Mémoire du Comité-Conseil de la FMEQ sur la
légifération de la marijuana
Mémoire présenté par la Fédération Médicale Étudiante du Québec
25 mars 2016
GARANTIR L’ACCESSIBILITÉD’AUJOURD’HUI SANS
SACRIFIER CELLE DE DEMAIN
L’importance d’assurer la pérénnitéde l’éducation médicale
Mémoire présenté par la Fédération médicale
étudiante du Québec dans le cadre des
Consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n
o
20, Loi édictant la Loi favorisant l’accès
aux services de médecine de famille et de médecine
spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives
en matière de procréation assistée
25 mars 2015
Mémoire rédigé par:
Ariane Veilleux-Carpentier, Présidente de la Fédération médicale étudiante
du Québec
Jessica Ruel-Laliberté, Déléguée aux affaires politiques de la Fédération
médicale étudiante du Québec
Olivier Fortin, Délégué aux services et partenaires de la Fédération
médicale étudiante du Québec
Samuel Bergeron, Représentant aux affaires externes, AÉÉMUM-Mauricie
Philippe Simard, Représentant aux affaires externes, AÉÉMUM
Éric Guimond, VP aux affaires externes, AGÉÉMUS
Guido Guberman, VP Campagnes Politiques Jr., GAAC, Université McGill
Chloé Trépanier, Étudiante en médecine, Université de Montréal
Laurence Mainville, Étudiante en médecine, Université Laval
Alain Nathan Sahin, Étudiant en médecine, Université de Montréal
Claudel P-Desrosiers, Étudiante en médecine, Université de Montréal
Révision et mise en page par:
Philippe Simard, Représentant aux affaires externes, AÉÉMUM
Nous contacter:
Fédération médicale étudiante du Québec et sa division, IFMSA-Québec
630 rue Sherbrooke Ouest, bureau 500
Montréal, H3A 1E4
1
Table des Matière
Présentation de la FMEQ et d’IFMSA-Québec
Introduction
La marijuana et la santé
Molécules actives du cannabis
Effets sur la santé mentale
Le cannabis et le risque de suicide
Le cannabis et les atteintes cognitives
Le cannabis et l’anxiété
Le cannabis et les troubles psychotiques
Effets sur la santé physique
Utilisation du cannabis à des fins médicales
Statistiques de consommation
Les politiques publiques
Garder le modèle actuel : la prohibition
Décriminaliser
Légaliser
Autres options
Le cannabis autour du monde
Les Pays-Bas
L’Uruguay: un nouveau modèle mondial
La décriminalisation au Portugal
Les États-Unis
Bénéfices financiers possibles de la légalisation
Impacts sociaux de la consommation (réseaux de trafiquants) dans un
contexte de légalisation
Avis concernant la prise de position et pouvoir d’action de la FMEQ dans
ce dossier
Conclusion
Références
1
Présentation de la FMEQ et d’IFMSA-Québec
La Fédération Médicale Étudiante du Québec (FMEQ) représente un peu
plus de 4000 étudiants et étudiantes en médecine au Québec. Elle a pour
mission la défense de leurs intérêts communs ainsi qu’une implication
sociale pour une société en santé. La FMEQ s’est d’ailleurs fait entendre à la
Commission de la Santé et des Services Sociaux lors des audiences sur le
projet de loi n°20 au printemps dernier. En 2002, soucieuse de l’implication
sociale de ses membres, elle a fondé IFMSA-Québec, sa division
internationale et communautaire. Celle-ci a pour mission la sensibilisation
et la mobilisation des étudiants et étudiantes en médecine du Québec
autour des enjeux sociaux, communautaires et mondiaux de la santé.
Présente dans les six campus de médecine de la province, IFMSA-Québec
offre multiples activités de formation et congrès en santé; organise plus de
150 échanges à l’étranger par année; coordonne six projets d’éducation par
les pairs dans les écoles du Québec; se positionne sur les enjeux d’actualité;
et travaille de pair avec de multiples partenaires externes, toujours dans
l’objectif de former des jeunes médecins pour qui le stéthoscope est un levier
d’action.
En août 2015, la FMEQ, conjointement avec IFMSA-Québec, a présenté un
mémoire dans le cadre du projet de loi n°44, soit la loi visant à renforcer la
lutte contre le tabagisme. Nous croyons que le présent mémoire sur le
cannabis nous permettra de continuer à nous engager dans la promotion de
la santé des Canadiens et Canadiennes, nos futurs patients et notre société.
2
Introduction
Dans les derniers mois, plusiseurs États Américains ont légalisé la
consommation de la marijuana et cela a grandement fait discuter au
Canada. Suite à l’élection à l’automne 2015 du Gouvernement Trudeau, le
dossier de la possible légalisation du cannabis a refait surface sur la place
publique. Dans sa plateforme électorale, le Gouvernement Trudeau a mis de
l’avant la promesse de légaliser la marijuana d’ici son mi-mandat. C’est dans
ce contexte que la Fédération Médicale Étudiante du Québec a décidé de
créer un comité-conseil sur la légifération de la marijuana, comité qui a pour
but d’informer les membres de la FMEQ sur les impacts d’une possible
légalisation sur la santé des Canadiens et l’économie au Canada.
La marijuana et la santé
Molécules actives du cannabis
Le cannabis tel qu’on le connait de nos jours est une drogue, mais est aussi,
avant tout, une plante ancestrale ayant une longue histoire et de
nombreuses utilités médicinales et textiles. Le Cannabis sativa, plante
originant initialement de l’Asie centrale et connue sous le nom de chanvre,
contient une multitude de fibres aux usages multiples, qui ne font pas partie
de l’objet du présent texte. Le cannabis contient de très nombreux composés
phytochimiques, les phytocannabinoïdes, eux aussi d’usages et d’intérêts
divers, dont les plus importants sont l’acide Δ9-tetrahydrocannabinolique
(THCA) et l’acide cannabidiolique (CBDA). Les phytocannabinoïdes exercent
leurs effets sur le corps humain en agissant sur les récepteurs du système
endocannabinoïde, dont les récepteurs CB1 et CB2. Ce système régule
divers processus physiologiques, dont l’appétit, la douleur, l’humeur et la
mémoire, de même que les métabolismes de l’inflammation, de l’insuline,
des lipides et du glucose. La forme active du THCA, le THC, a un effet
psychotrope en agissant préférentiellement sur le récepteur CB1, qui se
retrouve notamment au niveau du cerveau humain. Les récepteurs CB1 et
3
CB2 se trouvent toutefois à de nombreux autres endroits dans le corps, ce
qui explique, entre autres, la multitude d’effets du cannabis sur l’humain.
Le THC est associé à de nombreux effets indésirables, et serait le principal
produit actif impliqué dans les conséquences néfastes à court et à long
terme de la consommation de cannabis chez l’humain. Le CBD, lui, est
reconnu comme étant l’antagoniste du THC, en diminuant ses effets
secondaires et en apportant un effet bénéfique sur le corps humain, effets
que nous élaborerons un peu plus loin. D’autres éléments actifs, dont le
CBC et le CBN, auraient un effet bénéfique semblable au CBD.
Dans les dernières années, la concentration de THC dans le cannabis
récréatif a augmenté de façon significative, alors que celle du CBD a
diminué de façon inversement proportionnelle. Le THC, à court terme, a un
impact évident sur la mémoire, la concentration et les fonctions
psychomotrices. En plus, le THC utilisé de manière prolongée peut être
associé à une diminution des fonctions cognitives, à un risque de
dépendance, à un risque de trouble psychotique et à une atteinte du
développement cérébral que nous aborderons dans la prochaine section.
(Andre et al. 2016)
Effets sur la santé mentale
Dans les dernières années, quelques études ont tenté de démontrer un effet
du cannabis et de ses molécules actives sur la santé mentale de ses
utilisateurs. Les conséquences abordées regroupent notamment le suicide,
les atteintes cognitives, l’anxiété, le risque de trouble psychotique, l’atteinte
du développement cérébral et le risque de dépendance, et ce, à court et à
long terme.
Le cannabis et le risque de suicide
Une méta-analyse récente (G. Borges et al. 2016) dresse un portrait de la
situation. En ce qui concerne les effets aigus du cannabis, l’analyse des
études ne démontre pas un risque augmenté de tentative de suicide ou de
mort par suicide suite à une consommation de marijuana. Certaines études
4
tendent même à montrer que le risque de suicide peu de temps après une
consommation au cannabis diminue (OR : 0,39 [IC 95%, 0,16-0,95],
p<0,05).
Du côté de l’exposition prolongée à la marijuana, l’analyse des études
démontre que le risque de pensée suicidaire ou de tentative de suicide
augmente de façon modérée avec la consommation chronique et régulière de
marijuana, peu importe la dose. Un effet dose-réponse est aussi observé.
Ainsi, les utilisateurs de cannabis ont 1,43 (OR : 1,43, IC 95%=1,13-1,83)
fois les chances d’un non utilisateur de présenter des pensées suicidaires,
ce qui augmente à 2,53 (OR : 2,53, IC 95%=1,00-6,39) chez les grands
utilisateurs. En ce qui concerne le risque de tentative de suicide, l’exposition
chronique à la marijuana l’augmente de 2,23 fois (OR : 2,23, IC 95%=1,24-
4,00), ce qui augmente à 3,20 (OR : 3,20, IC 95%=1,72-5,94) chez les
utilisateurs. Ces tendances se maintiennent avec l’ajustement pour certains
facteurs confondants, dont la consommation d’alcool et la dépression, et
semblent démontrer une relation de cause à effet. La consommation
quelconque de marijuana semble aussi augmenter le risque de mortalité par
suicide de 2,56 fois (OR : 2,56, IC 95%=1,25-5,27).
En somme, il n’y aurait pas de risque augmenté d’idéation suicidaire ou de
tentative de suicide associé à une consommation aigue de cannabis, mais ce
même risque serait augmenté chez les consommateurs chroniques. Les
résultats sont semblables en ce qui concerne la mortalité par suicide. Ces
résultats sont toutefois mitigés par la grandeur limitée de certaines études,
la présence de biais et le manque d’ajustement pour une panoplie de
facteurs confondants, dont la consommation d’autres drogues et la présence
de comorbidités psychiatriques. Une étude populationnelle longitudinale
notable (Price et al. 2009) ne démontre pas d’association entre l’utilisation de
cannabis et le risque de suicide après ajustement pour une multitude de
variables confondantes. De plus, considérant que risque est augmenté de
manière modérée et que le risque de suicide dans la population générale est
d’environ 11,5/100 000 habitants au Canada (Statistiques Canada)
5
l'augmentation du risque suicidaire chez les utilisateurs de cannabis reste à
tout le moins faible.
Le cannabis et les atteintes cognitives
Bien que le nombre d’études sur les effets du cannabis soit limité, certaines
études récentes démontrent des résultats pertinents. Tenant compte les
changements structurels et fonctionnels qui surviennent au niveau du
cerveau des adolescents (Casey et al. 2005), le taux élevé de consommation
chez ceux-ci (SAMHSA 2014) a mené à plusieurs études sur le
développement cortical chez les adolescents consommateurs. Normalement,
les cerveaux des adolescents diminuent la quantité de matière grise et
augmentent la quantité de matière blanche, un processus qui est attribué
au synaptic pruning (élagage synaptique) (Giorgio et al. 2010, Gogtay et al.
2004). Filbey et al. (2015) ont démontré que chez les adultes qui ont
commencé à consommer avant l'âge de 16 ans ont une plus grande
épaisseur corticale en fonction de leur niveau de consommation, tandis que
ceux qui ont commencé après les 16 ans démontrent l'effet contraire. Ces
changements structurels ont pris place dans le cortex préfrontal, une zone
du cerveau impliquée dans plusieurs fonctions cognitives (Filbet et al. 2015).
D’autres études ont démontré des effets similaires (Jacobus et al. 2009;
Jacobus and Tapert 2014; Lopez-Larson et al. 2011), appuyant l’hypothèse
que la consommation du cannabis chez l’adolescent diminue la quantité de
prunage synaptique, affectant ainsi les fonctions cognitives des utilisateurs,
surtout en jeune âge.
Les atteintes cognitives associées à la consommation de cannabis à court et
à long terme font l’objet de plusieurs études. Plusieurs méta-analyses font
un résumé complet de la matière : Broyd et al. 2015; Volkow et al 2016; Hall
et Degenhardt 2014; Volkow et al. 2014; Hall et Degenhardt 2009(5).
L’utilisation prolongée de cannabis aurait un effet négatif sur la mémoire,
l’attention, les fonctions psychomotrices, les fonctions exécutives et les
prises de décision à court comme à long terme. Certaines atteintes
6
pourraient même persister malgré une période d’abstinence. Il n’est pas clair
si les conséquences du cannabis sur les fonctions cognitives sont
attribuables aux effets actifs, à un effet résiduel d’une consommation
chronique ou aux effets cumulatifs de l’exposition au THC pendant la vie
d’un individu (Hall et Degenhardt 2014).
En effet, quelques études démontrent que la mémoire verbale (mesurée en
faisant mémoriser une liste de mots) serait particulièrement affectée par la
consommation de marijuana dans les moments suivant la consommation
(Broyd et al. 2015; Volkow et al 2016). Les utilisateurs chroniques
présenteraient aussi une persistance des déficits de la mémoire verbale. Il
est moins clair que ces déficits persistent après une période d’abstinence,
certaines études l’affirmant, d’autres démontrant le contraire (Broyd et al.
2015). De plus, il demeure incertain si la mémoire de travail - définie comme
la mémoire permettant de conserver des éléments en tête pendant que nous
faisons d’autres tâches complexes (Baddeley A. 2010)- est touchée.
Certaines études ne montrent aucun effet, alors que d’autres montrent une
atteinte, qui dépend de la dose et de l’intensité de la consommation de
l’individu. Ces effets ne sont toutefois pas constants à travers les études. De
plus, les effets sur la mémoire de travail semblent s’estomper suite à
quelques semaines d’abstinence (Broyd et al. 2015).
L’intoxication au cannabis provoque aussi une diminution de l’attention
selon un effet dose-dépendant. Une utilisation chronique de cannabis serait
en effet associée à une perte de la performance de l’attention, notamment
chez les utilisateurs réguliers et ceux ayant débuté dans l’adolescence.
Certaines lacunes persistent après quelques semaines d’abstinence, mais
ces effets s’estompent graduellement, probablement en raison de la clairance
prolongée des cannabinoïdes (Broyd et al. 2015). Les fonctions
psychomotrices seraient aussi affectées par la consommation de cannabis
(Broyd et al. 2015). Dans plusieurs études, l’intoxication à la marijuana
affectait plusieurs tests, dont le temps de réaction et le contrôle de la
motricité fine, selon un effet dose-dépendant. Les effets chroniques, quant à
7
eux, sont plus ou moins clairs, avec certaines études suggérant une
persistance de performances diminuées à certains tests pendant quelques
semaines, ces effets s’estompant graduellement (Broyd et al. 2015).
Certaines fonctions exécutives, comme la planification, le raisonnement, la
résolution de problèmes et l’inhibition semblaient affectées lors d’une
intoxication et lors d'une exposition chronique. Une utilisation régulière et
prolongée serait liée à certaines atteintes dans les fonctions exécutives
malgré une période d’abstinence, mais les utilisateurs plus modérés
regagneraient leurs fonctions après une période sans consommation (Broyd
et al. 2015).
Selon Volkow et al 2016, il n’y aurait aucune persistance des déficits
cognitifs après 1 mois d’abstinence. Les adolescents seraient
particulièrement vulnérables, étant donné le développement actif de leur
système nerveux. Ce développement, qu’on croit en partie régulé par le
système endocannabinoïde du cerveau humain, serait alors débalancé par
l’arrivée massive de substances exocannabinoïdes provenant de la
consommation de marijuana.
Une étude a démontré que les utilisateurs chroniques de cannabis perdaient
8 points de QI par rapport aux non-utilisateurs, l’effet étant plus prononcé
chez les utilisateurs ayant débuté dans l’adolescence. Cet effet persistait
même après un ajustement pour des facteurs confondants. Après une
période d’abstinence, les utilisateurs ayant débuté à l’âge adulte regagnaient
toutes leurs fonctions cognitives, alors que les utilisateurs ayant débuté
dans l’adolescence conservaient certaines lacunes (Hall et Degenhardt 2014).
L’étude de Volkow et al. (2014) mentionne que l’utilisation de cannabis
serait liée à un risque augmenté de décrochage scolaire, mais que cela
pourrait aussi être influencé par le contexte socio-économique entourant la
consommation de drogue et de nombreux autres facteurs confondants.
8
Toutefois, les changements dans les fonctions cognitives entre les
utilisateurs et les non-utilisateurs seraient subtiles, et seraient visibles
seulement chez les consommateurs réguliers chroniques (consommation
hebdomadaire pendant 10 ans ou plus) (Hall et Degenhardt 2009).
La diversité des marqueurs de la fonction cognitive rend complexe
l’évaluation des impacts de la consommation de marijuana sur celle-ci. La
nature même des tests évaluant les fonctions cognitives (imprécises,
difficiles à systématiser, opérateur dépendant, etc.) limite aussi l’application
des données obtenues. Il apparait toutefois que l’utilisation de cannabis
induit des effets aigus sur de nombreux marqueurs de la fonction cognitive,
et que cet effet est dose-dépendant. On suggère aussi que l’utilisation
chronique de cannabis fait en sorte que les effets sur les fonctions cognitives
se maintiennent dans le temps. Il est toutefois difficile de savoir si ces effets
sont résiduels à l’intoxication aiguë et subaiguë, s’ils proviennent de
l’accumulation des différentes expositions ou s’ils représentent une
conséquence adverse qui persistera. Plusieurs études semblent toutefois
démontrer que les effets néfastes du cannabis tendent à se résorber avec le
temps. Certaines lacunes pourraient toutefois persister chez les grands
utilisateurs, qui consomment de manière régulière pendant plusieurs
années, et chez les consommateurs qui débutent dans l’adolescence.
Plusieurs détails ont toutefois besoin de précisions. Notamment, une
qualification et une quantification plus exacte des effets à court et à long
terme des effets du cannabis sur les fonctions cognitives est nécessaire. La
durée exacte de la persistance des effets néfastes reste aussi à déterminer.
L’âge à partir duquel les risques de conséquences adverses persistantes sont
moins importants, de même que la quantité exacte à partir de laquelle
l’utilisateur est à risque de développer des atteintes cognitives résiduelles,
reste aussi à déterminer.
«In addition, there are many unanswered questions more directly linked
to the soundness of hastily implemented policies. For example, will
9
advertising be permitted? What patterns of use and associated toxic
effects will emerge if and when “e-joints” become widespread or even
the norm among adolescents? How will expanding the pool of pregnant
cannabis users affect the developmental trajectories of exposed fetuses?
Finally, what are the consequences of secondhand cannabis smoke?
(Volkow et al 2016)»
Le cannabis et l’anxiété
Une association peu étudiée, le lien entre la consommation de cannabis et
l’anxiété, est résumée dans la méta-analyse de Crippa et al. (2009). Chez les
utilisateurs irréguliers, l’intoxication au cannabis peut provoquer des
épisodes de peur et d’anxiété ressemblant à une attaque de panique. De 20
à 30% des utilisateurs présenteraient une réaction anxieuse au THC,
surtout chez les utilisateurs naïfs et lors de la consommation de hautes
doses. De plus, le cannabis peut exacerber les symptômes d’anxiété chez les
patients déjà à risque ou connus pour des troubles anxieux. Le THC peut
aussi interférer avec les médicaments anxiolytiques. Chez les utilisateurs
réguliers, le cannabis aurait, au contraire, des propriétés anxiolytiques chez
certains patients, et il y aurait une autre prévalence de troubles anxieux
comorbides chez les utilisateurs de marijuana. La présence de trouble
anxieux augmente donc le risque de consommation et d’abus de cannabis,
notamment en raison de l’auto-médication des symptômes d’anxiété.
Il n’est pas clair si l’utilisation prolongée de cannabis peut à elle seule
provoquer l’apparition de troubles anxieux ou si les deux entités ne sont que
des conditions comorbides. Il est clair toutefois que le sevrage de cannabis
peut faire apparaitre des symptômes d’anxiété chez les utilisateurs réguliers.
Le cannabis et les troubles psychotiques
Le lien causal entre la consommation de cannabis et le développement de
troubles psychotiques est loin d’être clairement identifié. En effet, si
plusieurs études ont émis l’hypothèse que le cannabis pourrait prédisposer
10
au développement de la schizophrénie (Andréasson et al. 1987), d’autres ont
plutôt identifié une tendance à la consommation chez les individus avec une
vulnérabilité aux troubles psychotiques (Ksir et Hart 2016). D’un autre côté,
il est vrai que la consommation de cannabis peut engendrer un trouble
psychotique, mais celui-ci peut se résoudre par l’arrêt de la consommation
(Schoeler et al. 2016). Il s’avère toutefois que comme d’autres produits de
dépendance, la quantité de cannabis, notamment de la substance
psychotrope active, le THC, consommée corrèle avec la probabilité de
développer des symptômes psychotiques (Marconi et al. 2016).
Selon une méta-analyse (Moore et al. 2007), les individus ayant déjà utilisé
le cannabis présentaient 1,41 fois les chances d’un non utilisateur de
présenter un trouble psychotique ou des symptômes psychotiques (OR :
1,41, IC 95%=1,20-1,65). Cet effet était dose-dépendant et persistait avec
l’ajustement pour des facteurs confondants. Cette méta-analyse est toutefois
basée sur un nombre restreint d’études individuelles. La prise en compte de
la possibilité de causalité inverse (c’est-à-dire que ce soit la prédisposition
aux troubles psychotiques qui entraine l’utilisation de cannabis) n’a pas été
suffisante dans la majorité des études retenues. Il est aussi possible que le
résultat attendu étudié soit en fait un trouble psychotique passager et non
un trouble psychotique persistant tel que la schizophrénie. Une des études
montrait notamment un risque augmenté de symptômes psychotiques (mais
pas de troubles psychotiques) chez les utilisateurs ayant débuté leur
consommation avant l’âge de 16 ans; la portée de cette étude reste toutefois
très limitée. La même méta-analyse a évalué le risque de dépression chez les
utilisateurs de cannabis, mais n’arrivait pas à de résultat statistiquement
significatif. Le risque de développer un trouble psychotique chronique,
même chez les utilisateurs de cannabis, reste marginal.
Il serait aussi démontré que l’apparition de la schizophrénie est plus
précoce, et peut-être même plus sévère, suivant une consommation de
cannabis (Large et al. 2011. Une des hypothèses émises est que le cannabis
pourrait promouvoir le développement de la schizophrénie chez certaines
11
personnes génétiquement prédisposées (Di Forti et al. 2012). Toutefois, la
consommation de cannabis ne semble pas influencer la prévalence de
schizophrénie dans la population. Par exemple, en 1995, une étude avait
démontré que la prévalence de la schizophrénie était plutôt stable et même
en légère diminution, malgré une augmentation dans les décennies
précédentes de la consommation de cannabis (Warner R. 1995).
Quand il est question de consommation de cannabis, il est donc difficile de
savoir qui est la poule et qui est l’oeuf. Toutefois, il est de plus en plus clair
que les troubles psychotiques sont liés à la consommation de cannabis et
que cette dernière n’est pas favorable au pronostic de la maladie. Les
troubles psychotiques émergent d’une foule de facteurs de risque et de
prédispositions génétiques ou environnementales, dont fait partie la
consommation de cannabis. L’influence de plusieurs facteurs reliés au type
de consommation de cannabis, comme l’âge du début de la consommation,
la fréquence de consommation, l’intensité de consommation et la durée de la
consommation, reste à éclaircir.
Effets sur la santé physique
En 2012, les maladies attribuables à la consommation de cannabis au
Canada auraient engendré au total une perte d’environ 66 000 années de vie
ajustées sur l’incapacité (Imtiaz et al. 2015). Même si ce nombre n’est pas
aussi important que pour d’autres substances, il doit être considéré dans la
mise en place de politiques entourant le cannabis. Ces années perdues sont
liées notamment au cancer du poumon qui peut être causé par la
consommation de marijuana (Aldington et al. 2008; Callaghan et al. 2013).
En effet, la composition de la fumée inhalée lors de la consommation de
marijuana semble présenter des carcinogènes similaires à ceux de la fumée
de cigarettes de tabac (Moir et al. 2008). Certaines études ne démontrent pas
d’augmentation du cancer des voies respiratoires chez les utilisateurs de
marijuana, alors que l’une d’entre elles rapporte un OR de 2 d’apparition de
carcinome ORL. «A Tunisian case–control study of 110 cases of hospital-
diagnosed lung cancer and 110 community controls indicated an association
12
of lung cancer with cannabis use (OR 8.2) that persisted after adjustment
for cigarette smoking [...] cannabis use can increase the risk of myocardial
infarction 4.8 times in the hour after use.» (Hall et Degenhardt 2009)
Les autres années perdues seraient liées en partie aux accidents de la route
causés par l’influence du cannabis. Si les effets de la consommation de
cannabis sur la conduite demeurent controversés, cette consommation
combinée à une consommation d’alcool engendrerait un risque plus élevé
d’accidents au volant (Sewell et al. 2009). «The risk of motor vehicle
accidents (relative risk 1.96) persisted after statistical adjustment in men.
[...] Individuals with blood THC concentrations greater than 5 µg/mL had a
higher accident risk (OR 6.6) than those without THC.» (Hall et Degenhardt
2009). La concentration exacte de THC dans le sang qui prédispose à un
accident reste toutefois à déterminer.
13
Hall et Degenhardt 2009
14
Volkow et al. 2014
15
16
Utilisation du cannabis à des fins médicales
Volkow et al., 2014
17
Statistiques de consommation
Dans le cadre de la légalisation du cannabis, il est pertinent de présenter
les statistiques sur la consommation afin de mieux orienter les décisions.
Au Canada, le cannabis est la drogue illicite qui est la plus utilisée
(Rotermann et Langlois 2015). Notamment, au cours de l’année 2012, 12.2%
des Canadiens de 15 ans et plus auraient consommé cette drogue
(Rotermann et Langois, citant l’Enquête sur la santé dans les collectivités
canadiennes – Santé mentale). Parmi ces personnes, le groupe d’âge qui en
consommait le plus est celui des 18 à 24 ans, où 33.3% des personnes
auraient consommé de la marijuana durant l’année. (Rotermann et Langlois
2015). La consommation est moindre chez les 15 à 17 ans (20%), et encore
plus significativement moindre pour les autres groupes d’âge: 20% des 15-
17 ans ont consommé le cannabis; pour les autres groupes d’âge, la
consommation diminue grandement (Rotermann et Langlois 2015).
Vu la fréquence de consommation chez les jeunes, Rotermann et Langlois
notent qu’un rapport dose-effet a été observé entre la fréquence de sa
consommation pendant l’adolescence et un fonctionnement cognitif réduit, ainsi
que le niveau de scolarité, les désavantages personnels à long terme et la
dépendance à la marijuana. Finalement, 43% des Canadiens ont déclaré
avoir déjà consommé de la marijuana (Rotermann et Langlois 2015).
Le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies (CCLT) affirme aussi
que les Canadiens sont parmi les plus grands utilisateurs de marijuana au
monde. Par exemple, aux États-Unis, le taux de consommation en 2014 est
d’environ 14.5% alors qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, les taux sont
d’environ 7% et 4.5% (CCLT, 2015). Il rappelle aussi que la marijuana
augmente de 2 à 3 fois les risques de blessures graves ou mortelles dans les
accidents motorisés (CCLT, 2015).
18
Les politiques publiques
Les nouvelles lois mises en place lors de la création d’un régime juridique
qui décriminalise ou légalise le cannabis varient considérablement d’un pays
à l’autre. Le gouvernement du Canada aura plusieurs options s’il souhaite
réviser le cadre entourant la légifération du Cannabis, chacune comportant
des avantages et des inconvénients. Cette section vise donc à exposer les
principales options qui s’offrent au gouvernement du Canada.
Garder le modèle actuel : la prohibition
Une politique prohibitionniste consiste à interdire la fabrication, la vente et
la consommation de drogues à l’exception de l’usage scientifique et médical.
Elle vise à réduire la consommation et l’offre de psychotropes. Il s’agit de la
politique en vigueur actuellement au Canada.
Bien qu’un régime en matière de drogues illicites ne repose pas uniquement
sur la législation, la place de la loi pénale y est souvent prédominante et
symbolique. Au Canada, la compétence en matière de droit criminel et pénal
relève du Fédéral en vertu de la Loi Constitutionnelle de 1867. La législature
fédérale a donc adopté la Loi réglementant certaines drogues et autres
substances afin de créer les infractions relatives à la possession, au trafic, à
la possession en vue de trafic, à la production, à l’importation et à
l’exportation des drogues. La loi prévoit aussi les peines applicables en cas
de condamnation, lesquelles peuvent comprendre des peines minimales ou
maximales selon l’infraction.
Plusieurs acteurs politiques admettent que le régime prohibitionniste actuel
représente un échec puisqu’il ne produit pas les effets escomptés de
réduction de l’usage. Plus de 20 000 Canadiens sont arrêtés chaque année
pour possession de cannabis, le contenu en THC du cannabis est en
augmentation (Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, 2002), le
régime marginalise les citoyens condamnés sous son égide et il engorge le
système de justice pénale pour des infractions mineures (par exemple,
19
possession simple d’une faible quantité de cannabis). Or, les sommes
investies en répression représentent plus de 90% des dépenses relatives aux
drogues illicites (Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, 2002). En
avril 2012, le premier ministre Stephen Harper a déclaré lors du Sommet
des Amériques en Colombie : «Everyone believes that the current approach [to
the war on drugs] is not working, but it is not clear what we should do.» Le
Sénat canadien a émis en 2002 un rapport étoffé dans lequel il juge
notamment de l’inefficacité des pratiques actuelles en matière de drogues
avant de proposer des solutions alternatives.
Aux États-Unis, l’échec du régime prohibitionniste a également été démontré
par les statistiques concernant la consommation, la production, la vente et
les peines criminelles. Les deux exemples suivant montrent que malgré
toutes les mesures légales misent en place durant les dernières décennies,
aucune amélioration du fardeau social attribuable au cannabis n’a été
observée: « According to Uniform Crime Reporting Program data, there were
67,485 arrests for marijuana sales in 1990, 74,208 in 2000, 87,759 in 2010,
76,404 in 2012, and an average of 76,266 from 1990 to 2012 » (FBI, 2012). «
Also, the Drug Enforcement Administration seized 3,347 indoor marijuana
grow operations in 1993 (with 290,452 plants), 2,678 in 2003 (with 223,183
plants), 3,713 in 2007 (with 434,728 plants), and 2,596 grow rooms in 2012
(with 302,377 plants) » (DCESP). Avec ces données, il est clair que le
marché du cannabis s’adapte aux différentes mesures gouvernementales
mises en place pour lutter contre son commerce actif. Pire encore, les
statistiques évaluant le nombre relatif et absolu de consommateurs
produisant leur propre marijuana démontrent une augmentation de 131%
en 10 ans.
À la lumière de ce bilan, il est possible de constater que le commerce du
cannabis est entièrement contrôlé par le marché noir. Cette voie de
commercialisation vient avec des prix élevés pour les consommateurs
entrainant indirectement une diminution de leur pouvoir d’achat, tout en
encourageant le contact entre les vendeurs de drogues dites ‘’fortes’’ (qui
20
vendent aussi de la marijuana) et les consommateurs de cannabis qui n’ont
pas nécessairement été exposés à ce type de drogues. Ce phénomène
encourage fortement l’usage de drogues ayant des impacts beaucoup plus
graves sur la santé des jeunes et de la population en générale.
Les options de politique envisageables en termes de prohibition du cannabis
consistent évidemment à conserver le régime actuel. La modification des lois
en vigueur pourrait permettre la création d’un système plus souple. Par
exemple, l’infraction pour possession de cannabis pourrait être limitée à
une quantité jugée «déraisonnable». Une plus grande partie des sommes
investies en répression pourrait être redirigée vers des politiques de
prévention en santé publique, le financement d’un plus grand nombre de
centres de désintoxication, et l’emploi d’intervenants en toxicomanie.
Décriminaliser
La décriminalisation implique de retirer un comportement de la juridiction
du système de justice criminelle, rendant une condamnation impossible. Le
comportement demeure cependant interdit. Il peut toujours constituer une
infraction au niveau civil et être passible, par exemple, d’une amende.
Les personnes trouvées en possession de petites quantités de marijuana
n’auraient pas de dossier criminel. Cela permettrait de diminuer la
stigmatisation et la marginalisation associée au statut de criminel, ainsi que
les difficultés de se trouver un emploi ou un loyer. La décriminalisation
permettrait aussi de désengorger le système de justice pénal afin que les
procureurs et autres acteurs du système judiciaire puissent se concentrer à
enrayer les crimes considérés comme étant plus graves.
La décriminalisation prive cependant l’État d’un outil de régulation sur
l’ensemble du processus de production, de distribution et de consommation.
Elle représente, selon le Sénat canadien, le pire des scénarios possibles en
matière de politique publique sur les drogues (Comité spécial du Sénat sur
les drogues illicites, 2002).
21
Plusieurs options sont possibles si le Canada choisit de décriminaliser le
cannabis. Par exemple, un individu pris pour possession de cannabis
pourrait se voir offrir des services d’aide et de soutien social, psychologique
et légal (cas du Portugal). Cette démarche évite la marginalisation associée à
la création d’un dossier judiciaire et permet de plutôt de réduire les
conduites à risque et les abus.
Légaliser
La légalisation du cannabis revient à mettre en place un système de
règlementation qui permet la production, la distribution, la
commercialisation et l’usage du cannabis. En 2001, le Règlement sur l’accès
à la marijuana à des fins médicales a légalisé la consommation du cannabis
à des fins thérapeutiques. Une légalisation plus étendue du cannabis
pourrait donc s’étendre à la consommation pour des fins récréatives.
La légalisation du cannabis permet de diminuer le rôle du crime organisé
dans le trafic des stupéfiants en laissant le gouvernement réguler l’ensemble
de la chaine de production et de distribution. Elle respecte les libertés
individuelles et collectives et correspond à une certaine proportion du
comportement des Canadiens qui consomment actuellement même si le
produit est illégal. Elle a aussi comme avantage de diminuer les contacts
entre le crime organisé et les consommateurs de marijuana, puisque ces
derniers pourraient se rendre dans un comptoir de vente légal et régulé par
l’État pour se procurer le produit.
Tel que mentionné précédemment, les effets de la marijuana ne sont pas si
banals et il existe une crainte à l’effet que la légalisation pourrait entrainer
une hausse de la consommation de cannabis, notamment chez les jeunes,
qui sont les plus à risque de développer des effets néfastes à long terme de
cette consommation.
22
La légalisation du cannabis à des fins récréatives peut être envisagée avec
ou sans contrôle de l’État, c’est-à-dire avec règlementation ou en libre
marché. Ainsi, une politique publique qui règlemente le cannabis pourrait
notamment octroyer des licences de production et de distribution de la
substance. Cette mesure permettrait de mieux contrôler les produits du
cannabis, leur qualité et leur contenu en THC. Elle pourrait interdire
l’affichage à des fins publicitaires et limiter les annonces concernant le
cannabis à des faits tels que sa teneur en THC.
Que le système de légalisation règlemente ou qu’il instaure un libre marché,
il serait important de munir les usagers de moyens de prévenir les troubles
liés à l’abus de substances. Par exemple, le consommateur pourrait être
responsabilisé quant à sa consommation en étant en mesure d’établir un
quota mensuel d’achat. La loi devrait aussi établir un âge minimal avant
lequel l’usage et l’achat du cannabis sont interdits. Cet âge minimal pourrait
être entre 16-25 ans. L’âge de 16 ans permettrait de minimiser le rôle du
crime organisé en évitant que les jeunes consommateurs ne se tournent vers
cette option pour leurs achats (Comité spécial du Sénat sur les drogues
illicites, 2002). L’âge de 25 ans correspond tant qu’à lui à la période où le
cerveau termine son développement et où la marijuana aurait un impact
moindre sur la maturation du cerveau. De plus, les revenus obtenus par la
taxation du cannabis pourraient être investis dans des programmes
d’éducation et de prévention des problèmes liés à l’usage du cannabis. La
légalisation permettrait l’obtention d’informations fiables sur la
consommation des usagers. Il serait ainsi possible de mettre en place des
programmes de prévention fondés sur des données crédibles et qui seraient
mieux adaptés à la réalité. Enfin, la légalisation faciliterait grandement la
tenue de projets de recherche visant par exemple à connaitre les effets de la
consommation et l’efficacité des différentes stratégies disponibles pour
arrêter la consommation.
23
Autres options
Les régimes de légalisation, de décriminalisation et de prohibition ne sont
pas mutuellement exclusifs. Plusieurs scénarios s’offrent au Gouvernement
Canadien, qui devra regarder toutes les options disponibles avant de
proposer un projet de loi. Il serait donc possible, par exemple, de ne pas
créer d’infraction pour la possession d’une «quantité raisonnable» de
cannabis pour usage personnel tout en conservant un régime
prohibitionniste (tel qu’en Uruguay, avant la légalisation en 2013).
Le cannabis autour du monde
Plusieurs études et exemples internationaux ont montré que la prévalence
de consommation des drogues n’est pas affecté par l’implantation de
mesures coercitives plus sévères (Degenhardt et al., 2008). Au contraire,
plusieurs exemples montrent que la légalisation ou la décriminalisation
entraine une diminution du stigmate associé à l’utilisation de drogue, une
diminution du fardeau imposée au système pénal et une augmentation de la
réhabilitation des usagers, sans en augmenter de manière significative
l’utilisation (Lenton et al., 1996; Donnelly et al., 1995; MacCoun et Reuter,
2001). Ceci a mené un certain nombre de pays à s’orienter vers des mesures
législatives alternatives, dont la légalisation, la décriminalisation et la
dépénalisation.
La section suivante présente différents modèles, afin de permettre au lecteur
d'avoir une vue d’ensemble des modalités législatives existantes à travers le
monde. Ceux-ci peuvent ainsi servir d’exemples pour un cadre applicable au
Canada. Il est également possible d’en évaluer leur efficacité dans une
optique de réduction des méfaits, si tel est le résultat obtenu.
Les Pays-Bas
Les Pays-Bas ont été parmi les premiers à adopter une politique de tolérance
aux drogues, bien que celles-ci ne soient pas complètement légalisées. Le
24
gouvernement a reconnu qu’il était impossible d’empêcher une personne de
consommer de la drogue, et donc a choisi d’investir davantage de temps,
d’argent et de ressources structurelles dans la prévention et le contrôle des
réseaux criminels profitant de la drogue et fournissant des drogues dures.
La loi s’inscrit ainsi dans une perspective de réduction de méfaits et de
promotion et protection de la santé publique. Plus encore, le gouvernement
a basé sa politique sur l’hypothèse que la transition des drogues douces vers
les drogues dures était surtout influencée par des facteurs sociaux, et non
physiologiques. Ainsi, la séparation des deux marchés permet aux gens
d’acheter des drogues douces sans être exposés à la culture criminelle des
drogues dures, créant ainsi une barrière sociale. La particularité des lois
néerlandaises réside dans son application quotidienne: les règlements
s’assoient sur un principe de convenance politique, où les autorités peuvent
s’astreindre de persécuter, et ce, sans passer par les Tribunaux. Il est
important de noter qu’il reste illégal de produire, posséder, vendre, importer
et exporter de la drogue. Toutefois, la loi veut que fumer le cannabis soit
toléré, mais selon des conditions strictes.
Les fameux coffee shops sont autorisés à vendre uniquement des drogues
douces aux résidents néerlandais de plus de 18 ans, et l’achat de cannabis
est limité à 5 grammes par personne par jour. La quantité, le processus de
vente, les conditions d’utilisation et les procédures de publications sont
règlementés. La loi prévoit également que l’alcool ne peut être consommé ou
acheté dans ces coffee shops. Les municipalités ont également le droit de
déterminer le nombre de coffee shops sur le territoire, et s’ils doivent
s’assujettir à des règlementations supplémentaires. Les citoyens résidents
néerlandais peuvent avoir en leur possession jusqu’à 5 grammes de
cannabis et jusqu’à 5 plantations à la maison (si découverts, ils seront saisis
par la police, mais la personne ne sera pas percutée légalement). Au-delà de
ces limites, il peut y avoir des implications légales.
En 1995, le gouvernement a publié un rapport intitulé Drugs Policy in the
Netherlands: Continuity and Change, une collaboration des ministères de la
25
justice, de la santé, du bien-être et du sport, et du secrétaire d’État. La
décriminalisation de la possession des drogues douces pour usage personnel
et la permission de vente sous conditions contrôlées n’a pas résulté en une
consommation élevée inquiétante chez les jeunes. Le type de consommation
ne diffère pas de celui des autres pays occidentaux. Quant à la
consommation de drogues dures, elle est relativement plus basse que dans
le reste de l’Europe, notamment comparativement à la France, au UK et à
l’Espagne. Le nombre de consommateurs d’héroïne a diminué, et la
consommation de “crack” n’a pas progressé de façon significative dans le
pays. Il y a eu des gains importants quant au contrôle des infections à VIH
chez les utilisateurs de drogues, et les taux de mortalité ont diminué,
contrairement au reste de l’Europe. Toutefois, le rapport fait mention d’un
plus grand nombre d'offenses menées par les utilisateurs de drogues dures
et du maintien de la présence du crime organisé dans le pays. Il conclut en
disant que le contrôle du réseau des drogues et de la criminalité associée
doit se faire de pair avec les autres pays, et non de façon isolée.
Une étude en 2009 a démontré que 25.7% des répondants avaient fait usage
de cannabis au moins une fois dans leur vie, une prévalence qui est
similaire à celle des années antérieures. La majorité des utilisateurs de
cannabis n’avaient jamais utilisé de drogues dures, et l’utilisation d’opiacés
était d’incidence relativement faible par rapport à l’Union Européenne.
L’Uruguay: un nouveau modèle mondial
En août 2013, l’Uruguay a légalisé le cannabis, et a mis sous l’autorité de
l’État la production, le contrôle et la vente. C’est l’une des premières lois au
monde ayant ces dispositifs. L’objectif premier est de combattre la
criminalité et le trafic de drogues - le cannabis étant l’une des drogues les
plus consommées dans le pays. La loi invoque la protection de la santé
publique dans ses premières dispositions, son usage médical thérapeutique,
et sa volonté de protéger les habitants du pays du risque qu’impliquent les
26
liens avec le commerce illégal et le trafic de drogues (homicides, violence,
problèmes sociaux structuraux).
La loi prévoit que les citoyens âgés de plus de 18 ans peuvent s’inscrire sur
un registre, afin de pouvoir cultiver jusqu’à six plants (480 grammes) à la
maison pour leur consommation personnelle. Ils peuvent également former
des groupes de cultivateurs, composés de 15 à 45 personnes, afin de cultiver
jusqu’à 99 plants. La production est également sous le contrôle de l’État, qui
peut accorder des licences de production à des entreprises privées. La
drogue légalisée se doit d’être de bonne qualité et ne pas contenir de
produits exogènes. Elle doit être vendue dans des dispensaires prévus à cet
effet. La coordination est effectuée par une agence déjà existante, qui
monitore également les commerces du tabac, de l’alcool et des produits
pharmaceutiques. Les citoyens peuvent acheter jusqu’à 10 grammes par
semaine, à un prix de vente inférieur à 1$ par gramme (fixé par l’État). Sur
le marché noir, les prix des produits non légaux seraient estimés à environ
cinq fois le prix déterminé par l’État. L’achat est interdit aux visiteurs
étrangers, et il est également illégal de la vendre outre-frontière.
Toutefois, la loi retarde d’être mise en oeuvre dans son entièreté. Il est donc
encore impossible aujourd’hui d’évaluer pleinement les impacts et l’efficacité
de celle-ci sur la criminalité et la consommation de cannabis. Le
gouvernement a toutefois déjà dit que si les résultats ne sont pas ceux
escomptés, la loi serait retirée.
La décriminalisation au Portugal
Le Portugal est depuis longtemps considéré comme la porte d’entrée pour le
trafic de drogue en Europe. Il a été estimé que 77% de la drogue saisie au
Portugal était destinée à l’exportation (Institute of drugs and drug addiction,
2008). Néanmoins, la prévalence d’usage de drogues illicites est basse en
comparaison avec d’autres pays (7.8% pour les 15-64 ans comparé à 34%
des 15-59 ans au Royaume-Unis) [Aust et al., 2002; Balsa et al., 2001].
Cependant, le taux d’ITSS reliées à la consommation de drogues injectables
27
est parmi les plus élevés en Europe (EMCDDA, 2000). C’est donc dans ce
contexte que le gouvernement du Portugal décida en 2001 de décriminaliser
la possession pour usage personnel (est considéré comme usage personnel
toute quantité de drogues correspondant à moins de 0.1 g d'héroïne, 0.1 g
d'ecstasy, 0.1 g d'amphétamines, 0.2 g de cocaïne ou 2.5 g de cannabis et
l’usage à des fins de trafic est encore considéré comme une offense
criminelle). Avant la réforme, la possession, l'acquisition et la production de
drogues à des fins personnelles étaient passibles d’emprisonnement allant
jusqu’à un an. Depuis juillet 2001, la possession de toutes drogues,
incluant le cannabis, l’héroïne et la cocaïne, est devenue une offense civile,
sanctionnée par la Commission pour la Dissuasion de l’addiction à la drogue
(CDT). La commission est un panel régional de 3 membres, incluant des
avocats, médecins et travailleurs sociaux, qui rencontre l’offenseur référé
par la police, afin de discuter avec lui des motivations et circonstances en
lien avec l’offense. Le CDT impose ensuite des sanctions tel le service
communautaire, des amendes ou des suspensions de licences
professionnelles. Le but premier des CDT n’est pas de punir, mais bien de
dissuader l’usage des drogues et d’encourager les usagers dépendants à être
traités. Ils déterminent donc si une personne est considérée dépendante et
peuvent alors recommander un traitement ou un programme d’éducation
plutôt qu’imposer des sanctions.
L’implantation de ces mesures n’a pas mené à une augmentation
significative d’utilisation de drogues. En effet, de 2001 à 2007, on a noté une
augmentation légère à modérée de l’utilisation de drogues rapportée dans la
population adulte (Balsa et al, 2001). La diminution du stigmate entourant
la consommation de drogue pourrait expliquer cette augmentation. On note
au cours de cette même période, une augmentation presque identique de la
consommation en Espagne et en Italie (Hughes et al., 2010). Ceci pourrait
suggérer que l’augmentation n’est pas due à la décriminalisation, mais
reflète plutôt une tendance régionale. De plus, une étude menée auprès de
la population des jeunes européens de 15-16 ans indique une diminution
globale marquée de l’utilisation de toutes drogues illicites au Portugal depuis
28
la décriminalisation (Hibell et al., 2009). Entre 2000 et 2005, la prévalence
de consommateurs réguliers, en particulier les UDIV, a chuté de manière
significative (7.6% à 6.8% pour les usagers problématiques et de 3.5 à 2.0%
pour les UDIV). Ceci est d’autant plus significatif que l’Italie a vu une
augmentation de ses usagers à risques. Donc, même si on note une
augmentation légère de l’utilisation de drogues dans la population (reflet
d’une tendance régionale plus grande), on note un déclin chez les jeunes et
chez les utilisateurs à risques.
La décriminalisation a également eu l’effet de diminuer le fardeau imposé au
système de justice et a permis aux corps policiers de se concentrer sur les
offenses plus sérieuses tel le trafic à grande échelle. On est effectivement
passé de 14 000 accusations criminelles en 2000 à environ 5000 en 2008.
Le nombre de gens détecté sous la nouvelle loi pour possession pour usage
personnel est resté stable à environ 6000, suggérant une absence
d’augmentation et même un léger déclin du nombre total de contacts
formels des usagers avec la police (Institute for drugs and drug addiction,
2000). On note une diminution marquée du nombre de prisonniers
incarcérés pour des offenses reliées à la drogue (commises sous l’influence
de la drogue ou afin d’en financer l’achat) passant de 44% en 1999 à 21% en
2008 (Hugues et al., 2010).
Une des préoccupations principales de la décriminalisation était l’impact
qu’elle aurait sur le marché de la drogue au Portugal. De 1997 à 2008, il n’y
a pas eu de changements majeurs au niveau du nombre de saisies de
drogues illicites. Toutefois, on a noté une augmentation drastique de la
quantité de la drogue saisie, en particulier celle destinée à l’exportation
(augmentation globale de 499%) [Hugues et al., 2010]. On peut donc
assumer que la décriminalisation a permis aux autorités d’orienter leurs
ressources vers les plus gros trafiquants et d’ainsi améliorer la portée de
leurs saisies. On note également qu’entre 2001 et 2008, le prix des drogues
à drastiquement chuté (de 50,27$/g à 33,25$/g pour l’héroïne et de 6,86$ à
2,80$ par comprimé pour l’ecstasy). Cette réduction des prix pourrait être
29
due à la réduction de la demande (tel que le démontre certaines études
effectuées parmi les étudiants) [Hugues et al., 2010]. Toutefois, de plus
amples études seraient nécessaires pour confirmer ceci.
Finalement, le plus grand succès de la décriminalisation des drogues au
Portugal a été son effet sur la santé publique. En effet, on a noté une
diminution significative de la mortalité reliée à l’usage de drogues entre
2000 et 2002 et une diminution des cas de VIH, d’hépatite C et de
tuberculose. On remarque une diminution constante des overdoses dues à
l’héroïne de 95% des cas en 1999 à 59% en 2008. Ces changements sont
principalement attribués à la décriminalisation et l’implantation de
programmes de traitement des dépendances, de prévention et de
réhabilitation sociale. Les données sur les patients traités indiquent
également que l’âge moyen des utilisateurs a augmenté depuis la
décriminalisation (23% avait plus de 34 ans en 2000 contre 46% en 2008).
On note sur la même période une diminution du nombre de nouveaux
utilisateurs de drogues injectables qui sont diagnostiqués avec le VIH et le
SIDA (VIH de 907 à 267 nouveaux diagnostiqués, SIDA de 506 à 108). Cette
tendance a surtout été associée à l’expansion des services de réduction du
risque.
En conclusion, l’exemple du Portugal nous montre que depuis la
décriminalisation de toutes les drogues en 2001 on remarque :
- Une légère augmentation de l’utilisation de drogues rapportée parmi la
population adulte
- Une diminution de la consommation de drogues chez les utilisateurs
problématiques et chez les adolescents.
- Une diminution de fardeau sur le système de justice pénal
- Une augmentation de l’intérêt pour les traitements de dépendance
- Une réduction des décès reliés aux overdoses
- Une diminution des infections transmissibles (VIH, VHC, TB)
- Une augmentation de la quantité de drogue saisie par les autorités.
30
On voit donc que la décriminalisation de la possession de drogues illicites
n’entraine pas nécessairement une augmentation des méfaits reliés à la
drogue, tout comme elle n’en élimine pas les problématiques. Il peut
toutefois s’agir d’un modèle plausible pour d’autres nations qui voudraient
offrir une réponse moins coercitive et plus humaine au problème de la
consommation de drogue tout en apportant plusieurs avantages sur le plan
de la santé publique.
Les États-Unis
Depuis le début du XXIe siècle, le Canada et plusieurs autres pays ont
adopté des règlementations permettant de distinguer l'usage médical du
cannabis de la possession simple de celui-ci. C’est le cas des États-Unis, où
vingt-trois États permettent l’usage médical du cannabis alors que cinq
autres ont même légalisé celui-ci (NCSL, 2016).
Aux États-Unis, la principale loi règlementant la marijuana est le Controlled
Substances Act (1970), qui a remplacé le Marihuana Tax Act (1937), déclaré
anticonstitutionnel par la Cour suprême en 1969. Il faut savoir que selon cet
Acte, le Gouvernement fédéral américain déclare toujours comme illégaux,
l’usage, la vente, la possession, la culture et le transport du cannabis, tout
en permettant aux États de légiférer de leur côté sur sa dépénalisation pour
un usage récréatif ou médical. D’ailleurs, le cannabis est encore considéré à
l’échelle nationale comme une drogue Schedule 1, correspondant à des
drogues avec haut potentiel d’abus et dont l’usage médical n’est pas
reconnu (DEA). Quant aux Cannabis Clubs, les magasins américains de
vente et de consommation de cette substance, c’est aussi aux autorités
fédérales que revient la responsabilité de les règlementer et de leur accorder
leurs licences.
En Octobre 2009, le Gouvernement Obama avait avisé les autorités fédérales
de ne pas sévir au niveau des organisations distribuant le cannabis à des
fins médicales en accord avec la règlementation respective de leurs États. À
la fin août 2013, le U.S. Department of Justice proposait une mise à jour de
sa politique en matière de cannabis. Celle-ci réitérait l’illégalité de la
31
marijuana à l’échelle fédérale et encourageait les États comme le Colorado et
Washington à bien règlementer l’usage de celle-ci, tout en déployant
d’importants efforts de sensibilisation. Le U.S. Department of Justice se
réservait le droit, par cette même mise à jour, de contester et de freiner la
règlementation adoptée au niveau des États s’il le juge nécessaire (NCSL,
2016).
Une autre implication de la considération de la marijuana comme une
substance Schedule I est que la loi fédérale (Controlled Substances Act)
interdit sa «prescription» (par définition d’une substance de cette catégorie),
ce pourquoi cette dernière est remplacée par des «recommendations» ou
referrals. Ainsi, les États où l’utilisation médicale du cannabis est autorisée
utilisent un registre de patients qui protège ces derniers d’une arrestation en
raison d’une possession pour utilisation personnelle et médicale de la
substance, allant jusqu’à une quantité règlementée (NCSL, 2016).
Le Colorado (6 novembre 2012), l’État de Washington (6 novembre 2012) et
l’Alaska (4 novembre 2014) sont les trois premiers États à avoir légalisé le
cannabis à usage récréatif. Ils furent dernièrement imités par le District de
Columbia et l’Oregon.
Considérant une éventuelle légalisation de la marijuana au Canada,
plusieurs acteurs devront effectuer un profond travail de réflexion sur la
règlementation qu’il serait souhaitable d’adopter et sur la stratégie
d’application au niveau provincial. À titre informatif, il est intéressant de
noter que la règlementation de l’Alaska, tout comme celle du Colorado,
permet la possession allant jusqu’à 28 grammes de cannabis et la culture
personnelle de 6 plants, ou une culture professionnelle si un permis a été
émis. L’usage thérapeutique y est évidemment autorisé. Cependant, un
touriste visitant le Colorado se verra limité à un achat d’une quantité de 7g
de cannabis maximalement par visite. Les habitants de l’État de Washington
peuvent acheter jusqu’à 28 grammes de marijuana. Seuls les utilisateurs du
cannabis médical peuvent le cultiver dans leur résidence. Les vendeurs,
distributeurs et producteurs de marijuana doivent tous avoir un permis
32
délivré par l’État. Dans le district de Columbia (Washington DC), la
possession est légale jusqu’à 57 grammes et la vente est réservée aux fins
médicales. L’usage thérapeutique est aussi autorisé depuis 2009. La culture
dans un but récréatif est autorisée jusqu’à 6 plants, avec un maximum de 3
plants en floraison simultanément. Finalement, en Oregon, la possession est
autorisée jusqu’à 28 grammes et les habitants peuvent faire pousser jusqu’à
4 pieds de cannabis par ménage. (NEWSWEED, 2015)
Bénéfices financiers possibles de la légalisation
Au Canada, la vente de cannabis dans un but médical représente un
marché de plus de 45 000 utilisateurs et de 80 à 100 millions de dollars
canadiens annuellement (Csanady, 2015). Un sondage de l'organisme Forum
Research montre que, sur un échantillon restreint de 1256 adultes, 18%
avaient consommé du cannabis dans la dernière année, et 13%
supplémentaires le feraient dans le cadre d’une légalisation. Ces résultats,
extrapolés à l'ensemble de la population, signifieraient que près du tiers des
adultes au pays (31% ou 7 millions) constituerait un marché éventuel
(Csanady, 2015).
Il est intéressant de noter que le Colorado, un État de 5.4 millions
d'habitants où le cannabis a été légalisé en 2014, représente un marché de
700 000 consommateurs. Un an après le début de sa vente récréative, le
1er janvier 2014, on estime les ventes de cannabis à près d’un milliard de
dollars, représentant 60 millions de dollars en revenus par la taxation (Roy).
Selon le gouvernement local, ceci représenterait près du double des recettes
liées à la vente d'alcool (Basu, 2015). Pour l’État de Washington (7 000 0000
habitants), les analyses prévoient 694 millions de dollars en revenus d’ici
2019 (Roy). Plus près d’ici, en Colombie-Britannique, une étude de l’Institut
Fraser prévoit 2 milliards de recettes fiscales advenant la légalisation du
cannabis au Canada, une donnée qui serait transposable à la province
québécoise selon cette même étude (Easton, 2004).
33
Dans une analyse de CIBC World Markets datant de janvier 2016 et portant
sur les revenus potentiels engendrés par une légalisation canadienne du
cannabis, l’économiste Avery Shenfeld estime que le gouvernement fédéral
pourrait bénéficier de plus de cinq milliards de dollars par année en taxes
sur ce produit et ses dérivés (Cheadle, 2016). Se basant sur les résultats
actuels obtenus par certains états américains ayant légalisé le cannabis
ainsi que sur les statistiques de consommation récréative de cette drogue
par les Canadiens, Shenfeld précise néanmoins que cette approximation ne
tiendrait la route que si la compétition du marché noir était éliminée. De
plus, les économies réalisées au niveau judiciaire en éliminant les
accusations criminelles contre les contrevenants, devraient nécessairement
être réinvesties dans la faction policière afin de limiter les exportations
internationales illégales et réguler le marché canadien.
Du point de vue économique, un débat majeur découlant de la légalisation
du cannabis sera relatif à la taxation de celui-ci. Questionné sur le sujet, le
Premier Ministre Justin Trudeau affirme qu’une erreur serait de surtaxer les
produits du cannabis et d’entrainer un mouvement de protestation vers le
marché noir, particulièrement chez les jeunes (Bronskill, 2015). C’est
d’ailleurs un tel marché qu’on visait préalablement à abolir avec la
légalisation.
Une autre réflexion sera nécessaire à l’égard de l’utilisation des revenus
éventuels associés à la vente des produits cannabinoïdes. Face aux attentes
en terme de revenus fiscaux escomptés pour le gouvernement canadien, le
premier ministre est clair: l’objectif de légaliser le cannabis ne se fait pas
avec des visés économiques en tête. En effet, Justin Trudeau assure que
l’argent amassé via une taxe de vente n’irait pas directement dans les coffres
de l’état, mais serait plutôt réinvesti dans des programmes d’éducation, de
support pour les problèmes de santé mentale et de traitement des
dépendances (Bronskill, 2015). À titre comparatif, l’État d’Oregon a prévu
redistribuer l’ensemble des revenus attribués à la taxation sur la vente du
34
cannabis de la façon suivante, après le 1er juillet 2017 : 40 % pour le
Common School Fund, 20% pour les traitements en santé mentale, 15% pour
le service de police d’État, 10% pour l’application du droit municipal, 10%
pour l’application du droit par comté et 5% pour le Oregon Health Authority
for alcohol and drug abuse prevention, early intervention, and treatment
services. (Rough, 2015)
Impacts sociaux de la consommation (réseaux de
trafiquants) dans un contexte de légalisation
La légalisation de la marijuana est un sujet qui a fait couler beaucoup
d’encre dans les dernières années. Des inquiétudes sur la diminution de
l’âge d’initiation, sur l’augmentation de la proportion de consommateurs,
sur l’augmentation de la quantité consommée chez les usagés actuels et sur
la commercialisation et le marketing entourant le cannabis sont avancées
par les experts en matière de santé publique. La croissance potentielle des
réseaux criminels est aussi un enjeu primordial dans ce débat. Cette section
du document conseil a pour but d’exposer l’impact social de la légalisation
de la marijuana. Il est important de comprendre que dans ce débat, rien ne
peut être totalement contrôlé et prédit, mais les gouvernements sont devant
un dilemme les obligeant à comparer les avantages et les risques associés à
la légalisation de la marijuana pour leur population, et ce, dans un contexte
dynamique plutôt que statique. Depuis des décennies, le gouvernement
s’efforce de mettre en place des mesures de contrôle de consommation du
tabac et de l’alcool visant à réduire les couts sociaux directs et indirects
associés à ces substances. Ayant comme prémisse rationnelle que la
population continuera de consommer du cannabis peu importe son statut
légal, le dilemme doit donc être orienté vers la réduction des couts sociaux
et la protection de la santé de la population. La première partie de l’analyse
expliquera donc l’importance de l’étude dynamique de la consommation.
35
Premièrement, afin de faciliter la compréhension des données de l’analyse
suivante, il est important de faire la distinction entre l’impact dynamique et
l’impact statique des mesures visant la régulation du cannabis. Un modèle
d’analyse dynamique étudie l’impact sur une période de temps variable et
essaie d’intégrer les habitudes de consommation reliées à la substance
étudiée. Concrètement, cela implique que les données exposées prennent en
compte l’impact réel des dangers associés à la consommation selon l’âge. Par
exemple, étant donné que les effets néfastes ont plus de répercussions
chroniques si la consommation a lieu durant l’adolescence (troubles de
mémoires, de langage, troubles mentaux, décrochage scolaire, trouble de
dépendance, etc.), une politique retardant l’âge d’initiation à un âge,
représente un bénéfice supérieur à l’augmentation de la consommation
globale chez les utilisateurs. De plus, l’analyse dynamique d’une politique de
légalisation reflète la réalité humaine de nos sociétés. Contrairement au
tabac, la période de consommation de cannabis est rarement étalée sur des
dizaines d’années. La dépendance associée à la marijuana n’est en aucun
cas similaire à celle associée au tabac. Les études basées sur un modèle
statique prennent des images fixes des habitudes de consommation de nos
sociétés de façon annuelle sans prendre en considération l’évolution
démographique et sans éliminer le pourcentage de consommateurs qui
disent avoir déjà essayé sans consommer de façon régulière. Les statistiques
et études citées dans cette analyse seront donc des études dynamiques
représentant d’une façon plus fidèle l’impact social de la légalisation de la
marijuana.
En Australie, où la consommation de cannabis a été décriminalisée dans
plusieurs provinces, les experts en santé publique ont réalisé une étude
dynamique de l’impact social de ces nouvelles politiques. La
décriminalisation de la marijuana a entrainé un devancement de 12% de
l’âge de la première consommation dans une population qui avant la
décriminalisation aurait quand même consommé mais à un âge plus tardif.
Toutefois, toujours selon le modèle d’étude dynamique, le pourcentage de
mineurs consommant du cannabis a diminué de 11% (Williams et Bretteville-
36
Jensen, 2014). En résumé, la décriminalisation a un effet néfaste sur l’âge
de début des consommateurs et sur la quantité qu’ils consomment mais
cette politique a un effet positif sur le nombre d’utilisateurs. Toutefois, en
examinant l’évolution des statistiques de consommation depuis
l’instauration de la décriminalisation, elles sont significatives seulement
pour les 5 premières années de son instauration. Après 5 ans, l’effet de la
décriminalisation sur l’âge d’initiation, sur la quantité consommée et sur le
nombre global de consommateur est similaire aux autres pays de l’OCDE
(Williams et Bretteville-Jensen, 2014).
Même si le Gouvernement du Canada semble s’orienter vers une politique de
légalisation, l’impact étudié et observé dans des pays qui ont décriminalisés
la marijuana vient atténuer l’argumentaire des groupes militants pour une
prohibition totale. Des études dynamiques sur la légalisation ne sont pas
disponibles actuellement considérant qu’une minorité de pays ont adopté
cette mesure. En terme de prévalence de consommation, plusieurs auteurs
estiment que les données associées à la décriminalisation dressent un
portrait similaire à ce que la légalisation aurait comme impact. La
légalisation de la marijuana est une solution qui pourrait servir les intérêts
de protection des populations à risque (jeunes, femmes enceintes et
personnes atteintes de troubles mentaux). Toutefois, l’instauration d'une
telle politique doit absolument viser une meilleure compréhension de la
culture de consommation du cannabis afin de permettre l’instauration de
programmes de sensibilisation des effets néfastes et de programmes de
support pour les consommateurs plutôt qu’être orientée vers une optique de
revenus supplémentaires pour le gouvernement.
La légalisation avec un contrôle total du commerce et de la production
risque d’aboutir à un échec sur le plan de la protection de la santé publique.
En effet, la création d’un monopole commercial par les autorités risque
d’entrainer des retombées inverses à celles entendues. Afin de réaliser des
progrès dans ce domaine, il faut premièrement comprendre les raisons qui
ont menées à l’échec de la prohibition. Les deux facteurs principaux
37
responsables sont l’impossibilité du contrôle de la production et
l’aveuglement face aux analyses expliquant la culture de consommation
(Glastris P., 2014). Il est vrai que l’instauration d’un monopole
gouvernemental limitera l’exposition de la population aux autres drogues
chimiques vendues par les vendeurs de substances illicites et permettrait
d’éviter une chute du prix de vente du cannabis. Définitivement, un des
objectifs associés à la légalisation serait d’éliminer les réseaux de
trafiquants. Toutefois, contrairement à l’alcool et au tabac, deux substances
nocives pour la santé faisant l’objet de politiques gouvernementales et ayant
été légalisées, la facilité de production de cannabis engendrerait une
augmentation de production (qui ne serait plus illégale avec la légalisation).
Pire encore, les jeunes verraient ce contexte comme une opportunité de faire
de l’argent étant donné des prix de ventes élevés (Floyd et al. 2010). En effet,
contrairement aux autres drogues dites «chimiques», une grande partie du
réseau illégal de production et de distribution de cannabis est administré
par des jeunes consommateurs qui utilisent les revenus de leur commerce
afin de pouvoir consommer gratuitement. Les politiques de taxation et de
protection du public appliquées sur les produits du tabac et sur l’alcool ont
été démontré efficaces pour réduire la consommation chez les populations à
risque (Babor et al., 2003; Chisholm et al., 2004; Shibuya et al., 2003). Or,
très peu d’études mettent en évidence une efficacité similaire quand il est
question de substances illégales. Malgré l’augmentation graduelle du cout
du cannabis (qui est présentement régulé par les groupes criminels), les
statistiques actuelles de consommation citées précédemment montrent une
augmentation du nombre d’usagers et de la quantité consommée par ceux-
ci. Il est donc possible de conclure qu’étant donné l’impossibilité de
contrôler la production de cannabis avec la prohibition, la légalisation avec
monopole du commerce et de la production ne servirait en aucun cas la
protection de santé publique qui est à la base l’objectif primaire du
processus de légalisation.
L’échec probable d’un monopole est renforcé par les intérêts financiers des
autorités gouvernementales qui contrôleraient la production et la vente, et
38
par l’ombre du potentiel de corruption. Toutefois, une légalisation
établissant un libre marché pourrait servir les intérêts politiques et publics.
Le rôle du gouvernement dans la matière est de créer des lignes directrices
strictes en matière de contrôle de la qualité, d’établir un réseau sécuritaire
de producteurs locaux n’ayant pas de secondes intentions (non-associés à
des groupes criminels) et de mettre en place un réseau de distribution
respectant les normes de santé publiques recommandées par les
organisations de santé et sécurité publique. Cette option permet la
maximisation des impacts sociaux positifs. Comme pour n’importe quel
produit, la commercialisation a pour effet de créer de l’emploi et des revenus
supplémentaires pour les producteurs et par le fait même des retours de
taxes et d’impôts pour le gouvernement. Par ailleurs, la compétition induite
par le libre marché ferait diminuer le prix au détail causant des pertes
financières et une débâcle organisationnelle pour les réseaux criminels
(Gettman et Kennedy, 2014).
En conclusion, considérant que près de 80% des consommateurs de drogues
(200 millions) limitent leur consommation au Cannabis (UNODC, 2010), il
est possible d’inférer que le cout social estimé par le Center for Addiction and
Mental Heatlh of Canada attribuable aux substances illégales est en grande
proportion associé au cannabis. Le cout social d’une substance représente
l’ensemble des dépenses reliées à l’application des lois par les autorités
(polices, prisons, etc.), aux traitements des maladies secondaires à leur
utilisation/abus, aux programmes de prévention et de manière moins
précise aux couts indirects reliés à la perte de productivité et réduction de
l’espérance de vie. L’ampleur économique associée aux drogues a été
calculée à 8,244 milliards de dollars canadien (cela représentant 20.7% des
couts associés à l’utilisation des substances, le 79.3% étant attribuable à
l’alcool et au tabac) [Jürgen Rehm et al, 2002]. En marge des impacts
sociaux mentionnés plus haut, la légalisation de la marijuana est une
solution qui permettrait de réduire significativement une partie des couts
qui sont évitables, notamment, les couts reliés à l’application des lois par les
autorités évalué à 2,335 milliards (Jürgen Rehm et al, 2002). Cela dans une
39
perspective de réorientation des ressources vers un modèle de légalisation
avec un marché régulé et taxé limitant l’accès aux jeunes, le marketing et la
concentration maximale en THC (Caulkins et al. 2012). Tout en évaluant
dynamiquement les résultats des autres pays ayant choisi la même voie et
en adaptant les mesures de contrôle de consommation afin de répondre à
l’objectif primaire visé par ce débat c’est-à-dire la protection de la santé de la
population.
Avis concernant la prise de position et pouvoir
d’action de la FMEQ dans ce dossier
La consommation de marijuana, qu’elle soit légale ou non, fait de plus en
plus partie du quotidien du médecin moderne. Il est donc essentiel que la
FMEQ se penche sur le sujet, afin de s’assurer que ses membres soient
informés et sensibilisés. Cela sera d’autant plus important dans le contexte
de légalisation et/ou décriminalisation à venir. De plus, le plan de
légalisation du cannabis du gouvernement Trudeau soulève de nombreux
questionnements et débats de santé publique en ce qui concerne l’utilisation
du cannabis à des fins récréatives. La FMEQ pourra alors s’assurer que la
santé des populations reste au coeur des travaux à venir et que l’opinion des
étudiants en médecine soit respectée. Le comité-conseil de la FMEQ s’est
penché sur l’utilité de se prononcer sur la question de la légalisation de la
marijuana. Nous considérons qu’une légalisation de la consommation de la
marijuana aurait des impacts sur nos patients et notre future pratique
médicale, et c’est pourquoi nous croyons que la FMEQ devrait être un leader
dans ce dossier. Nous sommes d’avis que la FMEQ devrait s’intéresser à
l’aspect santé publique de ce dossier, plutôt que de s’intéresser à avoir une
position ‘’pour’’ ou ‘’contre’’ la légalisation de la marijuana. Nous croyons
aussi que la FMEQ a un rôle majeur à jouer dans l’éducation de ses
membres et c’est pourquoi nous proposons la création d’un deuxième
document centré sur la formation médicale concernant la prise en charge de
patients consommant de la marijuana. Ce deuxième document pourrait être
40
présenté au Congrès Annuel de la FMEQ en avril 2016 et comprendra une
collection de questionnaires, modèles de prise en charge, impact de la
consommation sur les chirurgies et les interactions avec les médicaments.
Recommandations
i. Que la FMEQ se positionne en faveur de mesures qui
permettront la meilleure application de la loi d’un point de
vue de santé publique et de santé de l’individu.
ii. Dans un contexte de loi qui s’en vient éventuellement, que
les associations-membres considèrent de prendre position
sur des solutions proposées par le comité-conseil ou des
associations-membres de la FMEQ.
iii. Que la FMEQ réalise une recherche approfondie sur la
manière d’inclure la prise en charge de la marijuana dans le
cursus médical.
41
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