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Certificat de médecine factuelleIntroduction: définition, bases
conceptuelles, niveau de preuve
Prof Thierry Berghmans
Institut Jules Bordet
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Faites ce que je disJe suis le chef donc je
sais!La réflexion est inutile…
The «old fashion»: mandarinat et arguments d’autorité
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Du mandarinat à la réflexion partagée
Le patient se plaintLe médecin réfléchit
La réflexion est lancée
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Réflexion scientifique
Nécessité de connaissances médicales (cours, séminaires, FMC …)
Intégration des données
Médecine factuelle
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Intégration de l’enseignement de la médecine factuelle dans le cursus des
études de médecine à l’ULB
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Formation continue en médecine factuelle pour les médecins post-gradués (masters
de spécialité)
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La démarche clinique en médecine
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Les approches dans la décision clinique
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L’approche réductionniste
• Objectiver la cause de la maladie
• L’effet (la maladie) suit la cause
①Si effet régulier hypothèse de causalité
②Expérience de laboratoire contrôle de
l’hypothèse
• Chaîne causale
• Règles de causalité
➠ Valable si causalité forte
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L’approche épidémiologique
• Groupe d’individus individualité collective
• Outil = fréquence d’évènements
• Relations entre les fréquences observées
preuves causales
– Description du hasard: inférence statistique
– Déterminer la validité des inférences causales:
essais épidémiologiques
• Règles de causalité (Bradford Hill)
➠ Maladies à causalité « faible » (rôle de
l’exposition)
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• Force de l'association • Cohérence (répétition des observations dans différentes
populations) • Spécificité (une cause produit un effet) • Relation temporelle (temporalité). Les causes doivent précéder
les conséquences • Relation dose-effet • Plausibilité (plausibilité biologique) • Preuve expérimentale (chez l'animal ou chez l'homme) • Analogie (possibilité d'explications alternatives)• Cohérence (avec l’histoire naturelle et biologie de la maladie)
Proc R Soc Med 58: 295
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Médecine factuelleMédecine basée sur les faits/preuves
Evidence-based medicine (EBM)
• Evolution vers une médecine devant gérer des
maladies à « causalité faible »
• L’expérience des cliniciens ne suffit plus
• MF propose d’utiliser la quantification de
l’incertitude en situation clinique (diagnostic,
pronostic, dépistage, traitement) acquise par les outils de l’épidémiologie en situation clinique
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Sackett, BMJ 1996
• « La médecine factuelle consiste en l’utilisation raisonnée, explicite et judicieuse des preuves scientifiques les plus robustes dans la décision des soins à donner à un patient particulier. La pratique de la médecine factuelle suppose l’intégration de l’expertise clinique individuelle et des meilleures preuves externes issues de la recherche. »
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Un peu d’histoire
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L’observation et l’école hippocratiqueL’examen clinique, symptomes et signes, syndromes
Confrontation anatomo-clinique
Relation entre signes cliniques, symptômes, maladies et autopsies
Médecine expérimentale Claude Bernard
Bases de l’expérimentation
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Epidémiologie clinique
Dr John Snow1813-1858
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Et la médecine factuelle?
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Les grands principes sont énoncés
• « … terms of reference … criteria for the assessment … and a classification of recommendations …an enumeration of research priorities …a discussion of pertinent social and economic issues … recommendations and … implementation of these recommendations. »
CMA Journal 1979
La preuveLes faits
« …supporting documents that detail the scientific basis … evidence is summarized in this report. »
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Médecine factuelle
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Facteurs impliqués dans la décision médicale
Décision clinique
Expérience du
praticien
Choix du patient
Preuves
Médecine factuelle
Evidence based medicine … requires a bottom up approach that integrates the best external evidence with individual clinical expertise and patients' choice...
Sackett et al, BMJ 1996: 71
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Pourquoi l’usage de la médecine factuelle s’est-il répandu?
1. Besoin quotidien d’informations pour la prise en charge du patient (à tous les niveaux)
2. Sources traditionnelles dépassées (livres), erronées (experts), inefficaces (FMC), validité inconstante
3. Amélioration compétences diagnostiques et cliniques mais moins de mise à jour des connaissances
4. Temps de formation et d’assimilation des faits très limités
Straus et al; Médecine fondée sur les faits, 3ème éd; Elsevier
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Innovations
1. Stratégies de recherche
2. Sources de revues systématiques (Cochrane Collaboration…)
3. Journaux spécifiques (résumés de faits Clinical Evidence)
4. Systèmes d’informations (Pubmed, CEBAM …)
5. Stratégies d’apprentissage
Straus et al; Médecine fondée sur les faits, 3ème éd; Elsevier
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Qui peut pratiquer la médecine factuelle?
N’importe quel praticien de l’art de guérir
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Types d’utilisateurs de la MFCopiste Usager Acteur
Poser la question ✔ ✔ ✔
Trouver l’information ✖ ✔(restriction aux faits
documentés et évalués par d’autres)
✔
Evaluer l’information ✖ ✖ ✔
Intégration ✔ ✔ ✔
Suit les leaders d’opinion
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Est-on toujours le même utilisateur?
• Acteur: pathologies fréquentes ou du domaine du praticien
• Infarctus du myocarde, infection VRS
• Usager: pathologies moins fréquentes utilisation de systèmes de référence (Cochrane ou autres revues EBM …)
– Rôle de la chimiothérapie pour les CBNPC de stade IV
• Copiste: pathologies rares acceptation avis d’experts
Garder esprit critique!
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Qu’en est-il en pratique?
McAlistair et al; J Gen Intern Med 1999
• Utilisez-vous la MF en routine?
• Toujours 11%
• Souvent 59%
• Parfois 27%
• Rarement 3%
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Limites dues à la méconnaissance
des outils
Young et al, BMJ 2002
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Comment pratiquer la médecine factuelle?
1. Se poser les questions cliniques
2. Trouver les informations
3. Evaluer la qualité des informations sélection
4. Intégrer ces données avec les connaissances du praticien, l’état du patient et les possibilités locales
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1. Se poser les questions cliniques
Question de premier plan
• Connaissances en vue de régler le problème clinique– Le patient, le problème
– L’intervention (ou l’exposition)
– La comparaison (si nécessaire)
– Les événements cliniques d’intérêt
Question d’arrière-plan
• Concerne connaissances générales par rapport à un état, une maladie– Quel est l’impact du tabac sur la
fonction respiratoire?
– Quelles sont les étiologies de la toux?
– Quelles sont les causes de la dyspnée?
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Se poser les questions cliniques
• Un patient de 65 ans, fumeur depuis 45 ans se connaît une dyspnée chronique pour des efforts modérés.
• Il a une température de 38,5°C
• L’examen clinique est par ailleurs banal.
• Quelles seraient vos questions cliniques?
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Question d’arrière-planImpact du tabac sur la fonction respiratoire
• Bronchite chronique
– Toux et expectorations > 3 mois/an pendant 2 ans
• BPCO
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Question de premier planUne antibiothérapie est-elle indispensable pour traiter
une exacerbation de BPCO?
échec thérapeutique si hospitalisation (RR 0,34; IC 95% 0,20 – 0,56) mais pas en ambulatoire (RR 0,88; IC 95% 0,56 – 1,39).
Mortalité hospitalière (RR 0,22; IC 95% 0,08 – 0,62)
Chest 2008
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2. Trouver les informations
• Les faits se trouvent dans la littérature
• Il existe différents types de publication avec des niveaux de preuve variables
Scott, Intern Med J, 2006 , 36 : 587-99
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Stratégie de recherche: PICO
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3. Evaluer la qualité des informations
• Lecture critique
– L’article m’intéresse-t-il? Est-il relevant pour ma pratique et/ou la question posée?
– Les biais potentiels ont-ils été évalués, peuvent-ils impacter sur la qualité de l’étude?
• Instruments spécifiques d’évaluation de la qualité (exemple AGREE pour Recommandations de pratique clinique)
Niveau de preuve
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Pourquoi parler de niveau de preuve?
• La preuve: données scientifiques disponibles dont vous disposez pour vous aider à prendre votre décision
• Le niveau de preuve: mesure de la confiance que vous pouvez accorder à la preuve dans votre prise de décision
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3939
Une définition du niveau de preuve
• Nécessité et moyens de discrimination et de classement des résultats scientifiques sur la base de leur fiabilité
• Le niveau de preuve de l'information peut être représenté comme l'effort de formaliser la recherche scientifique en tenant compte des erreurs induites par des biais dans la conception et la conduite de l'expérimentation
Bossard et al, Fundamental & Clin Pharmacol 2004
Niveau de preuve: mesure intemporelle?• Le niveau de preuve est une interprétation des connaissances
dans un domaine spécifique à un moment spécifique
4040Bossard et al, Fundamental & Clin Pharmacol 2004
2007: Niveau de preuve élevé de l’absence d’efficacité des ITK d’EGFR
dans une population non sélectionnée
INTACT 1. J Clin Oncol 2004 Yang et al, Lancet Oncol 2015
2016: Niveau de preuve élevé de l’efficacité des ITK d’EGFR en
cas de mutation activatrice d’EGFR
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Comment apprécier les résultats des études?3 éléments complémentaires
• Biais
Validités interne et externe
Généralisabilité des résultats
• Taille de l’effet bénéfice escompté pour le patient
• Profils des patients inclus applicabilité à votre population
In the interpretation of level of evidence, the terms ‘value’ and ‘finality’ need to interact with the term ‘science’.
Bossard et al, Fundamental & Clin Pharmacol 2004
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Validités interne et externe
• Validité interne– Qualité méthodologique de l’étude
– Conception et conduite de l’essai ont permis de réduire le risque de biais systématiques ou non et d’erreurs inférentielles
• Validité externe– Possibilité de pouvoir généraliser l’observation
– Cohérence avec les connaissances et les données qui ne sont pas celles de l’étude (physiopathologie, pharmacologie …)
HAS avril 2013
4343
Population cible
Population source
Echantillon
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Patients dans l’étude
Patients éligibles
Patients dans la vraie vie
Généralisabilité
4444
Deux questions
• L’échantillon est-il un reflet correct de la population cible, les patients dans la vraie vie?
➥ Généralisabilité des résultats d’une étude à la pratique courante
• La qualité de l’étude vous permet-elle de conclure à l’efficacité de la mesure entreprise?
➥ Le niveau de preuve
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Dans quel but(s) utiliser les niveaux de preuve?
• Déterminer l’intérêt d’une étude pour la pratique
• Evaluer une/plusieurs études pour inclusion dans revue systématique/méta-analyse
• Evaluer l’intérêt d’une RS/méta-analyse pour votre pratique
• Apporter une information pour grader des recommandations de pratique clinique
45
4646
Dans quels buts utiliser une évaluation par niveau de preuve?
La comparaison des études
• Une étude est-elle meilleure qu’une autre?
– Multiples échelles
– Aucune échelle standard
• Faire distinction entre échelles applicables pour
– Etude individuelle
– Méta-analyse/revue systématique (et recommandations de pratique clinique) = mélange d’études
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Niveaux de preuve: dès le début de la MF
CMA Journal 1979
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Rapport des preuves
Implication pour la démarche clinique
CMA Journal 1979
4949
Dimensions d’une échelle d’évaluation du niveau de preuve (1)
• Qualité méthodologique
1.Mesure de la qualité intrinsèque
• Biais
• Puissance/taille de l’échantillon suffisante?
2.Méthodologie: permet-elle de répondre à la question posée?
• Analyse statistique adéquate
• Ex: peut-on conclure à la supériorité d’une attitude avec une étude de non-infériorité?
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50Paesmans et al, Eur Respir J 2015
5151
Dimensions d’une échelle d’évaluation du niveau de preuve (2)
• Pertinence de la question posée
• Adéquation du protocole à la question posée
– Type d’étude de haut niveau de preuve peut varier selon la question et le sujet
• Diagnostic
• Thérapeutique
• Pronostic
• Causalité
• Biomarqueur
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Classification générale du niveau de preuve d’une étude selon l’HAS (04/2013)
Niveau de preuve Description
Fort - Protocole adapté à la question
- Absence de biais majeur
- Analyse statistique adéquate
- Puissance suffisante
Intermédiaire - Protocole adapté à la question
- Puissance nettement insuffisante
- Et/ou anomalies mineures
Faible - Autres types d’études
Niveau de preuve et question posée
• Etudes
Etiologie
Diagnostic
Thérapeutique
Pronostic
Biomarqueur
535353
Méta-analyseRevue systématique
Etudes randomisées
Etude de cohorte
Etude cas-témoin
Etude transversale
Série de cas
LITTÉRATURE DE SYNTHÈSE
ETUDES INDIVIDUELLES
5454
Quelques exemples d’échelles de niveau de preuve
5555
INCa, Unicancer
5656
New Zealand Guidelines GroupConcept de protocole adapté à la question
Question Type d’étude Critère de jugement
Diagnostic Etude transversale
Etude de cohorte
Sensibilité, spécificité, NNT
Taux d’événements attendus
Risques Etude randomisée
Etude de cohorte
Etude cas-témoins
NNH
Intervention Revues systématiques
Etudes randomisées
Réduction du risque absolu
NNT
Handbook for the preparation of explicit evidence-based clinical practice guidelines. Wellington: NZGG; 2011
5757
Système Grade
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RCT
(élevé)
Etudes observationnelles
(bas)
Augmente•Effets de grande amplitude et consistants•Gradient dose-effet•Présence de facteurs de confusion qui auraient réduit l’effet observé
Diminue•Biais pouvant altérer l’estimation de l’effet traitement•Effet indirect (pas d’application à la population-cible•Imprécision des données•Hétérogénéité des résultats•Biais de publication
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Système GradeFacteurs Description Niveau de départ
Type étude RCT élevé
Observationnelle faible
Facteurs péjoratifs
Risque de biais
Sérieux/très sérieux -1/-2
Hétérogénéité résultats
Importante/très importante
-1/-2
Caractère direct données
Incertitude/majeur -1/-2
Imprécision
Sérieux/très sérieux -1/-2
Biais de publication
Probable/très probable
-1/-2
Facteurs positifs
Force de l’association
RR >2/RR>5 +1/+2
Gradient dose-réponse
+1
Facteurs de confusion plausibles
+1
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SIGNIntégration qualité et type d’étude
SIGN. A guideline developer’s handbook. SIGN 50. Edimbourgh: SIGN; 2008
6060NHMRC levels of evidence and grades for recommendations for developers of guidelines. Canberra: NHMRC; 2009
• Gradation du niveau de preuve en fonction de la question clinique posée
– Intervention
– Diagnostic
– Pronostic
– Etiologie
– Dépistage
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Evaluation d’une étude
• "Force« (Strenght) des données scientifiques– Niveau de preuve
– Qualité risque et gestion des biais
– Précision statistique (valeur de p et/ou IC): effet dû au hasard ou réel
• Taille de l’effet importance du bénéfice
• Pertinence des données scientifiques– Intérêt du critère de jugement pour le patient
– Pertinence de la question de l’étude par rapport à la question posée par le "lecteur"
Quelques réflexions sur le niveau de preuve et l’interprétation des données
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La méta-analyse est-elle toujours d’un niveau de preuve élevé?
• Qualité de la méta-analyse va dépendre de
– la qualité méthodologique intrinsèque à la réalisation de la MA: revue systématique, méthodologie statistique
– la qualité des études incluses dans la MA
– l’interprétation des données et des résultats
GARBAGE IN GARBAGE OUT
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Exemple: le traitement de maintenance dans le cancer bronchique à petites cellules
Plos One 2013; Lung Cancer 2010
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• … 13 randomized trials have been published.
• A quantitative overview or meta-analysis was unpracticable because of the lack of data for calculation of the odds ratio in the publications and because of the heterogeneity of the studies’ designs.
• The overall quality of the publications was not good, with important methodological aspects missing, such as a clear definition of the primary objective or an a priori estimate of the sample size necessary to conduct the trial.
• We concluded that maintenance chemotherapy could have some indications and that good quality trials, as reflected by very high quality scores, need to be carried out in the future.
Lung Cancer 1998
6666
Qualité risque et gestion des biaisL’exemple de la collaboration Cochrane
http://www.cochrane-handbook.org/
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6 domaines
• Sequence generation
• Allocation concealment
• Blinding of participants, personnel
• Blinding of outcome assessment
• Incomplete outcome data
• Selective outcome reporting
• Other sources of bias
Sélection
Performance
Evaluation
Attrition
Reporting
Autre biais
Biais de
6868
Pertinence des données scientifiques
Lancet 2005: 1267
Mean LDL cholesterol differences at 1 year ranged from 0.35 mmol/L to 1.77 mmol/L (mean 1.09).
6969
Le taux de cholestérol est diminué dans une méta-analyse d’études randomisées
Biologiste:
Le niveau de preuve est élevé sur la diminution du taux de cholestérol
Médecin:
Les informations données sont pour ma pratique d’un niveau de preuve bas car je n’ai pas d’indication de l’impact de la baisse du taux de cholestérol sur l’évolution clinique de mon patient
7070
Cas particulier des biomarqueurs
• Validité analytique: capacité du test
– Phase préanalytique: adéquation du prélèvement
– Phase analytique: standardisation et calibration
– Phase postanalytique: minimisation des erreurs
• Validité clinique: identification du groupe à risque
• Utilité clinique: valeur ajoutée
7171
Grille de Hayes
JNCI 1996
7272
On peut aussi grader les niveaux de preuve lors des recommandations
Niveaux de preuve pour RCP
7373
Conclusions
74
1. Définir la question
2. Source d’information
3. Stratégie de recherche
PICO
4. Données sélectionnées
5. Appliquer les données de MF à la
résolution du problème
Données insuffisantes ou
de mauvaise qualité
Changer de source d’information
Modifier la stratégie de recherche
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