DOSSIER DE CANDIDATURE AU PRIX DE THESE ADERSE 2019
CANDIDAT
Nom et prénom : BOURGEL Boris Date de naissance : 21/11/1987
Situation professionnelle actuelle : Attaché Temporaire d’Enseignement et Recherche à l’IAE
Savoie Mont Blanc et chercheur à l’Institut de Recherche en
Gestion et en Economie (IREGE), Université Savoie Mont
Blanc
Adresse postale : IAE Savoie Mont Blanc, 4 Chemin de Bellevue, 74940,
Annecy-le-Vieux
Email : [email protected]
Téléphone : 06 71 03 59 69
THÈSE
Titre de la thèse : Le management de la performance sociétale des stations de montagne : une approche
par les parties prenantes
Université de délivrance de la thèse : Communauté Université Grenoble Alpes La Communauté Université Grenoble Alpes ne délivre pas de mention.
Date et lieu de soutenance : 29/11/2018 à l’IAE Savoie Mont Blanc, Annecy-le-Vieux
Nom et prénom du Directeur de recherche : BOCQUET Rachel
Email du Directeur de recherche : [email protected]
JURY DE THESE
Rapporteur 1 : CHARREIRE-PETIT Sandra, Professeur des Universités, Université Paris-Sud /
Université Paris-Saclay
Rapporteur 2 : MERCIER Samuel, Professeur des Universités, Université de Bourgogne
Président du jury : VALIORGUE Bertrand, Professeur des Universités, Université Clermont
Auvergne
Suffragant : BERGER-DOUCE Sandrine, Professeur, Ecole des Mines de Saint-Etienne
Directrice de thèse : BOCQUET Rachel, Professeur des Universités, Université Savoie Mont Blanc
SOMMAIRE DU DOSSIER
1. Résumé de la thèse
2. Pré-rapport de soutenance du Professeur Sandra CHARREIRE-PETIT
3. Pré-rapport de soutenance du Professeur Samuel MERCIER
4. Rapport de soutenance de thèse
RESUME DE LA THESE
1
Le management de la performance sociétale des stations de
montagne : une approche par les parties prenantes
CONTEXTE
Avec plus de 2000 stations de montagne réparties dans 67 pays et plus de 350 millions de
journées skieurs chaque hiver1, le poids économique du tourisme de montagne est loin d’être
anecdotique bien qu’il repose principalement sur l’activité ski. Les stations de montagne sont
vues comme de véritables locomotives du développement économique, notamment dans les
territoires où leur activité est particulièrement concentrée. Universitaires et professionnels du
tourisme ont d’ailleurs largement mis en avant les effets positifs des stations de montagne sur
leur environnement, en particulier d’un point de vue économique (Flagestad et Hope, 2001).
Toutefois, les stations de montagne se retrouvent aujourd’hui fortement menacées faisant face
à des enjeux croissants en matière environnementale et sociale, au premier rang desquels figure
le réchauffement climatique. Bien que les pressions exercées par leurs Parties Prenantes (PP),
telles que les gouvernements, les collectivités ou les communautés locales, n’aient jamais été
aussi importantes et diverses, force est de constater que les stations peinent à apporter des
réponses. A ce titre, le dernier rapport de la cour des comptes2 est particulièrement éloquent en
réaffirmant la nécessité de « s’adapter suffisamment tôt à un futur où le ski et les sports de neige
ne seront plus leur unique ressource » (Cour des comptes, 2018, p. 442).
Toujours ancrées dans une vision économique à court terme de la performance (Fuchs et al.,
2002 ; Hudson et al., 2004 ; Achin et George-Marcelpoil, 2013), les stations de montagne
semblent éprouver des difficultés à sortir du « tout ski » en raison notamment de l’intensité
capitalistique de ce modèle impliquant un besoin continu d’investissements (Bourdeau, 2008).
Pourtant, ce modèle qui a permis leur spectaculaire développement est aujourd’hui remis en
cause, actant l’épuisement de « la manne de l’or blanc » (Achin et George-Marcelpoil, 2013).
Ces premiers constats empiriques montrent l’intérêt et la portée du concept de
performance sociétale pour les stations de montagne tant il semble à même d’incarner
cette conception élargie de la performance qui leur fait défaut. Face aux difficultés qu’elles
rencontrent, c’est plus précisément la question des leviers managériaux de la performance
sociétale qui est posée.
POSITIONNEMENT THEORIQUE DE LA THESE
Le concept de Performance Sociétale de l’Entreprise (PSE) est apparu à la fin des années 1970
au sein de la littérature plus large sur la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE).
Toutefois, du fait de ses nombreux développements, le concept de PSE ne fait toujours l’objet
1 Vanat, L., 2017, « International Report on Snow & Mountain Tourism ». Rapport disponible à l’adresse :
http://www.vanat.ch/international-report-on-snow-mountain-tourism.shtml. 2 Cour des comptes, 2018, « Le rapport public annuel 2018, Tome II : Les stations de ski des alpes du nord face
au réchauffement ». Rapport disponible à l’adresse : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-
annuel-2018.
2
d’aucun consensus théorique. Face à cette littérature vaste et hétérogène, un travail préliminaire
d’inventaire a alors été entrepris afin de clarifier le positionnement théorique de cette recherche.
Deux principaux groupes de travaux ont été identifiés selon la perspective, théorique ou
empirique, de la PSE adoptée.
Les travaux adoptant une perspective théorique cherchent avant tout à proposer des modèles de
PSE. Une première approche (Carroll, 1979 ; Wartick et Cochran, 1985 ; Wood, 1991),
qualifiée « d’intégrative », propose une conception englobante et multidimensionnelle de la
PSE reposant sur les cadres théoriques de l’éthique des affaires et de la théorie des systèmes.
La représentation la plus connue est celle de Wood (1991) qui définit la PSE comme un concept
tridimensionnel constitué de « principes » (différentes catégories de responsabilités sociétales),
« processus » (modalités de prise en compte des questions sociétales) et de « résultats et
impacts » (résultats concrets issus de la prise en compte des questions sociétales). En dépit de
sa forte ambition théorique, cette approche est aujourd’hui fortement contestée ; la multiplicité
des fondements théoriques questionne sa cohérence théorique (Gond et Crane, 2010) et le
caractère peu opérationnalisable des principaux modèles limite leur portée empirique (Husted,
2000). La seconde approche de la perspective théorique (Clarkson, 1995 ; Wood et Jones,
1995), dite par les Parties Prenantes (PP), propose une représentation de la PSE mobilisant
spécifiquement la Théorie des Parties Prenantes (TPP), cadre théorique de référence de la RSE
et, plus généralement, des sciences de gestion. En particulier, Clarkson (1995) recentre le débat
sur le niveau d’analyse organisationnel et propose une modélisation de la PSE à deux
dimensions ; une dimension managériale (les leviers managériaux) et une dimension
« résultats » (la mesure). Ces travaux introduisent également l’idée que la PSE peut être
mesurée de manière subjective à travers les perceptions des PP. Cette seconde approche propose
donc une conception de la PSE centrée sur les PP, plus aisément opérationnalisable que la
première.
Les travaux adoptant une perspective empirique s’intéressent uniquement à la mesure de la
PSE, notamment dans un souci d’opérationnalisation de la RSE (Gond, 2016). Ce groupe n’est
toutefois pas homogène et trois principales finalités de mesure de la PSE ont été identifiées. La
première finalité est l’étude du lien RSE-Performance Financière (PF), dans la tradition dite du
« Business Case » (Margolis et Walsh, 2003 ; Tarabella et Burchi, 2013). Dans ce cadre, la PSE
est utilisée comme un moyen de mesurer la RSE et ne constitue donc pas une fin en soi. La
seconde finalité est la communication sociétale. Les auteurs s’intéressent ici à la façon dont les
mesures de PSE sont utilisées à des fins de communication externe, notamment au travers de
« l’Audit Sociétal » (Dierkes, 1986) et du « Reporting Sociétal » (Gray et al., 2001). Enfin, la
troisième finalité est le pilotage interne ; il s’agit ici de travaux qui s’intéressent à la
« Comptabilité Sociétale » (Secchi, 2007) ou aux outils de pilotage adaptés à la PSE tels que le
« Sustainable Balanced Scorecard » (Zingales et Hockerts, 2003).
Dans le cadre de cette recherche, l’approche de la PSE par les PP a été retenue pour les
nombreux avantages qu’elle présente ; elle repose sur un cadre théorique de référence des
sciences de gestion, la TPP, tout en étant aisément opérationnalisable notamment au travers
d’une mesure subjective de la performance. Toutefois, malgré ses qualités, cette approche fait
face à un défi théorique de taille ; ses deux travaux fondateurs (Clarkson, 1995 ; Wood et Jones,
1995) s’opposent sur plusieurs points.
3
Ils s’opposent en premier lieu sur le « cœur normatif » de la PSE, c’est-à-dire la conception
sous-jacente de la RSE sur laquelle elle repose. Pour Clarkson (1995), le « cœur normatif »
repose sur la création de valeur, juste et équilibrée, pour l’ensemble des PP primaires afin de
ne pas remettre en cause leur participation aux activités de l’entreprise. Pour Wood et Jones
(1995), il repose sur le devoir et l’obligation qui incombent à l’entreprise de prendre en compte
et de satisfaire les attentes de toutes les PP, sans distinction. Ces auteurs s’opposent également
sur la définition retenue du concept de PP. Le premier ne s’intéresse qu’aux PP primaires
définies comme « tout groupe d’individus ou individu dont la firme dépend pour sa survie »
(Freeman et Reed, 1983, p. 25). De leur côté, Wood et Jones (1995) considèrent l’ensemble des
PP comme « tout groupe d’individus ou individu qui peut affecter ou peut être affecté par la
réalisation des objectifs organisationnels » (Freeman, 1994, p. 48).
Cette opposition fait écho au débat récurrent dans la littérature RSE entre l’approche normative
de la TPP et l’approche instrumentale/stratégique de la TPP du fait de « l’incapacité de la TPP
à trancher les débats récurrents sur les finalités de la firme » (Mercier, 2010, p.150). Dans ce
débat, la position de Wood et Jones (1995) est celle de la TPP normative alors que Clarkson
(1995) se range du côté de la TPP instrumentale/stratégique. Ce constat incite à développer une
lecture renouvelée de la PSE par les PP qui adopte une position médiane entre la
« managérialisation excessive » de la TPP instrumentale/stratégique et les « incantations
angéliques » de la TPP normative (Mercier, 2010). Très concrètement, la modélisation de
Clarkson (1995), avec ses deux dimensions, a été retenue et son « cœur normatif » redéfini afin
qu’il ne se limite pas à un traitement purement cosmétique des responsabilités sociétales.
Cette thèse s’inscrit donc dans l’approche de la PSE par les PP au sein de laquelle la
conception de la PSE retenue est celle de Clarkson (1995) avec ses deux dimensions
(managériale et « résultats »). Le « cœur normatif » de cette conception repose sur
l’intégration volontaire, dans la stratégie, des responsabilités à l’égard de l’ensemble de
ses PP définies au sens « large » d’après Freeman (1984).
PROBLEMATIQUE
Ces premiers constats empiriques et théoriques ont permis de clarifier le positionnement de
cette recherche et d’affirmer la conception de la PSE retenue ; celle de la PSE par les PP saisie
au travers d’une dimension managériale et d’une dimension « résultats » (Clarkson, 1995).
Toutefois, si la dimension « résultats » de la PSE par les PP a reçu une attention importante de
la part des chercheurs, sa dimension managériale a été largement sous-estimée par la littérature
et n’a guère évolué depuis les travaux fondateurs de Clarkson (1995). Dans ces travaux, celle-
ci est saisie au travers du management des PP, défini comme « la gestion des demandes et des
relations avec les PP » (Clarkson, 1995, p. 109). Or, cette notion présente certaines limites qui
soulèvent 3 enjeux théoriques principaux.
➢ Enjeu 1 : l’identification des leviers managériaux de la PSE
Le management des PP est une notion vague et indéterminée. En particulier, il reste muet quant
au « comment » gérer ces relations et s’avère incapable d’identifier précisément les leviers
managériaux de la PSE. Pourtant, les leviers managériaux constituent un aspect crucial de la
PSE en tant que « mécanismes sous-jacents » (Aguinis et Glavas, 2012, p. 952).
4
➢ Enjeu 2 : l’intégration de la PSE et de son management aux activités de l’entreprise
Rien n’est dit concernant la place qu’occupe le management des PP au sein de l’entreprise. Il
semble s’agir d’une activité menée en marge des autres à la manière « d’un découplage de la
réponse organisationnelle » aux pressions des PP (Daudigeos et Valiorgue, 2011). Pourtant,
certains auteurs insistent sur le fait que l’intégration des responsabilités sociétales de
l’entreprise, et donc de sa PSE, se situe nécessairement à tous les niveaux de l’entreprise et
concerne toutes ses activités (Burke et Logdson, 1996 ; Galbreath, 2009 ; Asif et al., 2013).
➢ Enjeu 3 : le rôle des PP dans le management de la PSE
Le management des PP, paradoxalement, ne donne aucun rôle aux PP, hormis celui d’exprimer
des attentes et de faire part de leur satisfaction (Wood et Jones, 1995 ; Mason et Simmons,
2014). Pourtant, des travaux plus récents ont montré que les PP pouvaient jouer un rôle actif
dans la démarche d’intégration par l’entreprise de ses responsabilités sociétales (Searcy et al.,
2007 ; Galbreath, 2009 ; Asif et al., 2013).
Finalement, la dimension managériale de la PSE, saisie par le management des PP,
demeure une boîte noire dont on ne connait ni le contenu ni les acteurs. Pourtant, les
développements les plus récents indiquent que sa place dans la PSE est cruciale et laissent
penser que les PP ont un rôle à y jouer. C’est à cette tension que cette thèse s’intéresse en
ouvrant la boite noire de la dimension managériale de la PSE afin de répondre à la
problématique suivante :
« Les PP ont-elles un rôle à jouer dans le management de la PSE ? Si oui, quelle est la
nature de ce(s) rôle(s) ? »
CADRE THEORIQUE
Le cadre théorique de cette recherche repose sur la conception bidimensionnelle de Clarkson
(1995). Toutefois, compte tenu des limites de la notion de management des PP, sa dimension
managériale a été revisitée à l’aide des travaux sur les Performance Measurement and
Management Systems (PMMS).
Les PMMS ne sont pas uniquement des outils mais des modèles complets et intégrés pour
« faciliter l’implémentation de la stratégie et améliorer la performance organisationnelle » au
travers de sa mesure et de son management (Melnyck et al., 2014, p. 173). L’intérêt de ces
travaux est réel pour la présente recherche. En effet, ils dépassent le seul cadre de la mesure de
la performance et proposent des modélisations précises et détaillées du management de la
performance (Bititci et al., 2012 ; Melnyck et al., 2014). Par ailleurs, ils défendent une vision
multidimensionnelle de la performance, compatible avec la PSE. Parmi les nombreux travaux
sur les PMMS, le modèle de Ferreira et Otley (2009) parait particulièrement adapté pour
répondre à l’enjeu d’un enrichissement de la dimension managériale de la PSE par les PP. En
effet, ce modèle, qualifié « d’outil de recherche » par les auteurs (2009, p. 263), peut être
considéré comme une grille générique pour décrire et comprendre le management de la
performance au travers de 8 éléments définis de manière cohérente entre eux. Par ailleurs, du
fait de son caractère descriptif et non normatif, ce modèle n’entre pas en conflit avec la
5
conception défendue de la PSE par les PP. Finalement, ainsi revisitée, la dimension managériale
de la PSE est constituée de 8 leviers managériaux, organisés à trois niveaux (stratégique,
tactique et opérationnel). La nouvelle modélisation proposée de la PSE par les PP est présentée
dans la Figure 1 ci-dessous.
Figure 1 – Une proposition de modèle de PSE par les PP
Ce modèle, qui constitue le cadre théorique de ce travail de recherche, a donc été conçu pour
interroger le rôle des PP dans le management de la PSE, conformément à la problématique. Il
permet de formuler deux propositions de recherche qui s’appuient sur les travaux de Burke et
Logdson (1996), Searcy et al. (2007), Galbreath (2009) et Asif et al. (2013) évoqués
précédemment :
Proposition P1 : « Les PP ont un rôle à jouer aux trois niveaux – stratégique, tactique et
opérationnel – du management de la PSE. »
Proposition P2 : « Le rôle des PP dans le management de la PSE est actif. »
Toutefois, cette recherche porte sur les stations de montagne et, bien que les enjeux sociétaux
auxquels elles font face ne semblent pas différents de celles des entreprises, tout laisse penser
que les modalités de réponse seront distinctes au regard de leurs caractéristiques (Fuchs et al.,
2002 ; Gerbaux et George-Marcelpoil, 2006). Cela nous a conduit à nous interroger sur
l’applicabilité du modèle à la station de montagne.
Pour ce faire, une revue systématique de la littérature (Tranfield et al., 2003) portant
spécifiquement sur la performance sociétale des stations de montagne a été conduite. Cette
revue a démontré qu’il n’existe pas, à ce jour, de conception de la performance sociétale propre
aux stations de montagne. Pour juger de l’applicabilité du modèle proposé, celui-ci a alors été
confronté aux trois spécificités de la station identifiées à l’aide de la revue systématique : son
caractère non délocalisable, la complexité de ses frontières et l’absence de direction centralisée.
De cette confrontation, deux points de discussion ont émergé. Le premier concerne les
frontières de la station dont la complexité rend difficile l’identification du périmètre des
responsabilités sociétales. Le cadre de la TPP permet de lever cette difficulté ; la question des
frontières de la station devient alors celle de l’identification de ses PP. Le second se rapporte à
l’absence de direction centralisée de la station qui questionne la pertinence de certains leviers
managériaux dans la nouvelle modélisation de la dimension managériale de la performance
Management de la PSE Résultats de la PSE
Niveau stratégique• Vision stratégique
• Facteurs clés de succès
Niveau tactique• Plans et projets
• Indicateurs de performance• Objectifs de performance
Niveau opérationnel• Structure organisationnelle
• Systèmes de contrôle de la performance• Systèmes d’incitation
Mesures subjectives• Satisfaction des PP
• Degré de prise en compte des PP
Mesures objectives
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sociétale, en particulier les « systèmes de contrôle de la performance » et les « systèmes
d’incitation ». Toutefois, la littérature existante ne permet pas d’apporter de réponses à ces
questionnements ; ces éléments sont conservés en l’état et leur pertinence sera appréciée lors
de la confrontation empirique du modèle.
Afin de répondre à la problématique de thèse, un modèle de PSE par les PP a été proposé
et deux propositions de recherche ont été formulées. Le modèle repose sur la conception
de Clarkson (1995) dont la dimension managériale a été revisitée à l’aide des travaux sur
les PMMS. Par une confrontation du modèle aux spécificités de la station de montagne
menée à l’aide d’une revue systématique de la littérature, il a été décidé de l’appliquer en
l’état à cette unité d’analyse particulière.
DEMARCHE METHODOLOGIQUE
La démarche méthodologique de cette recherche est structurée en deux étapes reposant sur une
méthodologie qualitative basée sur des études de cas (unique et multiple). Le choix de recourir
à une méthodologie qualitative est réfléchi. Cette méthodologie est particulièrement adaptée à
l’étude approfondie d’un phénomène complexe (Miles et Huberman, 2003 ; Yin, 2017). Dans
le cadre de cette recherche, la complexité est double. Elle provient tout d’abord de l’objet de
recherche, la PSE, dont la dimension managériale n’a fait l’objet que de peu d’études
empiriques. Elle provient également de la station de montagne, unité d’analyse pour laquelle la
littérature sur la performance sociétale est limitée comme le montre la revue de littérature
systématique menée. Le choix d’un raisonnement en deux étapes n’a rien d’anodin non plus.
Chacune d’entre elles poursuit une finalité différente selon un cheminement menant à une
meilleure compréhension des leviers managériaux de la PSE et du rôle tenu par les PP
conformément à la problématique (cf. Figure 2 ci-dessous).
Figure 2 – L’articulation des deux étapes de la démarche méthodologique retenue
La première étape, exploratoire, est une étape préalable qui se donne pour finalité de saisir la
réalité de la performance sociétale des stations de montagne, à travers l’étude approfondie de
l’une d’entre elles, la station D, sélectionnée pour son caractère « exemplaire » (cf. Tableau 1
ci-après) (Yin, 2017). Cette première étape repose principalement sur des entretiens semi-
Etape 2
Test / Raisonnement déductif
Etape 1
Exploration / Raisonnement abductif
Observation structurée autour des deux
dimensions du cadre théorique
dimension managérialedimension « résultats »
Confrontation empirique des propositions
P1 et P2 :
« Les PP ont-elles un rôle à jouer dans le management de la PSE ? Si oui, quelle est la
nature de ce(s) rôle(s) ? »
• Test des propositions P1 et P2
Cadre théorique
Modèle de PSE par les PP
• Illustration et compréhension de la réalité de la
performance sociétale des stations de montagne
• Ajustements méthodologiques et théoriques
7
directifs avec 18 PP issues des sphères politique, économique et civile de la station (Gerbaux
et George-Marcelpoil, 2006) et également 20 clients. La deuxième étape, confirmatoire,
s’intéresse directement au rôle des PP dans le management de la performance sociétale. Elle
vise à tester les deux propositions (P1 et P2) formulées en les confrontant aux cas de 4 stations
de montagne ; les stations A, B C et D (déjà étudiée à l’étape précédente). Cette deuxième étape
repose également sur des entretiens semi-directifs avec 53 PP issues des sphères politique,
économique et civile des 4 stations (Gerbaux et George-Marcelpoil, 2006).
Les 4 stations étudiées3 (cf. Tableau 1 ci-dessous) ont été sélectionnées suivant les critères de
Hlady-Rispal (2002) afin d’obtenir une importante diversité et variété de phénomènes à
observer et ce, dans une logique d’application du principe de réplication (Yin, 2017).
Station A Station B Station C Station D
Localisation Haute Savoie,
France
Haute Savoie,
France Savoie, France Savoie, France
Altitude du cœur de
station 1 800 m 1 200 m 2 000 m 1 850 m
Population à l’année 10 personnes
environ
3 000 personnes
environ
2 200 personnes
environ
1 500 personnes
environ
Période de création et
génération de station
Années 1960,
3ème génération,
station intégrée
Années 1930,
1ère génération,
station village
Années 1960,
3ème génération,
station intégrée
Années 1930,
1ère génération,
station village
Saisons et activités
touristiques
Hiver (quasi-
exclusivement) Hiver et été Hiver et été
Hiver (quasi-
exclusivement)
Taille du domaine
skiable
56 pistes/77km 66 pistes/120km Domaine commun :
154 pistes/300km Domaine connecté : 286 pistes/600km
Classement
(fréquentation hiver) Top 15 en France Top 25 en France Top 10 en France Top 10 en France
Tableau 1 – Une analyse comparative des principales caractéristiques des 4 stations retenues
Dans les deux étapes, les données principales ont été collectées à l’aide de 91 entretiens semi-
directifs. Ces données ont fait l’objet d’une retranscription intégrale et représentent un total de
70h30 d’enregistrements audio pour 739 pages de retranscription. Ces données ont été
analysées par codage à l’aide du logiciel Atlas.ti 7 selon des techniques adaptées aux finalités
poursuivies par chacune des deux étapes. Elles ont été complétées par d’autres données ; des
données secondaires pour l’étude de cas unique (dans une perspective de triangulation des
sources) et d’autres données primaires collectées par questionnaire pour l’étude de cas multiple.
Ce travail de recherche repose sur une méthodologie qualitative d’étude de cas en deux
étapes. Au total, 4 stations de montagne, sélectionnées pour la diversité des contextes
d’étude qu’elles représentent, ont été étudiées. Les données primaires collectées sont
majoritairement issues d’entretiens semi-directifs avec des PP de ces stations. Elles ont
été complétées par des données secondaires.
3 L’anonymisation n’est pas une demande de l’une ou l’autre des stations étudiées. Il s’agit d’un choix que nous
avons fait pour garantir anonymat et confidentialité aux personnes interrogées et ne pas créer de barrières ou de
biais lors des échanges avec ces personnes compte tenu du caractère parfois stratégique et sensible des sujets
abordés.
8
RESULTATS
Cette recherche aboutit à deux résultats principaux ; le constat d’un « tropisme économique »
(1) et la concentration des rôles des PP dans le management de la performance sociétale (2).
L’examen de ces deux résultats amène également à considérer deux points de discussion
supplémentaires : l’intégration des PP au management de la performance sociétale comme une
condition pour dépasser ce « tropisme économique » (3) ainsi que les vecteurs pour réaliser une
telle intégration des PP (4).
➢ Le « tropisme économique » de la station de montagne (1)
Le phénomène de « tropisme économique », qui traduit une prédominance de la composante
économique de la performance sociétale par rapport à ses composantes sociales et
environnementales, a été observé dans les deux études de cas. Dans l’étude de cas unique, la
composante économique de la performance sociétale de la station D concerne toutes les PP et
la station s’est dotée de quelques indicateurs pour la mesurer. A l’inverse, les questions sociales
et environnementales ne sont que partiellement saisies, en particulier au travers d’initiatives
individuelles. Dans l’étude de cas multiple, ce tropisme a été observé aux trois niveaux
(stratégique, tactique, opérationnel) du management de la performance sociétale dans des
proportions variables selon les 4 stations. Au niveau stratégique, seules les stations A et D ont
intégré quelques éléments sociétaux dans leur vision stratégique. Au niveau tactique, les
stations B, C et D utilisent un nombre restreint d’indicateurs, tous à portée économique. Enfin,
au niveau opérationnel, les quelques systèmes de contrôle de la performance et d’incitation
observés dans les 4 stations concernent principalement cette composante. Finalement, aucune
des 4 stations étudiées ne peut prétendre au statut de cas d’école du point de vue de la
performance sociétale. Toutefois, il ne serait pas correct de parler d’une performance purement
économique ; il s’agit davantage d’une performance sociétale dominée par sa composante
économique et dont les composantes sociales et environnementales sont appréhendées de
manière incomplète et non coordonnée.
Ces résultats font écho aux travaux de nombreux auteurs (Williams et Ponsford, 2009 ; Achin
et George-Marcelpoil, 2013) qui dénoncent cette primauté des questions économiques pour les
stations de montagne. La lecture de Williams et Ponsford (2009, p. 398), à ce sujet, est
particulièrement intéressante : « Malgré l’émergence de ‘success-stories’ et la disponibilité
d’outils utiles, la mise en place de pratiques durables est limitée. Ce retard d’adoption [dans
le secteur du tourisme] s’explique principalement par un manque de leadership et par un
manque de responsabilité partagée entre les PP du tourisme. Les firmes touristiques, les
consommateurs et les organismes de régulation traitent l’implémentation de principes et
pratiques de tourisme durable comme une ‘patate chaude’, rejetant la responsabilité de la mise
en place du tourisme durable sur les autres ».
➢ Une concentration des rôles des PP dans le management de la performance
sociétale (2)
Les résultats de l’étude de cas multiple ont permis de valider la proposition P1 selon laquelle
les PP ont un rôle à jouer aux trois niveaux du management de la PSE. Ils ont effectivement
révélé que les PP jouent des rôles différenciés dans le management de la performance sociétale
9
selon le niveau concerné. Toutefois, nos résultats n’ont permis de valider que partiellement la
proposition P2 selon laquelle le rôle des PP dans le management de la PSE est actif. En effet, il
est apparu que les rôles actifs dans le management de la performance sociétale demeurent
concentrés entre les mains d’un faible nombre de PP, et ce, dans les 4 stations. Nos résultats
indiquent que ce sont avant tout les PP disposant du plus grand pouvoir et/ou de la plus grande
légitimité dans la station qui concentrent les rôles actifs dans le management de la performance
sociétale. Du fait du « tropisme économique » évoqué précédemment et du poids du tourisme
dans les 4 stations concernées, il n’est donc pas étonnant de constater que ces PP appartiennent
toutes à la sphère économique, à l’exception de la commune dont la légitimité statutaire et
électorale est particulièrement forte.
Ces résultats sont à rapprocher des travaux de Mitchell et al. (1997), en particulier de leur
« théorie de l’identification et de la saillance des PP ». En effet, le constat que les rôles actifs
reviennent aux PP les plus puissantes et/ou les plus légitimes est conforme à leurs travaux. Une
analyse plus fine concernant la répartition des rôles des PP observée dans les 4 stations a permis
de proposer une liste de 5 profils types de PP (cf. Tableau 2 ci-dessous). Ces profils sont définis
par la nature du rôle joué dans le management de la performance sociétale en fonction de leur
pouvoir et/ou de leur légitimité au sens de Mitchell et al. (1997).
Profils type Rôle dans le management de la performance
sociétale Légitimité Pouvoir
PP
Focale
PP unique, elle concentre les intérêts d’un grand nombre
de PP de la station, à la manière d’un « hub », et joue un
rôle central dans la création et la mise en place d’un
management de la performance sociétale.
Forte
Fort
Coercitif et
utilitaire
PP
Majeure
PP incontournable du management de la performance
sociétale et amenée à y jouer un rôle particulièrement
important notamment du fait de son pouvoir important
dans la station.
Moyenne
Fort
Utilitaire
principalement
PP
Relai
PP pouvant jouer un rôle significatif pour porter et
promouvoir certains aspects du management de la
performance sociétale du fait de sa légitimité. Moyenne Faible
PP
Mineure
PP caractérisée par un pouvoir faible et une légitimité
faible jouant un rôle limité dans le management de la
performance sociétale. Faible Faible
PP
Support
PP extérieure à la station amenée à intervenir dans le
management de la performance sociétale du fait de son
apport de compétences managériales et de sa position de
neutralité.
- -
Tableau 2 – Une typologie de PP selon leur rôle dans le management de la performance sociétale
➢ L’intégration des PP au management de la performance sociétale comme une
condition pour dépasser le « tropisme économique » de la station de montagne (3)
Les deux résultats présentés ci-dessus semblent intimement liés. D’un côté, une prédominance
de la composante économique de la performance est observée alors que ses composantes sociale
et environnementale ne semblent que partiellement considérées. De l’autre, les rôles actifs dans
le management de la performance sont concentrés entre les mains de la commune et des
principales PP de la sphère économique et les différents leviers managériaux utilisés par ces PP
10
concernent principalement le tourisme, donc la composante économique de la performance
sociétale. Ainsi, l’intégration de davantage de PP, notamment des sphères politique et civile, au
management de la performance sociétale semble se présenter comme une condition nécessaire
(si ce n’est suffisante) pour sortir de cette situation de « tropisme économique ». En effet, tout
laisse penser que l’intégration d’un plus grand nombre et d’une plus grande diversité de PP
permettrait une meilleure prise en compte des problématiques sociales et environnementales
des stations au travers des leviers managériaux de la PSE qui, en suivant la logique du modèle
de PSE par les PP proposé, se traduirait à son tour par de meilleurs résultats d’un point de vue
de la PSE.
Certains travaux, dans la littérature sur le tourisme, permettent d’ores et déjà de conforter ce
lien. Dans sa recherche portant sur la politique de développement durable du parc national des
Cinque Terre en Italie, Van der Yeught (2009) montre que le succès de cette politique
s’explique par une gouvernance au sein de laquelle la participation des PP a été soigneusement
réfléchie. De la même façon, Bocquet et Mothe (2017) montrent comment l’adoption d’une
charte de développement durable entre plusieurs stations de montagne a incité les PP qui en
sont à l’origine à impliquer d’autres PP pour la rendre plus pertinente. En dehors de la littérature
sur le tourisme, ces observations vont dans le sens des travaux d’Asif et al. (2013) déjà évoqués.
Au sein de leur système de management de la RSE, les auteurs expliquent que l’intégration des
PP est un point essentiel de la démarche. Nos résultats permettent alors de préciser la nature de
cette intégration en désignant explicitement les niveaux et les leviers managériaux concernés.
➢ Des vecteurs d’intégration des PP au management de la performance sociétale (4)
Si l’intégration des PP au management de la performance sociétale semble constituer un moyen
pour dépasser le « tropisme économique », la question du « comment » intégrer les PP reste à
préciser. Nos résultats fournissent quelques pistes pour réaliser une telle intégration.
Une intégration différenciée par niveau du management de la performance sociétale pour
gérer les contradictions entre PP. Les résultats des deux études de cas ont mis en avant
l’existence d’attentes et d’intérêts divergents entre les différentes PP des stations étudiées. De
fait, la question du « comment » intégrer les PP au management de la PSE soulève
inévitablement la question de la façon de gérer ces tensions contradictoires entre les intérêts et
les demandes des différentes PP de la station. A l’aide d’une lecture néo-institutionnelle (Di
Maggio et Powell, 1983), certains auteurs proposent un management proactif de ces
contradictions par un « découplage » qui consiste à dissocier les différentes composantes de la
performance afin de répondre aux pressions institutionnelles (Brignall et Modell, 2000). Cette
thèse propose un nouveau mode de gestion des tensions contradictoires par un « découplage »
selon le niveau d’intégration de la PP (stratégique, tactique et opérationnel). Comme l’indiquent
nos résultats, l’intégration des PP peut avoir lieu, à priori, à n’importe quel niveau du
management de la performance sociétale. Toutefois, ils montrent également que selon le profil
des PP, le niveau d’intégration peut varier (cf. Tableau 2). Finalement, loin d’ignorer les
tensions dues aux intérêts et demandes contradictoires, l’approche de la PSE par les PP offre
une opportunité de les prendre en compte et de les traiter par une intégration différenciée des
PP selon les différents niveaux du management de la performance sociétale.
11
Les prestataires extérieurs comme vecteurs d’intégration des PP. Les résultats des deux
études de cas ont permis de mettre en lumière l’intervention de certains prestataires extérieurs.
Ce constat rejoint les travaux de Bocquet et Mothe (2017) qui insistent sur le rôle de « chef de
projet » endossé par un cabinet de conseil dans la démarche d’adoption d’une charte de
développement durable dans un territoire de montagne ; « le choix de recourir à un bureau
d’étude en position de neutralité s’est avéré judicieux dans un contexte marqué par un déficit
de compétences managériales ». D’autre part, ces travaux montrent qu’au-delà de l’apport de
compétences managériales, une PP extérieure peut également agir comme un vecteur
d’intégration des autres PP. En effet, les auteurs soulignent que le cabinet de conseil « a su
associer et impliquer les divers acteurs en leur faisant comprendre la portée du projet »
(Bocquet et Mothe, 2017, p. 28). Finalement, ces éléments confortent l’importance du rôle de
PP support proposé dans la typologie présentée précédemment (cf. Tableau 2).
Le leadership comme catalyseur des relations entre les PP. La notion de leadership a émergé
des résultats de l’étude de cas multiple. En particulier, il est apparu que l’apport du leadership
se situe à deux niveaux ; dans la formulation stratégique et dans la facilitation des relations
entre les PP. Bien qu’il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude portant explicitement sur la
question du leadership dans la PSE, cette notion a été largement abordée à la fois dans la
littérature sur la RSE (Székely et Knirsch, 2005 ; Pless et Maak, 2011) et dans celle sur le
management des stations de montagne (Beritelli et Bieger, 2014 ; Pechlaner et al., 2014). La
littérature reconnait également d’autres rôles comme celui du « transformational leader »
(Pless et Maak, 2011, p. 8) qui agit comme un levier du changement. Enfin, Székely et Knirsch
(2005, p. 629) soulignent « qu’il y a toujours un leader à l’origine de la transformation d’une
firme en une organisation durable et socialement responsable ». En transposant ce constat au
cas des stations, le leader aurait ainsi un rôle à tenir dans la phase de transition d’une station
souhaitant sortir du « tout ski » (Achin et George-Marcelpoil, 2013).
APPORTS DE LA THESE ET PERSPECTIVES
➢ Apports théoriques
Les apports théoriques de cette thèse se situent dans trois littératures différentes. Premièrement,
cette recherche contribue à la littérature sur la RSE en participant à une meilleure
compréhension des « mécanismes sous-jacents » de la RSE (Aguinis et Glavas, 2012, p. 952).
La modélisation de la PSE par les PP proposée met en avant de véritables leviers managériaux
contribuant à une meilleure articulation de la PSE aux différents niveaux de l’organisation et
permettant de penser les PP comme actives. Par ailleurs, l’étude d’une unité d’analyse originale,
la station de montagne, étend le champ de la littérature RSE en dehors du cadre générique des
entreprises (Lindgreen et Swaen, 2010 ; Tarabella et Burchi, 2013). Dans la littérature sur la
performance des stations de montagne, cette recherche contribue à une meilleure prise en
compte des enjeux sociétaux. En effet, cette thèse fait partie des rares travaux à proposer une
approche de la performance de la station non limitée à sa seule composante économique ; elle
répond donc à l’enjeu de dépasser les approches classiques de la performance, « la
compétitivité » et « la productivité touristique », qui dominent encore les débats dans cette
littérature (Sainaghi et al., 2017). Enfin, dans la littérature sur les Performance Measurement
and Management Systems (PMMS), cette thèse participe à une meilleure intégration des
12
problématiques de la RSE au sein des modèles de PMMS (Bititci et al., 2012) ainsi qu’à une
diversification des contextes d’étude (Franco-Santos et al., 2012 ; Melnyck et al., 2014).
➢ Apports managériaux
Les apports managériaux de ce travail de thèse représentent un enjeu fort étant donné le
financement CIFRE dont il a fait l’objet. Pour les stations de montagne et les acteurs de
l’industrie du tourisme de montagne, cette recherche contribue avant tout à une meilleure prise
en compte des enjeux sociétaux auxquels ils font face (Bourdeau, 2008) à travers l’identification
des leviers managériaux de leur performance sociétale (Sainaghi et al., 2017). Ces leviers
constituent également un enjeu fort pour les stations dont le manque de compétences
managériales est parfois pointé du doigt (Fuchs et al., 2002). Pour EFICEO, financeur de la
thèse CIFRE, les apports de ce travail sont nombreux. Dès les deux premières années de thèse,
le travail mené a incité EFICEO à faire évoluer ses prestations avec des effets constatés à court
terme (développement des enquêtes de satisfaction sur la clientèle été, création d’un thème
« enjeux sociétaux » dans l’enquête de tendance annuelle sur la clientèle des stations, etc.). Les
conclusions du travail de thèse ont également incité EFICEO à développer, depuis janvier 2018,
une nouvelle prestation de Business Intelligence (BI) responsable. Cette nouvelle prestation, à
destination des stations dans leur ensemble, consiste à agréger des données de performance de
la station, à fournir des analyses et indicateurs pour le management de la performance et à offrir
certaines fonctionnalités complémentaires et des outils collaboratifs pour une meilleure prise
en compte des enjeux sociétaux. Enfin, à plus long terme, cette recherche a incité EFICEO à
développer davantage de collaborations avec d’autres prestataires pour proposer des offres plus
globales et plus intégrées.
➢ Limites et perspectives
Le travail mené dans cette recherche a montré la portée du concept de PSE ainsi que l’intérêt
d’étudier sa dimension managériale, trop longtemps laissée de côté. Toutefois, notre travail
n’est évidemment pas exempt de limites, qu’elles soient théoriques ou méthodologiques.
La première limite porte sur l’articulation du modèle de PSE par les PP proposé. Le lien de
causalité entre la dimension managériale et la dimension « résultats » n’a pas pu être traité,
laissant en suspens la question des contributions individuelles des différents leviers
managériaux. La deuxième limite de notre travail provient du constat de la faible prise en
compte des composantes sociales et environnementales de la performance sociétale au sein des
4 stations étudiées. L’intérêt de ces cas est réel pour notre recherche mais l’étude d’une station
particulièrement avancée sur ce sujet aurait pu fournir des données complémentaires.
Néanmoins, il n’existe pas, à notre connaissance, de station reconnue pour ses démarches
responsables, en particulier parmi les principales stations françaises. Enfin, les études de cas
menées ne sont pas des études longitudinales. Or, il semble pertinent de s’intéresser au
management de la PSE comme un phénomène dynamique dont les différents éléments (les
leviers managériaux) évoluent selon des temporalités différentes. Toutefois, une telle étude
suppose la mise en œuvre d’une méthodologie particulièrement lourde qu’un doctorant seul ne
peut réaliser dans un délai raisonnable.
13
Il nous semble donc qu’il y ait un grand besoin d’études supplémentaires sur ce sujet. La
première piste de recherche identifiée appelle à davantage étudier l’articulation de la dimension
managériale avec la dimension « résultats » du modèle de PSE proposé, notamment d’un point
de vue statistique afin de juger des contributions individuelles des différents leviers
managériaux. Une seconde perspective invite à considérer la PSE comme un phénomène
dynamique et non pas statique, notamment à l’aide d’une approche processuelle, comme cela a
été fait dans le cas de la littérature sur les PMMS (Taticchi et Balachandran, 2008). Enfin, ce
travail souligne le besoin de travaux complémentaires sur le rôle de certains intermédiaires,
comme les cabinets de conseil et d’étude, dans le management de la performance sociétale. De
ce point de vue, il semble pertinent de s’inspirer des travaux d’Howells (2006), dans le champ
de l’innovation, qui montrent l’existence d’un éventail de rôles en fonction, notamment, des
différentes étapes du processus.
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PRE-RAPPORT DE SOUTENANCE DU PROFESSEUR SANDRA CHARREIRE-PETIT
1
PRE RAPPORT EN VUE DE LA SOUTENANCE DE LA THESE
DE Monsieur Boris BOURGEL
LE 29 novembre 2018
Communauté Université Grenoble Alpes, préparation à l’Université Savoie Mont Blanc
« Le management de la performance sociétale des stations de montagne : une approche par les parties prenantes»
Par Sandra Charreire Petit
Professeure Université Paris-Sud / Paris-Saclay
≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈
Cettethèse,disonsled’emblée,estd’unetrèsgrandequalité,tantsurlefondquesurlaforme.Elleestrédigéeavecclartéetsoin,parunchercheurrigoureuxdanssonquestionnement,maisaussidansletraitementetl’analysequ’ilétablit,àpartirdesdonnéesrecueillies.Ils’agitd’undocumentenuntomeuniquede314pages(annexescomprises)quicochetoutes lescasesdecequedoitêtreunetrèsbonnethèsequalitativeenmanagementstratégique.Ladimensionempiriqueyestenparticuliertrèsbien rendueet les choixeffectuésparM.Bourgel, tant théoriquesqu’empiriques, y sont tousdiscutésetjustifiés.
Laproblématiquetraitéeestlasuivante:Lespartiesprenantes(desstationsdemontagne)ont-ellesun rôle à jouer dans lemanagement de la performance sociétale de l’entreprise (PSE)? Et, si oui,quelleestlanaturedece(s)rôle(s)?
Afin de répondre au questionnement, M. Boris Bourgel, en contrat CIFRE au sein de l’entrepriseEFICEO, qui réalise notamment des études et enquêtesmarketing pour les entreprises du secteurtouristiqueenmontagne,entreprendunepremièreétudedecasuniqueauseind’unestation.Puis,M.Bourgel étudie simultanément4 casde stationsdemontagne,dans lebutd’y confronterdeuxpropositions théoriques formuléesàpartirde l’étudede la littérature.Autotal,71entretienssemidirectifs ont été conduits et d’autres données rassemblées (Cf. chapitre 3). Ce qui témoigne d’untravailempiriquetoutàfaitconsidérable.
LavolontédeBorisBourgelestdecontribueràtroislittératuresdistinctes:cellesurlaRSE,cellesurles PMMS en lien avec la performance sociale ou sociétale des entreprises, et celle dédiée aux
2
stations de montagne. La soutenance sera l’occasion de revenir sur ces contributions, sur leurconstructionetleurportée.
Leplandelathèseestclassique.Ledocumentestorganiséensixchapitres.Lechapitre1présentel’approchedelaPSEparlespartiesprenantes(PP)etdéfendlemodèlethéoriquedelaPSEconstruitici.Lechapitre2s’intéresseauxstationsdemontagneetrecenseleurstroisspécificitésprincipales.Le chapitre 3 expose le positionnement épistémologique du travail (réalisme critique de Bhaskar)ainsi que la stratégie d’accès au réel et la logique d’échantillonnage des 4 stations retenues pourl’étude confirmatoire. Le chapitre 4 expose les résultats de l’étude de cas unique. Le «tropismeéconomique», déjà souligné dans la littérature, y est ré agencé, pour entrer en dialogue avec lemodèlethéoriqueproposédans lecadredecetravaildoctoral.Lechapitre5présente lesrésultatsde l’étude de cas multiple et aborde, empirie à l’appui, le rôle des parties prenantes dans lemanagement de la performance sociétale. Les deux propositions de la thèse (P1 et P2) y sontdiscutées.Enfin,lechapitre6vientconclurecettethèseenproposantunediscussionmaisaussidesproposd’ouverturequantauxrésultatssoutenus.
Cettethèseprésentedesqualitéscertainesqu’ilestimportantdesoulignerici.
ü Tout d’abord, la manière de restituer la littérature, l’apparition de courants et de visionsconcurrentesetcomplémentairesdelaRSE,despartiesprenantesetdelaPSEesttoutàfaitremarquable.Elletémoigned’unebonneconnaissancedelalittératureetd’unematuritésurlequestionnement.Lathéoriedespartiesprenantesestprésentée,commepeutl’êtreaussiparfois la RSE, comme un continuum entre des dispositifs d’analyse stratégique quasistatiques, voire instrumentaux, et une véritable philosophie de la firme, avec une portéenormative. M. Bourgel défend de manière fort convaincante un positionnementintermédiaire,àlaClarkson(1995).
ü Danscette thèse, le lecteurcomprendd’où l’onpartetoù l’auteur l’emmène.Enappuidecela, de remarquables tableaux de synthèse, comme celui P49, qui présente ensemble lesperspectivesthéoriquesetempiriquesdelaPSE.Lesfaçonsdeprésenterlescontroversesoudébatsdelalittératureetd’yprendrepartsontégalementclaires.Ainsi,laquestiondesavoirsi les parties prenantes (PP) sont passives ou nondans lemanagement de la PSE est biendébattue.A t-on raison, finalement, de considérer systématiquementuneapproche firmo-centréeetunfocussurleseulmanagementdesrelationsaveclesPP?Lathèseproposedesréponsesàcetteimportantequestiondemanagementstratégique.
ü Danslechapitre2,lapressiongrandissantedesPPpourlaconduitestratégiqued’unestationdemontagneestparticulièrementbienexpliquée.Delamêmemanière,lechoixd’unerevuedelittératuresystématiquesurunobjet(ici,stationdemontage)estraredanslesthèses.Etilestencoreplusrarequecettestratégiesoitaussibienexplicitéeetjustifiéepourdélimiterle champ d’investigation. J’ai apprécié particulièrement la figure 8, P81, qui expose lasynthèseetlecontenudelarevuesystématiqueentreprise.
ü Le chapitre de design de la recherche est très bon. La logique d’échantillonnage de cechapitre3estnotammenttrèsbienrendue.OnpourracependantéchangeravecM.Bourgelpourévaluersi,opterpourdesstationscomparablesauraitchangéquelquechoseautestdumodèle?
3
Bien évidemment, et parce qu’elle suscite un grand intérêt, cette thèse soulève également desquestions et conduit à la formulation de quelques critiques, à prendre comme des réflexionsd’ouverturepourlesrecherchesàvenir.
§ La soutenance pourrait être l’occasion de revenir sur la formulation de la problématique.Quelleestla«nature»duoudesrôle(s)desPPdanslemanagementdelaPSE?Est-cebiendelanaturedurôledontilestquestiondanscettethèse?Celarenverraitau«quoi»alorsmême que les propos de l’auteur semblent plus souvent guidés par le «comment».Pourquoi ne pas avoir proposé d’étudier plus simplement les rôles des PP dans lemanagementdelaPSE?Cecirejointlechoixd’undesigndetypetestalorsquel’intérêtdel’auteursemblerésiderdansle«commentlerôledesPPdanslemanagementdelaPSE»?
§ Mêmesilaquestiondelasaillancedespartiesprenantes(Mitchell,AgleetWood,1997)estmobiliséedans ladiscussion finale (dansunencadréP228), on regretteque cemodèle, etd’autrestravauxparusdepuissurlaquestiondelasaillancedesPP,n’aientpasétémobilisésdèslarevuedelittérature,pourcaractériserlespartiesprenantesdechacunedesstationsdemontagned’unepart,etpourapprécierlaportéedynamiquedesanalysesqu’ilétaitpossiblede produire, d’autre part. A titre d’exemples, plusieurs articles sont parus dans Journal ofBusinessEthics sur laquestion,dontunarticledeNeville,Bell,etWhitewell (2011) sous laformed’unerevuedelittérature.Mobilisercestravauxpermettraitdemieuxsaisircommentse construit la PSE. Cela représente t-il une piste pour la suite de vos travaux? Si oui, dequellemanièrel’envisageriez-vous?
§ Parailleurs,etmêmes’ilsnes’intéressentpasàlasaillancedespartiesprenantes,pourquoiavoir ignoré le travail de Laplume, Sonpar et Litz (2008) paru dans Journal ofManagementqui propose une revue de littérature sur Stakeholder Theory ? Leur analyse,basésur l’étudesystématiquede179articlespermetderecensercinqgrandsthèmesdontceluidelaperformancedel’organisationprécisément.Lasoutenancepourraitêtrel’occasiond’échangeràcepropos.
§ La station de montagne est abordée (chapitre 2) comme une organisation particulière,constituée d’un ensemble de parties prenantes. Qu’aurait changé l’analyse de la stationcomme institution? Pourquoi avoir écarté une grille institutionnaliste pour étudier lesinteractionsentrePPpourlaconduitestratégiquedel’activité?Quepourraitapporter,selonvous,lefaitdeconsidérerlastationdemontagnecommeavanttoutuneinstitution?
§ Toujourssurlechapitre2,lasoutenancepourraitpermettreunéchangesurlemodèleetunespécificité de la station demontagne. En effet, si lemodèle suppose unemobilité des PP,commentcelas’articulet-ilaveclecaractèrenondélocalisabledelastationdemontagne?Plusgénéralement, l’auteur fait le choixdenousexpliquerque les spécificités repéréesnechangent rien, et que le modèle théorique construit convient pour l’objet «station demontagne».Pourquoinepasavoirfait lechoixinverse?C’est-à-direpourquoinepasavoirenrichilemodèlethéoriqueavectoutoupartiedesspécificitésrepérées?
§ De manière liée, Chapitre 2 et 3: On comprend mal pourquoi certaines spécificités desstations de montagne sont absentes ou presque de votre réflexion. La dimensioninstitutionnelle (poids de la vallée, de la région au sens politique, etc…) mais aussi ladimensionproximité(géographique,relationnelle,institutionnelle,…)entrestationsauraientpu être probablement utilement mobilisées pour expliquer, non seulement les relationsentrelesPPd’unemêmestation,maislepoidsdecesdimensionsdanslaPSEdelastation.
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Unestationdemontagneest inséréedansunécosystème(quiestaussisocial…)etquiestune vallée. On le sait, les liens inter-stations y sont cruciaux, y compris pour ledéveloppement des produits touristiques. On pensera par ex aux forfaits 3 vallées, etc…Pourquoin’avoirpasplusexplicitementmobilisécesaspectsdansvotremodèle?
§ Le chapitre 3 nous renseigne sur les deux guides d’entretien élaborés. Le second est àdestination des clients. La soutenance pourrait être l’occasion de revenir sur cette partieprenante particulière qui disparaît un peu dans le propos d’ensemble, au profit d’autrestypesdePP.Pourquoi?
§ Concernantlecasunique(chapitre4),onsentbienquelatransitionécologiquen’estpaslapréoccupation première de la sphère économique. Du coup, à la lecture des quelquesverbatim (P160) on s’interroge; qu’évaluez-vous au juste? La performanceenvironnementale?oubienlasensibilitéauxquestionsenvironnementalesdecertainesPP?De la même manière (P 164 par ex), est-on réellement sur des mesures? ou sur desreprésentationsdecesmesures?L’impressionestàdesverbatimdetype«diagnostic»plusqu’àdesmesuresdeperformance.
§ Aproposdesrésultats,desdiscussionspourraients’engagerlorsdelasoutenance.LathèsemontrequeleniveaustratégiquedelaperformancesociétaleestconcentrédanslesmainsdequelquesPPseulement.Est-ce làsurprenant?Lefaitquelesstationsnedéfinissentpasd’objectif de performance est, en revanche, très intéressant. Cela appui sans doute lecaractèrenonpiloté de la station.Du coup, quelle portéeont les questions demesuredeperformancesociétale,encontextenonpiloté?Quel sensdonneràcesmesures?Unrôlenonactifest-ilunrôle?
Au plan de la forme, la thèse ne comporte que très peu de coquilles, même si quelques unesdemeurent (comme un pluriel manquant p 161). Cependant, une vérification de la concordanceentre les auteurs mobilisés dans le texte et la bibliographie générale pourrait être faite. A titred’exemple, letravailLeGalès(1995),citéP95,nefigurepasenbiblio.S’agit-ilbiendestravauxdePatrickLeGalès?
En synthèse, le travail présenté par Monsieur Boris BOURGEL est de très grande qualité. Ilcorrespond parfaitement à une très bonne thèse: un questionnement pertinent, une rigueurdémontréetantdanslastructurationdelarevuedelittératurequedansladimensionempiriquedutravail. Une forme particulièrement soignée qui permet d’apprécier également la portée dudocument. En conséquence, nous émettons un avis très favorable sans réserve à la soutenancepubliquedecetravaildoctoralle29novembreprochain.
FaitàSceaux,le9novembre2018
PRE-RAPPORT DE SOUTENANCE DU PROFESSEUR SAMUEL MERCIER
Rapportd'évaluationdumémoiredethèse/EvaluationreportofthePhDthesis
Doctorant Nom prénom / Full name BOUGREL Boris PhD student Ecole Doctorale / Doctoral School SISEO
Titre thèse / PhD Title Le management de la performance sociétale des stations de montagne : une approche par les parties prenantes
Rapporteur Nom prénom / Full name MERCIER Samuel Reviewer Etablissement / Institution Université de Bourgogne Statut, fonction / Status, position Professeur
Qualité du mémoire, rédaction & illustrations / Thesis quality, style & illustrations
Satisfaisant / Satisfactory [ ] Bon / Good [ ] Très bon / Very good [X ] Exceptionnel [ ]
Commentaires/comments : Il s'agit d'un document de grande qualité, la forme est impeccable, les illustrations sont claires et pertinentes Contexte, état de l'art, collaborations / Background, state of the art, collaborations : Commentaires/comments : La littérature sur la RSE et la PSE est restituée de façon satisfaisante, les références essentielles figurent et son exploitées de manière astucieuse, en lien avec la problématique de recherche. A noter que la thèse a été menée dans le cadre d'une convention CIFRE. Qualité scientifique, méthodologie, expérimentations, validation
Scientific quality, methodology, experiments, validation
Satisfaisant / Satisfactory [ ] Bon / Good [ ] Très bon / Very good [ X ] Exceptionnel [ ]
Commentaires/comments : L'ensemble du document montre que le candidat maîtrise la méthodologie qualitative (codage, analyse d'entretiens). Les travaux menés sont d'une très bonne qualité scientifique. Apports personnels, originalité, valorisation, perspectives Personal contributions, originality, valorization, prospects Commentaires/comments : Le candidat travaille sur un champ intéressant et encore peu abordé en Sciences de Gestion. La contribution permet sans aucun doute de porter la promesses de valorisations futures importantes. Conclusions du rapporteur / Reviewer's conclusions Commentaires/comments : Il s'agit d'un travail doctoral qui répond parfaitement aux attentes de la discipline des sciences de gestion. Le candidat démontre de grandes qualités de chercheur.
Avis du rapporteur / Reviewer's opinion : Défavorable à la soutenance / Unfavorable to the defence [ ] Favorable [ X ]
Date 26 octobre 2018 Signature
Visa du directeur de l’école doctorale :
Rapport détaillé, commentaires libres, questionnements, correction demandées Detailed report, free comments, questions, requested corrections
Rapport détaillé concernant la soutenance de thèse pour le doctorat en Sciences de Gestion
de Boris Bourgel (Annecy, 29 novembre 2018)
Boris Bourgel présente une thèse de doctorat en Sciences de Gestion (Communauté universitaire Grenoble Alpes, Laboratoire IREGE) en vue de sa soutenance sur le thème suivant : « Le management de la performance sociétale des stations de montagne : une approche par les parties prenantes ». La thèse comprend 245 pages (hors annexes et bibliographie générale) et est structurée en cinq chapitres : - le chapitre 1 (35 pages) présente le concept de performance sociétale de l'entreprise (avec une revue de littérature sur la RSE et sur la performance sociétale) et questionne le rôle des parties prenantes ; - le chapitre 2 (43 pages) porte sur l'application à la performance sociétale de la station de montagne (avec la mise en évidence des limites du modèle économique et la pression croissante des enjeux sociétaux ; les spécificités de la station de montagne) ; - le chapitre 3 (40 pages) présente le design de la recherche et notamment du positionnement épistémologique (réalisme critique). Le choix d'une méthode qualitative est précisé ainsi que la méthode de collecte et d'analyse des données. Ainsi pour l'étude de cas unique, 18 parties prenantes d'origine diverses et 20 clients ont été interrogés. Pour l'autre étude, 4 stations ont été analysées (et 53 parties prenantes interrogées). Le chapitre se termine par une discussion sur la fiabilité et la validité de la recherche ; - le chapitre 4 (34 pages) propose les principaux résultats de l'étude de cas unique (mesure des différentes composantes de la performance, leviers managériaux) ; - enfin le chapitre 5 (41 pages) s’intéresse aux résultats de l'étude de cas multiple (en opérant une distinction entre les niveaux stratégique, tactique et opérationnel du management de la performance sociétale).
La bibliographie générale tient en 19 pages et comprend environ 280 références (en anglais et français), pour la plupart, académiques. L’introduction (15 pages, avec la genèse de l'objet de recherche, la problématique, le design de la recherche, ses contributions et le plan suivi) et la conclusion-discussion (23 pages, comprenant la synthèse des résultats, les apports théoriques et méthodologiques, les apports managériaux et enfin, les limites et perspectives de la recherche) encadrent de façon adéquate les cinq chapitres. Les annexes montrent le travail d’investigation mené par le candidat. La thèse de Boris Bourgel se révèle être un excellent travail :
- le sujet exploré est intéressant et vient combler un manque. Les sciences de gestion se révèlent fécondes pour analyser les organisations de toute nature. Il est ici question de la station de montagne, peu abordée jusqu'à présent dans la littérature portant sur la RSE. L’objet de la recherche est par ailleurs bien exposé et Boris Bourgel apporte des connaissances précieuses sur le rôle (plus ou moins actif) joué par les parties prenantes dans le management de la performance sociétale ;
- des qualités de forme : la thèse est très bien présentée, les chapitres sont rédigés de façon concise et s’enchainent de façon cohérente, les synthèses sont nombreuses et précieuses, les transitions sont soignées ;
- la littérature combine astucieusement des références sur la RSE et la performance sociétale. Elle est restituée de façon satisfaisante ;
- le travail empirique donne lieu à des développements intéressants à l’aide d’une démarche qualitative riche à exploiter ;
- par ailleurs, les limites du travail mené sont bien identifiées et montrent l'humilité du candidat.
Ce travail présente ainsi toutes les qualités qu’il est possible d’attendre d’une thèse en Sciences de Gestion. Bien évidemment, la lecture attentive de la thèse conduit aussi à formuler des regrets et des questions qui donneront lieu à discussion lors de la soutenance (d’autres points pourront être également abordés lors de cette soutenance). Concernant la forme, quelques rares coquilles subsistent (par exemple, "Bearle" p. 34 en note de bas de page) et pourront être facilement éliminées par une relecture du document. Sur le plan méthodologique et épistémologique, le présent rapporteur souhaiterait savoir comment les choix retenus par le candidat se sont imposés (voir p. 20). En quoi, les résultats obtenus auraient-ils été radicalement différents en optant pour un positionnement différent de celui retenu (réalisme critique, ce qui semble bien adapté aux objectifs de la recherche) ? Boris Bourgel a également fait le choix d'anonymer les stations de montagne étudiées. Cela a-t-il conduit à modifier certains éléments de présentation afin qu'il ne soit pas possible de les identifier trop aisément ? Un lecteur avisé parvient vite à reconnaitre les stations en question. A propos du cadre conceptuel, peut-on revenir sur la différence entre performance sociétale et performance sociale (évoquée fin de la p. 14) ? Concernant l'histoire de la RSE et puisque le candidat évoque brièvement Berle et Means, une référence à la
controverse opposant Berle à Dodd dans les années 1930 à propos de la reconnaissance du rôle des parties prenantes pourrait être brièvement évoquée. L'approche néo-institutionnelle (évoquée p. 234) aurait-elle pu être introduite afin de contribuer à une meilleure représentation (avec le concept de champ organisationnel) des acteurs pertinents ? Cela aurait pu, nous semble t-il, compléter la représentation proposée via les parties prenantes. Par ailleurs, est-il possible d'aboutir à une cartographie des parties prenantes pour ces stations de montagne ? Ce serait une contribution intéressante qui pourrait prolonger les travaux menés. A ce sujet, quel est plus précisément l’apport (et quelles sont les principales limites) de l’approche Stakeholder appliquée au management de la performance sociétale des stations de montagne ? Une discussion plus approfondie sur la pertinence du concept de Stakeholder pourrait enfin être menée. A propos des finalités de l'entreprise, le projet de loi PACTE (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) pourra t-il contribuer à redéfinir la mission de ces organisations ? Ce projet peut-il atténuer le tropisme économique ? Enfin, à l’issue de ce travail doctoral (réalisé dans le cadre d'un dispositif CIFRE), quels éléments de surprise est-il possible d’évoquer à partir des intentions de départ et des observations recueillies sur le terrain (au delà du tropisme économique qui a pu être constaté) ? Ces remarques n’altèrent en rien la qualité du travail mené, Boris Bourgel y démontrant ses grandes qualités de chercheur. L’avis sur l’autorisation de soutenance est très favorable. Dijon, le 25 octobre 2018, Samuel Mercier, Professeur de Sciences de gestion à l’université de Bourgogne
RAPPORT DE SOUTENANCE DE THESE
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