CENTR
L’URGENCE DU RE
SORTIR DE LA CR
Maxime
Bang
CENTRAFRIQU
REBONDISSEMENT CIT
LA CRISE EXISTENTIELLE
axime - Faustin MBRINGA - TAKAMA
Bangui 20 Juillet 2014
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AFRIQUE
T CITOYEN POUR
IELLE MAJEURE
AKAMA
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C’est par la sagesse qu’une maisonnée se bâtira, et par le discernement qu’elle s’établira solidement. C’est par la connaissance que les chambres intérieures se rempliront de toutes les précieuses et agréables choses de valeurs. Qui est sage en force est un homme robuste, et un homme qui a de la connaissance raffermit la vigueur. Car tu feras ta guerre avec l’art de diriger1 Proverbes 24.6
1 Bible New World Translation of the Holy Scriptures
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SOMMAIRE Introduction 4
1 Le Centrafricain face à la crise • Le citoyen, condamné à naître, à grandir et à mourir dans les
crises
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• Des crises bénignes à l’enfer 12
• L’enfer avec des tueries massives 27
2 Des divergences dans la compréhension de la crise 35
• L’urgence de capturer les opinions, en dépit du chaos et des risques
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• Des opinions divergentes 37
• Des positions majeures 48
3 Les déficits des capacités dans la gestion d’une crise majeure
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• La logique de la fuite en avant du centrafricain 52
• La synergie communautaire diluée 55
• Des capacités institutionnelles décomposées 57
4 Être conscient et debout, le remède pour vite sortir de la crise
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• Un état d’esprit, une attitude et un comportement responsables et engagés.
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• Un solide filet de sécurité communautaire, comme un puissant levier pour le sursaut citoyen.
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• Des institutions transparentes et performantes, conditions propices à l’éveil du citoyen
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Et pour conclure 80
Quelques orientations bibliographiques 84
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Introduction La République Centrafricaine est dans le chaos total. Le désordre et l’anarchie l’ont emportée. C’est du jamais vu, un pays qui s’effondre, sous les yeux et avec la complicité de ses propres fils et filles. L’enfer ne cesse de consumer les plus faibles, les plus vulnérables. Il y a ceux des campagnes oubliées et abandonnées à la violence du désespoir. Il y a également ceux des villes souffrant des affres de politiques dont la logique persistante consiste à étouffer tout effort de survie et à semer la mort. Autant d’éléments sont non seulement à l’origine de crises et de conflits réguliers, mais aussi à la base de l’inefficacité de toutes les tentatives de leurs résolutions. Le dialogue a été vain. Une perte de temps. Les morts se comptent en dizaine, en centaine de milliers partout. Le Président démocratiquement élu fuit. En violation du serment constitutionnel, il abandonne le peuple, son peuple, dans la catastrophe, que lui et les siens ont créée. La classe politique est sans remords de l’échec cuisant dont elle est à l’origine depuis des années. De 1960 à 2014, le Centrafrique est englouti, dans l’œil du cyclone politique et de la mal gouvernance, pulvérisé par la violence de leurs ouragans. Les caractéristiques et les conséquences des dégâts ont été largement commentées et explicitées. La situation du centrafricain a été analysée, évaluée et abondamment rapportée. Celle de ses structures locales d’opérations qui l’alimentent, l’est aussi, ainsi que celle du cadre institutionnel et de l’espace politique chargés de construire des alternatives et proposer de nouveaux paradigmes, pour la refondation et le renouveau. Au niveau individuel, la désolation, la résignation et le désespoir général sont fortement ressentis. Le citoyen ne perçoit aucun éclairci à l’horizon lointain. Sa vue est obstruée par des nuages sombres qui masquent le ciel, qui, d’année en année, s’épaississent et qui inquiètent. Malgré les menaces, les discours et les actions politiques sont restés insensibles. Ils sèment la diversion, contribuent à l’enracinement d’une mentalité négative et alimentent le culte de la paresse, le sens du peu d’effort et de la dépendance. Pire, ils cultivent la croyance forte au fatalisme, et renforcent l’attitude générale portée sur l’attentisme. Dans les esprits, l’avènement d’un miracle pour tout changer et améliorer la situation est attendu. Et avec beaucoup d’espoir, le bonheur fictif et précoce souffle, quand les promesses font scintiller l’état du pays où le lait et le miel coulent,
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et où le travail, seul le travail, rien que travail, libère. Malheureusement, le danger ou la grosse erreur est que le centrafricain ne sait pas où il va. L’organisation sociale communautaire, elle aussi, est sous la menace. Elle s’est désintégrée, envahie par des forces négatives. Perdue, elle n’a plus le sens du sort commun, ni de l’effort collectif, ni de la solidarité. Le capital social est ainsi fragilisé et ne permet plus aux communautés de fournir la sécurité au citoyen et à avoir une prise sur les évènements. Leur système de pouvoir et d’autorité se sont volatilisés et leurs mécanismes de solidarité éclatés. Sur le terrain, c’est le chacun pour soi, et à qui à mieux mieux. La déflagration n’épargne pas l’environnement politique et institutionnel. La classe politique s’essouffle. Elle dépérit, à défaut de vision et de capacité de gestion des affaires publiques dans la transparence, l’intégrité et le respect de l’intérêt général. Elle ne parvient pas à se débarrasser des facteurs de déviances qui éloignent les actions et les décisions politiques de la trajectoire de la démocratie, de la gouvernance et de la recherche permanente de l’innovation. Elle accorde peu d’importance aux parades contre la mal gouvernance, l’autodestruction, la discrimination, et le manque de respect aux droits de l’homme. D’après la plupart des commentaires, la classe politique, est, elle-même, vecteur du processus de la fragilisation des institutions politiques, judiciaires et administratives. Elle mise sur le repli psycho sécuritaire systématique qui privilégie la famille, le clan et la tribu. Tout ceci accouche d’un leadership peu fiable, peu attaché à une attitude qui met l’accent sur l’impératif de la protection des droits de l’homme, et de l’amélioration de la qualité du capital humain et social. Ainsi, l’inexistence d’un leadership de qualité et la mauvaise performance de la classe politique ont conduit à la déséconomie totale du pays. L’émergence de nombreuses poches de précarité excessive et des menaces tant intérieures qu’extérieures y trouve son explication. Une dynamique notoire d’autodestruction est instaurée et propagée d’un régime à l’autre. Elle conduit le pays tout droit à la faillite. Le désespoir sévit. Le Centrafrique est gravement malade, conséquence de mauvaises politiques, de l’enchainement des pratiques scabreuses, discriminatoires, et catastrophiques dans la gestion des affaires publiques. Evidemment, dans ces conditions, le centrafricain est naturellement emporté par un processus intense de désapprentissage, de l’édulcoration des valeurs
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civiques, de la dépersonnalisation et de la déresponsabilisation. Emporté par des forces négatives, il est condamné à assimiler un mode de comportement et d’attitude assujettis à une puissante culture de résignation, de dépendance, de démission et d’indiscipline qui verrouillent son mental. Il n’a plus la capacité d’initiative. Obéir et résister sont hors de sa conscience, tout comme le sens élevé de l’autonomie et de la responsabilité citoyenne. Sa résignation est telle, qu’il ignore que tout dépend de lui et de lui seul : sa vie, sa liberté, sa sécurité, son épanouissement personnel. Alors, face à l’atteinte de ses droits, le citoyen affiche une naïve insensibilité et l’incapacité à avoir un regard au-delà du quotidien. Il s’attache à deux états d’esprit typique. Le premier est l’enfermement dans une culture et une mentalité de négation de soi, de désengagement, et de peur. Il fait ainsi l’aveu de son impuissance et laisse transparaître dans son comportement la perte de la foi et de la confiance en soi et aux autres. Il met en exergue ses insuffisances, et ne cache pas son incompétence à mobiliser ses ressources, pourtant importantes, pour lui permettre de mieux affronter les défis. Son esprit d’assistanat amplifié, généralisé, par la pesanteur de la croyance à la fatalité finit par le soumettre aux contingences, sans capacité de réaction. C’est le profil de la grande majorité de centrafricains de tous bords, des plus petits aux plus grands, des analphabètes et aux grands intellectuels, des plus pauvres aux plus riches. Le second état d’esprit se focalise sur la crise, comme la conséquence d’un laisser-aller ou de dérapages politiques. Le centrafricain la perçoit surtout comme une opportunité qui permet de comprendre pourquoi tant de débordements, de destructions et de perte en vie humaine. Pour la première fois, un regard sérieux et conscient est porté vers la situation catastrophique du pays et suscite des interrogations qui aiguisent la conscience. Pourquoi tant d’atteintes à l’intégrité de la personne, à son droit à la vie, à la cohésion sociale, aux entreprises économiques et à la fondation même de la nation ? Pourquoi l’hospitalité légendaire a –t- elle été si habilement exploitée et transformée en une masse monstrueuse de cupidité vindicative de prise de pouvoir et de tentative de vassalisation du centrafricain ? Ces questionnements brûlent dans l’esprit de quelques centrafricains. En ces derniers émerge un sentiment d’éveil, d’autodéfense et de résistance. Le recours à soi-même, au moyen des ancêtres apparaît, comme une réponse, face aux menaces et aux agressions. L’instinct de survie est le dernier sursaut individuel et communautaire.
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Il n’y a pas d’autre choix dans le contexte actuel, sinon celui de réfléchir et d’explorer les ressources individuelles et collectives pour sortir de la crise. Bien sûr, il faut se démarquer des pistes classiques déjà éprouvées. Privilégier l’exploration des voies les plus sûres de sortie de crise est le chemin obligé. Tant et tant d’années de conflits et des échecs des tentatives de résolution, obligent à changer d’approches. Sinon les mêmes erreurs recommencent à faire surface. Des voix s’élèvent. Elles crient haut, très haut, très très haut vers Dieu, au point de l’importuner dans son repos éternel. Elles hurlent, au pardon, à gorge déployée. Elles veulent arracher la paix, à tout prix, sans la réparation des dommages causés, ni l’honneur à la mémoire des milliers des victimes innocentes. Elles chantent, au nom de la réconciliation nationale, en ignorant et en excluant, dans leur logique, les plaies béantes de ceux qui sont profondément affectés par des brutalités les plus bestiales, dans les villages et les quartiers. Elles donnent des leçons sur la cohésion sociale, sur la fraternité, sur le dialogue, tout en sachant que ce dernier n’a jamais durablement arrangé les choses, tellement il est emprunt de l’hypocrisie et de manque de sincérité collective. Malheureusement, parmi les voix qui s’élèvent, beaucoup ne comprennent pas que la priorité est de recréer les conditions favorables à la restauration de la sécurité2, au retour de la légitimité des autorités de proximité comme piliers locaux de la synergie communautaire pour la stabilité, la sécurité et la paix. En réalité, la profondeur des blessures sociales oblige à sortir des mêmes pratiques de sensibilisation et de communication, axées sur des conseils ex cathedra, sur le dialogue des plus forts, sur la fabrication et la démultiplication des symboles artificiels à dessein de satisfaire la galerie. Enclencher la recherche de la paix, en lieu et place des victimes et des bourreaux, ou en mettant face à face des groupes armés et ceux qui n’ont point d’armes, relève d’une simple pirouette, remplie d’illusions. Sacrifier ou négliger l’arbre à palabre du village et du quartier, au profit des bavardages avec des hauts parleurs, dans les stades et les salles de conférences des palais et des hôtels, encore une fois c’est privilégier le chemin qui n’a servi à rien, qui n’a pas abouti à grand-chose et qui a mené nulle part. En effet, négliger le citoyen dans le processus de prise de décision, ne pas tenir compte de lui, ni de ses avis, comme la base de référence des options politiques, est une erreur gravissime, répétée depuis toujours quand il s’agit de
2 Dans les conditions actuelles la sécurité est une richesse rare. Elle doit prendre possession des villages, des villes, des quartiers, des pistes, des routes, des rues et des avenues.
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la résolution de conflit. Il convient alors de l’intégrer dans la dynamique de la recherche des alternatives originales et innovantes. Car son réveil et son engagement sont des déterminants immuables pour changer les choses. C’est pour quoi explorer la compréhension que le citoyen a de la crise permet de mieux apprécier ses ressources et ses capacités à faire bouger les choses. Ceci facilite l’appréciation des opportunités qu’il peut saisir pour avoir une prise sur les évènements, en se transformant en levier efficace apte à développer des stratégies percutante.
1. Le Centrafricain face à la crise
• Le citoyen, condamné à naître, à grandir et à mourir dans les crises
Le Centrafricain naît, grandit et meurt, dans la détresse, la misère et le désespoir. Profondément naïf, il se laisse berner par des pratiques politiques qui font la promotion de la corruption endémique, du népotisme, de la discrimination massive un mode de gestion de la nation. Peu vigilant, fragile aux manipulations, il ne prête pas l’attention aux fonds des discours et se complaît dans son indifférence, à avaler les promesses fallacieuses. Il accepte la souffrance, l’humiliation et se remet à Dieu pour la compensation post mortem. Aujourd’hui, son désintéressement de la chose publique lui est fatal. En ignorant son importance sur l’échiquier national, il laisse aux hommes politiques le soin de décider de sa vie et de le conduire aujourd’hui à l’enfer. En effet, le Centrafricain n’a pas encore compris qu’il a des droits et des devoirs. Cette insuffisance ne lui rend guère service. Le manque de la culture civique lui donne des pieds fragiles. L’ignorance des valeurs3 citoyennes l’expose à toute sorte de contraintes, qui le détachent des référentiels moraux universels et qui l’amènent à perdre son sens responsabilité et son sentiment d’appartenance à une communauté nationale victime de la pratique de mauvaises politique. En un mot, le citoyen centrafricain ne sait où il est, ni où il va, ni comment il est entrain d’aller. Il a perdu l’écoute de la voix des ancêtres qui l’interpellent, car aveuglé par l’ignorance, et réduit à la résignation par la peur. Cette attitude le met en proie à un puissant processus de décomposition qui le dépersonnalise, qui le déresponsabilise, et qui le soumet, impuissant, aux contingences. Il perd ainsi
3 Bon nombre de centrafricains ignorent tous les symboles de la nation et n’ont aucun référentiel. La signification de l’armoirie, des valeurs de l’unité, de la dignité et du travail, des couleurs nationales et de l’hymne national leur échappe.
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toutes les ressources qui pouvaient lui permettre de s’assumer, comme un être digne, courageux, capable d’investir dans son potentiel pour son pays. Le centrafricain est donc victime de sa propre inconscience. Forgé dans un environnement social fortement marqué par un déficit chronique de l’éducation civique, il ploie sous un paquet d’attitudes et de comportements négatifs, qui ne lui offrent guère les possibilités d’avancer. Les capacités à se motiver, à s’engager et à prendre des initiatives pour affronter ses problèmes de survie lui font cruellement défaut. De même planifier sa vie, s’organiser, utiliser rationnellement ses ressources et se munir du courage, de la motivation et de l’intelligence pour manifester son existence ne sont point dans sa culture. Projeté ainsi dans le contexte conflictuel actuel, le centrafricain ne dispose d’aucune balise qui lui indique les obstacles à éviter, les passerelles à emprunter et le rythme des pas à soutenir. Il y a plusieurs explications à cette désorientation. Premièrement, le centrafricain a perdu les réflexes de survie par pure négligence. Il n’accorde plus d’importance à ses ressources identitaires, ancestrales4, ne puise plus rien dans ses résiliences profondes, et s’évade vers d’autres repères dont il n’a pas la maîtrise. La brutalité de sa césure avec les attitudes, les connaissances, les capacités et les compétences coutumières l’a vidé, dissout toutes ses forces et son énergie psychologiques et morales, et corrompu son potentiel. Ce qui a fini par le fragiliser. En deuxième ressort, il y a la pesanteur pénalisante de l’absence ou de la perte de la mémoire collective et de la dissolution de mécanismes traditionnels de la solidarité. En effet, au sein des communautés, les rencontres permanentes, saisonnières, périodiques ou occasionnelles systématiques ont disparu. L’évacuation des questions relatives à la sécurité, à la préservation de la paix, à la consécration des réussites, au recueillement quand le destin a frappé, déboulonne le centrafricain de son cadre de vie. Elle lui enlève la capacité d’une capitalisation des connaissances et des leçons triées de ses expériences. Elle le prive ainsi des possibilités pour améliorer la performance de ses compétences de vie, le contraint à la routine appauvrissant, le fige dans les mêmes habitudes qui le condamnent à la médiocrité. L’emprisonnement du citoyen dans la logique de la médiocrité est le troisième aspect des insuffisances. Elle est la conséquence directe de la déliquescence ou de la disparition des cadres et des mécanismes de son encadrement et de son accompagnement politique et administratif. Ceux-ci n’ont jamais accordé la
4 D’aucuns pensent que le centrafricain a hérité du reflexe de fugitif, car il est le produit de peuples de fuyards concentrées qui étaient se cacher sur le territoire devenu un pays.
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priorité à la transformation du centrafricain, à son changement pour le rendre capable de s’adapter à la dynamique mutationnelle du contexte mondial. Ils n’ont jamais conçu, ni construit, ni enclenché un processus d’apprentissage pour lui donner le profil type d’un individu de grande qualité, porté vers le culte du travail bien fait et capable d’œuvrer avec ténacité pour améliorer ses conditions de vie et pour garantir son épanouissement. En l’abandonnant à lui-même, ils l’ont projeté dans la poubelle de la misère et de l’insécurité, sans lui tendre la perche. Ces insuffisances ont psychologiquement et mentalement désintégré le citoyen. Elles l’ont rendu nécessiteux et incapable d’initiatives. Quelle triste réalité ! C’est bien une triste réalité à laquelle peu d’attention n’est accordée. Le centrafricain vit dans le néant, incapable de se construire des repères. Il ne perçoit même pas l’urgence de se dégager du cercle vicieux dans lequel il s’est enfermé. Il entre dans la crise, s’en sort sans tirer les leçons. Puis il s’y plonger à nouveau et il en ressort, ainsi de suite. Il finit par se donner un rythme infernal, et surtout, par s’amarrer dans un piège inextricable, celle de la classe politique déclassée et non réformée pour s’ajuster aux exigences du contexte de développement mondial.
L’effritement de l’encadrement et de l’accompagnement social amplifié et approfondi constitue, lui aussi, un aspect des insuffisances dont souffre le centrafricain. Il le prive du filet de sécurité sociale, le livre aux menaces de toute sorte. Il procède au tarissement préjudiciable de la solidarité mécanique, qui le livre à lui-même, impuissant et sans protection, devant les atteintes à ses droits au bien-être, l’insécurité et à l’injustice. Dans ces conditions, le citoyen est contraint au repli sur lui-même, sans capacités à prendre d’initiatives, ni d’avoir un esprit serein et constructif. L’effacement de l’organisation et du cadre social, renforcé par la dilution de l’autorité et du pouvoir à la base achève le processus de la fragilisation communautaire qui n’offre guère à l’individu les possibilités pour s’amarrer et s’assumer. Oui le centrafricain est pris en étau dans un dispositif complexe de blocage. Son espace vital est verrouillé, les organisations à la base désorientées et des capacités de recours à l’ingéniosité totalement réduites. Il est vrai, tout comme l’individu, les communautés n’ont pas une bonne lecture de leurs défis. Elles ne sont pas aptes à mieux s’organiser pour y faire face. Elles passent d’une crise à l’autre, avec les mêmes revendications, les mêmes échecs répétitifs, ainsi que les approches immuables. Aucune alternative n’est recherchée. L’engorgement dans un processus de reproduction cyclique se renforce. L’échec est également imputé au manque de performance et à l’irréalisme des
institutions politiques, administratives, économiques, sociales et culturelles. Il
plonge l’individu et les organisations à la base dans un puissant processus de
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décadence. Les structures publiques conçues et gérées en dehors des normes et
standards de la qualité, fonctionnent très mal. Elles offrent des prestations en
dessous des attentes. Elles ne peuvent garantir ni le réconfort, ni l’assurance pour
le bien-être et la sécurité, et constituent des sources d’angoisse.
D’une manière générale, la mentalité institutionnelle est fondamentalement
éloignée des principes de la gouvernance, de la transparence et de l’intégrité. Elle
exclue l’effort pour la promotion de la culture civique, le développement de la
libre conscience et la motivation du citoyen à apprendre à se prendre en charge.
Les carences de capacités institutionnelles soufflent une dynamique de recul à
tous les niveaux. Elles forgent ainsi une culture d’autodestruction qui se traduit
aujourd’hui par la remise à zéro progressive de tous les indicateurs socio-
économiques. La volonté politique, pour des réformes institutionnelles
courageuses, n’a jamais été au rendez-vous. Le pays continue sa dérive vers le
néant.
Tout semble se dresser contre le centrafricain, et contribuer à sa déchéance et à sa déception. Le changement qu’il désire tarde à venir. Ses attentes et ses aspirations, de jour en jour, s’évanouissent dans des mirages, chaque fois qu’un nouveau régime fait surface et remplace un autre. En réalité, l’histoire agitée du Centrafrique n’a jamais démontré que la quête du bonheur collectif n’est ni le moteur, ni la conviction des professionnels des coups d’état. Ni le citoyen, ni les communautés de base, ni l’état n’ont l’assurance qu’ils sont des porteurs de vrai changement. Ils ont raison tellement la quête du pouvoir résulte plus d’actes opportunistes que de conviction politique franche. Les coups d’état militaires, les coups d’état issus des rébellions, les rebellions qui en chassent d’autres, mêmes ceux qui sont « démocratiquement élus», finissent par révéler que les acteurs politiques ont des calculs qui n’ont rien à avoir avec l’intérêt du citoyen et le souci du changement réel du pays. La dynamique de changements politiques s’inscrit dans un cercle vicieux qui draine sans cesse des tourbillons de violences, de corruption, de népotisme, de haine et d’insécurité. Elle génère de puissants ouragans destructeurs, qui ont systématiquement remis à zéro la pendule des programmes de réformes. C’est dans ce contexte de turbulences permanentes que le centrafricain est né, a grandi et vieilli, privé d’espoir. Il s’est forgé et s’est enfermé dans l’angoisse, la passivité et la résignation. Il n’a point confiance en lui-même, encore moins à sa classe politique. Il s’est condamné à l’attentisme et perd de vue le futur vers lequel il avance aveuglément sans conviction. Mais s’il est certain de quelque
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chose, c’est qu’à l’horizon brumeux de la prochaine décennie, une énième crise pointe déjà, s’il ne change pas.
• Des crises bénignes à l’enfer Les graines de la crise centrafricaine ont été semées bien avant l’indépendance, liées à la dynamique de l’occupation territoriale. En effet, vers le début du XIXème
de nombreux groupes ethniques étaient dans le processus infernal de l’occupation spatiale. Venus de loin, certains, fuyant les razzias, étaient à la quête de terres de refuge. Ceux de l’est, plus conquérants, s’étaient embarqués dans des conquêtes territoriales. La colonisation a stoppé toute cette dynamique et procédé à la fixation territoriale. Ainsi, elle a donné une nouvelle configuration spatiale, en fonction de l’origine et de la diversité des réalités ethno culturelles. Ainsi, elle a arrêté les prétentions d’expansion territoriale des uns et facilité aux autres la prise de nouvelles terres. Dans la majorité de ces groupes, l’idée de l’appropriation des terres n’a pas succédé à celle de l’implantation et de l’occupation. Plus grave, le processus de l’appartenance à une communauté élargie, partant des dimensions locales à celles plus vastes de la Nation n’était pas achevé. Plus de cinquante ans après l’indépendance, le centrafricain accorde encore peu d’importance au territoire national, comme son espace vital. Il a en tête la notion étriquée d’un espace, limité à son cadre de vie, à sa résidence, à son domicile. Il n’a pas à cœur ce territoire très étendu, de 623000 kilomètres carrés, qui s’étale au-delà des limites de son terroir. Alors, il n’est ni en communion d’esprit, ni en solidarité avec les autres avec lesquels il partage cet espace commun. Tout simplement il n’y a ni l’histoire commune, ni une vision commune de l’avenir. Le soubassement psycho ethnosociologique du centrafricain est donc fragile et faible. Ceci a servi et sert d’activateur à toutes les crises, enchaînées tout au long des décennies. Malgré les efforts de colmatage5, les mastiques politiques ne tiennent pas. Depuis toujours la fragilité n’a été considérée comme un déterminant important dans les analyses politiques. Les régimes, les uns après les autres, ne se sont réellement pas investis pour forger dans le esprit du centrafricain la foi vis-à-vis du Centrafrique et de son territoire. Le 13 août 1960, avait sonné le début d’une nouvelle ère. C’était l’indépendance. A la surprise générale, Le Président DACKO et son régime n’avaient pris aucune disposition pour se préparer à conduire la transition. Un embryon de la classe
5 Les discours politiques sur l’unité nationale, l’appartenance au pays de Boganda, le ciment d’une seule langue nationale, et la prise de conscience de l’importance d’appartenir à un seul pays n’ont jamais scellé une compréhension commune. Même si les leaders politiques en ont fait leur bréviaire, elles n’ont jamais masqué leurs convictions d’appartenance à leurs clans. Ils ont toujours démontré de manière ostentatoire leur attachement clanique et tribal au détriment de l’intérêt de la nation.
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politique s’était mise en place. Son leadership encore très fragile, faute de cadres, n’avait ni l’assurance, ni l’efficacité pour affronter des défis, nombreux et complexes. Il ne s’était pas outillé dans la perspective de maîtriser la gestion du nouvel état en gestation, et n’avait donc à l’esprit, ni le schéma du chemin critique à suivre, ni les ressources. C’était une mission très difficile : gérer un Etat flambant neuf, façonner une Nation à partir de la diversité ethnoculturelle, lui donner des orientations pour le futur et un rythme aussi. Malheureusement, BOGANDA, lui-même, n’avait pas fini d’asseoir une approche stratégique nécessaire à la construction de ce nouveau pays. Il n’avait donc pas donné l’opportunité, aux jeunes citoyens, de rêver, ni de se mobiliser. Son obsession pour le fédéralisme s’étant évanouie, à mi parcours, il n’avait pas pu s’élever ci-haut pour réajuster et redimensionner ses ambitions et sa logique politique en fonction des réalités du nouvel état à construire. Il n’avait ni su, ni pu construire une équipe dynamique, mieux informée, mieux éclairée pour la relève. Alors, sa disparition brutale avait tout simplement été une profonde hécatombe, il avait laissé, sans passation de services et de compétences, à ses successeurs, un héritage très compliqué, hors de la portée de leurs mains. La classe politique n’avait pas pu s’investir intelligemment. Elle s’était embarquée dans d’une lecture réductionniste et monocolore d’une réalité compliquée. Elle s’était attachée plus particulièrement à l’idée déroutante, confuse et empreinte d’absurdités : celle d’amener le centrafricain à être amnésique, au point de nier sa source identitaire profonde, et de lui faire comprendre que la diversité n’était que une leurre ; et que, par sa mort, BOGANDA s’était sacrifié pour donner un pays aux centrafricain6. Il était la mesure de toute chose, qu’il en soit ainsi. Celle logique, dès les premières heures, avait conduit tout droit aux dérapages. Elle était utilisée et exploitée à profusion. La classe politique, minée par des différends internes, s’en était saisie, mais elle ne savait pas où était-elle, ni où aller ? Ni comment faire pour y conduire le nouveau pays ? Elle s’en était servi, juste, pour justifier sa légitimité. Elle n’avait pas à l’esprit la recherche d’autres alternatives adaptées au nouveau contexte, si ce n’était que de s’attacher à la poursuite de la marche imposée par la logique du colonisateur. Elle était fermée aux contre-propositions et figée sur la préservation des intérêts des ténors du régime, de leurs partisans, surtout des administrateurs et opérateurs économiques coloniaux, qui jouissaient de pleins pouvoirs et qui assuraient la surveillance, le contrôle, et l’orientation des faits et gestes politiques.
6 Cinquante ans plus tard, des générations ont succédé aux générations. Rien n’a été fait pour garder présent à l’esprit le sacrifice de Boganda. Rien n’a été conçu et largement partagé pour montrer aux jeunes en quoi la mort de Boganda a été un sacrifice pour le pays. De plus en plus des jeunes générations ignorent Boganda et ne peuvent le considérer comme une référence.
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Alors, les discours délivrés se focalisaient sur une pensée unique, celle de BOGANDA, fondateur et père de la Nation, la référence politique. Ils n’appréhendaient pas l’impératif de concevoir les bases de la refondation du nouveau pays. Ils mystifiaient tellement BOGANDA, qu’ils le considéraient, ainsi que son parti, le MESAN, comme les déterminants pour la mobilisation et la caporalisation du citoyen. Ils excluaient ainsi l’urgence de repenser un paradigme alternatif approprié au contexte de l’indépendance. Ils s’agglutinaient dans une logique de fermeture à d’autre son de cloche, et n’avaient pas intégré la diversité des réalités complexes du nouveau pays à la fois comme des richesses et des opportunités. La pensée politique était pris au piège de l’incontournable carcan psycho tribaliste, qui suscitait, à la plus part des autres composantes socio ethniques, la peur et la méfiance. Ainsi, était introduite la culture d’hypocrisie à la base de la corruption active dans la gestion de l’état. Alors que les discours politiques prônaient l’unité, les actes posés consacraient quant à eux la division et l’exclusion. Alors qu’ils invitaient au travail, dans la pratique, l’absence de mesures incitatives encourageait la paresse, démotivait et laissait le népotisme, la discrimination et l’exclusion prendre possession de la mentalité. Il n’avait aucun respect pour les normes et les standards. Les procédures et processus étaient systématiquement tronqués et exploités pour des intérêts égoïstes. Les acteurs politiques et responsables administratifs s’étaient ainsi disqualifiés. Quantitativement et qualitativement limités, ils ne pouvaient pas maîtriser la lourde machine politique, économique et sociale naissante. Ils s’étaient alors enfoncés dans des dérives notoires : i. la non valorisation des forces coutumières comme le socle fondamental de la construction du nouvel état et du développement personnel du citoyen ; ii. l’absence d’une vision commune et claire de l’avenir et du chemin critique sérieux pour refonder une nation ; iii. l’inexistence d’un processus d’apprentissage de masse, pour transformer le centrafricain, individu soumis en citoyen libre, motivé, engagé, mobilisé, responsable et entreprenant ; iv. Le non recours à une approche systémique incitant le citoyen à s’investir dans son potentiel, à faire de l’unité et de la solidarité, la base de son engagement à se sacrifier pour son pays7; v. le manque de la culture démocratique et de gouvernance qui ne lui offre guère les moyens pour une meilleure prise en charge de son épanouissement serein. En tout cas, toutes ces carences avaient finalement empêché le centrafricain à croire à la vertu de l’unité, de la solidarité, et du sens de responsabilité individuelle et collective, comme des forces créatrices. Elles avaient fragilisé la
7 Pendant la pensée unique a imposé aux centrafricains à nier la diversité de ses richesses par des slogans de type : une seule langue, une seule nation, un seul président (Père de la Nation).
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nouvelle classe politique, très frileuse à l’idée de la renaissance mentale du citoyen8, craintive de son épanouissement, et de ses capacités de demander des comptes. Le meilleur moyen pour le contraindre au silence et à l’inaction était de le maintenir dans l’ignorance, de le disqualifier du terrain politique et de le réduire en simple observateur naïf de la vie publique9. Alors, pour le premier régime, l’incitation à la renaissance citoyenne n’était pas une priorité, tout comme la protection des droits de l’homme, l’amélioration effective du bien-être individuel et collectif et l’apprentissage des valeurs civiques. C’était la concentration sur la nécessité de gagner en légitimité auprès d’une population analphabète à plus de 90%. L’accroissement de l’audience et de l’influence, sous le parrainage du colonisateur était privilégié. Il pouvait faciliter des réponses aux demandes énormes des citoyens. La première moitié des années 60 avait donc été marquée par la réjouissance naïve du citoyen. Rapidement, la désolation et la déception avaient suivi. Le centrafricain avait manifesté sa joie d’avoir un pays libre et indépendant. Mais, il ignorait totalement que sa liberté et son épanouissement étaient une illusion, qu’il devrait les gagner par la force de son intelligence, et que le changement n’était pas un gâteau à déguster, ni cadeau à s’en accommoder. Il devrait comprendre que tout dépendait de lui et que son manque de lucidité constituait un handicap majeur. Il l’enfonçait dans des interprétations erronées de la complexité des tâches de construction qui l’attendaient. Mais le dispositif type d’encadrement et d’accompagnement érigé par le colonisateur français, avait tout verrouillé. Il n’avait réservé, pour l’émancipation du citoyen, aucun chapitre à la préparation, à l’éduction civique, ni à la prise de conscience de sa responsabilité, de ses droits et de ses devoirs10. A l’évidence, cette logique réductionniste avait des répercussions sur le centrafricain. C’étaient sa condamnation à la touche du terrain de jeux politiques, sa maintenance dans l’ignorance, la manipulation de sa conscience, et son avilissement. Le citoyen était vidé de tout : de la capacité à mieux identifier ses problèmes et à les analyser, de la motivation et de la capacité à prendre les risques. Il se sentait alors démuni de tout, se méconnaissait en tant que citoyen d’un nouvel état moderne, s’enfonçait chaque jour davantage dans la misère et regrettait même la remise du pouvoir à une classe politique peu ingénieuse. Il ne comprenait pas, ni appréciait les mesures prises11 par le gouvernement pour faire
8 « La renaissance » c’est l’hymne national qui instruit au citoyen la reconnaissance de ses droits et de ses devoirs 9 En réalité, cette attitude politique a été l’affront porté vis-à-vis du Président Dacko en visite à Zémio. Le Roi MOPOÏ a refusé vigoureusement toute allégeance au nouveau Président. 10 Nos ancêtres les gaulois 11 La mauvaise gestion du mécanisme d’emprunt national imposé à tous les citoyens à partir de 1963 avait suscité la colère générale de la population
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face aux difficultés économiques, financières et sociales. Ainsi, grande était sa désolation et profonde sa déception. De 1966-1976, la donne avait changé. Le mécontentement de la population vis-à-vis d’une classe politique inconsciente était généralisé. Des plaintes contre l’incapacité du régime à produire des résultats économiques, financiers et sociaux satisfaisants gagnaient les villes et les campagnes. Le régime avait buté contre la rareté des ressources, et adopté une politique de large ouverture à l’est, notamment à la Chine. C’étaient autan de raisons utilisées par le colonel Jean Bedel BOKASSA pour justifier le coup d’état militaire, de la Saint Sylvestre 196612, et annoncer le changement13. Des mesures conservatoires avaient été hâtivement prises14, à travers les arrestations arbitraires, sans explications, ni recours aux juridictions judiciaires15. Le centrafricain, pris au dépourvu et impuissant, avait noté la suspension de la constitution démocratique, celles des activités politiques et syndicales. Le doute, la peur et la méfiance avait rapidement étouffé l’espoir éphémère. La hantise de la mort et l’intensification de la souffrance avaient pris le dessus. Le nouveau régime avait, au départ, imposé trois valeurs à promouvoir : le travail, la discipline et le patriotisme. Le culte du travail avait fait l’objet d’interminables et vastes campagnes nationales. Connu sous le nom de l’opération BOKASSA, il avait exigé à tous les centrafricains et à toutes les centrafricaines de faire du travail un moyen pour se libérer de la dépendance, pour construire le bien-être et pour garantir la dignité. L’accent avait été mis sur l’accroissement de la productivité, la performance de la qualité du travail et le haut rendement pour garantir l’augmentation du revenu. Le haut niveau de l’encadrement et de l’accompagnement technique et financier avait propulsé pays. Dans tous les domaines, des activités économiques et socio culturels des records avaient été battus. Les investissements dans les secteurs agroindustriels, pastoraux, infrastructurels, éducatifs, communicationnels et l’aménagement de la faune avaient permis l’augmentation des exportations et la croissance économique.
12C’est une petite révolution familiale au palais de la Renaissance que le citoyen a découverte, aux premières heures de la saint Sylvestre de 1966, par la voix de Radio Centrafrique. C’est la première chute d’un régime présidentiel qui a inauguré une série quasiment toutes les dix années. 13L’heure de la justice a sonné ; à bas la bourgeoisie, 14. Des arrestations arbitraires et des exécutions sommaires n’ont jamais été clairement explicitées pour que le citoyen puisse
en tirer les leçons 15 Les victimes avaient été écrouées dans les prisons de Ngaragba, certaines exilées, dans les zones extrêmes du Nord à Birao
et Ndélé, ou de l’Est, à Obo, Bambouti ou Zémio. Les nouveaux locataires du palais de la renaissance dictaient leurs lois martiales, géraient les affaires selon leurs ambitions et leurs convictions. Sans plan, ni vision, ils imposaient au centrafricain de nouveaux sacrifices, de nouvelles souffrances, encore plus dures. Ils le forçaient dans une logique d’errance quotidienne, de soumission au Père de la Nation et de la délation. L’instauration des menaces, de la peur et de la compromission comme moyen de gestion des individus et de la société avait fini par vider le citoyen des dernières forces morales et mentales.
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Le culte du travail avait été soutenu par l’imposition de la discipline. Des mesures avaient été prises et appliquées, contre le laisser aller, la prédation des biens publics, l’absentéisme, l’exclusion et toute autre dérive par rapport à la loi et les normes en vigueur. La crainte des représailles et des sanctions disproportionnelles étaient dans tous les esprits16. Les cas de vol, de braquage, le brigandage etc. avaient disparu dans les quartiers, sur les routes et dans les villages. Une société disciplinée avait vu le jour et comptait sur ses propres efforts pour s’émanciper. Le changement de comportement au niveau du citoyen était marqué aussi par la promotion des valeurs patriotiques. Dans l’esprit du centrafricain, les discours politiques visaient à encourager les sacrifices faits pour préserver l’intégrité de l’état, et encourager l’exercice du devoir citoyen, et tout ce qui pouvait démontrer que l’individu avait le sens du bien commun et l’engagement à le préserver17. Tout ceci, c’était imposer au citoyen, digne de son pays, l’esprit de sacrifice et de l’engagement à se mettre à la disposition de son pays. La logique politique consistait à démontrer que le changement était possible, et que le centrafricain devrait privilégier l’effort dans ce sens. L’observation générale et forcée de toutes ces valeurs avaient comme impact, l’assainissement des finances publiques, le retour à l’orthodoxie de la gestion du patrimoine public. L’apprentissage et l’éducation civique avaient retrouvé leur place de noblesse. Dans les média et les établissements scolaires, des efforts avaient encouragé l’acquisition d’une nouvelle mentalité, accentuée sur le sens élevé de la responsabilité et du travail de grande qualité. Cette grande mutation était développée dans un contexte où la sévérité, la discipline, et la rigueur etc, caractérisaient le régime autocratique. De 1976 à 1979, la croissance économique fulgurante et le progrès social étaient stoppés. Des dérapages psychodramatiques du régime en étaient les causes principales. En effet, la mutation de la république en empire avait enclenché, pour la seconde fois, une dynamique de l’auto destruction contraignante. Avec sa forte autorité, l’empereur, en mal de grandeur, avait brisé tous les efforts consentis. Il avait arrêté brutalement le processus de la transformation du pays et du citoyen. Son autorité raffermie et la vision recentrée sur lui et ses intérêts personnels privilégiés, il semait la panique stressante, la peur et la résignation. Il ne se préoccupait pas des privations de la liberté. Il laissait la pauvreté s’amplifier, par le vent de la destruction du tissu économique et des institutions qu’il avait
16 Des mesures officielles avaient été prises pour couper les oreilles des voleurs et des récidivistes et les exposer en public. 17 La mobilisation générale par le culte de travail avait été impulsé à travers le slogan OPERATION BOKASSA. Celle-ci
instruisait à tout citoyen l’impératif de s’investir dans le travail bien fait.
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transformée en instruments de contrôle, de répression et de liquidation. Tout était remis à plat. Tout ce qui était construit avait été détruit. Le citoyen était harcelé et vissé dans la souffrance18. De 1979 à 1981, c’était une nouvelle étape, consacrée à la recherche de la démocratie. Soigner la société centrafricaine terrorisée par les macabres élucubrations de l’Empereur, était un impératif. L’opération Barracuda, décidée et conduite depuis Paris, organisée avec l’armée française avait été le fait marquant. Saluée par toute la population, elle avait redonné l’espoir, mais aussi provoqué des excès. En effet, le Président DACKO, revenu au pouvoir avec l’appui de l’armée française, était comme un cheveu sur la soupe. Il ne s’y était pas préparé. Il ne s’y attendait pas. Sans vision, ni mission stratégiquement et tactiquement établies, ni programme, il avait privilégié la logique la plus dangereuse et la plus destructive, celle du défoulement compensatoire : laisser le centrafricain se libérer19, se défouler pour évacuer les frustrations accumulées, faire comme il veut et comme il peut.
Par cette naïve décision, le Président DACKO, avait réintroduit une dynamique de l’autodestruction volontaire et inconsciente20. Il avait ainsi donné le mandat pour la tolérance de l’anarchie, de désordre et de l’indiscipline. Alors, le vol, le pillage, la destruction systématique des biens publics et privés s’étaient affichés dans tous les esprits, ceux des dirigeants et ceux des laissés pour compte. Ils étaient la manifestation criarde de la propension de la culture de prédation systématique, vivace à tous les niveaux. Celle-ci était devenue si cancéreuse qu’elle avait empoisonné l’espace politique et corrompu les capacités institutionnelles à délivrer des services à la hauteur des attentes de leurs clients. En réalité, la réouverture brutale à l’ordre démocratique et aux revendications pour une plus grande liberté, avaient amplifié l’indiscipline et le désordre, provoqué l’explosion des partis politiques et de la société civile et suscité la montée des vagues de protestations et des exigences sans commune mesure. La paix tant désirée s’était éloignée. La surcharge de tensions politiques et des attentes de la réparation des dommages causés par les changements brutaux de régimes avaient pourri l’atmosphère.
18 On ne nourrit pas un peuple avec de la politique. Cette déclaration de Bokassa a sonné le glas à l’engagement politique
citoyen. La peur des représailles a définitivement éloigné le centrafricain de l’espace politique et condamné à la résignation.
19 David DACKO avait cru mieux faire, en ordonnant le laisser-faire. Des hordes de jeunes frustrés et déchaînés s’étaient abattus sur Bangui. Ils s’étaient mis à se servir de tout ce dont ils avaient besoin. C’était le pillage, libre, à grande échelle, autorisé comme mode de compensation de la privation imposée à l’ère "Bokassienne". C’est, comme avait décidé le Président DACKO, un moyen de libération, du défoulement, et de satisfaction des besoins longtemps comprimés. C’était le «grâce à DACKO», synonyme de la liberté de prendre ce que l’on veut, où l’on veut. L’indiscipline, le désordre, le laisser-aller et l’incivisme venaient ainsi à être consacrés 20 Le pillage du bien public par un individu et à son profit
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Le centrafricain, plongé dans un contexte fait de mélanges confus de la démocratie, de l’indiscipline, de l’anarchie et du désordre, était complètement désespéré. Il n’arrivait pas à comprendre l’ébullition immature de la classe politique et les agitations insensées et irresponsables des acteurs sociaux. Il ne pouvait pas non plus savoir pourquoi sortir d’un passé scabreux et catastrophique pour tomber dans le chaos indescriptible. Il avait fondé l’espoir sur les assises du séminaire national de réflexion pour la régularisation de la situation. Mais il en était profondément déçu. Il n’avait pas trouvé dans les déballages discursifs et les recommandations évasives des réponses concrètes à ses préoccupations. Il avait noté l’empressement des leaders politiques à monopoliser la parole et à confisquer le dialogue. Mais il était dérouté par leurs incapacités à s’élever pour réinventer des fondations d’un Centrafrique nouveau. Il avait ainsi enregistré l’échec ou l’incapacité des forces politiques à trouver un consensus autour d’un projet d’avenir commun21, et à inscrire, dans leurs ambitions, l’urgence de l’instauration de la transparence, de l’intégrité, de l’éducation pour une culture citoyenne porteuse du changement transformationnel. De 1981 à 1993, contraint par les évènements, le Président DACKO avait cédé le pouvoir à l’armée. Le général d’André KOLINGBA22, le nouveau maître, annonçait l’impératif du redressement au regard du tableau sombre du pays : l’économie détruite, la population plongée dans la souffrance insupportable, la jeunesse en pleine déliquescence et désespérée, et l’insécurité très élevée et généralisée. Il n’avait pas ménagé la classe politique, rendu coupable de l’anarchie, de la destruction des institutions et de la faillite générale de l’état. Au citoyen, il avait demandé la prise de conscience du sens élevé de sa responsabilité, une bonne conduite civique avec le respect de la personne humaine23 et une participation motivée au redressement national. Le comité militaire de redressement avait ainsi annoncé les couleurs. Malheureusement, encore une fois, l’impréparation et l’incapacité à construire des alternatives stratégiques et tactiques appropriées l’avaient conduit aux dérives autocratiques. Arrivés précipitamment sur le podium politique, en proie à la pauvreté et goûtant maintenant à la magie du pouvoir, les gouvernements subséquents s’étaient plutôt embarqués sur le terrain de l’affairisme sauvage. Ils n’étaient pas familiers des principes, des valeurs et des normes de la gouvernance. Ils ignoraient tout des approches de changement et du développement d’un leadership transformationnel. Alors, les mêmes tares des
21Beaucoup de confusion avaient induit des comportements antidémocratiques. La liberté pour la majorité des citoyens c’est de faire ce que l’on veut ; la liberté d’agir ; la liberté de se servir et de détruire le patrimoine public pour effacer de l’histoire du pays des figures responsables des atrocités, sans se référer aux règles en vigueur, sans se préoccuper de l’ordre public, sans être inquiété 22En réalité une simple passation de service 23 La personne humaine est à respectée
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régimes passés, tant décriés, avaient refait surface, encore plus incisifs : la suspension de la constitution, des activités politiques et syndicales, les atteintes au droit de l’homme, le népotisme à outrance, le détournement des deniers publics, le pillage du patrimoine public, la discrimination, la corruption et l’entrave à la circulation des personnes et de biens. Des dérives d’aussi grande ampleur avaient ainsi enclenché une dynamique d’auto destruction, inconsciente et incontrôlée. Elles avaient fait comprendre au citoyen qu’il n’avait rien à espérer de ce régime de profit-situationnistes, et qu’il était, une fois de plus, contraint à la résignation, et à la méfiance, à l’égard des nouvelles autorités, en dépit de la bravoure24 qui lui avait permis d’affronter le régime impérial. Le centrafricain avait perçu le patriotisme en ébullition s’évanouir dans la lave d’un égoïsme grandissant et déroutant. Il avait découvert à ses dépends que face à la dégradation de ses conditions de vie, la mascarade de gestion des affaires publiques, à travers la mauvaise planification du développement 25 l’avait d’avantage enfoncé dans l’enfer. Après une dizaine d’années de désespoir, le centrafricain comptait sur le puissant vent de démocratique incité par la Baule26. Le Président KOLINGBA était forcé à organiser le Grand Débat27. Malheureusement, encore une fois, le rendez-vous était manqué. Le citoyen était exclu des débats et ses préoccupations occultées. Des opportunistes l’avaient disqualifié. Ils avaient privilégié des alternatives qui répondaient à leurs intérêts catégoriels. Finalement, tout revenait à croire que le centrafricain était prisonnier d’une classe politique gloutonne, enfermée dans un égoïsme aveuglant et précaire. De 1993 – 2003, dans la logique imposée à La BAULE, le principe de l’ouverture démocratique avait été finalement adopté. Des élections libres et démocratiques avaient été organisées en 1993, dans un climat apaisé. L’arrivée aux commandes, d’Ange Félix PATASSE, Président démocratiquement élu, avait allumé l’espoir. De grandes réformes, l’ouverture de grands chantiers, la construction d’un nouveau
24 En 1979, la jeunesse estudiantine avait insufflé un grand vent de protestation contre l’empereur BOKASSA qui avait fini par l’emporter 25 Des plans de redressement mal conçus et mal conduits ; des plans d’ajustements structurels mal ajustés et mal appliqués 26 Le discours de La Baule écrit par Erik Orsenna et prononcé par le Président de la République française François Mitterrand, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France qui s'est déroulée dans la commune française de La Baule-Escoublac (Loire-Atlantique). 27 Il sur la démocratie pour apaiser la rue déchaînée, les forces syndicales. Les forces partis politiques à l’affût étaient bien décidées d’en finir avec le pouvoir militaire.. Une fois de plus, c’était un rendez-vous manqué pour le citoyen. La parole avait été encore une fois monopolisée par les mêmes acteurs. Le forum avait été investi par les partis politiques, les syndicats et bien d’autres composantes de la société civile. Quatre-vingt-quinze pour cent des participants résidaient à Bangui, représentaient des groupes d’intérêts politiques économiques et sociaux de la capitale. L’accès au Grand Débat était fermé au citoyen, victime innocente et naïve des mauvaises politiques, projetée et barricadée dans le mutisme total. N’ayant pas le droit à la parole, il était forcé à l’écoute des débats orientés vers des prétentions partisanes, des comptes à régler en fonction des besoins des sensibilités politiques. Les revendications majeures s focalisaient sur la reprise des activités politiques et syndicales aux fins de la restauration du cadre démocratique et des élections démocratiques. Les chapitres consacrés aux réformes administratives, économiques, sociales et culturelles avaient été occultés.
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Centrafrique avaient été promis avec pompe28. Malheureusement, les ambitions politiques n’avaient pas été formatées dans une vision claire et mobilisatrice. Il n’y avait ni mission, ni programme, seulement la litanie de promesses interminables, la pérennisation des jouissances de la victoire électorale, les incohérences et les dérapages déroutants à l’excès. Encore une fois, le changement de régime et les avancées vers l’ouverture démocratique avaient accouché d’une souris et créé une dynamique d’auto destruction inconsciente. En effet, aucun plan de changement annoncé en grande pompe n’avait été ni matérialisé, ni exécuté. La priorité était, pour le régime, le dédommagement 29 des ténors et des partisans du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLCP) ayant subi des sévices et des brimades. Le pays était abandonné, l’insécurité gagnait le terrain et l’état en perdait le contrôle. Toutefois, les promesses mirobolantes et des mots d’ordre complètement désuets30 n’avaient pas cessé d’amuser la galerie. L’éducation à la citoyenneté promise avant et lors des campagnes électorales avait été purement et simplement classée et remise à plus tard. La démagogie avait montré ses limites et ses travers.31 Les affres de la mauvaise gouvernance s’étaient amplifiées : le vol systématique des deniers de l’état, la privatisation des biens publics, l’accentuation du népotisme, la promotion de l’incompétence, la corruption entre autres. L’amplification de ces dérives avait provoqué beaucoup de déceptions et suscité des séries de mutineries au sein de l’armée. Le régime était visé. Il frémissait et chancelait à chaque mouvement des militaires. Pour la première, des conflits d’une autre nature allaient secouer le régime, la classe politique et le pays tout entier. Des mois durant, le centrafricain avait à subir durement les conséquences de faux calculs politiques, des turpitudes, des élucubrations et de l’enfermement du régime dans l’autarcie insensée. Le Président PATASSE, prisonnier de son entêtement, incapable de prendre conscience de l’improductivité de son mandat, devait payer le prix. Il était condamné à affronter de longues séries de mutineries des forces armées centrafricaines. Face à un contexte très hostile, il n’avait pas trouvé mieux que de
28 Le Centrafrique sera un pays où coulent le lait et le miel. 29 La logique était le partage de gâteau aux militants de la première heure, aux grands militants, avait primé, au détriment de l’intérêt général 30Ne pas tendre la main de mendiant dans un pays où coulent le lait et le miel. Patassé PATASSE 31 La suppression de l’impôt de capacitation a été largement saluée et surtout interprétée comme une libération du citoyen de l’emprise de l’autorité de proximité, de la police, et de la gendarmerie. Elle a été perçue par le citoyen comme un soulagement. Mais elle a provoqué la perte de l’autorité des proximités, chef de quartier, chef de village. Elle a impulsé un comportement citoyen caractérisé par la généralisation de l’indiscipline, le manque de respect vis-à-vis de l’autorité etc.
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recourir à l’aide extérieure et internationale : la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC), la Commission Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), MISAB, la Lybie, la République Démocratique du Congo (RDC) à, la France, les Nations Unies. Des d’efforts, au plan national, pour éviter le pire et sauver la paix étaient vains ; Par manque de sagesse, de compétence, d’humilité et d’honnêteté, le Président PATASSE avait privilégié la protection de son régime aux souffrances du peuple. Il avait rejeté les pistes du dialogue, du compromis, de la tolérance. Il n’avait point confiance aux capacités du centrafricain à surpasser ses intérêts personnels pour gérer les différends politiques avec hauteur. Il avait balayé toute proposition de concessions. Il n’avait aucunement le souci d’épargner le peuple d’une crise armée dangereuse32. Son refus catégorique de la main tendue aux forces politiques et sociales, aux médiateurs religieux et aux mutins avait projeté le pays dans une cascade de violences destructrices. L’amplification de l’insécurité, de la méfiance, de la destruction des infrastructures économiques et sociales etc avaient emporté le pays dans le marasme. Le Président PATASSE et le MLPC avaient perdu le contrôle33 de la situation. Dans le chaos, ils ne se retrouvaient plus. Les autres forces politiques désarçonnées et démissionnaires étaient plongées dans une longue et profonde hibernation. L’espace politique souffrait du manque d’un leadership fort. Les conditions précaires et fragiles avaient consacré son inefficacité. Par rapport aux régimes précédents. Les relations entre les forces politiques étaient empoisonnées par des sentiments confus de suspicion, d’hypocrisie, et d’animosité. C’étaient des facteurs qui avaient généré un environnement politique pessimiste, douteux, méfiant, peu favorable à la concertation. Ils avaient forcé les acteurs politiques à recourir au tutorat régional : soumettre la supervision de la recherche de solutions alternatives à une personnalité extérieure34. Le centrafricain était sur le banc de touche. Encore un rendez-vous manqué pour lui, exclu de toutes les initiatives de recherche des alternatives aux défis généraux et sectoriels relatifs à la paix, à la sécurité et à la protection de ses droits. Il avait fini par retirer la confiance au Président PATASSE, à son parti le MLPC, et à toute la classe politique, qu’il avait rendus responsables de la souffrance du peuple et de l’exacerbation de son humiliation. Ainsi, le régime démocratique avait encore échoué 35, sans être capable de tirer les leçons du passé.
32 Etant démocratiquement élu, il n’a jamais été à l’esprit de partager, ni de perdre le pouvoir. Comme pour lui il n’a pas été question de dialoguer pour faire des concessions. Ce serait d’après lui le recul de la démocratie. 33 Etablissement des accords de Bangui, avec la responsabilité de surveillance confiée à SEM Toumani TOURE 34 Une multitude d’états généraux avait été organisé pour jeter les bases de réformes institutionnelles globales et sectorielles. 35
Pour avoir la majorité présidentielle à l’assemblée nationale, le MLPC a débauché, par la corruption, un député d’un parti adverse
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De 2003 à 2013, avait eu lieu un nouveau changement brutal de régime. Une rébellion36 conduite par le Général François BOZIZE, avec le soutien du Tchad, avait pris possession de Bangui. Par son accueil froid et mitigé, le centrafricain exprimait son indignation et sa désapprobation. Il avait compris que les coups d’état militaires n’étaient plus l’option requise pour un changement sérieux du pays. Il croyait encore moins aux vertus d’une rébellion montée de toute pièce, sans programme, mais articulée autour des discours décousus, peu convaincants, évoquant pêle-mêle, le sursaut patriotique, la chasse aux pilleurs, le retour à l’état de droit, la lutte contre le VIH SIDA, la libération du peuple etc. Comme d’habitude, le nouveau régime ne s’était pas démarqué. Il avait pris les mêmes mesures antidémocratiques : la suspension de la constitution et des activités politiques et syndicales, en étaient la substance. Il avait propulsé au bord de la mangeoire de l’état de nouvelles rapaces affamées, des aventuriers et opportunistes. Rapidement les mêmes dérapages politiques étaient enregistrés, et exprimés à travers le déficit chronique de la démocratie, de la transparence et de l’intégrité. La corruption à tous les niveaux, le népotisme à outrance, la discrimination, le pillage systématique des biens et ressources publics37, l’inaccessibilité du plus grand nombre à la protection des droits de l’homme 38et aux services de justice de qualité, à l’emploi et au revenu substantiel, montraient l’étendue et la profondeur de la catastrophe et de l’incompétence du nouveau régime. La convergence 39 et le KNK40 en étaient successivement des instruments politiques pour la protection des intérêts de BOZIZE et de ceux de sa famille. Les parents, les courtisans et les aventuriers s’y engouffraient, s’agitaient, se bousculaient, s’éliminaient, dans des courses infernales. Ils commettaient deux fois plus d’erreurs, produisaient quatre plus de déceptions et cinq fois plus de souffrances que tous les régimes précédents. Ils faisaient le lit à la mal gouvernance, et créaient un environnement politiquement infeste, propice à toutes infractions ignobles. Les libérateurs avaient introduit, eux-aussi, une dynamique d’auto destruction généralisée et catastrophique. La dégradation générale de la situation, avait fait naître des mouvements rebelles. Des groupes politico-militaires,41 des coupeurs de route, des braconniers et
36 Militaires et des jeunes recrues dans la nature avaient accompagné le Général BOZIZE dans la prise du pouvoir 37 Le Président BOZIZE avait consacré le pillage du pays par sa propre famille et ses courtisans. 38 Les enfants, les neveux et les cousins du Président ainsi que ses épouses et concubines s’étaient faits remarquées par leur affairisme débordant et illégal ; Surtout les enfants avaient excellé par leurs arrogances et les gifles données à tour de main, l’escroquerie, et la privatisation des biens et patrimoines publics 39 Un mouvement soufflé à BOZIZE pour être le creuset des idées et des forces politiques autour de lui 40 KNK Kwa Na Kwa n’est qu’un simple slogan pour inviter le citoyen à se mettre au travail. Malheureusement, l’idéologie devant soutenir la valeur et le culte du travail a été profondément déficitaire. Le citoyen n’a bénéficié d’aucune pédagogie lui permettant d’acquérir la culture du travail dur et bien fait. 41Les zarguina depuis toujours entretenus par des commerçants tchadiens et soudanais
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trafiquants de tout genre, appuyés par leurs complices à l’intérieur et à l’extérieur42 avaient constitué une puissante armada, contre le régime. Ils avaient bénéficié des appuis en provenance de divers horizons et de bon nombre de préfectures : l’Ouham Pendé, l’Ouham, Nana Gribizi, Bamingui Bangoran et Vakaga, au Nord. Leurs premières opérations, en 2006 – 2008, avaient forcé BOZIZE à recourir à l’assistance de ses paires de la CEMAC. De nombreuses initiatives avaient été prises sous la pression de la communauté internationale, à travers le B0NUCA. Des accords43 entre le gouvernement et les mouvements rebelles avaient été signés à Libreville ; des forces multinationales constituées ; un programme de désarmement, de démobilisation et de l’insertion mis en place ; une dialogue politique inclusif organisé. Comme le Président PATASSE, le Général BOZIZE n’était pas prêt à appliquer les termes des accords. Il comptait sur sa garde rapprochée, renforcée et tribalisée, sur les forces de défense et de sécurité, humiliées et dégagées de leurs officiers et hommes de troupe de valeur et sur les forces sud africaines, pour assurer sa propre protection. Fort de ce dispositif, il avait mis dans son tiroir toutes les initiatives liées aux recommandations des accords de Libreville, des états généraux sur le dialogue inclusif. Il se préoccupait plus de l’impératif d’achever son mandat 44 présidentiel que de l’urgence de l’amélioration des conditions de vie des populations. BOZIZE n’était pas différent de son prédécesseur. Enrichi sur le dos du centrafricain, sans apporter de solutions aux problèmes socioéconomiques, il n’avait réalisé aucune réforme et laissé la situation misérable des populations continuer à se dégrader, dans l’indifférence totale45. Obnubilé par l’impératif de protéger son propre mandat, il avait négligé le spectre du deuxième mouvement de rébellion. Il n’avait pris aucune disposition, quand, au mois de septembre 2012, il avait appris les avancées foudroyantes de la rébellion vers Bangui. Pris de panique, devant l’effondrement de la résistance de ses forces armées, il comptait sur la mobilisation de la jeunesse, munies de machettes pour une lutte armée populaire à la rwandaise. Il accusait pêle-mêle des terroristes djiahadjawid, influencés par les expériences de la Somalie, du Mali, du Darfour, du Soudan et du Sud Soudan. Il dénonçait le complot de son parrain, le Président Idriss DEBY ITNO, qui ne masquait pas ses ambitions territoriales pour le pétrole de Boromta, qui appuyait les velléités sécessionnistes des groupes politico-militaires du nord. Il
42 Les diamantaires pris sous le choc de mesures prises dans le cadre de la ITE avaient décidé de s’investir dans le financement de la rébellion. 43 Accords de Libreville du 13 janvier 2023 44 Des tonnes ou des kilomètres de recommandations accumulées au cours des concertations nationales n’avaient un début de mise en œuvre. 45 Face à la montée de la rébellion et aux échecs systématiques des forces armées centrafricaines sur le terrain ; Bozizé BOZIZE avait opté pour la provocation et l’affrontement. La défection de ses hommes sur le terrain, il n’en avait pas conscience, pire il s’était engagé à former des milices afin d’arrêter la progression des rebelles.
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n’avait point ménagé des commerçants et des diamantaires, et les accusait de complicité et d’intelligence avec des groupes rebelles. Enfin, il n’avait pas épargné la France, à qui avait reproché son appui masqué à la rébellion et son avidité à mettre le coude sur le pétrole comme auparavant elle l’avait fait pour l’uranium. La réaction désespérée de BOZIZE et ses dénonciations avait fini par révéler qu’il était pris en tenailles dans des transactions géostratégiques, sous régionales, dont l’épicentre était placé sous l’œil vigilant et la direction de Paris. Il avait perdu son autonomie, et était devenu une simple marionnette46. Il n’était ni sage, ni intelligent, ni capable de se référer à la leçon de l’arroseur arrosé, pour trouver de stratégies de la survie politique appropriées. En 2003, il avait renversé le Président PATASSE, grâce au coup de main du Président DEBY du Tchad. Celui-ci n’avait jamais caché ses visées expansionnistes sur le Centrafrique. Il avait toujours dissimulé ses ambitions : anéantir les multiples groupes rebelles tchadiens contre son régime qui écumaient les savanes centrafricaines ; bénéficier d’une certaine sécurité économique par la main mise sur le champ pétrolifère de Boromata ; créer un environnement propice à l’épanouissement de milliers de tchadiens économiquement très actifs dans les secteurs commercial et minier. Il avait négligé d’intégrer beaucoup de paramètres extra nationaux dans sa logique. Il ne savait pas que la position géostratégique du pays au cœur du continent et ses richesses le mettait au centre du dispositif du terrorisme international pour la conquête des pays de l’Afrique Centrale. Sinon pourquoi la rébellion, dans ses faits et gestes, traitaient avec la rage destructrice des symboles et les biens institutionnels et chrétiens alors qu’elle était révérencieuse devant ceux de l’islam47. Une nouvelle dynamique autodestructive impulsée par le terrorisme islamique international était donc entrain d’ouvrir un chapitre en Centrafrique avec l’appui des pays du golf. Le centrafricain était loin de comprendre tout cela. Avec l’arrivée de BOZIZE en 2003, il n’avait pas perçu le mouvement rebelle comme un danger, mais plutôt, comme des forces libératrices. En avait-il su tirer les leçons ? Avait-il compris maintenant que la prise de pouvoir par la force constituait véritablement un danger ? Il était resté muet et figé, sans manifester ses émotions devant la progression des rebelles, comme un rouleau compresseur. Il était coi et abasourdi, d’apprendre l’inexistence de la résistance et le repli systématique des forces armées centrafricaines, excédées par l’humiliation et la négligence de leur chef. Il était perdu d’apprendre, surtout, le recul des troupes républicaines, leur refus du combat, et la cession de leurs armes aux envahisseurs.
46 BOZIZE naïvement ne comprenait pas que la découverte du gisement pétrolier à Boromata et l’octroi du contrat d’exploitation à la Chine pouvaient être un puissant motif d’une revendication politique, au point de susciter des prétentions à la scission du pays. Les groupes armés avaient intégré dans leurs calculs la présence de la manne pétrolière comme des ressources potentielles permettant de justifier la prise en main des régions pauvres et abandonnées du Nord Est. 47 District de Birao alors que le reste du pays était le territoire administratif de l’Oubangui Chari
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Après tant d’années de frustrations accumulées, de souffrance et de déception, de résignation et de méfiance, le centrafricain avait brillé par son indifférence devant la progression vertigineuse des violences, des tueries, des pillages que les hommes armés48 de la Séléka, déchaînés, comme des barbares, semaient à leur passage. Il n’avait ni compassion, ni solidarité avec d’autres citoyens exposés à la folie meurtrière des envahisseurs surchauffés. Quand, par exemple, les éléments des Séléka avaient investi Ndélé, peu de centrafricains s’étaient sentis concernés, dans les autres villes. Aucune manifestation, ni déclaration politique n’avait été enregistrée. Aucune dénonciation, aucune condamnation contre le vent de la barbarie qui secouait et menaçait des villes et villages n’était entendue. Bria, Ippy, Bambari ; Grimari, Alindao, Kémbé, Mobaye, Bangassou, Sibut, KagaBandoro, Kabo, Batangafo, Bouca, Bossangoa, Bossembélé étaient tombées, les unes après les autres, dans le silence sourd, impuissant, médusé et humiliant. La progression des envahisseurs était fulgurante. BOZIZE était forcé d’accepter, encore et toujours à Libreville au Gabon, des accords49 : le partage du pouvoir avec les rebelles ; la dissolution de l’Assemblée Nationale et du gouvernement ; la création du Conseil National de Transition et l’intégration des représentants de la rébellion dans le nouveau gouvernement. C’était une nouvelle configuration politique, assimilée à un partage de gâteau, entre lui, ses parents et les représentants des Séléka. Cette triste équation avait exclu la prise en compte des tueries, des assassinats, des viols, des enlèvements, par centaine de milliers, à Bangui et dans l’arrière pays. Elle avait occulté la situation de milliers et de milliers des personnes déplacés, femmes, enfants, jeunes, vieillards, que le passage des séléka, comme un ouragan, avait chassés de chez eux et jetés dans les forêts, les savanes pour y trouver de refuges50. Elle n’avait pas intégré la destruction massive des biens publics, des maisons privées, des églises, des temples, équipements divers, motos, véhicules, électroménagers, ordinateurs, argents.
Curieusement, au déferlement de cette folie meurtrière n’avaient répondu que le silence et l’indifférence générale, à l’intérieur comme l’extérieur. BOZIZE, lui ne s’était pas donné un autre choix que celui de s’agripper à l’idée de ne pas perdre le pouvoir, si chèrement et démocratiquement acquis. Mais sans forces de défenses et de sécurité, sans les forces armées centrafricaines, ni les gendarmes, ni les policiers aguerris, professionnellement expérimentés il ne pouvait pas grand-chose. Avec une garde prétorienne tribalisée à outrance, très mal formée
48Séléka : c’est l’alliance pour une cause, malheureusement inavouée 49 13 janvier 2014 50 A l’exception de la préfecture du Haut Mbomou, sous l’occupation de la Lord Resistance Army (L’armée de résistance du Seigneur)
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et sous équipée, une force internationale (FOMAC) impuissante par son effectif très réduit, une présence de l’assistance militaire sud africaine complètement perdue, il avait finalement retrouvé la raison et décidé honteusement d’abandonner son peuple et de sauver sa peau et celle de son clan. Le 24 mars 2014, il avait fui en laissant le pays, dans le chaos et l’anarchie indescriptibles. Le Centrafrique avait cessé d’exister.
• De l’enfer aux tueries massives De 2013 à 2014, sans loi, ni foi, les Séléka, conduits par Michel NDOTODJA AMNDROKO, étaient devenus les maîtres, avec une seule idée en tête : se venger et s’enrichir. L’impératif de remettre les institutions debout et de concevoir les bases solides d’un pays moderne équitable n’était pas leurs préoccupations. Ils n’avaient ni vision, ni programme, ni approche stratégique pour soutenir des alternatives de changement. Ils n’étaient pas venus non plus pour amener les peuples à apprendre à répondre à ses aspirations. C’était l’aventure, l’improvisation, la provocation, la discrimination, le pillage à grande échelle, l’humiliation des autres centrafricains non coreligionnaires. Pour s’installer, ils avaient rapidement procédé au remplacement systématique des cadres, dans les institutions. Ils avaient privilégié les leurs, orientés par des critères de l’appartenance ethno-religieuse51. Dans toutes les instances administratives et politiques, de nouveaux agents et cadres avaient fait leur apparition. Des experts, peu nombreux, des étudiants, et surtout des anciens fonctionnaires à la retraite et en fin de carrière, des hommes de la rue sans formation, ni diplômes, étaient responsabilisés en désordre 52 . ambassadeurs, consuls, directeurs de cabinets, préfets, sous préfets, chefs de services etc. La vanne était toute grande ouverte. Les opportunités étaient données aux aventuriers et opportunistes pour organiser le 51Les originaires des préfectures de la Bamingui Bangoran et de la Vakaga, surtout ceux qui sont musulmans étaient l’oiseau recherché 52 Au ministère de l’administration du territoire, nombreux préfets et sous-préfets nommés, n’étaient pas des administrateurs. Sans qualification, ni culture de gestion administrative, ni lettre de mission, ils devaient encadrer les populations.
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pillage53 à grande échelles. Les chefs de guerres et leurs parrains54s’étaient copieusement servis. La furie de la vengeance et l’ignorance poussaient des Séléka vers des débordements excessifs et sans retenus qui défiaient toute conscience humaine55. Des enlèvements, des tortures, de tueries massives, des charniers, des incendies de cases et des villages entiers, les pillages des biens publics et privés, au jour le jour, étaient enregistrés, au dépends des centrafricains d’origine, et non musulmans. Les commerçants et diamantaires musulmans, tchadiens et soudanais 56 dans leur ensemble, étaient privilégiés. Ils bénéficiaient des avantages administratifs énormes. Ils étaient exonérés de toute obligation fiscale, bénéficiaient des couvertures politiques étendues et avaient la main mise sur l’économie nationale57. Pour accélérer le processus de décomposition nationale, les séléka avaient pris, de manière insidieuse, des mesures musclées de protection de leurs coreligionnaires et d’embrigadement des autres centrafricains. Les musulmans bénéficiaient alors de la protection, de la promotion dans tous les domaines. Il s’agissait d’accroitre leur domination sur les autres et réparer les dommages liés à leur exclusion de la vie publique depuis des années. Ce faisant, ces mesures visaient la sécurisation et la pérennisation de l’influence islamique. Elles consistaient à préparer la guerre sainte contre les autochtones. Ainsi étaient enregistrées la démultiplication des poudrières dans des mosquées, et la prolifération des caches d’arme58 dans les domiciles, dans la brousse, à la périphérie des agglomérations, et dans des cimetières, sur toute l’étendue du territoire. Les séléka avaient ainsi imposé une dynamique d’auto destruction barbaresque et infernale. La crise centrafricaine avait alors pris toute une autre allure, un autre aspect, et une autre dimension, jamais vécus. Le Centrafrique était engagé dans la pire catastrophe de son histoire, mortellement frappé dans sa chaire et dans son âme et complètement livré à la merci des brigands, des truands, des pillards, des rebelles, des trafiquants de stupéfiants et des terroristes musulmans. Il était devenu un carrefour où se rencontraient des hors la loi, qui marchandaient et prélevaient des richesses et imposaient des convictions et la culture coraniques.
53 Le territoire est découpé en zones d’occupation à la tête desquelles étaient placés des commandants avec des éléments armés, chargés des questions des militaires du contrôle de toutes les activités sécuritaires, administratives, financières, économiques, judiciaires etc 54 Les séléka avaient bénéficié du concours déterminant des commerçants et des diamantaires pour prendre le pouvoir par la force. 55 Création du Centre Extraordinaire de la Défense des Acquis Démocratiques, une entité de la police politique chargée de rendre des comptes aux ennemis indésirables (éléments des forces armées centrafricaines surtout) du nouveau régime, 56 Ils ont été les grands financiers du mouvement des seleka 57 Ils avaient le monopole des activités commerciales et de transport de marchandises et de personnes. 58 Dans les quartiers et les villages les mosquées, les résidences des particuliers et les cimetières étaient transformés en caches d’armes, sous le contrôle des généraux, des colonels et des dignitaires musulmans
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En maîtres absolus, les seleka avaient institutionnalisé, pour les autochtones, la terreur, les assassinats massifs, les flagellations de suspects, les enlèvements et le charriage des corps dans les cours d’eau. Ils justifiaient leurs dérapages en termes de revanche des communautés59 longtemps marginalisées, exclues du pouvoir. Ils avaient, par cette logique, tué le Centrafrique60 et mis en avant les intentions pour sa partition. La société centrafricaine a trouvé, au grand jour, et dans la douleur, qu’elle était depuis longtemps minée. Une culture de division socio cultuelle couvait en elle. D’un côté, les musulmans masquaient, avec beaucoup d’hypocrisie et d’intelligence, leurs sombres desseins de lancer une guerre de religion. De l’autre les chrétiens, les animistes et les autres autochtones découvraient, avec beaucoup de surprises et de déception, l’envers de leur naïve hospitalité. Cette coupure socio confessionnelle avait servi de prétextes aux pêcheurs en eau trouble, pour utiliser tous les moyens d’incitation à la haine et à la guerre inter religieuses : face à face, les autochtones chrétiens, musulmans et animistes, appuyés par les anti balaka d’un côté, de l’autre, certains représentants des groupes ethniques centrafricains des préfectures de la Bamingui Bangoran, de la Vakaga, de la Haute Kotto et de la Nana Grébizi, soutenus par des étrangers musulmans, (commerçants, diamantaires, transporteurs etc) des selaka, des mercenaires, des terroristes, d’origine tchadienne, soudanaise. La situation est si complexe qu’elle est difficilement saisissable par quel qu’un qui ignore les réalités centrafricaines. Ce face à face explosif a interpellé la communauté internationale. La France, en tête, a pris l’initiative de dépêcher les militaires, «les forces Sangaris», au côté de ceux mandatés par les pays de la CEMAC, « FOMAC ». L’étendue et la complexité de la situation a finalement poussé l’Union Africaine, et l’Union Européenne et les Nations Unies à fournir progressivement des contingents, soient respectivement la MISCA, l’EUFOR, les Casques bleus. A compte goutte ces forces se mettent en place, à Bangui, la capitale, en premier lieu, en octobre 2013, puis lentement elles gagnent l’intérieur. 59 Des slogans du genre, depuis cinquante ans, nous musulmans étions privés étaient privés du pouvoir. Notre tour est arrivé. Nous y resterons cinquante ans aussi 60Des commandants de zone, généraux et colonels préfabriqués de toute pièce, à la sauvette, officiers caricaturaux à la don quichotte sont installés pour encadrer le pays et surtout lancer la conquête djihadiste, avec des hordes d’éléments armés, zélés, incontrôlés, comme des meutes de chiens enragés, affamés et avides de sang. Ils s’accaparent des chantiers de diamant et d’or. Ils imposent aux ouvriers le travail forcé, et abattent froidement les récalcitrants. Ils barricadent les routes et prélèvent des taxes. Ils envahissent les réserves de biosphère et les parcs nationaux et, par une chasse sauvage, se procurent des trophées d’une faune très menacée. Les hommes déchaînés des Séléka terrorisent, les opérateurs économiques nationaux, leur imposent toute sorte de contraintes fiscales aux fins de les chasser de l’espace économique. Ils interdisent aux jeunes du secteur informel d’exercer leurs activités, en revanche, ils octroient le monopole aux commerçants tchadiens et soudanais. Sans retenue, ils saccagent systématiquement tous les patrimoines publics, les hôpitaux, les écoles, pillent les églises et les temples, organisent le vol des biens privés. Pour eux, le citoyen centrafricain ne compte pas. Il est réduit à sa plus simple expression et au silence. Il ne doit pas parler encore moins protester, broncher, ou bouger. Devant la terreur, la classe politique, championne de protestations et de dénonciations des dérives du pouvoir, cesse le bavardage vitupérant. Seuls les prélats, l’archevêque de Bangui, Monseigneur Nzapalainga, le Président des associations des églises protestantes, révérend pasteur Grekouamé, et l’iman révérend Yama Kobin de la mosquée centrale ont pris le leadership de la lutte contre les violences et les massacres pour l’instauration de la paix.
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La situation a beaucoup évolué. Les séléka ont perdu le pouvoir, leurs éléments reculent, se retirent vers l’est, avec des enclaves de refuge, à Bangui, à Boda, à Dékoua, à Kabo etc Les anti balaka émergent de la catastrophe. En rang dispersés, en mal de coordination, plus terrifiants, impitoyables et pillards que les seleka, ils tentent de rétablir l’ordre et se déploient progressivement sur toute la partie occidentale du pays. Certains sont plutôt porteurs de désordres. C’est dans ce cadre qu’un régime de transition politique, sous contrôle de la communauté internationale a été mis en place. C’est le fond du tableau à ce jour. Il préoccupe le centrafricain, avide de retrouver la paix et l’espoir, prêt à demander des comptes, à réclamer la justice et les droits de réparation. Aujourd’hui, en plein milieu de 2014, l’heure n’est pas encore au bilan. Mais la tendance est celle de l’échec des séléka, contraints au repli, au regroupement et à la recherche d’issues de sorties de crises qu’ils ont générées. Déjà, quelques responsables, réunis en congrès, à Ndélé, ont projeté l’implantation des seleka dans l’est du pays. La ville de Bambari a été désignée comme leur capitale. Un projet d’installation des services publics, administratifs et sécuritaires a été adopté, dans la perspective d’un repositionnement honorable pour entrer à nouveau dans l’espace politique. Il y a toutefois lieu de noté que le débat au sein de la séléka, n’a pas été concluant à Ndélé. Des divergences ayant été enregistrées, un nouveau congrès, à la mi juillet 2014 à Birao, a prévu la transformation de la séléka en parti politique. En attendant, après avoir tué, humilié, semé le désespoir, la stupeur et la terreur, des criminels sont devenus les victimes de leurs propres pièges. Cantonnés61 par ici et traqués par là, ils ne cessent d’élever la voix et de se plaindre des traitements qui leurs sont infligés. Mais, sur le terrain qu’ils occupent, ils n’ont point changé. Ils restent et demeurent agressifs et criminels. Ils continuent d’être une machine de terreur et de guerre. Aujourd’hui, ils attendent l’heure de la vérité, dans la confusion, la peur et l’entêtement. Le temps commence à les user et à les forcer à se rendre compte des dimensions ahurissantes de leurs gaffes62. En semant la mort tous les jours, en provoquant la souffrance jour et nuit, et en forçant les autres à l’économie de survie63, ils découvrent avec beaucoup de tristesse que leur tour est arrivé, qu’il doivent endurer la faim, la peur, la maladie, et l’insécurité.64
61A Bangui les seleka sont cantonnés les sites de PK 11 et du camp Béal. 62 Charniers à proximité du Palais présidentiel, de nombreux corps régulièrement repêchés dans le fleuve Oubangui 63 Le centrafricain est astreint à l’économie de survie au regard de la précarité de ses conditions 64 «Par la grâce de Dieu» est désormais une habitude langagière qui se généralise. Elle se pratique pour introduire ou conclure une conversation. Le citoyen, obnubilé par la peur, ignore totalement qu’il doit sa survie grâce à ses propres capacités de réponses aux contraintes qui le harcèlent au quotidien. Il ignore l’important gisement de force et moyen à sa disposition : la volonté de survivre, la motivation et l’engagement à résister, et l’intelligence pour être et agir autrement afin de s’adapter au nouveau contexte par une bonne lecture du potentiel à sa portée.
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Les Anti-balaka65 sont aujourd’hui une autre pièce maîtresse du puzzle. Au départ, un mouvement rituel de résistance, né aux confins des villages de la préfecture de l’Ouham, ils se sont engagés à répondre aux provocations et aux sévices des Séléka66. Déjà, dans les années 80, ils étaient très actifs contre les coupeurs de route67. Cette fois ci, ils apparaissent comme une pieuvre à multiples têtes. Il y a d’abord, à l’origine, des jeunes des villages incendiées et détruits, dont les familles ont été massacrées. Ils se sont mobilisés, sur la base de leurs rituels traditionnels ; il y a ensuite d’anciens éléments de la garde présidentielle, dispersés dans la nature, les forêts, les villages et dissimulés au sein de la population, un peu partout sur le territoire ; il y a aussi des éléments isolés des forces armées centrafricaines, de la gendarmerie nationale, de la police ; sans oublier des jeunes opérateurs économique pillés et victimes de violence de la part des séléka, des brigands de grands chemins, et des repris de justice ; des personnalité opportunistes ou aventuriers, des notables victimes des exactions des seleka, originaires de la préfecture de l’Ouham et d’autres préfectures. Chaque composante s’organise comme elle peut. Toutefois, la montée
Enclave musulmane à Bangui
fulgurante de la résistance anti-balaka au milieu de 2013 a changé la donne. Elle a
65 Anti-balaka : anti balle de kalachnikov. Ce sont des groupes de jeunes villageois excédés par les sévices horribles des Séléka dans la préfecture de l’Ouham qui ont organisé la résistance avec les armes blanches rudimentaires, mais nantis de pouvoir traditionnel surnaturel pour leur défense.. 66 En effet, les Séléka aujourd’hui sont la transfiguration des coupeurs de route et bandits de grand chemin qui ont écumé les régions septentrionales du pays. Ils étaient entretenus par des grands commerçants et par des éleveurs peulhs. 67 Incendies de villages et des greniers, assassinats massifs des populations, pillages de ressources (cabris, poulets, bœufs, etc.)
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contraint les seleka, au recul68 et conduit au glissement d’une crise politique à un conflit armé d’envergure. Ceci a suscité toute sorte d’interprétations contradictoires. Certains ont vu des confrontations entre milices chrétiennes et milices musulmanes. D’autres ont perçu la guerre de religion entre les communautés chrétiennes et les musulmans ou encore un génocide. Dans cette confusion, une chose est sûre, les séléka, bourreaux d’hier, sont devenus victimes aujourd’hui. Ils dénoncent la guerre lancée contre eux par les anti balaka, effaçant de leur mémoire les actes macabres et les dérapages mortels dont ils sont les auteurs. De même, les anti balaka inquiètent plus que leurs ennemis. Faute de leadership unique, chaque composante mène sa guerre, prélève ses butins, définit sa zone opérationnelle, impose des taxes de circulation, organise le braquage et le vol, fait la police, sa loi, sa justice et procède à des exécutions sommaires. Elle sème la terreur, le pillage et entrave la circulation le long des axes routiers. Leur présence a été déterminante pour le retour de la sécurité dans certains endroits, mais elle reste des préoccupations en d’autres. Le 20 janvier 2014, la présidence de la transition est mise en place. Cette structure appuyée par la communauté internationale est appelée à gérer des défis complexes, avec la mission de ramener la sécurité, la paix, le retour de la légitimité de l’état et de l’ordre constitutionnel par la voie électorale. Evidemment la tâche est trop compliquée et de pressions émanant de sources diverses, internes et externes ne la facilitent guère. Les attentes du citoyen se résument en paquet d’urgences dont de la restauration rapide de la paix et de la sécurité, le retour rapide des milliers de personnes déplacées à leurs domiciles, l’accessibilité aux services de santé et aux établissements scolaires, la reprise des services, le paiement à termes échus des salaires aux agents de l’état69 ; le versement des pensions aux bénéficiaires, sans oublier les bourses ; et la préparation des échéances électorales dans des conditions d’extrême insécurité.
Les acteurs politiques, quand eux, brûlent d’impatience de voir le rythme de changement s’accélérer davantage. Ils font de la sécurité, de la paix et de la tenue des échéances électorales dans de bonnes conditions leurs priorités. Mais, ils ne laissent aucun répit aux responsables chargés de la gestion de la transition. Ils relèvent leur laxisme devant la multiplication des dérapages critiques des anti balaka, des seleka. Ils pointent du doigt leur incapacité à impulser le processus de désarmement, le manque du contrôle de la situation gérer par la communauté et ses forces. Ils sollicitent à cor et à cri un remaniement gouvernemental, espérant
68 la presse internationale, par erreur, considère les anti balaka comme l’émergence d’une milice chrétienne contre la Séléka, milice musulmane. 69 Depuis plus d’un an et demi, les fonctionnaires ne sont pas opérationnels. A Bangui les bureaux et services sont désertés. En province, les agents de l’état ont également abandonné leurs services et même leurs résidences pour trouver refuge ailleurs.
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ainsi y trouver un poste, tout en exigeant un dialogue national, sans en préciser le format par rapport aux précédents. La société civile aussi n’est pas tendre. Elle formule les mêmes préoccupations et soulignent les mêmes revendications, décrit la persistance des mêmes tares contre lesquelles elle s’est toujours battue des années durant. Elle suggère l’impératif de tirer des leçons afin d’éviter les mêmes travers socio politiques : la corruption, les atteintes massives au droit à la vie, le népotisme, l’exclusion, l’inaccessibilité à la justice équitable, aux services sociaux de base et la forte prévalence de la mal gouvernance. Elle énonce des facteurs nocifs à l’émergence d’une nouvelle société centrafricaine, plaide pour que la société centrafricaine repose sur les piliers de la transparence, de l’intégrité et de l’équité pour tous. Pour elle, ces déviances sont les déterminants critiques de la crise et la pérennisent. La société civile, à travers de nombreuses ONGs, ont entrepris des campagnes d’information et de sensibilisation pour le retour de la paix, de la sécurité et la cohésion sociale. Les conditions de sécurité, malheureusement ne facilitent pas leur mobilité au-delà de Bangui.
Les forces de défense et de sécurité attendent toujours d’être fonctionnelles et opérationnelles. Elles ne cessent d’exprimer leurs besoins de réarmements. En attendant, à titre individuel, beaucoup des éléments ont rejoint le mouvement des anti balaka et agissent à leur propre compte. D’après les statistiques, ils représentent aujourd’hui plus de quatre vingt quinze pour cents de l’effectif du groupe de résistants et sévissent souvent en dehors dans l’ignorance totale du code militaire. D’après la rumeur, trois braqueurs sur cinq appréhendés seraient des éléments des forces armées centrafricaines. Opérationnaliser les forces armées centrafricaines devient alors une rude équation difficile à résoudre par les autorités. Celles-ci estiment que la dégradation de mentalité, des rancœurs profondes et l’esprit de vengeance qui animent les soldats en font une terrible machine de la mort. Les anti balaka, ceux d’origines, ont exprimé le désire de compensations pour des services rendus à la communauté et se disent prêts à se retirer. D’autres, en revanche, séquestrés par les politiciens aspirent à une représentativité au niveau gouvernementale et à une prise en charge dans un programme de désarmement, de démobilisation et de reconversion. C’est le même positionnement adopté par les séléka : une représentativité au niveau de la primature et l’accès des éléments au même programme. La communauté internationale accroît son investissement en appui à la transition. Elle renforce les forces internationales, œuvre pour la restauration de la sécurité et la paix, donne un mandat clair aux Sangaris, aux MISCA, à l’Eufor et aux casques
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bleus pour traquer et désarmer tout porteur d’armes, qu’il soit anti balaka, ou séléka70. Elle fournit à la Présidente de la Transition les conseils, l’appui technique et financier et l’encadrement de proximité71 pour lui faciliter la tâche en lui traçant un chemin critique politique acceptable72. Devant tout ce développement, il convient de noter aujourd’hui que le pays se meurt. Des dérives sont en train de pousser davantage dans ce sens. Ce sont : le développement de l’esprit de vengeance et de la recherche effrénée du partage opportuniste de gâteau politique au détriment de l’intérêt et des priorités devant être accordés aux souffrances du citoyen ; la négligence des pertes en vie humaines et de la précarité qui affecte la population centrafricaine toute entière ; la disqualification du citoyen du dialogue, comme toujours ; la tentation de réduire les solutions à la crise par une maladroite et injustifiable équation visant l’instauration d’un équilibre de pouvoir entre anti balaka et seleka, entre chrétiens et musulmans ; la non prise en compte de l’obligation d’une justice équitable et du droit de réparation pour décanter l’atmosphère et créer les conditions sereines pour le processus électoral ; l’absence de communication en faveur d’une communion nationale d’esprit autour de la définition de la vision d’un avenir commun. Ce sont des dérives intolérables. Elles étouffent le centrafricain, le déroutent, diluent ses capacités de réponses face aux défis, lui ôtent les chances d’évoluer. Elles mettent en évidence le manque de performance et la frilosité d’un leadership hasardeux et non préparé à faire montre d’intelligence, de sagesse, d’honneur et de capacité à tirer les leçons des expériences passées afin de redresser courageusement le sens et le rythme de la marche vers l’avenir. Curieusement, les esprits ne se concentrent pas encore suffisamment sur les mobiles et les perspectives de sortie de la crise et l’urgence du relèvement. Encore sous le choc des évènements, le centrafricain se sent dépassé et incapable d’action et continue de commettre l’erreur grave d’attendre la solution des autres. Il ne cherche pas à comprendre ce qui se passe pour s’impliquer davantage dans la recherche de l’issue définitive de la crise.
70 Les ténors des antibalaka (BOZIZE et YAKITE) et des séléka (NDOTOJDA AMNDROKO, NORODINE, etc) ont été cités par les Présidents OBAMA et HOLLANDE pour être traduits devant la cour pénale internationale. Il convient de souligner que à l’est du pays, dans le Mbomou, ce sont les forces ougandaises qui s’impliquent dans la traque et le désarmement des séléka. 71 Organisation de la conférence de bailleurs de fonds pour le Centrafrique à la fin du mois de juin 2014 72 A la récente réunion de Brazzaville des chefs d’Etat de la CEMAC, ont fortement recommandé à Mme SAMBA PANZA de remanier le gouvernement en l’élargissant à toutes les forces vives.
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2. Des divergences dans la compréhension de la crise
• L’urgence de capturer les opinions en dépit du chaos et des risques
Les avis des uns et des autres sur ce qui se passe sont nécessaires. Ils servent à tirer les leçons pour mieux préparer l’avenir. Mais avant tout, ils facilitent la compréhension de la situation actuelle. Pour cela, il fallait un ciblage objectif des populations les plus représentatives. C’est pour quoi un champ le plus large possible des répondants a été configuré. Il devrait tenir compte de la diversité de des réalités socioculturelles, en conflit, contenues dans un espace plus étendu et accessible par voie téléphonique. Trois types de zones, ont été découpées : les plus affectées (Bangui et périphérie, Bossangoa, Bambari, Bozoum, Paoua, Bria, Kaga Bandoro, Boda, Yaloké) les moyennement affectées (Mbaïki, Berbérati, Bouar ) et les moins (Bangassou, Ndélé, Birao, Obo ). Bien sûr, les conditions d’insécurité ont constitué des freins majeurs à la réalisation de l’exercice, c’est pourquoi le travail s’est limité aux consultations aléatoires rapides, directes73, dans quelques quartiers de Bangui et indirectes, par voie téléphonique, avec des interlocuteurs résidant dans quelques localités : Mbaïki, Boda, Damara, Boali, Bangassou, Bouar, Ndélé, Birao, Paoua, Bria, Bambari. Les informations collectées, à la fois, très intéressantes et très importantes ont permis de définir trois profils de répondants :
Premier profil : Les centrafricains et les centrafricaines, cadres des services publics et privés, acteurs politiques, membres de la société civile, leaders religieux, jeunes garçons et filles, opérateurs économiques, éléments des forces
73 Les consultations directes sont les rencontres et discussions avec les répondants par moi-même et par un panel d’informateurs dont beaucoup ont pris le grand risque d’accéder aux zones assimilées au TEXAS, comme la mosquée centrale et ses périphéries au 5 km. Pendant plus de trois mois, le début de la mise en quarantaine d’un millier de musulmans, les informateurs courageux vont visiter les personnes terriblement affectées par la faim, la maladie et le stress. Ils découvrent deux groupes. Les victimes innocentes et séquestrées. C’est le plus grand groupe. Les personnes se disent surprises par tout ce qui se passe, réclament leur innocence, estiment qu’elles sont prises en otage par des individus à la solde des groupes d’intérêts politiques et du terrorisme islamique. Elles manifestent à cor et à cri, avec des banderoles exposant leurs soucis : ouverture aux autres centrafricains humiliés et blessés par les éléments incontrôlés de la Séléka et exigence des interventions pour leur libération. Un groupe beaucoup plus réduit des activistes religieux, armés et drogués, décidés à faire du djihad et de la vengeance les principes de leurs actions pour libérer le pays des chrétiens les possédés de satan. . ,
36
de défense et de sécurité, y compris les anti-balaka, les groupes d’autodéfenses, chrétiens, protestants et musulmans, etc. Deuxième profil : les centrafricains et les centrafricaines ressortissants préfectures de la Bamingui Bangoran et de la Vakaga, à l’origine de la rébellion, notamment des Goula, des Runga, des Youlou, des kara, à 90% musulmans. Y font partie, les autorités traditionnelles, les cadres de l’administration publique et privée, les leaders politiques, les commerçants, les jeunes et les femmes. Troisième profil : ressortissants et ressortissantes des pays voisins notamment les tchadiens et soudanais, ayant fait fortune, dans les activités commerciales, minières, le braconnage, le transport et le banditisme de grand chemin, depuis de très longues années. L’exercice consiste à déterminer parmi les groupes ceux qui ont un profil important et influent : le plus important par le nombre et le plus influent en terme de capacité à imposer des orientations. Il n’a pas été facile, vu la complexité et l’instabilité de la situation étroitement liées à l’évolution fluctuante de la crise. Les positions des groupes évoluent en fonction des contingences. Les tendances important et influent varient au gré de l’intensité des événements. Le tableau récapitulatif ci-dessous est une synthèse des opinions recoupées, avec des risques énormes de dérapage dans les interprétations. Mais l’effort est fait pour garder en ligne la substance des déclarations et faciliter leur triangulation. La chaîne des questions ci-dessous est utilisée comme cadre de la collecte des informations :
1. Quelle est la situation ? 2. Quelle en est la cause ? 3. Qui en est le responsable ? 4. Comment faire pour arrêter la dérive ? 5. Où sont les zones les plus critiques 6. Les acteurs ont-ils des capacités de développer des réponses pour contenir
le chaos et normaliser la situation? 7. Quelles sont les perspectives d’une refondation nationale ?
37
• Des opinions divergentes
Questions Centrafricains et
centrafricaines
(Cadres, politiques, société
civile, jeunes, opérateurs
économiques ,chrétiens,
protestants, musulmans)
Centrafricains
centrafricaines
originaires de la
Bamingui Bangoran et
de la Vakaga (goula,
rounga, kara, youlou-
cadres, commerçants,
politiques, jeunes)
Tchadiens, Soudanais
(commerçants, jeunes)
Autres
1. Quelle est la situation ?
La situation est grave et
catastrophique. La peur, la
précarité et le désespoir sont
le lot quotidien des
centrafricains, sur toute
l’étendue du territoire.
A. La peur est pressante.
Des armes par milliers
circulent librement sans
contrôle. Des groupes
armés, dont les ex seleka, les
antibalaka, les mercenaires,
les terroristes djihadistes,
des bandits armés, des
rebelles tchadiens, les
braconniers soudanais, des
braqueurs ont la main mise
sur la pays. Face à eux le
dispositif des défenses et de
sécurité est inefficace, car
inexistant. Des quartiers et
les villages vivent dans la
peur au quotidien, exposés
aux menaces, ou victimes de
barbarie. Les discours
politiques et les mesures
pouvant rassurer et inciter
les citoyens à s’investir dans
des organisations de
proximité sont cruellement
déficitaires. Cela ne va pas
sans accroître le doute, la
méfiance et la résignation
comme un mode de
comportement général.
Les dispositifs étrangers
pour le désarmement sont
inefficaces. Des mois après
leur installation, l’insécurité
n’a pas régressé. Des poches
persistantes, sous contrôle
des professionnels des
A. La situation est
difficile. L’esprit
d’équité, les tendances
d’une revanche
démesurée et la
déception sont les
sentiments majeurs
exprimés. Pendant
longtemps, les
originaires de la Vakaga
et de la Bamingui
Bangoran ont été
marginalisés. Tous les
régimes qui se sont
succédé n’ont guère une
politique de
développement
équitable. En dépit de la
diversité des richesses
naturelles existantes s
les régimes ont
considéré le Nord Est
comme une région qui
ne fait pas partie du
Centrafrique. Aucune
infrastructure
administrative et
économique digne de ce
nom n’a té réalisée pour
à la fois ouvrir la région
au reste du ays et à
l’extérieur, et faciliter
l’accès des population
aux services sociaux de
qualité. C’est pour
rétablir l’équité, et
donner les opportunités
aux populations des
zones marginales de
jouir de leurs richesses
et de leur droit que la
rébellion a été jugée
nécessaire, voire
salutaire pour faire
La situation est très
difficile et invivable. Il
‘est vrai que
beaucoup d’entre
nous sont rapatriés.
Mais tous n’ont pas
l’odeur de sainteté
pour le Président
Idriss DEBY ITNO.
Retourner au Tchad
est impossible, c’est
aller à l’enfer. Mais
rester ici n’est pas
aussi facile, car il est
question de survie.
Trouver à manger, à
boire, à se soigner est
un quasiment un
calvaire. Le pays n’est
plus viable. Les
centrafricains ont
poussé la haine à
l’excès. Ils sèment la
terreur. Ils nous
empêchent de
circuler, de vivre sur
nos chantiers, dans
nos lieux de
commerce, ils ont
fracassé nos
boutiques, pillent nos
véhicules, nos
maisons. Ils ne
veulent plus de nous.
Nous ne comprenons
ce revirement radical
de comportement et
pourtant il est
possible de trouver
des voies d’entente et
de réparation.
La situation est
pourrie. C’est
depuis très
longtemps que
l’état centrafricain
est incapable de
mettre de l’ordre,
la discipline et la
rigueur. Il n’y avait
plus de force de
l’ordre, de la
défense et de la
sécurité. Il n’y a
plus de services
publics corrects.
La situation est
intenable pour faire
les affaires, investir
dans des conditions
extrêmes de
prédation, de
corruption et
d’escroquerie est
impossible et finit
par générer
l’hécatombe.
38
guerres de religion, des
crimes des rebellions,
(rebelles tchadiens
soudanais), des terroristes
en provenance du Mali, du
Nigéria, du Cameroun, du
Darfour, opèrent sans
rencontrer de résistance.
B. La précarité est d’une
pesanteur critique. Le pays
est a genou. Les institutions
publiques et privés mises à
mal ne fonctionnent pas Les
services sociaux ont
quasiment disparu dans
beaucoup de localité, et
dans les quartiers de Bangui.
Les hôpitaux, et centre de
santé offrent des services
minima qui ne répondent
pas aux besoins des
malades, de plus en plus
nombreux. Les enfants n’ont
pas l’accès aux
établissements scolaires sur
toute l’étendue du
territoire ; l’insécurité les a
en empêchés. A Bangui,
comme à l’intérieur du pays,
la nourriture est devenue
une denrée très rare Partout
où les Séléka ont sévi, brûlé
les greniers et incendié des
cases c’est l’enfer. La
souffrance est grande, la
haine ainsi que l’esprit de
vengeance.
C. Face à la situation, le
centrafricain est d’une
manière générale désespéré
et désorienté. Il a perdu le
filet de sécurité sociale et ne
dispose plus de capacité de
réponse systématique aux
exigences de sécurité
individuelle et collective. Il
compte sur l’extérieur pour
lui apporter l’assistance qui
lui permettrait de répondre
à ses besoins essentiels.
Paiement de salaire, accès à
la nourriture ; à la sécurité
etc. Les structures
comprendre que la
République
Centrafricaine n’est pas
seulement Bangui, que
les régimes ne doivent
pas privilégier un
groupe, un clan et une
région. L’équité doit
être un critère
absolument
indispensable quand il
s’agit de faire des choix
politiques.
B. L’esprit de revanche
et de compensation a
été vite, très vite, mal
interprété aussi bien par
les acteurs de
changement (les seleka)
et le reste des
centrafricains. Ils ont
généré des travers par
l’ampleur et l’intensité
de l’insécurité qui a été
provoquée le mode
brutal de gestion du
pays. L’esprit de
vengeance n’a profité
qu’aux chefs rebelles et
à leurs auxiliaires. Mais
l’ensemble de la
population n’a été que
simple spectateur et
victime de violentes
représailles
C. La déception et
la peur sont très
grandes, t par rapport
aux conséquences
dramatiques des
agissements incontrôlés
et désordonnées des
seleka. Avec le pillage et
les tueries, ils ’ont
exposé sans le savoir
beaucoup des
ressortissants des
préfectures du Nord Est
et des étrangers
tchadiens à la colère des
autres centrafricains. .
Personne n’est
épargnée. Tout le
39
d’encadrement de proximité
(organisations
communautaires de base,
les services de défenses et
de sécurité se sont
volatilisés, exposant le
citoyen à l’insécurité.
Aucune réponse individuelle,
collective et institutionnelle
n’a été repensée pour mieux
affronter la situation et
sortir de la crise
monde a payé les
conséquences des
forfaitures des seleka.
Beaucoup ont perdu
leur vie, les survivants
sont sous des menaces
permanentes. Ils ont
perdu des biens, des
activités et sont
contraints à la fuite vers
le nord. D’autres,
prisonniers, dans des
mosquées, des quartiers
et villages, sont
condamnés à la faim, à
la soif, et aux maladies.
Ils subissent de
véritables calvaires.
2. Quelles en sont les causes ?
La capacité du régime de
BOZIZE à privilégier une
gestion irresponsable du
pays ; l’’invasion du pays par
des brigands du grand
chemin ; la volonté
d’imposer la charia ; la main
basse sur le pays
A . La capacité du régime de
BOZIZE à privilégier une
gestion irresponsable du
pays a été les causes
profondes de la dégradation
de la situation. Proche de
Bokassa pour avoir été son
aide de camp, il a appris
comme son tuteur à gérer
sans partage, en privilégiant
ses intérêts propres et ceux
de sa famille. Son incapacité
s’est traduite aussi par la
mauvaise politique de
défenses et de sécurité ; le
manque de confiance à ses
hommes de troupe, le laisser
aller des généraux plus
prompts dans leurs affaires
que préoccupés dans la
protection et la défense du
territoire. L’autorité s’est
effondrée, les chefs de
quartiers et de villages
dépossédés de leurs
prérogatives et marginalisés
ont tous démissionnés car
coupés des centres de prise
de décision. Rien n’a été fait
La discrimination, La
haine, l’esprit de la
destruction aveugle et
systématique, sont le
fondement de la
situation. A cela s’ajoute
l’inexistence d’un
leadership responsable
A. Le Centrafrique
est un pays d’injustice.
Ce sont les plus forts qui
sont bien. Les pauvres
sont ignorés et
abandonnés. C’est le cas
des populations qui
vivent dans les
préfectures de la
Bamingui Bangoran et
de la Vakaga. Elles n’ont
jamais fait l’objet des
préoccupations des
régimes passés. Pire
elles ne sont mêmes
considérées comme des
centrafricains.
Aujourd’hui, il est temps
de comprendre l’urgence
de tenir compte d’elles.
C’est le sens donné au
mouvement de
revendication que
représentent les Séléka.
C’est le manque de
conscience de l’unité
nationale, et la tendance
à pratiquer
systématique la
La haine, l’esprit de
vengeance et la
volonté de nous
chasser du pays. ont
été les causes
profondes de la
situation.
A La haine s’est
brusquement élevée
contre nous,
simplement parce
nous sommes
détenteurs du
monopole des
activités
économiques. Nous
nous sommes
enrichies et avons la
main mise sur toute
la production minière
et des produits de
rente, le transport et
la transaction sur la
faune. Pendant que
nous travaillions, les
centrafricains nous
regardaient faire. Ils
n’ont pas le sens des
affaires.
B. Avec la prise de
pouvoir par les Séléka
et surtout le vent de
la destruction qu’ils
ont soufflé, nous
sommes rendus
Absence notoire de
la volonté politique
pour lutter contre
la corruption, et
garantir la
transparence et
l’intégrité
40
pour garantir une éducation
civique responsable, celle
qui rend le citoyen capable
de toute initiative
concernant la protection et
la préservation de sa vie.
Rien n’a été fait pour
garantir l’accès équitable de
tous devant la loi, et le
respect du droit de l’homme.
Les services judiciaires sont
complètement désagrégés
sous la pesanteur de la
corruption. La loi n’est dite
que pour le plus faible, mais
l’impunité est le lot du plus
riche et de plus fort. Autant
de facteur a généré le
comportement généralisé de
l’indiscipline et de
l’irresponsabilité
B. Bozizé n’avait ni politique,
ni stratégie de la gestion et
de la protection du
territoire, avec des limites
poreuses et perméables,
laissant des individus
douteux, des mercenaires,
des rebelles et des
opportunistes envahir le
pays. Les services de
défenses et de sécurité et de
justice rongés et affaiblis par
la corruption ont facilité la
pénétration désordonnée
des étrangers sur le
territoire national par la
distribution systématique
des pièces administratives,
document de nationalité,
carte d’identité, passe port,
documents divers. Au cours
des dix dernières années
l’effectif des commerçants
et des diamantaires a
explosé, leurs zones d’action
se sont étendues sur tout le
territoire avec une forte
concentration dans les zones
minières pourtant
protégées.
D. BOZIZE a laissé
politique de
discrimination et de
marginalisation qui sont
à l’origine de cette
situation.
B. Il n’y a jamais eu une
réelle volonté politique
pour le changement
équitable. Le leadership
est profondément
malade. Autant la classe
politique et le régime de
BOZIZE ont sombré dans
l’immaturité et manqué
d’approches les mieux
indiquées pour une
gestion efficace de la
chose publique, autant
les seleka ont été plus
scabreux. Leurs
responsables n’ayant
pas une bonne
perception de la réalité,
ont agi comme des
criminels. Par leurs
échecs, ce qui devrait
être une victoire des
pauvres sur les riches,
des citoyens exclus sur
les détenteurs du
pouvoir et d’autorité
s’est transformé en
suicide collectif. Il a
généré la haine viscérale
et terrible et des ulcères
psycho sociales béantes
dans la société
centrafricaine
C. L’esprit de
vengeance, représenté
par des antibalaka a été
plus cruel. Il a frappé
sans distinction les
bourreaux (les chefs des
seleka) et les victimes les
populations du nord,
musulmans et chrétiens,
depuis longtemps
victimes des mauvaises
politiques de
développement. . . Ils
s’attaquent aussi bien
aux responsables
responsables de tous
les maux qu pays et
particulièrement de
la pauvreté des
populations. La haine
s’est emparée de tout
le monde contre
nous. On nous
reproche d’avoir
corrompu tout le
système
administratif, fiscal et
monopolisé les
activités
commerciales et
entretenu des
pratiques
discriminatoires à
dessein d’empêcher
les centrafricains de
progresser dans leur
business
C. Un vent de
règlement de
compte s’est installé
dans les esprits. Les
antibalaka et
l’ensemble de la
population aspirent
à la vengeance
contre nous. Ils ont
tors. Ils devraient
s’en prendre à leurs
propres autorités, à
leurs propres cadres
et agents de l’état
(au niveau de la
sécurité, de la
justice, des services
fiscalo douanières),
trop friands de
l’argent froid gagné
par les autres.. Ils ne
résistent pas devant
un petit billet de
mille francs. Ils sont
capables de vendre
toute leurs familles
et leur pays pour ce
fameux billet. C’est
le déficit chronique
de l’intégrité, du
sentiment civique
poussé à l’extrême
des centrafricains
41
entrer des terroristes
djandjawid. Ceux prônent
et activent le vent de
l’islamisation du
Centrafrique. Depuis des
années ni lui-même, ni ses
services ne s’étaient rendus
compte des menaces que
préparaient les leaders des
communautés
musulmanes, avec le
soutien efficace des
opérateurs économiques
étrangers. Une guerre
sainte était en perspective,
si non comment justifier
autrement l transformation
des mosquées, des
résidences des notables en
poudrières. Sinon comment
expliquer autrement les
campagnes d’intoxication
des sujets musulmans pour
s’accaparer du pouvoir au
nom de Dieu ? Si non
pourquoi diffuser l’idée de
la partition du pays ? Si non
comment interpréter
autrement la forte
implication de la direction
des pays voisins et la façon
bizarrement originale du
traitement du dossier
centrafricain par Paris ?
E. Enfin par son déficit
de capacité à respecter les
règles du jeu démocratique
et à appliquer les principes
de la gouvernance, BOZIZE
a livré le pays aux
désordres, déconstruit et
affaiblit le leadership
politique, et réduit
considérablement les
possibilités de croissance
économique. Alors que les
pays voisins ont adopté de
nouveaux pas de danse
pour l’émergence grâce à la
rigueur, à la discipline et à
la motivation pour la
réalisation des actions
visant un avenir certain et
sûr, BOZIZE s’est englué
dans une gestion
politiques et militaires
Séléka qu’aux simples
citoyens, innocents. Ce
qui devrait être un
mouvement de
résistance respectable
s’est peu à peu
transformé en porteur
de désordre et de
désespoir.
D. L’inexistence d’un
vrai leadership politique
responsable. En effet,
depuis toujours le
leadership a montré ses
limites. Les hommes
politiques ne sont pas la
hauteur de leurs
discours. Ils ne sont pas
suffisamment informés
de la situation réelle de
leur pays. Beaucoup,
presque tous n’ont
jamais mis pied chez
nous pour toucher du
doigt la vérité et les
réalités de l’économie de
l’abandon, sous
peuplement et de la
marginalité. Ils se
versent dans des
déclarations fallacieuses
et démagogiques et ne
peuvent rien faire
tellement ils souffrent
des carences de leurs
ressources financières.
Ils ne sont pas prêts à
prendre la défense des
compatriotes vivant
dans les régions
lointaines du Nord Est.
qui a créé au
pourrissement des
structures, des
systèmes et de la
culture
centrafricaine.
42
villageoise scabreuse du
pays, sans vision, sans
motivation et sans réel
engagement pour le
changement. Il n’avait pas
la sagesse, ni l’honneur
d’un général, ni l’humilité
d’un pasteur pour veiller à
la protection de la
population et à la
réalisation de ses
aspirations. Il a laissée les
institutions publiques et
privées se décomposer,
sans se soucier de les
réformer afin qu’elles
fonctionnent selon les
normes et les standards,
sur la base d’un nouveau
paradigme articulé sur
l’impératif du changement.
3. Qui en est le responsable ?
Les responsables de cette
situation sont situés à trois
niveau ; au niveau central,
décentralisé et local
A. Au niveau central
c’est la classe politique
centrafricaine qui est
incapable de générer un
leadership capable d’œuvrer
pour un changement radical
du pays. Depuis cinquante
ans peu d’efforts ont été
faits pour permettre au pays
d’emprunter le chemin du
développement. Peu
d’efforts ont été réalisés
pour impulser la société
centrafricaine à savoir
réaliser le bien-être
individuel et collectif. Peu
d’efforts ont été faits pour
que le citoyen centrafricain
soit capable de s’assumer et
de prendre en main son
destin. BOZIZE et NDOTODJA
sont les premiers
responsables de ce
cataclysme, par leurs
incapacités traduites par le
manque de sagesse,
d’intelligence et d’honneur
et la course folle pour
Ce sont les régimes,
politiques, les antibalaka
et la population
A. Les régimes qui
se sont succédés au
pouvoir ont crée les
conditions de l’explosion
du Centrafrique. BOZIZE
est venu parachever ce
qui a été préparé depuis
longtemps. C’est sa
mauvais politique de
gestion des différends
politiques, sociaux et
économiques qui a
conduit à la
dégénérescence de la
situation. Son
incompétence est notoire
et sa vision étriquée ne
prend pas en compte
l’intérêt de tout le peuple
centrafricain. Il ne fait
confiance qu’à sa
famille, qu’aux truands,
aux incompétences, car il
a horreur des
intellectuels et de ceux
qui peuvent l’amener à
réviser son approche
pour la rendre plus
efficace dans l’intérêt de
Les antibalaka sont
les responsables de la
crise. Ils ont déployé
des opérations sans
retenus ni
discernement. Ils ont
détruit les bases des
efforts menés depuis
des années et ont tué
l’économique
centrafricaine, suscité
la haine religieuse
avec la destruction
des lieux cultes. Les
centrafricains par
suivisme ont aidé les
antibalaka dans la
destruction des biens
privés. Ils auront des
difficultés énormes
pour restaurer ce qui
a été fait avec
beaucoup de patience
et d’ardeur. Ils n’ont
pas compris
l’importance de
conserver les acquis
au lieu de les
saccager. N’ayant ni
la connaissance, ni la
capacité de gérer
l’argent. comment
peuvent-ils faire afin
de s’investir
Les hommes
politiques, les
responsables
d’administration, le
centrafricain
encore naif qui
continue de faire
confiance aveugle
et qui se laisse
manipuler
43
l’enrichissement illicite au
détriment de la population.
Ils ont bénéficié des
complicités dans tous les
appareils de l’état, de
l’administration publique au
secteur privé. Tous ceux
ayant eu le mandat de
diriger politiquement et
techniquement des
institutions publiques et
privées ont largement
contribué au raz de marée
qui a enseveli le pays. Ils
n’ont jamais fait montre de
courage, d’équité, de
transparence, ni de
compassion pour un peuple
abandonné à lui-même En
arrière plan le Président
DEBY ITNO et des
mercenaires Sud africains
tiraient leurs marrons du feu
Les structures de l’état, les
stratégies et les systèmes
institutionnels ont
fonctionné à la dérive par
rapport aux normes et
standards universel. Les
compétences et les
capacités du personnel n’ont
jamais été réajustées par
rapport aux exigences des
fonctions. La culture en
rigueur est très loin de
s’inscrire dans les exigences
de l’assurance qualité.
B. Au niveau
décentralisé, les autorités
administratives et politiques
ont disparu depuis belles
lurette. En réalité, l’Etat a
disparu depuis longtemps
dans l’arrière pays. Les
responsables administratifs
n’ont pas les ressources pour
asseoir la visibilité de l’état,
la défense des intérêts du
peuple, l’impulsion des
initiatives d’auto prise en
charge. Ils manquent
cruellement d’imagination
et des capacités
d’innovations L’injustice
tous. En faisant appel à
des truands et aux
opportunistes, il s’est
éloigné de la population,
surtout celle des
préfectures de la
Bamingui Bangoran,
laissée à la merci des
coupeurs de routes, des
rebelles tchadiens, des
braconniers soudanais,
aux terroristes du
Darfour . Avec la
politique de non état
dans le Nord BOZIZE a
compromis le bien- être
des populations du Nord.
Il , a jeté les enfants dans
la prison de l’ignorance
éternelle, et au piège des
maladies sans capacité
de réponse. .
sérieusement dans le
business. Les
autorités
centrafricaines sont
très versées dans la
corruption. Elles
n’aiment pas leur
pays, ni leurs
populations. La
jeunesse est aussi
responsable par sa
capacité de
destruction de
manière insensée.
Enfin les
centrafricains sont
incapables de
travailler durement
avec intelligence pour
construire leurs pays
et leur avenir. Ils sont
rongés par la paresse,
l’indiscipline, la
croyance à la facilité
la mendicité. et le
recours systématique
à l’état
44
chronique alimentée par les
régimes, qui n’a pas d’autres
conséquences que celles de
l’appauvrissement du
peuple, le dérèglement de
l’organisation sociale.
C. Au niveau local, le
pays a cessé d’exister.
L’autorité de proximité,
notamment les chefs de
villages, les chefs de
quartiers, les chefs de
groupes, les maires, n’ont
plus la respectabilité
requise, ni l l’honneur. Ils ont
perdus le mandat puissant
de leur attribut, à savoir la
perception de l’impôt de
capitation, supprimé dans le
cadre de la promesse
électorale de PATASSE. La
dilution de leur pouvoir a
contribué à la
démobilisation et à la
démotivation des citoyens.
Ces conditions ont provoqué
un sentiment d’exclusion si
fort que le citoyen ne se sent
aucunement responsable de
ce qui lui arrive, du sort du
paysan de celui de sa
communauté. Il a perdu le
sens de la responsabilité, Il
manque d’esprit de sacrifice,
d’obéissance (discipline,
courage) et de résistance. Il
se plaît au laisser faire, tout
en se laissant abusé,
manipulé par des leaders
politiques opportunistes
4. Comment faire pour arrêter la dérive?
Le citoyen, les autorités de
proximité ainsi que les
leaders d’opinions, les
autorités politiques et les
partenaires extérieurs dans
le cadre de la coopération
internationale doivent
concourir au retour de la
stabilité, de la sécurité et de
la paix
A. C’est une crise
Les anti-balaka et le
gouvernement sont les
premiers concernés à
pouvoir arrêter la dérive.
A. Les antibalaka
doivent cesser
l’agression. Pour cela,
leur désarment est la
condition préalable.
B. Le
gouvernement doit
Le désarmement des
anti-balaka est un
préalable. Le
dédommagement des
biens perdus est
indispensable pour
faciliter notre retour
aux activités. La
poursuite des facilités
fiscales. L’ouverture
des sessions de
dialogue sous la
supervision des chefs
Une prise de
conscience de
l’unité, de la
solidarité, de
l’engagement à
prendre le destin
soi-même en main,
et lutter contre
l’ignorance Cesser
de croire que ce
sont les autres qui
ont la solution
45
existentielle, profonde et
totale. Le citoyen, exposé
aux sévisses est le premier
concerné. A ce effet, il doit
savoir prendre conscience de
son rôle et de ses
responsabilités face aux
défis communs et traduire
son engagement civique par
des investissements
personnels et la
participation aux initiatives
collectives et
communautaires En tant
que le premier levier il est
appelé à savoir réagir
intelligemment pour mettre
fin à l’enfer.
B. La communauté est
appelée aussi à jouer sur la
solidarité afin que sur la
base d’une organisation
sociale solide elle développe
des réponses collectives
intelligentes et efficaces.
Une dynamique
communautaire efficace,
bien organisée et mieux
coordonnée dont la
synergie citoyenne est un
puissant levier peut inverser
les tendances négatives
imprimées par la crise. Il lui
faut s’articuler autour d’une
vision et s’attacher des
stratégies innovantes.
C. Au niveau institutionnel,
l’instauration de la
confiance, de l’unité et de la
mobilisation de toutes les
forces vives apparaît comme
le meilleur moyen de
l’engagement citoyen.
Malheureusement, on n’en
est pas encore arrivé à ce
stade, où la mobilisation
institutionnelle est fragilisée
de toute part. Des critiques
fusent, contre la faiblesse, le
manque de performance et
l’inefficacité des institutions,
gérées par un personnel peu
qualifié incapable de
envisager le
dédommagement pour
les biens meubles et
immeubles perdus. La
construction de
logement décent au
profit de tous ceux qui
ont perdu leurs maisons
C. Promouvoir un
processus de pardon et
de réconciliation au
niveau de la base, dans
les quartiers, des
villages, des
arrondissements est
indispensable. Il consiste
à l’organisation de s
sessions d’échange sur la
préservation de
l’harmonie, des relations
de bon voisinage et la
solidarité comme une sa
mission citoyenne pour
garantir la paix, la
sécurité, la liberté et
l’épanouissement social
et économique.
D. L’implication directes
des leaders d’opinion,
hommes politiques,
société civile auprès des
communautés, tant à
Bangui que dans l’arrière
pays, sur des thèmes
aussi variés que la
nécessité d’instaurer la
transparence, l’intégrité,
la lutte contre le
corruption, contre le
comportements
opportunistes
E. L’Etat doit être au
service de tous les
citoyens, capable de
protéger les plus pauvres
et éviter de les exposer
aux actes mal
intentionnés des
individus incapables de
fournir des prestations
équitables. L’Etat doit
de quartiers et de
villages constitueront
un moyen d’expurger
les différends et
d’asseoir un modus
vivendi plus
apaisant ; conciliant
et confiant. L’Etat et
les hommes
politiques doivent
faire des efforts pour
sortir de la logique
d’escroquerie, pour
garantir l’état de
droit, la justice pour
les faibles, et des
services publics de
qualité .
Les Sangaris et les
MISCA doivent
observer la neutralité
et corriger leur
inefficacité actuelle.
46
s’autonomiser et d’innover.
L’absence de la culture de
réforme est pénalisent et
devrait corriger à partir des
leçons tirées des échecs
actuels et passés Des
alternatives novatrices qui
mettent le citoyen au centre
de l’action, l’organisation
sociale au cœur de la
mobilisation des forces et les
institutions efficaces au
front du changement devrait
être recherchées et
développées.
.
fonctionner
effectivement sur la base
des principes de la
gouvernance, de la
transparence et de
l’intégrité, d’une vision à
long terme. Les Sangaris
et les MISCA doivent
opérer avec
discernement et
rapidement pour
désarmer les anti-
balaka. Les humanitaires
doivent tenir compte des
situations spécifiques des
victimes des violences.
5. Où sont les zones les plus critiques ?
A Bangui, dans les quartiers
occupés par les musulmans,
plus particulièrement le km5
et sa périphérie.
Dans l’arrière-pays, la
situation est plus
dramatique. Dans les zones
minières et les villes
occupées par les
seleka :Boda, Yaloké, Bria
Bossangoa, Ippy, Bambari,
Bouca, Batangafo,
Bocaranga, Bozoum,
Markounda, NangaBoguila,
Grimari, Sibut, Bouar,
Mobaye, Dékoa, Carnot,
Nola, Bozoum, Ouango ;
Kémbé, Sibut, KagaBandoro,
Berbérati.Dimbi, Alindao ;
Mobaye, Kongbo
Bangui, et les zones
minières et frontalières
où des familles entières
sont prises en otage par
des anti-balaka, Boda,
Bambari, Bria
Certains quartiers de
Bangui hostiles aux
étrangers, et les villes
et des villages des
zones minières où des
familles entières sont
des otages des
populations et des
anti-balaka
Tout le territoire est
concerné par la
crise
6. Les acteurs ont les capacités pour développer des réponses pour contenir le chaos et normaliser la situation?
La faiblesse de
l’engagement, des
motivations, de la gestion de
l’urgence
A. Les citoyens
centrafricains ont un faible
niveau d’engagement et
manquent de maitrise de
l’approche de gestion de
l’urgence Avec une faible
culture civique, ils se
résignés et ont cru mieux
laisser la gestion de la
situation aux forces
étrangères, sangaris, misca
et euroforces et bientôt les
casques bleus des Nations
L’urgence est la paix et
le retour à l’ordre, au
respect du droit de
l’homme, à l’apaisement
et à l’harmonie sociale.
Malheureusement,
apparemment il n’y a
pas de capacité locale
pour pousser dans ce
sens. Les discours des
leaders religieux ne
suffisamment pas. Il n’y
a pas d’action concrète
pour traduire cette
volonté vers changement
de comportement
apaisé, la transformation
du contexte de crise en
opportunités de remise
La capacité
d’impulser les
activités
économiques et
d’accompagner la
reprise des affaires
manque cruellement.
Il n’y a aucune
mesure qui garantit
la protection des
opérateurs, et qui
prévoit des
compensations des
dommages aux fins
de créer un
environnement
prometteur pour le
retour des
investisseurs
Tous les
centrafricains, s’ils
veulent la paix, le
développement, il
leur suffit de le
vouloir, d’être
sérieux et de
décider à changer
47
Unies etc.
B. Le faible niveau
d’engagement correspond à
l’absence effective de
motivation.
C. Démotivé le centrafricain
se sent exclu et s’est donc
détaché à se détacher de
son cadre naturel de
solidarité. des situations
qui le concernent. Il ne se
sent pas responsable de la
dégradation de la situation.
Il revient avec insistance sur
le rôle de l’état et des
responsables politiques pour
réparer ce qu’ils ont
occasionné des années
durant.
D. Au niveau institutionnel,
la notion de responsabilité
semble ne pas pénétrer les
esprits et constituer les
bases de la conscience. Les
décideurs n’ont guère
conscience des
responsabilités qui sont les
leurs face aux défis aux
quels ils font face. L’esprit
d’assistanat et de
dépendance prédomine et
constitue un blocage à toute
initiative. C’est ce qui rend
difficile le déploiement des
réponses efficaces à la crise.
La croyance à l’impossibilité
de développer des mesures
et des stratégies endogènes
a fini par rendre difficile le
déploiement des réponses
appropriées pour inverser la
tendance.
E. Enfin la gestion de la
crise étroitement liée à la
mise en place d’un plan
d’urgence.
Malheureusement les
responsables politiques et
administratifs ne sont
habitués à la logique de la
en cause des faiblesses
et des insuffisances
politiques, sociales et
économiques et
envisager un dispositif
financier matériel
transparent et intègre
pour venir en assistance
aux victimes.
48
gestion de l’urgence. Ils
continuent de s’investir dans
l’esprit d’une
programmation en situation
normale qui ne colle pas au
contexte d’instabilité
imposés par la crise..
7. Quelles sont les perspectives pour une refondation du Centrafrique ?
Une remise en cause de la
classe politique et sa
réforme rapide pourrait
arranger la situation. Le
pays a besoin des vrais
leaders transformationnels,
qui prennent sérieusement
en compte la situation en
main.
Il faut absolument redéfinir
de nouveaux paradigmes
impulsés par une vision
commune de l’avenir
largement partagée. Les
leaders sont alors largement
sollicités pour garder
l’écoute du citoyen à la
base, pour mieux
appréhender ses aspirations.
C’est la mission qu’ils
doivent se donner, en se
conformant aux principes de
la gouvernance, de la
protection des droits de
l’homme et de la
démocratie.
Tout peut changer si les
hommes politiques
cessent la manipulation
des populations et
définissent clairement où
est ce qu’ils nous mènent
Tout peu changer si
les centrafricains
deviennent sérieux à
tous les niveaux, se
préoccupent
effectivement de
leurs pays et
assument un bon
partenariat d’affaires
avec les autres.
Si les centrafricains
ont le courage, la
sagesse,
l’intelligence, la
créativité en tête,
et l’engagement de
d’agir autrement,
leur pays change
• Les positions majeures
A travers les profils établis ci-haut, se dessine une société centrafricaine à trois composantes majeures. Chacune se distingue, selon l’intensité de son importance et de son influence. Il est nécessaire de signaler l’instabilité de cette échelle. Celle-ci évolue selon les tendances contextuelles liées à l’éveil de la prise de conscience collective et au changement de comportement imprimé par les évènements. Ainsi, les trois composantes se distinguent ainsi qu’il suit : i. La composante à importance forte et influence faible ii. La composante à importance faible et influence faible iii. La composante à importance faible et influence forte
I. La composante à importance forte et à influence faible
Cette composante correspond aux répondants centrafricains. Les éléments suivants justifient son importance forte : Démographiquement, elle a une
49
importance forte, avec environ plus de quatre millions et demi d’individus, qui se partagent une histoire et un territoire commun. Elle dispose d’une langue nationale, un puissant moyen de communication qui permet de forger une conscience collective d’appartenance à une communauté nationale, une nation et un destin commun. Toutefois, la crise a mis en exergue l’influence faible de cette composante, qui ne pèse pas dans le choix des décisions qui concernent sa vie. Elle démontre que celle-ci est inexistence dans les différents fora organisés pour décider du sort du pays et trouver des solutions de sortie des crises récurrentes. Cette composant se sent abandonnée à elle-même, à la merci d’un leadership politique complètement dépassé, peu innovant et non performant. Le dispositif de son organisation sociale ayant sauté en éclat, et dépourvue d’une culture civique responsable, elle n’a pas la force morale pour connaître et pour comprendre son rôle et ses responsabilités. Elle n’a donc pas de prise sur les évènements dramatiques qui l’affectent. Elle a perdu le sens de l’autonomie et attend tout de l’état et des partenaires extérieurs pour faire face aux besoins individuels et collectifs. Hermétiquement verrouillée dans un sentiment de dépendance, elle a choisi la fuite en avant et laissé l’initiative aux autres dans la gestion des affaires. Le changement exige de nouveaux comportements, or avec un tel profil psychologique, cette composante ne peut émerger de la précarité. Elle a besoin des structures d’encadrement administratif, judiciaire, de défenses et de sécurité, d’accompagnement socio éducatif, et d’incitations économiques réformées qui garantissent le respect des normes et des standards. Elle doit se doter des capacités de mobilisation, d’organisation, de motivation et d’engagement afin de prendre conscience de ses propre forces, au lieu de continuer à faire l’aveu de son impuissance. Enfin elle a besoin d’être motivée dans le cadre d’un dialogue largement ouvert, afin de comprendre que tout dépend d’elle, de son choix à vivre librement, ensemble dans la non violence, en toute indépendance et surtout à exister dans le respect de la prééminence de l’unité, de la solidarité et l’engagement citoyen.
II. La composante à importance faible et à influence faible
Les communautés originaires des préfectures de la Bamingui Bangoran et de la
Vakaga constituent une cible de l’exercice compte tenu de la forte implication
de leurs ressortissants dans les évènements politiques, car provocateurs des
conflits, depuis une dizaine d’années. Leurs leaders ont déclenché de manière
hasardeuse la crise, mais ils n’ont pas été capables de la gérer au mieux. Avec le
50
désordre qu’ils ont créé, ils ont exposé leurs communautés à la vindicte des
autres centrafricains. Cette catégorie de répondants est d’importance faible et
d’influence faible.
Ce profil se justifie selon les éléments ci-après. Son importance faible est
d’abord liée à sa faible démographie, caractérisée par une population de moins
d’une centaine de millier, dispersée sur un vaste territoire marginal, d’à peu
près 100 000 km2 enclavé et condamné à l’économie de survie. Elle est victime
d’une politique systématique de discrimination qui limite son accès aux services
de base et aux infrastructures économiques. C’est une zone la plus enclavée
dans un pays enclavé. Son poids politico administratif est très insignifiant avant
l’émergence de la rébellion au cours de ces deux dernières années. En effet, il y
a très peu de cadres au sein des communautés. Les rares ont une vision
politique extravertie, sans programme réel de développement et avec une
grande capacité de manipulation des jeunes à majorité analphabètes et sans
emploi et fragilisés par la misère. Un autre point qui fragilise la communauté au
plan interne est l’existence des différends socio culturels larvés mais qui
rejaillissent à chaque occasion, c’est d’une part l’accord social fragile
intercommunautaire, entre les différents groupes ethniques kara, goula,
youlou, Banda, haoussa et rounga, et d’autre part la reconnaissance de
l’autorité traditionnelle, notamment le pouvoir des sultans.
Cette catégorie a une influence faible, même si en son sein ont émergé de
petits groupes d’opérateurs économiques très actifs. En effet, l’esprit
d’entreprise est vif, malheureusement placé sous le contrôle des opérateurs
étrangers, tchadiens et soudanais.
Les déficits de la solidarité, des capacités à mobiliser les ressources et à
s’engager dans l’auto prise en charge articulée autour des perspectives à long
terme sont autant de contraintes qui minent son épanouissement. L’idée de
partition du pays, en créant un nouvel état dans le nord est émerge depuis des
années. Les auteurs misent sur certains du golf avec lesquels ils partagent la
même religion pour accéder aux ressources pour soutenir des opérations
d’islamisation de l’Afrique centrale toute entière. La découverte du champ
pétrolifère à Boromata est une pièce maîtrise qui justifie toute l’agitation
politique.
51
III. Une catégorie à importance faible et à influence forte
Cette catégorie à importance faible ne représente qu’une centaine de milliers
de personnes d’origine étrangère, tchadienne, soudanaise, malienne etc. Elle
est organisée en petits groupes, dans les quartiers, des villages, et les chantiers
miniers, sur la base de la solidarité d’affaire et de l’islam, comme religion
commune. Elle s’est dotée d’une influence forte en raison des activités
économiques. Installée depuis de longues années, dans des zones
économiquement sensibles, notamment les chantiers miniers, elle maîtrise le
circuit économique, par leur forte présence sur tous les marchés, grands ou
petits. Elle est donc en situation de monopole, qui lui permet, grâce aux
rentes, de contrôler tout le circuit du commerce74, la production minière, le
réseau du transport de marchandises et des biens. Elle investit à peu de frais,
contourne les dispositifs fiscalo-douaniers, bénéficie de l’appui et de la
protection des responsables de services publics et tire le meilleur profit
possible des affaires. Sa puissance financière est telle qu’elle a créée et
entretient des réseaux de relations à tous les niveaux de la chaîne de l’autorité
dans les services financiers, administratifs, judiciaires. Elle traite directement
les affaires avec les autorités politiques et administratives, autant d’éléments
qui lui donnent de grandes capacités de nuisance par la pratique active de la
corruption. Les évènements actuels ont mis à nu ses faiblesses qui se résument
par : la superficialité de son intégration dans le société centrafricaine ; ses
fortes capacités de nuisance et de destruction de l’économie nationale par des
comportements fortement liés à la prédation, à la fourberie, à l’escroquerie, au
développement des activités de contrefaçon, à la négligence systématique des
règlements et normes en vigueur ; ce sont autant de mauvaises pratiques
génératrices des crimes économiques contre le Centrafrique..
Pendant de longues années, les trois composantes ont, vécues ensemble dans
la non violence, dans la cohabitation harmonieuse, sans heurts, ni
provocations, ni hostilité. L’esprit d’hospitalité a prédominé et n’a jamais fait
défaut. L’avènement de la crise, engendrée par les seleka, a permis cependant
la découverte d’un volcan en veilleuse, qui couvait, qui rongeait peu à peu les
fondations d’une société centrafricaine, aveuglée par l’hypocrisie, la
corruption et des complicités compliquées.
74 Elle bénéficie du soutien des libanais grâce au rapprochement linguistique par la langue arabe.
52
3. Les déficits de capacités de gestion de la crise
A la fois produit et prisonnier d’une société installée sur un volcan en
ébullition, et d’une organisation institutionnelle rongée par l’incurie totale du
système de pilotage et de gestion, le centrafricain est exaspéré. Il est emporté
dans des laves immenses de l’hypocrisie, de la haine, de l’incompétence et de
l’ignorance qui détruisent tout à leur passage, qui lui donnent le vertige, au
point de l’amener à se nier et à réfuter ses capacités à agir pour redresser sa
situation. Cet état d’esprit met en évidence son indifférence coupable et sa
non pro activité dans la recherche des réponses les plus appropriées à ses
propres problèmes individuels et à ceux de la collectivité. Il est l’expression du
déficit chronique de capacités à gérer une crise majeure complexe.
• La logique de la fuite en avant du centrafricain
La crise a mis en exergue des déficits chroniques de capacité de réponse au
niveau individuel. En effet, le centrafricain n’est pas préparé à gérer les
différends majeurs qui surgissent dans son milieu et qui compromettent sa
sécurité et la paix. Ne disposant pas de culture préventive, il a des capacités
d’anticipation très limitées ; il ne place pas son regard au-delà du quotidien, et
son approche à courte vue le limite dans l’appréciation de la nature et des
dimensions des défis du futur. Il ne parvient pas à formaliser ses motivations,
ni à fixer son engagement sur la défense de ses intérêts propres et de ceux de
sa communauté.
Au plan opérationnel, le centrafricain n’a pas une culture de planification, de
mobilisation, d’organisation, ni de gestion de ressources. Il ne parvient pas à
prioriser ses attentes réelles, ni à formater des stratégies de réponse
appropriées pour produire des résultats conséquents en terme de
changement. Enfin il présente un déficit encore plus profond dans le domaine
du suivi et de l’évaluation. Il investit ses ressources et son énergie, mais il ne
s’assure pas de l’évolution normale, comme prévue, du processus enclenché,
n’en assume pas le contrôle de l’assurance qualité des résultats, ni n’évalue
l’impact des interventions opérationnelles exécutées.
53
Il est claire qu’avec ses insuffisances étendues, le centrafricain ne soit en
mesure de gérer efficacement les enjeux et les défis qui se dressent devant
lui. Ainsi, la fracture est très grande, entre ses aspirations individuelles et ses
capacités opérationnelles à les réaliser. Il n’a jamais appris acquérir des
approches de planification stratégique et à mieux formuler et gérer ses
ambitions. C’est l’ensemble de ses déficits de capacités qui le rend
impuissant, qui le force à faire l’aveu de son incompétence et de son
impuissance, quand des problèmes se dressent et l’amènent à se dissimuler et
à pointer du doigt un bouc émissaire, quelqu’un d’autre, comme l’auteur de la
déconfiture.
La crise actuelle démontre clairement la fuite en avant du centrafricain. Il a
choisi de se tenir à l’écart, blotti dans les quatre murs. Il aperçoit, à distance,
les confrontations se développer, entre les antibalaka et les séléka comme
l’indique la carte ci-dessus. Simple observateur, il s’abstient, dans sa fuite, à
suivre les évènements. Il ne se détache jamais de son poste récepteur, ni de
son mobile phone, en permanence collé à l’oreille. Il est à l’affût des
informations. Comme un automate, ses doigts bougent sans cesse d’une
fréquence à l’autre. Les stations radios internationales RFI, BBC, VOA, et
nationales NDEKE LUKA sont en permanence visitées, les unes après les
54
autres. Les chaînes de télévision internationales, dans certains cas, comme
France 24, Africa média, TV 5. Vox Africa, Africa 24 sont les plus visitées et
mieux suivies. Ces voyages médiatiques quotidiens répondent à deux
préoccupations : la soif brûlante d’informations sur l’évolution des
évènements et l’impératif de trouver des réponses aux questions du jour.
Pourquoi le refus du réarmement des forces armées centrafricaines ? Et le
désarmement dans l’enclave du quartier Km5 de Bangui, pour quoi traine-t-
on ? Pourquoi l’arrivée des troupes de l’ONU prend-t-elle beaucoup de
temps ? Seront –elles plus efficaces que les Sangaris et la Mission de Soutien à
la Centrafrique (MISCA) qui ne donnent pas encore satisfaction ? Qui sont les
auteurs de crime contre l’humanité décriés par le Président OBAMA ?
Pourquoi le président HOLLANDE n’a-t-il pas indexé Ndotodjia parmi les
vampires ? Que font exactement les Sangaris ? Pour quoi font-t-ils trainer le
processus de désarmement ? A quel jeu jouent les antibalaka ? Pour quoi les
séléka, une entité dissoute, organisent-ils en plein jour un congrès ? Mais
pourquoi les laisser reconstituer leurs forces armées, nommer des autorités de
défense et de sécurité, dans leurs zones et continuer de tuer, brûler et
saccager les églises? Et la Force de Maintient de la paix en Afrique Centrale
(FOMAC) ! Et maintenant la (MISCA) ! S’intéressent-t-elles vraiment à la
mission du désarmement et de l’instauration de la sécurité ? Oui ou non ?
Pourquoi certains sont-ils complices des musulmans, sachant que ces derniers
sont manipulés par des drogués et par des groupes djihadistes et Al QaÏda du
Maghreb ? Pourquoi protègent-ils les musulmans excellés dans les pillages
excessifs et les massacres massifs ? A quel dessein inavoué la presse
internationale diffuse-t-elle des informations souvent erronées, présentant les
anti balaka comme des milices chrétiennes et bourreaux et les seleka et leurs
complices musulmans tchadiens et soudanais comme des victimes ?
Le centrafricain surcharge ainsi son esprit d’interminables interrogations, dont
Il n’a pas les réponses. D’ailleurs il n’attend rien, ni de ses propres décideurs,
ni des leaders politiques et se contente de prêter les oreilles aux rumeurs et
de les colporter. Il manque de lucidité et ne mesure pas la pesanteur de ses
propres insuffisances et leurs conséquences dans la persistance des foyers
d’insécurité et des zones de concentration des agresseurs devenus victimes de
la violence75. Devant l’incertitude et l’inconnu, il est dérouté par la peur qui
75 Une dizaine de zones de regroupement d’anciens Séléka et de leurs complices ont été constitués à travers tout le pays.
55
l’empêche d’éprouver les besoins de l’autonomie, et d’initiatives. Il subit alors
les événements, impuissant devant les différends, multiples et complexes, liés
à une combinaison de facteurs géographiques 76 , cognitifs, historiques,
symboliques, politiques, culturels. Il ne cherche pas à les cerner, ni à remettre
en cause le mode de gestion politique qui le prive de la protection de ses
droits, de l’injustice et de l’accès au bien -être.
• La synergie communautaire diluée
L’éveil du centrafricain est étouffé, provoqué par l’explosion de son socle
ethnoculturel et social de base. En réalité, les crises récurrentes démontrent
et soulignent, depuis longtemps, le processus de la dislocation des
communautés en Centrafrique. L’artificialisation brutale de leur mode
d’organisation du pouvoir, de l’autorité et des mécanismes édifiés en appui à
leurs relations sociales et cultuelles les a projetées dans un cadre de vie
inconnu et incertain. Elle les a dépossédées des capacités à être maitresses de
leur destin. Elle a dilué leurs aptitudes à recourir aux connaissances et sagesse
profondes garantes de leur identité et enfin rongé leurs compétences de vie
qui permettaient d’entretenir les solidarités, de s’engager et d’affronter
efficacement les défis quelle qu’en soit la teneur et l’ampleur.
La crise actuelle révèle plutôt l’existence des communautés complètement
disloquées, inconscientes, ignorantes, inactives et désespérées. Celles-ci ont
choisi de se dissimuler, de se protéger et d’éviter la confrontation. Elles
justifient leur attitude par la carence de leurs de forces et les déficits de
moyens d’action. Elles estiment que leurs membres, démotivés, méfiants les
uns envers les autres, désolidarisés, et incapables de s’engager et de se
sacrifier, ne sont pas à même de se battre pour leur propre survie.
Inorganisées, les communautés manquent aussi de capacités opérationnelles.
Ceci est étroitement lié à la crise de l’autorité en leur sein. Il s’agit de
l’absence ou de l’inefficacité du leadership local. Dans un cas comme dans
l’autre, le pouvoir s’est évanoui dans les villages et dans les quartiers. Il en est
de même pour l’arbre à palabre, en tant que cadre de concertation, de
76 L’arrière- pays est dans l’abandon et sans intérêts. Sauf les agences humanitaires se déploient pour apporter l’assistance humanitaire. Certains quartiers de Bangui et de certaines villes sont et demeurent inaccessibles des mois et des mois, tellement l’insécurité y sévit.
56
réunions permanentes pour faciliter le dialogue intracommunautaire et
orienter les prises de décisions collectives. Ainsi, les capacités d’analyse
situationnelle, de construction des priorités et de la mise en œuvre des
actions collectives sont réduites à néant. Les chefs de villages et les chefs de
quartier, en grande majorité, ne sont pas en mesure, ni de convoquer des
réunions de sécurité, ni de mobiliser leurs habitants, ni enfin d’exécuter des
plans d’actions prioritaires communes. Ceci conduit au dysfonctionnement des
mécanismes communautaires d’opérations, car leurs responsables ne savent,
ni ne peuvent gérer la complexité, ni comprendre l’importance de leurs
attributs et des tâches qui leur sont confiées77. En dépit d’atouts et de leurs
potentiels humains et naturels importants, les communautés ne sont pas
opérationnellement efficaces. Elles ne peuvent donc pas soutenir l’éveil du
citoyen, ni garantir une mobilisation efficace pour mieux affronter leurs
destins communs.
C’est donc dans des conditions de fragilité que les communautés font face à la
crise et aux conflits, sans réellement être mieux armées. Elles ne sont pas
préparées pour échafauder des réponses collectives efficaces. Pire, le
disfonctionnement de leurs mécanismes de solidarité et la fuite en avant des
autorités de proximité réduisent considérablement leurs capacités de
réaction. Ils bloquent les possibilités de leur recours aux avantages
comparatifs contenus dans le reliquat des résiliences profondes.
La méfiance et la peur persistent. Elles ne facilitent pas les possibilités de
communication intra et inter communautaires, anéantissant ainsi les échanges
d’information et les partages d’expériences. Elles forcent donc les
organisations à la base au repli sur elles, à la résignation et à la soumission aux
événements. En conséquence, des faiblesses collectives ont émergé et érodé
la dynamique de groupe communautaire : i. l’érosion de l’esprit de solidarité ;
ii. l’absence du sens de l’organisation et du recours à l’imagination ; iii. la perte
de la conscience collective de l’effort commun.
77 Le leadership local est largement déficitaire depuis de longues années. Plus politisé pour la défense des intérêts des régimes que de ceux des collectivités, il conditionné par des critères qui ne privilégient ni l’appréciation des structures de base (conseils des notables), ni la qualification, ni l’intégrité, ni le professionnalisme, encore moins les capacités de gestion et d’innovation. Ainsi des individus ont été investis comme chefs de villages, de quartiers, chefs de groupes et maires ignorent totalement leurs cahiers de charge. Ils ne sont pas informés, ni préparés, ni bien encadrés, ni dotés d’outils requis pour garantir l’efficacité de la planification et de la gestion stratégiques des priorités collectivement identifiées. Cette lacune profonde et fatale a conduit à la dégradation totale des chaînes de solidarité intra et intercommunautaire et à la réduction considérable des possibilités de recours aux résiliences traditionnelles profondes.
57
• Des capacités institutionnelles décomposées L’échec de l’éveil citoyen découle des carences profondes des approches
institutionnelles de résolution de la crise. En effet, il convient de souligner que
la dégradation incessante du contexte national, à travers la permanence de
conflits et de crise est l’expression de carences institutionnelles notoires. Tant
au niveau fonctionnel que technique, les institutions sont politiquement et
administrativement incapables de garantir la sécurité, la paix, la justice et
l’épanouissement du citoyen. En dépit de leur état de dégradation avancée et
des dérapages qu’elles génèrent, elles attendent depuis des années d’être
réformées de fonds en comble. Mais, rien n’est fait, et un processus très actif
de corrosion de leurs capacités et de leur efficacité continue
Au niveau fonctionnel, les déficits institutionnels se dessinent à travers de
nombreuses faiblesses apparentes. Il s’agit de : i. la faible performance des
mécanismes publics d’identification des problèmes, de définition des priorités,
de motivation et de mobilisation du capital humain ; de réalisation des
résultats de qualité ; de création de réseaux de partenariat dynamique et
efficace ; ii. l’engagement limité et inefficace de la société civile et du secteur
privé.
Source : Gérard PARDINI, 2010 la Gestion de crise
Par ailleurs, la carence des institutions découle aussi de l’insuffisance de la
culture d’anticipation, associée à leurs incapacités à gérer le processus de suivi
A. PRÉVENTION
Analyse des risques Scénarios Audit organisationnel
C. PLANIFICATION
B. PRÉPARATION
Exercices Formations
D. GESTION DE L’URGENCE
E. GESTION DE LA CRISE
F. RETOUR D’EXPÉRIENCE G. VEILLE
ELEMENTS POUR LA GESTION DE CRISE
58
et de l’évaluation des opérations mises en œuvre dans la perspective de la
réalisation de la vision commune à long terme. D’une manière générale,
chaque service publique et privé, détermine son chemin critique, sans définir
clairement où il va, ni avec qui, ni comment il va l’emprunter. Il accorde peu de
place aux collectes et à la gestion des données et des informations fiables sur
le citoyen, ses conditions de vie, sa protection, les besoins de son
épanouissement et son potentiel opérationnel. D’ailleurs ne disposant pas
d’une culture de planification efficace, il adopte des politiques et de stratégies
sans les configurer dans une vision claire et réaliste, à long termes, articulée
autour d’impératif impulser l’épanouissement du centrafricain.
Les racines institutionnelles du manque de l’éveil du centrafricain résident,
entre autre, dans les carences en capacité de programmation et de gestion des
ressources. En effet, depuis des années, l’impératif de la relance de la
croissance et de l’amélioration de la qualité du capital humain et social s’est
imposé. Il a introduit l’urgence des réformes à tout le niveau de la vie publique,
à la fois politique et administrative. Il s’agit d’imposer la transparence,
l’intégrité, l’efficacité et le respect des normes et standards de la qualité, afin
de garantir la qualité de l’offre des services publics et de protéger les intérêts
du citoyen. Ceci appelle au respect scrupuleux de l’application des principes
démocratiques et de la gouvernance.
Les institutions devraient garantir à leurs clientèles, sans distinction, l’offre des
services à la hauteur des attentes. Ceci n’est possible que dans le cadre d’une
culture de planification (plan de développement, plan d’urgence et plan de
contingence etc) et de gestion (la préparation du budget, l’estimation des
coûts, le contrôle assurance qualité, la reddition des comptes etc) efficace.
Celle-ci privilégie les aspirations du citoyen, son épanouissement et ses
compétences, et facilite l’utilisation scrupuleuse selon les normes et standards
de la comptabilité internationale78. Les difficultés sont que cette culture fait
cruellement défaut. Les institutions sont prises dans un processus de
décomposition tel que les services de l’état ont perdu leur efficacité et leur
efficience. Tous les indicateurs sociaux, financiers, économiques et politiques
révèlent clairement la dynamique d’autodestruction, mise en place, alimentée,
entretenue, protégée au vu et au su de tout le monde. Ils donnent les signaux
78 Voir IPSAS : Standards Internationaux des Services Publics internationaux.
59
d’alerte au regard des pratiques néfastes et négatives qui ne cessent de ruiner
les fondations de l’Etat, d’amplifier la pauvreté au plan social et d’enfermer le
citoyen dans la méfiance, le doute, la résignation et la soumission aux
événements.
Dans ce processus institutionnel peu propice à l’épanouissement personnel du
centrafricain, les préoccupations politiques privilégient le statu quo. Aucune
logique, ni approche de changement n’est envisagée. Les régimes se
succèdent. Ils conservent les mêmes données sur leurs tableaux de bord,
conservent les mêmes analyses, ne tirent aucune leçon des expériences
passées. Ils maintiennent la même logique communicationnelle, tournée plus
vers les mêmes propagandes lénifiantes auto destructives que vers le besoin
de mobilisation générale pour le changement transformationnel. Ils privilégient
plus l’adhésion systématique et passive du citoyen aux discours politiques que
vers un engagement responsable pour améliorer ses capacités à agir
autrement par rapport au présent. Plongé dans un univers politique peu
propice à l’effort vers le développement, le citoyen ne peut faire aucun
miracle, sinon admettre ses conditions de prisonniers sans le savoir, ni le
vouloir.
Il convient aussi de souligner que les déficits institutionnels à tous les niveaux
de l’état proviennent de la faillite des politiques mises en œuvre. Car les
institutions sont configurées79 et gérées de telle sorte que n’émerge pas un
environnement général propice à l’épanouissement du centrafricain. Elles
l’empêchent donc d’accéder à une culture responsable, nécessaire et
suffisante pour lui faciliter la maîtrise personnelle, la compréhension et
l’interprétation du monde dans lequel il vit, le meilleur positionnement,
articulé autour d’une vision générale commune, et la détermination à s’inscrire
dans sa communauté en tant qu’acteur intelligent et efficace de l’action. Enfin,
elles brisent son élan à prendre des initiatives pouvant libérer sa créativité et
son énergie constructives, et lui imposent un esprit de démission.
79 Les structures, les stratégies et les systèmes sont si lourds et les procédures fonctionnelles non respectées ne permettent pas aux institutions d’assurer des prestations à dessein d’assurer le changement transformationnel du citoyen, et d’améliorer ses compétences de vie.
60
4 . Être conscient et debout, le remède sûr pour sortir de la crise
Rebondir est le sens de l’effort à faire. Le centrafricain doit l’assimiler et se
l’approprier. Son état d’esprit, son attitude et son comportement doivent le
refléter. C’est le sens changement dans lequel son engagement est hautement
requis. Mais c’est également le moyen déterminant qui lui permet de réaliser
ses aspirations existentielles. Mais ce sursaut ne lui est possible que s’il trouve
à la fois un ressort suffisamment puissant et un socle social, comme un filet de
sécurité communautaire solide. Enfin, l’éveil responsable du citoyen dépend
surtout d’un cadre institutionnel et d’environnement politique qui lui offrent
ainsi qu’sa communauté l’opportunité de libérer l’énergie et de créer une
nouvelle dynamique qui rompt l’avec le passé, et qui permet d’évacuer la
surcharge des frustrations et des pesanteurs de blocages psychosociologiques.
• Un nouvel état d’esprit, une attitude et un comportement responsable et engagé
Être un citoyen conscient et debout, c’est sortir de l’ignorance qui impose les
logiques de soumission, de dépendance et aller vers les capacités à se servir
de ses résiliences pour
accroître son autonomie et ses
aptitudes à accéder plus
facilement à des types de savoir
et des pratiques qui permettent
de construire des compétences
dans l’action. Dans la situation
de l’urgence actuelle, cette
logique n’est accessible que
dans le cadre d’un processus
d’apprentissage continu, qui ne
se décrète pas, et qui
s’alimente grâce aux efforts individuels, résultants d’une culture expérientielle
soutenue. Il est vrai que le centrafricain ne mesure pas encore les dimensions
de ce qui lui arrive. Toutefois, il doit répondre à la question, où est ce qu’il
est ? Il doit savoir identifier clairement ses responsabilités dans cette
61
déchéance, y trouver une stratégie de réaction plus déterminante et plus
efficace et se départir du doute et de la peur qui le contraignent à l’indécision
et à l’immobilisme.
Pour y parvenir, la jeunesse a sa grande part de responsabilité. Elle doit
s’investir dans des initiatives de mobilisation et d’accroissement de prise de
conscience, en tirant les leçons du passé. C’est-à-dire se doter de capacité à
concevoir, s’organiser, planifier, mobiliser des ressources, exécuter, suivre et
évaluer des actions novatrices. C’est cela la base de l’engagement, celle d’une
culture intelligente qui, de génération en génération, façonne le citoyen, lui
donne le sens de l’autonomie, entraine l’évolution de sa mentalité, induit le
processus de son développement personnel et renforce sa maîtrise de la
gestion prévisionnelle des réponses aux défis. Elle lui facilite le recours aux
résiliences profondes et l’aide à mieux exploiter ses avantages comparatifs.
Adapter cette logique, conduit le centrafricain à changer sa logique actuelle80
et pour se verser dans une approche de changement qui lui impose une prise
de conscience de son rôle et de ses responsabilités à mieux s’investir et à
œuvrer pour un changement effectif et durable dans le respect de se droits et
l’exécution de ses devoirs. C’est le sens du sursaut qui l’attend. Il exige de lui la
volonté, l’intelligence, la motivation, l’engagement, et l’apprentissage des
outils, des procédures, des techniques et des approches susceptibles
d’optimiser ses connaissances, d’améliorer ses capacités et ses compétences
dans l’action, et de faciliter le développement des initiatives intelligentes et
efficaces.
Devant l’ampleur de la fracture et la profondeur la blessure individuelles et
collectives, causée par la crise, et au regard de l’intensité de la souffrance et
de l’étendue de la peur face à l’inconnu, le centrafricain doit apprendre à
mesurer et à apprécier, avec beaucoup de conscience, l’amplitude des
urgences. Il est incité à sortir de son refuge et de la résignation et s’efforce de
comprendre l’intérêt et l’importance de sa survie et d’en faire le mobile de sa
motivation et de son engagement. Il s’applique à gérer les innombrables idées
qui arrivent de toute part et qui lui traversent l’esprit. Il en fait des ressources
potentielles pour l’action.
80 C’est l’abandon du citoyen à ses propres oignons. Ne rien faire pour lui apporter le sens du changement par l’investissement dans son propre potentiel et par l’aspiration à un leadership.
62
Être debout impose donc au centrafricain une attitude et comportement
emprunts du sens élevé de curiosité, d’innovation, du devoir, de la rigueur et
de la discipline. Ce sont des forces qui incitent à réagir avec sagesse et
intelligence, qui ouvrent des champs des interrogations précises dont la
résolution offre l’opportunité de disposer des pistes plausibles de solutions :
quel est le problème ? Pour quoi a-t-il émergé ? Qui en est le responsable et
qui en est concerné ? Comment y faire face pour le résoudre ? A quel est
moment opportun ? Le citoyen est debout s’il s’engage à franchir des étapes
vers la résolution des problèmes à travers des réponses pertinentes et
efficaces à ces interrogations. Ainsi, il perçoit mieux la nature et l‘étendue des
menaces, leurs racines et leurs impacts et formule des pistes alternatives
appropriées. C’est l’évidence. Ce pareil exercice aiguise la conscience, incite à
la prise des risques et concourt au déploiement des initiatives.
Oui, bien sûr, si l’approche des problèmes et des menaces imposent une
démarche laborieuse de réflexion, elle n’est pas accessible à tout le monde.
Savoir structurer son approche intellectuelle de manière à acquérir des
compétences pratiques de résolutions des problèmes exige un processus
d’apprentissage continu. Or, en Centrafrique, l’ignorance constitue un grand
frein. La grande majorité des citoyens est dépourvue de possibilité d’accès au
mécanisme d’apprentissage de masse. Aucune stratégie n’y est consacrée.
C’est pour quoi il est impératif d’y penser : i. encourager l’effort à l’auto
apprentissage pour faciliter l’acquisition des savoirs et savoir faire qui aident à
surmonter des contingences. ii. promouvoir la promotion d’un encadrement
et d’un accompagnement approprié, qui facilite le développement des
capacités de concentration des énergies, de mobilisation des connaissances et
d’utilisation de la puissance intellectuelle. Donner l’opportunité au citoyen
d’apprendre à améliorer ses connaissances pour être mieux éclairé et apte
répondre à l’urgence du changement est le sens de l’effort
• Un solide filet de sécurité communautaire, comme
puissant ressort pour le sursaut citoyen
L’éveil du centrafricain, plongé depuis très longtemps dans la marmite du
diable, dépend du changement du paradigme politique et social actuel. Des
63
années durant, la pratique de la politique du développement social privilège
l’assistanat. Des programmes et des projets, formulés et conduits dans cette
logique, ont complètement ruiné les communautés à la base, rurales et
urbaines. Ils leur ont enlevé la force et la détermination à se dresser
intelligemment face aux défis, à réinventer des approches originales et
pertinentes de mobilisation et d’incitation de synergie collective. Elles ont
perdu l’art d’inscrire leurs stratégies dans une vision réaliste de leur devenir.
Puis elles se sont emportées dans un processus de dépersonnalisation sociale,
qui finit par les briser et les condamner à survivre dans l’indifférence et la
résignation.
La société centrafricaine est totalement déracinée et dessouchée, sans
référentiels solides, ni sûrs. Elle a acquis une mentalité négative, enfermée
dans une posture attentiste, laissant à l’état et aux organisations non
gouvernementales les initiatives pour satisfaire ses besoins essentiels.
Affaiblie et désorientée, parce qu’elle a perdu les valeurs et les pratiques
ancestrales clés, qui garantissaient l’esprit d’engagement solidaire et
mécanique, elle est prise en étau entre la peur et la fuite en avant. Elle est
noyée dans la turbulence cultuelle et les manipulations politiques,
génératrices de la méfiance et des différends enracinés en profondeur. Ainsi
impuissante et improductive de valeurs, la société centrafricaine ne génère
pas un type d’individu, apte à s’affirmer avec beaucoup de fierté et à s’investir
dans son potentiel pour affronter les défis individuels et communs.
Très grand est donc le besoin d’une profonde mutation communautaire. C’est-
à-dire à dire, amener les organisations de base et leurs leaders à acquérir une
nouvelle mentalité, celle qui promeut : i. la prise de conscience de l’impératif
de préserver la survie collective, ii. le dynamisme et la proactivité pour
accomplir avec abnégation les devoirs communs, et l’obligation de se doter
des capacités et des compétences collectives, dans la lecture et l’analyse
objective et intelligente des problèmes communs, la détermination des
priorités, et la mobilisation des ressources nécessaires à l’organisation des
ripostes. L’intérêt majeur est donc la transformation des collectivités en
véritables forces pour la paix et le développement.
Dans cet esprit, tout comme le citoyen, au niveau individuel, la communauté
est appelée à acquérir collectivement la capacité d’auto apprentissage. C’est le
premier pas à faire. Il vi
l’ignorance de masse
apprenantes. C’est le
d’apprentissage continu
l’intelligence collective
Collectivement les memb
main la résolution des en
visant à améliorer leurs
réussi à se bâtir une cul
l’unité et de l’intégrité
l’enracinement de l’espri
tant de facteurs qui garan
L’éveil communautaire,
tout, le changement de
consolidation d’un cadr
primordial. C’est la rem
communautés, urbaines
parole au service de soc
inter communautaire. Ell
de leurs problèmes et
impose le respect mutu
transparence et l’intégrit
sens de l’autonomisation
de conscience des
collectives. Ce cadre
communautaire créer
consolidée pour la gest
des besoins urgents, n
retour de la sécurité,
justice sociale et du bien
offre aux collectivités
s’impliquer largement et
dans la résolution de le
facultés d’adaptation, d’a
. Il vise l’évacuation de la peur collective,
masse et la transformation des membres
le finalité du réveil collectif, entrer dans
continu pour développer les connaissances
llective. Des expériences d’autres pays l’o
es membres des communautés se sont épanouis
n des enjeux de leur propre développement, grâ
er leurs connaissances et à accroître leur perfor
une culture collective qui met en avant la pr
égrité, le renforcement de la solidarité et de la
l’esprit de sacrifice et du culte de travail dur e
qui garantissent la sécurité et la survie commun
autaire, comme le socle du sursaut citoyen, im
ent de paradigme social. Pour ce faire, la rest
cadre collaboratif, participatif, confiant e
t la remise en place de l’arbre à palabre
rbaines et rurales. Il n’est rien d’autre que l
e de société, celle-ci facilite et impulse le dia
taire. Elle offre les possibilités de l’identificatio
es et de la définition participatives de leurs
ct mutuel, garantit la
l’intégrité et accroît le
misation et de la prise
des responsabilités
cadre du dialogue
créer une base
gestion commune
, notamment le
é, de la paix, de la
bien être. Enfin, il
és la possibilité de
ment et profondément
on de leurs problèmes et d’acquérir et de
tion, d’amélioration et d’innovation.
64
llective, la lutte contre
embres en équipes
dans un processus
issances et renforcer
pays l’ont démontré.
épanouis et ont pris en
ment, grâce aux efforts
ur performance. Ils ont
ant la préservation de
et de la transparence,
vail dur et bien fait, au
commune.
itoyen, implique avant
restauration et la
nfiant et efficace est
palabre, au sein des
re que la magie de la
e dialogue intra et
ntification, de l’analyse
de leurs priorités. Elle
de renforcer leurs
65
Au regard de l’accentuation, de l’amplification et de complication des
dimensions de la crise, les échanges réguliers et soutenus aiguisent le sens des
communautés éveillées au pragmatisme, à la sagesse et à l’intelligence
collective. De manière plus pratique, ils augmentent leurs capacités collectives
et les rendent efficaces en matière de la formulation de stratégies et de
tactiques opérationnelles, de l’organisation, de la communication, de la
coordination et de la supervision des ripostes.
C’est une lourde tâche. Il nécessite un leadership très averti, exigent,
compétent, talentueux, créatif et engagé à lutter pour le changement. Porteur
d’innovations, il sort du chantier battu et est prompte à développer des
initiatives alternatives et innovantes. Nanti de la mission d’impulser la
synergie entre les citoyens, au sein de leurs communautés, il consolide leurs
aspirations à vivre ensemble dans la non violence, en toute confiance, en
communion d’esprit. Il souffle, en leur sein, la dynamique de l’unité, de
solidarité et d’actions appropriées, pour les mobiliser et concentrer leurs
efforts sur la gestion collective de la prévention, de l’urgence et du relèvement
rapide.
Ainsi, l’efficacité d’une communauté, en période de crise majeure, dépend de
la clairvoyance de son leadership. En effet, le leader, condamné à travailler
pour assurer une gestion objective et sage des intérêts des forces opposées,
au sein des groupes, est appelé à lubrifier des mécanismes complexes,
notamment, ceux qui garantissent la synergie des membres, entretiennent
leur sens de la solidarité, catalysent leurs actions et concilient leurs intérêts.
Pour parvenir à une dynamique communautaire incitatrice de l’action, le
leader est chargé d’investir dans sa capacité à se doter d’une pensée
systémique, claire et forte, qui consiste à avoir un regard sur le monde, à
chercher à le comprendre, et à l’interpréter pour se positionner. Pour cela, il
doit faire preuve de compétences, c’est-à-dire à assurer : le pilotage de la
construction d’une vision commune qui justifie la raison d’être de la
communauté ; le développement de la culture d’équipe qui impulse les
interactions collectives coordonnées ; le soutien pratique à l’épanouissement
du citoyen.
C’est pour quoi, les chefs de quartiers, les chefs de villages, les chefs de
groupes, les maires entre autres, chargés d’entretenir, en permanence, la
dynamique communauta
collective au niveau le
concertation plus fluide
changement. Ils doivent
d’information, d’apprenti
plan d’action. Opérationn
processus de la planif
communication et du
palabre). Les mieux indi
elles sont destinées au
à l’appréciation des pro
d’action ; Certaines ren
notamment à la sécurité
prennent en compte les
d’autres, enfin sont p
communs, pratiques, et
mariage, deuil, promotio
fortifie, qu’elle gagne en
le citoyen. Elle est, avan
moyens, en termes d
d’expériences avec d’au
garantit son intégration
de solidarité et de l’uni
au-delà de l’individu, u
dynamique renforce sa c
ses stratégies d’action
impulse l’esprit d’équipe
culture d’efficacité
consiste à utiliser l’expe
des méthodes et des o
appropriés de résolution
sur la base des valeu
comme le souligne la figu
Ainsi se forge une comm
de propulsion de l’évei
permanent entre ses
munautaire constructive, doivent maintenir
iveau le plus élevé et rendre la fonctionna
us fluide, plus accessible, et ouvert à tou
doivent s’en servir comme une plate form
’apprentissage collectif, de prise de décision, et
érationnellement, leurs contributions prennent
a planification, de l’organisation, de la ge
du suivi efficaces des différentes concerta
ieux indiquées sont les réunions statutaires
ées au suivi régulier du fonctionnement de la co
des progrès réalisés dans la mise en œuvre
ines rencontres sont consacrées aux sessio
curité, à la prévention, à l’urgence, et au relè
mpte les formes d’assistance à délivrer en cas
sont programmées pour le traitement de
, et occasionnels etc.(cérémonies divers
romotion etc) Ce n’est qu’ainsi que la vie com
agne en efficacité et qu’elle constitue un filet de
avant tout, au service de l’individu, elle
ermes de partage d’information, de conn
d’autres citoyens. Elle
égration dans le dispositif
l’unité d’action. Mais,
dividu, une communauté
rce sa cohésion, consolide
d’actions collectives et
d’équipe. Elle gagne en
et de qualité qui
l’expertise, l’expérience,
et des outils pratiques et
ésolutions des problèmes,
s valeurs des progrès,
la figure ci-contre.
communauté dynamique, proactive et épan
e l’éveil citoyen. Elle se tient debout grâce
membres, entre eux avec leurs leaders
66
enir la conscience
nctionnalité du cadre
t à toutes idées de
te forme de partage
, et de gestion du
prennent en charge les
la gestion, de la
concertations (arbre à
taires. Plus générales,
de la communauté et
n œuvre de son plan
sessions spéciales,
et au relèvement. Elles
r en cas de besoins;
ment des problèmes
diverses, naissance,
vie communautaire se
n filet de sécurité pour
elle lui procure les
de connaissances et
et épanouie, moteur
grâce au dialogue
leaders, et entre les
67
leaders eux-mêmes. Elle facilite en son sein le partage des leçons apprises et
des expériences, la construction de la mémoire collective et la détermination
de stratégies communes pertinentes pour une gestion préventive et curative
des conflits. Par cette approche, elle évite la répétition des mêmes erreurs
passées et rompt avec des cercles vicieux qui conduisent aux échecs répétitifs.
Dans la situation actuelle du pays, la dynamique communautaire apparaît
comme une puissante thérapie. Elle mobilise la conscience collective vers une
compréhension effective de l’importance de la responsabilité active dans la
recherche du changement. L’investissement communautaire doit alors être
encouragée et servir comme un vecteur pour la résolution de la crise. Ne pas
en tenir compte, s’en départir dans le processus du dialogue, conduit
inexorablement à l’échec. Les leçons tirées des trente dernières années de
gestion de conflit sont éloquentes. Elles démontrent à suffisance que le
monopole de la parole par les sensibilités catégorielles a conduit à
l’installation de la spirale d’échecs. Réduire la résolution de problèmes
complexes et multidimensionnels à un jeu de carte d’un groupe limité,
inconscient de son rôle et de ses responsabilités, incapable de changer de cap
là où il a échoué, ne peut aboutir à une issue heureuse. Les attentes ne seront
pas satisfaites. Le temps est inutilement perdu. L’énergie, Les ressources le
sont aussi. Le gisement de confiance s’écroule.
Entre les discours politiques, aux contenus louables, et le changement
attendu, les fossés sont immenses. Les chants et les conseils, les
recommandations et les résolutions, pour promouvoir le retour de la paix, de
la sécurité, de l’état de droit, de la justice, de la bonne gouvernance, de
l’intégrité et de la transparence, à cors et cris, dans les médias, et dans des
grandes rencontres, arrosées par l’euphorie des fêtes populaires, n’ont jamais
restauré la stabilité, la confiance et la discipline sociale et politique. Une
poignée d’opportunistes, avides de pouvoir, toujours présents et agités,
continuent d’œuvrer, de manipuler et de se targuer de disposer de solutions
durables dans l’intérêt de tous. Comme les termites ou comme le virus du VIH
SIDA, ils rongent de l’intérieur, grâce à leurs parrains extérieurs, qui imposent
les règles de jeu, qui privilégient des intérêts déconnectés de ceux du citoyen
et qui soumettent les communautés à leurs propres schémas. Ainsi, les
processus de dialogues, dans le passé ont servi de tremplin aux aventuriers,
aux cupides, aux mercenaires politiques et aux démagogues d’opérer leur
68
positionnement politique. Dans l’ignorance totale des normes de qualité et
des approches et outils de la planification stratégique, ils ont œuvré
systématiquement pour la tenue à l’écart du citoyen, pour faire passer
l’éponge, en toute impunité, sur les forfaitures criminelles, sans honorer la
mémoire des victimes, ni penser à la réparation.
Ne pas institutionnaliser la dynamique communautaire comme le
soubassement sérieux du règlement du conflit, c’est enfoncer davantage le
Centrafrique dans le désastre. C’est amplifier le marasme dans lequel il est
plongé. Ainsi de jour en jour le doute et l’absence de réaction intelligente
enferment la population toute entière dans l’enfer, fautes de jeu politique
crédible, faute de leader politique courageux et intelligent qui propose une
nouvelle voie du changement articulée sur une vision réaliste et motivante de
l’avenir.
A l’évidence, un dialogue inclusif, excluant le citoyen, jetant dehors la
dynamique de concertation communautaire, du village/quartier au niveau
central (structure de gestion du processus du dialogue) en passant par la
commune/arrondissement, la sous préfecture, la préfecture, la région n’est
que pure illusion. C’est une pièce de théâtre montée à l’envers. Les crises sont
tellement profondes qu’elles ont disqualifié la classe politique centrafricaine, à
qui le citoyen commence à demander des comptes. La recherche de solutions
aux problèmes généraux, faits d’antagonismes profonds entre les victimes et
les agresseurs, entre le citoyen innocent, naïf, projeté dans la misère
persistante et les manipulateurs politiques, cupides, opportunistes, avides de
pouvoir est beaucoup plus complexe. Elle ne peut donc pas se limiter
uniquement à la réalisation de calculs transactionnels au profit de groupes
particuliers. Elle exige de véritables réformes de mentalité collective qui
consacrent le respect indifférencié de l’application de la loi, de la protection
des droits et de l’accès la justice équitable. L’essentiel est de faire en sorte
que les communautés, tant rurales qu’urbaines, prises dans un processus
éducatif de masse soient capables de demander des comptes à tous les
artisans de la déchéance, des pillages et des massacres de pauvres innocents.
Ceci va introduire de nouvelles donnes : d’une part la restauration de la
discipline, de la rigueur, de la transparence et de l’équité au cœur de la
gestion institutionnelle et d’autre part la résurrection de la confiance au
niveau citoyen.
69
Inscrite dans une telle perspective, la dynamique communautaire est un
élément clé de la restauration de la stabilité. Elle établit les garde fous devant
forger la volonté des parties prenantes à vivre ensemble dans la non violence,
à privilégier l’application d’une justice équitable et à promouvoir la
réparation des dommages subis.
C’est le sens de la mission des leaders, au niveau local, celle d’impliquer tous
les acteurs résidant dans l’espace communautaire, jeunes, femmes et
membres de diverses corporations de métiers, à son animation, à son
fonctionnement et à sa gestion. Le résultat d’une telle mobilisation est
certainement la consolidation du fortifiant communautaire, à savoir l’adoption
de principes de respect, de l’unité, et de motivation pour l’épanouissement
individuel et collectif.
• Des institutions transparentes et performantes,
conditions propices à l’éveil du citoyen.
Le rebondissement citoyen et la dynamique communautaire qui le soutient
n’est possible que dans un environnement politique et un cadre institutionnel
appropriés, ouvert, respectueux des normes de la démocratie et de la bonne
gouvernance. Malheureusement, pendant des années, le Centrafrique n’a pu
les observer, ni créer les conditions nécessaires et suffisantes à cet effet. Par
leur inobservation, les politiques ont conduit de manière répétitive et
irréversible aux désastres, et les institutions n’ont jamais offert ni au citoyen,
ni aux communautés les chances d’une émergence durable. Elles n’ont jamais
pu remettre le pays sur le bon pied, ni contenir les contraintes coercitives qui
les minent. Ce qui ne va pas sans aggraver des pesanteurs inextricables sur
l’individu, la société et la Nation toute entière.
Cette situation remet en cause la capacité de la classe politique centrafricaine
à gérer des processus complexes, en toute sérénité, intelligence, efficacité.
Elle n’a pas été à la hauteur des aspirations du plus grand nombre : «le
Centrafrique, pays debout et viable, plein d’espoir pour l’avenir ».
Malheureusement, la mentalité politique et institutionnelle prédominante est
celle de la confrontation conflictuelle, de l’arnaque du citoyen et de la
70
population, et de la préservation des intérêts personnels et partisans. De
l’indépendance à ce jour, elle est manifeste. L’acharnement de la prise du
pouvoir par la force, la gestion scabreuse et opportuniste du pays, la
soumission du citoyen aux dictats des imposteurs insensibles à sa misère
n’ont-ils pas sonné le glas à l’existence de la Nation? La force des armes et
celle de la démagogie, du mensonge et de la manipulation, combinées à
l’économie de prédation ont fini par mettre des hommes et des femmes à
genou, et par jeter toute la communauté nationale et le pays dans le chaos.
La recherche systématique de bouc émissaire pour fuir les responsabilités, le
manque de courage et d’intégrité ne relèvent-ils pas de l’incompétence, de
l’incapacité et du manque de sincérité des responsables politiques ? Leurs
discours sont une succession d’aveux d’impuissance. Leurs actes relèvent du
gangstérisme, significatif de la prééminence du plus fort. En somme, c’est la
mendicité institutionnalisée associée au brigandage politique.
Les signaux forts du processus de la disparition du pays mettent en évidence
l’urgence des mesures de réforme. La perspective est celle de s’affranchir
d’une mentalité de piraterie politique, et de privilégier un comportement
rationnel, ordonné, fondamentalement tourné vers le progrès. Elle ne tolère
pas la cécité, ni la surdité politiques, quand les choses se dégradent, se
désintègrent faute de leader digne de ce nom. Elle ne laisse ni la place, ni le
temps aux aventuriers, aux opportunistes, aux incompétents de s’emparer et
de s’accaparer du pouvoir, par la force ou par la malice. Elle est si exigeante et
si rigoureuse qu’elle n’accorde point la liberté à des individus, véritables
rapaces dans la pratique de la prédation des biens et des ressources publiques
au détriment du citoyen.
C’est pourquoi les réformes institutionnelles sont vitales pour la survie du
Centrafrique. L’administration de thérapie d’attaque très forte est leur pilier.
Elle impose l’état de droit. Personne n’est dessus de la loi. Elle exige au profit
de tout le monde l’accès à la justice équitable. En un mot, elle fait de
l’instauration de la discipline et de la rigueur une nouvelle culture. Il en va
ainsi pour stopper le processus de la perdition et de la précarisation de la
nation centrafricaine et pour lui inculquer un rythme vers le progrès.
Les mesures de réformes politiques, catalytiques et novatrices, sont à
repenser pour faire ressurgir le sursaut patriotique et insuffler une dynamique
communautaire détermin
reconstruction de nou
fortement. Cinq pistes d
institutions et la qualité
d’un processus d’arra
transparence, l’intégrité
de services publics ; ii.
épris de l’esprit de sac
l’impulsion des l’effort
travers le renforcement d
d’accompagnement; iv.
émancipe le citoyen et le
construction de la vigilanc
survie et la légitimité d
décomposition de ce d
dépréciation de la qualité
réformes obligatoires.
garantir son bon fonction
prestation de services de
ces perspectives, des me
de modernisation sont
Premièrement la mise en
processus de gestion p
standards internationaux
l’asseoir, sans complais
astreintes, pour se dé
approximative et opaque
comme légiférer, planifie
dans des procédures et
déterminante et propice au changement. La ren
de nouvelles fondations du Centrafrique
pistes d’actions possibles peuvent garantir l
qualité de leurs prestations : i. l’enclenche
arrangements institutionnels qui ga
ntégrité, la discipline, la rigueur et l’efficacité
ii. le développement d’un leadership trans
t de sacrifice et du sens élevé de la respo
efforts pour l’amélioration du capital huma
cement de la performance des mécanismes d
iv. la promotion à grande échelle de la cultu
yen et le rend capable de demander des compt
la vigilance autour des valeurs de progrès
i. Des a
techniques
comme piliers de
institutionnel
Le sursaut cito
déterminant ma
itimité de l’état. C’est pourquoi arrêter
de ce dernier et de celui de la dégradat
la qualité des services publics, s’impose en tant
. Le relèvement de l’état est une priorité
fonctionnement, et lui redonner la force et le
rvices de qualité à la hauteur des attentes du
, des mesures de réajustement ou de réhabilitat
sont à envisager. Elles comprennent plus
mise en conformité des politiques, des proc
estion politique et administrative avec les n
ationaux des services publics est un pas déter
complaisance, ni tolérance. Toutes les inst
r se détacher de la logique d’une gesti
t opaque. Elles doivent inscrire leurs activités
, planifier, mobiliser, gérer, communiquer, suiv
ures et selon les principes qui garantissent la
71
a renaissance et la
afrique y dépendent
arantir l’efficacité des
lenchement courageux
qui garantissent la
ficacité les prestations
transformationnel,
la responsabilité ; iii.
al humain et social à
d’encadrement et
la culture civique qui
es comptes ; v. enfin la
es arrangements
es intelligents
piliers de changement
aut citoyen est un
ant majeur pour la
le processus de
dégradation et de la
en tant que pilier des
priorité. Il consiste à
rce et les capacités de
du citoyen. Dans
éhabilitation ou encore
ent plusieurs aspects.
procédures et des
es normes et les
déterminant. Il faut
instances y sont
ne gestion aléatoire,
tivités opérationnelles,
suivre et évaluer,
issent la performance,
72
l’efficience et l’efficacité. C’est un chantier lourd et impressionnant. Il répond
à l’étendu de la décomposition et doit aboutir à la création d’un
environnement institutionnel propice au rétablissement de l’état de droit.
ii. Le leadership transformationnel, comme lubrifiant pour le changement
institutionnel.
Un des aspects normatifs des réformes institutionnelles est l’obligation des
résultats. Les institutions sont astreintes à la transparence, à l’éthique et à
l’intégrité. Elles doivent se munir de méthodes qui garantissent la qualité,
l’efficience, l’efficience, la pertinence et la durabilité de leurs résultats. Ces
éléments sont conditionnés par l’adoption d’une culture de gestion
performante. Il s’agit de celle qui accorde la priorité à la maîtrise de la qualité
totale et à l’approche de la conduite du changement. Ce chantier jette le
regard sur les structures, les systèmes, et les stratégies des établissements
publics et mesure leurs capacités à produire des résultats de qualité
supérieure. Il détermine si les tâches sont exécutées réellement pour réaliser
les résultats escomptés, surtout si la direction des opérations est fiable, aspire
la confiance et conduit effectivement vers la vision configurée.
Malheureusement, l’étendue des gaffes occasionnées par l’enchaînement des
crises centrafricaines révèle d’une manière claire la défectuosité de toutes les
directions institutionnelles. C’est pour cela que le chaos s’est installé, que
l’anarchie fragilise l’état et ruine la société centrafricaine, et que la misère et
l’insécurité rendent la vie dure au citoyen.
Le leadership est une réalité quasiment inexistante en Centrafrique.
L’attention de ceux qui y aspirent est accordée aveuglément aux positions de
l’autorité, à la détention du pouvoir, aux intérêts catégoriels, et à un pseudo
charisme évanescent. Ni l’écoute du citoyen, ni celle de la communauté, ne
sont inscrites à leur ordre du jour. Affichant la suffisance, et dissimulant très
mal les pressions contraignantes exogènes, ils se déculpabilisent vis-à-vis des
échecs répétés des diverses tentatives de solutions pour résoudre les crises.
Hermétiquement et Hypocritement fermés, ils s’activent à la consécration de
l’exclusion systématique du citoyen et des communautés de toute plate
forme. De plus en plus, friands du tutorat politique extérieur comme modus
operandi de la gestion de crise, ils ont plutôt l’œil rivé sur la supervision d’un
73
pseudo dialogue à Libreville, Brazzaville, Ndjaména infantilisant ainsi le
centrafricain et et humiliant par voie de fait le Centrafrique .
La solution à la situation catastrophique actuelle du Centrafrique requiert un
effort national de tous les citoyens, de toutes filles et de tous les fils du pays,
de ceux qui résident sur le territoire et de ceux qui vivent à l’extérieur. Tous
doivent avoir la conviction que la résolution de la crise leur incombe, qu’il n’y
aura jamais de solutions miraculeuses en provenance de l’extérieure, ni de
Dieu, encore moins des forces politiques et militaires. Le centrafricain doit
absolument comprendre qu’il a lui-même la solution à son malheur, qu’il doit
se munir de l’intelligence, de sagesse, de sincérité, de courage et de dignité
pour mieux s’investir en conséquence. Il est donc dans le besoin d’un
leadership très fort et super intelligent. Déjà, la demande est exprimée à tous
les niveaux. A la base, les villages, les quartiers, les communes etc l’expriment
et souhaitent une équipe de direction capable d’insuffler une dynamique de
changement. Au niveau intermédiaire, celui des sous préfectures, des
préfectures, et des services régionaux, ce sont les mêmes attentes. Enfin au
niveau de la supervision générale de l’état, les intentions sont ostentatoires
mais les actes minés par des discordances et des divergences mues par des
profits partisans. D’une manière générale, des gens nouveaux, avec des
capacités nouvelles sont attendus, sollicités pour leurs aptitudes à l’inspiration
de la confiance, à faire adopter de nouveaux paradigmes, à échafauder l’unité
et l’esprit d’équipe, motivé et engagé et à construire une vision commune
claire, à long terme, autour de la quelle l’action collective est charpentée.
iii. L’accès aux connaissances pour libérer l’énergie créatrice et garantir
l’autonomisation du citoyen et de sa communauté.
En plus du renforcement de la qualité du leadership, le bon fonctionnement
des institutions est étroitement dépendant de l’amélioration des capacités et
des compétences de l’individu et de la communauté. Le citoyen et toute la
communauté sont concernés. Ils doivent s’engager, s’y impliquer, et investir
tout son potentiel physique, moral, intellectuel. C’est possible. Mais il y a une
exigence : l’accès amélioré et continu aux connaissances, aux compétences et
aux capacités. Elle appelle de mesures courageuses pour l’élimination de
l’ignorance et de l’analphabétisme, cancer impitoyable qui ruine la force, qui
74
empêche l’élan et qui emprisonne la plus grande majorité de la population
centrafricaine dans l’obscurantisme.
Malheureusement, l’accroissement des connaissances n’est pas affiché sur le
tableau d’honneur politique comme une priorité. Depuis très longtemps, il a
été reconnu l’ampleur du processus de l’analphabétisme retour. Il frappe aussi
bien les cadres, que des jeunes apprenants, élèves et étudiants, ainsi que leurs
parents et les travailleurs. Il s’amplifie d’année en année, à défaut d’accès à la
lecture, et de l’inexistence d’un stock national de source de production de
connaissances, notamment les livres, les ouvrages généraux et techniques, les
journaux et autre. Les publications, très limitées, et très onéreuses par rapport
au revenu national moyen, rendent la lecture une activité ésotérique
inaccessible au citoyen. L’oralité se positionne comme le seul moyen d’accès
aux connaissances. La rumeur est le vecteur essentiel de l’information au
quotidien.
Dans cette situation propice à l’obscurantisme, Une puissante culture
autodestructrice emporte le centrafricain, elle accompagne et alimente une
mentalité dangereuse de prédation institutionnalisée, l’esprit de vol et de
violence déborde à l’excès. Partout, il s’affiche, dans les villes, sur les routes,
dans l’espace public. Des images de décombres laissent entrevoir des débris,
empreintes de la barbarie émergée des profondeurs lugubres de l’ignorance,
et de l’inconscience.
On dit «faute de connaissances mon peuple périt». Alors, à défaut de
l’intelligence, le centrafricain s’autodétruit, dépérit, s’abrutit, déraisonne sous
l’effet de la drogue de l’ignorance. Il perd la réflexion sur la malveillance des
actes, n’évalue pas l’ampleur de l’érosion de son potentiel mystique et de
l’opportunité d’un dialogue spirituel avec lui-même et avec l’être suprême. Il
ne se préoccupe guère de son positionnement dans l’univers en tant qu’être
vivant. Il est peu porté sur l’effort. Son dérisoire stock de connaissances ne lui
offre guère les possibilités de prises de décisions éclairées, ni d’actions
pertinentes. Il est donc improductif faute de connaissances.
Changer le citoyen, le reprendre responsable et capable de prise de décision,
c’est avant tout, lui ouvrir le plus largement possible les fenêtres de
connaissances. C’est son droit, une obligation absolue. Les mesures pour
75
faciliter l’accès à cette ouverture sont déterminantes. Elles produisent son
changement, à trois cents soixante degré. Elles améliorent son potentiel et
imposent aux institutions publiques des efforts continus vers l’amélioration
de la qualité et des performances des ressources humaines de leurs
ressources humaines et de leurs clients. Celles-ci doivent s’investir de manière
pratique. Elles encouragent et démultiplient des sessions de formation
pratique, de partages des expériences, et des possibilités d’accès à
l’information viable, à tous les niveaux : local, régional et central.
Favoriser l’accès au savoir et savoir faire et l’accumulation des connaissances
à ses trois niveaux accroît l’éveil et le potentiel d’action. A partir des
connaissances explicites et tacites stockées, de nouvelles attitudes se forgent,
de nouvelles aptitudes transparaissent, et de nouveaux comportements de
bâtisseur naissent. Ce changement génère l’autonomisation individuelle et
collective, libère des flux énormes d’énergie et alimente les forces créatives.
Grâce à ces acquis, le citoyen devient proactif, comprend l’impératif de
prendre son destin en main, et adopte le culte sacré du travail.
iv. L’obligation de rendre compte, une garantie pour un environnement
politique et institutionnel sain, transparent et propice au sursaut citoyen.
Le rebondissement citoyen dépend surtout de la mutation de la classe
politique centrafricaine. Les évènements qui s’éternisent, l’y forcent et lui
offrent l’occasion en or pour qu’elle se remette humblement en cause, ni à
Libreville, ni à Ndjamena, ni à Brazzaville encore moins à Paris, à New York et à
Addis Abeba. Mais ici, à Bangui, à Bouar, à Bossangoa, à Bambari, à Berbérati,
à Bangassou, à Birao, à Obo, etc.
Les acteurs politiques semblent ne pas comprendre qu’ils doivent rendre
compte au citoyen. Les responsables administratifs, également, ne paraissent
pas être astreints à l’obligation des résultats. Malheureusement, dans la
pratique, pour les uns et les autres, la gestion des services publics ou la
détention d’un mandat politique est une sinécure. Les uns et les autres sont
imbus d’eux-mêmes. Arrogants, forts de l’hypocrisie et de la démagogie, ils ne
se libèrent pas de tares vectrices du désordre, de l’impunité, et de la
déchéance nationale. Leur mentalité reste clouée à une logique peu
orthodoxe, qui laisse transparaître le déficit de courage et de la sagesse. Il y a
76
d’autres carences : l’absence de la créativité, du sens de l’honneur et de la
reconnaissance du citoyen en tant que détenteur du droit, et la mesure de
toute action politique, à qui le compte doit être rendu. La faillite de l’état, la
décomposition de sa fondation, l’éclatement social de grande envergure et le
dépérissement de l’état d’esprit du citoyen centrafricain en sont les
conséquences patentes. Alors, l’impunité y trouve un terrain de prédilection,
l’irresponsabilité, une marque déposée des acteurs politiques, tout comme la
négligence de l’intérêt supérieur de la nation et la protection de celui du
citoyen.
Cet environnement politique et institutionnel est donc fortement rivé sur le
profit, rien que le profit individuel, partisan et tribal. Il a induit le dérèglement
général des attitudes et des comportements individuels et collectifs81. Seuls,
les plus faibles, doivent rendre des comptes de leurs prestations. Les plus
forts, les tenants des régimes, notamment ceux qui appartiennent aux carrés
familiaux et courtisans en sont dispensés et immunisés contre des
interpellations administratives et judiciaires. Ils mettent des dispositifs de
corruption active qui institutionnalisent l’escroquerie et l’impunité, et qui leur
facilitent la main mise sur les institutions en charge de contrôle assurance
qualité, des forces de l’ordre, et de la justice. Celles-ci dépouillées de leurs
prérogatives, et fragilisées, ne peuvent garantir ni la transparence, ni
l’intégrité. Elles n’assument pas la veille stratégique, pour mieux capturer les
défis de manière anticipative. Elles laissent le statu quo et la routine altérer le
fonctionnement des services.
C’est donc le reflet d’un mode opératoire nuisible, avec des rouages
institutionnels corrompus, produits de la mal gouvernance. Les dégâts sont
énormes, et les capacités financières de l’état sous tension depuis de longues
années. Ses charges augmentent et les arriérés s’accumulent dans toutes
rubriques des dépenses. Toutefois, les paiements restent très subjectifs et
sélectifs. Les postes prioritaires sont essentiellement ceux qui concernent les
autorités elles-mêmes.
81 Les familles présidentielles et les courtisans sont aussi les maîtres du pays. Ce sont les grands prédateurs impunis. Ils entrent à loisir dans les rouages de l’administration publique et privée, y sèment le désordre, la pratique de la corruption au détriment de l’état, au su et au vu du président de la République lui-même. Ils n’arguent tous ceux qui osent protester, les menacent et n’hésitent pas à recourir aux forces publiques ou tout simplement à faire la loi eux-mêmes.
77
Malgré de nombreuses initiatives pour le redressement, la situation continue
à se dégrader et à s’empirer. Des programmes de réformes se sont décuplés
au fil des ans. Ils prennent en compte des ajustements structurels, des
réformes sectorielles, notamment la promotion de la gouvernance, l’état de
droit, la réforme du secteur sécuritaire, l’assainissement des finances
publiques etc. Il s’agit d’imposer la transparence, l’intégrité et la traçabilité
dans la gestion des affaires publiques. Mais, aucun impact positif n’a été
enregistré. Les institutions s’usent continuellement et subissent durement la
prédation illégale et active de ressources. L’état est fragilisé, ce qui ne lui
permet pas d’assurer ses prestations régaliennes. Face à cette situation,
l’indifférence et l’immobilisme se sont instaurés. Ils traduisent le
désengagement des autorités politiques82 et leur incapacité à confectionner
des alternatives innovantes, et à proposer de nouveaux paradigmes pour le
changement transformationnel.
La persistance de la situation a forgé la mentalité centrafricaine. Le citoyen
adopte mode de vie rustre, fait de l’acceptation de la routine, de la
médiocrité, de la mendicité, de l’impunité, de la négation de soi, et de la peur
de prendre l’initiative. Son désintéressement total de la chose publique
constitue un véritable mur qui obstrue son initiative à demander des comptes
aux prestataires de services et aux porteurs de mandats politiques et
administratifs.
Au regard de ces contraintes, il est impératif que la classe politique se
transforme et adopte les principes redditionnels qui mettent la transparence,
l’intégrité et le profit au service du citoyen. Ce dernier, quant à lui, est porté à
acquérir la capacité de veille, de vigilance, de suivi, et du contrôle assurance
qualité des prestations reçues qui lui garantissent l’accès aux meilleures
conditions de vie et de travail.
Il est donc impératif de changer cet ordre injuste, qui impose la raison du plus
fort sur les plus faibles, et offre des opportunités aux voleurs de tirer profit au
détriment de l’état. Le changement de la donne est obligatoire. Ceux qui sont
en charge de la gestion de la chose publique, sont astreints à l’obligation de
rendre compte des résultats de leurs missions statutaires. Ils sont contraints
82 BOZIZE, lors des deux cérémonies (2005, 2011) pour son investiture, s’est empressé de dire qu’il s’engage à assurer la protection du peuple. Le 24 mars 2013, il s’est enfui, l’abandonnant au carnage et à la catastrophe
78
d’assurer des prestations transparentes et intègres. Un environnement de
travail sain s’impose ; il incite à l’application des procédures, dont il fait une
obligation ; il exige l’obéissance aux règles de la discipline, de la rigueur,
bannit l’impunité et la complaisance. Il est renforcé par des mécanismes
fiables d’information et de concertation83, qui facilitent la traçabilité et le
meilleur suivi de la mise en œuvre des politiques et programmes.
La nouvelle mentalité écarte la culture complètement obsolète du pouvoir et
de l’autorité autocratique. Elle sonne le glas aux pratiques abusives de la prise
de pouvoir par la force, de l’envahissement et de l’accaparement clanique et
tribal de l’autorité et des institutions comme la voie royale pour
l’enrichissement illicite.
v. Construire la vigilance intelligente autour des valeurs clés
Le sursaut citoyen, la dynamique communautaire constructive et la mentalité
politique et institutionnelle au service de l’émergence nationale sont le cœur
du changement. Ils constituent des atouts déterminants, car ils offrent
l’opportunité au citoyen d’apprendre à être entrepreneur, aux communautés
de devenir constructrices et à l’état d’assumer ses obligations régaliennes
pour garantir un environnement serein et porteur d’espoir.
En somme, tout dépend du centrafricain, de sa capacité à se débarrasser des
attitudes et comportements dévalorisants. Le changement est à sa portée, s’il
s’investit à mieux exploiter son potentiel créatif et à développer des actions
innovantes, où qu’il vit, et où qu’il travail. Il lui faut un comportement qui le
valorise et qui combine : i. l’obéissance aux règles en vigeurs(la discipline) ; ii.
la résistance (la liberté) ; iii. la motivation (le changement) et, iv.
l’engagement (l’initiative).
Le centrafricain accorde peu de place à la discipline. Il rebute les normes et les
standards, ignore les procédures et les processus de management.
Aujourd’hui, il en tire les conséquences. Le rejet de l’obéissance à l’ordre
établi a engendré le désordre, rendu la vie difficile et cultivé le désespoir. C’est
83 Les mécanismes de concertation à la base ont disparu. Les autorités locales ayant perdu leurs attributs n’ont plus d’influence sur leurs populations. Les réunions qu’elles organisent ne drainent plus assez de gens. Les décisions et les recommandations ne sont généralement pas appliquées. Toutefois, il existe d’autres dispositifs, en milieu religieux, qui facilitent le partage d’information, qui alimentent la solidarité et qui apportent un soutien à l’individu en cas de besoin.
79
pour quoi la renaissance citoyenne requiert la restauration de la discipline, à
travers la prise de conscience et l’application des normes et des standards.
Une bonne connaissance des lois, de ses droits et de ses devoirs, ainsi que des
limites des libertés personnelles lui facilite une meilleure intégration sociale.
Elle le munit de puissantes forces morales, telles que le respect de soi, et des
autres, le sens de la responsabilité, la confiance en soi et aux autres, la
volonté84 de s’engager résolument et intelligemment à changer l’ordre et les
conditions difficiles.
Résister quand des menaces et des forces négatives se pointent, n’a aucune
place dans l’esprit du centrafricain. Il n’est pas imprimé dans son
comportement, et donc, ne lui permet pas d’avoir une prise sur les
évènements. Or résister est un comportement de survie. Il mobilise la
capacité d’infléchir sur des menaces afin de préserver la vie. Il se fonde sur
l’approche intelligente et résiliente. Celle qui active à la mobilisation des
synergies pour la mise en commun des expertises, des expériences et des
connaissances du plus grand nombre au service de l’individu et de la
communauté. Résister a donc des principes. Le rejet de la routine, des
méthodes classiques, inefficaces et de la logique du moindre effort en est un.
Un autre est la ténacité à s’affranchir des tendances à la dépendance issues
des pressions intro et extraverties, quand il y a la certitude et la conviction de
l’aboutissement satisfaisant de l’initiative. La résistance améliore la conscience
personnelle de la nécessité d’accorder la priorité aux menaces clairement
identifiées ; elle consolide le développement du sentiment de l’auto
dépendance et accroît l’engagement à déployer des actions efficaces pour le
contrôle systématique de la situation85.
Le Centrafrique, asphyxié, recule et plonge dans le chaos et l’anarchie. Il subit
les contre coups de fortes pesanteurs psychosociologiques, transportées par la
culture de la destruction, de la dépendance, de la croyance au fatalisme, peu
propice au développement de l’initiative. Dans ces conditions, l’éveil du
citoyen, la dynamique communautaire et la performance institutionnelle
84 Dans le cadre de la résistance à la crise, l’information, la communication sont de puissants moyens qui orientent les décisions et qui forgent l’animation pour la mobilisation individuelle et collective. Malheureusement, dans le présent cas, elles sont à la disposition de n’importe qui. Tant à la radio qu’à la télévision et la presse écrite, des messages sont si denses, si diffus, qu’ils génèrent plus la confusion. Ils ne facilitent pas la prise en main, ni de l’individu, ni des communautés, des meilleures approches de la gestion de la crise. 85 Le leadership communautaire a fait cruellement défaut. Le sentiment général d’abandon par les chefs de village, les chefs de quartier, les autorités municipales et administratives est ressenti au niveau de toutes les communautés et a conduit à la résignation.
80
exigent un degré élevé de motivation. Cette vertu a une place de choix dans le
dispositif et le processus de planification et de développement stratégique des
interventions. Elle rend l’individu et la communauté sensibles aux problèmes
de survie et les incite à contribuer à leur résolution, tout en forgeant leur
potentiel de confiance, 86 leur l’assurance et leur goût du risque.
La crise perdure. Elle provoque le frémissement du citoyen, la désintégration
du capital social, l’annihilation des solidarités et la dilution du sentiment
d’appartenance communautaire. Elle accélère la précarité institutionnelle et la
disparition de l’état sur toute l’étendue du territoire. Une telle situation
appelle en urgence un changement. Il s’agit effectivement de changer de
paradigme pour tenir compte de l’évolution du contexte, inverser les
tendances critiques, évacuer les menaces, et à produire des résultats
escomptés. Pour surmonter cette épreuve, le centrafricain doit faire preuve
d’un engagement fort et déterminé, qui traduit sa capacité à renaître et à faire
face à son devoir. Or l’engagement requiert un processus d’apprentissage, de
partage des expériences, de formation et d’information. Il prend en compte la
capacité à identifier, motiver et se mobiliser en concertation avec d’autres
parties prenantes. Il signifie aussi la création d’un partenariat dynamique,
soutenu par un processus de dialogue pour faciliter l’équilibre des intérêts.
C’est pour quoi, il est nécessaire et indispensable que les réformes
institutionnelles se consacrent aussi sur le renforcement des capacités à
s’engager. Elles doivent établir un cadre de dialogue largement ouvert dans
lequel les processus de gestion des intérêts des groupes se développent en
toute transparence et en toute équité.
Et, pour conclure
Pour sortir de la crise, chaque centrafricain doit commencer par soi-même et
retrouver d'abord confiance en lui-même. C’est d’abord une affaire de soi. Le
support des autres, collectivement, est extrêmement utile. Ainsi chacun doit
s’interroger sur son degré de mobilisation et d’engagement pour sa propre
sécurité, celle de sa famille, celle de sa communauté, et de sa nation. Ne pas
atteindre un tel degré de prise conscience, une grande intensité de
86 La démotivation générale a conduit la crise actuelle à s’étendre dans toutes les directions, dans tous les domaines et à se pérenniser.
81
motivation et un niveau élevé d’engagement ne permettent d’avoir une prise
sur les événements.
Demander au centrafricain de rebondir, c’est l’inviter à avoir suffisamment
d’intelligence et d’énergie pour investir dans son potentiel, en communion
avec les autres, dans son espace vital. C’est aussi s’inscrire dans le mécanisme
de dialogue, pour mieux se positionner dans la solidarité et avoir la facilité de
communication et l’accès à l’information fiable. Il peut alors des forces et des
ressources nécessaires pour mieux aborder les défis.
Cependant, son seul effort ne suffit pas. il a besoin impérativement des
éléments suivants : i.un socle communautaire solide, qui démultiplie la chance
de réussite ; ii. une dynamique sociale puissante, qui constitue son levier ; iii.
un leadership efficace au niveau communautaire, plus ouvert, intelligent et
plus confiant et capable de galvaniser une dynamique du groupe pour garantir
des réponses collectives plus efficaces.
Il est possible, dans un espace politiquement et institutionnellement propice à
l’effort, à l’initiative et à la quête de réponses innovantes aux défis. Il sied
parfaitement d’un cadre qui inspire la crédibilité et la confiance grâce au
mécanisme de dialogue ouvert, favorable au partage de réflexions et à
l’exploration des solutions consensuelles.
Enfin, le rebondissement citoyen n’est possible si le socle politique est bien
préparé à cet effet. Tirant les leçons des échecs des réponses aux multiples
crises successives, l’effort est porté vers le changement, c’est-à- dire se
démarquer radicalement des options antérieurs relatives à la résolution des
conflits. Ainsi la cellule chargée87 de conduire le chantier complexe de
changement à trois cent soixante degré doit se munir de méthodes, de
procédures, de techniques et d’outils performants, à la fois simples et
flexibles. Il doit considérer que l’éveil citoyen n’est qu’un élément d’un
processus plus général et plus complexe de changement social, politique,
institutionnel et culturel. C’est le chantier général d’une véritable refondation
du Centrafrique, à trois niveaux : i. l’éveil citoyen ; II. L’investissement
87 La cellule du pilotage doit se démarquer des sensibilités politiques, ou des ambitions d’une société civile qui s’ignore et qui ne sait où elle va. Elle est tenue de s’engager vers le chemin de changement, dans l’intérêt général, et rejeter dans la poubelle de l’histoire des transactions opportunistes et douteuses qui ont fini par humlier le pays et le mettre à genoux.
82
communautaire efficace durable ; iii. L’émergence d’une nouvelle culture
politique.
I. L’éveil citoyen est axe politique de grande importance :
Objectif : améliorer et valoriser le capital humain centrafricain pour le rendre
capable de développer des réponses efficaces aux conflits
Cible : tous les citoyens et citoyens
Produits : Tout citoyen et toute citoyenne conscient, debout et proactif pour
relever de manière efficace les défis visant la protection de son droit, l’accès à
la justice équitable, l’amélioration de son bien-être dans des conditions de
sécurité et de paix durables
Zone : toute l’étendue du territoire, écoles, centre de santé, églises, places
publiques, marchés, les lieux de loisirs, l’espace public, de repos, de travail, de
sport, de culte etc
Tactique : motivation, engagement et mobilisation du citoyen
Stratégie : communication, formation aux compétences, auto apprentissage
civique pour faciliter l’appropriation des valeurs et le développement de
potentiel créatif
Moyen : session sous l’arbre à palabre, session de formation, d’animation et
de communication à travers les média, les rencontres de proximité, les
réunions, les visites, les propagandes, les campagnes de markéting etc
Résultats attendus : le citoyen très actif, des initiatives de solidarité
démultipliées, des réponses aux crises efficaces enregistrées
II. L’investissement communautaire en appui au
développement des capacités du citoyen
Objectif : rendre proactifs et efficaces les autorités, les leaders de proximité, et
les personnes ressources clés afin de mobiliser le citoyen, de faciliter la
communication et dialogue inter et intra communautaire
Cible : chefs et conseils de villages ; chefs et conseils de quartier, chefs de
groupes, maires, leaders d’opinion, prestataires de services de proximité etc
Produits : les chefs de quartiers, les chefs de villages, les leaders d’opinion de
proximité plus professionnels et efficaces dans la gestion des talents et des
compétences au niveau communautaire
83
Zone : villages, quartiers, bureaux des services publics
Tactique : renforcement capacités en communication, en mobilisation sociale
et gestion préventive et du développement
Stratégie : formation des porteurs d’obligation en leadership
transformationnel, veille stratégique, en planification de contingence et de
stratégie
Moyen : atelier de formation, accompagnement de proximité, auto
apprentissage continu, partage d’expérience, fora d’autoévaluation
Résultats attendus : les réponses communautaires aux crises plus efficaces
III. L’émergence d’une nouvelle culture politique pour la
refondation du Centrafrique
Objectif : Promouvoir une mentalité et comportement politiques, au service du
citoyen et répondant aux exigences de la démocratie, de la gouvernance et du
développement, dans un monde compétitif impitoyable
Cible : collectifs de leaders politiques, responsables dotés de mandats publics,
leader de la société civile etc
Produits : une classe politique professionnalisée et profilée selon des critères
de qualité, de transparence, d’intégrité, d’éthique et d’équité
Tactique : Amélioration d’attitudes et de compétences politiques pour la
gestion efficace des affaires au bénéficie du citoyen, particulièrement le plus
vulnérable
Stratégie : professionnalisation de la classe politique par adoption des critères
de compétence, de qualité, de performance, d’ethique et d’équité
Moyen : session de formation, d’auto évaluation, d’auto apprentissage
continu, vigilance constitutionnelle
Résultats attendus : un espace politique performant, un encadrement
politique de qualité offrant de grandes opportunités au citoyen pour lui
permettre d’améliorer son potentiel créatif et de prendre initiatives à hautes
valeurs ajoutées afin de garantir le respect de ses droits, l’accès à la justice
équitable, au bien-être, la sécurité et à la paix.
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