Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Avant-propos
Dans le cadre du mémoire de la deuxième année du Master en Histoire de l’Art,
nous abordons le quartier de La Bastide à Bordeaux, un choix naturel suite à notre
travail de l’année précédente sur l’histoire du centre d’architecture Arc en rêve. Nous
avons connu le quartier à travers l’appel à idées organisé par le centre intitulé
« Bordeaux, Port de la Lune/Architecture 89 ». Cette initiative a réuni sept grands noms
de l’architecture à l’échelle internationale pour qu’ils réfléchissent à une approche
alternative au projet qui allait se mettre en place sur la rive droite, sous la direction de
l’architecte catalan Ricardo Bofill, dans la seconde moitié des années 1980. Cet
architecte avait été choisi en raison de sa notoriété internationale et de son expérience
attestée dans des projets de renouvellement à l’échelle d’un quartier. En effet, il avait
été responsable des aménagements du secteur Antigone à Montpellier et représentait
donc un investissement fiable pour transformer La Bastide, un pôle industriel prospère
au XIXe siècle qui n’avait pas bien résisté aux changements du siècle suivant. Bofill
proposait de raser les usines existantes et de déployer à leur place une série de
constructions monumentales qui aurait fait écho à la façade classique de la rive gauche.
Bofill voulait rattacher la rive droite, traditionnellement méconnue et méprisée, au reste
de Bordeaux par son style postmoderniste, qui se voulait l’héritier des bâtiments du
XVIIIe siècle. L’opposition exprimée par le centre d’architecture naissait, en premier
lieu, de la destruction complète de la mémoire du quartier. Il y avait, également, une
autre composante qui ne pouvait être négligée : l’esthétique proposée par Bofill ne
correspondait pas à l’identité du quartier. Le projet fut finalement arrêté, mais le
quartier devrait attendre jusqu’à l’année 2000 pour le premier chantier de la Zone
d’Aménagement Concerté « Cœur de Bastide », un projet en apparence complètement
opposé de son précédent. Pourtant, si le style était différent, le malaise est resté le
même : les habitants n’étaient pas satisfaits du résultat car ils ne voyaient aucune trace
de l’histoire de la zone, ni de son identité.
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Depuis son arrivée à la Mairie de Bordeaux en 1995, Alain Juppé annonçait La
Bastide comme l’un des secteurs prioritaires à développer. Il en est de même pour le
projet urbain qu’il a présenté en 2009, qui visait à transformer Bordeaux en une
métropole durable, exceptionnelle au niveau européen, pour l’année 2030. La rive droite
accueillera de nombreux aménagements, d’où l’intérêt de s’interroger sur les principes
qui guideront ces transformations et surtout sur la place de l’identité du lieu sur ces
projets à venir. La Bastide se dresse comme un territoire idéal pour mener cette étude :
il s’agit d’une zone géographiquement circonscrite, où la population partage des
origines communes et la conscience de ses racines. En vue de tous ces facteurs, nous
avons donc décidé d’étudier la construction identitaire de La Bastide et la manière dont
elle s’est exprimée en architecture.
Notre méthode de recherche s’est principalement appuyée sur la consultation des
fonds modernes et contemporains des Archives municipales de Bordeaux. En deuxième
lieu, nos principales sources publiées ont été les ouvrages édités par la Mairie de
Bordeaux, à partir de 1996. Les articles de presse spécialisée et de presse quotidienne
nous ont donné un aperçu des controverses liées aux projets. Nous avons analysé les
travaux universitaires disponibles sur La Bastide afin de comprendre la manière dont le
quartier avait été abordé précédemment et pour essayer d’élargir et de contribuer à
l’étude menée par d’autres étudiants. Notre recherche s’est également enrichie
d’entretiens avec quelques acteurs. Du côté des aménageurs nous avons pu rencontrer
Madame Sophie Desport, architecte de la Direction des études et de l’aménagement de
Bordeaux Métropole Aménagement. Lors de notre entretien, Madame Gwenaëlle
Larvol, chargée de projets de l’association « Bruit du frigo » nous a expliqué le travail
du collectif sur le quartier et sa nouvelle approche à l’urbanisme. Nous avons abordé
également les habitants du quartier par le biais de l’association « Histoire(s) de La
Bastide ». Nous avons assisté à sa rencontre trimestrielle de mars 2012, où nous avons
pu discuter avec des adhérents et nous avons réalisé des entretiens individuels avec deux
de ses dirigeants : Monsieur Michel Pionnier, qui mène des recherches historiques sur le
quartier et Madame Brigitte Lacombe, présidente et membre fondateur ainsi que
responsable des publications.
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Finalement, nous avons profité de la visite proposée par l’Office de Tourisme de
Bordeaux intitulée « Bordeaux innovante » pour connaître les installations des ateliers
du tramway.
La principale difficulté rencontrée pendant la recherche a été l’accès aux
documents qui ne sont pas encore disponibles dans les Archives municipales de la ville
de Bordeaux. Malgré de nombreuses tentatives, nous n’avons pu obtenir une réponse
positive de la part du personnel de la Direction générale de l’aménagement pour la
lecture des permis de construire des bâtiments de la ZAC Bastide. Ce manque
d’information a été comblé par les dossiers des Archives municipales dont les délais de
consultation, prévus pour 2030, ont été annulés grâce à la collaboration de son
personnel. Le personnel de la Maison de l’architecture à La Bastide nous a facilité
l’accès au cahier des charges et aux images du projet « Garonne-Eiffel » et nous ne
pouvons laisser de côté l’appui auprès de la Mairie du quartier fourni par Monsieur
Jean-Claude Meymerit.
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Liste des abréviations
ARDEUR : Aménagement et Rénovation pour le Développement de l’Environnement
Urbain Rive Droite
AURBA : Agence d’Urbanisme et de Recherche Bordeaux-Aquitaine
BMA : Bordeaux Métropole Aménagement
BPSO : Banque Populaire du Sud-ouest
CDC : Caisse des Dépôts et Consignations
CUB : Communauté Urbaine de Bordeaux
HLM : Habitations à Loyer Modéré
ICADE : Immobilière Caisse des Dépôts
ICF : Immobilière des Chemins de Fer
INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques
M.R.U. : Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme
OIN : Opération d’Intérêt National
OPHLM : Office Public d’Habitation à Loyer Modéré
PAZ : Plan d’Aménagement de Zone
PLU : Plan Local d’Urbanisme
RAZ : Règlement d’Aménagement de Zone
SARL : Société à responsabilité limitée
SBRU : Société Bordelaise de Rénovation Urbaine
SCET : Société Centrale pour l’Équipement du Territoire
SCIC : Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts et Consignations
SDIS : Siège du Service Départemental d’Incendie et de Secours
SHON : Surface hors œuvre nette
SNCF : Société nationale des chemins de fer français
TCSP : Transport en Commun en Site Propre
ZAC : Zone d’Aménagement Concerté
ZAD : Zone d’Aménagement Différé
ZFU : Zone Franche Urbaine
ZUP : Zone à Urbaniser en Priorité
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Sommaire
Introduction ................................................................................................................... 7
I) État de la question .............................................................................................. 9
a) Bibliographie disponible sur La Bastide ..............................................................9
b) Travaux universitaires ....................................................................................... 11
c) Ouvrages édités par la Mairie de Bordeaux ....................................................... 14
II) Une histoire partagée ........................................................................................ 15
a) Les premiers ports et la création du quartier ...................................................... 15
b) La construction du premier pont et les transformations qui l’ont suivi ............... 17
c) L’annexion à Bordeaux et l’essor et déclin industriel ........................................ 22
III) Délimitation territoriale .................................................................................... 24
b) Description de la physionomie du quartier ........................................................ 29
c) Description de la population du quartier ............................................................ 32
d) Le champ lexical de La Bastide ........................................................................ 33
IV) La Bastide dans la période de l’administration Chaban-Delmas ........................ 40
a) La cité de la Benauge ........................................................................................ 40
b) Le groupe scolaire de la Benauge ...................................................................... 47
c) Le foyer sportif et centre de jeunesse ................................................................ 48
d) Le marché couvert ............................................................................................ 50
e) La piscine Galin ................................................................................................ 52
f) La caserne des pompiers de la Benauge ............................................................ 54
g) Les années 1950 et 1960 : le potentiel contemporain ......................................... 57
h) Le projet Bastide – Quinconces – Ricardo Bofill ............................................... 58
V) La Bastide sous l’administration d’Alain Juppé : 1995 – 2009 .......................... 66
a) Le projet urbain de 1996 ................................................................................... 66
b) Le Mégarama .................................................................................................... 68
c) Le tramway et ses ateliers ................................................................................. 69
d) La Zone d'Aménagement Concerté «Cœur de Bastide» ..................................... 72
e) Bordeaux Métropole Aménagement .................................................................. 74
f) Le cahier des prescriptions architecturales de la ZAC ....................................... 75
g) Le Règlement d’Aménagement de la ZAC ........................................................ 80
h) La construction de la ZAC ................................................................................ 82
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i) Les critiques de la ZAC .................................................................................. 100
j) Le bilan de la ZAC ......................................................................................... 104
VI) L’urbanisme utopique à La Bastide ................................................................. 106
VII) La Bastide à venir ........................................................................................... 113
a) La caserne Niel ............................................................................................... 114
b) La ZAC Bastide – Niel ................................................................................... 117
c) Le pont Bacalan – Bastide .............................................................................. 120
d) Garonne-Eiffel ................................................................................................ 121
e) Brazza ............................................................................................................ 127
Conclusion : .............................................................................................................. 130
Bibliographie : .......................................................................................................... 132
Table des illustrations ................................................................................................ 139
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Introduction
À travers ce travail de recherche, nous avons tenté de comprendre les principes
qui ont orienté l’aménagement architectural du quartier La Bastide. La problématique
qui nous a guidés fut de savoir si l’identité du quartier a joué un facteur déterminant
dans les principaux projets qui se sont mis en place. En tant que quartier de Bordeaux,
mais séparé du reste de la ville par le fleuve, La Bastide entretient une relation
particulière avec la rive gauche : nous avons étudié ce rapport et son évolution à travers
le temps. Un des objectifs de ce travail est de comprendre la place de ce quartier dans le
développement de l’agglomération bordelaise, surtout pour les années à venir. Il est
pertinent de se demander si les projets conçus pour le dynamiser économiquement et
transformer son paysage vont préserver les spécificités qui le distinguent du reste de
Bordeaux. La Bastide a le potentiel pour devenir un quartier exceptionnel, capable de
placer Bordeaux dans la scène architecturale contemporaine mondiale. Nous allons donc
analyser si c’est une ambition qui a motivé les élus et si les initiatives du passé ont été
dirigées à exploiter ce potentiel.
Notre périmètre de travail porte uniquement sur la partie de la ville de Bordeaux
qui se trouve sur la rive droite, ce qui exclut les communes de Lormont, Cenon et
Floirac, séparées géographiquement de La Bastide par les coteaux. Notre créneau
temporaire choisi commence en 1948, avec les projets du maire Jacques Chaban-
Delmas et termine sur les projets en cours d’étude en 2012, qui nous permettent
d’imaginer le futur du quartier. Il faut signaler que nous avons mis l’accent sur la
période qui commence à partir de 1995, car nous considérons que c’est à partir de ce
moment que les enjeux sont devenus majeurs. La nouvelle administration a dû travailler
avec le poids des projets précédents, en essayant en même temps de rattacher le quartier
dans un projet au niveau de toute l’agglomération. C’est pour cela que, dans le première
période, nous nous attardons principalement sur le projet de Ricardo Bofill pour ce qui
est devenu plus tard la ZAC Bastide.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Nous avons cerné notre corpus d’œuvres aux principaux travaux municipaux
réalisés dans le quartier, laissant de côté les constructions résidentielles privées et le
patrimoine industriel. Ce critère de sélection répond à un besoin de limiter notre travail
selon la durée de réalisation du mémoire, mais également à la problématique que nous
avons choisie: par leur nature privée, ces bâtiments n’auraient pu nous éclairer sur les
principes de développement de tout le quartier.
Le travail commence par la présentation sommaire de l’état de la question,
largement appuyée sur les travaux universitaires que nous avons consultés et sur
quelques ouvrages importants. La deuxième partie du mémoire est fondée sur la
réflexion que l’identité de ce quartier repose sur son histoire et ses caractéristiques
socio-spatiales. Nous étudions donc le passé de La Bastide pour arriver à sa description
physique et à la description de sa population. Nous nous attardons sur le champ lexical
du quartier, une étape nécessaire car la documentation disponible sur cette zone se
caractérise par une série de concepts répétitifs qui ont influencé l’approche de ceux qui
l’ont étudié et de ceux qui ont voulu l’aménager. Notre analyse se poursuit par l’étude
du paysage architectural, commençant par les principales constructions et projets de la
période Chaban-Delmas. Ensuite, il s’agit de décrire et de comprendre le premier projet
urbain d’Alain Juppé et les œuvres qui en ont résulté. La dernière partie est consacrée à
La Bastide possible et future : nous allons nous pencher sur les initiatives d’urbanisme
utopique de l’association « Bruit du frigo » et sur les projets qui sont en cours d’étude et
qui devraient voir le jour dans les années à venir. L’objectif est d’avoir un paysage le
plus complet du passé, du présent et du futur de ce quartier de la rive droite, dirigé par
notre interrogation sur la place de l’identité dans sa construction temporelle.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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I) État de la question
Avant de commencer à étudier le quartier proprement dit, nous allons
comprendre la manière dont il a été abordé précédemment. D’une part se trouvent les
ouvrages publiés, dont l’un des plus importants a été rédigé par un habitant du quartier.
Dans la deuxième partie nous ferons un commentaire critique des travaux universitaires
disponibles sur La Bastide, sur lesquels nous sommes basés pour proposer, à notre tour,
une étude plus complète.
a) Bibliographie disponible sur La Bastide
L’ouvrage essentiel sur l’histoire de La Bastide a été rédigé par André Donis,
habitant et directeur d’une école du quartier, et s’intitule La Bastide à travers les
siècles, son origine, ses transformations, son développement, sa situation actuelle, son
avenir1. Publié en 1920, il représente le point de départ pour les études du quartier, car
M. Donis a mené une méticuleuse recherche et retranscription d’archives pour la
période comprise entre le XIIIe siècle (date des premiers documents disponibles sur le
quartier) et les deux premières décennies du XXe siècle.
Cet ouvrage a une double valeur. D’une part historique, il retrace
exhaustivement la naissance et le développement du quartier. Dans le livre sont
énumérées les transformations topographiques de La Bastide qu’elles soient d’origine
naturelle ou influencées par la main de l’homme. Parmi ces transformations, l’auteur
décrit la constitution des différents secteurs, la mise en place du réseau de voiries, le
passage aux activités industrielles et le rattachement de ce territoire à la commune de
Bordeaux. D’autre part, le travail de M. Donis constitue une mémoire du quartier et
principalement de ses plus anciens habitants, qui peuvent retrouver dans ce livre les
contributions de leurs ancêtres en donations, de leurs participations dans les événements
qui ont marqué un tournant dans l’histoire de la rive droite, ou même le nom des
habitants qui persistent dans les appellations des voiries.
1 DONIS André, La Bastide à travers les siècles, son origine, ses transformations, son développement, sa situation actuelle, son avenir, Bordeaux, Imprimerie J. Bière, 1920
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La Bastide à travers les siècles a donc une valeur hautement symbolique2 et de
nombreuses expressions recueillies ou créées par l’auteur font largement partie de
l’imaginaire et du champ lexical du quartier, qui va être approfondi postérieurement
dans le présent travail.
Une autre source de renseignements du quartier a été l’ensemble des mémoires
universitaires réalisés par des étudiants. Le choix a été fait de privilégier les travaux
provenant de l’université de Bordeaux 3 à ceux de l’école d’architecture de Bordeaux,
car ces derniers s’intéressent à proposer des projets architecturaux dans le quartier
plutôt qu’à l’étudier. Il est important de signaler que ces mémoires universitaires (dont
aucun en Histoire de l’art) ont été pris avec une certaine distance, car leur qualité est
variable et leur aspect critique n’est pas toujours suffisamment approfondi. En certains
cas il est difficile de distinguer les idées originales des auteurs par rapport à la
documentation à laquelle ils ont eu recours, qui d’ailleurs n’inclut pas les archives.
Cette omission s’explique certainement car les archives constituent une source
caractéristique de la recherche de type historique. Également, si les travaux rédigés à
partir de 2007 ont comme objet d’étude la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC)
« Cœur de Bastide », l’analyse de la production architecturale de ce secteur n’entre pas
dans le rang de leurs préoccupations.
Pourtant, en dépit de leurs limitations, les travaux des étudiants approfondissent
des aspects du quartier qui sont d’habitude négligés dans les ouvrages, qu’ils soient
généraux ou spécialisés. Il est possible de citer, par exemple, la législation des projets
ou la distinction et description des friches portuaires et militaires. Le parcours
académique hétéroclite des étudiants, provenant de disciplines différentes à l’Histoire de
l’art, et tous issus de Masters distincts, a permis d’élargir le point de vue porté sur les
problématiques que pose le quartier. Ces mémoires donnent un très bon aperçu de la
manière dont La Bastide a été étudiée dans les vingt dernières années et constituent un
point de départ pour des recherches que nous avons entamées de manière plus
méthodique et approfondie.
2 L’ouvrage est même considéré une « Bible des Bastidiens » selon ses habitants. (« Rencontres Bastidiennes » de l’association « Histoire(s) de la Bastide », 20 mars 2012.)
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b) Travaux universitaires
Le premier mémoire étudié est celui de Laurent Moreno sur le rôle de la
collectivité publique dans le projet d’aménagement Bastide-Quinconces3. Il a été rédigé
en 1990 dans le cadre d’un Diplôme d’Études Approfondies en Gouvernement local et
Administration locale. Ce travail est une analyse des aspects juridiques du projet
Bastide-Quinconces, initié au début des années 1980 et qui faisait encore débat à
l’époque, quelques années après la présentation du projet de Ricardo Bofill pour la rive
droite. Dans son mémoire, Moreno explique la nécessité de la collectivité publique,
constituée par la Ville de Bordeaux et par la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB),
de s’associer avec des partenaires privés pour réaliser des projets urbains, suite au
désengagement financier de l’État. Toutefois, cette alliance en elle-même et le choix de
partenaires ont des conséquences dans les projets, notamment dans le niveau de
participation de la collectivité publique. Par exemple, l’élection du concepteur de ce
projet, Ricardo Bofill, n’est venue ni de la Ville ni de la CUB, et Moreno voit dans les
raisons qui ont poussé à choisir cet architecte des impératifs économiques et marketing
plutôt que stylistiques.
Datant de 1992, Culture et sous-prolétariat : l’association Bordeaux – Bastide,
ses pauvres et le R.M.I., par Thierry Teulet4, est une étude des activités menées au sein
d’une association du quartier qui a comme objectif l’insertion sociale et professionnelle
d’adultes en situation de difficulté. Empruntant des méthodes de sa discipline,
l’ethnologie, Teulet a eu des entretiens avec les stagiaires qui apprennent des métiers
grâce aux membres de l’association et décrit les observations qu’il a faites dans les
chantiers de la cité des Fleurs, dans le secteur de la Souys. Le choix de cette étude dans
ce lieu découle de la réputation ouvrière et populaire du quartier et du périmètre
restreint de travail de l’association, Teulet s’appuyant donc largement sur le champ
lexical du quartier pour justifier son travail.
3 MORENO Laurent, sous la direction de DUMAS Jean, Bordeaux – La Bastide, Le rôle de la collectivité publique dans une opération d’aménagement, Mémoire de Diplôme d’Études Approfondies en Gouvernement local et Administration locale, Bordeaux, Institut d’Études Politiques de Bordeaux, 1990 4 TEULET Thierry, sous la direction de MERIOT C., Culture et sous-prolétariat : l’association Bordeaux – Bastide, ses pauvres et le R.M.I., Mémoire présenté en vue de l’obtention de la Maîtrise en Ethnologie, Bordeaux, UFR de Sciences sociales et psychologiques, Université Victor Segalen Bordeaux II, 1992
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Après un intervalle de quinze ans, apparaît en 2007 le premier d’une série de
mémoires sur la Zone d’Aménagement Concerté établie à La Bastide. Pour son Master
en aménagement, urbanisme et développement territorial durable, Gabriel Bord5
propose d’analyser les éléments qui ont fait du quartier un secteur prioritaire du projet
urbain d’Alain Juppé. Il commence par s’attarder sur les mutations de l’industrie
portuaire qui ont résulté en l’apparition de friches à Bordeaux. De par leur localisation
au centre de la ville, ces friches constituent des réserves foncières optimales pour lutter
contre l’étalement urbain de l’agglomération, un phénomène sur lequel Bord
approfondit largement. Malheureusement, son travail ne dépasse pas la sphère
descriptive et ne dresse pas un bilan de la ZAC, qu’il ne met pas en contexte par rapport
au reste du quartier.
L’étudiante Aurélie Fanzy a présenté en 2009 un mémoire en Stratégie et
maîtrise d’ouvrage des projets d’urbanisme intitulé La reconversion des friches
militaires : entre conservation et intégration d’un bien patrimonial dans la ville
ordinaire6. À travers l’exemple de la caserne Niel, Fanzy essaie de dégager les
caractéristiques des projets de reconversion de friches militaires. Elle définit et
reconstitue l’histoire de ces friches, évoque les problèmes juridiques auxquels leur
reconversion doit faire face et identifie les enjeux de ce type de projets. Dans une
deuxième partie, elle décrit les conditions techniques et les problématiques liées à ces
réaménagements et une troisième partie est consacrée à la dimension patrimoniale des
friches militaires et à leurs possibilités de réinsertion dans la ville.
Au-delà de l’intérêt de son sujet, qui nous a aidé à distinguer les caractéristiques
et les enjeux de la reconversion de friches selon leurs différentes origines, qu’elle soit
portuaire, industrielle ou militaire, Fanzy anticipe les difficultés pour la reconversion en
éco-quartier prévue pour le secteur Niel de La Bastide. Elle met notamment l’accent sur
l’identité de la caserne qui doit s’intégrer avec celle du quartier.
5 BORD Gabriel, sous la direction de GOZE Maurice, Le renouvellement urbain de l’agglomération bordelaise par la réintégration des espaces industrialo-portuaires de centre – ville, Exemple de mutation d’un quartier au travers de la ZAC « Cœur de Bastide », Mémoire de Master 1 en aménagement, urbanisme et développement territorial durable, Bordeaux, Institut d’aménagement, de tourisme et d’urbanisme, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, 2007 6 FANZY Aurélie, sous la direction de GOZE Maurice, La reconversion des friches militaires : entre conservation et intégration d’un bien patrimonial dans la ville ordinaire, Mémoire de Master 2 en Stratégie et maîtrise d’ouvrage de projets d’urbanisme, Bordeaux, Institut d’aménagement, de tourisme et d’urbanisme, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, 2009
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Cependant, elle se limite à décrire sommairement le projet Darwin qui s’installe
actuellement dans la caserne et n’explique pas le procès ou les critères de la
reconversion du site.
Le dernier mémoire étudié pour ce travail a été celui de Robin Schepman pour
l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux, rédigé en 20107. Dans cet écrit, l’auteur vise
à étudier le procès d’aménagement de la ZAC et dresse un bilan du projet. La valeur de
son travail réside dans son explication de pourquoi la procédure juridique d’une ZAC
était la meilleure solution pour transformer une partie du quartier. Elle inscrit cette
procédure dans une lignée historique qui inclut les Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP)
et les Zones d’Aménagement Différé (ZAD). Ensuite, sur La Bastide, elle décrit les
projets qui s’inscrivent dans les différents îlots de la ZAC et fait un bilan de cet
ensemble appuyé sur la presse de l’époque. Son travail dépasse les mémoires précédents
en faisant une comparaison de la ZAC de La Bastide avec celle de Dunkerque, qui ont
des points communs dans leurs conditions d’origine mais des approches complètement
différentes d’aménagement. Schepman est également la seule étudiante à avoir
proposé un début d’analyse identitaire en observant le quartier sous les théories de
l’ouvrage de Kevin Lynch, L’image de la cité8.
7 SCHEPMAN Robin, sous la direction de FAVORY Michel, La reconquête d’un quartier en friches : les opérations de la ZAC Cœur de Bastide à Bordeaux, Travail personnel de troisième année, Bordeaux, Institut d’Études Politiques de Bordeaux, 2010 8 LYNCH Kevin, L’image de la cité, Paris, Éditions Dunod, 1969
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c) Ouvrages édités par la Mairie de Bordeaux
Depuis l’élection d’Alain Juppé en tant que Maire de Bordeaux, son
administration a essayé de diffuser largement ses initiatives sous la forme d’ouvrages.
Le premier a été son projet urbain9 publié en 1996 qui a eu comme continuation son
plan intitulé « Bordeaux 203010 ». La Mairie édite, également, des ouvrages spécifiques
aux différentes zones de Bordeaux. Cette collection s’intitule « Portrait de quartier(s) »
et recueille des témoignages des tous les types d’acteurs sur le quartier : les
propriétaires de commerces, les membres d’associations culturelles, les étudiants, les
habitants, les concepteurs des projets et les élus. Il y a une claire volonté, de la part de la
Ville, d’affirmer que la participation citoyenne est importante dans l’élaboration des
projets. Les « rencontres de Bordeaux La Bastide » ont aussi été publiées. Il s’agit de
trois fascicules qui recensent les principales initiatives qui ont résulté des réunions de
concertation organisées par la Mairie avec les habitants du quartier. À l’heure actuelle il
en existe trois : un fascicule de la rencontre du 6 juillet 2006, un deuxième du 11
décembre 2007 et un troisième du 12 décembre 2011. Il est donc possible d’avoir une
bonne idée du futur de l’agglomération bordelaise avec les publications de la Mairie,
qui se complètent avec les renseignements qui se trouvent sur son site Web.
9 Mairie de Bordeaux, Projet urbain pour la ville de Bordeaux, Bordeaux, Octobre 1996 10 LARÜE-CHARLUS Michèle (direction), Bordeaux 2030, vers le grand Bordeaux, une métropole durable, Bordeaux, Direction générale de l’aménagement de la ville de Bordeaux, 2010
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II) Une histoire partagée
Dans la partie suivante, nous allons énoncer brièvement l’histoire de La Bastide,
depuis son époque agricole, en passant par son apogée industrielle et finalisant sur son
déclin, jusqu’arriver aux années 1990.
a) Les premiers ports et la création du quartier
L’ancien paysage de la rive droite était marqué par un bras mort de la Garonne
qui coulait aux pieds des coteaux et qui faisait de la plaine des Queyries (dont le mot
serait une dérivation du latin « quadrata », qui signifie « pierre taillée11 ») une île qui
s’est progressivement rattachée à la terre. Cette île aurait été nommée Maillorgues,
Matorgues, Martogue ou Marthoga. La topographie du terrain et l’emprise de la
Garonne que nous apercevons actuellement sont le produit des travaux de remblaiement
effectués au XVIIe siècle. Auparavant, des petits canaux traversaient la plaine. Tel était
le cas de l’estey de Tréjey, qui terminait dans ce qui est actuellement la tête du pont
Saint-Jean dans la rive droite. L’estey traversait Floirac et terminait sur le premier port
de la rive droite, aussi nommé Tréjey (une dérivation du latin « Trajetus », passage).
Dès la fin du XIe siècle, l’abbaye de la Sauve a bâti un prieuré à proximité de ce port. Le
port, le prieuré et les maisons aux alentours étaient protégés par une fortification
appelée « Bastilla », bourg fortifié, ensuite « Bastida » et finalement « Bastide »,
nommant ainsi le quartier qui s’est développé autour d’elle. Cette fortification s’élevait
sur un monticule, raison pour laquelle le port était également référé comme le « Port de
Mons12 ». Sur ce port terminait le chemin de Tréjey, aujourd’hui la rue de Tréjey, qui
anciennement servait de limite entre Cenon et Floirac, quand La Bastide appartenait
encore à la commune de Cenon. Le port de Tréjey était très fréquenté, car il constituait
le point de départ pour traverser la Garonne en direction de Bordeaux et se trouvait dans
une des voies de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle qui passait par le prieuré
de la Sauve. Ce secteur où s’est implanté le village primitif du quartier est actuellement
reconnu comme une zone de sensibilité archéologique par le service d’archéologie de la
Direction Régionale des Affaires Culturelles.
11 DONIS, op. cit., p.31 12 Ibid.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Il reste à faire un diagnostic de la part de l’Institut National de Recherche
Archéologique Préventive, dans le contexte des nouveaux projets d’aménagement à se
mettre en place dans ce secteur13.
Les premières habitations de ce qui deviendra par la suite La Bastide se sont
établies autour du port de Tréjey. Ces maisons, ainsi que les terrains de la plaine de
Queyries ont appartenu au clergé bordelais depuis le XIVe siècle jusqu’à la Révolution,
quand elles leur ont été confisquées14. Ces terrains étaient divisés en parcelles
perpendiculaires au fleuve qui étaient séparées entre elles par des larges fossés, dont la
fonction était de drainer les terrains en cas de pluies ou d’inondations15 (voir image 1).
La principale activité qui se déroulait dans la plaine entre le XIVe et le XIXe siècle était
la plantation de vignes, qui bénéficiait de la richesse des sols en alluvions fluviales.
L’étendue en superficie des vignes était très importante et les vins étaient très réputés
sur le marché16. Certaines propriétés viticoles accueillaient des résidences bourgeoises,
propriétés de Bordelais de la rive gauche. C’était le cas du château de la Touratte, sur le
secteur de la Souys, qui appartenait au Maréchal Duc de Richelieu et qui a été détruit
par un incendie au début du XXe siècle.
Image 1: Rive droite, extrait du plan de Bordeaux, fait par Mathis, 1716-1717, Arch. Mun. Bordeaux, XL A 28 (plan complet : annexe 1)
13 Établissement public d’aménagement Bordeaux-Euratlantique, Le projet urbain « Garonne-Eiffel, Bordeaux- Floirac », Cahier des charges du concours de maîtrise d’œuvre urbaine, Bordeaux, avril 2011, p.13 14 Ibid. p. 77 15 FANZY, op.cit., p. 55 16 DONIS, op.cit., p.34
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
17
Il existait un autre canal dans la plaine : l’estey de Captaou, dont il n’est pas
certain s’il s’agissait d’un affluent de la Garonne ou bien s’il était d’origine artificielle,
pour servir de canal de drainage. Au XVIIIe siècle, ce canal avait une largeur d’environ
quinze mètres et servait pour le transport de denrées car il avait la capacité d’être
emprunté par des grands navires. À l’embouchure de ce canal se trouvaient deux ports,
celui de Hourquet et celui de Plante-Caillou17. Le Captaou servait comme un des deux
accès à la plaine, le deuxième accès étant le « petit chemin des Queyries ».
Un autre port important dans l’histoire de la rive droite a été le port de La
Bastide. Il existait certainement au début du XVIe siècle et se trouvait à l’extrémité de la
route de Paris (aujourd’hui rue de la Benauge).
Ce port est devenu plus important que celui de Tréjey pour traverser la Garonne en
direction de Bordeaux, surtout depuis qu’en 1763 le passage de la poste fut déplacé de
l’endroit de passage depuis Lormont vers le quartier des Chartrons, à celui de La
Bastide. Le port de Tréjey perdit progressivement son importance jusqu’à finalement
être complètement abandonné18.
b) La construction du premier pont et les transformations qui l’ont suivi
Le franchissement de la Garonne se faisait auparavant par le biais de bacs et de
bateaux. Les premiers projets de ponts fixes datent de 1771, mais ces projets ont
toujours eu du mal à se concrétiser en raison des hésitations sur le type de pont à
construire. Bordeaux étant une importante ville portuaire, la volonté était donc de ne pas
mettre des obstacles au passage des navires. Cependant, lorsque l’envoi de troupes vers
l’Espagne de la part de Napoléon fut retardé par le manque d’un franchissement du
fleuve, Napoléon ordonna la construction d’un pont par un décret publié le 24 avril
180819. Le projet retenu, un pont ouvrant en bois depuis la place des Salinières dans la
rive gauche (actuelle place Bir-Hakeim), fut celui de l’ingénieur en chef des Ponts et
chaussées du nom de Didier. Les travaux ont commencé en 1813, mais ont été
interrompus par une crue la même année qui causa des dommages sévères au chantier. 17 Direction générale de l’aménagement, Bordeaux La Bastide, Quartier(s) Deschamps, Souys, Trégey, Centre historique, Thiers-Galin, Queyries, Niel, Brazza, Bordeaux, Sud-ouest-SAPESO, 2011, collection Portrait de quartier(s), p.111 18 Ibid., p.112 19 DONIS, op.cit., p.267
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
18
Le projet fut repris et remanié plusieurs fois, mais cette fois-ci par l’ingénieur
Claude Deschamps. Il proposa un pont en charpentes en bois, puis un pont en massifs de
pierre et arches en fer, puis celui qui a été finalement retenu, un pont en briques et en
pierre de taille. M. Deschamps était également chargé d’acquérir les terrains nécessaires
pour la construction du pont, ainsi que pour la place qui se trouverait au débouché du
pont sur La Bastide et de la voie qui le relierait à la route de Paris. Le pont construit a
dix-sept arches en maçonnerie de pierre de taille et de briques, qui reposent sur seize
piles et deux culées en maçonnerie20. Il a une longueur totale de 486,68 m et une largeur
de 14,86 m. L’inauguration du pont, nommé « Pont Louis XVIII » (qui a pris par la
suite le nom de Pont Napoléon et qui actuellement est connu comme le Pont de pierre),
eut lieu le 26 août 1821, mais il ne fut livré aux piétons que le 29 septembre de cette
même année et ouvert à la circulation de véhicules que le 1er mai 1822.
Le pont est rapidement devenu insuffisant pour la circulation qui comptait
même le passage d’un tramway à traction animale installé à partir de 1880 et remplacé
par le tramway électrique en 1900. Cependant, sa construction marqua le début d’une
série de réaménagements pour le quartier qui signifièrent la fin de sa vocation agricole
pour se tourner vers des activités industrielles.
L’avenue Thiers, appelée avant 1878 « Avenue du Pont » ou « nouvelle voie de
Paris », fut construite en 1826, ce qui fit perdre à l’estey de Captaou sa capacité de
transport, jusqu’à son éventuelle disparition21. Au débouché du pont fut construite la
place du Pont, actuelle place Stalingrad, de forme rectangulaire avec des dimensions de
74 mètres de largeur par 114 mètres de longueur. Suite à la construction de l’avenue du
Pont furent aménagées les voies entre celle-ci et l’ancienne route de Paris, laquelle fut
nommée rue de la Benauge en 1831. La création de ces voies obéissait à cette époque à
la disposition des terrains dont les propriétaires cédaient une partie pour la construction
de routes. C’est pour cela qu’une grande partie des rues du quartier portent encore le
nom de l’ancien propriétaire du terrain qu’elles longeaient.
À partir du pont et de la nouvelle place s’est édifiée l’urbanisation la plus
ancienne du quartier, entre l’avenue Thiers et la rue de la Benauge. Il s’agissait d’une
cinquantaine de lots avec des rues de dix mètres de largeur.
20 Ibid., p.305 21 Ibid., p.46
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
19
Cette urbanisation fut suivie par la construction de maisons autour du cours Le
Rouzic, jusqu’à la rue Galin et le boulevard Jules-Simon, à partir de 1860. Jusqu’à la
période entre-deux-guerres, les maisons typiques étaient des échoppes avec la
particularité d’être bâties sur un rez-de-chaussée élevé pour mitiger les dommages
possibles des inondations. Dans le cours Le Rouzic, il y avait aussi des maisons à étage,
simples ou doubles, avec des façades Art déco. En 1895, vingt-huit maisons en bande
avec jardin ont été construites dans ce qui était l’ancien chemin de la Grande Rolande
(voir image 2). Le groupe de maisons portait le nom Jules-Simon et ceci a entraîné le
changement du nom de ce boulevard en 1901. Les maisons avec des façades en brique
et en pierre sont de cinq types, à rez-de-chaussée ou à un étage22.
Image 2 : Maisons du boulevard Jules-Simon construites au XIXe siècle, cl. Marcela Garcia, 2012
À partir de la construction du pont le quartier a commencé à s’équiper de toutes
sortes d’équipements. Des écoles, un théâtre, la mairie et le marché furent construits.
L’église Sainte-Marie fut construite par l’architecte Paul Abadie entre 1863 et 1884,
après avoir aménagé les sacristies de la cathédrale Saint-André à Bordeaux. La Maison
Cantonale, dont son importance découle du fait d’être le seul bâtiment Art Nouveau à
Bordeaux, fut l’œuvre de l’architecte Cyprien Alfred-Duprat. Sa construction débuta en
1913, mais a été interrompue par la Première Guerre et fut complétée en 1925 (voir
image 3).
22 Direction générale de l’aménagement, op.cit., p.122
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
20
Image 3 : Façade principale de la Maison Cantonale, Architecte Cyprien Alfred-Duprat, 1913-1925,
cl. Marcela Garcia, 2012
De part et d’autre du pont furent construits les quais Deschamps et le quai de
Queyries, prolongé à partir de 1848 par le quai de Brazza, tous afin de prévenir les
inondations et de favoriser l’accostage de navires d’importante taille. À partir de ce
moment-là commença la période de construction de magasins, d’entrepôts, et même
d’hôtels, ainsi que l’installation d’entreprises de transport et d’autres en relation avec la
marine, tout au long des quais. Ce fut le début d’une période de grande prospérité
commerciale et industrielle, perçue comme une menace pour celle de Bordeaux23. La
preuve de cette opposition se trouve dans les obstacles que la municipalité de la ville a
essayé de mettre en place pour éviter la construction d’une gare dans la rive droite, pour
favoriser plutôt le quai de Paludate24. Cependant, pour construire une gare à Bordeaux il
fallait prévoir un autre pont sur le fleuve, ce qui représentait une dépense trop
significative à l’époque. La construction à La Bastide de la gare d’Orléans a eu lieu
entre juin et septembre 1852 et a été dirigée par l’ingénieur Pépin Le Haleur et
l’architecte Darru. Le premier départ de La Bastide en direction de Paris eut lieu le 13
septembre de la même année25. La construction de la gare et ses respectives voies
ferrées ont entraîné la disparition du petit chemin de Queyries26. D’autres gares
importantes furent celle de « Bordeaux-Passerelle », inaugurée en 1873 et qui
fonctionna comme gare de marchandises jusqu’en 1960; et la gare de la Compagnie des
Charentes, installée en 1874 mais rachetée par la Compagnie de l’État en 1878, qui
édifia sa gare dans le terrain où sera construite la caserne des pompiers de la Benauge.
23 DONIS, op.cit., p.357 24 Ibid., p. 376 25 Ibid., p.384 26 Ibid., p. 53
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
21
La gare de Bordeaux-Benauge date de 1893 et a fonctionné comme une gare de
trains régionaux jusqu’à 2007. Elle était située face à l’ancienne usine « Cacolac » et fut
démolie en juin 201127. Les trains qui venaient de l’ouest ou du nord de la France
s’arrêtaient dans les gares correspondantes à leur compagnie ferroviaire. Pour aller à
Bordeaux, les voyageurs et les marchandises devaient traverser la Garonne par le Pont
de pierre ou par bateau. Ceci, jusqu’au raccordement de la ligne d’Orléans à la ligne du
Midi à travers une passerelle métallique sur le fleuve, construite entre 1858 et 1860 et
dont le chantier a été dirigé par l’ingénieur Gustave Eiffel (voir image 4). En 1862, une
passerelle a été ajoutée sur un de ses côtés pour permettre le passage de piétons et de
cyclistes. Elle a été démontée en 1981 car elle a été jugée dangereuse et elle a souffert
de la destruction d’une partie de ses premières travées lors de la construction du pont
ferré mis en service en mai 2008. Sa démolition a été stoppée par des groupes locaux de
défense et par l’inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO du centre-ville de
Bordeaux. Ceci a entraîné l’inscription de la passerelle aux Monuments Historiques en
2009 et son classement en 2010.
Image 4: Rive droite, extrait du plan de la ville de Bordeaux, Ernest Delpech, 1868, Arch. Mun. Bordeaux, XL A 136 (plan complet : annexe 2)
27 Histoire(s) de La Bastide, http://www.histoire-la-bastide.net/05%20chemins-de-fer.htm, notice « Les Chemins de fer » par Alain Cassagnau, consultée le 25 avril 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
22
c) L’annexion à Bordeaux ; l’essor et le déclin industriel
La question de l’annexion de La Bastide à Bordeaux date d’avant même
l’inauguration du Pont de pierre, lorsqu’une demande fut déposée à la séance du Conseil
Municipal du 31 juillet 1821. L’argument principal en faveur de l’annexion était la
possibilité pour la ville de percevoir les droits de péage qui résulteraient de la
circulation sur le pont. Cependant, les habitants et la municipalité de La Bastide
n’étaient pas favorables à ce changement et donc la question fut repoussée. Une
nouvelle demande fut relancée en 1852 dans le contexte de la construction de la gare
d’Orléans. Cette fois-ci, il était même question d’inclure la commune de Lormont dans
l’adjonction. L’affaire ne trouva pas de suite non plus. Pourtant, en dépit du fait que
Bordeaux avait acquis le droit de péage en août 1861 et qu’une enquête réalisée auprès
des habitants de La Bastide en juin 1862 montrait qu’ils n’étaient pas d’accord pour que
le quartier passe à la juridiction bordelaise, l’annexion fut effective à partir du 1er
janvier 1865. Une partie de la commune de Floirac fut également rattachée à Bordeaux,
résultant dans la superficie actuelle du quartier.
Dans les années qui suivirent la construction du Pont de pierre, plusieurs types
d’industries se sont installés à La Bastide. Pour faire mention des principales, dans
l’industrie métallurgique il y avait les Fonderies de Bordeaux et la Fonderie Jubert.
Dans le secteur de la construction navale se démarquait la Société des chantiers et
ateliers de la Gironde, fondée en 1882. Elle a atteint un tel niveau que pendant la
période entre 1882 et 1914 elle a livré un quart des navires militaires français. Elle était
le premier employeur de l’agglomération jusqu’aux années 1960, avant sa fermeture en
août 1969. Des industries chimiques étaient aussi installées, comme la Société chimique
de Bordeaux et l’usine SOFERTI. Cette dernière a été fondée en 1901, mais appartenait
auparavant à l’entreprise Saint-Gobain, jusqu’à ce qu’elle ait été rachetée en 1974 par la
compagnie SOFERTI. Elle se consacrait à la fabrication d’acide sulfurique et d’engrais
chimiques jusqu’à la fin de ses activités en 2006.
Parmi les industries alimentaires se trouvaient la Grande Huilerie de Bordeaux et
la compagnie des Grands Moulins de Bordeaux, fondée en 1921 et qui est encore en
fonctionnement. Une des entreprises les plus importantes de l’industrie légère était celle
de la société « Gustave Carde et fils et Compagnie », depuis 1894.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
23
Elle a élargi ses activités initiales de construction de charpentes et de
menuiseries au commerce de bois et à la fabrication de carrosseries d’automobiles et
d’autobus. Elle a réalisé plusieurs pavillons pour l’Exposition Universelle de 1900 à
Paris. Elle comptait plus de mille cinq cents employés en 1920 et ferma ses portes en
1974. L’usine Motobloc, fondée en 1902 se démarquait également. Cette entreprise
fabriquait des voitures qui étaient exportées dans plusieurs pays d’Europe, mais elle
produisait aussi du matériel militaire, des cyclomoteurs et des équipements de chantier.
Elle comptait mille cinq cents employés en 1916. Ses activités ont cessé suite à la
Seconde Guerre Mondiale et ses bâtiments, situés rues des Vivants dans le secteur de
Brazza, ont été démolis en 199828.
De nombreuses entreprises se sont encore installées pendant la période entre les
deux Guerres Mondiales. Pourtant, la croissance économique et démographique de La
Bastide s’est définitivement arrêtée avec la Seconde Guerre. À partir de 1950, les
nouvelles entreprises ont préféré s’installer en périphérie de Bordeaux en raison du
déclin des activités portuaires qui commençait à se manifester. En 1961 la gare
d’Orléans a cessé de fonctionner. La période de récession économique des années 1970
et 1980 a entraîné la fermeture de plusieurs usines et le départ définitif des activités
portuaires. Malgré ce fait, l’industrie restait encore l’activité principale du quartier en
199029.
28 SCHEPMAN, op.cit., p.11 et Direction générale de l’aménagement, op.cit., p.136-138 29 Bordeaux Métropole Aménagement, CHARRIER Alain, PERRAULT Dominique, Étude du schéma d’orientation des quartiers rive droite de la commune de Bordeaux, phase I, Bordeaux, Ville de Bordeaux, octobre 1996, deuxième partie, p.3
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
24
III) Délimitation territoriale
Cette partie vise à dresser le paysage complet de l’état actuel du quartier : ses
caractéristiques physiques et sa population. Il est important d’avoir cet aperçu car nous
étudierons ensuite le champ lexical associé à La Bastide fondé sur ses caractéristiques et
ses valeurs qui ont eu un impact sur les projets d’aménagement.
a) Périmètre et divisions du quartier
La Bastide est un quartier de 250 ha de superficie qui se trouve entouré par les
communes de Lormont, Cenon et Floirac. Ses limites longent le boulevard André-
Ricard, puis le boulevard Joliot-Curie jusqu’à atteindre 330 mètres de distance par
rapport aux berges. Ensuite la limite devient parallèle au fleuve et arrive jusqu’à Floirac.
La Garonne sert de limite au sud et à l’ouest. Il est le seul quartier de la ville de
Bordeaux qui se trouve dans la rive droite de l’agglomération, séparé par le fleuve qui
atteint des largeurs maximales de 500 m. Le quartier est constitué par des secteurs qui
sont souvent désignés comme des quartiers eux-mêmes, mais qui ne constituent pas des
véritables divisions administratives. Ils servent surtout à distinguer les différentes zones
de La Bastide selon les activités qu’ils accueillent et les projets d’aménagement qui les
concernent. Dans la documentation, les secteurs sont donc désignés avec le préfixe
« Bastide » pour bien montrer qu’ils appartiennent au quartier, par exemple « Bastide-
Niel », « Bastide-Brazza ».
En commençant par le nord, le premier secteur est celui de Brazza, du nom du
quai en bordure du fleuve. Il est situé en face des Bassins à flots de la rive gauche, dans
ce qui sera à partir de mars 2013 le débouché sur la rive droite du pont Bacalan–
Bastide. Brazza a une superficie de 90 ha. Ses limites sont : au nord-ouest, le fleuve ; au
nord–est, la rue Charles-Chaigneau et le boulevard André-Ricard ; au sud–est, l’avenue
Thiers et au sud–ouest, la rue Bouthier. Il faut remarquer aussi que la partie entre la rue
Charles-Chaigneau et le boulevard André-Ricard ne fait pas partie du futur projet
d’aménagement de Brazza mais appartient à La Bastide.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
25
Image 5: Secteur Bastide-Brazza, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/, modifications : Marcela Garcia, mai 2012
Au sud de Brazza se trouve le secteur Niel, nommé ainsi par l’ancienne caserne
militaire qu’elle abrite. Cette caserne occupe 9,5 ha des trente-deux au total de la zone.
Le secteur est limité par le fleuve au nord–ouest, la rue Bouthier au nord–est, l’avenue
Thiers au sud–est et la rue Hortense et l’avenue Abadie au sud–ouest.
Image 6: Secteur Bastide-Niel, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/, modifications : Marcela Garcia, mai 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
26
Dans le prolongement du quai de Queyries, qui touche aussi Niel, se trouve la
Zone d’Aménagement Concertée « Cœur de Bastide », statut qu’elle a acquis à partir de
1998. Elle a une superficie de 29 ha, délimitées au nord–est par la rue Reignier et
l’avenue Abadie, en englobant le Pôle universitaire de Gestion ; au sud–est par l’allée
Serr, mais sans inclure l’ancienne Gare d’Orléans et dans toute la partie ouest par la
Garonne.
Image 7: ZAC « Cœur de Bastide », extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/, modifications : Marcela Garcia, mai 2012
Le secteur de la Benauge prend son nom de la rue de la Benauge, qui était la
première route qui connectait Bordeaux à Paris et qui traverse le secteur. Dans cette
zone se trouve la cité de la Benauge constituée par la cité Pinçon, première partie qui a
été construite, et la cité Blanche, chronologiquement postérieure et de bâtiments plus
élevés.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
27
Image 8: Secteur de la Benauge, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/, modifications : Marcela Garcia, mai 2012
La limite du secteur Deschamps suit les rue de la Benauge, Henri-Dunant,
Promis, Cénac, Joseph-Fauré, Trégey et Mozart jusqu’à toucher le boulevard Joliot-
Curie qui s’adosse aux voies ferrées, formant toutes les deux une barrière de 1.8 km de
largeur.
Image 9: Secteur Deschamps, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/, modifications : Marcela Garcia, mai 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
28
Le mot « souys » qui désigne le dernier secteur serait une dérivation des mots
souille ou souillarde, qui est la pièce dans une échoppe qui ne reçoit pas de lumière
naturelle de l’extérieur, ou bien ce serait un mot d’origine hollandaise qui signifie
marais. Il s’agit d’un secteur un peu particulier, car il est partagé entre Bordeaux et
Floirac. La limite officielle entre les communes est parallèle au fleuve, mais les
divisions des parcelles ne correspondent pas à ce découpage. Il existe aussi une
incohérence entre les noms des rues qui changent selon la commune30.
Image 10: Secteur de la Souys, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/, modifications : Marcela Garcia, mai 2012
Certaines zones résidentielles qui ne sont pas concernés par des projets
d’aménagement restent en dehors de ses secteurs. Il s’agit notamment des maisons du
côté nord de l’avenue Thiers en proximité de la place Stalingrad, et des îlots entre la
ZAC et le secteur Niel.
30 Établissement public d’aménagement Bordeaux-Euratlantique, Le projet urbain « Garonne-Eiffel, Bordeaux-Floirac », op.cit., p.29
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
29
b) Description de la physionomie du quartier
La Bastide a toujours été, et reste encore une zone avec des forts risques
d’inondation, soumise aux influences de la Garonne. Elle est reliée à Bordeaux par le
Pont de pierre qui est aligné avec l’avenue Thiers. Cette avenue traverse tout le
quartier ; c’est la seule voie desservie par le tramway depuis 2003 et elle marque la
séparation entre les secteurs traditionnellement voués aux activités de Queyries et de
Brazza et celui d’habitat, la Benauge, au sud. Le quartier est isolé des autres communes
situées sur la rive droite par le boulevard Joliot-Curie qui se prolonge par le boulevard
André-Ricard. Les deux principales voies véhiculaires sont l’avenue Thiers et la rue qui
circule le long des quais de Brazza et de Queyries. Les voies secondaires sont plus
étroites, la plupart à sens unique et empruntées principalement par les habitants31.
D’autres frontières sont formées également par les lignes ferroviaires qui restent encore
dans tous les secteurs sauf dans la ZAC et la Benauge.
Un diagnostic exhaustif de la condition physique et sociale du quartier a été
réalisé en octobre 1996, dans le cadre de la mise en place de la ZAC « Cœur de
Bastide »32. Cette étude caractérisait le paysage du quartier, faisait un inventaire de ses
activités et de ses équipements et décrivait l’évolution de la population du quartier, afin
d’aboutir à des propositions pour l’orientation de la Zone d’Aménagement Concerté. En
dehors des changements radicaux mis en place dans les 29 ha de la ZAC, le quartier
garde les mêmes caractéristiques essentielles de l’époque et c’est pour cela que cette
description s’appuie sur cet état des lieux.
Pour commencer, trois types de paysages ont été identifiés dans la rive droite33.
Le premier est celui du bas des coteaux, qui ont été urbanisés au XIXe siècle. Les
habitations se sont situées en retrait du fleuve, car en bordure les inondations
constituaient un danger. À proximité de la Garonne se sont donc installées les activités
industrielles. Le deuxième paysage est constitué par le versant des coteaux, qui a un
dénivelé de 80 m et qui alterne des pentes douces avec d’autres plus abruptes. 31Bureau d’études ECCTA, ZAC « Cœur de Bastide », Dossier de création/réalisation, étude d’impact, Bordeaux, 1998, p.24 32Bordeaux Métropole Aménagement, CHARRIER Alain, PERRAULT Dominique, Étude du schéma d’orientation des quartiers rive droite de la commune de Bordeaux, phase I, Bordeaux, Ville de Bordeaux, octobre 1996 33Ibid., partie 1.2.2
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
30
Finalement, le troisième paysage est celui du plateau des Hauts de Garonne, marqué par
les ensembles de logements collectifs construits dans les années 1960 et 1970.
Le schéma de 1996 séparait La Bastide en six territoires, qui correspondent en
partie aux secteurs dans lesquels est actuellement divisé le quartier. Le premier territoire
prenait l’avenue Thiers, depuis la place Stalingrad jusqu’à la rue Bouthier, une zone
importante considérée comme le principal pôle d’activités commerciales de La Bastide.
Le deuxième territoire est celui qui est devenu par la suite la ZAC « Cœur de Bastide »,
face à une partie du quai de Queyries. Il est actuellement composé par des logements et
des équipements publics et privés. Les territoires à plus forte vocation industrielle sont
Brazza, Deschamps et la Souys. Le secteur de la Benauge est principalement voué à
l’habitat, avec quelques postes de commerce et d’artisanat. Il est très dense par rapport
au reste du quartier et après la construction de la cité de la Benauge il a été considéré
bien équipé, quoique communiquant assez mal avec les autres quartiers. Le sixième
territoire est celui des berges du fleuve. Il s’agit de la partie du quartier qui a justifié la
dite « spécificité végétale » que les projets d’aménagement de la rive droite à partir des
années 1990 ont voulu mettre en valeur. Il est important de signaler que c’est une zone
avec une superficie réduite par rapport aux autres territoires mentionnés, ce qui rend
cette spécificité questionnable. Les projets pour redynamiser la rive droite datent du
début des années 1980 et c’est à partir de cette époque que s’est mise en place une
politique d’acquisition de terrains, surtout dans la zone qui est devenue le ZAC. C’est la
raison pour laquelle en 1996, 127 ha du quartier appartenaient à sept propriétaires
seulement : la Communauté Urbaine de Bordeaux et son office public d’habitat,
Aquitanis ; la Ville de Bordeaux, l’État, la SNCF, le Port autonome de Bordeaux et la
société créée pour aménager la rive droite, ARDEUR.
L’analyse de la répartition de l’habitat montrait que les densités des habitations
étaient réparties de manière décroissante de l’ouest vers l’est. Au début de l’avenue
Thiers, autour de la place Stalingrad, il y avait de soixante-dix à quatre-vingts
logements par hectare, tandis qu’à la fin de cette même avenue la densité diminuait de
trente à quarante logements par hectare. La typologie de logement dominante dans le
quartier est l’échoppe bordelaise d’une taille oscillante entre les 70 à 100 m² et qui, en
1996, pouvait atteindre des prix inférieurs de 10 à 15% par rapport à ceux de la rive
gauche.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
31
Les seules constructions qui ressortent de ce paysage de basse hauteur sont
celles de la cité de la Benauge, qui peuvent atteindre seize étages et dont les densités
varient de quatre-vingts à cent logements par hectare. Le secteur des logements de La
Bastide est considéré en 1996 comme bien doté en établissements scolaires, en
installations sportives, en lieux d’animation et en espaces publics, mais déficitaire en
infrastructures culturelles.
Deschamps est actuellement composé de friches industrielles et ferroviaires,
avec quelques îlots habités, dont les conditions de vie sont dévalorisées par les
nuisances sonores causées par les passages des trains et l’obstacle visuel que constituent
les murs anti-bruit qui ont été installés34. Ces îlots se trouvent le long de la rue Joseph-
Fauré et de la rue Mozart, où les habitations sont des échoppes ou des maisons en pierre
de taille d’un étage sur rez-de-chaussée. Au milieu de ce secteur se trouve la cité La
Souys, composée d’une dizaine de maisons35. Dans ce secteur se situe également
l’ancienne site de l’usine « Cacolac », un terrain de 2 ha qui a été racheté par la CUB.
Ses équipements éducatifs et sportifs (les lycées François Mauriac et Trégey et les
stades Promis et Trégey) forment une barrière entre le secteur résidentiel de la Benauge
et cette zone.
Le secteur de la Souys est faiblement occupé par des activités économiques et
par quelques îlots habités36. Il accueille certains sites industriels qui ne seront pas
relocalisés avec les projets futurs : c’est le cas de l’atelier industriel aéronautique du
ministère de la Défense, qui occupe 14,5 ha entre le quai et la rue Émile-Combes, de
l’usine « Oxymétal » et des terrains qui appartiennent à la société Fayat. Les quais des
secteurs Deschamps et la Souys ne sont pas accessibles du tout à cause de la présence
d’activités sur les berges.
34 Ces nuisances affectent également les immeubles de la cité Blanche, à Benauge. 35 Établissement public d’aménagement Bordeaux-Euratlantique, Le projet urbain « Garonne-Eiffel, Bordeaux-Floirac », op.cit., p.27 36 Ibid., p.29
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
32
c) Description de la population du quartier
Dans la conclusion de La Bastide à travers les siècles, André Donis affirme qu’il
y a 20 334 habitants dans le quartier en 191437. À partir de ce moment-là, le quartier est
entré dans une phase de dépopulation, que l’Étude du schéma d’orientation des
quartiers de la rive droite chiffre à 22% entre 1968 et 1975, nettement supérieure à
celle de Bordeaux pour la même époque à seulement 5%. Entre 1978 et 1985, ce même
document cite une baisse dramatique de la moitié de la population du quartier. Ensuite,
l’étude s’appuie sur des données de l’Institut national de la statistique et des études
économiques (INSEE) qui ont déterminé que la population totale du quartier en 1990
était de 11 423 personnes, dont 32% avait moins de 25 ans et 23% avait plus de 60 ans.
La population active dans le quartier était de 6 191 personnes, ce qui faisait un taux
d’activité de 54,2%, avec un taux de chômage de 18,2%. L’analyse de la structure de la
population active ayant un emploi montrait une prédominance d’employés (35%) et
d’ouvriers (32%) par rapport aux artisans, commerçants et chefs d’entreprise (8,5%) et
aux cadres et professions intellectuelles supérieures (8%). La population étrangère dans
le quartier représentait un dixième de la population38.
Le recensement de la population fait en 1999 par l’INSEE, montre que la
population du quartier était de 12 995 personnes, tandis que le recensement de 2008
chiffre la population à 14 502, ce qui permet d’affirmer que les initiatives mises en
place à partir des années 1990 ont réussi à repeupler le quartier. En 2008, la population
de moins de 20 ans était de 24% et celle de plus de 60 ans de 14%. Le taux d’activité est
descendu à 49%, et il est ainsi pour le taux de chômage qui compte 14,3%. Pour ce qui
est de la répartition des professions et catégories socioprofessionnelles, les pourcentages
les plus élevés restent ceux des employés (31%) et des ouvriers (21%). Les artisans
représentent 6% et les cadres et professions intellectuelles supérieures a augmenté à
15%. Le pourcentage de la population étrangère dans le quartier reste inchangé à 10%39.
37DONIS, op.cit., p.507 38Bordeaux Métropole Aménagement, CHARRIER Alain, PERRAULT Dominique, op. cit., deuxième partie 39 Données obtenues sur le site web de l’Insee : Institut National de la Statistique et des Études Économiques, http://www.recensement.insee.fr/, Notice : « Résultats du recensement de la population -2008 », consultée le 21 avril 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
33
d) Le champ lexical de La Bastide
Lorsqu’il s’agit de caractériser le quartier, la littérature et la documentation est
souvent répétitive : elle reprend les mêmes appellations pour dresser une image du
quartier que, sans doute, a influencé la vision que les décideurs, les concepteurs de
projets et les habitants de la rive gauche ont eu de cette zone.
En 1775, en pleine période de débats autour de la meilleure solution technique
pour construire le premier pont qui allait franchir la Garonne et unir Bordeaux avec La
Bastide, un avocat au Parlement de la ville, du nom de Chevalier, présenta un mémoire
à l’Intendance de la Généralité sur l’établissement d’un pont à bateaux. Dans ce
mémoire, Chevalier anticipa la vocation commerciale du quartier et écrivit : « Je
prophétise qu’il se formera bientôt sur la rive droite une ville nouvelle qu’il sera facile
de rendre aussi belle que celle de l’autre rive40. » André Donis, appuya ces propos, de
manière un peu nuancée, mais non moins élogieux: « La “ville nouvelle” qui s’édifie en
Queyries ne présente pas comme celle de l’autre rive des constructions élégantes ; ses
voies ne sont ni très spacieuses, ni brillamment éclairées et leur pavé n’est pas bien net ;
les balayeurs ne sauraient y faire leur service nocturne. Si le promeneur qui la visite n’y
éprouve aucune jouissance artistique, il a du moins sous les yeux le réconfortant
spectacle du travail, de l’activité. C’est, en effet, par milliers de tonnes que s’y
manutentionnent chaque jour les matières pondéreuses ou autres et les plus diverses. Au
milieu du halètement des machines, du bruit strident des grues, s’agite une véritable
armée de travailleurs ; le mouvement des wagons et des véhicules de toutes sortes y est
continu, incessant et tient presque du prodige41. »
Ce sera l’une des dernières fois que l’activité industrielle du quartier sera
abordée de manière si positive. En raison de la déclinaison de cette activité, l’image
industrielle est devenue par la suite une des difficultés auxquelles ont dû faire face les
projets d’aménagement42.
40DONIS, op.cit., p.251 41Ibid., p.251 – 252 42MORENO, op.cit., p.60
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
34
Les entreprises qui restaient à La Bastide n’étaient pas considérées d’une grande
valeur et leur principale raison pour ne pas quitter le quartier était les faibles loyers
qu’elles avaient encore la possibilité de payer43. Cependant, lorsque les entreprises
quittaient la zone, le paysage qu’elles laissaient n’était pas encourageant non plus. Les
espaces abandonnés autrefois occupés par des usines, des entrepôts, par la gare
d’Orléans et ses lignes ferroviaires, ainsi que par la caserne Niel et les Magasins
généraux sont fréquemment désignés par le vocable « friches ». Ces terrains délaissés
ont souvent été interprétés par les auteurs comme l’expression physique de l’exclusion
qu’a subit le quartier de la part du reste de l’agglomération. La situation a atteint un tel
niveau que les gens se référaient au quartier comme Beyrouth44, évoquant l’état de
destruction de la capitale libanaise suite à la guerre civile que s’est déroulée entre 1975
et 1990. Face à la rive gauche, homogène, historique et prestigieuse, La Bastide n’a été
perçue que comme une « succession disparate d’ateliers et d’immeubles à l’abandon45 »,
implantée dans un décor urbain sinistré46. En dehors de cette industrie en décadence,
l’activité commerciale du quartier est signalée comme faible, consistant en de petits
commerces et des services à vocation de proximité47, que d’ailleurs, les habitants
considèrent insuffisants pour répondre à leurs besoins48.
Cet environnement a dévalorisé les habitations du quartier et a découragé les
investissements qui auraient pu résulter dans la construction de nouveaux logements ou
le réaménagement des existants. Le niveau de confort de l’habitat a été jugé inférieur à
la moyenne de Bordeaux et il a été qualifié parfois d’insalubre. À une époque, il a
même été question de lèpre dans certains secteurs49.
43Dossier de présentation de l’Opération Bastide – Quinconces, Plans, notes, photos, étude du foncier et coût de libération, Bordeaux, Communauté urbaine de Bordeaux, Janvier 1981 (Archives municipales, cote : 1073 W 467), première partie, p.8 44SCHEPMAN, op.cit., p.18 et entretien avec Madame Brigitte Lacombe du 22 février 2012 45Dossier de présentation de l’opération Bastide – Quinconces, op.cit., première partie, p.8 46GODIER Patrice, sous la direction de TAPIE Guy, Fabrication de la ville contemporaine : processus et acteurs, le cas de l’agglomération bordelaise, Thèse pour le doctorat en Sociologie, Bordeaux, Université Bordeaux II Victor Segalen, 2009, p.155 47TEULET, op.cit., p.7 48SCHEPMAN, op.cit., p.37 et entretien avec Monsieur Michel Pionnier du 20 janvier 2012 49Dossier de présentation de l’opération Bastide – Quinconces, op.cit., troisième partie, p.7
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
35
S’ajoute à cette image de logis de mauvaise qualité une image d’immobilier
vieillissant et de logement de type social. L’Étude du schéma d’orientation des
quartiers rive droite de la commune de Bordeaux, mentionne qu’en 1990, plus de deux
tiers des logements existants sont antérieurs à 1950 et que 40% de ces deux tiers
dataient d’avant 1915. La proportion de logements sociaux de La Bastide en 1990 était
de 25% contre 13,4% à Bordeaux50, mais d’autres auteurs vont plus loin et affirment
que 47% du parc immobilier sont des Habitations à Loyer Modéré51 (HLM). Seul point
positif : le taux de vacance était inférieur dans le quartier par rapport au reste de
Bordeaux : 8,5% contre 12% dans la ville. Il a été identifié un secteur avec des maisons
en bon état qui sont les mieux cotées du quartier, ce sont celles qui se trouvent entre
l’avenue Thiers, la rue de la Benauge et le boulevard Jules-Simon, avec la place
Calixte-Camelle au centre52.
Sur la population du quartier, les statistiques antérieures à 1999 montrent que La
Bastide a subi un fort dépeuplement et qu’une grande partie des habitants qui sont restés
se trouvaient à la retraite ou au chômage. Cependant, les appellations pour caractériser
cette population sont parfois très sévères, voire condescendantes. En 1981, le Dossier de
présentation de l’opération Bastide – Quinconces signale : « Sur le plan sociologique,
la population se prend peu en charge, reste plutôt à l’écart des foyers de socialisation et
subit son cadre de vie médiocre, sans en envisager la modification. » Plus loin, la
population est qualifiée de vieillissante et « probablement non demanderesse de
changement53 ». C’est une image qui a un peu changé dans les études ultérieures où, en
dépit des caractéristiques préoccupantes de la population, elle est qualifiée aussi comme
dynamique et donc susceptible à se développer54. La Bastide est fréquemment désignée
par l’appellation de « quartier populaire », en raison de l’origine sociale de ses
habitants, des travailleurs ou des retraités des anciennes implantations industrielles du
quartier ainsi que par le nombre plus important de cette population qui se trouve
concentrée dans ce secteur par rapport au reste de la ville55.
50Bordeaux Métropole Aménagement, CHARRIER Alain, PERRAULT Dominique, op.cit., quatrième partie, p.1 51SCHEPMAN, op.cit., p.18 52Dossier de présentation de l’opération Bastide – Quinconces, op.cit., troisième partie, p.7 53Ibid. 54Bordeaux Métropole Aménagement, CHARRIER Alain, PERRAULT Dominique, op.cit., deuxième partie, p.1 55Dossier de présentation de l’opération Bastide – Quinconces, op.cit., troisième partie, p.7
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
36
Il en résulte un quartier pratiquement homogène, ce qui constitue l’un des
fondements de son identité sociale. Une autre composante de cette identité est l’union
de ces habitants. La population bastidienne est un « bloc56 » qui revendique fortement
son appartenance à la rive droite et sa distinction par rapport à Bordeaux57.
La Bastide a une importante vie associative : rien que dans le quartier se
trouvent soixante-quinze associations qui se rassemblent une fois par an dans un
événement intitulé « Quai des associations de La Bastide » qui a fêté sa troisième
édition en septembre 2011. Les relations qu’entretiennent les habitants entre eux
donnent au quartier une ambiance de village qu’ils veulent préserver avant tout58. Une
partie de sa population a la forte volonté de transcrire la mémoire du quartier. C’est le
travail que réalise l’association « Histoire(s) de La Bastide », responsable de la
publication de trois fascicules sur des importants éléments du patrimoine bâti du
quartier : la gare d’Orléans, la Maison Cantonale et la caserne Niel59. En association
avec les Amis du Vieux Lormont, ils ont participé à l’organisation du treizième
colloque du Comité de liaison des associations historiques, archéologiques et de
sauvegarde du patrimoine de l’Entre-deux-Mers (CLEM), intitulé « La rive droite de
Bordeaux, Porte de l’Entre-Deux-Mers », entre le 14 et le 16 octobre 2011. Également,
ils mènent des assemblées trimestrielles avec les adhérents de l’association où ils
présentent les travaux de recherche sur l’histoire du quartier que mènent certains de ses
membres60, de manière bénévole. « Histoire(s) de La Bastide » a des échanges avec
d’autres associations à but similaire comme celles qui existent dans le quartier de
Bacalan, une autre zone qui revendique aussi une identité propre.
56TEULET, op.cit., p.7 57Contrat de Ville de l’agglomération bordelaise, Convention territoriale de la ville de Bordeaux 2000 – 2006, Bordeaux, Ville de Bordeaux, 2000, p.43 58PARIN Claire, « Rive droite : un territoire en projets », dans Bordeaux Métropole, Un futur sans rupture, Marseille, Éditions Parenthèses, 2009, Collection La ville en train de se faire, p.193 et Entretien avec Madame Brigitte Lacombe du 22 février 2012 59BERNARD Youenn, CASSAGNAU Alain, La Gare d’Orléans ; BOULLANGER Denis, COUSTET Robert, La Maison Cantonale ; CASSAGNAU Alain, VATICAN Agnès, La Caserne Niel et les Magasins Généraux, tous les trois édités par l’association Histoire(s) de La Bastide, Bordeaux, 2009 60 Par exemple, lors de la rencontre des membres du 20 mars 2012, Monsieur Michel Pionnier présenta ses recherches sur Nicolas Stanislas Léglise, un historien et romancier du quartier. La prochaine recherche de Monsieur Pionnier porte sur les statues et les plaques commémoratives qui se trouvent à La Bastide.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
37
Une autre initiative digne de mention est le programme de la Ville de Bordeaux
nommé « Je raconte ma ville ». Des jeunes bénévoles mènent un travail de recueil de
témoignages auprès des habitants les plus anciens des différents quartiers de Bordeaux,
pour préserver la mémoire de ces quartiers et favoriser les échanges entre les
générations. La Bastide fait partie de ce programme et les bénévoles qui réalisent ce
travail ont pour objectif de publier en septembre 2012 un ouvrage sur les témoignages
recueillis, dont des fragments sont accessibles en ligne61.
Dans les relations que le quartier entretient avec le reste de la ville de Bordeaux,
il y a beaucoup à dire également. Pour tout ce qu’elle représente, un lieu d’industries en
décadence, des logements en mauvaises conditions, une population ouvrière, La Bastide
est non seulement mal perçue, mais elle est avant tout méconnue des Bordelais62, qui
franchissent rarement la barrière physique et symbolique de la Garonne63. Nous nous
permettons d’avancer l’hypothèse que cette image négative a influencé en partie le
portrait peu élogieux que les articles de presse ont donné à la ZAC « Cœur de Bastide »,
en ce qui concerne la pauvre qualité architecturale de ses bâtiments. Cette qualité n’a
jamais été remise en question car elle ne semble pas en contradiction avec l’imaginaire
lié au quartier, même si la ZAC n’a pas vraiment été l’objet d’une analyse formelle.
Si dans toute construction identitaire il est nécessaire d’avoir la figure d’un
« Autre » pour affirmer une spécificité64, dans le cas de La Bastide il est clair que
l’Autre est la ville qui s’est développée dans la rive gauche et à laquelle elle n’a pas
toujours été rattachée administrativement. Les habitants du quartier disent être
Bastidiens avant d’être Bordelais, ce qui leur a valu une réputation d’éprouver une
certaine ambivalence par rapport à la ville, de donner à la zone la particularité de n’être
ni tout à fait rive droite, ni tout à fait bordelaise65. Face à la question de savoir si
l’annexion du quartier à Bordeaux a été positive, André Donis affirmait en 1920 que les
vrais Bastidiens, ceux qui étaient déjà installés lors du changement, regrettaient leur
autonomie, encore cinquante ans après ce fait. Ces habitants ne sentaient pas que le
quartier faisait vraiment partie de Bordeaux. 61Entretien avec Monsieur Lucas Lopes du 22 février 2012. Les témoignages se trouvent dans le site Je raconte ma ville, http://raconte.bordeaux.fr/la-bastide/, notice « La Bastide », consultée le 20 avril 2012 62FANZY, op.cit., p.47 63GODIER, op.cit., p.155 64DE BIASE Alessia, ROSSI Cristina (direction), Chez nous, Identités et territoires dans les mondes contemporains, Paris, Editions de la Villette, 2006, p.22 65Contrat de Ville de l’agglomération bordelaise, op.cit., p.42
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
38
L’auteur se voulait le porte-parole du mécontentement de ces habitants et a
exprimé que le quartier aurait pu se développer de manière autonome sans problèmes,
mais aussi que l’annexion a valu au quartier de nombreux avantages. Il a évoqué la
construction et l’entretien des voies de communication, mais aussi une influence de type
intellectuel et artistique. Selon lui, les deux rives ont progressé parallèlement dans ces
aspects mais, dans certaines occasions, La Bastide a précédé la rive gauche66.
Un des aspects les plus graves dans cette relation conflictuelle entre les deux
rives est que les élus et les promoteurs, à partir des années 1980, ont voulu réaménager
La Bastide en ayant comme principale motivation la localisation du quartier. La vue
«imprenable » sur la façade de la rive gauche représente l’avantage primordial que
citent les projets qui ont abouti dans la ZAC. De nombreux études et articles
généralisent tout le quartier par cette zone qui en réalité ne représente qu’une faible
superficie du quartier. En autres termes, les différents acteurs des projets ont toujours
voulu construire La Bastide en fonction de la rive gauche, plus que pour elle-même67.
Ceci s’est reflété dans ce qui est perçu comme les possibilités de développement
du quartier et les objectifs que poursuivent les élus. Si pendant un certain temps
Bordeaux a pu être considérée « La ville sans projet68 », les nombreuses études dont La
Bastide a fait l’objet et qui n’ont pas abouti dans des aménagements concrets lui ont
valu d’être l’incarnation des hésitations des élus69 et des problèmes structurels de
l’agglomération70. Pourtant, dans les potentialités et les objectifs visés pour le quartier,
il y a aussi une répétition des mêmes termes. Premièrement, il est de rigueur de rappeler
sa localisation au cœur de l’agglomération. La Bastide est la vitrine de la rive droite et
c’est par elle que doit commencer la redynamisation de tout le secteur et la fédération
entre communes71.
66DONIS, op.cit., p.422 67SCHEPMAN, op.cit., p.42 68Selon l’expression de Jean Marieu dans sa thèse de doctorat en Géographie de l’aménagement, Bordeaux ou la ville sans projet ?, Chronique d’un territoire annoncé qui date de 1997 69FANZY, op.cit., p.62 70SCHEPMAN, op.cit., p.19 71Dossier de présentation de l’opération Bastide – Quinconces, op.cit., troisième partie, p.4
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
39
Déjà en 1996, le quartier est considéré comme une zone attractive pour les
jeunes ménages avec enfants qui cherchent à accéder à la propriété d’une maison avec
jardin, ou pour toute personne désireuse de tranquillité et de prix moins élevés, qu’ils
viennent de la rive gauche ou des autres communes de la rive droite72. En vue de ce
phénomène et de la dépopulation du quartier, le premier objectif est de favoriser la
croissance démographique de l’autre côté de la Garonne, d’attirer les gens par des
équipements qui puissent « rayonner » au-delà du quartier et de « changer
progressivement, mais radicalement l’esthétique et la vocation de ces lieux aujourd’hui
délaissés73 ». Quelques années plus tard, il n’est pas seulement question de changer
l’aspect du quartier, mais son identité complète, par le biais de l’installation
d’équipements et d’activités qui ne correspondent ni aux pratiques actuelles ni à
l’histoire du quartier. Il y a une reconnaissance que les enjeux du développement du
quartier sont à l’échelle de l’agglomération et que les initiatives mises en place vont
cristalliser les « craintes contradictoires » des habitants de La Bastide qui d’une part ne
veulent pas que leur quartier soit « normalisé », mais ne veulent pas non plus être tenus
à l’écart des projets de l’agglomération. Le besoin s’impose de faire sortir le quartier de
son identité figée de rejet et d’abandon vis-à-vis de Bordeaux74.
72Bordeaux Métropole Aménagement, CHARRIER Alain, PERRAULT Dominique, op.cit., première partie, p.1 73Ibid., p. 2 74Contrat de Ville de l’agglomération bordelaise, op.cit., p.44
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
40
IV) La Bastide dans la période de l’administration Chaban-Delmas
Nous allons nous pencher sur les principales constructions et projets
d’aménagement faits pendant le mandat de Jacques Chaban-Delmas. À travers l’étude
de ces projets, il est question d’appréhender les caractéristiques qui auraient pu marquer
l’architecture de La Bastide pendant la période entre 1947 et 1995 afin de savoir si les
constructions postérieures à cette époque se sont inscrites dans une continuité ou l’ont
plutôt rompue ou laissée de côté.
a) La cité de la Benauge
Image 11: Cité Pinçon, quartier de la Benauge à Bordeaux, 1950, Arch. Mun. Bordeaux, 16 Fi 63
La cité de la Benauge est composée par deux ensembles, le premier réalisé entre
1948 et 1953 appelé cité Pinçon et son extension nommée la cité Blanche réalisée entre
1957 et 1959. La cité Pinçon se trouve dans ce qui était auparavant les terrains Pinçon,
d’une superficie de 15 ha, délimités au nord par la cité du Petit-Cardinal, à l’est par la
rue Alexandre-Fleming, au sud par la rue de la Benauge et à l’ouest par le boulevard
Jules-Simon. Ce projet combine un programme de logements avec des équipements
scolaires, culturels et sportifs.
La cité de la Benauge était un projet originalement conçu pour combler le besoin
de logements dans la période postérieure à la Seconde Guerre Mondiale et notamment
pour des personnes en difficulté sociale. Le recours à l’Office Public d’Habitation à
Loyer Modéré (OPHLM) pour la gestion des logements de cet ensemble a donc été
nécessaire.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
41
Cependant, comme l’explique Frank Arnaudin dans son mémoire consacré à
l’histoire de la cité75, les familles qui ont pu accéder à des logements de la cité Pinçon
étaient de classe aisée, des fonctionnaires et des cadres moyens. Une tendance inverse à
celle suivie pour la cité Blanche qui présente des caractéristiques formelles moins
intéressantes et qui a accueilli depuis le début des gens de secteurs défavorisés. Un autre
objectif poursuivi lors de la réalisation de ce projet était la mise en place d’équipements
collectifs sur la rive droite qui n’en comptait pas beaucoup.
Dans le premier plan de masse réalisé en 1946 par l’architecte en chef de la
Ville, Paul Volette, la priorité était donnée aux équipements sportifs et au jardin public
qui occupaient la plupart du terrain, laissant les logements à l’extrémité sud et à l’angle
nord-ouest (voir annexe 3).
Un deuxième plan d’aménagement a été dressé par l’urbaniste conseil de la ville
de Bordeaux, Jean Royer en 1948, qui prévoyait d’installer 470 logements collectifs et
90 logements individuels avec un jardin public, un groupe scolaire, une crèche, un
centre social, un centre administratif, une salle de fêtes, un marché couvert et une
piscine d’été (voir image 12). La première tranche de travaux s’est concentrée sur 192
logements collectifs répartis en vingt immeubles de trois et quatre étages approuvés par
le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (M.R.U.) le 18 août 1948.
75 ARNAUDIN Frank, sous la direction de GUILLAUME Pierre, Histoire du logement social à Bordeaux à partir de 1945, L’exemple de la cité de la Benauge depuis sa création à nos jours, Bordeaux, Université de Bordeaux 3, UFR Histoire, 1993
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
42
Image 12: Plan masse de la cité de la Benauge, architectes Jean Royer et Claude Leloup, juillet 1949, Arch. Mun. Bordeaux, 1073 W 413
Les appartements de cette première tranche se composent d’une entrée vestiaire,
d’une salle de séjour, de deux chambres, d’une cuisine, d’une salle d’eau, d’un W.C. et
de penderies. La hauteur de ces bâtiments rompait déjà avec l’échelle habituelle des
échoppes de la ville. Cependant, le respect des traditions locales et l’insertion
harmonieuse à l’environnement ont été reflétés par le biais des matériaux employés : les
édifices présentent un soubassement en béton avec un appareillage en moellons et des
murs en pierre du pays de 40 cm d’épaisseur, des charpentes en bois et toitures à quatre
pentes en tuiles romanes, les portes d’entrée en acajou, les menuiseries extérieures en
sapin rouge du Nord, les intérieures en sapin du pays des Vosges. Les cloisons
intérieures sont faites en briques creuses (voir images 13 et 14. Plans et images
complémentaires : annexes 4 à 7).
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
43
Image 13: Façade frontale d’immeuble, cité Pinçon, architecte Paul Volette, décembre 1949, Arch. Mun. Bordeaux, 9150 M 72
Image 14: Façade principale d’immeuble, cité Pinçon, architecte Paul Volette, cl. Marcela Garcia, 2012
En 1950, le M.R.U. a jugé un peu faible la densité d’occupation dans la cité,
raison pour laquelle la deuxième tranche de travaux a été confiée à l’architecte Jacques
Carlu, Grand Prix de Rome, Architecte en Chef du Gouvernement et membre du comité
d’architectes-conseils de la ville de Bordeaux. La volonté était d’augmenter le nombre
d’étages des immeubles plutôt que de réduire les espaces verts dans le terrain. Ainsi,
dans l’emplacement originalement destiné à quatre barres ont été construits deux
immeubles de dix étages, les premiers à atteindre cette hauteur à Bordeaux (voir images
15 et 16). Ce sont ajoutés à ces deux immeubles trente maisons individuelles et quinze
immeubles collectifs, dont neuf à trois étages et six cinq étages (voir annexes 8 à 15).
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
44
La deuxième tranche comptait 416 logements en total. Les méthodes de
construction ont été changées pour des raisons économiques et techniques : le prix des
matériaux employés dans la première tranche était trop élevé, il était désormais
nécessaire d’accélérer le procès de construction et les hauteurs trop importantes des
bâtiments ne permettaient pas de construire avec de la pierre. Les nouveaux édifices,
plus sobres, ont été construits avec une ossature en béton, un remplissage en pouzzolane
et étaient couronnés par des simples toits-terrasses.
Image 15: Façade principale immeuble, cité Pinçon, architecte Jacques Carlu, février 1951, Arch. Mun. Bordeaux, 9150 M 72
Image 16: Façade principale immeuble, cité Pinçon, architecte Jacques Carlu, cl. Marcela Garcia, 2012
De son côté, la cité Blanche dont la première série de travaux a été réalisée entre
1957 et 1959, regroupe six immeubles dont trois bâtiments de cinq étages, un de onze
étages et deux de seize étages pour un total de 454 logements (voir image 17 ; images
complémentaires : annexes 16 et 17). Cet ensemble se situe entre le boulevard de
l’Entre-deux-Mers, la rue du recteur Thamin et le boulevard Joliot-Curie.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
45
Image 17 : Immeuble de cinq étages, cité Pinçon, cl. Marcela Garcia, 2012
L’îlot de la deuxième tranche, d’environ 7 ha de superficie, est entouré par les
rues Alexandre-Fleming, du Recteur-Thamin et du professeur-Calmette. Il date de 1974
et comprend deux immeubles d’habitation, un centre commercial, une station-service et
un collège (voir image 18 et annexe 18). L’architecte responsable de cette dernière série
de travaux est M. Claude-Henri Aubert.
Image 18 : Immeubles d’habitation et centre commercial, cité Blanche, architecte Claude-Henri Aubert, cl. Marcela Garcia, 2012
Les deux tranches de cette extension se caractérisent par des bâtiments plus
importants en hauteur disposés dans des espaces verts nettement plus réduits que ceux
du premier ensemble. L’aspect austère des bâtiments n’affiche pas les mêmes
préoccupations esthétiques de la première tranche de la cité Pinçon et les conditions de
vie sont plus difficiles en raison de la proximité des voies ferrées qui cause des
nuisances sonores.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
46
Cependant, la rupture formelle de la cité Blanche n’a pas eu de répercussion
dans la réception du projet conçu comme une « expérience catalysatrice de la
revitalisation de tout un quartier76 ». À l’époque, c’était un motif de fierté au point que
Chaban-Delmas invita Nikita Krouchtchev, premier secrétaire du Parti communiste de
l’Union Soviétique, à inclure une visite de la cité dans l’itinéraire de son voyage en
France en mars 1960, un événement qui reste encore imprimé dans la mémoire des
habitants du quartier77.
La population, considérée « active et aisée78 » dans les premières années du
projet est jugée en situation précaire et vulnérable en 2000 par le Contrat de Ville de
l’agglomération bordelaise79 avec deux catégories d’habitants clairement séparés : les
personnes anciennement installées, certaines depuis la construction de l’ensemble avec
un faible pourcentage d’étrangers et une deuxième catégorie formée par ceux qui ont
déménagé récemment, des jeunes couples ou des familles où le pourcentage d’étrangers
est plus élevé. Les orientations recommandées pour la cité sont surtout d’ordre social en
proposant notamment des actions de médiation entre les générations, d’insertion
professionnelle pour les jeunes, de soutien aux associations existantes et pour veiller à
éviter la formation de ghettos ethniques. Pour ce qui est des conditions de vie, ce même
contrat d’agglomération cite que les trois-quarts de la population se sentent satisfaits des
conditions du quartier et de la qualité architecturale et paysagère du lieu, des propos
qu’expriment surtout les habitants de la cité Pinçon.
Depuis 2010, les villes de Bordeaux, Cenon et Floirac ont lancé une réflexion
sur les cités d’habitat social sur la rive droite. Entre celles-ci se trouvent la cité Pinçon
et la cité Blanche à Bordeaux, la résidence Henri Sellier à Cenon et les cités du Midi et
d’Alfred Giret à Floirac. Cette étude est dirigée par l’agence bordelaise d’architecture
Bouriette & Vaconsin80. Elle devrait aboutir à un programme de requalification de tous
ces sites qui n’est pas accessible pour le moment.
76Contrat de Ville de l’agglomération bordelaise, op.cit., p.43 77« Rencontres Bastidiennes », réunion des membres de l’association « Histoire(s) de La Bastide » du 20 mars 2012 78Contrat de Ville de l’agglomération bordelaise, op.cit., p.43 79Ibid., p.44 80 Établissement public d’aménagement Bordeaux-Euratlantique, Le projet urbain « Garonne-Eiffel, Bordeaux- Floirac », op.cit., p.63
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
47
b) Le groupe scolaire de la Benauge
Image 19: Façade rue du Petit-Cardinal, groupe scolaire de la Benauge, architectes Pierre Mathieu, Roger Tagini, cl. Marcela Garcia, 2012
Outre les logements, la cité est formée également par d’autres équipements dont
le premier construit fut le groupe scolaire entre 1950 et 1953 par les architectes Pierre
Mathieu et Roger Tagini. L’ensemble est situé dans la partie nord de la cité, délimité à
l’ouest par le boulevard Jules-Simon, au nord par la rue du Petit-Cardinal, à l’ouest par
la rue Raymond-Poincaré et au sud par la rue du Professeur-Vincent.
Le programme prévu par les architectes prévoyait une école de garçons avec un
atelier et une école de filles avec une salle d’enseignement ménager. Ces deux écoles
élémentaires comptaient seize classes chacune et étaient prévues pour une moyenne de
six cents élèves chacune. À ces deux écoles s’ajoutait une troisième pour les élèves de
maternelle avec dix salles de classe et une de repos avec une capacité d’accueil de trois
cents à trois cent cinquante élèves. Le reste du programme était consacré aux services
communs dont une salle pour les œuvres post- et périscolaires, des cantines, deux salles
pour les concierges avec leurs propres logements, trois autres logements pour les
directeurs et trois chambres pour le personnel temporaire. En raison de la proximité des
équipements sportifs de la cité, le groupe scolaire ne prévoyait pas de terrain
d’éducation physique.
Les bâtiments à un étage des écoles élémentaires sont disposés dans la partie
nord de l’ensemble. Les accès se trouvent du côté de la rue du Petit-Cardinal de part et
d’autre d’un bâtiment central situé en équerre (voir image 20). Dans cet édifice central
se trouve la salle du concierge au rez-de-chaussée, les logements au deuxième étage et
la chaufferie et les caves au sous-sol.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
48
L’école maternelle est disposée au sud et elle s’ouvre vers les espaces verts.
L’ensemble est complété par un bâtiment aligné avec le boulevard Jules-Simon.
Image 20: Plan du rez-de-chaussée groupe scolaire de la Benauge, avant-projet, architectes Pierre Mathieu, Roger Tagini, juin 1950, Arch. Mun. Bordeaux, 6900 M 1
Il est possible de lire dans ce projet le même respect de la tradition par
l’utilisation de la pierre de taille de Charente, du pin des Landes, du sapin du Nord et du
chêne pour les planchers et menuiseries81, mais aussi un souci de modernité par ses
volumes simples (plans et images complémentaires : annexes 19 à 24).
c) Le foyer sportif et centre de jeunesse
Image 21: Façade principale, Salle de sports Jean Dauguet, ancien foyer sportif et centre de jeunesse, architectes Jacques Carlu et Jean Royer cl. Marcela Garcia, 2012
Ce bâtiment réalisé entre 1951 et 1955 par les architectes Jacques Carlu et Jean
Royer est situé à l’angle sud-ouest de la cité Pinçon.
81COUSTET Robert, SABOYA Marc, Bordeaux : la conquête de la modernité, Architecture et urbanisme à Bordeaux et dans l’agglomération de 1920 à 2003, Bordeaux, Éditions Mollat, 2005, p.188
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
49
Son programme original comptait une grande salle pour mille deux cents
personnes qui pouvait être utilisée pour des projections cinématographiques, des
conférences, des réunions, des fêtes publiques, des concerts ou des manifestations
sportives grâce aux différentes dispositions possibles des sièges amovibles. D’autres
espaces étaient consacrés à des salles de réunions, une bibliothèque, une salle de couture
et une salle de jeux, en plus des services au public, du personnel de garde et celui
d’entretien (voir plans : annexes 25 et 26).
La partie centrale couverte par une voûte en béton et la chaufferie sont en
ossature métallique (voir image 22) tandis que le reste des bâtiments affiche une
ossature en béton armé. Les murs extérieurs ont été conçus en corps creux de béton de
pouzzolane et en briques creuses. L’accès du côté du jardin public a un mur vitré
rectangulaire et symétrique rythmé par les menuiseries métalliques de manière
horizontale et par des piliers en béton de façon verticale. Les portes d’accès se trouvent
aux extrémités, ce qui a permis de dégager la partie centrale pour la statue sur socle
faite par M. Gabriel Rispal (plans et images complémentaires : annexes 27 à 37).
Image 22: Coupe longitudinale, Foyer sportif et centre de jeunesse, architectes Jacques Carlu et Jean Royer, mai 1951, Arch. Mun. Bordeaux, 8339 M 1
En 1976, des sections du plafond de la grande salle se sont effondrées, ce qui
marqua le début d’une série de dégradations qui amena la Municipalité à intervenir. Le
foyer fut fermé à partir 1977, mais les travaux de réaménagement n’ont commencé
qu’en 1981 pour finir en 1984. Dans les années 2000, le foyer a de nouveau fait l’objet
de travaux qui lui ont donné son actuelle configuration : une salle de sports collectifs de
40 par 20 mètres avec une capacité de 2 300 spectateurs ainsi que trois salles dont une
de gymnastique d’entretien, une d’arts martiaux et une troisième de musculation.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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d) Le marché couvert
Image 23: Façade principale, gymnase Thiers, ancien marché couvert de La Bastide, architecte Henri Bessagnet, cl. Marcela Garcia, 2012
Dans le même registre de constructions avec toitures courbes se trouve le
marché couvert de La Bastide, aujourd’hui converti en Gymnase Thiers. Situé au 178 de
l’avenue Thiers, il a été fait par l’architecte Henri Bessagnet entre 1950 et 1954. Sur ce
terrain de 55 par 53 mètres, qui était entouré par des terrains propriété de la SNCF,
l’architecte devait répondre au défi de composer une structure qui soit en même temps
ouverte et ventilée, mais à l’abri des vents dominants ; amplement éclairée, mais qui
n’expose pas les marchandises directement aux rayons solaires. Dans son aspect, le
bâtiment devait être conçu pour paraître léger, soit par une ossature en acier ou en
béton. M. Bessagnet a choisi de réaliser un bâtiment de plan rectangulaire entièrement
voûté avec un squelette formé par des arcs transversaux en béton qui reposent sur une
semelle continue. Ces arcs, dont la hauteur maximale est de 13,40 m, permettent de ne
pas avoir d’appuis intermédiaires. Des murs en maçonnerie qui soutiennent des auvents
à l’extérieur entourent l’édifice. De part et d’autre de la voûte, à mi-hauteur du
bâtiment, s’ouvrent trois baies sur tout le long des façades latérales (voir image 24). Le
remplissage du reste de la voûte est assuré par des sections en béton intercalées par
d’autres en pavés de verre de 6 cm d’épaisseur qui permettent l’éclairage de la pièce à
l’intérieur. La façade principale sur l’avenue Thiers et la postérieure ont toutes deux des
pignons en maçonnerie, mais sur la première se dégagent les armes de la ville de
Bordeaux en béton moulé.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Image 24 : Coupe transversale, avant-projet, Marché couvert de la Bastide, architecte Henri Bessagnet, janvier 1952, Arch. Mun. Bordeaux, 135 M 5
Les voies pour l’arrivée des marchandises étaient disposées dans les parties
latérales et dans l’accès principal. De l’entrée partait une circulation centrale de trois
mètres de largeur et deux secondaires de deux mètres de largeur. Ces passages
permettaient d’atteindre les soixante comptoirs de vente, séparés en quatre sections :
fruits et légumes ; boucherie, charcuterie et triperie ; poissons et denrées diverses. Au-
delà de ces comptoirs se trouvait un emplacement pour les producteurs, au fond duquel
se trouvaient soixante serrages de plain-pied pour le stockage des marchandises (plans
et images complémentaires : annexes 38 à 43).
En 1974 cet édifice a été réaménagé en salle de sports en raison du manque
d’affluence des clients, ce qui signifia la fermeture de ses entrées sur l’avenue Thiers, la
démolition des comptoirs et des locaux existants, la surélévation du sol et la
construction de vestiaires, locaux sanitaires et de dépôts d’équipement.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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e) La piscine Galin
Image 25: Piscine Galin, façade latérale, architectes Jacques Gérard, André Chassin, cl. Marcela Garcia, 2012
Le projet original de la piscine pour la cité de la Benauge a été fait par
l’architecte Jean Royer en 1952. Son emplacement était prévu au centre du plan masse
de la cité, entre deux immeubles et au fond d’un jardin. Les services de la piscine se
situaient dans un seul bâtiment au sud du projet, sauf pour les installations mécaniques
et le bar placés dans une petite aile en retour. À l’intérieur de ces constructions, dans un
espace de 50 par 40 mètres, se trouvaient les deux bassins de plein air. Le premier était
composé en équerre avec une forme rectangulaire de 25 m par 12,50 m unie à une autre
quadrangulaire de 12,50 m de côté. Le bassin d’apprentissage était de 8 m par 10,50 m.
Un solarium se trouvait dans la partie nord du terrain. Dans les bâtiments, un même
vestibule accueillait les nageurs qui passaient par les caisses et par les vestiaires tandis
que les spectateurs se dirigeaient vers les gradins. Les services pour les hommes et les
dames étaient disposés parallèlement, avec les vestiaires adossés de manière à pouvoir
être mis en communication si cela était nécessaire. Deux grands vestiaires étaient
destinés aux groupes et aux enfants d’écoles. Les gradins, planifiés pour quatre cents
spectateurs se trouvaient le long du grand bassin. Les services pour les spectateurs se
trouvaient au premier étage avec sanitaires et bar, tandis que ceux des nageurs étaient au
rez-de-chaussée.
Par rapport à l’aspect du bâtiment, le programme de ce projet exigeait une
architecture qui s’accorde à celle des immeubles voisins et à celle des jardins. La
construction de Royer était composée par des volumes plats, épurés, dont les façades
étaient rythmées à partir des différentes hauteurs des toitures horizontales.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
53
Ce projet renvoie formellement à celui du groupe scolaire Benauge, composé
également par des volumes plats (voir image 26 et plans complémentaires : annexes 44
et 45).
Image 26 : Projet de la piscine de la cité de la Benauge, façade principale, architecte Jean Royer, juin 1950, Arch. Mun. Bordeaux, 1073 W 88
Le projet finalement construit a été réalisé par les architectes Jacques Gérard et
André Chassin, avec la collaboration de Jean-Claude Perrot, à partir de 1964 et
complété en 1970. Il est placé dans un terrain situé à l’extérieur de l’ensemble de la cité
de la Benauge dont l’accès principal est du côté de la rue Galin.
Le programme comprend un bassin sportif, un autre d’apprentissage, des locaux
de services et d’exploitation et les installations techniques. Les architectes ont décidé de
placer les bassins et le solarium dans le premier étage du bâtiment en raison de la
proximité à la surface de la nappe phréatique dans le terrain. En dessous des bassins se
trouvent les locaux de la chaufferie et la machinerie et en dessous du solarium sont
disposés les vestiaires (voir image 27). Le rez-de-chaussée est complété par l’accès qui
est éclairé par des ouvertures situées dans la dalle du solarium. Le bassin sportif mesure
25 m par 15 m et celui d’apprentissage 15 m par 10 m. Au deuxième étage se trouvent
les gradins pour deux cent cinquante personnes et le bar.
Image 27 : Piscine Galin, coupe longitudinale, architectes Jacques Gérard, André Chassin, septembre 1964, Arch. Mun. Bordeaux, 1073 W 88
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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La structure du bâtiment – son ossature, les murs de soubassement et les
planchers – est en béton armé. La maçonnerie à l’extérieur est en béton banché avec un
doublage intérieur en briques creuses et des parties en briques de verre. Les cloisons
intérieures sont en briques creuses hourdées enduites au mortier sauf pour les murs des
vestiaires et des sanitaires qui sont en briques vernissées. La charpente est faite à partir
d’arcs en sapin du Nord lamellés collés qui supportent les pannes et les panneaux vitrés
ouvrants. Les parties opaques sont en plafonnage de bois. Du côté nord, la couverture
est formée par des panneaux qui supportent une étanchéité. Les façades est et ouest ont
des pignons entièrement vitrés. Du côté sud, les panneaux de la couverture sont
translucides et sont ouvrants.
Les architectes justifient la forme de la couverture du bâtiment par sa capacité à
offrir un ensoleillement et une ouverture plus importants que ceux qui pourraient donner
une forme verticale (plans et images complémentaires : annexes 46 à 58).
f) La caserne des pompiers de la Benauge
Image 28 : Caserne des pompiers de la Benauge, façade sur le quai Deschamps, architectes Claude Ferret, Yves Salier, Adrien Courtois, cl. Marcela Garcia, 2012
Cet édifice a été réalisé entre 1950 et 1954 par les architectes Claude Ferret,
Adrien Courtois et Yves Salier. Il est situé à l’angle du quai Deschamps et de la rue de
la Benauge dans ce qui était l’emplacement de la gare de l’État. Il est composé d’un
bâtiment sur pilotis de cinq étages avec un total de quarante logements, parallèle au
quai, auquel s’accrochent des bâtiments plus bas pour l’administration, le garage et les
ateliers.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
55
Ces édifices se trouvent autour d’une cour centrale qui accueille aussi des locaux
pour les douches, le gymnase et une tour de séchage des tuyaux considérée aujourd’hui
comme un signal emblématique du secteur Deschamps82. Comme il est possible de le
voir sur son plan de masse (voir image 29), à chaque volume correspond une fonction
spécifique.
Image 29 : Caserne des pompiers de la Benauge, plan de masse, architectes Claude Ferret, Yves Salier, Adrien Courtois, 1951, Arch. Mun. Bordeaux, 321 M 5
Le concept du projet était de donner la priorité à la simplicité et à la rapidité
dans les communications entre les différents services. Les architectes ont donc créé une
circulation horizontale qui relie tous les services entre eux et à laquelle s’agrafent les
circulations verticales, les escaliers en spirale, les ascenseurs et les mâts de descente,
pour relier les logements aux garages. L’entrée des véhicules se fait par la rue de la
Benauge et la sortie par le quai Deschamps de façon à éviter tout type de manœuvre
encombrante.
82 Établissement public d’aménagement Bordeaux-Euratlantique, Le projet urbain « Garonne-Eiffel, Bordeaux- Floirac », op.cit., p.64
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
56
La structure des bâtiments est en béton armé avec un remplissage en briques, sur
une fondation en pieux. Les portes du garage, la façade intérieure des balcons, les
rideaux à lamelles et les cages d’ascenseurs sont en éléments préfabriqués d’aluminium
de l’atelier Jean Prouvé. Sur la façade principale, les balcons et les portes du garage sont
rouges et les rideaux à lamelles sont couleur jaune (plans et images complémentaires :
annexes 59 à 64).
Les auteurs ont lié ce projet aux théories de Le Corbusier et au Fonctionnalisme
du Bauhaus par ses volumes simples, sa polychromie et l’élévation de son volume
principal sur pilotis83. Mal reçu à l’époque de sa mise en service, il s’agit d’un bâtiment
qui rompt avec la tradition par ses formes et ses matériaux et qui se démarque du
quartier d’autant plus qu’il fait face à la rive gauche.
Ce bâtiment a reçu le label « Patrimoine du XXe siècle » en 2008, dénomination
créée par le Ministère de la culture et de la communication en 2000, donnée aux édifices
et aux ensembles urbains du XXe siècle jugés remarquables84. Dans cet édifice se trouve
le Siège du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS). En raison de la
mise en service de la ligne A du tramway qui traverse le Pont de pierre et l’avenue
Thiers, les temps d’intervention des pompiers sur la rive gauche sont devenus moins
performants. C’est la principale raison pour le déménagement de la SDIS prévu en 2015
dans les terrains de l’ancienne cité des Fleurs démolie en 2010. Ces terrains sont situés
au débouché du pont Saint-Jean et ils appartenaient à l’Immobilière des Chemins de Fer
(ICF), bailleur social et de logement de la SNCF.
83 LECHNER Gabrielle, « L’architecture à Bordeaux dans les années 50 », Le Festin, #4, automne 1990,
consultable en ligne sur le site Le Archives du Festin, http://www.lefestin.net/archive/article/larchitecture-
%C3%A0-bordeaux-dans-les-ann%C3%A9es-50, consulté le 28 mai 2012
84Pourtant, le label n’a pas d’incidence juridique sur les œuvres concernées.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
57
g) Les années 1950 et 1960 : le potentiel contemporain
Comme nous l’avons vu dans le parcours des projets, au début, l’intention était
d’inscrire les nouvelles constructions du quartier dans une espèce de continuité de la
tradition architecturale bordelaise tout en essayant de répondre aux besoins de
logements de l’époque. La première tranche de la cité Pinçon atteste de cette volonté
qu’il n’a pas été possible de poursuivre. Pourtant, si les immeubles faits par l’architecte
Carlu ont perdu beaucoup de l’intérêt esthétique que l’on retrouve par contre dans ceux
de M. Volette, ils n’ont pas perdu en qualité de vie grâce aux amples espaces verts qui
les entourent. Il n’en est pas de même pour la cité Blanche qui souffre encore de
conditions de vie difficiles et d’une image dévalorisée.
Les recherches formelles se trouvent plutôt du côté des équipements : le marché
couvert, le foyer sportif et la piscine Galin affichent des programmes, des solutions
techniques et des formes innovantes à l’échelle du quartier et de l’agglomération. Les
transformations subies par le marché et le foyer sportif peuvent paraître des solutions
plus économiques que la démolition et la construction de nouveaux bâtiments, mais
nous voyons surtout dans leur préservation la capacité de la structure originale à
s’adapter à une nouvelle vie. Il s’agit d’édifices imposants, mais malheureusement peu
entretenus à l’époque actuelle.
Enfin, s’ajoute à ce paysage la caserne des pompiers, qui se dresse en pleine
rébellion en façade de la rive droite. Ces projets auraient pu devenir les déclencheurs
d’un nouveau concept en urbanisme pour les aménagements suivants de La Bastide. Ce
sont des éléments de rupture par rapport aux échoppes bordelaises traditionnelles, très
courantes dans le secteur de la Benauge urbanisé au XIXe siècle, et marquent une vraie
différence architecturale par rapport à la rive gauche. Cependant, la réception mitigée
des nouveaux projets et la réticence à l’expérimentation pour les projets futurs peuvent
faire penser que la population bastidienne accorde autant de prestige à la tradition que
les Bordelais de la rive gauche.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
58
h) Le projet Bastide – Quinconces – Ricardo Bofill
Si le secteur Benauge a été l’objet de projets importants, dont la cité du même
nom et la caserne des pompiers, il en fut de même pour la zone au nord de l’avenue
Thiers, lorsqu’à la fin des années 1970 le départ des entreprises industrielles commença
à libérer des terrains, en particulier près du quai des Queyries. La première initiative de
la part de la Ville de Bordeaux fut de s’approprier des terrains de cette zone grâce à la
création de deux Zones d’aménagement différé (ZAD) à La Bastide, lors du Conseil
Municipal du 26 janvier 1979. Une d’entre elles se trouvait autour de la place
Stalingrad85 et la deuxième au nord de la Gare d’Orléans, limitée par les rues Gustave-
Carde et Nuyens, ainsi que par le quai des Queyries. Cette deuxième fut l’objet d’un
projet d’aménagement nommé « Bastide – Quinconces », approuvé dans la délibération
du Conseil Municipal du 8 décembre 1980 et nommé ainsi car il englobait non
seulement une superficie de 28 ha dans le quartier, mais aussi les quais de la rive gauche
à partir de la place des Quinconces où il était prévu de construire un pont qui aurait
connecté les deux rives.
La Zone d’Aménagement Différé est une procédure juridique mise en place dans
un secteur où il est prévu de faire des projets d’aménagement à court ou à moyen terme.
Elle donne à la collectivité publique le droit d’acquérir des terrains dans ces secteurs,
sans avoir besoin d’avoir recours à l’expropriation, afin de contrôler l’évolution des prix
des terrains et surtout d’éviter la spéculation86. Elle a permis à la Communauté Urbaine
de Bordeaux d’acquérir systématiquement les terrains nécessaires pour le projet
Bastide–Quinconces, à partir de 1980, opération facilitée par la cession des terrains de
la gare d’Orléans et ses dépendances de la part du ministère des Transports en mai
198887. Le projet aurait dû être financé en grande partie par l’État, mais malgré le
versement de cinquante millions de francs, un tiers de ce qui était originalement prévu,
cette aide a été interrompue car une politique de décentralisation a été mise en place
dans le début des années de 198088.
85MORENO, op.cit., p.28 86Ibid., p.24 - 26 87Ibid., p.38 88EIMER Jean, « Chaban s’engage », Sud-ouest, 27 janvier 1987
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
59
Désormais, l’élaboration et l’approbation du Plan d’Occupation des Sols et la
direction et le financement de projets d’aménagements sont devenus la responsabilité de
la commune89. La réponse de la CUB fut de trouver des partenaires privés pour réaliser
ses projets. Pour le projet de La Bastide fut créé en 1984 le Cercle de la Rivière, une
instance formée par la CUB, la Ville de Bordeaux et la Chambre de Commerce et
d’Industrie. Quatre ans plus tard, dans la session du Conseil Municipal du 27 mars 1987
fut créée la société à responsabilité limitée (SARL) ARDEUR, acronyme d’Aménagement
et Rénovation pour le Développement de l’Environnement Urbain Rive Droite. Le
principal partenaire de cette société était la Caisse des Dépôts et Consignations et plus
particulièrement une filiale de cet établissement financier, dont la mission est de
participer au capital des sociétés d’aménagement : la Société Centrale pour
l’Équipement du Territoire, connue sur le sigle SCET. L’autre filiale de la CDC est la
SCIC : la Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts et Consignations. Elle
est chargée de la promotion immobilière, renommée en 2003 en Immobilière Caisse des
Dépôts (ICADE). En plus de participer financièrement aux projets urbains, la SCET met à
la disposition des sociétés d’aménagement ses propres techniciens. La première étape
du projet Bastide–Quinconces a été celle des études, menées par l’Agence d’Urbanisme
et de Recherche Bordeaux–Aquitaine (AURBA). À moitié financée par la CUB, cette
agence était aussi chargée de la révision et de la modification du Plan d’Occupation des
Sols dans les vingt-sept communes de la CUB, elle faisait un suivi de l’urbanisation et
de l’état des équipements, elle effectuait des enquêtes sur la demande en logement et
réalisait des relevés des terrains libres ou en mutation dans toutes les communes. Dans
ce projet en particulier, elle a fait l’étude de la situation des terrains qui devaient être
aménagés pour déterminer leur coût de libération90. Après l’étape des études, ARDEUR
est passée d’une société à responsabilité limitée à une société anonyme d’aménagement,
constituée à 50% par la CDC, à 49% par la SCIC et à 1% par la SCET et d’autres
personnes physiques.
L’opération Bastide–Quinconces prenait comme zone d’étude les quais rive
gauche, sans laisser de côté le centre historique de Bordeaux, les 28 ha de la ZAD de La
Bastide et la possibilité d’un franchissement entre les deux. 89MORENO, op.cit., p.8 - 9 90Ibid., p.19 - 20
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
60
Le diagnostic pour la rive gauche de cette opération a déterminé que le fleuve
était coupé par les hangars et les clôtures ; que la circulation des voitures sur les quais
les avait dégradés et que les immeubles en façade hébergeaient des logements en
mauvais état et des activités de second ordre. Les aménagements prévus pour cette rive
étaient donc la désoccupation des quais entre le Pont de pierre et ce qui aurait été le pont
des Quinconces, un espace de 120 m de longueur où la collectivité avait acheté les
terrains qui appartenaient au Port Autonome et où s’étaient installés des parkings
provisoires91. Une deuxième étape était la création d’une voie pour permettre des
promenades piétonnes le long des quais et laisser au second plan la circulation
véhiculaire et des transports collectifs. Le tout serait complété par la construction de
parkings souterrains et la restauration de la façade des immeubles au bord du fleuve92. Il
est important de remarquer que ces lignes directrices choisies en 1981 pour la rive
gauche se sont maintenues au fil du temps, en dépit des changements des élus. Ce projet
est celui qui a été finalement réalisé par l’administration Juppé beaucoup plus tard.
Les objectifs de l’opération pour le quartier étaient la modification de sa
physionomie et de sa fonction « avec la possibilité de maintenir sur place la
substance93 », d’augmenter la population de la zone des deux cents ménages installés à
l’époque dans le secteur à sept cents. Il y avait également l’intention de valoriser la zone
industrielle au nord du quartier et d’améliorer par extension l’image de la Benauge en
changeant l’image de ce secteur94. Cette image allait changer radicalement grâce à la
proposition de l’architecte choisi par la SCET : Ricardo Bofill, classé dans le courant
Postmoderniste, élu par sa capacité d’attirer des investisseurs internationaux grâce à sa
notoriété, un choix économique et de marketing où les considérations stylistiques
auraient été secondaires, selon la théorie de Laurent Moreno95.
91Dossier de présentation de l’Opération Bastide – Quinconces, op.cit., p.6 92Ibid., section 3, p.4 93Ibid.,p.23 94Ibid., p.23 95MORENO, op.cit., p.51 – 53.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
61
Cette affirmation ne semble pas être hors de propos quand il est dressé un
inventaire des principales réalisations faites durant le mandat de Chaban-Delmas :
Mériadeck, Bordeaux-Lac, le campus universitaire, sont des ensembles qui sont loin de
la copie de l’ancien et qui veulent plutôt se démarquer par leur modernité ; elles se
veulent innovantes et en accord avec leur époque. Le choix de cet architecte aurait été
une démonstration de l’autre théorie de Moreno : quand la collectivité publique
s’associe à des partenaires privés pour la réalisation de projets urbains, elle perd une
partie importante de son pouvoir de décision, qu’elle doit récupérer par d’autres
moyens.
Le programme de l’opération Bastide–Quinconces pour la rive droite était conçu
comme multifonctionnel : il mélangeait habitat, bureaux et commerces. Il prévoyait la
réhabilitation d’une zone de 33 000 m² au sol et la construction de 50 000 à 70 000 m²
de plancher de logements neufs. La réhabilitation comprenait les maisons anciennes et
les petits collectifs de deux ou trois étages ; les nouvelles constructions étaient
planifiées comme des maisons de ville, des échoppes96, et apportait une attention
particulière à la façade de la Garonne, destinée à accueillir des logements de luxe en
accession à la propriété, tandis que les logements sociaux auraient été placés derrière la
gare d’Orléans. Entre 15 000 et 25 000 m² de surface de plancher devaient être répartis
entre des bureaux classiques et peu coûteux destinés à être commercialisés en petits lots
et des « poly-bureaux » mélangeant des bureaux et des espaces de stockage.
Il était prévu de construire environ 4 000 m² par an pendant cinq ans. Dans les
équipements commerciaux, le projet destinait 45 000 à 60 000 m² de superficie de
plancher, où se trouvaient un centre spécialisé dans l’équipement de la maison et un
centre commercial de secteur. Il comprenait également un complexe hôtelier spécialisé
dans l’accueil de retraités aisés. Entre 10 000 et 30 000 m² devaient être destinés à des
équipements publics de proximité, dont la réutilisation de la gare d’Orléans en musée de
Beaux-arts, avec des galeries, des boutiques de design et des restaurants, ainsi que la
création d’un auditorium et un jardin public de plus de deux hectares, situé derrière la
gare. Non moins important, le centre international d’affaires destiné à accueillir des
sociétés régionales et européennes devait s’y installer dans la rive droite.
96Mentionnées comme « chères aux Bordelais », Dossier de présentation de l’Opération Bastide – Quinconces, p.9
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
62
Le tout complété par un pont, qui aurait pu être en structure métallique ou en
béton précontraint, de 350 m de longueur, 31 m de largeur utile, avec deux voies pour
les transports en commun, quatre pour les autres véhicules, deux pistes cyclables, deux
trottoirs et avec une possible travée mobile qui aurait permis le passage de navires97.
Formellement, le projet de Bofill était une transposition du style et du tracé
urbain de la rive gauche sur la rive droite. Les voiries et les accès du quartier auraient
été faits en fonction de la trame urbaine du centre-ville, notamment dans l’aménagement
d’une place de l’autre côté de la Garonne, face aux Quinconces (voir image 30). La
superficie qui aurait été modifiée par ce projet ne prévoyait pas de liaisons avec le reste
du quartier ; les constructions devaient se faire le plus proche possible du fleuve, au-
delà des circulations pour les piétons qui devaient se mettre en place (voir image 31).
En arrière des nouveaux aménagements devaient se réinstaller les activités
traditionnelles du quartier, la ferroviaire, l’artisanat et la petite industrie. Le Plan
d’Occupation des Sols, qui jusqu’à cette époque ne permettait que le maintien en état
des constructions et des terrains existants a été modifié en mars 1988 pour permettre
l’implantation des nouveaux équipements. Il admettait une importante densification et
ne mettait pas de contraintes quant aux formes des bâtiments. Les architectes avaient
toute la liberté de créer ce qu’ils voulaient, à condition que les nouvelles édifications
puissent s’intégrer avec le paysage existant, depuis ce qui était visible à l’extérieur. Ceci
était renforcé avec le cahier des charges, rédigé par ARDEUR et l’AURBA : à l’extérieur
devait régner une harmonie et une homogénéité, tandis qu’il y avait plus de libertés pour
tout ce qui était visible à l’intérieur, dans les cours intérieures et les jardins privatifs98.
Image 30 : Esquisse du projet Bastide-Quinconces, publié dans l’ouvrage de Bartolomeo Cruells, Ricardo Bofill, Barcelona, G. Gili, 1995, p.83 97Ibid., p.9 - 11 98MORENO, op.cit., p. 74, p.85 - 86
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
63
Image 31 : Plan masse général de l’opération Bastide-Quinconces, publié dans l’ouvrage de Bartolomeo Cruells, Ricardo Bofill, Barcelona, G. Gili, 1995, p.84
Le projet a été présenté aux habitants du quartier à la Maison Cantonale, le 22
juillet 198799, mais il fut loin d’être plébiscité, pour des raisons administratives mais
aussi stylistiques et identitaires. Dans les raisons administratives se trouvent le
désaccord des architectes conseils de la ville qui s’opposèrent au projet car ils n’en
faisaient pas partie ; le décès du président d’ARDEUR, Jean-Pierre Hourcade et des
modifications du projet de Bofill en raison de l’inscription à l’inventaire supplémentaire
des Monuments Historiques de la gare d’Orléans100. Ce sont néanmoins les
considérations stylistiques et identitaires qui ont résulté dans l’abandon du projet Bofill
pour La Bastide. En 1989, le centre d’architecture Arc en rêve a lancé un appel à idées
ayant pour objectif la proposition d’alternatives au projet Bastide–Quinconces existant.
Il eut comme résultat des projets faits par des architectes renommés, montrés dans le
Musée des Beaux-arts de Bordeaux dans l’exposition « Bordeaux, Port de la
Lune/Architecture 89 », entre le 21 décembre 1989 et le 25 mars 1990101. Aucun de ces
projets ne fut réellement considéré pour être construit, mais il montra que Bordeaux et
surtout La Bastide ne devaient en aucun cas se tourner vers la réinterprétation
Postmoderniste de l’Histoire.
99ROMAN Chantal, « La rive droite veut gagner », Sud-ouest, 23 juillet 1987 100COUSTET, SABOYA, op.cit., p.356 - 357 101Sur les détails de cet appel d’idées voir : GARCIA Marcela, sous la direction de SABOYA Marc, Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux, Mémoire de première année de Master en Histoire de l’art et archéologie, Bordeaux, Université de Bordeaux III, Michel de Montaigne, 2011
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
64
À un certain niveau, l’appel à idées servit comme une revendication de l’identité
du quartier, en réclamant vigoureusement que celui-ci ne pouvait pas être réduit à une
copie de la rive gauche en raison de son passé, des habitants qui l’occupaient et des
constructions qu’il abritait. La réticence au projet de l’architecte catalan montre le
pouvoir de sa notoriété, car il n’a pas produit de nombreuses images qui auraient pu
montrer ses idées pour le quartier en détail, mais deux ou trois ont suffi largement pour
donner vie à des théories contraires à l’esprit du quartier (voir annexe 65). Il faut ajouter
des facteurs dans la gestion et présentation du projet que ni l’administration Chaban-
Delmas, ni jusqu’à récemment celle d’Alain Juppé ont vraiment considéré importantes :
la participation de la population dans les projets urbains. Ceci aurait pu paraître
secondaire dans n’importe quelle autre initiative d’urbanisme, mais dans le cas d’une
zone si restreinte avec une population si associée, ce facteur a toujours été déterminant
pour la réussite ou l’échec des projets. Les projets qui ont succédé à celui de Bofill ont
été réalisés comme les antithèses de ce premier, dans tous ses aspects. Malheureusement
le manque de considération de la voix des habitants de La Bastide a été longtemps
maintenu.
En 1991 a disparu le Cercle de la rivière, pour donner naissance au Comité des
deux rives. Celui-ci a organisé un concours entre cinq architectes, pour faire ce qui était
encore prévu comme un aménagement d’ensemble de la rive droite, les quais rive
gauche et le franchissement entre les deux. Les cinq architectes consultés ont été
Massimiliano Fuksas, Rem Koolhaas, Jean Nouvel, Dominique Perrault et Christian de
Portzamparc. Dominique Perrault fut le lauréat de cette consultation et commença à
travailler avec l’architecte bordelais Alain Charrier. Cependant, le projet commença à
changer à partir du mandat du nouveau maire Alain Juppé. D’une part il fut segmenté :
l’aménagement de la rive droite fut séparé de celui de la rive gauche et de celui du
franchissement. Le projet de la rive gauche poursuivit une séquence dont le résultat fut
le projet de Michel Courajoud pour les quais, présenté en 1999 et terminé quatre ans
plus tard. Le franchissement de la Garonne a été déplacé des Quinconces pour connecter
le quartier de Bacalan à celui de la Bastide.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
65
De son côté, le projet pour La Bastide suivit un parcours qui a abouti dans la
ZAC « Cœur de Bastide », où seulement les principes d’aménagement de Perrault furent
retenus. Pourtant, l’impact de ces principes ne peut en aucun cas être sous-estimé.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
66
V) La Bastide sous l’administration d’Alain Juppé : 1995 – 2009
Pour comprendre l’orientation que le nouveau maire, Alain Juppé, a prise pour
La Bastide à partir de 1995, il faut tout d’abord énoncer les principes de son premier
projet urbain. Ce premier plan de gouvernement a été publié et communiqué dans une
volonté de rapprocher les citoyens du procès de transformation de la ville que le Maire
annonçait. Nous étudierons l’approche de cette nouvelle administration à la rive droite,
ses premiers projets mis en place et le principal : la Zone d’Aménagement Concerté
« Cœur de Bastide ». L’importance de la ZAC découle de l’ampleur de sa superficie et
de l’ambition de la Mairie qui l’a conçue comme le premier signe du renouveau du
quartier. De ce fait, il est nécessaire de réaliser une dissection formelle de ce secteur, de
son cahier des charges, de son règlement d’aménagement de zone, de sa construction et
de sa réception. La question qui se pose est de savoir s’il s’agit de trente hectares où
l’histoire a été effacée, ou si la relation avec le passé et le reste du quartier a été
préservée.
a) Le projet urbain de 1996
Le premier projet urbain de l’administration Juppé fut largement diffusé. En
premier lieu, il fut présenté au Conseil Municipal le 19 octobre 1996. Ensuite, deux
séances publiques furent organisées : une première dirigée aux professionnels, réalisée
au Grand Théâtre le 24 octobre, et une deuxième à l’intention des conseils de quartiers,
tenue au Théâtre Fémina, deux jours plus tard. Il a aussi fait l’objet d’une exposition
dans le centre d’architecture Arc en rêve, entre le 8 mars et le 1er juin 1997. Cette
action de promotion marquait le premier des grands changements que souhaitait le
nouveau maire par rapport à Chaban-Delmas : le passage d’un modèle hiérarchique à un
modèle concerté, où tous participeraient à la construction de leur ville. Ce nouveau
projet se disait global et cohérent et avait deux grandes priorités : la redynamisation
économique et la lutte contre l’exclusion102. Pour cela, il envisageait reconquérir le
centre-ville et rééquilibrer l’agglomération à travers deux axes. Le premier dessinait un
axe nord-est entre l’avenue Thiers et les barrières de Pessac et d’Ornano.
102 Mairie de Bordeaux, Projet urbain pour la ville de Bordeaux, Bordeaux, octobre 1996, p.3
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
67
Le deuxième, un axe sud-ouest, était déterminé entre la gare Saint Jean jusqu’à
Bordeaux-Lac, en passant par les quartiers de Belcier, La Bastide, le centre-ville,
Bacalan et les Bassins à flots.
Ce projet urbain prenait trois sites prioritaires, Bacalan, Belcier et La Bastide, en
raison de leur situation en difficulté qui s'alignait avec leurs localisations centrales et
leurs importantes ressources foncières. La Bastide n’était plus un quartier destiné à être
développé de manière isolée mais en parallèle avec les autres secteurs de la ville.
Concrètement, les premières initiatives pour le quartier étaient la constitution de la Zone
Franche Urbaine (ZFU), l’implantation du pôle universitaire de gestion, un
franchissement pour la Garonne et la réhabilitation de l’ancienne gare d’Orléans en
cinéma103. Dans les objectifs cités pour le quartier se trouvait en premier lieu
l’amélioration de sa voirie. Le deuxième objectif était la distinction de cinq secteurs
dans la zone, Bastide, Benauge, Deschamps, la Souys et la ZFU (Niel n’est pas encore
mentionné). Cette division servait à insister sur le fait que chaque sous-quartier devait
avoir sa propre ligne directrice de développement, sa propre vocation et qu’ils seraient
complémentaires entre eux. Le dernier résultat envisagé était la création d’un ensemble
paysager de grande qualité qui s’inscrirait dans la lignée du Jardin public et du Parc
bordelais : le futur Jardin botanique. Pour ce qui est de l’intégration de La Bastide dans
les autres programmes du projet urbain, il faut mentionner que le « Plan Lumière »,
l’éclairage et la mise en valeur de sites, monuments ou espaces publics, contemplait le
Pont de pierre et l’église Sainte-Marie. Les travaux sur le groupe scolaire rue Nuyens
étaient compris dans l’initiative, à l’échelle de l’agglomération, de réhabilitation du
patrimoine scolaire.
Cette nouvelle administration se voulait participative, mais cette
démarche d'inclusion a été en réalité très limitée. Même si Juppé affirmait que la
coopération des habitants était nécessaire pour la réussite des activités mises en place104,
ce qui, pendant longtemps, a été appelé «concertation» n'étaient que des réunions
d'information pour rendre «socialement acceptables» des décisions publiques déjà
prises105.
103Ibid., p.17 104 Mairie de Bordeaux, Projet urbain pour la ville de Bordeaux, op.cit., p.4 105 SEGAS Sébastien, «La production de l'agglomération bordelaise par la littérature savante, 1995 - 2005», Bordeaux Métropole, Un future sans rupture, op.cit., p.17 - 30
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Ceci est un constat fait par les habitants, mais aussi par les aménageurs eux-
mêmes106. Il faut remarquer que les «Premières rencontres de La Bastide107» datent de
2006, onze ans après qu'Alain Juppé est devenu Maire de Bordeaux.
b) Le Mégarama
Image 32 : Ancienne gare d’Orléans, complexe cinématographique « Mégarama », façade quai des Queyries, architectes Luc Arsène-Henry, Alain Triaud, cl. Marcela Garcia, 2012
La première initiative dans le quartier fut la transformation de l'ancienne gare
d'Orléans dans le complexe cinématographique « Mégarama » (voir annexe 66). Ces
travaux, d'un coût de 98,5 millions de francs, furent réalisés entre mai 1997 et février de
l'année suivante, sous la direction du cabinet Luc Arsène-Henry et Alain Triaud
Architectes. Le programme comprend dix-sept salles de cinéma de diverses tailles, avec
un total de trois mille sièges; un parc de stationnement de quatre cent quarante-huit
places; une salle polyvalente pour des possibles conférences ou colloques et des locaux
de post-production. L'installation du « Mégarama » avait comme but de créer des
équipements culturels et des commerces compatibles avec les logements existants et
futurs du quartier. Dans une interview à la radio, Juppé a affirmé qu'il ne voulait pas
faire de La Bastide une «cité - dortoir», mais un quartier de ville où plusieurs fonctions
seraient réunies108.
106 Entretien avec Mme. Brigitte Lacombe du 22 février 2012 et entretien avec Mme. Sophie Desport du 16 mars 2012 107 Les premières rencontres de Bordeaux, La Bastide, 6 juillet 2006, Bordeaux, Direction de la communication de la mairie de Bordeaux, 2006 108 Interview d'Alain Juppé, radio RTL, 14 février 1997
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Symboliquement, la mairie de Bordeaux souhaitait que l'arrivée du « Mégarama »
soit lue comme une preuve que le quartier était un territoire central de la ville109 et que
la transformation du quartier était en marche (images complémentaires : annexe 67).
c) Le tramway et ses ateliers
Image 33 : Ateliers et garages du tramway, façade latérale bâtiment des garages, architecte Jacques Ferrier, cl. Marcela Garcia, 2012
La mise en service du tramway a été l’un des projets les plus importants au
niveau de toute l'agglomération. Plus plébiscité par la population que le Métro VAL que
voulait installer Jacques Chaban-Delmas, ce mode de transport présentait comme
avantage qu'il revitalisait les zones qu'il traversait110. De ce fait, un grand soin a été mis
à tous les éléments de cette transformation. Des architectes et des designers ont été
appelés pour concevoir le design des rames, du mobilier, des stations et même pour la
signalétique111. Bordeaux est une innovation à l’échelle mondiale car pour la première
fois l’alimentation électrique du tramway est assurée par le sol et non plus par des
câbles. Ce système permet de ne pas encombrer la vue du paysage du centre-ville.
Soixante-quatorze rames circulent actuellement dans un réseau de trois lignes
d'approximativement 45 km de long. La ligne A est la seule ligne qui connecte La
Bastide avec la rive gauche et avec les autres communes de la rive droite. Elle traverse
le pont de Pierre et ensuite l'avenue Thiers, ce qui a valu à cette dernière une série
d'aménagements paysagers de la part de l'architecte Bruno Fortier en 2003, année à
109 Direction générale de l'aménagement, op.cit., p.19 110 «Burdeos cruza el milenio», El Correo, 1er mai 1997 111 Les rames ont été conçues par l'agence bordelaise d'architecture Lanoire et Courrian, les stations et le mobilier par Elizabeth de Portzamparc et la signalétique par le cabinet Brochet, Lajus et Pueyo.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
70
laquelle le tramway a commencé à fonctionner. Le tramway dans la rive droite est cité,
par la mairie, comme un instrument fédérateur qui a diminué l'exclusion sociale de ce
secteur de la ville112 et comme une source de confiance pour ceux qui veulent investir
dans cette zone113.
La Bastide accueille les ateliers et les garages du tramway, réalisés par
l'architecte Jacques Ferrier et livrés en 2003. Le projet est organisé en trois pôles : un
édifice de remisage de 3 900 m2; la station-service de 2 683 m2 et un bâtiment qui abrite
les garages et le poste de contrôle, de 9 390 m2 de surface hors œuvre nette (SHON). La
façade principale des garages et du poste de contrôle est orientée vers le quai des
Queyries. Ce poste de contrôle est une pièce au premier étage où se trouvent les bureaux
avec le personnel qui surveille le fonctionnement des trois lignes du tramway et celui
qui se charge des affaires de sécurité. Devant eux se trouve l’écran qui montre la
localisation de toutes les rames à un moment donné (annexe 68). Au rez-de-chaussée se
situent les garages, des espaces consacrés aux activités d’entretien et de réparation des
rames. Ce bâtiment a une toiture en cuivre formée par trois vagues de 22 m de largeur,
supportée par une structure en acier. Les ondes ne sont pas alignées et leur décalage a
permis le placement de vitres verticales entre elles. De cette manière est assurée
l’illumination naturelle à l’intérieur (image 34).
Image 34 : Ateliers et garages du tramway, intérieur des ateliers, architecte Jacques Ferrier, cl. Marcela Garcia, 2012
112 LARÜE-CHARLUS Michèle (sous la direction de), Bordeaux 2030, vers le grand Bordeaux, une métropole durable, Bordeaux, Direction générale de l'aménagement de la ville de Bordeaux, 2010, p.11 113 Direction générale de l'aménagement, op.cit., p.30
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
71
La station-service (image 35) est le lieu de passage obligatoire des rames tous les
soirs et tous les matins : ici elles sont nettoyées et leurs pompes à sable sont remplies.
Le bâtiment est un parallélépipède construit en béton, avec des fenêtres en verre teinté.
La troisième structure, celle de remisage, sert uniquement d’accueil pour les rames
quand elles ne sont pas en fonctionnement. Elle est faite à partir d’une ossature en métal
qui soutient la toiture. C’est l’un des deux dépôts de rames dans la ville, le deuxième se
trouvant dans la rue Achard du quartier Bacalan, où il n’est pas possible de faire des
travaux d’entretien. Un autre dépôt est prévu en 2014 au niveau de Bordeaux-Lac.
Image 35 : Ateliers et garages du tramway, station-service, architecte Jacques Ferrier, cl. Marcela Garcia, 2012
Ce projet s’inscrit dans le désir de la Mairie de faire un quartier mixte, d’intégrer
dans la ville ce type d’équipements qui se trouvent normalement en périphérie. Il faut
remarquer que ce projet est installé aux abords du parc d’activités Brazza, le nom donné
à cette partie de la Zone Franche Urbaine « Hauts de Garonne ». Celle-ci est une
appellation donnée à un périmètre de 790 ha, depuis le 1er janvier 1997, composé
également par des secteurs de Cenon, Lormont et Floirac114. Ce parc d’activités reste
largement occupé par des usines et des entrepôts et c’est pour cela que les ateliers du
tramway restent dans le registre industriel du territoire. Cependant, ce projet se
démarque de l’environnement par son esthétique contemporaine qui correspond à celle
des rames (images complémentaires : annexes 69 et 70).
114 Dans cette zone, les entreprises de moins de cinquante salariés installées avant le 31 décembre 2001 ont bénéficié de mesures d’exonérations fiscales et de cotisations sociales. En échange, elles devaient s’engager à recruter 20% de ses employés dans le secteur.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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d) La Zone d'Aménagement Concerté «Cœur de Bastide»
Image 36 : Charrier Alain, Image de synthèse de la répartition volumétrique indicative des bâtiments dans l’îlot F, Cahier des charges de l’îlot F de la ZAC « Cœur de Bastide », mai 2001
Le projet des Deux rives de Dominique Perrault a fondé ce qui est devenu par la
suite la Zone d'Aménagement Concerté «Cœur de Bastide». Pour ce territoire, Perrault a
suivi trois axes: valoriser la relation entre la nature et l'architecture, être un projet
adaptable et travailler sur ce qu'il appelait les spécificités des deux rives115. Sa démarche
a été de diviser les 30 ha qui lui ont été assignés et de proposer les lignes directrices qui
ont fondé le développement de la zone. Cet aménagement se ferait de manière
progressive, selon l'évolution du marché immobilier, raison pour laquelle il n'y avait pas
de formes ou de bâtiments concrets envisagés. C'était une orientation opposée à celle de
Ricardo Bofill, qui de son côté, avait une idée nette de la disposition des bâtiments et
des usages qu'ils devaient accueillir.
La procédure retenue pour transformer ce territoire a été celle d'une Zone
d'Aménagement Concerté (ZAC). Il s'agit d'un instrument juridique qui date de 1967 et
qui a pour objectif de réaliser des opérations d'aménagement dans une superficie
déterminée, sous la direction d'une collectivité publique qui peut s'associer avec des
entreprises privées. Avant les réformes de 2000 dans la loi Solidarité et Renouvellement
Urbain, ces zones n'étaient pas contraintes de respecter le Plan Local d'Urbanisme
(PLU). Elles se régissaient par un plan et un règlement d'aménagement spécifiques116.
115 BORD, op.cit., p.69 116 SCHEPMAN, op.cit., p.22 - 23
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
73
La société d'économie mixte Bordeaux Métropole Aménagement (BMA) fut
sélectionnée pour diriger l'opération, sans passer par un concours117. Cette démarche
n'est plus possible actuellement et toute société qui veut postuler pour un projet de ZAC
doit nécessairement faire partie d'un processus de sélection préalable. L'ensemble des
opérations de la ZAC de La Bastide a été assignée à BMA selon une convention
d'études et de réalisation signée le 26 mai 1997118. Il est important de signaler que les
aménagements habituels dans le cadre d'une ZAC peuvent se limiter à des équipements
généraux, tels que la mise en place de réseaux d'assainissement ou d'eau potable ou la
construction de voiries. Dans le cas de La Bastide, le projet dépassait largement ces
objectifs et se dressait comme particulièrement ambitieux, compte tenu des projets
précédents qui n'ont pas abouti dans cette zone. Il en est de même pour le souhait de
mettre le quartier au centre d'un grand projet d'agglomération119.
Le dossier de réalisation de la ZAC «Cœur de Bastide» fut approuvé par le
Conseil de Communauté de la CUB, le 28 mai 1999. Les oppositions à ce projet se
firent sentir dès le jour même. Un des membres du Conseil, M. Pierre Hurmic, s'est
abstenu de voter en argumentant que les habitants du quartier «en ont assez d'être le
laboratoire d'échecs urbanistiques120». Lors de cette session furent approuvées
également les ZAC de Mérignac et de Bègles, mais le débat a tourné exclusivement
autour de La Bastide121. Alain Charrier a été désigné comme l'architecte-urbaniste
conseil de cette opération. Charrier a participé par la suite à la réalisation de la ZAC des
Chartrons, en collaboration avec Frédéric Brochet, Daniel Berguedieu et Franck Réol.
117 Entretien avec Mme. Sophie Desport du 16 mars 2012 118 BORD, op. cit., p. 84 119 SCHEPMAN, op.cit., p.25 - 28 120 LASSERRE Benoît, «Le cœur fait parler», Sud-ouest, 29 mai 1999 121 Alain Juppé a même exprimé son étonnement à ce sujet: «C'est curieux, pour les ZAC des autres communes, il n'y a jamais de débat.»
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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e) Bordeaux Métropole Aménagement
Le travail dans la ZAC de La Bastide était loin d'être le premier de BMA avec la
Ville de Bordeaux. En effet, l'ancienne Société Bordelaise de Rénovation Urbaine
(SBRU), créée en juin 1966 pour le projet du quartier Mériadeck, changea de
dénomination le 30 septembre 1995, par décision de son nouveau conseil
d'administration.
Elle est devenue ainsi Bordeaux Métropole Aménagement, avec M. Pascal
Gérasimo comme nouveau directeur général. BMA est une société anonyme d'économie
mixte locale, un type de société qui se caractérise par le fait que plus de 50% de son
capital doit appartenir à des collectivités locales. Le reste de son capital est détenu par
des partenaires publics et privés, notamment des organismes bancaires pour ces
derniers. Dans le cas de BMA, la Communauté Urbaine de Bordeaux apparaît comme le
principal partenaire, avec 42,91% des actions, suivi par la Caisse des Dépôts et
Consignations (15,72%), la Ville de Bordeaux (13,74%), DEXIA Crédit Local de France
(7,35%) et une combinaison de communes et d'autres institutions122.
BMA a eu une série d'activités à développer pour cette ZAC: elle s'est chargée
d'acquérir les terrains qui n'étaient pas encore propriétés de la CUB123, elle a pris en
charge l'aménagement des voiries et la mise en place des réseaux d'eau, d’électricité et
de gaz. Cependant, un certain nombre de décisions ont été prises en collaboration avec
la Ville de Bordeaux. Les deux entités ont choisi les acheteurs des terrains en fonction
de l'intérêt des projets qui leur étaient proposés. Ils veillaient ainsi à ce que les édifices
projetés aient un usage et un aspect compatible avec leurs ambitions pour la zone.
Malgré cela, plus d'une fois ils n'ont pas réussi à faire prévaloir leurs choix
architecturaux après avoir cédé les terrains. La Ville et BMA ont également organisé les
concours de maîtrise d'œuvre pour certains des bâtiments à usage public et BMA a servi
de maître d'ouvrage pour certains projets124.
122 Domofrance (4,40%), Caisse d'Épargne d'Aquitaine Nord (3,30%), Crédit Agricole de la Gironde (3,30%), Conseil Général de la Gironde (3,09%), Ville de Mérignac (2,51%), un collectif de banques non spécifiées (2,24%), la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux (1,17%) et la Ville d'Arcachon (0,27%). Source: site web de BMA: Bordeaux Métropole Aménagement, http://www.b-m-a.fr/actionnariat.php, notice «Actionnariat», consultée le 2 mai 2012. 123 Rappelons qu'un bon nombre de propriétés avaient été acquises lors de la période de la Zone d'Aménagement Différé. 124 Entretien avec Mme. Sophie Desport du 16 mars 2012.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
75
Présenté en octobre 1996, le schéma d'orientation des quartiers rive droite de la
commune de Bordeaux125 a déterminé quatre objectifs pour ce secteur de la ville. Le
premier était l'amélioration de l’état et de l’organisation du système de voiries. Il
préconisait également la création d'ouvertures vers le fleuve. Un deuxième objectif était
de favoriser la croissance économique de cette rive. Le troisième passait par le maintien
du réseau de pôles commerciaux, industriels et artisanaux du secteur.
Finalement, il conseillait de développer des programmes qui bénéficieraient à la
zone, mais qui seraient également d'intérêt pour toute l'agglomération. Parmi ces
programmes se trouvait la ZAC Bastide, qui était annoncée comme l'élément qui allait
fédérer les deux rives ainsi que les différents sous-quartiers de La Bastide126.
f) Le cahier des prescriptions architecturales de la ZAC
Le cahier des prescriptions architecturales127 de la nouvelle ZAC a été réalisé par
Dominique Perrault en collaboration avec Alain Charrier. Ce document divisait les 29
ha (qui correspondaient à celles du projet de Ricardo Bofill) en treize îlots, nommés
avec les lettres de l'alphabet de A à M (image 37). Neuf îlots ont été cédés à des
opérateurs privés; trois constituent un ensemble végétal de dix hectares qui comprend le
Jardin botanique et un îlot a été destiné à des équipements publics. Comme il a été
mentionné précédemment, cet ensemble était envisagé comme un quartier avec une
mixité de fonctions. Autrement dit, des logements seraient intégrés avec des bureaux,
des édifices voués à l'éducation et des espaces pour les loisirs. Cette ZAC disposait de
ses propres règles de construction, qui se trouvaient énoncées dans le Règlement
d’Aménagement de Zone (RAZ) et dans le Plan d’Aménagement de Zone (PAZ).
Toutes leurs dispositions ont été additionnées au Plan Local d’Urbanisme dans l’année
2000. Ces trois documents donnent clairement les indications que les architectes ont dû
suivre pour réaliser leurs projets. Ils représentent les fondements théoriques de l’image
de ce quartier et c’est pour cela qu’il est nécessaire de se pencher sur eux.
125 Bordeaux Métropole Aménagement, CHARRIER Alain, PERRAULT Dominique, op.cit. 126 Contrat de Ville de l'agglomération bordelaise, op.cit., p.43 127 Charrier Alain, Perrault Dominique, Dossier de création - réalisation de la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) Cœur de Bastide, Cahier des prescriptions architecturales, Bordeaux, Bordeaux Métropole Aménagement, 2005 (Première édition 1998)
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
76
Image 37 : Plan de masse, ZAC « Cœur de Bastide », Bordeaux Métropole Aménagement, 1996
Le cahier des charges réunit toutes les instructions déterminées par les
aménageurs en termes de volumétrie et de caractéristiques formelles attendues pour les
édifices de la ZAC. Il est clairement noté dans celui-ci que tout projet doit obtenir
l’approbation de l’architecte-urbaniste conseil et de l’architecte des Bâtiments de France
de manière préalable au dépôt du permis de construire128. Le Plan d’Aménagement de
Zone (image 38) est un plan de masse de la ZAC qui possède une valeur juridique. Il
dispose les îlots de la manière suivante : en bordure du fleuve se trouve la zone dite des
estacades, composée par cinq terrains de 20 par 35 m, les îlots M. Ils sont destinés à des
activités de loisirs, de restauration, de détente ou bien à des équipements techniques.
128 CHARRIER, PERRAULT, op.cit., p.4
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Image 38 : Plan d’Aménagement de Zone, ZAC « Cœur de Bastide », Bordeaux Métropole Aménagement, 1996
Des îlots bâtis, qui se trouvent en alternance avec des îlots végétalisés, sont
séparés des îlots M par le parc des berges et la rue du quai des Queyries. Ils sont situés
de manière perpendiculaire au fleuve, pour mieux faciliter l’accès visuel au fleuve.
L’alternance entre le construit et le végétal a été conçue afin d’offrir une qualité
paysagère aux équipements installés129. Un autre avantage de cet arrangement est qu’il
garantit qu’il n’y ait pas de front bâti au même titre que celui de la rive gauche, qui est
disposé de manière parallèle à la Garonne. Il est intéressant de remarquer que ce
principe de disposition des îlots est le même que suivaient les terrains avant
l’implantation des industries au XIXe siècle. À cette époque, il obéissait au besoin de
drainage des eaux, pour les activités agricoles et pour la prévention des inondations.
Dans la ZAC, au-delà de la rue Gustave-Carde, la densité augmente grâce à
l’occupation complète des îlots qui ne laissent plus d’alternance paysagère.
129 Entretien avec Mme. Sophie Desport du 16 mars 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
78
Pour ce qui est de la hauteur des constructions, les aménageurs ont prévu qu’elle
augmente de manière progressive depuis les quais jusqu’à l’avenue Thiers. Les limites
maximales sont données par les bâtiments existants sur le quai des Queyries et les
pavillons d’angle de l’ancienne gare d’Orléans130. De cette façon, les aménageurs
évitent la création de constructions qui se démarquent de l’environnement. La hauteur
maximale et les possibles implantations au sol sont signalées pour chaque îlot. Il en est
de même pour les localisations préférables de commerces ou d’autre types d’activités.
L’aspect extérieur des nouvelles constructions doit répondre à deux critères. Le
premier est « promouvoir des architectures contemporaines qui donnent une identité
particulière à ce nouveau territoire de la ville ». Le deuxième : « intégrer ces
architectures dans un urbanisme végétal et accorder autant d’importance aux éléments
bâtis qu’aux traitements paysagés des espaces extérieurs131. » Précédemment, le concept
d’urbanisme végétal a été défini comme un traitement fortement paysagé des voies de
desserte, où le parc des berges et le Jardin botanique sont les principaux éléments
structurants132.
Les références à prendre comme base sont les « immeubles villas » et les
« architectures de nid d’abeille » qui, d’après le cahier des charges, affichent clairement
leur système de construction. Elles se caractérisent également par la composition
rythmée de leurs façades selon des « jeux subtils de plein et de creux133 ». Malgré le fait
que la référence à l’architecture « nid d’abeille » reste occulte, « Immeubles-villas » est
le nom d’un projet de Le Corbusier qui date de 1922 (image 39). Il a été conçu pour le
Salon d’Automne, mais n’a jamais été construit. C’est une adaptation de sa maison
Citrohan à un édifice qui aurait réuni trois millions d’habitants, grâce à une
superposition de maisons en série. Est-il possible de lire, dans cette volonté de faire des
bâtiments de la ZAC des héritiers de Le Corbusier, un clin d’œil à la caserne des
pompiers de la Benauge? Les indications qui suivent nous font penser qu’il en est ainsi.
130 CHARRIER, PERRAULT, op.cit., p.3 131 Ibid., p.7 132 Ibid., p.3 133 Ibid., p.8
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Image 39 : Immeuble-villas, perspective extérieure, Le Corbusier (1922), Œuvre complète (1910-1929), (publiée par W. Boesiger et O. Stonorov, 1930), Zurich, Les éditions d’architecture, Artémis (treizième édition) 1991
Le cahier des charges explique que les bâtiments doivent se caractériser par leur
rigueur volumétrique, la vérité de ses matériaux et de ses principes de construction. Il
met l’accent également sur l’homogénéité des matériaux et des couleurs. Par rigueur
volumétrique il doit être compris : « la précision des alignements, le traitement des
angles et la composition soignée des éventuels reculs d’alignements et décrochés en
toiture. » Il y a une interdiction manifeste de situer des éléments de décor plaqués, de
type fronton ou colonnes. Les toitures doivent être préférablement plates ou légèrement
inclinées, en raison de la typologie contemporaine souhaitée. Les façades doivent
s’orienter vers des espaces majeurs comme le fleuve, le parc des berges et le Jardin
botanique. Pour cette raison, il est indiqué qu’elles peuvent être largement ouvertes et
vitrées134.
Dans ces prescriptions, il n’y a pas d’interdits au niveau du type de matériaux
qui peuvent être employés, dans la mesure où l’architecte respecte trois règles dirigées à
garantir la cohérence architecturale de l’ensemble. En premier lieu, chaque projet doit
prendre en compte les matériaux et les couleurs des constructions voisines. Ensuite, le
nombre de matériaux et de couleurs pour chaque projet est restreint à trois. Finalement,
il y aura une prépondérance de couleurs claires. La seule contre-indication explicitée
concerne l’utilisation de métal en toiture ou en façade : celui-ci ne peut être brillant ou
réfléchissant135.
134 Ibid., p.7 135 Ibid., p.8
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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g) Le Règlement d’Aménagement de la ZAC
Les dispositions spécifiques pour les différents îlots de la ZAC se trouvent dans
le Règlement d’Aménagement de Zone. Entre celles-ci se trouvent les occupations et
utilisations du sol interdites et la hauteur maximale des constructions. Pour ces
premières, il doit être remarqué que les activités industrielles et toute sorte d’entrepôt
sont absolument proscrites. Ce règlement inclut également les dispositions pour les îlots
qui sont en risque d’inondation. Dans ce document se trouvent les caractéristiques à
respecter par les îlots paysagers qui s’intercalent avec les bâtis, au niveau des quais. Ces
« coulées vertes », comme elles sont désignées, doivent être aménagées avec une
végétation de surface qui n’empêche pas la vue vers le fleuve. Au-delà de ces
indications, il est préconisé que les constructions doivent former des ensembles
cohérents.
En résumé, la ZAC doit donner une importance équivalente aux bâtiments
comme au paysage qui les entoure. Les édifices doivent être contemporains, avec des
toitures plates, des façades vitrées et doivent respecter une rigueur volumétrique, la
vérité des matériaux et des principes de construction. Les décorations ajoutées sont
déconseillées. Tous ces principes sont en accord avec les théories du mouvement
Moderne, qui voulaient rompre avec les styles historicistes en prohibant toute
décoration.
La ZAC serait fondée, selon Perrault, sur la spécificité végétale de la rive droite,
qu’il est cependant nécessaire de nuancer. La question cruciale est de savoir s’il est
vraiment possible de parler d’une spécificité végétale dans un territoire dont la moitié
est occupé par des logements et une autre par des industries. Il semblerait plutôt que
cette identité a été une invention de Perrault, afin de mettre l’accent sur les différences
entre les deux rives et de cette manière se démarquer de Bofill qui voulait les rendre
identiques. C’est une invention novatrice, dans le sens qu’elle a précédé les dispositions
juridiques qui exigent un développement durable des métropoles.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
81
L’urbanisme végétal peut être parfaitement considéré précurseur de l’éco-
quartier136, un concept populaire de notre époque à Bordeaux. Malgré cela, il ne s’agit
pas d’une identité que les habitants du quartier revendiquent.
Il peut être argumenté que Perrault trouve la spécificité végétale dans l’histoire
préindustrielle de La Bastide, où le paysage était dominé par l’agriculture. Rappelons,
cependant, que l’identité des habitants du quartier est ancrée sur le passé industriel et ce
retour à une époque précédente peut être interprété comme une volonté d’effacer ce
passé. Cela est d’autant plus grave car il renforce le champ lexical de mépris de la
population existante. Ce qui peut être revendiqué, par contre, est la reconnaissance de
Perrault que La Bastide possède d’importantes œuvres inspirées du mouvement
Moderne. Il affirme une intention de reprendre ces principes qui lui servent de lien avec
une partie de l’histoire du quartier, ainsi que de contraposition au Postmodernisme que
Bofill voulait déployer avant lui. Malheureusement, des fondements théoriques solides
ne servent pas nécessairement de garantie à la réussite d’un projet ou à une réception
positive de la part de la presse ou des habitants.
136 « Un éco-quartier est un quartier conçu (ou renouvelé) avec une démarche environnementale, laquelle porte notamment sur le paysage ou la végétalisation des quartiers et la qualité environnementale des bâtiments (le plus souvent encore aujourd’hui des bâtiments neufs). » CHARLOT-VALDIEU Catherine, OUTREQUIN Philippe, L’urbanisme durable, Concevoir un écoquartier, Paris, Éditions du Moniteur, 2009
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
82
h) La construction de la ZAC
Dans cette partie, il est question d’étudier en détail chacune des constructions
qui forment l’ensemble de la ZAC Bastide. Le choix d’appréhender les îlots de manière
chronologique, selon leurs dates de concours ou de livraison, répond à la volonté
d’imaginer le procès d’aménagement de l’ensemble. Les renseignements pertinents aux
maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et programme ont été extraits du programme de
construction de la ZAC « Cœur de Bastide », actualisé en mars 2012 par Bordeaux
Métropole Aménagement.
Îlot G
Image 40 : Résidence « Cœur de Garonne », façade depuis le Jardin botanique, agence Brochet, Lajus, Pueyo, cl. Marcela Garcia 2012
Le premier chantier de la ZAC a été celui de la résidence « Cœur de
Garonne137 », dans l’année 2000. Situé dans l’îlot G faisant face au Jardin Botanique, il
consiste en quarante logements138 et 1 800 m² de bureaux, sous la direction de l’agence
Brochet, Lajus, Pueyo. Les façades qui se trouvent face au Jardin et au quai présentent
des portes pliantes avec des persiennes en toute hauteur qui permettent de jouer avec
l’intensité de la lumière et la visibilité vers l’extérieur. La composition de ces façades
est basée sur les lignes horizontales des persiennes et des brise-soleil et sur les fines
barres verticales des garde-corps des balcons filants. Elles peuvent changer d’aspect
selon la disposition que les habitants donnent aux portes et aux persiennes.
137 Maître d’ouvrage : Domofrance 138 Dont quatre T2 de 50 m², vingt-deux T3 de 80 m², neuf T4 de 110 m² et cinq T5 de 160 m².
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Sur les toits-terrasses sont ajoutées des édicules de couleur marron foncé avec
des toitures à une pente. C’est la même couleur que les murs des appartements derrière
les persiennes blanches. Du côté de la rue Raymond-Lavigne le jeu de lignes se limite à
quelques parties de la base du bâtiment, avec des barres verticales devant un mur
marron. La partie supérieure devient blanche et lisse, si ce n’est pour les ouvertures des
fenêtres (voir image 41).
Image 41 : Résidence « Cœur de Garonne », façade rue Raymond-Lavigne, agence Brochet, Lajus, Pueyo, cl. Marcela Garcia, 2012
Le lendemain de la pose de la première pierre du chantier, la presse affirmait que
dix-neuf des quarante appartements étaient déjà vendus et que 60% des acheteurs
provenaient de la rive gauche139 (images complémentaires : annexes 71 et 72).
139 ARISTÉGUI Marie-Claude, « Résidence Cœur de Bastide, Les travaux vont commencer », Sud-ouest, 1er
novembre 2000
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Îlot H
Image 42 : Résidence « Rives de Garonne », architecte Bernard Bühler, façade quai des Queyries, cl. Marcela Garcia, 2012
En 2001 fut livrée la résidence « Rives de Garonne », l’un des deux programmes
de l’îlot H. Le deuxième projet est la résidence « La Bastide », qui a été livrée en 2004.
Tous les deux furent réalisés par l’architecte Bernard Bühler (qui a travaillé au début de
sa carrière dans le cabinet des architectes Salier, Courtois, Lajus et Sadirac) dans le
souci d’avoir un îlot cohérent. « Rives de Garonne » combine cent maisons
individuelles avec un immeuble collectif de trente-deux appartements. La deuxième
résidence rassemble cent vingt-six logements en 13 273 m². Le financement de
l’opération était partagé à deux tiers par Clair Logis d’Aquitaine, une entreprise vouée à
la construction de maisons individuelles, et à un tiers par l’agence immobilière Fradin.
Les bâtiments collectifs de « Rives de Garonne » se trouvent face aux quais. Sa
façade principale, les latérales et la postérieure sont très différentes entre elles. Face au
fleuve, le bâtiment s’ouvre par des pièces entièrement vitrées aux extrémités et par des
balcons au milieu. Les façades latérales sont fermées, blanches et lisses. La seule touche
de couleur se trouve dans la façade postérieure, où les murs des couloirs qui mènent aux
appartements sont rouges (voir image 43). Ces passages et le noyau d’escaliers sont
visibles car ils sont recouverts par une série de tubes d’acier horizontaux, les mêmes qui
couvrent presque la totalité du soubassement du volume.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
85
Ces tubes d’acier se trouvent aussi dans les grilles des jardins des maisons
individuelles et de la résidence « La Bastide ». Bühler compose cette résidence et les
pavillons en forme de parallélépipèdes simples de couleur blanche dont les touches de
couleur sont données par les rideaux (voir annexe 73).
Image 43 : Résidence « Rives de Garonne », façade postérieure d’immeuble collectif, architecte Bernard Bühler, cl. Marcela Garcia
Îlot E
Image 44 : Image de synthèse du Millenium, première tranche, vue depuis le quai de Queyries, Luc Arsène-Henry et Alain Triaud Architectes, décembre 2000
L’îlot E a entièrement été aménagé par le cabinet Luc Arsène-Henry et Alain
Triaud Architectes. Il s’agit du terrain entre les rues Gustave-Carde et Jean-Paul-Alaux,
qui accueille le « Millenium » et le centre de rédaction du journal Sud-ouest. Le premier
est un ensemble de trois bâtiments140, dont le premier fut terminé en 2001, les deux
suivants en 2005.
140 Le maître d’œuvre est Sogeprom et Sari.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Il s’agit d’édifices de bureaux, avec un total de 16 122 m² de construction pour
l’ensemble. Le centre de rédaction du journal Sud-ouest a 10 020 m² de bureaux et fut
livré en janvier 2009. Ce projet fut l’objet de controverses lors de sa réalisation, que
nous évoquerons dans la partie de la réception de la ZAC.
Le « Millenium » est composé par des formes rectangulaires allongées, avec de
vastes vitrages qui s’alternent avec des surfaces en couleurs beige et gris. L’accès aux
différentes entreprises est marqué par des pilotis et des murs colorés au rez-de-chaussée
du côté de la rue Jean-Paul-Alaux. Le bâtiment qui rompt partiellement avec
l’homogénéité de l’îlot est celui du journal Sud-ouest. Il est plus amplement vitré et son
soubassement noir a, dans son entrée du côté quai des Queyries, le nom du journal,
peint en lettres rouges (voir image 45). Il respecte, néanmoins, les formes horizontales
de ses bâtiments voisins (images complémentaires : annexes 74 à 76).
Image 45 : Centre d’impression du journal Sud-ouest, Luc Arsène-Henry & Alain Triaud architectes, cl. Marcela Garcia, 2012
Îlots J et K
Image 46 : Jardin botanique, paysagiste Catherine Mosbach, cl. Marcela Garcia, 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Le 18 février 2000 fut lancé un appel d’offres pour la réalisation des premiers
équipements des terrains destinés au Jardin botanique141, dans l’îlot K. Le projet de la
paysagiste Catherine Mosbach a été le lauréat et les travaux ont démarré le 16 mai 2000.
Le 20 octobre de cette même année, la Mairie a organisé une manifestation sur le
chantier, où ont participé plus de mille personnes. Cet événement était dirigé aux
enfants des écoles de la rive droite pour qu’ils participent aux premières plantations du
Jardin142, qui fut livré en 2001. Les deux concepts de ce projet de 4,7 ha sont, d’une
part, montrer l’inventivité des cultures agronomiques dans le monde et d’autre part,
montrer la diversité des milieux du Bassin aquitain. Il est divisé en différentes sections :
un jardin aquatique de 1 250 m² en bordure du fleuve, la « galerie des milieux » de 13
500 m², un champ de cultures du monde de 12 100 m², une allée de plantes grimpantes
de 2 500 m², le tout entouré par un chemin planté avec des arbres d’ornement. Le jardin
aquatique est un groupe de bassins rectangulaires qui sont alimentés par l’eau de pluie.
La Galerie des milieux est un terrain où sont disposées des reconstitutions en élévation
de strates de sols de différente provenance qui se démarquent du gravier du sol143.
Image 47 : Jardin botanique, galerie des milieux, paysagiste Catherine Mosbach, cl. Marcela Garcia, 2012
Les accès sont marqués par des portails, réalisés par Pascal Convert (voir annexe
77), où la disposition des éléments évoque des dessins d’enfants. Les bancs et les dalles
qui marquent les passages sur le sol ont été faits à partir de moulages de troncs d’arbres
utilisés pour la clôture. Le mur d’enceinte a été dressé avec des troncs qui ont été
abattus par une tempête en 1999. 141 Maître d’ouvrage : Mairie de Bordeaux 142 Compte-rendu de la session du Conseil d’Administration du 22 février 2001 143 LORIERS Marie-Christine, « Ethno culture nature, Jardin botanique de La Bastide, Bordeaux (33) », Techniques et architecture, #486, octobre - novembre 2006, p.76 - 81
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Les serres du jardin, faites par l’architecte Françoise-Hélène Jourda, furent
livrées en 2007. Il s’agit d’un ensemble formé par des boîtes en bois et d’autres en verre
translucide avec une structure en troncs d’arbre (voir annexe 78). Les édifices
transparents accueillent les serres, ceux en bois regroupent les locaux administratifs,
techniques et d’expositions permanentes et temporaires. Trois grands cailloux en béton
projetés sur résille métallique, aménagés à l’intérieur, rompent avec l’horizontalité des
édifices (voir image 48).
Image 48 : Serres du Jardin botanique, architecte Françoise-Hélène Jourda, cl. Marcela Garcia, 2012
La Mairie de Bordeaux souhaite que le Jardin botanique devienne « le miroir
d’eau de la rive droite, quand la qualité plastique d’un aménagement urbain s’efface
derrière la réussite populaire après l’avoir fait naître144 ». Le projet a été récompensé
avec le prix européen du paysage « Rosa Barba » en 2003 ; il a été l’un des vingt-trois
projets exposés au Musée d’art Moderne de New York dans son exposition
« Groundswell : Constructing the contemporary landscape » entre le 25 février et le 16
mai 2005 et il a été le lauréat dans la catégorie « Bâtiment culturel » dans l’édition 2007
– 2008 du concours « Habitat solaire, Habitat d’aujourd’hui », lancé par l’Observatoire
des énergies renouvelables.
144 Direction générale de l’aménagement, op.cit., p.27
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Îlot L
Image 49 : Esplanade Edmond-Géraud, architecte Bernard Ropa, cl. Marcela Garcia, 2012
Le Jardin botanique abouti vers le fleuve et le parc des berges, dans l’îlot L, dont
l’architecte mandataire fut Bernard Ropa, et qui fut livré en 2002. Il s’agit de
l’aménagement paysager de trois kilomètres en bordure de la Garonne, avec une piste
cyclable. Entre ces aménagements se trouvent la restructuration de l’esplanade Edmond-
Géraud, terminée en 2005 et le jardin des Droits de l’Enfant, inauguré en 2007.
Image 50 : Jardin des Droits de l’Enfant, architecte Bernard Ropa, cl. Marcela Garcia, 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Îlot F
Image 51 : Résidence « L’autre quai », façade allée Jean-Giono, architecte Yves Lion, cl. Marcela Garcia, 2012
L’îlot F était un terrain qui appartenait au ministère de la Défense et qui a été
acquis par BMA en 2001. Par sa localisation devant le fleuve, l’aménageur et la Ville
l’ont destiné à accueillir des programmes à vocation résidentielle, pour une clientèle
familiale de ressources importantes. Leur intention était d’attirer les gens qui se seraient
tournés vers la périphérie pour acheter leur première maison145. Quand le groupe
immobilier Nexity Apollonia a exprimé son souhait d’aménager le terrain, BMA et la
Mairie ont considéré que les clients de cette société seraient exactement le type de
public à qui ils voulaient faire appel. Ils ont même affirmé que ce projet, stratégique
pour la ZAC, « déterminera le profil sociologique du quartier146 ». Le résultat fut la
résidence « L’autre quai », sous la direction de l’architecte Yves Lion.
Selon le cahier des charges, cet îlot est organisé de manière à combiner trois
typologies d’immeubles différents : les immeubles « de ville » sur la rue Jean-Paul-
Alaux, les immeubles « plots » en cœur d’îlot et les immeubles « villas » sur la rue
Nuyens. Mais en dépit de leur différence de typologie, les trois bâtiments devaient avoir
une hauteur constante et des façades uniformes vers le fleuve147. L’architecte Lion a
donc centré sa proposition autour du concept « variété mais unité ». En d’autres termes,
il ne voulait pas imposer une seule forme architecturale dans tout l’îlot, mais voulait
garder une cohérence. 145 CHARRIER Alain, Cahier des charges, Zone d’Aménagement Concerté Cœur de Bastide, Îlot F, Bordeaux, Bordeaux Métropole Aménagement, octobre 2011, p.1 146 Lettre de Pascal Gérasimo à Alain Juppé, datée du 3 janvier 2002 147 Ibid., p.2 - 5
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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En reprenant le plan de masse fait par Charrier, il a installé des maisons en
duplex. Ce projet a été bien reçu par le Maire148, mais une autre initiative a été
déterminante pour choisir cette opération à l’instar d’une proposition du promoteur
Capri. Il s’agissait d’une volonté d’Yves Lion de travailler comme architecte
d’opération mais d’organiser une consultation entre les lauréats des « Nouveaux albums
des jeunes architectes », édités par le ministère de la Culture. Cette initiative de Lion
naissait, selon lui, de son expérience en tant qu’enseignant et directeur d’une école
d’architecture149. Celle-ci lui aurait montré l’absence de débouchés pour les jeunes
architectes qui veulent accéder à la commande et qui leur est refusée par manque
d’expérience150. Il ne peut être laissé de côté non plus qu’un autre facteur a été
déterminant pour céder le terrain à Apollonia : le groupe avait mis en place un procédé
de commercialisation permettant la réalisation et la vente de ses œuvres dans un temps
très court151. Le premier bâtiment de l’ensemble fut livré en 2004, le reste en 2006 et
2008.
Les résidences sont des cubes dans lesquels des vides ont été creusés pour créer
des balcons. Les façades des bâtiments ont vers le fleuve une texture beige qui peut
évoquer la pierre de taille (image 52). Dans ses façades latérales les murs sont blancs et
lisses (voir annexe 79). Ce sont les seuls bâtiments qui présentent des toitures
légèrement inclinées. L’îlot est complètement occupé par ce type d’immeubles, donc la
volonté de faire plusieurs types de bâtiments n’a pas pu aboutir.
Image 52 : Résidence « L’autre quai », façade quai des Queyries, architecte Yves Lion, cl. Marcela Garcia, 2012
148 Note de Mme. Larüe-Charlus à Alain Juppé, datée du 4 janvier 2002 149 Yves Lion a fondé l’École nationale supérieure d’architecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée. 150 Lettre d’Yves Lion à Mme. Larüe-Charlus, datée du 3 janvier 2002 151 Note de Mme. Larüe-Charlus à Alain Juppé, datée du 4 janvier 2002
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Îlot A
Image 53 : Siège social de la BPSO, architecte Jean-Michel Wilmotte, cl. Marcela Garcia, 2012
Entre janvier et juillet 2000, les entreprises Bouygues, France Résidence et la
Banque Populaire du Sud-ouest (BPSO) ont présenté des offres à BMA pour aménager
l’îlot A. Le Maire s’inclinait pour le projet de Bouygues, qui combinait des logements,
des commerces, des bureaux et une résidence hôtelière, en dépit de leur faible projet
architectural152. Le programme de la Banque Populaire, au contraire, se limitait à leur
siège social. Les deux possibilités envisagées par la Mairie étaient d’accepter le
programme de Bouygues en leur exigeant une maîtrise d’œuvre réputée ou bien un
nouveau projet ; ou demander à la Banque populaire de lancer un concours d’architectes
qui pourrait garantir une réussite architecturale. Les enjeux de ce projet ont été exprimés
au Maire par l’adjointe à l’urbanisme, Mme. Michèle Larüe-Charlus, de la manière
suivante : « Si BPSO achète, vous aurez un siège de banque au milieu d’une pelouse
face à la Bourse. Il est alors indispensable que l’architecture soit magnifique et que les
candidats au concours ne soient pas nos architectes locaux habituels153. »
La Banque Populaire organisa donc un concours qui mettait en concurrence deux
cabinets locaux avec trois de réputation internationale. Les architectes bordelais étaient
Michel Pétuaud-Létang (qui avait fait partie du Cercle de la Rivière en 1991) et Alain
Loisier. Les autres cabinets étaient Arte-Charpentier, Architecture Studio, Caruso-St.
John et l’agence de Dominique Perrault. Le jury s’est réuni le 21 septembre 2001 pour
choisir les trois meilleurs projets, dont celui de Perrault, Arte-Charpentier et Pétuaud-
Létang.
152 Lettre de Mme. Larüe-Charlus à Alain Juppé, datée du 4 mai 2001 153 Ibid.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
93
Néanmoins, aucun des projets n’a réussi à faire l’unanimité par le jury ce qui
amena la Banque populaire à déclarer le concours infructueux. En conséquent, elle s’est
penchée vers une proposition du cabinet de Jean-Michel Wilmotte qui avait été
sollicitée en dehors du concours : une action réalisée sans l’accord de la Mairie. Le
bâtiment résultant fut terminé en 2005 et comptait 12 570 m² en bureaux. Dans sa
façade vers le fleuve, le soubassement solide est interrompu par des minces vitrages
tandis que dans la partie supérieure le vitrage est interrompu par des fines parties
solides. Cette alternance de vitrage et solide se maintien dans les autres façades. Un
vide au centre du bâtiment permet l’aménagement d’un jardin et l’éclairage de tous les
étages (voir plans : annexe 80).
Îlot C
Image 54 : Bâtiment du CNFPT, ARTOTEC architectes, cl. Marcela Garcia, 2012
En 2005 a été terminé le bâtiment du Centre National de Formation des
Personnels Territoriaux (CNFPT), situé dans une partie de l’îlot C. Cet édifice de 5 000
m² a été fait par le cabinet ARTOTEC, de l’architecte Alain Rodriguez. Il est entièrement
vitré, mais sa façade sur la rue Léonce-Montelay est protégée par des persiennes
verticales. Sur son toit-terrasse sont perceptibles des volumes rectangulaires tournés par
rapport aux rues.
En 2006, le reste de l’îlot a accueilli des logements, deux hôtels, une galerie
marchande, un supermarché et une cafétéria, réalisés par les architectes Eric Limouzin
et Philippe Baudin154 (voir image 55 et annexe 81).
154 Sous la maîtrise d’ouvrage JLG - AVENTIS. Le programme comprenait cent quatorze logements et deux cents chambres d’hôtel pour un total de 16,000 m².
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Les logements ont un socle vitré qui accueille des commerces, du côté de l’allée
Jean Giono. Les étages supérieurs sont divisés en quatre parties, séparées par des
franges verticales vitrées. Chaque partie simule être un parallélépipède séparé, vide à
l’intérieur mais d’arêtes solides. À chaque étage un balcon traverse le volume. Le reste
de l’îlot a des bâtiments avec des commerces en rez-de-chaussée qui ont des murs vitrés
en toute hauteur. Les bâtiments sont des volumes simples de faces quadrangulaires.
Image 55 : Logements, allée Jean-Giono, architectes Eric Limouzin, Philippe Baudin, cl. Marcela Garcia, 2012
Îlot D
Image 56 : Pôle universitaire de gestion, architectes Anne-Lacaton, Jean-Philippe Vassal, cl. Marcela Garcia, 2012
Cet îlot, situé en arrière de la ZAC, accueille le Pôle universitaire de gestion de
l’université de Bordeaux IV. Ce projet était annoncé en 1996 comme un équipement
important au niveau de l’agglomération qui se trouverait à La Bastide. En réalité,
l’ambition pour Juppé dépassait le seul fait d’installer une filiale de l’université dans la
rive droite.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
95
Il envisageait la création d’un campus européen et international de la gestion
d’entreprises155. Un des bénéfices de localiser ce centre à La Bastide serait la possibilité
d’établir un contact direct entre les étudiants et les entreprises voisines156, dans la ZAC
et dans la Zone Franche Urbaine. Un concours fut lancé au début de l’année 2002 pour
choisir la maîtrise d’œuvre du projet. Les résultats furent annoncés à la fin d’octobre de
la même année, le chantier démarrant une année plus tard.
Le projet choisi fut celui des architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal.
Leur parti pris fut d’intégrer depuis le début le programme de base qui leur avait été
donné avec des futures extensions qui étaient optionnelles. Leur souhait était de
favoriser la cohérence et l’unité de l’ensemble. Leur bâtiment occupe, par conséquent,
tout l’îlot que leur a été assigné. Ils ont créé un bâtiment « ouvert, perméable aux flux
urbains et universitaires », dont les façades se caractérisent par des baies vitrées,
coulissantes en toute hauteur. Elles se protègent du soleil par des brise-soleil qui se
trouvent en avant de la structure. Dehors, des balcons accueillent des rosiers, qui visent
à évoquer « le charme des petits jardins des échoppes environnantes157 ».
Le fonctionnement intérieur est organisé autour d’un système de rues, une place
et des patios intérieurs dans les différents niveaux. Les accueils des différentes unités
académiques se trouvent au niveau du rez-de-chaussée et ils sont disposés autour d’une
place à ciel ouvert. L’accès aux départements, situés entre les niveaux deux et quatre, se
fait par des circulations verticales indépendantes. Cela permet à chaque unité
académique d’avoir sa propre structure physique. Dans le rez-de-chaussée se trouve
également le restaurant, tout au long de l’avenue Abadie, et le parking, avec un
deuxième niveau en entresol. Le premier étage est destiné aux services communs pour
toutes les unités : quatre amphithéâtres, l’infothèque, un centre multimédia et les salles
de cours banalisées (voir images 57 et annexe 82). L’ossature du bâtiment, ses poteaux,
poutres et dalles, sont en béton brut158.
155 Mairie de Bordeaux, Projet urbain pour la ville de Bordeaux, op.cit., p.38 156 Direction générale de l’aménagement, op.cit., p.58 157 Note de synthèse précisant les principes du projet, dirigée aux membres du jury du concours du Pôle universitaire de gestion. 158 Ibid.
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Image 57 : Pôle universitaire de gestion, plans rez-de-chaussée et premier étage, architectes Anne-Lacaton, Jean-Philippe Vassal, site Web de l’agence, http://www.lacatonvassal.com/, notice « Projets », consultée le 1er juin 2012
Le jury du concours a apprécié les choix radicaux pris par les architectes. En
premier lieu, l’implantation du volume sur toute la parcelle. Ensuite, ils ont plébiscité
l’allure simple du bâtiment qui refusait les grands gestes architecturaux et son système
constructif qui se caractérise par son économie. La qualité des espaces est assurée par
un éclairage naturel permis par les patios intérieurs, même pour les amphithéâtres. Le
concours exigeait que les projets aient un rapport « communautaire/identitaire »
important. Dans ce cas il a été attribué à la localisation du restaurant au niveau de la rue,
pour mettre en relation les étudiants avec le quartier. À l’intérieur du projet, la
communauté était créée par le rassemblement des accueils des unités pédagogiques
autour du patio. L’aspect identitaire se trouve dans l’association du bâtiment avec le
Jardin botanique, auquel il fait écho par sa végétation, sans faire recours à l’imitation.
Le jury a trouvé comme seuls défauts la localisation en façade du parking et la neutralité
du volume de l’édifice qui ne lui conférait pas un caractère institutionnel (voir annexe
83). Pourtant, un projet qui affichait cette monumentalité a été refusé par le risque de se
trouver déplacé dans le site. Il en fut ainsi pour un autre projet qui prenait comme
référence la Garonne, en installant une terrasse tournée vers elle, en dépit du fait que le
bâtiment ne se trouve pas en bordure du fleuve.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
97
En 2008, deux ans après la livraison du projet, les architectes ont été les lauréats
du Grand Prix national d’architecture, la plus haute récompense en architecture en
France délivrée par le ministère de la Culture et de la Communication.
Image 58 : Pôle universitaire de gestion, vue du Jardin botanique, architectes Anne Lacaton, Jean-Philippe Vassal, cl. Marcela Garcia, 2012
La deuxième partie de l’îlot D est consacrée à la résidence universitaire « Cœur
de Bastide », œuvre du cabinet K architectures, de Karine Herman et Jérôme Sigwalt.
Dans leur programme : deux cent trente-quatre logements répartis en 6 900 m². Les
architectes disent avoir été marqués et inspirés par l’exposition de 1994 à Bordeaux sur
Dominique Perrault, qu’ils ont visité quand ils étaient encore étudiants. Leur bâtiment
serait donc un hommage à ce concepteur.159 Cette œuvre a été finalisée en 2010. La
résidence est formée par trois bâtiments, séparés par des jardins mais unis par des
passerelles et des escaliers exposés à l’intempérie. Quoique les bâtiments aient des
formes différentes, ils sont regroupés par un soubassement continu de lamelles de métal.
La composition des façades est faite à partir de plaques métalliques noires et grises,
disposées de manière aléatoire.
159 Direction générale de l’aménagement, op.cit., p.60
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Image 59 : Résidence universitaire « Cœur de Bastide », K architectures, cl. Marcela Garcia, 2012
Îlot I
Image 60 : Groupe scolaire Nuyens, façade rue Nuyens, architectes Yves Ballot, Nathalie Franck, cl. Marcela Garcia, 2012
Le groupe scolaire Nuyens et le pôle de la petite enfance est une réhabilitation
d’une école du XIXe siècle, œuvre des architectes Yves Ballot et Nathalie Franck,
lauréats du concours réalisé en 2001. Ce projet est situé entre l’allée Jean Giono, où se
trouvent le stationnement et les accès de service, la rue Léonce-Motelay, le quai des
Queyries et la rue Nuyens, où se déploie son entrée principale. Le site a une surface de
7 268 m². Le programme est formé par deux écoles, une maternelle et une élémentaire,
les deux situées dans le premier étage du bâtiment. L’école maternelle compte six salles
de classe, deux ateliers, deux dortoirs, un restaurant et deux logements de fonction ; le
tout prévu pour cent cinquante élèves. La deuxième école a neuf salles de classe, quatre
ateliers et un restaurant et elle est destinée à accueillir deux cent cinquante élèves.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
99
La particularité de ce projet, livré en 2007, se trouve dans le fait qu’il est le seul
de la ZAC qui a conservé des traces du tissu ancien du quartier. Deux bâtiments de
l’ancienne école Jules Ferry, qui date de 1870, se trouvaient sur le site. Le concours
laissait la possibilité de les démolir, mais les architectes ont décidé de les conserver.
Quoique les bâtiments n’aient pas une grande valeur patrimoniale, les architectes ont vu
dans l’existant une valeur sociale et symbolique. Ces anciens édifices constituent le lien
du projet avec les habitants, ils représentent une continuité historique et ils ont permis
aux concepteurs de garder le front bâti de la rue Nuyens160.
Il s’agit d’une œuvre où s’exploite le thème du contraste entre les bâtiments
neufs et les existants, qui ont été délibérément séparés et qui s’emboîtent sans se
toucher. Les nouvelles structures laissent de côté la pierre traditionnelle pour utiliser de
l’acier galvanisé pour les menuiseries, du béton ciré pour le sol des couloirs et des
panneaux en fibre de bois pour les faux-plafonds161 (images complémentaires : annexes
84 à 86).
Le groupe scolaire Nuyens a été récompensé en 2007 par l’Équerre d’argent, un
prix décerné à une œuvre française terminée chaque année et qui vise à mettre en valeur
le maître d’œuvre ainsi que le maître d’ouvrage. Il est organisé par le groupe Moniteur,
responsable de la revue Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment.
Cet îlot accueille également la maison polyvalente de quartier, œuvre du cabinet
JF Escande, livrée en août 2006, siège du centre d’animation « Bastide-Queyries » (voir
image 61).
Image 61 : Maison polyvalente de quartier, JF Escande société d’architecture, cl. Marcela Garcia, 2012 160 LAMARRE François, « À tire d’aile - France 2007, Bordeaux, La Bastide, Groupe scolaire et petite enfance », Europ’A, #7, janvier 2008, p.44 - 48 161 DEGIOANNI Jacques-Franck, « Rénovation - extension : une école faufilée entre pierre blonde et acier galvanisé », Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, #5435, 25 janvier 2008, p.62 - 65
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Îlot B
Pour cet îlot, dont le programme combine des bureaux avec des commerces et
des stationnements en 12 000 m², les architectes élus par la société SSCV JLG CRISTAL
ont été Jean-Paul Viguier et Denis Debaig. L’ensemble a été conclu en 2012 et reste
dans le même registre de surfaces vitrées intercalées avec des bandes solides et des
formes horizontales (voir image 62 et annexes 87 et 88).
Image 62 : Îlot B, façade allée Serr, architectes Jean-Paul Viguier, Denis Debaig, cl. Marcela Garcia, 2012
i) Les critiques de la ZAC
Ce quartier a reçu de nombreuses critiques qui peuvent être classifiées sous trois
catégories : des critiques architecturales ou d’ordre stylistique, d’autres qui portent sur
la qualité et finition des constructions et les dernières sur la relation de la ZAC avec le
reste de La Bastide.
Les premières controverses commencèrent à se manifester très tôt dans le projet.
Le 27 juillet 2001, la presse locale a publié une interview avec l’architecte-paysagiste
Michel Courajoud, à propos de son projet de réaménagement des quais sur la rive
gauche. Questionné à propos de son avis sur les travaux qui avaient commencé sur La
Bastide, il répondit : « Quoi qu’il en soit, la rive droite, c’est ce qu’on voit depuis la rive
gauche, et ce que je vois m’inquiète. Je ferais preuve de lâcheté si je ne le disais pas. Je
ne remets pas en cause la qualité des architectes qui y travaillent, mais j’estime qu’il n’y
a pas vision d’ensemble. C’est un immense bazar où chacun fait ce qu’il veut sur la
parcelle qu’on lui confie. Je l’ai dit au maire parce que je pense que les Bordelais l’en
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
101
tiendront responsable si la rive droite continue comme ça162. » Ces déclarations ne
passèrent pas inaperçues pour l’architecte Luc Arsène-Henry, responsable du
Millenium, en construction à l’époque. Il envoya une lettre à Courajoud163, en lui
répondant qu’il considérait ses propos injurieux pour tous les acteurs de la ZAC, y
compris la maîtrise d’ouvrage. Arsène-Henry aura recours à la presse, de son côté, pour
défendre son intervention. Il a affirmé que le « Millenium » pouvait paraître anarchique
pour le moment, mais qu’il nécessitait d’être appréhendé avec le reste du quartier quand
le tout sera fini. Dans ses déclarations, il a mis l’accent sur son respect au Règlement
d’Aménagement de Zone qui insiste sur l’homogénéité du quartier. Sur la volumétrie, il
exprime : « J’estime que simplicité ne veut pas dire pauvreté. De surcroît, simplicité
architecturale ne signifie pas non plus simplicité technique, car j’ai mis tout mon savoir-
faire pour soigner la construction164. »
Ce manque d’unité de la ZAC est une affirmation récurrente dans la littérature,
comme l’évoque Robin Schepman dans son mémoire. Elle expose que ce défaut est la
conséquence d’un rassemblement de plusieurs maîtres d’œuvre et d’un Plan
d’Aménagement de Zone qui leur laisse une grande liberté de création. Le résultat, pour
elle, est un collectif de bâtiments décevants165. Cependant, cette zone se dressait depuis
le début comme une réponse au projet largement critiqué de Ricardo Bofill ; il n’était
plus possible de donner tout le projet à un seul architecte en suivant l’ancienne méthode.
De plus, le manque d’unité que trouvent les auteurs doit être remis en cause. Une des
principales préoccupations du Plan d’Aménagement de Zone est la cohérence de
l’ensemble et ce, malgré la mixité de fonctions que les édifices doivent accueillir.
Comme il a été énoncé précédemment, le RAZ est très restrictif par rapport à la
composition architecturale. Les bâtiments qui composent les différents îlots sont, de ce
fait, très similaires les uns aux autres, en termes d’utilisation de matériaux, de
volumétrie et même de couleurs. Comme nous avons vu lors de leurs descriptions, les
bâtiments sont tous des volumes simples de plan rectangulaire, de couleurs claires, avec
des fenêtres en longueur et des socles différentiés.
162 LASSERRE Benoît, « Lyon, l’exemple à suivre », Sud-ouest, 27 juillet 2001 163 Avec copie au Maire, au secrétaire général de la CUB, au directeur de BMA, à l’architecte-urbaniste conseil et aux architectes Bernard Buhler et Olivier Brochet, qui avaient des chantiers en cours à la ZAC à ce moment. 164 LASSERRE Benoît, « L’architecte défend son Millenium », Sud-ouest, 11 novembre 2001 165 SCHEPMAN, op.cit., p.32 - 33
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Il n’y a pas de grandes différences entre ceux qui sont des logements et des
bureaux si ce n’est que ces derniers sont vitrés davantage.
Schepman développe ses propos en argumentant que la ZAC manque
d’ambition, qu’il aurait fallu construire un monument représentatif du quartier qui
marquerait l’image mentale des habitants. Elle affirme même que l’identité du quartier
reste encore à être construite166. D’autres auteurs pensent que le projet était ambitieux
depuis ses origines. Patrice Godier voit un tournant dans le succès de l’exposition d’Arc
en rêve sur Dominique Perrault, en juin 1994. Pour lui, cela montre les hautes
expectatives de la population pour la rive droite. Les attentes des aménageurs se sont
exprimées, selon lui, dans le choix des architectes, la plupart de réputation nationale et
internationale, même pour les projets privés167.
Dans la presse, l’architecte-conseil a affirmé que les critiques faites à la ZAC
correspondaient à des étapes où le quartier n’était pas encore fini. En opposition à la
rive gauche, « d’une architecture qu’on n’est plus capable de faire aujourd’hui », il
voulait créer une homogénéité non seulement par les bâtiments, mais surtout par la
présence du végétal. Cependant, si les résultats obtenus dans les espaces verts n’étaient
pas à la hauteur de ce qui était souhaité, c’était en raison du non-respect de leur
entretien, une exigence du cahier des charges. Par rapport aux ambitions stylistiques, il
a exprimé : « Certains commentaires font état d’une architecture sans souffle, sans éclat.
Peut-être. Je dirais que c’est une architecture honnête et je me méfie beaucoup des
gestes d’architecture168. »
Charrier disait être conscient des fautes de construction de certains maîtres
d’œuvre, comme dans le cas de l’îlot F par Apollonia. La société n’a pas respecté ni le
cahier des charges, ni les permis de construire fournis au début de l’opération. Le 18
juillet 2003, Lion a envoyé une lettre au Maire de Bordeaux en lui exprimant sa
déception pour ne pas avoir été associé au chantier. Il a affirmé qu’il tenterait une
démarche auprès de la société Apollonia pour que le premier bâtiment construit soit
considéré comme un prototype à être réparé postérieurement. Il servirait ainsi de modèle
pour le reste de l’ensemble, sur lequel il exigerait une mission de contrôle169.
166 Ibid., p.42 167 GODIER, op.cit., p.155 168 LASSERRE Benoît, « L’homogénéité par la trame végétale », Sud-ouest, 7 octobre 2003 169 Lettre d’Yves Lion à Alain Juppé, daté du 18 juillet 2003
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
103
Le président du groupe Apollonia, M. Hervé Jobbé-Duval, attribuait ces défauts
à la courte durée du chantier et à la démise de l’entreprise engagée pour la construction,
qui a renoncé au dernier moment. Il a ajouté que la mission de Lion s’arrêtait au niveau
du permis de construire et ne se poursuivait pas dans le chantier170. Le bilan de cet
événement fut que les permis de construire des autres immeubles furent arrêtés
temporairement.
Dans la relation qu’entretien la ZAC avec le reste du quartier, il ne semble pas
avoir changé le sentiment d’abandon de la population vis-à-vis des élus et de la rive
gauche. Les habitants n’ont pas été inclus dans le processus de création et ils ont
considéré que la ZAC était prioritaire pour la Mairie en raison de sa localisation, et non
comme une volonté de redynamiser La Bastide. « Cette ZAC est un cœur artificiel, mais
la greffe ne tiendra pas », affirmaient les associations dans la presse171.
La population regrette la démolition des échoppes qui se trouvaient aux
alentours de l’ancienne gare d’Orléans, des habitations que les études de faisabilité qui
ont précédé la ZAC conseillaient de garder. L’association « Défense du quartier de
Queyries - La Bastide » réclamait déjà en 1998 que les échoppes de la rue Raymond-
Lavigne soient conservées et réhabilitées172, ce qui ne fut pas le cas. Ce phénomène fut
interprété comme un manque de respect du patrimoine du quartier et comme une
volonté de rompre les liens de la ZAC avec les autres secteurs. Cette démarche ne se
distingue pas de grande manière de celle qui a été mise en place dans les années 1960
pour Mériadeck, où tout le quartier existant fut rasé pour bâtir à sa place une zone vouée
à la modernité. Quarante ans après, celle-ci était remplacée par l’urbanisme végétal.
Juppé affirmait dans son projet urbain qu’il donnerait priorité à la réhabilitation et à la
restauration et que la table rase serait évitée, mais la ZAC ne semble pas avoir respecté
ces principes.
Une question se pose par rapport à la réception de cette zone : aurait-elle été
différente avec une concertation plus méticuleuse ? Avec une médiation entre les
concepteurs et les habitants ? Bordeaux possède une institution qui traditionnellement
fournit ce rôle : Arc en rêve. Pourtant, le centre d’architecture n’a produit aucune
170 LASSERRE Benoît, « L’immeuble-témoin au banc des accusés », Sud-ouest, 21 octobre 2003 171 LHERM Denis, « Les associations et les habitants de La Bastide se rebiffent », Sud-ouest, 23 janvier 2006 172 Extrait du registre des délibérations du Conseil de Communauté, séance du 24 juillet 1998
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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exposition liée à la ZAC. Rappelons que cet aménagement est un résultat indirect de
l’appel à idées de 1989 qui a supprimé Ricardo Bofill de son rôle. La Maison de
l’architecture a pris le relais de communiquer sur les projets de la ZAC. En mars 2002,
elle organisa une visite des chantiers en cours. Une exposition sur cinq projets à venir
(le siège social de la Banque Populaire, le Centre de Formation des Personnels
Territoriaux, le groupe scolaire Nuyens, les logements Apollonia et le pôle universitaire
de gestion) eut lieu à partir du 15 janvier 2003 et dura quatre mois. Néanmoins, cet
organisme n’a pas encore la trajectoire d’Arc en rêve, ni son prestige pour valider des
projets.
j) Le bilan de la ZAC
Dans son cahier de prescriptions architecturales, Perrault a fait le choix
d’aménager en bordure du fleuve un parc végétal, comme s’il avait voulu éviter la
confrontation directe avec la façade de la rive gauche. C’est une proposition prudente,
face à la mégalomanie que voulait déployer Bofill, mais elle n’a pas créé de résonance
ni n’adhésion. La berge végétale reste dans le registre de terrain sauvage laissé à
l’abandon que ce secteur affichait précédemment.
Le cahier des charges s’inscrit dans la continuité architecturale que suivait le
quartier jusqu’aux années 1970. Il revendique une filiation théorique avec les principes
des Immeubles-villas de Le Corbusier et par ce biais, elle trouve un lien avec la caserne
des pompiers de la Benauge. Pourtant, ces prescriptions ne dépassent pas la théorie et ne
permettent pas aux projets construits d’afficher la même fierté que Courtois, Salier et
Ferret ont réussi à exprimer. La ZAC aurait pu avoir un vocabulaire formel plus étendu
si elle avait pu faire écho des formes courbes de la piscine Galin, de la salle de sports
Jean Dauguet, du gymnase Thiers. Elle aurait pu recevoir des formes contemporaines
plus inventives, comme celles des ateliers du tramway de Jacques Ferrier, contemporain
de la ZAC mais qui n’aurait pas pu être situé dans son périmètre en raison de ses formes
non-plates. La ZAC aurait pu aller au-delà d’un urbanisme végétal fondé sur la présence
d’arbres pour permettre des formes organiques plus intéressantes, sans devenir
monumentales173. Si la ZAC n’avait pas créé une nouvelle image, artificielle et
173 Nous pensons aux leçons d’architecture organique de Frank Lloyd Wright, par exemple.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
105
étrangère au lieu, mais avait puisé dans l’histoire du quartier et dans l’identité des
habitants, les résultats et la réception de l’ensemble auraient été radicalement différents.
Le bilan du projet est positif pour BMA : les logements entourés d’espaces verts
offrent pour eux une qualité de vie qui d’habitude est recherchée en périphérie et que
même la rive gauche n’est pas en mesure de proposer. La ZAC est considérée comme
une réussite commerciale également. Les maîtres d’ouvrage et les clients ont vite réagi,
permettant la réalisation du quartier dans un temps record et la vente avant livraison de
beaucoup de logements. Tous les deux étaient des exploits que personne ne croyait
possibles au début de l’opération174.
Le directeur de BMA n’hésite pas à reconnaître que certains projets n’ont pas
réussi à atteindre les standards de qualité qui leur avaient été imposés. Il cite en exemple
les maisons de Clairsienne, de l’îlot H, par Bernard Bühler. Tout en défendant le travail
de l’architecte, il explique que ce sont des problèmes de finition qui ne peuvent être
aperçus qu’à la fin des travaux175. BMA continue donc à participer dans d’autres projets
à La Bastide. Il prépare sa candidature pour l’aménagement de la ZAC Bastide-Niel, qui
sera choisi au cours du premier semestre 2013, et participera également dans le
développement économique du projet Bastide-Brazza.
Pour Alain Juppé, le bilan est aussi positif, mais il laisse comprendre que des
nouvelles méthodes seront désormais mises en place. « Ce quartier fonctionne bien, les
habitants en sont contents ; il a été conçu par des « noms » de l’architecture auxquels a
été laissée une certaine liberté. » Il évoque ensuite le projet de la ZAC de Bercy, à Paris,
où règnent des « volumétries incitatives176 ». C’est la démarche qu’a suivi Nicolas
Michelin pour la ZAC des Bassins à flots et ce sera la même du cabinet MVRDV pour
Niel. Le Maire pose une question honnête et presque vulnérable : « Face à la force du
patrimoine XVIIIe de la rive gauche, que fallait-il faire ? Y répondre par un nouveau
front bâti ? » Pourquoi ne pas demander directement aux habitants ? Pourquoi ne pas
imaginer ce qui pourrait être fait dans un monde idéal pour ensuite l’adapter à la
réalité ? Cette approche peu conventionnelle à l’architecture et à l’urbanisme est celle
qui emploi le « Bruit du frigo ».
174 Entretien avec Mme. Sophie Desport du 16 mars 2002 175 ARISTÉGUI Marie-Claude, « Pascal Gérasimo, Le bilan est positif », Sud-ouest, 7 octobre 2003 176 BORD Florence, COURTOIS Claudia, « Bordeaux rive gauche, rive droite », Traits urbains, avril – mai 2010, #38, p.18 – 29
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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VI) L’urbanisme utopique à La Bastide
« Bruit du frigo » est une association loi 1901, fondée en 1997 par les architectes
Gabi Farage et Yvan Detraz, quand ils étaient encore étudiants de l’École d’architecture
de Bordeaux. Son initiative naît de leur malaise par rapport à la formation qu’ils
recevaient à l’école en ce qui concerne la place de l’usager dans le projet architectural.
Ils ont décidé de répondre par la création d’un collectif multidisciplinaire qui travaille
auprès des habitants pour leur aider à réfléchir sur leurs espaces de vie et les inciter à les
transformer. Les membres permanents de l’équipe sont accompagnés de participants
divers, dont en plus des architectes et des urbanistes se trouvent des artistes, des
graphistes, des sociologues et autres, selon les spécificités des projets qu’ils
développent.
Le collectif organise de multiples activités parmi lesquelles se distinguent : les
ateliers d’urbanisme, les interventions artistiques dans des espaces publics, l’assistance
à la maîtrise d’ouvrage, les résidences artistiques, les actions pédagogiques ou de
formation ainsi que les séminaires. Son champ de travail s’est élargi de son rayon
original de l’agglomération bordelaise vers d’autres villes de la France telles que Paris,
Nantes, Marseille et Pau, pour en citer quelques-unes, et même au-delà des frontières
nationales177.
Le travail du collectif se déroule selon deux modalités : dans le cadre de
commandes directes de la part de collectivités locales ou selon des projets de sa propre
initiative qu’ils financent grâce à des subventions. Dans le premier cas, une collectivité
locale fait appel à eux pour réaliser des activités dans des quartiers en renouvellement
urbain ou dans lesquels certains problèmes ont été identifiés. En ce moment, ils dirigent
un travail sollicité par la Ville de Bègles dans l’ancien quartier Yves Farge, devenu
« Terres Neuves ». Dans ce territoire, en transformation depuis dix ans, ils définissent
avec les habitants les futurs espaces publics, mais aussi des propositions qui seront
réalisées à plus court terme. Les projets que l’association développe selon sa propre
initiative ont pour vocation d’infléchir sur les projets d’aménagement qui se mettent en
place sur le territoire concerné.
177 Bruit du frigo, http://www.bruitdufrigo.com/index.php?id=59, notice : « Présentation », consultée le 15 mai 2012. La méthode de travail du collectif et ses actions dans La Bastide ont été expliqués par Madame Gwenaëlle Larvol, chargée de projets de l’association, lors d’un entretien réalisé le 10 mai 2012.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
107
Cela dit, à Bordeaux ils rencontrent plus de difficultés pour agir en tant
qu’intermédiaires entre les habitants et les services de l’urbanisme. L’influence du
collectif est plus importante quand ce sont les collectivités qui les sollicitent
directement.
À la Bastide, le collectif est intervenu dans deux secteurs : Queyries en 2006 et
dans la cité de la Benauge, à partir de 2010. Il a organisé deux des activités qu’ils
maîtrisent, les « Ateliers d’urbanisme utopique » et les « Lieux possibles ». La première
est une série de rencontres avec les habitants où ils imaginent des projets, pas
nécessairement réalisables, qui pourraient s’installer dans le quartier. Les « Lieux
possibles » sont des manifestations artistiques et culturelles qui s’inscrivent dans
l’urbain et qui sont inspirées des idées présentées dans les ateliers. Une installation est
mise en place sur un lieu public pour le transformer de façon temporaire et lui injecter
un nouvel usage. Ces manifestations sont destinées aux habitants, mais sont ouvertes au
public de toute l’agglomération. Les installations sont temporaires, mais il est possible
pour les collectivités de les récupérer et de les entretenir par la suite.
La démarche habituelle des membres du « Bruit du frigo », lors des projets de
leur propre initiative, est de choisir en premier lieu le territoire où ils veulent agir.
Ensuite, ils rencontrent les structures associatives ou les autres acteurs implantés dans le
terrain, car le public de ces structures sera celui qui participera aux ateliers et autres
activités menées. Avec eux commence une étape de prospection dans le quartier des
endroits méconnus ou abandonnés qui ont une valeur spatiale particulière qui pourrait
être améliorée. Après cela peuvent commencer les ateliers proprement dits. L’équipe
part de l’énoncé que c’est la population qui connaît le mieux son quartier, ses faiblesses
et ses avantages, mais les structures participent aussi aux activités. Dans un premier
temps, ces démarches n’ont pas une vocation de réalisation concrète de projets : les
participants identifient les carences et les problèmes dans la zone et les membres du
collectif incitent les habitants à réfléchir sur leur quartier de manière collective. Ils
munissent les habitants de termes techniques et les dirigent à avoir un regard critique
sur l’endroit où ils habitent. Ils ne les limitent pas, mais plutôt les aident à fantasmer et
se posent en tant qu’auditeurs des images qui peuvent se révéler.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
108
La création de scénarios imaginaires permet aux habitants de ne pas se
concentrer sur les problèmes qu’ils perçoivent à l’échelle individuelle mais de les
dépasser au profit d’une réflexion collective. L’étape suivante est de rendre visibles les
idées des participants des ateliers sous la forme de photomontages qui se modifient lors
des allers-retours entre le collectif et la population. Une édition est faite des images
finales afin de recenser tous les projets du quartier. Le travail autour de propositions
concrètes est réalisé par la suite, toujours en concertation avec les habitants.
C’est cette démarche qui s’est déroulée en 2006 à Queyries, à une période où
« Bruit du frigo » travaillait en même temps sur le quartier Saint-Michel. Le collectif a
contacté, dans la rive droite, le centre d’animation Bastide - Queyries. Les animations se
sont mises en place entre le 5 au 8 juin 2008 sur le parc des berges où ont étés installées
une piste de danse et un salon de bains publics et de soins du corps qui comprenait des
baignoires avec vue sur la rive gauche (image 63). Le tout a été accompagné par des
concerts, des sessions de sports, des spectacles de danse, des conférences et des pique-
niques. Ce travail a tenté de réunir des anciens habitants du quartier avec ceux qui
étaient récemment installés. Ces derniers étaient, cependant, plus réticents à s’intégrer et
parfois ils n’étaient pas satisfaits de la mise en place de l’initiative.
Image 63 : Lieu possible, quai des Queyries, Bruit du frigo, wwww.bruitdufrigo.com, notice : « Projets », consultée le 15 mai 2012
Le projet de la Benauge, qui a commencé en 2011 et se poursuivra au long de
2012, a suivi une démarche un peu différente de celle qui est habituelle pour le collectif.
En effet, le « Lieu possible » précéda l’atelier d’urbanisme. Ils avaient le choix de
travailler dans un des trois quartiers de Bordeaux en situation de difficulté : la Benauge,
la cité du Grand Parc ou les Aubiers.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
109
Leur motivation de travailler à nouveau à La Bastide a surgi après une première
visite qui leur a permis d’observer le dynamisme de la population de la cité de la
Benauge. Ils ont rencontré les acteurs, entre lesquels se trouvaient les membres du
centre d’animation et les bailleurs. C’est avec eux qu’ils ont réalisé un cahier de
charges, qui a déterminé l’endroit et les usages pour la forme architecturale qui allait se
mettre en place. Les rencontres avec les habitants ont eu lieu lors des événements
organisés dans cette structure. Les architectes Gaël Boubeaud et Laurent Bouquey ont
conçu la forme de ce qui a été nommé « Le Brasero », une grande table en bois qui
pouvait accueillir un restaurant temporaire, une scène et des activités sportives pour les
jeunes et les personnes âgées (image 64). Ce dispositif a fonctionné, sous la direction du
collectif, du 28 mai au 19 juin 2011, mais il est resté sur place jusqu’à novembre de la
même année, réapproprié par les habitants pour ses propres usages. Les ateliers
d’urbanisme utopique se sont déroulés en parallèle des activités du « Brasero ». Une
autre composante de ce projet fut la participation de la photographe Kristine Thiemann,
qui a réalisé des mises en scène dans lesquelles elle a illustré les idées que les habitants
ont livré en termes d’espaces publics, avec les habitants eux-mêmes jouant le rôle de
mannequins. Une fois le processus terminé, une exposition a été organisée à la Maison
de l’architecture. Cette exposition a permis la valorisation du travail effectué avec les
habitants dans un lieu institutionnel qui sert de connexion entre le quartier et le monde
architectural. Leur volonté était de faire connaître le travail au plus grand nombre, aux
autres habitants du quartier et de l’agglomération, ainsi qu’aux professionnels.
Image 64 : Le « Brasero », cité Pinçon, Bruit du frigo, wwww.bruitdufrigo.com, notice : « Projets », consultée le 15 mai 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
110
Il reste encore à mettre en place le « Lieu possible » de la Benauge, prévu entre
le 25 juin et le 10 juillet 2012. Dans cette occasion, l’espace public s’agira du toit
terrasse d’une barre d’immeubles de la cité Blanche. Ce choix peu conventionnel
découle du fait que les toits fonctionnaient comme des lieux de convivialité jusqu’à leur
fermeture, il y a dix ans, de la part du bailleur, à cause du détournement de son usage.
Sur le toit, qui a une vue panoramique sur toute la ville, seront installés trois espaces :
un « Institut du point de vue, bien-être et prospective », un restaurant et un lieu de
détente. Le premier offrira de multiples services proposés par les habitants eux-mêmes
et par un centre d’esthétique que les clients paieront sur contribution libre. Le
restaurant, dirigé par un restaurateur bordelais, pourra accueillir vingt personnes à la
fois, répartis à moitié entre des habitants du quartier et du reste de Bordeaux pour que
de cette manière il y ait des croisements culturels et sociaux. Le troisième espace servira
pendant la journée comme lieu de détente, pendant le soir il fonctionnera comme
cinéma expérimental et occasionnellement sera utilisé comme scène pour des concerts.
L’objectif de cette initiative est d’inciter le bailleur à redonner un accès permanent aux
toits des immeubles en lui montrant quelques possibilités d’usages qui peuvent avoir
lieu dans ces espaces mais, également, de le motiver à en trouver des nouveaux.
Ce qui se démarque des propositions utopiques faites pour le secteur de Queyries
c’est que les habitants ont choisi pour la plupart des aménagements d’espaces publics
supplémentaires à ceux qui existent actuellement. Ils ont proposé la transformation de
l’allée Serr, espace vide qui sépare la ZAC du reste du quartier, en un terrain de
pétanque, pique-nique et promenade (image 65). Le terrain derrière l’îlot H, rue
Raymond-Lavigne, aujourd’hui occupé par des logements, aurait été converti en «
terrain pour l’aventure ». La friche devant la rue Reigner, encore inactive, aurait pu
accueillir une école de cirque et un théâtre de verdure. Les quais de Queyries seraient
devenus des pistes de danse et une plage avec des piscines temporaires. Un belvédère
aurait permis une meilleure vue sur le jardin botanique qui serait devenu un espace de
jeu grâce à des tyroliennes et des toboggans (image 65). Devant le jardin, le parvis de la
maison polyvalente du quartier aurait pris des couleurs vives qui contrastent avec la
sobriété de l’édifice. Les propositions pour la caserne Niel sont très similaires aux
projets qui vont s’installer prochainement : une maison et un garage pour des
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
111
associations, une coopération artistique et une salle de fêtes. La différence est que les
habitants voulaient des logements dans la caserne.
La rue du Maréchal-Niel a été imaginée comme une rue pour les sports et les
promenades. Finalement, le lion de la place Stalingrad aurait pu devenir une énorme
horloge qui rugit à chaque heure. Ces propositions souhaitées par les habitants visent à
combler les carences du « Cœur de Bastide » qui se mettait en place à l’époque : plus
d’espaces de jeu, de sports, de convivialité, qui puissent créer des liens entre les
habitants. C’est la plus grande différence entre le projet de la Mairie, un quartier de ville
qui pourrait rayonner à l’échelle européenne, et un projet rêvé par les habitants, un
quartier où l’interaction sociale aurait primé avant tout.
Image 65 : Photomontages de l’atelier d’urbanisme utopique Bastide-Queyries, Bruit du frigo, wwww.bruitdufrigo.com, notice : « Projets », consultée le 15 mai 2012
Les images conçues pour la Benauge sont un peu plus ambitieuses. Le parc
Pinçon serait envahi par une gigantesque araignée moitié sculpture, moitié équipement
de jeu. Le groupe scolaire Benauge et le parc Pinçon se rejoindraient dans un parvis,
devant l’actuel « bassin d’Arcachon ». Le paysage serait complété par une « dune du
Pyla » artificielle, sous laquelle serait construite une salle de fêtes. Réparties partout
dans la cité seraient installées des salles abritées où les gens pourraient se réunir. La cité
Pinçon et la cité Blanche seraient unies, de manière symbolique mais aussi littérale, par
des couloirs végétalisés et par des cheminements entre leurs parcs respectifs. Sans
oublier les aménagements sur les toits terrasses des immeubles. Dans tous les parcs de
la cité se distribueraient des jeux pour les enfants, des belvédères pour la détente, des
salles de sports et des tables de pique-nique.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
112
La démarche du « Bruit du frigo » est intéressante à plusieurs niveaux. D’une
part, l’équipe propose une méthodologie de projet urbain où ce sont les usagers qui
choisissent ce qu’ils veulent pour son quartier. Les habitants et les aménageurs gagnent
grâce à cette approche car les premiers se sentent inclus dans les projets, écoutés dans
leurs besoins et les deuxièmes peuvent s’assurer que son projet sera plébiscité par la
suite puisqu’il naît de la concertation et de la négociation directe. Il est vrai que
travailler exclusivement avec cette méthode peut devenir long et coûteux, mais il est
peut-être possible de l’implémenter partiellement. En d’autres termes, les projets
d’aménagement à grande échelle pourraient avoir cette composante participative
exclusivement pour les espaces publics, comme c’est le cas actuellement à Bègles. La
méthode du « Bruit du frigo » se dresse donc comme une vraie alternative à l’urbanisme
hiérarchique qui s’impose sans aucune considération pour les usagers. Elle devient
nécessaire dans des zones comme La Bastide où la population est très unie et nécessite
d’être réconfortée dans sa crainte de l’exclusion.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
113
VII) La Bastide à venir
Treize ans après la présentation du premier projet de l’administration Juppé pour
la cité bordelaise a été publié sa mise à jour, un projet pour l’année 2030. Ce nouveau
programme n’est plus accompagné d’une exposition ou d’un recueil des avis des
habitants, mais par des ouvrages tels que Bordeaux 2030, vers le grand Bordeaux178 et
Habiter Bordeaux, la ville action179, ainsi que la collection « Portrait de quartier(s) »,
dont le troisième volume a été consacré à La Bastide. 2030 est l’année envisagée pour
que la ville atteigne 270 000 habitants et pour qu’elle se dresse comme une métropole
en termes de mobilité, de niveau éducatif et de niveau économique. Une nouvelle
composante est introduite dans ce projet urbain : le développement durable et ce, par le
biais des éco-quartiers. Les nouveaux axes de développement sont Bordeaux-nord,
Bordeaux-La Bastide et Bordeaux Euratlantique. Le premier regroupe la berge du lac,
les quartiers Aubiers-Cracovie, Ravezies, les Bassins à flots et Bacalan. Le deuxième
porte exclusivement sur la rive droite et le troisième s’agit d’une Opération d’Intérêt
National pour la zone voisine à la Gare Saint Jean.
Pour La Bastide, l’objectif dressé est d’atteindre trente mille habitants avant
2030180. Lors des rencontres avec les habitants du quartier, en 2006, 2007 et 2011
(recueillies dans les fascicules édités par la Ville de Bordeaux «Les rencontres de
Bordeaux - La Bastide »), ont été validés les principes du développement de la zone.
Parmi elles, la création du parc aux Angéliques, les directions que va emprunter le
transport en commun sur le pont Bacalan-Bastide (deux lignes : une en direction
Cenon/pont Rouge, la deuxième entre la ZFU, la ZAC Niel et la cité de la Benauge), la
réalisation de quartiers écologiques et notamment le déménagement des entreprises du
parc d’activités Brazza mais avec la préservation et la mise en valeur du patrimoine
industriel. La Mairie veut, par le biais de ces rencontres, renforcer les liens avec les
habitants avant de commencer la restructuration physique du quartier181.
178 LARÜE-CHARLUS Michèle, op.cit. 179 LARÜE-CHARLUS Michèle (direction), Habiter Bordeaux, la ville action, Bordeaux, Direction générale de l’aménagement, 2011 180 Direction générale de l’aménagement, op.cit., p.14 181 LARÜE-CHARLUS Michèle, Bordeaux 2030, op.cit., p. 43
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
114
a) La caserne Niel
Image 66 : Caserne Niel, cl. Marcela Garcia, 2012
Un des premiers projets qui devrait marquer un renouveau dans le quartier est la
réhabilitation de la caserne Niel et des Magasins généraux. La caserne est un ensemble
qui date de 1876 et a une superficie de 9,5 ha, dont 4,4 sont occupées par des
constructions qui servaient de centre de ravitaillement de denrées alimentaires et de
matériels pour le Commissariat de l’armée de terre. Elle était composée initialement par
quarante-quatre bâtiments et douze hangars. Son édifice principal est celui de l’État-
major, construit en pierre, avec trois étages sur rez-de-chaussée, où étaient installés des
bureaux, des foyers, une cuisine, des chambres et douze blocs sanitaires182 (voir image
67). La caserne fut délaissée par l’Armée en 2006 et déjà à l’époque les bâtiments
étaient sévèrement dégradés. Elle fut achetée par la CUB en décembre 2007, à environ
dix-neuf millions d’euros.
Image 67 : Bâtiment de l’Etat-major, caserne Niel, cl. Marcela Garcia, 2012
182 FANZY, op.cit., p.39 - 44
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
115
Les Magasins généraux sont deux bâtiments, construits par la Compagnie
anonyme des Magasins Publics et Généraux de Queyries. Ils servaient d’entrepôts de
marchandises et étaient raccordés aux voies ferrées de la ligne Paris-Orléans. Le
premier édifice est connu sous le nom de « halle aux farines » et se trouve en dehors du
périmètre de la caserne Niel, à l’angle nord-est, entre les rues de la Rotonde et du
Maréchal-Niel. Il a été construit entre 1852 et 1862. Le deuxième se trouve sur le quai
des Queyries, il appartient au domaine de la caserne et date des années 1860183.
La « halle aux farines » est devenue propriété de la compagnie Paris-Orléans et
par la suite de la SNCF entre 1938 et 2003 (voir image 68). Pendant une période elle a
servi de lieu de détention de prisonniers allemands pendant la Première Guerre
Mondiale et plus récemment en 2001, elle a fonctionné comme entrepôt pour les
chantiers du tramway. C’est un édifice en pierre, entouré d’un parvis à base de pavés en
grès, qui avait originalement une structure interne en trois étages et une charpente en
bois qui n’ont pas survécu à un incendie en 2008. La Ville de Bordeaux l’a acheté en
2007.
Image 68 : « Halle aux farines », cl. Marcela Garcia, 2012
La CUB et la Ville de Bordeaux ont organisé des ateliers de travail avec quatre
équipes d’architectes et d’urbanistes pour réfléchir sur le futur de la caserne. Ces
ateliers, tenus les 10 et 11 septembre 2008, ont résulté dans le choix de la « halle des
farines » pour l’implantation future des Archives municipales de Bordeaux. Il a aussi
été décidé que les Magasins généraux se destineraient à des activités tertiaires et à la
mise en place du projet Darwin. 183 Sur l’histoire de la caserne et des magasins, voir : CASSAGNAU Alain, VATICAN Agnès, La caserne Niel et les Magasins Généraux de Bordeaux Bastide, Bordeaux, Association Histoire(s) de La Bastide, 2009
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
116
Les architectes ont également voté pour conserver le bâtiment de l’État-major.
Les édifices dont les structures sont trop endommagées seront partiellement détruits,
pour conserver les murs au moins jusqu’à une hauteur d’un mètre. Et toute nouvelle
construction serait contrainte à respecter le plan de masse original de la caserne.
L’agence belge Robbrecht & Daem a été la lauréate du concours de 2010 pour le
projet qui transformera la halle en siège des Archives municipales, installées depuis
1939 à l’hôtel Ragueneau, dans le centre-ville de Bordeaux. Les nouveaux locaux
auront une surface de 5 300 m2, occupés par une salle de lecture prévue pour quarante
personnes, une salle d’exposition, deux ateliers pour les groupes, une salle de
conférences, une salle de réunion et des magasins pour 18 km linéaires de dossiers et de
registres (image 69). L’ouverture au public est prévue en 2014.
Image 69 : Projet de réhabilitation de la « Halle aux farines », agence Robbrecht & Daem, http://www.robbrechtendaem.com/projects/culteral-public/city-archives-bordeaux, notice : « Projets », consultée le 15 mai 2012
Le projet Darwin a acheté le deuxième bâtiment des magasins généraux (image
70). Darwin est une initiative du groupe Évolution, le principal actionnaire de l’agence
de marketing « Inoxia », installée à Cenon184. Leur programme est l’installation
d’activités tertiaires et d’équipements qu’ils définissent comme « un projet économique
ouvert à la culture, jouant la mixité systématique et le foisonnement des espaces pour
des services communs185 ». Il est également prévu d’installer une « cathédrale d’eau »,
en partenariat avec le groupe Suez, qui consiste en une citerne qui se remplira d’eau de
pluie. Elle servira de réserve pour les bâtiments et aussi comme parcours pédagogique.
Le projet de réaménagement des bâtiments est dirigé par les architectes Virginie
Gravière et Olivier Martin. 184 Ibid., p.52 185 LARÜE-CHARLUS Michèle, Bordeaux 2030, op.cit., p. 111
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
117
Darwin a été retenu comme premier site pilote au monde par le Programme des
Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en décembre 2009, en raison de son
projet écologique et patrimonial simultané. Le chantier a démarré en automne 2010.
Image 70 : Réhabilitation du bâtiment des Magasins généraux pour le projet Darwin, architectes Virginie Gravière et Olivier Martin, cl. Marcela Garcia, 2012
b) La ZAC Bastide – Niel
La deuxième Zone d’Aménagement Concerté du quartier est celle du secteur
Niel, créée en juillet 2009. Le 16 avril 2010, l’agence néerlandaise MVRDV a été
choisie par le Conseil de la CUB pour trois missions dans cette ZAC : la définition du
projet urbain (entre octobre 2010 et mars 2012), une mission d’architecte conseil auprès
du futur aménageur et la maîtrise d’œuvre des espaces publics. Le projet pour la ZAC
Niel a été présenté le 9 décembre 2011 à Arc en rêve par l’architecte Winy Maas, un des
fondateurs de l’agence. Dans la première partie de sa conférence, Maas a largement
montré ses projets faits en France et à l’étranger et il a mis l’accent sur ses
réhabilitations pour montrer sa démarche « d’utiliser l’histoire » pour concevoir un
projet. La ZAC qui lui a été confiée aura un programme de 3 200 logements, dont 55%
serait de type social. Il y a aurait également, 30 000 m² de commerces, 25 000 m² de
bureaux et 15 000 m² d’activités de production. Dans les équipements publics au niveau
de l’agglomération se trouveraient des activités de formation supérieure, un « skate-
park » et un équipement culturel qui n’est pas encore défini.
Naturellement, cette opération se veut la synthèse des leçons apprises avec le
« Cœur de Bastide ».
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
118
Même le choix du vocabulaire choisi pour la brochure de présentation de Niel
joue comme une contraposition à son prédécesseur. Ses enjeux sont de « jouer sur la
mémoire d’un lieu marqué par la présence de friches, notamment la caserne Niel ». Les
architectes veulent garantir une « réelle » mixité d’usages et d’occupations. Le futur
quartier sera « dense, mixte, lumineux, vert et intime », ce qui doit être interprété,
surtout pour la notion d’intimité, comme un clin d’œil aux caractéristiques du secteur
résidentiel de la Benauge, qui revendique une ambiance de village où tout le monde se
connaît. Une contraposition directe au « quartier de ville » projeté pour la ZAC Bastide.
La mémoire industrielle et militaire de la zone est clairement affichée comme le point
de départ pour la réalisation de Niel. Les architectes ne cherchent pas à créer une
nouvelle identité, mais à puiser de l’existant pour construire les aménagements futurs.
Une autre différence de ce projet est la manière dont les habitants ont été intégrés. Mme.
Lacombe mentionne que Winy Maas s’est réuni avec des habitants du quartier de
manière non-officielle, la première fois que ce type d’événements avait lieu. De plus, le
programme de la ZAC est le produit des rencontres avec la population. Le langage
visuel qui accompagne le projet est aussi opposé à celui de Perrault et Charrier (image
71). Les images de synthèse disponibles en ce moment montrent un scénario
volumétrique multicolore, où les parallélépipèdes simples n’existent pas (image 72).
MVRDV veut que la volumétrie des bâtiments réponde à des impératifs d’illumination
et ventilation naturelle, ainsi qu’à la préservation de l’intimité des habitants en limitant
la visibilité entre édifices voisins.
Image 71 : Charrier Alain, Image de synthèse de la répartition volumétrique indicative des bâtiments dans l’îlot F, Cahier des charges de l’îlot F de la ZAC « Cœur de Bastide », mai 2001
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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Image 72 : Image de synthèse du plan masse de la ZAC Niel, MVRDV, http://www.mvrdv.nl/#/news/bastideniel, notice : « News », consultée le 15 mai 2012
L’objectif fixé par la CUB est que ce secteur marque un tournant et devienne
une référence dans le domaine du développement durable, dans ce qui est l’économie
d’énergie, la gestion des eaux et des déchets, la circulation automobile et le
stationnement et aussi pour l’habitat. Dans le quartier, l’énergie produite équivaudrait à
l’énergie consommée, grâce à l’utilisation de panneaux solaires sur les toitures et
façades sud et l’installation de toitures végétalisées du côté nord des bâtiments. Le
projet est envisagé en six étapes, dont se démarque la construction de « projets pilotes »,
des bâtiments et des jardins qui visent à montrer les qualités du plan guide. Parmi ceux-
ci : un édifice mixte, un équipement culturel, un équipement scolaire, le jardin du projet
Darwin, un autre jardin de démonstration et un restaurant.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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c) Le pont Bacalan – Bastide
Image 73 : Chantier du pont Bacalan – Bastide, cl. Marcela Garcia, 2012
Ce franchissement prévu dans le premier projet urbain de 1996 a finalement vu
son chantier démarrer en automne 2009. Il connectera le quartier des Bassins à flots
avec La Bastide. Le maître d’œuvre est le cabinet d’architectes Lavigne et Chéron,
associé avec l’ingénieur Michel Virlogeux. Il aura une longueur totale de 443 m et une
largeur, selon les sections, entre 32 et 45 m. Quatre voies sont prévues pour les
véhicules, deux voies pour le passage du Transport en Commun en Site Propre (TCSP)
et quatre mètres de part et d’autre pour les piétons et les pistes cyclables. Une travée
levante de 117 m permettra le passage de navires.
La Ville de Bordeaux a réuni un comité d’experts entre le 9 et le 11 janvier
2009, à la demande de l’UNESCO, pour analyser si le pont n’était pas contradictoire avec
le classement de Patrimoine Mondial du centre-ville. Le comité a affirmé le besoin
impératif de ce pont, mais a décidé de rabaisser la hauteur de ses pylônes, qui feront
77 m. Un autre franchissement est prévu dans le contexte de l’opération « Bordeaux
Euratlantique » : le pont Jean-Jacques Bosc. Il se trouvera au niveau du quai de la
Souys. Entre les deux sera aménagé un boulevard piéton au bord d’un parc de 50 ha : le
parc aux Angéliques. L’achèvement du parc est envisagé pour 2030 car il nécessite la
délocalisation des entrepôts et des bureaux du parc d’activités Brazza, prévus pour
2025. Son aménagement sera fait de manière progressive, au fur et à mesure que les
terrains des berges seront libérés. La structure végétale placée en bordure du fleuve
s’annexera avec les séquences vertes, perpendiculaires à la Garonne, qui traverseront les
futurs équipements de La Bastide.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
121
Ce parc, dont le projet a été proposé par le paysagiste Michel Desvigne, est d’autant
plus nécessaire car au bord de la Garonne se trouvent deux plantes protégées :
l’angélique des estuaires (Angelica heterocarpa) et l’œnanthe de Foucaud. Il en a
résulté le classement des berges de la Garonne en site « Natura 2000 », une
classification au niveau européen qui date de 2002 et qui vise à protéger des sites avec
des espèces rares de flore ou faune.
d) Garonne-Eiffel
Image 74 : Image de synthèse du projet « Garonne – Eiffel », vue depuis le quartier Benauge vers le sud et l’emprise « Cacolac », agence TVK, image de l’exposition « Projet urbain Garonne – Eiffel, Bordeaux – Floirac », Maison de l’architecture, 2012
Dans le cadre de la mise en place de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) entre
Paris et Bordeaux et la construction de liaisons directes entre Bordeaux et Toulouse et
Bilbao, l’agglomération bordelaise veut en profiter pour restructurer les zones
avoisinantes à la gare Saint-Jean. Elle a créé un ensemble d’initiatives sous le nom
d’une Opération d’Intérêt National (OIN) appelée « Bordeaux Euratlantique ». Elle
divise en quatre projets un territoire de 738 ha répartis entre les communes de
Bordeaux, Bègles et Floirac. Le premier est « Bordeaux Saint-Jean/Belcier », dont le
plan guide a été sélectionné en 2011 et sera réalisé sous la direction de l’agence Reichen
et Robert & Associés ; le deuxième est « Garonne-Eiffel », distribué entre La Bastide et
Floirac ; « Bègles-Garonne », qui sera lancé en 2012 et prend en compte 80 ha du nord-
est de Bègles et finalement, « Bègles-Gare », confié à Alexandre Chemetov pour
façonner la zone de Bègles qui loge les lignes ferroviaires.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
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« Garonne-Eiffel » concerne un périmètre de 126 ha (dont 87 de La Bastide et le
reste de Floirac) qui sera aménagé mais le concours de maîtrise d’ouvrage a élargi la
zone d’étude à 28 ha additionnelles. Les limites du projet sont les rues Henri-Dunant,
Joseph-Fauré et Mozart, le terrain de l’ancienne usine « Cacolac », la voie Eymet, le
chemin Richelieu, la rue Émile-Combes et les limites de l’atelier industriel de
l’aéronautique du ministère de la Défense. L’opération vise à attirer 12 700 habitants
lors de sa complétion186.
Il y a quatre orientations primordiales dans ce projet : concevoir un quartier
mixte, recomposer le territoire, intégrer la nature dans la ville et faire une ville durable.
La mixité sera assurée par une multiplicité de fonctions et de services qui se trouveront
dans le secteur. En plus d’une offre diverse de 580 000 m2 de logements, le quartier
regroupera 50 000 m2 de commerces et des services (en plus d’une offre hôtelière de 20
000 m2), des équipements scolaires et sportifs et un centre d’affaires de 150 000 m2 qui
fera écho à celui qui est projeté pour « Saint-Jean/Belcier » et qui doit être cohérent en
forme avec celui-ci. Certaines activités industrielles seront conservées dans le territoire :
c’est le cas de l’usine « Oxymétal » qui ne sera pas relocalisée, ni des usines de
l’entreprise « Fayat », qui d’ailleurs, prévoit l’installation de son siège social sur le quai
de la Souys. Il s’agira d’un bâtiment d’une hauteur entre quinze et vingt étages,
« emblématique par sa hauteur et son architecture », dont l’entreprise exige qu’il soit
visible depuis la ligne LGV et depuis la rive gauche187. Le ministère de la Défense ne
prévoit pas le déménagement de son atelier, qui ne fait pas partie de cette opération. Il
est en de même pour la station de pompage « Antoine Jourde », située au débouché du
pont Saint-Jean. D’autres équipements qui se trouveront dans le quartier seront le
nouveau siège de la SDIS et la Grande Mosquée de la Gironde, dont il n’y a pas de
calendrier défini pour cette dernière.
Le cahier des charges de ce projet présente peu d’orientations à suivre en termes
architecturaux. La façade de « Garonne-Eiffel » doit prendre en compte celle de la ZAC
Bastide et celle qui est prévue pour la ZAC des Quais à Floirac. Il doit exister une
continuité entre ces ensembles, mais pas nécessairement une homogénéité de traitement.
186 Établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, op.cit., p. 8 et 70 187 Ibid., p.73
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
123
De plus, la maîtrise d’ouvrage insiste sur le fait que le paysage ne doit pas être
monotone et que la diversité de hauteurs, densités et formes du bâti doit contribuer à sa
lisibilité. La seule restriction en termes d’architecture fait référence à l’intégration entre
les îlots d’habitation qui seront conservés et les nouvelles constructions : ces derniers ne
pourront pas être des « pastiches » de l’existant, mais véritablement contemporains188.
Une partie très importante du cahier des charges est naturellement vouée à la
recomposition de ce territoire fragmenté et enclavé. Il doit avoir une réflexion
approfondie sur les nouvelles voiries internes, tout en intégrant les infrastructures
viaires existantes. Les espaces publics seront prioritaires, dont un des plus importants
doit être la tête du pont Saint-Jean. Le boulevard Joliot-Curie doit être recomposé par un
traitement paysager, la passerelle Eiffel doit accueillir des voies piétonnes et cyclables
et la voie Eymet doit être prévue pour le passage du TCSP, ainsi que pour les
circulations douces. Sans laisser de côté les quais, qui doivent devenir des boulevards
urbains pour tout type de circulations.
Selon ce projet, la nature doit s’intégrer à la vie urbaine. L’aménagement du parc
aux Angéliques se poursuivra dans ce secteur, qui prévoit 12,5 ha d’espaces verts au
bord du fleuve. D’autres parcs seront prévus dans les futurs quartiers, dont un sur
Deschamps, de 5 ha, qui sera en continuité avec le parc aux Angéliques et même avec le
square Pinçon de la cité de la Benauge. La Souys aura également ses propres zones
végétalisées. Les aménageurs considèrent que leur programmation en espaces publics à
dominante végétale est ambitieuse et que ce seront ces espaces qui favoriseront les
échanges et la vie sociale des habitants.
La volonté de faire une ville durable intègre des composantes écologiques mais
aussi identitaires. Le cahier des charges recense tous les éléments bâtis qui forment la
mémoire du lieu et qui doivent être mis en valeur dans le projet. Parmi eux se trouvent :
la passerelle Eiffel, la caserne des pompiers, la maison Calixte Camelle, la demeure
« Cazenave », deux bâtiments industriels situés au 7 et au 8 rue Sembat, les bâtiments
d’accueil de Shell au 39 de l’avenue du 11-novembre-1918, la grande Halle Desse,
l’école Franck Sanson et l’estacade Azur-Desmarais. Pour les bâtiments qui n’ont pas
encore un nouvel usage, les architectes doivent en proposer un.
188 Ibid., p.68 et 80
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
124
Au-delà des constructions remarquables, les îlots d’habitation existants doivent
être préservés et consolidés. Cela veut dire qu’ils doivent être connectés de façon
adéquate au reste du quartier et que leur front bâti doit s’intégrer avec le futur. Cette
réflexion d’intégration de l’existant doit se poursuivre avec les autres éléments du
territoire qui peuvent être considérés contraignants. La présence et les nuisances causées
par les voies ferrées, les caractéristiques géologiques du site, la présence d’équipements
industriels qui ne peuvent pas se déplacer, entre autres, doivent être pris comme des
« vecteurs de qualité urbaine, d’innovation, d’expérimentation189 ». Finalement, il y a
une prise en compte des aspects écologiques en sollicitant aux architectes des
aménagements où la gestion des ressources soit respectueuse de l’environnement.
Nous remarquons que certaines orientations suivies pour « Cœur de Bastide » et
Niel se poursuivent dans ce projet. Le public visé est encore les familles qui cherchent à
s’installer en périphérie. Les communes veulent les attirer en leur proposant des
logements dont la surface moyenne sera de 80 m2, avec des caractéristiques propres de
la vie en ville comme des balcons et terrasses, mais surtout, avec des jardins privatifs.
Un concept hérité directement de la ZAC Bastide est le principe d’aménagement des
espaces verts dans « Garonne-Eiffel ». Le cahier de charges explique que la Ville de
Bordeaux a défini que ces espaces doivent être des ramifications vertes perpendiculaires
au fleuve190, la même disposition que Dominique Perrault a déterminé en 1996.
Cependant, les ressemblances avec le projet prédécesseur s’arrêtent là.
Désormais, peu d’îlots, voire aucun, ne doit être entièrement dédié à des bureaux,
comme c’était le cas pour la ZAC Bastide. Le cahier des charges précise que l’offre de
commerces et de services doit exclure tout concept de centre commercial ou de grande
surface alimentaire191. Pour ce qui est de la hauteur des constructions, la référence sera
la tour de séchage de la caserne des pompiers de la Benauge, ce qui définit la hauteur
moyenne à quatre étages sur rez-de-chaussée. Pourtant, ceci « n’empêche pas la
présence d’édifices plus hauts, comme signaux architecturaux192 », qui pourront
s’ajouter au futur siège de la société Fayat. Cette indication est accompagnée du refus
d’un paysage homogène ou monotone en formes et matériaux.
189 Ibid., p.67 190 Ibid., p.92 191 Ibid., p.67 et 74 192 Ibid., p.80
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
125
Il s’agit d’une rupture importante, par rapport à ce qui a déterminé le résultat
formel de la ZAC Bastide. La scission se poursuit dans le concept : des constructions
importantes du passé du secteur sont conservées, par leur valeur patrimoniale et par le
fait qu’ils conservent la mémoire du lieu. Pour les poches d’habitat existant, « il n’est
pas envisageable que ces quartiers perdent leur identité193 ».
Le 26 novembre 2010 fut lancé l’avis à appel public à la concurrence pour
solliciter des candidatures de potentiels maîtres d’œuvre. Trente-cinq agences se sont
présentées et le jury en a retenu cinq : 51N4E (Johan Anrys, Freek Persyn et Peter
Swinnen), Dominique Perrault Architectes, Studio 011 (Bernardo Secchi et Paola
Vigano), Mateoarquitectura (Josep Lluis Mateo) et l’agence TVK (Alain Trevelo et
Antoine Viger-Kohler). Cette dernière fut choisie comme la lauréate, le 9 décembre
2011. De manière parallèle à l’élection du maître d’œuvre se sont menées des activités
avec les habitants tout au long de 2011 : une présentation du territoire, le 28 janvier ;
une découverte de la zone en bus et en bateau, le 14 mai et une présentation des
orientations d’aménagement, le 23 juin. Le projet de TVK a fait l’objet d’une exposition
à la Maison de l’architecture entre le 3 février et le 16 mars 2012 et d’ici la fin de cette
année sont prévus des ateliers thématiques avec les habitants. Le début des travaux est
planifié pour 2013 avec les premières opérations sur le parc aux Angéliques, tandis que
les chantiers des espaces publics et des premiers bâtiments débuteront entre 2015 et
2016.
Dans sa proposition, l’agence parisienne TVK a décidé de fragmenter
l’opération en neuf quartiers qui prennent la forme de lanières adossées au fleuve
(annexe 89). Chaque sous-secteur est organisé autour d’espaces verts qui sont, à leur
tour, reliés entre eux, formant une continuité verte qui rassemble l’opération. Les
architectes prévoient la mise en valeur de monuments ou la construction
« d’architectures extraordinaires » dans chaque quartier pour qu’elles « orientent et
pérennisent la compréhension de la ville194 ».
193 Ibid., p.95 194 Brochure de l’exposition « Projet urbain Garonne-Eiffel, Bordeaux-Floirac », au « 308 », du 3 février u 16 mars 2012.
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126
Le parc le plus vaste se trouvera aux abords des voies ferrées : il commence par
une réserve naturelle aux bords du quai, se prolonge par la « place de la passerelle » au
débouché de la passerelle Eiffel et se termine par un futur parc, aussi nommé Eiffel
(image 75).
Image 75 : Image de synthèse du projet « Garonne – Eiffel », vue de la place Garonne – Eiffel et du belvédère vers l’ouest, agence TVK, image de l’exposition « Projet urbain Garonne – Eiffel, Bordeaux – Floirac », Maison de l’architecture, 2012
Ce groupe d’espaces verts a des multiples fonctions : mettre en scène l’accès de la
ville pour les passagers des trains, éloigner les zones résidentielles des nuisances
sonores, il servira de stockage des eaux dans l’éventualité d’une inondation et de lieu
pour dépolluer les sols (image 76).
Image 76 : Composition urbaine et paysagère du projet « Garonne – Eiffel », agence TVK, image de l’exposition « Projet urbain Garonne – Eiffel, Bordeaux – Floirac », Maison de l’architecture, 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
127
Afin de profiter de la vue sur le parc aux Angéliques et sur la façade de la rive
gauche, des belvédères seront installés, un devant le pôle tertiaire situé sur le secteur
Deschamps et un autre sur l’espace vert de la Souys (voir annexe 90). Tel qu’il leur a
été sollicité, TVK a proposé des nouveaux usages pour les bâtiments à valeur
patrimoniale qui seront conservés dans le secteur. Ils envisagent la caserne des pompiers
de la Benauge comme un musée du design et la maison de Calixte Camelle devient une
maison de quartier.
e) Brazza
Image 77 : Image de synthèse du projet « Bastide – Brazza », KCAP architects and planners, Bordeaux.fr, http://www.bordeaux.fr/ebx/portals/ebx.portal?_nfpb=true&_pageLabel=pgPresStand8&classofcontent=presentationStandard&id=49479, notice « Aménagement du secteur Brazza », consultée le 18 mai 2012
Pour le secteur de l’actuel parc d’activités de Brazza, l’architecte-urbaniste
Djamel Klouche a réalisé une étude préalable d’aménagement dans les années 2009 et
2010. L’année suivante, l’étude pré-opérationnelle a été confiée à l’équipe néerlandaise
KCAP architects and planners, associée avec le groupe Mutabilis pour le paysagisme,
INGEROP comme bureau d’études et BMA.
Lors du Conseil Municipal du 13 février 2012, KCAP a présenté son projet
d’aménagement. Dans les 90 ha que conforment cette zone, sont prévus entre 5 000 et
6 000 logements, pour accueillir entre 10 000 et 12 000 habitants et 350 000 m2 carrés
d’activités195. Les premières réalisations devraient se mettre en place à partir de 2013 et
le projet devrait être achevé avant 2030.
195 Bordeaux 2030, http://www.bordeaux2030.fr/bordeaux-demain/brazza, notice : « Bastide Brazza : une nouvelle centralité », consultée le 18 mai 2012
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128
Les architectes ont identifié quatre enjeux principaux dans cette opération196. En
premier lieu, ils s’interrogent sur la contribution de la rive droite, dans son ensemble, à
l’identité de Bordeaux. Ils sont conscients qu’avec la mise en service du pont Bacalan-
Bastide et le bouclage des boulevards, Brazza fera partie du centre-ville, avec toutes les
exigences en termes de services que cela entraîne. Du fait que Brazza est seulement l’un
des multiples projets qui concernent La Bastide, ils ont largement réfléchi sur l’échelle
que doivent avoir les quartiers et sur la diversité qu’ils doivent offrir. Le dernier enjeu
qu’ils ont pris en compte est l’intégration des contraintes que présente le territoire : la
pollution, les risques d’inondation et ses problèmes d’accessibilité.
L’agence considère que l’identité de Brazza repose sur sa localisation, son
histoire et les vestiges de son passé. D’une part, ce secteur est pour les architectes le
« balcon sur l’estuaire » qui a une vue privilégiée sur le pont d’Aquitaine et qu’il faut
exploiter. D’autre part, le territoire était historiquement lié au fleuve par le biais de ses
parcelles perpendiculaires à la Garonne, jusqu’à l’installation d’infrastructures. Ce passé
industriel a façonné les bâtiments qui constituent son patrimoine.
Pour répondre à ces enjeux et mettre en valeur l’identité de Brazza, les
architectes ont élaboré un plan guide où ils travaillent à l’échelle de plusieurs quartiers,
pour ne pas élaborer une seule grande opération uniforme. Ils appellent « Bordeaux
estuaire » le futur front bâti face à la Garonne. La « ville intime » est le noyau central de
l’opération, qu’ils envisagent comme un prolongement de la ville des échoppes.
« L’allée Brazza » est un espace public qui poursuit l’entrée du pont et qui est conçu
comme un lien entre celui-ci et la partie du quartier traversée par la rue Édouard-
Mayaudon. Le secteur est divisées en lanières, bâties ou vertes, orientées vers la
Garonne et qui s’étendent du fleuve jusqu’à la voie ferrée. Celle-ci est requalifiée
comme un axe de circulations douces et un espace public arboré. Elle perd ainsi sa
fonction de barrière qui morcelle le territoire. La rue Charles-Chaigneau est transformée
en boulevard urbain, la halle Soferti est dégagée par une place qui la met en valeur et
l’ancien site de l’usine Cornubia devient un parc qui sert d’agrafe entre les deux côtés
de la voie ferrée.
196 Pour la description du projet, voir les vidéos de la présentation du projet au Conseil Municipal, trouvables sur: Bordeaux.fr, http://www.bordeaux.fr/ebx/portals/ebx.portal?_nfpb=true&_pageLabel=pgPresStand8&classofcontent=presentationStandard&id=49479, notice « Aménagement du secteur Brazza », consultée le 18 mai 2012
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129
L’équipe a voulu prendre en compte les risques d’inondation de ce secteur en
adoptant son projet à cette éventualité. Ils envisagent des voies inondables en bordure
du fleuve et de bâtiments « perméables » qui ont des vides sanitaires et des rez-de-
chaussée au-dessus du niveau de danger. Ces voies s’alternent avec les rues qui
resteront hors de la portée de l’eau en tout moment : celle qui longe la voie ferroviaire,
les axes qui desservent les îlots et la liaison principale avec le pont. Finalement, les
architectes ne veulent pas effacer de manière permanente les activités portuaires du
secteur et imaginent un bassin à vagues qui sert d’école de surf, pour « ramener l’océan
Atlantique à Bordeaux ».
Au-delà de ces orientations générales, les architectes n’ont pas évoqué leurs
souhaits par rapport à l’image des bâtiments. En tout cas, « Brazza nord » a quelques
similarités avec « Garonne-Eiffel » dans la division du périmètre en sous-secteurs et
dans la disposition de lanières perpendiculaires. Cette dernière peut être interprétée
comme la volonté de ne pas rompre avec le principe suivi pour la ZAC Bastide. Les
images de synthèse de KCAP se ressemblent à celles de TVK et montrent des volumes
monochromes et immaculés de formes et de hauteurs diverses. Se poursuit également la
mise en valeur des constructions existantes importantes et la volonté d’intégrer, plutôt
que de détruire les voies ferrées.
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130
Conclusion :
À travers l’étude de l’histoire, des caractéristiques de la population et des
principales constructions et projets du quartier La Bastide, nous avons essayé de
discerner son identité architecturale. Nous avons vu que cette identité s’appuie sur deux
bases que sont ses racines bordelaises, les échoppes et son patrimoine propre représenté
par ses édifices industriels. La population du quartier considère que c’est l’histoire qui
fait la spécificité de cette zone par rapport à la rive gauche et souhaite dans tous les cas
conserver les traces de ce passé.
Au début des années 1950, il y a eu une volonté de respecter le plus possible la
tradition bordelaise du quartier en termes de matériaux et d’échelle des édifices. Quand
les besoins de l’époque ont dû subordonner la tradition à l’efficacité les architectes ont
introduit les principes du mouvement Moderne tout en créant des formes innovantes
pour les équipements. La production des années 2000 a voulu prendre comme point de
départ ces principes Modernes pour la ZAC « Cœur de Bastide », mais n’a pas conservé
les traces du passé et a homogénéisé les bâtiments. Ces deux derniers éléments ont eu
de graves répercussions pour la réception de cet ensemble, plus que l’image du quartier
en soi. Pourtant, la ZAC a donné une importance aux espaces verts que les projets à
venir vont reprendre, ce qui va désormais constituer une caractéristique essentielle de la
rive droite, à la différence que les nouveaux réaménagements auront des constructions
plus diverses.
L’identité du quartier changera pour intégrer à ses racines industrielles une
composante écologique qui aidera l’agglomération dans son souhait de devenir
exemplaire à ce sujet. C’est d’ailleurs un changement qui n’est pas contraire à l’esprit
de La Bastide. Le fait que les habitants de ce quartier veulent que les nouveaux projets
prennent en compte les constructions anciennes ne traduit pas une réticence au
changement, mais un désir de savoir que les générations futures auront le moyen de
connaître l’histoire de ce lieu.
L’essentiel à retenir pour travailler dans un quartier si unifié comme La Bastide
est que la participation de ses habitants dans les projets urbains est d’une importance
cruciale. En principe, c’est une orientation voulue par l’administration d’Alain Juppé
qui fait des efforts importants pour diffuser ses projets pour Bordeaux.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
131
Pour citer un exemple, le chantier du pont Bacalan – Bastide fait l’objet d’une
exposition au centre Cap Sciences qui situe ce pont dans l’histoire de ces œuvres à
Bordeaux et qui propose un suivi en temps réel de sa construction. La CUB offre des
visites guidées gratuites du chantier, publie des lettres d’information trimestrielles et
dispose d’un site Web très complet sur la construction du pont. L’information est
accessible, cependant, la Mairie doit dépasser la communication pour inclure une réelle
coopération de la part des habitants dans les projets si elle veut atteindre ce modèle de
gouvernement concerté qu’elle annonce depuis 1996.
Enfin, la Mairie souhaite que La Bastide devienne un quartier rayonnant au
niveau européen. Le choix des maîtres d’œuvre pour les projets de réaménagement des
sous-secteurs en constituent une preuve comme en témoignent les équipes MVRDV et
KCAP dont leurs réalisations à travers le monde sont réputées. Il est très intéressant de
voir que même si les frontières s’effacent pour que des architectes d’autres pays
travaillent sur une ville, ceux-ci doivent intégrer l’identité du lieu dans leurs projets.
Dans le cas de La Bastide, les enjeux ne sont pas négligeables car de cette composante
dépend en grande partie la réussite du projet et le rééquilibre entre les deux rives de
Bordeaux. Tant que les aménagements de la rive droite ne soient pas plébiscités et
reconnus par leurs qualités exceptionnelles, La Bastide restera méconnue par les
Bordelais. Ainsi, il reste à voir la façon dont l’identité restera une composante des
projets futurs au fur et à mesure qu’ils seront mis en place et que le quartier accueillera
de nouveaux habitants venus de toute l’agglomération.
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
132
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9150 M 69, 70, 71, 72 : Cité de la Benauge : Projet de construction 1945-49,
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1027 W 39, 40 : Documents iconographiques et plans liés à des projets d’aménagement
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1047 W 10 : Exposition : « Un projet urbain pour Bordeaux », Arc en rêve : dossiers de
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137
1054 W 4 : Zone d’Aménagement Concerté « Cœur de Bastide », 1999
1063 W 11, 12, 13 : Aménagement ZAC Bastide 1, 1999-2003
1073 W 87 : Ancien Marché couverte de La Bastide : Plans et descriptifs des travaux
pour aménagement de salle de sports
1073 W 88, 89 : Piscine Galin. Plans, descriptifs des travaux
1073 W 413, 414, 415, 416, 417 : Cité de la Benauge : Notes descriptives des travaux,
plans
1073 W 467 : Dossier de présentation de l’opération Bastide-Quinconces, 1981. Plans,
notes, photos, étude de faisabilité, analyse du foncier et coût de libération.
1073 W 507 : Groupe scolaire Benauge
Entretiens
Entretien avec Monsieur Michel Pionnier, membre de l’association « Histoire(s) de La
Bastide », réalisé le 20 janvier 2012
Entretien avec Madame Brigitte Lacombe, présidente de l’association « Histoire(s) de
La Bastide », réalisé le 22 février 2012
Entretien avec Monsieur Lucas Lopes, fondateur de l’association « La 58ème » et
bénévole du programme de la Ville de Bordeaux « Je raconte ma ville », réalisé le 22
février 2012
Entretien avec Madame Sophie Desport, Architecte de la Direction des études et de
l'aménagement de Bordeaux Métropole Aménagement, réalisé le 16 mars 2012
Entretien avec Madame Gwenaëlle Larvol, Chargée de projet de l’association « Bruit du
frigo », réalisé le 10 mai 2012
« Rencontres Bastidiennes », réunion des membres de l’association « Histoire(s) de La
Bastide » du 20 mars 2012
Visite guidée des Ateliers du Tramway, organisée par l’Office de Tourisme de
Bordeaux, 23 avril 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
138
Sites web
Bordeaux.fr,
http://www.bordeaux.fr/ebx/portals/ebx.portal?_nfpb=true&_pageLabel=pgPresStand8
&classofcontent=presentationStandard&id=49479, notice « Aménagement du secteur
Brazza », consultée le 18 mai 2012
Bordeaux 2030, http://www.bordeaux2030.fr/bordeaux-demain/brazza, notice :
« Bastide Brazza : une nouvelle centralité », consultée le 18 mai 2012
Bordeaux Métropole Aménagement, http://www.b-m-a.fr/actionnariat.php,
notice « Actionnariat », consultée le 2 mai 2012.
Bruit du frigo, http://www.bruitdufrigo.com/index.php?id=59, notice : « Présentation »,
consultée le 15 mai 2012
Histoire(s) de La Bastide, http://www.histoire-la-bastide.net/05%20chemins-de-fer.htm,
notice « Les chemins de fer » par Alain Cassagnau, consultée le 25 avril 2012
Institut National de la Statistique et des Études Économiques,
http://www.recensement.insee.fr/, Notice : « Résultats du recensement de la population
-2008 », consultée le 21 avril 2012
Le réseau européen Natura 2000, http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-
reseau-europeen-Natura-2000,24255.html, notice : « Un réseau écologique européen »,
consultée le 3 mai 2012
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
139
Table des illustrations
Image 1: Rive droite, extrait du plan de Bordeaux, fait par Mathis, 1716-1717, Arch.
Mun. Bordeaux, XL A 28 (plan complet : annexe 1) ................................................... 16
Image 2 : Maisons du boulevard Jules-Simon construites au XIXe siècle, cl. Marcela
Garcia, 2012 ................................................................................................................ 19
Image 3 : Façade principale de la Maison Cantonale, Architecte Cyprien Alfred-Duprat,
1913-1925, .................................................................................................................. 20
Image 4: Rive droite, extrait du plan de la ville de Bordeaux, Ernest Delpech, 1868,
Arch. Mun. Bordeaux, XL A 136 (plan complet : annexe 2) ........................................ 21
Image 5: Secteur Bastide-Brazza, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/,
modifications : Marcela Garcia, mai 2012 ................................................................... 25
Image 6: Secteur Bastide-Niel, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/,
modifications : Marcela Garcia, mai 2012 ................................................................... 25
Image 7: ZAC « Cœur de Bastide », extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/,
modifications : Marcela Garcia, mai 2012 ................................................................... 26
Image 8: Secteur de la Benauge, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/,
modifications : Marcela Garcia, mai 2012 ................................................................... 27
Image 9: Secteur Deschamps, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/,
modifications : Marcela Garcia, mai 2012 ................................................................... 27
Image 10: Secteur de la Souys, extrait du site Géoportail, https://géoportail.fr/,
modifications : Marcela Garcia, mai 2012 ................................................................... 28
Image 11: Cité Pinçon, quartier de la Benauge à Bordeaux, 1950, Arch. Mun. Bordeaux,
16 Fi 63 ....................................................................................................................... 40
Image 12: Plan masse de la cité de la Benauge, architectes Jean Royer et Claude Leloup,
juillet 1949, Arch. Mun. Bordeaux, 1073 W 413 ......................................................... 42
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
140
Image 13: Façade frontale d’immeuble, cité Pinçon, architecte Paul Volette, décembre
1949, Arch. Mun. Bordeaux, 9150 M 72...................................................................... 43
Image 14: Façade principale d’immeuble, cité Pinçon, architecte Paul Volette, cl.
Marcela Garcia, 2012 .................................................................................................. 43
Image 15: Façade principale immeuble, cité Pinçon, architecte Jacques Carlu, février
1951, Arch. Mun. Bordeaux, 9150 M 72...................................................................... 44
Image 16: Façade principale immeuble, cité Pinçon, architecte Jacques Carlu, cl.
Marcela Garcia, 2012 .................................................................................................. 44
Image 17 : Immeuble de cinq étages, cité Pinçon, cl. Marcela Garcia, 2012 ................. 45
Image 18 : Immeubles d’habitation et centre commercial, cité Blanche, architecte
Claude-Henri Aubert, cl. Marcela Garcia, 2012 ........................................................... 45
Image 19: Façade rue du Petit-Cardinal, groupe scolaire de la Benauge, architectes
Pierre Mathieu, Roger Tagini, cl. Marcela Garcia, 2012 .............................................. 47
Image 20: Plan du rez-de-chaussée groupe scolaire de la Benauge, avant-projet,
architectes Pierre Mathieu, Roger Tagini, juin 1950, Arch. Mun. Bordeaux, 6900 M 1 48
Image 21: Façade principale, Salle de sports Jean Dauguet, ancien foyer sportif et centre
de jeunesse, architectes Jacques Carlu et Jean Royer cl. Marcela Garcia, 2012 ............ 48
Image 22: Coupe longitudinale, Foyer sportif et centre de jeunesse, architectes Jacques
Carlu et Jean Royer, mai 1951, Arch. Mun. Bordeaux, 8339 M 1 ................................ 49
Image 23: Façade principale, gymnase Thiers, ancien marché couvert de La Bastide,
architecte Henri Bessagnet, cl. Marcela Garcia, 2012 .................................................. 50
Image 24 : Coupe transversale, avant-projet, Marché couvert de la Bastide, architecte
Henri Bessagnet, janvier 1952, Arch. Mun. Bordeaux, 135 M 5................................... 51
Image 25: Piscine Galin, façade latérale, architectes Jacques Gérard, André Chassin, cl.
Marcela Garcia, 2012 .................................................................................................. 52
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
141
Image 26 : Projet de la piscine de la cité de la Benauge, façade principale, architecte
Jean Royer, juin 1950, Arch. Mun. Bordeaux, 1073 W 88 ........................................... 53
Image 27 : Piscine Galin, coupe longitudinale, architectes Jacques Gérard, André
Chassin, septembre 1964, Arch. Mun. Bordeaux, 1073 W 88 ...................................... 53
Image 28 : Caserne des pompiers de la Benauge, façade sur le quai Deschamps,
architectes Claude Ferret, Yves Salier, Adrien Courtois, cl. Marcela Garcia, 2012 ....... 54
Image 29 : Caserne des pompiers de la Benauge, plan de masse, architectes Claude
Ferret, Yves Salier, Adrien Courtois, 1951, Arch. Mun. Bordeaux, 321 M 5 ................ 55
Image 30 : Esquisse du projet Bastide-Quinconces, publié dans l’ouvrage de
Bartolomeo Cruells, Ricardo Bofill, Barcelona, G. Gili, 1995, p.83 ............................. 62
Image 31 : Plan masse général de l’opération Bastide-Quinconces, publié dans
l’ouvrage de Bartolomeo Cruells, Ricardo Bofill, Barcelona, G. Gili, 1995, p.84 ......... 63
Image 32 : Ancienne gare d’Orléans, complexe cinématographique « Mégarama »,
façade quai des Queyries, architectes Luc Arsène-Henry, Alain Triaud, cl. Marcela
Garcia, 2012 ................................................................................................................ 68
Image 33 : Ateliers et garages du tramway, façade latérale bâtiment des garages,
architecte Jacques Ferrier, cl. Marcela Garcia, 2012 .................................................... 69
Image 34 : Ateliers et garages du tramway, intérieur des ateliers, architecte Jacques
Ferrier, cl. Marcela Garcia, 2012 ................................................................................. 70
Image 35 : Ateliers et garages du tramway, station-service, architecte Jacques Ferrier,
cl. Marcela Garcia, 2012.............................................................................................. 71
Image 36 : Charrier Alain, Image de synthèse de la répartition volumétrique indicative
des bâtiments dans l’îlot F, Cahier des charges de l’îlot F de la ZAC « Cœur de Bastide
», mai 2001 ................................................................................................................. 72
Image 37 : Plan de masse, ZAC « Cœur de Bastide », Bordeaux Métropole
Aménagement, 1996 .................................................................................................... 76
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
142
Image 38 : Plan d’Aménagement de Zone, ZAC « Cœur de Bastide », Bordeaux
Métropole Aménagement, 1996 ................................................................................... 77
Image 39 : Immeuble-villas, perspective extérieure, Le Corbusier (1922), Œuvre
complète (1910-1929), (publiée par W. Boesiger et O. Stonorov, 1930), Zurich, Les
éditions d’architecture, Artémis (treizième édition) 1991 ............................................. 79
Image 40 : Résidence « Cœur de Garonne », façade depuis le Jardin botanique, agence
Brochet, Lajus, Pueyo, cl. Marcela Garcia 2012 .......................................................... 82
Image 41 : Résidence « Cœur de Garonne », façade rue Raymond-Lavigne, agence
Brochet, Lajus, Pueyo, cl. Marcela Garcia, 2012 ......................................................... 83
Image 42 : Résidence « Rives de Garonne », architecte Bernard Bühler, façade quai des
Queyries, cl. Marcela Garcia, 2012 .............................................................................. 84
Image 43 : Résidence « Rives de Garonne », façade postérieure d’immeuble collectif,
architecte Bernard Bühler, cl. Marcela Garcia.............................................................. 85
Image 44 : Image de synthèse du Millenium, première tranche, vue depuis le quai de
Queyries, Luc Arsène-Henry et Alain Triaud Architectes, décembre 2000 ................... 85
Image 45 : Centre d’impression du journal Sud-ouest, Luc Arsène-Henry & Alain
Triaud architectes, cl. Marcela Garcia, 2012 ................................................................ 86
Image 46 : Jardin botanique, paysagiste Catherine Mosbach, cl. Marcela Garcia, 2012 86
Image 47 : Jardin botanique, galerie des milieux, paysagiste Catherine Mosbach, cl.
Marcela Garcia, 2012 .................................................................................................. 87
Image 48 : Serres du Jardin botanique, architecte Françoise-Hélène Jourda, cl. Marcela
Garcia, 2012 ................................................................................................................ 88
Image 49 : Esplanade Edmond-Géraud, architecte Bernard Ropa, cl. Marcela Garcia,
2012 ............................................................................................................................ 89
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
143
Image 50 : Jardin des Droits de l’Enfant, architecte Bernard Ropa, cl. Marcela Garcia,
2012 ............................................................................................................................ 89
Image 51 : Résidence « L’autre quai », façade allée Jean-Giono, architecte Yves Lion,
cl. Marcela Garcia, 2012.............................................................................................. 90
Image 52 : Résidence « L’autre quai », façade quai des Queyries, architecte Yves Lion,
cl. Marcela Garcia, 2012.............................................................................................. 91
Image 53 : Siège social de la BPSO, architecte Jean-Michel Wilmotte, cl. Marcela
Garcia, 2012 ................................................................................................................ 92
Image 54 : Bâtiment du CNFPT, ARTOTEC architectes, cl. Marcela Garcia, 2012 ........ 93
Image 55 : Logements, allée Jean-Giono, architectes Eric Limouzin, Philippe Baudin,
cl. Marcela Garcia, 2012.............................................................................................. 94
Image 56 : Pôle universitaire de gestion, architectes Anne-Lacaton, Jean-Philippe
Vassal, cl. Marcela Garcia, 2012 ................................................................................. 94
Image 57 : Pôle universitaire de gestion, plans rez-de-chaussée et premier étage,
architectes Anne-Lacaton, Jean-Philippe Vassal, site Web de l’agence,
http://www.lacatonvassal.com/, notice « Projets », consultée le 1er juin 2012 ............... 96
Image 58 : Pôle universitaire de gestion, vue du Jardin botanique, architectes Anne
Lacaton, Jean-Philippe Vassal, cl. Marcela Garcia, 2012 ............................................. 97
Image 59 : Résidence universitaire « Cœur de Bastide », K architectures, cl. Marcela
Garcia, 2012 ................................................................................................................ 98
Image 60 : Groupe scolaire Nuyens, façade rue Nuyens, architectes Yves Ballot,
Nathalie Franck, cl. Marcela Garcia, 2012 ................................................................... 98
Image 61 : Maison polyvalente de quartier, JF Escande société d’architecture, cl.
Marcela Garcia, 2012 .................................................................................................. 99
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
144
Image 62 : Îlot B, façade allée Serr, architectes Jean-Paul Viguier, Denis Debaig, cl.
Marcela Garcia, 2012 ................................................................................................ 100
Image 63 : Lieu possible, quai des Queyries, Bruit du frigo, wwww.bruitdufrigo.com,
notice : « Projets », consultée le 15 mai 2012 ............................................................ 108
Image 64 : Le « Brasero », cité Pinçon, Bruit du frigo, wwww.bruitdufrigo.com, notice :
« Projets », consultée le 15 mai 2012 ......................................................................... 109
Image 65 : Photomontages de l’atelier d’urbanisme utopique Bastide-Queyries, Bruit du
frigo, wwww.bruitdufrigo.com, notice : « Projets », consultée le 15 mai 2012 ........... 111
Image 66 : Caserne Niel, cl. Marcela Garcia, 2012 .................................................... 114
Image 67 : Bâtiment de l’Etat-major, caserne Niel, cl. Marcela Garcia, 2012 ............. 114
Image 68 : « Halle aux farines », cl. Marcela Garcia, 2012 ........................................ 115
Image 69 : Projet de réhabilitation de la « Halle aux farines », agence Robbrecht &
Daem, http://www.robbrechtendaem.com/projects/culteral-public/city-archives-
bordeaux, notice : « Projets », consultée le 15 mai 2012 ............................................ 116
Image 70 : Réhabilitation du bâtiment des Magasins généraux pour le projet Darwin,
architectes Virginie Gravière et Olivier Martin, cl. Marcela Garcia, 2012 .................. 117
Image 71 : Charrier Alain, Image de synthèse de la répartition volumétrique indicative
des bâtiments dans l’îlot F, Cahier des charges de l’îlot F de la ZAC « Cœur de Bastide
», mai 2001 ............................................................................................................... 118
Image 72 : Image de synthèse du plan masse de la ZAC Niel, MVRDV,
http://www.mvrdv.nl/#/news/bastideniel, notice : « News », consultée le 15 mai 2012
.................................................................................................................................. 119
Image 73 : Chantier du pont Bacalan – Bastide, cl. Marcela Garcia, 2012 .................. 120
Image 74 : Image de synthèse du projet « Garonne – Eiffel », vue depuis le quartier
Benauge vers le sud et l’emprise « Cacolac », agence TVK, image de l’exposition
Construction identitaire et architecturale du quartier La Bastide à Bordeaux 1948 - 2012
145
« Projet urbain Garonne – Eiffel, Bordeaux – Floirac », Maison de l’architecture, 2012
.................................................................................................................................. 121
Image 75 : Image de synthèse du projet « Garonne – Eiffel », vue de la place Garonne –
Eiffel et du belvédère vers l’ouest, agence TVK, image de l’exposition « Projet urbain
Garonne – Eiffel, Bordeaux – Floirac », Maison de l’architecture, 2012 .................... 126
Image 76 : Composition urbaine et paysagère du projet « Garonne – Eiffel », agence
TVK, image de l’exposition « Projet urbain Garonne – Eiffel, Bordeaux – Floirac »,
Maison de l’architecture, 2012 .................................................................................. 126
Image 77 : Image de synthèse du projet « Bastide – Brazza », KCAP architects and
planners, Bordeaux.fr,
http://www.bordeaux.fr/ebx/portals/ebx.portal?_nfpb=true&_pageLabel=pgPresStand8
&classofcontent=presentationStandard&id=49479, notice « Aménagement du secteur
Brazza », consultée le 18 mai 2012 ............................................................................ 127
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