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Cie. Wayo / Mani A.Mungai – siège social : 13C, rue de la Cavée Boudin - 27000 Evreux – www.ciewayo.com Correspondance : 38, rue Guy Autret – 29000 Quimper // 02 98 90 48 10 – 06 09 17 39 15 - 06 16 42 72 06 - [email protected]

Babel Bled

Chorégraphie et interprétation : Mani A. Mungai Lumière : Laurent Matignon

Création le 25 mars 2010, Scène Nationale Evreux Louviers / Le Moulin

Production : Cie. Wayo

Babel Bled a reçu le soutien de la Scène Nationale Evreux Louviers,

Le Moulin de Louviers – Espace de création et de diffusion culturelle Micadanses – Paris,

et le Quartz, Scène nationale de Brest.

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Cie. Wayo / Mani A.Mungai – siège social : 13C, rue de la Cavée Boudin - 27000 Evreux – www.ciewayo.com Correspondance : 38, rue Guy Autret – 29000 Quimper // 02 98 90 48 10 – 06 09 17 39 15 - 06 16 42 72 06 - [email protected]

Genèse La genèse de Babel Bled s’ancre dans une découverte cinématographique, un documentaire qui fait état de notre monde et de sa folie contemporaine, Les Maîtres fous de Jean Rouch. Ce film est l’un des plus beaux témoignages laissés sur le rituel oeuvrant comme une catharsis. Il rend compte des traumatismes de la colonisation au travers du déplacement d’émigrants venus des régions pauvres du Niger à Accra, capitale du Gold Coast, et brusquement plongés dans la vie trépidante de la civilisation occidentale. Ce déracinement provoque des troubles mentaux et l’apparition de nouvelles divinités, les «Hauka» expressions de la civilisation occidentale. Ces hommes, en proie à un mal violent, réalisent un rituel mettant en scène l’agressivité individuelle des membres de cette société prédatrice afin de circonscrire ses effets désordonnés et indésirables et à l’inverse valoriser sa contribution à la conservation du groupe. Babel Bled

Les membres du corps sont désarticulés et les visages grimaçants. Les gestes répétitifs rappellent les corps mécanisés des ouvriers, des « techniciens de surface ». Pour la scénographie, il a choisi d’utiliser le papier toilette, matière putrescible et triviale afin de construire et déconstruire l’ère de jeu, l’espace du rituel. Ceci n’est pas sans rappeler les jeux de construction des enfants comme les legos. Si Chronological Pt.1, son premier solo, est davantage une recherche identitaire sur la pluralité des origines, on retrouve dans Babel Bled la même problématique d’un monde antagoniste où Sud et Nord s’observent, se jaugent, et quelquefois s’affrontent. Sur scène, dans ce second opus, un homme tour à tour nomade masaï, cow-boy, homme de ménage, ou encore machine humaine raconte son périple, ses allers-retours entre le presque rien et le beaucoup trop.

Inspiré du documentaire Les Maîtres fous de Jean Rouch, Babel Bled propose un rituel empreint d’absurde et d’humour et entend faire revivre le fou du roi, libre-penseur. Mani A. Mungai souhaite convoquer le passé, le présent et le futur, et créer un espace-temps cyclique. Babel Bled retrace la chronique d’une mort et d’une re-naissance annoncées. Nourri de différentes danses (danses africaines traditionnelles, danse contemporaine, salsa, capoeira, hip-hop, claquettes…), Mani A. Mungai brouille les frontières de la danse contemporaine et les étiquettes des disciplines chorégraphiques dans Babel Bled. Rythmée, abstraite, ancrée dans le monde d’aujourd’hui, sa gestuelle emprunte aussi bien à la danse traditionnelle africaine, à la danse contemporaine européenne, qu’au hip-hop. Il se joue des multiples langages du corps et fait de son vécu et de ses questionnements intimes la matière première de ses pièces.

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Dans un rituel empreint d’absurde et d’humour, Mani A. Mungai convoque les déguisements, les grimaces - masques et propose un regard singulier, critique et décalé sur le monde d’aujourd’hui. Scénographie

Costumes & Grimaces L’idée d’une pluralité de personnages est très présente dans Babel Bled. Costumes et accessoires les font certes apparaître mais c’est surtout l’interprétation, le corps en mouvement bien sûr, mais aussi le regard et le visage qui leur donnent corps. Sous les grimaces, ce sont les masques que l’on retrouve : masque balinais, gueules cassées évoquant personnages tout droit sorti de films de genre : western, science-fiction, dessins animés… Musique et environnement sonore Babel Bled est une pièce sonore et polyglotte : anglais, français, swahili. La bande son est à l’image de la pièce un voyage musical et cinématographique. La musique de Bob Dylan côtoie la voix de Jean Rouch, célèbre ethnologue français et réalisateur de nombreux films sur l’Afrique ; le chanteur de country David Wilcox se frotte à des extraits du film The Corporation de Jennifer Abbott et Mark Achbar ; la musique percussive de barbatuques résonne dans le morceau de spoken word de Benjamin Zephaniah, écrivain rastafarien et poète dub britannique, interprété par Mani A. Mungai.

Un dispositif de rouleaux de papier toilette sur un plateau noir prendra différentes formes évoquant le monde urbain ou industriel : gratte-ciels, monuments historiques, cheminées, usines, puits de pétrole, pipelines, autoroutes… L’utilisation du papier toilette s’est imposé pour créer ce monde imaginaire, un « Disney land » où chacun joue un rôle. Matière triviale, putrescible et tellement symbolique des pays occidentaux, royaumes de la consommation.

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Mani A. Mungai Chorégraphe, danseur

D’origine kenyane, Mani A. Mungai découvre la danse contemporaine auprès de la compagnie Gaara Projects d’Opiyo Okach. Durant sa formation en 2001 à l'Ecole des Sables de Germaine Acogny au Sénégal, il rencontre Bernardo Montet et rejoint sa compagnie en 2002. Il devient danseur permanent du Centre chorégraphique national de Tours jusqu’en 2005. Il danse notamment dans O.MORE, Parcours 2C (Vobiscum) de Bernardo Montet et crée avec Taoufiq Izeddiou un duo intitulé 1 rêve à 24h - 1 en 2005. Depuis, il mène en parallèle sa carrière d'interprète et de chorégraphe. Il danse pour Opiyo Okach (Shift… Centre, 2005), Raphaëlle Delaunay (L'échappée Couly, 2006 - Bitter Sugar, 2009 - Eikon, 2011), Farid Berki (Exodust, 2006), Emmanuel Grivet (Voici, 2007 - Nourrish, 2008), Boris Charmatz (Levée des conflits, 2010 - Enfant, 2011 - Flip Book, 2012). Pour Bitter Sugar de Raphaëlle Delaunay, il est également assistant à la chorégraphie. Il chorégraphie en 2006 Chronological Pt. 1. Ce solo est présenté dans les festivals Dialogues de Corps à Ouagadougou, Danses d’Ailleurs à Caen, Danse à Lille dans le cadre des Petites Scènes Ouvertes, ou encore à la Scène Nationale Evreux Louviers, au Théâtre des Trois Vallées à Palaiseau et à Tournefeuille. Implanté à Evreux en Haute Normandie avec sa compagnie Cie. WAYO depuis 2009, il y crée en 2010 deux soli intitulés Babel Bled et Babel Blabla. Babel Bled est présenté à la Scène nationale Evreux Louviers, et au Rive Gauche - Scène conventionnée danse de Saint Etienne du Rouvray. Babel Blabla, spectacle proposé à partir de 7 ans, a été joué dans de nombreux théâtres du Finistère, de l'Eure et des Pays-Bas. Il crée en Janvier 2013 une pièce pour 3 danseurs, I like-me (m’aime pas mal) au Festival Pharenheit au Havre, organisé par le Phare / Centre chorégraphique national du Havre, et présentée notamment à DansFabrik, festival de danse à Brest. Dès le début de son investissement en danse, Mani A. Mungai mène des actions de sensibilisation à la danse, à toutes les danses : contemporaine, africaine, salsa, hip-hop… auprès d'enfants des rues de Nairobi, de publics scolaires, étudiants, adultes amateurs et professionnels. Diplomé comme chef opérateur des Gobelins, l'école de l'image, Mani A. Mungai réalise des captations audiovisuelles et postproduction de spectacles de danse et de théâtre. Il crée également des vidéos de danse.

photographie Alain Monot

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Laurent Matignon Concepteur lumière

Après des études de cinéma, Laurent Matignon travaille comme directeur de la photographie avec D. Arraguas, J.M. Bertineau, J. Alcala, O. Massaro, E. Pinatel, M. Foucheron, C. Picq. Au théâtre, il crée les lumières pour des mises en scène de L. Wurmser, F.M. Pesenti, G. Delamotte, J.F. Matignon... En danse, après la rencontre avec D. Bagouet en 1987 et la création de cinq pièces, il collabore avec d'autres chorégraphes, tels M. Kelemenis, B. Glandier, L. Barsacq, A. Page, D. Allan, D. Bombana. Depuis 2000, il est éclairagiste pour les chorégraphes B. Montet, H. Robbe, T. Verges, Joëlle Bouvier, Lionel Hoche, Julie Dossavi, Yan Raballand, Mani A. Mungai, pour les metteurs en scène G. Delamotte et J.F. Matignon, et directeur de la photographie pour les cinéastes M. Foucheron et O. Massaro. Il a rejoint aujourd’hui le Théâtre équestre Zingaro et en est le Directeur technique. Maël Guiblin Régie lumière Un parcours d'indépendant le mène de la régie lumière au Quartz, Scène Nationale de Brest, à la conception d'éclairage pour des spectacles de danse principalement. Il travaille notamment pour les créations de Raphaëlle Delaunay (Bitter Sugar, Eikon, Ginger Jive) et la dernière création de Mani A. Mungai I like-me (m’aime pas mal), mais également pour des compagnies de théâtre et musique.

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Interview réalisée par Caroline Clark à l’occasion de la création de Babel Bled au Moulin à Louviers, le 25 mars 2010 Nous t’avions accueilli l’an passé avec Chronological Pt. 1 et tu reviens cette année en reprenant cette dernière et en y ajoutant un second opus Babel Bled : quel est le lien entre ces solos ? C’est un lien très intime, car je suis passé du « qui suis-je ? » au « je suis ». Dans Chronological Pt. 1 le motif inscrit en filigrane dans l’ensemble de la chorégraphie est l’incertitude et aussi, d’une certaine façon la solitude. J’y parle de moi à un moment très précis. C’est une danse très intériorisée, presque minimaliste où le personnage, un peu perdu, entre sur scène la tête couverte d’une capuche qui lui dissimule le visage. La scénographie est très dépouillée. Seul, un trait coupe la scène et symbolise la rivière qu’il lui faudra franchir pour commencer à connaître Sa Vérité (l’image et la thématique sont inspirées du roman africain The River Between de Ngugi wa Thiong’o). L’ambiance générale de cette partie est très sombre et il n’y a pas de son durant un long moment. Danser dans le silence instaure un lien très particulier et très intime avec le public. Tout cela vise à traduire l’hésitation, l’incertitude et le tâtonnement du personnage sur sa propre identité. Le lieu imaginaire de la représentation se trouve être l’Afrique. Dans Babel Bled, le lieu imaginaire se situe tour à tour aux USA, en Europe, en Afrique et nous sommes dans l’affirmation de soi, dans le : « je suis ». Cette évolution correspond aussi à ma propre évolution. La danse est beaucoup plus exubérante. J’entre en costume massaï rouge avec des boots de cow-boy américain sur une musique de Bob Dylan. L’ensemble de la scénographie est structuré par des rouleaux de papiers toilette blancs qui modifieront l’espace de la danse au fur et à mesure de la pièce. Nous sommes ici dans une histoire intemporelle qui n’appartient ni au présent, ni au passé, ni au futur.

Du papier toilette, n’est-ce pas un élément assez inhabituel pour constituer un décor ? Le choix de cet objet recouvrait plusieurs usages : de par sa disposition, cela peut représenter une architecture assez moderne et assez occidentale, en en modifiant la disposition au cours de la pièce, cela pouvait aussi devenir un espace/piège. Le papier toilette est aussi un bien de consommation qui relève d’un besoin matériel typiquement occidental, comme le riz en Afrique. On s’en sert pour des choses assez basiques mais lorsque l’on va dans un supermarché c’est une des choses qu’on ne rate jamais. Car la société de consommation occidentale ne se révèle pas seulement dans des choses extravagantes mais aussi dans des besoins quotidiens. C’est comme l’eau. La dernière raison de mon choix est aussi esthétique car un rouleau de papier toilette, c’est assez beau et

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suivant sa disposition, en les agençant les uns aux autres, cela permet de créer une multiplicité de scénographies. Autant Chronological Pt. 1 était une pièce assez silencieuse où prenait peu à peu place une création musicale très contemporaine d’André Serre-Milan autant Babel Bled est une pièce très « sonore » composée de nombreuses chansons et d’extraits de films documentaires, que peux-tu nous dire sur tes choix musicaux ? Pour la musique, j’ai choisi beaucoup de morceaux ou de paroles en anglais. Ça vient du fait que l’anglais est une de mes deux langues maternelles (NDLR : au Kenya, il est normal de parler quatre à cinq langues ou dialectes dès le plus jeune âge, Mani Mungai parle, pour sa part, couramment sept langues) et que j’ai vécu dans des pays anglophones (Kenya, USA). Dans Chronological Pt. 1, j’étais mutique alors que dans Babel Bled je parle. J’ai rencontré, il y a un peu plus d’un an, la musique de Benjamin Zephaniah et le morceau Naked m’a tellement marqué que je me le suis « approprié » et l’ai intégré à ma création. Il reprend, comme mon personnage massaï, le thème de l’homme qui est fier d’être ce qu’il est, de ce qui le constitue. D’ailleurs, à mesure de la chorégraphie, on va vers un dépouillement qui laisse apparaître l’Etre au détriment du Paraître du début. L’homme n’a plus besoin de signes extérieurs pour exister. Il en est de même avec la structuration de l’espace car il se retrouvera à la fin en fond de scène dans un tout petit carré. Cette personne est pour moi quelqu’un qui a trouvé la Vérité par l’acceptation de son vécu, de son passé. Il aime ce qu’il est, il en est fier et peut-être même un peu misanthrope. Pour revenir à l’anglais, je suis conscient que cela peut poser des problèmes de compréhension, mais en plus d’être une de mes langues maternelles, l’anglais fait directement référence à un film documentaire canadien de 2003 qui s’appelle The Corporation (réalisation Jennifer Abott et Mark Achbar). The Corporation démontre comment depuis les années 30 une entreprise occidentale peut parvenir à avoir le même statut juridique qu’une personne et donc,

face à la loi, acquérir les mêmes droits. L’autre documentaire qui a inspiré mon projet date de 1957 et s’intitule Les Maîtres Fous (réalisateur Jean Rouch). Ce film est l’un des plus beaux témoignages laissés sur le rituel oeuvrant comme une catharsis. Il rend compte des traumatismes de la colonisation au travers du déplacement d’émigrants venus des régions pauvres du Niger à Accra, capitale du Ghana, et brusquement plongés dans la vie trépidante de la civilisation occidentale. Ce déracinement provoque des troubles mentaux et l’apparition de nouvelles divinités, les « Hauka » expressions de la civilisation occidentale. Ces hommes, en proie à un mal violent, réalisent un rituel mettant en scène l’agressivité individuelle des membres de cette société prédatrice afin de circonscrire ses effets désordonnés et indésirables et à l’inverse valoriser sa contribution à la conservation du groupe. (NDLR : ces deux documentaires peuvent être visionnés librement sur internet). Pourquoi placer un guerrier massaï dans un univers identifié comme américain ? J’ai choisi l’image du Massaï parce que par nature en Tanzanie, au Kenya ou en Ouganda, ce sont des nomades. Ce sont des gens qui passent de pays en pays et qui voyagent de terres en terres sans jamais modifier leur culture et leurs traditions. Ils sont, pour moi, les témoins des différentes époques tout en gardant leur identité. Au Kenya, qui est un pays assez industrialisé, les Massaï constituent la seule tribu qui a encore ses coutumes. Au regard de tout cela, ton personnage massaï est plus planté comme un témoin que comme quelqu’un mu par un véritable désir d’intégration dans une société occidentale, américaine plus particulièrement. Oui, c’est un africain qui effectue un passage et qui est témoin de toutes ces influences et références au peuple noir américain. Il a peut-être des choses à dire, mais il observe. Cela lui permet d’atteindre sa réalité intime. Pour moi, la seule chose qu’un massaï troque, ce sont ses chaussures !

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Cie. Wayo / Mani A.Mungai – siège social : 13C, rue de la Cavée Boudin - 27000 Evreux – www.ciewayo.com Correspondance : 38, rue Guy Autret – 29000 Quimper // 02 98 90 48 10 – 06 09 17 39 15 - 06 16 42 72 06 - [email protected]

En même temps, les deux paires de chaussures choisies pour ton personnage sont très symboliques ! Effectivement, au début je suis en costume massaï rouge mais je porte des santiags de cow-boy, cela représente l’utopie qu’inspire ce pays mais aussi une certaine fierté. Ensuite je chausse des chaussures à claquettes blanches et noires telles celles des noirs américains dans les années 30. J’aime leur côté percussif. L’origine des claquettes est un mélange des syncopes de la musique et de la danse africaine avec la gigue irlandaise. Voilà un joli métissage ! Mais toutes ces chaussures finissent par disparaître à la fin lorsque le personnage se dépouille de tout superflu et se met à nu. Pour terminer, peux-tu nous dire quelques mots sur le choix de ton titre ? Babel Bled : Babel, c’est la tour, le lieu où se croisent les différentes langues, les différents pays et les différentes civilisations. Bled c’est le village d’origine, celui où on retourne. Dans les villages kenyans, il y a toujours un tel mélange des ethnies, des langues que cela est une évidence, chaque village kenyan est une petite Babel. Au début de la création, j’avais besoin que le choix de la langue que j’allais utiliser soit très net et j’ai choisi l’anglais, mais à mesure des répétitions, j’ai ajouté du français et swahili. Pourquoi ? Pour moi, lorsque je parle d’époques de ma vie, je parle de langues. Lorsque je vivais au Kenya et aux Etats-Unis je m’exprimais en langue anglaise et swahili ; mais la vérité, c’est qu’aujourd’hui je vis en France et que cette langue fait aussi partie de moi. C’est pourquoi il me fallait plusieurs langues dans la pièce et que j’ai effectué un gros travail sur le mixage des sons et des langages. Propos recueillis pas Caroline Clark, février 2010