Décentralisation de l’éducation secondaire au Burkina Faso : perspectives et expériences
d’appropriation des Directeurs Régionaux et des Chefs d’Établissements Secondaires Publics
Charles Karosy Bamouni
Thèse soumise à la Faculté des études supérieures et postdoctorales dans le cadre des exigences
du programme de doctorat en Administration Éducationnelle et Fondements.
Faculté des études supérieures et postdoctorales
Université d’Ottawa
© Charles Karosy Bamouni, Ottawa, Canada, 2013
i
Résumé :
La recension des écrits tend à démontrer que la mise en œuvre réussie de la
décentralisation dépend de l’appropriation du changement par les principaux acteurs. La présente
étude exploratoire et qualitative vise à explorer l’appropriation de la réforme de décentralisation
auprès des cadres scolaires du ministère des enseignements secondaires et supérieur du Burkina
Faso. L’analyse a porté sur la manière dont les participants intègrent les « réalités substantielles »
de la décentralisation dans leur gestion quotidienne et s’attache à répondre à la question
suivante : Comment les directeurs régionaux et les chefs d’établissements secondaires publics du
Burkina Faso s’approprient leurs prérogatives et actualisent leurs pratiques de gestion ?
Le but de la recherche étant de comprendre le vécu et le ressenti des cadres scolaires, la
collecte des données s’est faite selon diverses techniques qualitatives, entrevue semi-directive,
observation et collecte de documents d’archives, auprès de huit participants.
L’analyse des données a permis de découvrir que les participants adhèrent aux réformes
de décentralisation. Ils perçoivent de façon pertinente leur démarche appropriative. Les
principaux aspects liés à l’appropriation du changement se rapportent à : a) une bonne
connaissance des textes, des personnes et de soi; b) un développement de nouvelles compétences
et attitudes; c) et un ajustement perpétuel aux exigences nouvelles et au contexte.
Il ressort de l’analyse comparée de l’appropriation et de la mise en œuvre de la
décentralisation des récurrences convergentes et divergentes entre les participants. De façon plus
détaillée, les résultats indiquent que leur démarche appropriative est sous-tendue par des facteurs
individuels, législatifs et contextuels.
ii
Cette recherche contribue également à informer le monde scientifique et les décideurs
politiques sur les difficultés qu’éprouvent les cadres scolaires en matière de gestion et
d’appropriation du changement. À cet égard, elle retrace la manière dont les participants à
l’étude y font face.
Mots-clés : décentralisation, éducation, implantation, appropriation, prérogatives, cadres
scolaires, méthode qualitative, pratiques de gestion.
iii
Remerciements
Le processus doctoral demeure une expérience inédite et son succès exige un
dépassement personnel. Cela demande de la croyance envers son propre potentiel, du courage, de
la détermination et l’accompagnement des membres du comité de thèse.
Au cours des dernières années, j’ai côtoyé des étudiants au programme de doctorat, des
professeurs d’université compétents, généreux et aussi stimulants. À vous tous avec qui j’ai
grandement appris j’adresse mes sincères remerciements.
Mes remerciements vont également à mon directeur de thèse, Monsieur Richard Maclure,
professeur titulaire à la faculté d’éducation de l’université d’Ottawa. Mon cher Maclure acceptez
ici l’expression de ma profonde gratitude pour votre engagement, disponibilité, rigueur, sens de
la critique constructive, sans oublier votre soutien moral et vos engagements constants qui m’ont
permis de surmonter les obstacles divers comme le découragement, la procrastination, tout au
long de ce long cheminement et, de mener à terme cette recherche.
J’exprime ma reconnaissance aux différents membres de mon comité de thèse et
membres de jury, Raymond LeBlanc, Michel Saint-Germain et Natalie Bélanger qui m’ont
permis de partager leur riche expérience scientifique. Tout au long des différentes étapes de cette
recherche, j’ai bénéficié de votre collaboration remarquable et de votre exceptionnelle
disponibilité.
iv
Ma gratitude va aussi aux différentes autorités politiques et administratives du Ministère
des enseignements secondaires, supérieur et de la recherche scientifique (MESSRS) du Burkina
Faso qui m’ont facilité l’accès aux différents sites de collecte des données.
Merci à Monsieur Dieudonné Gnoulla et famille pour avoir accepté de m’héberger
pendant trois semaines et pour la célébration de mon succès. À ce propos, je tiens aussi à
remercier Monsieur Boniface Kaboré et famille.
Je ne peux également passer sous silence la collaboration des membres de ma famille et
leur grande compréhension. À mon épouse Germaine Bamouni/Birba, pour ta compréhension, ta
grande patience et tolérance, ton soutien durant mon cheminement, reçois ma gratitude. Quant à
vous mes chers enfants, Bérakha et Elnatane, sachez que j’ai toujours été submergé de peine à
chacune de mes absences en famille ces années durant et il me fait plaisir de vous dire que ce
succès est aussi le vôtre.
Ma gratitude s’adresse finalement à tous ceux et celles qui ont contribué de quelque
manière que ce soit au succès de ce long et dynamique processus de recherche doctorale, à son
Excellence, Monsieur Djibril Ypéné Bassolé, Ministre d’État, Ministre des Affaires Étrangères et
de la Coopération Sous-régionale (MAE-CR) pour son soutien moral et financier lors de
moments difficiles, à mes parents, Lazare et Tanga Marie, pour leurs prières et leur présence
spirituelle.
v
Dédicace
Je dédie cette thèse :
À ma mère, pour son amour inconditionnel et son dévouement à
l’épanouissement de ses enfants;
À mon épouse, avec qui je vis l’amour au quotidien;
À mes enfants Bérakha et Elnatane, avec qui je vis
l’appropriation du rôle de père au quotidien;
À mon directeur de thèse, avec qui je
chemine dans la recherche des années
durant.
vi
Table des matières
RÉSUMÉ : .............................................................................................................................. I
REMERCIEMENTS ............................................................................................................. III
DÉDICACE ............................................................................................................................ V
LISTE DES TABLEAUX ......................................................................................................... X
LISTE DES FIGURES .......................................................................................................... XI
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES ................................................................................ XII
INTRODUCTION ...................................................................................................................1
1. APPROPRIATION DE LA DÉCENTRALISATION .............................................................................................. 1 2. JUSTIFICATION DE LA RECHERCHE ............................................................................................................ 3 3. DIMENSIONS IMPORTANTES DE LA RECHERCHE ........................................................................................ 4 4. ORGANISATION DE LA THÈSE ......................................................................................................................... 7
PREMIÈRE PARTIE : REVUE DE LA LITTÉRATURE, PROBLÉMATIQUE ET CADRE
THÉORIQUE ........................................................................................................................ 9
CHAPITRE I : DÉCENTRALISATION DE L’ÉDUCATION EN AFRIQUE, COURANTS DE
PENSÉE, ............................................................................................................................. 10
GENÈSE ET EXPÉRIENCES DE MISE EN ŒUVRE ............................................................. 10
1.1. COURANTS DE PENSÉE ET THÉORIES GÉNÉRAUX ................................................................................. 10 1.1.1. Courants de pensée de la décentralisation ................................................................................ 11 1.1.2. Approches et théories généraux sur la décentralisation ......................................................... 13 1.1.3. Formes de décentralisation ....................................................................................................... 14
1.2. GENÈSE DE LA DÉCENTRALISATION EN AFRIQUE ET AU BURKINA FASO .............................................. 17 1.3. EXPÉRIENCES DE MISE EN ŒUVRE DE LA DÉCENTRALISATION ............................................................. 19
1.3.1. Insuffisances, contraintes et réalités ....................................................................................... 20 1.3.2. Rôle des responsables administratifs ....................................................................................... 23 1.3.2.1. Rôle des acteurs intermédiaires ........................................................................................... 27 1.3.2.2. Rôle des chefs d’établissements .............................................................................................28 1.3.3. Conditions de succès de la mise en œuvre de la décentralisation........................................... 32
CHAPITRE II : PROBLÉMATIQUE, QUESTION DE RECHERCHE ET CADRE THÉORIQUE
DE L’ÉTUDE ..................................................................................................................... 36
2.1. PROBLÉMATIQUE ...................................................................................................................................... 36 2.1.1. Pertinence de la recherche .............................................................................................................38 2.1.2. Objet de la recherche ..................................................................................................................... 39
2.1.2.1. Objectif général ........................................................................................................................................ 39 2.1.3. Question de recherche ................................................................................................................... 40
2.1.3.1. Questions spécifiques .............................................................................................................................. 40 2.2. CADRE THÉORIQUE ................................................................................................................................... 42
2.2.1. Concepts et nature des prérogatives en éducation ...................................................................... 42 2.2.1.1. Notion de prérogative .............................................................................................................................. 42 2.2.1. 2. Nature des prérogatives en éducation ................................................................................................... 43
2.2.1.2.1. Prérogatives des structures intermédiaires .................................................................................... 44 2.2.1.2.2. Prérogatives des chefs d’établissements ........................................................................................ 44
2.2.2. Concept d’appropriation ............................................................................................................ 46
vii
2.2.3. Perspective compréhensive ........................................................................................................... 49 2.2.3. 1. Dimensions .............................................................................................................................................. 51
2.2.4. Perspectives appropriatives ......................................................................................................... 55 2.2.4.1. Phases d’appropriation .......................................................................................................................... 55 2.2.4.2. Formes d’appropriation .......................................................................................................................... 60
2.2.5. Lien entre problématique et cadre théorique .............................................................................. 63
DEUXIÈME PARTIE : CADRE MÉTHODOLOGIQUE .......................................................... 69
CHAPITRE III : MÉTHODOLOGIE ..................................................................................... 70
3.1. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE .......................................................................................................... 71 3.1.1. Justification du choix méthodologique ........................................................................................ 72 3.1.2. Expérience appropriative ............................................................................................................. 73
3.2. COLLECTE DES DONNÉES .......................................................................................................................... 74 3.2.1. Choix des sites et des participants ................................................................................................ 75 3.2.2. Choix des outils de collecte des données ................................................................................... 77 3.2.2.1. Description des outils de collecte des données ..................................................................... 78
3.2.2.1.1. L’observation ............................................................................................................................... 78 3.2.2.1.2. Les entrevues .................................................................................................................................. 79
3.2.3. Transcription et validation des récits .......................................................................................82 3.2.4. Données secondaires ..................................................................................................................82 3.2.5. Le journal de bord ..................................................................................................................... 84
3.3. DÉROULEMENT DE LA COLLECTE DES DONNÉES ................................................................................. 84 3.4. LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE L’ANALYSE DES DONNÉES ..................................................................... 88 3.5. CRITÈRES DE SCIENTIFICITÉ ............................................................................................................... 94
TROISIÈME PARTIE : CONTEXTUALISATION ET PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ..... 98
CHAPITRE IV : CONTEXTUALISATION ............................................................................. 99
4.1. PRÉSENTATION DU BURKINA FASO................................................................................................... 100 4.1.1. Évolution historique et politique ............................................................................................. 100
4.2. LA LÉGISLATION RELATIVE À LA DÉCENTRALISATION ........................................................................ 106 4.3. ORGANISATION DU TERRITOIRE ....................................................................................................... 107
4.3.1. Les collectivités territoriales .................................................................................................... 107 4.3.1.1. Les circonscriptions administratives ............................................................................................. 109
4.4. STRUCTURE DU SYSTÈME ÉDUCATIF ................................................................................................. 110 4.5. POLITIQUES ÉDUCATIVES ET DÉCENTRALISATION AU MESSRS ........................................................ 114
4.5.1. Politiques éducatives ................................................................................................................ 114 4.5.2. Décentralisation au MESSRS ................................................................................................... 115
4.5.2.1. Structure du MESSRS ..................................................................................................................... 117 4.5.3. Prérogatives des Directeurs Régionaux ................................................................................. 120 4.5.4. Prérogatives des Chefs d’établissements Secondaires Publics .............................................. 122
CHAPITRE V : LE PROCESSUS D’APPROPRIATION DES DIRECTEURS RÉGIONAUX ...128
5.1. CARACTÉRISTIQUES PROFESSIONNELLES ET PERSONNELLES DES DIRECTEURS RÉGIONAUX ...................... 128 5.2. RÉFLEXIONS SUR LA DÉCENTRALISATION ET COMPRÉHENSIONS DE LEUR RÔLE ....................................... 130
5.2.1. Perceptions positives .................................................................................................................... 130 5.2.2. Perceptions négatives .................................................................................................................. 135
5.3. ATTENTES DES DIRECTEURS RÉGIONAUX................................................................................................. 140 5.4. ACTIONS D’APPROPRIATION DES DIRECTEURS RÉGIONAUX ET D’EXERCICE DE LEURS PRÉROGATIVES ....... 142 5.5. DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES DIRECTEURS RÉGIONAUX ............................................................... 152
viii
CHAPITRE VI : LE PROCESSUS D’APPROPRIATION DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENTS . 159
6.1. CARACTÉRISTIQUES PROFESSIONNELLES ET PERSONNELLES DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENTS .................... 159 6.1.1. Profil individuel ........................................................................................................................... 160
6.2. PERSPECTIVES DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENTS ........................................................................................ 163 6.2.1. Perceptions positives des CES ..................................................................................................... 163 6.2.2. Perceptions négatives des CES .................................................................................................. 166
6.3. ATTENTES DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENTS ............................................................................................... 171 6.4. ACTIONS D’APPROPRIATION DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENTS .................................................................... 173 6.5. DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES CHEFS D’ÉTABLISSEMENTS ............................................................. 181
QUATRIÈME PARTIE : INTERPRÉTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS .............. 190
CHAPITRE VII : ANALYSE COMPARATIVE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS ............... 191
7.1. RAPPEL DE L’OBJECTIF DE LA RECHERCHE ET DES PRINCIPAUX RÉSULTATS .............................................. 191 7.1.1. Objectifs de l’étude ........................................................................................................................ 191 7.1.2. Questions spécifiques ............................................................................................................... 192 7.1. 3. Rappel des principaux résultats ................................................................................................. 192
7.2. ANALYSE COMPARATIVE DES ASPECTS D’APPROPRIATION ENTRE LES DEUX GROUPES ............................... 194 7.2.1. Perceptions des participants ....................................................................................................... 194
7.2.1.1. Convergences entre DR.......................................................................................................................... 194 7.2.1.2. Divergences entre DR ............................................................................................................................. 195 7.2.1.3. Convergences entre CES ....................................................................................................................... 196 7.2.1.4. Divergences entre CES .......................................................................................................................... 196 7.2.1.5. Convergences entre DR et CES .............................................................................................................. 197 7.2.1.6. Divergences entre DR et CES ................................................................................................................. 197
7.2.2. Les attentes des participants....................................................................................................... 198 7.2.2.1. Convergences entre DR ........................................................................................................................ 198 7.2.2.2. Divergences entre DR ........................................................................................................................... 198 7.2.2.3. Convergences entre CES ....................................................................................................................... 198 7.2.2.4. Divergences entre CES .......................................................................................................................... 198 7.2.2.5. Convergences entre DR et CES ............................................................................................................. 199 7.2.2.6. Divergences entre DR et CES............................................................................................................... 199
7.2.3. Comportements d’appropriation des participants ................................................................... 201 7.2.3.1. Convergences entre DR ......................................................................................................................... 201 7.2.3.2. Divergences entre DR .......................................................................................................................... 201 7.2.3.3. Convergences entre CES ....................................................................................................................... 202 7.2.3.4. Divergences entre CES .......................................................................................................................... 203 7.2.3.5. Convergences entre DR et CES ............................................................................................................. 203 7.2.3.6. Divergences entre DR et CES............................................................................................................... 204
7.2.4. Difficultés rencontrées par les participants.............................................................................. 205 7.2.4.1. Convergences entre DR ......................................................................................................................... 205 7.2.4.2. Divergences entre DR .......................................................................................................................... 205 7.2.4.3. Convergences entre CES ....................................................................................................................... 206 7.2.4.4. Divergences entre CES .......................................................................................................................... 206 7.2.4.5. Convergences entre DR et CES ............................................................................................................. 206 7.2.4.6. Divergences entre DR et CES .............................................................................................................. 207
7.3. DISCUSSION : INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS EN LIEN AVEC LA LITTÉRATURE .................................... 208 7.3.1. Perspectives compréhensives de la décentralisation ................................................................ 209
7.3.1.1. Importance de la perception et des attentes des participants ............................................................. 209 7.3.2. Perspectives appropriatives des participants ............................................................................211
7.3.2.1. Actions et démarches d’appropriation .................................................................................................. 211 7.3.2.2. Phases et formes d’appropriation ..........................................................................................................213
ix
7.3.2.3. Difficultés rencontrées ........................................................................................................................... 217 7.4. IMPLICATIONS THÉORIQUES ................................................................................................................... 218
7.4.1. Implications pratiques ................................................................................................................ 220 7.4.1.1. Implication pour le MESSRS ..................................................................................................................221 7.4.1.2. Implication pour les directions régionales ........................................................................................... 222 7.4.1.4. Implication au niveau des établissements ............................................................................................ 222
7.5. CONTRIBUTIONS ET LIMITES DE LA RECHERCHE ...................................................................................... 223 7.5.1. Contributions de la recherche ...................................................................................................... 223 7.5.2. Limites de la recherche ................................................................................................................224
7.6. NOUVELLES PISTES DE RECHERCHE ........................................................................................................ 225
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................... 226
RÉFÉRENCES ................................................................................................................... 229
ANNEXE 1 : LETTRE AUX DR ......................................................................................................................... 249 ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE SOCIODÉMOGRAPHIQUE ................................................................................... 251 ANNEXE 3 : GRILLE D’OBSERVATION .............................................................................................................. 252 ANNEXE 4 : GUIDE D’ENTREVUE .................................................................................................................... 253 ANNEXE 5 : FEUILLE DE PRISE DE NOTES ....................................................................................................... 254 ANNEXE 6 : CALENDRIER DE LA COLLECTE DES DONNÉES JANVIER À AVRIL 2010 ..........................................263
x
Liste des tableaux Tableau 1: prérogatives transférées en éducation ......................................................................... 46
Tableau 2: principales dimensions de l'appropriation ................................................................... 54
Tableau 3: synthèse des différentes formes d’appropriation ........................................................ 63
Tableau 4: Liste des documents d'archives collectés .................................................................... 99
Tableau 5: directions régionales du MESSRS ............................................................................ 116
Tableau 6: profil des DR ayant participé à l'étude ...................................................................... 129
Tableau 7: Attitudes utiles à l’appropriation et à l’exercice des prérogatives des DR ............... 150
Tableau 8: compétences nécessaires à l'appropriation ................................................................ 150
Tableau 9: synthèse des principaux résultats de l'analyse sur les DR ........................................ 158
Tableau 10: profil des participants, chefs d’établissements, à l'étude ........................................ 162
Tableau 11: attitudes et compétences utiles à l'appropriation des CES ...................................... 180
Tableau 12: synthèse des principaux résultats des CES participants ......................................... 187
Tableau 13: suite synthèse des principaux résultats des CES participants ................................ 188
Tableau 14: suite synthèse des principaux résultats des CES participants ................................ 189
Tableau 15: Convergences et divergences entre les participants en termes de perspectives ...... 200
Tableau 16: synthèse des convergences et divergences en termes de comportement
d'appropriation entre les participants .......................................................................................... 204
Tableau 17: convergences et divergences entre participants en termes de difficultés ................ 207
xi
Liste des figures
Figure 1: problématique et intérêt de la recherche ------------------------------------------------------------------- 41
Figure 2: Processus d'appropriation selon De Vaujany (2005) ---------------------------------------------------- 56
Figure 3: Les marches de l'appropriation (d'après Depover et Strebelle, 1996, revu par Paquelin, 1999) 57
Figure 4: Les phases de la dynamique d'appropriation (d'après Paquelin, 2010) revues par Bamouni ---- 58
Figure 5: dynamique systémique des interactions -------------------------------------------------------------------- 61
Figure 6: cadre théorique d’analyse de l'appropriation des prérogatives auprès des DR et de CES -------- 67
Figure 7: démarche méthodologique ------------------------------------------------------------------------------------ 70
Figure 8: approche méthodologique ------------------------------------------------------------------------------------- 71
Figure 9: structure actuelle du système éducatif --------------------------------------------------------------------- 113
Figure 10: organisation du territoire et structure déconcentrée du MESSRS ---------------------------------- 119
Figure 11: l'appropriation des DR sous forme de schéma --------------------------------------------------------- 151
xii
Liste des sigles et acronymes
AN : Assemblée nationale
APE : Association des Parents d’Élèves
BAD : Banque Africaine de Développement
BM : Banque Mondial
C.G. : Comité de Gestion
CA : Circonscription Administrative
CAPES : Certificat d’Aptitudes Pédagogiques de l’Enseignement Secondaire
CE : cours élémentaire
CE : Cours Élémentaire
CENI : Commission électorale nationale indépendante
CENI : Commission Électorale Nationale Indépendante
CES : chef d’établissement secondaire
CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales
CM : cours moyen
CMRPN : Comité militaire de redressement pour le progrès national
CND : Commission Nationale de la Décentralisation
CND : Commission Nationale de la Décentralisation
CNR : Conseil national de la révolution
CP : cours Préparatoire
CP : cours préparatoire
CPDLC : Conférence des proviseurs et directeurs des lycées et collèges
CSC : Conseil supérieur de la communication
CSC : Conseil Supérieur de la Communication
CSFA : Conseil Supérieur des Forces Armées
CSMOD : Cadre Stratégique de Mise en Œuvre de la Décentralisation
CSP : comité de salut du peuple
CSP : Comité du Salut du Peuple
CT : Collectivité Territoriale
DA : décentralisation administrative
DEA : Diplôme d’Études Approfondies
DEFT : Directeur d’établissement et de Formation Technique
DEUG : diplôme d’études universitaires générales
DP : décentralisation politique
DP : Direction Provinciale
DR HB : Direction régionale des Hauts-Bassins
DR : Directeur Régional
DR : directeur régional
DRCO : Direction régionale du centre-ouest
xiii
DRH : Directeur des Ressources Humaines
DRH : Directeur des Ressources Humaines
EB : Éducation de Base
EBF : Éducation de Base formelle
EF : Éducation formelle
EI : Éducation Informelle
ENF : Éducation non formelle
EPP : Éducation post-primaire
EPP : Éducation Post-Primaire
ES : Éducation secondaire
ES : Éducation Spécialisée
FMI : Fonds monétaire international
FONER : Fonds National pour l’Éducation et la Recherche
FP : front populaire
IFI : Institutions Financières Internationales
MASSN : Ministère de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale
MASSN : Ministère de l’action sociale et de la solidarité nationale
MD/ETP : Ministre délégué à l’enseignement technique et professionnel
MEBA : Ministère de l’enseignement de base et de l’alphabétisation
MESS : Ministère de l’Enseignement Secondaire et Supérieur ;
MESSRS : ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique
OIT : Organisation internationale du travail
ORD : Organisme Régional de Développement
PEPP : Projets Enseignement Post-Primaire
PL : Proviseur de lycée
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PTF : Partenaires Techniques et financiers
RDA : Rassemblement Démocratique Africain
RDP : Révolution démocratique et populaire
SG : secrétaire général
TOD : Textes d’Orientation de la Décentralisation
TOD : Textes d’Orientations de la Décentralisation
UNAPES-B : Union Nationale des Parents d’élèves du Secondaires du Burkina
UNICEF: United Nations Children’s Fund
USUBF : Union des sports scolaire et universitaire du Burkina Faso
1
Introduction
1. Appropriation de la décentralisation
De nombreuses politiques et réformes éducatives ont marqué les dernières décennies dans
les pays du Nord comme ceux du Sud (Lessard et al. 2008). Mais qu’advient-il de ces politiques
et de ces réformes éducatives ? Comment sont-elles reçues par les acteurs sur le terrain, au
premier chef les acteurs intermédiaires et les chefs d’établissements scolaires ? Que savons-nous
de l’appropriation de ces réformes, des facteurs de réussite comme ceux pouvant constituer des
obstacles ? L’état des lieux est celui d’une production scientifique et non scientifique pléthorique
s’efforçant de rendre compte d’un processus complexe, polysémique, relatif et
multidimensionnel.
Il importe donc de prendre en compte l’hétérogénéité des situations en matière de
décentralisation, hétérogénéité dont seules des analyses concrètes sont susceptibles de rendre
compte. Il convient aussi de souligner le flou conceptuel qui préside à des décentralisations
« conçues ailleurs » (Le Bris et Paulais, 2007).
Les travaux récents ont volontiers mis l’accent sur l’articulation entre décentralisation et
appropriation des prérogatives en insistant sur les divergences de perception entre les différents
acteurs internes et la nécessité d’exercer un leadership renouvelé (Odden, 1991; Lessard et al
2008). La présente recherche, tout en poursuivant le travail de formation du point de vue des
acteurs, s’attache à répondre aux questions suivantes : quelle sens les cadres scolaires du
MESSRS, en occurrence les directeurs régionaux (DR) et les chefs d’établissements secondaires
publics (CES), donnent aux réformes en cours ? Comment s’y prennent-ils pour s’approprier
leurs nouvelles prérogatives, selon quelles modalités et dans quelles conditions?
2
Cette étude n’a pas la prétention d’épuiser un sujet aussi complexe que celui de la mise
en œuvre de la décentralisation. Notre ambition est d’apporter une contribution nouvelle au
regard des résultats révélant des situations disparates et des pratiques plus ou moins éloignées
des objectifs initiaux de la décentralisation (Lessard et al. 2008). Cette finalité s’avère pertinente
puisqu’elle pose la problématique de la liberté d’action que les acteurs conquièrent en
interprétant les textes de réformes. De ce fait elle est étroitement liée à l’importance de
l’appropriation qui devient un cadre définissant l’action des responsables administratifs sur le
terrain.
D’une manière générale, on peut affirmer que le champ éducatif burkinabé, à l’instar des
systèmes des pays africains, subit des politiques de décentralisation (Carnoy, 1999; Lessard,
2006). Cette diversité de normes telle que l’éclatement des centres de décision et les nouveaux
rapports entre acteurs méritent une analyse approfondie (Lange, 2003).
À bien des égards, les acteurs ne sont pas que des exécutants de choix politiques venus
d’en haut (Fisette et Raffinot, 2010). Au contraire, « ils tirent des leçons de leurs expériences sur
ce qui est faisable ou non, apprennent, tentent de corriger ou de masquer leurs erreurs, etc. » (p
17). Ainsi, les acteurs internes jouent un rôle essentiel dans l’appropriation locale des politiques
de décentralisation.
Ce faisant, cette recherche s’oriente dans des domaines qui sont à peine défrichés
singulièrement celui de l’appropriation des prérogatives que confère la décentralisation aux
structures administratives.
3
Cet intérêt d’étude dépasse donc le cadre d’investigation habituel de mise en œuvre des
réformes de décentralisation en éducation. Ce qu’il importe de souligner, c’est que cette
recherche entend mettre l’accent sur les modalités d’appropriation des réformes par les acteurs à
partir de leur expérience quotidienne. Cette tentative originale contribuera à éclairer la
communauté scientifique sur les comportements d’appropriation du changement en éducation.
2. Justification de la recherche
Manifestement, la revue de la littérature témoigne que peu de recherches prennent en
considération les dimensions de l’appropriation des réformes de décentralisation. Dans le
domaine de l’éducation, il n’y a pas à notre connaissance d’études de grande envergure
consacrées explicitement à l’appropriation des politiques éducatives par les acteurs concernés.
Plusieurs études se sont davantage souciées de l’impact des politiques de décentralisation
(Dupriez, 2005; Lessard et al. 2008), mais peu se sont intéressées à l’appropriation de ces
politiques (Lessard et al. 2008). Elles relèguent ainsi au second plan les phases d’implantation et
de suivi. Or, constatent Lessard et al. :
« dans plusieurs secteurs institutionnels, les
politiques de décentralisation, si bien pensées
soient-elles, « atterrissent » mal sur le terrain des
pratiques et […] y perdent beaucoup de leur sens et
par là de leurs effets recherchés » (p.156).
À ce jour, en occident tout comme en Afrique, le récit des réformes éducatives est
souvent celui d’espoirs déçus (Lessard et al. 2008). Ces critiques ne sont pas étrangères à la
vision pessimiste de la décentralisation en éducation. C’est dans ce contexte de désillusions et de
perceptions négatives que cette recherche tente d’accorder une importance au sens du
changement et aux actions menées par les cadres scolaires dans le domaine de l’éducation afin
de mieux comprendre l’implantation de la décentralisation au MESSRS.
4
L’analyse de l’appropriation des prérogatives représente donc une perspective théorique
et pratique de recherche complémentaire voire inclusive. Cette étude permet d’explorer et
d’interpréter les actions des DR et des CES dans le respect des particularités du contexte
burkinabé et du MESSRS. Elle nous assure une connaissance concrète de la réalité appropriative
de ces cadres scolaires et, d’autre part, peut favoriser une certaine réflexivité des participants à
l’étude sur leurs pratiques d’adoption des réformes de décentralisation. Voilà pourquoi de notre
point de vue cette recherche mérite d’être conduite.
3. Dimensions importantes de la recherche
Comme on peut le constater, la présente étude s’inscrit dans le champ de l’analyse de
l’implantation des réformes de décentralisation au MESSRS. Elle rejoint ainsi les analyses
d’auteurs qui questionnent l’appropriation ou la résistance au changement (Champagne et
Ouédraogo, 2008), la mise en œuvre de la décentralisation (Mons, 2004; Leclercq et Vaniscotte
2005). Par ailleurs, les recherches ont jusque là négligé l’analyse des modes d’appropriations
des réformes de décentralisation dans le champ particulier de l’éducation. Or, la prémisse de base
à cette recherche est que la réussite de la mise en œuvre de la décentralisation ne peut se traduire
en pratique que par l’appropriation des prérogatives transférées. Force est de constater que les
chercheurs œuvrant dans ce champ de recherche se sont davantage souciés de la transformation
du rôle des chefs d’établissements (Dupriez, 2005), des directions d’établissements et des
changements dans la gestion (Lessard, 2006), des nouvelles approches dans la gestion des
établissements (OCDE, 2001), etc. Dès lors, il semble intéressant d’aborder la question de
l’appropriation des prérogatives en privilégiant la parole des acteurs agissant comme un relais
afin d’appréhender avec eux la manière dont ils gèrent la mise en œuvre des réformes de
décentralisation.
5
Certes, l’administration des établissements scolaires et celle des directions régionales
doivent s’inscrire dans la continuité, mais elles comportent à bien des égards des ruptures
(Lessard et Brassard, 2006; Lessard, 2008), des enjeux et des défis qui touchent tous les acteurs
du système éducatif secondaire.
Comme le rappelle si bien Depraz (2006, p.40), en référence aux travaux de Peirce
(2002), l’action humaine importe plus que sa représentation idéale. Pour elle, l’appropriation du
changement comporte une :
« dimension transformative de soi et des autres, de
soi par les autres et des autres par soi… (Ce qui
permet) de centrer l’attention sur le processus du
changement du sujet en tant que tel. L’entière
signification (meaning) et la portée significative
(significance), représentent donc du point de vue de
Peirce une primauté ontologique de la
phénoménologie » (www.perlaserfaty.net).
Tout processus d’appropriation requiert donc une transformation majeure des pratiques
administrative, professionnelle et de gestion. La mise en œuvre de la décentralisation n’est
cependant pas l’objet central de cette recherche. Il ne s’agit pas non plus pour nous d’évaluer
l’impact, ni les enjeux de la décentralisation au niveau du MESSRS. L’étude porte bien au
contraire sur les pratiques d’appropriation des DR et des CES en vue de comprendre la manière
dont ces responsables administratifs intègrent cette nouvelle réalité, en termes de comportements
d’adoption du changement.
6
La question centrale consiste à étudier les pratiques d’adoption des réformes de
décentralisation. Autrement dit, la présente recherche se propose de montrer comment les cadres
intermédiaires et les chefs d’établissements scolaires adhèrent aux réformes de décentralisation.
Son intérêt réside dans la dimension contemporaine du processus d’appropriation et tend à
enrichir un champ de connaissances associé aux attitudes d’adoption du changement.
En nous fondant sur cette démarche compréhensive, l’étude poursuit les objectifs
suivants :
1. explorer et répertorier les différentes pratiques appropriatives des participants;
2. distinguer les récurrences, les similitudes, les convergences et les différences dans les
modalités d’appropriation de leurs prérogatives ;
3. analyser les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la décentralisation et la
manière d’y faire face;
finalement, discuter des implications théoriques et pratiques de l’étude et faire état de
ses limites ainsi que les pistes de recherche potentielles.
Ainsi, le choix épistémologique de la démarche qualitative pour analyser la
problématique de l’appropriation des prérogatives des DR et des CES s’explique par le souci
d’obtenir des résultats ayant une portée pratique, plus concrète, particulière, individuelle et
effective (James, 1997). Cette étude exploratoire s’attache principalement à « ouvrir les yeux de
notre esprit » (Depraz, 2006, p.42) sur les caractéristiques de l’appropriation qui se trouvent ne
jamais y faire défaut chez les DR et les CES participants à l’étude.
7
4. Organisation de la thèse
Dans cette perspective, la présente recherche s’articule autour de quatre parties
principales subdivisées en sept chapitres. Dans la première partie, nous proposons une synthèse
de la littérature pertinente sur la mise en œuvre des réformes de décentralisation, formulons la
problématique et le cadre théorique. Dans la deuxième partie, nous présentons le cadre
méthodologique. La troisième partie dresse le contexte spécifique de l’étude et présente les
résultats de l’analyse des perspectives, des attentes et des comportements d’appropriation des
participants. Finalement, la discussion des principaux résultats et leurs implications scientifiques
ainsi que les limites et les nouvelles pistes de recherche viennent clore cette longue et riche
expérience thèse de doctorat.
9
Première partie : Revue de la littérature, problématique et cadre théorique
10
Chapitre I : Décentralisation de l’éducation en Afrique, courants de pensée,
genèse et expériences de mise en œuvre
L’analyse des connaissances scientifiques sur la mise en œuvre des réformes de
décentralisation dans la gestion des services publics, parmi lesquels les services d’éducation,
révèle des résultats variés d’un pays à l’autre. Bien souvent, l’organisation de la gestion des
systèmes éducatifs repose sur des modèles composites (Tchimou, 2008). À ce propos, les pages
suivantes proposent une synthèse des travaux sur les différents types et formes d’appropriation.
Nous nous intéressons non seulement à la diversité d’appropriation structurelle des politiques de
décentralisations, mais encore à l’analyse historique de son implantation en Afrique en général et
au Burkina Faso en particulier.
Aussi, notre analyse sur la mise en œuvre de la décentralisation portera une attention aux
conditions de son succès et au rôle des cadres scolaires. Cette analyse des expériences de sa mise
en œuvre et des effets avérés focalise l’intérêt croissant pour la compréhension du processus
d’appropriation du changement dans le domaine de l’éducation.
Cette question de l’appropriation des réformes de décentralisation par les cadres scolaires
se trouve au cœur de cette recherche exploratoire. Mais avant de nous pencher sur les assises
théoriques utiles à la compréhension du processus d’appropriation, il convient de s’attarder un
instant sur la notion de décentralisation.
1.1. Courants de pensée et théories généraux
La notion de décentralisation n’a rien d’un invariant universel. Elle émerge dans un
contexte précis dont elle cherche à la fois à traduire et à résoudre les difficultés à caractère
administratif, financier et organisationnel de la gestion de l’éducation. C’est ainsi que le
11
vocabulaire administratif l’associe aux concepts de transfert et de délégation. La décentralisation
se trouve constituée d’un ensemble d’éléments, qu’il faut coordonner afin de rendre effective sa
mise en œuvre.
Les caractéristiques d’une décentralisation ne sont peut-être pas aussi évidentes qu’on
peut le penser au premier abord. À ce propos, seuls les textes théoriques, les études descriptives
ou les recherches empiriques peuvent nous éclairer sur ce concept. Mais qu’entend-on par
décentralisation ?
1.1.1. Courants de pensée de la décentralisation
D’une manière générale, la décentralisation se définit comme le processus par lequel le
pouvoir central transfert certaines de ses prérogatives au profit de structures régionales ou locales
(UNESCO, 2007, Lemieux, 2001). Dans cette acception, le concept renvoie à (i) un mode
d’organisation institutionnelle et à (ii) une technique de gestion administrative par laquelle l’État
transfert des postes d'autorité, des compétences et des capacités à des organes plus ou moins
autonomes (Lemieux, 1997 ; Greffe, 2005).
On comprendra alors facilement que la décentralisation peut être assimilée à des
situations, des modèles et des processus variés en fonction des motivations politiques de chaque
pays (Malam Moussa et Ilboudo, 2012). À ces fins, elle désigne le transfert d’autorité et la
distribution du pouvoir public en matière de planification, de management et de prise de décision
du niveau national à des échelons inférieurs du gouvernement (Rondinelli, 1989, Brassard et
Brunet, 1983; Lemieux, 1997; Plante, 2004). Fiske (1996) abonde dans le même sens. Pour lui:
«Decentralization is the process of reassigning responsibility and corresponding decision-making
authority for specific functions from higher to lower levels of government and organizational units» (p 8).
12
Quoi qu’il en soit la décentralisation suppose des structures au sein desquelles des compétences
transférées sont exercées par des acteurs concernés. Le concept d’appropriation devient central dans
l’analyse de sa mise en œuvre. La décentralisation, tout comme son appropriation, se rapporte
obligatoirement à des pratiques concrètes en matière de gestion qui sont autant de missions
essentielles des cadres scolaires.
C’est, dans ce contexte, que les études dans le domaine de l’éducation, associent le
concept de décentralisation à un processus par lequel la gestion de l’école est confiée aux
acteurs scolaires qui sont plus près de la réalité de l’école et qui la vivent quotidiennement (Koffi
et al. 2000, p.41). C’est dire que des prérogatives de gestion afférentes au pouvoir central sont
transférées à une autre autorité régionale, provinciale, locale ou aux écoles elles-mêmes
(UNESCO, 2005). Ces auteurs soulignent ainsi, l’importance du comportement des acteurs qui
donnent une forme concrète aux réformes de décentralisation.
Des lignes qui précèdent et de l’inventaire d’une série de définition du concept de
décentralisation (UNESCO, 2007, Lemieux, 2001, Koffi et al. 2000), nous retenons la définition
suivante : la décentralisation est un ensemble d’éléments qui, articulés entre eux, permettent le
transfert de compétences à des entités ou à des individus plus ou moins autonomes au sein d’un
système éducatif. Ainsi, la notion de décentralisation est étroitement associée à celle de
délégation de prérogatives en matière d’accomplissement de tâches spécifiques de l’État central à
des agents administratifs au niveau régional ou local (Jütting et al. 2005; Mons, 2004). Elle
recouvre donc des réalités juridiques, politiques et administratives multiples qui influencent et
réorganisent l’action des acteurs publics. Enfin, de par sa nature, elle peut se présenter sous
différents types ou prendre des formes diverses.
13
1.1.2. Approches et théories généraux sur la décentralisation
Il existe plusieurs classifications des théories de la décentralisation (Rondinelli et al.
1984. Mills et al. 1991; Polton, 2004). La plupart établissent néanmoins une distinction entre la
décentralisation administrative et la décentralisation politique. Ces deux types de décentralisation
correspondent à des réalités spécifiques dans le cadre de l’exercice du pouvoir.
Du point de vue structurel, la décentralisation administrative implique la création d'un ou
plusieurs niveaux administratifs supplémentaires dotés d'un pouvoir gestionnaire et la délégation
de certaines fonctions administratives à ce ou ces niveaux (Mills & al. 1991). Elle suppose une
répartition des responsabilités entre différents paliers de gouvernement. Ce transfert de
responsabilités vise à rapprocher l’administration de l’administré et à améliorer la fourniture des
services publics (Lemieux, 2001
À l’inverse, on ne peut parler de décentralisation politique, que lorsque le référent, c’est-
à-dire le système d’organisation des structures politiques accorde des prérogatives aux
collectivités territoriales ou à des organismes autonomes dans des domaines d'action publique
(Gontcharoff & Milano, 1987). Très souvent liée au pluralisme politique (Jütting et al. 2005), les
prérogatives conférées aux citoyens ou à leurs élus sont aussi nombreuses que variées. Elles
concernent divers domaines publics comme la prise en charge de l'éducation ou des domaines
multisectorielles (Lemieux, 2001).
En somme, cette classification tient aux prérogatives que la décentralisation confère aux
principaux acteurs et ne doit pas être considérée comme une cloison étanche, car il existe des
liens entre ces deux types, ceux associés par exemple au critère de transfert.
14
À la différence des deux types de décentralisation, l’analyse de la littérature permet de
distinguer également plusieurs formes ou modalités de décentralisation (Lemieux, 1997, 2001;
Mills et al. 1991; Bullock et Thomas, 1997) : la déconcentration, la dévolution, la délégation et la
privatisation ou impartition introduites dans la gestion de l’éducation. Passons maintenant à ces
différentes formes, comme points de repère sur lesquels l’étude peut s’appuyer et se déployer.
1.1.3. Formes de décentralisation
La déconcentration consiste à transférer une certaine part de responsabilités
administratives (Abu-Duhou, 1999) du niveau central à un niveau régional ou autre. Toutefois, le
ministère continue à garder fermement le contrôle des opérations. En règle générale, les
responsables nommés (Abu-Dahou, 1999) sont astreints au respect des mandats qui leur sont
transférés (Polton, 2004) par le ministère et restent sous la tutelle hiérarchique de
l’administration centrale. Forme de transfert de prérogatives la plus atténuée, la déconcentration
est associée au mouvement de transfert de compétence dans l’enseignement public (Caldwell et
Spinks, 1992; McGinn et Welsh, 1999).
Non sans lien avec ce qui précède, la délégation confère certaines prérogatives à des
entités périphériques dont l’autonomie est un peu plus grande que celle des unités déconcentrées
(Lemieux, 1997, 2001 ; Mills et al. 1991). Elle suppose qu’une autorité centrale délègue un
certain nombre de fonctions ou de prérogatives spécifiques à un agent ou une administration qui
dispose d’une grande liberté d’action. Toutefois, la structure bénéficiaire demeure sous le
contrôle indirect du pouvoir central (Abu-Dahou, 1999). La délégation accroît l’autonomie de
gestion (Lemieux, 1997). Dans la plupart des cas, elle est révocable. Le délégant, notamment
15
l’autorité centrale, peut se substituer au délégataire ou à la structure bénéficiaire des prérogatives
transférées. L’exercice des prérogatives déléguées dans un système tient plus de la
déconcentration que de la décentralisation (Adamolekun, 1999).
Dans le cas particulier de la dévolution, elle implique que l’État central transfère certaines
prérogatives décisionnelles de financement et de gestion à des entités non placées sous la tutelle
« directe » du Ministère. Ces entités, par exemple les municipalités, possèdent très souvent un
statut juridique (Abu-Dahou, 1999 ; Lemieux, 2001). D’une part, elle suppose la création ou la
consolidation de services gouvernementaux dont les activités échappent en grande partie au
contrôle direct de l’État central (Abu-Duhou, 1999). D’autre part, elle confère une plus grande
autonomie et indépendance. De sorte que Lemieux (1997) la qualifie de décentralisation
politique. Elle diffère cependant de la privatisation qui autorise le transfert total du pouvoir à des
entreprises privées ou à des particuliers. Certes, dans une dévolution les responsables sont élus
au suffrage universel, mais il existe une relation directe entre les responsables et la population
qui les désignent.
Le plus souvent, la privatisation qualifié de forme radicale de décentralisation (Lemieux,
2001 ; OIT, 2001), induit un transfert d’avoirs, de propriétés, de ressources du secteur public
vers le secteur privé. Pour Lemieux (1997), elle s’apparente plus à une décentration. Même si la
délégation et la dévolution créent des organisations distinctes des structures centrales, elles
demeurent toujours maintenues sous la tutelle des pouvoirs centraux. Le centre peut modifier à
volonté leurs attributions. Alors que dans une privatisation le centre n’a aucun pouvoir “officiel”
de tutelle. Toutefois, il existe une régulation qui s’opère à travers des lois et des règlements.
16
Ajoutons que dans le domaine de l’éducation, la privatisation peut revêtir différentes
formes. Elle peut être globale ou partielle dans le cas de l’impartition qui permet de confier par
contrat certaines activités (transport scolaire) avec un droit de regard. Ainsi, McGinn & Welsh
(1999) distinguent trois modes de privatisation en éducation :
les écoles subventionnées par l’État mais gérées par le secteur privé. La gestion
de ces établissements est soumise aux directives gouvernementales et ils ne
peuvent percevoir des frais de scolarité ;
le second mode comprend des écoles subventionnées et gérées par le privé, avec
une autonomie relative et pouvant percevoir des frais de scolarité limités ;
le dernier modèle de privatisation regroupe les écoles financées par le secteur
privé, et qui ne sont pas soumises au «contrôle» de l’État.
En définitive, dans presque tous les pays il existe une forme quelconque d’enseignement
privé et les différents types de décentralisation peuvent être considérés comme des instances de
gouverne ou d’administration selon leur degré d’autonomie. Si administrer suppose fournir à une
quelconque entité ce dont elle a besoin avec un droit de regard et, si gouverner suppose le respect
des autonomies (Senellart, 1995) alors, la dévolution et la privatisation peuvent être considérées
comme des instances de gouverne tandis que la déconcentration et la délégation peuvent être
considérées comme des instances d’administration. Qu’à cela ne tienne, dans la pratique les
réformes de décentralisation combinent, à des degrés divers, les différents formes et types ci-
dessus, notamment en éducation.
Ce tour d’horizon montre que la notion de décentralisation fait référence à deux fonctions
distinctes, selon qu’elle concerne l’implantation ou la façon d’agir dans un contexte donné. Dans
le premier cas, elle a pour fonction de circonscrire l’ensemble des prérogatives et des actions
17
visant le succès de son implantation. Dans le second cas, la décentralisation a pour fonction de
structurer le rôle des acteurs clés, en particulier celle de l’appropriation. Ces deux fonctions sont
indissociables et se complètent dans la mise en œuvre d’une décentralisation. Elles permettent de
distinguer les obstacles, les insuffisances et les conditions de succès de sa mise en œuvre. Mais
avant d’explorer les contraintes et les conditions nécessaires à son implantation, faisons un bref
rappel historique de son origine en Afrique et au Burkina Faso, contexte géographique de notre
recherche.
1.2. Genèse de la décentralisation en Afrique et au Burkina Faso
La recension des écrits suggère que l’émergence des politiques de décentralisation en
Afrique Subsaharienne coïncide avec celle des programmes d’ajustement structurel (PAS) qui
remontent au début des années 1980. Dans ce contexte de globalisation imposée par les
Institution Financières Internationales (IFI), Fonds Monétaire Internationale (FMI) et Banque
Mondiale (BM) (Ouédraogo, 2003), les PAS deviennent des normes imposées aux pays qui
sollicitent du financement pour leur développement (Ismi, 1998 ; Millet, 2003; Toussaint, 2003;
Zacharie, 2003).
Parmi les critiques les plus courantes, on peut noter que ces plans d’austérité se résument
à un ensemble de mesures peu variables d’un pays à l’autre (Malam Moussa et Ilboudo, 2012) et
se sont traduit sur le plan économique à des réductions des dépenses de l’État et à une baisse
drastique des budgets sociaux jugés non productifs comme l’éducation (Millet, 2003). Les
réformes de décentralisation ne sont donc pas des projets conçus par les pouvoirs centraux.
18
En outre, sur le plan structurel, ces différentes politiques appliquées sans discernement
ont conduit à l’introduction de nouveaux modes d’organisation à travers des réformes
institutionnelles et structurelles (Hallak, 2000; Barroso et al. 2002). La décentralisation dans
l’éducation participe de ces réformes institutionnelles et structurelles prescrites aux pays
concernés dans le cadre des PAS (Carnoy, 1999; Van Zanten, 2004), dont le Burkina Faso.
En revanche, à la faveur des programmes d’ajustement structurel introduits dans les
années 1980 et 1990 (Olowu, 2001), de nouvelles initiatives de décentralisation se montrent sous
un jour nouveau. Comme on le constate, la plupart des pays en voie de développement ont
adopté, de gré ou de force, ces réformes de décentralisation (Work, 2002).
Ces observations sont particulièrement valables pour le Burkina Faso. En effet, plusieurs
auteurs soulignent que la décentralisation a été exclusivement imposée aux pays africains dont le
Burkina Faso (Thede, 2010; Fisette et Raffinot, 2010; Kafimbou et Sanou, 2007). Selon
Kafimbou et Sanou (2007) la décentralisation au Burkina Faso serait « octroyé » et « revendiqué
» en ce sens qu’elle a été engagée par l’État central mais sous de fortes suggestions des bailleurs
de fonds. De façon plus précise, les décideurs politiques, encore moins les citoyens burkinabé ne
sont à l’origine ou à l’initiative des réformes de décentralisation. Ce survol rapide des origines de
la décentralisation au Burkina Faso révélé que ces politiques ne sont pas définies de manière
autonome. Cependant, le succès du changement en jeu repose, entre autres, sur l’action des
cadres scolaires. Comment donc, ces acteurs soutiennent-ils le changement imposé de
l’extérieur?
19
À cette étape de notre analyse nous pouvons conclure qu’une décentralisation a pour but
de spécifier :
les types de compétences ou les fonctions administratives en termes de
prérogatives transférées aux cadres scolaires;
le degré d’autonomie des structures décentralisées;
les mesures relatives à la coordination des entités régionales et locales;
les modalités de structuration du système éducatif;
et finalement, l’organisation des activités scolaires.
Plus précisément, la mise en œuvre de ces fonctions par les cadres scolaires peut prendre
des formes différentes, à travers les interprétations qu’en font les différents acteurs de
l’éducation. Mais également, l’implantation de la décentralisation peut être source de difficultés.
En analysant la littérature, nous distinguons trois ensembles de travaux, à savoir : les contraintes
et les obstacles observées dans sa mise en œuvre, le rôle des principaux acteurs et les conditions
nécessaires au succès de son implantation. La section suivante propose une analyse critique de
cette littérature spécialisée.
1.3. Expériences de mise en œuvre de la décentralisation
La mise en en œuvre de la décentralisation, étape d’implantation au cours de laquelle
différents acteurs, au premier chef les administrateurs intermédiaires et locaux (Lessard, et al.
2008) sont formellement mandatés, s’avère crucial. En clair, la décentralisation est « appliquée »
ou ne l’est pas (Daviau et St-Pierre, 2007). Son implantation pose donc la difficile question de
20
la liberté d’action que celle-ci confèrent aux acteurs en termes d’interprétation des textes. C’est à
ce titre que nous nous intéressons aux contraintes décrites dans la littérature scientifique, en
relevant les problèmes les plus importants qui s’y émergent.
1.3.1. Insuffisances, contraintes et réalités
La revue de la littérature révèle des insuffisances, des obstacles, des contraintes et des
réalités complexes. L’étude de Malam Moussa et Ilboudo (2012) évoque l’absence de formation
et la faible capacité de prise en charge des acteurs. Le manque d’expertises et de compétences
constitue en général des freins à la mise en œuvre de la décentralisation.
Les études révèlent également, que les prises de textes n’ont pas toujours été suivies d’un
transfert effectif des compétences (Raywid, 1990 ; Thomas, 1993; Dario, 2000). Dans certains
cas, le transfert de pouvoirs est insuffisant ou inadéquat (Ribot, 2002). Par exemple, dans une autre
étude menée en 2003 sur l’Afrique subsaharienne, Ribot observe que les institutions locales n’ont pas
bénéficié d’assez de pouvoirs discrétionnaires pour offrir aux citoyens des services efficaces et efficients.
Très souvent, les gouvernements centraux africains sont réticents à partager leurs prérogatives avec les
gouvernements locaux et rechignent, dans bien des cas, à décentraliser certaines prérogatives aux
structures régionales et locales (Jacob, 1998; Olowu, 2003). Particulièrement, le partage des
responsabilités n’est qu’un leurre (Leclercq-Olive et Rochegude, 2001).
Bien avant Dario, Ribot et Olowu, différentes études (Diop et Diouf, 1993; Gentil et
Husson, 1996) témoignaient d’une capture des prérogatives par les élites au niveau local ou par
certains groupes d’intérêts (Bardhan et Mookherjee, 1998; Ouédraogo, 2007). Ainsi, le maintien
des ressources financières et humaines au niveau central (UNESCO, 2002; Le Bris et Paulais,
2007), l’émergence de logique de patronage (Cook, 2003) constituent des influences néfastes
21
auxquelles les différents acteurs sont soumis sur le terrain. Bien évidemment de telles attitudes
s’apparentent à des reflexes de recentralisation (Affichard, 1997) et seraient nuisibles à
l’exécution des prérogatives et partant à la consolidation des structures décentralisées
(Prud’homme, 1995; Paquet, 2005).
Dans bien des cas, le transfert de prérogatives ne mène pas toujours à l’émergence d’un
nouvel espace de pouvoirs locaux (Le Bris et Paulais, 2007). Prud’homme (1995) avait déjà
observé que le transfert de pouvoir dans le domaine de l’éducation n’a pas toujours conduit à une
meilleure gestion des structures éducatives. Dans certains cas, le transfert de prérogatives n’a pas
toujours garanti un bon usage de ces responsabilités (Cheng, 1996). Ainsi, le manque de volonté
politique, l’insuffisance de l’encadrement juridique du processus de transfert des compétences, le
manque de communication en direction des différents acteurs et une expérience erratique en
raison des nombreux changements de régimes (Malam Moussa et Ilboudo, 2012) apparaissent
comme des obstacles.
Plus particulièrement, Dario (2000,) a observé qu’au niveau des différents pays africains :
«La décentralisation des systèmes éducatifs s’est
traduite de manière générale par la création
d’échelons intermédiaires comme les directions
régionales de l’éducation ou les inspections
d’académie, avec les services associés, mais sans
qu’on est totalement délégué à ces niveaux et
services territoriaux l’ensemble des compétences de
décision, de gestion, de suivi qui auraient pu
permettre d’en faire de véritable centre de
responsabilité» (p. 58).
22
Des liens peuvent être faits entre les critiques de Dario et les conclusions soutenues par Lessard et
al. (2008), selon lesquelles les réformes de décentralisation « atterrissent » mal sur le terrain et y perdent
beaucoup de leurs effets escomptés. À cet égard, il faut bien reconnaître avec ces auteurs que :
« Le récit des réformes, celui de leur mise en œuvre
et de leurs résultats, est souvent celui d’espoirs
déçus, voire de désillusions profondes, à tel point
qu’un sentiment de scepticisme, voire de cynisme
est fort répandu dans les milieux institutionnels
ayant subi des réformes ou des cascades de
réformes » (p.156-157).
Il en est ainsi du milieu de l’éducation, soutiennent-ils. Comme on le constate, ces
analyses explicitent les conditions dans lesquelles se déroule l’implantation des réformes de
décentralisation. Les différents auteurs font écho des influences néfastes auxquelles les différents
acteurs sont soumis sur le terrain. Dans les faits, l’implantation de la décentralisation exige un
changement de posture, des principaux acteurs, pour ne pas subir les changements mais d’en
maîtriser le cours dans une perspective appropriative. Or, cette évolution passe nécessairement
par une adaptation au nouveau contexte et implique une redéfinition des fondements de leur
action quotidienne. Ainsi, ces expériences décrites rendent compte de la nécessité de rompre avec les
pratiques décrites et font la promotion de l’appropriation.
Un enjeu majeur se dessine ici: celui des comportements individuels à s’ouvrir à la réalité
nouvelle. Plusieurs questions viennent immédiatement à l’idée. En effet, comment ces changements
se traduisent-ils ? Quelle interprétation les individus font de leurs expériences ? Comment les acteurs
principaux se saisissent des nouveaux contenus et des nouvelles formes que prennent leur action? Il
apparaît clairement que ces questionnements se traduisent par un apprentissage des nouveaux rôles. Ainsi,
la décentralisation effective dépend en définitive de la place que les acteurs peuvent et savent occuper
dans son application.
23
Finalement, la décentralisation ne sera effective que si elle est adoptée et mise en œuvre par les
acteurs concernés. Dès lors, les réponses à ces questions sont en grandes partie liées à l’appropriation de
leurs prérogatives qui constitue un intérêt certain pour toute recherche sur la capacité et la volonté des
principaux acteurs à exercer leurs compétences. Ce faisant, les responsables administratifs ont un rôle
essentiel dans la pleine prise en charge des réformes de décentralisation. Dans tous les cas, la réussite
d’une décentralisation dépend de l’engagement des acteurs à intégrer la dynamique de changement dans
leur entité. Somme toute, il appert que la décentralisation n’est ni bonne ni mauvaise en soi, tout
dépend de sa mise en œuvre (Dafflon et Madiès, 2008, p.27).
En regardant plus en détails ces écrits, il est frappant de constater que ce sont les acteurs
qui détermineront par leur action et leur capacité, la réussite ou l’échec des réformes. Pour
l’essentiel, les principaux acteurs jouent un rôle important dans l’implantation de toute réforme
de décentralisation.
1.3.2. Rôle des responsables administratifs
Bien qu’il y ait d’excellentes raisons pour justifier la décentralisation des systèmes
d’éducation, le processus nécessite, pour réussir, un engagement des gestionnaires et une grande
capacité de diriger (Dutercq, 2000). Les nouvelles responsabilités imposent des changements
profonds dans le fonctionnement du système éducatif et des établissements secondaires et ce, à
plusieurs points de vue.
Les recherches de Leithwood et al. (1999) sur le rôle des acteurs administratifs constitue
une toile de fond pertinente pour la présente étude en raison de leur cadre d’analyse en termes de
trois facteurs : a) la volonté/ motivation des acteurs, b) la capacité (individuelle et collective) de
ces acteurs et c) la situation (contexte/infrastructure). En clair, ces auteurs croient que la
24
motivation pour réussir une réforme dépend, dans une large mesure, de la perception de la
compatibilité entre les buts personnels des acteurs et ce qu’ils comprennent des objectifs de la
réforme, ainsi que leur sentiment d’efficacité potentielle devant les contraintes.
C’est précisément dans ce contexte que Courpasson (2000), à la lumière de plusieurs
expériences, en vient à conclure que :
«dans les nouvelles configurations
organisationnelles […] fondées sur les idées de
transversalité, de compétence et de décentralisation,
ce sont plus les contraintes qui dictent aux agents
dans les entités décentralisées l’essentiel de leur
conduite» (p.19-21).
Toutefois, il croit que cela ne peut être généralisé car remarque-t-il, c’est bien plus
souvent dans les organisations où la décentralisation rime avec sanction et transfert des risques
que les responsables sont moins portés à prendre des initiatives.
Au-delà des initiatives, certaines études empiriques proposent l’exercice d’un leadership
(Murphy et Seashore-Louis, 1999 ; Phillips et al. 2003 ; Leclercq et Vaniscotte 2005, Lessard,
2006), le développement de stratégies (Smith, 1999), la collégialité dans l’action, la délégation
de certaines responsabilités et l’évaluation des initiatives individuelles et collectives (UNESCO,
2007). Pour d’autres auteurs encore, les principaux acteurs doivent être des animateurs
dynamiques, enthousiastes et souples avec une bonne capacité de communication (Leclercq et
Vaniscotte, 2005; Lessard, 2006).
Parmi les auteurs soucieux de la construction du sens, il faut certes reconnaître l’apport
de Spillane (1998, 2000). Le vocable « sociocognitif » est d’ailleurs associé à l’approche qu’il
essaie de développer depuis une dizaine d’années. Cette approche intègre l’étude des processus
25
intra-individuels à celle de la mise en œuvre des réformes et met de l’avant la prise en compte du
« faire-sens » des acteurs. C’est ainsi que Spillane (1998, 2002), montre comment la
compréhension d’une réforme par les agents qui la vivent se construit.
Le faire-sens ou le « sensemaking »
Dans une importante revue de littérature sur l’implantation des réformes, Spillane & al.
(2002) ont développé un cadre théorique qui permette d’analyser ces processus complexes de
faire-sens. Ils expliquent d’abord qu’il existe trois dimensions déterminantes dans ce processus
en interaction : les structures cognitives des acteurs, leur situation, et les signaux politiques. Ces
auteurs identifient particulièrement trois phases.
Tout d’abord, la cognition individuelle qu’ils associent à l’interprétation individuelle des
acteurs d’une nouvelle politique. Cette cognition, soutiennent-ils, est influencée par leurs
connaissances antérieures, leurs croyances, et expériences personnelles. En d’autres termes, les
acteurs possèdent tous des cadres de référence ou structures cognitives qui délimitent leurs
possibilités interprétatives. Modifier ces structures peut cependant s’avérer très difficile. Il existe
aussi des dimensions affectives liées aux valeurs et émotions de l’acteur qui influencent leur
appropriation d’une nouvelle information. Ces auteurs parlent du coût affectif sur l’image de soi
que peut représenter l’adoption d’un changement, car ce dernier représente toujours des remises
en question de ses valeurs ou pratiques existantes.
Ensuite, la cognition située quant à elle complexifie le processus de faire-sens puisque les
acteurs sont également influencés par le contexte spécifique dans lequel ils se trouvent. Le
contexte n’influence pas le faire-sens simplement de l’extérieur, il en est constitutif. En ce sens,
il existe un processus individuel ou collectif de « sensemaking » où les acteurs co-construisent le
26
sens des réformes lors de communications formelles ou informelles. Le sens de la
décentralisation au MESSRS est ainsi appréhendé aux travers de la vision des DR ou de leurs
savoirs tacites partagés, ou négociés.
Finalement, le rôle des représentations renvoie au sens qu’un acteur va donner à une
décentralisation en tant qu’initiative politique. C’est ainsi que ces auteurs expliquent comment
les changements substantiels sont difficiles à implanter, en ce sens qu’ils impliquent une
restructuration des systèmes de croyances. Selon eux, trop souvent l’appropriation de la
décentralisation doit affecter le système global des pratiques d’administration.
L’intérêt principal de l’approche mise de l’avant par Spillane & al. (2002) réside dans
l’incontournable besoin des agents administratifs de faire sens des réformes qui leur sont
présentées. Il ne suffit pas d’introduire et d’implanter le changement, il faut que les
administrateurs internes puissent l’adopter et l’intégrer à leurs pratiques de gestion. Le besoin
d’un bouleversement de leurs préjugés s’impose donc. Ainsi, les rôles et responsabilités des
acteurs doivent s’adapter au contexte nouveau.
Somme toute, la dernière étape conduisant à l’implantation de la décentralisation
correspond au rôle spécifique des acteurs intermédiaires et locaux. Il semble donc pertinent
d’explorer leur rôle respectif en contexte de mise en œuvre de la décentralisation.
27
1.3.2.1. Rôle des acteurs intermédiaires
En raison de l’ampleur des changements exigés par la décentralisation, le rôle spécifique
des acteurs intermédiaires prend une place importante dans le soutien et dans sa mise en œuvre.
Plusieurs publications en font foi (Anderson, 1992; Jonnaert et al. 2007). Anderson fournit une
bonne recension des références qui convergent et corroborent un rôle crucial des instances
intermédiaires dans la mise en œuvre d’une réforme. En effet, les résultats des études analysées
par cet auteur valorisent un rôle primordial et mettent de l’avant le délicat équilibre que doit
trouver l’instance intermédiaire entre le soutien et le contrôle des établissements. Plus
particulièrement, il tente dans son étude d’identifier les éléments pertinents, susceptibles de
contribuer à la réussite des réformes de décentralisation, dans les rapports entre l’instance
intermédiaire et les établissements scolaires.
Au nombre de ces éléments importants, il y a l’actualisation de leurs pratiques de gestion,
le partage des responsabilités, le développement des compétences professionnelles. Cependant,
chez plusieurs auteurs (Daviau et St-Pierre, 2006; Dionne, 2004) on remarque une autre
conception du rôle des cadres intermédiaires. Cette conception préconise la construction d’une
vision partagée du changement proposé afin que les personnes impliquées puissent saisir
l’importance de celui-ci afin de mieux comprendre les raisons qui le justifient. Certaines études
empiriques ont montré par ailleurs qu’il convient de replacer les réformes dans leur contexte, de
concevoir une approche participative et plurielle (Jonnaert et al. 2007).
28
Ce faisant, de telles pratiques contribueraient à faciliter la prise en charge des contenus
des réformes de décentralisation. Cette attention au rôle des cadres intermédiaires conduit au
constat que font Daviau et St-Pierre (2007). Pour ces auteurs, le renouvellement des pratiques
suppose que les cadres scolaires construisent eux-mêmes le sens de ce qu’ils font, à travers ce
qu’ils réalisent dans leur poste. Ces recherches ont révélé le rôle actif que doivent jouer les
cadres intermédiaires. Mais, elles ont révélé également le travail d’ajustement auquel ils doivent
se soumettre. Dans ce contexte, il nous faut regarder autrement leur rôle, en analysant leurs
manières de faire ou forme d’action (Blandin, 2002).
Concrètement, il apparaît pertinent de découvrir leurs actions pratiques nécessaires à
l’implantation de la décentralisation, en analysant comment ils repensent les finalités, la gestion
organisationnelle et institutionnelle de celle-ci. Ces quelques pistes de réflexion pour saisir le
rôle des cadres scolaires au niveau intermédiaire nous conduisent précisément à explorer
également celui des chefs d’établissements, tel qu’il se présente dans les rapports de recherche.
1.3.2.2. Rôle des chefs d’établissements
Les expériences au niveau mondial mettent l’établissement au cœur des réformes et
considèrent le directeur ou la directrice comme le principal facteur de succès de sa mise en
œuvre (UNESCO, 2005). C’est le chef d’établissement qui gère le changement dans son
établissement, selon sa conception de la réforme et en fonction de son expertise et de son
expérience de la gestion du changement en milieu scolaire (Daviau et St-Pierre, 2007). Ainsi
posé, les chefs d’établissements adhèrent au changement, agissent et tentent d’améliorer leurs
pratiques de gestion, mais reconnaissent être au centre de tensions (Barrère, 2006; 2007). Cette
prise en charge du changement pose des problèmes importants qu’il s’agit de prendre en
considération.
29
En effet, le directeur qui introduit le changement et les améliorations qualitatives
majeures doit être capable de travailler en équipe avec les acteurs concernés, de se percevoir
compétent, ouvert et efficace (UNESCO, 2002). D’un côté, il doit porter le changement et faire
appliquer les nouvelles dispositions règlementaires. C’est ainsi que certains expérimentent des
situations de stress (Osborn, 2003) ou développent des sentiments de perte de contrôle (Brunet et
al. 2004). De l’autre côté, les chefs d’établissements n’ont pas toujours l’expertise nécessaire ni
l’expérience dans la conduite des réformes. Subséquemment, les conditions de sa mise en œuvre
sont rarement remplies (Leclercq et Vaniscotte, 2005).
De plus, la gestion de plus en plus complexifiée des établissements exige des
connaissances, des habiletés, des valeurs, des comportements élevés de leadership, de gestion et de
relations publiques (Dutercq 2000; Brassard et al. 2004). Or, très souvent le chef d’établissement est
un professeur exerçant des fonctions administratives. Bien sûr, ces idées deviennent pertinentes et
conduisent l’OCDE (2001), Leclercq et Vaniscotte (2005) à déclarer que si les administrateurs
veulent s’approprier les exigences nouvelles de la décentralisation, ils doivent développer de
meilleures stratégies et travailler comme des agents du changement (Smith, 1999).
Sans contredit, le changement de culture devient une dimension importante associée au
succès de la décentralisation. Dès lors, le chef d’établissement doit tout d’un coup gérer
autrement. Cette gestion fait partie de ce qui est à changer ou à adapter. D’un point de vue
socioconstructiviste, le chef d’établissement fait partie intégrante du changement qu’il doit
conduire. Cette exigence, nécessite que celui-ci modifie ses pratiques de gestion.
30
Autrement dit, il doit co-construire une réforme avec les autres éléments du système
(Daviau et Olivier, 2002). En effet, c’est à partir des croyances que les individus accordent une
signification à leurs expériences appropriatives (Daviau et St-Pierre, 2007). C’est cela sans doute
qui peut libérer ces acteurs des illusions et ouvrir la voie à l’appropriation du changement qu’ils
doivent porter et incarner. D’où l’intérêt de cette recherche pour mieux comprendre leurs
expériences.
Mais plus fondamentalement, la contribution essentielle de Williams et al. (1997), c’est
d’avoir découvert que les chefs d’établissements n’étaient pas toujours préparés à exercer tous
les rôles que la réforme de décentralisation leur a confiés. Or, l’établissement scolaire constitue
le lieu privilégié où s’articulent et deviennent cohérentes les diverses mesures prises dans le
cadre des réformes de décentralisation. La contribution du chef d’établissement (Reading & al.
2002) devient primordiale dans l’adoption des changements. Malheureusement, il y a des écarts
entre les conditions prescriptives et la situation rencontrée dans les établissements scolaires
(Dupriez, 2005).
Aussi, le chef d’établissement peu importent son rôle et le contexte dans lequel il
l’actualise celui-ci se trouve en situation plutôt que dans une situation (Lafortune et al. 2006).
Comme tel, il est situé bien avant son appropriation de la réforme en général et de sa
compréhension du rôle qu’il doit y jouer en particulier. Ce n’est pas la réforme qui le situe, mais
ce qu’il est au moment de son appropriation et de sa construction en tant que gestionnaire. En
effet, il doit construire pas à pas ses connaissances d’une réalité. Son agir n’est pas aléatoire. Il
est tributaire et représentatif de son passé, de sa compréhension de ce qu’il connaît de la réalité
immédiate (Daviau et Olivier, 2002).
31
En outre, c’est à partir des interactions, des valeurs et des croyances que les individus
accordent à leurs expériences qu’ils vont en dégager une signification, nous rappellent ces
derniers auteurs. Et comme le souligne St-Germain (2002), les cadres scolaires, en contexte de
réforme, doivent également être partenaires dans l’action et parties prenantes de cette action. Il
en va de même en ce qui concerne les chefs d’établissements qui doivent s’adapter au contexte
nouveau.
Au cœur de ces analyses, plusieurs concepts et dimensions permettent de comprendre
les nouveaux problèmes auxquels le chef d’établissement fait face. Il apparaît qu’un ensemble de
critères structure et délimite l’action des acteurs. Ces réalités nouvelles montrent que la gestion
de l’établissement s’est complexifiée avec une primauté accordée au rôle du directeur dans
l’implantation des réformes de décentralisation. Il existe donc plusieurs difficultés
institutionnelles et structurelles qui constituent des freins à la pleine mise en œuvre de la
décentralisation. Certaines difficultés sont inhérentes à l’appropriation du processus dont les
enjeux restent dans une certaine mesure méconnus des acteurs locaux (Malam Moussa et
Ilboudo, 2012, p. 131).
Plusieurs questions importantes se dégagent de cette recension sur le rôle des cadres
scolaires. Pour l’essentiel, comment ces cadres scolaires en situation et en action s’approprient
leurs prérogatives? Comment donc s’opère cette appropriation au niveau de la direction régionale
et des établissements secondaires du Burkina Faso? Tenter d’y répondre, revient à s’intéresser
notamment à la dynamique d’appropriation dans un contexte spécifique, celui de l’éducation.
L’appropriation tient tout son sens, puisqu’elle tient compte du fait que ces cadres scolaires
prennent connaissance de leurs nouvelles prérogatives, se les approprient et les mettent en
32
application. Ainsi, l’analyse de l’implantation des réformes de décentralisation oblige à chercher
le sens que celle-ci prend auprès des acteurs dans cette action impliquante. C’est en tout cas l’un
des objectifs que se donne cette recherche.
Au terme de ce survol du rôle des cadres scolaires, il s’avère essentiel d’explorer, dans
cette dernière partie de la recension des écrits, les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la
décentralisation à travers les travaux récents.
1.3.3. Conditions de succès de la mise en œuvre de la décentralisation
La lecture des diverses expériences de mise en œuvre de la décentralisation dans le
domaine de l’éducation montre que certaines conditions s’avèrent indispensables. Ces conditions
sont très variées, et on compte parmi celles-ci, la prise de conscience et le développement de
certaines attitudes, compétences et connaissances.
D’emblée, certaines conditions sont rattachées à la prise de conscience des
administrateurs de l’importance de leur rôle (UNESCO, 1999). Ensuite, il y a la nécessité qu’ils
prennent conscience des effets de leurs actions dans le soutien et la mise en œuvre de la
décentralisation (Daviau et St-Pierre, 2007). En effet, lorsqu’on implante une réforme, on
apprend à « penser en acte » (Daviau et Olivier, 2002). Voilà pourquoi de notre point de vue,
l’appropriation mérite d’être approfondie par la recherche sur la mise en œuvre des politiques
éducatives de décentralisation.
D’autres auteurs discutent du rôle des administrateurs en des termes différents, à savoir
changer de culture dans la gestion, avoir une vision de soi et un sentiment de maîtrise de soi
(Huberman et Miles, 1991). Acquérir une nouvelle mentalité orientée vers l’innovation
organisationnelle, la simplification des procédures administratives, la recherche d’une meilleure
33
qualité des services et des prestations, tout comme une volonté à renouveler ses pratiques de
gestion (Leclercq et Vaniscotte, 2005, Lessard, 2006), seraient des conditions requises au succès
de la mise en œuvre de la décentralisation.
En clair, les cadres scolaires doivent disposer de savoirs et de compétences pour assumer
convenablement leurs responsabilités et faire face aux difficultés rencontrées (Dutercq, 2000).
Des auteurs évoquent à ce propos l’idée de management des savoirs (Tarondeau, 1998) ou
appellent à l’intégration des savoirs acquis dans la vie quotidienne (Proulx, 1988). Or, la plupart
des cadres scolaires, sans formation appropriée, souffrent d’un défaut de compétence qui les
place parfois dans une situation difficile. Cela appelle de leur part une véritable pensée
organisatrice (Demailly, 1993). Ainsi, ils doivent pouvoir donner un sens aux actions menées
(Bouvier, 1994; Perrenoud, 1998). Pour cela, ils ne peuvent agir seuls. L’échange des
expériences, l’adoption d’une démarche collective (Gather Thurler, 1994) fondée sur la
réflexivité (Hargreaves et Hopkins, 1991) s’avèrent essentiels. Alors, un travail en partenariat
devient pertinent entre ceux qui y sont associés.
Cette interdépendance des acteurs permet d’intégrer davantage la diversité des
expériences et de partager les responsabilités pour atteindre une meilleure efficacité. En
revanche, certains auteurs considèrent qu’il faut mettre en place des actions diversifiées (Daviau
et St-Pierre, 2007). Comme l’explique entre autres Schön (1994), les actions diversifiées
permettent aux acteurs clés de tirer leur épingle du jeu, tout particulièrement dans les situations
d’incertitudes. Il insiste aussi à juste titre sur la connaissance et la compréhension du rôle et le
sens de l’objectivation.
34
Il résulte de toutes ces remarques que, les personnes chargées de la mise en œuvre d’une
réforme doivent ouvrir leurs yeux à la diversité des situations. Delors (1996) a su faire ressortir
admirablement certaines attitudes comme la capacité à travailler en équipe, à se percevoir
compétents, ouverts et efficaces. À cet égard, l’engagement et l’adhésion des acteurs s’avèrent
essentiels (Odden, 1991; Lessard et al. 2008), tout comme l’exercice d’un leadership
(Hargreaves et al. 1998; Murphy et Seashore-Louis, 1999; Phillips & al, 2003).
Cela dit, il importe au plus haut degré de ne jamais perdre de vue que les cadres
administratifs doivent réfléchir à leurs pratiques de gestion et les soumettre à d’autres qui vont y
rétroagir (Lafortune et Deaudelin, 2001). La mise en œuvre réussie s’exerce et se développe par
la réflexion et par l’interaction avec les personnels scolaires pour susciter des prises de
consciences menant à des changements dans l’action. Cette tâche est la plus difficile de toutes
parce qu’elle suscite des changements d’attitudes et de culture de gestion. Elle fait appel à la
réflexion dans sur l’action. Pour ce faire, les individus doivent analyser leurs pratiques et agir en
professionnel (Lafortune, 2006).
Tout bien considéré, la décentralisation n’apporte pas seulement une marge de liberté
aux cadres scolaires, mais surtout une liberté d’action que ceux-ci conquièrent en interprétant les
textes. Nous entendons par là l’aptitude des administrateurs scolaires à saisir le nouveau contenu
et les nouvelles formes que prend leur action dans une réforme de décentralisation. Ce rôle se
traduit par une appropriation ou non de ces différents changements. Dès lors, la décentralisation
effective dépend en réalité de la place que les cadres scolaires peuvent et savent occuper dans sa
mise en œuvre.
35
Pour avancer dans cette voie, il y a lieu de s’interroger sur la problématique de
l’appropriation touchant à l’exercice des prérogatives dans le domaine de l’éducation. C’est ce
dernier point que nous voudrions aborder dans le prochain chapitre.
36
Chapitre II : Problématique, question de recherche et cadre théorique de
l’étude
Après avoir examiné les différents écrits sur l’appropriation structurelle de la
décentralisation, les différents problèmes soulevés par sa mise en œuvre et le rôle crucial des
cadres scolaires, l’acuité des questions soulevées, la posture du chercheur; les questions de
recherche et le cadre théorique.
2.1. Problématique
Le but poursuivi ici est de faire découvrir la structure argumentative de la problématique
de cette recherche telle qu’elle se déploie dans la revue de la littérature pertinente (Olivier et
Payette, 2010). À bien des égards, le chemin emprunté esquisse l’ensemble de la problématique,
en dressant d’abord un état de la littérature pertinente et en définissant le problème à l’étude ainsi
que la raison d’être de cette recherche. Par la suite, nous décrivons les objectifs de l’étude.
Finalement, les questions spécifiques viennent clore cette première section.
En guise de synthèse de la recension des écrits, nous pouvons noter que plusieurs auteurs
(Daviau et Olivier, 2002; Daviau et St-Pierre, 2007; Daviau, 2006) considèrent que
l’appropriation des prérogatives dans un processus d’implantation d’une réforme de
décentralisation s’avère une expérience complexe. Pour Lafortune et al. (2006), le succès de
l’implantation requiert de l’expérience et une expertise. À ceci s’ajoute la singularité des
conditions dans lesquelles les politiques de décentralisation ont été imposées aux pays africains
(Tchimou, 2008) à travers les programmes d’ajustement structurel (PAS). Ce contexte, pour
diverses raisons dont en particulier l’absence d’adhésion (Lessard et al. 2008) et de conditions
nécessaires à leur implantation crée une double difficulté à savoir l’appropriation des réformes
par les cadres scolaires et l’engagement à les mettre en œuvre.
37
Tout particulièrement, le succès de l’adoption de la décentralisation suppose une prise de
conscience (UNESCO, 1999), un engagement et une adhésion (Odden, 1991), une volonté à
renouveler ses pratiques de gestions (Leclercq, 2005; Lessard, 2006), une véritable pensée
organisatrice (Demailly, 1993), une démarche collective (Gather Thurler, 1994) et une réflexivité
(Hargreaves et Hopkins, 1991). Aux yeux de certains auteurs, pour faciliter l’implantation des
réformes de décentralisation, les cadres scolaires doivent jouer un rôle nouveau (Daviau et St-
Pierre, 2007; Barrère, 2006; Lafortune, 2006). Ce rôle nouveau implique le développement de
compétences, le sens de l’objectivation (Williams et al. 1997), une ouverture d’esprit (Huberman
et Miles, 1994), développement de stratégie (Smith, 1999), l’exercice d’un leadership (Murphy et
Seashore-Louis, 1999 ; Phillips et al 2003 ; Leclercq, 2005, Lessard, 2006), et la prise de
conscience des individus (Le Bossé, 2003).
Or, nombre de travaux à caractère scientifique mettent volontiers l’accent sur le contexte
nouveau et les nouvelles perspectives de l’administration de l’éducation; la qualité de vie au
travail (King et Pearl, 1992); la manière dont les politiques sont implantées (Osborn et al. 2000;
Leclercq et Vaniscotte, 2005); l’appropriation structurelle de la décentralisation (Tchimou,
2008); le nouveau rôle des cadres scolaires (Daviau et St-Pierre, 2007; Lafortune, 2006); la
nouvelle régulation des systèmes éducatifs en Afrique subsaharienne (Tchimou, 2006); la
redéfinition du rôle des établissements et celle du rôle du chef d’établissement (Leclercq. 2005),
Leclercq (2005), Lessard (2006) et Lessard et al. (2008) ont jeté un regard pluriel les conditions
requises au succès d’implantation des réformes de décentralisation. Finalement, l’étude de
Malam Moussa et Ilboudo (2012) analyse les expériences de décentralisation de l’éducation en
Afrique de l’Ouest.
38
Bien que les écrits rendent compte de l’importance du rôle des cadres scolaires dans la
mise en œuvre réussie des réformes en éducation, elles ne s’attardent guère sur les pratiques
d’appropriation de la décentralisation des cadres de l’administration scolaire (Anderson, 2005).
Tout au plus, les expériences laissent apparaître un phénomène récurrent et encore mal connu en
termes de processus : l’appropriation des prérogatives transférées aux acteurs. Un nouveau
champ d’études s’ouvre alors pour les chercheurs : comprendre et tenter d’explorer les
expériences d’appropriation des prérogatives transférées. Il semble donc judicieux d’explorer
l’implantation des réformes de décentralisation auprès des cadres scolaires.
Alors, comment s’approprier les prérogatives dans la perspective d’une mise en œuvre
réussie de la décentralisation ? Entre les questions étroitement liées aux attitudes nécessaires au
succès de son implantation et celles qui s’attardent sur l’engagement à participer au changement,
c’est toute l’importance de l’appropriation qui se donne à saisir. Il existe donc, un intérêt à
explorer l’expérience d’appropriation des prérogatives, en particulier celles des cadres scolaires
au niveau intermédiaire et local. Il serait donc utile de savoir comment les cadres scolaires du
Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESSRS),
en occurrence les Directeurs régionaux et les chefs d’établissements scolaires (CES) publics
s’approprient leurs prérogatives.
2.1.1. Pertinence de la recherche
Assurément, mettre en pratique une telle recherche requiert de se déplacer hors des cadres
habituels des études antérieures et s’intéresser aux dimensions pratiques des actions des cadres
scolaires. Au fond mener une recherche sur l’appropriation des prérogatives, c’est analyser les
expériences intuitives. En d’autres termes, c’est livrer à l’observation, le sens de l’expérience et
39
le comportement d’adoption des réformes de décentralisation. À cet égard, nous nous intéressons
aux comportements d’appropriation de la réforme de décentralisation. D’une certaine manière,
analyser les modalités d’appropriation des DR et des CES, c’est découvrir comment les uns et les
autres agissent sur leur réalité au quotidien.
2.1.2. Objet de la recherche
Certes, les prérogatives des DR et des CES sont définies dans des cadres formels, mais
elles s'expriment également dans des pratiques dont l'analyse offre une compréhension
particulièrement intéressante de la mise en œuvre de la décentralisation. L’appropriation de la
décentralisation demeure donc l’objet principal de cette recherche.
2.1.2.1. Objectif général
Cette recherche entend explorer les pratiques d’appropriation des prérogatives octroyées
aux DR et aux CES du MESRRS, en mettant en exergue les différents éléments permettant de
rendre compte de cette réalité. À cette fin, l’étude entend particulièrement :
explorer et répertorier les différentes pratiques appropriatives des participants;
analyser les récurrences, les similitudes, les convergences et les différences dans les
modalités d’appropriation de leurs prérogatives ;
examiner les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la décentralisation et la
manière d’y faire face;
finalement, discuter des implications théoriques et pratiques de l’étude et faire état de
ses limites ainsi que les pistes de recherche potentielles.
40
2.1.3. Question de recherche
Comment les DR et les CES du MESSRS s’approprient leurs prérogatives et actualisent
leurs pratiques de gestion dans le cadre de la décentralisation?
2.1.3.1. Questions spécifiques
Pour s’imprégner du phénomène à l’étude et en saisir la signification pratique à partir des
récits des CES et des DR, quelques questions guident notre analyse :
Quelles compréhensions ont-ils des réformes de décentralisations, en termes
de perspectives et d’attentes ?
Comment s’approprient-ils leurs responsabilités ?
Quelles sont les récurrences, les similitudes, les convergences et les
différences dans les modalités d’appropriation de leurs prérogatives ?
Finalement, quelles difficultés rencontrent-ils et comment s’y prennent-ils
pour y faire face?
Somme toute, c’est l’action des cadres scolaires qui nous intéresse. Et elle peut
difficilement se construire hors contexte. Dans ce sens, la recherche valorise la pensée et l’action
des participants à l’étude. Ainsi, les résultats obtenus traduisent la réflexion dans l’action et sur
l’action des DR et des CES.
41
Figure 1: problématique et intérêt de la recherche
La figure ci-dessus traduit brièvement la problématique de notre recherche en se fondant
sur les travaux pertinents réalisés sur l’objet de cette étude et l’importance à s’attarder sur
l’appropriation des prérogatives en contexte de décentralisation. Du reste, l’appropriation des
prérogatives devient prégnante dans le succès de la mise en œuvre de la décentralisation.
Après cette présentation de la problématique de cette recherche, dans la section suivante,
nous faisons état du cadre théorique en lien avec notre objet d’étude en vue d’une meilleure
compréhension de la signification immanente que les DR et les CES donnent à leurs
comportements d’appropriation des réformes de la décentralisation. Il s’agit essentiellement de
s’imprégner des démarches et actions d’appropriation afin d’en saisir la signification pratique.
Réformes de décentralisation infèrent l’existence
d’expériences plurielles
Études sur la décentralisation témoignent
de divergences entre objectifs initiaux
et résultats de mise en œuvre.
Peu de recherches nous renseignent sur
les expériences d’appropriation de la
décentralisation en éducation
Explorer les expériences
d’appropriation des prérogatives
auprès des DR et CES se justifie
Double intérêt : analyser les
pratiques appropriatives pour
mieux implanter la réforme
Comment les DR et les
CES s’approprient leurs prérogatives et actualisent
leurs pratiques de gestion?
42
2.2. Cadre théorique
Dans cette partie, nous exposons les bases théoriques sur lesquelles s’appuient la
recherche et la formulation de cette thèse de doctorat. Ce cadre théorique offre une
compréhension à l’analyse et à l’interprétation de l’expérience d’appropriation des DR et des
CES. On est naturellement ici au cœur des théories et des modèles d’explication proposés par
différents auteurs. Il se subdivise en trois parties. Tout d’abord, nous situons le lecteur sur les
différentes acceptions et les différents aspects que les notions de prérogatives recouvrent en
éducation. Ensuite, nous tentons de proposer un cadre d’analyse de notre recherche, au niveau
principalement de la notion d’appropriation, car c’est là que tout se joue. Finalement, nous
explicitons le lien entre la problématique de la recherche et ce cadre théorique ainsi que notre
position, en tant que chercheur.
2.2.1. Concepts et nature des prérogatives en éducation
Avant de présenter la nature des prérogatives en éducation, il est important de clarifier la
notion de prérogative, en s’appuyant sur les résultats de recherches empiriques et d’articles
théoriques.
2.2.1.1. Notion de prérogative
Pour les besoins de notre recherche, le concept de prérogative fait référence aux notions
de responsabilités et d’attributions. Elle correspond à ce que Lemieux (1997; 2001) et Jütting et
al. (2005) appellent les trois lieux d’exercice du pouvoir en décentralisation : les compétences,
les sources de financement et l’attribution des postes d’autorités. Les compétences référent à des
secteurs d’activités qui sont pris en charge par une personne investie d’un pouvoir décisionnel,
43
un organisme ou une entité « périphérique ». Ces compétences peuvent comporter des pouvoirs
de financement autonomes ou non-autonomes (Lemieux, 1997). Dans le premier cas, les
instances périphériques détiennent le pouvoir de prélever elles-mêmes des sources de
financement alors que dans le second, les sources de financement sont transférées aux instances
périphériques qui demeurent sous le contrôle des instances centrales. Ainsi, dans le cas des
sources de financement autonome les structures peuvent chercher des sources de financement en
dehors de l’État. À l’opposé, dans le cas des sources de financement non autonome, elles doivent
se contenter des budgets alloués par le pouvoir central.
Au sens strict les prérogatives correspondent aux attributions des postes d’autorités. Ces
prérogatives confèrent un rôle administratif, pédagogique et financier aux DR et aux CES. Dans
cette perspective, les prérogatives correspondent aux droits et devoirs attachés à leurs fonctions.
Autrement dit, les prérogatives établissent les conditions d’exercice de la fonction, en occurrence
celle des DR et de CES dans le cadre de cette étude.
2.2.1. 2. Nature des prérogatives en éducation
En règle générale, chaque système éducatif comprend une ou plusieurs structures
intermédiaires et locales. Les prérogatives attribuées à chacune de ces structures varient en
fonction des formes de décentralisation et des acteurs. Le constat général est qu’il n’y a pas de
règle absolue ou modèle universel à cet égard.
44
2.2.1.2.1. Prérogatives des structures intermédiaires
Au niveau des acteurs intermédiaires les recherches révèlent l’existence de deux
principales prérogatives (Leclercq et Vaniscotte, 2005) : des responsabilités administratives et
pédagogiques. Les principales recherches et les principaux auteurs traitant du rôle des agents
intermédiaires, à partir d’études empiriques, insistent sur leur rôle de vérification. Par exemple,
en Grèce, au Portugal et en France, une étude de l’OCDE (2001) a révélé que leur rôle se limite à
un contrôle de l’application des normes et des règlementations venues d’en haut. Ce faisant, ils
assurent la vérification de la régularité des actes administratifs des établissements scolaires et des
agents relevant de leur structure. De ce point de vue, le principe de vérifiabilité demeure le rôle
principal des administrateurs intermédiaires. Toutefois, il faut se garder de réduire leur fonction à
cette unique prérogative.
Dans la suite de cette partie descriptive des prérogatives, des structures intermédiaires et
locales, nous examinerons les prérogatives des chefs d’établissements. Cependant, en matière
d’expérience et de résultats obtenus force est reconnaître que les responsabilités de ces derniers
sont plus complexes que l’inventaire de la documentation scientifique.
2.2.1.2.2. Prérogatives des chefs d’établissements
Les chercheurs semblent s’accommoder sur les prérogatives se rattachement directement
aux fonctions de chef d’établissement. En Allemagne il est avant tout un professionnel qui
continue d’enseigner avec des responsabilités administratives et pédagogiques (Schmidt, 2005).
À contrario, au Québec, leur rôle est plus administratif (Leclercq et Vaniscotte, 2005). Au États-
Unis, ces auteurs observent que le chef d’établissement au-delà des prérogatives administrative
et pédagogique agit comme un facilitateur et un artisan d’une culture d’établissement.
45
Plus spécifiquement, l’UNESCO (2006) distingue diverses prérogatives administratives
et pédagogiques dévolues aux chefs d’établissements. Ainsi, les principales tâches
administratives se résument à :
- rencontrer les parents, à recueillir leurs opinions et les associer à la vie de
l’établissement;
- à stimuler et faire travailler les enseignants et les autres personnels qui participent à
l’action éducative;
- à interpréter et à faire connaître à tous les politiques des autorités de tutelle;
- à respecter les directives et les missions assignées à l’établissement;
- assurer la gestion matérielle, financière et des ressources humaines.
- finalement, le chef d’établissement joue un rôle de formateur et de mentor pour ses
adjoints qui se préparent à des fonctions de direction.
Par ailleurs, sur le plan pédagogique les frontières ne sont pas toujours définies.
Néanmoins, les chefs d’établissements veillent au respect des méthodes d’enseignement, des
modes d’organisation et d’évaluation des apprentissages et à l’animation des équipes
pédagogiques.
Le bref aperçu que nous avons donné de l’expérience empirique montre qu’il faut garder
à l’esprit une perspective diversifiée de leurs prérogatives. Aussi, dans plusieurs pays, en l’état
actuel des connaissances, la littérature scientifique s’accorde sur le fait que, la fonction de chef
d’établissement n’est pas toujours exercée par des professionnels en administration scolaire.
46
L’importance des prérogatives des CES ne saurait être exagérée. Elles sont liées,
toutefois, à des choix et aux contingences propres à chaque pays. Le tableau 2 résume les
principales prérogatives couramment rencontrées en éducation.
Tableau 1: prérogatives transférées en éducation
Principales prérogatives en éducation octroyées aux CES
Nature Caractéristiques Auteurs
Administratives - Coordination et respect des principes
- Gestion administrative et financière;
- Formation des agents
- Facilitateur
UNESCO (2006)
Leclercq (2005)
Pédagogiques - Organisation pédagogique;
- Évaluation des apprentissages;
- Animation équipes pédagogiques
UNESCO (2006)
Financières Autonomie financière
Absence d’autonomie financière
Lemieux (1997)
Au-delà des réalités complexes auxquelles font face les agents administratifs des
différents pays, les différentes perspectives analytiques ne rendent pas compte de la manière dont
les cadres scolaires s’approprient les réformes de décentralisation dans le domaine éducatif.
2.2.2. Concept d’appropriation
Plusieurs auteurs se sont déjà intéressés à l’appropriation de divers objets plus ou moins
liés au champ de l’administration et des organisations. Les travaux de Bianchi et Kouloumdjian
(1986) se sont penchés sur l’appropriation au sens large. Un certain nombre d’études
s’intéressent à l’appropriation des technologies avancées de l’information (Desanctis et Poole,
1994), au processus d’appropriation de la mémoire organisationnelle (Girod-Séville, 1996), à
l’appropriation de l’innovation et des NTIC (Digout, 1997; Plaisent et al. 1997; Alter, 2000;
Proulx, 2002) En vérité, si certains auteurs restent au niveau de la définition commune de
l’appropriation comme Digout, d’autres s’efforcent de la conceptualiser (Desanctis et Poole).
47
Mais quel intérêt peut-il y avoir à parcourir quelques théories de l’appropriation ? Disons
que trois raisons nous y invitent. La première est d’ordre descriptif et est relative à la
compréhension globale de cette notion dans le domaine de la gestion et des sciences sociales. En
effet, les analystes confèrent à cette notion des perspectives multiformes. La seconde raison est
d’ordre épistémologique. Il s’agit pour nous d’explorer les différents processus et formes
d’appropriation qui permettront de rendre compte des pratiques des DR et des CES. Finalement,
la dernière motivation est plus d’ordre critique. Il s’agira alors de déterminer parmi la pluralité
des théories, celles qui peuvent offrir un cadre d’analyse des différentes pratiques appropriatives
des participants à l’étude. Mais, avant d’aller loin, il est important de définir le concept
d’appropriation.
Les auteurs ont élaboré plusieurs définitions concernant le concept d’appropriation
(Rappaport, 1997; Raffinot, 2010). Rappaport l’associe au terme anglais « empowerment » et
Raffinot à la notion « ownership ». Ce vocable désigne chez Vallerie et Le Bossé (2006)
l’amélioration de la capacité d’agir et trouve son origine étymologique dans le latin « potere ».
Tant chez Rappaport que chez Raffinot, l’appropriation renvoie à la notion de « pouvoir » et à
celle de « potentiel ». Et dans ce dernier cas, elle se conçoit comme un processus de
développement personnel par lequel une personne acquiert un sentiment de maîtrise (Aujoulat,
2007). En ce sens, l’appropriation se présente comme une question purement technique liée au
savoir-faire.
48
De manière spécifique, certains auteurs la définissent comme la capacité de prise en
charge du changement (Gibson (1991; Le Bossé, 2003) ou encore le développement de
compétences transversales (Morais, 2001). Sous un angle philosophique, Ricœur (1995) l’associe
à la notion de « sujet capable ». Elle réfère à la capacité concrète des personnes d’exercer un plus
grand contrôle sur leur action et vise l’accroissement des capacités plutôt que le processus
d’acquisition (Le Bossé, 2003). L’appropriation suppose donc un engagement, un effort
d’adaptation au contexte et se rapporte aux ajustements requis.
En résumé, l’appropriation est un processus d’apprentissage en ce sens qu’il y a d’une
part évolution des représentations du sujet et enrichissement de sa base de connaissances. Elle
désigne pour ainsi dire l’action d’un sujet ou l’intégration d’un objet dans le vécu d’un individu
ou d’un groupe (Bianchi et Kouloumdjian, 1986). Dans ce processus de construction de sens, elle
confère au sujet un rôle d’acteur en capacité de créer du sens et possède ainsi une dimension
structurante.
En définitive, gardons à l’esprit que l’appropriation comporte des exigences propres et
des accommodations particulières. Dans le cadre de cette thèse de doctorat, la section suivante
propose les conditions et les limites pertinentes servant de cadre de référence à l’analyse des
récits recueillis.
Dans l’optique du chapitre consacré à la discussion et à l’interprétation des résultats de
notre étude, au moins deux pistes peuvent être suivies : l’une s’articule autour de la perspective
compréhensive du concept d’appropriation et l’autre aborde la perspective appropriative.
49
2.2.3. Perspective compréhensive
Dans une analyse compréhensive de l’appropriation, Le Bossé (2003) suggère de tenir
compte des conditions structurelles, individuelles et des modalités appropriatives privilégiées par
les individus. L’analyse d’une compréhension pluraliste l’associe à la prise de conscience
(Wallerstein et Sanchez-Merki, 1994) et aux expériences antérieures accumulées (Jamrociz et
Nocella, 1998).
D’autres auteurs étendent la pertinence de l’analyse compréhensive aux caractéristiques
individuelles comme les sentiments de compétence personnelle et la motivation (Le Bossé et
Lavallée (1993). Il paraît évident que l’analyse des savoirs pratiques d’appropriation des DR et
des CES amène à s’intéresser à différentes caractéristiques de leur comportement de gestion du
changement en contexte. En ce sens, le collectif DR/CES est en capacité d’analyser sa situation,
de définir ses problèmes et de les résoudre de manière individuelle ou collective.
Plus largement, pour parvenir à une compréhension totale du processus d’appropriation,
De Vaujany (2005, p.27-28) mentionne trois perspectives : une perspective rationnelle, une
perspective socio-politique et une perspective psycho-cognitive.
Dans une perspective rationnelle, « l’appropriation s’inscrit davantage dans une vision
mécaniste de l’organisation totalement centrée sur une régulation de contrôle. Par conséquent, la
régulation n’a pas ou s’imagine ne pas avoir de limites cognitives ou politiques à son action
(Morgan, 1997). Ainsi, à un niveau individuel les acteurs abordent les différentes situations en
fonction des « représentations de ce qui est important ou non, de ce qui convient ou non »
(Laroche, 1993). Dès lors, l’appropriation ne peut être dissociée des processus mentaux à
l’œuvre dans une prise de décision individuelle.
50
En ce qui concerne la perspective socio-politique, elle amène à envisager l’appropriation
comme résultant du jeu des acteurs, de leur capacité à saisir des marges d’autonomie (Dechamp
et al. 2005) et à créer des coalitions. De manière schématique, les outils de gestion sont
appropriés ou plus exactement réappropriés par les acteurs à des fins de valorisation personnelle
ou comme argument rhétorique permettant de légitimer leurs actions ou comme support
d’influence.
Finalement, la perspective psycho-cognitive s’intéresse à la façon dont les acteurs
construisent une intelligence des situations. Cette grille d’analyse permet de rendre compte de
dynamiques variées incluant l’analyse des nouvelles connaissances par les acteurs capables et
désireux de les exploiter pour accroître l’efficacité de leur action (Millet, 1996). Les processus
cognitifs « imagination (envisioning), évaluation et attribution » des personnes ont une influence
sur leur capacité d’appropriation. Connaissant mieux les règles, les dispositifs et les outils de
gestion, les individus sont plus en mesure de se les approprier. C’est dire que l’appropriation
psycho-cognitive doit être envisagée comme un processus d’apprentissage selon la dialogique
assimilation/accommodation mise en évidence par Piaget (1967,1975).
Une telle assimilation suppose que l’individu s’approprie le changement en transformant
les règles, les dispositifs, les outils ou objets de gestion en les rendant compatibles avec ses
propres schèmes cognitifs. Quant à la dimension accommodation, elle s’attache à la modification
des schèmes cognitifs de l’individu dans la perspective de faciliter l’incorporation des règles, des
dispositifs, des outils et objets de gestion.
51
Tout cela permet d’affirmer que l’appropriation psychologique est indissociable de la
psychologie de l’individu (Wertsch, 2002). À partir de telles perspectives, certaines dimensions
peuvent être distinguées dans la littérature pertinente : les dimensions individuelle,
organisationnelle, contextuelle et environnementale que la section suivante se propose
d’analyser.
2.2.3. 1. Dimensions
La dimension individuelle de l’appropriation :
« [est] centrée sur l’acquisition individuelle de connaissances et de
compétences : il s’agit de la manière par laquelle un individu
acquiert, maîtrise, transforme ou traduit les codes, les protocoles,
les savoirs et les savoir-faire nécessaires pour transiger
(correctement) avec (le dispositif) » (Proulx, 1988, p. 159).
Eisen (1994) parle d’accroissement des habiletés, d’estime de soi, de confiance en soi.
Tout ceci tient également à la capacité à faire face aux situations nouvelles, ou au sentiment de
compétence personnelle (Zimmerman, 1990), de contrôle des individus (Gibson, 1991). Dans sa
réalisation, Kieffer (1984) l’associe à la notion de prise de conscience et Rappaport (1987) à la
motivation à l’action. Elle demande donc un effort individuel (Wallerstein et Bernstein, 1988).
Parmi les auteurs qui ont contribué à établir les fondements de l’appropriation,
mentionnons Hawley et Whirter (1991). Ces auteurs proposent d’ajouter, à la dimension
individuelle, les perspectives sociales lorsque l’appropriation se situe à un niveau collectif. À cet
effet, les attitudes et les valeurs sont associées au succès de l’appropriation.
52
En résumé, il résulte des théories analysées la possibilité d’établir et d’expliciter des liens
entre les aspects individuels et la dimension affective de l’appropriation. Cette compréhension
s’appuie sur la désirabilité, le sentiment de compétence personnelle, l’estime de soi et la
motivation à l’action qui interviennent dans cette action impliquante et responsabilisante (Le
Bossé et Lavallée, 1993).
Dans l’optique d’une perspective organisationnelle, l’appropriation réfère au transfert de
pouvoir (Cornwall et Perlman, 1990). Tandis que dans la perspective politique, elle conduit à un
changement des structures et des relations de pouvoir entre les diverses instances et les individus
(Sherwin, 1992).
Si la dimension organisationnelle et le rôle des acteurs semblent primordiaux,
Newbrough (1992) et Wertsch (2002) pour leur part suggèrent de tenir compte du contexte dans
lequel les individus agissent. Selon ces derniers et bien d’autres (Le Bossé, 2003 ; Rappaport,
1987) l’appropriation s’exprime et varie en fonction du contexte. Le contexte d’application, tant
la définition des objectifs que les méthodes (Wallerstein et Bernstein, 1994), apparaît comme une
dimension importante à prendre en compte, tout comme la détermination de la direction du
changement. Cela signifie que les DR et les CES doivent avoir une bonne connaissance du
contexte dans lequel ils évoluent et en tenir compte lorsque vient le moment de prendre des
décisions et de mettre en œuvre les solutions retenues (Lord et Duport, 1997 ; Wallerstein, 1992).
Une autre dimension, d’ordre pratique, est associée à l’environnement dans lequel les
prérogatives sont transférées, à la capacité de donner sens aux éléments de l’environnement et à
initier un décodage des signes du milieu, pour les interpréter, les mettre en lien (Rogers, et al.
2003; Paquelin, 2009). Millerand (1998) s’intéresse notamment à l’analyse de la formation du
53
« point de vue » des acteurs. Cette auteure défend l’idée des disparités de signification et d’une
différence dans les pratiques d’appropriation. De son point de vue, les pratiques d’appropriation
s’inscrivent dans un environnement spécifique et parmi des pratiques préexistantes.
Si les pratiques sont parfois mentionnées dans les écrits, elles prennent une couleur
particulière chez Paquelin (2009). Cet auteur soutient que l’incapacité de donner sens aux
éléments de l’environnement, inhibe toute dynamique d’appropriation. En ce sens, il considère
que la simple reconnaissance ne peut suffire à l’effectuation, encore faut-il que les acteurs
puissent donner une valeur et établir un lien entre leurs représentations, leurs connaissances et les
éléments de l’environnement. Dans un tel contexte, l’appropriation suppose une capacité à
l’action, une intelligence pratique des situations que Zarifian (1999) définit comme étant la
compétence. Il associe à cette notion de compétence : « une intelligence pratique des situations
qui s’appuie sur des connaissances acquises et les transforme, avec d’autant plus de force que la
diversité des situations augmente ». Dans cette spirale d’analyse, l’appropriation apparaît comme
le résultat d’une expérience fondée sur le sens critique et ayant pour objectif la résolution d’un
problème pratique.
S’agissant de la notion de capacité qui résulte de l’interaction entre les acteurs, tout
comme l’appropriation, elle comporte à la fois une dimension endogène et exogène. L’objet de
notre recherche étant l’appropriation des prérogatives des CES et des DR, nous considérons que
les fonctions des uns et des autres sont explicitement définies et que l’appropriation de leurs
prérogatives résulterait de la mise en adéquation des prérogatives transférées et des
interprétations qu’ils en font. L’appropriation suppose donc une capacité d’action qui s’appuie
sur des connaissances acquises que les uns et les autres transforment dans la diversité des
circonstances.
54
Les théories d’appropriation montrent, tout particulièrement, qu’en absence
d’interactions à visée régulatrice entre les acteurs d’une même catégorie et les acteurs de
catégories différentes, il ne peut y avoir de construction de pratiques appropriatives (Paquelin,
2010). De la même manière, la prise de conscience de l’individu qui suppose une compréhension
de l’interdépendance des sources structurelles et individuelles du changement (Breton, 1994 ;
Robertson et Minkler, 1994 ; Wallerstein et Sanchez-Merki, 1994) apparaît comme une
dimension significative. Il est donc important d’en tenir compte dans l’analyse de l’expérience
des DR et des CES, notamment la manière dont ils utilisent les ressources disponibles (Lord et
Dufort, 1996).
Dans l’ensemble, nous pouvons conclure comme l’ont souligné Perkins et Zimmerman
(1995) que la compréhension de l’appropriation demeure polysémique, embryonnaire et
polymorphe. Le tableau 2 résume l’essentiel des dimensions associées à celle-ci.
Tableau 2: principales dimensions de l'appropriation
Dimensions associées à l’appropriation
Dimensions Principaux concepts Auteurs
Individuelle
Acquisition de connaissances, compétences Proulx, 1988
Accroissement habiletés Eisen, 1994
Sentiment de compétence Zimmerman, 1990
Prise de conscience Kieffer, 1984
Effort individuel Wallerstein et Bernstein, 1988
Capacités, perceptions; Jamrociz et Nocella (1998).
Compétences; désir d’agir; prise de Breton (1994 ; Robertson et Minkler (1994) ;
Conscience; expériences; Wallerstein et Sanchez-Merki (1994);
Sens critique Hawley et Mc Wrirter (1991)
Organisationnelle Transfert de pouvoir Cornwall et Perlman, 1990
Politique Changement de structure Sherwin, 1992
Contexte
Variation de l’appropriation Wallerstein et Bernstein, 1994
Définition objectifs, méthodes Paquelin, 2009
Environnement
Éléments de l’environnement Rogers, Khamidoullina et Zeiliger, 2003
Formation du point de vue Millerand, 1999
Intelligence des situations Paquelin, 2009
55
On l’aura constaté, la synthèse faite des principaux concepts avancés par les chercheurs
a un rapport direct avec les objectifs de notre étude. Il n’empêche, les défis ne manquent pas en
matière d’appropriation, en ce sens qu’elle suppose la conjonction de plusieurs dimensions.
2.2.4. Perspectives appropriatives
Si tel est bien le défi de l’appropriation, comment s’y prendre pour le relever? Ce défi est
de trouver les moyens de s’approprier les prérogatives. Qu’il nous soit permis de suggérer au
début quelques propositions de réponse d’ordre général, qui nous paraissent fondamentales.
Comment s’y prendre ? Pour De Vaujany (2006) les praticiens et les chercheurs doivent
adopter le point de vue des acteurs pour comprendre leurs intérêts et leurs actions. Fort de son
expérience, il suggère de tenir compte des objets de gestion, des règles de gestion, des outils de
gestion et des dispositifs de gestion (De Vaujany, 2005a). À ses yeux, un objet de gestion
renvoie à tout signe ou savoir-faire local dont le but est de faciliter l’acte d’appropriation. L’outil
de gestion désigne, quant à lui, un ensemble d’objets de gestion intégrés de façon systématique et
codifiée dans une logique fonctionnelle qui respecte les règles établies. Dans la pratique, l’outil
de gestion ne peut être dissocié des règles qu’il intègre. Finalement, un dispositif de gestion
renvoie à un ensemble d’éléments organisationnel visant à intégrer les outils.
2.2.4.1. Phases d’appropriation
Dans une perspective appropriative, plusieurs théories distinguent un processus à trois
étapes. Depover et Strebelle (1996) et Depover, (2003) proposent un cadre d’analyse à trois
niveaux : 1) l’appropriation immédiate (décision d’adoption); 2) l’appropriation secondaire
56
(implémentation) et; 3) l’appropriation-dissémination (institutionnalisation). Sous une autre
forme, mais non sans lien ce qui précède, Fullan (2001) distingue la phase d’initiation, la phase
d’implantation et la phase d’institutionnalisation. Cela rejoint les propos de Proulx (1988, p.159)
pour qui l’appropriation suppose la conjonction nécessaire et suffisante de trois conditions : a)
une maîtrise cognitive des prérogatives ou des outils et procédures de la décentralisation; b) une
intégration significative de ces prérogatives dans la pratique quotidienne de l’agent; c) et
finalement, la possibilité de développer des initiatives dans l’exerce de ses fonctions.
À la suite de ces auteurs, De Vaujany (2005) en vient à déceler les étapes suivantes : la
« pré-appropriation » qu’il associe à l’interprétation des acteurs de leurs prérogatives qui conduit
à une acceptation minimale. La seconde étape, qu’il qualifie d’« appropriation originelle »
correspond à la phase où certaines routines s’installent. Enfin, la troisième étape se fonde sur ce
qu’il nomme les multiples « ré-appropriations ». Plus spécifiquement cette phase correspond à
l’intégration du changement. Dans ces diverses phases, on retrouve différentes dimensions telles
que la perception/interprétation, l’acceptation/adoption et la réinterprétation/intégration résumées
dans la figure 2 ci-dessous.
Figure 2: Processus d'appropriation selon De Vaujany (2005)
Ces différentes étapes attestent que l’appropriation est un apprentissage, en ce sens qu’il
y a d’une part, évolution des représentations du sujet et d’autre part, un enrichissement de sa base
de connaissance (Bianchi et Kouloumdjian (1986). Dans ce processus de construction de sens,
elle confère au sujet un rôle d’acteur en capacité de créer du sens et possède ainsi une dimension
57
structurante. Ainsi, l’appropriation comprend des schèmes pertinents qui façonnent chacune des
étapes (figure 2). Ces structures globales d’appropriation induisent de nouvelles pratiques dans le
champ de la gestion.
Certains auteurs (Depover et Strebelle, 1996; Paquelin, 1999) ont introduit l’idée d’une
appropriation à trois niveaux qui s’inscrit dans le temps : découverte, expérimentation et
dissémination. Ces auteurs considèrent que la découverte correspond à l’étape d’exploration de
la nouvelle réalité. À un second niveau, la phase l’expérimentation ou implémentation, les
individus testent leurs pratiques nouvelles. Finalement, la dernière étape, plus rarement atteinte,
est celle de la diffusion des pratiques ou routinisation en dehors de tout cadre d’expérimentation.
Nous pouvons constater que l’appropriation s’inscrit dans le long terme et comporte, pour ainsi
dire, une dimension temporelle.
Dissémination
Institutionnalisation
Expérimentation
Innovation
Découverte
Initiation
Figure 3: Les marches de l'appropriation (d'après Depover et Strebelle, 1996, revu par
Paquelin, 1999)
En ce qui à trait toujours à cette dimension temporelle, illustrée dans la figure 4, certains
auteurs en viennent à distinguer aussi : une phase d’implication et d’engagement, une phase de
distanciation et une phase de transformation (Houze, 2000).
58
Transformation
Soi-Pairs-collaborateurs
Prérogatives
Distanciation
Compréhension
Implication Intégration
Figure 4: Les phases de la dynamique d'appropriation (d'après Paquelin, 2010) revues par
Bamouni
D’un point de vue de la recherche, il est intéressant de comprendre que l’implication
suppose que les DR et les CES puissent se reconnaître dans le dispositif associé à la
décentralisation. Au cours de cette phase initiale d’évaluation objective et subjective, l’individu
réalise sa première découverte des prérogatives octroyées et établit une première faisabilité de
son projet d’appropriation (Paquelin, 2010). Ainsi, l’implication des acteurs dans cette phase
cruciale revient à donner une signification en fonction de laquelle ils vont choisir l’action
d’appropriation qui convient à leur contexte. Cependant, selon cet auteur, l’engagement ou
l’implication n’est pas à son sens une étape finie dans le temps. Il a une seconde étape qui en
interaction avec la première contribue à une meilleure appropriation : la distanciation.
La distanciation que Paquelin définit comme la mise à distance spatiale et temporelle des
résultats de l’action permet, aux individus, d’opérer un retour réflexif sur cette dernière pour en
apprécier la pertinence, mesurer le trajet accompli, celui qui reste à accomplir et l’écart entre ce
Émergence
DR et CES
59
qu’ils souhaitaient et l’obtenu. Cette réflexivité considérée comme « la conscience de soi,
l’exercice de la capacité de situer l’action par rapport à soi ». Dans la pratique, la réflexivité joue
un rôle capital dans la capacité à surveiller, à contrôler le flot continu des contextes et permet de
s’y situer (Giddens, 1994).
Il importe donc de comprendre, comment dans ses processus réflexifs, l’acteur, seul ou en
interaction avec un tiers, sollicite et organise les données informationnelles et comment il réalise
leur traitement pour répondre à telles ou telles préoccupations initiales (Paquelin, 2010.
L’analyse distanciée de l’action permet donc de construire rétrospectivement le sens de l’action.
Au travers de leur analyse, Giddens (1994) et Paquelin (2010), montrent que
l’appropriation fondée sur la réflexivité permet d’assumer et d’assurer les révisions constantes
des pratiques de gestion à la lumière des informations concernant ces pratiques mêmes. Quoique
la réflexivité réduise l’incertitude, l’intégration concrétise potentiellement la mise en œuvre
réussie de la décentralisation, donc la transformation du système initial. À partir de cette
transformation, forme d’étape créative, l’individu est en capacité d’accepter des adaptations et
d’établir de nouvelles relations entre les différents acteurs du dispositif (Paquelin, 2010. Il y a
par contre, une perspective complémentaire, la capacité des DR et des CES à ajuster leur action
aux conditions mêmes de leur réalisation. Ainsi, en adoptant la nouvelle organisation, l’individu
opte pour l’appropriation de ses prérogatives au sein de cette structure.
60
Le point de départ de l’appropriation, c’est sans doute, on le voit, les points de vue
contradictoires qu’elle suscite. C’est cette confrontation des pratiques antérieures et des idées
nouvelles qui constitue la contribution la plus significative des étapes d’appropriation. À présent
concentrons notre attention sur les différentes formes d’appropriation pour une meilleure analyse
de l’appropriation des prérogatives auprès des DR et des CES.
2.2.4.2. Formes d’appropriation
Certaines théories de l’appropriation montrent qu’elle peut être stratégique, fonctionnelle
et opératoire (Bernier et al. 2003). Ces différents niveaux d’appropriation peuvent être examinés
séparément, même s’ils débordent les uns sur les autres et s’influencent mutuellement (Labonté,
1990 ; Le Bossé, 2003). L’acteur est central, tout comme le contexte dans lequel s’opère
l’appropriation.
Quelque forme qu’elle puisse prendre, pour différents auteurs, l'appropriation stratégique
concerne la capacité des acteurs ayant des rôles stratégiques (comme les DR et les CES) à
articuler et à intégrer la transformation envisagée dans un mode de gestion renouvelé et cohérent.
Elle est essentielle au succès des changements et requiert le soutien et l’engagement des acteurs
clés qui doivent jouer un rôle actif (Besson, 1999). Ce dernier distingue la stratégie routinière
qui permet d’optimiser une norme d’action jugée appropriée par l’acteur et la stratégie de
transformation qui vise à créer et à légitimer une nouvelle norme d’action. Dans une approche
d’appropriation stratégique, l’acteur agit en être actif qui n’absorbe pas passivement le contexte
qui l’entoure, mais le structure par son action (Friedberg, 1993).
61
Quant à l'appropriation fonctionnelle, elle concerne davantage la capacité des acteurs
ayant des rôles fonctionnels à reconceptualiser les modes de fonctionnement existants selon la
logique du nouveau mode de gestion prescrit (Bernier et al. 2003). Elle implique des ajustements
dont la perspective est plus opératoire qu’organisationnelle. Dans ce sens, elle présuppose une
reconfiguration des sources motivationnelles, l’engagement et la prise de risque consécutive à la
sortie de pratiques routinières et construites au cours des années (Paquelin, 2009). Ainsi,
l’appropriation fonctionnelle suppose que les individus adoptent le comportement qui leur paraît
le plus approprié dans une situation donnée.
Enfin, l'appropriation opératoire renvoie à la capacité des acteurs concernés par
l'opérationnalisation à tenir compte des enjeux humains et à fonctionner selon la nouvelle
logique (Paquelin, 2009; Bernier et al. 2003). Elle requiert à la fois un apprentissage et une
maîtrise du nouveau rôle et des nouvelles responsabilités. La figure 5 inspirée de Paquelin (2003)
traduit la dynamique systémique des interactions entre les différents acteurs du ministère.
Décentralisation
(Outils et procédures)
Propose Mise en œuvre
Appropriation
Dispositifs comportements
MESSRS DR et CES
Figure 5: dynamique systémique des interactions
62
Dans le contexte de la décentralisation, l’appropriation des prérogatives nouvelles
suppose une modification des pratiques antérieures et une évolution de la nature des interactions
entre les DR, les CES et le MESSRS en tant qu’entité centrale.
Pour notre part, sans prétendre à l’exhaustivité, cette articulation des caractéristiques
développées par différents auteurs offre un cadre pertinent à l’analyse de la réalité
d’appropriation des prérogatives attachées aux fonctions des DR et des CES. L’appropriation
active devient un processus multidimensionnel et multi référentiel.
Au-delà des compétences spécifiques requises, signalons que les dimensions culturelles
sont également de toute première importance dans l’acte d’appropriation. La culture réfère dans
ce contexte aux représentations, aux habiletés, aux attitudes et aux pratiques des acteurs (Viens et
Peraya, 2004). Tout compte fait, ces différents éléments influencent fortement le mode
d’appropriation des individus.
Dans le tableau 3 ci-dessous, nous présentons une synthèse des différentes formes
d’appropriation. Comme on le voit, il y a autant de manière de considérer l’appropriation des
prérogatives qu’il y a d’acteurs. Une autre façon de faire apparaître la polysémie de la notion
serait d’étudier les différentes pratiques des DR et des CES à travers l’exercice de leurs
prérogatives.
63
Tableau 3: synthèse des différentes formes d’appropriation
Formes composantes Originalité Auteurs
Stratégique
Capacité à articuler et intégrer
Mode de gestion renouvelé
Cohérence
Stratégie routinière et
transformative
Besson, 1999;
Bernier et al.2003
Acteur agit en être actif Acteur non passif
Rôle actif
Structure le contexte
Bernier et al. 2003;
Friedberg, 1993
Fonctionnelle
Capacité à reconceptualiser Perspective opératoire
Ajustements
Bernier et al. 2003
Reconfiguration; Engagement
Prise de risque
Adoption de comportements
appropriés
Bernier et al. 2003;
Paquelin, 2009
Opératoire Capacité à tenir compte des enjeux
humains
Apprentissage et maîtrise du
nouveau rôle
Bernier et al. 2003
Si l’on admet que les DR et les CES disposent d’une autonomie interprétative et qu’en
conséquence leurs prérogatives ne déterminent pas leurs formes d’appropriation, alors, il ne reste
plus qu’à étudier les modalités appropriatives des uns et des autres. Ce cadre théorique dénote
du caractère multidimensionnel de l’appropriation.
2.2.5. Lien entre problématique et cadre théorique
Les résultats de la littérature pertinente portant sur la mise en œuvre des réformes de
décentralisation témoignent du peu d’intérêt accordé à l’appropriation des prérogatives par les
praticiens sur le terrain. Ainsi, les résultats des travaux réalisés jusqu’à maintenant n’abordent
pas de façon explicite la problématique d’appropriation du changement et des prérogatives en
contexte de décentralisation, tout particulièrement dans le domaine de l’éducation.
Par ailleurs, l’appropriation du changement en éducation demeure problématique. Cela
tient aux difficultés liées à la gestion du changement et à l’absence d’études permettant
d’appréhender les diverses dimensions de l’appropriation des réformes de décentralisation en
éducation. Toute la pertinence supposée de cette recherche réside donc dans les résultats
64
escomptés sur les pratiques appropriatives des DR et des CES. L’analyse du comportement
d’appropriation devient pertinente et joue un rôle important dans la compréhension du processus
de mise en œuvre de la décentralisation, en ce sens qu’elle ouvre la voie à une distance réflexive
à l’égard des réalités propres au contexte burkinabé.
Cette recherche contribuera, nul doute, à renseigner et à éclairer les décideurs politiques
sur le degré d’implantation des réformes de décentralisation au MESSRS ainsi que les écueils qui
résultent de leur mise en œuvre. À cette fin, le cadre théorique de notre recherche propose une
analyse des concepts de décentralisation, des prérogatives et des modèles théoriques en lien avec
notre problématique et notre démarche méthodologique.
Ces fondements théoriques permettent d’analyser l’appropriation des prérogatives
administratives, pédagogiques et financières auprès des DR et des CES Dans cette optique,
plusieurs caractéristiques essentielles peuvent être considérées. En premier lieu, l’appropriation
permet d’améliorer l’action, de repousser les limites rationnelles des acteurs et de mieux agir. En
second lieu, l’appropriation est orientée vers un but, l’atteindre des objectifs que l’organisation
s’est fixée.
Nous considérons également l’appropriation comme une forme de façonnage, de
personnalisation visant une meilleure mise en œuvre de la décentralisation au MESSRS par les
participants à l’étude. Partant, l’expérience de mise en œuvre du changement suppose d’une part,
affirmation de soi, et d’autre part la capacité des participants à l’étude de rompre avec certains
cadres établis et à devenir des agents capables d’assumer leurs actes.
65
L’analyse du processus d’appropriation auprès des DR et des CES s’inscrit dans la
continuité des travaux de recherche sur les expériences de mise en œuvre de la décentralisation
en éducation et les enrichit des modalités appropriatives. Au mieux, réfléchir en termes
d’appropriation permet d’apprendre à composer avec ses propres responsabilités et de tenir
compte du rôle des différentes personnes impliquées dans le changement.
Bien entendu, l’appropriation du changement, notion opératoire, devient pertinente pour
cette étude. Aussi, avons-nous choisi de l’aborder par le biais de la description de leurs pratiques.
La notion de pratique renvoie ici à des façons d’agir, à une manière concrète de s’acquitter d’une
tâche spécifique, dans une situation donnée (Lessard et al. 2008). Elle comprend donc des
actions et des représentations.
Quelque forme qu’elle puisse prendre, l’appropriation passe par une compréhension du
sens de son action et une volonté d’assumer ses prérogatives en se sentant garant de la mise en
œuvre des changements. En ce sens, elle repose sur l’engagement individuel et collectif des
différents acteurs et comporte ainsi une dimension de continuité. Elle garantit la régularité dans
le désir de porter le changement et rend possible les actions. Cette triple dimension, engagement,
régularité et continuité, est indispensable à toute action d’appropriation. Finalement, elle devient
une notion qui confère aux expériences une signification, qui éclaire les actes et invite à dépasser
certaines apories.
66
Clarification de notre position :
Cette recherche ne porte donc pas sur le bien-fondé des réformes de décentralisation au
MESSRS, ni n’entend analyser leurs effets potentiels ou réels sur les DR et les CES. Notre
recherche se propose plutôt d’explorer leurs pratiques d’appropriation dans la perspective d’une
mise en œuvre réussie des réformes de décentralisation. Comme tous les chercheurs dans le
domaine des sciences sociales et humaines, nous ne prétendons pas être neutres et parfaitement
objectifs. Dans le but de clarifier nos présupposés ou prémisses de base, il convient de savoir
que pour nous :
- les textes des réformes de décentralisation peuvent être lus de manière subjective par
les différents acteurs (DR et CES);
- la recherche sur l’appropriation des réformes de décentralisation participe à leur
meilleure implantation;
- et finalement, il existe une diversité d’appropriation que d’acteurs. Cette diversité
ancrée dans la réalité des praticiens peut contribuer à une meilleure mise en œuvre
des réformes au MESSRS.
67
Caractéristiques/ Prérogatives
Connaissances
Perception
Appropriation
Récurrence
Convergences
Divergences
Figure 6: cadre théorique d’analyse de l'appropriation des prérogatives auprès des DR et
de CES
Cadres scolaires DR CES
Caractéristiques qui influencent l’appropriation
Organisationnelle Individuelle politique psychologique contexte
Appropriation Compréhensive Perspectives Appropriative
3 phases 3 formes
Rationnelle Interprétation Stratégique
Socio-politique Acceptation Fonctionnelle
Psycho-cognitive Intégration Opératoire
Référents interprétatifs ou psychologiques Prise de conscience, sens critique, compréhension des interdépendances
Spécificités
Similitudes Différences
Bases théoriques de l’analyse des expériences
d’appropriation des DR et des CES
68
Cette figure illustre les notions importantes à notre question de recherche et mises de
l’avant de l’avant par notre cadre théorique. Elle organise et schématise l’univers au sein duquel
s’insère l’analyse de l’appropriation des réformes de décentralisation auprès des DR et des CES.
Ce cadre d’analyse comporte trois dimensions essentielles associées à trois perspectives.
Tout d’abord, la connaissance de l’environnement et de leurs prérogatives joue un rôle
important dans la dynamique appropriative des participants à l’étude. Ensuite, il convient
d’examiner la perception et les attentes des participants à l’étude pour mieux cerner leurs
perspectives inhérentes aux réformes de décentralisation au MESSRS. En définitive, nous
considérons que l’appropriation des réformes et leurs prérogatives, objet principal de cette
recherche, s’inscrit dans un va-et-vient constant entre théorie et pratique. C’est ainsi que l’on
peut espérer contribuer à l’évolution des connaissances scientifiques en termes d’appropriation
dans le domaine de la gestion. Ce cadre théorique est particulièrement important pour la
construction du cadre méthodologique de notre recherche, ce dont il sera maintenant question
dans le chapitre 4 de cette deuxième partie de la thèse.
69
Deuxième partie : Cadre méthodologique
70
Chapitre III : Méthodologie
Cette partie, compte tenu des objectifs poursuivis oriente notre recherche vers le
paradigme qualitatif. Une telle approche épistémologique a pour finalité de comprendre et de
construire un sens aux significations que les individus donnent à leur propre vie et à leurs
expériences (Anadon 2006). Plus précisément, les postulats ontologique et épistémologique
inhérentes au paradigme compréhensif encouragent le choix de méthodes qualitatives pour
l’étude de l’appropriation à partir de l’expérience des individus. À cet effet, nous abordons
successivement l’approche méthodologique, le choix des participants, les techniques de collecte
et d’analyse des données, les critères de rigueur ainsi que les contributions et limites de notre
étude.
Figure 7: démarche méthodologique
Participants : DR et CES du
MESSRS
Objet de recherche :
Expérience d’appropriation des
prérogatives de la décentralisation
Démarche qualitative
Méthode de collecte de
données ouverte
Analyse des données :
analyse de contenu et
logiciel NUD*IST
Approche :
Phénoménologie
Objectif : comprendre les
pratiques d’appropriation des
prérogatives
Outils de collecte des données :
Entretien semi-directif
Documents archives;
Dynamique d’appropriation
71
3.1. Approche méthodologique
L’objet de cette recherche étant de comprendre comment les DR et les CES s’approprient
leurs prérogatives, notre recherche s’inscrit dans une démarche de type qualitatif inductif et
exploratoire. En recherche qualitative, la finalité est de comprendre et de construire le sens à
partir du vécu des participants (Anadon et al. 2007). La compréhension procède autrement que
l’explication, elle permet de saisir les significations que l’individu donne à son action. Ainsi,
l’approche qualitative sous-entend une implication du chercheur, des entrevues semi-dirigées ou
ouvertes et des critères de rigueur scientifique (Deslauriers, 1997; Bizeul, 2006).
Figure 8: approche méthodologique
Objet de la recherche: expérience d'appropriation
Analyse phénoménologique
Structure et dynamique
d'appropriation
Analyse qualitative
Objectif de modelisation
Induction
72
3.1.1. Justification du choix méthodologique
Compte tenu de la nature de l’objet d’étude, comprendre l’agir humain « avec » plutôt
que « sur » (Paillé, 2006), la démarche inductive (Creswell, 1998) se révèle apte à fournir des
données pertinentes et à analyser les expériences telles qu’elles sont vécues et décrites par les
participants (Anadon, 2006). L’approche qualitative s’appuiera d’emblée sur « l’étude des
structures de la conscience, ce qui inclut une corrélation entre les actes de la conscience, leur
objet […] et les divers styles et modalités de présence manifestés par la conscience » (Giorgi,
1997, p.342). Autrement dit, cette démarche qualitative et exploratoire s’attachera à interroger
toute visée de sens et à thématiser la position du sujet voué à la compréhension (Meyor et al.
2005).
À y réfléchir, l’étude de l’expérience dans un souci de monstration fait appel à la
description plutôt qu’à l’explication (Depraz, 2006). Dans ces circonstances, elle s’inscrit dans
une dynamique fondée sur l’ajustement et l’intégration de l’expérience humaine (Merleau-Ponty,
1945). En fait, notre recherche entend mettre l’accent sur le vécu empirique des DR et des CES
afin de saisir les significations originaires (Bordeleau, 2005) qu’ils donnent à leur expérience
d’appropriation (Angers, 1996, Karsenti et Savoie-Zajc, 2000).
En outre, cette recherche se propose d’appréhender la démarche réflexive des participants
sur les conditions individuelles, organisationnelles et structurelles du changement,
singulièrement la manière dont ils s’approprient leur rôle et leurs responsabilités. Elle s’appuie
sur la réduction (Giorgi, 1997 ; Bordeleau, 2005 ; Meyor et al. 2005) entendue ici sous deux
acceptions : la première consiste, pour le chercheur, à mettre entre parenthèses (époquês) les
73
connaissances théoriques ou prénotions (Cefaï, 2006) sur l’appropriation afin de saisir le monde
originel (Bordeleau, 2005) des participants. Dans le second, le chercheur se doit d’engager une
analyse descriptive, mais essentielle à la compréhension des actes.
Finalement, au regard des principales caractéristiques livrées plus haut, notre approche
méthodologique se situe au sein de la logique descriptive. Elle s’inscrit donc dans le courant de
la phénoménologie interprétative ou herméneutique (Deschamp, 1993). Au reste, notre méthode
de recherche reflète de façon succincte les principales caractéristiques de toute approche
phénoménologique.
3.1.2. Expérience appropriative
Selon Depraz (2006), l’appropriation du changement passe par la dimension
transformative de soi et des autres, de soi par les autres et des autres par soi. De ce point de vue,
tout chercheur qualitatif doit centrer son attention sur le processus du changement du sujet en
tant que tel. Ainsi, Peirce en vient à distinguer « l’entière signification » (meaning) et la « portée
significative » (signifiance) dans les expériences humaines. En d’autres termes, trois qualités
apparaissent essentielles à tout chercheur qualitatif dans l’analyse d’une expérience : a) une
faculté rare, celle de voir ce qui saute aux yeux, tel que cela se présente tout simplement, sans le
remplacer par une interprétation (l’épochè) ; b) une faculté de discrimination (l’intentionnalité),
qui s’efforce de traquer le trait le plus pertinent et c) un pouvoir de généralisation (variation
eidétique). Le plus important donc est d’examiner de près ce qui est en jeu dans le propos tenu, à
savoir sa dimension d’évidence expérientielle (Depraz, 2006). La réalité étudiée est une
conception contextuelle de la vérité. En ce sens, il s’agit d’une vérité située. Ainsi, l’expérience
pratique définit l’être des choses :
74
« This seems to me an excellent place for applying
the pragmatic method. When a dispute arises, that
method consists in auguring what practical
consequences would be different if one side rather
than the other were true. If no difference can be
thought of the dispute is a quarrel of words1» (p.
72).
En fait, l’expérience se cultive et se développe en fonction de nos choix, de nos goûts et
de nos aspirations (Depraz, 2006). L’appropriation réside donc dans la mise en pratique par le
sujet de ce qu’il voit de façon évidente et expérimente à chaque instant (Depraz, 2006). De ce
point de vue-là, comment les participants à l’étude vivent de l’intérieur les activités
professionnelles quotidiennes ? Quels sont les points de synthèse (de l’entière signification) de
leur perception globale (syncrétisme).
Dans les sections suivantes, nous exposons le protocole de recherche, la procédure de
sélection des participants, leurs caractéristiques, les méthodes de collecte des données et les
procédures suivies pour la cueillette des données. Ensuite, nous décrivons les techniques
d’analyses employées. Finalement, le chapitre se termine sur les questions spécifiques des
critères de scientificités à cette étude.
3.2. Collecte des données
La collecte de données s’est déroulée de janvier à mars 2010. Elle a débuté en janvier
2010 par une immersion et des observations sur le terrain en milieu de travail. Elle a été rendue
possible par des techniques combinées : observation (immersion), entrevues individuelles semi-
dirigées, collecte de documents d’archives. Le recours à chacune des techniques de collecte de
données obéit au souci de colliger les informations pertinentes sur l’objet d’étude.
1 W. James, Essays in radical empiricism, Lincoln and London, University of Nebraska Press, 1996, p.72
75
3.2.1. Choix des sites et des participants
Au début du projet de recherche, nous avons envisagé de mener l’analyse de
l’appropriation de la décentralisation dans les treize (13) régions de l’enseignement secondaire
que compte le MESSRS. Mais, le choix de deux régions et de trois établissements secondaires
publics par région se justifie par le souci de réduire les distances à parcourir et les différents
coûts financiers. Au demeurant, en l’absence des recteurs d’académie et des directeurs
provinciaux de l’enseignement secondaire, le recrutement de nos participants s’est effectué à
l’intérieur de deux groupes, soit les DR et les CES publics, et selon la technique dite « Boule de
neige » (Pires, 1997).
Dans un premier temps, nous avons contacté les hauts responsables du MESSRS pour
leur présenter notre projet de recherche et leur demander l’autorisation (en annexe) d’accès aux
sites appropriés. Une fois l’autorisation obtenue, ils nous ont mis en contact avec les directions
régionales qui répondaient à nos critères. Une fois mis en contact avec ces DR, nous leur avons
présenté notre projet et demandé de nous référer également à des CES répondant aux
caractéristiques de notre échantillon souhaité et qui seraient intéressés et disponibles pour une
telle recherche.
Choisis pour leur représentativité par rapport à l’objet de recherche, les deux DR Taryam
et Kané, nous ont proposé une liste de CES ayant plus de cinq ans d’expériences dans les
fonctions de chef d’établissement et, qui sont intéressés et disponibles à partager leurs
expériences d’appropriation des réformes de décentralisation en cours. Ainsi, dès le mois
d’octobre 2009, par divers moyens de communication (télécopie, courriel et téléphone), les
participants à l’étude étaient tous choisis.
76
Les DR participants répondant aux critères de notre recherche étaient au nombre de deux
sur 13 régions. Tous deux inspecteurs de l’enseignement secondaire, ils ont suivi ou suivent des
formations continues en leadership et en gestion des ressources humaines. Quant au groupe de
groupe de chefs d’établissements, il est constitué de six participants dont une femme: Balo,
Manou, Pema, Salou, Tina et Yaya. Tous sont des professeurs de lycées avec des expériences
variant entre neuf et 15 années. Ils ont tous librement consentis de participer à la recherche et ont
signé le formulaire de consentement (en annexe) expliquant les objectifs poursuivis et les
conditions de leur participation. Fait important, deux des participants, soit un CES et un DR
partaient à la retraite dans un délai d’un an.
Précisons qu’en raison de considérations éthiques et en accord avec les exigences du
certificat d’approbation déontologique, les prénoms des participants sont des pseudonymes. Ce
choix garantit particulièrement l’anonymat des DR et des CES.
La taille de notre échantillon de huit participants, entérinée par les membres du comité de
thèse, correspond aux normes et aux objectifs poursuivis par cette recherche phénoménologique.
L’objectif étant de recueillir des informations pertinentes pour mieux comprendre le processus
d’appropriation des prérogatives auprès des deux catégories d’acteurs administratifs. Fait
significatif, l’échantillon ne présente pas une grande hétérogénéité au niveau du genre et du
nombre d’années d’expérience. Partant les participants à la recherche posséderaient « une culture
d’expérience qui est indispensable à la réalisation du changement » (Le Bossé et Dufor 2001, p.
92-93). Qu’en est-il des caractéristiques des sites et des participants à l’étude sélectionnés ?
77
Plusieurs sites et catégories d’acteurs, pour ne pas dire tous les acteurs du MESSRS,
spécifiquement reliés aux réformes de décentralisation sont concernés par notre recherche :
directions régionales et provinciales, directeurs régional et provincial, chef d’établissement,
parents d’élèves, élèves etc. Mais dans cette recherche exploratoire sur les modalités
d’appropriation des prérogatives auprès des principaux acteurs, nous avons arrêté notre choix sur
deux directeurs régionaux et six chefs d’établissements secondaires publics afin de comparer
leurs propos récurrents, contradictoires et convergents.
Le choix des sites de collectes des données tient compte des objectifs de l’étude et des
caractéristiques spécifiques recherchées auprès des participants. Les critères d’inclusion se
référaient au nombre d’années de service dans l’enseignement, 10 ans minimum; de même que
cumuler une expérience de cinq ans et plus dans les fonctions de directeur régional ou de chef
d’établissement. Les autres critères d’inclusion consistent à s’engager de façon volontaire à
participer à la recherche. Le dernier critère concerne le désir de vouloir partager son expérience
vécue comme DR ou CES dans la conduite des réformes de décentralisation au MESSRS. Telles
sont les critères qui ont sous-tendus le choix des sites A et B (voir Annexe 9) et des huit
participants.
3.2.2. Choix des outils de collecte des données
Le choix des outils de collecte de données se doit d’être en cohérence avec les objectifs
de notre recherche. L’enjeu principal étant de saisir la signification des réformes auprès des
participants et de comprendre leurs modes d’appropriations, nous avons opté pour une collecte
de données combinant plusieurs techniques. À cet égard, les outils préconisés en méthodes
qualitatives et utilisés dans la présente étude sont décrits dans la section suivante.
78
3.2.2.1. Description des outils de collecte des données
Parmi les outils de collecte de données de cette étude, on retrouve l’observation,
l’entrevue et la collecte de documents d’archives. Bien entendu, cette pluralité d’outils de
collecte de données assure une plus grande crédibilité aux résultats de l’étude. Conséquemment,
ces différentes méthodes assurent une triangulation appropriée des données recueillies. À cet
effet, la triangulation suppose:
« …une stratégie de recherche au cours de laquelle le
chercheur superpose et combine plusieurs techniques de
collecte de données afin de compenser le biais inhérent à
chacune d’elles. La stratégie permet également de
vérifier la justesse et la stabilité des résultats produits. Le
recours à la triangulation décrit aussi un état d’esprit du
chercheur, lequel tente activement et consciemment de
soutenir, de recouper, de corroborer les résultats de son
étude (Mucchielli 2004, p. 289)».
Elle permet ainsi de croiser différentes formes de recueil de données afin de pallier les
risques d’un manque de données pertinentes et, oblige le chercheur à avoir une plus grande
ouverture et écoute de son terrain.
3.2.2.1.1. L’observation
L’observation inductive s’est faite à partir d’une grille suggérée par Spradley (1980),
Lamoureux (1995) et Angers, (1996) avec des prises de notes descriptives et analytiques
(Laperrière, 1997), ainsi que des notes personnelles tels que les sentiments éprouvés portant sur
la situation observée sont consignées dans le journal de bord (Angers, 1996 ; Jaccoud et Mayer,
1997). Comme le préconise Cefaï (2006) nous avons adopté une attitude mesurée en tenant
compte du contexte et des objectifs de la recherche pour appréhender les situations comme elles
sont, au plus près, de la façon la plus descriptive qui soit (Bizeul, 2006).
79
Au cours de la semaine d’immersion, d’observation et de conduite de la première
entrevue, nous avons eu une séance d’imprégnation avec chacun des participants. Cette étape
nous a permis de nous familiariser avec chaque participant. Dès l’abord du terrain d’enquête,
nous nous sommes employé à manifester une attitude positive face à chaque participant. Selon,
de nombreux épistémologues (Pourtois et al. 2006; Hamel, 2006; Paillé et Mucchielli, 2008) la
connaissance phénoménologique se révèle objective lorsqu’elle n’est pas entachée de jugement
de valeur. À cette fin, et à la lumière des craintes évoquées sur les entrevues par certains
participants ainsi que les problèmes appréhendés, nous avons répondu sans réserve à toutes ces
craintes vagues.
Outre l’élucidation des inquiétudes, nous avons adopté une attitude d’empathie. Dans
cette perspective, certains auteurs, tout particulièrement, Paillé et Mucchielli (2003) suggèrent de
se laisser toucher, de lâcher prise par rapport à nos catégories interprétatives, impératives, et de
chercher à voir, à comprendre et penser autrement. Dans ces conditions nous décrivons les
différents outils de collecte des données dans les sections qui vont suivre. Ces différentes sources
d’information contribuent Ade rem, c’est-à-dire d’une manière pertinente et précise, à la validité
interne des résultats produits.
3.2.2.1.2. Les entrevues
L’enjeu ici, ce n’est pas tant le nombre d’entrevues réalisées que la prise en considération
de la variété des interviewés (Deslauriers, 1991), de leurs récits et de leurs expériences
appropriatives en vue d’améliorer notre compréhension de l’appropriation de la décentralisation
en pratique au MESSRS. Les entrevues se sont déroulées conformément à la grille des entrevues
en annexe.
80
Cette perspective compréhensive accorde une importance aux savoirs d’expériences des
DR et des CES (Angers, 1996). Dès lors, la connaissance devient :
« Une construction partagée à partir de l’interaction
chercheur/participants, interaction traversée par des
valeurs qui ont un impact sur la connaissance produite et
sur le processus de production. Ainsi, la subjectivité et
l’intersubjectivité sont considérées comme des
« moyens » incontournables de construction des savoirs
et non comme des obstacles à la production des
connaissances » (Anadon et al., 2007 :p.28).
Dans ces conditions, amener les DR et les CES à se raconter dans une situation vécue
leur permet de réfléchir au contexte d’exercice de leur fonction et de questionner leurs pratiques
d’appropriation des objectifs poursuivis par la décentralisation. Considérée de la sorte, les
entretiens semi-directifs contribuent à une prise de conscience de la manière dont ils promeuvent
leur propre capacité d’agir. Cette approche considère les DR et les CES, agents administratifs,
comme des sujets compétents (Paillé, 2006) susceptibles de raconter leur pratique singulière lors
des entretiens.
Partant, les entrevues semi-dirigées privilégiées facilitent la libre-expression des
participants, tout en permettant au chercheur de cadrer le discours dans la perspective de la
recherche. Ainsi, l’entretien semi-directif, à bien des égards, permet de minimiser l’influence
exercée par le chercheur et ses questions (Kaufmann, 2004).
A priori, nous avons jugé que les entretiens individuels semi-directifs offriraient à chaque
participant l’occasion d’exprimer « le fond de sa pensée ». La décision de procéder ainsi tient au
fait que nous avons affaire à deux corpus avec un lien de subordination.
81
Tous les participants ont accepté de nous rencontrer à un endroit identifié en commun
accord. Les entretiens individuels ont eu lieu dans leurs bureaux respectifs. Chaque participant
interdisait l’accès à son bureau auprès de son secrétariat lorsque l’entretien avait lieu aux heures
de services ou fermait la porte de son bureau à clé pour éviter toute intrusion, les jours non
ouvrables. Les premières entrevues d’une durée moyenne d’une heure permirent aux participants
de raconter leur expérience d’appropriation de leurs prérogatives. Au cours de ces entretiens,
face à certains participants moins éloquents voir silencieux, nous avons pu nous rendre nous
même à l’évidence qu’aucune préparation ne permet d’anticiper sur le déroulement réel des
entretiens. Aussi, les techniques de relances nous ont été d’une grande importance dans ces
moments de silence inhabituel face à certaines questions.
Notre rôle étant de susciter la conversation sans diriger les différentes étapes, à savoir
respecter leur décision de poursuivre ou d’orienter l’entretien, nous avons dû revisiter notre grille
d’entretien, en rappelant aux participants, le caractère conversationnel de la démarche privilégiée
par les entrevues.
Fait significatif, il s’est présenté une « situation inattendue » lors de l’entrevue avec une
personne participante à la recherche. Pour des raisons diverses cette personne s’est éclatée en
sanglot lors de la première entrevue. Nous avons interrompu l’entrevue afin de lui laisser du
temps pour se ressaisir. Lorsqu’elle nous a signifié qu’elle était disposée à poursuivre l’entrevue,
nous avons repris la conversation à partir de ses récits. Essentiellement, cette personne vivait des
expériences administratives difficiles et venait de comprendre que l’appropriation de ses
prérogatives ne peut se réaliser qu’à travers des étapes successives, nous a-t-elle confié.
82
3.2.3. Transcription et validation des récits
La transcription des interviews s’est faite de façon quasi intégrale, en inscrivant nos
interventions (reformulations, réitérations, interrogations), en notant certains éléments de
contexte (rires), en rapportant la plupart des répétitions ou onomatopées survenues au cours des
entretiens (…oui, oui), ainsi que les hésitations « euh ! ». Ces différents éléments permettent de
rendre présent le contexte de l’entretien lors de l’analyse des verbatims. Chacune des entrevues
transcrite et soumise aux DR et aux CES pour approbation. Cette démarche rend aux participants
l’entière propriété de leur récit en leur permettant d’amender la transcription que nous en avons
faite (Cefaï, 2006). Ils y ont apporté des ajustements qu’ils considèrent importants afin de mieux
rendre compte du sens qu’ils attribuent à leur expérience d’appropriation.
Cette validation par les participants à l’étude nous permet de répondre au critère de
fidélité qui assure aux DR et aux CES le respect du sens des propos tenus dans l’instant avec le
sens de l’expérience vue de l’extérieur. Ainsi, comme le soutient Desgagné (2005), le narrateur
assume son expérience tant lorsqu’il se dit que lorsqu’il se lit. En ce sens, la recherche respecte
le point de vue de l’auteur du récit sur son expérience. À ces différentes entrevues soumises au
principe de saturations, enregistrées avec la permission des participants et validées, nous avons
pris en compte des documents d’archives (Dépelteau, 2000) suggérés ou offerts par les
participants.
3.2.4. Données secondaires
À l’opposé des données primaires qui relèvent des entrevues, les données secondaires
renvoient plutôt à des informations obtenues à partir des documents officiels qui encadrent le
processus de décentralisation au Burkina. Le choix de ces documents tient compte des critères
83
suggérés par Bardin (1993) et Landry (1997). Ces auteurs préconisent une prise en compte des
critères suivants : exhaustivité, représentativité, homogénéité et pertinence des documents.
L’exhaustivité renvoie à la totalité des documents répondant à nos critères de sélection,
tandis que l’homogénéité va de pair avec l’exclusivité. Ainsi, les documents visés obéissent aux
critères retenus, à savoir être des textes portant sur la réforme de décentralisation au Burkina
Faso et au MESSRS singulièrement. Quant à la pertinence, elle porte sur le contenu des
documents retenus et leur lien avec les objectifs de l’étude.
Le corpus étant, « l’ensemble des documents pris en compte pour être soumis aux
procédures analytiques » (Bardin, 1977, p.95), nous avons choisi une collecte de documents
officiels couvrant le thème de la décentralisation, des Lois et règlements encadrant les fonctions
des DR et des CES. Ce choix se fonde sur la pertinence et le contenu atypique des documents,
leur lien avec l’objet d’étude et en adéquation avec les interrogations de notre problématique.
Les étapes ayant conduit à la collecte des données se fondent sur deux aspects
fondamentaux de notre étude: en premier lieu, il y a la notion de décentralisation au Burkina
Faso, singulièrement au MESSRS et ses caractéristiques et en second lieu les objectifs
spécifiques à notre recherche. Ce qui nous a conduit à recueillir les documents gouvernementaux
instituant et organisant les politiques de décentralisation au Burkina Faso en général et au
MESSRS en particulier.
84
Fort de ces critères ci-dessus mentionnés, nous avons pris en compte différents
documents dont la liste détaillée se trouve au chapitre 5 dans le tableau 4. L’ensemble de ces
documents traite des réformes de la décentralisation des systèmes d’éducation du Burkina Faso.
Il importe également de signaler que la collecte de ces différents documents a été rendue
possible, grâce à la collaboration et à la volonté de différentes personnes ressources du MESSRS,
notamment le directeur des ressources humaines (DRH), le Secrétaire Général (SG) du ministère
les CES, les DR et aux bons services des agents de la direction de la documentation et des
archives du MESSRS.
3.2.5. Le journal de bord
Finalement, le journal de bord (Rubin & Rubin, 1995) a permis de consigner faits,
observations, commentaires, pensées, sentiments et réflexions faites tout au long de la recherche.
Cet outil mémo constitue une source importante d’accès à nos propres représentations et préjugés
en rapport avec nos observations et contribue à maintenir une certaine réflexivité tant au niveau
de l’interaction que durant l’analyse et l’interprétation des données ainsi qu’à la phase de
production de notre rapport de thèse.
3.3. Déroulement de la collecte des données
Dans notre approche qualitative de collecte des données, trois techniques telles que
décrites plus haut ont été retenues. L’observation, les entrevues semi-dirigées et le journal de
bord. Pour éclairer les différents lecteurs de la thèse sur le déroulement de la collecte des
informations, il est nécessaire d’aborder ici et de façon détaillée le travail de terrain.
85
Conscient des efforts et des compromis à effectuer, nous avons entamé la collecte des
données sur le terrain en 11 semaines, soit du 11 janvier au 4 avril 2010. Dans cette perspective,
nous avons alterné, en fonction des contraintes de terrain notamment la disponibilité des
participants, les observations et les entrevues (voir calendrier de collecte des données, annexe 9).
Ainsi, les séances d’observation, d’une durée de trois jours par participant, étaient suivies de
moments de réflexion et d’écriture sur le journal de bord. Les différentes observations se
faisaient de façon discrète et portaient principalement sur les activités professionnelles des DR et
des chefs d’établissements secondaires publics (voir annexe 6). Pour l’essentiel, nous prêtions
attentions aux comportements des participants au service, à leurs interactions, à la conduite des
réunions et tout ce qui avait un lien avec les objectifs de l’étude.
Parmi les actions concrètes que les chefs d’établissements posent, il y a le traitement du
courrier, une séance de débriefing avec le surveillant général, l’intendant et les autres personnels
ayant des fonctions spécifiques comme les professeurs principaux. Très souvent, ils passent
quelques appels téléphoniques à des collègues ou à la direction régionale. À l’issue de ces
différentes actions, ils parcourent le domaine scolaire, marquent des arrêts dans des salles de
classes sans professeur, échangent avec les élèves hors des salles de classes. Nous avons observé
que seul Salou rejoignait la salle de professeurs à l’heure de la pause à 10 heures et discutait avec
le personnel présent sur diverses questions.
Au cours de nos différentes observations, nous avons constaté que les directeurs
régionaux consacraient plus de temps aux activités de bureau et aux rencontres protocolaires. Les
observations se sont avéré une expérience riche en enseignements. Au bureau, ils référaient
certains usagers aux responsables des services techniques compétents. Toutefois, Taryam et
Kané prenaient soin de les instruire au téléphone.
86
Quant à notre journal de bord ou de terrain (voir Annexes 6 et 8), il contient
essentiellement les transcriptions des données d’observation, des passages d’enregistrement lors
des observations, des réflexions personnelles et des pistes d’analyse des données.
Finalement, tous les entretiens ont eu lieu dans les bureaux des participants. Quatre
entretiens avec les chefs d’établissements ont eu lieu immédiatement après les prises de contact
et ont bouleversé le calendrier d’observation du fait du temps consacré à la transcription des
entrevues réalisées. La première entrevue d’une durée approximative de 60 minutes comportait
essentiellement des questions ouvertes fortement suggérées dans le cadre d’une recherche
qualitative de type phénoménologique. Des questions ouvertes telles que : racontez-moi votre
compréhension des réformes de décentralisation ? Que signifie pour vous être DR ou CES? Ces
différentes questions visaient à favoriser la libre expression des cadres scolaires interviewés.
La deuxième entrevue d’une durée de 30 à 45 minutes servait à préciser, approfondir et
compléter certaines dimensions de l’expérience des interviewés, du moins les plus essentielles.
Plus spécifiquement, lors de cette seconde entrevue, nous revenions sur certains thèmes abordés
dans la première entrevue. Par exemple, lors de la première entrevue, vous avez parlé de (savoir
composer avec les gens), pouvez-vous nous expliciter davantage votre pensée ? Que voulez-vous
dire, lorsque vous évoquiez la nécessité d’être un modèle ? À la fin de cette dernière entrevue,
nous posons toujours la question suivante à chaque participant. Quelles réflexions vous inspire
votre participation à cette étude. À ce qui précède, ajoutons que nous avons des lunchs à
l’ensemble des participants à la fin de notre enquête de terrain.
87
Mentionnons qu’au cours des premières entrevues, nous avons par deux fois été perturbés
par des appels téléphoniques auxquels deux CES ont répondu. Ce qui, bien entendu, entraîne une
pause dans la conversation. Ces faits circonstanciels ont mis en évidence la nécessité de
demander aux différents participants d’éteindre leur téléphone portable ou de les confier à une
personne de leur choix.
De plus, les principaux défis lors des entretiens étaient de contrôler la convenance des
participants, le ton de la conversation et particulièrement veiller à ce que ceux-ci se sentent à
l’aise, respectés et parlent sans crainte. Dans cet esprit, avant chaque entrevue, nous nous
exerçons et prêtions une attention à l’intonation et au débit de la voix, à notre posture corporelle
ainsi qu’au regard porté sur l’interlocuteur.
Un autre défi résidait dans l’écoute attentive et soutenue. C’est ainsi, par exemple, que
nous avons développé au fil de l’expérience une sensibilité et une réceptivité à l’écoute des DR
et des CES. Plusieurs comportements ont sous-tendu cette quête de confiance et d’assurance.
D’une part, le hochement de tête témoignait de notre écoute attentive. D’autre part, les questions
de relance, les demandes de précision et la transcription exacte « verbatim » des contenus
d’entrevues renforçaient le niveau de confiance perçu des participants.
Certes, il existe bien différentes techniques, mais tous les participants nous ont témoigné
leur satisfaction à la validation des transcriptions qu’ils ont qualifiées d’intégrales et minutieuses.
Nous convenons par ailleurs que l’expérience de collecte des données a été une étape stimulante
et d’apprentissage pour le chercheur débutant que nous sommes.
88
3.4. Les différentes étapes de l’analyse des données
La démarche d’analyse considère plus qu’une technique de collecte de données. À la
collecte de données par des entrevues s’est ajoutée une collecte de documents d’archives.
Plusieurs méthodologues (Maxwell, 1996 ; Paillé et Mucchielli, 2003, 2008) intéressés à
l’analyse de données en recherche qualitative la considèrent comme un ensemble de stratégies et
de techniques. Maxwell (1996) suggère de tenir compte des liens logiques et empiriques qui
doivent exister entre les questions de recherche, le recueil de données et les modalités d’analyse
de données. L’analyse des données de cette recherche s’est faite en deux phases inspirées
principalement par les procédures préconisées par Paillé et Mucchielli (2003, 2008) : l’analyse
descriptive et l’analyse interprétative.
Au cours de l’analyse descriptive, nous avons traité les différentes informations
contenues dans les récits d’expériences d’appropriation en accordant la même valeur et le même
niveau d’importance aux différents discours. Cette attitude qualifiée d’analyse
phénoménologique « horizontale » (Depraz, 2006) fait abstraction des caractéristiques des
personnes interviewées.
Par la suite, les catégories d’analyses n’étant pas prédéfinies mais créées à partir des
récits, nous les avons fait émergées. À partir de ces catégories, nous avons reconstitué une
synthèse et une description des pratiques d’appropriation des prérogatives des participants. Les
récits transcrits et restitués concrétisent « l’engagement phénoménologique envers la parole
reçue » (Paillé et Mucchielli, 2003). Le discours du participant occupe de ce fait une place
importante dans l’émergence de l’objet d’étude.
89
Dans la phase d’analyse interprétative, nous interprétons les différentes expériences
d’appropriation des prérogatives à partir des éléments invariants de l’appropriation ou « essences
du phénomène » étudié. Dans un premier temps, nous avons écouté les enregistrements des
entretiens avant leur transcription et lu les notes d’observation et les documents à analyser.
Pendant cette écoute et cette lecture, nous avons pris des notes et écrit des mémos sur ce que
nous pensons ou comprenons des données afin de développer des intuitions analytiques
provisoires sur les catégories ou dimensions émergentes et les relations entre elles. En second
lieu, comme le préconisent Paillé et Mucchielli (2008), nous avons procédé à l’annotation du
matériau à partir des outils analytiques suivants : la rubrique, le thème, l’énoncé, le code, la
catégorie et la modélisation.
La rubrique « renvoie à ce dont il est question dans l’extrait du corpus faisant l’objet de
l’analyse ». Elle permet d’étiqueter l’extrait et de procéder à un premier classement dans des
fiches. Le thème concerne le contenu abordé dans l’extrait et fournit des « indications sur la
teneur des propos». L’étiquetage du thème exige une lecture plus attentive.
En ce qui concerne l’énoncé, il réfère à ce qui « est soulevé, mis de l’avant, communiqué,
exposé, décrit, raconté, etc. », dans l’extrait du corpus correspondant. Il est considéré comme une
courte synthèse du contenu », et permet de façon précise de résumer un extrait. Cette étape
permis de synthétiser les contenus ou de reformuler les extraits en concepts théoriques.
Le codage de forme alphanumérique permet une identification plus ou moins abstraite de
la rubrique, du thème ou de l’énoncé et facilite ainsi les renvois aux données dont ils sont issus
pour ne pas perdre le contexte original (Maxwell, 1996). La codification est une opération
d’étiquetage des données. Grâce à des lectures préliminaires, les unités de sens sont identifiées :
90
mots, expressions, groupe de mots, phrases ou paragraphes. La codification s’est faite à deux
niveaux. L’encodage de premier niveau nous a permis de révéler les faits, à savoir les propos
objectifs des interviewés, comme les pratiques d’appropriations adoptées. Quant à la codification
de second niveau, elle a contribué à mettre à jour les inférences, c’est-à-dire les propos
interprétatifs des DR et des CES. Cela est relié aux perceptions des participants eu égard à
l’appropriation de leurs prérogatives.
Pour l’analyse qualitative, la catégorie consiste à fusionner les unités informationnelles
partageant le même sens. Elle peut revêtir deux sens, l’un générique et l’autre spécifique. Le sens
générique caractérise le regroupement d’objet de même nature et s’apparente à la notion de
thème ou de rubrique. Le sens spécifique a trait à la désignation substantive d’un phénomène
qui apparaît dans l’extrait du corpus. Elle incarne l’attribution de la signification. Finalement, la
modélisation retient les catégories les plus significatives et rend compte de leurs relations
structurelles ou fonctionnelles. Plus précisément, elle permet de découvrir les pratiques
appropriatives prédominantes.
Pour conclure cette convergence de traitement des données, le logiciel d’analyse de
données qualitatives NUD*IST a servi également à la codification des données recueillies. Avec
NUD*IST, logiciel inventé par deux professeurs de l’Université La Trobe en Australie, une
ethnologue et un analyste en informatique (Bourdon, 2000), les tâches d’analyse gardent
fondamentalement les mêmes caractéristiques. L’organisation des données s’effectue selon une
logique de segmentation, de déconstruction et reconstruction. La même imprégnation du
chercheur face à ses données continue, le même regard attentif à propos des thèmes qui se
91
dégagent des propos perdure. Ligne par ligne, paragraphe par paragraphe, le chercheur tente de
les dégager, selon une logique inductive.
Ce logiciel permet particulièrement l’analyse informatisée de données qualitatives
comme les notes d’observation, les entretiens, les récits de vie, etc. (Deschenaux et Bourdon.
2005 ; Bourdon, 2000).
NUD*IST was always designed as a toolkit based on
coding text documents-interview transcripts, field notes
and the like – and analyzing and exploring that coding.
There are many methodologies in qualitative research,
particularly ones centering around coding data. We have
aimed, and we believe successfully, to support whatever
methodology or philosophy or social research NUD*IST
users prefer, whether that is ethnography, grounded
theory, phenomenology, or others. (QSR NUD*IST,
2002: 2).
Pour l’analyse de nos données, nous avons eu recours à la version 8 du logiciel
NUD*IST. En pratique, il nous a permis d’intégrer les quatre étapes d’une analyse inductive, soit
la préparation des données brutes, la lecture attentive et approfondie, l’identification des
premières catégories (nœuds) et leur révision et, finalement la hiérarchisation de ces catégories.
La tâche fondamentale revient, une fois de plus, au chercheur qui doit faire émerger la
compréhension et le schème explicatif des données colligées, en recourant aux différentes étapes
d’une façon « circulaire plutôt que linéaire » (Blais et Martineau, 2006 : 15). Toutefois, il est
bon de savoir que NUD*IST, comme tout bon logiciel d’analyse qualitative n’offre pas « une
logique d’analyse » circonstanciée et détaillée. Son succès dépend grandement de la qualité
d’intuition, de la créativité, de la capacité de synthèse, de conceptualisation et des prises de
conscience du chercheur au cours du travail d’analyse (Savoie-Zajc, 2000). Cet auteur, qui a
92
expérimenté autant l’analyse manuelle que l’analyse informatisée, décrit la ressemblance entre
les deux démarches en ces termes :
« Fondamentalement, les tâches d’analyse gardent
les mêmes caractéristiques. Le moment
d’organisation des données s’effectue toujours selon
une logique de segmentation, de déconstruction. La
même imprégnation du chercheur face à ses
données continue, le même regard attentif à propos
des thèmes qui se dégagent des propos perdure.
Ligne par ligne, paragraphe par paragraphe, le
chercheur tente de dégager, selon une approche
inductive, ce que les propos reflètent en gardant à
l’esprit la question de recherche au cœur de la
collecte des données » (Savoie-Zajc, 2000 : 104-
105).
Somme toute, NUD*IST facilite la « décontextualisation et la recontextualisation »
(Deschenaux et Bourdon, 2005) des données collectées et assure un travail d’analyse plus
rigoureux. Au reste, à travers les différentes opérations de recontextualisation, le logiciel
NUD*IST permet dans une certaine mesure de protéger l’ordre chronologique des données
colligées, une dimension fort importante de notre analyse du processus d’appropriation des
prérogatives des DR et des CES. Nous avons donc parcouru les documents et les récits transcrits
de façon méthodique et ordonnée, ligne par ligne et paragraphe par paragraphe, selon une
logique inductive, pour dégager ce que les propos reflètent en lien avec notre question de
recherche.
93
L’analyse de verbatims, comme différents ouvrages d’analyse qualitative la conçoivent
(Bardin, 1986; L’Écuyer, 1987; Deschenaux et Bourdon, 2005; Paillé et Mucchielli, 2003), peut
se faire de différentes manières. Toutefois, nous avons retenu pour comprendre le processus
d’appropriation des prérogatives des DR et des CES les principales étapes ci-après.
Ces étapes identifiées par L’Écuyer (1987) pour l’analyse de contenu comprend: la prise
de connaissance du matériel à analyser; la délimitation d’unités de sens; la recherche de
formulations de sens proche en relation avec l’objet d’analyse (l’appropriation); le regroupement
en catégories génériques sur la base d’un dénominateur commun, mettant en évidence des
caractéristiques identifiées par le chercheur.
Cet auteur rapporte trois modèles d’analyse : le « modèle ouvert », construit autour de
catégories qui sont créées à partir du contenu analysé; le « modèle fermé » conçu à partir de
catégories déterminées préalablement enfin, le « modèle mixte » qui combine les deux modèles
« ouvert et fermé ». Pour cette recherche, nous avons privilégié le « modèle ouvert » dans un
souci de ne pas adopter une grille d’analyse pré-établie qui exclurait les éventuelles découvertes.
Dans un premier temps, nous avons fait une lecture flottante des verbatims. Cette lecture,
nous a permis de nous remémorer le contexte des différents récits. Ce faisant, nous renouons
avec l’action relatée et le fil de l’histoire. Par la suite, procédant à une analyse de type « modèle
ouvert », nous avons identifié des mots-clés ayant une certaine proximité de sens. En procédant
par itération, en fusionnant des thèmes redondants et en scindant d’autres, nous avons
reconfiguré et défini les thèmes (nœuds) en retournant constamment aux données primaires.
Cette démarche permet de prendre en compte l’exhaustivité des récits recueillis.
94
Par la suite, en regroupant les thèmes traitant de ce qui semble être du même domaine
d’appropriation, nous avons constitué des catégories mutuellement exclusives qui permettent de
donner un sens global à l’analyse d’appropriation des prérogatives des DR et des CES. Des
tâches d’analyse manuelle et informatisé émergent les mêmes thèmes apparentés exprimant une
similitude thématiques. Pratiquement, l’analyse manuelle et la codification faites par NUD*IST
ont conduit, pour ainsi dire, aux mêmes catégories et thèmes.
Dans tous ces cas, l’analyse des données, pour l’essentiel, demeure une proposition de
compréhension, c’est-à-dire la présentation des sources aux lecteurs. Ceci pour dire, comme le
fait remarquer Cefaï (2003) l’analyse reste le plus souvent ouverte. Il s’agit avant tout d’un
témoignage de l’enquêteur. Loin d’être accidentel, il met en jeu la véridicité de son récit et de sa
propre crédibilité, en tant que personne « digne de foi », dotée de compétences professionnelles
et capable d’impartialité éthique et politique. Cela reste vrai pour toute analyse qualitative. Ainsi,
la qualité de l’analyse et les légitimités du chercheur enquêteur reposent sur des critères
complexes que nous abordons à présent.
3.5. Critères de scientificité
En recherche interprétative, bien qu’il existe certaines variations selon les auteurs, les
principales caractéristiques des critères de rigueur sont la crédibilité, la transférabilité, la
constance interne, la fiabilité, la réflexivité et la cohérence systémique (Guba, 1981; Pourtois et
Desmet, 1988; Laperrière, 1997; Savoie-Zajc, 2001; Gohier, 2004; Mucchielli, 2004). La
crédibilité traduit un souci de validation interne, au plan de la transcription des données.
95
La validation des récits transcrits par les participants à l’étude répond à ce critère. La
transférabilité (validité externe) renvoie à l’application, même limitée, à d’autres contextes,
reposant, entre autres, sur la description du contexte de la recherche, des participants et la nature
des données collectés.
La constance interne définie comme l’indépendance des observations et des
interprétations par rapport au temps et à la personnalité du chercheur tient au recours in situ des
données (Gohier, 2004). En ce qui concerne la fiabilité, elle renvoie à la transparence dans la
description de la démarche de recherche, à la cohérence entre les questions de recherche et les
résultats produits.
Les critères de cohérence systémique formulés par Savoie-Zajc (2001) sont d’ordre
méthodologique. Pour lui, la cohérence systémique référence à la cohérence d’ensemble de la
démarche de recherche, à la richesse de la description du contexte, à la transcription des récits et
à l’analyse rigoureuse des données.
Pour plusieurs auteurs (Lamoureux, 1995; Maxwell, 1996; Dépelteau, 2000) la
triangulation, la transférabilité, la description détaillée du contexte et du phénomène étudiés, la
mise entre parenthèse de nos propres présuppositions et le contrôle des membres constituent des
stratégies théoriques et abstraites. Cela dit, pour Maxwell (1996) ces techniques génériques ne
spécifient pas souvent la stratégie appliquée à l’étude en question. Il trouve que les critères de
rigueur en recherche qualitative doivent tenir compte des menaces particulières associées à la
posture et à la démarche dans le contexte de l’étude proposée.
96
Prenant en compte ces considérations, les principales menaces d’invalidité de cette recherche
résident davantage dans l’inexactitude ou l’imperfection des données. L’enregistrement audio
des entretiens, les notes d’observation détaillées et chronologiques ainsi que la transcription in
extenso des enregistrements, d’une part, résolvent en grande partie ce problème. D’autre part, la
validation des verbatims par les participants contribue à l’atteinte de cet objectif. Comme
étudiant chercheur, nous avons évité d’imposer, d’autre part, notre propre cadre ou notre propre
signification et avons privilégié la perspective des DR et des CES pour comprendre et interpréter
la manière dont l’appropriation se réalise dans l’action accordant ainsi, une importance à leur
expérience et aux significations qu’ils attachent à leurs récits de pratiques d’appropriation. La
description précise des étapes d’analyse manuelle et informatisée permet de minimiser les biais
associés aux théories de l’appropriation et aux préconceptions existantes.
La triangulation ou multiplication des sources de données réduit également le risque
d’association et de biais dû à une méthode particulière de collecte des données. Il convient de
noter que les méthodes triangulées peuvent présenter les mêmes biais et les mêmes sources
d’invalidité. Les entretiens et les observations par exemple sont tous vulnérables au biais de
l’auto-déclaration. De même, la tenue d’un journal de bord, décrit plus haut, permet d’assurer
une certaine cohérence entre les résultats et le déroulement de la recherche.
Pour conclure ce chapitre d’un point de vue scientifique sur les dimensions prescriptives
à savoir : neutralité, fiabilité, représentativité, transférabilité, le chercheur doit savoir trouver la
juste posture en adéquation avec son modèle de recherche. Le modèle représente ici la logique et
la cohérence de notre recherche, c’est-à-dire ses composantes et leurs inter-relations.
97
Enfin, les différentes sources de données nous ont permis d’analyser les pratiques
d’appropriations des participants à l’étude. Avant de présenter les résultats de cette recherche,
décrivons à présent le contexte général de la décentralisation au Burkina Faso et celui du
MESSRS en particulier.
98
Troisième partie : Contextualisation et présentation des résultats
99
Chapitre IV : Contextualisation
Pour élucider le contexte lié à l’analyse de l’appropriation de la décentralisation au
MESSRS, il s’avère nécessaire de connaître les dispositifs législatifs et règlementaires qui
régissent la réforme de décentralisation au Burkina Faso. Cette connaissance permet de
comprendre les comportements et perceptions des participants à l’étude. L’analyse du contexte
se structure en trois grands points : présentation du Burkina Faso (3.1); évolution de sa structure
administrative (3.2.) et description de la structure du système éducatif burkinabé et du MESSRS.
Le tableau 6 ci-dessous résume l’ensemble des documents d’archives analysés.
Tableau 4: Liste des documents d'archives collectés
No
Titre ou intitulé du document
1 Loi no 013 Portant loi d’orientation de l’éducation
2 Arrêté no 66 Fonctionnement des établissements secondaires
3 Arrêté no 54 Règlement intérieur des établissements
4 Arrêté no 132 Création des comités de gestion
5 Koega no 6 Tenue des cahiers et registres règlementaires
6 Koega no 7 Volume horaires et coefficient par discipline et par classe
7 Décret no 7 Fixation des effectifs dans les classes
8 Arrêté no 81 Règlementation du recrutement en complément d’effectif
9 Arrêté no 210 Inscription de droit
10 Arrêté no 155 Organisation des examens blancs dans les établissements
11 Arrêté no 103 Fixation des taux horaires minimaux de la vacation dans les établissements publics
12 Arrêté no 16 Règlementation des cours du soir
13 Arrêté no 194 Règlementation des fonctions du professeur principal
14 Arrêté no 190 Fixation des frais d’inscription ou de participation des élèves
15 Arrêté no 42 Frais d’inscription aux examens scolaires
16 Décret no 193 Règlementation des fonctions de chefs d’établissements et autres responsables
17 Arrêté no 133 Création des APE et de l’UNAPESB
100
4.1. Présentation du Burkina Faso
Le Burkina Faso, ancienne Haute-Volta, est un État continental situé dans la partie
subsaharienne de l’Afrique de l’Ouest. Il est limité au Nord par le Mali, à l’Est par le Niger et, au
sud-ouest par la Côte d’Ivoire et au Sud par le Ghana, le Togo et le Bénin.
Le climat burkinabé qualifié de tropical et de type soudano-sahélien, possède deux
saisons typiques aux zones sahéliennes. Une saison humide qui va de juin à octobre et une saison
sèche allant de novembre à mai. D’une année à l’autre, le climat varie énormément (16 à 45
degrés Celsius) et constitue un des soucis majeurs de l’ensemble de la population. À l’image des
variations climatiques, le pays a connu des mutations sociales et politiques difficiles dans son
évolution historique. L’analyse des événements importants, ayant marqué l’évolution du Burkina
de la période d’avant son indépendance à nos jours, se présente dans la section suivante.
4.1.1. Évolution historique et politique
Le Burkina Faso ex Haute-Volta, reste un jeune État du point de vue de sa date
d’accession à l’indépendance politique. Un examen de quelques dates historiques révèle que le
Burkina fut, de 1904 à 1919, membre de la colonie du haut Sénégal Niger, et devint par la suite,
de 1919 à 1932, la colonie de Haute-Volta.
Pour des raisons économiques et politiques, selon plusieurs historiens et auteurs,
(Savonnet-Guyot, 1985, p35, 1986, p.130-131; Ki-Zerbo, 1978, p.508; Balima, 1970, pp.78, 100
et Bassolet, 1968, p.54, 91) la colonie de Haute-Volta sera disloquée, par un décret du 5
101
septembre 19322, et répartie entre des colonies voisines la Côte d’Ivoire, le Soudan, actuel Mali
et le Niger. À la suite de plusieurs démarches et pressions politiques sous l’égide de la chefferie
traditionnelle mossi, le pays sera reconstitué et réunifié par une loi datée du 4 septembre 1947.
Le 11 décembre 1959, Maurice Yaméogo, un des leaders influent de la Haute-Volta et
futur premier Président, fait voter à Ouagadougou, une loi faisant :
- du président du conseil des ministres le chef de l’État ;
- de l’Assemblée législative une Assemblée nationale ; de la Haute-Volta une république
indépendante avec emblème et hymne national.
À la suite d’importants changements dans la constitution française3, M. Yaméogo
proclame, le 5 août 1960, l’indépendance du Burkina Faso. La première constitution, approuvée
par référendum le 27 novembre, fut adoptée par l’Assemblée nationale le 6 novembre et
promulguée par le Président le 30 novembre19604.
La Première République proclamée le 11 décembre 1959, dure de 1960 au 3 janvier 1966,
date à laquelle un mouvement syndical mit fin au mandat de M. Yaméogo. À la suite d’une grève
syndicale, de protestation contre une loi du 24 avril 1965 limitant les libertés syndicales, le droit
de grève et la réduction de 20 % de la masse salariale, le président Yaméogo fut contraint à la
démission le 3 janvier 19665. Le Général Lamizana, en sa qualité de militaire le plus ancien dans
le grade élevé, devient chef du gouvernement et dirige le pays avec un Conseil Supérieur des
Forces Armées (C.S.F.A).
2Voir Genèse de la Haute-Volta, Balima, S. A. 1970, p.166
3 Savonnet-Guyot, C. (c1986). État et sociétés au Burkina : essai sur le politique africain.
4Savonnet-Guyot, C., op. cit. p.151
5Source: Période post-coloniale, site primature, gouvernement du Burkina
102
Le 14 juin 1970, le pays se dote d’une deuxième constitution qui fit des militaires, selon
Savonnet-Guyot (1986), une composante importante des institutions de l’État, d’alors. En effet,
les dispositions de l’article 108 du Titre XV de cette constitution stipulaient que : «les charges et
prérogatives du président de la République seront assumées par la personnalité militaire la plus
ancienne dans le grade le plus élevé». Le contenu de cette disposition visait spécifiquement le
général Lamizana seul militaire, à l’époque, ayant les caractéristiques susmentionnées.
Aux élections présidentielles, le général Lamizana obtient le soutien du Rassemblement
Démocratique Africain (RDA) et gagne le mandat présidentiel. Le RDA obtient la majorité des
sièges au Parlement et s’adjuge le poste de Premier ministre et de président de l’Assemblée.
Mais très vite, des querelles internes au sein du RDA conduit à un coup d’état qui mit fin à la 2è
République6 le 8 février 1974 avec une suspension de la constitution par le président Lamizana.
De 1974-1978, le pays est dirigé par deux gouvernements dits de «Renouveau national».
En novembre 1978, le peuple adopte par référendum la troisième constitution (1978-
1980). Aux élections législatives, le RDA obtient de nouveau la majorité des élus et forme le
gouvernement. Mais des difficultés politiques et économiques, exacerbées par des mouvements
syndicaux mènent à une grève des enseignants du primaire. Cette grève de 56 jours prit fin avec
un coup d’état, dans la nuit du 24 au 25 novembre 1980, conduit par le Colonel Saye-Zerbo. Un
Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) devient l’organe dirigeant
du pays.
6Ki-zerbo, J. (1978). Histoire de l’Afrique Noire: d’hier à demain, p. 517
103
La fin de la 3ème
République est suivie d’une longue période de régimes militaires de
novembre 1980 à juin 1991. Le pays chemine avec une série de coups d’états qui ébranlent
l’unité de l’armée avec des exécutions et des assassinats politiques à partir de 1982.
Le 7 novembre 1982, de jeunes officiers s’emparent du pouvoir et mettent fin au régime
du CMRPN. Un comité de salut du peuple (CSP) est créé. Jean-Baptiste Ouédraogo devient le
président du comité et chef de l’État. Il nomme Thomas Sankara comme Premier ministre, mais
des divergences idéologiques naissent entre les deux hommes. Le président démet le Premier
ministre de ses fonctions et le fait arrêter. Le CSP (1) devient CSP (2) après avoir écarté, en son
sein, tous les membres se réclamant du Marxisme et du Lénisme. Cet ostracisme entraîne une
division au sein des forces armées avec pour conséquence la naissance de deux blocs l’un
progressiste révolutionnaire et l’autre qualifié de modéré.
Dans la nuit du 4 au 5 août 1983, Thomas Sankara ex-Premier ministre du CSP et ses
compagnons d’armes de la franche progressiste révolutionnaire, Blaise Compaoré, Jean-Baptiste
Lingani et Henri Zongo, prennent le pouvoir. Ils proclament la révolution démocratique et
populaire (RDP) avec le conseil national de la révolution (CNR) comme instance de direction.
En août 1984, soit un an après l'avènement de la révolution, la Haute-Volta devient le Burkina
Faso. Ce nom est un emprunt de concepts appartenant aux vocabulaires mossi et dioula et
signifie “ Patrie des hommes intègres ”. Les principaux symboles de la nation, comme le
drapeau, la devise, l’hymne national sont changés.
104
Le 15 octobre 1987, des dissensions internes conduisent à une implosion et à une fin
tragique du CNR. Le président Thomas Sankara et d’autres membres de l’exécutif y laissent leur
vie. Le CNR est dissout par Blaise Compaoré qui proclame la “ Rectification de la Révolution ”
et crée le front populaire (FP).
Le 2 juin 1991, le Burkina Faso adopte par référendum la 4e constitution. Le Front
populaire disparaît de facto. Depuis l’instauration de la 4è
République, le pays organise
régulièrement des élections. Cette expérience démocratique se poursuit et se manifeste grâce aux
institutions politiques qui incarnent la souveraineté du peuple burkinabé. Les organes de la
démocratie au Burkina sont, à quelques exceptions près, identiques à ceux que l’on trouve dans
toutes les démocraties du monde : l’Assemblée Nationale, Conseil Supérieur de la
Communication (CSC), Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI).
Au début de l’indépendance en 1960, la Haute-Volta était organisée en 17 cercles, 34
subdivisions, 13 postes administratifs, en communes (4)7, en cantons et en villages. À partir de
1966, le territoire de la Haute-Volta est divisé en 11 départements8 avec la création des directions
du développement rural. Ces directions sont contrôlées par des organismes régionaux de
développement (ORD) dont le but était d’assurer un encadrement des paysans en vue d’une
modernisation de l’agriculture.
72 Cf. Socio-anthropologie de la décentralisation en milieu rural africain, Itinéraires, no 49, IUED, décembre 1997
8 Voir Jacob & Blundo, Revue Itinéraire no 49, IUED, décembre 1997
105
Entre 1974 et 1975, selon Jacob & Blundo (1997), les 11 départements furent divisés en
quatre types de circonscriptions administratives : le département, la sous-préfecture,
l’arrondissement et la commune. À l’époque, le département et la commune étaient des
circonscriptions territoriales décentralisées, tandis que la sous-préfecture et l’arrondissement
constituaient des circonscriptions administratives.
En 1984, le régime du CNR adopte une nouvelle forme d’organisation du territoire en
instituant des provinces, des départements et des villages. Le pays fut alors subdivisé en 30
provinces, en 305 départements et en 8000 villages. Sous le Front populaire, le Burkina est à
nouveau découpé en 45 provinces9, en 350 départements, en 45 communes et en 8 228 villages.
La loi no 013-2001/AN portant modifications des Lois n
o040/98/AN portant Orientation de la
Décentralisation au Burkina Faso ; no 041/98/AN portant Organisation de l'Administration du
Territoire au Burkina Faso ; no
042 /98/ AN/ portant Organisation et Fonctionnement des
Collectivités Locales; no 043/98/AN portant Programmation de la Mise en Œuvre de la
Décentralisation, crée la région comme circonscription administrative. Le territoire du Burkina
est ainsi divisé en 13 régions, 45 provinces, 350 départements, 47communes et 8 228 villages.
Dès 1991, avec le retour à une vie constitutionnelle normale, une nouvelle ère de
décentralisation s’ouvre pour le Burkina Faso. En effet, la constitution du 2 juin 1991 fonde la
4ième
République et consacre la décentralisation comme mode de gouvernance du pays. À la date
du 16 novembre 1993, la Commission Nationale de la Décentralisation (CND) est créée par
décret et œuvre à la rédaction des Textes d’Orientations de la Décentralisation (TOD) adoptés
par le parlement en août 1998.
9Découpage du 24 avril 1996
106
4.2. La législation relative à la décentralisation
Quatre lois, portant sur l’orientation de la décentralisation, l’organisation de
l’administration du territoire, l’organisation et le fonctionnement des collectivités locales et un
plan de mise en œuvre de la décentralisation, composent ce dispositif législatif. Ces lois ont été
modifiées successivement en 2001, par une loi introduisant la régionalisation; en 2003, par une
autre loi qui renforce la région et supprimant la province comme collectivité locale.
L’article 2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) stipule que la
décentralisation poursuit deux objectifs majeurs : (a) la promotion du développement à la base et
(b) le renforcement de la gouvernance locale. De plus, l’analyse des documents révèle que sa
mise en œuvre se fait selon la règle de la progressivité (art.5). Dans le document du Cadre
Stratégique de Mise en Œuvre de la décentralisation (CSMOD’ mars 2007), la règle de
progressivité signifie que le transfert des compétences aux collectivités locales s’opère
graduellement en fonction du niveau d’appropriation et des capacités de mise en œuvre par
l’État. Enfin, dans la perspective de la mise en œuvre, les textes distinguent deux modalités
d’appropriation : l’appropriation sociale et l’appropriation politique.
L’appropriation sociale consiste à faire en sorte que les populations et les organisations
de la société civile s’impliquent avec responsabilité dans la gestion des affaires locales.
L’appropriation politique, quant à elle, fait référence au rôle éminent des partis politiques pour
amener les populations à participer de façon consciente au jeu politique. Tel qu’exposé, on peut
convenir que la nécessité d’une appropriation du processus de décentralisation s’impose.
107
Finalement, en 2004 l’ensemble des lois d’orientation de la décentralisation sont abrogées
et remplacées par la Loi 055/2004 /AN portant Code général des collectivités territoriales au
Burkina Faso.
4.3. Organisation du territoire
Le CGCT organise le territoire du Burkina Faso en collectivités territoriales (CT) et en
circonscriptions administratives (CA). Si les collectivités territoriales disposent d’une autonomie
décisionnelle, il n’en est pas ainsi pour les circonscriptions administratives dont relèvent les
structures du MESSRS. Ces dernières sont des entités déconcentrées dépourvues de toute
personnalité juridique.
4.3.1. Les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales regroupent les entités dotées d’une personnalité juridique et
d’une autonomie financière. La loi distingue deux types de collectivité territoriale : la commune
et la région. Chacune d’elle dispose d’un organe délibérant avec des membres exécutifs élus.
La commune
La commune, collectivité territoriale de base, est subdivisée en arrondissements, en
secteurs et/ou en villages. Au Burkina Faso, il existe trois types de communes : la commune
rurale, la commune urbaine à statut ordinaire et la commune urbaine à statut particulier.
La commune rurale : au nombre de 302, les communes rurales sont constituées en
moyennes de 25 villages. Pour être érigés en commune rurale, les villages regroupés
108
doivent avoir une population résidente de 25 000 habitants et générer des ressources
financières d’au moins cinq millions de francs CFS (5 000 000 francs CFA)10
.
La commune urbaine à statut ordinaire : les communes urbaines à statut ordinaire au
nombre de 47 se rencontrent en général dans les chefs lieux des 45 provinces. Cette
catégorie de commune doit avoir une population d’au moins 25 000 habitants et
inférieure à 200 000 avec des ressources financières annuelles atteignant au moins
25 000 000 de francs CFA.
Les communes urbaines à statut particulier : seules les grandes villes du Burkina Faso,
Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, jouissent de ce statut. Ces communes possèdent au
moins 200 000 habitants et génèrent des ressources financières propres annuelles de
500.000.000 francs CFA et plus. La commune urbaine à statut particulier est organisée
en arrondissements, en secteurs et villages. La plus grande commune Ouagadougou
compte cinq arrondissements, 30 secteurs et 17 villages. À l’inverse, la commune de
Bobo-Dioulasso compte trois arrondissements, 25 secteurs et 35 villages.
La région
La région en tant que collectivité territoriale est constituée de l’ensemble des territoires
des communes qui la composent. Son espace territorial se confond avec celui de la région
circonscription administrative. Les collectivités régionales au nombre de 13 n’ont pas encore une
existence effective.
Fait remarquable, le CGCT stipule qu’aucune collectivité territoriale n’est autorisée à
« […] à établir ou à exercer une tutelle sous quelque forme que ce soit sur l’autre ». Aussi, les
critères pertinents à l’érection des différents types de communes se réfèrent à des données de
10
1 dollar canadien équivaut à 450 f CFA
109
nature quantitative associées à des éléments non constants que sont la population et les
ressources financières. Comme on le devine aisément, ces critères peuvent connaître des
fluctuations pouvant nécessiter de perpétuelles mutations du statut des collectivités territoriales.
4.3.1.1. Les circonscriptions administratives
Les circonscriptions administratives, entités territoriales déconcentrées, sont des cadres
territoriaux de coordinations des activités du gouvernement central au niveau régional et local.
Sans personnalité juridique, les circonscriptions administratives sont constituées des régions, des
provinces et des départements.
La région
La région, circonscription administrative constitue le niveau supérieur de
déconcentration. Au nombre de 13, elles ont à leur tête un Gouverneur nommé. Administrateur
des crédits budgétaires alloués à la région par le gouvernement central, il est le représentant de
chaque ministre dans la région (Décret 2005-045, art. 2). À ce titre, les actes administratifs du
DR requièrent l’approbation préalable du Gouverneur.
La province
Les provinces, au nombre de 45, correspondent au deuxième niveau des circonscriptions
administrateurs. Elles sont dirigées par un Haut-commissaire nommé par le ministre de
l’administration territoriale et de la décentralisation. Tout comme le gouverneur, le Haut-
commissaire est chargé de l’exécution des décisions émanant du gouvernement central et de la
coordination des activités de l’administration publique à l’échelle de la province.
110
Le département
Le Burkina Faso compte 350 départements. Circonscription administrative de troisième
niveau, le département est administré par un préfet également nommé. Le préfet assure
l’exécution des lois, règlements et décisions du pouvoir central ou émanant de sa hiérarchie
directe le Haut-commissaire.
4.4. Structure du système éducatif
Sur le plan structurel, la Loi No
013 du 30 juillet 2007 portant Loi d’orientation de
l’éducation subdivise le système éducatif burkinabé en quatre sous-systèmes : l’éducation non
formelle, l’éducation formelle, l’éducation informelle et l’éducation spécialisée.
L’éducation informelle se destine aux enfants non scolarisés ou en situation d’abandon
scolaire, ainsi qu’aux adultes illettrés. Elle se développe à travers des programmes
d’alphabétisation, de formation orientée vers le développement local, de savoir-faire et de savoir-
être dans le domaine sanitaire, de formation des jeunes à des métiers artisanaux, valorisation des
langues nationales. L’éducation non formelle vise essentiellement des jeunes et des adultes de
plus de quinze ans, des adolescents âgés de 9 à quinze ans et la petite enfance, soit les enfants de
0 à 5 ans.
Avant d’aborder la section de l’éducation formelle segment d’analyse de cette recherche
parcourons succinctement les autres niveaux d’éducation : éducation informelle et éducation
spécialisée.
111
L’Éducation informelle (EI) est décrite comme celle acquise de façon fortuite et diffuse, à
travers la cellule familiale, les communautés traditionnelles et religieuses, les organisations
politiques, les groupes sociaux, les mass médias et autres moyens de communication, les
mouvements associatifs, les scènes de la vie et le spectacle de la rue.
Quant à l’Éducation spécialisée (ES) prévue dans la loi, le décret devant organiser cet
ordre d’éducation n’a pas encore été pris. Toutefois cet ordre d’enseignement relève de la
responsabilité de structures publiques ou privées reconnues par l’État dans les milieux
institutionnels ou non institutionnels. Comme mentionné ci-dessus, l’enseignement secondaire,
niveau d’intérêt pour notre recherche, se rattache au sous-système éducation formelle.
Le système d’Éducation formelle (EF) comprend l’éducation de base formelle,
l’enseignement secondaire, l’enseignement supérieur et la formation technique et
professionnelle.
L’Éducation de base formelle (EBF) comprend l’éducation préscolaire, l’enseignement
primaire et l’enseignement post-primaire. Les niveaux d’enseignement primaire et post-primaire
constituent l’enseignement de base obligatoire. Le préscolaire premier niveau de l’éducation de
base s’adresse aux enfants âgés de 3 à 6 ans. Cet ordre d’enseignement est sous la tutelle du
Ministère de l’action sociale et de la solidarité nationale (MASSN) et comporte trois sections : la
petite section (3 à 4 ans), la moyenne section (4 à 5 ans) et la grande section (5 à 6 ans).
112
L’Enseignement de Base (EB) comprend l’enseignement primaire et l’enseignement post-
primaire. L’enseignement primaire, deuxième niveau de l’éducation de base formelle, reçoit les
enfants de 6 à 12 ans. Il est constitué de trois sous-cycles que sont : le cours préparatoire (CP), le
cours élémentaires (CE) et le cours moyen (CM). Chaque sous cycle a une durée de 2 ans.
L’Enseignement post-primaire (EPP), troisième niveau de l’éducation formelle,
comprend deux catégories d’enseignement : l’enseignement général et l’enseignement technique
et professionnel.
L’Enseignement secondaire tel que prévu dans la loi comprend l’enseignement
secondaire général, l’enseignement secondaire technique et professionnel et l’enseignement
secondaire artistique. Cependant, dans les faits le système d’enseignement secondaire regroupe
également l’enseignement post-primaire. Mentionnons tout de même l’existence de
l’enseignement supérieur offert dans les universités, les instituts supérieurs et les grandes écoles.
Cet ordre d’enseignement comprend trois cycles : le premier cycle (Licence), le second cycle
(maîtrise) et le troisième cycle (doctorat). Quant à la formation technique et professionnelle, elle
est offerte à la fois dans des structures de l’enseignement post-primaire, secondaire et supérieur.
La figure 9 présente l’organisation actuelle des systèmes d’éducation du Burkina Faso.
113
Éducation
Formelle 12 – 27 ans
15 – 17 ans
12- 15 ans
6 – 12 ans
Éducation
de Base formelle
3 – 6 ans
Figure 9: structure actuelle du système éducatif
ME
SR
S
Doctorat
(3 ans ou plus)
Maîtrise
(1 an ou plus)
Licence
(3 ans ou plus)
DEUG
(1 ou 2 ans)
Secondaire : BAC
2nde 1ère Terminale
Post-Primaire : BEPC
6ème 5ème 4ème 3ème
ME
BA
Primaire : CEP
CP C E C M
1 2 1 2 1 2
Préscolaire
(Âge 3 à 4 ans) (Âge 4 à 5 ans) (Âge 5 à 6 ans)
Petite section Moyenne section Grande section
MA
SS
N
114
4.5. Politiques éducatives et décentralisation au MESSRS
4.5.1. Politiques éducatives
Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Burkina Faso (ancienne
Haute-Volta) a connu plusieurs réformes, dont certaines sont restées à l’étape de projet, ainsi que
des innovations de son système éducatif. Dès 1967 une première réforme visait la scolarisation
d’un nombre important de jeunes ruraux de moins de vingt ans, en accordant une place
importante au travail manuel. À la suite d’une évaluation aux résultats insuffisants et au constat
d’un exode rural des jeunes vers les pays voisins particulièrement, la réforme fut abandonnée.
À partir des années 1960, le Burkina Faso fut confronté à un problème de demande de
scolarisation croissante, coûteuse dans le secondaire. L’État mit en place un système de
limitation de l’accès et de contrôle des effectifs par le biais du concours d’entrée en sixième et
en classe de seconde. Outre, le succès à ces concours, le gouvernement considéra les revenus des
parents comme critère d’octroi des bourses.
Quelques années plus tard le choix d’un développement communautaire comme politique
gouvernementale conduit à un projet de réforme en 1974 avec un triple objectif : démocratiser le
savoir, lier l’acte d’apprendre à la production et revaloriser le patrimoine culturel, avec
l’introduction des langues nationales dans l’éducation nationale. Cette réforme structurait le
système éducatif en quatre cycles : l’éducation-préscolaire (3-6 ans); le cycle d’enseignement de
base, le cycle d’enseignement des métiers et le cycle de spécialisation et de recherche.
115
En 1984, le Conseil national de la révolution (CNR) mit fin à cette réforme, sans aucune
évaluation d’ensemble. Il institua « l’École révolutionnaire » comme instrument au service de la
« Révolution démocratique et populaire » (RDP). Mais, face aux critiques, aux coûts très élevés
et à la suppression des diplômes cette réforme n’a pu voir le jour.
Depuis 1991 la « Lettre d’intention de politique de développement humain durable » du
gouvernement détermine la politique générale du secteur de l’éducation et accorde la priorité à
l’éducation de base. Dans une telle optique, le gouvernement inscrit l’obligation scolaire pour les
enfants de 6 à 16 ans dans la première Loi d’orientation de l’éducation de 1996 et décide à la
même année d’octroyer les bourses d’accès au premier cycle du secondaire exclusivement aux
filles. Cette dernière mesure d’exception soulevait plus de questions qu’elle n’apportait de
solutions à l’équité et à l’égalité de chance des enfants scolarisés.
4.5.2. Décentralisation au MESSRS
L’arrêté no2003 –053/MESSRS/SG portant création de directions régionales du MESSRS
découpe le territoire en treize (13) régions, avec compétences sur les provinces citées en regard
de leur nom. Le tableau 5 ci-dessous présente les treize régions et les provinces couvertes par
chacune d’elle.
116
Tableau 5: directions régionales du MESSRS
no Direction régionale Chef-lieu Provinces couvertes
1 Boucle du Mouhoun Dédougou Balé-Banwa – kossi- Nayala - Sourou
2 Cascades Banfora Comoé-Léraba
3 Centre Ouagadougou Kadiogo
4 Sahel Dori Oudalan –Séno – Soum -Yagha
5 Centre-Nord Kaya Bam- Namentenga-Sanmatenga
6 Centre-Ouest Koudougou Boulkiemdé-Sanguié-Sissili-Ziro
7 Centre-Sud Manga Bazèga-Nahouri-Zoundwéogo
8 Est Fada N’Gourma Gnagnan-Gourma-Komandjari-Kompienga-Tapoa
9 Hauts-Bassins Bobo-Dioulasso Houet-Kénédougou-Tuy
10 Nord Ouahigouya Loroum-Passoré-Yatenga-Zandoma
11 Centre-Est Tenkodogo Boulgou-Koulpélogo-Kouritenga
12 Plateau-Central Ziniaré Ganzourgou-Kourwéogo-Oubritenga
13 Sud-Ouest Gaoua Bougouriba-Ioba-Poni-Noumbiel
Il convient de noter que le transfert de prérogatives administratives, pédagogiques et
financières au MESSRS s’est fait de l’administration centrale vers quatre structures : les
académies, les directions régionales, les directions provinciales et les établissements scolaires.
Dans l’esprit de la réforme, le ministère maintient son pouvoir d’orientation et
d’encadrement du système éducatif secondaire. D’autre part, il définit les missions, les
programmes d’études, établit les diplômes et leurs conditions de délivrance et fixe les règles de
fonctionnement des structures déconcentrées de son administration, dans tous les domaines :
administratif, pédagogique et financier. Enfin, il subventionne les établissements scolaires. On
peut sans doute remarquer que le ministère est à la fois concepteur et contrôleur de ses structures
administratives.
117
4.5.2.1. Structure du MESSRS
Au niveau central, le MESSRS est géré par deux ministres : un ministre chargé de
l’enseignement secondaire, supérieur et la recherche scientifique et un ministre délégué chargé
de l’enseignement technique et professionnel. Le ministère est organisé en secrétariat général, en
directions, en structures rattachées et en structures de missions au niveau central.
Au niveau déconcentré, la législation prévoit la création d’académies, de directions
régionales et de directions provinciales en plus des directions d’établissement qui existaient déjà
au niveau local.
Dans le cadre de la décentralisation, les académies sont chargées :
- du suivi et du contrôle de la gestion administrative, financière et pédagogique des
structures d’enseignements secondaire et supérieur de son ressort territorial;
- de la répartition des moyens humains, matériels et financiers dans les directions
régionales;
- de la mise en œuvre des directives du ministère dans ces directions régionales ;
- du respect de la réglementation en matière d'enseignement secondaire et supérieur dans
ces directions régionales ;
- de l'encadrement, de l'animation, du suivi et du contrôle pédagogique des enseignants du
secondaire dans ces directions régionales ;
- des mesures à proposer au ministre pour le développement du système des enseignements
secondaire et supérieur dans ces directions régionales.
118
Cette dernière structure qui n’existe pas encore sur le terrain, selon le décret 2007/
/542/PRES/PM/MESSRS portant organisation, attributions et fonctionnement du ministère des
enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique devrait être dirigée par un
recteur d’académie nommé par décret sur proposition du ministre. Le recteur d’académie devrait
être choisi parmi le personnel titulaire de l’enseignement supérieur.
Les directions régionales (DR), au nombre de treize, sont des relais des structures
centrales et rattachées du ministère. À ce titre, elles ont pour missions de coordonner les activités
des établissements publics et privés d’enseignement général, technique ou professionnel; de
contribuer au bon déroulement des activités des structures rattachées et des structures de
missions dans les régions et de promouvoir le développement du système d’enseignement
secondaire et supérieur. Les directeurs régionaux sont sous la tutelle administrative des recteurs
d’académie et nommés par le ministre.
Les directions provinciales (DP) au nombre de 45 et qui n’existent pas également sur le
terrain seraient placées sous la tutelle des directions régionales et seront chargées d’appliquer les
politiques du ministère au niveau provincial.
Quant aux chefs des établissements secondaires, qu’ils soient de l’enseignement général,
technique ou professionnel, ils sont chargés de l’application du curriculum11
national. Ils portent
le titre de proviseur dans le cas d’un lycée, de directeur dans le cas d’un collège ou d’un centre
de formation. Au regard de la législation scolaire, ils ont des responsabilités administratives,
pédagogiques et financières. Ces différentes prérogatives feront l’objet d’une analyse détaillée à
la section (4.5.4).
11
La notion de curriculum fait référence aux moyens de formation : orientations énoncées aux programmes d’études, horaire,
matériel pédagogique, organisation et fonctionnement de l’établissement, modes d’évaluation et règles de discipline, etc.
119
Ayant déjà présenté les composantes de la structure politique et administrative du
Burkina Faso, nous proposons ci-après le modèle organisationnel du territoire et des structures
du MESSRS.
Figure 10: organisation du territoire et structure déconcentrée du MESSRS
Gouvernement central
Circonscription administrative
DR/MESSRS
Directeur provincial
CES
Région
Province
Département
Villages
Collectivités territoriales
Région
Commune
Commune statut
particulier
Secteurs
Villages
Commune statut oridnaire
Secteurs
Villages
Commune rurale
Villages
120
4.5.3. Prérogatives des Directeurs Régionaux
Conformément aux dispositions de la Loi d’orientation de l’éducation et du décret
2007/542/PRES/PM/MESSRS portant organisation, attribution et fonctionnement du ministère,
les DR, dans le cadre de leurs responsabilités générales veillent à l’application des directives et
politiques éducatives dans le domaine de l’enseignement secondaire, supérieur et de la recherche
scientifique. À ce titre, les DR sont chargées de a) de coordonner les activités des établissements
secondaires; b) de superviser et de coordonner les activités du ministère dans les provinces de la
région; c) de gérer le personnel enseignant, administratif, et de soutien dans les services et les
établissements d’enseignement secondaire publics et privés; d) de soutenir le développement de
l’enseignement secondaire; e) et de servir d’appui aux activités des structures rattachées du
ministère.
De plus, ils assurent l’organisation des services scolaires, le contrôle et le fonctionnement
des établissements. C’est aux DR que revient la prérogative d’approuver les projets de budget
annuel des établissements ainsi que les avis du conseil régional sur toutes les questions en
matière d’éducation et de formation (art.56). Plus spécifiquement les DR gèrent, dans le respect
des dispositions règlementaires, les moyens matériels ainsi que les budgets des examens et
concours du secondaire. En outre, ils exercent un contrôle administratif sur les établissements
scolaires relevant de leur sphère territorial.
Des expériences de terrain, on peut distinguer deux catégories d’activités : les activités
programmées et les activités non programmées. Il faut spécifier, au titre des activités
programmées, l’existence d’activités initiées au niveau régional, par l’autorité régionale et celles
initiées par la hiérarchie au niveau central.
121
Les activités programmées se résument à :
- coordonner les activités des établissements d’enseignement secondaire publics et privés;
- veiller au respect des cahiers de charge dans les établissements d’enseignement secondaire privé ;
- promouvoir et développer l’enseignement secondaire;
- accélérer la mise en œuvre des réformes du système éducatif ;
- superviser et coordonner l’action des directions provinciales de l’enseignement
secondaire ;
- diffuser et faire appliquer les décisions et les instructions des instances centrales du
ministère dans les services de la direction régionale ;
- contribuer chaque fois que de besoin au bon déroulement des activités de tous les services
du ministère ;
- veiller à l’installation et au fonctionnement du conseil régional de l’éducation ;
- assurer le bon déroulement des examens et concours scolaires et professionnels ;
- délivrer annuellement les autorisations de dispenser des cours dans le privé aux
enseignants du public qui en font la demande ;
- collecter, traiter et diffuser les données statistiques régionales ;
- assurer une bonne gestion du personnel et des infrastructures;
- et enfin, produire les rapports d’activités conformément aux dispositions réglementaires.
À la différence des activités programmées, les activités non programmées se résument
pour l’essentiel à des audiences et à la participation aux diverses cérémonies protocolaires. Nous
savons, grâce à nos observations, que les DR prennent part à des activités sociales et politiques.
La plupart de ces activités sociales concernent des baptêmes, des mariages et autres, telles des
visites de courtoisie.
122
Par ailleurs, il revient aux directeurs régionaux de mobiliser les ressources financières
nécessaires aux projets éducatifs de leur région. Dans ce cadre, ils peuvent solliciter ou recevoir
des fonds des organismes ou personnes désirant soutenir les activités éducatives de la direction.
Par exemple, lors de la collecte des données, la direction générale des caisses populaires a
accordé à Taryam un appui financier pour récompenser les efforts des meilleurs élèves de la
direction régionale.
Ces nouvelles prérogatives octroyées aux DR sont assorties d’une exigence spécifique.
Ils doivent présenter chaque année deux rapports : un rapport de rentrée scolaire au plus tard le
15 décembre; et un rapport de fin d’année au plus tard le 30 juillet. Certes, les prérogatives
décrites montrent qu’il s’agit là d’une décentralisation administrative. En effet, elles sont
fortement encadrées par le niveau central de sorte que leur marge de manœuvre se trouve réduite.
En résumé, les directions régionales sont des instances intermédiaires du MESSRS créées
pour l’exercice de son pouvoir et de ses activités en vue des buts qu’il s’est fixé. Autrement dit,
le ministère définit les actions et les modalités d’exécution de ces actions dont il est en fin de
compte responsable. Ce travail de clarification des prérogatives des DR terminé, nous passons à
une autre étape de cette démarche, soit la description minutieuse des prérogatives des CES.
4.5.4. Prérogatives des Chefs d’établissements Secondaires Publics
Pour ce qui est des prérogatives accordées aux chefs d’établissements secondaires, nous
proposons une description de leurs responsabilités générales, une fois de plus, à partir des décrets
et Lois ainsi que les constats sur le terrain.
123
Certes, les établissements scolaires n’acquièrent pas de statut d’entité juridiquement
autonome comme c’est le cas pour les municipalités, mais plusieurs prérogatives leur sont
octroyées. L’arrêté no 2003- 054 du MESSRS portant règlement intérieur des établissements
d’enseignement secondaire au Burkina Faso leur reconnaît des responsabilités administratives,
pédagogiques et financières. Cet arrêté institue une administration mobilisant tous les acteurs et
formée des représentants du comité de gestion (CG), des conseils, du censeur, du surveillant
général, de l’intendant, du chef des travaux, du bureau de l’association des parents d’élèves
(APE) et du comité des élèves. Ainsi, les principales composantes des différentes prérogatives se
déclinent comme suit.
En matière de gestion administrative les CES veillent :
- au traitement de la correspondance administrative;
- à la diffusion des actes administratifs;
- à la rédaction des contrats d’objectifs des agents placés sous leur responsabilité;
- à l’élaboration du programme annuel d’activités;
- à la production des rapports de rentrée, de fin d’année et d’activités trimestrielles;
- à l’élaboration et à la conduite des projets d’établissements;
- à la coordination et supervision des activités du censeur, du chef de travaux, du
surveillant général et de l’intendant;
- à la mise en place et au fonctionnement des diverses structures de l’établissement;
- à l’adoption du règlement intérieur de l’établissement;
- à l’établissement de bonnes relations avec les différentes structures administratives
locales ainsi qu’avec les partenaires de l’éducation.
124
Tout particulièrement, les CES assurent un travail de coordination, de centralisation et de
supervision. Ainsi, sur le terrain de la collecte, on y découvre que leur rôle consiste à :
o recueillir les différentes statistiques;
o recruter des élèves en complément d’effectifs;
o superviser la répartition des élèves dans les salles de classes;
o l’envoi de lettres aux autorités;
o fournir des rapports trimestriels et annuels à la direction régionale et au ministère,
o faciliter l’échange d’informations, le dialogue et la concertation;
o à susciter l’intérêt des collaborateurs envers les objectifs de la décentralisation;
o et à sensibiliser les élèves, les parents d’élèves et le personnel enseignant au
respect des règles de fonctionnement des établissements.
À l’opposé des responsabilités administratives, les prérogatives pédagogiques se résument à :
- organiser l’année scolaire;
- établir les emplois du temps;
- suivre et évaluer les activités pédagogiques;
- organiser les examens et concours;
- participer à la session de répartition des élèves en classe de 6ième
et de 2nde;
- mettre en place les différents conseils;
- et finalement, assurer le bon déroulement des activités d’enseignement.
- à la disponibilité du matériel pédagogique et de la matière d’œuvre;
- au déroulement normal des cours;
- à l’élaboration des emplois de temps;
- à la présence effective du personnel enseignant dans les salles de classes.
125
De même, la décentralisation a complètement modifié la gestion financière des
établissements. Contrairement, à la pratique antérieure où l’intendant était le principal décideur,
ce sont les chefs d’établissements et le comité de gestion qui ordonnent les dépenses financières.
Ainsi, les prérogatives en matière de gestion financière et matérielle consiste à :
- veiller au recouvrement des diverses recettes;
- élaborer le projet de budget annuel conformément à la nomenclature budgétaire en
vigueur;
- transmettre le projet de budget à la DR pour amendement;
- exécuter le budget selon les procédures en vigueur;
- à bien conserver le patrimoine de l’établissement.
À ce qui précède, nous avons pu constater également que les CES exercent des
prérogatives en matière de vie scolaire. À ce titre, ils sont sollicités pour :
- promouvoir la culture, le sport et les loisirs dans l’établissement;
- instituer un bon cadre de vie dans l’établissement;
- remplir toute mission que le DR lui confierait dans le cadre du bon fonctionnement de
l’établissement.
Au-delà de ces prérogatives, nous avons observé que les CES, tout comme les DR,
exercent des compétences d’ordre politique. Par exemple, ils entretiennent des relations
politiques avec les différents élus. Ainsi, ils rencontrent les élus et les autorités administratives,
tel que le préfet. De plus, la décentralisation a renforcé le rôle des CES dans l’évaluation des
enseignants et du personnel administratif. Somme toute, on peut noter une évolution des
prérogatives des différents acteurs du système éducatif secondaire.
126
Pour l’essentiel, les responsabilités des CES se résument à deux domaines différents,
distincts mais en interaction : la responsabilité d’appliquer la politique du gouvernement en
matière d’éducation et l’application des textes qui régissent le fonctionnement des établissements
secondaire publics. Ils particulièrement l’obligation de respecter et de faire respecter les libertés
d’expression (art.38) et sont responsables des faits et dommages commis par les élèves durant
leur séjour (art.43). Dans tous les cas, les chefs d’établissements scolaires secondaires doivent
veiller au maintien de la discipline et à la sécurité des personnes et des biens (art.46).
En dernière analyse, les directions régionales et les établissements secondaires
n’acquièrent pas un statut d’entité juridiquement autonome. Si, le directeur régional se trouve
limité dans son action par le pouvoir décisionnel de l’autorité centrale à l’inverse, le chef
d’établissement se voit limité dans son action, en absence du directeur provincial, par le pouvoir
de décision du directeur régional dont il relève.
Quoique plus autonomes du point de vue de certaines responsabilités administratives,
pédagogiques et financières, il n’en demeure pas moins que l’appropriation de ces prérogatives
par les DR et les CES constitue un enjeu primordial. Elle doit se traduire par un apprentissage
des nouveaux rôles. Dans les chapitres suivants, nous présentons les résultats de la recherche sur
les deux groupes de participants.
L’objet de travail de recherche était d’explorer l’appropriation des prérogatives octroyées
dans le cadre de la décentralisation auprès des DR et des CES, en tant qu’expérience vécue,
d’une part, et en tant que concept servant de cadre à des fins de recherche, d’autre part. Dès lors,
cette partie de la thèse propose les résultats de l’étude obtenus principalement à l’aide du logiciel
127
NUD*IST et se présente sous forme de texte narratif et de tableaux avec des exemples qui
appuient leurs arguments. Il existe des approches et des modalités singulières, voire atypiques.
En effet, les pratiques d’appropriation de leurs prérogatives prennent des formes diverses.
128
Chapitre V : Le processus d’appropriation des directeurs régionaux
Ce chapitre présente les résultats émergents de cette recherche phénoménologique des
DR du MESSRS. Il débute par une description de leurs profils, perceptions et attentes. Par la
suite, nous abordons leurs modalités d’appropriation. Pour clore le chapitre, les difficultés
rencontrées par les uns et les autres seront exposées.
5.1. Caractéristiques professionnelles et personnelles des directeurs
régionaux
L’essentiel des informations proviennent d’une fiche d’information soumise aux
participants à l’occasion de la collecte des données. Le contenu de cette fiche que l’on trouve en
annexe (questionnaire sociodémographique, annexe 5) comporte trois catégories d’informations :
profil individuel du participant; caractéristiques générales et spécifiques du participant et de la
structure dont il a la charge. Tout comme il est recommandé en recherche qualitative, la
connaissance de l’ensemble des caractéristiques des participants remplit une fonction essentielle
dans l’analyse et l’interprétation des résultats.
Kané possède une maîtrise en physique-chimie et est membre de plusieurs structures
associatives. Inspecteur de l’enseignement secondaire depuis 1997, il a occupé plusieurs
fonctions avant d’être nommé directeur régional. Polygame et père d’une vingtaine d’enfants, il a
été admis à la retraite en 2011.
Quant à Taryam, il a une licence en math-physique et est père de trois enfants. Son âge
est compris entre 50 et 55 ans. Il devient inspecteur de math-physique de l’enseignement
secondaire en 2000. Auparavant, il a occupé la fonction de secrétaire général national dans le
réseau des caisses populaires du Burkina Faso. De plus, il a travaillé avec différentes
129
organisations internationales, y compris l’UNCEF, le PNUD et certains instituts de recherche
internationaux intervenant dans le domaine de l’éducation. Finalement, Taryam et Kané ont
séjourné à l’étranger en 2001 dans le cadre d’un stage en gestion et management des projets.
En conclusion, les deux DR appartiennent au corps des inspecteurs de l’enseignement
secondaire, mais dans des disciplines différentes. Taryam, malgré sa relative jeunesse possède
une riche expérience professionnelle dans le domaine de la gestion. Enfin, Kané et Taryam ont
une formation initiale et continue similaire mais ne disposent pas des mêmes ressources pour
faire face aux difficultés spécifiques à leur région. Le tableau 6 présente une synthèse des
principales caractéristiques des deux DR.
Tableau 6: profil des DR ayant participé à l'étude
Caractéristiques DR
Sexe Masculin 2
Féminin 0
Âge
40-45 ans 0
45-50 ans 0
50-55 ans 1
55-60 ans 1
Expérience de
direction
5 ans 0
5 ans à moins de 10 ans 2
10 ans et plus 0
Niveau d’études Licence 2
Maîtrise 2
DEA 1
Diplômes
professionnels
CAPES 2
Inspecteur Secondaire 2
Total 2
Dans la prochaine section, il sera question des perceptions des DR qui sont émergées de
l’analyse de leurs récits. Leurs perspectives traduisent leur compréhension, et aussi leur
connaissance de la décentralisation au MESSRS.
130
5.2. Réflexions sur la décentralisation et compréhensions de leur rôle
Des objectifs poursuivis par cette recherche, l’une des questions était d’analyser les
réflexions des participants sur la décentralisation ainsi que la compréhension qu’ils ont des
réformes de décentralisation et de leur rôle. Tout au long de cette première section, nous
explorons les principales caractéristiques du ressenti de leur réalité subjective. L’analyse permet
de distinguer des perceptions positives et des perceptions négatives. L’essentiel de ces résultats
de l’étude provient des récits et de nos notes d’observation.
5.2.1. Perceptions positives
Il est remarquable de constater que les DR perçoivent positivement les réformes de
décentralisation au MESSRS. Tout particulièrement, ils accueillent favorablement la politique de
gratuité de l’éducation, la quête d’une éducation pour tous en 2015. En effet, les objectifs
poursuivis par la décentralisation apparaissent légitime à leurs yeux. Du point de vue de Kané,
« tous les enfants de ce pays ont droit à l’éducation ». Dans ce sens, il adhère positivement à la
politique d’offre d’éducation publique.
Tout particulièrement, Taryam et Kané considèrent que la prise de plusieurs textes a
permis de résoudre certains problèmes comme la rémunération des examens blancs, le statut de
professeurs principaux, les commissions de recrutement pour complément d’effectifs et
l’inscription de droit pour le personnel d’éducation. Comme le souligne à juste titre Taryam,
« […] il y a moins de conflits avec les partenaires sociaux, notamment les syndicats ».
L’expérience de terrain a révélé que les différents groupes ou corps professionnels cherchent la
satisfaction de leurs propres intérêts plutôt que l’intérêt national. Lors de l’enquête de terrain,
nous avons constaté que certains responsables des directions régionales s’absentaient des
131
services pour assurer des cours dans des établissements privés. Ces faits témoignent d’une
certaine désespérance quant à l’engagement, des cadres de l’administration scolaire, d’assumer
des responsabilités publiques.
Sur d’autres horizons, la création de structures régionales apparaît comme un enjeu
crucial dans la gestion et l’expérience quotidienne des directeurs régionaux. Ce qui est en jeu ici,
pour Taryam, c’est la réorganisation des structures existantes, en vue d’assurer la cohérence et la
coordination des politiques et des diverses activités. Pour Taryam, il est très important de noter
ceci :
[…] avant la création des régions, le DR que je suis rendait
compte au Haut commissaire dont le pouvoir n’excède pas
la province dans laquelle il se trouve. À présent, avec
l’arrivée des gouverneurs, nous avons les mêmes territoires
d’action. Cela facilite notre travail sur le terrain.
En se fondant sur ce témoignage particulier, la création des gouvernorats a résolu un
problème de collaboration au niveau horizontal. De plus, aux yeux de Kané et de Taryam, cette
organisation administrative harmonisée leur permet de mieux exercer leurs prérogatives. C’est là
qu’apparaît, sur la base de leur vécu, l’importance d’une meilleure articulation des rapports entre
les structures du système institutionnel mis en place. Dans la pratique, Taryam et Kané
comprennent que dans une décentralisation, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. Pour Kané
la mise en œuvre des réformes de décentralisation ne peut être dissociée des instructions qu’il
doit recevoir de sa hiérarchie. Ces derniers précisent davantage :
132
Pour ma part, la décentralisation ne peut être synonyme de
laisser-aller, de désordre (Taryam)
[…] nous sommes obligés d’attendre les instructions
nécessaires. C’est ça d’ailleurs qui fait que, dans nos
prérogatives, on n’a pas la liberté totale d’agir comme on
veut, puisqu’il y a un canevas que nous devons suivre
(Kané).
Dans cette perspective, Kané trouve normal que des restrictions soient portées à leurs
prérogatives :
Vous savez, en la matière je dois attendre les instructions
des instances centrales, ça c’est primordial. Tant que nous
n’avons pas ces instructions, on ne peut pas de notre propre
chef se mettre à agir. Il y a treize régions dans ce pays et on
risque d’avoir treize actions différentes et ce n’est pas bon
pour le système. […] voilà pourquoi nous recevons les
mêmes directives que nous appliquons sur le terrain.
Il faut remarquer ici que conformément à nos notes de terrain le discours des DR est en
phase avec leur comportement quotidien. Par exemple, nous avons constaté qu’ils prennent le
soin d’appeler le ministère sur certaines questions. À ce propos les notes descriptives précisent
que :
[…] les analyses et les comportements des DR se centrent
surtout sur la conséquence de l’action au regard de
certaines directives du ministère. Kané et Taryam prennent
soin d’appeler le secrétaire général du ministère lorsqu’ils
ont des doutes sur l’interprétation des contenus d’une
mesure.
Cet aspect nous conduit à conclure que les DR font preuve de prudence dans l’exercice
de leur fonction. Et cette prudence, à les entendre se fonde sur leur compréhension de la
décentralisation.
133
Cela dit, comme l’indique Kané, parlant toujours de cette question de prudence :
[…] il faudrait toujours faire attention pour ne pas prendre
des initiatives qui peuvent s’avérer malheureuses.
Ces idées seront reprises par Taryam en ces termes :
Comme DR, je dois observer une certaine prudence lorsque
vient le temps de mettre en pratique certaines directives que
nous recevons. Même si la décentralisation nous confère
des pouvoirs de décision, du reste je suis conscient du fait
que la décentralisation ne signifie pas indépendance, mais
bien une autonomie relative dans la gestion de certains
domaines spécifiques.
Suivant les propos consignés dans notre journal de recherche, nous nous interrogeons sur
ces différents points de vue. Le texte mentionne que :
[…] leurs témoignages reposent sur une certaine
conception de la décentralisation où il est difficile de
prendre des décisions sans l’avis de la hiérarchie. Aussi,
nous constatons que la décentralisation au MESSRS
subordonne leur autonomie à des impératifs de cohérence et
d’harmonie de gestion.
Ces différents témoignages et nos notes de carnet de recherche permettent de dire que la
décentralisation au MESSRS suppose davantage un engagement des acteurs à contribuer à
l’atteinte des objectifs du ministère en matière d’éducation. En d’autres termes, les DR
considèrent qu’il faut tenir compte des évidences du contexte ainsi que les implications logiques
qui en découlent.
134
On ne saurait exagérer dès lors l’importance du regard et de la perception des DR. C’est
ainsi que Taryam a maintes fois fait observer que :
[…] nous devons apprendre à changer notre regard […]
pour faciliter la mise en œuvre des changements voulus par
le ministère. Au total, il s’agit d’un processus complexe qui
demande une prise de conscience à tous les niveaux.
À l’évidence, ces croyances et attitudes décrivent bien, entre autres, l’importance et la
signification que les DR accordent à la décentralisation et à leur fonction. La question devient
alors de savoir comment leurs présupposés imprègnent leurs comportements de mise en œuvre
des réformes?
En dernière analyse, Kané et Taryam DR perçoivent leur rôle comme essentiel et se
considèrent comme des partenaires devant faciliter la mobilisation des différents acteurs, à divers
niveaux des structures régionales du ministère. Pour Taryam, tout comme Kané leur rôle n’est
pas de se substituer aux autorités compétentes, mais de faciliter les partenariats requis pour
mettre en œuvre les réformes de décentralisation au sein du MESSRS. Ce partenariat […],
témoigne Kané :
[…] apparaît essentiel et leur permet de cerner au
mieux les problèmes spécifiques, d’y apporter des
solutions et d’appuyer les initiatives particulières
des CES et celles de la communauté éducative en
général.
135
Bien évidemment, l’expérience pertinente des deux DR participant à l’étude témoigne de
la compréhension qu’ils ont de leur rôle. Cette compréhension tire son fondement des situations
vécues et de leur réalité quotidienne. Après tout, nous observons qu’ils ont une relative
expérience positive de la réforme de décentralisation. Cela étant, dans la section suivante, nous
présentons leurs perceptions négatives.
5.2.2. Perceptions négatives
L’appropriation de la réforme de décentralisation passe par une mise à l’épreuve des DR,
à savoir l’expérience de l’individu, voire sa confiance lui-même, ses interrogations et ses
incriminations. C’est à ce titre que nous nous intéressons dans ce second temps aux critiques
négatives formulées par les DR, à partir de leurs récits.
La première critique est fondée sur l’expérience. La pluralité des exemples indique que la
décentralisation au MESSRS continue, du point de vue de Kané, de maintenir un déséquilibre
dans la répartition des prérogatives. Il précise avec beaucoup d’à propos :
[…] il y a un équilibre à trouver dans la répartition
des prérogatives entre le ministère et les DR. Très
souvent, nous devons gérer certaines crises au
niveau régional. Or, il se trouve qu’il faut toujours
se référer au ministère. Ceci parce que l’avis des
autorités centrales s’impose à nous.
Pour sa part, Taryam témoigne d’une expérience de gestion dictée par le pouvoir central :
À mes yeux, le ministère détient encore tous les
leviers du pouvoir décisionnel. Pourquoi, je dis cela
? Il faut bien comprendre que les directions
régionales, en tant que structures déconcentrées,
possèdent une autonomie financière plus restreinte
que celle accordée aux structures centrales comme
la Direction des Affaires Financières (DAF) du
ministère.
136
Dans un tout autre ordre d’idée, les DR déplorent l’absence de cohérence dans les
directives du ministère. Par exemple, la législation prône une éducation pour tous en 2015.
Malheureusement, constate Kané :
[…] les directives du ministère fixent des effectifs
réduits dans les classes et le gouvernement éprouve
d’énormes difficultés à accroître les capacités
d’accueil au secondaire face au flux d’élèves sortant
du cycle primaire.
De sorte que pour Taryam :
En réalité, il existe un écart important entre les
intentions du ministère et les réalités sur le terrain.
De sorte, comme je l’ai dit tantôt, il faut faire
preuve de prudence dans l’exécution de certaines
mesures.
Ces écarts existent également dans le discours et suscitent des critiques portant sur les
objectifs de la réforme de décentralisation. Sous cet angle, Kané et Taryam éprouvent un vif
regret à propos de l’accès inconditionnel en sixième année assorti d’impossibilité d’exclusion
avant l’âge de 16 ans. Il y a l’envers des politiques d’éducation pour tous. Lorsqu’on examine les
paroles de Taryam, il est profondément critique d’une politique aux conséquences encore
méconnues :
Voyez-vous, l’expérience pilote en cours, avec le
niveau disparate des élèves qui accèdent à la classe
de sixième et l’obligation de scolarisation jusqu’à
16 ans, de mon point de vue, n’est pas réaliste.
Lorsque je me fie aux propos de certains élèves, à
savoir « à partir du moment qu’on ne va pas nous
renvoyer […] bon écoutez, il n’y a pas de quoi se
fouler la rate, on est là ». Mais on n’est pas là
indéfiniment, rétorque-t-il!
137
Ainsi, les principaux arguments de Kané ne sont pas en faveur d’un accès inconditionnel
en sixième et d’un maintien des élèves qui ont des difficultés d’apprentissage à tout prix dans le
système. À l’évidence, il propose une évaluation des politiques d’une éducation pour tous afin
de remédier aux effets néfastes.
Comme on peut le constater, les questions de mise en œuvre des réformes et
d’appropriation de la décentralisation côtoient celles de l’engagement et de la responsabilité
individuelle et collective. Dans ce mouvement, bien que l’expérience soit à ces débuts, nous
avons pu observer que certains élèves ont une solide base au niveau des connaissances et
réussissent bien dans leurs études. Aussi, plusieurs élèves font preuve d’engagement et
d’enthousiasme dans leur volonté de réussir. Au demeurant, on aurait bien tort d’ignorer les
réalités particulières que les DR ont mentionnées dans leurs récits.
Les changements introduits ont un impact réel sur la perception des DR. Le
commentaire de Kané appuie la perspective de la complexité de la nature humaine.
J’ai appris à connaître l’homme, l’homme sous
toutes ses coutures. Et le fait d’avoir été nommé
directeur régional, ça m’a permis de parfaire, enfin,
d’améliorer cette connaissance de l’homme. À tel
point que, la leçon que je peux tirer de cette
connaissance de l’homme, c’est qu’avec l’homme, il
faut s’attendre à tout. Il faut s’attendre au meilleur,
tout comme, il faut s’attendre au pire. Et quand on
adopte cette philosophie là, plus rien ne peut vous
surprendre.
138
Taryam, de son côté, mentionne qu’il joue un rôle. Selon lui, ce rôle ne peut être
dissocié de son statut officiel que lui confère la nomination. Son récit illustre ce point de vue :
Moi à […] (nom de la ville abritant la direction) non
directeur régional, ce n’est pas la même chose que
moi à […] (nom de la ville abritant la direction),
directeur régional. Donc, c’est dire que lorsque vous
jouer un rôle, il faut savoir que tout ce qui se fait
autour de vous c’est par rapport au rôle que vous
jouez. Le jour où ce rôle cesse, naturellement, tout
aussi tombe.
Un certain nombre de constats se dégage de ce témoignage. Ces conclusions tirées de
l’analyse de sa réflexion s’articulent autour de l’importance de la légitimité de son statut. La
légitimité que lui confère son titre de DR tire son fondement des règles qui régissent non
seulement la structure qu’il dirige mais aussi la fonction qu’il occupe dans la hiérarchie au sein
du ministère. Il perçoit donc son action à travers les règles auxquelles il doit se conformer.
Disons, pour simplifier que cette réflexion est une reconnaissance que son action ne peut être
dissociée de sa fonction et de son statut légal.
Enfin, d’un point de vue structural, Taryam et de Kané déplorent l’absence des directions
provinciales. Cette absence augmente, disent-ils, leur charge de travail et leur pose des
problèmes d’ordre hiérarchique. Comme le souligne Taryam :
[…] cette situation nous oblige à mener des actions
de terrain et de proximité. Naturellement en tant que
direction régional, […] cela n’est pas de notre
ressort mais de la compétence des directions
provinciales si elles existaient.
139
C’est sensiblement les mêmes propos que tient Kané : « Ce vide institutionnel établit de
facto, un lien direct entre les DR et les chefs d’établissements ». Qu’à cela ne tienne ! Il est aisé
de constater dans les témoignages des DR que l’inachèvement de la structure administrative du
ministère constitue un enjeu.
Quoi qu’il en soit, nos observations sur le terrain ont révélé que pour palier à cette
absence des structures provinciales, les DR font appels au conseil de direction qui regroupe
l’ensemble des chefs d’établissements pour faire le point des activités au niveau des provinces.
Selon eux, ils sont soumis à d’énormes tensions en lien avec les dysfonctionnements entre les
structures centrales du ministère et les directions régionales dont ils ont la charge. Et Taryam
d’enchaîner par exemple :
Les changements requis sont en deçà de la
planification de la mise en œuvre des réformes de
décentralisation. Par exemple, la répartition des
ressources, telles que le transfert des crédits
budgétaires, l’acquisition des biens et services et
l’affectation des ressources humaines, continue
d’être le monopole des entités centrales en dépit des
dispositions prévues en la matière. Au fond, les
différents transferts prévus dans le cadre de la
décentralisation ne sont pas effectifs.
Ainsi, il convient de préciser qu’aucune étude empirique particulière n’a exploré ces
aspects jusqu’à présent. Des études futures pourraient s’intéressées à l’analyse des réformes
prescrites et non mises en œuvre au MESSRS.
140
En résumé, ce qu’il faut retenir de la description de la perception des DR, c’est qu’ils ont
une pleine conscience des défis auxquels ils font face. Quoi qu’il en soit, les réformes de
décentralisation ne semblent pas entièrement mises en œuvre. Cette situation nous conduit
précisément à analyser dans la section suivante les attentes des directeurs régionaux y compris
leurs prises de position sur les conditions d’exercice de leur fonction.
5.3. Attentes des directeurs régionaux
On a beau élucidé les perceptions des participants, leurs attentes apparaissent essentielles.
Les participants à l’étude fondent de grandes espérances sur la décentralisation. Ceux-ci jugent
les changements introduits à partir de nombreux éléments que nous abordons dans cette partie de
notre analyse. C’est certainement l’un des aspects les plus importants pour comprendre la
signification que les DR donnent à la décentralisation au MESSRS. En ce sens, le verbatim des
uns et des autres décline différentes attentes qu’ils considèrent pertinentes.
Comme le suggère le verbatim des DR, ils souhaitent des rapports particulièrement étroits
entre le ministère et les directions régionales. À cet égard, le propos de Taryam est très
révélateur :
[…] il est essentiel que le ministère soit à notre
écoute, car une situation vécue est nécessairement
plus concrète. C’est nous vivons au quotidien les
problèmes du ministère sur le terrain.
De la même manière, le bref récit de Kané illustre ce point de vue :
Les autorités au niveau central doivent non
seulement être à l’écoute des DR, de leurs besoins
d’accompagnement, mais surtout prendre en compte
les besoins croissants des régions.
141
De ces commentaires, on peut retenir que les DR attendent de la part des responsables des
structures centrales un esprit d’ouverture et plus réceptif aux changements essentiels exigés par
la décentralisation. Et suivant les pistes de réflexion que laissent entrevoir les critiques des
directeurs régionaux, l’administration centrale ne semble pas prête à évoluer dans ses pratiques et
à s’adapter aux exigences du moment.
Dans le même ordre d’idée, les DR évoquent la nécessité d’une vision partagée des
changements prescrits à divers niveaux des structures du MESSRS. De son côté, Taryam
mentionne la « fidélité dans les rapports avec les collaborateurs » qui contribue à l’appropriation
du changement. Cette confiance accrue peut favoriser des pratiques plus efficaces en matière
d’appropriation. Par exemple, elle pourrait réduire les facteurs susceptibles d’expliquer la
cautèle. Mais encore, Kané s’attend particulièrement à ce que « le ministère organise des
séminaires » sur la mise en œuvre des réformes de décentralisation et sur « les compétences
nouvelles à développer ». De l’analyse, les DR souhaitent bénéficier de formations en matière
de gestion du changement.
Mais il n’empêche de souligner qu’ils ont une base académique et professionnelle solide
pour gérer les directions régionales et mettre en œuvre la réforme de décentralisation. Pour
preuve, Taryam considère par exemple que « …tout agent à qui il confie une activité doit
l’exécuter dans le respect des consignes reçues». Dans le même sens, Kané affirme qu’il attend
toujours de la part de ses collaborateurs : « un compte-rendu fidèle des différentes activités
professionnelles ». Somme toute, ces témoignages illustrent leurs attentes individuelles en
matière d’orientation et d’expérience de gestion au niveau régional.
142
Par ailleurs, la nécessité de développer un partenariat entre les différentes entités du
ministère afin de mieux soutenir le changement apparaît comme une exigence significative.
Cette collaboration entre les services techniques et les directions régionales du point de vue de
Kané et de Taryam pourrait faciliter la réalisation des activités. Par exemple, la diversité des
expériences et des engagements s’avèrent indispensables dans la mise en œuvre réussie de la
décentralisation. Malheureusement, la réalisation de ce partenariat semble moins évidente,
observe Taryam.
Enfin, à travers les entrevues, on retrouve un nombre significatif de verbatims de Kané
qui font référence à des besoins d’évaluation périodique des mesures gouvernementales que les
DR considèrent quelque peu en déphasages avec certaines réalités du terrain.
Ce qu’il faut retenir surtout, lorsqu’on examine leurs attentes, c’est que leurs
préoccupations portent sur des besoins de formation, d’accompagnement et de promotion de
rapports de travail épanouis.
5.4. Actions d’appropriation des directeurs régionaux et d’exercice de leurs
prérogatives
L’appropriation des réformes est moins simple qu’il n’y paraît puisqu’elle renvoie à des
connaissances, à des attitudes et à des compétences multiples. Ainsi, l’analyse de l’expérience
suit un ordre précis, en matière de priorité des actes les uns par rapport aux autres. Cette
organisation est fonction de leurs expériences.
143
Tout d’abord, les DR pour y parvenir considèrent la connaissance des textes et des
hommes comme l’acte de base. L’appropriation de ses prérogative, du point de Taryam, suppose
une bonne connaissance des textes qui organisent et régissent le fonctionnement des directions
régionales. Et sur ce plan, le verbatim de Kané remémore l’importance de cette connaissance des
textes :
Au vu de notre souci du respect de la pluralité des
textes, nous devons avoir une connaissance
approfondie des dispositions qui concernent les
attributions et la gestion des activités au niveau des
directions régionales.
Dans ce contexte, et ce qui est frappant à ce sujet, c’est la diversité des textes que le
ministère a adopté dans le cadre de la décentralisation. Cette pluralité de formalités devant être
observé connaît malheureusement des résistances comme les DR le témoignent plus haut dans le
cas spécifique des transferts des subventions du pouvoir central vers les régions et les
établissements.
La connaissance de l’homme, par exemple participe à l’appropriation de leur rôle.
D’abord, les DR prêtent une attention à la nature humaine et aux besoins des autres,
singulièrement ceux des collaborateurs. Et sur ce plan, le témoignage de Kané est riche en
enseignement :
Pour ma part, je me dis que l’homme, pour qu’il
accepte de donner le meilleur de lui-même, il faut
qu’il soit mis dans certaines conditions minimales.
D’abord, il y a les conditions matérielles, ça c’est
vrai, on ne peut pas tout fournir justement à ces
subalternes là. Et ce qu’on ne peut pas leur fournir
au point de vue matériel, je crois qu’au point de vue
humain, au point de vue moral, il faut le leur
fournir. C’est la raison pour laquelle j’attache du
144
prix, n’est-ce pas, à la qualité des rapports sociaux
entre nous. Et ça j’y veille. L’administration, n’a
pas de sentiment, mais l’administrateur a des
sentiments. Il ne faut pas que ces sentiments là
soient inutiles. Et ces sentiments là, ne peuvent
s’exercer justement qu’aux collaborateurs. Et là, en
tout cas, moi en tant que responsable de cette
structure je ne m’en prive pas, de soigner les
relations sociales.
Force est de constater qu’il y a là une découverte, une reconnaissance des conditions
minimums indispensables à l’engagement de l’humain. C’est assez dire l’importance du droit de
l’être humain à de meilleures conditions de travail. Ainsi, en sa qualité d’acteur en appui aux
autorités du niveau central, Kané reconnait que dans le domaine administratif, les initiatives sont
limitées, mais dans le domaine social elles peuvent être heureuses.
Lors de notre séjour sur le terrain, il nous a été donné de constater qu’il se rendait
disponible et s’efforçait de prendre part activement aux différentes activités administratives et
sociales dans sa région. Même lorsque les activités de la journée le rendaient indisponible, il
veillait à signaler ses retards ou son absence dans certains cas. Ces conduites rationnelles
corroborent ses témoignages. Dans leurs conduites, nous avons pu constater également qu’ils
accordent une importance à la propension naturelle de l’homme à rechercher comme bien ce qui
lui est profitable, voire avantageux. Ces deux postures témoignent de leur perspective
d’appropriation et de l’importance des incitatifs pour favoriser l’adhésion des collaborateurs.
En d’autres termes, leur volonté de connaître et de comprendre les autres, font des DR
des acteurs capables d’évaluer leurs pratiques appropriatives, de formuler des choix. Ainsi donc,
ils réfléchissent à leurs pratiques de gestion. C’est ce qui se dégage toujours des propos de
Taryam :
145
Lorsque vous êtes à la tête d’une administration,
vous répondez de tout ce que font toutes les parties
de l’administration. C’est en cela que c’est vraiment
difficile.
Dans ce contexte spécifique, Kané soutient que ses comportements d’appropriation
prennent formes dans le contact avec le terrain, leurs réalités.
Au-delà du respect de l’autre, comme attitude à privilégier, pour y arriver, certaines
compétences comme la communication, la gestion des relations humaines, les capacités de
réfléchir, le sens de l’organisation et la gestion des relations s’avèrent indispensables. D’une
manière générale, pour Kané « rien ne vaut la communication directe, verbale ». En effet, il
considère l’état de conscience affectif essentiel lorsqu’il entre en communication avec les CES.
À cette expression, il associe volontiers les notions de sentiments et d’émotions perceptibles. Dès
lors, une place importante est accordée à la dimension psychologique des relations humaines.
Il est intéressant, à cet égard de préciser que les notes consignées dans le journal de bord
témoignent de l’aptitude des DR à décoder les messages implicites. Cela explique les rencontres
périodiques que les DR organisent avec les chefs d’établissements secondaires. Aussi,
l’appropriation de leurs prérogatives les invite à développer des compétences en communication
orale et écrite précise Kané.
Les compétences impliquent de prendre en compte les relations humaines et ses
différentes dimensions, ajoute Taryam. Dans ce sens, il apparaît nécessaire aux yeux des deux
DR d’établir de bonnes relations avec les différents acteurs internes et externes, d’agir dans le
respect d’autrui et l’esprit d’équipe. Au niveau concret Taryam considère que l’humilité revêt
une qualité substantielle. En effet, prévient-il :
146
Lorsque vous avez l’esprit condescendant par rapport
aux autres […], vous attisez, lorsqu’il y a une situation,
plutôt que vous apaisez. À mon humble avis, je ne se
considère pas supérieur à quelqu’un. Je me considère
comme une personne exerçant une fonction, mais pas
supérieur aux autres. […]. Nous sommes tous là pour
contribuer à l’atteinte des objectifs de la
décentralisation. Ainsi, compris, mes collaborateurs
doivent comprendre que l’exercice de mes prérogatives
suppose un engagement solidaire des différentes
personnes ressources au sein de la direction régionale.
À ce qui précède, une partie des comportements d’appropriation invoque les capacités de
réflexion qui imprègnent l’ensemble de la démarche des DR. Dans ce sens Kané soutient que «
l’esprit d’analyse et de discernement occupe une place importante dans mes actions ». Ainsi
donc, les DR réfléchissent à leurs pratiques de gestion. C’est ce que montrent les récits de
Taryam :
Lorsque vous êtes à la tête d’une administration,
vous répondez de tout ce que font toutes les parties
de l’administration. C’est en cela que c’est vraiment
difficile.
Dans un tel contexte, Kané préconise l’engagement et la persévérance dans la recherche
de solutions novatrices. Sur ce dernier point, il a la conviction qu’il faut privilégier les solutions
consensuelles lorsqu’un problème survient. Nombre de leurs analyses ont une base empirique et
on y observe des points de convergence.
Réfléchir pour comprendre, c’est faire les choses avec les autres. Tirant leçon de leurs
actions quotidiennes et de leurs expériences, Kané et Taryam considèrent le sens de
l’organisation comme une compétence primordiale. Kané, quant à lui, se focalise sur la
planification du travail, l’organisation et le suivi des activités et la motivation du personnel. À la
147
suite de Kané, Taryam invoque la gestion des relations avec les autres, la gestion des
informations, l’implication des personnes concernées par le fonctionnement de la direction
régionale.
À travers l’ensemble des entrevues, on retrouve un ensemble substantiel de verbatims
qui documentent l’importance de l’implication des collaborateurs dans la réussite de la mise en
œuvre des réformes. C’est pourquoi, dans une approche expérimentale, Taryam et Kané
reconnaissent la pertinence de la délégation de certaines activités. De façon spécifique, Taryam
évoque la nécessité de toujours « s’ouvrir aux autres, d’amener les gens à s’exprimer et de
laisser les différents points de vue s’exprimer ». Cela, de son point de vue aide à mieux
comprendre et à changer d’approche, de manières de faire. Mais encore, « c’est en facilitant la
libre expression et la diversité des opinions que l’on peut mieux aider les chefs d’établissements
à s’approprier leurs prérogatives », conclut Kané.
Quelques observations méritent d’être faites avant d’aller encore plus loin. À la suite de
nos observations, nous nous sommes aperçu que les chefs des différents services n’impliquaient
pas toujours les agents à l’interne chargé du suivi des différents dossiers. En outre, il nous a été
donné de constater, dans la plupart des cas, qu’il n’existe pas des concertations formalisées, ni
des transferts réguliers d’informations entre les chefs de services et les DR. Nonobstant cela, les
DR ne peuvent éviter de recourir à une gamme de conduites associées à la mise en œuvre des
réformes s’ils veulent fonder leur approche appropriative sur une démarche pragmatique.
Sans contredit, l’enjeu de l’appropriation, à leur sens, consiste à agir comme des
facilitateurs et non comme des spécialistes en tout. Taryam conscient de cette dimension de sa
démarche d’appropriation note ceci :
148
Je ne peux faire fi des connaissances propres et
particulières de mes collaborateurs. La contribution
qu’elles m’apportent est importante et remarquable.
À sa manière, Kané invoque l’importance des expériences individuelles, en ces termes :
C’est la diversité des expériences qui me permet de
savoir bien interroger les situations nouvelles que je
rencontre dans l’exercice de mes fonctions.
Dans une telle démarche Taryam et Kané considèrent qu’il faut savoir susciter
l’engagement et le dévouement au sein du personnel. Ces critères ne suffisent pas, mais viennent
en complément explique Taryam. Il faut admettre cette « relation complexe » préconise-t-il, y
compris dans les établissements scolaires.
Cependant, nous avons constaté sur le terrain, qu’au niveau des attitudes, les DR se
comportent parfois comme des personnes ressources et ont tendance à exposer plus leur vision
comme étant la voie salutaire à l’appropriation des réformes. Par exemple, Kané et Taryam
arrivent au bureau avant l’heure officielle, reçoivent plus de dix visiteurs par jour, confirment
leur présence à des rencontres, échangent avec les collaborateurs sur les activités de leur service
et anticipent les problèmes de gestion. Ils inscrivent également les échéances des activités
déléguées qu’ils consignent dans un cahier. De cette façon, ils exercent un contrôle et un suivi
réguliers sur la conduite des différentes activités de la direction. Bien sûr, l’attitude des DR
devraient, dans l’avenir, faire l’objet d’une attention particulière, en ce sens qu’elles influencent.
Leurs comportements de gestion et d’appropriation des politiques éducatives. Quelques études de
cas pourraient y jeter un regard critique.
149
Plus spécifiquement, l’exercice de leurs prérogatives suppose le développement de
certaines attitudes. Parmi celles-ci, les récits des DR évoquent la nécessité:
- de s’imposer des règles de conduites;
- d’impliquer les différents partenaires du ministère au niveau régional;
- de faciliter le dialogue entre les différents acteurs, ce qui suppose une bonne
connaissance du milieu;
- encourager les initiatives individuelles et collectives;
- de sensibiliser et informer régulièrement le personnel enseignant et administratif;
- développer des partenariats en établissant des relations avec différents personnes
ressources du milieu;
- d’être prudent dans ses relations de travail;
- d’exercer un contrôle et d’exiger des comptes-rendus des activités déléguées.
Finalement, d’autres conduites seraient pertinentes à l’appropriation de leurs
prérogatives. Au nombre de celles-ci figurent les traits de personnalité et de caractère, avons-
nous constaté sur le terrain. Concrètement, pour Kané il faut savoir prêter une attention
particulière aux préoccupations des agents et développer une relation de confiance avec ses
collaborateurs. À ces attitudes Taryam ajoute la nécessité d’établir des partenariats, de s’ouvrir à
la divergence des points de vue et la chose la plus importante à ses yeux serait d’être honnête et
juste dans ses rapports à autrui. Ces différentes attitudes et compétences résumées dans les
tableaux 7 et 8 ci-après peuvent faire l’objet de formation spécifique.
150
Tableau 7: Attitudes utiles à l’appropriation et à l’exercice des prérogatives des DR
Attitudes nécessaires à l’appropriation
Être respectueux des textes
Savoir être patient et persévérant
Prêter attention aux problèmes des collaborateurs
Agir dans la collégialité
Faire confiance
Établir des partenariats
S’ouvrir à la divergence des points de vue
Faciliter le dialogue
Savoir déléguer certaines prérogatives
Être prudent, honnête et juste
S’imposer des règles de conduite
Tableau 8: compétences nécessaires à l'appropriation
Si le processus d’appropriation des participants devait se traduit en termes de modèle, il
se présenterait à peu près selon la figure 11 ci-après. Les caractéristiques essentielles de cette
figure reprennent la structure générale de la démarche appropriative des participants dans le
cadre particulier à cette étude.
Compétences
Maîtriser les techniques de communication et de gestion des
informations
Posséder des capacités en gestion des relations humaines
Capacité à réfléchir ou Faire comprendre
Développer son sens de l’organisation
Apprendre à connaître l’autre
Développer l’esprit d’équipe
Connaître les techniques de gestion de la diversité des points de
vue
Connaître à fond le milieu
151
Figure 11: l'appropriation des DR sous forme de schéma
En conclusion, ces résultats de l’étude démontrent qu’il existe une certaine
irréductibilité de la singularité de leur fonction et des situations. En particulier l’appropriation
des prérogatives ne peut être une action isolée ni singulière. Progressivement, les DR ont
compris qu’ils doivent développer des capacités de se renouveler s’ils veulent concrétiser leur
engagement et réussir leur nouveau rôle. Dans ces conditions, nous pouvons conclure que l’acte
d’appropriation fait appel certes à une vision partagée du changement, à une implication
personnelle, au développement de certaines attitudes et compétences techniques et
professionnelles, mais requiert avant tout une bonne connaissance des textes. Avant de clore la
présentation des résultats des DR, nous proposons en dernière analyse les difficultés qu’ils
rencontrent dans la mise en place des mesures de décentralisation.
Expérience & comportements d'appropriation
Connaissances multiformes: textes,
nature humaine, et de soi
Habilitation: développement d'attitudes
et de compétences nouvelles
intégration : ajustement des exigences nouvelles aux réalités du terrain
152
5.5. Difficultés rencontrées par les directeurs régionaux
À partir des résultats des entretiens et des documents, les difficultés qui entravent
l’appropriation des prérogatives au niveau des DR sont de plusieurs ordres. Il s’agit, entre autres,
de difficultés juridiques, techniques et organisationnelles.
Si la législation s’avère une dimension importante dans la mise en œuvre de la
décentralisation, il n’en demeure pas moins qu’elle est source de certaines difficultés. Nous en
savons de plus en plus sur les problèmes législatifs de la décentralisation au MESSRS. L’octroi
de deux places, par exemple, au personnel enseignant des établissements semble une bonne
chose à leurs yeux, mais il y a l’envers. Il apparaît que l’opérationnalisation de cette disposition
pose problème. Taryam et Kané insistent sur la vente des places par le personnel enseignant.
Cette pratique, du point de vue de Taryam, suscite toutes sortes de :
[…] conflits entre les chefs d’établissements et les
professeurs qui considèrent qu’ils sont libres de
disposer de leurs places comme ils l’entendent.
En clair pour les DR, il faut relire le texte et y apporter des précisions
nécessaires au vu des réalités sur le terrain.
Un autre exemple, est celui de l’expérience pilote des collèges d’enseignement général
(CEG) transformés en lycées pour accueillir les sortants du cycle primaire. La parole suivante de
Kané profondément critique « d’une réforme au contour flou sur la durée de l’expérience des
établissements pilotes », témoigne des insuffisances d’une telle mesure. De son point de vue, la
transition systématisée constitue un problème complexe. Il critique particulièrement le taux de
redoublement élevé de 40% en lien avec l’impossibilité d’exclusion des élèves. Dès lors,
poursuit-il, la transition du primaire à la classe de 6ième
est inquiétante en ce sens que l’on
153
rencontre également dans les salles de classes des élèves avec des niveaux disparates. À son avis,
la solution à un tel problème dépasse le cadre de leurs prérogatives. Un bon exemple, s’ajoutant
aux précédents, est celui de l’application et de la concrétisation des normes établies par la
législation. C’est certainement le cas pour l’absence des directions provinciales (DP) de
l’enseignement secondaire.
Dans les faits, l’inachèvement de la structure administrative du MESSRS constitue un
problème à la fois législatif et technique. Cette absence apparaît plus contraignante. Par exemple,
Kané observe que :
[…] le suivi des activités éducatives au niveau
provincial se heurte à de nombreuses difficultés
comme l’absence de relais dans leur rapport avec
les établissements scolaires.
Pour Taryam cette absence complique davantage leur tâche :
Nous sommes obligés de mener des actions de
terrain et de proximité. Ce qui est du ressort des
directions provinciales. Fort heureusement, nous
sommes appuyés par toutes les forces de défense et
de sécurité. Ce qui nous permet de recevoir des
informations. Ainsi, nous arrivons à avoir l’œil
partout sans y être en réalité.
À leurs yeux, les DR doivent s’engager autrement même si cela pervertit et affecte le
processus de prise de décision. Par contre, Kané note que :
154
[…] les conseils de directions institués suppléent le
déficit dans les relations entre les DR et les
directions provinciales inexistantes. Mais, il faut
reconnaître que ces façons de faire se heurtent à des
critiques de manière générale. De plus, je constate
que l’écoute, lors de ces rencontres, n’est pas la
même d’un chef d’établissement à un autre. Même
si je suis impressionné par les efforts des uns et des
autres dans l’exécution des directives du ministère,
je constate à regret qu’ils font des choses contraires
à ce qui a été prescrit.
Loin de considérer ces propos comme contradictoires, Taryam soutient que cette absence
rend impossible toute tentative d’accéder à des informations exhaustives. C’est ainsi que, la
relation circonstancielle entre le DR et le Haut-commissaire supposé chef hiérarchique des
directeurs provinciaux altère les rapports institutionnels entre les entités du MESSRS et celles
relevant de l’administration territoriale.
Quoi qu’on pense, l’absence de directeur provincial demeure une limitation dont ils
souhaiteraient se libérer. Il est aussi important de préciser que, à nos yeux, la pertinence de la
création des directions provinciales demeure questionnable. En effet, nous avons pu observer sur
le terrain que certaines provinces ne possèdent qu’un seul établissement scolaire. Cela peut
facilement expliquer l’absence de ces structures provinciales de coordination de l’action du
MESSRS. Par le fait même, les DR ont vu leur charge de travail augmenter. Ce qui ne leur plaît
pas forcément.
155
À ces difficultés associées à l’absence des directions provinciales s’ajoutent le manque de
coordination entre le MESSRS et le ministère des finances, en matière de contrôle de la gestion
financière des DR et des établissements scolaires. Qui plus est, Taryam et Kané estiment que
cette absence de coordination dans le système actuel de contrôle de la gestion financière
contrarie les différents acteurs du système éducatif secondaire.
Dans leurs récits, ils suggèrent d’uniformiser ou à tout le moins d’harmoniser les
procédures de contrôle. Taryam, pour sa part, considère les délais considérables observés dans la
mise à disposition des allocations budgétaires aux établissements scolaires, comme une difficulté
majeure. Selon lui, il faut tenir compte du calendrier scolaire, afin d’amoindrir les effets négatifs
sur la gestion du budget et des ressources financières des DR et des CES. Retenons pour
l’essentiel que l’année scolaire s’étend de septembre à juillet, tandis que la prévision budgétaire
du ministère des finances est basée sur l’année calendaire. Il déplore finalement, la faiblesse des
ressources financières allouées aux directions régionales et aux établissements scolaires.
Le respect des cadres établis apparaît comme un autre problème technique. Taryam voit
dans le non respect des cadres juridiques une difficulté. En effet, il souligne l’attitude de
certaines personnes tendant à les court-circuiter pour saisir la hiérarchie supérieure avec des
dossiers liés, le plus souvent, à l’ouverture d’établissements dans les localités qui n’en possèdent
pas. Cette absence de consultation des DR qui ont la responsabilité de planification de la carte
scolaire, engendre des difficultés de diverses natures : manque de personnel enseignant; de
surveillants; absence de censeur et de directeur des études pour assurer le bon fonctionnement
des établissements. Et Taryam de conclure que :
156
Si notre mandat consiste à veiller au respect des
normes établies alors, le ministère doit renvoyer
toute personne qui lui soumet un dossier de création
d’établissement, si cette personne ne respecte pas la
hiérarchie établie en la matière. Fort heureusement
qu’ils sont renvoyés à notre niveau très souvent.
Ces éléments apparaissent donc comme des insuffisances dans l’observation des règles
de procédures établies. Il y a donc lieu de mettre vivement en question ces pratiques d’influence.
Bien entendu, à l’analyse de certains verbatims, il n’est pas étonnant de constater que le
manque de personnel apparaît comme une difficulté. Le propos de Taryam documente cette
insuffisance de personnel:
Présentement, il y a deux, trois, quatre, cinq, six
établissements sans censeurs et sans un directeur des
études. Dans certains établissements, le directeur est tout
seul. Il joue le rôle de directeur, d’économe, de
surveillant général et de surveillant et en plus, il
enseigne. Vous conviendrez, qu’il soit difficile dans
ces circonstances de réussir la mise en œuvre des
changements, allègue-t-il.
Dans certains passages de leurs témoignages, Kané et Taryam reconnaissent que quelques
chefs d’établissements, tout particulièrement en zone rurale, assument plusieurs fonctions. Ils
sont à la fois, proviseur, intendant, surveillant général et enseignant. Dans ces situations, ils
assument un rôle comprenant plusieurs dimensions. Dans ces conditions, Kané observe que
« certains chefs d’établissements font des choses contraires à ce qui est prescrit ». On considérant
la nature véritable de leur expérience et des difficultés rencontrées, on doit procéder
différemment pour l’application de la politique visant l’élargissement de l’offre éducative.
157
En fin de compte, l’un et l’autre voit dans les relations entre les maires et les DR certains
problèmes. Gérer la mise en œuvre de la décentralisation dans la diversité des partenariats ne va
pas sans poser quelques difficultés. Comme l’indique Taryam :
Certains élus maires croyaient que les
établissements municipaux étaient leur propriété au
point de refuser l’affectation des élèves dans ces
établissements.
Ce n’est là qu’un exemple de mauvaise interprétation du statut juridique des
établissements municipaux, affirme Kané. Fort heureusement, conclut Taryam, avec le temps :
« chacun connaît les limites de son pouvoir et il n’y a plus tellement d’accrocs». C’est
certainement le cas pour toutes les questions pratiques. Les DR et les maires doivent intérioriser
et promouvoir toutes les mesures qui permettent d’atteindre les objectifs de la décentralisation.
Les analyses des DR, en tant qu’agent de changement comme ils le prétendent plus haut, doivent
transcender les limites et les barrières des organisations et leurs prérogatives. Il convient donc de
considérer de plus près les différentes difficultés rencontrées par les DR dans l’exercice de leur
fonction avant de tenter d’y proposer des éléments de solutions, au niveau du respect du cadre
juridique ou règlementaire principalement, car c’est là que tout se joue.
Le tableau 9 ci-dessous résume les expériences d’appropriation du changement des DR.
Les difficultés évoquées ici seraient nettement plus nuancés que celles rencontrées au quotidien
dans les différentes directions régionales. Cependant, elles traduisent leur réalité. Ailleurs, on
pourra constater d’autres difficultés que des études de cas pourraient élucider. Mais avant de
revenir sur la proposition de voies de recherche à emprunter, examinons à présent les résultats de
l’étude auprès des chefs d’établissements.
158
Tableau 9: synthèse des principaux résultats de l'analyse sur les DR
Dimensions Kané Taryam
Profil 65 ans avec Maîtrise en physique-chimie
Polygame avec plus de 20 enfants
Parle anglais; Membre de plusieurs associations
56 ans avec Licence en math-physique
Monogamie avec 3 enfants
Expérience dans plusieurs organisations
Perceptions
po
siti
ves
Les réformes de décentralisation apparaissent positives à leurs yeux
Prise de plusieurs textes a réduit les relations conflictuelles avec les syndicats et enseignants
La décentralisation n’est pas synonyme d’indépendance; de désordre
Rôle : essentiel; partenaires du ministère; facilateurs de la mise en œuvre du changement
Éducation pour tous est un droit légitime
Décentralisation est une autonomie relative
Nous devons suivre les directives du ministère
La mise en place des gouvernorats a résolu le
problème de collaboration au niveau horizontal
Décentralisation est un processus complexe; sa
mise en œuvre requiert un changement dans sa
pratique de gestion
Nég
ati
ves
Inachèvement de la structure organisationnelle du ministère;
Absence de cohérence dans les directives du ministère;
Critiques négatives de l’impossibilité d’exclusion des élèves;
Mise en œuvre des réformes en deçà de la planification;
Déséquilibre dans la répartition des compétences
Avec l’homme il faut s’attendre à tout Être DR c’est jouer un rôle;
Ne jamais chercher à faire le bonheur d’un
homme;
Écart entre intention du ministère et réalités du
terrain
Attentes Désirent avoir des rapports étroits avec le ministère
Espèrent une vision et une compréhension commune des réformes de décentralisation
Vœux d’un partenariat entre les différents acteurs
S’attendent à une évaluation périodique des mesures gouvernementales
Souhait d’être accompagné; de bénéficier de formation et
de séminaires
Souhait de fidélité dans les rapports
Appropriation Avoir une bonne connaissance des textes et des individus
Accorder une importance aux relations humaines
Prendre en compte les expériences individuelles
Déléguer certaines tâches et demeurer vigilant
Adopter certaines attitudes : concertation, respect des règles, toujours informer et communiquer, encourager
certaines initiatives
Développer certaines compétences : esprit critique, connaissance du milieu, capacité à prendre une décision,
gestion appropriée des ressources humaines
Respecter les textes
Connaissance de l’homme indispensable
Assurer un minimum de condition de travail
Prudence dans l’application des textes
Tenir compte des réalités du terrain
Adopter une approche de gestion participative
Savoir susciter le dévouement et l’engagement au sein du
personnel comme compétence
Bien connaître ses collaborateurs
Ne jamais faire totalement confiance
Impliquer les différents acteurs
Tenir compte des expériences des collaborateurs
S’ouvrir aux autres
Déléguer avec un droit de regard
Adopter certaines attitudes : humilité dans ses
rapports aux autres, honnêteté, justice et équité.
Difficultés Difficultés d’ordres juridiques, techniques et organisationnelles : vente des places par les professeurs, absence
des directions provinciales accroît leur tâche et altère leur relation hiérarchique avec les CES
Manque de coordination dans le transfert des allocations financières nuit à la gestion des DR et des
établissements
La mesure de transition automatique du primaire à la 6ième
engendre des taux élevés de redoublement, un niveau
disparate dans les classes.
Non respect de la règlementation et des
procédures : source de déficit de personnel, de
conflit entre acteurs au niveau local
Absence des directions provinciales
159
Chapitre VI : Le processus d’appropriation des chefs d’établissements
Les analyses de l’expérience d’appropriation des chefs d’établissements secondaires
publics suivent un ordre précis. Ces critères d’expériences privilégient les récurrences, les
convergences, les divergences, les oppositions et la complémentarité, conformément à la même
grille d’analyse précédente.
6.1. Caractéristiques professionnelles et personnelles des chefs
d’établissements
De façon générale, les chefs d’établissements secondaires du Burkina Faso sont avant
tout des professeurs agréés, des professeurs certifiés et des professeurs des lycées et collèges.
Peuvent être nommés, sur proposition du DR, tout professeur des différentes catégories ci-dessus
visées régulièrement inscrit sur la liste d’aptitude aux fonctions de chefs d’établissements (Arrêté
no 2003- 054/MESSRS/DGESG/DGESTP). Des sessions de formations d’introduction à la
direction des établissements secondaires sont offertes aux nouveaux chefs d’établissements.
Certains chefs d’établissements d’expérience participent à la définition des contenus et à la
prestation des formations. Les modules de formation portent sur l’organisation générale de l’État,
du MESSRS, de l’établissement, la hiérarchie administrative, les champs de compétence du chef
d’établissement, notamment les fondements juridique et administratif du fonctionnement de
l’établissement ainsi que les règles de fonctionnement budgétaire et financière.
Plus spécifiquement, les participants CES possèdent des caractéristiques propres, mais
n’ont certes pas les mêmes ressources, ni les mêmes diplômes académiques et professionnels ou
expériences pour affronter les défis d’appropriation de leurs prérogatives. Qui sont donc les chefs
d’établissements qui ont participé à cette recherche? La section suivante tente d’y répondre.
160
6.1.1. Profil individuel
L’analyse de leur profil individuel laisse apparaître une grande diversité dans le genre, les
âges, les parcours académiques, professionnels et le nombre d’années d’expérience dans les
fonctions de chef d’établissement.
Ainsi, Balo, professeur titulaire de l’enseignement technique, a un âge compris entre 55
et 60 ans. Il possède un diplôme d’études approfondies (DEA) équivalent de la maîtrise au
Canada et compte 31 ans d’ancienneté dans l’enseignement dont 17 ans d’expérience de chef
d’établissement. L’établissement qu’il dirige a un effectif total de 2056 élèves, avec 47
professeurs dont 10 femmes et 37 hommes. Il est à la direction de l’établissement depuis sa
création et entretien des relations de partenariat avec le milieu professionnel et les structures
universitaires de la ville abritant l’établissement qu’il administre.
Salou est dans sa soixantième année et sera admis à la retraite le 31 décembre 2010.
Professeur titulaire d’une licence et d’un Certificat d’aptitudes Professionnelles de
l’Enseignement Secondaire (CAPES), il possède une expérience de 36 ans dans l’enseignement
dont 24 ans dans les fonctions de chef d’établissement. Très discret et réservé dans les
conversations, il se décrit comme un chef d’établissement sensible et affectif. Au moment de la
collecte des données, il était à sa deuxième année dans le poste suite à un mouvement interne
qu’il considère comme abusif. En effet, il nous a laissé entendre qu’il aurait souhaité prendre sa
retraite dans son précédent poste si son avis était pris en compte.
161
Manou avec un âge compris entre 55 et 60 ans est titulaire d’une licence, équivalent du
baccalauréat et d’un CAPES. Avec ses 27 ans dans l’enseignement, il possède une expérience de
chef d’établissement de 21 ans. Il dirige un établissement de 2527 élèves réparties dans 27 salles
de classes et encadrés par 58 professeurs dont 16 femmes et 42 hommes. Il possède quelques
expériences dans les mouvements associatifs. Ainsi, grâce à ses relations, l’établissement qu’il
dirige est jumelé à une ville française.
Quant à Yaya, âgé de 55 ans, il est titulaire d’une maîtrise en lettres modernes, option
linguistique. Au plan professionnel, il possède un CAPES. Avec ses 26 ans d’ancienneté dans
l’enseignement, il compte 11 ans d’expérience dans les fonctions de chef d’établissement. Son
établissement a un effectif de 2717 élèves; 32 salles de classes; 50 professeurs répartis comme
suit : 8 femmes et 42 hommes. Ancien responsable d’une section syndicale locale, il a également
milité dans plusieurs mouvements associatifs professionnels, telle l’association des professeurs
de français.
Pema pour sa part est âgé de 45 ans. Il est titulaire d’une licence, et possède un CAPES.
Militant actif d’un parti politique, il a une ancienneté de 17 ans dans l’enseignement dont 5 ans
d’expérience de chef d’établissement. À la tête d’un établissement municipal, de 18 classes avec
1544 élèves et un total de 25 professeurs dont 2 femmes et 23 hommes, depuis 3 ans.
Quant à Tina l’unique femme participante à l’étude, elle est âgée de 50 ans et possède
une maîtrise et un CAPES comme diplôme professionnel. Avec ses 21 ans d’ancienneté, elle
compte 9 ans d’expérience dans les fonctions de chef d’établissement. Elle dirige un
établissement municipal de 11 classes avec un effectif de 872 élèves et un corps professoral
composé de 3 femmes et 10 hommes, soit un total de 13 enseignants.
162
Le tableau 10 ci-après présente les principales caractéristiques du profil des participants
chefs d’établissements selon leur âge, le sexe, le nombre d’année d’expérience, leur niveau
d’études et leurs diplômes professionnels. Mentionnons que tous les chefs d’établissements
interviewés sont mariés. Le nombre d’enfants des uns et des autres varie entre 3 et 4 et tous
vivent dans une relation de couple de type monogamie.
Tableau 10: profil des participants, chefs d’établissements, à l'étude
Caractéristiques CES
Sexe Masculin 5
Féminin 1
Âge
40-45 ans 0
45-50 ans 1
50-55 ans 3
55-60 ans 2
Expérience de
direction
5 ans 0
5 ans à moins de 10 ans 2
10 ans et plus 4
Niveau d’études Licence 3
Maîtrise 2
DEA 1
Diplômes
professionnels
CAPES 6
Inspecteur Secondaire 0
Total 6
Plusieurs différences ressortent de ce tableau. L’âge de la majorité se situe entre 50 et 60
ans. Il convient de noter que les femmes sont sous représentées dans cette étude De plus, les
participants n’ont pas le même niveau académique et plusieurs possèdent une expérience de
direction de plus de 10 ans.
La prochaine section s’intéressera à la perception individuelle qui émerge de l’expérience
de mise en œuvre de la décentralisation au MESSRS auprès des chefs d’établissements
secondaires.
163
6.2. Perspectives des chefs d’établissements
Dans cette partie, nous examinons les jugements des CES à partir de leurs expériences.
Ces interprétations aideront à comprendre et à rendre compte de leur réalité. Ces contenus sont
susceptibles d’orienter la discussion des résultats, les chercheurs et les évaluations de la thèse.
Bien sûr cette description propose une vision des CES et s’appuie sur leurs récits, ainsi que sur
l’opinion du chercheur que nous sommes à partir des notes de terrains et des observations.
6.2.1. Perceptions positives des CES
Si les DR et tout particulièrement les CES veulent faciliter le changement, cela suppose
qu’ils ont une certaines idée de leurs responsabilités et de la décentralisation dans le contexte
burkinabé. L’analyse menée témoigne de la richesse et des particularités de leurs perspectives.
Certains mots-clés hétérogènes et pertinents émergent de leurs récits.
Nommés sans formation initiale, plusieurs, en particulier Balo, Yaya et Manou se
considèrent comme des pédagogues avec quelques notions d’administration. Cependant, avec la
pratique, les uns et les autres croient avoir acquis de l’expérience à même de bien accomplir leur
rôle. Rétrospectivement, de son expérience Tina affirme que :
[…] la décentralisation constitue un changement
majeur comportant trois grands défis : assurer une
synergie d’action des différents acteurs de
l’établissement; veiller à la réussite scolaire des
enfants et finalement mobiliser les ressources
nécessaires à l’atteinte des objectifs d’éducation. Un
tel cadre constitue une expérience renouvelée qui
influence les rapports entre les différents acteurs du
système éducatif.
164
Certains CES, à savoir Pema, Salou, Yaya et Tina perçoivent la décentralisation comme
une bonne chose. Du point de vue de Salou :
[…] elle a réduit les distances : « Avant, pour un
rien on partait au ministère. À présent, avec la
création des DR, nos problèmes d’établissement se
traitent à ce niveau. (Mieux ajoute-t-il) … l’État
nous aide maintenant, … il nous donne du matériel,
des fournitures scolaires et prend également en
charge les frais de vacation, parce qu’il y a pas
suffisamment de professeurs. Tout ça, c’est
vraiment positif.
Elle est également synonyme de gestion de proximité, du point de vue de Yaya : « la
décentralisation fait de nous les premiers responsables de la chaîne de gestion du système
éducatif secondaire ». La réflexion de Manou rappelle leur rôle essentiel:
Comme j’ai l’habitude de le dire, je suis l’ouvrier de
mes collaborateurs. En ce sens, je fais un travail de
coordination, de centralisation et de supervision.
Cette perception correspond à ce qu’il y a de plus fondamental dans leur fonction. Le
commentaire de Balo, nous éclaire davantage :
Je joue le rôle le plus important. En ce sens que
mon engagement, et celui du personnel, bien
entendu, peut garantir le succès des réformes en
cours.
Auréolé de cette mission, Yaya reconnaît avoir une responsabilité partagée et affirme
jouer au mieux sa partition. Et Pema d’ajouter : « je me rends compte que la décentralisation
exige plus de vigilance à toutes les situations ». Voilà pourquoi, aux yeux de Tina et Yaya, il faut
adopter de nouvelles attitudes. Ainsi, plusieurs CES considèrent qu’ils doivent réapprendre
l’exercice de leur fonction. À cet effet, Balo reconnaît qu’il n’est pas facile de changer d’attitude
165
soi-même. Dans ces conditions, il comprend qu’il ne doit pas être facile pour ses collaborateurs
de changer de comportement. Dès lors, l’appropriation du changement et la mise en œuvre
réussie de la décentralisation devient une tâche ardue.
À la suite de cette analyse sur leurs perceptions et l’attention qu’ils doivent porter à leur
rôle nouveau, la plupart des chefs d’établissements nous ont confié que la décentralisation leur a
donnés une plus grande marge de manœuvre sur le plan financier. Par exemple, les
établissements disposent de ristournes à hauteur de 75 % des différents frais collectés auprès des
élèves et des parents d’élèves. Par le passé la totalité de ces sommes allaient à la direction des
affaires financières du ministère. Aujourd’hui, tout cela leur permet d’assurer certains services et
de répondre ainsi aux besoins spécifiques de leur établissement.
Les autres impressions recueillies au cours des entrevues suggèrent que les différentes
mesures prises en faveur des établissements doivent être réévaluées pour les adapter aux
différentes situations. Un recentrage est nécessaire avec l’implication des différents acteurs,
notamment les chefs d’établissements rappellent Salou et Balo.
La réussite de leur mission exige un schéma de mise en œuvre, une définition claire des
objectifs et une analyse précise de la situation réelle des établissements. Cela étant, afin de
s’assurer que le champ perceptuel des CES est bien couvert, examinons à présent leurs
perspectives négatives.
166
6.2.2. Perceptions négatives des CES
Plusieurs constats importants se dégagent de la vision des CES en termes
d’appréhensions négatives. D’un côté, nombre de CES mentionnent à quel point la réforme de
décentralisation prête à confusion. Le propos de Manou traduit le manque d’accompagnement du
gouvernement central :
Voyez-vous, avec la décentralisation, l’État s’est
désengager du système éducatif. C’est comme si on
était en train de privatiser l’enseignement public.
Or, parlant du rôle des établissements scolaires, il affirme que les CES sont « les
maillons essentielles du changement actuel ». Qui plus est, il observe que leur point de vue n’est
plus pris en compte et regrette également qu’ils n’aient plus accès aux premiers responsables du
ministère.
D’un autre côté, certains perçoivent négativement les rapports avec le personnel
enseignant et les élèves. Chez Balo, la question de la gestion des hommes lui apparaît délicate.
Ainsi, Yaya, Tina et Salou croient qu’il est parfois difficile de satisfaire le personnel enseignant
qui, à leurs yeux paraît capricieux, difficile et exigeant. D’ailleurs, le rapport avec les
enseignants suppose Manou exige beaucoup d’efforts de compréhension. De même, Tina, Balo
et Yaya trouvent qu’ils sont rarement satisfaits. Et très souvent, Manou pense que les chefs
d’établissements sont soumis à des pressions parfois contradictoires de leur part. Par exemple,
poursuit-il :
[…] ils se plaignent des effectifs pléthoriques et
pourtant, en début d’années, ils sont les premiers à
solliciter plusieurs inscriptions.
167
Qui plus est, Yaya considère qu’ :
[…] au niveau du personnel enseignant ce n’est pas
facile […] On a affaire à toutes sortes de gens. Il y en a
même de par leur comportement ne sont pas différents
des élèves. Il y a des gens qui sont là pour tout remettre
en cause; […] qui s’absentent comme ils veulent; […]
il y en a qui ne font pas grand-chose en classe […].
Au regard de ce qui précède, les chefs d’établissements ont une vision pessimiste de leur
relation avec le personnel enseignant. Quelques remarques s’imposent. Dans les faits, nous avons
pu observer que très souvent les enseignants exercent une résistance ou tentent d’exercer un
contrôle sur les décisions et les événements qui ont un impact sur leur vie professionnelle. Alors,
il est important pour les CES de savoir établir des liens de collaboration à la fois pratique,
administratif et professionnel avec ces ressources humaines en particulier eu égard à leur rôle
capital au sein des établissements.
De même, pour Tina et Manou le comportement violent des élèves génère des difficultés
spécifiques à la capacité des chefs d’établissements à soutenir leur apprentissage. Plus
spécifiquement, le commentaire de Manou illustre cette difficulté :
Il y a deux semaines j’ai un de mes élèves de 4ième
qui a voulu former les poings contre un surveillant.
À notre temps ce n’était pas possible, ni imaginable.
Mais, nous avons des situations de plus en plus
fréquentes, des situations de ce genre là ».
D’autres CES interviewés vivent des sentiments d’insécurité, d’impuissance, et de
frustrations. Ils déclarent vivre ou avoir vécu des situations de craintes de perdre leur poste et
témoignent d’un besoin de solidarité. Il ne faut pas se leurrer, soutient Yaya « Lorsque tu as un
problème, tu es laissé à toi-même ». Il convient donc, précise Salou, de savoir que : « […] si tu
168
n’a pas de bras long, mieux vaut s’abstenir de prendre certaines initiatives ». Ainsi, Tina en
vient à la conclusion que les chefs d’établissements sont laissés à eux-mêmes en cas de difficulté.
Il est vrai que plusieurs chefs d’établissements, nous ont confié, lors de la semaine d’observation,
qu’il faut avoir un accès privilégié auprès des autorités politiques et administratives en vue de
bénéficier de hautes protections. Bien qu’il soit difficile de savoir si les CES bénéficient
toujours de la protection de ces personnages influents, un constat demeure : ces pratiques
révèlent l’existence de sentiment de peur et de frustration en leur sein.
Plusieurs CES ont le sentiment que leur hiérarchie ne les défend pas toujours contre les
attaques ou les agressions dont ils sont objets. Salou décrit cette réalité en ces termes :
[…] il n’est pas rare de voir des décisions de
conseils de discipline remises en cause ». Plus loin
il ajoute : « … dans les établissements, il y a des
gens qui ne méritent pas en cas tout d’être là. Non
seulement, ils ne travaillent pas et surtout, ils sont
de mauvaise moralité. […] pour les compléments
d’effectifs, il y a des surveillants, des professeurs
qui vendent des places. Bon, ce n’est pas une bonne
chose. Mais, vous aller écrire contre ces gens là et
ils seront toujours là. […] il arrive que certains
professeurs vous brandissent les lettres que vous
avez adressées à la hiérarchie à leur sujet. Ça veut
dire qu’on ne prend pas en compte votre autorité,
vos écrits. Quitte à faire l’enquête eux-mêmes et
voir si vous avez dit la vérité ou pas. Ça c’est
frustrant.
Manou qui reprend en cela la pensée de Salou, soutient que « […] nous n’avons pas voix
au chapitre ». Cette absence de confiance et de confidentialité nuit certainement aux bonnes
relations de travail entre les CES et leur hiérarchie. Rien d’étonnant donc que ces derniers soient
craintifs et prudents. Tout bien considéré, Tina a-t-elle raison de déclarer :
169
Si on réussi moins ou si on échoue, on est un peu livré à
soi-même. Ça fait que les chefs d’établissements devant
les difficultés ne sont pas toujours motivés pour se
donner à fonds. Cette insécurité permanente conduit
certains chefs d’établissements après trois ans de
service […] (à) passer un concours professionnel,
pour devenir conseiller pédagogique ou inspecteur.
Aussi, plusieurs CES admettent qu’avec la décentralisation se profile une situation
nouvelle et des attitudes qui prennent diverses formes. Yaya résume de façon excellente cette
réalité :
Ce n’est pas facile. Mais avec le temps qui passe on
commence à comprendre certaines choses. Lorsque
vous êtes nommé, vos collègues enseignants et amis
vous regardent plus de la même façon. On a
l’impression que vous ne faites plus parti du cercle,
on vous regarde autrement. Avec le temps on
acquiert plus de sagesse et vous connaissez mieux
votre personnel.
À cet égard, la réflexion de Salou illustre comment sa démarche d’appropriation de la
décentralisation lui a permis de mieux découvrir l’homme : « tant que vous n’êtes pas
responsable, vous ne pouvez pas bien connaître les enseignants. Plus précisément, poursuit-il :
[…] quand vous enseignez, vous êtes enseignants
avec les collègues, vous vous entendez bien. Quand
vous devenez chef d’établissement, vous constatez
que les autres prennent leur distance vis-à-vis de
vous. Parce que les enseignants d’emblée pensent
que si vous appliquez les textes, vous êtes
automatiquement du côté du gouvernement.
170
Avant tout, il existe un degré de certitude d’une perception négative de la fonction de
chef d’établissement chez lui, tout comme le personnel enseignant. Encore une fois, on
comprend par ces exemples que les liens sociaux et professionnels deviennent incertains et se
réduisent à des obligations contractuelles.
Aussi, comme le fait observer Manou et Tina, les enseignants ne sont plus animés d’un
bon esprit. Manou constate, par exemple que : « les enseignants refusent de donner gratuitement
les cours ». C’est ainsi que Tina, Balo et Manou en viennent à la conclusion suivante : « Ils ont
un esprit mercantile ». L’analyse de leurs récits témoigne, une fois de plus, des impressions
négatives des chefs d’établissements à l’égard du personnel enseignant.
Plus encore, ils se sentent démunis face à certains phénomènes nouveaux. En ce domaine,
Tina s’inquiète au sujet de l’utilisation des téléphones portables dans les salles de classe, de la
consommation d’alcool dans les établissements, de l’usage des stupéfiants et du port d’armes
dans certains cas. Malheureusement, il n’existe aucune disposition règlementaire permettant une
prise en charge de ces phénomènes émergents.
En fin de compte, les CES n’adhèrent pas à la structure actuelle du ministère. Pour ne
citer que Pema :
[…] avec l’absence de la direction provinciale,
« nous sommes directement rattachés au directeur
régional à qui nous devons rendre compte qui t’a ce
que lui rend compte au haut commissaire.
Or, comme l’ont si bien précisé Pema, Yaya, Balo et Tina, le DR dans l’ordre de la
hiérarchie administrative se trouve être d’un rang supérieur au Haut commissaire. Cette situation,
de leur point de vue n’est pas sans poser quelques difficultés dans leur rapport avec la hiérarchie.
171
En effet, lors de la collecte des données il nous a été donné de constater que les autorités
provinciales s’adressaient directement aux chefs d’établissements sans passer par le DR. Ce qui
constitue une distorsion aux règles de fonctionnement hiérarchiques.
Finalement, dans le contexte du MESSRS, Manou estime que la décentralisation accorde
plus de pouvoir aux autorités centrales et intermédiaires. Par le passé, ce dernier soutient que les
chefs d’établissements avaient un accès privilégié avec les premiers responsables du ministère.
De même, Pema, Manou et Salou trouvent que l’État, à travers ses autorités au niveau central,
s’est désengagé du système éducatif, en témoigne la faiblesse des ressources financières allouées
aux établissements. Étant donné que, ce que l’être fait dépend de ce qu’il pense, il en résulte une
prise en compte de leurs présupposés dans l’analyse de l’appropriation du changement dans les
établissements scolaires.
6.3. Attentes des chefs d’établissements
La plupart des chefs d’établissements souhaitent une valorisation de leur fonction. Mais
ils ne définissent pas pour autant les composantes essentielles à une telle attente. Comme nombre
de chef d’établissements, Tina appelle de tous ses vœux une sécurisation des chefs
d’établissements dans leur fonction. Et pour cause, elle estime que très souvent certains chefs
d’établissements sont relevés de leur fonction au premier accroc. Par ailleurs, ajoute-t-elle :
J’aurais souhaité que les chefs d’établissements
puissent être récompensés. Que ce ne soit pas les
difficultés et quelques fois les échecs qui soient
sanctionnés.
172
Yaya, tout comme Manou et Balo font également mention de la nécessité d’encourager
et de féliciter les CES pour les différents succès. À ce titre, une lettre de félicitation à l’occasion
ne serait pas mauvaise, précise Tina.
Certains CES pensent que leur légitimité auprès de leur collègue serait mieux fondée s’ils
étaient recrutés sur concours et s’ils bénéficiaient d’une formation dans les instituts universitaires
de formation du personnel administratif. Cette vision est d’autant plus pertinente que pour
l’instant, c’est plutôt les fonctions qui leur confèrent l’autorité. Autrement dit, les chefs
d’établissements secondaires du Burkina Faso sont considérés comme des représentants de l’État
au niveau local. Ils constituent donc un maillon important de la chaîne hiérarchique et tiennent
leur autorité de leur supérieur hiérarchique, les DR à qui ils sont subordonnés, et non de leurs
compétences ou expertises.
Parmi les attentes exprimées également, citons le souhait de voir rehausser les indemnités
de fonction qui leur sont servies. Ces indemnités qui s’élèvent présentement à 10 000 francs soit
l’équivalent de 20 dollars canadiens apparaissent dérisoires aux dires de Yaya et Manou. Mieux,
Manou espère que les différents corps de l’éducation auront un jour une grille salariale
spécifique.
Enfin, la création d’un corps des chefs d’établissements s’avère indispensable, de l’avis
de Salou, Yaya et Tina. On ne saurait donc sous-estimer les réalités dans lesquelles les CES
exercent leurs fonctions. A cet égard, les témoignages des uns et des autres sont primordiaux et
sous-tendent leurs pratiques appropriatives.
173
À l’évidence, comme nous l’avons mentionné précédemment, une formation
professionnalisante contribuerait à renforcer l’identité professionnelle des chefs
d’établissements. Certes, cette formation devrait être axée sur les compétences pratiques, mais
également sur des connaissances théoriques. Au-delà de l’ensemble des perspectives et attentes
réunies ici, comment l’appropriation des prérogatives des CES à l’étude se déploie-t-elle au
quotidien sur le terrain?
6.4. Actions d’appropriation des chefs d’établissements
La décentralisation est complexe et les intérêts parfois contradictoires. L’analyse des
pratiques d’appropriation des CES, dans la forme que nous lui prêtons, reflète la démarche
adoptée par les uns et les autres. Ce dispositif de gestion visant à intégrer le changement fait
référence à des actions multiformes et propose diverses attitudes et compétences qui structurent
leurs actions d’appropriation.
Lors des différents entretiens, la plupart des CES évoquent la connaissance des textes
législatifs comme une dimension primordiale de leur action. Pema et Tina parlent de prise en
charge des textes législatifs. Pour Manou, tout comme Tina, non seulement c’est un devoir de
bien connaître la législation, mais il importe de s’engager à les mettre en pratique. À ce sujet le
propos de Salou insiste sur la nécessité d’une:
[…] bonne connaissance des textes mises à notre
disposition, mais surtout l’obligation de toujours s’y
référer, quel que soit le problème qui se pose.
174
Un impératif formalise cette inflexion. À son avis, il faut se garder d’imaginer des
solutions. Cette position est certes une attitude positive, mais elle n’est pas la seule, puisque
Yaya, Balo et Tina conviennent de la nécessité de mettre en place les différentes structures
prévues par les textes et de s’assurer de leur bon fonctionnement.
En revanche, dans leurs témoignages sur l’application des différents textes, la tolérance
envers certaines dispositions et les normes de gestion des établissements constitue une attitude
partagée, par plusieurs chefs d’établissements. Ainsi, au niveau du contexte d’application,
préviennent Balo, Manou et Tina, il faut toujours prendre le soin de bien analyser la situation.
Dans ses commentaires Salou insiste sur le fait que :
[…] les textes ne peuvent être appliqués sans
discernement. Au-delà des textes, il y a votre
personne qui peut apporter un plus.
Dans cette optique, nous découvrons chez Manou l’obligation également d’observer une
relative prudence dans leur mise en œuvre. Très souvent, il faut s’en écarter ajoute Yaya. Et Tina
d’insister : « […], il faut se garder de les appliquer aveuglement ».
Par exemple, nous relate Salou :
[…] dans le règlement intérieur, il est dit que
lorsqu’un élève s’absente plus de trois fois, il faut le
passer en conseil de discipline. Si on devait
appliquer, à la lettre les textes, vous allez tout temps
avoir des conseils de discipline.
175
Plus d’une fois dans leurs récits la question de flexibilité dans l’application des
dispositions règlementaires revient comme une condition essentielle à la mise en œuvre des
réformes de décentralisation. Bien sûr, comme on le constate, certaines dispositions de la
législation, à l’état actuel des réalités du terrain ne peuvent être appliquées.
Ainsi, des expériences de terrain, « l’obligation de se donner soi-même des règles de
conduite », s’avère être une attitude importante du point de vue de Yaya et Pema. Balo et Salou
avisent de ne « jamais s’énerver ». Il est clair, par exemple, comme l’a si bien dit Salou :
[…] il faut apprendre à avoir une certaine maîtrise
de soi. […]. Il y a certaines choses que je ne peux
plus faire. Il n’y a point d’expérience positive
d’appropriation des prérogatives sans une bonne
maîtrise de ses nerfs.
Naturellement pour Yaya, un changement de tempérament s’impose. En plus de la
maîtrise de soi, il apparaît clairement que la réceptivité accroît le potentiel d’appropriation des
prérogatives. Parlant de son expérience, Salou, Manou et Balo nous confient qu’ils se gardent
toujours de s’énerver pour un rien et préfèrent prendre du recul face à certaines situations. Ainsi,
par exemple, Manou trouve : « qu’il y a des choses qui peuvent se faire à un temps donné ».
Quant à Balo, il soutient de « ne jamais réagir immédiatement lorsque surviennent certaines
situations ». À son avis, le comportement impulsif nuit davantage à la mobilisation et à
l’engagement du personnel. Plus loin, Manou réitère : « L’enseignant qui me provoque finit par
ne plus le faire parce qu’il réalise que ma ligne de conduite rompt avec ses velléités ». Ces
comportements témoignent de la nécessité de développer une force psychologique en soi.
176
Au-delà de cette distanciation comme approche, les CES adoptent d’autres attitudes
visant à créer les conditions de dialogue au sein des établissements. Ainsi, la totalité des chefs
d’établissements privilégient le dialogue et la mobilisation des différents partenaires. Salou et
Manou considèrent que la sensibilisation peut amener les différents collaborateurs à comprendre
la mission du chef d’établissement et à susciter une prise de conscience pouvant favoriser
l’atteinte des objectifs de la décentralisation. Pour y arriver, il apparaît fondamental pour Salou :
[…] qu’il faut faire le feedback des différentes
actions. Savoir rectifier. Il faut porter les textes à la
connaissance de tout le monde. Si les gens ne sont
pas au courant que vous avez reçu un texte, et vous
leur demander de travailler dans ce sens ça ne peut
pas aller. Ils vont penser que c’est vous-même qui
prenez cette initiative alors que non. Il faut
largement informer les gens. La communication est
très importante. Si on néglige cet aspect là, les
choses ne marchent pas.
Des récits d’analyse, Manou, Tina et Yaya suggèrent tout particulièrement d’apprendre
à connaître qui est qui, d’avoir un certain caractère, d’être disponible et de cultiver les vertus de
bonne foi. En effet, le chef d’établissement, soucieux de la bonne marche de son établissement,
selon Yaya, Salou et Balo, doit stimuler et favoriser la collégialité dans l’action. Plus
spécifiquement, l’expérience dont nous parle Manou, c’est une expérience fondée sur la
concertation, l’émulation et la motivation.
177
Dans cette quête d’impliquer toutes les personnes concernées, Salou et Pema, pour leur
part préconisent la transparence dans la gestion, la valorisation des collaborateurs qui
s’impliquent et une attitude tolérante envers certaines erreurs. Par exemple, pour Tina, Balo et
Salou, il faut accorder une certaine latitude dans la manière d’accomplir certaines tâches. Tout en
évitant d’être laxiste préviennent Yaya et, Manou. Pour ce faire, Yaya enjoint :
Si vous vous asseyez seul dans votre bureau pour
décider seul, ça ne va pas marcher. Il faut associer
les gens.
Dans cet esprit, Balo considère que la connaissance des attentes et des besoins des
différents groupes constitue un atout essentiel. Ainsi, la quasi-totalité des CES prônent la
nécessité d’établir et d’entretenir de saines relations de travail avec le personnel enseignant et les
autres catégories de personnel. De plus, Salou, Yaya et Pema mentionnent l’importance d’une
approche pragmatique et disent tenir compte de leur réalité spécifique.
L’appropriation implique, pour ainsi dire, des liens de collaboration au plan administratif
et social. Dans cette perspective, Salou nous rappelle ce qui suit :
Si vous voulez que ça marche, il faut accepter tout
le monde; […] avoir un esprit ouvert et […] se
débarrasser de tout préjugé. Il faut donc rompre
avec les pratiques dont les revers peuvent être
préjudiciables à l’acte d’appropriation, à la bonne
gestion de l’établissement.
178
Comme on peut aisément sans douter, il poursuit, en disant qu’ « il faut éviter de se
comporter comme un grand patron ». De toute évidence, les chefs d’établissements privilégient
des actions habiles. En ce sens, l’échange avec les aînés et les autres collègues CES constitue une
approche précieuse selon, Pema et Balo.
Au nombre de ces actions habiles, il y a le respect d’autrui qui apparaît comme une
attitude à privilégier. Par exemple, pour Balo, le respect de l’autre suppose avant tout de bien
considérer les actions qu’il accomplies. Manou et Yaya parlent de rejet des stéréotypes et
prétendent ne pas juger les collaborateurs à partir de certains faits. Cette objectivité est-elle
possible ? La réponse de toute évidence est non si nous nous référons aux perceptions de la
majorité des CES qui trouvent que le personnel enseignant est difficile, capricieux et exigeant.
Le plus important reconnaît Pema est que les collaborateurs comprennent et respectent les
engagements administratifs qui les lient.
Au cours des analyses, nous avons noté, à plusieurs reprises que deux CES évoquent
l’intérêt tout particulier de la personnalité du chef d’établissement dans la conduite des réformes.
Cette personnalité, à laquelle Yaya associe les notions de « rigueur, de discipline et de
fermeté », influence les comportements des collaborateurs et du personnel enseignant. Ce qui
mérite d’être retenu, à ses yeux, dans l’idée de personnalité, c’est également :
[…] donnez l’exemple sur le plan du travail, sur le
plan social, et tout. En ce moment là, vous allez
avoir le respect des autres. Une fois que vous avez
le respect des autres, ils vont travailler, ils sont
obligés de se mettre au travail, même ceux ne
voulaient pas. Puisqu’ils voient que vous-mêmes
vous travaillez aussi, […], c’est ce que j’essaie de
faire.
179
Dans ce sens, Balo soutient que:
Le chef d’établissement doit non seulement être
rigoureux, mais, surtout être un modèle qui vient à
l’heure et qui sait tisser des relations avec les
collègues.
Ces marques distinctives participent davantage à une sensibilisation indirecte, voire une
invitation faite aux autres à suivre l’exemple que l’on donne. Certes, la personnalité du chef
d’établissement compte beaucoup, mais l’appropriation des prérogatives passe également par la
nécessaire reconnaissance des bonnes actions des uns et des autres, nous prévient Manou. Après
tout, pour Balo et Salou, un chef d’établissement doit être intègre, juste, équitable et disponible.
Autrement dit, que chacun joue et respecte son rôle.
Face à la divergence des points de vue, par exemple, Balo propose une approche
renouvelée dans le cadre de l’exercice du pouvoir : « […] accepter faire des compromis entre les
principes et les nécessités des situations ». En revanche, Pema et Manou trouvent que
l’appropriation de ses prérogatives est indissociable de « l’estime de soi », et de la « valorisation
de la fonction de chef d’établissement ». Sur une telle base, Manou pense que s’il a été nommé à
ce poste, c’est parce qu’on estime qu’il possède les compétences requises pour l’occuper.
Par ailleurs, pour y parvenir, il s’avère intéressant de souligner que quelques CES
évoquent le développement de certaines compétences comme des dispositifs essentiels à
l’intégration du changement au sein des établissements. Au nombre de ces compétences
nécessaires, Yaya et Balo parlent de la réflexion critique, de la capacité à prendre des décisions
et de la capacité à se responsabiliser. Tina et Pema y aperçoivent la gestion de l’information, la
capacité à évaluer les situations nouvelles comme des compétences primordiales.
180
En définitive, Balo cite deux particularités de son expérience de développement de
compétences : « les techniques de recherche d’informations et le savoir-faire lié à l’organisation
et à la gestion d’un établissement ». À ses yeux, les différentes compétences qu’il développe lui
rendent apte à travailler avec les autres ou de façon autonome en fonction du contexte ou des
risques potentiels. Ces compétences éclairent leurs actions et permettent dans une certaines
mesure aux CES d’assumer leurs actes.
En guise de synthèse, on peut dire que le comportement d’appropriation des uns et des
autres reflète les réalités du terrain et l’expérience de chacun des CES. C’est ainsi que
l’appropriation se définit en termes de concertation, de maîtrise de ses nerfs, de transparence
dans la gestion, d’information, de gestion participative, d’intégrité, de justice et de respect des
autres. Avant d’aborder la dernière partie de ce chapitre sur les écueils qui entravent leur
appropriation des réformes, le tableau 11 ci-après propose un résume des principales attitudes et
compétences développées par les chefs d’établissements.
Tableau 11: attitudes et compétences utiles à l'appropriation des CES
Attitudes et compétences nécessaires à l’appropriation des CES
Attitudes Compétences
Connaissance des textes Capacité à analyser les situations
Application des textes avec flexibilité réflexion critique
Se donner soi-même des règles de conduites capacité à se responsabiliser
Changer de tempérament Compétence à gérer l’information
Dialogue et concertation Capacité à prendre des décisions
Collégialité avec le personnel Aptitude à travailler avec les autres
Faire preuve de transparence Techniques de recherche d’informations
Respect d’Autrui Le savoir-faire lié à l’organisation
Émulation Capacité à évaluer les situations nouvelles
L’estime de soi
Être ferme, rigoureux et disponible
181
6.5. Difficultés rencontrées par les chefs d’établissements
À première vue, la mise en œuvre des réformes de décentralisation devrait être assez
simple. Toutefois, les expériences d’appropriation des CES ont permis d’identifier quelques
difficultés, auxquelles il faut prêter une attention particulière. Dans les pages qui suivent, nous
abordons les critiques les plus récurrentes en termes de difficultés rencontrées par les uns et les
autres. Ces difficultés sont de plusieurs ordres :
- procédures de gestion des ressources financières;
- résistances du personnel
- mauvaises conditions salariales;
- législations inadéquates;
- manque d’infrastructures;
- manque de personnels enseignants et administratifs ;
- absence de coordination au niveau provincial.
Cette liste non exhaustive laisse apparaître l’étendu des difficultés rencontrées dans la
gestion des établissements et dans l’application des textes.
Tout d’abord, les CES reconnaissent s’acquitter difficilement de leurs prérogatives. En
ce sens que leurs prérogatives individuelles tiennent à l’organisation du système de gestion du
MESSRS. Certains CES récusent les procédures actuelles de gestion financière. C’est ainsi que
Pema raconte:
182
[…] nous avons des lignes de conduite édictées par
le MESSRS mais aussi, il se trouve que nos
partenaires des finances ont une autre démarche,
une autre lecture. Que se passe-il ? Nous nous
fonctionnons en année scolaire, eux (services du
ministère des finances) fonctionnent en année
civile.
Au-delà des exigences de calendrier d’exécution des dépenses et des conditions d’octroi
des subventions, la plupart des CES déplorent le versement tardif de ces subsides aux
établissements. Yaya, Salou et Tina admettent que cette arrivée tardive des subventions de l’État
se traduit par des difficultés multiples comme le non respect des délais prescrits pour le
versement des ristournes à la DR et au ministère. Plus grave encore, soutient Pema:
Comment voulez-vous que je puisse faire face aux
dépenses de fonctionnement si je dois reverser les
différents quotas en début d’année alors que les
subventions n’arrivent qu’en fin mars, voir parfois
en juin, soit quasiment en fin d’année scolaire […]
ce n’est pas parce que nous ne voulons pas respecter
les textes. C’est pour des raisons réelles de
difficultés à boucler nos budgets. De plus, quand je
prends les budgets des établissements, ils sont
tellement maigres que pratiquement tout est mis sur
la vacation, parce qu’il y a un très grand manque de
personnel enseignant.
Et celui-ci d’ajouter que le contexte international et la pression des bailleurs de fonds
constituent des sources de difficultés dans les choix actuels du Ministère. Cette critique
exprimée par Pema traduit une préoccupation que nous avons eu l’occasion d’entendre de
multiples fois, de Tina et de Yaya.
183
Salou observe que la législation « ne cadre pas toujours avec les réalités du terrain ».
Mais aussi, certaines dispositions nouvelles sont vécues comme des contraintes. Maints chefs
d’établissements mentionnent la législation fixant le nombre d’élèves par classe. Plus
exactement, ces dispositions règlementaires, de leur point de vue, ne correspondent plus à la
réalité du terrain. Pour bien comprendre cette difficulté, il convient de rappeler que les effectifs
par classe sont fixés à 70 élèves dans le post-primaire et à 60 élèves au secondaire. Le
commentaire de Tina illustre cette réalité :
[…] il est difficile de travailler avec le texte qui fixe à
70 élèves par classe le nombre d’élèves. Au regard des
réalités du terrain, notamment le nombre insuffisant
d’infrastructures scolaires.
Plus loin dans son récit, elle ajoute :
[…] le chef d’établissement recrute plus que le
prévoit la règlementation. Ils sont 80, ils sont 90, ils
sont même 115 élèves etc.; lors des contrôles de
routine de la hiérarchie, les chefs d’établissements
reçoivent des commentaires négatifs du genre, ce
n’est pas normal. Vous gérer mal… ; mais est-ce
que véritablement ces textes peuvent être
appliqués?
De même, les textes spécifient que les frais de vacation ne doivent pas dépasser 80 000
francs CFA par professeur. Or, Yaya et Salou témoignent que très souvent, le volume horaire ne
permet pas l’embauche de deux professeurs vacataires. Si bien que le cumul peut dépasser la
somme imposée par les textes. « Vous faites comment »? S’interroge Salou. Bien sûr, il autorise
le paiement du montant fixé par la règlementation en la matière. En revanche, la différence est
payée sous forme d’heures supplémentaires. Agir ainsi, revient concrètement à enfreindre la
législation en la matière.
184
Tout à l’opposé, les difficultés au niveau du personnel enseignant sont de divers ordres.
Nombre d’entre eux évoquent la résistance continuellement du personnel enseignant, malgré tous
les efforts. C’est ainsi que Yaya et Manou conviennent qu’au niveau du personnel, « on a affaire
à toutes sortes de gens ». Plus grave encore, soutient Manou :
[…] il y en a même de part leur comportement qui
ne sont pas différents des élèves; il y a des gens qui
sont là pour tout remettre en cause.
Le plus souvent constatent Salou, Balo et Tina, les enseignants n’acceptent pas certaines
situations. Le pis, ajoute Manou, ils n’acceptent pas certains sacrifices. De même, Salou regrette
la vente des places par les professeurs. Nous avons constaté sur le terrain que cette situation
affecte négativement les rapports entre le corps professoral et certains chefs d’établissements. De
l’avis de Manou, ces pratiques accroissent le phénomène des effectifs pléthoriques dans les
établissements.
De plus, lance à toute volée Yaya « il y a des enseignants qui s’absentent comme ils
veulent; il y en a qui sont là pour tout remettre en cause », mais plus encore « d’autres ne font
pas grand-chose en classe ». À cela s’ajoute les abandons de poste. Manou met à l’index, leurs
mauvaises conditions de travail et leurs salaires différentiels. En effet, souligne-t-il :
Lorsqu’on écoute tous les jours les communiqués à
la radio, c’est rare d’entendre qu’un agent des
impôts a abandonné son poste. C’est généralement
des enseignants qui abandonnent leur poste.
Pourquoi les enseignants abandonnent-ils leur poste
? Parce que tout simplement il y a un manque à
gagner en venant à l’enseignement.
185
Alors, il réclame à cor et à cri la valorisation de la fonction enseignante et propose, par
exemple que « l’on décroche l’enseignement avec une grille salariale particulière si l’on veut
valoriser ce corps ». Il serait toutefois, tout aussi pertinent de valoriser la fonction de chef
d’établissement renchérissent Yaya et Balo. Pour ce faire, il convient de « créer un corps des
chefs d’établissements » considèrent Balo et Pema.
Plusieurs CES ont également spécifié que le mouvement tardif du personnel enseignant
constitue une source de difficulté dans l’organisation et la planification des activités de la rentrée
scolaire. Chose certaine, comme l’exprime si bien Tina : « À maintes reprises, je n’ai pas pu
tenir les différents conseils de rentrée administrative et pédagogique ». Et Yaya d’ajouter que : «
la publication tardive des résultats des concours professionnels exacerbe le déficit en personnel
avec le départ des admis dans les écoles professionnelles ». Pour palier au manque d’enseignant
Balo propose de faire appel aux professionnels des entreprises.
Plus spécifiquement, nous savons désormais que les chefs d’établissements dépensent
leur salaire à des fins de services publics. Pema résume ces difficultés en ces termes :
De nos jours les textes nous autorisent à utiliser le
téléphone fixe or, la majorité du personnel n’est
accessible que sur les portables. On dit de ne pas
payer les cartes de recharge alors, si tu veux joindre
un professeur rapidement tu es obligé d’utiliser ton
propre portable.
Or, précise Yaya, le chef d’établissement que je suis ne reçoit que 10 000 f CFA (environ
20 dollars) d’indemnité. Si bien que, font remarquer Tina et Pema : « de plus en plus de
proviseurs déposent leur démission » ou « …demandent à retourner en classe ». Là encore se
révèle, une nouvelle preuve, à un autre niveau, justifiant l’importance d’améliorer les conditions
de travail des CES.
186
De toute évidence, les difficultés sont multiples, interreliées ou spécifiques. Il serait
injuste de faire porter la seule responsabilité sur les textes ou le personnel enseignant. Il devient
donc primordial de considérer l’évolution des règlements comme essentiel à l’action des CES qui
se les approprient. Au nombre des difficultés typiques à l’enseignement technique, il importe de
mentionner celle liée au placement des élèves en stage dans les entreprises.
Comme solutions aux différentes contraintes ci-dessus relevées, les points de vue
divergent. Toutefois, Manou et Pema recommandent une relecture des textes afin de les adapter
aux contraintes actuelles et cela, de leur point de vue, semble urgent si le ministère veut mettre
fin aux pratiques de gestion disparates. Si Salou propose l’adoption de politique visant à
« concilier l’augmentation du taux de natalité et l’accroissement du nombre d’infrastructures et
un recrutement conséquent du nombre de professeurs ». Yaya et Manou préconisent la
transformation des écoles primaires dans les anciens quartiers où il y a de moins en moins
d’enfants à scolariser en établissements secondaires.
Enfin, les différents témoignages des chefs d’établissements illustrent la difficulté à
observer scrupuleusement les dispositions règlementaires dans divers domaines. Le tableau 12
ci-dessous présente une synthèse des résultats des CES.
187
Tableau 12: synthèse des principaux résultats des CES participants
Domaine Participants CES
Balo Manou Pema Salou Tina Yaya
Profil Âge : 55 et 60 ans
DEA; Professeur
titulaire;
17 ans d’expérience :
dirige un
établissement
technique
Âge : 55 et 60
CAPES,
27 ans de carrières;
21 ans de direction
45 ans, licence
CAPES
17 ans de carrières
et 5 ans de direction
Militant actif d’un
parti politique
60 ans; licence;
CAPES; 36 ans de
carrières dont 24
ans de direction;
Retraite fin 2010
50 ans, maîtrise;
CAPES, 21 ans de
carrière dont 9 ans
de direction
55 ans; maîtrise;
CAPES; 26 ans de
carrière avec 11 ans
de direction
Perceptions
Po
siti
ves
La décentralisation a été la bienvenue. Plusieurs situations semblent trouver des solutions appropriées
Je joue un rôle
important
Mais ce n’est pas
toujours facile
Changer d’attitude est
difficile
Nous bénéficions de
plus d’autonomie
financière
Réévaluer les mesures
et opérer un
recentrage est
nécessaire
Suis l’ouvrier de
mes collaborateurs;
La décentralisation
est une bonne chose;
Se rend compte
qu’il faut être
vigilent et prêt à
faire face à toutes
les situations.
Réévaluer les
mesures et opérer
un recentrage est
nécessaire
Décentralisation est
un changement
majeur;
Il faut réapprendre
l’exercice de notre
fonction;
Elle a réduit les
distances; facilite la
gestion de
proximité; c’est une
responsabilité
partagée;
Il faut réapprendre
l’exercice de notre
fonction;
Nég
ati
ves
Absence de soutien de la hiérarchie; l’absence de la direction provinciale les contrarie
Esprit mercantile chez
les enseignants
L’État s’est
désengagé de
l’Éducation;
Nos points de vue
négligés;
Déséquilibre dans la
répartition des
prérogatives;
Esprit mercantile
chez les enseignants
Déséquilibre dans la
répartition des
prérogatives
Manque de
confiance et de
confidentialité dans
les rapports avec la
hiérarchie
Déséquilibre dans la
répartition des
prérogatives
Esprit mercantile
chez les enseignants
Résistance du
personnel est parfois
sans fondement;
Ostracisme du
personnel
188
Tableau 13: suite synthèse des principaux résultats des CES participants
Domaine CES
Balo Manou Pema Salou Tina Yaya
Attentes
Vœux d’être
encouragé et félicité;
Vœux d’être encouragé
et félicité;
Création un corps des
chefs d’établissements;
Adoption d’une grille
salariale spécifique au
personnel d’éducation.
Rehausser les
indemnités de
fonction s’impose.
Création un corps
des chefs
d’établissements.
Souhait d’être sécurisé
dans l’exercice des
fonctions;
Lettre de félicitation à
l’occasion.
Vœux d’être
encouragé et
félicité;
Rehausser les
indemnités de
fonction
s’impose.
Appropriation
Connaître et appliquer les textes; Sensibilisation, dialogue et mobilisation;
Mise en place des
différentes structures
et s’assurer de leur
bon fonctionnement;
Bien analyser les
différentes situations;
Ne jamais s’énerver;
Éviter les
comportements
impulsifs;
Stimuler et favoriser la
collégialité dans
l’action;
Esprit de tolérance;
Respect d’autrui;
Réflexion critique;
Capacité à prendre des
décisions;
Capacités à se
responsabiliser;
Techniques de
recherche
d’information;
Savoir-faire lié à
l’organisation et à la
gestion d’un
établissement.
S’engager à appliquer
les textes;
Mise en place des
différentes structures et
s’assurer de leur bon
fonctionnement;
Bien analyser les
différentes situations;
Observer une relative
prudence dans
l’application des textes;
Éviter les
comportements
impulsifs;
Cultiver les vertus de la
bonne foi;
Concertation,
émulation et motivation
du personnel;
Rejet des stéréotypes;
Connaissance des
textes;
Se donner soi-
même des règles
de conduites;
-Sensibilisation,
dialogue et
mobilisation;
Transparence dans
la gestion;
Valorisation des
collaborateurs;
Tenir compte des
réalités
spécifiques;
L’estime de soi;
Gestion de
l’information;
Capacité à
évaluation les
situations
nouvelles;
Appliquer les textes
avec discernement;
Ne jamais s’énerver;
Avoir un feedback
des différentes
situations;
Porter les textes à la
connaissance de
tous;
Communication est
essentielle;
-Stimuler et
favoriser la
collégialité dans
l’action;
Transparence dans
la gestion;
Valorisation des
collaborateurs;
Esprit de tolérance;
Tenir compte des
réalités spécifiques;
Avoir un esprit
ouvert
Connaissance des
textes;
S’engager à appliquer
les textes;
Mise en place des
différentes structures
et s’assurer de leur
bon fonctionnement;
Bien analyser les
différentes situations;
Se garder d’appliquer
les textes
aveuglement;
Cultiver les vertus de
la bonne foi;
Esprit de tolérance;
Gestion de
l’information;
Capacité à évaluation
les situations
nouvelles;
S’écarter parfois
des textes;
Se donner soi-
même des règles
de conduites;
Changer de
tempérament;
Cultiver les vertus
de la bonne foi;
Stimuler et
favoriser la
collégialité dans
l’action;
Esprit de
tolérance;
Tenir compte des
réalités
spécifiques;
Rejet des
stéréotypes;
Rigueur, fermeté,
discipline
Réflexion
critique;
Capacité à
prendre des
décisions;
Capacités à se
responsabiliser
189
Tableau 14: suite synthèse des principaux résultats des CES participants
Domaine CES
Balo Manou Pema Salou Tina Yaya
Difficultés
Manque de personnel enseignant;
La faiblesse des subventions accordées aux établissements
Manque d’infrastructures scolaires
Difficulté à placer les
élèves en stage;
Résistances du
personnel enseignant
aux changements;
Résistances du
personnel enseignant
aux changements;
Refus de sacrifices
des enseignants;
Vente des places
accroît le problème
des effectifs
pléthoriques;
Les abandons de
postes;
L’absence
d’uniformité dans les
procédures de gestion
financière;
L’investissement de
nos salaires dans des
dépenses publiques;
Démission des CES;
Versement tardif des
subventions;
Refus de sacrifices
des enseignants;
Vente des places par
les professeurs.
Versement tardif des
subventions;
Refus de sacrifices
des enseignants;
Mauvaises conditions
de travail des CES;
Démission des CES;
Versement tardif des
subventions;
Résistances du
personnel enseignant
aux changements;
L’absentéisme du
personnel enseignant;
189
Tel que présenté dans le tableau 14 ci-dessus, l’expérience d’appropriation des réformes
de décentralisation par les CES présentent des logiques heuristiques, d’application et de
régulation des situations concrètes qu’ils rencontrent dans leur vie professionnelle. Dans
l’ensemble, la prudence caractérise leur démarche appropriative et leurs comportements
individuel et collectif témoignent d’une réelle prise de conscience de leur rôle.
Ces éléments invitent très clairement à un travail d’interprétation des résultats de l’étude
afin d’en dégager le sens théorique et pratique. Plus précisément, le chapitre suivant tentera de
mettre en lumière la signification scientifique de ces résultats en lien avec notre problématique et
les objectifs de la recherche.
190
Quatrième partie : Interprétation et discussion des résultats
191
Chapitre VII : Analyse comparative et discussion des résultats
La présente étude qualitative s’est intéressée à explorer et à comprendre l’expérience
d’appropriation des participants. C’est en ce sens qu’elle a été menée auprès de huit participants
dont deux DR et six CES. Ce chapitre résume d’abord, les principaux résultats de la recherche
(7.1.). Puis, il présente une analyse comparative des résultats des deux groupes (7.2.). Ensuite, il
s’efforce d’interpréter les résultats à la lumière des écrits scientifiques (7.3). Bien entendu, le
chapitre insiste sur l’apport théorique des résultats ainsi que leur implication, sans oublier de
faire état des limites de la recherche (7.4.). Finalement, la dernière section propose quelques
pistes de recherches futures (7.5).
7.1. Rappel de l’objectif de la recherche et des principaux résultats
Cette première section se découpe en deux temps principaux, le premier portant sur
l’objectif de la recherche ainsi que les questions spécifiques et le second sur les principaux
résultats de l’étude.
7.1.1. Objectifs de l’étude
L’objectif principal de cette recherche était d’explorer les pratiques d’appropriation des
réformes de décentralisation au MESSRS auprès des DR et des CES, en mettant en exergue les
différents éléments permettant de rendre compte de cette réalité. À cette fin, l’étude visait
particulièrement à :
explorer et répertorier les différentes pratiques appropriatives des participants;
analyser les récurrences, les similitudes, les convergences et les différences dans les
modalités d’appropriation de leurs prérogatives ;
192
examiner les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la décentralisation et la
manière d’y faire face;
finalement, discuter des implications théoriques et pratiques de l’étude et faire état de
ses limites ainsi que les pistes de recherche potentielles.
7.1.2. Questions spécifiques
Pour comprendre l’appropriation des réformes et l’exercice des prérogatives à partir du
récit des CES et des DR, les questions ci-dessous ont guidé notre analyse des données :
Quelles compréhensions ont-ils des réformes de décentralisations, en termes
de perspectives et d’attentes ?
Comment s’approprient-ils leurs responsabilités ?
Quelles sont les récurrences, les similitudes, les convergences et les
différences dans les modalités d’appropriation de leurs prérogatives ?
Finalement, quelles difficultés rencontrent-ils et comment s’y prennent-ils
pour y faire face?
Après ce bref rappel des objectifs poursuivis par cette étude, dans la section suivante,
nous présentons une courte synthèse des principaux résultats en lien avec les objectifs et les
questions de la recherche.
7.1. 3. Rappel des principaux résultats
De l’analyse des résultats sur la question de la compréhension que les DR et les CES ont
de la décentralisation, il ressort ce qui suit :
193
- les deux groupes de participants perçoivent positivement les réformes de décentralisation
et considèrent jouer un rôle essentiel dans leur mise en œuvre;
- aux yeux des DR, la décentralisation et la prise de plusieurs textes ont contribué à
résoudre plusieurs problèmes et à réduire particulièrement les relations conflictuelles
avec les syndicats;
À l’évidence l’analyse a montré que les DR et les CES se perçoivent compétents, ils ont
le sentiment de jouer un rôle important, de travailler dans des conditions difficiles. Ils
interprètent bien le contexte dans lequel ils exercent leur fonction et ont le sens de l’objectivation
des contenus de la réforme de décentralisation. D’un autre côté, les DR considèrent que la
décentralisation n’est pas suivie d’un transfert effectif de l’ensemble des compétences de
décision et de gestion au niveau des directions régionales. D’un autre côté, les CES pensent que
l’État s’est désengagé de l’Éducation. De plus, ces derniers considèrent que la décentralisation
constitue une source d’insécurité permanente.
En ce qui concerne l’appropriation des réformes de décentralisation et l’exercice de leurs
prérogatives, les résultats montrent qu’ils se fondent sur l’application des nouvelles dispositions,
une vision partagée du changement, des approches participatives, une prise de conscience des
actions à mener, un renouvèlement des pratiques de gestion, le développement de certaines
attitudes, et compétences. Cette actualisation de leur rôle de gestion se traduit également par
l’établissement de partenariats avec leur milieu de travail, la réflexion sur les actions à mener et
l’actualisation des pratiques de gestions. En ce qui a trait toujours aux actions qu’ils posent,
l’adoption de comportements appropriés à leur contexte spécifique et la prise en compte des
facteurs humains apparaissent comme des dimensions importantes.
194
Par ailleurs, les résultats révèlent l’existence de plusieurs difficultés sous forme de
faiblesses des ressources financières, de procédures budgétaires divergentes et de transfert tardif
des subventions. À cela, s’ajoute l’incohérence dans la législation, la structure inachevée du
ministère, le manque de personnel et les résistances multiformes auxquelles les cadres scolaires
heurtent dans l’exercice de leur fonction.
Finalement, les résultats démontrent l’existence de récurrences, de divergences, de
convergences et de complémentarités dans les expériences des DR et des CES d’une part, et
entre les DR et les CES d’autre part.
7.2. Analyse comparative des aspects d’appropriation entre les deux
groupes
Quelles analyses comparatives pouvons-nous faire des principaux résultats en lien avec
notre problématique et nos questions de recherche? À terme, cet exercice propose une procédure
essentiellement analogique comme le suggère toute démarche qualitative. Ainsi, les résultats de
la recherche permettent d’identifier des points de convergences et de divergences, d’abord entre
les DR, puis entre les CES et finalement entre les DR et les CES.
7.2.1. Perceptions des participants
7.2.1.1. Convergences entre DR
Les résultats de la recherche, en termes de perceptions démontrent que tous les DR
accueillent favorablement les réformes de décentralisation et exercent avec enthousiasme leurs
prérogatives. Ce groupe se considère comme des partenaires et des facilitateurs dans les divers
domaines de compétences du MESRS. Aussi, ils pensent que la décentralisation n’est pas
synonyme d’autonomie totale. Tout particulièrement, ces derniers considèrent que la prise de
195
plusieurs textes juridiques a contribué à mettre un terme aux situations problématiques avec le
personnel enseignant et leur syndicat. Du reste, l’absence des directions provinciales, les
incohérences observées dans les directives du ministère et l’expérience pilote autorisant un accès
direct des élèves du primaire en classe de 6ième
constituent des écueils à la bonne conduite des
réformes de décentralisation.
7.2.1.2. Divergences entre DR
Même si les deux DR partagent une vision commune sur certains aspects des réformes de
décentralisation, il n’en demeure pas moins qu’ils ont une perception différente et y réagissent
tout à fait différemment. Ainsi, Taryam a l’impression que la mise en place des structures
régionales, notamment les gouvernorats favorisent la régulation au niveau horizontal. Aussi, il
convient de noter qu’il reconnaît que la mise œuvre de la décentralisation nécessite des
changements dans ses modes d’action. . Toutefois, il déplore le monopole de l’État central qui
garde la maîtrise de certaines prérogatives de leur fonction. Par exemple, les responsabilités en
matière de dépenses et de contrôle des ressources financières.
À l’inverse, Kané trouve le droit à l’éducation pour tous légitime et considère au plan
individuel que la décentralisation doit être un processus encadré. En effet, il trouve les directives
du ministère convenables et s’attend à tout dans ses relations avec les individus. Au regard des
réalités, il observe l’existence d’un déséquilibre dans la répartition des prérogatives. En matière
d’incongruité, il déplore tout particulièrement les mesures gouvernementales visant d’une part,
une réduction des effectifs dans les classes et d’autre part, l’atteinte d’une éducation pour tous en
2015.
196
Il est également possible d’établir une distinction entre les expériences de Taryam et de
Kané. Si pour le premier, il faut se garder de faire confiance à l’homme, le second prône plus
d’égard à l’endroit des hommes et à la nécessité de leur offrir de meilleures conditions de travail.
7.2.1.3. Convergences entre CES
En ce qui concerne les perceptions communes aux CES, les résultats de l’étude révèlent
qu’ils apprécient favorablement la réforme de décentralisation. Dans la plupart des témoignages,
ils reconnaissent que la décentralisation constitue une solution à plusieurs problèmes qu’ils
rencontrent sur le terrain. Ainsi, pour Yaya et Tina, elle leur l’opportunité d’une gestion de
proximité. Balo, Tina et Manou pour leur part, évoquent l’esprit mercantile du personnel
enseignant, tandis que Pema et Salou parlent de déséquilibre dans la répartition des prérogatives.
Finalement, selon Yaya, Tina et Balo, la décentralisation implique de nouvelles pratiques de
gestion.
7.2.1.4. Divergences entre CES
Tout d’abord, Manou se voit comme l’ouvrier de ses collaborateurs et trouve que l’État
s’est désengagé de l’Éducation. De plus, ce dernier considère que les chefs d’établissements ne
sont plus écoutés et n’ont plus un accès privilégié aux autorités centrales, alors qu’ils demeurent
juridiquement responsables devant leur ministre. Et selon la pensée de Yaya, les chefs
d’établissements sont l’objet d’ostracisme de la part des enseignants qui les considèrent comme
faisant partie du camp du gouvernement. Il déplore en particulier les diverses formes de
résistance des enseignants. Tina de son côté pense que les CES font face à plusieurs défis
subséquents aux réformes de décentralisation.
197
7.2.1.5. Convergences entre DR et CES
De manière générale, les DR tout comme les CES ont une opinion favorable aux
réformes de décentralisation au MESSRS. Mais encore, les deux groupes éprouvent des
sentiments de satisfaction face à la nouvelle législation, mais déplorent tous l’absence des
directions provinciales.
7.2.1.6. Divergences entre DR et CES
Même si les deux groupes partagent les mêmes perceptions sur l’adoption des textes,
leurs perspectives ne correspondent pas nécessairement. La divergence entre les DR et les CES
se situe au niveau de leur vision du rapport avec autrui. Si les DR prônent la prudence dans les
relations avec les différents individus avec qui ils interagissent, les CES dans leur grande
majorité manifestent de l’hostilité envers les enseignants. Plusieurs CES sont conscients de la
nécessité de prêter une attention particulière aux nouvelles réalités. Les changements, tels que
les réformes en cours, ne peuvent de leurs points de vue être gérés uniquement au niveau de la
direction régionale ou du ministère. Ainsi, la qualité de l’appropriation au niveau des
établissements dépend en grande partie de leurs actions. De plus, ce sont les chefs
d’établissements qui doivent développer des savoir-faire et des savoir-être susceptibles de
susciter l’engagement et l’adhésion au changement au niveau des établissements.
198
7.2.2. Les attentes des participants
7.2.2.1. Convergences entre DR
Dans l’esprit des DR, ils souhaitent avoir des rapports étroits avec le ministère. En fait
sur le plan de la mise en œuvre des réformes, ils aspirent à une vision et à une compréhension
partagée des réformes de décentralisation. En définitive, ce groupe de participant désire établir
des partenariats avec les différents acteurs concernés par la réforme et finalement, s’attendent à
une évaluation périodique des mesures gouvernementales.
7.2.2.2. Divergences entre DR
Les résultats ont mis en évidence que si Kané souhaite d’être accompagné, et bénéficier
de formation et de séminaires, à l’opposé, Taryam s’attend à plus de loyauté dans les rapports
avec ses collaborateurs.
7.2.2.3. Convergences entre CES
À l’abord, il n’existe aucune attente commune à l’ensemble des CES. Cependant, entre
certains chefs d’établissements, on trouve quelques similitudes. Ainsi, Manou, Tina, Balo et
Yaya rêvent de recevoir des encouragements et aspirent à des compliments de la part de leur
hiérarchie. Salou et Manou appellent de tous leurs vœux, la création d’un corps des chefs
d’établissements.
7.2.2.4. Divergences entre CES
Deux divergences majeures apparaissent dans les attentes des CES. La première portée
par Manou concerne l’adoption d’une grille salariale propre au personnel de l’éducation. Quant à
la seconde, elle est incarnée par Pema qui évoque une augmentation des indemnités de fonction
199
qui leur sont servies. À la différence des autres CES, Tina exprime le vœu d’être sécurisée dans
son poste.
7.2.2.5. Convergences entre DR et CES
En termes d’attentes, les résultats de l’étude ne révèlent aucune similitude entre les DR et
les CES, mais il appert que les deux groupes espèrent en l’occurrence un renforcement de l’esprit
de collaboration à tous les niveaux.
7.2.2.6. Divergences entre DR et CES
Les DR reconnaissent le désir d’allégeance dans les rapports professionnels, de besoin de
formation et de colloque. À l’inverse, les CES aspirent à des félicitations, à l’amélioration de leur
condition de travail, à la valorisation de leur fonction et à des compensations financières.
Le tableau suivant énumère les perceptions et les attentes mentionnées par les participants
interviewés et considérées comme leurs points de vue sur la réforme de décentralisation au
MESSRS.
200
Tableau 15: Convergences et divergences entre les participants en termes de perspectives
Pour saisir la démarche appropriative des participants, nous proposons dans la partie
suivante le décryptage de leurs expériences d’appropriation des réformes.
Participants
Perspectives DR CES
Per
cep
tio
ns
Convergences
Favorables aux réformes, se considèrent
comme des partenaires et facilitateurs de
l’implantation des réformes; perçoivent
négativement l’accès direct en 6ième
.
Apprécient positivement
décentralisation; déplorent esprit
mercantile des enseignants; pensent
qu’il existe un déséquilibre dans la
répartition des prérogatives
Les deux groupes ont une opinion favorable au changement en cours.
Divergences
Taryam : croit que la création des
gouvernorats a résolu le problème de
régulation au niveau horizontal; À son avis,
la décentralisation exige un changement
dans la gestion.
Kané : droit à l’éducation pour tous est
légitime; le pouvoir central détient
l’essentiel des prérogatives; il pense qu’il
faut croire en l’homme.
Manou : l’État s’est désengagé de
l’Éducation; les CES ne sont plus
écoutés;
Yaya : déplore l’ostracisme des
enseignants et leur forme de
résistance;
Tina : la décentralisation est source
de défis multiples
Les DR prônent la prudence tandis que les CES manifestent une certaine hostilité à
l’endroit des enseignants.
Att
ente
s
Convergences
Aspirent à une vision partagée du
changement; désirent une réelle
collaboration et souhaitent une évaluation
périodique des mesures gouvernementales.
Rêvent de recevoir des compliments;
sollicitent la création d’un corps des
CES.
Les deux groupes souhaitent un renforcement de l’esprit de collaboration entre les
différents acteurs.
Divergences
Kané : souhaite recevoir une formation et
un accompagnement
Taryam : s’attend à plus de loyauté
Manou : prône l’adoption d’une
grille salariale spécifique à
l’Éducation;
Pema : désire une augmentation des
indemnités allouées
Tina : vœux d’une plus grande
sécurisation dans sa fonction;
Les DR aspirent à plus de formation tandis que les CES sollicitent une valorisation
de leur fonction.
201
7.2.3. Comportements d’appropriation des participants
Il serait trop long ici de rapporter tous les comportements d’appropriation des
participants. Il nous semble par contre possible de mettre en exergue la structure des récurrences,
des concordances et des divergences entre les comportements d’appropriation des directeurs
régionaux et des chefs d’établissements participants à l’étude.
7.2.3.1. Convergences entre DR
Pour les DR, l’appropriation suppose, d’une part une bonne connaissance de la
législation, des individus, une prise en compte des expériences individuelles, une gestion
participative. D’autre part, elle invite à la concertation, au respect des règles, à bien
communiquer et à promouvoir l’esprit d’initiative. Finalement, l’appropriation des réformes et
l’exercice de leurs prérogatives requièrent certaines compétences particulières telles que l’esprit
critique, la connaissance du milieu, la capacité à prendre une décision et une gestion adéquate
des ressources humaines.
7.2.3.2. Divergences entre DR
Selon Kané, l’appropriation des réformes de décentralisation passe par le respect des
textes, la connaissance des hommes, l’amélioration des conditions de travail, la prudence dans
l’application des textes, la prise en compte des réalités du terrain, la capacité à susciter le
dévouement et à encourager le personnel. En revanche, pour Taryam, l’adoption des réformes
doit se faire dans un esprit d’ouverture, fondé sur la prudence, l’implication des différents
acteurs, la prise en compte des expériences des collaborateurs, la délégation de pouvoir avec un
droit de regard. D’après lui, certaines attitudes telles que l’humilité, l’honnêteté, la justice et
l’équité s’avèrent cruciales.
202
7.2.3.3. Convergences entre CES
La quasi-totalité des CES soutiennent que la meilleure manière de s’approprier les
réformes de décentralisation dépend de la bonne connaissance des textes, de l’engagement à les
appliquer, de la concertation, et de leur capacité à mobiliser leurs collaborateurs en faveur du
changement.
À ces convergences générales, la connaissance et l’application des textes deviennent
essentielles aux yeux de Manou, Tina, Pema et Balo, tout comme l’esprit de tolérance. En
fonction du contexte, tenir compte des réalités spécifiques en se gardant d’appliquer sans
discernement les textes s’avère une attitude fondamentale selon Balo, Manou, Yaya, Pema et
Tina.
D’une certaine manière, les règles de conduite apparaissent importantes dans la démarche
de Pema et de Yaya. Tandis que la nécessité d’une gestion transparente s’avère essentielle aux
yeux de Salou, Yaya et Pema. Tout particulièrement la collégialité dans l’action ainsi que la
valorisation des collaborateurs représentent des dimensions importantes de la démarche
d’appropriation chez Salou, Yaya, Pema et Manou. Plus encore, l’esprit de tolérance, d’ouverture
et le rejet des stéréotypes deviennent des comportements indispensables à la conduite du
changement des points de vue de Manou, Salou, Tina et Yaya. Finalement, la réflexion critique,
la capacité à prendre des décisions et à se responsabiliser constituent des compétences
déterminantes dans l’adoption des réformes par Balo et Yaya.
203
7.2.3.4. Divergences entre CES
Les résultats des expériences des CES montrent qu’il existe des approches spécifiques. À
ce titre, Balo indexe certaines compétences. Au nombre desquelles, il y a les techniques de
recherche d’information, le savoir-faire lié à l’organisation et à la gestion d’un établissement. À
contrario, Manou évoque l’émulation, la motivation du personnel et la nécessité de bien analyser
les différentes situations. Pema, pour sa part, met en exergue la capacité à évaluer les situations
nouvelles. En définitive, Salou parle de porter les textes à la connaissance de tous et Tina
considère l’engagement à les appliquer comme une dimension essentielle.
7.2.3.5. Convergences entre DR et CES
D’un côté les DR et les CES prônent une bonne connaissance des textes, de soi et des
individus; une attitude attentive et respectueuse de la pluralité des acteurs et qui tiennent compte
des situations auxquelles ils sont confrontés ainsi qu’une prise en compte du contexte et de
l’environnement. D’un autre côté, les deux groupes font référence au développement de savoirs
pratiques en termes d’attitudes et de compétences tels que le sens de l’organisation, la délégation
de pouvoirs, la transparence, la réflexion critique et la capacité à prendre des décisions comme
des éléments essentiels à leur démarche appropriative.
204
7.2.3.6. Divergences entre DR et CES
Au-delà des dimensions communes aux DR et CES, les résultats de l’analyse révèlent des
différences dans leurs comportements respectifs. Ainsi, savoir s’ouvrir aux autres, être humble
dans ses rapports avec autrui et tenir compte des expériences individuelles des différents
collaborateurs apparaît comme des comportements distinctifs aux DR. À l’inverse de ces derniers,
les CES croient que l’appropriation des réformes passe par un esprit de retenue, de tolérance, le
rejet des stéréotypes, le développement de l’estime de soi et la capacité à bien communiquer.
Tableau 16: synthèse des convergences et divergences en termes de comportement d'appropriation
entre les participants
Participants
DR CES
Ap
pro
pri
atio
n
Convergences
Bien connaître la législation, individus;
Gestion participative; promouvoir esprit
d’initiative; avoir un esprit critique; gérer de
façon adéquate les ressources humaines.
Connaissance des textes; instituer le
dialogue, la concertation; avoir un esprit
de tolérance et une attitude de
discernement; se donner soi-même des
règles de conduite; adopter une gestion
transparente; réflexion critique et
développer sa capacité à prendre des
décisions et à se responsabiliser.
Dr et CES suggèrent une attitude attentive et respect de la diversité des acteurs;
développement de certaines attitudes et compétences comme l’esprit critique et l’analyse
des situations.
Divergences
Kané : améliorer les conditions de travail
des collaborateurs; encourager le personnel;
Taryam : impliquer les différents acteurs;
tenir compte des expériences individuelles;
être humble, honnête et juste dans ses
rapports avec les autres.
Balo : apprendre les techniques de
recherche d’informations; savoir-faire lié à
la gestion d’un établissement;
Manou : nécessité de bien analyser les
différentes situations; motivation du
personnel;
Salou : porter les textes à la connaissance
de tous;
Tina : s’engager à appliquer les textes.
DR : savoir s’ouvrir aux autres; humilité; tenir compte des expériences des collaborateurs.
CES : Ne jamais s’énerver; esprit de tolérance; bannir les stéréotypes; développer l’estime
de soi et savoir communiquer.
205
En conclusion, ces différences et similitudes entre les deux catégories de participants
tiennent à la spécificité des différents postes administratifs. Cela apparaît avec le plus d’évidence
dans le fait que les DR occupent des fonctions hiérarchiques de niveau supérieur aux CES qui
jouent également un rôle institutionnel capital dans l’atteinte des objectifs du ministère.
7.2.4. Difficultés rencontrées par les participants
Pour les fins de notre analyse, il importe de s’attarder quelque peu sur les difficultés
rencontrées par les deux groupes de participants. Ces difficultés parce qu’elles entravent la bonne
mise en œuvre des réformes méritent d’être décryptées. Cette interprétation prend appui sur les
convergences et les divergences internes et celles entre les deux groupes.
7.2.4.1. Convergences entre DR
Les différents DR considèrent la vente des places par les professeurs, l’absence de
direction provinciale ainsi que les divergences dans les dispositions règlementaires en matière de
gestion des ressources financières comme des impedimenta. Dès lors, ces obstacles entravent
l’implantation des réformes, notamment aux plans de l’application des textes et des exigences
organisationnelles.
7.2.4.2. Divergences entre DR
Si pour Kané le passage du primaire à la classe 6ième
constitue un écueil eu égard à
l’hétérogénéité des niveaux et à l’accentuation du taux des élèves qui redoublent les classes; à
contrario, Taryam juge que le déficit du personnel et les conflits d’intérêts représentent des
menaces au succès des réformes en cours. En ce sens, la mise en place de mesures
administratives s’avère indispensable.
206
7.2.4.3. Convergences entre CES
Du point de vue des ressemblances en termes de difficultés parmi les CES, les résultats
de l’étude révèlent un faible niveau des allocations publiques, un manque de personnel et une
insuffisance des infrastructures scolaires. De même, l’absence d’adhésion tacite du personnel
enseignant représente une difficulté liée pour Manou, Salou et Tina. Les obstructions seraient
une autre source de difficulté aux yeux de Balo et Yaya. Finalement, les démissions et le
transfert tardif des subventions contrarient la démarche appropriative de Pema, Salou, Tina et
Yaya.
7.2.4.4. Divergences entre CES
Tel qu’il apparaît dans les résultats, sous l’angle des difficultés, les différences semblent
peu significatives entre les chefs d’établissements. Mais de toutes les divergences, il y a
l’absence de conformité dans les procédures de gestion financière et l’utilisation des ressources
propres à des fins publiques qui sont particulières à Pema. Il importe de spécifier que le
placement des étudiants en stage constitue un problème particulier à Balo qui se trouve à la tête
d’un établissement professionnel.
7.2.4.5. Convergences entre DR et CES
En général, les deux groupes se plaignent de l’absence des directions provinciales qui
rendent leurs tâches difficiles. De plus, les DR tout comme les CES évoquent le manque
d’enseignants, le transfert tardif des subventions de l’État et la vente des places par les
professeurs comme des situations problématiques. Ainsi, la mise en place des différentes
structures administratives, le recrutement du personnel enseignant ainsi que le respect des
échéances de transfert se révèlent des défis importants à relever.
207
7.2.4.6. Divergences entre DR et CES
En revanche, on note quelques différences entre les DR et les CES. Parmi les difficultés
évoquées par les deux groupes, les mauvaises conditions de travail des CES se présentent comme
une difficulté spécifique aux chefs d’établissements. À l’inverse, le non respect des dispositions
règlementaires par le pouvoir central se révèle un inconvénient particulier aux DR. Les
différentes difficultés identifiées par les participants ont été regroupées sous deux dimensions. Le
tableau 17 suivant les mets en évidence.
Tableau 17: convergences et divergences entre participants en termes de difficultés
Participants
Dif
ficu
ltés
Co
nv
erg
ence
s
DR CES
Absence de directions provinciales et de cohérence dans
les procédures de gestion des ressources financières
Faiblesse des subventions de l’État;
Manque de personnel enseignant;
Faible engagement des enseignants;
Obstructions et abandons de postes
Manque d’enseignants
Transfert tardif des sommes allouées par l’État;
Vente des places par les enseignants
Div
erg
ence
s
Niveau hétérogène des élèves;
Conflits d’intérêt et déficit du personnel
Difficultés à placer les élèves en
stage;
Dépenses publiques assurées par le
salaire.
CES : mauvaises conditions de travail des CES
DR : non respect des textes par le pouvoir central
208
En conclusion, l’interprétation des perspectives et des comportements d’appropriation des
réformes auprès des DR et des CES permet de dégager à la fois l’existence de sentiments
communs. Ces perceptions se traduisent dans les comportements d’adoption des réformes par les
attitudes qu’ils développent. L’examen des pratiques d’appropriation révèle par ailleurs, que les
conduites des participants accordent une part importante aux compétences techniques.
Nombreux sont les participants qui se plaignent du comportement des enseignants et de la
difficulté à mettre en œuvre les textes significatifs, en l’occurrence ceux fixant les effectifs par
classe ou instituant les conseils de discipline. Sans conteste, les perceptions et les comportements
d’appropriation des réformes témoignent des transformations en cours dans les pratiques des DR
et des CES.
Après avoir dressé les principaux résultats à la lumière des objectifs de la recherche et
explorer les comportements d’appropriation de la réforme de décentralisation auprès des DR et
des CES, la section suivante propose une discussion des résultats de l’étude en lien avec les
écrits scientifiques existants.
7.3. Discussion : interprétation des résultats en lien avec la littérature
La présente étude phénoménologique avait pour but d’explorer et de comprendre, auprès
des DR et des CES, les perspectives et les comportements d’appropriation des réformes de
décentralisation de même que leurs pratiques d’exercice de leurs prérogatives. Cette recherche
fut réalisée auprès de deux DR et six chefs d’établissements. Deux entrevues ont été effectuées
auprès des participants après une semaine d’observation sur le terrain. Ces entrevues ont été
réalisées entre le mois de janvier et avril 2010. D’une durée moyenne d’une heure et de 45
209
minutes, elles ont été réalisées sur le lieu de travail des répondants, très souvent dans leur bureau.
Cette collecte de données à été complétée par des documents d’archives et des notes de terrain.
De l’analyse des données et des interprétations, le processus d’appropriation se décline en
cinq étapes. La présente partie discute des résultats de la recherche à partir des écrits
scientifiques. En premier, nous discuterons des résultats en lien avec les perspectives
compréhensives des participants. Puis, dans un deuxième temps, les comportements
d’appropriation seront confrontés aux travaux scientifiques pertinents. Par la suite, une
discussion portera sur les implications des résultats de l’étude. Finalement, les contributions les
limites de l’étude viendront clore ce chapitre sur l’interprétation des résultats de la recherche.
7.3.1. Perspectives compréhensives de la décentralisation
7.3.1.1. Importance de la perception et des attentes des participants
Selon plusieurs auteurs (UNESCO, 1996; Spillane, 1998 et 2000; Spillane & al. 2002), la
construction cognitive des acteurs, leurs croyances et leurs visions influencent leur
comportement d’appropriation. L’étude de l’adoption des réformes au MESSRS nécessite donc
de considérer les perceptions et les attentes des DR et des CES. À cet effet, l’analyse des
résultats permet d’identifier certains sentiments. D’une part, les différents participants se
perçoivent compétents pour conduire les réformes et faire appliquer les nouvelles dispositions.
D’autre part, les DR se considèrent comme des partenaires du ministère et des facilitateurs de la
mise en œuvre des réformes de décentralisation. Les résultats de notre étude montrent que les
CES ont le sentiment de jouer un rôle important et d’avoir les ressources nécessaires à
l’implantation du changement au sein des établissements scolaires.
210
Tel que soutenu par plusieurs auteurs (Gibson, 1991; Le Bossé et Lavallée, 1999;
Dutercq, 2000; Le Bossé 2003; Leclercq, 2005; Aujoulat, 2007) le sentiment de maîtrise, de
compétence personnelle, la capacité à se percevoir compétent et à disposer de compétence
accroissent la prise de conscience de l’individu et facilitent la prise en charge du changement. La
présente recherche exploratoire en fait foi.
Ces résultats nous amènent donc à considérer l’esprit d’analyse critique comme un
élément important du processus d’appropriation. De ce point de vue, la transformation ne peut
être dissociée de leurs attentes. Précisément, les participants trouvent leurs conditions de travail
difficiles et espèrent un changement des pratiques de gestion à divers niveaux et un changement
de culture, notamment une évaluation périodique des contenus des réformes ainsi que
l’amélioration de leurs compétences à travers de sessions de formation. Ces constats rejoignent,
entre autres, ceux de Dionne (2004) et de Daviau et St-Pierre (2006) qui ont souligné
l’importance d’ajuster et d’actualiser les pratiques de gestion. Cependant, dans cette étude, le
souhait de formation et d’évaluation de la réforme apparaissent comme des attentes spécifiques
au contexte burkinabé.
Par contre, les études ayant examiné les attentes des acteurs scolaires, en ce qui
concerne le comportement d’adoption des réformes de décentralisation (Schön, 1994; Spillane &
al. 2002), ont démontré que la cognition subjective était un facteur important dans l’adoption
des changements. Dans la présente étude, l’analyse des attentes des participants montre qu’ils
accordent une importance particulière à l’encouragement des cadres scolaires.
211
7.3.2. Perspectives appropriatives des participants
Bien que les participants ne partagent pas tous les mêmes valeurs ou la même vision des
objectifs poursuivis par la décentralisation au MESSRS, leurs pratiques d’appropriation
incarnent généralement les notions de connaissance de textes et des individus; de contexte, de
développement de certaines attitudes telles que le respect, la prudence, l’esprit de tolérance et
d’ouverture ainsi que le développement de certaines compétences. Ces pistes donnent un ancrage
concret aux théories appropriatives qui tiendraient compte de diverses perspectives.
7.3.2.1. Actions et démarches d’appropriation
Les résultats de l’étude démontrent que la connaissance des textes et leur application
apparaissent primordiales dans l’appropriation d’une réforme. Or, parmi les études ayant porté
une attention sur la règlementation aucune n’a intégré ces éléments dans les conditions
nécessaires à la mise en œuvre d’une réforme. Tout au plus, Raywid (1990), Thomas (1993) et
Dario (2000), ont constaté que les prises de textes seules ne suffisaient pas. En outre, Lessard et
al. (2008) ont révélé que sans une réelle prise en charge des textes, les réformes atterrissaient mal
sur le terrain. À la lumière de nos résultats, il semble que l’appropriation des réformes ne peut
être effective sans une maîtrise de la législation.
Il apparaît également que la connaissance des individus, notamment les collaborateurs
s’avère cohérente avec les écrits de plusieurs auteurs (Gibson, 1991; Bernier et al. 2003). Pour
Gibson, le contrôle de l’individu demeure une dimension extrêmement importante. En effet, la
connaissance d’autrui peut faciliter le dialogue et une ouverture à l’autre. Les résultats de l’étude
de Barnier et al. (2003) invoquent l’importance des enjeux humains comme conditions
favorables à une appropriation opératoire.
212
Dans notre étude, plusieurs participants fondent leur démarche appropriative sur la
connaissance de l’humain. Mais peut-on vraiment le connaître ? Le comportement humain n’est-
il pas chaque fois unique et différent ? Comme nous enseigne Meyer (1993, p.24) « Chaque être
humain offre une particularité qui se retrouve chez aucun autre […] » Les humains changent
perpétuellement. « L’homme n’a pas de nature, il a une histoire», nous prévient-il. N’est-ce pas
vrai que nous sommes des êtres en situation, et que les situations et les contingences déterminent
notre être, comme l’affirment Daviau et St-Pierre (2007) ? Partant, l’individu demeure une
réalité à être, à découvrir continuellement et non une réalité toute faite, contrairement à la
croyance des DR et des CES. Ainsi, la philosophie de l’esprit nous rappelle que les faits
renferment toujours une part d’interprétation. En cela, la science nous incite à nous remettre sans
cesse en question et à nous interroger sur ce que nous appelons la réalité.
Une autre caractéristique de l’appropriation des réformes concerne la connaissance du
contexte, de l’environnement et de la réalité spécifique à chaque participant. Comme Bianchi et
Kouloumdjian (1986) et Le Bossé (2003) le disent, les participants reconnaissent la nécessité de
ne jamais perdre de vue la connaissance du milieu, de bien analyser les situations nouvelles et de
tenir compte des réalités spécifiques à leur contexte. En ce qui à trait aux caractéristiques
contextuelles, d’autres études ont identifié l’environnement ou la réalité immédiate comme un
élément subtil qui illumine la démarche d’appropriation. Tels que l’indiquent Dupriez (2005) le
respect de la situation rencontrée constitue une condition importante au succès de l’adoption
d’une réforme.
213
De plus, Wertsch (2002), Daviau (2006) et Paquelin (2009) évoquent successivement la
nécessité de tenir compte de l’environnement dans lequel on agit, des situations rencontrées ou
des éléments spécifiques du contexte avec ses nouvelles réalités. À ce sujet, l’étude de Delors
(1996) a fait ressortir la nécessité pour les personnes chargées de la mise en œuvre d’une réforme
d’ouvrir leurs yeux la diversité des situations.
D’une certaine manière, on retiendra que le choc de la réalité est un levier essentiel,
comme le rappelle Crozier (1995). Face aux problèmes concrets et aux points de vue opposés
qu’ils suscitent, les individus pour s’approprier le changement deviennent imaginatifs, et
constructifs. En d’autres mots, il faut bien analyser les situations concrètes pour une meilleure
gestion du changement au sein du système éducatif.
7.3.2.2. Phases et formes d’appropriation
Indépendamment de la connaissance des textes, des hommes et du contexte, dans la
présente étude, la démarche d’appropriation des réformes et d’exercice des prérogatives se fonde
sur le développement de certaines attitudes et compétences.
De prime abord, les participants invoquent la nécessité de se donner soi-même des règles
de conduite, de recourir à la concertation, à la sensibilisation, de porter les textes à la
connaissance de tous et de les respecter, et finalement d’observer une certaine prudence dans leur
application. Ces résultats paraissent novateurs puisqu’aucune étude rapportée n’aborde ces
aspects. Cependant, certains auteurs parlent d’effort d’adaptation et de maîtrise des prérogatives
(Le Bossé, 2003).
214
Il s’ensuit qu’il faut avoir une certaine maîtrise de soi, ne jamais s’énerver, s’ouvrir aux
autres, bannir les préjugés et avoir une bonne estime de soi. Il y a lieu de souligner l’importance
d’être humble dans ses rapports avec autrui, d’être juste, honnête et équitable. À ces résultats
centrés sur les dimensions affectives et les valeurs de l’individu chargé de la mise en œuvre
d’une réforme, dans les revues de la littérature, l’accent est porté sur l’image de soi, la remises
en question des valeurs chez Spillane et al. (2002).
Mises à part les structures cognitives des acteurs, les résultats de la recherche font
référence à une démarche de gestion participative. Dans cette perspective, la délégation de
pouvoir avec un droit de regard, l’implication des différents acteurs, la collégialité dans l’action,
la valorisation des collaborateurs, l’esprit de tolérance et le dialogue permanent apparaissent
comme des expériences pertinentes. Ces résultats appuient les propos de quelques auteurs qui
s’intéressent à l’approche d’une gestion collégiale. Par exemple, Jonnaert et al. (2007) ont fait
ressortir l’importance de concevoir une approche participative et plurielle comme une habileté
importante dans toute démarche d’appropriation.
Dans le même sens, Rochegude (2001) et Dutercq (2000) ont insisté sur le partage des
responsabilités et l’engagement. Déjà, l’UNESCO (1996) mettait l’accent sur la nécessité de
travailler en équipe. Nous savons, par les résultats de la présente étude, que la démarche
d’appropriation s’enracine dans une savante combinaison de plusieurs étapes. Ces étapes
procédurales sont : a) la connaissance des dispositions règlementaires et des individus; b) le
développement d’attitudes et de compétences et c) finalement, un ajustement continuel aux
réalités du terrain. Ces résultats corroborent différentes théories qui associent trois phases au
processus d’appropriation. En effet, la théorie de Depover et Strebelle (1996) revue par Paquelin
215
(1999) avait identifié trois étapes : la découverte, l’expérimentation et la dissémination. De
même, les résultats de l’étude de Fullan (2001) reconnaissent différentes phases : la phase
d’initiation, d’implantation et d’institutionnalisation. Cependant, Proulx (1988) et Houze (2000)
ont mis en exergue l’existence de quatre étapes: la maîtrise de soi, la cognition, l’intégration et le
développement d’initiatives.
Tout comme la présente étude, plusieurs auteurs revendiquent le développement de
compétences transversales (Morais, 2001). Les résultats de cette recherche ciblent plusieurs
aptitudes. Ces compétences se réfèrent à la réflexivité, à la capacité à analyser et à prendre des
décisions, à se responsabilité, s’organiser, à gérer le flux d’information, à communiquer
efficacement et à motiver le personnel. En effet, le développement de compétences
professionnelles (Daviau et St-Pierre, 2006), d’expertise (Leclercq, 2005), le management des
savoirs (Tarondeau, 1998) ainsi que la capacité d’apprendre à « penser en acte » (Daviau et
Olivier, 2002) seraient des aptitudes qui influencent fortement le comportement d’adoption des
individus. Dans cette même perspective, Demailly (1993) avait insisté sur la pensée
organisatrice.
Les résultats de certaines études (Hargreaves et Hopkins, 1991; Giddens, 1994 et
Paquelin, 2010) tout comme ceux de la présente recherche indiquent que la réflexivité constitue
une dimension importante dans l’appropriation d’une réforme. Dès lors, elle ne peut être
comprise qu’en termes de création. On est donc conduit à adopter une attitude nouvelle à l’égard
de chaque situation. Il en résulte une compréhension nouvelle de l’appropriation. Il convient
alors de se concentrer sur ce qui n’est pas connu et qui s’écarte des conduites habituelles.
216
À ces perspectives novatrices, les résultats de cette recherche semblent indiquer
l’existence de certaines formes d’appropriation. Les résultats révèlent l’émergence de formes
d’appropriation axées sur des démarches stratégique, fonctionnelle et opératoire. La stratégie
d’appropriation des participants résulte des ajustements et des transformations qu’ils font à
différents niveaux pour s’acquitter de leurs tâches. Dans la même perspective, les travaux de
Besson et al. (1999) ont montré que l’appropriation stratégique impliquait une gestion
renouvelée et cohérente ainsi qu’un rôle actif des acteurs clés. Friedberg (1993), avait précisé
que, l’individu dans une appropriation stratégique, n’absorbait pas passivement le contexte, mais
le structurait par son action.
Mais encore, les résultats de la recherche font ressortir une forme d’appropriation
fonctionnelle. En effet, les différents participants adoptent des comportements appropriés à leur
contexte spécifique. Ce sont ces faits d’expérience qui expliquent que Bernier et al. (2003) ont
pu décrire l’appropriation fonctionnelle comme une recontextualisation des modes de
fonctionnement existants, une prise de risques et l’adoption de comportements plus appropriés
dans une situation donnée.
Les résultats de la présente étude dévoilent que les DR et les CES fonctionnent selon les
nouvelles exigences de la réforme de décentralisation. Cette dimension rejoint les conclusions de
l’étude de Paquelin (2009) et Bernier et al. (2003) suggérant que la meilleure appropriation
opératoire consiste à apprendre et à maîtriser le nouveau rôle. Ainsi, l’appropriation devient une
démarche créative pour la mise en œuvre du changement. Elle implique, pour ainsi dire,
l’abandon des comportements figés routiniers et le choix de l’inhabituel. Ce qui est important,
217
c’est bien l’attitude des DR et des CES à transformer leurs habitudes de gestion. En agissant
ainsi, ils participent activement à l’implantation de la réforme de décentralisation. La
recontextualisation de leurs modes d’action est donc cruciale, en ce sens qu’elle influence d’une
manière ou d’une autre le comportement de l’individu.
Finalement, à partir de cette étude, il est devenu clair pour nous que l’appropriation ne
peut être perçue qu’au pluriel, c’est-à-dire comme un concept et une expérience. Elle comporte
pour ainsi dire des dimensions et des significations différentes, selon les individus et les
contextes. L’appropriation désigne donc une réalité dynamique, un processus et ne peut être
effective que dans l’action. C’est la raison pour laquelle l’appropriation ne peut être définie que
dans l’hétéronomie. De plus, nous pouvons affirmer que le comportement des acteurs clés nous
paraît fondamental dans l’implantation de toute réforme.
7.3.2.3. Difficultés rencontrées
Les résultats de la présente recherche incitent à croire que les principaux écueils des
participants se trouvent au niveau de la volonté politique, organisationnelle et législative. En
effet, le manque de volonté politique se traduit par la faiblesse des ressources financières
allouées aux structures déconcentrées du ministère et le déficit de personnel. Par exemple,
certains auteurs parlent en termes maintien des ressources financières au niveau central
(UNESCO, 2002; Le Bris et Paulais, 2007). D’autres indexent plutôt le manque de volonté
politique (Malam Moussa et Ilboudo, 2012). Ainsi, ces auteurs reconnaissent que ces difficultés
dépassent les aptitudes également reconnues aux cadres scolaires de traiter ces questions.
Autrement dit, les participants n’ont aucune influence sur ces questions. Seule la puissance
publique, à savoir le gouvernement central, peut apporter des solutions à ces épineuses questions.
218
En ce qui concerne les difficultés organisationnelles, elles se révèlent dans l’absence des
directions provinciales, le transfert tardif des subventions, les mauvaises conditions de mise en
œuvre des réformes, dans l’absence de cohérence des procédures de gestion des ressources
financières. Aussi, Lessard et al. (2008) parlent d’espoirs déçus en la matière. Il est clair que les
questions de sources de financement de l’Éducation et leurs mécanismes doivent faire l’objet
d’une analyse approfondie.
À présent que nous savons un peu mieux de quelle façon les DR et les CES s’approprient
la réforme de décentralisation et exercent leurs prérogatives, nous pouvons aborder les
différentes contributions de la présente recherche phénoménologique dans le chapitre suivant.
7.4. Implications théoriques
Dans cette partie de la discussion, nous analysons les implications des différents résultats,
notamment les comportements d’appropriation des DR et des CES pour mieux comprendre en
quoi ils consistent. Cette analyse sommaire des liens logiques entre les principaux résultats et les
réformes de décentralisation au MESSRS se fonde sur les résultats d’expériences des participants
à l’étude.
De ce point de vue, l’analyse a révélé que certains participants, de crainte qu’ils ne soient
relevés de leur fonction, agissent avec beaucoup de prudence. Ce sentiment de peur engendre
des attitudes incompatibles à une appropriation de leur prérogative. Or, s’approprier les réformes
ne peut se résumer à agir simplement selon les limites établies, mais s’assurer que ses pensées et
ses gestes s’inscrivent dans la révision constante des pratiques de gestion (Giddens, 1994 et
Paquelin, 2010). À bien y penser, l’appropriation s’inscrit dans la capacité à saisir les marges
d’autonomie (Deschamp et al. 2005) et dans l’intelligence pratique des situations (Zarifian,
219
1999). Quoi qu’il en soit, même dans un contexte de déconcentration, comme c’est le cas au
Burkina Faso et singulièrement au MESSRS, nous croyons que la prudence, voire l’indifférence
et la crainte d’agir ne doivent être érigées en attitude. Tant et aussi longtemps que l’on se laisse
habiter par la peur, aucune initiative d’appropriation louable ne peut voir jour.
En fait, dans la perspective compréhensive, où l’être est posé comme ouverture,
l’appropriation relève davantage de l’expérience spontanée relatée. En somme, à y réfléchir, elle
n’est pas seulement une action ni une façon d’agir, mais davantage une habitude, une pensée
directrice, voire créatrice.
D’un autre point de vue, dans l’application de la législation, la nécessité d’une analyse
critique de l’ensemble des textes s’impose. Mais les choses ne se passent ainsi sur le terrain. Pour
les fins de cohérence au niveau législatif, l’analyse de l’origine des difficultés et des conflits
entre les cadres scolaires et les différents acteurs concernés par la réforme de décentralisation
s’avère indispensable si l’on veut intégrer de façon certaine la réalité du terrain dans les
dispositions règlementaires.
Pour conclure, l’appropriation permet d’infinies possibilités, une fois que l’on commence
à adopter consciemment et intentionnellement des attitudes nouvelles. Quoiqu’on pense, tout
comportement d’appropriation transforme, à tous les égards, les pratiques de gestion
administrative. Ceci étant, examinons à présent quelques implications pratiques pour le niveau
central, régional et à l’échelle de l’établissement scolaire.
220
7.4.1. Implications pratiques
Au chapitre des implications pratiques, il faut reconnaître que les cadres scolaires, en
occurrence les DR et les CES ont appris à mieux cerner les problèmes liées aux réformes de
décentralisation au MESSRS et à leur appropriation. Ils ont aussi fait des progrès au niveau de la
conduite des activités au niveau des directions régionales et des établissements scolaires. Il faut
souligner également que malgré les différents efforts, beaucoup reste à faire et qu’il y a des
leçons à tirer des résultats de cette étude, la nécessité d’offrir des formations spécifiques à
l’intention des administrateurs du ministère.
À l’évidence, l’appropriation des réformes exige un suivi et une évaluation périodique
des contenus des réformes et du processus de leur implantation. Dans ce contexte, l’appui des
autorités centrales du MESSRS s’avère primordial et devrait s’inscrire à l’intérieur d’un plan
d’action annuel ou pluriannuel. Cela exige également de faire régulièrement le point avec les
différents acteurs afin de discuter des principales difficultés qu’ils rencontrent et de s’assurer que
ceux-ci comprennent bien leur rôle.
Enfin, les expériences d’appropriation des participants accordent, d’une part, une
importance à la maîtrise de la législation, du contexte et, d’autre part, aux interactions
particulières entre les services techniques compétents et les personnes ressources au niveau
central, régional ou local.
221
7.4.1.1. Implication pour le MESSRS
Dans le prolongement des implications, à la suite des différents constats, le MESSRS se
doit de soutenir fermement le processus d’appropriation des réformes de décentralisation. Il doit
particulièrement être attentif aux difficultés identifiées par les participants à l’étude. En ce qui
concerne particulièrement les retards observés dans le transfert des subventions de l’État, des
pourparlers pourraient être engagés avec le ministère des finances afin de trouver des solutions
idoines aux mécanismes de transfert des ressources financières.
Nulle part dans les textes de réforme, il ne figure un échéancier quelconque de mise en
œuvre de la décentralisation au MESSRS. Il serait donc indiqué que le ministère élabore et
adopte une feuille de route. Cette feuille de route doit fixer les échéanciers de mise en œuvre des
réformes. Mieux, il doit instituer une relecture périodique des textes règlementaires et examiner
la question de création d’un corps de chef d’établissement assortie d’une formation
professionnelle. De même, l’adoption d’une grille salariale spécifique au personnel d’éducation
pourrait constituer un élément majeur à leur développement professionnel.
De façon générale, les comportements d’appropriation des participants à l’étude
apportent un éclairage sur leurs modalités d’interprétation, de contournement de la législation et
d’instrumentalisation. Il faut donc prendre en compte ces situations et adopter une vision critique
en lien avec leurs comportements. Ces différentes mesures pourraient contribuer à raffermir la
confiance et l’engagement de ces acteurs.
222
Bref, les expériences d’appropriations semblent révéler la nécessité d’instituer des cadres
d’échanges d’expériences et d’expertises entre les différents acteurs pour mieux se tenir au plus
près des réalités du terrain. Au ministère de découvrir d’autres domaines dans lesquels il
pourrait agir pour améliorer les pratiques de gestion des cadres scolaires. Naturellement, une
réflexion intégrée, précise et innovatrice permettrait de consolider les actions en cours.
7.4.1.2. Implication pour les directions régionales
Les DR en tant qu’acteurs intermédiaires du MESSRS se doivent d’accorder une
attention particulière au suivi des activités de mise en œuvre des réformes auprès des CES. Pour
ce faire, la création d’un cadre de concertation à l’image du conseil de département auquel ils
prennent part serait d’une grande pertinence. Ils doivent encourager et soutenir les initiatives
individuelles. Mieux, ils doivent créer, dans les limites de leurs compétences, les conditions
favorables au plein exercice et à l’accomplissement de la fonction des chefs d’établissements.
7.4.1.4. Implication au niveau des établissements
Tout d’abord, il convient de mentionner que les CES n’ont pas les mêmes perspectives et
n’ont pas disposé, au départ, de tous les appuis qui auraient été nécessaires à la mise en œuvre
des réformes de décentralisation au MESSRS. En plus, de ces faiblesses, il faut spécifier les
exigences de maîtrise des contenus des réformes, les diverses formes de résistances développées
par le personnel enseignant et les difficultés d’ordre législatif.
223
À la suite de ces constats, les chefs d’établissements devraient tirer les leçons de leur
expérience respective et établir des plans d’actions stratégiques. D’une manière générale, ils
doivent réussir à créer au sein des établissements un climat de travail pacifique. L’importance de
tisser un partenariat solide et d’établir des cadres de concertation assez permanents dans la
planification des diverses activités.
7.5. Contributions et limites de la recherche
7.5.1. Contributions de la recherche
La contribution originale de cette étude réside dans l’intérêt accordé au point de vue des
acteurs administratifs, à la façon dont ils s’approprient leur rôle et leurs responsabilités dans le
contexte spécifique de la décentralisation de l’enseignement secondaire au Burkina Faso et à en
proposer une perspective aux acteurs de différents contextes. Cette recherche offre également
une opportunité aux DR et CES de réfléchir à leur action et d’en rendre compte. Elle permet
d’une part, d’étendre la validité du modèle d’interprétation à d’autre contexte, de produire une
connaissance subjective de la réalité appropriative des participants et, d’autre part, de favoriser
une certaine réflexivité inhérente à leurs expériences propres et aux particularités de leur
contexte d’action.
Sur le plan méthodologique, la démarche qualitative adoptée et le regard porté par les
DR et les CES sur leurs propres pratiques d’appropriation situent l’étude dans le cadre plus large
des pratiques d’encadrement et d’implantation des changements prescrits. Dans cette optique, les
DR et les CES en verbalisant leur comportement d’appropriation, retracent leur l’expérience
avec la compréhension qu’ils en ont lors des entrevues. Cette perspective constructiviste (Fourez
et al. 1997) suppose qu’il n’existe pas de réalité objective faisant office de référence absolue, ni
224
d’informations « pures », mais des références relatives, des discours interprétés donc des
pratiques évolutives (Bertaux, 1997). Ainsi, les comportements d’appropriation ne sont pas
donnés mais construits. Dans ce sens, il n’y a pas une théorie unique, immuable et imitable
d’appropriation.
En définitive, l’étude a le mérite d’avoir été une première à explorer les pratiques
appropriatives des DR et des CES au MESSRS. Ce faisant, à travers la pluralité des expériences
d’appropriation des participants, nous avons tenté d’appréhender les différentes perspectives de
mise en pratique de la décentralisation. Certes, cette recherche offre des résultats intéressants et
constitue une première tentative d’analyse des comportements d’appropriation des DR et des
CES. Cependant, toute recherche ayant nécessairement ses limites, la prochaine section aborde
les principales limites de notre étude.
7.5.2. Limites de la recherche
Cette recherche exploratoire comporte quelques limites d’ordre conceptuel,
méthodologique et empirique. La première limite de premier le choix des concepts de notre cadre
théorique. Ce chapitre s’appuie principalement sur les concepts de prérogatives et
d’appropriation. Il n’élargie par notre cadre théorique aux notions de rôles, de perceptions,
d’attitudes et d’attentes.
Quant aux principales limites méthodologiques, elles concernent, la nature spécifique de
la démarche de recherche; l’absence d’hétérogénéité, tant au niveau du genre, du niveau d’études
et du nombre d’années d’expériences des participants.
Finalement, la dernière limite tient à l’analyse de l’expérience empirique des participants.
En regard du phénomène exploré, la description ne s’est pas fondée exclusivement sur
l’expérience d’un nombre réduit d’individus.
225
Notre recherche est donc reproductible mais, la généralisation des résultats se trouve
limitée, d’une part au contexte dans lequel les résultats ont été produits et, d’autre part, à la
problématique qui les a portés et à la posture du chercheur. Ce faisant, nous tenons à rappeler
que les conclusions qui en émergent contribuent à offrir, de façon significative, une
compréhension de l’expérience vécue par les participants à l’étude. De même, le modèle
d’analyse des données peut enrichir les démarches méthodologiques et la conduite de recherches
similaires.
7.6. Nouvelles pistes de recherche
Au terme de cette étude qualitative, quelques pistes de recherches futures émergent de
l’ensemble des résultats. Spécifiquement, certaines questions fondamentales devront être
étudiées à l’avenir.
À l’évidence, l’analyse de l’implantation de la réforme de décentralisation révèle qu’il
faut clarifier le rôle du MESSRS, tout particulièrement celui des structures centrales. D’autres
études devraient examiner les questions liées aux mécanismes d’accompagnement et de
renforcement des rapports entre les DR et les CES travaillant sur le terrain.
Certaines études pourraient se pencher sur l’équilibre entre le libre arbitre de l’individu
face à l’exigence d’uniformité en contexte de décentralisation. Finalement, afin d’obtenir une
vision holistique du phénomène étudié, une étude phénoménologique pourrait analyser
exclusivement les expériences empiriques de deux DR ou CES.
226
Conclusion générale
L’analyse minutieuse des travaux scientifiques pertinents révèle l’émergence d’une
problématique qui concerne le vécu des acteurs chargés de l’implantation des réformes, la
compréhension du processus d’appropriation du changement en éducation. Ainsi, plusieurs
études témoignent que l’implantation des réformes de décentralisation dans l’éducation est
devenue problématique (Thomas, 1993; Cheng, 1996; Ribot, 2002; Lessard et al. 2008), eu égard
à la nature des réformes et aux réactions des individus.
On est naturellement au cœur de la question des pratiques d’appropriation. L’étude s’est
attardée, plus spécifiquement, sur la manière dont les cadres scolaires gèrent l’implantation du
changement au MESSRS. Elle s’est intéressé aux comportements d’appropriation des DR et des
CES en explorant leurs perceptions, leurs attentes, leurs pratiques d’appropriation et identifier les
difficultés auxquelles ils sont confrontées.
Cette recherche qualitative et exploratoire ouvre singulièrement un nouveau champ
d’analyse qui lie le processus de mise en œuvre des réformes de décentralisation dans le domaine
de l’éducation aux pratiques d’appropriation des cadres scolaires.
Par ailleurs, l’expérience de cette recherche s’est avérée féconde sur le plan théorique et
méthodologique. Elle offre aux participants la capacité de mieux comprendre le processus
d’appropriation au plan individuel. De plus, elle accorde une importance à la dimension pratique
des démarches personnelles d’appropriation.
227
Le but de la recherche étant de comprendre les expériences d’appropriation de la
décentralisation auprès des DR et des CES, nous avons fait appel aux méthodes de cueillette de
données qualitatives. Dans ce contexte, les outils de collecte de données utilisés sont : l’entretien
semi-directif, l’observation et la collecte de documents d’archives. Quant à l’analyse des
données, elle s’appuie essentiellement sur l’induction à l’aide de logiciel comme NUD IST.
Au terme de cette étude, les résultats de l’analyse permettent de comprendre, d’expliquer
l’état actuel de la mise en œuvre de la décentralisation au MESSRS. Plus précisément, ils
renseignent la communauté scientifique et les décideurs politiques sur le degré d’implantation
des changements prescrits aux cadres scolaires du ministère.
Spécifiquement, les résultats reliés à la première question dévoilent des conclusions très
pertinentes. En effet, grâce à cette étude exploratoire, on comprend maintenant que les DR et les
CES adhèrent aux objectifs de la décentralisation. Ils évaluent les caractéristiques de la
décentralisation, de leurs prérogatives et celles des collaborateurs.
Les résultats associés aux comportements d’appropriation de la réforme et aux
récurrences révèlent des modalités à la fois convergentes et contrastées. En ce qui concerne
l’appropriation, les résultats de l’étude montrent qu’elle suppose une bonne connaissance de la
législation, des collaborateurs, l’adoption de principes de gestion appropriés, de certaines
attitudes et le développement de compétences spécifiques. Tout particulièrement, certains
facteurs influencent fortement le comportement d’appropriation des participants. Au nombre de
ces dimensions importantes, il y a, l’engagement de l’individu, la vision partagée du
changement, les ajustements périodiques et les remises en question.
228
D’autre part, l’appropriation requiert de la patience, de la tolérance, de la persévérance et
un esprit ouvert. De tels résultats permettent d’affirmer que l’appropriation se renouvèle sans
cesse dans un développement professionnel basé sur une démarche pragmatique, réflexive et
contextuelle. Elle a pour ainsi dire, un caractère variable.
Finalement, les résultats de la présente recherche démontrent que les DR et les CES
rencontrent des difficultés diverses et tentent à leur manière d’y faire face. Ces écueils sont, entre
autres, liés aux les relations professionnelles, à la législation et à la structure inachevée du
ministère. Face à ces différentes difficultés, certaines d’études futures nous apparaissent
pertinentes. À ce propos, l’on pourrait examiner le pilotage du changement au niveau central; la
qualité de la gestion du changement au MESSRS; les pratiques les plus efficaces en matière
d’appropriation du changement. Il pourrait s’avérer important également d’analyser les
évolutions des croyances et convictions des acteurs scolaires à l’égard des différentes réformes et
l’impact de celles-ci sur les pratiques de gestion attendues au ministère.
229
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249
Annexe 1 : lettre aux DR
Ottawa, le 12 novembre 2009
À
Monsieur le Directeur régional
Du Site A
Objet : prise de contact et transmission
des documents et formulaires de consentement
Monsieur le Directeur régional,
Honneur m’échoit d’inviter votre haute bienveillance à prendre une part active à l’étude
intitulée : « L’appropriation des prérogatives attachées aux fonctions de directeurs régionaux
(DR) et de chefs d’établissements secondaires (CES) publics dans le contexte de la
décentralisation au Burkina Faso : une analyse phénoménologique ».
Aussi, serais-je très honoré si vous preniez une part active à l’étude et en facilitant
également le recrutement de trois (03) chefs d’établissements secondaires publics des lycées
nommés avant 2005, de sexe masculin ou féminin, ayant cinq (05) ans et plus dans leur poste
et 15 ans de carrière dans l’enseignement comme participants.
Ma conviction est que vous êtes les principaux acteurs du système éducatif, des experts
possédant une expérience de terrain pertinente qui assure la mise en œuvre des réformes de
décentralisation dans l’enseignement secondaire.
Vous êtes donc inviter à participer à deux entrevues de 60 et 30 minutes
respectivement dans le cadre de cette étude intéressante qui mettra l’accent sur vos expériences
d’appropriation des prérogatives qui vous sont dévolues dans le contexte de la décentralisation.
L’étude de terrain se déroulera du _____________________ pour la
____________________. Pour les DR et les chefs d’établissements publics qui participent à
l’étude, une immersion d’une semaine dans l’environnement de travail des participants précédera
les entrevues, pour une meilleure compréhension de leur expérience et de leur monde vécu.
Le doctorant et le directeur de thèse, pendant et après la période visée par le formulaire
de consentement, ne divulgueront pas, sauf autorisation écrite du répondant, les renseignements
fournis par les participants qui seront considérés comme étant « confidentiels » ou « exclusifs »,
et protégeront le caractère confidentiel de ces renseignements.
250
Cette recherche permettra, j’en suis convaincu, aux participants que vous êtes de
contribuer à l’avancement de la connaissance sur l’appropriation des normes fondamentaux de
décentralisation dans le domaine de l’administration de l’éducation secondaire et de réfléchir à
vos actions accomplies et vécues, observables et/ou pensées dans votre contexte spécifique.
Votre participation vous permettra singulièrement de redécouvrir comment vous vous appropriez
les prérogatives attachées à vos fonctions, en les adaptant et en les transformant dans le sens
d’une meilleure action circonstanciée.
J’espère que vous conviendrez avec moi qu’il s’agit là d’une étude importante qui retient
votre intérêt. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir confirmer votre participation et de
transmettre le formulaire de consentement aux chefs d’établissements remplissant les conditions
que vous souhaitez désigner pour l’étude.
Si vous désirez poser des questions au sujet de la présente lettre d'invitation, veuillez
communiquer par courrier électronique avec l’étudiant doctorant à l'adresse :……………….. ou
le directeur de thèse, …………………. à l’adresse : ………………..
Je vous remercie de l’intérêt que vous porterez à la présente et me réjouis à l’avance de
votre participation et de celle des trois autres chefs d’établissements secondaires publics.
P.J. : - une copie PDF du formulaire de consentement
- une copie de l’autorisation de collecte de données du MESSRS
- une copie du certificat d’approbation déontologique de l’université d’Ottawa
251
Annexe 2 : questionnaire sociodémographique
Code :
Informations personnelles
Âge : comprise entre 35-40 45-50 55-60
40-45 50-55 plus de 60
Dernier niveau de scolarité atteint
Diplôme (s) universitaire (s) :
Diplôme (s) professionnel (s) :
Autres :
Expérience de travail
Nombre d’année dans l’enseignement :
Nombre d’année d’expérience comme chef d’établissement :
Nombre d’année dans le poste actuel comme chef d’établissement:
Établissement
Nombre de professeurs : Femmes : Hommes : Total :
Nombre personnel administratif :
Nombre de salles de classes :
Effectif total des élèves :
Merci beaucoup
252
Annexe 3 : grille d’observation
Date: Lieu: Durée observation:
Code participant: Déroulement de la journée
Personnes présentes: Faits et pratiques:
Réflexions Plan des lieux
253
Annexe 4 : Guide d’entrevue
Préambule
Je me nomme……….
Merci Mme /M (Prénom et Nom du participant) pour votre disponibilité et votre
participation à cette étude.
Comme vous le savez, ce projet de recherche qui se réalise auprès des directeurs régionaux et
des chefs d’établissements secondaires publics, vise à explorer les différentes formes de
comportements d’appropriation des réformes de décentralisation au MESSRS et d’évoquer avec
vous en détail votre expérience individuelle ainsi que les difficultés rencontrées et les moyens de
les résoudre.
1. Pour vous, que signifie être DR/CES ?
a. Quel témoignage pouvez-vous faire de votre expérience personnelle ?
b. Quelles actions concrètes faites-vous ?
2. Racontez-moi votre compréhension des réformes de décentralisation ?
3. Quelles réflexions vous inspirent particulièrement la mise en œuvre de la
décentralisation ?
a. En quoi consistent les changements les plus significatifs à opérer ?
4. Comment mettez-vous la décentralisation en œuvre ?
a. Que faites-vous concrètement, au quotidien (comment son implantation se
traduit-elle)?
b. Quelles analyses faites-vous de vos pratiques d’appropriation ?
5. À partir de votre expérience personnelle, quelles attentes essentielles vous viennent à
l’esprit?
6. Pouvez-vous nous parler à présent des obstacles rencontrés et les moyens de la
résoudre ?
Nous sommes à la fin de ce premier entretien et je vous renouvelle mes remerciements
pour votre entière et franche collaboration. Je vous recontacterai pour le second entretien
et nous conviendrons en semble du jour et de l’heure après la transcription des
conversations enregistrées. À bientôt.
Questions de relance :
- pouvez-vous nous relater ou raconter une expérience ou vos expériences, en la matière?
- que voulez-vous dire lorsque vous dites….?
- quelles ressources vous paraissent essentielles ?
- quel autre exemple pouvez-vous nous donner ?
- pouvez-vous donner d’autres exemples ……?
- Vous m’aviez dit…Pouvez-vous m’expliquer davantage ?
- Vous venez de dire que…, cela me semble intéressant. Racontez-moi une de ces expériences
254
Annexe 5 : Feuille de prise de notes
Date : Heure : Lieu : Question de relance Demande de
Précision
Nom :
Question 1
Question 2
255
Annexe 6 : Calendrier de la collecte des données janvier à avril 2010
Janvier Février Mars Avril
11 18 25 7 14 21 28 8 7 14 21 28 4
Semaine 3
Immersion observation: CES 3 Entrevue CES 2
Semaine 2
Immersion observation: CES Entrevue CES 1
Semaine 1
Immersion observation : CES1
Semaine 6
Remise transcription et
2è entrevue
Semaine 5
Entrevue : DR 1
Semaine 4
Immersion observation: DR 1 Entrevue CES 3
Semaine 9
Immersion CES 5 Entrevue CES 4
Semaine 8
Immersion CES 4 Entrevue DR 2
Semaine 7
immersion observation: DR2
Semaine 12
2è entrevue
Semaine 11
Entrevue CES 6 Remise transcription
Semaine 10
Immersion observation CES 6
Site A Site B
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