Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
CONFORTEMENT DE FONDATIONS D'OUVRAGES FERROVIAIRES EN SITE AQUATIQUE
IMPROVEMENT OF FOUNDATIONS RAILWAY STRUCTURES IN AQUATIC CONDITIONS
Marie CHRETIEN1, Alban NICOLINI1
1 G.T.S. (groupe NGE), Saint Priest, France, [email protected], [email protected]
RÉSUMÉ — La SNCF possède un patrimoine d'ouvrages ferroviaires très important
sur le territoire national (ponts et tunnels), dont 10 000 ponts en site aquatique avec
au moins un appui en rivière. L'âge moyen de ces ouvrages est d'environ 130 ans, et
la plupart des fondations reposent sur des massifs en béton de chaux, pieux en bois
et radiers. Certains de ces ponts rails ont subis des désordres sur leurs fondations
suite à un affouillement intensif par les courants des rivières (aggravé par les
dragages), soit par des crues ou des débâcles de plus en plus récurrentes, ou par un
tassement important de culée suite à une augmentation des charges d'exploitation
de l'ouvrage. À la suite de l'inspection de ce patrimoine, la SNCF a lancé des
opérations de régénération sur deux ponts rails sur la Meuse en 2013, qui
présentaient un risque de ruine non négligeable. La difficulté de ces chantiers était
de pouvoir réaliser les travaux de confortement soit depuis la rivière (en crue pendant
la période), soit depuis le tablier du pont, et sans interruption du trafic. Afin de
satisfaire ces fortes contraintes, GTS a proposé des solutions techniques variantes
portant à la fois sur la méthodologie de travaux et sur le phasage, afin de ne pas
avoir d'influence sur les travaux de réparation des tabliers.
ABSTRACT — SNCF has a very important heritage of railway bridges on the
national territory (bridges and tunnels), including 10,000 bridges with aquatic
conditions and with at least one support in river. The average age of these structures
is about 130 years, and most foundations rest on massive of concrete limes, wood
piles and aprons. Some of these rail bridges have suffered disturbances in their
foundations due to intensive river currents (exacerbated by dredging), by floods, or
by a significant subsidence of bridge abutment following an increase in operating
expenses. Following the inspection of this network, SNCF has launched regeneration
operations on two rail bridges on the Meuse River in 2013, which showed a
significant risk of ruin. The difficulty of these projects was to achieve the
reinforcement work as from the river (rise in the water level during the works), as
from the bridge deck, and without interrupting traffic. To meet these stresses, GTS
has proposed a technical solution bearing both on the methodology of work and on
execution stages of works, in order to have no influence on repairing decks.
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1. Introduction
Le patrimoine ferroviaire français possède près de 50 000 ouvrages d'arts sur son
réseau (tunnels et ponts), dont 10 000 ponts en site aquatique avec au moins un
appui en rivière et un âge moyen des fondations d'environ 130 ans. Les fondations
de ces appuis reposent soit sur des massifs en béton de chaux, soit sur des pieux en
bois, soit sur une solution de radiers. Le département Ouvrages d'Art de la SNCF a
lancé une campagne nationale d'inspection de ces ouvrages en milieu aquatique afin
de programmer au mieux leur maintenance. Certains de ces ponts ont subis des
désordres sur leurs fondations suite à plusieurs phénomènes : un affouillement
intensif par les courants des rivières (aggravé par des dragages mal réalisés), soit
par des crues ou des débâcles charriant des débris divers, ou par un tassement des
culées suite à une augmentation des charges d'exploitation. Deux ponts rails ont fait
l'objet d'une auscultation particulière : il s'agit des ponts-rails de Monthermé et de
Revin, situés tous deux sur la Meuse (Figure 1) et le long de la ligne Soissons à
Givet. Des travaux de confortement et de protection des fondations de ces deux
ouvrages ont été confiés à GTS entre juin et septembre 2013. Les contraintes
ferroviaires imposées étaient que les travaux ne perturbent pas le trafic sur les voies,
vu qu'elles ne sont pas interrompues pendant les travaux, et que ces derniers soient
réalisés depuis la rivière. Afin de respecter les délais et contraintes fixées par le
SNCF, une adaptation méthodologie et du phasage des travaux a été nécessaire.
Nous détaillerons ci-après les deux ouvrages étudiés, leurs contextes géotechniques
ainsi que les optimisations d'exécution de travaux appliquées pour réaliser dans de
bonnes conditions (à la fois technique et sécuritaire) ces chantiers.
Figure 1 . Localisation des ponts-rails étudiés sur la Meuse (08).
2. Contexte géologique des sites à l'étude
Les deux ponts-rails étudiés sont situés sur la Meuse (Figure 1), à proximité de
Charleville-Mézières (08). D'après la carte géologique de Rocroi au 1/50 000ème, les
sols d'assise des ponts-rails de Monthermé et de Revin constituent le massif
cambrien fortement plissé et renversé des Ardennes, et plus particulièrement les
(Source: site Viamichelin, 2013)
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Elévation
AVAL
terrains du Revinien moyen (b3). Le substratum rencontré est composé de bancs de
quartzites et schistes noirs (b3c) (Figure 2), dont l'épaisseur dépasse les 5 m.
Figure 2 . Contexte géologique des ponts-rails étudiés sur la Meuse (08).
3. Présentation des ouvrages
3.1. Pont-rail de Monthermé (08)
3.1.1. Description du site
Ce pont-rail franchissant la Meuse se situe sur la commune de Bogny-sur-Meuse
(Figure 2). Cet ouvrage à quatre travées est positionné au PK 160.069 de la ligne
Soissons à Givet (n°205). Il comporte un tablier avec une dalle en béton armé sur
poutres métalliques (voie 1) et un tablier à poutres métalliques sous rails (voie 2).
Trois de ces appuis sont situés en rivière, avec des fondations en pieux bois en
permanence immergées.
Figure 2 . Vues du pont-rail de Monthermé (aérienne à gauche, actuelle à droite).
Cet ouvrage a été endommagé lors de la dernière guerre, nécessitant une
reconstruction partielle de ces appuis tout en conservant les fondations existantes
(pieux bois). Ces travaux de rénovation ont consisté à renforcer le soubassement
des piles en coulant des massifs en béton de chaux, de forme trapézoïdale (20,80 m
x 9,30 m), à l'abri d'une enceinte étanche composée de palplanches et de pieux bois,
et protégée par des enrochements. L'inspection récente (faite en 2004) de ces piles
rénovées montre que les pieux bois et les palplanches mises en place à l'époque ne
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présentent pas de dégradations. L'immersion permanente de ces éléments de
fondations en bois dans l'eau a permis de garantir leur bonne conservation dans le
temps.
3.1.2. Nature des travaux envisagés
Les nouveaux travaux ont pour but de régénérer le béton de chaux de ces massifs,
ainsi que de conforter leurs terrains d'assise pour reconstituer une protection efficace
contre les affouillements au droit des piles. La régénération des massifs commencera
par des injections de coulis à base de ciment (CEM III) pour renforcer le béton de
chaux, pour un volume total d'environ 200 m3. Puis des injections à travers les
massifs permettront d'améliorer en place la capacité portante des sols sous-jacents,
avec un reprofilage des enrochements en protection d'appuis. Les travaux seront
menés depuis la rivière à l'aide de barges, s'en appuyer sur les appuis du pont-rail,
permettant ainsi le maintien du trafic ferroviaire. La Figure 3 ci-après présente le
principe de réalisation des injections au niveau des appuis, avec la position des trois
lignes d'injections pour la régénération : en violet, injection pour améliorer le sol
d'assise sous-jacent; en vert et rouge, injections pour régénérer le béton de chaux.
Soissons Givet
P1 P2 P3
Rive gaucheRive droite
Schistes et quartzites = 126 NGF
Figure 3 . Principe de confortement des piles du pont-rail de Monthermé (SNCF).
3.2. Pont-rail de Revin (08)
3.2.1. Description du site
Ce pont-rail franchissant la Meuse se situe sur la commune de Revin (Figure 4). Cet
ouvrage à cinq arches est positionné au PK 175.609 de la ligne Soissons à Givet
(n°205). Il comporte cinq arches plein cintre en béton, avec quatre de ces appuis
situés en rivière (P1 à P4).
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Figure 4. Vues du pont-rail de Monthermé (aérienne à gauche, actuelle à droite).
Ce pont a également subit des désordres importants suite à la première guerre, avec
des travaux de réfection plus ou moins partiels et homogènes. Les fondations
existantes (pieux bois) ont été conservées, ainsi que l'enceinte étanche en
palplanches bois ayant servi pour couler les massifs de béton de chaux. Seule
différence, les becs des appuis P1 et P2 sont construits en moellons et ceux en rive
droite (P3 et P4) sont faits en béton. Les travaux de rénovation en 1920 ont consisté
à battre des palplanches métalliques à l'intérieur de cette enceinte originelle, puis de
remplir l'espace entre les palplanches et les appuis avec des enrochements et
graviers, ou par du béton. Contrairement au ceinturage bois en bon état, le rideau de
palplanches métalliques est lui très dégradé et il doit être arraché.
3.2.2. Nature des travaux envisagés
Les travaux prévoient dans un premier temps le recépage des palplanches
existantes en périphérie des massifs, puis la régénération des massifs de béton de
chaux par injections de coulis à base de ciment (CEM III), pour un volume total
d'environ 130 m3. Un reprofilage des enrochements finalisera la protection des
appuis. Les travaux seront menés à l'aide de barges depuis la rivière. Contrairement
à l'autre pont-rail, les plans des travaux de 1920 montrent que des renforts ont déjà
été menés dans les massifs, à savoir des injections (nature indéterminée) et la
présence de ferraillage. Ces ferraillages feront partie des points à surveiller lors des
forages avant injection, afin de détecter ces éventuelles anomalies pouvant impacter
les nouvelles injections. La Figure 5 ci-après présente le principe de réalisation des
injections de régénération au niveau des appuis, avec la position des trois lignes
d'injections selon le même principe que pour le précédent pont-rail.
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Palplanches à receper
Protection par enrochements
Figure 5 . Principe de confortement des piles du pont-rail de Revin (SNCF).
4. Méthodologie adoptée pour les travaux de régénération
La variante proposée par GTS ne porte pas sur le dimensionnement des injections
pour la régénération, ni sur la méthodologie d'exécution en elle-même mais sur le
phasage des travaux. En effet, le phasage préconisé recommandait de faire un
forage sur 2, soit 36 mouvements de barges par pile pour réaliser les 3 lignes de
forages nécessaires. Ce phasage n'était pas réalisable, compte tenu du délai très
court à respecter et avec une rivière en crue à cette époque des travaux.
Pour une meilleure exécution des lignes de tirs, les rotations de barges ont été
réduites à 18 mouvements, en réalisant tous les forages d'une même ligne en
continu. Les forages sont tous préalablement équipés pour gagner du temps, mais la
gaine sera mise en place ultérieurement. L'injection est ensuite effectuée un forage
sur 2, avec l'injection totale de la ligne sous 24 h afin que les résurgences de coulis
éventuelles par forages puissent être "claquées". Le phasage débute par la ligne
extérieure de forages (injection du sol support), puis par celle intermédiaire (ligne
verte) et enfin celle intérieure (ligne rouge pour la régénération du massif). Cinq à
huit forages d'évents sur chaque pile (effectués en premier) sont forés afin d'éviter
tout risque de mise en surpression de l'ouvrage lors de l'injection La Figure 6 illustre
deux positions de forages et injections autour d'une pile, avec le positionnement de
la barge. Les injections dans le sol support ont été menées jusqu'à 10 m de
profondeur, sous les massifs.
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Figure 6. Plan d'implantation des forages des trois lignes d'injection au niveau de la
pile 3 du pont-rail de Monthermé au 1/50ème (à gauche), avec deux positions de
forages selon le mouvement de la barge autour de la pile (à droite). Les points en
jaune indiquent le nombre de forages réalisés par ligne et par position de barge.
Le délai total d'exécution prévu initialement pour les deux ouvrages était de 37
semaines (incluant préparation et production). Avec ce principe de phasage adapté,
un gain de 4 semaines sur le temps de production a été atteint, soit une réalisation
des travaux par pont-rail de l'ordre de 11 semaines.
Pour mener à bien ces travaux, des moyens fluviaux importants ont été mis en
œuvre afin de pouvoir satisfaire les rendements optimisés, tout en assurant la
sécurité du personnel de chantier. Etant donné le contexte fluvial des chantiers, les
foreuses ont été installées sur des barges (dimensions 12 m x 5 m), amarrées le long
des piles et munies de 4 pieux stabilisateurs (Figure 7). Ces dispositions (pieux
stabilisateurs + treuils) ont permis de travailler en sécurité malgré la rivière en crue à
ce moment là. En effet, deux treuils placés en amont et en aval des barges, sont
disposés pour compenser les mouvements éventuels des barges avec les courants
et aussi de mettre en position les barges pour les tirs de forages autour des piles.
L'installation est délicate, car il faut vérifier que la mise en œuvre ne gène pas la
navigation et on doit assurer la stabilité de la plate forme de travail pendant les
forages. Des plongeurs certifiés vérifiaient le bon déroulement des travaux autour
des piles.
Forages et injections
réalisés lors de l’étape
Forages et injections
réalisés lors de l’étape
(Source: plans GTS, 2013)
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Figure 7 . Matériel fluvial mis en œuvre sur les chantiers (GTS).
Un suivi visuel et topographique a été mis en place sur les deux ouvrages, afin de
vérifier la stabilité des ouvrages pendant les travaux d'injections. Quatre cibles
topographiques par pile ont été installées, avec un relevé journalier par un géomètre
expert.
5. Conclusion
En conclusion, les travaux de régénération de ponts-rails en site aquatique font
intervenir des moyens fluviaux et de forages importants, à adapter en fonction des
courants. Une meilleure gestion des mouvements de barges permet d'optimiser les
délais et quantités d'injections journalières, permettant ainsi de réaliser au minimum
6 lignes complètement injectées par position de barge. Avec ce principe
d'optimisation du phasage des travaux d'exécution, un gain de 4 semaines sur le
planning d'exécution a été atteint sans aucun impact sur les ouvrages en service.
Les contraintes ferroviaires ont été ainsi respectées, à la satisfaction du client.
Remerciements
Les auteurs remercient le personnel de la division Ouvrages d'Art de la SNCF pour
leur précieuse collaboration dans ces opérations délicates.
Références bibliographiques
BRGM (1990). Carte géologique de ROCROI au 1/50 000°
SNCF - INFRA INGENIERIE - Division OA. (2013). DCE des ponts-rails sur la Meuse de Monthermé et de
Revin, document marché, 50 pages.
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