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Conclusion • Un faux dilemme: La cee ou le conseilnordique?Edmond Orban aa Professeur au Département de science politique , L'Université de MontréalPublished online: 13 Dec 2007.

To cite this article: Edmond Orban (1978) Conclusion • Un faux dilemme: La cee ou le conseil nordique?, Journal of EuropeanIntegration, 2:1, 121-134

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CONCLUSION • UN FAUX DILEMME:LA CEE OU LE CONSEIL NORDIQUE?

Edmond ORBANProfesseur au Département de science politique

de l'Université de Montréal

Comme tous les petits pays industrialisés du monde occidental, lescinq pays nordiques connaissent, à des degrés divers, la dépendance éco-nomique sous ses aspects les plus multiples.

À l'égard du Tiers Monde, cette dépendance se traduit notammentpar le besoin d'approvisionnement en matières premières et en ressourcesénergétiques. Elle se retrouve dans les rapports avec les autres pays indus-trialisés, qui représentent pour les pays nordiques un marché d'une impor-tance vitale pour écouler des produits manufacturés et fournir un certainnombre de services (transports maritimes, par exemple) ou qui, danscertains cas (grandes puissances industrielles), sont seuls capables de leurfournir à bon compte des produits fabriqués en série ou à contenu techno-logique très poussé.

Ces données de base peuvent facilement s'intégrer dans une théorieportant sur les avantages et les inconvénients des grands marchés. Il faudraitévidemment y ajouter d'autres éléments, tels que la dépendance en matièrede politique conjoncturelle et monétaire, la question des investissementsétrangers, etc..

Cette situation des pays nordiques, d'ordre essentiellement économique,est renforcée, pour certains d'entre eux, par une dépendance à caractèrepolitico-militaire. De sorte que, finalement, on va retrouver ces pays tantôtregroupés ensemble dans les mêmes organisations internationales, tantôt, aucontraire, divisés par des appartenances distinctes.

Ainsi quatre pays nordiques font partie de l'AELE Qa Finlande à titrede membre associé); ils sont tous membres de l'OCDE, ils ont des accordscommerciaux avec la CEE (le Danemark en faisant partie intégrante), et ilssont associés par des traités de coopération nordique.

Par contre, sur le plan militaire, la division Est-Ouest se fait bruta-lement sentir et plusieurs auteurs en ont souligné les effets cumulatifs. Dansle cas du Danemark, par exemple, l'appartenance à la CEE se double d'uneappartenance à l'OTAN, tandis que le statut particulier de la Finlande à

Rerne d'intégration européenne/Journal of European Integration, 1978, VU no 1, Canada.

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l'égard de l'URSS lui interdit toute alliance militaire avec le mondeoccidental.

En résumé, les cinq pays nordiques ont la possibilité de se retrouverdans de nombreuses organisations internationales, notamment celles àcaractère économique, auxquelles il faut évidemment ajouter l'ONU. Enrevanche, sur le plan des alliances militaires, la Norvège, le Danemark etl'Islande figurent dans le camp occidental, alors que le processus dit de"finlandisation" laisse très peu de marge de manoeuvre à la' Finlande dansses rapports avec l'URSS; quant à la Suède, le texte de Mme Lisein-Normannous a montré, plus haut, les difficultés d'une véritable politique de neutra-lité, même sur le plan strictement militaire.

Cest donc dans cette perspective de dépendance relative et d'orien-tations diverses qu'il faut replacer chacun de ces pays, lorsqu'on essayed'analyser ses relations politico-économiques avec la CEE, depuis 1972.

Par souci légitime de clarté, certains auteurs (même parmi nos colla-borateurs) sont parfois tentés de découper la réalité en tranches ou endomaines bien délimités : les exigences d'un exposé systématique expliquentce procédé. Ceci dit, dans tous les articles qui précèdent, on observe, bienque de façon variable, un lien d'interdépendance entre les différents do-maines analysés. Si, par exemple, la Finlande n'a aucune chance de devenu-membre à part entière de la CEE (même s'il s'agit d'une organisation àcaractère d'abord économique), c'est en raison de son imbrication dans lesystème de défense Nord-Ouest de l'URSS. Cette puissance considère, eneffet, que la CEE ne peut être dissociée de l'OTAN, que les objectifséconomiques de l'une ne font que compléter et renforcer les objectifspolitiques et militaires de l'autre. Dans un même ordre d'idées, on doit voirles retombées économiques et les limites politiques de la neutralité de laSuède.

Toutes ces considérations nous amènent à la constatation suivante :au départ, l'exercice auquel se sont livrés nos collaborateurs s'avère rela-tivement limité, puisqu'ils étudient les relations d'un pays avec la CEE aucours des cinq dernières années seulement; ceci dit, ils se sont tous renducompte que cette étude aurait perdu toute sa valeur s'ils n'avaient pasprocédé avec un recul suffisant dans le temps et dans l'espace, en donnantune plus grande ouverture à leur champ de vision. Ils ont pu éviter ainsile piège du court terme et de la myopie qui caractérisent certaines approchestrop spécialisées ou exclusivement monodisciplinaires.

Notre tâche consiste donc maintenant à tenter de regrouper et desynthétiser leurs constatations principales pour voir, si possible, comment

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elles débouchent sur des tendances à la fois communes et spécifiques.Ceci devrait nous permettre de dégager, d'une façon moins "impression-niste", les divers degrés de la dépendance de ces pays envers la CEE; end'autres termes, on tente d'évaluer la force d'attraction qu'exerce la CEEsur chacun des pays nordiques. Quant au comportement des partis poli-tiques et des élites des pays nordiques à l'égard de la CEE, il pourrait êtreconsidéré comme une sorte de superstructure qu'on ne peut analyser qu'enfonction des données de base précitées, que ce soit en termes d'opposition,de réaction ou d'ajustement par rapport à ces dernières; mais, ici encore,il y a interaction cette fois entre deux niveaux d'action, comme on le dé-montrera plus loin. Enfin, dans une dernière étape de cette conclusion, onverra rapidement en quoi le Conseil nordique pourrait constituer une alter-native ou un complément plus ou moins partiel en ce qui concerne certainsrôles et fonctions impartis à la CEE.

I. LA DÉPENDANCE À L'ÉGARD DE LA CEE

À première vue, on pourrait croire que la dépendance économiquedes pays nordiques vis-à-vis de la CEE s'est accentuée avec l'entrée de laGrande-Bretagne au sein de celle-ci; d'autant plus que le Danemark, ensuivant cette dernière, peut avoir donné l'impression de s'être détaché deses partenaires nordiques. Le professeur Bjøl nous montre que les chosessont loin d'être aussi claires. Par contre, une constante subsiste, à savoirque, pour chacun des cinq pays concernés, le principal partenaire com-mercial est constitué par la CEE. À ce propos, dans la diagramme I (enAnnexe), on voit combien la part de l'Amérique du Nord et des pays del'Est est comparativement réduite. Quant au commerce des pays nordiquesentre eux, il n'atteint qu'un quart de leur commerce total; par ailleurs,comme le diagramme II (en Annexe) le montre fort bien, dans le commerceinternordique, la part de la Suède s'avère prépondérante.

— Cette observation que nous avons faite pour les dix dernières an-nées, nous permet de relever un élément spécifique à la Suède: son degré dedépendance directe à l'égard de la CEE est moindre que celui qui affected'autres partenaires nordiques. Comme l'a souligné Mme Lisein-Norman, lecommerce de la Suède avec ses principaux clients de la CEE (Allemagne,Grande-Bretagne) a même régressé depuis 1972, alors que par contre il acontinué d'augmenter en direction de la Norvège. Certes, ce phénomène estimputable, en partie, aux perturbations provoquées par la récession quesubissent les pays industrialisés, mais il mérite de retenir notre attention,bien qu'il ne faille pas non plus s'attendre à ce qu'il prenne beaucoup plusd'extension, pour les raisons fondamentales évoquées plus haut.

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Autre différence spécifique en ce qui concerne la Suède : la puissancede ses firmes de production et de distribution, qui fournissent de l'emploi àl'étranger à des effectifs représentant presqu'un tiers du total de la main-d'oeuvre utilisée en Suède. Or, cette implantation se fait essentiellementdans la CEE et elle est évidemment accompagnée d'un accroissement pro-portionnel des investissements suédois dans cette région1. Certes, la Suèdeinvestit proportionnellement moins dans les pays nordiques1; mais, entre1960 et 1976, la part des investissements suédois dans les pays nordiquesest écrasante par rapport à ces derniers2. La Suède occupait ainsi, jusqu'àil y a peu de temps, une position privilégiée, étant le pays nordique le plusindustrialisé et bénéficiant d'une production plus diversifiée. Son type etson degré de dépendance sont donc différents.

— La Norvège, à son tour, est en train de se transformer rapidementet profondément. Le professeur Ørvik nous montre à quel point elle tient àprendre ses distances à l'égard de la CEE. N'ayant d'ailleurs pas pu obtenirde celle-ci des compromis satisfaisants en matière d'agriculture et de pêche,et commençant à disposer de ressources pétrolières considérables, la Nor-vège semble moins désireuse que jamais d'entrer comme membre à partentière au sein de la CEE. Si bien qu'elle continue de pratiquer la politiqueamorcée depuis 1972 (date de son refus d'entrer dans la CEE). Cettepolitique se caractérise par une tentative de séparer les domaines; commel'écrit le professeur Ørvik, on constate "the conceptual separation betweentrade, economics and energy on one side and national security on theother". Ceci explique le besoin de la Norvège de conclure (comme on lerappellera plus loin) un accord fort élaboré avec la CEE, mais se limitantexclusivement au domaine commercial. D'autre part, la Norvège désirerester dans l'OTAN, d'autant plus que la Grande-Bretagne et les États-Unis en font partie; en effet, c'est avec ces deux pays qu'elle a le plusd'affinités.

— Par comparaison avec la Norvège, au niveau des rapports avec laCEE, la Finlande se situe au pôle opposé. Mais les contingences d'ordrepolitique et militaire (processus dit de "finlandisation") ne doivent pas

1 Voy. le tableau sur le nombre des firmes suédoises à l'étranger, des employés àl'étranger et du chiffre d'affaires de celles-ci, in Some Data about Sweden, 1977-1978, Skandinaviska Enskilda Banken, Stockholm, 1978, p. 51.

Pour le chiffre d'affaires, l'Allemagne fédérale vient en tête, suivie de la France,ensuite, à peu près sur le même pied, viennent les Etats-Unis, la Belgique, l'Italie etla Grande-Bretagne.

2 En millions de couronnes, elle est de 3646 pour la Suède, de 613 pour le Dane-mark, de 534 pour la Norvège et de 130 seulement pour la Finlande.

Ces chiffres sont basés sur des statistiques fournies par les banques centrales despays nordiques (un document inédit que nous utiliserons dans une étude ultérieure).

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nous faire perdre de vue à quel point la Finlande continue .de dépendrede la CEE (et de l'AELE) pour ses importations et ses exportations. Letableau dressé par le professeur von Bonsdorff est très significatif à cetégard, même si on y relève le souci de se dégager quelque peu de l'emprisede la CEE en accroissant les échanges avec l'URSS et d'autres pays del'Est.

Deux phénomènes relativement récents pourraient aider la Finlandedans cette direction: d'abord, à court terme, la récession des pays occi-dentaux et, à plus long terme, le fait que ses exportations de bois cèdentla place à des produits manufacturés pour lesquels l'URSS devrait constituerun marché intéressant. La Finlande devrait normalement profiter de cettecrise passagère pour procéder à des réajustements de son commerce exté-rieur. L'objectif idéal serait de réduire la part de la CEE à un tiers, auprofit des pays de l'Est (un tiers) et de l'AELE (un tiers). Cet accroisse-ment en direction de l'AELE serait également intéressant comme politiquede diversification, car cette organisation a eu le mérite de regrouper les paysnordiques et, aux yeux des Finlandais, contrairement à la CEE, elle neprésente aucun danger politique.

En attendant, c'est vers la CEE que la Finlande s'est tournée poursigner l'important accord commercial de 1973, qui fait théoriquementpendant à l'accord conclu la même année avec le COMECON.

Cette dernière constatation nous permet de déboucher sur un autreaspect commun aux- pays nordiques, relié à la problématique de la dépen-dance: la conclusion des accords commerciaux (1972 et 1973) avec laCEE, par suite de l'entrée du Danemark dans cette dernière.

n. LES ACCORDS COMMERCIAUX AVEC LA CEE:UN MOYEN DE LIMITER LA DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE?

Comme nos collaborateurs l'ont montré plus haut, la conclusiond'accords bilatéraux entre chacun des pays nordiques et la CEE se présenteselon un modèle commun, visant à libéraliser les échanges de produitsindustriels. Mais ces accords présentent, cependant, des différences spéci-fiques, appréciables en termes de "timing" dans les étapes à franchir etd'exceptions pour certains produits particulièrement "sensibles". Les spé-cialistes ont fait une analyse du contenu et de la portée réelle de ces accords.

— En ce qui concerne la Norvège, le professeur Ørvik juge satisfai-sants les accords de 1973, tout en soulignant leurs limites, puisque, entreautres choses, on n'a pas réussi à y inclure deux éléments essentiels pourl'économie norvégienne : le transport maritime et les produits de la pêche.

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— Dans le cas de la Suède, Mme Lisein-Norman insiste sur le faitque la clause dite évolutive est de nature à permettre des ouvertures consi-dérables, puisqu'elle prévoit la possibilité pour les parties contractantes dedévelopper et d'approfondir leurs relations dans des domaines non-couvertspar les accords. Contrairement aux accords conclus par la Finlande avec laCEE, ceux négociés par la Suède et la Norvège justifient une extension dela coopération, précisément parce que la notion d'intérêt y est conçue d'unemanière beaucoup plus large. Ceci ouvre les portes à la coopération dansplusieurs domaines, notamment l'information, la collaboration en matièrede politiques de l'environnement, de l'énergie, du transport, de la recherche,l'amélioration des conditions de concurrence. Cette dernière proposition, àelle seule, permet d'inclure un nombre considérable d'activités. Vu du côtésuédois, cet accord n'est qu'une nouvelle étape vers un accroissement cons-tant de la collaboration avec la CEE; il dépasse largement le cadre dessimples accords commerciaux, en raison de tout ce qu'il contient enpuissance.

— À l'autre extrémité, on retrouve la Finlande dont le professeur vonBonsdorff a analysé les accords avec la CEE en soulignant leurs limitesétroites. En l'occurrence, ces accords se situent dans le prolongement despolitiques de libre échange mises de l'avant dans les accords du GATT.Les grandes étapes du désarmement douanier devraient déboucher (en1985) sur une zone de libre échange avec la CEE, du moins en ce quiconcerne les produits industriels. L'auteur ne mentionne cependant pasl'absence de la clause évolutive qui limite la portée de l'accord Finlande-CEE. On peut se demander si cette "lacune" ne trahit pas la position diffi-cile de la Finlande, face à un rapprochement trop poussé avec la CEE.Quoi qu'il en soit, cette limite entre bien dans le cadre logique d'une politi-que dite de diversification des échanges, en fonction de laquelle on setourne également vers les pays de l'Est et d'autres pays que ceux de la CEE.

— Quant au Danemark, entré dans la CEE, il n'a évidemment pas euà conclure des accords de ce genre; par contre, il convient de rappeler queles îles Féroé ne font pas partie de la CEE. Or, ces îles relèvent politique-ment du Danemark, mais avec un degré élevé d'autonomie interne qui leura permis, contrairement au Groenland, de refuser d'entrer dans la CEE.

En conclusion, ces accords et les faits qui précèdent nous permettentmaintenant de nous faire une idée plus précise du degré variable de dépen-dance de chacun des pays nordiques à l'égard de la CEE et de la forced'attraction que cette dernière représente pour chacun d'eux. H va de soique cette puissance d'attraction n'est pas forcément proportionnelle à l'im-portance des intérêts économiques impliqués, puisque la variable politico-

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militaire intervient également, dans une mesure que l'on n'a pas- réussi àquantifier. Mais cette variable est suffisamment forte pour freiner ou, aucontraire, accélérer des tendances naturelles à un rapprochement plus étroitavec la CEE et tout ce qu'elle représente sur le plan strictement économique.

m . LES ATTITUDES DES FORCES POLITIQUES NORDIQUESFACE À LA CEE

Sur le plan interne, la force d'attraction précitée est perçue de façonparfois très différente, selon les intérêts économiques des groupes directe-ment concernés et selon les conceptions propres à chacun des partis politi-ques nationaux. Le souci constant de l'indépendance nationale, joint aurefus de se laisser intégrer dans des structures politiques trop contraignan-tes, s'oppose parfois aux intérêts de certains milieux du monde des affaires,particulièrement attirés par les perspectives d'un marché élargi.

Entre les partisans d'un refus catégorique et ceux d'un oui incondi-tionnel, il y a, au sein de chaque pays, tout un éventail d'options et denuances, d'autant plus malaisé à synthétiser que le multipartisme est flo-rissant en Scandinavie. De plus, pour compliquer encore les choses, le partisocial-démocrate, qu'on retrouve partout, est lui-même divisé entre unegauche et une droite dont l'importance varie selon lé pays. Pour voircomment se révèlent les forces opposées ou favorables à l'entrée dans laCEE ou à un rapprochement plus poussé avec celle-ci, nos collaborateursont sélectionné des moments privilégiés, à savoir: l'année du référendumsur la CEE, en Norvège et au Danemark, et la période de la conclusiondes accords commerciaux avec la CEE (1972-1973).

Notons tout d'abord une constante: sauf dans le cas des tendancesradicales (entre autres, les extrémistes de gauche), les partis politiques, engénéral, ne sont pas totalement opposés à un certain rapprochement avec laCEE. En soi, les conditions de la signature des accords commerciaux et lecomportement des partis en ces circonstances sont, à première vue, parti-culièrement révélateurs. Mais la tâche des analystes s'est avérée elle-mêmebeaucoup plus compliquée qu'on ne l'imagine, vu l'impossibilité d'isoler laquestion principale, mentionnée plus haut, des autres questions sous-jacen-tes qui n'ont qu'un rapport indirect ou lointain avec celle-ci. Ainsi, commele mentionne le professeur Ørvik, le référendum sur l'entrée de la Norvègedans la CEE a servi de révélateur et en même temps, pourrait-on ajouter,de catalyseur général, aux dichotomies : ville-campagne, centre-périphérie,gauche-droite.

— En Norvège, contrairement au Danemark, les agriculteurs (partidu Centre), considérant leurs intérêts économiques menacés, étaient oppo-

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ses à l'entrée dans la CEE, de même que les libéraux qui, eux, adoptaientcette attitude pour des raisons de souveraineté nationale. Par contre, toutcomme en Suède, une majorité d'industriels (avec quelques réserves pourla petite entreprise) se ralliaient aux partis conservateurs favorables à laCEE.

En Norvège, cette opposition se transpose au sein du parti socialiste("Labour Party"), où l'aile gauche, plus marxiste que son équivalent enSuède, s'oppose avec virulence à l'impérialisme et au capitalisme de l'Ouest(CEE-NATO). H y a eu ainsi un front commun avec d'autres petits partissocialistes et communistes, auxquels s'étaient jointes les organisationsagricoles ainsi que le parti agraire, pour s'opposer à l'entrée de la Norvègedans la CEE.

Depuis lors (1972), la gauche a consolidé ses positions; et l'obligationde resserrer le contrôle national sur les pêcheries, jointe à la nécessité delimiter l'emprise des sociétés multinationales étrangères (dans l'exploitationdu pétrole en particulier), ne fait que renforcer une opposition, devenuepermanente et majoritaire, à l'intégration dans la CEE. On obtient, de lasorte, un vaste consensus qui réunit un large éventail du spectre politique,au milieu duquel émergent et se combinent deux éléments fondamentaux :l'élément nationaliste, "self-determinant", et un socialisme modérémenttransformateur.

— Au Danemark, on retrouve les mêmes grandes divisions: oui àdroite, non à gauche, mais le professeur Bjøl nous montre comment lespartis politiques poursuivent une évolution qui n'a que peu de rapportsdirects avec le problème de la CEE. Tout comme en Suède, en Finlande eten Islande, les formations les plus à gauche sont nettement hostiles à laCommunauté. Par contre, les groupements agricoles, les sociaux-démocrateset, bien entendu, les conservateurs, se rangent majoritairement du côté desoui. Les électeurs les plus défavorisés économiquement sont ceux qui épou-sent les thèses isolationnistes, rejoignant l'extrême gauche qui, paradoxale-ment, ne comprend qu'une minorité de défavorisés parmi ses membres.Quant aux sociaux-démocrates, déçus de l'ouverture à gauche (comme dansplusieurs autres pays d'Occident), ils recherchent un appui au Centre etparmi la droite modérée, tous deux favorables à la CEE. Si bien que levirage à droite de la social-démocratie danoise finit par neutraliser à là foisl'aile gauche et l'opposition à la CEE.

Débordant le cadre des partis politiques, le professeur Bjøl montrel'importance de certaines élites politiques et bureaucratiques favorables àla CEE. H souligne plus particulièrement le rôle de la Commission pourles affaires communautaires. Cette institution permet à l'opposition de

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participer activement et développe ainsi un mécanisme de décision originalet de grande importance au niveau du Parlement, alors qu'auparavant ons'en remettait trop exclusivement à un cercle très fermé de décideurs, situésau niveau de l'Exécutif.

Derrière tout cela, se dresse la toïle de fond des intérêts économiques,mais aussi une certaine réticence face aux dangers d'une intégration troppoussée, au sein de laquelle dominerait l'Allemagne de l'Ouest. Très dépen-dant économiquement de ce pays, le Danemark voudrait que cette dépen-dance ne se double pas d'une contrainte à caractère politique et militaire.On retrouve ici ce souci, commun à tous les pays nordiques, de distinguerautant que possible les domaines économiques, politiques et militaires, defaçon à ne pas se laisser entraîner, voire absorber, par l'un des grandsblocs ou l'une de leurs principales composantes.

Cette tendance permanente et commune explique un autre type deréaction, qui pousse les pays nordiques à consolider leurs liens mutuels, viale Conseil nordique entre autres, et ce, dans des domaines multiples, au-delàdes problèmes d'ordre purement économique3.

— Pour en revenir au cas de la Suède et de certains de ses aspectsles plus spécifiques, on a vu plus haut quels sont les groupes les plus favo-rables à la CEE. Mais, en Suède, le problème ne s'est pas posé dans lesmêmes termes que pour la Norvège et le Danemark. La division classiqueentre la gauche et la droite s'y retrouve certes, mais avec cette particularitéque les sociaux-démocrates suédois n'ont pas une gauche aussi radicale etaussi importante qu'en Norvège. Nos deux collaborateurs chargés dé l'étudedes cas suédois et finlandais, se sont moins étendus sur cette question queles professeurs Bjøl et Ørvik. Mais le professeur von Bonsdorff sembleconclure en laissant entendre que la marge de manoeuvre en matière derapprochement avec la CEE est relativement réduite en Finlande. Parconséquent, au niveau des partis politiques,, on y observe une sorte deconsensus plus ou moins imposé par les facteurs "exogènes", qui se traduitpar des mouvements extrêmement prudents. Ces derniers dépendent essen-tiellement de l'évolution des rapports entre l'Est et l'Ouest et, plus particu-lièrement, des rapports impliquant, d'un côté, les États-Unis et l'Alle-magne, et, de l'autre, l'URSS.

— Dans ces conditions, pour la Finlande également, le Conseil nordi-que constitue une base de repli et une source d'identification permanentes. Il

3 Voy., à ce sujet, parmi les publications de synthèse les plus récentes: E. SOLEM,The Nordic Council and Scandinavian Integration, New York, 1977; E. ORBAN,Un modèle de Souveraineté-Association? Le Conseil nordique, Montréal, 1978.

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représente aussi une sorte de compensation pour les inconvénients majeursengendrés, d'une part, par certains aspects de sa dépendance économique àl'égard de l'Europe occidentale et, d'autre part, par sa dépendance politico-militaire face à l'URSS.

IV. LE CONSEIL NORDIQUE: UNE FAUSSE ALTERNATIVE?

Au terme de son exposé, chacun de nos collaborateurs en est arrivéà la même constatation, à savoir que, loin d'être un empêchement à lacoopération au sein du Conseil nordique, l'entrée du Danemark dans laCEE et les accords commerciaux bilatéraux précités n'ont fait que ren-forcer cette organisation nordique.

Dans son introduction, le professeur Ørvik nous explique en quoicelle-ci répond à d'autres besoins. Plus précisément, le Conseil nordique,avec ses diverses institutions, comblerait le vide qui tend à se développerentre les nordiques de l'Ouest et ceux de l'Est. Cette organisation inter-nationale ne présente aucun danger pour l'autonomie nationale de ses cinqmembres; de plus, elle est indépendante des deux grands blocs. Elle réalisedivers types de coopération non limités à l'économique, dans des domainesoù elle est praticable, et ce à des coûts très peu élevés .

Autre avantage: elle offre une certaine alternative en cas d'échec desautres expériences d'association. L'aspect le plus original de la thèse duprofesseur Ørvik réside dans sa tentative de démontrer comment les échecssuccessifs enregistrés par l'expérience NORDEK, les hauts et les bas desrelations avec la CEE et l'AELE, etc., ont finalement consolidé le Conseilnordique par une sorte de phénomène de compensation, pour reprendre les

1 termes employés plus haut.

L'auteur souligne, avec à propos, les aspects surtout psychologiquesde ce mouvement de "repli nordique" qui, selon lui, apparenterait davan-tage le Conseil nordique à un symbole plutôt qu'à un outil. Ce symboleserait celui d'une certaine identité proprement nordique, avec tout ce quece concept implique en termes d'aspirations et aussi d'impondérables. Onpeut évidemment différer d'opinion sur la portée réelle de cet outil, ce quiexigerait une étude plus approfondie (voyez à ce sujet l'ouvrage précité deE. Solem et celui que nous avons consacré récemment à cette question,notamment les parties II et III de notre ouvrage, signalé à la note 3).

À ce propos, Mme LiseinTNorman a consacré deux pages très densesde son étude, en signalant, en termes généraux, l'extension récente desréalisations du Conseil nordique, tout en soulignant les dangers auxquels le

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Danemark s'expose en tant que "solidaire forcé" des orientations écono-mico-politiques de la CEE. Dangers que, par contre, le professeur Bjølsemble, pour sa part, plutôt minimiser, puisqu'il déclare qu'il est rare queson pays se trouve plongé dans des "conflits de loyauté" et que les effortsdu Conseil nordique pour harmoniser les lois (des cinq pays) se concentrentsur des domaines qui, la plupart du temps, ne sont pas de la compétencede la CEE.

Le professeur Bjøl mentionne, cependant, qu'on a enregistré un affai-blissement des échanges de produits industriels entre pays nordiques, maisque, d'un autre côté, les investissements directs suédois et norvégiens ontaugmenté beaucoup plus rapidement que ceux des autres pays (à l'intérieurde cette région nordique). Le professeur von Bonsdorff affirme, lui aussi,que l'entrée du Danemark dans la CEE n'a pas nui à la coopération nordi-que, et il analyse quelques aspects particuliers de ce type de coopération,par opposition avec le modèle plus bureaucratisé et plus centralisé que l'onutilise dans les relations avec la CEE ou l'URSS. La coopération nordiquese développe sans éclat, "d'une façon aussi naturelle que la vie quotidiennedes citoyens nordiques". Ces considérations nous laissent évidemment unpeu sur notre faim. Mais ce n'était pas là l'objectif principal de cetteétude qui n'aborde le problème de l'intégration nordique que par ricochet,en mettant en relief l'importance du Conseil nordique, comme instrumentet comme symbole de la survie de ces petits pays. On comprendra mieuxdésormais, dans cette perspective d'ensemble, à quel point ces pays sontet se sentent menacés par les deux grands blocs. Ce qui, en même temps,explique leur désir de se regrouper sur une base régionale pour préserver unminimum d'autonomie et d'identité, à la fois nordique et nationale. Ce sontlà des fonctions vitales que jusqu'ici la CEE n'a pas remplies, et qui n'en-trent d'ailleurs pas dans ses attributions et sa "philosophie".

On serait, par conséquent, tenté de s'empresser d'affirmer que laCEE et le Conseil nordique ne sont pas des entités rivales et qu'elles sontcomplémentaires l'une de l'autre.

Mais ce point de vue un peu simplifié, pour notre part, nous nevoudrions pas le soutenir. Il serait plus juste de parler de contrepoids;contrepoids à la puissance gigantesque d'intérêts économiques étrangersqui risque continuellement de fausser un équilibre économique, politique etculturel, jusqu'ici précieusement sauvegardé; et l'on touche ici à un aspectconcret de la lutte pour la survie des petits pays, qui, tout en s'ouvrant surl'extérieur, éprouvent un besoin tout aussi fondamental de revenir à labase. Ce double mouvement d'ouverture et de repli nous autorise à parlerde complémentarité: la CEE représente l'ouverture sûr un marché infini-

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ment plus vaste, mais elle constitue, en même temps, un danger constantd' "absorption" pour les petits pays qui risquent de se diluer dans unensemble où les objectifs, avoués ou non, transcendent de plus en plus ledomaine économique.

C'est à un problème du même genre que les voisins canadiens etquébécois du "melting pot" américain se heurtent également. Mais alors, ledanger s'avère d'autant plus grave que la force d'attraction économique sedouble d'un quasi monolithisme linguistique, du moins comparativement àla CEE où la diversification culturelle et linguistique offre à la fois unfrein et un contrepoids qui favorisent les petits pays; du moins dans lamesure où ils ont assez de vitalité pour se regrouper et défendre leursintérêts économiques, politiques et culturels.

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LA CEE OU LE CONSEIL NORDIQUE?

ANNEXES

DIAGRAMME I

COMMERCE DES PAYS NORDIQUES PAR RÉGIONACTUELLEMENT

(y compris le commerce intra-nordique)

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Importations 46 144 Unités: $1,000,000

Reste du monde 7 727 AELE 10 127

Europe de l'Est3 514

É.-U., Canada3 236

CEE 21 450

Exportations 39,077

Reste du monde 6 962 AELE 9 227

Europe de l'Est2 993

É.-U.. Canada2 524

CEE 17 371

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DIAGRAMME IICOMMERCE INTRA-NORDIQUE: VALEURS ACTUELLES

DES EXPORTATIONS

(en millions de dollars É.-U.)

Islande Norvège

Source: Nordisk Statistik Anbok, vol. 15, Nordiska Statistika Sekretariatet,Stockholm, 1977, p. 185.

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