7/21/2019 Depretto Genty Sobre FOrmalismo Reseña
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Revue des études slaves
Tynianov Iouri, Formalisme et histoire littéraire, traduit du russe,annoté et présenté par Catherine Depretto-GentyMonsieur le Professeur Jean-Claude Lanne
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Lanne Jean-Claude. Tynianov Iouri, Formalisme et histoire littéraire, traduit du russe, annoté et présenté par Catherine
Depretto-Genty. In: Revue des études slaves, tome 70, fascicule 2, 1998. pp. 513-514.
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COMPTES RENDUS 513
TYNIANOV Iouri,
Formalisme
et histoire littéraire
traduit
du russe, annoté et
présenté par
Catherine
DEPRETTO-GENTY,
Lausanne, L Âge d homme,
1991,
259 pages. ISBN 2-8251-0167-2
Dans l introduction
à
la traduction de
cinq
textes de Jurij
Tynjanov
(les
Archaïstes et
Pouchkine,
Tjutčev
et
Heine,
les
Formes
du
vers
de
Nekrasov,
le
Fait
littéraire
De
l
évolution
littéraire),
Catherine
Depretto justifie son
choix
par le désir,
d une
part de faire connaître un
des
plus grands théoriciens et historiens de la littérature à un public plus vaste que le cercle de
spécialistes auquel se limite pour l instant
son
œuvre, d autre part de
présenter
concrètement
un
des
traits essentiels de la recherche littéraire chez Tynjanov, la coarticulation de la théorie
et
des
études concrètes axées sur
des
problèmes précis de l histoire littéraire russe. Cette
approche, qui
conjoint
théorie et pratique,
abstrait
et
concret, permet
à
Catherine Depretto
de
restituer
la
complexité de l héritage de
l Opojaz dans son
ensemble, qui
trop souvent a été
présenté
en
Occident dissocié
de son environnement concret,
coupé
de son contexte historique
précis, séparé enfin
du
matériau littéraire factuel dont il
n a pas peu
contribué
à
renouveler
l intelligence. L introduction de С Depretto remédie justement à cette carence
d une
présentation
qui restreint l œuvre de Tynjanov à la seule théorie. L A. montre nombreux exemples à
l appui, que
la
théorie,
chez
Tynjanov, n est pas
une
valeur
en
soi mais
l indispensable
auxi-
liatrice
dans
l étude
du
fait
concret
l hypothèse
théorique
éclaire
le fait
mieux
encore,
elle
le
constitue
et en détermine
le
caractère
problématique.
C.
Depretto
retrace
la
carrière de celui
qui
devait
devenir
le
plus grand représentant
de
l école
dite
« formaliste »,
dont le projet
initial fut
d étudier
la
spécificité
du
langage poétique et
elle
montre
avec
finesse et précision la
connexion
de
cette
pensée avec le milieu universitaire
pétersbourgeois au
sein
duquel elle
s est
formée, notamment le séminaire de S.
Vengerov,
l émergence précoce des grands
centres
d intérêt qui
vont
fixer
ultérieurement la recherche tynianovienne (la
période
pouch-
kinienne, Tjutčev, Heine,
la
parodie, les propriétés du
langage poétique, etc.),
l accomplissement du
savant
philologue
dans
les
travaux collectifs de la société pour
l étude du langage
poétique (l Opojaz),
de l enseignant dans les cours
et
séminaires
du GUI, du
créateur enfin
avec la
composition de
romans historiques
qui
placent
Tynjanov au
rang des
plus grands
prosateurs
russes du XXe siècle. C.
Depretto
dégage ensuite les grands axes de
la
recherche
scientifique
de Tynjanov,
en
soulignant
à
la
fois
les
constantes
« opoïaziennes »
de ses
travaux
qui
les rattachent étroitement
à ceux de
ses
collègues comme
V. Šklovskij ou
B. Èjxen-
baum
par exemple
(la recherche de la littérarité
d une œuvre,
l établissement des procédés
qui
constituent
l œuvre
comme
spécifiquement
littéraire),
et l apport personnel de
Tynjanov aux
recherches
du groupe
avec l accent mis résolument sur le sens de l œuvre et son
historicité.
C.
Depretto évoque
en
des
pages denses et
lumineuses l infléchissement
de
la
pensée du grand
«
spécificateur
» vers un
fonctionnalisme
structuraliste qui
intègre
bientôt non sans audace,
la
temporalité
dans
le
fait littéraire en
élaborant un
modèle dynamique de
la construction
verbale
où
chaque
élément se trouve
corrélé à
l intérieur
d un micro-système,
lequel,
à
son
tour
entre en relation
avec
d autres
micro-systèmes
pour former
la grande
«
série
»
littéraire,
laquelle, derechef,
s oppose
systématiquement à d autres
séries... Toutefois,
comme le fait
remarquer justement
C.
Depretto,
l extension
de la notion de système à l histoire a sans doute
le
mérite
méthodologique
d augmenter l intelligibilité
des
phénomènes
littéraires
étudiés,
mais
elle
expose le théoricien
au
reproche
d abstractionnisme gratuit dans la mesure où la
« systémicité »
d une
œuvre n est pas prouvée, encore
moins
celle
de
l évolution
de la série
littéraire. Les concepts
théoriques
ne retrouvent toute leur pertinence que dans leur application
au matériau
concret des œuvres
littéraires
des
notions comme « époque-système
», valeur
fonctionnelle
d une
œuvre
et valeur
fonctionnelle corrélative
du
jugement
du lecteur
contemporain intégré dans le même champ esthétique
que
l auteur
de
la
construction
verbale qui,
par
son interprétation, est
instituée comme «
fait
»
littéraire
toutes ces
notions
démontrent
leur
vertu
herméneutique sur
l exemple du
processus littéraire des années 1810-1830 en
Russie,
marqué par
la lutte entre les partisans des
réformes
de
Karamzin
et
leurs
adversaires, les
« archaïstes ».
Le dernier
chapitre de l introduction analyse les
propriétés du
style scientifique
de
Tynjanov,
fait de
précision, de
rigueur et de laconisme. Il faut féliciter
Catherine Depretto
pour
avoir
su préserver
et
rendre
dans
sa
traduction
limpide
et
rigoureuse,
les
qualités
saillantes
de ce
style en écartant résolument pour
les mots techniques ou scientifiques
du vocabu-
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514
CHRONIQUE
BIBLIOGRAPHIQUE
laire « opoïazien »
la
solution
facile des néologismes
disgracieux qui
obscurcissent la
pensée
de l auteur au
lieu
de l expliquer. C.
Depretto trouve
toujours
des
équivalents justes et
élégants
qui
rendent la lecture de
ces
textes
difficiles accessible,
selon ses vœux mêmes, à un
large
public, sans que
soient
sacrifiées un instant la complexité et la
subtilité d une
pensée
scientifique
éminemment
dialectique
et
rigoureuse
dans son expression.
Jean-Claude
LANNE
WEINSTEIN
Marc, Tynianov
ou
la
poétique
de la relativité,
Saint-Denis,
Presses universitaires
de
Vincennes
(Essais
et
savoirs),
1996, 223 pages,
bibliographie. ISBN
2-910381-45-5
L ouvrage de
Marc
Weinstein, Tynianov
ou la poétique de la relativité, se
divise
en
deux
parties, dont la
première, intitulée « La poétique
de la relativité
»
se
subdivise à
son tour
en trois chapitres (« Approches », « La poétique-poïétique selon Tynianov », «
Bilan
les
enjeux
de
la
théorie de
la relativité
»). La dernière partie
est constituée
par
la
traduction de
trois
articles
de Tynjanov, inédits jusqu alors en
français. Comme le souligne Jacqueline
Fontaine
qui
a
préfacé
le
livre
le propos
de
Marc
Weinstein
est
ambitieux
puisque
l A.
s est
fixé la lourde tâche
de
dégager la
sémantique
générale
du
système théorico-critique
d un
des
esprits les plus aigus de l école
dite
formaliste, Jurij Tynjanov.
Marc
Weinstein invite ses
lecteurs à le suivre dans son
exposé
minutieux et érudit
du
système de la
poétique
tyniano-
vienne,
tout entière orientée vers
la mise
en évidence du
principe
constructif
de la littérature
son
esthéticité. Marc Weinstein relève, d entrée de jeu,
le
caractère «
spécificateur
» et
l historicité de
la
démarche
tynianovienne,
deux traits majeurs qui font l originalité de
la
théorie
élaborée par
le grand
formaliste et l actualité de
sa méthode.
Là
réside sans
nul
doute le
mérite principal
du
travail de l auteur
montrer
la
fécondité
des concepts élaborés par
Tynjanov, leur valeur opératoire pour la poétique et la critique
littéraires
encore
aujourd hui,
en
France par
exemple. Pour
appuyer sa démonstration, M. Weinstein n hésite pas à «
actualiser » les exemples donnés par Tynjanov, presque
tous
tirés de la littérature russe, en leur
trouvant des équivalents dans le paysage de la culture française. Ainsi est amplement confirmée
ľ
énergie
»
intrinsèque
des outils
conceptuels
forgés
par
le théoricien
à partir
de
l étude
concrète
d un
matériel
factuel
impressionnant.
Rappelons
brièvement les
grands moments de
l argumentation tynianovienne, telle
que
la
reconstruit savamment et
scrupuleusement
l auteur 1)
l idéalité du phénomène
littéraire
comme rapport
abstrait
entre principe
constructif
et
matériau ;
2) La
relativité
de
ce
rapport qui
ne peut
être qu historiquement perçu à
l intérieur
d une époque-système, d une
synchronie
d auteurs
et de lecteurs.
Marc Weinstein
analyse
successivement dix-huit
points
nodaux de
la
poétique de Tynjanov, dans leur ordre
chronologique d émergence. Les temps
forts
de cette analyse sont constitués par l examen
des rapports
prose/poésie, de
la
notion
de genre,
de
la
distinction entre
évolution
et genèse, de l intrusion
de
l histoire
dans le
système
et
de la
possible systémicité de
l histoire
littéraire elle-même.
Au
terme de cette passionnante reconstitution
du système
poétique tynianovien (car Tynjanov
lui-
même n a jamais donné de description théorique
expresse
de ses
concepts
et de leur
agencement),
M.
Weinstein
dresse
un
bilan
de
son enquête, qui
fait
apparaître
l extrême
fécondité
et
la pertinence actuelle de cette conception
du
littéraire sous forme de
thèses-conjectures,
dans
lesquelles la prudence de
l épistémologue
s allie à la
sagacité
de l historien. L ouvrage de
Marc
Weinstein est un des livres les plus
intellectuellement
stimulants jamais écrits sur un
sujet
apparemment aussi rébarbatif que
l étude du
« territoire
métalittéraire
» et ce n est
certes
pas
son
moindre mérite que
d avoir
su démontrer
avec
une
telle
force et une
telle
clarté la
« prégnance »
du
paradigme
aristotélicien
dans la pensée
philologique
russe
du
début de ce
siècle.
De
ce
point de
vue,
et de beaucoup d autres
également, le
travail de Marc
Weinstein
est pour reprendre
la formule
de
la
préfacière, largement
couronné
de
succès.
Jean-Claude
LANNE