizaines de millions d’euros.Ce retard involontaire devrait permettre de progresservers la solution définitive. Des contacts sont en cours.

BIP. Combien avez-vous déjà investi dans ce projet ?Quel est le coût maintenant ? Avez-vous des partena-riats pour le financer ?Philippe Gouverneur. Nous avons déjà investi plu-sieurs dizaines de millions d’euros. Le coût du projetest maintenant évalué à 360 millions d’euros. Enertragest associé à Prokon Nord, jadis propriétaire de Multi-brid, dont Areva a pris 51 % du capital en septembre

2007, 49 % restant à Prokon Nord. Je m’étonne au-jourd’hui que dans le plan de relance européen, quioctroie 565 millions d’euros à l’offshore et aux ré-seaux offshore, il n’y ait rien pour la France. Ceci, alorsque nous pourrions être les premiers installateurs desmachines Multibrid par 25 à 30 mètres de profondeurd’eau. Encore une fois, je le répète, la CECA (80 %Prokon Nord et 20 % Enertrag) est prête à construire.

BIP. Pensez-vous que le projet puisse être effectivementlancé en fin d’année ?Philippe Gouverneur. Oui, toujours. Vous savez, dansce métier, il faut une dose d’optimisme à toute épreuve.Quoi qu’il en soit, les travaux terrestres commence-ront durant le deuxième semestre de 2009. En paral-lèle, nous allons nous battre à Bruxelles, où le plan derelance n’a pas encore été voté par les députés. La datede mise en service sera liée aux conditions météoro-logiques. Il semble très optimiste de penser installer21 machines en mer dans la seule année 2010.

BIP. Avez-vous d’autres projets similaires ?Philippe Gouverneur. Oui, mais je préfère garder laconfidentialité. La loi ne permet pas de se réserverdes endroits en mer… Nous sommes également trèsattentifs à l’éolien flottant, que l’on devrait pouvoirutiliser un jour.

BIP. Vous êtes président de la Commission EnergiesMarines qui vient d’être créée au sein du Syndicat desEnergies Renouvelables. Quelle est votre mission ?Philippe Gouverneur. Une remarque avant tout : je dé-plore que, dans le Grenelle de la Mer, qui vient d’êtreconstitué, nous ne soyons pas représentés si ce n’est pardéfaut, via l’Union française de l’électricité, alors quenous sommes tout de même au premier plan pour lesnouveaux usages de la mer et son partage. La missionde cette commission va consister à identifier les condi-tions technico-économiques d’un développement desénergies marines renouvelables, à étudier les moyensde faire avancer les nombreux projets, notamment dansun ou deux centres d’essais ; et enfin à essayer demettre au point les structures de financement néces-saires. Pourquoi pas en créant des fonds communs deplacements à risques avec des particuliers ?Tout reste à faire mais vite si possible, les Anglais sontdéjà très en pointe sur le sujet. Il nous faut avancer avecprudence mais liberté, sans forcément se couler dansun moule existant..

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ÉNERGIE THERMIQUE DES MERS : LA RÉUNION SE LANCE

Si, dans l’hypothèse la plus optimiste, les énergiesmarines renouvelables pourraient contribuer à hau-teur de 2,5 % à l’objectif d’une part de 23 % des éner-gies renouvelables dans la consommation d’énergieen France en 2020, le challenge est autrement plusimportant pour l’île de la Réunion, dont le présidentde région, Paul Vergès, a fait depuis longtemps del’autonomie énergétique sa priorité. Les intentions af-fichées prennent aujourd’hui un tour concret avec laréalisation, en partenariat, d’une étude de faisabilitésur l’implantation d’un démonstrateur "énergie ther-mique des mers" dans l’île.

C’est dès 1996 que Paul Vergès, alors sénateur de l’île,alerte l’opinion sur la nécessité de faire de l’étude desconséquences du réchauffement climatique une prio-rité nationale. En 1999, devant l’Unesco, il lance trèsofficiellement le plan d’autosuffisance énergétique in-sulaire. La loi donne en effet aux régions d’outre-Merla compétence d’élaborer, d’adopter et de mettre enplace un plan énergétique régional : le Prerure (Planrégional pluriannuel de prospection et d’exploitationdes énergies renouvelables et d’utilisation rationnellede l’énergie) a dès lors été créé autour des principalesinstances locales (en particulier Région, EDF, Ademe).

Pour son action de terrain, le Prerure s’est doté d’unoutil de sensibilisation, de veille technologique, deformation et d’interface auprès des collectivités :l’ARER. A l’époque, l’association compte 2 per-sonnes, elle en rassemble aujourd’hui près de 30, dontune vingtaine d’ingénieurs, nous explique LaurentGautret, son directeur technique. Le champ d’actionest très large, de la formation à la veille sur les tech-nologies du futur. En passant par la publication desbilans énergétiques de l’île.

UNE DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE 86 %

Et ceux-ci sont éloquents : en 2006, dernière annéepour laquelle des statistiques sont disponibles, lesimportations de combustibles fossiles s’élèvent à1 057 000 tonnes équivalent pétrole, les ressourceslocales (essentiellement bagasse et hydraulique) à..165 000 tep. Autrement dit, le taux de dépendanceénergétique de l’île est de 86 %. Et malgré tous sesefforts pour développer les énergies renouvelables,

la production des ressources locales reste très dépen-dante de la pluviométrie et de la production de canneà sucre.L’île s’est donc tournée vers le solaire photovoltaïque,dont la part ne cesse de progresser. Au cours de l’année2006, quelque 2,09 MWc ont été installés, soit le tiersde la capacité totale installée en France. Il n’en restepas moins que la production électrique est toujours as-surée à 64 % par les énergies fossiles, à 36 % par lesdifférentes énergies renouvelables.

ETM : UNE DISPONIBILITÉ 24H/24

Depuis 2001, l’ARER entretient une démarche trèsactive de veille et de réflexions stratégiques sur lesénergies marines renouvelables, l’énergie thermiquedes mers en particulier, dont l’atout majeur est saconstance, puisqu’elle permet une production d’éner-gie 24h sur 24. En 2008, des prélèvements ont étéeffectués à plus de 1 000 mètres de fond pour vérifierles températures. Les résultats ont été « probants »,et l’association a saisi l’occasion de l’ICOE pourse rapprocher de DCNS, premier constructeur navaleuropéen qui ait commencé à faire des recherches surce thème, raconte Laurent Gautret.D’octobre 2008 à avril, les deux partenaires ont montéle partenariat qui a abouti à la signature, le 7 avrildernier, d’une convention de R&D pour la réalisationd’une " étude de faisabilité pour l’implantation d’undémonstrateur énergie thermique des mers à l’île dela Réunion ". Jusqu’à présent, seule l’île d’Hawaï, viale département américain assisté de Lockeed Martin(premier constructeur naval mondial), a lancé unedémarche similaire. Un consortium est également encours de structuration dans le Pacifique autour d’unetechnologie japonaise.

LA RÉUNION, EXPÉRIMENTATEUR EUROPÉENDE LA TECHNOLOGIE

Il s’agit, explique le directeur technique de l’ARER,de démontrer que de l’électricité à grande échellepeut être produite en zone tropicale à coût et im-pact environnemental maîtrisés via une ressourcerenouvelable inépuisable : l’eau froide profonde (plusde 1 000 mètres de profondeur). La Réunion serait

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l’expérimentateur européen de cette technologie. Pouratteindre un tel objectif, c’est une technologie detype plate-forme offshore partiellement immergée etraccordée au réseau électriquement à l’île, qui seraétudiée par DCNS, et le démonstrateur se basera doncsur cette approche reproductible par la suite.

LE CALENDRIER

La convention signée début avril prévoit une premièreétape qui devrait aboutir, dès le mois de juin, au dimen-sionnement et au chiffrage du coût d’un démonstrateurETM offshore à La Réunion. La seconde étape conso-lidera les premiers résultats et devrait être achevée à lafin de cette année. L’étude représente un budget d’unmillion d’euros, que financeront les partenaires à éga-lité.Pour Laurent Gautret, ce n’est pas avant 2013 « aumieux » que devrait être installé le démonstrateur. Unefois les problématiques de mise en place réglées, l’onpourrait s’orienter au-delà de 2020 vers une productionà grande échelle.Dans une étude que l’ARER a menée l’an dernier sur lepossible mix énergétique de 2025-2030, l’ETM joue-rait un grand rôle puisqu’il est envisagé d’installer aumoins 100 MW pour assurer environ 20 % de la pro-duction d’énergie de base à La Réunion, et remplacerl’équivalent de la production actuelle de charbon.De nombreux sites ont déjà été identifiés commeprésentant un fort potentiel pour le développementde l’ETM aussi bien à terre qu’en offshore dans l’île.

La stratégie de développement consisterait dans unemontée progressive avec des puissances de 5 MW,puis 10-20 MW, 50 MW...

UN PEU DE SCIENCE-FICTION

Un certain nombre de questions vont être soulevées aufur et à mesure du développement du processus. Quidde l’acheminement de l’électricité ainsi produite, parexemple ? Pour le directeur technique de l’ARER,deux solutions : soit des câbles électriques très longsqui relieront les installations au réseau existant, soitune production d’hydrogène avec stockage sur desbateaux. Dans cette hypothèse, se plaît-il à rêver,les zones tropicales pourraient devenir une nouvellesource d’approvisionnement, changeant, à terme, ladonne Nord-Sud...Quid, d’autre part, de l’acceptabilité par les popula-tions ? « C’est un sujet clé », reconnaît notre interlo-cuteur. Si la solution consiste bien sûr à « dissimuler leplus possible », ce ne sera pas le cas avec le démons-trateur prévu à La Réunion qui sera « bien visible »,reflétant la fierté de l’île de jouer ainsi un rôle de pré-curseur. Et puis, ajoute-t-il, sa « physionomie ne serapas la même que celle d’une plate-forme pétrolière, etil adoptera un design adapté aux spécificités réunion-naises ». A terme, se posera aussi, comme pour touterévolution technologique, la question de la volonté po-litique car tout projet ETM nécessitera un important in-vestissement financier, et donc un soutien fort de l’Etatet des collectivités locales à la hauteur des risques etdes enjeux.

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LES MICROALGUES : LE NOUVEL OR VERT ?Le point de vue d’Alcimed

Aujourd’hui sous le feu des projecteurs, les mi-croalgues sont présentées comme une alternativeénergétique au pétrole, capable de produire del’énergie sous 3 formes : hydrogène, biocarburantou encore biogaz. Ces microorganismes suscitent unvif intérêt auprès de géants comme Shell ou Boeing.La ruée vers l’or vert est en marche… surtout auxEtats-Unis, la France étant à la traîne sur ce dossier.Toutefois, de premières installations pilotes pour-raient voir le jour d’ici trois à cinq ans, selon NadiaBoukhetaia, consultante au sein de la Business UnitChimie, Matériaux et Energie chez Alcimed. La so-ciété de conseil revient ci-après sur les performancesréelles des microalgues et la rentabilité des procédésindustriels.

Le pic spectaculaire qu’a connu le baril de pétrole en2007 et 2008 a accéléré les efforts de recherche envue du développement de nouveaux biocarburants.Différentes filières comme l’huile (palme, tourne-sol…), l’alcool (betterave, maïs) et le biogaz (boues,lisiers) se développent actuellement. Cependant, cesbiocarburants dits de "première génération" présententun inconvénient de taille, car ils sont en compétitiondirecte avec les cultures destinées à l’alimentationet ne sont pas sans impact sur la biodiversité desécosystèmes.Une nouvelle filière de biocarburants dits de"deuxième génération" est en plein développementautour de nouvelles sources de biomasse à base delignocellulose (paille, peuplier, et résidus lignocel-lulosiques issus des industries de l’agriculture, de lasylviculture et du bois). Cette filière offre des pers-pectives intéressantes avec de meilleurs rendements etconditions environnementales.

DES RENDEMENTS EN LIPIDES EXCEPTIONNELS

Parmi les développements en cours, les industriels setournent de plus en plus vers une filière de biocarbu-rants de "troisième génération" à base de microalgues,et présentée comme la source de biomasse capabled’offrir les meilleurs rendements. Les microalguessont des organismes microscopiques riches en lipideset se développent par photosynthèse en eau douce ouen eau de mer selon les espèces. Elles présentent à

l’échelle du laboratoire des avantages très attractifsqui en ont fait un véritable "or vert" :

• les rendements en lipides seraient 30 fois supé-rieurs aux cultures oléagineuses telles que le tour-nesol ou le colza,

• leur culture en photobioréacteurs n’a pas d’impactsur l’environnement (non utilisation de pesticides)et permet de recycler les nutriments nécessaires àleur croissance (phosphore et azote),

• enfin, le problème des surfaces cultivables dispa-raît puisque ces organismes se développent dansl’eau.

LES AMÉRICAINS À LA POINTE

Les microalgues sont considérées comme la filièred’avenir par de nombreuses start-up américaines enpleine croissance. La plus connue d’entre elles estGreenFuel Tech qui développe des procédés pour laproduction de microalgues. L’engouement a mêmegagné les pétroliers comme Chevron et Shell. Ré-cemment, Boeing a commencé une collaboration avecVirgin Fuels et General Electric pour développerun nouveau biocarburant à base de microalgues. LaFrance participe également à cette ruée vers l’or vertavec le projet Shamash dirigé par Olivier Bernard,chercheur à l’INRIA.Les microalgues peuvent intervenir dans la productionde trois types d’énergie : l’hydrogène, les biocarbu-rants ou les biogaz. Mais quelles sont les performancesréelles des micro-algues et quel est le degré de matu-rité de chacune de ces filières ?

HYDROGÈNE, BIOCARBURANTS, BIOGAZ...

Sous certaines conditions de stress (manque de soufreou d’oxygène), les microalgues peuvent produire del’hydrogène. Actuellement, moins de 3 % de l’éner-gie lumineuse totale est transformée en hydrogène.Pour être rentable, cette voie nécessite un rendementde 10 %, et la production d’hydrogène à partir demicroalgues pourrait y contribuer. Les chercheurscomptent sur des mutations génétiques pour créer desmicroalgues plus efficaces. Par exemple, en France,

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Dossier Energies Marines Renouvelables

le laboratoire de bioénergétique et biotechnologie desbactéries et microalgues du CEA travaille actuelle-ment sur ce sujet.La production de biocarburants par les microalgues estla voie la plus médiatisée, mais elle compte encore denombreux défis à relever.L’un des premiers challenges consiste à identifierles microalgues les plus riches en lipides parmi lesquelques millions d’espèces existantes. Dans desconditions de stress en azote, la production lipidiquepeut atteindre 75 % pour la Botryococcus braunii.Cependant, stresser les algues ralentit leur croissance.Un autre défi à prendre en compte est l’optimisationde l’extraction des lipides qui demeure une étapeencore trop négligée. Les techniques de pressage sonten effet inefficaces ; l’extraction de l’huile est réaliséeà l’hexane, ce qui n’est compétitif ni au niveau écono-mique ni au niveau environnemental. Des recherchessur l’extraction sont actuellement en cours : la sociétéValcobio, un des partenaires du projet Shamash tra-vaille sur des techniques d’extraction sans produitschimiques.Enfin, les rendements de production des algues sontencore trop faibles à l’échelle industrielle. « Pour de-venir compétitive, la production d’algues devrait êtrede 100 g par m² par jour, soit trois fois supérieure auxrendements actuels », estime Nadia Boukhetaia.Le dernier type d’énergie que peuvent produire les mi-croalgues est le biogaz. Celles-ci se révèlent particu-lièrement adaptées à cette application. Après fermen-tation dans un digesteur, elles génèrent un biogaz com-posé de 70 à 80 % de méthane, les autres gaz étant duCO2 et du N2. Cette technologie datant des années 40a été développée par le Professeur William J. Oswaldde l’Université de Berkeley en Californie.Elle a cependant été abandonnée dans les années 80au profit des biocarburants plus à la mode et est ré-étudiée depuis une dizaine d’années. En effet, cette fi-lière est actuellement la voie de production d’énergieà partir de microalgues la plus simple et la plus ren-table à court terme. Elle peut être particulièrement ef-ficace lorsqu’elle est associée à d’autres procédés. Sicette technologie est associée à une centrale thermique,les microalgues séquestrent le CO2 et utilisent la cha-leur produite pour leur croissance. Le biogaz produit

est alors directement réinjecté dans les brûleurs de lacentrale. Cette technologie peut aussi être associée àune station d’épuration où les microalgues utilisent lesnutriments comme l’azote et le phosphore pour leurcroissance.

Le projet Shamash

●●● Ce projet, qui a démarré en décembre 2006,a pour objectif de produire un biocarburant à par-tir de microalgues autotrophes. Ces microorganismespeuvent accumuler jusqu’à 50% de leur poids sec enacides gras, permettant d’envisager des rendements àl’hectare supérieurs d’un facteur 30 aux espèces oléagi-neuses terrestres. Le projet Shamash intègre des spécia-listes de la culture, de la physiologie et de l’utilisationde microalgues, des spécialistes de l’optimisation desprocédés biotechnologiques ainsi que des spécialistesdes biocarburants et de l’extraction et de la purificationde lipides. Shamash regroupe 9 équipes et entreprisesfrançaises pour un budget total de 2,8 millions d’euros.Le Programme National de Recherche sur les Bioéner-gies (PNRB) de l’ANR finance 0,8 million d’euros.

LES CONDITIONS DE LA RUÉE VERS L’OR VERT

Qu’il s’agisse de la production hydrogène, de biocar-burants, ou de biogaz à partir de microalgues, un cer-tain nombre de défis restent à relever qui nécessitentencore des travaux de recherche et développement im-portants. « L’industrialisation de l’énergie à partir demicroalgues ne pourra se faire qu’à condition que denombreuses compétences collaborent pour lever lesbarrières existantes : génie génétique, phycologie, bio-chimie, pétrochimie. Les experts mondiaux sont peunombreux et les savoir-faire ont tendance à se disper-ser. Il est nécessaire qu’en Europe, des collaborationsfortes entre industriels et chercheurs de ces différentsdomaines voient le jour comme aux Etats-Unis pourparticiper à la ruée vers l’or vert », conclut VincentPessey, Responsable de Missions de la Business UnitChimie, Matériaux et Energie chez Alcimed.

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