Download - Charlotte Gabris, la drole de Suisse (Le Soir 23/11/2010)

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22/11/10 20:43 - LE_SOIR du 23/11/10 - p. 35

! « Essential kil-ling », Prix spécial dujury et Prix de la meil-leure interprétationpour Vincent Gallo àla Mostra de Venisen’a pas de distribu-teur en Belgique.! La Cinematek offrel’occasion unique dele découvrir surgrand écran, en pré-sence du réalisateur.

ENTRETIEN

I nvité de la Cinematek, quilui rend hommage dès cemercredi et pendant une

bonne partie du mois de décem-bre, Jerzy Skolimowski intro-duit publiquement, ce mercredi,l’avant-première de son dernierfilm, Essential killing, récem-ment auréolé du Prix spécial dujury et du Prix de la meilleure in-terprétation pour Vincent Galloà la Mostra de Venise. De façonstupéfiante, ce film d’une grandepuissance n’a à l’heure où nousécrivons toujours pas trouvé dedistributeur belge. De sorte quece sera, qui sait, l’unique occa-sion pour les amoureux du ciné-ma de le découvrir en salle.

Dans Essential killing, Vin-cent Gallo campe un terroristetaliban, qui fuit ses ravisseurs oc-cidentaux à la suite de l’accidentde route que subit le convoi danslequel il est placé. S’ensuit unechasse à l’homme haletante etpratiquement muette, où notreévadé ressemble moins à un ter-roriste qu’à un frère humain s’ac-

crochant sauvagement à ses ins-tincts de survie. Skolimowskinous en parle.

Pourquoi raconter cette histoireaujourd’hui ? D’où vient-elle ?C’est une histoire très contempo-raine. A priori, ça ressemble àdes titres de Une qu’on pourraitretrouver dans de grands jour-naux. Mais pour moi, l’intérêtporté concerne moins l’aspect po-litique que l’état de la condi-tion humaine. Il s’agit d’unfilm sur la dégradationd’un homme, qui retour-ne progressivement àl’état sauvage et ani-mal, avec la nécessitéde tuer afin de survi-vre.Est-ce une questionqui vous est personnel-le ?Personnelle, non, mais laquestion est bonne, dans lamesure où cette histoire m’est

en effet venue à la suite de quel-que chose de précis. Je vis à lacampagne, en Pologne, dans la fo-rêt profonde. Près de chez moi, ily a un aéroport militaire, tout àfait secret, où des avions de laCIA sont censés atterrir et ame-ner des prisonniers du Moyen-Orient. Je savais cela depuis desannées, mais n’avais jamaisimaginé que cela deviendrait un

sujet de film un jour,

dans la mesure où je me sens éloi-gné des sujets politiques. Maispar une nuit d’hiver, alors que jerentrais chez moi, en traversantla forêt, ma voiture se mit à déra-per terriblement dans la neige,jusqu’à presque basculer dansun fossé et à me faire passer devie à trépas. Je me suis arrêté audernier moment… et me suis ren-du compte que j’étais à deux pasde l’aéroport secret. J’ai aussicompris que cette route devaitêtre celle prise par les convois em-menant les prisonniers vers les si-tes secrets. Je me suis dit que sicet accident avait failli m’arri-ver, il aurait pu en être de mêmepour l’un de ces convois de pri-sonniers, en leur offrant la possi-ble chance d’une évasion. J’aipoussé l’hypothèse plus loin, enpensant que l’évasion aurait dé-

bouché sur une folle traver-

sée dans la neige, le froid glacial,les éléments déchaînés. Le filmest né de cela.Pourquoi en avoir fait un filmpratiquement muet ?Je ne voulais pas que l’on puisseidentifier le prisonnier. Est-il af-ghan, irakien, pakistanais ? Sonaccent l’aurait trahi. Cela auraitété grotesque. Non, je voulais unedestinée universelle.C’est un terroriste, mais aufond, on peut ressentir à sonégard la compassion pour unfrère humain !Disons qu’il est le mauvais typeau mauvais endroit au mauvaismoment, embarqué dans uneaventure à la suite d’un acci-dent. Et donc, oui, on peut le con-sidérer comme un innocent.Mais d’un autre côté, nousvoyons le même homme tuer et re-tourner à l’état animal.On s’interroge, après avoir vu lefilm, sur le tournage : éprou-vant ?Oui, et pas un peu. Nous tour-nions par une très faible tempé-rature. Certaines nuits, par – 35

degrés. Vincent Gallo a dégusté.Mais pas seulement lui. Toutel’équipe ! Nous tournions parmoments dans la montagne,avec la nécessité de monter tousensemble avec des transports deneige. Ce fut vraiment un film af-freusement difficile à tourner.Vincent Gallo est-il fidèle à sa ré-putation : grand comédien, ac-teur compliqué ?C’est un homme très intelligentet talentueux. Mais ce n’est pasfacile de travailler avec lui. Cecidit, qu’importe tout ce que tunous avons eu de pénible à tra-verser ensemble, et il y en eut, àl’arrivée sa performance est phé-noménale. Personne n’aurait étémieux que lui dans ce rôle.En quoi est-ce si spécial de tra-vailler avec lui ?C’est un réalisateur lui-même. Ila ses propres idées, convictions,qui ne sont pas forcément lesmiennes. J’ai dû par momentslui rappeler qu’il tournait dansmon film, pas dans le sien. Maisj’accepte cette pression. Les ac-teurs ambitieux ont toujours desidées et des obsessions qu’ils ontenvie de pousser, parfois par laforce.Emmanuelle Seignier fait unebrève apparition, mais me sem-ble-t-il d’une importance capita-le.Je connais Emmanuelle depuisplus de vingt ans. (ndlr : elle estla femme de Polanski, avec quiSkomilowski a écrit le scénariodu couteau dans l’eau, en 1962).Son rôle est extrêmement impor-tant. C’est la seule qui apporteune forme de compassion chré-tienne. "

Propos recueillis par NICOLAS CROUSSE

Rétrospective Skolimowski, du 24 no-vembre (avant-première de Essential kil-ling) au 19 décembre. Infos à la Cinema-tek : www.cinematek.be

Q uand on lui demande s’il estplus difficile de trouver une

femme drôle ou un Suisse drôle,Charlotte Gabris, fille, suisse etdrôle, répond : « J’admets que jecumule deux handicaps ».

Pour tout dire, depuis l’ances-trale Zouc, gravement malade,on n’avait pas mémoire d’une hu-moriste venue de ce côté-là desAlpes. A 23 ans à peine, Charlot-te Gabris a réussi son entrée dans

ce petit monde à force d’opiniâ-treté. Cette Lausannoise a copré-senté La grosse émission sur Co-médie, s’est produite en Belgiqueavec les Kings of Comedy, a faitpartie de l’éphémère aventure duBelge comme Eddy Show sur laRTBF où Pirette-Van Caubergvoulait driver quelques jeunes co-miques et arrive la semaine pro-chaine avec son one-woman-show. Elle est aujourd’hui présen-te chaque semaine dans l’émis-sion de Laurent Ruquier sur Eu-rope 1.

Dans Le Belge comme EddyShow, Gabris a montré une éten-due du personnage qu’elle inter-prète, sorte d’ado hystérique à larépartie assassine. Mais son regis-tre ne se limite pas à ça. « J’es-saye, dit-elle, d’apporter un cer-tain décalage et une dose de cynis-me. Je veux aller là où on ne m’at-tend pas nécessairement. On est àmi-chemin entre les sketches et lastand-up, entre le cynisme et la lé-gèreté. Je démarre tout de mêmeen parlant de l’euthanasie enSuisse, qui fait grimper le touris-me sauf que les gens ne prennentjamais de billet retour. Je parleaussi des mecs mais il y a côtétrop évident quand on est unefille à faire cela, alors je parle parexemple de mon mec qui fait sonservice militaire car vous savezqu’on a un service militaire en

Suisse alors qu’on n’a jamais étéattaqués par personne !»

Comme nombre de ses confrè-res, Charlotte Gabris trouve, avecson coauteur Laurent Cohen (quiécrit pour le Belge Kody aussi),son inspiration dans la vie quoti-dienne, qu’il s’agisse des formu-les toutes faites (« Qu’est-ce

qu’on s’en fout de savoir la distan-ce à vol d’oiseau, on n’est pas desoiseaux ! ») ou des clichés sur laSuisse (« Ce n’est pas la Suissequi est chère, c’est vous qui n’avezpas les moyens »).

A cheval entre deux univers,Charlotte Gabris cite à la fois par-mi ses références Patrick Timsit

et les shows américains de stand-up de Jim Carrey ou Robin Wil-liams. Il faut dire qu’après un anaux USA, elle a, toute seul, pris à19 ans son baluchon pour allervendre son rêve de one-woman-show entièrement artisanal à Pa-ris. A force de multiplier les demi-heures dans les cafés-théâtres, el-

le a rencontré un producteur, uncoauteur et Laurent Ruquier lorsdu festival de Montreux. C’estaux Belges à la découvrir à pré-sent. " J.-F. Lws

Charlotte Gabris, du 25 au 27 novembre,aux Ecuries de la Vénerie à Watermael-Boitsfort ; www.lavenerie.be

Vanessa Paradis s’installera, du 24 au 29 janvier 2011, au Théâtre des FoliesBergère à Paris. La chanteuse s’y produira à guichets fermés dans le cadre de satournée acoustique. Elle sera accompagnée d’un quatuor à cordes. © EPA.

Humour / One-woman-show aux Ecuries de la Vénerie à Watermael-Boitsfort

Skolimowski retourne à l’état sauvage

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A CHEVAL en-tre deux uni-vers, Charlot-te Gabris citeparmi ses ré-férences Pa-trick Timsit.© D.R.

JERZY Skoli-mowski intro-duit ce mercre-di l’avant-pre-mière de « Es-sential kil-ling ».© C. ONORATI/EPA.

laculture

Charlotte Gabris, la drôle de Suisse

L’ESSENTIEL

Cinéma / Rétrospective Skolimowski à la Cinematek de Bruxelles

Le Soir Mardi 23 novembre 2010

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www.lesoir.be 1NL