N°d’ordre NNT : 2016LYSE2011
THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON
Opérée au sein de
L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2
École Doctorale : ED 483 Sciences sociales
Discipline : Langues, Histoire et civilisations des mondes anciens
Soutenue publiquement le 5 février 2016, par :
Stefano CORNO
Autour de la relation tête-
dépendant dans les langues
indo-européennes anciennes
Typologie et reconstruction
Devant le jury composé de :
Leonid KULIKOV, Associate professor, Université de Gand, Président
Isabelle BOEHM, Professeure des universités, Université Lumière Lyon 2
Daniel PETIT, Professeur des universités, École Normale Supérieure de Paris
Sylvain PATRI, Professeur des universités, Université Lumière Lyon 2, Directeur de thèse
Université Lumière Lyon II
École doctorale ED 483 Sciences Sociales
Faculté des Lettres, Sciences du Langage et Arts
Département des Sciences du Langage
Laboratoire Histoire et Sources des Mondes Anciens (HiSoMA) UMR 5189
Autour de la relation tête-dépendant dans les langues indo-européennes anciennes
Typologie et reconstruction
par Stefano CORNO
Thèse de doctorat de Langues, histoire et civilisations des mondes anciens
Dirigée par M. Sylvain PATRI
Professeur de Linguistique générale, Université Lyon II
Présentée et soutenue publiquement le 5 février 2016
Devant un jury composé de :
Mme Isabelle BOEHM Professeur de Linguistique et littérature grecques - Université Lumière
Lyon II
M. Leonid KULIKOV Assistant Professor - Université de Gand (Belgique)
M. Sylvain PATRI Professeur de Linguistique générale - Université Lumière Lyon II
M. Daniel PETIT Professeur de Grammaire et linguistique - École Normale Supérieure de Paris ; Directeur
d’Études - École Pratique des Hautes Études, IVème section - Paris
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3
À ma mère,
à JM,
merci pour leurs sourires
qui réchauffent mon cœur.
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Résumé
L’objet de ce travail est d’étudier les mécanismes de co-variation entre la tête d’un
constituant nominal et son/ses dépendant(s) dans les langues indo-européennes
anciennes : indo-iranien, grec, italique et anatolien. Une analyse détaillée de la
morphologie nominale et pronominale au sein de chacun de ces groupes permet de
dégager les classes d’accord possibles et impossibles pour chacune de ces langues
et de déterminer le rôle joué par les morphèmes désinentiels dans la co-variation. Dans
les langues à trois genres, les classes flexionnelles sont plus nombreuses avec une
information sur le genre portée tantôt par la tête, tantôt par le dépendant, ou parfois
demeure ambiguë. En revanche, lorsque le dépendant est un pronom, le type
morphologique en général implique le genre.
Une attention particulière est accordée aux relations d’accord entre tête et dépendant
dans les rôles syntaxiques élémentaires : A (agent transitif), P (patient), U (participant
unique d’une construction intransitive). Le marquage de ces rôles diffère notablement
entre les noms de genre animé et ceux de genre inanimé. Le marquage des animés
présente les mêmes caractéristiques dans les quatre groupes, tandis que pour les
inanimés on observe que l’anatolien a un comportement radicalement distinct : le
marquage différencié de A et de U montre une capacité limitée des noms inanimés à
accéder au rôle d’agent, également reflétée dans l’indexation au verbe.
On estime que l’organisation dont l’anatolien témoigne doit être posée comme
originelle dans le domaine indo-européen : la contrainte de l’animation est
déterminante pour accéder au rôle d’agent.
Mots-clés :
reconstruction linguistique, évolution linguistique, typologie linguistique, dialectologie,
morphologie, syntaxe, accord, constituance, marquage tête-dépendant, animation,
indo-européen, védique, grec, latin, hittite.
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Abstract
The purpose of this work is to study co-variation mechanisms between the head of a
nominal constituent and its dependent(s) in the following ancient Indo-European
languages: Indo-Iranian, Greek, Italic and Anatolian. By analysing in detail nominal and
pronominal morphology within each of these groups, we shall determine which
agreement classes are possible, and which ones are not, and define which role is
played by desinential morphemes in the co-variation. In languages which distinguish
three genders, inflectional classes are more numerous and either the head or the
dependent bear the gender information, or neither, or both. However, when the
dependent is a pronoun, the gender may be implied by the morphological type.
We shall particularly focus on the agreement relations between head and dependent
in core syntactic roles: A (transitive agent), P (patient) and U (unique participant in an
intransitive construction). The marking of these roles is considerably different
depending on whether the nouns are animate or inanimate. Animate nouns are marked
in the same way in the four groups which are under scrutiny, whereas in the case of
inanimate nouns Anatolian behaves in a drastically different way: the differential
marking of A and U shows a limited capacity of inanimate nouns to become agents,
which is also reflected in verbal indexation.
The organisation shown by Anatolian is postulated as original in the field of Indo-
European: the constraint of animation is decisive in becoming an agent.
Key words:
linguistic reconstruction, linguistic evolution, linguistic typology, dialectology,
morphology, syntax, agreement, constituency, head-dependent marking, animation,
Indo-European, Vedic, Greek, Latin, Hittite.
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Riassunto
Lo studio ha per oggetto i meccanismi di co-variazione fra la testa di un costituente
nominale ed il suo (i suoi) dipendente/-i nelle lingue indoeuropee antiche : indo-iranico,
greco, italico ed anatolico. Un’analisi dettagliata della morfologia nominale e
pronominale all’interno di ognuno dei suddetti gruppi permette di determinare le classi
d’accordo possibili o meno per ognuna di queste lingue e di determinare il ruolo svolto
dai morfemi desinenziali nella co-variazione. Nelle lingue che distinguono tre generi le
classi flessive sono più numerose e l’informazione di genere è marcata a volte sulla
testa, a volte sul dipendente, a volte resta ambigua. Invece quando il dipendente è
pronominale, generalmente il tipo morfologico implica il genere.
Un’attenzione particolare viene rivolta all’accordo fra testa e dipendente nei ruoli
sintattici elementari: A (agente transitivo), P (paziente), U (partecipante unico di una
costruzione intransitiva). La marcatura di questi ruoli è diversa particolarmente fra i
nomi animati e quelli inanimati: la marcatura degli animati presenta le stesse
caratteristiche nei quattro gruppi, mentre per gli inanimeati si osserva che il
comportamento dell’anatolico è radicalmente diverso : la marcatura differenziata di A
e U mostra una limitata capacità dei verbi inanimati di accedere al ruolo d’agente e ciò
si riflette ugualmente nell’indicizzazione verbale.
Si ritiene che l’organizzazione testimoniata dai dati delle lingue anatoliche debba
essere ipotizzata come la situazione originaria nell’ambito indoeuropeo : il vincolo
dell’animatezza è determinante per accedere al ruolo d’agente.
Parole-chiave:
ricostruzione linguistica, evoluzione linguistica, tipologia linguistica, dialettologia,
morfologia, sintassi, accordo, costituenza, marcatura testa-dipendente, animazione,
indoeuropeo, vedico, greco, latino, ittita.
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Avant-propos
Opera natural è ch’om favella;
ma così o così, natura lascia
poi fare a voi, secondo ch’abbella1.
(Dante Alighieri, Paradis, XXVI, 130-132)
Après un certain nombre d’années passées à étudier la relation tête-dépendant dans
les langues indo-européennes, il ne m’est pas toujours facile de me remémorer le
chemin qui m’a conduit à choisir ce domaine de recherche. L’intérêt pour la
comparaison entre les langues indo-européennes est certes une vieille passion que je
cultive depuis les cours de glottologia suivis à l’Université de Milan et mes études de
Sanskrit entre Milan, Berlin et l’École Pratique des Hautes Études de Paris.
Le sujet choisi offre la possibilité de procéder à une analyse qui réunit morphologie et
syntaxe : en effet, dans la co-variation entre la tête d’un constituant nominal et ses
dépendants, l’enjeu est de voir comment ils interagissent dans les stratégies d’accord.
Le travail que j’effectue dans le cadre de mes activités professionnelles ne m’a pas
permis de travailler avec autant de continuité que je l’aurais souhaité : les cours
d’italien en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles, ainsi que la participation,
pendant quatre ans, aux travaux du jury de l’Agrégation interne d’italien, ont
inévitablement limité le temps consacré à mon travail de thèse et retardé son
achèvement.
Par ailleurs, le travail de recherche lui-même, la méthodologie à utiliser, les choix à
effectuer ont également constitué des moments de doutes que j’ai pu dépasser grâce
aux conseils et au soutien de mon directeur de thèse, M. Sylvain Patri, que je souhaite
remercier ici pour sa disponibilité et pour toutes les heures passées à discuter avec
moi des questions de dépendance et co-variation.
Plusieurs personnes autour de moi m’ont soutenu avec leurs encouragements : je
pense à ma mère, à tous les amis (en Italie, en France ou ailleurs) qui ont contribué
par leurs mots gentils à ce que ce travail de longue haleine arrive à son terme. Je les
remercie de tout cœur.
1 « Que l’homme parle est œuvre naturelle ; / mais qu’il parle de telle ou telle sorte, / Nature s’en remet à vos désirs » (traduction par Marc Scialom).
12
Je n’oublie pas les collègues du Lycée du Parc de Lyon avec qui j’ai discuté de temps
en temps de mon travail entre deux cours (parmi eux, ma pensée va à Robert Gamon
qui nous a quittés récemment), ni mes élèves qui s’amusaient en me voyant arriver en
cours avec des ouvrages dont les titres étaient à leurs yeux, pour ainsi dire,
« exotiques ».
Les réflexions que j’ai pu développer ont mûri aussi grâce aux échanges que j’ai pu
avoir avec des spécialistes du secteur au cours de séminaires et de colloques
internationaux qui m’ont maintes fois donné des conseils bibliographiques et des
suggestions extrêmement utiles. Je remercie tout particulièrement Mmes et MM. Guido
Borghi (Université de Gênes), Maria Piera Candotti (Université de Lausanne), Eugenio
Ramón Luján Martinez (Université de Madrid), Silvia Luraghi (Université de Pavie),
Daniel Petit (ENS/École Pratique des Hautes Études de Paris). Les longues
conversations avec Alfredo Rizza (Université de Vérone) ont été particulièrement
bénéfiques. Au sein de l’Université Lyon II, je remercie le laboratoire HiSoMA (UMR
5189), où j’ai trouvé le meilleur accueil pour mes recherches et un environnement de
travail stimulant.
Je remercie du fond du cœur tous les amis qui m’ont aidé avec un professionnalisme
et un dévouement qui m’a réellement ému, afin de relire mon travail et d’en éliminer
mes italianismes (toujours aux aguets) : Mmes et MM. Marie-Françoise et Pierre-Jean
Balzan, Maria Piera Candotti, Christelle Laizé-Gratias, Sofia Moncó Taracena, Jean-
Michel Pouzol, Damien Prévost, Léa Thalmard, Didier Voïta.
Enfin, merci à André Fabbri qui a apporté sa touche professionnelle dans la mise en
forme informatique de cette thèse.
De toutes les erreurs, les imprécisions et les omissions je suis, évidemment, le seul
responsable.
Novembre 2015
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Table des matières
Résumé ..................................................................................................................................... 5
Abstract ..................................................................................................................................... 7
Riassunto .................................................................................................................................. 9
Avant-propos .......................................................................................................................... 11
Table des matières ................................................................................................................ 13
1 INTRODUCTION .......................................................................................................... 23
1.1 Notion de tête et de dépendant ................................................................................. 23
1.1.1 La structure en constituants ................................................................................ 23
1.1.2 La notion de tête et de dépendant ....................................................................... 24
1.1.3 L’accord ............................................................................................................. 27
1.1.4 La notion de syncrétisme .................................................................................... 28
1.2 Domaine d’application : les langues indo-européennes ........................................... 30
1.2.1 Caractère flexionnel ........................................................................................... 31
1.2.2 Cas directs et cas obliques .................................................................................. 32
1.2.3 Vocatif ................................................................................................................ 32
1.2.4 Duel .................................................................................................................... 33
1.2.5 Les classes de flexion ......................................................................................... 33
1.2.6 Le genre grammatical ......................................................................................... 34
1.2.7 Difficulté de segmentation ................................................................................. 35
1.3 L’analyse tête-dépendant dans les langues indo-européennes ................................. 37
1.3.1 Méthodologie d’analyse ..................................................................................... 37
1.3.2 Têtes et dépendants ............................................................................................ 37
1.3.3 L’ordre des mots dans les langues indo-européennes ........................................ 39
1.3.4 Un phénomène homogène ? ............................................................................... 39
1.3.5 Avantages et inconvénients ................................................................................ 39
2 INDO-IRANIEN ............................................................................................................. 41
2.1 Introduction .............................................................................................................. 41
14
2.1.1 Généralités .......................................................................................................... 41
2.1.2 Védique .............................................................................................................. 42
2.1.3 Avestique ............................................................................................................ 43
2.2 Caractères morphosyntaxiques de l’indo-iranien ..................................................... 45
2.2.1 Genre .................................................................................................................. 45
2.2.2 Nombre ............................................................................................................... 45
2.2.3 Cas ...................................................................................................................... 45
2.2.4 Critères de classement traditionnellement pris en compte ................................. 46
2.2.5 Critères utilisés ................................................................................................... 47
2.2.6 Nom et adjectif en indo-iranien .......................................................................... 47
2.2.6.1 Critères phonologiques ............................................................................... 48
2.2.6.2 Critères morphologiques ............................................................................. 48
2.2.7 Code de présentation .......................................................................................... 49
2.3 Flexion nominale ...................................................................................................... 51
2.3.1 Classes de flexion ............................................................................................... 52
2.3.1.1 Classe A ...................................................................................................... 52
2.3.1.2 Classe B ...................................................................................................... 54
2.3.1.2.1 La morphologie et l’expression du genre ............................................... 54
2.3.1.2.2 Bilan ........................................................................................................ 57
2.3.1.3 Classe C ...................................................................................................... 57
2.3.1.3.1 Résidus de noms masculins .................................................................... 59
2.3.1.3.2 Critères segmentaux et suprasegmentaux ............................................... 61
2.3.1.3.3 Critères morphologiques ......................................................................... 62
2.3.1.3.4 Synthèse .................................................................................................. 63
2.3.1.4 Classe D ...................................................................................................... 64
2.3.1.5 Classe E ....................................................................................................... 67
2.3.1.6 Classe F ....................................................................................................... 69
2.3.1.7 Classe G ...................................................................................................... 70
2.3.1.8 Classe H ...................................................................................................... 71
2.3.1.9 Bilan ............................................................................................................ 72
2.3.1.9.1 Répartition des genres grammaticaux dans les classes de flexion .......... 72
2.3.1.9.2 Discrimination des cas directs dans les trois genres ............................... 74
2.3.2 Désinences employées ........................................................................................ 75
2.3.2.1 Classe A (masculins) - classe F (neutres) ................................................... 75
2.3.2.2 Classe B (masculins/féminins) - classe G (neutres) .................................... 76
2.3.2.3 Classe D (masculins/féminins) - classe G (neutres).................................... 77
2.3.3 Védique et avestique .......................................................................................... 78
15
2.3.4 Tableau récapitulatif des désinences nominales ................................................. 81
2.3.4.1 Observations ............................................................................................... 83
2.3.4.1.1 Expression du genre grammatical ........................................................... 83
2.3.4.1.2 Particularités de la classe B .................................................................... 83
2.3.4.1.3 Marques casuelles valables pour tous les types flexionnels ................... 83
2.3.4.1.4 Polysémie des désinences ....................................................................... 84
2.4 Flexion des adjectifs ................................................................................................. 86
2.4.1 Observations générales ....................................................................................... 86
2.4.2 Type 1. ................................................................................................................ 87
2.4.3 Type 2. ................................................................................................................ 89
2.4.3.1 Distribution des genres ............................................................................... 89
2.4.3.1.1 Nominatif singulier ................................................................................. 90
2.4.3.1.2 Accusatif pluriel ..................................................................................... 90
2.4.3.1.3 Instrumental singulier et génitif pluriel .................................................. 91
2.4.4 Type 3. ................................................................................................................ 92
2.4.5 Type 4 ................................................................................................................. 94
2.4.6 Bilan ................................................................................................................... 95
2.4.6.1 Cas directs ................................................................................................... 95
2.4.6.1.1 Spécification des désinences................................................................... 95
2.4.6.1.2 Accusatif pluriel ..................................................................................... 96
2.4.6.2 Cas obliques ................................................................................................ 96
2.4.7 Classes flexionnelles ayant vocation à fléchir des adjectifs ............................... 97
2.5 Flexion pronominale ................................................................................................ 98
2.5.1 Caractéristiques générales de la déclinaison pronominale ................................. 98
2.5.2 Répartition du genre ........................................................................................... 99
2.5.3 Pronoms démonstratifs ..................................................................................... 100
2.5.3.1 ayám, iyám, idám ...................................................................................... 100
2.5.3.2 asaú, adás ................................................................................................. 100
2.5.3.3 sás, sā ́, tád ................................................................................................. 102
2.5.3.4 Analyse des données ................................................................................. 103
2.5.3.5 Autres démonstratifs ................................................................................. 105
2.5.3.6 Désinences du neutre singulier ................................................................. 105
2.5.4 Bilan ................................................................................................................. 106
2.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 107
2.6.1 Considérations générales .................................................................................. 107
2.6.2 Nom et pronom dans les langues indo-européennes ........................................ 108
2.6.3 Les classes d’accord ......................................................................................... 108
16
2.6.4 Occurrences ...................................................................................................... 110
2.6.4.1 Classe B .................................................................................................... 110
2.6.4.2 Classe E ..................................................................................................... 111
2.6.4.3 Cas ambigus .............................................................................................. 113
2.6.4.4 Discordance en genre ................................................................................ 114
2.6.4.5 Discordance en nombre ............................................................................. 116
2.6.4.6 Discordances dans l’accord avec le prédicat............................................. 116
2.6.5 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 117
2.6.5.1 Rôles syntaxiques ...................................................................................... 117
2.6.5.2 Le sandhi ................................................................................................... 119
2.6.5.3 Catégorie des têtes nominales ................................................................... 119
2.6.5.4 Catégorie des dépendants .......................................................................... 121
2.6.5.5 L’accord tête-dépendant ............................................................................ 122
2.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 129
2.7.1 Observations sur les classes d’accord .............................................................. 129
2.7.2 Distribution des désinences .............................................................................. 130
2.7.3 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 131
2.7.3.1 Cas directs ................................................................................................. 131
2.7.3.2 Cas obliques : des comportements très différents ..................................... 132
2.7.3.3 Instrumental et locatif ............................................................................... 133
3 GREC ............................................................................................................................ 135
3.1 Introduction ............................................................................................................ 135
3.1.1 Généralités ........................................................................................................ 135
3.1.2 Les dialectes et leurs attestations...................................................................... 135
3.1.3 Différences dialectales ..................................................................................... 136
3.1.4 Le mycénien. Atouts et limites ......................................................................... 137
3.1.5 La koiné ............................................................................................................ 137
3.1.6 Choix de textes littéraires anciennement attestés ............................................. 138
3.2 Caractères morphosyntaxiques du grec .................................................................. 140
3.2.1 Le genre ............................................................................................................ 140
3.2.2 Le nombre ........................................................................................................ 140
3.2.3 Le cas ................................................................................................................ 140
3.2.4 Code de présentation ........................................................................................ 141
3.3 Flexion nominale .................................................................................................... 142
3.3.1 Introduction ...................................................................................................... 142
3.3.1.1 Architecture flexionnelle des masculins et des féminins .......................... 143
17
3.3.1.2 Architecture flexionnelle des neutres ........................................................ 143
3.3.2 Classe A ............................................................................................................ 144
3.3.3 Classe B ............................................................................................................ 146
3.3.3.1 L’alternance thématique ............................................................................ 148
3.3.3.2 Thèmes en voyelle .................................................................................... 149
3.3.3.3 Thèmes en diphtongue .............................................................................. 150
3.3.4 Classe C ............................................................................................................ 151
3.3.4.1 Thèmes en -ā- ........................................................................................... 151
3.3.4.2 Thèmes en -ă- ........................................................................................... 152
3.3.4.3 Les données du mycénien dans l’analyse d’I. Hajnal ............................... 154
3.3.5 Classe D ............................................................................................................ 155
3.3.6 Classe E ............................................................................................................ 156
3.3.7 Relation entre classes de flexion et genre ........................................................ 158
3.3.8 Résidus de cas disparus .................................................................................... 158
3.3.9 La désinence -phi .............................................................................................. 159
3.3.10 Autres structures flexionnelles ......................................................................... 159
3.3.10.1 Homophonie génitif singulier-accusatif pluriel ........................................ 159
3.3.10.2 Homophonie nominatif singulier - accusatif pluriel ................................. 160
3.3.11 Fluctuation dans les genres .............................................................................. 161
3.3.12 Tableau comparatif des désinences nominales ................................................. 162
3.3.13 Observations ..................................................................................................... 164
3.3.14 Problèmes de segmentation .............................................................................. 166
3.3.15 Polysémie des désinences ................................................................................. 167
3.4 Flexion des adjectifs ............................................................................................... 169
3.4.1 Type 1 ............................................................................................................... 170
3.4.2 Type 2 ............................................................................................................... 171
3.4.3 Type 3 ............................................................................................................... 171
3.4.4 Type 4 ............................................................................................................... 173
3.4.5 Type 5 ............................................................................................................... 174
3.4.6 Type 6 ............................................................................................................... 175
3.4.7 Observations ..................................................................................................... 177
3.4.7.1 La formation du féminin ........................................................................... 177
3.4.7.2 Emplois du neutre ..................................................................................... 177
3.4.7.3 Cas d΄homophonie .................................................................................... 178
3.4.7.4 Une classe de flexion typiquement adjectivale ......................................... 179
3.4.7.5 L’expression du genre ............................................................................... 180
3.5 Flexion pronominale .............................................................................................. 183
18
3.5.1 Pronoms démonstratifs ..................................................................................... 183
3.5.1.1 Flexion ...................................................................................................... 184
3.5.1.2 Fonctions ................................................................................................... 186
3.5.2 Pronom relatif ................................................................................................... 187
3.5.3 Pronoms interrogatif et indéfini ....................................................................... 187
3.5.4 Bilan ................................................................................................................. 188
3.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 190
3.6.1 Définition des classes d’accord ........................................................................ 190
3.6.2 Discordances .................................................................................................... 193
3.6.2.1 Discordances en genre .............................................................................. 194
3.6.2.1.1 Concret/abstrait ..................................................................................... 194
3.6.2.1.2 Constituants coordonnés ....................................................................... 195
3.6.2.1.3 L’accord des adjectifs en -ú-................................................................. 197
3.6.2.1.4 Au-delà du constituant nominal ............................................................ 200
3.6.2.2 Discordances en nombre ........................................................................... 201
3.6.2.2.1 Duel vs. pluriel ..................................................................................... 201
3.6.2.2.2 Une tendance dans la formation du collectif ........................................ 201
3.6.2.3 Discordances en cas .................................................................................. 203
3.6.3 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 204
3.6.3.1 Catégorie des têtes nominales ................................................................... 204
3.6.3.2 Catégorie des dépendants .......................................................................... 206
3.6.3.3 L’accord entre tête et dépendant ............................................................... 207
3.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 211
3.7.1 Observations sur les accords tête-dépendant .................................................... 211
3.7.2 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 212
4 ITALIQUE .................................................................................................................... 215
4.1 Introduction ............................................................................................................ 215
4.1.1 Généralités ........................................................................................................ 215
4.1.2 Le latin .............................................................................................................. 216
4.1.3 L’osque ............................................................................................................. 217
4.1.4 L’ombrien ......................................................................................................... 218
4.2 Caractères morphosyntaxiques de l’italique .......................................................... 219
4.2.1 Genre ................................................................................................................ 219
4.2.2 Nombre ............................................................................................................. 220
4.2.3 Cas .................................................................................................................... 220
4.2.4 Considérations sur le système casuel de l’italique ........................................... 221
19
4.2.5 Code de présentation ........................................................................................ 222
4.3 Flexion nominale .................................................................................................... 223
4.3.1 Classes de flexion ............................................................................................. 223
4.3.2 Classe A ............................................................................................................ 224
4.3.3 Classe B ............................................................................................................ 228
4.3.4 Classe C ............................................................................................................ 232
4.3.5 Classe D ............................................................................................................ 237
4.3.6 Classe E ............................................................................................................ 239
4.3.7 Classe F ............................................................................................................ 241
4.3.8 Classe G ............................................................................................................ 245
4.3.9 Classe H ............................................................................................................ 246
4.3.10 Observations ..................................................................................................... 247
4.3.11 Tableau comparatif des désinences nominales ................................................. 250
4.3.12 Observations ..................................................................................................... 252
4.3.12.1 Différenciation animé/inanimé ................................................................. 252
4.3.12.2 Cas circonstanciels .................................................................................... 252
4.3.12.3 Pluriel ........................................................................................................ 254
4.3.12.4 Stratégies de différenciation du genre ....................................................... 254
4.3.12.5 Fluctuation dans les genres ....................................................................... 255
4.3.12.6 Polysémie des désinences ......................................................................... 256
4.4 Flexion des adjectifs ............................................................................................... 258
4.4.1 Type 1 ............................................................................................................... 259
4.4.2 Type 2 ............................................................................................................... 260
4.4.3 Type 3 ............................................................................................................... 262
4.4.4 Type 4 ............................................................................................................... 263
4.4.5 Observations ..................................................................................................... 264
4.4.6 Bilan ................................................................................................................. 265
4.5 Flexion pronominale .............................................................................................. 266
4.5.1 Pronoms démonstratifs ..................................................................................... 267
4.5.1.1 Le pronom anaphorique is, ea, id .............................................................. 267
4.5.1.2 Pronoms déictiques ................................................................................... 271
4.5.1.3 L’emploi des pronoms anaphoriques ........................................................ 272
4.5.1.4 Pronom interrogatif/indéfini ..................................................................... 274
4.5.1.5 Pronom relatif ........................................................................................... 278
4.5.2 Bilan ................................................................................................................. 279
4.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 281
4.6.1 Introduction ...................................................................................................... 281
20
4.6.2 Marquage sur la tête ou sur le dépendant ......................................................... 283
4.6.3 Discordances en nombre .................................................................................. 285
4.6.3.1 Concordance selon le sens ........................................................................ 285
4.6.3.2 Neutre pluriel ............................................................................................ 286
4.6.4 Discordance en genre ....................................................................................... 287
4.6.4.1 Concordance selon le sens ........................................................................ 287
4.6.4.2 Constituants coordonnés ........................................................................... 287
4.6.5 Discordances en cas.......................................................................................... 289
4.6.6 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 290
4.6.6.1 Catégories des têtes nominales ................................................................. 290
4.6.6.2 Catégorie des dépendants .......................................................................... 291
4.6.6.3 L’accord entre tête et dépendant ............................................................... 292
4.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 296
4.7.1 Observations sur les accords tête-dépendant .................................................... 296
4.7.2 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 297
4.7.3 Cas directs ........................................................................................................ 298
4.7.4 Cas obliques ..................................................................................................... 298
5 ANATOLIEN ................................................................................................................ 301
5.1 Introduction ............................................................................................................ 301
5.1.1 Généralités ........................................................................................................ 301
5.1.2 Hittite ................................................................................................................ 302
5.1.3 Louvite ............................................................................................................. 303
5.1.4 Autres langues .................................................................................................. 303
5.1.5 La branche anatolienne au sein des langues indo-européennes ....................... 304
5.2 Caractères morphosyntaxiques de l’anatolien ........................................................ 305
5.2.1 Nombre ............................................................................................................. 305
5.2.2 Genre ................................................................................................................ 305
5.2.3 Cas .................................................................................................................... 309
5.2.3.1 Problèmes d’interprétation casuelle .......................................................... 309
5.2.3.2 Hypothèse dérivationnelle......................................................................... 310
5.2.3.3 Ergativité ................................................................................................... 312
5.2.3.4 Ablatif ....................................................................................................... 313
5.2.3.5 Bilan .......................................................................................................... 314
5.3 Flexion nominale .................................................................................................... 316
5.3.1 Classes de flexion ............................................................................................. 316
5.3.2 Classe A ............................................................................................................ 317
21
5.3.3 Classe B ............................................................................................................ 318
5.3.3.1 La désinence /-anz/.................................................................................... 319
5.3.3.2 Marques de pluriel aux cas directs ............................................................ 320
5.3.3.3 Indexation au verbe ................................................................................... 321
5.3.4 Tableau comparatif des désinences nominales ................................................. 324
5.3.5 Hypothèses sur les graphies -a(n)ts / -a(n)z(a) ................................................. 325
5.3.6 Observations : ................................................................................................... 326
5.3.6.1 Marquages casuels .................................................................................... 326
5.3.6.2 Polysémie des désinences ......................................................................... 328
5.4 Flexion des adjectifs ............................................................................................... 330
5.4.1 Type 1 ............................................................................................................... 331
5.4.2 Type 2 ............................................................................................................... 332
5.4.3 Type 3 ............................................................................................................... 333
5.4.4 Observations : ................................................................................................... 333
5.5 Flexion pronominales ............................................................................................. 335
5.5.1 Pronoms déictiques et anaphoriques ................................................................ 335
5.5.1.1 Formes fortes ............................................................................................ 335
5.5.1.2 Clitiques .................................................................................................... 338
5.5.2 Pronom relatif-interrogatif ............................................................................... 340
5.5.3 Bilan ................................................................................................................. 342
5.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 344
5.6.1 Considérations générales .................................................................................. 344
5.6.2 Classes d’accord ............................................................................................... 345
5.6.3 Accord des substantifs montrant -a(n)za dans le rôle d’agent transitif ............ 347
5.6.3.1 Conséquences sur l’hypothèse dérivationnelle ......................................... 347
5.6.3.2 Conséquences sur l’hypothèse ergative .................................................... 348
5.6.3.3 Conséquences sur l’hypothèse ablativale .................................................. 349
5.6.4 Discordances .................................................................................................... 349
5.6.4.1 Discordance en genre ................................................................................ 349
5.6.4.2 Discordance en nombre ............................................................................. 349
5.6.4.3 Discordance en cas .................................................................................... 351
5.6.5 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 352
5.6.5.1 Catégorie des têtes nominales ................................................................... 352
5.6.5.2 Catégorie des dépendants .......................................................................... 353
5.6.5.3 L’accord entre tête et dépendant ............................................................... 354
5.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 357
5.7.1 Observations sur les classes d’accord .............................................................. 357
22
5.7.2 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 358
6 CONCLUSION ............................................................................................................. 361
6.1 Généralités .............................................................................................................. 361
6.2 Morphologie de l’adjectif ....................................................................................... 361
6.3 Morphologie pronominale ...................................................................................... 363
6.4 Les classes d’accord : comparaison des résultats ................................................... 365
6.5 Distribution des marques désinentielles dans les arguments syntaxiques .............. 370
6.6 Marquage du nominatif .......................................................................................... 373
6.7 Hypothèses de reconstruction ................................................................................. 375
6.7.1 Morphologie de type accusatif ......................................................................... 376
6.7.2 La position de l’anatolien ................................................................................. 377
6.7.3 L’absence de féminin ....................................................................................... 377
6.7.4 L’organisation UP ≠ A ..................................................................................... 378
6.8 Bilan ....................................................................................................................... 380
Bibliographie ......................................................................................................................... 383
23
1 INTRODUCTION
1.1 Notion de tête et de dépendant
1.1.1 La structure en constituants
Un constituant regroupe des mots qui fonctionnent comme un seul bloc à un niveau
de la structure. La nécessité de regrouper ainsi les mots naît du fait que des énoncés
peuvent devenir ambigus, non parce qu’ils contiennent des mots ambigus, mais parce
qu’ils donnent lieu à plusieurs interprétations possibles. C’est le cas du syntagme the
tall bishop’s hat, discuté par Kroeger [2005 : 27] qui peut être interprété de deux façons
différentes, comme on le voit dans l’exemple (1) :
(1) a. The [tall bishop]’s hat
b. The tall [bishop’s hat]
Cela montre que les mots se regroupent en constituants, tant au niveau du syntagme
qu’au niveau phrastique, et que ces regroupements permettent de déterminer le sens
du syntagme ou de la phrase. La question qui se pose maintenant est de comprendre
comment l’on identifie les constituants. Creissels [2006 : I, 19] observe qu’en français
la possibilité de placer un groupe de mots en position non canonique dans une
construction clivée permet de reconnaître comme constituants ces groupes de mots.
C’est ce qu’il arrive dans les exemples (2b) et (2c), et non dans (2d) et (2e) :
(2) a. Jean a parlé [de son projet de thèse] [au directeur du département]
b. C’est [de son projet de thèse] que Jean a parlé […] [au directeur du département]
c. C’est [au directeur du département] que Jean a parlé […] [de son projet de thèse]
d. *C’est [au directeur] que Jean a parlé de son projet de thèse […] du département
e. *C’est [de son projet] que Jean a parlé […] de thèse au directeur du département
Selon les types de mots qu’ils comprennent, on reconnait plusieurs types de
constituants, à savoir :
24
1) constituant nominal : formé d’un nom et d’un déterminant, d’un adjectif, d’un pronom ;
2) constituant adpositionnel : formé d’une adposition et de l’objet de l’adposition ;
3) constituant phrastique : formé d’un verbe et de ses compléments.
1.1.2 La notion de tête et de dépendant
À l’intérieur d’un constituant, la tête est l’élément qui impose ses propriétés
syntaxiques aux autres éléments qui composent le constituant et sont appelés ses
dépendants. Les dépendants adoptent les propriétés de la tête. En français, par
exemple, les déterminants, démonstratifs et adjectifs inclus dans un même constituant
reflètent, en principe (les formes invariables mises à part) des propriétés imposées par
le nom avec lequel ils sont en relation :
Tabl. 1
Tête Dépendant Exemples
nom déterminants le / ce repas
la / une chambre
nom démonstratif ce repas
cette chambre
nom adjectif repas froid
chambre froide
nom possessif son repas
sa chambre
La relation tête-dépendant est la conséquence du fait que les propriétés d’un
constituant nominal dépendent d’un terme et d’un seul, quel que soit le nombre de
termes formant ce constituant, par exemple repas dans le très mauvais repas froid de
la fin de journée à la campagne.
Autrement dit, la tête est le terme dont dépendent les propriétés syntaxique du
constituant considéré dans son ensemble. Les dépendants sont, négativement, les
termes qui font partie d’un constituant sans imposer à ce constituant quelque propriété
syntaxique que ce soit.
Cette relation fonctionne de façon homogène à l’intérieur du constituant nominal, mais
cela n’implique pas qu’elle s’adapte également bien au niveau de la proposition. En
effet, dans les langues indo-européennes il est souvent difficile dire quel élément, sujet
ou verbe, est la tête d’un constituant phrastique car le verbe indexe les propriétés du
25
sujet (le chat dort / les chats dorment), mais il impose également à son objet des
propriétés de marquage spécifique (en russe, košk-a spit « le chat dort », et Ivan videl
košk-u « Ivan a vu un chat »).
Nous limiterons la présente étude à l’analyse du rapport tête dépendant à l’interieur du
constituant nominal, donc essentiellement au rapport de dépendance qui lie un adjectif
ou un pronom démonstratif, interrogatif ou indéfini au substantif, qui constitue la tête
du syntagme nominal.
(Les exemples cités, ainsi que le tabl. 1, sont tirés des fiches de syntaxe des MM. Patri
et Martinie).
Comme Nichols [1986 : 56 sqq.] le met en évidence, la relation syntaxique qui s’établit
entre une tête et un dépendant est signalée par le marquage de l’un ou de l’autre
élément du constituant.
A priori, il y a quatre possibilités :
1) marquage zéro ;
2) marquage de tête (head-marking) ;
3) marquage de dépendant (dependent marking) ;
4) double marquage.
Le marquage zéro est fréquent dans les langues qui sont dépourvues de morphologie
flexionnelle : dans ce type, les termes du constituant sont simplement juxtaposés, sans
qu’aucun terme ne soit explicitement marqué (cf. (3)). La relation syntaxique est définie
le plus souvent par l’ordre des mots :
(3) Asmat (trans-néo-guinéen, asmat-kamaro. Indonésie)
no cém
1S maison
« Ma maison ».
Les exemples (4) et (5) présentent respectivement des cas de marquages de tête et
de dépendant. Nous avons suivi l’exemple de Nichols et avons indiqué la tête par un
exposant T et la marque de dépendance par un exposant M :
26
(4) a. Tadjik Hků̊h-Mi baland
b. Persan Hkûh-Me boländ
montagne haut
« haute montagne »
(5) Italien (indo-européen, roman)
a. Mil Tbambino piccol-Mo
DÉT.SGM enfant.SGM petit.SGM
« Le petit garçon »
b. Mla Tbambina piccol-Ma
DÉT.SGF enfant.SGF petit.SGF
« La petite fille »
Il est également possible que le marquage soit redondant, sur la tête et sur le
dépendant, comme dans l’exemple (6) :
(6) Turc (altaïque)
ev-Min Tkapi̶-Msi̶
maison-GÉN porte-3sg
« La porte de la maison »
Dans certaines langues, plusieurs types de marquage peuvent coexister dans
différents contextes syntaxiques (marquage scindé, split-marking). Dans les langues
bantoues telles que le tonga, par exemple, on observe aussi bien des marquages de
têtes que de dépendants, selon qu’on a affaire respectivement à des têtes verbales ou
non verbales.
Le marquage sur la tête et/ou sur le dépendant n’est pas la seule stratégie employée
par les langues pour codifier les fonctions syntaxiques : nous avons vu que certaines
langues s’appuient simplement sur l’ordre des mots (pour cette stratégie et d’autres
encore, cf. Andrews [20072 : I 141 sqq.]). Mais, ce système peut fonctionner seulement
lorsque la langue en question possède un ordre des mots rigide et est plus fréquent
en absence de morphologie flexionnelle. Or ce n’est pas le cas des langues indo-
européennes anciennes, qui sont caractérisées par une morphologie nominale très
riche et par un ordre des mots dans la phrase très libre.
27
Le sujet des notions de tête et de dépendant a fait l’objet de plusieurs interprétations
parfois discordantes. Par exemple, le courant chomskyen a longtemps estimé que les
noms étaient les têtes de leurs déterminants avant de renverser complètement les
termes de cette analyse, à la suite de S. Abney, The English Noun Phrase in its
Sentential Aspect. Ph. D. Thesis, MIT 1987. Nous précisons que la notion utilisée dans
ce travail n’a rien à voir avec l’acception qu’elle a acquis dans ces courants de la
grammaire générative.
1.1.3 L’accord
L’accord entre un nom et ses dépendants consiste « en ce que plusieurs mots parmi
ceux qui entrent dans la formation du constituant nominal varient conjointement pour
exprimer des caractéristiques grammaticales ou sémantiques du constituant nominal
ou de son référent (nombre, cas, genre) » (Creissels [2007 : I 24]). Le concept de co-
variance est central, comme le souligne aussi Corbett [2006a : 4] en disant qu’il n’est
pas suffisant que deux termes aient des propriétés en commun ; encore faut-il que ce
partage soit systématique, ce qui se produit lorsqu’un élément varie en même temps
que l’autre.
Creissels précise qu’une construction où il y a accord se caractérise par le fait que les
termes concernés ne doivent pas avoir deux spécifications différentes du même trait
et oppose des combinaisons bien formées comme [l’enfant]SG [viendra]SG et [les
enfants]PL [viendront]PL à *[l’enfant]SG [viendront]PL ou *[les enfants]PL [viendra]SG, qui
sont impossibles. Sur les situations canoniques d’accord dans les langues indo-
européennes, cf. aussi Blake [20012 : 7].
Dans certains cas, l’accord n’est pas canonique, comme on le voit dans l’exemple (7) :
(7) a. The committee has decided.
b. The committee have decided.
Les deux propositions en (7) sont correctes, mais l’une présente un accord syntaxique
(au singulier, (7a)), l’autre un accord sémantique (au pluriel, (7b)). Corbett [1991 : 225
28
sq.] et [2006a : 206 sq.] observe que cette oscillation ne se produit pas avec tous les
types de dépendants : par exemple, dans le cas de l’adjectif épithète seul l’accord
syntaxique est possible. Ces considérations le conduisent à formuler une hiérarchie
de l’accord qui se présente de la façon suivante :
épithète > prédicat > pronom relatif > pronom personnel.
En se déplaçant vers la droite dans cette hiérarchie, la probabilité de rencontrer des
accords sémantiques augmente.
1.1.4 La notion de syncrétisme
Étant donné que nous avons affaire à des langues flexionnelles, il est nécessaire
d’aborder une notion que nous rencontrerons à plusieurs reprises dans notre analyse
et qui a donné lieu dans la littérature scientifique à des interprétations différentes, à
savoir celle de « syncrétisme ».
On parle de syncrétisme casuel lorsque dans un paradigme on remarque une fusion
entre deux ou plusieurs cas grammaticaux. Les raisons ou les conditions qui
conduisent ces cas à fusionner sont différentes et produisent des interprétations
différentes de ce phénomène.
Luraghi [1996 : 42 sq.] privilégie une interprétation diachronique : la condition
nécessaire pour parler de syncrétisme n’est pas qu’il y ait une identité formelle entre
deux mots-formes, mais le plan fonctionnel est prioritaire : il faut qu’entre les formes
qui syncrétisent il y ait une « synonymie suffisante » qui peut être d’ordre sémantique
ou d’ordre syntaxique. C’est l’acception que ce terme assume le plus souvent dans les
études indo-européennes, comme en témoigne Petit [2007 : 325 sq.] : « le syncrétisme
proprement dit, c’est-à-dire la confusion complète de deux ou de plusieurs cas, n’est
pas toujours clairement distingué de phénomènes d’extension plus étroite, tels que la
confusion ponctuelle de deux ou plusieurs cas à l’intérieur d’un paradigme isolé, alors
que ces cas s’opposent encore visiblement dans d’autres paradigmes. À la suite de
différents auteurs, on peut regrouper ces phénomènes de neutralisation partielle sous
le nom de « sous-spécification » (en anglais underspecification) et réserver le terme
de « syncrétisme » pour désigner une neutralisation générale, aboutissant à la
disparition complète d’un cas […] Le syncrétisme est essentiellement de nature
29
diachronique, tandis que la sous-spécification résulte d’une configuration
synchronique ». Cf. également le schéma des syncrétismes des cas indo-européens
en grec et en latin proposé par Maier-Brügger [1985 : 271].
En revanche, Baerman, Brown & Corbett [2005 : 2] définissent le syncrétisme comme
« a failure to make a morphosyntactically relevant distinction ». Leur point de vue se
concentre sur une analyse synchronique des données linguistiques, dans l’objectif de
repérer les circonstances dans lesquelles certaines distinctions dans un système
flexionnelles sont neutralisées. En suivant ce point de vue, c’est le plan phonologique
qui est prioritaire.
Dans notre travail, nous allons analyser la structure morphologique nominale dans
certaines branches de la famille indo-européenne. Nous aborderons l’analyse
morphologique sous un aspect essentiellement synchronique. Dans chaque chapitre,
nous avons mis en évidence comme syncrétiques les désinences qui ne se laissent
pas interpréter comme spécifiques d’un seul rôle syntaxique :
cumul de plusieurs relations grammaticales ;
cumul de plusieurs rôles sémantiques ;
simple homophonie.
30
1.2 Domaine d’application : les
langues indo-européennes
Cette étude a pour domaine de recherche les langues indo-européennes. Il s’agit de
la famille linguistique la plus étudiée et la mieux connue, la plus diffusée dans le monde
et celle pour laquelle on dispose de la plus grande quantité de matériel, même en
diachronie.
En effet, nous disposons d’attestations de langues indo-européennes depuis des
époques fort lointaines jusqu’à nos jours. Avec le temps, les idiomes se sont
différenciés, mais pas au point de ne plus être reconnaissables comme appartenant à
la famille linguistique indo-européenne. Cf. Meillet [1937 : 382] : « Le détail des
changements diffère d’un idiome à l’autre. Mais les changements se sont, dans une
large mesure, opérés en un même sens, si bien que, après de longs siècles
d’isolement absolu, les langues de la famille indo-européenne se trouvent avoir modifié
d’une manière sensiblement pareille le type de la période d’unité ».
Nous nous occuperons plus particulièrement des langues anciennes, ce qui entraîne
une série de contraintes qui seront détaillées plus loin. La quantité d’attestation et la
diversité dont chaque langue fait état sont trop importantes pour pouvoir rendre compte
de tous les groupes faisant partie de cette famille. Un choix a donc dû être opéré afin
de restreindre le corpus. Notre choix a été d’étudier les langues les plus anciennement
attestées, en nous limitant à celle qui sont attestées avant notre ère. Quatre groupes
feront l’objet de l’analyse :
l’indo-iranien, dont les attestations sont très difficiles à dater ; on estime que les
premiers témoignages remontent à la fin du IIème millénaire dans le Pendjab et dans le
nord-est de l’Inde actuelle ;
le grec qui, attesté d’abord autour du XIVème siècle avant J.-C. sous la forme du
mycénien, assure une continuité d’attestation entre le VIIIème siècle et nos jours ;
le groupe italique, attesté à partir du VIème siècle dans la péninsule italienne et qui
comprend la langue de Rome ;
l’anatolien, le groupe qui a délivré les plus anciens témoignages d’une langue indo-
européenne (à partir du XVIIème siècle avant J.-C.), mais qui s’est éteint avant l’ère
chrétienne.
31
L’analyse comparée des données qui émergent dans chaque langue contribue à
reconstruire la forme originelle qui peut être supposée comme étant à l’origine de
toutes les formes historiquement attestées (non une protolangue réellement parlée par
un peuple défini et déterminé, mais une reconstruction scientifique).
1.2.1 Caractère flexionnel
Un des caractères communs à toutes les langues indo-européennes est d’avoir une
morphologie flexionnelle très riche, aussi bien en ce qui concerne le nom que le verbe.
L’analyse comparée de la morphologie nominale conduit à constituer un système
flexionnel constitué de huit cas : nominatif, vocatif, accusatif, instrumental, datif, ablatif,
génitif, locatif.
Ce système a évolué de façon différente dans les langues de la famille indo-
européenne : Kulikov [2006 : 40] et [2011 : 455] montre que certaines d’entre elles ont
réduit, voire perdu le nombre des cas grammaticaux distingués dans la flexion
(germanique, italique/roman, celtique, albanais, grec), d’autres ont acquis de
nouveaux cas, souvent grâce à des phénomènes de contact (langues néo-indiennes,
tokharien), pour d’autres le nombre de cas distingués dans le paradigme nominal est
supposé rester stable (arménien, slave, lituanien, même si ce dernier a perdu certains
cas originels de la flexion indo-européenne et a enrichi sa flexion de nouvelles
distinctions casuelles).
Le nom qui est attribué à un cas grammatical dans une langue est parfois une simple
étiquette qui ne permet pas toujours de comprendre quel est le rôle sémantique
couvert par le mot-forme concerné. Cela est vrai notamment lorsqu’un cas se retrouve,
par syncrétisme, à exprimer deux rôles sémantiques ou plus. Comme Fox [1995 : 94
sqq.] le signale, on peut mettre en parallèle le sanskrit padí, le grec podí et le latin
pede et reconstruire un suffixe *-i, mais il n’est pas facile de déterminer le rôle originaire
de cette désinence, parce qu’en sanskrit elle est considérée comme une marque de
locatif, en grec elle est appelée « datif » et en latin « ablatif ». Il faut donc traiter avec
précaution ces étiquettes car ce qui est appelé « datif » dans une langue ne
correspond pas forcément à ce qu’on appelle « datif » dans une autre langue.
32
1.2.2 Cas directs et cas obliques
Mis à part le nom qui définit le rôle propre à chaque cas, nous utiliserons la
terminologie suivante pour définir les cas grammaticaux de l’indo-européen :
cas directs : nominatif, accusatif et vocatif (les deux premiers sont appelés aussi cas
nucléaires ou cas syntaxiques ; s’agissant du vocatif, se référer au § 1.2.4) ;
cas obliques : génitif, datif, instrumental, ablatif, locatif, qui traduisent des rapports
indirects avec le prédicat (cf. Alosi e Pagliani [1985 : 17]).
Ce choix terminologique est repris de la pratique traditionnelle de l’enseignement des
langues classiques, notamment en Italie. D’autres traditions réservent le terme cas
direct au seul nominatif. Le nominatif et l’accusatif sont aussi appelés cas nucléaires
(en anglais core cases) car ils expriment les relations les plus étroites entre le nom et
le verbe (ils s’opposent ainsi aux cas périphériques). Le terme cas syntaxique ne
s’applique pas seulement au nominatif et à l’accusatif, mais dans certaines
circonstance aussi au génitif et au datif : l’emploi de ce terme engendrerait donc une
certaine conclusion.
Enfin, instrumental, ablatif et locatif peuvent être aussi définis comme cas locaux (cf.
Blake [20012 : 33]).
1.2.3 Vocatif
Les descriptions traditionnelles des langues classiques citent toujours le vocatif parmi
les cas grammaticaux qui forment le paradigme nominal. Mais en réalité il s’agit d’un
cas à part car il n’apparaît jamais intégré dans un contexte syntaxique, il ne peut pas
être dépendant dans une construction (cf. Blake [20012 : 8]). Nous ne considérerons
donc pas le vocatif comme un cas à part entière et ne l’inclurons pas dans notre
analyse.
33
1.2.4 Duel
Certaines langues indo-européennes distinguent trois nombres : singulier, duel,
pluriel, tandis que d’autres ne semblent pas connaître le duel, ou n’en gardent que
quelques reliquats. Corbett [2000 : 38] établit une hiérarchie du nombre :
singulier > pluriel > duel > triel
Il rappelle aussi l’universel n° 34 de Greenberg : « No language has a trial number
unless it has a dual. No language has a dual unless it has a plural ». Dans les langues
indo-européennes, le duel n’est pas conservé partout et là où il existe encore il
neutralise plusieurs oppositions : en védique, le duel a une forme syncrétique pour le
nominatif et l’accusatif, une pour l’instrumental, le datif et l’ablatif, une pour le génitif et
le locatif.
Il a été décidé de ne pas prendre en compte le duel qui n’est présent que dans une
minorité de langues indo-européennes, où d’ailleurs son emploi est assez limité, et n’a
donc pas de signification discriminante dans une perspective comparatiste.
1.2.5 Les classes de flexion
Tous les mots ne se fléchissent pas de la même façon. Ainsi, il existe plusieurs
désinences pour exprimer le nominatif (singulier comme pluriel), l’accusatif et tous les
autres cas. Comme le soulignent Bickel et Nichols [2007 : III 203], les classes
flexionnelles peuvent différer l’une de l’autre soit pour la voyelle thématique, soit pour
la désinence elle-même. Une classe de flexion (ou classe flexionnelle) est un
paradigme dans lequel tous les noms sélectionnent la même désinence. Cf. Corbett
[2006b : 1] : « The point is that we can define it, we can recognize it if we fin dit, and it
givesus a measure of canonicity according to which we can calibrate the instances of
inflectional morphology we find ».
Comme nous le verrons au cas par cas, il se peut qu’une classe de flexion comprenne
des mots appartenant à un seul genre grammatical ou plusieurs : de même, un genre
grammatical peut correspondre à plusieurs classes flexionnelles (cf. Brown [2011 :
489] et aussi Corbett [1991 : 34-50]).
34
Selon les traditions, les grammairiens ont souvent proposé de regrouper les différentes
classes flexionnelles selon des critères phonologiques : en grec et en italique on parle
de première déclinaison, deuxième déclinaison, etc., dans d’autres langues, comme
l’indo-iranien les regroupe selon le dernier phonème du thème nominal.
Dans l’introduction à l’indo-iranien, nous préciserons notre critère de définition des
classes flexionnelles dans ce travail.
1.2.6 Le genre grammatical
Les noms des langues que nous allons étudier peuvent appartenir à trois genres
grammaticaux (deux pour l’anatolien). Le genre est la traduction d’un mécanisme de
catégorisation nominale qui se manifeste :
par un phénomène d’accord (à savoir le fait qu’un nom impose ses propriétés
morphosyntaxiques à un dépendant);
et/ou dans la morphologie.
La partition de l’ensemble des lexèmes nominaux d’une langue entre plusuieurs
genres fait que certains noms prennent un morphème, tandis que d’autres prennent
un autre morphème.
La notion de genre grammatical se base sur un rapport purement syntaxique, qui ne
tient pas compte de la sémantique du référent. En d’autres mots, un nom est masculin,
ou féminin, ou neutre parce qu’il sélectionne un dépendant respectivement masculin,
féminin ou neutre et non pas à cause du sexe du référent. Ledo-Lemos [2003 : 5 sq.]
signale que « grammatical gender only exists if a determined type of agreement
exists ».
Les noms peuvent être assignés à un genre selon des critères sémantiques ou selon
une combinaison entre critères sémantiques et critères formels (Corbett [1991 : 68]).
Les catégories qui s’accordent en foction du genre sont les suivantes :
adjectifs ;
pronoms délocutifs et relatif/interrogatif ;
formes non finies du verbe (participes) ;
déterminants (dans les langues qui en ont).
35
1.2.7 Difficulté de segmentation
Une difficulté que l’on rencontre souvent dans l’analyse morphologique des langues
flexionnelles est celle de séparer les morphèmes dans chaque mot-forme. Ces
morphèmes sont bien séparés dans une langue agglutinante comme le hongrois, où
chaque morphème porte une seule information et tous les morphèmes sont
juxtaposés, cf. l’exemple (8) dans lequel on distingue les morphèmes -t d’accusatif et
-k de pluriel :
(8) Hongrois (finno-ougrien)
gyümölcs-ø « le fruit », nominatif singulier
gyümölcs-öt accusatif singulier
gyümölcs-ök nominatif pluriel
gyümölcs-ök-et accusatif pluriel
Dans une langue flexionnelle, en revanche, une désinence amalgame plusieurs
informations :
(9) Grec (indo-européen)
ánthrōp-os « l’homme » nominatif singulier
ánthrōp-on accusatif singulier
ánthrōp-oi nominatif pluriel
anthrṓp-ōṣ accusatif pluriel
La désinence -on de ánthrōpon réunit l’information de cas (accusatif) et de nombre
(singulier). La même chose est valable pour la désinence -ous d’accusatif pluriel. Mais
un autre problème se pose dans la segmentation du mot : en effet -o- est ici la voyelle
thématique et ne fait pas partie de la désinence ; elle est plutôt une « extension du
thème » (Bickel-Nichols [20072 : III 203]). De plus, elle n’est pas toujours séparable de
la désinence, ce qui rend la segmentation de morphèmes plutôt compliquée. Nous
avons essayé, là où cela était possible, de séparer les voyelles thématiques des
36
désinences casuelles, en gardant à l’esprit que les deux analyses peuvent être
soutenues (voir plus en détail, § 3.3.14).
37
1.3 L’analyse tête-dépendant dans
les langues indo-européennes
1.3.1 Méthodologie d’analyse
Pour chaque langue considérée, nous analyserons de façon détaillée les classes
flexionnelles de chacune d’entre elles.
Nous regrouperons les flexions des langues qui seront examinées selon un critère
morphologique, à savoir selon les oppositions qui se manifestent entre les mots-
formes de chaque paradigme : cette méthode permet de mettre en évidence comment
les mots se différencient les uns par rapport aux autres et de décrire l’architecture qui
résulte de leur flexion. Cette classification présente l’intérêt de se fonder uniquement
sur le rôle syntaxique du mot-forme. De plus, elle met au centre le sens même de cas
grammatical qui n’est qu’une manifestation syntaxique de l’emploi du nom dans un
contexte donné.
Il est indispensable que les classes flexionnelles soient pleinement comparables entre
elles (Corbett [2009 : 3]) : c’est pourquoi des comparaisons sont possibles seulement
à l’intérieur d’une langue car, comme nous l’avons dit plus haut, les langues
considérées ont des structures casuelles différentes aussi bien du point de vue formel
que fonctionnel.
La partie consacrée à l’analyse purement morphologique est très importante pour
chaque langue étudiée. Nous précisons que cela n’est pas fait dans un objectif
purement descriptif mais pour jeter des bases solides afin d’étudier le fonctionnement
morphosyntaxique qui détermine la définition de l’accord dans le syntagme nominal.
1.3.2 Têtes et dépendants
L’analyse des substantifs fournit les types de têtes nominales qui dominent les
relations syntaxiques à l’intérieur du constituant nominal. Parmi les mots qui peuvent
fonctionner comme dépendants, nous avons analysé les adjectifs et les pronoms.
Adrados [1985 : 34] cite Kuryłowicz en soulignant qu’adjectifs et pronoms jouent un
38
rôle primordial dans la formation du genre grammatical : en effet, le genre grammatical
est défini par le type de sélection que la tête d’un constituant nominal opère dans le
choix des dépendants.
Il faut préciser que, si la morphologie de l’adjectif est de type nominal, les pronoms ont
des désinences et des types flexionnels différents de ceux que l’on vient d’analyser. Il
faut préciser qu’avec la morphologie pronominale, on se situe sur un terrain beaucoup
moins clair et moins normalisé que celui de la morphologie nominale.
À l’intérieur de la classe des pronoms, il faut opérer une première distinction entre ceux
qui ne distinguent pas le genre, comme les pronoms personnels et les pronoms
possessifs, et ceux qui distinguent les genres (appelés justement par les grammairiens
allemands geschlechtige Pronomina), comme les démonstratifs, les interrogatifs, les
indéfinis.
Les pronoms compris dans la première catégorie ne présentent pas d’intérêt pour
l’étude des paramètres d’accord à l’intérieur des syntagmes nominaux car parmi les
éléments qui entrent en jeu dans la définition de l’accord, celui du genre en est
définitivement exclu. De plus, les seuls pronoms qui sont susceptibles de fonctionner
comme dépendants de syntagmes nominaux sont les pronoms démonstratifs,
interrogatifs et indéfinis. Ces types de pronoms font état d’un fonctionnement
syntaxique semblable à celui des adjectifs.
Nous prendrons en considération, pour chaque langue examinée, les pronoms
démonstratifs (déictiques et anaphoriques), ainsi que les relatifs et les
interrogatifs/indéfinis.
Nous avons omis de nous pencher aussi sur les pronoms possessifs car leur structure
est très variable dans les différentes langues indo-européennes, allant de formes
fléchies du pronom personnel à des formes entièrement adjectivales. De plus, le
rapport de dépendance qui lie possédant et possédé implique des enjeux différents de
ceux qui concernent les règles de dépendance du constituant nominal et mérite donc
d’être traitée séparément. Les mêmes considérations sont valables pour le pronom
réfléchi, dont la formation est assez variée dans les langues indo-européennes,
comme en témoigne Petit [2001 : 17 sqq.].
39
1.3.3 L’ordre des mots dans les langues indo-
européennes
L’ordre des mots est extrêmement libre, donc les termes qui forment les constituants
nominaux ne sont souvent pas contigus. On peut trouver deux explications à cela :
nous avons souvent affaire à une langue poétique, où l’ordre des mots dans la phrase
est soumis à des contraintes métriques ;
les langues indo-européennes ont une morphologie flexionnelle assez développée à
laquelle est confiée la tâche de gérer l’accord.
Dans une telle situation, le marquage tête-dépendant est indispensable pour
déterminer le sens du syntagme.
1.3.4 Un phénomène homogène ?
Nichols [1986 : 89] insiste sur le fait que, dans les langues indo-européennes, le
marquage des dépendants représentait une propriété particulièrement homogène :
« Indo-European has retained its basic type-dependent-marked with subject inflection
on verbs, […] for some 6,000 years, with only a recent trend toward head-marked
clauses in the pronominal clisis of the Romance languages (a process which occurs
only after most of the morphology has been lost) ». À travers l’étude des conditions de
l’accord entre tête et dépendant en indo-iranien, grec, italique et anatolien, nous allons
observer si cette homogénéité est réellement respectée partout et si elle intervient
partout dans les mêmes circonstances.
1.3.5 Avantages et inconvénients
Travailler sur une famille linguistique comme l’indo-européenne signifie avoir à
disposition une quantité énorme de matériel, aussi bien en ce qui concerne sa diffusion
géographique que son aspect diachronique.
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En revanche, des inconvénients se présentent également. Le premier problème est
commun à tou
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