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    Cours Mario Dehove INSTITUTIONS ET THORIE DE LA MONNAIE Mars 2001

    Chapitre I

    Les dfinitions empiriquesde la monnaie en France et en Europe

    Quest-ce que la monnaie ? Cette question par laquelle il faut bien commencer, nadmet pas derponse simple, accepte par lensemble des conomistes, ni sous langle empirique, ni sous langlethorique. Paradoxe des socits marchandes : la monnaie est de plus en plus prsente dans tous lesinstants de la vie quotidienne des agents conomiques et, paralllement, ses formes sont de plus enplus complexes et multiples. La monnaie est lun des concepts les plus difficiles dfinir de la thorieconomique.

    Do le choix de rejeter au dernier chapitre ce qui forme habituellement la matire du premierchapitre dun cours sur la monnaie, lexamen critique et rigoureux des diffrentes dfinitions thoriquesqui ont t proposes de la monnaie par les diffrents auteurs. Elles supposent en effet, pour trecomprises, la connaissance pralable des mcanismes par lesquels la monnaie est cre et dtruite etdes dterminants des comportements de dtention de monnaie des agents conomiques : cest--diredes institutions montaires et financires qui forment lobjet de ce cours.

    Et la consquence de ce choix : commencer par le recensement des formes actuelles de ce qui estconsidr par les autorits montaires comme de la monnaie ou de la quasi monnaie et la prsentationdes dfinitions empiriques quelles utilisent pour le besoin de la politique montaire, de la monnaieappeles les agrgats montaires .

    Mais cette dmarche dlibrment empirique exige malgr tout quelques dfinitions gnralespralables provisoires permettant simplement de lamorcer.

    I. Dfinition provisoire de la monnaie et de la monnaie de crdit

    1.1 La monnaie

    Depuis Aristote, la monnaie est dfinie par les trois fonctions quelle est suppose exercer : lamonnaie comme intermdiaire des changes, la monnaie comme rserve de valeurs et, enfin, lamonnaie comme unit de compte. Le fait quelle soit dfinie par trois fonctions et non une seule indiquedj lexistence dune difficult conceptuelle.

    1.1.1 La monnaie intermdiaire des changes

    En tant quintermdiaire des changes, la monnaie est un instrument qui permet dchanger deuxbiens, en vitant les contraintes du troc.

    Dans le troc, deux biens Met Mschangent directement lun contre lautre :

    M M

    Dans lchange montaire, deux biens, M et M schangent par lintermdiaire dun instrumentspcifique, la monnaie :

    MAM

    Lagent qui dtient le bien Met souhaite lchanger contre M, le cde dabord contre de la monnaie A :

    M A

    puis cde de la monnaie A contre M:

    A M

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    Cette dfinition simple suggre le bnfice quune socit peut tirer de la circulation de la monnaie,lorsquil existe une division du travail dveloppe, cest--dire lorsque les producteurs sont spcialissdans la production de certains biens, en sorte quils sont tenus de vendre ce quils produisent pouracheter ce quils consomment.

    Ce bnfice consiste surmonter la contrainte de la double concidence exacte des besoins duvendeur et de lacheteur en qualit et en quantit, sur un mme lieu, contrainte propre au troc.

    Ainsi, dans une conomie de consommation (sans production avec des dotations initiales) tellequelle est dfinie par la thorie microconomique, un agent isouhaitant diminuer ses dotations en bienskdune quantit di(k) contre une augmentation de sa dotation en bien ldune quantit di(l) doit trouverun agent j souhaitant raliser lopration symtrique consistant augmenter sa dotation en biens kdune quantit dj(k) pour diminuer sa dotation en bien ldune quantit dj(l), tels que :

    di(k) = dj(k)

    di(l) = dj(l)

    Lexemple clbre de K. J. Arrow et F. H. Hahn illustre bien les contraintes de la double concidenceen montrant que dans une conomie de troc, des changes souhaits par les agents peuvent ne pas seraliser faute dintermdiaire des changes, cest--dire de monnaie.

    Pour le comprendre, imaginons une conomie compose de trois agents : A, Bet Cet trois types debiens dgale valeur : 1, 2et 3. A dtient des quantits de biens 1 et 2mais ne souhaite pas dtenirde biens 3. B dtient des quantits de biens 2 et 3 mais nesouhaite pas dtenir de biens 1 et Cdtient des quantits de 3etde 1 mais ne souhaite pas dtenir de biens 2. Aucun changedirect nest possible sil nexiste pas de monnaie. Par exemple, siA et Bveulent changer entre eux du bien 2(A veut en vendre B), ils ne peuvent le faire, faute dun autre bien changer : A neveut pas de 3 et B ne dsire pas de 1. Les changes nedeviennent possibles que si un bien est utilis comme inter-mdiaire (A accepte que B le paye en bien 3 non pas pour endtenir mais pour lchanger avec Ccontre du bien 1).

    Agents

    Biens A B C

    1 X X

    2 X X

    3 X X

    Linstrument qui a, historiquement, le plus souvent servi dinstrument des changes (A) est unemarchandise particulire choisie spcifiquement pour cette fonction, lue au rle d quivalent

    gnral de toutes les autres marchandises. Ce processus dlection est socialement complexe et il aport sur des marchandises trs diverses.

    Dans les socits dveloppes, ce sont lor et largent qui ont le plus souvent exerc le rle dinter-mdiaire des changes, parce quils prsentaient au plus haut point les caractres dimmuabilit, detransportabilit et didentifiabilit qui constituent les qualits attribues aux monnaies prfres par toutesocit.

    1.1.2 La monnaie rserve de valeur

    1.1.2.1 La monnaie comme rserve de valeur

    Le modle prcdent de la monnaie comme intermdiaire des changes fait apparatre que les deuxmoments de lchange (MA et A M) ne sont pas simultans et que pendant le temps qui les

    spare, la monnaie exerce une fonction de rserve de valeur .La fonction dintermdiaire des changes est donc insparable de celle de rserve de valeur,

    cause de la non-synchronisation de lachat et la vente. Lexercice de cette fonction peut tre tendu dautres cas.

    Dune manire gnrale, la monnaie exerce une fonction de rserve de valeur pour deux raisons : lanon-synchronisation entre les recettes et les dpenses dune part et lincertitude sur les rserves futuresdautre part. Elles constituent deux motifs de demande de monnaie .

    Mais la monnaie nest pas le seul moyen dont disposent les agents conomiques pour conserver dela valeur, cest--dire dtenir de la richesse.

    1.1.2.2 Les formes de la richesse

    La richesse peut tre dtenue sous plusieurs formes. On distingue : la richesse non financire, qui est constitue des biens matriels (or, maison, bijou, usine) et

    immatriels (comme, par exemple, un fonds de commerce, une qualification) ;

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    la richesse financire, qui est constitue des titres qui peuvent schanger directement contre desbiens matriels ou qui, en gnral, doivent dabord se transformer en monnaie pour schangercontre des biens matriels :

    les premiers sont des titres montaires, ou les actifs montaires ; les seconds sont les titres financiers, ou les actifs financiers.

    Les actifs financiers se divisent en deux grandes catgories : les obligations et les actions.

    Les obligationsreprsentent une crance en gnral long terme sur un agent conomique,tat, entreprise, banque, en monnaie nationale ou en devise. Le coupon dune obligation est le montant de lintrt qui est annuellement (en gnral)

    pay au dtenteur de lobligation par le crancier. Le nominal est le montant de chaque obligation, lmission. Une obligation prsente cette particularit de ntre pas toujours change au nominal.

    Le prix de cession dpend du taux dintrt courant. On tablira que lvolution du prix de march dune obligation est inverse de celle du taux

    dintrt des obligations. Par exemple, une obligation de 100 F mise lanne nau taux dintrt de 10 % pourra

    tre revendue sur le march obligataire lanne n + 1 un prix suprieur 100 F si le tauxdintrt est devenu infrieur 10 %, et un prix infrieur 100 F si le taux dintrt est

    devenu suprieur 10 %. Les actionssont des parts de proprits sur des actifs rels, en gnral des entreprises.

    Elles schangent en bourse des valeurs fluctuant selon lvaluation que les marchsfont de la valeur de lentreprise. Si entre deux dates cette valeur a augment, ledtenteur de laction bnficie dune plus-value, si elle a diminu, le dtenteur delaction enregistre une moins-value.

    Elles donnent droit un dividende annuel, la part du bnfice qui est distribu. Leur rendement est la somme du dividende et de la plus ou moins-value sur la valeur de

    laction. Elles ne sont pas remboursables.

    Dans cette classification de la richesse, il apparat que la monnaie est un actif sans risque, paropposition lobligation dont la valeur varie avec le taux dintrt et laction dont la valeur varie aveclestimation par le march de la valeur de lentreprise quelle reprsente.

    La monnaie est toujours cde sa valeur faciale, contrairement lobligation et laction.

    Cest cause de cette proprit appele liquidit dont on essaiera de donner une dfinitionplus prcise ultrieurement que les agents utilisent la monnaie comme rserve de valeur, parcequelle nexpose pas des pertes en capital, malgr le fait quelle ne rapporte ni intrt, ni dividende.

    1.1.3 La monnaie comme talon de valeur et comme unit de compte

    Sans monnaie, dans une conomie marchande, il y a autant de prix que de paires de biens, de typesdchanges entre deux biens. Sil y a nbiens, il y a n(n-1)/2prix relatifs. Pour oprer ses arbitrages dansun systme de troc, chaque consommateur doit avoir en tte tous ces prix.

    Si un de ces biens est utilis comme talon des valeurs, le systme des prix est profondment

    simplifi. Il suffit alors de connatre les n-1 expressions de la valeur des autres biens dans le bien choisicomme monnaie pour connatre lensemble des rapports de valeurs des nbiens.

    La valeur de la monnaie peut tre repre par une mesure de la quantit physique de la monnaie,par exemple son poids. Le prix dun bien isera alors qi(M) si Mest le bien utilis comme monnaie, o qest la quantit de monnaie Mqui schange contre une unit de bien i.

    Si, par exemple, la monnaie est lor, le prix de chaque chose peut tre exprim en once dor, unit depoids dor dune teneur donne (exprime en carat). Lunit de compte est alors lonce dor : on dira quele prix dune chose est tant donces dor.

    Les systmes montaires se sont rarement arrts ce stade. Ltalon sest progressivementdtach en quelque sorte de sa forme matrielle (le poids) pour prendre la forme compltementimmatrielle dune unit de compte abstraite. En France, ce fut la livre tournois (dont le nom venait deTours, la ville o tait install latelier montaire), puis le franc.

    Dans ces systmes dvelopps, les prix ne sont plus exprims en quantit de la marchandisemonnaie mais en unit abstraite et arbitraire. Cette dconnexion est difficilement explicable par lathorie fonctionnaliste.

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    On passe donc du systme pi= qi(M)au systme pi= Pi.UC o UCest lunit de compte, Pi la quantit dunit de

    1.UC = qUC(M) compte formant le prix et qUC lexpression en quantitde monnaie de lunit de compte.

    Sous lancien rgime, la livre tournois tait la monnaie de compte. Des pices de multiples origines(cus, sols, deniers, etc.) permettaient de rgler les transactions. Elles schangeaient des cours qui

    dpendaient de leur poids, de leur usure et de la crdibilit de lautorit qui les frappait.Lintervention dune monnaie de compte arbitraire au-dessus de la monnaie de compte physique

    autorise la manipulation montaire, cest--dire par la modification de lexpression de lunit de compteen quantit de monnaie physique, la modification sinon des prix relatifs des marchandises, du moins dela valeur relle des dettes.

    Ainsi, par exemple, ds le milieu du XVIe sicle, des textes (compendieux) circulaient en faveur de lasuppression de lunit de compte intermdiaire , ce qui fut fait par les tats gnraux de 1575. Cestextes plaidaient pour quon revienne ce qutait la monnaie dautrefois , lorsque les princesnavaient pas encore imprim leur effigie ni leur sceau sur les fragments mtalliques ; ce moment-l : ni le cuivre, ni lor, ni largent ntaient monnays, mais seulement estims daprs leur poids .

    1.2 La monnaie de crdit

    On comprend aisment quune marchandise lor, largent ou tout autre objet de valeur puisseassumer les fonctions thoriques par lesquelles on dfinit comme ci-dessus la monnaie.

    Mais dans les socits dveloppes daujourdhui, au terme dun long processus de dmontisationde lor ou de dmatrialisation de la monnaie, la monnaie marchandise a t expulse de la sphre deschanges. la place, les agents conomiques utilisent des chques, des cartes bleues (nousmontrerons plus gnralement quil sagit de dpts vue), des billets de la Banque de France (bienttde la Banque centrale europenne), des pices de monnaie.

    Comment cette mtamorphose de la monnaie de la forme marchandise la forme dmatrialiseest-elle possible ? Pour le montrer, pour en suggrer les conditions de possibilit, nous utiliserons unedmarche logique (hypothtico-dductive) nayant naturellement aucune ambition historique, cest--direne prtendant pas rendre compte du processus rel par lequel cette mtamorphose sest opre. Cette

    prsentation introduira la cration montaire par les banques, soit partir dune monnaiemarchandise, soit plus gnralement partir du crdit priv (traite), soit encore plus gnralement partir dune anticipation de remboursement dun crdit quelle fait elle-mme.

    1.2.1 Cration de monnaie bancaire partir de lor

    Supposons que la monnaie qui circule est une monnaie marchandise, par exemple de lor.Supposons encore que, par prcaution, pour se protger du vol, certains particuliers dposent unepartie de cet or auprs de leur banque. En contrepartie, la banque atteste de ce dpt par lmissiondun billet.

    Banque Particuliers

    Actif Passif Actif Passif

    or 100 100 billet billet 100 100 or

    Ce billet, ds lors que la banque a un certain crdit, peut circuler comme monnaie la place de lor.Tant que la banque met un montant de billets strictement gal au montant dor quelle reoit en dpt,il ny a pas de cration montaire par la banque dans la mesure o les billets sont de parfaits substituts lor. Il en circule autant quil y a dor dans les caisses de la banque.

    La conversion des billets au guichet de la banque est absolument garantie tout moment, pour tousles dtenteurs la fois, simultanment. Les billets ne peuvent pas rencontrer de problmes de liquidit cest--dire de transformation en monnaie or. La cration montaire est strictement dicte par laproduction dor.

    Mais il est ais dimaginer que la banque observe pratiquement que jamais les clients ne viennent

    demander en mme temps la conversion de leur billet en or, dans les priodes normales, parce quil estimprobable que tous leurs cocontractants refusent en mme temps les billets de la banque en paiement.

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    Si elle constate, quen moyenne, la demande de conversion reprsente environ 20 % de lensembledes billets quelle a mis, qui sont en circulation (encours), elle peut sans danger apparent mettre

    plus de billets quelle na dor dans ses coffres. Elle le fait en contrepartie de crdits quelle accorde auxparticuliers.

    Banque Particuliers

    Actif Passif Actif Passif

    or 100 500 billets billets 500 100 orcrdits 400 400 crdits

    (taux de conversion = 20 %)

    Par cette voie, de la monnaie est cre ex nihilo (les 400) sur la base du crdit.

    La socit en tire un immense avantage : la cration montaire est libre des conditions deproduction dune marchandise particulire. Mais elle sexpose de grands prils : la crise montaire. Eneffet, pour des raisons diverses, les dtenteurs de billets peuvent craindre quen ralit les billets quilsdtiennent ne peuvent plus tre rembourss en or (parce que la banque na plus dor dans ses caisses)ou quils ne le pourront plus (parce que la banque ne pourra pas satisfaire tous les demandeurs deconversion ( un moment donn). Un mouvement de panique peut se dclencher (un run au guichet

    et branler, voire renverser le systme de monnaie fond sur lmission de billets par la banque.Lanalyse de la dynamique dune telle crise est difficile, si sa possibilit est facile comprendre.

    Cet exemple montre en tout cas que pour enrayer ds le dpart et jusqu un certain point (sinon ellene crerait pas de monnaie de crdit) ce runet rtablir la confiance en ses billets, cest--dire ter delesprit de ses dtenteurs que lensemble des dtenteurs ou une grande partie dentre eux vont enmme temps craindre que la banque soit illiquide, la banque, sagement, sobligera dtenir dans sescaisses une fraction dor suprieure au taux de conversion normal, hors crise de confiance (que lon apos dans lexemple prcdent 20 %).

    1.2.2 Cration de monnaie bancaire partir dun crdit entre particuliers (traite)

    Une traite est un crdit court terme quune entreprise 1 octroie une autre entreprise 2. En

    gnral, lentreprise 1 est un fournisseur et lentreprise 2 sa cliente, et la traite est gage sur les stocksde lentreprise 2 auxquels correspondent xlivraisons crdit de lentreprise 1.

    Le paiement de lentreprise 1 par lentreprise 2 est subordonn la vente des stocks livrs.

    Lentreprise 1, si elle a besoin de rgler elle-mme un fournisseur une entreprise 0 , peut utiliserla traite sur lentreprise 2 mais cette opration est plus difficile que le paiement en liquide.

    La sphre de circulation des traites est troite ; elle est limite au domaine de notorit de celui qui amis la traite.

    Donc, entre deux agents privs, ces promesses de paiement sont risques et peu liquides .

    Ces risques peuvent tre diminus sils sont mutualiss. Lentreprise 1 porte sa promesse depaiement une banque. Celle-ci, cause de sa spcialisation, a les moyens de mieux valuer lasituation financire de lentreprise 2. Par ailleurs, elle peut aussi supporter un taux de non-paiement deces crances quelle facturera ses clients par le mcanisme de la mutualisation des risques. Alors, elle

    va substituer des billets elle la traite. Ce faisant, lentreprise 1 dtiendra un billet qui sera beaucoupplus facilement accept par ses fournisseurs. Dans ce modle de lescompte dune traite commerciale,la cration montaire est totalement libre de la monnaie marchandise, mais non totalement desmarchandises.

    Banque Particuliers

    Actif Passif Actif Passif

    traite 100 100 billet entreprise 1 billet 100 100 orentreprise 2 100 traite

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    1.2.3 Cration de monnaie bancaire partir dun crdit

    Le modle est formellement identique au modle prcdent dans lequel la banque met des billets(ou alimente un compte vue dun montant donn). La seule diffrence est quau lieu dmettre cesbillets en contrepartie dune traite, cest--dire dune promesse de paiement dun tiers gag sur desstocks, la banque les met en contrepartie dun engagement de remettre le mme montant de billets une date dtermine, cest--dire dun crdit.

    Banque Particuliers

    Actif Passif Actif Passif

    crdit 100 100 billet billet 100 100 crdit

    Il a t suppos dans les exemples prcdents que la banque mettait des billets comme moyen mis la disposition de son dtenteur pour obtenir auprs delle de lor (ou de la monnaie dune banque dunniveau suprieur dans le cas de la monnaie mise sur la base dune traite ou dun crdit, danslhypothse dabsence totale de monnaie marchandise).

    Leur sens et leur porte ne sont pas affects si, la place des billets, on suppose que la banqueabonde un dpt vue dun montant quivalent la valeur du billet et offre au dtenteur de ce dpt unmoyen matriel (chque) ou immatriel (carte magntique) de le dbiter.

    Il faut noter ds prsent une importante diffrence apparente entre le premier modle et les deuxautres.

    Dans le premier modle cration de la monnaie bancaire partir de lor la Banque de Francetrouve en elle-mme les limites la distribution de crdit qui sont fixes par la quantit dor quelledtient et le coefficient de transformation (x).

    Dans les deux autres modles traite et crdit elle ne trouve pas ces limites en elle-mmepuisquelle ne subit pas la contrainte dencaisse-or. Ces limites lui sont imposes par des mcanismesstructurels qui dcoulent de lensemble du systme montaire, et notamment de la Banque centrale,mais pas seulement de la Banque centrale.

    Dans un tel systme, les banques sont contraintes dans leur mission de monnaie par le niveau deleur rserve auprs de la Banque centrale (RES1) ou leur dette (RF2), la monnaie de celle-ci (B) jouant maints gards le rle que jouait lor dans le premier modle.

    Modle de la cration de monnaie partir du crdit avec une Banque centrale

    BC B 1 B 2 Particuliers

    Actif Passif Actif Passif Actif Passif Actif Passif

    RF2 B C1 D1 C2 D2 B C1RES1 RES1 RF2 D1 C2

    D2

    B : billets mis par la Banque centraleD1 : dpts auprs de la banque 1 B1D2 : dpts auprs de la banque 2 B2C1 : crdits accords par la banque 1C2 : crdits accords par la banque 2RES1 : rserves de la banque 1 auprs de la Banque centrale BCRF2 : refinancement de la banque 2 auprs de la Banque centrale BC

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    2. La monnaie en France et dans la zone euro

    Les diffrentes formes de la monnaie peuvent tre regroupes en France selon deux grands cercles.

    Le premier cercle comprend les instruments habituels dchange : les pices mtalliques, les billets etles dpts bancaires. Cest le cercle des actifs montaires ou moyens de paiement.

    Le second cercle regroupe lensemble des placements vue qui peuvent tre aisment transforms des cots faibles en instruments dchange : les comptes sur livrets ordinaires, les comptes sur livretsprivilgis, les placements contractuels, les placements non contractuels, les actifs liquides etngociables. Cest le cercle des actifs liquides ou moyens dpargne.

    2.1 Les actifs montaires ou moyens de paiement

    Les moyens de paiement se prsentent sous deux formes matrielles diffrentes : la monnaiemanuelle qui elle-mme se divise en pices mtalliques et en billets de banque, et la monnaiescripturale.

    2.1.1 La monnaie manuelle

    lchelle de lhistoire longue, la forme dominante de la monnaie est le mtal prcieux sous lesespces de lor et de largent. Par tapes successives, la monnaie mtallique a t progressivementexpulse de la sphre des changes.

    Le bimtallisme a t abandonn en France en 1876 au profit dun monomtallisme or formant lesystme de ltalon espce-or (gold specie standard). Dans ce systme, les pices dor et non lesseuls billets convertibles en or circulaient effectivement. Ce rgime de circulation montaire dura jusquen 1914. La frappe des pices dor tait libre, leur pouvoir libratoire tait illimit. ct de lorcirculaient aussi des billets de banque convertibles sans restriction en pices dor.

    La guerre mit un terme ce systme. Ltalon-or fut suspendu en 1914 et la monnaie mtallique encirculation fut divise par neuf pendant la Premire Guerre mondiale.

    Aprs la guerre, deux tentatives furent engages en France pour restaurer le rle de lor commepivot de la circulation montaire et enclencher une dynamique de retour au systme de ltalon-or. En1926 fut instaur le systme dtalon de change-or (gold exchange standard) qui permettait toutporteur de billets de les convertir, soit en or, soit en devises (dollar et livre sterling) convertibles en or,auprs des banques centrales qui les mettaient. En 1928, ce systme laissa la place au systme plusrestrictif dtalon lingot-or (gold bullion standard) dans lequel les francs ntaient convertibles quenlingots (de 12 kilos).

    Les pressions montaires exerces par la crise de 1929 provoqurent leffondrement brutal dusystme dtalon-or, abandonn par lAllemagne et lAngleterre en 1931, les USA en 1933 et la Franceen 1936 (en ralit une suspension qui savra dfinitive).

    Les accords de Bretton Woods conclus en 1944 restaurrent partiellement et de faon trs ambigule rle de lor dans les paiements internationaux. Mais, avec la dcision amricaine daot 1971 desuspendre la convertibilit en or du dollar, la vieille relique , selon lexpression de Keynes, perdittoute fonction relle dans le systme des changes.

    Ds lors, ne subsistent plus aujourdhui dans les systmes montaires internationaux, en tant quemonnaie manuelle, que les billets et les pices mtalliques, la monnaie fiduciaire.

    2.1.1.1 Les billets

    Depuis que les billets ne sont plus convertibles en or (1er octobre 1936) ni nexigent une couvertureminimale en or, plus aucune contrainte directe ne sexerce sur leur mission par la banque centrale(Banque de France jusquen 2002, Banque centrale europenne ensuite).

    On explique en gnral la substitution progressive des billets lor et largent par les avantagesrelatifs de commodit et de scurit des billets : cots de transport rduits et difficults de contrefaons

    plus grandes.

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    Les mmes raisons sont avances pour rendre compte du recul tendanciel de lusage du billet parrapport au dpt vue qui a fait passer la part des billets dans lensemble des moyens de paiement de54,3 % en 1939 13 % en 1999.

    La progression de lusage du dpt vue par rapport aux autres moyens de paiement (agrgatmontaire M1) sest poursuivie au cours de la priode rcente, mais un rythme ralenti puisque entre1988 et 1998 la part des dpts dans M1 a augment de 2 points seulement, de 84,6 % 86,7 %.

    A-t-on ainsi atteint une rpartition des moyens de paiement dquilibre de long terme ?Il est difficile de rpondre une telle question tant les expriences des autres pays dvelopps sont

    diverses (tableau Part des billets et monnaies dans lagrgat montaire M1 ). La France est un despays o lusage du dpt vue est le plus rpandu. LAllemagne (26,3 %), lEspagne (23,6 %), lestats-Unis (39,5 %) sont rests beaucoup plus fidles aux billets et la monnaie mtallique. Et pour cedernier pays, on observe au cours de la dernire dcennie une croissance de la part des billets et de lamonnaie dans lensemble des moyens de paiement.

    Part des billets et monnaies dans lagrgat montaire M1

    1988 1997

    Europe (UEM)Allemagne.. 33,4 26,3Autriche.. - 32,3Belgique.. 34,8 26,5Danemark - NDEspagne.. - 23,6Finlande.. - 6,7France *.. 15,4 13,5Grce.. - 45,3Irlande. - 30,3Italie 14,3 16,1Luxembourg - 15,9Pays-Bas. 31,3 18,5

    Portugal... - 14,3Royaume-Uni (1) 14,1 4,6Sude (2)... 13,9 10,0

    Hors Europe (UEM)Canada 44,6 36,0tats-Unis.. 27,2 39,5Japon... 31,5 28,7Suisse.. 32,1 15,6

    (1) Part des billets et monnaies dans l'agrgat montaire M2 partir de 1989.(2) Part des billets et monnaies dans l'agrgat montaire M3.

    * Anne 1998 : 13,3 %.

    Source : Banque de France Les moyens de paiement et les systmes dchange et de rglement 1998.

    Dire que la banque centrale peut mettre sans contraintes immdiates des billets, ce nest pasaffirmer quelle peut en mettre sans limites, ce que suggre souvent lutilisation de la mtaphore de la planche billets . En effet, la banque centrale ne distribue pas gratuitement ses billets ses portes 1

    ni ne les rpartit alatoirement partir dun avion sur lensemble du territoire, elle les met en rponse une demande spcifique des agents non financiers qui transite par les banques. Et lorsque la Banquede France couvre par une mission supplmentaire de monnaie le dficit du Trsor (lorsquelle pouvaitle faire directement, ce qui lui est dsormais interdit depuis 1993), elle ne le fait pas en mettant ladisposition du Trsor une masse correspondante de billets de banque, mais elle procde l octroi dun

    1

    Cette ventualit a toutefois t srieusement prsente au dbut des annes quatre-vingt-dix au ministre desFinances par M. Jeanneney, ancien ministre, ancien prsident de lOFCE, professeur dconomie, pour luttercontre la rcession qui frappait alors lEurope.

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    crdit qui alimente le compte du Trsor la Banque de France, selon un mcanisme qui seraultrieurement analys dans le dtail.

    2.1.1.2 Les pices mtalliques

    En apparence, les pices mtalliques constituent la forme de monnaie la plus proche de la monnaiemtallique ancienne. En ralit, aucune comparaison nest possible car la valeur intrinsque des picesactuelles (la valeur du mtal quelles renferment) est sans rapport avec leur valeur faciale. Et cest cause de cet cart entre leur valeur relle et leur valeur faciale que les pices mtalliques sont inclusesdans lensemble de la monnaie fiduciaire.

    Les pices sont mises par ltat et non par la Banque de France. Ladministration des Monnaies etMdailles les fabrique et le Trsor public les cde la Banque de France leur valeur faciale pourquelle les injecte dans le circuit conomique.

    Ltat bnficie ainsi de lavantage pcuniaire que constitue la diffrence entre la valeur faciale et lavaleur relle de la crance des pices mtalliques en circulation, le seigneuriage 1.

    Les monnaies mtalliques sont, comme les billets, dotes du pouvoir libratoire mais celui-ci est, cause des abus possibles, institutionnellement limit par la rgle qui permet un crancier de refuser

    dtre pay en pices au-del dun plafond gal 100 fois la valeur faciale des pices.La part des pices mtalliques dans les moyens de paiement est aujourdhui trs faible (0,83 % en1999).

    2.1.2 Les dpts vue

    La monnaie scripturale est aujourdhui la forme prpondrante de la monnaie. Le transfert de fondsdun compte un autre sopre au moyen dinstruments qui nont cess de se diversifier, de sedmatrialiser et de sautomatiser.

    Le principal instrument, et le plus ancien, est le chque. Cest un ordre crit donn sa banque parle dbiteur de transfrer une certaine somme sur le compte du crancier, ou de lui payer en espces. Lechque bnficie de garanties lgales, il est sr, et, en France, gratuit, ce qui lui donne des avantagesqui expliquent limportance de son utilisation. Il est coteux pour les banques.

    Le virement sur ordre, ou automatique, est un ordre de versement nutilisant pas la formule duchque, soit unique soit chances fixes.

    Les cartes bancaires permettent de donner des ordres de virement lectroniquement sans supportpapier. Elles ont t longtemps considres comme plus sres pour les utilisateurs que les chques.Elles sont trs conomiques pour les banques. En France, les rseaux ont t interconnects.

    Les avis de prlvement 2 sont mis par le crancier et pays par la banque automatiquement aprsautorisation gnrale du dbiteur. Ils sont utiliss par les entreprises et les administrations pour lepaiement des dettes rgulires telles que les abonnements et les obligations fiscales.

    Les titres interbancaires de paiement (TIP) sont des propositions de prlvement mises par lescranciers.

    Lusage de chques reste en France prpondrant dans lensemble des principaux instruments de

    paiement attachs aux dpts vue (45,3 % en nombre de transactions et 40,5 % en montant total).En terme de nombre de transactions, le reste est partag entre les paiements par carte (20,3 %), les

    virements (18,3 %) et les autorisations de paiement (13,2 %). En terme de montant des transactions, lechque est directement concurrenc par les virements (39,0 %).

    1Dans le pass, le seigneuriage consistait en la diffrence entre la valeur faciale (la frappe) et la valeur relle (le

    poids ou la teneur) de la masse montaire en circulation souvent provoque par la tentation de rogner les pices laquelle succombait souvent ltat, voire, une plus large chelle, par la rforme montaire qui consistait modifier arbitrairement par dcision du Roi la valeur de lunit de compte en or. Les monnaies plus rognes que les autres taient davantage utilises comme moyen dchange que comme rserve de valeur (thsaurisation),les particuliers cherchant videmment sen dbarrasser le plus rapidement possible cause de la moins value

    potentielle quelles recelaient. Ce mcanisme qui fait que la mauvaise monnaie chasse la bonne (sous-entendudu circuit des changes) est la loi de Gresham.2Ils ont t crs en 1956 par EDF.

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    Rpartition des principaux instruments de paiement

    (en millions de transactions et en %)

    Ensemble des instruments

    Papier Automatiss Total %

    Chques. 4 337 489 4 826 45,3

    Virements 11 1 943 1 943 18,3

    Effets - 138 138 1,3

    A.P - 1 410 1 410 13,2

    TIP - 168 168 1,6

    Paiements par cartes - 2 165 2 165 20,3

    Total. 4 348 6 302 10 650 100,0Retraits aux DAB et GAB - 1 206 1 206

    Ensemble des changes 4 348 7 508 11 856

    Pour mmoire :

    Retraits guichets.218 - 218 -

    (en milliards de FF et en %)

    Ensemble des instruments

    Papier Automatiss Total %

    Chques.. 14 500 575 15 075 40,5

    Virements 1 763 12 754 14 517 39,0

    Effets - 3 208 3 208 8,6

    A.P. (1) - 3 473 3 473 9,3

    TIP - 289 289 0,8

    Paiements par cartes - 657 657 1,8

    Total. 16 263 20 956 37 219 100,0

    Retraits aux DAB et GAB. - 478 478Ensemble des changes.. 16 263 21 434 37 697

    Pour mmoire :Retraits guichets. 485 - 485

    (1) Par simplification, le montant global des tlpaiements (8 739 MF) est inclus dans larubrique AP pour le tableau de synthse.

    Source : Banque de France Les moyens de paiement et les systmes dchange et de rglement 1998.

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    La place des principaux instruments de paiement scripturaux dans lensemble des paiementsstructuraux est trs diffrente selon les pays. Cest aux tats-Unis que le chque est relativement leplus rpandu, cest en Allemagne que le virement et le prlvement ont le plus de faveur, et cest enGrande-Bretagne que la carte rivalise le plus avec le chque.

    Place des principaux instruments de paiement scripturaux

    Pourcentage du nombre doprations fin 1997

    USA France Grande-Bretagne

    Italie Allemagne

    Chques 77 46 31 28 6

    Virements 3 18 20 42 48

    Cartes 20 22 31 11 4

    Prlvements 1 13 19 9 42

    Source : Banque de France Les moyens de paiement et les systmes dchange et de rglement 1998.

    2.2 Les actifs liquides ou moyens dpargne

    Les actifs liquides sont des actifs financiers transformables facilement en moyens de paiement maisnon directement utilisables dans les paiements, rmunrs mais peu risqus.

    Il faut distinguer les actifs non ngociables et les actifs ngociables.

    2.2.1 Les actifs non ngociables

    Les actifs non ngociables sont constitus de lensemble des placements vue auprs des inter-mdiaires financiers, cest--dire des crances mises par les tablissements de crdit et le Trsorremboursables leur guichet leur valeur faciale. Il sagit des comptes sur livret ordinaires, descomptes sur livret privilgis et des placements court terme contractuel.

    2.2.1.1 Les comptes sur livret ordinaires

    Les comptes sur livret ordinaires sont des placements vue, non plafonns, ne pouvant tre utilissdirectement comme moyens de paiement, rmunrs un taux faible (2 % en 1999) fix par lesorganisations bancaires et dont les intrts sont soumis limpt. Ils sont de deux sortes selonlmetteur : les livrets ordinaires des banques et les livrets B des Caisses dpargne.

    2.2.1.2 Les comptes sur livret privilgis

    Les comptes sur livrets privilgis sont des placements vue rmunrs un taux rglement etdont les intrts sont exonrs dimpt. Leurs rgles de fonctionnement sont diverses et dpendent desobjectifs qui leur sont assigns.

    Les livrets A des Caisses dpargne et les livrets bleus du Crdit mutuel ne donnent droit quaupaiement dun intrt non soumis limpt. Le taux dintrt est en gnral faible (2,25 % en 1999)et il doit dsormais tre compris entre un taux plancher gal au taux dinflation augment dun point,et un taux plafond gal la moyenne des taux courants du march diminue dun demi point. Lesdpts sont plafonns (100.000 F en 1999).

    Les comptes dpargne logement (CEL) peuvent tre ouverts auprs des banques et des Caisses

    dpargne. Ils donnent droit, dans certaines conditions, lobtention dun prt faible taux dintrt(3 % en 1999) et plafonn (150.000 F). Leur rmunration est faible (1,5 %) et peut tre augmentedune prime (1 %) dans le cas o un prt est effectivement demand.

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    Les comptes pour le dveloppement industriel (CODEVI) ont t crs en 1983 afin de donner auxbanques un instrument comparable aux livrets A et bleus. Ils ont les mmes caractristiques dermunration que ceux-ci, mais le plafond des dpts est infrieur (30.000 F par contribuable).

    Les livrets dpargne populaire (LEP) ont t crs en 1982 afin de protger lpargne populaire delinflation. Seuls les contribuables payant un faible montant dimpt (infrieur 4.200 F) peuvent

    accder ce produit dpargne, rmunr un taux suprieur au livret A (4 % en 1999) et plafonn(deux livrets par foyer fiscal plafonn chacun 50.000 F).

    Les livrets jeunessont destins aux jeunes gs de 12 25 ans, leur rmunration est gale celledes LEP (4 % en 1999) et ils sont aussi plafonns (10.000 F en 1999).

    2.2.1.3 Les placements court terme contractuels

    Les conditions des placements court terme contractuels sont dfinies par des contrats, sinontoutes au moins certaines dentre elles telles que les versements priodiques, la dure, lchance ou,dans certains cas, les conditions doctroi dun prt. Dautres conditions, plus gnrales, sont dfinies parla puissance publique et sappliquent lensemble des contrats dune mme espce.

    Les plans dpargne logement (PEL)1 peuvent tre ouverts dans les banques et les caisses

    dpargne. Ils sont plafonns (400.000 F) et rmunrs (3,6 % brut et 3,25 % net de CSG) parlorganisme bancaire, un taux rglement, et par ltat (2/7) qui verse une prime plafonne(10.000 F) condition que le plan ne soit pas ferm avant une certaine dure (quatre ans). La duredu plan ne peut excder dix ans. Au terme de la dure minimale le plan ouvre droit loctroi dunprt un taux fix louverture du plan, normalement intressant par rapport au taux du march(4,31 % en 1999) dun montant plafonn (600.000 F).

    Les plans dpargne populaire (PEP) sont des contrats collectifs dassurance sur la vie. Ils ont prisla suite des plans dpargne retraite crs en 1987 qui, insuffisamment attrayants, navaient pasobtenu le succs escompt. Grs par lorganisme collecteur, ils permettent la constitution dunportefeuille de valeurs mobilires (cotes) et immobilires, y compris sous forme de parts deSICAV, bnficiant davantages fiscaux si la dure de placement est suprieure une certainedure (8 ans).

    Les plans dpargne en actions (PEA) ont t crs en 1992 afin dattirer lpargne populaire versles marchs financiers. Ils sont plafonnes (600.000 F par contribuable) et bnficient davantagesfiscaux si la dure de placement est suprieure une certaine dure (5 ans).

    Les dpts terme et bons de caisse, dune dure de 1 3 mois essentiellement, sont des dptsbloqus librement rmunrs, qui peuvent nanmoins faire lobjet de retraits avant termemoyennant une rduction du taux dintrt selon un barme fix lavance. Ils permettaient auxmnages fortuns, avant la drglementation financire, davoir accs au march montaire.

    2.2.2 Les actifs liquide ngociables

    Les actifs liquides ngociables ont pris leur essor, pour des raisons qui seront examinesultrieurement, au dbut des annes quatre-vingt. La Banque de France distingue trois catgoriesdactifs liquides ngociables : les titres des organismes de placement collectif en valeur mobilire

    (OPCVM), les titres de crances ngociables (TCN) et les avoirs en devises trangres.

    2.2.2.1 Les OPCVM

    Les OPCVM sont des organismes qui grent des portefeuilles dactifs financiers pour le comptedpargnants. Ils peuvent prendre la forme juridique dune socit anonyme (Socit dinvestissement capital variable, SICAV) ou dune simple coproprit de valeurs mobilires sans personnalit morale(fonds communs de placement, FCP). Les fonds dposs sous forme dapports liquides par lesdposants constituent leur passif et sont diviss en parts mises selon le mme principe que les partsdu capital social dune socit par actions, mais continment et la demande. Les fonds sont investisdans lachat de titres financiers qui constituent lactif de lOPCVM.

    Ces formes de placement prsentent de grands avantages pour les investisseurs, surtout pour lespetits pargnants. Grs par des spcialistes, ils rduisent le manque dinformation ou lasymtrie

    1Voir annexe au contrat de plan dpargne logement et art. 315.316 du Code de la construction et de lhabitation.

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    dinformation des investisseurs qui ne peuvent tre en permanence sur les marchs financiers. Ilsforment un march de la gestion dactifs financiers sur lequel peuvent tre compares continment lesperformances des gestionnaires et qui leur impose dafficher les rsultats les meilleurs possibles, ce quitend accrotre la rentabilit moyenne des placements. Ils permettent de rduire les cots detransaction et de diversifier les portefeuilles indpendamment de leur taille. Enfin, ils assurent une

    grande liquidit aux actifs ainsi dtenus (les parts dOPCVM) qui peuvent tre rembourss lademande leur valeur liquidative, cest--dire un prix gal la valeur par part dOPCVM de lactif totalde la SICAV au moment de la cession de la part.

    La valeur des parts volue donc comme la valeur des actifs. Et donc, les part dOPCVM, qui peuventenregistrer comme les actifs financiers des pertes ou des gains en capital, sont des actifs risqus.

    Les OPCVM sont des intermdiaires financiers. Ils sont placs sous la surveillance de laCommission des oprations de Bourse (COB).

    Depuis 1994, les OPCVM sont classs selon cinq catgories principales 1, fonction de la compositionde leur actif : les OPCVM montaires qui doivent faire rfrence un ou plusieurs indicateurs des marchs

    montaires franais ou trangers ;

    les OPCVM obligations et autres titres de crances qui sont en permanence investis ou exposs

    sur les marchs de produits de taux ou produits drivs de taux franais ou internationaux ; les OPCVM actions qui sont en permanence investis et exposs hauteur de 60 % au moins sur

    le march dactions franaises ou internationales ;

    les OPCVM garantis qui sont assortis dune garantie sur la totalit ou une partie du capital investi ; les OPCVM diversifis qui rassemblent toutes les autres formes dOPCVM.Les gestionnaires sont tenus de respecter la catgorie dans le cadre de laquelle ils ont choisi de

    grer leur OPCVM, sous le contrle de la COB.

    Ce classement permet aux investisseurs dapprcier par grandes catgories le type de risques quilsencourent en plaant leur pargne dans les parts dOPCVM.

    Les dispositions fiscales applicables aux OPCVM, trs avantageuses lorigine (seuil dimpositiondes plus-values de cession de titres de 100.000 F), ont t modifies plusieurs reprises depuis 1994

    dans un sens restrictif.2.2.2.2 Les titres de crances ngociables (TCN)

    Aprs la guerre (si lon ne cherche pas remonter au-del), les agents non financiers navaient pasaccs directement au march montaire, o se forme le taux de largent au jour le jour, et lventail deleurs possibilits de placements tait discontinu. Ils pouvaient investir en actions et en obligations dunedure suprieure 7 ans, en bons du Trsor dune dure infrieure 7 ans et en dpts rglements,dont les taux taient trs infrieurs au taux du march montaire. Juridiquement, la seule voie qui leurtait laisse daccs au march montaire tait la souscription de bons de caisse et louverture decomptes terme auprs des banques, pour des dures relativement courtes, et condition quelinvestissement soit dun montant suprieur un plafond lev.

    Au dbut des annes quatre-vingt, les pouvoirs publics ont complt cette gamme de produits en

    donnant le droit tous les agents conomiques, financiers et non financiers, dmettre et de souscriredes produits financiers court et moyen terme dune dure de quelques jours 7 ans. Ne pouvantprendre la forme de dpts et devant tre cessibles pour des raisons de liquidit qui seront examinesdun point de vue gnral dans la partie sur le march financier, ces actifs ne pouvaient tre que destitres changeables sur un march.

    Cette importante rforme avait deux objectifs contingents : faciliter le financement de dficits publicscroissants en mettant des titres plus attrayants et exercer une pression sur les taux dintrt dbiteurs(des crdits) des banques en encourageant la finance directe, de prteur emprunteur, sansintermdiaires. Elle avait aussi une vise plus structurelle, celle de la libralisation de la finance.

    Bien que trs semblables quant leur dure, leur montant minimum et leur taux dintrt, les TCNsont distingus selon leur metteur par des appellations spcifiques.

    1Banque de France-DESM, La monnaie et les systme de paiement en 1995.

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    Les certificats de dpts ngociables (CDN)

    Ils ont t crs en mars 1985. Ce sont des titres court terme mis par les tablissements bancaires.

    Les billets de Trsorerie (BT)

    Ils ont t crs en dcembre 1985. Ce sont, comme les certificats de dpts, des titres courtterme, mais ils sont mis par les entreprises industrielles et commerciales.

    Les bons des institutions et socits financires

    Ils ne pouvaient tre mis lorigine que par les institutions financires spcialises (BIFS) pour unedure initiale de 2 ans. Leur champ a t largi aux socits financires (1986) et aux maisons de titres(1987) et leur dure ramene 10 jours (1987).

    Cette catgorie de titres a t supprime au dbut de 1999, le march tant trop troit, alors queparalllement les metteurs de BISF ont t autoriss mettre des CD.

    Les bons moyen terme ngociables

    lorigine, la dure de ces TCN tait au plus de 7 ans. En 1992 ont t lancs les bons moyen

    terme ngociables (BMTN) et la dure maximale des TCN a t progressivement rduite 1 an. Enmme temps, les limites maximum et minimum des BMTN et des obligations ont t supprimes.

    Par ailleurs, la fin de 1998, pour se conformer aux pratiques trangres et aux directiveseuropennes (Directive sur les services dinvestissement du 10 mai 1993), la dure minimale des titrescourts a t ramene de 10 jours 1 jour, les conditions de rmunration des titres ont t totalementlibralises, le march des certificats de dpts a t ouvert aux tablissements de crdit non rsidentset le march des billets de trsorerie aux entreprises dinvestissement, enfin lensemble des prestatairesde services dinvestissement europens ont t autoriss placer et ngocier les TCN.

    Le montant minimal des titres est de un million de francs (en contre-valeur en euros ou en devisestrangres). Ils sont dmatrialiss, la notation est facultative, le rachat par lmetteur et leremboursement anticip sont libres, il revient la Banque de France de surveiller le march et enfin ilssont assujettis aux rserves obligatoires sils ne sont pas dtenus par des tablissements de crdit eux-mmes soumis aux rserves obligatoires au sein du SEBC.

    2.2.2.3 Les bons du Trsor ngociables

    Dune dure de 4 semaines 5 ans, mis sur le march par adjudication dun montant minimal dunmillion de francs, pouvant tre souscrits par les banques (depuis 1945 sous forme de bons du Trsor encomptes courants) et par les entreprises non bancaires (depuis 1986), les bons du Trsor ngociablessont des titres publics prsentant les mmes caractristiques que les TCN stricto sensu.

    Il faut signaler que la Banque de France inclut aussi dans les actifs liquides les dpts et titres decrance ngociables en devises trangres, bien quils exposent leur dtenteur, outre le risque de taux,au risque de change.

    Le march des TCN nest pas un march rglement au sens de la directive europenne sur lesservices dinvestissement (DSI) a estim le lgislateur dans la loi de modernisation des activitsfinancires la transposant : il ny a pas dentreprise de march en charge de son fonctionnement et deltablissement des rgles qui le rgissent (accs au march, admission la cotation, organisation destransactions, suspension des ngociations, enregistrement et publicit) ni obligation dintermdiation.

    Les TCN ne sont pas des valeurs mobilires car ils sont mis au gr de lmetteur, librement,bilatralement et souvent en continu, et ils ne sont pas fongibles, chacun reprsentant un droit decrance pour une dure dtermine. Les missions sont le plus souvent dclenches par linvestisseurqui en dfinit avec les metteurs les caractristiques.

    Les TCN ne font pas lobjet dune cotation. Nanmoins, la Banque de France publie quotidiennementdes relevs de prix. Ils sont ligibles lensemble des oprations de politique montaire du SEBC. Lemarch secondaire est faiblement dvelopp.

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    2.2.2.4 Lvolution du march des TCN

    Globalement, le march des TCN sest continment dvelopp depuis sa cration jusquen 1992, un rythme cependant trs modr, puis il sest ensuite repli sous leffet de la baisse des taux courtterme et de lamlioration de la situation financire des entreprises.

    Les modifications rglementaires intervenues en 1999 ont relanc les CDN et les BT, notamment

    celle qui a rduit la dure minimale des titres, une part importante des missions consistant en titresdune dure de moins de 10 jours.

    la fin de 1998, les encours de CDN, BISF, BT et BMTN slevaient respectivement 98,7 milliards,61 milliards, 37,3 milliards et 63,9 milliards deuros.

    Les metteurs de billets de trsorerie sont peu nombreux (une centaine), dune grande taille et dotsdun grand crdit financier. Les dix premiers metteurs reprsentent 40 % de lencours total. Le marchfranais est le premier des marchs europens qui lui sont comparables (euro commercial papers etmedium term notes).

    Encours des marchs domestiques europensde papier commercial

    (en milliards deuros)

    PAYS 30/06/1999FranceSudeRoyaume-UniIrlandeEspagneAllemagneBelgiquePortugalFinlandeNorvgePays-Bas

    45,918,318,1

    7,36,96,35,93,23,12,01,3

    Source : Banque des rglements internationaux

    Le march des certificats de dpts est aussi trs concentr, les dix plus importants tablissementsde crdit reprsentent 39 % du total de lencours.

    La rpartition des souscripteurs est stables et trs concentre autour des tablissements financiers lmission et des tablissements financiers et des SICAV au final.

    Dtenteurs de billets de trsorerieMoyenne annuelle des encours en fin de mois

    (en %)

    METTEURS 1998

    tablissements de crditOPCVMAssurancesSocits, entreprises individuelles,Mnages, associationsAdministrationsNon-rsidents

    TOTAL

    6328

    3

    600

    100

    Source : Banque de France

    Les CDN et le BT sont en fait des titres de trs court terme concentrs jusquen 1999 sur le segmentde 20 40 jours. Sur le march des BMTN, les missions ont une dure en gnral infrieure 5 ans.

    Les TCN court terme sont en gnral rmunrs des taux faiblement infrieurs au tauxinterbancaire. Depuis le 1er janvier 1999, lmission de titres taux variables est autorise.

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    Nombre de comptes et rpartition en pourcentage fin 1997

    (en millions)

    Banquescommerciales

    Caissesdpargne

    Banquescoopratives

    La Poste Ensemble destablissements

    Nombre % nombre % nombre % nombre % nombre %

    Europe (UEM)

    Allemagne.. 20,5 25,4 37,9 46,9 22,4 27,7 - - 80,8 100,0

    Autriche 5,8 - - - - ND ND NDBelgique... (1) 11,2 89,6 - - - - 1,3 10,4 12,5 100,0

    Danemark. ND ND ND ND ND

    Espagne 27,6 39,3 37,7 53,6 5,0 7,1 - - 70,3 100,0

    Finlande 7,9 66,4 0,6 5,0 3,4 28,6 - - 11,9 100,0

    France... 19,0 30,5 9,3 14,9 24,2 38,9 9,8 15,7 62,3 100,0

    Grce 1,3 - - 3,9 ND ND

    Irlande.. 5,5 87,3 0,8 12,7 - - - - 6,3 100,0

    Italie. 22,2 80,7 - - 4,8 17,5 0,5 1,8 27,5 100,0

    Luxembourg. 1,5 - - ND 0,1 ND

    Pays-Bas.. ND ND ND ND ND

    Portugal 18,5 93,0 1,3 6,5 - - 0,1 0,5 19,9 100,0

    Royaume-Uni.. 107,5 74,8 16,0 11,1 20,2 14,1 - - 143,7 100,0

    Sude ND ND ND ND ND

    Hors Europe (UEM)

    Canada... 100,8 - 1,8 - 20,7 - - - 123,3 100,0

    tats-Unis.. 763,1 - 46,7 - 36,7 - - - 846,5 100,0

    Japon. 1 172,2 - - - 348,4 - 211,7 - 1 732,3 100,0

    Suisse. 46,1 - - - - - 12,0 - 58,1 100,0

    (1) Ensemble des tablissements de crdit.

    (2) Montant des comptes en milliards de USD et % du montant total.

    Source : Banque de France Les moyens de paiement et les systmes dchange et de rglement 1998.

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    2.3 Les agrgats montaires

    Les autorits montaires, pour dfinir et mettre en uvre la politique montaire, ont besoin de suivrecontinment lvolution de la masse montaire, mme si linfluence de cette volution sur la situationconomique peut tre ni directe ni constante.

    Les agrgats de monnaie sont des indicateurs statistiques 1 de la capacit de dpense des agentsnon financiers rsidents (socits, mnages, administrations publiques hors tat, assurances, caissesde retraite et administrations prives). Ils regroupent tous les moyens de paiement de ces agentsauxquels sajoutent les placements financiers qui peuvent tre convertis en moyens de paiementrapidement, facilement et avec un risque de perte en capital faible.

    La difficult constante laquelle se heurte la dfinition des agrgats montaires est la fortesubstituabilit des actifs montaires entre eux, en sorte que les frontires entre les agrgats prsententtoujours un degr lev darbitraire. Comme les innovations financires ont tendu constituer uncontinuum entre tous les actifs montaires et financiers afin de prsenter aux pargnants et auxinvestisseurs une gamme complte dinstruments de placement, elles ont du mme coup accru lafragilit des partitions au sein de ces actifs.

    La dfinition des agrgats montaires franais a t modifie de nombreuses reprises (1986, 1991,

    1996 pour la priode rcente). Avec la mise en circulation de leuro, une harmonisation est intervenueau niveau europen. Le tableau ci-aprs tablit une correspondance entre les agrgats montaires telsquils taient en vigueur en France jusquen dcembre 1998 et les agrgats montaires europensappliqus au cas franais.

    Les agrgats montaires sembotent, ils sont construits par intgration successive de produits, duplus troit au plus large.

    Jusquen dcembre 1998, le systme de statistiques montaires franais comptait quatre agrgatsmontaires (de M1 m4) et trois agrgats de placements (de P1 P3), de liquidit dcroissante dont ontrouvera dans le tableau Les agrgats montaires franais avant leuro la dernire valuationdisponible (1998) avant lintgration de leuro.

    Les nouveaux agrgats montaires dfinis par la BCE pour lensemble de la zone euro et pour laFrance figurent dans le tableau Les agrgats montaires de la zone euro .

    Le secteur des metteurs de monnaie regroupe lensemble des institutions financires montairesrsidentes (IFM) de la zone euro dont les exigibilits vis--vis des agents non financiers prsententun certain degr de liquidit, un caractre montaire marqu. Pour la France, il sagit de la Banquede France, des tablissements de crdit au sens de la loi bancaire, de la Caisse des dpts etconsignations, des OPCVM montaires du Trsor public et de La Poste, en tant que collecteur dedpts (comptes chques postaux, comptes courants auprs des Caisses nationales dpargne etComptes du Trsor).

    Le secteur des dtenteurs de monnaie correspond lensemble des agents non financiers (non-institutions financires montaires, non-IFM) rsidentes de la zone euro, cest--dire les mnages,les socits non financires, ltat central (hors les administrations incluses dans les IFM commeles CCP, les Caisses dpargne). Les collectivits locales, les administrations de scurit sociale etles institutions financires non montaires (en France, par exemple, la Caisse nationale des

    autoroutes, la Caisse des tlcommunications ou le Fonds commun de crances). Les trois agrgats europens sont ainsi dfinis :

    M1 regroupe les billets, les pices et les dpts vue. Le nouvel agrgat M1 correspond lancien agrgat M1, mais partir de 2002 il sera difficile dvaluer prcisment la part deurosous forme de pices et de billets circulant dans chaque tat membre de la zone euro ;

    M2 regroupe M1, les dpts terme infrieur deux ans et les dpts avec pravis infrieur ougal trois mois. Les dpts avec pravis infrieur ou gal trois mois, correspondent en France lancien

    agrgat M2-M1, cest--dire :- les livrets A et bleu ;- les CODEVI ;

    1Banque de France-DESM, La monnaie en 1998.

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    - les comptes dpargne logement ;- les livrets dpargne populaire ;- les livrets jeune ;- les livrets soumis limpt.

    Les dpts terme dune dure terme infrieure ou gale deux ans correspondent auxdpts terme (antrieurement comptabiliss dans M3-M2). Ces actifs sont ceux qui sont dtenus par les rsidents quils soient libells en euros ou en

    devises.

    M3 regroupe M2 augment des encours nets (diffrence entre les encours mis et les encoursdtenus) de titres dune dure infrieure ou gale deux ans. En France, il sagit : des titres dOPCVM montaires ; des titres de crances dune dure initiale infrieure ou gale deux ans, essentiellement

    les obligations et les BMTN dune dure initiale infrieure ou gale deux ans ; des instruments du march montaire, cest--dire des titres dune dure infrieure ou gale

    un an ngociables sur le march montaire, soit, pour la France, les certificats de dptset les bons des institutions et socits financires ;

    les pensions, cest--dire des espces perues en contrepartie de titres vendus aux IFM un prix donn avec engagement de rachat un prix et une date donns.

    Les agrgats montaires sont utiliss par les autorits montaires pour suivre lvolution de la massemontaire et, travers elle, la dpense future et les prix. Mais ce sont des indices trs approximatifs delvolution des ressources disponibles des mnages cause de leur forte substituabilit avec les actifsnon montaires.

    Certaines autorits montaires les compltent par des indicateurs de crdit qui se situent en amontdes arbitrages de placement. En France, la Banque de France calcule lendettement intrieur total (EIT)qui regroupe lendettement des agents rsidents non financiers et de ltat, en crdit auprs destablissements de crdit rsidents et ltranger, et en titres sur les marchs montaire et obligataireinternes et externes.

    Il permet de suivre lvolution des ressources demprunt total des agents non financiers rsidentssusceptibles, en alimentant la demande interne lexcs, dtre la source de tensions inflationnistes.

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    Les agrgats montaires franais avant leuro

    Agrgat de monnaie (en dcembre 1998) Milliards de F Milliards d

    Billets et pices 264,9 40,4Dpts vue 1 727,8 263,4

    Agrgat M1 1 992,7 303,8

    M2 M1 1 787,9 272,6

    Livrets A 706,8 107,8

    Livrets Bleus 99,5 15,2

    Comptes dpargne logement 169,7 25,9

    Codevi 230,4 35,1

    Livrets dpargne populaire 237,7 36,2

    Livrets jeunes 31,8 4,9Livrets soumis limpt 312,0 47,6

    Agrgat M2 3 780,6 576,3

    M3 M2 1 750,9 266,9

    Dpts et titres ngociables en devises 112,3 17,1

    Dpts terme 317,1 48,3

    Bons de caisse et dpargne 135,8 20,7

    Titres de crances ngociables 275,4 42,0

    Titres dOPCVM montaires 902,8 137,6

    Parts de fonds communs de crances 7,5 1,1

    Agrgat M3 5 531,5 843,3M4 M3 90,7 13,3

    Bons du Trsor ngociables 78,3 11,9

    Bons de trsorerie et BMTN 12,4 1,9

    Agrgat M4 5 622,2 857,1

    Agrgat de placement (en dcembre 1998) Milliards de F Milliards d

    Plans dpargne logement 1 181,5 180,1

    Plans dpargne populaire 681,0 103,8

    Titres dOPCVM garantis 171,8 26,2

    Bons de capitalisation 311,0 47,4

    Agrgat P1 2 345,3 357,5Obligations 811,5 123,7

    Placements dassurance-vie 2 908,0 443,3

    Titres dOPCVM obligations 563,3 85,9

    Agrgat P2 4 282,8 652,9

    Actions 29 383,9 4 479,6

    Titres dOPCVM actions 332,9 50,8

    Titre dOPCVM diversifis 330,8 4

    Autres titres dOPCVM 245,9 37,5

    Agrgat P3 30 293,5 4 168,2

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    Les agrgats montaires de la zone euro

    Exigibilits * Zone euro(en milliards deuros)

    France(en milliards deuro)**

    Billets et pices en circulation 319,9 40,9

    + Dpts vue 1 472,9 279,4

    = Agrgat M1 1 792,8 320,2

    + Dpts terme

    2 ans 870,0 51,8+ Dpts avec pravis 3 mois 1 254,0 279,0

    = Agrgat M2 3 916,8 651,0

    + Pensions 173,0 39,1

    + Titres de crances mis 2 ans 53,7 6,9

    + Instruments du march montaireet titres dOPCVM montaires

    381,5 238,7

    = Agrgat M2 4 524,9 921,8

    * Exigibilits du secteur metteur de monnaie et exigibilits de lAdministration centrale(prsentant un caractre montaire) dtenues par le secteur dtenteur de monnaie.** Les encours de la France (en euros ou en francs) correspondent aux exigibilitsmontaires des IFM rsidant en France vis--vis du secteur dtenteur dans la zone euro.

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    Des agrgats montaires de la Banque de France

    aux agrgats montaires du SEBC

    BANQUE DE FRANCE(en vigueur jusquen dcembre 1998)

    BANQUE CENTRALE EUROPENNE(en vigueur partir de janvier 1999)

    TERRITOIREFrance mtropolitaine et Monaco Zone euro

    - dont : France mtropolitaine, Monaco, dpartementsdoutre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

    SECTEUR METTEUR DE MONNAIE

    - tablissements de crdit et OPCVM - tablissements de crdit et OPCVM montaires(institutions financires montaires)

    - Trsor public et La Poste - Trsor public et La Poste en tant que collecteurs dedpts

    - Fonds communs de crance

    - Caisse nationale des autoroutes et Caisse nationaledes tlcommunications

    SECTEUR DTENTEUR DE MONNAIE

    - Agents non financiers - Agents non financiers- Autres intermdiaires financiers

    CATGORIES DINSTRUMENTS

    En francs sauf mention contraire Toutes devises sauf mention contraireBillets et pices en circulation

    + Dpts vue

    Billets et pices en circulation (dnominationsnationales de leuro jusquen 2002, puis euros)

    + Dpts vue= M1 = M1+ Comptes dpargne vue rgime spcial + Dpts remboursables avec un pravis infrieur ou

    gal 3 mois+ Dpts terme dune dure initiale infrieure ou

    gale 2 ans= M2 = M2

    + Titres dOPCVM montaires + Titres dOPCVM montaires+ BMTN dune dure initiale infrieure ou gale

    2 ans+ Titres de crance mis dune dure initiale infrieure

    ou gale 2 ans+ Certificats de dpt et BISF + Titres du march montaire+ BMTN plus de 2 ans + Pensions+ Parts de fonds communs de crances moins de

    5 ans

    + Dpts terme+ Dpts et titres de crance ngociables en devisestrangres

    = M3 = M3

    Source : Banque de France.

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    Organisation du marchTableau synoptique au 1er janvier 1999

    InstrumentsCaractristiques

    Certificats de dpt Billets de trsorerieBons moyen terme

    ngociables

    Nature des metteurs - tablissements de crditrsidents et non-rsidents

    - Caisse des dpts etconsignations

    - Entreprises rsidentes etnon-rsidentes autres queles tablissements decrdit, ayant 2 an dexis-tence, constitues sous laforme de socits paractions, entreprises dusecteur public, GIE ousocits en nom collectifcomposs uniquementdmetteurs potentiels

    - Entreprises dinvestisse-ment

    - Institutions de la CEE etorganisations internatio-nales dont la France estmembre

    - Tous les metteurs pouvantmettre des certificats dedpt ou des billets detrsorerie

    Dure lmission de 1 jour 1 an de 1 jour 1 an de 1 jour sans limitation dedure

    Montant minimal 1 million de francs ou contre-valeur de 1 million de francs exprime en euros ou endevises trangres

    Dmatrialisation Obligatoire depuis le 26 janvier 1993

    NotationFacultativeLes metteurs nots bnficient dune procdure dinformation allge.La notation doit tre effectue par une agence spcialise figurant sur une liste arrtepar le ministre de lconomie

    Prix dmission Les titres de crances ngociables peuvent tre mis un prix diffrent du pair etcomporter une prime de remboursement. Si lmission dun titre de crance ngociablene garantit pas le remboursement de la totalit du capital, cette clause doit faire lobjetdun avertissement dans le dossier de prsentation financire ; la fraction du capitalgarantie par lmetteur doit tre, de plus, explicitement mentionne lors de lmission.

    Monnaie dmission Euro (y compris ses dnominations nationales) ou toute devise trangre, saufopposition temporaire de la Banque de France

    Rmunration LibreLorsque la rmunration varie en application dune clause dindexation qui ne porte

    pas sur un taux usuel du march interbancaire, du march montaire ou du marchobligataire, cette clause doit tre au pralable porte la connaissance de la Banquede France

    Classement montaire :titres dune dure initialeinfrieure 2 ans

    En cas de dtention pardes agents non financiersou par la clientle financire(entreprises dinvestisse-ment et OPCVM nonmontaires) :

    M 3 M 2

    Titres mis par les tablis-sements de crdit, en casde dtention par des agentsnon financiers ou par laclientle financire (entre-prises dinvestissement etOPCVM non montaires) :

    M 3 M 2

    Source : Banque de France.

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    Rglements en monnaie scripturalenombre doprations

    Rpartition en pourcentage fin 1997

    Chques Virements

    Ensemble (dontimages-chques)

    (1)

    Cartes papier automa-tiss

    Avis deprl-

    vementDivers Total

    Europe (UEM)

    Allemagne.. 5,7 (82) 4,1 4,8 43,4 42,0 - 100,0

    Autriche 3,5 5,8 35,2 26,5 29,0 - 100,0

    Belgique.. 8,1 23,6 NS 58,4 9,9 - 100,0

    Danemark ND (100) ND ND ND ND ND ND

    Espagne.. 13,0 20,9 - 14,4 45,3 6,4 100,0

    Finlande... 0,4 38,2 12,2 45,8 3,4 NS 100,0

    France.. 46,2 (10) 21,6 0,2 17,3 13,4 1,3 100,0

    Grce 12,1 63,7 3,0 18,2 3,0 - 100,0

    Irlande.. 49,8 8,7 14,9 11,4 15,2 - 100,0

    Italie (2) 28,0 (42) 11,3 NS 41,5 8,6 10,6 100,0Luxembourg ND ND ND ND ND - ND

    Pays-Bas. 3,0 18,2 13,9 37,8 27,1 - 100,0

    Portugal 41,3 (82) 38,9 0,6 6,7 10,5 2,0 100,0

    Royaume-Uni. 30,5 31,1 5,0 14,7 18,7 - 100,0

    Sude.. ND ND ND ND ND ND ND

    Hors Europe (UEM)

    Canada... 45,2 35,9 - 10,6 8,3 - 100,0

    tats-Unis 76,5 19,5 - 2,6 1,4 - 100,0

    Japon ND ND ND ND ND - NDSuisse.. 1,3 22,8 - 72,3 3,6 - 100,0

    (1) Part des images-chques dans les changes de chques.

    (2) Pourcentages estims partir de l'ensemble des changes.

    Source : Banque de France Les moyens de paiement et les systmes dchange et de rglement 1998.

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    Rpartition des changes entre les diffrentssystmes dchanges interbancaires

    Pourcentage du nombre doprations changes

    1994 1998

    Chambres de compensation (1)... 45,4 38,7- Chques. 45,3 38,7- sur rayon 35,3 30,0 - hors rayon.. 10,0 8,7 - Virements (2) .... 0,1 NS- Effets de commerce (3) .. NS -

    Virements Banque de France (4).. 0,4 -Ordinateur de compensation. 7,9 -

    - Virements.. 4,3 -- LCR (5) et effets de commerce dmatrialiss.. 0,6 -- Avis de prlvement. 1,9 -- Titres Interbancaires de Paiement. 0,3 -- Paiements par cartes NS -- Retraits 0,8 -

    SIT (6)... 22,2 58,1- Virements 8,4 14,2- dont VSOT(7) - NS- LCR et effets de commerce dmatrialiss.. 1,1 1,3- Avis de prlvement. 7,9 11,8- Titres Interbancaires de Paiement. 0,7 1,4

    - Tlpaiements (8). - NS- Paiements par cartes - 23,3- Retraits 4,1 6,1

    CREIC (9). 3,3 3,2

    SNPC (10) 20,8 -- Paiements par cartes 20,7 -- Retraits 0,1 -

    Total.. 100,0 100,0

    (1) Les avis de prlvement prsents sur support papier jusqu'au 5 mai 1994 (en nombre ngligeable) et

    les avals de trsorerie sont exclus de cette rubrique.(2) Depuis 1997, les virements de gros montants circulent dans des systmes particuliers : TBF et SNP.(3) L'change des effets de commerce papier en chambre de compensation est prohib depuis le 3 mai

    1994. Depuis cette date, l'ensemble des changes d'effets de commerce est automatis.(4) Virements du Trsor et virements interbancaires - autres que de trsorerie - remis hors compensation.(5) LCR : Lettre de Change Relev.(6) SIT : Systme Interbancaire de Tlcompensation. compter de 1995, date de leur cration, les chiffres

    du SIT incluent les VSOT et les tlpaiements.(7) VSOT : Virement Spcialis Orient Trsorerie.(8) TEP ordinaires, TEP acclrs et virements rfrencs.(9) CREIC : Centre Rgional dImages-Chques.(10) SNPC : Systme National de Paiement par Carte. partir de 1996, les autres oprations sont reprises

    dans les tableaux hors systmes interbancaires.* Donnes corriges.

    Source : Banque de France Les moyens de paiement et les systmes dchange et de rglement 1998.

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    Chapitre 2

    Les intermdiaires financiers

    Premire partie

    Prsentation gnrale des intermdiaires financiers

    I. Une typologie gnrale des oprations micro-conomiques dinter-

    mdiation financireOn peut schmatiquement distinguer trois types doprations lmentaires.

    1.1 Lintermdiation financire titre/titre : lintermdiation de reprsentation

    Une institution financire (IF) met des titres, par exemple des obligations pour une valeur de100 F, auprs des agents financiers ou non financiers. Elle capte ainsi des ressources (de la monnaie)quelle peut ensuite employer loctroi de crdits ; elle acquiert alors un titre de crance sur lagentbnficiant de ces crdits.

    Dans ce cas, la causalit va des ressources (sommes verses par les agents capacit definancement en paiement des titres mis par lIF) vers les emplois (sommes verses par lIF en

    contrepartie des titres mis par les agents besoin de financement).Cette opration peut tre schmatise de la faon suivante :

    Bilan de lIFA P

    Titres TitresAgents besoin Titres acquis Titres mis Agents capacit

    de financement Monnaie par lIF par lIF Monnaie de financement

    Toutes les IF peuvent effectuer cette opration, mais cest surtout le rle des IF dont les ressources

    sont uniquement constitues de capitaux propres ou/et demprunts sur le march financier (lancienCrdit national par exemple, et plus gnralement, les institutions financires spcialises).

    On parle dans ce cas dune intermdiation de reprsentation. LIF ne fait que sinterposer entre unacheteur de titres et un vendeur de titres.

    Cette intermdiation peut tre justifie par deux raisons principales : la dure des titres mis et acquis nest pas ncessairement la mme ; lintermdiaire fait ce

    quon appelle de la transformation ; pour le prteur, le risque quelle soit dfaillante est plus faible que celui de lemprunteur.La rmunration de la banque est la marge entre les intrts reus sur les titres acquis et les

    intrts verss sur les titres mis, si la dure des titres acquis est gale la dure des titres mis.

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    1.2 Lintermdiation montaire : dpts/titres : lintermdiation de transformation

    Dans ce cas, lIF capte des fonds (en accordant des intrts sur les sommes collectes)reprsentant les dpts de la clientle. Ces derniers permettent loctroi de crdits. Cette opration peuttre schmatise de la faon suivante :

    Bilan de lIFA P

    Agents besoin de Crdits Dpts Agents capacit de

    financement

    financement

    On parle alors dune intermdiation de transformation. L encore, la causalit va de la collectede ressources au crdit, et la rmunration est gale la marge entre les intrts perus sur lescrdits accords et les intrts verss sur les dpts.

    La plupart du temps la dure des crdits est suprieure la dure des dpts et les crdits sont taux fixe ; la banque court donc un risque, le risque de transformation : si le taux des dpts augmentebrutalement, sa marge va subitement se contracter, puisquelle ne peut pas augmenter le taux descrdits quelle a distribus dans le pass (lencours total). Toutes les institutions financiressusceptibles de capter des dpts de la clientle, essentiellement les banques et les Caissesdpargne, peuvent effectuer une telle opration.

    1.3 La cration montaire : crdits/dpts

    Un agent non financier (A) demande un crdit son IF pour un montant de 100 F. En ignorantlintrt que devra payer lagent A, cette opration se traduit par une double criture comptable :

    Bilan A Bilan IF

    A P A P

    Dpt auprs de Dette envers Crance sur A Dpt de A

    lIF = 100 F lIF = 100 F = 100 F = 100 F

    Cette fois la causalit est inverse : cest en dveloppant son actif que lintermdiaire financierdveloppe son passif. Ainsi, lorsque lIF accorde un crdit de 100 F lagent A, ce dernier peuteffectivement dpenser ces 100 F comme sil les avait rellement dposs au pralable. Il y a eucration de monnaie.

    Ces distinctions micro-conomiques permettent de procder une premire classification des inter-mdiaires financiers :

    les banques effectuent les trois oprations, mais leur fonction essentielle (la cration montaire)se traduit par lopration n 3 ;

    les autres organismes de dpts (essentiellement les Caisses dpargne) effectuent lesoprations n 1 et n 2 ;

    les autres IF ne ralisent que lopration n 1.Mais il est important de remarquer que ces distinctions lmentaires peuvent tre difficilement

    faites au sein dun mme tablissement bancaire. Ces trois oprations micro-conomiques ne sont passparables dans le bilan dune banque :

    une banque peut acheter des titres avec des dpts ; une banque peut crer des dpts en achetant des titres.En ralit, le bilan dune banque est gr globalement.

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    2. Les fonctions de lintermdiation financire

    Pourquoi une conomie dveloppe a-t-elle besoin dintermdiaires financiers ? Pourquoi lesagents non financiers ne se prtent-ils pas mutuellement directement ?

    Deux rponses gnrales peuvent tre apportes cette question.

    Dans une perspective o lon considre la banque comme une firme qui produit un service, larponse est : les intermdiaires financiers permettent de faire des conomies de cots de transaction.Dans une perspective o lon considre le portefeuille, la rponse est : les intermdiaires financiers

    rendent cohrents les risques individuels acceptables par les prteurs avec les risques individuels desemprunteurs.

    Ces rponses opposes nous permettront de mieux saisir les diffrences entre les banques et lesnon banques, diffrences quil convient cependant de relativiser.

    Ils nous permettront galement de distinguer deux types de monnaie : la monnaie dite interne (ouendogne) cre par le crdit aux agents et lintrieur, de la monnaie dite externe (ou exogne)cre par le crdit ltat et lextrieur.

    2.1 Les fonctions des intermdiaires financiers

    ! Lapproche par les cots de transaction

    Cette approche constitue une application aux intermdiaires financiers des thses de R. COASE surla firme : la firme (quelle soit bancaire ou non bancaire) nat des imperfections des marchs dont ellepermet de rduire les cots de transaction. Par cots de transaction, on entend les cots defonctionnement du systme dchange et, plus prcisment dans le cadre dune conomie de march,ce quil en cote de recourir au march pour procder lallocation des ressources et transfrer desdroits de proprit.

    Ces cots de transaction comprennent les cots de recherche du cocontractant et du compromis,les cots de standardisation, de certification et de contrle de la bonne excution des changes.

    Ainsi, grce aux intermdiaires financiers, un prteur na plus rechercher un emprunteur auxprfrences absolument symtriques des siennes, ce qui serait en gnral une opration coteuse,

    voire impossible. Ces diffrences de prfrences peuvent notamment porter sur les montants ou surles dures. Ainsi, entre deux agents, lun souhaitant prter 100 F, lautre dsirant emprunter 1.000 F,aucune transaction ne serait possible ; lintermdiaire surmonte cette incompatibilit en captant demultiples dpts de faible valeur unitaire et en accordant des prts de forte valeur unitaire.Lintermdiaire peut aussi corriger lincompatibilit apparaissant entre deux agents dont lunsouhaiterait prter un an, alors que le second dsirerait emprunter dix ans ; lintermdiairesurmonte cette seconde incompatibilit en acceptant des ressources (souvent court terme) pourfinancer des prts long terme.

    ! Lapproche par les risques

    Cette approche a t dveloppe systmatiquement par GURLEY et SHAW qui ont montr commentlintermdiation financire est une activit qui produit de la scurit et de la liquidit.

    "

    Lactivit dintermdiaire financier produit de la scurit par la mutualisation des risques.Dune part, il est moins risqu pour un pargnant dtre crancier dun intermdiaire financierpossdant une multitude de dbiteurs (et pouvant compenser ainsi linsolvabilit de quelques-unsdentre eux par la solvabilit de tous) que dtre directement crancier dun nombre forcmentrestreint de dbiteurs. Dautre part, en regroupant des actifs financiers risques indpendants,lintermdiaire peut rduire le risque par unit dactif financier. Cette attnuation du risque peutaussi sexpliquer par le professionnalisme de lintermdiaire qui peut beaucoup mieux quunparticulier apprcier les risques dun contrat financier.

    " Lactivit dintermdiaire financier produit de la crdibilit.La notorit dun agent conomique peut ne pas tre suffisante pour lui permettre de lever desfonds directement auprs des prteurs. La banque, dont cest le mtier et la spcialit, peutsuppler le manque de notorit par un travail spcifique danalyse de solvabilit. Elle peut mmealler au devant de lemprunteur et dcouvrir des opportunits de prts que lauto-analyse fonde

    sur la seule notorit en quelque sorte latente et passive aurait t impuissante rvler.

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    Mais en contrepartie, les intermdiaires prennent leur charge quatre risques, non plus individuels,mais globaux.

    Ces risques issus de la transformation sont essentiellement : le risque de dfaut: lorsque plus de cranciers que prvu ne peuvent honorer leur dette, et

    lorsque les garanties ventuelles, contre lesquelles ces crdits ont t octroys, ont perdu deleur valeur la suite par exemple dun effondrement de leur march ;

    un risque dilliquidit: les pargnants qui ont procd des placements court terme peuventsouhaiter rcuprer leurs fonds alors que ceux-ci, ayant permis de financer des crdits longterme, sont immobiliss pour une longue priode. Bien entendu, les IF dveloppent leur activitsur lanticipation que tous les pargnants ne souhaiteront pas rcuprer leurs fonds au mmemoment (en priode de crise, dincertitude, cest ce qui se passe, lIF devenant alors insolvable,en situation de faillite) ;

    un risque de gestion: le rendement des investissements (des prts) est alatoire, puisquefonction des rsultats effectifs des emprunteurs, tandis que la rmunration de lpargne estcertaine, puisque fixe par lIF ;

    un risque de taux dintrt: les crdits sont le plus souvent octroys taux fixe, alors quelpargne collecte voit sa rmunration se modifier plus ou moins frquemment. Logiquement,les placements courts rapportent moins que les placements longs ; de mme, les emprunts

    courts cotent moins que les emprunts longs. Donc, en finanant des emprunts longs surplacements courts, les IF peuvent gagner la diffrence entre les intrts perus sur les premierset les intrts verss sur les seconds. Cependant, il est des priodes (exemple de la France en1987-1988, mais aussi en 1992-1993) o les taux courts dpassant les taux longs , lesIF sont alors dans une situation dlicate en termes de marges.

    Ainsi lintermdiation financire prsente lavantage majeur dtre une activit produisant scurit etliquidit. En ce sens, et pour reprendre une des thses de J. G URLEY et E. SHAW, les intermdiairesfinanciers contribuent accrotre le volume dpargne dans lconomie.

    2.2 Banques et non banques

    Certains conomistes opposent, au sein de lensemble des intermdiaires financiers, ceux qui

    peuvent distribuer du crdit sans ressources de collecte auprs de la clientle pralable (opration n 3ci-dessus mentionne) ceux qui ne le peuvent pas (ceux qui se limitent aux oprations n 1 et n 2 ci-dessus). Les premiers seraient les banques (IB), les seconds les intermdiaires non bancaires (INB).

    Cette distinction a-t-elle un sens ?

    Sa porte doit tre relativise car les deux types dintermdiaires ont de nombreux traits communs :

    ils doivent collecter des ressources dpargne. Lensemble des intermdiaires ont besoin de collecter des ressources dpargne. Dans le cas

    des INB, cette collecte constitue un pralable loctroi de crdits (oprations n 1 et n 2), elleintervient ex ante, alors que pour les IB dont les crdits font les dpts , les fuites(transformation des dpts en dpts auprs dune autre banque, billets, devises, etc.) lesobligent au refinancement ex post;

    ils distribuent le mme type de crdit ;

    ils ont aussi de nombreux liens rciproques.Les INB participent tout autant que les IB la multiplication des crdits. En effet, si les crditsdes IB sont lorigine de dpts dans ces mmes organismes, ces dpts peuvent tretransfrs vers des INB et tre leur tour sources de crdits et les crdits accords par les INBpeuvent, aprs transferts, tre sources de dpts auprs des IB ;

    ils quilibrent leur trsorerie sur le march montaire.Au niveau micro-conomique, il est vrai (C. OTTAVJ), on serait tent de dire quil ny a pasgrande diffrence entre un IB qui, ayant accord 100 F de crdits et ne rcuprant que 60 F dedpts ( la suite des fuites), doit emprunter 40 F sur le march interbancaire, et un INB qui,possdant 60 F et souhaitant prter 100 F, doit emprunter les mmes 40 F sur le marchinterbancaire.

    De ce point de vue, il serait plus important de savoir si les intermdiaires sont, le cas chant, structurellement prteurs ou structurellement emprunteurs sur le march interbancaire, plutt

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    que de savoir sils sont bancaires ou non bancaires. Les statistiques montaires actuelles sontdailleurs fondes sur cette vision unitaire de lintermdiation.

    En ralit, la diffrence est plutt macro-conomique.Une banque pourrait tre dfinie comme un intermdiaire financier : ayant accs direct au refinancement de la Banque centrale ;

    ayant un passif socialement reconnu comme moyen de paiement.

    2.3 Monnaie interne et monnaie externe

    La monnaie a trois types de contreparties, cest--dire de sources (le crdit qui la fait natre lorigine) : le crdit lconomie, le concours au Trsor, les crances sur lextrieur (or et devises).

    La monnaie ayant son origine le crdit aux agents non financiers, est endogne lconomie, onlappelle monnaie interne. Corrlativement est appele monnaie externe la monnaie ayant sonorigine lacquisition par le systme bancaire de crances sur ltat ou sur lextrieur (devises).

    Il ne sagit pas seulement dune question de terminologie. Cette distinction a des consquencessur les effets de richesse et sur le contrle de la masse montaire par la Banque centrale etnotamment la strilisation des entres de devises.

    Par exemple, selon la thorie no-classique, seule la monnaie externe est en mesure dinfluencerles comportements des agents intrieurs privs : toute cration de monnaie externe exercerait un effetde richesse sur les agents puisquelle naurait pas pour contrepartie un endettement de ces mmesagents.

    3. Les principes dorganisation et de classification du systme montairefranais

    Lorganisation du systme financier repose sur une loi, la loi bancaire du 24 janvier 1984, relative lactivit et au contrle des tablissements de crdit. Elle a t complte par la loi de 1996 portantmodernisation des activits financires (MAF).

    ! La notion dtablissement de crdit

    Daprs ce texte, cest lensemble des institutions financires, lexception : de la Banque de France, de la Caisse des dpts et consignations, du Trsor,

    qui sont dits hors du champ de la loi .Ils sont distingus, soit parce quils sont des organes de rgulation densemble du systme dinter-

    mdiation financire franais (la Banque de France), soit parce quils sont lis ltat trs troitement(Trsor et Caisse des dpts et consignations), et qu cause de ce lien la puissance publique, leurcomportement, tant de collecte que de distribution de crdit, est spcifique, moins capitalistique, plusli lexercice dune fonction tatique dintrt gnral qu la stricte recherche de la rentabilit.

    Il existe au total, en France, 1210 tablissements de crdit. Si lon ajoute les 503 entreprisesdinvestissement (332 relevant de la COB et 171 relevant du CECEI), et les 28 tablissementsmongasques, le total gnral des tablissements de crdit et entreprises dinvestissement slve 1741.

    ! Les distinctions au sein des tablissements de crdit

    Les tablissements de crdit (EC) sont dcomposs en six groupes :

    1. les (359 en 1999) banques affilies lAFB (Association franaise des Banques) parmi lesquellesnous trouvons notamment les trois grandes : la Banque nationale de Paris, la Socit gnrale etle Crdit lyonnais ;

    2. les (124) banques mutualistes et coopratives (telles que le Crdit agricole ou le groupe desBanques populaires) ;

    3. les (34) Caisses dpargne et de prvoyance (rseau de lcureuil ) et la Caisse nationaledpargne (rseau de La Poste) ;

    4. les (21) caisses de crdit municipal ;

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    5. les (646) socits financires spcialises dans un domaine dactivit prcis (notamment de crditdiffr, de crdit immobilier, de crdit bail, daffacturage) et les maisons de titres (cest--dire lestablissements de gestion de portefeuilles) ;

    6. les (26) institutions financires spcialises cres par ltat et charges dune