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Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 313 janvier 2016 – 6 € – ISSN 945863

Dossier

Notre- Dame- des- Landes

Terre de luttes, terre de vies !

Cop 21 De fausses solutions pour un vrai problème

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2 \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceuxde la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable

est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

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Vie syndicale

Actualité

Un tribunal international contre Monsanto

Cop 21 De fausses solutions pour un vrai problème

Climat et agriculture Les paysannes et paysans,

principaux migrants climatiques

Du Monde à Notre-Dame-des-Landes

Dossier +

Il n’y a vraiment pas besoin d’un nouvel aéroport

à Nantes !

Internationales

Congo Un partenariat entre paysans congolais

et bretons

Agriculture paysanne

Larzac Et dire que ça aurait pu être un camp militaire !

Terrain

Une caravane de Notre-Dame-des-Landes

vers la Cop 21

La Narbonnaise sauvée des eaux

Annonces

Culture - livre

Éliane Viennot Non, le masculin ne l’emporte pas sur

le féminin !

Action

Du Monde à Paris !

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SommaireDossier Notre-Dame-des-Landes Un vaste champdes possibles, paysans, alternatifs et solidaires

Hors sol, hors la loi… mais toujours là !L’État, via le préfet de région Nord-Picardie, va-t-il per-mettre à la ferme-usine des 1000 vaches de passer des 500vaches autorisées actuellement aux 880 demandées par lepromoteur Michel Ramery et sa société de gestion del’usine ? Nous devrions le savoir au printemps 2016. L’en-quête publique sur la demande d’extension a pris fin le17 décembre aux mairies de deux communes concernées,Drucat et Buigny-Saint-Maclou (Somme). Les commissairesenquêteurs ont environ deux mois pour remettre leur rap-port au préfet. Ils ont de quoi faire : 1 600 contributions ontété déposées, une dizaine de cahiers d’observation remplis.La ferme-usine est déjà sous le coup de plusieurs condam-nations, au pénal comme à l’administratif. Son troupeauest en situation irrégulière, constatée en juin 2015, avecprès de 60 % de dépassement d’effectif. Qui plus est, lesconditions d’élevage sont déplorables : la mortalité estmontée jusqu’à 26 % lors des six premiers mois d’exploi-tation, l’eau bue par les animaux est polluée à l’atrazine,le lisier est déposé à même le sol nu, des épandages sau-vages d’effluents ont été constatés par la préfecture dansles champs alentour… Ajoutons que la demande de regrou-pement de troupeaux pour justifier les 880 bêtes présentesactuellement sur site est logiquement irrecevable : les trou-peaux sont déjà regroupés depuis des mois, sans autorisa-tion. Du coup, on trouve même une demande formulée parune société agricole… qui n’existe plus.« C’est une mascarade, on tente par tous les moyens de régu-lariser l’illégal », commentait un opposant à la ferme-usine.Mascarade, du latin « masque » ou de l’arabe « ridicule » :comédie hypocrite relevant d’une mise en scène trom-peuse. Stéphane Le Foll lèvera-t-il enfin le masque ou met-tra-t-il fin à cette sinistre comédie ? BD

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Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / 3

Emmanuel Aze,paysan dans le Lot-et-Garonne,

secrétaire national

AOn l’ouvre

Le rôle des agricultures paysannes estencore plus crucial qu’avant la Cop 21

Mensuel édité par : l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : 0143628003campsol@confederationpaysanne.frwww.confederationpaysanne.frwww.facebook.com/confederationpaysanneTwitter : @ConfPaysanneAbonnements : [email protected] de la publication :Laurent PinatelDirecteur de la rédaction :Christian BoisgontierRédaction : Benoît Ducasse et Sophie ChapelleSecrétariat de rédaction : Benoît DucasseMaquette : Pierre RauzyDessins : SamsonDiffusion : Anne Burth et Jean-Pierre EdinComité de publication :Jo Bourgeais, Michel Curade, VéroniqueDaniel, Temanuata Girard, Florine Hamelin,Sylvain Malgrange, Jean-Claude Moreau,Josie Riffaud, Geneviève Savigny,Véronique LéonImpression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens CedexCPPAP n° 1116 G 88580N° 313 janvier 2016Dépôt légal : à parutionBouclage : 22 décembre 2015

Après l’accord de Paris sur le climat, conclu le 12 décembre à l’issue de la Cop 21, la majorité

des points de vue s’accorde sur un point : le texte réaffirme une volonté collective mais laisse

indéterminés les moyens de la mettre en œuvre. Des ONG environnementalistes

aux compagnies pétrolières, beaucoup veulent y voir la possibilité reconduite de faire valoir

leur point de vue dans la suite du processus. À ce titre, c’est un succès pour François Hollande

et Laurent Fabius, pour qui la signature d’un accord à tout prix était le premier impératif.

En résulte un texte aux fortes contradictions : la volonté collective affichée est incohérente

avec les choix effectifs de nombre d’États engagés – par exemple – dans des accords

de libre-échange enfermant les économies dans une fuite en avant productiviste.

Tout porte à craindre que l’avenir fera de cet accord celui de l’évitement des problèmes

et de la tentative, avant tout, de sauver un système mis à mal par l’évidence

de son insoutenabilité : avec la notion d’« émission nette », l’enjeu de la réduction effective

des émissions de gaz à effet de serre passe au second plan, au profit du stockage du carbone

émis. C’est une double victoire pour le système productiviste à l’origine de la crise climatique :

non seulement l’accord écarte toute remise en question explicite de l’extraction

d’hydrocarbures ou de la massification des échanges mondiaux, mais en validant le stockage

comme levier principal, il crée l’eldorado de croissance – « verte » bien entendu – tant attendu

par un capitalisme mondial cherchant à rebondir.

C’est de mauvais augure pour les agricultures paysannes de par le monde : elles seront

confrontées à une agriculture industrielle plus conquérante que jamais, renforcée par l’option

techniciste validée par l’accord de Paris pour affronter le dérèglement climatique.

Pourtant, le rôle des agricultures paysannes est plus crucial encore qu’avant l’accord.

La faiblesse des contributions des États, qui dessinent une trajectoire à +3 °C, n’y est traitée

que par une clause de revoyure. Or une telle élévation de température déclencherait le dégel

du permafrost sibérien et des glaces du Groenland qui libérerait des quantités gigantesques

de CO2, propres à rendre le dérèglement climatique incontrôlable. Les désordres économiques

et sociaux vers lesquels la trajectoire actuelle nous amène à moyen terme sont difficilement

imaginables. Mais le pire serait que l’industrie ait d’ici-là poursuivi son appropriation

de l’agriculture et de l’alimentation : des populations dépossédées de leurs savoir-faire

au moment d’affronter ces désordres seraient à la merci de famines sans précédent.

Comme nous l’avons clamé durant la Cop, défendre les agricultures paysannes, c’est lutter

contre une agriculture industrielle climaticide. Défendre des agricultures ayant une large assise

sociale, c’est donc aussi, plus que jamais, défendre les moyens de survie de dizaines de millions

d’humains dans un avenir que la Cop 21 n’a pas transformé.

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Vie syndicale

Des comptes et des doutesLe 15 décembre, la Commissiondes comptes de l’agriculturede la Nation a rendu son rapportbiannuel, pointant encore cetteconstante : la diminution du nombrede paysans et de paysannes. Pourtant,les chiffres se voudraient rassurantsavec une augmentation des revenus.Il n’est pas certain que celatranquillisera tous les paysan.ne.squi voient leur trésorerie fondrede jour en jour !Les comptes de l’agriculturefournissent en effet des indicatifsqui ne reflètent pas la complexitéde la réalité. Il suffit de regarderla viticulture, où les 10 % qui gagnentle moins sont à -3 000 euros par an,et les 10 % qui gagnent le plusdépassent les 118 000 euros, pourcomprendre qu’une moyenne ne veutrien dire. On admet aussi queles chiffres restent incertains puisquela réforme de la Pac laisse beaucoupd’incertitudes sur le résultat desa mise en œuvre. La Commissionconclut cependant sur un rapportrassurant, alors que les crisess’accumulent et qu’on admet queles prix du lait étaient, à l’automne,inférieurs de 15 % à ce qu’il faudraitpour vivre, et qu’ils continuent àbaisser. Globalement, les revenus sontdevenus chaotiques, rendant difficiletoute projection dans l’avenir.Ce regard froid et basé surdes données insuffisantes ne peutsuffire à agir sur l’agriculture.Il faudrait se pencher sur les résultatsobtenus dans les centres de gestionpour se rapprocher du terrain.Par ailleurs, choisir de donnerun avenir à notre secteur qui a perdu30 % de son revenu global en 35 ansimposerait un véritable travailde fond. Il faut prendre en compteles différents systèmesde production, leur rapport au revenumais aussi à l’emploi, leur impactsur le climat, leurs effets surl’alimentation. Il n’y a aucun douteà avoir : il faut changer le capde l’agriculture ! Cela imposede la regarder en face au lieude se rassurer avec des chiffresqui dissimulent mal que de moinsen moins de paysans et de paysannesse partagent un gâteau de plusen plus petit…

(communiqué du 15/12)

Plan de soutien à l’élevage: une réforme s’impose!Alors que la crise est profonde dans le secteur agricole, l’État prélève de façon indue255 millions d’euros du fonds de calamités agricoles pour d’autres besoins, bien quecet argent provienne de cotisations des agriculteurs. La Confédération paysannedemande que ce budget conséquent soit restitué pour engager une prise en chargedes cotisations sociales de tous les éleveurs et éleveuses dans le cadre d’un plan d’ur-gence réformé. Il doit aussi permettre d’abonder le FMSE (1) pour gérer et prévenir lesenjeux sanitaires de l’élevage, facteur d’aggravation de la situation des éleveurs.Le plan d’urgence actuel, géré département par département, est complexe et peu trans-parent. Il ne fait qu’ajouter de la paperasserie administrative et sert davantage la machinebancaire que les éleveurs.Il faut changer de façon de voir et de faire dans la construction des plans d’urgence :ils doivent soutenir tous les éleveurs et toutes les éleveuses confronté·e·s aux mar-chés volatils et dépressifs. La cause de cette crise est l’absence de prix rémunérateurs.Face à ce constat, il ne faut donc pas axer les soutiens sur l’endettement mais sur lerevenu des paysans. Ces plans d’urgence doivent être bien sûr accompagnés en paral-lèle d’une réorganisation des filières basée sur la maîtrise et la répartition des pro-ductions.C’est pourquoi nous proposons que :• le principe de fongibilité des enveloppes soit appliqué dans le cadre du plan de sou-tien à l’élevage ;• les aides se concentrent davantage sur la prise en charge des cotisations sociales etde l’endettement à court terme pour tous les éleveurs et toutes les éleveuses, plutôtque sur la prise en charge de l’endettement à moyen/long terme ;• les cotisations forfaitaires Atexa (catégorie D) et les indemnités journalières mala-die de tous les éleveurs et éleveuses soient prises en charge intégralement pour 2015.Ces mesures conjoncturelles, simples, équitables, sans formulaires à remplir, per-mettraient de cibler rapidement tous les éleveurs et toutes les éleveuses confronté.e.sà la crise, indépendamment de leur stratégie d’endettement.

(communiqué du 25/11)(1) Fonds national sanitaire et environnemental

Stop à la marchandisation des contrats laitiers !La Confédération paysanne constate que la marchandisation des contrats laitiers

se développe avec la bénédiction des entreprises laitières et l’aval de quelques

organisations de producteurs (OP). Ces pratiques se multiplient et vont à l’encontre

de l’intérêt collectif de maintenir des fermes laitières nombreuses sur tout le territoire.

C’est la fin à terme de toute politique d’installation et de répartition de la production.

De plus, cela entraîne une augmentation des coûts de production et de l’endettement

des éleveuses et éleveurs en pleine crise du prix du lait, qui s’annonce durable

et profonde.

Cette marchandisation accentue la concurrence entre OP et constitue la porte ouverte

à des fermes-usines de type « 1 000 vaches » qui feront perdre à la France son image

d’excellence laitière. La Confédération paysanne a toujours dénoncé les pratiques

marchandes sur les droits à produire, les aides Pac, et le bail cessible comme facteurs

de concentration des exploitations.

Elle prend acte des déclarations du ministre de l’Agriculture qui dit s’émouvoir de cette

situation et lui demande de réagir au plus vite, comme il l’a promis, par décret

pour mettre fin à cette dérive. Il doit par ailleurs remettre à plat les OP actuelles

au profit d’OP de bassin avec une représentation syndicale pluraliste,

qui géreront collectivement les contrats et les volumes pour une approche territoriale

de la production.

Si rien n’est fait, nous considérerons que la volonté de mettre le secteur laitier

sur les rails d’une restructuration orchestrée et souhaitée par une partie de la filière est

partagée par les pouvoirs publics, dans ce contexte d’abandon de régulation du marché

laitier.

(communiqué du 16/12)

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Le ruraleurRas l’bolexceptionnel !L’État d’urgence est un état d’ex-ception. Est-il anodin ? L’Étatd’urgence a fait 8 morts en 1962,suite à une simple manifestationd’organisations syndicales et departis de gauche. C’était à lastation de métro Charonne, àParis. Les victimes étaient descitoyens progressistes écrasésdevant la grille de la station, lesforces de police les ayant cer-nées et acculées.

L’État d’urgence est censé pro-téger les citoyens du fait que,se trouvant en groupe pacifiqueet non armé, ils seraient plusvulnérables vis-à-vis de provo-cateurs ou terroristes. Mais l’É-tat, aujourd’hui, n’explique enrien pourquoi il interdit tel ras-semblement et pas tel autre.

L’État d’urgence vise à com-battre le terrorisme qui a fait130 morts en novembre. Com-ment expliquer que certainsassignés à résidence soient desimples militants écologistes?

L’État d’urgence a tôt fait deposer plus de problèmes qu’iln’en résout. Suivant la Liguedes Droits de l’Homme, « plusde deux mille six cents intru-sions discrétionnaires sont inter-venues à domicile, dans desmosquées, des commerces,interventions souvent violentes,sans qu’aucune mise en exa-men pour terrorisme n’ait eulieu. Rien n’indique qu’une tellefrénésie va s’arrêter, chacunpeut en être victime. » (1)

Dire que cet état d’exceptionest inadapté ne veut pas signi-fier que rien ne peut être fait.Ce sont bien des renseigne-ments qui ont guidé lesenquêtes. Et c’est autre choseque de nous imposer une voiequi ne conforte que la passi-vité et la régression.

Par contre, des tas d’urgencess’accumulent : inégalités, frus-trations sociales, chômage. Enl’état.

NB : Suite aux attentats du13 novembre et à la promulgation del’état d’urgence, la LDH a lancé unappel unitaire signé par 71 associa-tions et 15 syndicats – dont la Confé-dération paysanne – pour « exercerune vigilance permanente afin quenos droits et libertés soient préservéset que nul ne soit victime de discrimi-nations. »

(1) 17/12/2015

Vie syndicale

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / 5

Le 1er décembre, la Confédérationpaysanne de l’Ardèche manifes-tait devant la préfecture, à Privas.Les paysans contestent les moda-lités des « visites rapides » de l’ad-ministration sur les fermes afin decontrôler si les déclarations don-nant droit aux aides de la Pac sontconformes, et les sanctions mena-çant celles et ceux qui se seraienttrompés. Les paysannes et pay-sans des zones de montagne, prin-cipalement concernés, doivent eneffet déclarer leurs parcelles enindiquant précisément le pour-centage de prairie, et celui de zonesde sous-bois (chênaies, châtai-gneraies, etc) ou de landes

(genêts…). Ils doivent faire le cal-cul à partir de photos aériennesenvoyées par l’administration, cequi s’avère souvent compliqué. Laméthode est dite « du prorata »,les aides étant proportionnelles àla surface éligible. « Un vrai casse-tête pour la plupart des fermesardéchoises », soulignait FannyMétrat, porte-parole de la Confé-dération paysanne du départe-ment, devant les journalisteslocaux. Et d’ajouter : « Nous nesommes pas contre cette mesure,mais contre le fait que des sanc-tions financières soient appliquéesdès la première année pour lesfermes qui auront fait des erreurs

dans leurs estimations (1). » Poursymboliser leur action, les pay-san.ne.s ont déversé bogues dechâtaignes et genêts devant la pré-fecture (photo). Le préfet a reçuune délégation de paysans confé-dérés à l’issue de la manifestation.

NB : La Confédération paysanne organisaitle même jour d’autres manifestations, dansl’Aude ou en Ariège notamment. Les « visitesrapides » s’annoncent nombreuses pour 2016,les chiffres donnés par l’administration portentsur 800 fermes dans l’Aude ou 1 300 dansles Hautes-Alpes, par exemple.

(1) Si l’écart de surface constaté par lecontrôleur – entre la surface déclarée et lasurface officiellement éligible - dépasse 3 %,une pénalité sera appliquée, jusqu’à un pos-sible retrait des aides de la Pac si la différencedépasse 20 %.

Pac : Pas de sanction après le casse-tête !

Enfin une simplification !La Confédération paysanne se satisfait des nouvelles modalités de calcul du bénéfice agricole

forfaitaire. En remplaçant les 8 000 barèmes départementaux par un calcul harmonisé, la loi

de finance rectificative pour 2015 permet une réelle simplification et évitera les distorsions

de traitement pour les mêmes productions à quelques centaines de mètres les unes des autres.

En outre, l’augmentation du seuil de passage au réel de 76 300 à 82 200 euros (HT) de recettes

annuelles constitue un progrès et devient un peu plus réaliste : ce montant n’avait pas évolué depuis

des décennies ! La Confédération paysanne rappelle que 100 000 chefs et cheffes d’exploitation

sont concerné.e.s, et presque autant de cotisant.e.s de solidarité.

(communiqué du 3/12)

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ÉcobrèvresBruits de bottes à

Notre-Dame-des-LandesLe président du conseil dépar-temental de la Vendée, BrunoRetailleau, estimait que l’aéro-port de Notre-Dame-des-Landes n’était pas « son com-bat » (la Vendée est au sud dela Loire, comme l’aéroport actuelde Nantes, NDDL serait au nord,plus loin et difficile d’accès).Candidat tête de liste LR à la pré-sidence de la région Pays-de-la-Loire, le même changea dediscours, faisant de la réalisationdu nouvel aéroport le fer delance de sa campagne. Dès lelendemain de son élection, ilprenait rendez-vous avecManuel Valls – obtenu de suite– pour lui demander « l’éva-cuation dans le plus bref délai dela Zad, zone de non-droit », qu’ilcompare auprès des médias à…Damas ou Mossoul. Pas gênépar ces outrances, le PremierMinistre lui a « confirmé savolonté d’engager les travaux deconstruction de l’aéroport. »« Bruits de bottes », titre lecomité de soutien aux oppo-sants dans son appel au ras-semblement du 16 janvier(1). Leton est donné…(1) Voir sur le site : www.acipa-ndl.fr

L’épidémie de grippeaviaire s’étend

Le premier cas de grippe aviaireen France a été détecté le25 novembre en Dordogne.Depuis, le 20 décembre, on adénombré 42 foyers dans lesLandes, Dordogne, Gers, Pyré-nées-Atlantiques, Haute-Vienneet Hautes-Pyrénées. L’agence desécurité sanitaire de l’alimenta-tion (Anses), après séquençagedu premier cas, conclut que lasouche H5N1 n’est transmis-sible ni à l’homme ni aux mam-mifères. Les analyses se pour-suivent sur les autres cas, quisont de mêmes origines géné-tiques. Les conséquences com-merciales sont jugées « à effetsmodérés » par le ministère del’Agriculture. Pourtant, 17 paysont mis en place des restrictionsaux importations, dont le Japon,premier débouché du foie grasfrançais. Sur le plan intérieur, « lamise en place des fêtes se déroulenormalement», relativisait AnneRichard, directrice de l’Itavi, l’Ins-titut technique de l’aviculture.Malgré les propos rassurants, lespoulets « export » risquentquand même de payer l’addi-tion au prix fort!

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Actualité

Un tribunal international contre Monsanto

6 \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

L’événement sera exemplaireà plus d’un titre :le 16 octobre 2016, à La Haye(Pays-Bas), se réuniraun tribunal internationalqui jugera la firme Monsanto.

« Tout est parti il y a environun an, explique le3 décembre à Paris, lors

d’une conférence de presse, la jour-naliste et cinéaste Marie-MoniqueRobin, marraine de la démarche.Quelques personnes et associations ontpris l’initiative et, depuis, la liste gros-sit. Toutes veulent faire de ce procèscontre Monsanto un exemple, carbien sûr ce n’est pas la seule firmeconcernée. » Mais avec ses 14,2 mil-liards d’euros de chiffres d’affaireset ses 21000 salariés dans 66 pays,l’exemple est de taille.

De plus en plus de citoyen.ne.sde différentes régions du mondeconsidèrent l’entreprise basée àSaint-Louis (Missouri, États-Unis)comme le symbole d’une agricul-ture industrielle qui pollue, tue etcontribue massivement au réchauf-fement climatique. En près de centans, la multinationale a commer-cialisé des produits hautementtoxiques. La liste est longue de cesproduits – des PCB ou polychlo-robiphényles au 2,4,5T, un descomposants de l’agent orangedéversé par l’armée américaine auVietnam – ayant provoqué lestroubles pathologiques ou mortelsles plus divers : cancers, malfor-mations congénitales, stérilité…

L’agriculture est encore aux prisesavec au moins deux d’entre eux :les OGM et les pesticides qui y sontliés, principalement le Roundup.L’herbicide le plus utilisé aumonde, très toxique, est utilisétant dans les jardins qu’associéaux monocultures transgéniques,principalement de soja, maïs etcolza, destinées à l’alimentationanimale ou à la production d’agro-carburants.

Longtemps, la communicationde Monsanto l’a fait passer pour

un produit inoffensif. Mais depuisquelques années, les études semultiplient qui concluent auxeffets cancérogènes du glypho-sate, son agent actif. « Le Roundupest une bombe à retardement, sou-ligne Marie-Monique Robin. C’estun des plus grands scandales sani-taire et environnemental de toutel’ère industrielle. »

Un « vrai » tribunalPrésident de l’Ifoam, la fédéra-

tion mondiale des mouvementsd’agriculture bio, André Leurésume la situation : « Monsantoincarne tout le mal fait à cette pla-nète. » Et si la démarche du Tri-bunal contre Monsanto est ren-due publique à l’occasion de laCop 21, c’est parce que le modèleagro-industriel promu par lafirme est à l’origine d’au moinsun tiers des émissions de gaz àeffet de serre mondiales dues àl’activité humaine ; il est aussilargement responsable de l’épui-sement des sols et des ressourcesen eau, de l’extinction de la bio-diversité et de la marginalisationde millions de petit.e.s pay-san.ne.s. Il menace aussi la sou-veraineté alimentaire des peuplespar le jeu des brevets sur lessemences et de la privatisation duvivant.

La mise en place du tribunal,coordonnée pour ses débuts parArnaud Apoteker, ancien « Mon-sieur OGM » de Greenpeace, béné-ficie de collaborations très affûtéeset compétentes, de la militanteindienne Vandana Shiva, prixNobel alternatif, à Olivier deSchutter, rapporteur spécial pourle droit à l’alimentation auprès del’ONU de 2008 à 2014.

Les organisateurs insistent sur laportée de l’événement : ce sera un« vrai » tribunal, avec des magis-trats et des avocats profession-nels, avec des témoins venant dumonde entier, et il se réunira àLa Haye, ville où siège le Tribu-nal pénal international (TPI). Lajuriste Valérie Cabannes, spécia-liste en droit international, en pré-cise un des objectifs : celui de fairereconnaître officiellement par leTPI les crimes contre les écosys-tèmes, dits écocides (1).

De nombreuses organisationsdevraient entrer concrètementdans la réalisation du procès. LaVia campesina a déjà apporté sonsoutien au lancement du pro-cessus. n

Benoît Ducasse

(1) Ce serait le 5ème crime international contrela paix reconnu par le TPI, aux côtés du crimecontre l’humanité, du crime de guerre, dugénocide et du crime d’agression.

Marche contre Monsanto, le 23 mai 2015 à Ouagadougou (Burkina Faso). Ce jour-là,430 marches contre Monsanto se sont déroulées à travers le monde, à l’appel de diverscollectifs d’organisations.

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Écobrèves

Les exploitationsfrançaises

très endettéesLe taux d’endettement desexploitations agricoles enFrance est très supérieur à lamoyenne européenne, selonune étude de Laurent Piet, del’Inra de Rennes. Avec un tauxde 35 %, les agriculteurs fran-çais sont trois fois plus endet-tés que leurs confrères del’UE. Seul le Danemarkdépasse la France, avec untaux d’endettement de sespaysans à 47 %, l’Allemagnerestant à 14 %.

Il s’agit, comme pour le cal-cul des revenus agricoles (cf.p. 4), de moyennes trom-peuses. En élevage, lamoyenne française est trèslargement dépassée, pouratteindre plus de 100 % danscertains élevages de porcs.

Plus la production s’intensifieet s’industrialise, plus le tauxd’endettement s’accentue. Cen’est pas le recours à desinvestisseurs extérieurs quecertains préconisent qui vaassainir la situation des éle-veurs. Il faut changer demodèle !

OGM : la Commissioneuropéenne impose

son choixEn dépit de l’opposition deseurodéputés, la Commissioneuropéenne a donné son feuvert à la commercialisationde deux nouveaux maïs OGMde Monsanto (NK603xT25 etMON87427). Comme tou-jours, l’agence européenne desécurité sanitaire des aliments,l’Efsa, a donné un avis positif.Comme toujours, les expertsdes États membres ne se sontpas mis d’accord, et commetoujours dans ce cas, c’est laCommission qui a le derniermot. Pourtant, les eurodépu-tés en charge de l’environne-ment avaient demandé l’in-terdiction du NK603xT25, enraison de sa tolérance au gly-phosate, classé cancérigènepar l’Organisation mondialede la santé (OMS).

Qu’importe ! Pour les tech-nocrates de Bruxelles, com-plices de Monsanto, l’avis del’OMS est beaucoup trop indé-pendant pour être pris ausérieux…

Actualité

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / 7

Comment peut-on analyserl’accord issu des négociationsau Bourget ?

Cet accord est loin de prendreen compte l’urgence climatiqueque nous ressentons. Nous pen-sions, dès le départ qu’il seraitsans ambition. Les contributionspréalables des Etats étaient loind’être suffisantes pour que nouspuissions imaginer le contraire! Laplupart des chefs d’État sont sou-mis aux puissants lobbies des mul-tinationales, et une fois de plus lesintérêts financiers prédominentsur l’intérêt général. Dans les moisqui ont précédé la Cop, lesannonces de solutions pour stop-per les dérèglements climatiquesse sont succédé. Concernant l’agri-culture, on nous propose encorede développer les OGM, les nano-technologies ou même les agro-carburants, alors que nous savonspertinemment que ces proposi-tions nuisent à la souveraineté ali-mentaire des peuples et détrui-sent la terre. L’un des axesessentiels de notre mobilisationpendant la Cop a été de clamerhaut et fort que ce ne sont que defausses solutions. Ces proposi-tions permettent en fait de pour-suivre le processus d’industriali-sation de l’agriculture qui est

largement en cause dans les dérè-glements climatiques.

On nous annonce pourtant quecet accord permettrait delimiter le réchauffementclimatique à 1,5 degré d’ici lafin du siècle…

Ce n’est qu’une annonce. Il n’ya aucune contrainte juridique dansce projet, tout au plus quelquesmots comme « doivent », voiremême « devraient », et aucunesanction prévue pour ceux qui nele feront pas. On note au passageque les États qui ne sont pas par-venus à s’imposer de sauver laplanète arrivent facilement à s’im-poser des contraintes lorsqu’ils’agit de signer des accords delibre-échange ! Encore une fois,ce sont les multinationales quigagnent la partie, au détrimentdes peuples !

Cette limitation du réchauffe-ment ne peut pas tenir la routepuisqu’elle est axée sur cesfameuses fausses solutions, extrê-mement consommatrices d’éner-gies fossiles, qui participent à ladestruction des espaces naturels.Tout est affaire de calculs. Onaccepte de détruire ici si on com-pense là-bas. Les forêts et lesterres agricoles deviennent des

moyens de spéculer, et donc defaire de l’argent grâce à la criseclimatique sur le dos des pay-sans les plus fragiles !

Pendant la Cop21, la Conf’avait à ses côtés des paysanneset paysans du monde entier…

Oui. La Confédération paysannefait partie de la Via campesina, uneorganisation mondiale de paysans.Le temps de la Cop a donc été pournous un moment riche d’échanges.Au Brésil, en Afrique du Sud, auBangladesh ou ailleurs, chacun ases combats, mais ils se rejoignent ;partout les paysans et paysannesdoivent se battre contre l’agrobu-siness qui veut les faire disparaître,contre l’accaparement des terresqui met en danger l’agriculturepaysanne, et bien sûr contre lesdérèglements climatiques qui nousmenacent toutes et tous !

La Cop finie, les paysan.ne.s dela Via campesina sontrentré.e.s, la préoccupationclimatique s’arrête donc là ?

Absolument pas ! Le non-accorddu Bourget nous impose aucontraire de prendre encore plusnos responsabilités. Les États, sou-mis aux multinationales, n’ontrien fait, ce sont donc les peuplesqui doivent agir !

Nous devons nous battre pourque les multinationales cessent defaire la loi. Cela passe en particulierpar une mobilisation très forte contreles accords de libre-échange. Et puisnous savons que l’agriculture pay-sanne que nous défendons est unepartie de la solution à la crise cli-matique. Nous devons donc à lafois continuer à peser sur les poli-tiques pour engager un changementde cap de l’agriculture, et travailleravec les citoyens car l’alimentationet l’environnement nous concer-nent toute et tous! n

Propos recueillis par Elina Bouchet

Cop 21 De fausses solutions pour un vrai problèmeUn accord sur le climat a été adopté par la Conférence des Nations Unies (Cop21) le 12 décembre,salué par les chefs d’État des grandes puissances mondiales. Analyse d’Annie Sic, secrétaire nationaleen charge du dossier « Agriculture et climat ».

Sur le stand d’Avril (Sofiproteol) durant l’exposition « Solution Cop 21 » au GrandPalais (Paris), du 4 au 10 décembre.

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ÉcobrèvesNon-lieu pour

Thibault Liger-BelairPoursuivi par l’administrationpour avoir refusé de traiter sesvignes contre la flavescencedorée, le vigneron bourguignonThibault Liger-Belair a bénéficié,le 15 décembre, d’un non-lieupar le tribunal de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Il avait refuséd’appliquer ces traitements parconviction, mais aussi pour sou-ligner une aberration adminis-trative : son vignoble est à che-val entre un département oùles traitements étaient obliga-toires (la Saône-et-Loire) et unautre où ils ne l’étaient pas (leRhône). Un jugement d’actua-lité, alors que l’usage des pesti-cides fait débat.

Un procèspartiellement gagné

La société RTE, filiale d’EDF, a étécondamnée le 24 novembre enappel à Caen à indemniser unancien producteur de lait de laManche. La cour établit « l’exis-tence (…) d’un lien de causalitéentre la servitude de passage dela ligne électrique à très hautetension (THT) et une partie dupréjudice dont il se plaint. » LaTHT passe à 60m des bâtimentsdu plaignant. Toutefois, la courne reconnaît que l’augmentationdu nombre de cellules dans lelait, rendant celui-ci impropre àla collecte, pour un montant de37 000 € pour la période de2004 à 2011. Le tribunal neretient pas le préjudice d’infer-tilité retenu en 1ère instance,jugement qui avait estimé à142000 € le montant total desindemnisations. Pour l’avocatdu paysan, c’est tout de mêmeune victoire car « c’est la pre-mière fois qu’une cour d’appelen France reconnaît un lien decausalité entre les courants para-sites d’une ligne THT et lesdésordres survenant dans l’éle-vage » Espérons que cela fassejurisprudence.

Un million de vachesclonées par an

Un groupe industriel chinoisconstruit actuellement un sitede production géant, avec pourambition de «fabriquer» chaqueannée un million de vaches àviande clonées. La productiondevrait débuter dès 2016. Legroupe Boyalife prévoit aussi dedupliquer chevaux de course etchiens policiers! Plus effrayant: lescientifique à l’origine du projetassure aussi posséder la techno-logie pour dupliquer des bébéshumains. Après l’enfant unique enChine, des enfants laboratoires.

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Actualité

8 \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Climat et agriculture Les paysannes et paysans, principaux migrants climatiquesCe 6 décembre, la salle 104du lycée de Montreuil, prèsde Paris, est pleine, attentiveaux témoignagesdes paysan.ne.s participantau Forum citoyen sur le climat,en marge de la Cop 21.La conférence est co-organiséepar la Via campesinaet l’association Droitsdevant! ! (1)

Ousmane Badiaga était pay-san près du fleuve Séné-gal, au Nord du pays du

même nom. « En 1975, l’État acréé la Société d’aménagement etd’exploitation du delta (SAED) quiy a développé la culture du riz.Chaque année, la SAED fournitsemences, engrais et eau. Pendant30 ans, on a cultivé sans problème.Jusque dans les années 2000. Depuis,les pluies ne sont plus assez abon-dantes, le débit du fleuve diminue,les terres se détériorent. En 2010,nous avons eu une saison catastro-phique, avec une invasion de rava-geurs et la dévastation de nos champs.Quand tu as plusieurs années demauvaises ou de médiocres récoltes,tu es obligé de laisser ta famille etd’aller trouver ailleurs d’autressources de revenu pour la faire vivre.Et si tu arrives en Europe, on te ditque tu n’as pas de papier et que tun’as droit à rien… » Sauf à se faireexploiter.

Michaelin Sibanda vient du Zim-babwe, à l’autre bout de l’Afrique.Elle milite au sein du syndicatZimbabwe Smallholder FarmerForum (Zimsoff), membre de la Viacampesina. « Nous faisons face à denombreux dégâts dus au changementclimatique, particulièrement mar-qué en Afrique. Nous n’avons plusassez de pluie, les terres se dégradent,l’agriculture est très perturbée. Enplus, nous subissons l’implantationde firmes qui viennent avec l’aide del’État exploiter des mines là où lesterres étaient à vocation vivrières.

Des grandes sociétés chinoises se sontainsi implantées ces dernières années.La terre est confisquée, détruite, etles promesses de relogement ou decompensation du gouvernement nesont pas tenues.

En septembre de cette année, nousavons eu des pluies torrentielles, avecdes morts, humains et animaux. Touta été détruit, infrastructures com-prises. La faim s’est rapidement pro-pagée.

Du fait du changement climatique,les familles qui ne peuvent plus pro-duire de quoi vivre doivent émigrer.Elles vont en Afrique du Sud, le pays“riche” voisin (2). Mais elles ont dumal à y trouver du travail, et quandelles en trouvent, le salaire est trèstrès bas. En Afrique du Sud, lesmigrants sont exploités, on profitede leur faiblesse. Et pour ceux qui ren-trent au Zimbabwe, si la famille estpartie en laissant ses terres, elles neles retrouvent plus, le gouvernementles a “récupérées”. »

Fousseini Coulibaly témoigneà son tour de l’imbrication éco-logique et économique (et poli-tique) des migrations. Il vient duMali. Sa famille vivait là de l’agri-culture et de la forêt, au Sud-Estde Bamako. En 1999, l’Étatmalien a vendu ces terres à deuxentreprises sud-africaines, unefiliale de Bouygues assurant l’ex-traction des mines d’or. « Ils ont

pris toutes les forêts de nos villages.Impossible de continuer à cultiver.Les terres sont inexploitées, elless’érodent, la forêt est en partiedétruite. On a essayé d’aller culti-ver dans d’autres villages, mais il n’yavait pas assez de terres pour toutle monde. Comme j’étais l’aîné, lepremier garçon, je n’ai pas eu lechoix. Il a fallu que j’émigre, d’aborden Côte d’Ivoire où je n’ai pas trouvéassez pour faire vivre ma famille,puis en France où des patrons m’ontpromis de m’aider à obtenir despapiers mais n’ont jamais tenu leurspromesses. »

Liberté de circulationet protection juridique

Les migrations provoquées parles changements climatiques etl’accaparement des terres, phé-nomène qui amplifie la dégrada-tion des écosystèmes, sont de faitaussi des migrations économiqueset aboutissent le plus souvent àl’exploitation des migrants dansleur pays dit d’accueil.

Or le travail des émigrés est deplus en plus indispensable à denombreuses régions. C’est grâce àl’argent envoyé par ces travailleurset travailleuses que localement seréalisent par les familles et les vil-lages des projets de lutte contrel’érosion des terres, de récupéra-tion ou de stockage des eaux, de

Par dizaines de millionsEn 2007, l’économiste Nicholas Stern tablait sur 150 à 200 millions deréfugiés environnementaux d’ici 2050. Selon l’Internal Displacement Moni-toring Center, une ONG spécialisée dans l’observation des migrations,entre 2008 et 2014, environ 25 millions de personnes ont été déplacéeschaque année dans le monde pour cause de catastrophes naturelles.Les chiffres s’emballent bel et bien : selon le Conseil norvégien pour lesréfugiés, les catastrophes naturelles en 2013 auraient fait trois fois plusde réfugiés climatiques que les conflits armés. Les pays les plus vulnérablessont ceux du Sud, avec encore une très forte population paysanne. Et selonla Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification(UNCCD), cela ne devrait pas s’arranger : les terres agricoles disponiblesdans le monde pourraient diminuer fortement d’ici à 2050, quand l’écartentre les besoins en eau et les ressources disponibles pourrait atteindredans certaines régions 40 % dans les deux prochaines décennies.

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L’assurance climatsur les rails

L’abandon de la prise encharge par la collectiviténationale des accidents cli-matiques en agriculture sefinalise, avec la mise en placedu contrat socle auprès desassurances privées. Les prai-ries sont désormais acces-sibles. Il s’agit d’un contratde base souscrit volontaire-ment auprès d’une compa-gnie d’assurance, la souscrip-tion bénéficiant d’unesubvention européenne de65 % du montant des cotisa-tions. Ceux qui ne pourront oune voudront pas souscrire uneassurance seront désormaistotalement démunis face auxaléas climatiques. Pour JosianPalach, secrétaire national dela Confédération paysannequi siège au comité de gestiondes risques en agriculture(CNGRA) : « Il faudrait uneassurance climatique obliga-toire, un peu comme notreassurance-maladie… Cettesolution permettrait un sys-tème de mutualisation soli-daire ». On peut rêver, maisce n’est pas dans l’air dutemps.

Les Restos du Cœurtoujours sur la brèche

Lancés par Coluche fin 1985,les Restos du Cœur entamentleur 31ème campagne. Cettedémarche de solidarité indi-viduelle l’emporte désormaissur la solidarité universellenationale… Ce sont donc69 000 bénévoles, au sein de2 111 centres ouverts quoti-diennement, qui vont distri-buer plus de 128 millions derepas cette année encore. Adéfaut de solidarité nationale« imposée », le président del’association, Olivier Berthe,demande l’extension de laréduction d’impôts qui s’ap-plique déjà pour les dons delait et de beurre à d’autresproduits alimentaires.D’autres organisations cari-tatives (Secours populaire,Secours catholique) font lamême demande. Défiscaliserplus pour donner plus, plu-tôt qu’imposer plus les reve-nus les plus élevés… C’est uneautre façon de concevoir lasolidarité !

Jo Bourgeais

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / 9

Actualité

reforestation… « Un argent qui,même si ce sont des additions depetites sommes, n’est pas détournépar des élites corrompues commeles aides officielles au développe-ment », précise Jean-ClaudeAmara, l’animateur de Droitsdevant ! ! Et de rappeler que lestravailleurs migrants sans papiersen France et en Europe se voientinterdits de se rendre dans leurpays d’origine pour suivre et par-ticiper à la réussite de ces projets.Confrontée à de multiples casd’exploitation économique et deviolation des droits de l’Homme,l’association revendique la régu-larisation de tous les sans-papiersafin qu’ils puissent circuler libre-ment entre leur pays d’origine etcelui où ils travaillent, et l’appli-cation de la Déclaration des droitsde l’Homme qui dans sonarticle 13 institue la libre circu-lation et installation des per-sonnes, partout dans le monde.

Le statut et les droits des réfu-giés climatico-économiques sontune préoccupation majeure de laVia campesina. Badrul Alam vientdu Bangladesh, un des pays lesplus affectés par le changementclimatique. Sur moins du tiers dela superficie de la France vivent

160 millions d’habitants, quasi-ment au niveau de la mer. « AuBangladesh, nous pouvons vraimentparler de crise climatique. Nousavons subi de terribles typhons en2007, en 2009, en 2011. Avecchaque fois des dégâts humains etmatériels considérables, des terresenglouties, perdues. De nombreuxpaysans sont obligés de quitter leurterre. Ils n’ont pas le choix. Ils cher-chent d’abord à gagner des paysproches et plus riches pour y trou-ver du travail, comme la Malaisie,mais avec plein d’obstacles. Ils par-tent alors souvent sur des embarca-tions de fortune, au péril de leur vie,et pour se faire exploiter pour celleset ceux qui y arrivent. C’est terrible :les petits paysans n’émettent pas oupresque de CO2, ils ne sont pas res-ponsables du réchauffement clima-tique, et c’est pourtant eux qui ensubissent les premiers les plus lourdesconséquences. »

Badrul, dont l’organisation Ban-gladesh Krishok Federation estmembre de la Via campesina, for-mule alors une des revendicationsdu plus grand réseau paysan mon-dial : ces migrantes et migrantsclimatico-économiques ont besoind’une reconnaissance juridiqueet doivent accéder à un statut de

protection garanti par l’ONU, aumême titre que les réfugiés deguerre.

Reste la cause du problème : laboulimie énergétique et consu-mériste inhérente au système éco-nomique capitaliste, dominantdans le monde. Mamadou Sakhovient de Mauritanie. « Depuis notrecontact avec le capitalisme, tout a étédétruit, sur la terre et même le sous-sol. Le désert avance, l’eau se fait deplus en plus rare. Et la dégradationcontinue: jamais les firmes n’ont réa-lisé de tels chiffres d’affaires, et jamaisautant de paysans n’ont été obligésde quitter leur terre, ne pouvant plusy vivre. Dans mon pays, sur deux mil-lions de kilomètres carrés, 90 % sontaujourd’hui impropres à toute acti-vité humaine. » n

Benoît Ducasse

(1) L’association Droits devant ! ! se bat pourla défense de l’égalité des droits, contre laprécarité et les exclusions : www.droitsdevant.org. Travaileurs sans-papiers en France, OusmaneBadiaga, Fousseini Coulibaly et MamadouSakho étaient invités par l’association àtémoigner lors de cette conférence.(2) 85 % des migrations climatiques et éco-nomiques se font à l’intérieur du même pays(de la campagne à la ville) ou vers des paysvoisins, du Sud vers le Sud ; seuls 15 % desémigrants du Sud vont vers les pays du Nord,européens ou américains.

Le réchauffement climatique a tué plus de 600000 personnes ces 20 dernières années, selon l’ONU. Au Bangladesh (photo), notam-ment, les conséquences sur l’agriculture sont dramatiques.

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Actualité

10 \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Il est 7 heures du matin et nous quittonsParis dans le froid, la nuit… et les ron-flements. Le jour nous surprend dans

un épais brouillard et un paysage d’unemorne platitude. Nous roulons vers l’ouest.

Une quarantaine de paysan.ne s venu.e.sdes quatre coins du Monde s’en vontrejoindre Notre-Dame-des-Landes. Depuisune semaine, la Via campesina et la Confé-dération paysanne arpentent les rues deParis à l’occasion de la Cop 21 (cf. p. 20),entre réunions officielles, débats, actionssyndicales ou Sommet citoyen sur le cli-mat… Les slogans paysans fusent. Ils se fontéchos en toutes les langues pour défendrela souveraineté alimentaire et condamnerles fausses solutions au réchauffement cli-matique. Aller au-delà des réunions et desactions organisées dans la capitale pourtoucher concrètement du doigt un descombats français les plus emblématiquespour la sauvegarde de la terre, de ses tra-vailleurs et travailleuses, nous semble incon-tournable.

Nous arrivons dans le bocage nantais sousle soleil, accueillis chez la famille Fresnau,avec des militants paysans et autres occu-pant.e.s de la Zad, la fameuse « zone àdéfendre ». La « Vache rit » est une desquatre dernières fermes à résister, malgrél’ordre d’expulsion en 2012. La veille denotre venue, juste avant un énième procèsexigeant l’expulsion, Vinci a retiré sarequête. Victoire en demi-teinte : nous met-tons cette nouvelle sur le compte de laCop 21 et des élections régionales, mais lapression remonte et l’inquiétude grandit.

Après avoir écouté l’histoire de ce grandprojet inutile, chaque délégué.e de la Viacampesina prend la parole pour exprimersa solidarité aux militant.e.s anti-aéroportet leur offrir un drapeau de son organisa-tion. Tous et toutes ont vécu dans leur paysd’âpres combats pour préserver leurs terreset faire face à une répression parfois san-glante. En Thaïlande, la lutte contre l’aé-roport de Bangkok se télescope à celle deNotre-Dame. Instant émouvant où nosluttes à travers le Monde convergent pourtisser notre histoire commune.

De la diversité naît la richesseNous visitons la ferme de la Vache rit, avec

ses 200 hectares et ses trois associés. Cer-tains paysan.ne.s de la Via sont surpris parle nombre de vaches et la dimension del’étable : il faut leur expliquer le contextede la région, son histoire et l’évolution deses fermes laitières durant les dernièresdécennies.

Puis nous allons faire le tour de quelques« hameaux » dans la Zad pour mettre desimages sur les mots, entre les maisons occu-pées collectivement, les cabanes, roulotteset autres habitats de toute sorte éparpillésau milieu de parcelles de maraîchage, despâtures et des champs de céréales…

On nous raconte comment, malgré lesdifficultés et les différences, les paysan.ne.srésistant.e.s ont réussi à composer avec leszadistes venus d’horizons divers. De ladiversité naît la richesse ! On nous parled’expérimentations et d’alternativesconcrètes au capitalisme. Prises de décisions

collectives, espace non-marchand, organi-sation solidaire contre la répression… Cetincroyable laboratoire de pratiques d’ins-piration libertaire émousse la curiosité. Lespaysan.ne.s de la Via veulent en savoirplus: « Comment sont réparties les terres? »,« D’où viennent ces jeunes qui décident devivre dans des conditions précaires, alorsque certains ont fait des études ? », « Com-ment sont prises les décisions et gérés lesconflits ? », « L’égalité entre les hommes etles femmes au sein de la Zad est-elle res-pectée? »… Nous pourrions échanger pen-dant des heures.

Nous repartons impressionnés par cettecapacité de résistance et toute cette énergieà vouloir construire une alternative auxdominations qui régissent nos sociétés. Nousrentrons à Paris où une grande manif nousattend pour le lendemain. Tout au long decette journée, dans de nombreuses discus-sions, revient la nécessité de grandes réformesagraires à travers le Monde. Nous sommestous d’accord, d’où que nous venons, pourque le statut du foncier soit revu. Nousdevons nous battre pour faire reconnaître ledroit d’usage du sol et le droit collectif. Laroute est longue encore vers la victoire. Maisnotre fraternité, nos solidarités et notre déter-mination nous appartiennent et personne,même les plus puissants, ne pourront nousles prendre. « Pour la Terre, pour le pouvoirpopulaire, nous vaincrons! », scande une Péru-vienne. C’est le slogan de son syndicat depaysannes, la Fenmucarinap, membre de laVia campesina. n

Fanny Métrat, paysanne en Ardèche

Du Monde à Notre-Dame-des-LandesLe vendredi 11 décembre, une quarantaine de paysannes et paysans, délégué.e.s de la Via campesina à la Cop 21, ont tenu à serendre sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes pour témoigner leur solidarité aux paysan.ne.s et autres occupant.e.s de la Zone,déterminé.e.s à résister jusqu’à la victoire au projet d’aéroport.

La délégation de la Via campesina, à la ferme de la Vache rit, sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, le 11 décembre. Dans le groupe, des paysans venant d’Haïti,Colombie, Pérou, Zimbabwe, Bangladesh, Turquie, Allemagne, Afrique du Sud, Inde…

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À la création du Collectif des organisations professionnelles

agricoles indignées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-

Landes (Copain, voir p. II-III), les structures n’imaginaient pas dans

quelle aventure elles se lançaient. Le but était de se regrouper

pour lutter contre un projet d’aéroport consommant 1 650 hec-

tares de terres, projet en contradiction complète avec les valeurs

portées par les adhérents : destruction de nombreuses fermes,

gaspillage éhonté de foncier, massacre écologique et ruine d’un

fort potentiel de circuits courts en proximité de Nantes. Il s’agis-

sait d’être forts ensemble pour soutenir la résistance à ce pro-

jet, celle des paysannes et paysans locaux, puis assez rapidement

aussi celles des occupant.e.s.

Après la défense de la zone en 2012, deux axes ont permis

d’avancer ensemble : la prise de la ferme de Bellevue (cf.p. V) pour

la sauver de la destruction, et le développement de la produc-

tion agricole et maraîchère chez les occupant.e.s pour être plus

autonomes, mais surtout comme moyen de lutte et de résistance.

En ce début 2016, nous vous invitons à un voyage sur

les terres de la Zad de

Notre-Dame-des-Landes,

où se côtoient et se rencon-

trent une multitude de personnes.

Nous ne prétendons pas rendre

compte de la multiplicité

des expériences qui se

vivent ici, mais

vous présenter quelques facettes pour vous donner envie de venir

nous rencontrer, de continuer à vous battre contre le projet, et

aussi vous aider à comprendre l’avenir que nous aimerions

construire ici après la victoire.

Il se peut que vous lisiez des philosophies contradictoires entre

différents portraits : c’est normal. Chaque témoignage n’engage

que ses auteur.e.s. Ce qui nous engage toutes et tous, c’est notre

réflexion pour l’avenir décrite en six points (cf.p.XI). Nous consi-

dérons que si notre diversité peut être compliquée à gérer, elle

est surtout notre richesse et notre force.

Notre-Dame-des-Landes est pour beaucoup une lutte emblé-

matique. C’est aussi un vaste champ des possibles, un lieu où se

vivent des alternatives. Ici, l’argent n’est pas roi, réduire son

empreinte carbone n’est pas une réflexion mais une action, et la

solidarité est une valeur de base.

À l’heure où 196 pays sortent de négociation à Paris pour maîtri-

ser le réchauffement climatique, chez nous, la procédure adminis-

trative visant à rendre tous les habitants de la Zad (histo-

riques ou non) expulsables

est en route. Notre magni-

fique convoi vers la Cop, fin novembre

(cf.p.16), a bien eu raison de dénon-

cer toutes ces incohérences.Sylvie Thébault, paysanne

à Notre-Dame-des-Landes

(Loire-Atlantique)

Notre-Dame-des-Landes Un vaste champdes possibles, paysans, alternatifs et solidaires

Dossier

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / I

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Le décret qui institua la Zone d’amé-nagement différé (Zad) en janvier 1974a donc 42 ans ce mois-ci ! 42 ans que

ces terres entre Vigneux et Notre-Dame-des-Landes, à 28 kilomètres au nord-ouest deNantes, sont réservées pour la construc-tion d’un projet d’aéroport international (1).

Le socle du projet d’aéroport, c’est d’abordune vaste opération foncière. Le projet a sus-cité une résistance paysanne déterminée dèsle début. S’y sont ensuite joint.e.s des habi-tant.e.s concerné.e.s par le projet, des mili-tant.e.s de divers horizons, des squatteurs etsquatteuses des villes, donnant à cette résis-tance une diversité de pratiques et d’idées enri-chissante, bien que parfois complexe à com-prendre. Sur la Zad, l’aménagement duterritoire a pris des formes moins visiblesqu’en d’autres points de la métropole: pas deremembrement, pas de nouvelles construc-tions (lotissements, zones commerciales, etc.).Pendant 40 ans, toute construction de mai-son fut interdite. Tous les terrains furent pré-emptés par le conseil général jusqu’en 2003.Le fait que ces terres furent si longtempsréservées à la construction d’un aéroport estparadoxalement l’une des raisons pour les-quelles ce bocage est tel qu’il est aujourd’hui.

En 2014, alors que le mouvement pour-rait obtenir l’abandon définitif du projetd’aéroport, commence déjà une secondelutte, et non des moindres. Une lutte surl’avenir de ces terres, de ces haies et de ceschamps, de ces cabanes et de ces maisons,sur le devenir de ce territoire.

1 650 hectares concernésLa première Déclaration d’utilité publique

(DUP) est passée en 2008 et a défini la Zad.La DUP s’étend sur 1 650 hectares :

• 1450 hectares de terres correspondent àl’emprise de l’aéroport dont les travauxseraient pris en charge par la société Aéro-ports du Grand Ouest (AGO), filiale de Vinci (2).• 200 hectares concernent un barreau rou-tier dont les travaux seraient pris en chargepar l’État (Direction régionale de l’environ-nement, de l’aménagement et du logement).

Une seconde DUP concerne l’élargisse-ment d’autres routes d’accès.

Le propriétaire des terres de la Zad n’est plusà l’heure actuelle le conseil général, mais l’É-tat. Il a octroyé sur ces terres une concessionde 55 ans à AGO pour ce qui concerne l’em-prise de l’aéroport. Cela signifie qu’en termes

de foncier, ce sera l’État qui sera logiquementdécisionnaire si le projet d’aéroport est annuléet que la DUP tombe. La DUP est théorique-ment valable 10 ans jusqu’en 2018. L’État peutl’abroger à n’importe quel moment… mais ilpeut aussi la faire durer plus longtemps.

La propriété des terres (tableau 1)Sur 1 650 hectares :• 850 hectares de terres, ainsi que des mai-sons, ont été achetés par le conseil géné-ral par droit de préemption, petit à petit,entre 1973 et 2003. La plupart de ces terres(sauf celles du barreau routier) furent trans-férées en 2012 à AGO, qui en est donc leconcessionnaire pour 55 ans.• 800 hectares environ appartenaient ainsiencore à des propriétaires privés en 2003.Depuis, près de 150 hectares ont été ven-dus, les propriétaires ayant signé un contratde vente amiable avec AGO, à qui l’Étatconcède ces terres. L’État est donc aussi,désormais, propriétaire de ces terres.

La majeure partie des propriétaires a refusé,pour une surface d’environ 650 hectares,toute négociation avec AGO. Les terres font

l’objet de procédures d’expropriation. Cespropriétaires sont une cinquantaine et seréunissent régulièrement pour faire le pointsur les dossiers d’expropriation.

L’usage des terres (tableau 2)Dans le secteur, les paysans ne sont géné-

ralement pas propriétaires des terres, ils leslouent pour une grande partie, sous contratde fermage.• 1250 hectares de champs et prés, et envi-ron 400 hectares de bâtis, routes, chemins,bois et friches. Les friches sont en grandepartie des terres anciennement rachetées parle conseil général et qui sont libres de bauxdepuis des années. Depuis 2007, suite à l’ap-pel d’habitant.e.s de la zone, des personnessont venues habiter, construire des cabanes,cultiver, occuper certaines de ces friches pours’opposer sur le terrain aux travaux et conti-nuer à faire vivre le territoire.• 47 exploitations agricoles sont impactéespar le projet. Il ne s’agit pas seulement despaysan.ne.s ayant leur corps de ferme surla Zad, mais de tous ceux et celles qui y ontdes terres.

1200 hectares de terres agricoles

II \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Dossier

Une Zone à défendre, des terres à sauverLa Zad, c’est pour les aménageurs la « Zone d’aménagement différé » ; pour les paysan.ne.s et tous les occupant.e.s du site,c’est une « Zone à défendre » contre un monstrueux projet d’un autre temps : un aéroport international. État des lieux.

850 hectaresIssus du droit de préemption du conseil généralde 1973 à 2003, propriété transférée à l’État en2012, qui l’a concédée pour 55 ans à AGO-Vinci

650 hectaresPropriétaires refusant de vendre àl’amiable à AGO et sous procédure

d’expropriation

150 hectares vendus à l’amiablepar leurs propiétaires à l’État,

via AGO qui en est concessionnaire

Tableau 1 Propriété : 1650 hectares Zad

800 hectares dont l’avenir seraità imaginer et à construire

400 hectaresPaysans en place,

résistants, poursuivantle travail de leurs terres

200 hectares occupés ettravaillés par divers projets (zadistes)

600 hectares redistribués parAGO-Vinci chaque année, sous

convention de mise à disposition (CMD) (généralement

aux anciens exploitants)

450 hectaresFriches

bois chemins…

Tableau 2 Usage : 1650 hectares Zad

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• 11 exploitations agricoles en lutte ontrefusé de négocier quoi que ce soit avecAGO, elles se trouvent donc confrontées àdes procédures d’expropriation et dans unesituation très précaire. Les terres cultivéespar ces fermes représentent environ400 hectares sur la Zad. Notons qu’à l’ex-ception d’un cas, tous les agriculteurs quiavaient leur corps de ferme sur la Zad ontrefusé de signer avec AGO.• 800 autres hectares sont redistribuéschaque année. Ces 800 hectares incluent :

– les terres d’agriculteurs qui ont cessé leuractivité ;

– les terres des exploitations qui ont signéun accord amiable avec AGO en échanged’indemnités. En signant, les agriculteurs

ont renoncé à leurs droits sur les terresqu’ils exploitaient sur la Zad. Mais AGO lesleur redistribue depuis 2012 avec des bauxannuels (convention de mise à disposition,CMD), dans l’attente du démarrage des tra-vaux. Ce qui veut dire que ceux qui ontcédé à AGO ont touché l’argent… maiscontinuent à exploiter leurs anciennes terres,et sont aussi prioritaires pour louer ou rache-ter des terres à l’extérieur.

Ceci dit, parmi les agriculteurs ayant signéavec AGO Vinci, tous n’ont pas fait les mêmeschoix et ne sont pas logés à la mêmeenseigne : certains n’ont pas repris de terresà l’extérieur et ont une grande partie de leursterres sur la zone, qu’ils cultivent donc demanière précaire avec les baux annuels. Ceux-

là ont touché l’argent et ont cédé à AGO maisn’en ont pas pour autant profité pour agran-dir leur exploitation. Ils peuvent aussi être dansune situation assez inconfortable.

À noter : les 200 hectares de terres du bar-reau routier, sont répartis entre les 450 hec-tares de friche, bâtis, chemins et routes, les400 hectares de terres des paysans résistantset les 800 hectares en redistribution. Pour ces200 hectares, les services concernés de l’État(Direction régionale de l’environnement, del’aménagement et du logement) n’ont pasopéré de redistribution et ont laissé la chambred’agriculture gérer, sans baux officiels.• Sur les 800 hectares en redistribution,220 hectares, sont occupés et majoritaire-ment travaillés sur divers projets agricoleset alimentaires, notamment depuis la créa-tion de Sème ta Zad (voir encadré Lexique)et l’implication de Copain (cf. p. IV) sur leterrain. Il est à noter que les terres étantgelées pour la construction d’un aéroport,il n’est pas possible de s’installer légale-ment sur les terres de la Zad pour un pro-jet agricole ou de faire de quelconques pro-jets légaux de construction. n

Source : « Foncier, un état des lieux – Pour penser

l’avenir de la Zad de Notre-Dame-des-Landes »,

document de 20 pages téléchargeable sur :

acipa-ndl.fr/images/PDF/Divers/2015/foncierzadfinalrefait.pdf

(1) Une vidéo édifiante : le reportage télé de l’époqueexpliquant pourquoi il faut construire un nouvel aéroport àNotre-Dame-des-Landes avant… 1990 : aller surwww.youtube.com et taper sur le moteur de recherche dusite : 1974 : l’ aéroport Notre-Dame-des-Landes (NDDL).(2) AGO, comme Aéroports du Grand Ouest, est unesociété créée fin 2010, lorsque Vinci a été désigné commeconcessionnaire par l’État pour le projet d’aéroport. VinciConcessions, filiale de Vinci, en détient 85 % sous le nom deVinci Airports. Les 15 % restants sont détenus par laChambre de Commerce et d’Industrie (CCI) Nantes/Saint-Nazaire et par l’entreprise de BTP ETPO-CIFE.

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / IIICampagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / III

Dossier

LexiqueQuelques mots sur les collectifs et organisations qui sont plus spécifiquement impli-qués sur la Zad dans les questions agricoles et foncières• L’Adeca, Association de défense des exploitants concernés par l’aéroport, regroupedepuis 1972 les paysan.ne.s impacté.e.s par le projet et s’y opposant. Certains adhérents sonttrès engagés dans la lutte contre l’aéroport, d’autres moins. Trois habitent encore sur la Zad,les autres continuent à y cultiver des terres sans y habiter.• Copain 44 (Collectif des organisations professionnelles agricoles indignées par le projet d’aé-roport) : le collectif, créé au printemps 2011 regroupe diverses organisations agricoles de larégion (Gab44, Civam, Confédération paysanne, Terroirs44, Manger Bio, Accueil paysan…) dansle cadre de la lutte contre l’aéroport. Des paysans de Copain sont venus défendre la ferme duRosier, puis la Chat-Teigne, avec leurs tracteurs en novembre 2012. Le collectif a lancé l’oc-cupation de la ferme de Bellevue en janvier 2013 et s’implique dans son fonctionnement depuis,ainsi que dans diverses autres initiatives de la lutte (cf. p. IV)• L’Acipa, Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projetd’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, a mené bon nombre de recours juridiques et s’est atta-chée historiquement à fédérer de nombreux opposant.e.s à l’aéroport, localement et au-delà.www.acipa-ndl.fr• Sème ta Zad est une assemblée bihebdomadaire ouverte, fondée par des occupant.e.s dela Zad, des paysan.ne.s de l’Adeca, de Copain et d’autres personnes impliquées dans la lutte.L’assemblée s’est lancée en amont de la manifestation du 13 avril 2013 « Sème ta Zad » quia vu l’éclosion officielle d’une dizaine de nouveaux projets paysans sur le site. Elle est l’es-pace où les différentes composantes discutent du devenir de ces terres et où s’élaborent lesstratégies d’occupation. zad.nadir.org

Saint-Nazaire Nantes

NOTRE-DAME-DES-LANDES

Sites présentés pages IV à X1-Bellevue 5-Wardine2-Liminbout 6-Fosses Noires3-Saint-Jean-du-Tertre 7-Rouge et Noir4-Riotière 8-100 Noms

n Parcelles des fermes impactées en lutten Parcelles occupées par le mouvement

en lutten Parcelles redistribuées par AGO/Vinci,

la Dreal et la chambre d’agriculture 44Paysan.ne.s habitant et exerçant sur placeLieux d’occupationBarreau routier

carte n°3 [groupe cartoZ]Parcelles agricoles et occupation(s) avril 2015

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Sylvie et Marcel Thébault sontpaysanne et paysan au Liminbout,au Nord-Ouest de la Zad.

Sylvie s’est installée en 1999, soit unan avant la relance du projet d’aéro-port. Nous reprenions la ferme der-

rière un tiers, avec 43 hectares et 180 000litres de lait de droit de production. La Zad,alors entendue comme Zone d’aménage-ment différé, existait depuis 1974, et il a falluse battre pour conserver les quotas laitierscorrespondant aux terres acquises par leconseil général.

Nous avons construit des bâtiments etéquipements confortables pour la dimensionde l’élevage, et nous avons mis en place unsystème herbager économe. Le projet d’aé-roport est devenu une épée de Damoclès au-dessus de notre tête. Nous avons cependantchoisi de vivre en l’ignorant et en comptantsur notre force collective pour gagner.

Nous avons agrandi la ferme en 2004,portant la surface à 63 hectares, tandis quele droit de production augmentait chaqueannée par consolidation, atteignant 305000litres en 2014-2015.

Les bâtiments sont devenus le facteurlimitant et nous ont contraints à intensi-fier la conduite des vaches laitières.

Une fois que nous avons pris confiance ennous, notre objectif a été de passer en bio.

Mais l’insécurité sur les terres est un obs-tacle administratif, et nous ne pouvons pasmettre toute notre énergie à la fois dans lalutte et dans la révolution de notre sys-tème de production.

Pour nous, l’abandon de la déclaration d’uti-lité publique (DUP) (1) – que nous attendonsavec impatience – nous permettra de pas-ser progressivement en bio. Même si les pra-tiques actuelles des paysans permettent unebelle biodiversité sur la Zad, ce sera bon pourle bocage. Nous espérons aussi que ce seraun plus pour la transmission de notre ferme.Nous continuerons à côtoyer nos voisin.ne.s

occupant.e.s, à échanger et mettre en placedes solidarités avec eux, comme des prêts dematériels et des échanges culturaux.

Il nous tient à cœur que les terres sauvéesdu béton servent très peu à l’agrandisse-ment, mais permettent l’accueil de por-teurs et porteuses de projets d’agricultureofficielle, mais aussi « hors cadre ». Notrediversité peut compliquer la vie, mais c’estnotre force et notre richesse, nous tenonsà la conserver. n

(1) Procédure administrative en droit français qui permetde réaliser une opération d’aménagement sur des terrainsprivés en les expropriant pour cause d’utilité publique.

Comment t’es tu retrouvé impliquédans la vie sur la Zad ?

Je suis paysan à Vigneux et membre deCopain 44, mais aussi du Civam (1) et dugroupement des agriculteurs bio de Loire-Atlantique. Proche de la lutte contre l’aé-roport depuis longtemps, j’ai pris part àdivers événements, comme la tracto-véloen 2011 (2). Tout s’est accéléré durant l’hi-ver 2012-2013. Les fermes expulsées etdémolies ont rendu nécessaire la protectionde celles qui étaient encore debout. Ça s’estconcrétisé avec l’ouverture et l’occupationde la ferme de Bellevue, en février 2013, pro-tégée par la chaîne de tracteurs du groupeCopain, comme cela avait été fait sur le sitede la Chat-Teigne quelques mois plus tôt.Malgré le froid et la boue de l’hiver, c’étaitune aventure qui prenait aux tripes, moti-vée par l’envie d’aider des jeunes qui veu-lent s’installer dans la durée.

En ce moment comment participes-tuaux projets agricoles sur la Zad ?

L’idée principale, c’est partager expérienceet savoir-faire à travers des échanges decoups de main. Cela se passe souvent à Bel-levue, avec le « groupe vache » (3), à Saint-Jean-du-Tertre avec Wilhem (3) et la Cur-cuma (3). Je viens souvent avec un tracteuret des outils, et en échange les habitant.e.sde la Zad viennent chez moi faire des chan-tiers collectifs où il y a besoin de plusieurspaires de bras. Ce sont des gens volontairesqui, comme moi, font les choses par pas-sion. Ce qui se passe sur la Zad est pour moiun aboutissement. D’habitude, on pousseles gens à la productivité et ils se retrou-vent vachement isolés dans leur ferme. Là,c’est différent, il n’y a pas de contrainte surles rendements, l’important c’est de faireensemble car on est plus fort. Pour vivred’une activité agricole, il n’y a pas forcément

besoin d’argent, de dossiers à rallonge oude demandes de subventions.

Comment envisages-tu l’avenir surla Zad ?

Je pense qu’avec Copain, sur la Zad, il restedes choses merveilleuses à faire, commecontinuer à installer de nouveaux paysanset de nouvelles paysannes qui veulent don-ner un sens à leur activité, produire et s’épa-nouir avec les autres. Il faut que la Zone resteun lieu d’échange d’idées et de brassage desmodes de vie pour que cela fonctionne. n

Propos recueillis par Cédric

(1) Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et lemilieu rural - www.civam.org(2) Du 6 au 12 novembre 2011, déplacement en tracteurset vélos jusqu’à Paris « pour interpeller les décideurs natio-naux, peser sur les négociations entre partis pour les prési-dentielles 2012 et dénoncer encore une fois l’aberration dece projet ».(3) Voir articles sur ces sujets.

IV \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Dossier

La transmission des savoirs paysansJean-Luc est paysan, membre de l’association Copain 44 (cf. p. III). Il témoigne de la transmission des savoir-faire sur la Zad.

Une ferme historique de la Zad

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Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / V

Dossier

ÀBellevue, le « groupe vache » estconstitué de six personnes, de quatrevaches laitières prêtées par des pay-

sans en lutte, ainsi que des veaux nés à laferme. Nous transformons le lait deux foispar jour, en fromage, crème, beurre, fro-mage blanc, yaourt. Tout ceci sert à ravitaillerle « non marché » sur la zone (cf. encadrép. VII), des repas au gré des événements dela lutte, mis en partage dans un frigo où cha-cun.e peut se servir. Chaque semaine, unetraite est réservée pour soutenir desmigrant.e.s à Nantes.

Nous ne vendons rien, il y a simplementune caisse de soutien pour couvrir les frais.Ce que nous faisons n’a pas de prix ! Nousne voulons pas quantifier le temps, le plai-sir ou la contrainte que cela implique, niles rencontres et les amitiés que cela tisse.Ce que nous faisons est partie prenante dela lutte et ne pourrait exister sans elle :l’occupation de la zone, les solidarités, lesactions et manifs, les débats, les liens, le par-tage et l’organisation collective à plein deniveaux différents. Ce qui est importantici, c’est un brassage et une confrontationentre des mondes qui ne se rencontrent pastrès souvent, avec toutes les richesses queça apporte. C’est ainsi que nous avons toutappris sur les vaches, les cultures, les trac-teurs, la transfo et les prairies ici, plongé.e.s

dans un monde, accompagné.e.s du sou-tien, de la patience, la pratique et la pas-sion des paysan.ne.s et de tout un tas degens.

Nous ne sommes pas des agris diplomé.e.s,et ne comptons pas le devenir. Nos instal-lations ne sont pas conformes aux normes.Pour nous, rester hors des cadres institu-tionnels, c’est faire nos propres cadres ; évi-ter au possible un système de contrôles etpressions visant à la compétitivité, c’est se

tenir à distance des lois impitoyables dumarché.

Nous ne sommes pas là pour vendre dulait, mais pour contribuer à nourrir des résis-tances, pour vivre et lutter dans ce bocage,contre la métropolisation, la marchandisa-tion, pour défendre des terres, des rêves, despossibles, pour partager des fromages, desidées, des connaissances, des émotions, desmoyens de lutte, des doutes, des désirs… n

Les trayeurs et trayeuses

Le dimanche 27 janvier 2013, nous, pay-sans de Copain (cf. lexique p. III),sommes réunis dans une grange. Nous

nous demandons quel est le moment le plusjudicieux pour occuper la ferme de Bellevueafin d’empêcher sa démolition. Le fermiera signé son départ, accepté les indemnitésd’AGO-Vinci, alors il n’y a plus qu’à… À par-tir du moment où nous occuperons la ferme,nous deviendrons squatteurs. En cela nousferons partie des occupant.e.s, paysan.ne.set habitant.e.s historiques qui résistent à laconstruction de l’aéroport.

Notre cul posé sur les bottes de foin bou-gera très vite lorsque l’un de nous dira :« N’attendons pas demain pour prendre Bel-levue, c’est maintenant et tout de suite! » Uneévidence pour tout le monde (ça arrive…).Arrivés sur place, les tracteurs s’enchaînentautour des bâtiments, puis, on bloque lesaccès avec gravats et vieux matériel agricole.

Dans la foulée, beaucoup de gens viennenten soutien, des tours de garde s’organisentet une procédure judiciaire est lancée.

Les paysans ne peuvent rester en perma-nence. Mobilisés depuis de nombreusessemaines, ils manquent de temps pour assu-rer leur propre boulot. Ils passent donc le relaisà un collectif qui s’improvise pour habiter lelieu et le remettre en état. Pour celles et ceux-là, le défilé de visiteurs créera des momentscertes fabuleux, mais aussi très durs.

Dans un premier temps, les paysans essaientde s’organiser avec les nouveaux habitant.e.s.En juin 2013, lors d’une opération de com-munication jointe à l’utilité d’occuper les120 hectares de Bellevue, ils amènent desvaches. Un jeune de Copain crée un projetde transformation laitière, repris par desoccupant.e.s de la Zad. Confier des vachesà des personnes qui, pour la plupart, décou-vrent pour la première fois les soins et l’as-

treinte de la traite est une sacrée aventure !La transmission de savoirs continue encore.

Les activités de Bellevue – lait, fromage,pain, élevage de porcelets, atelier couture… –doivent beaucoup aux échanges. La possi-bilité de casser la croûte ensemble le ven-dredi midi participe à une convivialité indis-pensable pour s’organiser. Bellevue est unlieu identifié paysan, mais les gens qui yvivent ne sont pas forcément investis dansdes projets agricoles.

Ce lieu est et doit rester une référence pouréchanger des idées sur l’agriculture paysanneavec l’ensemble des composantes de la lutteet de la société. Dans un avenir sans aéroport,Bellevue perdrait beaucoup de son identitésymbolique à redevenir une ferme parmid’autres. L’après sera une autre lutte, à laquelleles paysan.ne.s doivent se préparer avec l’en-semble du mouvement de résistance. n

Michel

Bellevue, toujours ferme

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / V

« Oh la vache ! » : des vaches et une fromagerie à Bellevue

La ferme de Bellevue, le jour du retour des vaches, en juin 2013.

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Y construire son avenirMicka, 27 ans, cultive avec cinq comparses légumes, tournesol et céréales, installé dans un ancien corps de ferme voué à ladestruction. Il espère continuer ses prochaines années à cultiver sur des terres « communisées », gérées par le mouvementde lutte.

Dossier

VI \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

J’arrive sur la Zad au printemps 2011,BPREA en poche (1), hors cadre fami-lial, avec aucune possibilité proche

d’installation. Je suis en quête de perspec-tives plus réjouissantes que s’endetter ets’exploiter à double temps plein pour pro-duire des légumes livrés à des citadins auxrevenus confortables.

Avec cinq comparses, nous mettrons enculture une parcelle d’un hectare, devenuefriche, en maraîchage diversifié. Objectif : uti-liser nos envies et savoir-faire paysans pouroccuper la terre contre l’aéroport, créer dulien entre squatteurs et paysans historiqueset s’éprouver dans un projet agricole col-lectif.

Arrivés sans matériel et avec les pers-pectives permanentes d’expulsion/des-truction, nous ne ferons pas d’investis-sements, privilégiant le système D, ainsique la solidarité des paysan.ne.s etcitoyen.ne.s alentours. Ni siret (2), ni sta-tuts, ni label. La production est vendue surplace, à prix libre.

L’automne 2012 voit la fin de ce premierprojet de production (cf. encadré), sous undéluge de grenades et lacrymo. Depuis, noussommes installés aux Fosses Noires, dans

un ancien corps de ferme voué à la des-truction. Légumes plein champ (un hec-tare), huile de tournesol (4 hectares l’an-née prochaine), pâtes sèches (objectif 4 à5 tonnes de blé transformées par an) sontvenus remplacer le maraîchage diversifié. Lesparcelles sont en rotation avec d’autresgroupes (herbes, céréales…). Les légumes deconservation sont vendus par le bouche àoreille.

L’absence des contraintes économiquesclassiques et l’entraide permettent de pou-voir expérimenter des techniques culturalesparticulières: j’entretiens mes légumes à l’aided’une jument de trait (photo), attelée dematériels modernes. Tous les ans, un demi-hectare d’oignons est cultivé conjointementavec un comité de Rennes contre l’aéroportde Notre-Dame: ici on assure le suivi tech-nique global, eux viennent à 25 pour 2-3chantiers manuels. La production (6 tonnesen 2015) est ensuite partagée selon lesbesoins. Une partie part gratuitement en sou-tien (Zads, aide aux sans-papiers, mouve-ments sociaux…). Les frais de la culture sontassumés conjointement.

Dorénavant enraciné au territoire, j’es-compte bien pouvoir continuer ces dix pro-

chaines années à cultiver sur des terres« communisées », gérées par le mouve-ment de lutte. Ici, le territoire est suffi-samment fertile pour expérimenter etconstruire un avenir radieux. n

(1) BPREA : Brevet professionnel responsable exploitationagricole.(2) Numéro d’immatriculation d’une entreprise.

César vaincu !Le 16 octobre 2012, l’État lance l’opéra-tion « César » pour déloger les zadistes.Plus de 1 200 gendarmes et policiers inter-viennent, appuyés par deux hélicoptères.Mais la résistance est telle que l’opéra-tion n’a qu’une portée limitée, malgré ladestruction de certains sites et bâtiments.Cette opération guerrière augmente lasympathie pour le mouvement des oppo-sants au projet d’aéroport, à l’échellenationale. En réaction, le 17 novembre,une manifestation de « réoccupation »mobilise près de 40 000 personnes. Ridi-cule, la préfecture de Loire-Atlantiquedécomptera « 4 500 personnes dans lecortège et 13 500 si on compte l’ensembledes personnes qui se trouvent dans lesecteur »…

Légumes en plein champ aux Fosses Noires

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Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / VII

Au fournil des Fosses Noires, nous fai-sons trois journées de pain parsemaine. Chaque journée, ce sont

entre 60 et 100 kg de pain que nous pétris-sons et façonnons à la main. Nous sommesune équipe d’environ huit personnes à serépartir le travail. Certain.e.s font une journéepar semaine, d’autres un peu moins, réguliè-rement. Nous cuisons dans un petit four (20kgde pain), transportable en cas d’expulsion…

Nous achetions toute notre farine à unpaysan meunier avec qui nous avons crééun lien sur le long terme. Dorénavant, unepartie de notre farine vient du blé et du sar-rasin cultivés et moulus sur la Zad. Notrepain 100 % sarrasin commence à avoir uncertain succès, aussi bien chez les intolé-rant.e.s que chez les accros au gluten.

Les lundis et jeudis, le pain est distribuésur place ; le vendredi, il est vendu sur le« non-marché » (cf. encadré) où il rejointles laitages et légumes produits sur la Zad.

Ces moments sont l’occasion pour leshabitant.e.s de la zone et des villages alen-tours de se croiser et d’échanger.

Comme notre travail, notre pain « n’a pasde prix » et la contribution est libre. Les gensqui le peuvent mettent de l’argent dans lacorbeille, ceux qui ne peuvent pas repartentquand même avec du pain.

En général, nous récoltons un peu plusd’argent que nous en avons besoin pour lesfrais de production. Ça nous permet d’endonner régulièrement à Sème ta Zad, aucomité anti-répression de la lutte et ponc-

tuellement à d’autres initiatives : en cemoment, la création d’une boulangerie àCalais en soutien aux migrant.e.s. Par choix,nous ne nous rémunérons pas.

Dans l’équipe, une seule personne a une for-mation de CAP de boulanger, toutes lesautres ont appris sur place. Nous continuonsrégulièrement à former des gens qui ontenvie de s’investir dans le groupe, ou plus sim-plement découvrir le contact avec la pâte.

Être dans cette équipe, c’est aussi dechouettes moments où l’on se retrouve,que ce soit pour des journées de chantier

« bois pour le four », des réunions, nos plan-nings, les approvisionnements… n

La boulange des Fosses Noires

Témoignage d’un vieux tracteurqui revit au sein de la Curcuma,la « Coopérative d’usure, de réparation,de casse et d’utilisation du matérielagricole » de la Zad.

Salut à tous et toutes! J’vais vous racon-ter ma vie ici, sur la Zad. J’suis un« 1 120 », famille John Deere, un

ancien ! J’ai passé ma vie près d’ici, à bos-ser avec un agriculteur résistant, de ceux quiont été de toutes les batailles du monde pay-san, et il y en a eu ! Depuis les annéessoixante, j’peux vous dire que j’en ai faitdes manifs ! Bon, depuis trois ans, j’suis surla Zad : j’ai d’abord barricadé des routes etprotégé des lieux contre les expulsions en2012. Quand il n’y a plus eu d’expulsions,j’suis resté une paire d’années sous la flotte,sur un parking.

C’est la Curcuma qui m’a sauvé de la rouille.La Curcuma, c’est les gens d’ici qui s’occu-pent de nous, tracteurs et outils agricoles.Côté tracteurs, on est toute une bande, cinqou six ; des anciens, avec quatre zéros aucompteur (quand il marche). On a été don-nés pour aider les projets agricoles qui se lan-çaient. Comme ces projets sont pour beau-coup collectifs, y’a plein de monde avec quion travaille, plusieurs dizaines de personnes.C’est des gens qui apprennent : les potes dela Curcuma se sont formé.e.s avec les pay-san.ne.s de Copain ; maintenant, ils et ellesapprennent aux nouveaux et nouvelles àconduire, entretenir et régler les machinesagricoles, et les accompagnent.

Une ou deux personnes sont référentes dechacun de nous : elles ont du boulot, parcequ’il faut bien dire qu’on a sale caractère, onpète vite une durite. Bon, dans ce cas-là, les

responsables nous mettent en arrêt maladiejusqu’au prochain chantier collectif. Les chan-tiers mécaniques, on s’y retrouve à 3 ou 4 trac-teurs, les référent.e.s de chaque tracteur ettoutes celles et ceux qui veulent participer.Parfois, ils sont 15 ou 20, à faire aussi bienl’entretien courant que des grosses répara-tions… ou à préparer les repas.

Au début, personne n’avait vraiment tou-ché à la mécanique agricole – il y en a bienquelques-un.e.s qui avaient bricolé des voi-tures ou des vélos. Mais ils épluchent nosrevues techniques, cherchent sur Internet, s’ymettent à plusieurs, et ça marche. Quand ilstombent sur un os, il y a toujours un mécanoplus confirmé prêt à donner des conseils.

Pour nous, les vieilles carcasses, c’estchouette d’être ici : on nous offre unedeuxième vie et on permet à plein de gensde se lancer dans des cultures plein champ.On est fiers de participer à protéger la Zad! n

John « 1 120 » Deere

Pétrissage du pain à la boulange des Fosses Noires

Le non-marchéDepuis l’été 2013 se tient sur la Zad, le ven-dredi soir, le «non-marché». De multiples col-lectifs de la Zad y amènent leurs productions(lait, fromages, légumes, farine, pain, etc.). Toutle monde est invité a se ravitailler, zadistes maisaussi voisins des bourgs, de Nantes…Le tout est vendu à prix libre et alimente uneseule et même caisse, celle de Sème ta Zad.Le nom « non-marché » est venu du fait quecet événement veut sortir des rapports pro-ducteur-consommateur.

Que j’vous raconte la Curcuma !

Dossier

La boulangerie des Fosses Noires

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VIII \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Dossier

Autoconstruction d’un lieu de vie etd’activité agricole sur la Zad.

Début 2013, le collectif des100 Noms s’est installé au centrede la Zad, sur une prairie dédiée à

l’origine à l’élevage (pâturage et fauchage).Cette installation d’un lieu habité et cul-tivé répond à deux objectifs. Le premierest de renforcer le mouvement en conti-nuant de vivre, cultiver et lutter sur cesterres après les nombreuses démolitionsde l’opération César, en octobre 2012 (cf.encadré p. VI). L’autre objectif est lié auxaspirations du collectif à expérimenter unmode de vie tourné vers l’autonomie ali-mentaire et matérielle, en prise avec ceterritoire mis en partage.

Le lieu s’organise autour d’un grand pota-ger à vocation vivrière et de la maison col-lective avec une cuisine, un séjour, un dor-toir et une salle de bain. Autour, en borduredes haies, se trouvent des toilettes sèches,un poulailler, une bergerie, un atelier, uneyourte collective et une multitude d’es-paces personnels (cabanes, yourtes, cara-vanes…).

La majorité de ces habitats légers ont étéconstruits sur place par les habitant.e.s. Lesmatériaux de construction sont multiples etpossèdent tous une histoire. Pour la mai-son collective, la charpente est en châtai-gnier prélevé dans le taillis d’à côté.

C’est un lieu à l’écart du réseau élec-trique et des routes. Pour pallier cet éloi-gnement, diverses solutions sont ou vontêtre mises en œuvre. Une éolienne auto-construite et des panneaux photovoltaïquesont été installés pour fournir de l’électri-cité. Un chemin d’accès va être réouvertlors d’un grand chantier collectif fin jan-vier 2016 (1).

En 2016, des céréales seront semées surla partie non utilisée de la prairie. Cette par-celle, autrefois strictement agricole, mixeraalors habitat, cultures vivrières et grandescultures. Bien que le lieu soit juridiquementfragile (squat), on s’y projette à long terme.Il se construit au fil des saisons, des rythmesagricoles et des envies de ses habitant.e.s.Il offre la possibilité de construire un habi-tat autonome visant une production vivrièreet des modes de vie en prise avec le monded’aujourd’hui et de demain. n

Les 100 Noms

(1) Un week-end de chantiers collectifs ouverts – Lesappels d’offres de la Zad – est prévu les 30 et 31 jan-vier 2016 sur la Zone. Plus d’infos sur : Zad.nadir.org

Il y a plus d’un an maintenant naissaitd’une prairie un lieu de vie où quelquescamarades de luttes se sont installés.Ils avaient un projet de maraîchage surplace, qui s’est, de fil en aiguille,transformé en projet de groupe.

Ayant pour but l’autosuffisance ali-mentaire, plusieurs habitant.e.s delieux différents sur la zone ont uni

force, connaissance et matériel. Un magni-fique potager de plus de 2 500 m² ainsi quetrois serres ont ainsi apparu après de nom-breuses heures de travail.

Pour y arriver financièrement, le groupes’est principalement fait aider par Sème ta Zadet le collectif des Q de plomb, des famillesqui habitent là depuis des années et refusentd’être expulsées. Chacun.e y a aussi mis dusien, selon ses moyens respectifs.

C’est ainsi que de magnifiques plants detomates, courges, aubergines, choux ont vule jour, mais aussi des variétés de légumesplus exotiques, tel l’ocra, sorte deconcombre à intérieur gélatineux origi-naire d’Afrique.

En vue de garder un rythme de travailconstant, le groupe avait fixé dès le débutdes chantiers collectifs. Trois fois parsemaine, on se rejoignait à la Riotière, endroitoù se trouve le jardin, afin de faire aller lapelle. Puis, au fur et à mesure que produi-saient les plants, une journée de chantiers’est ajoutée au cours de l’été. On se retrou-vait donc tous les mercredis au lieu quideviendra plus tard l’Auberge des Q deplomb (cf. p. XI) pour transformer leslégumes en coulis de tomates, ratatouilles,ou encore haricots en conserves.

Qui plus est, le labeur n’a pas profité qu’aucollectif. Des kilos de légumes ont étéenvoyés en soutien aux sans-papiers deNantes, par exemple, et pratiquement toutesles semaines, les habitant.e.s de la zonepouvaient se procurer à prix libre deslégumes au non-marché.

Avec le froid, le rythme se relâche un peu ;les cultures d’hiver remplacent les tomatesdans la serre et l’engrais vert occupe lesbuttes extérieures. En attendant la pro-chaine saison. n

Le collectif de la Riotière

Aux 100 Noms La prospère Riotière

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Le Rouge et Noir est un projet de petitmaraîchage d’un demi-hectare. Onest cinq référent.e.s à y penser les cul-

tures, à les suivre toute l’année et à assu-rer les arrosages et récoltes, mais la plusgrande partie du boulot est faite lors d’unejournée de chantier collectif hebdomadaire,ouvert à tou.te.s. Selon la saison, on y estentre 5 et 30, dont certain.e.s qui viennentpresque toutes les semaines et d’autres quine passent sur la Zad que pour quelquesjours. Ça nous permet de produire deslégumes sans y passer tout notre temps etd’avoir un moment régulier d’échange etd’accueil.

Notre production contribue à nourrir noscamarades de luttes et nos voisin.e.s quiviennent au non-marché, un moment departage hebdomadaire des récoltes, pro-ductions, trouvailles. C’est à prix libre, cha-cun-e prend ce dont il/elle a besoin et metce qu’il/elle peut ou veut dans la caisse. Onfonctionne avec la caisse collective de Sèmeta Zad : tous les projets participants met-tent en commun leurs dépenses, et oncherche ensemble des moyens pour finan-cer les projets (prix libre, vente de soutien,appel à dons, fêtes…). On essaye de ne pasêtre dans des logiques de « rentabilité » dechaque projet, et que la vente de ce dont

tout le monde a besoin pour vivre ne soitpas une nécessité.

Le Rouge et Noir a commencé commeune action lors de la manifestation d’oc-cupation Sème ta Zad, au printemps 2013,après la vague d’expulsions de l’automne2012. A ce moment là, ça ne paraissait pasgagné qu’on ait le temps de faire une récolteavant de se faire expulser ! Mais on est tou-jours là, et on compte bien continuer long-temps à contribuer à faire vivre une agri-culture vivrière collective sur ce territoireoù il est possible d’imaginer sortir deslogiques économiques marchandes. n

Le collectif du Rouge et Noir

Le Rouge et Noir

Dossier

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / IX

13 avril 2013 : la manif qui lancele mouvement Sème ta Zadréaffirme l’occupation des

terres comme moyen de lutte, et, avec l’aided’un comité aveyronnais, nous installonsune cabane sur les ruines d’une fermedétruite pendant l’opération César, à côtéde la ferme de Saint-Jean-du-Tertre. Un anplus tard, le mouvement occupe aussi cettedernière, et nous y installons une meune-rie, des cellules de stockage et un atelier demécanique agricole.

Nous ne sommes pas paysan.ne.s maisnous sommes attiré.e.s par l’appropriationde techniques et de savoirs vitaux.

À Saint-Jean-du-Tertre aujourd’hui, lameunerie tourne pour les habitant.e.s de

la Zad, des ami.e.s des alentours et d’autrescomités. Nous avons semé et récolté avecdes collectifs de différents endroits enFrance. La farine qui en est issue alimenteles boulangeries de la zone et partiraappuyer d’autres luttes, comme à Rennesou à Calais. Autant que pendant lesmoments de défense du foncier et lesaffrontements, le brassage et les échangesdans le travail commun sont rendus plusriches par l’absence de contraintes insti-tutionnelles ou marchandes.

Si nous avons décidé de cultiver, c’estparce que nous avons choisi de prendre partau conflit qui est né sur les questions dela terre et de son usage. Conflit qui sejoue avec l’État et Vinci, mais aussi au

sein du monde agricole, et même au seindu mouvement de lutte, concernant lerapport à la nature. Cultiver ici c’est s’or-ganiser pour tenir des rapports de force,lors de prises de terres par exemple, c’estse les répartir dans des réunions semes-trielles, en discuter l’usage. Au-delà de lapossibilité d’alimenter une force politiqueautonome, de partager le travail agricoleet le plaisir de son fruit, il s’agit deconstruire les conditions politiques et exis-tentielles pour assumer les conséquencesd’un décrochage réel et durable avec lesinstitutions. C’est tout cela que nousentendons par processus de « communi-sation » des terres. n

Le groupe céréales

Opération Sème ta Zad, semailles en mai 2014.Sème ton blé

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Notre collectif, composé et recom-posé au fil des années, s’est installédans les bâtiments de l’ancienne

ferme de Saint-Antoine, suite aux expulsionsil y a trois ans. Avec un goût dingue pourl’organisation de concerts enfiévrés sur desstyles de musiques expérimentales et sou-vent inouïes, nous essayons de faire porte-voix pour de nombreux groupes et artistesde passage qui viennent nous délivrer, entreautres, leurs messages de soutiens poé-tiques à la Zad. Pour le public, ces concertset spectacles sont des occasions attenduespour lâcher les corps et chauffer les âmes,s’écarquiller les oreilles et se déboucher lesyeux.

Au fil des mois et des années, nous avonstenu aussi à ce que les lieux puissent ser-vir à un tas d’activités politiques, au hasard :

cyclocamp international, assembléeReclaim the Fields (1), réunions « Construirele futur de la Zad », rencontres vidéosautogérées, projections et discussions régu-lières. C’est aussi un lieu pour s’essayer,répéter ou s’entraîner : graf, musiques,danses, cirque, self-défense, tatouage...Une seconde « piste » vient d’être ouvertedans une sublime grange baptisée selonl’humeur SBAM (Salle de Boxe Alain Mus-tière) (2) ou SPJMA (Salle Polyvalente Jean-Marc Ayrault).

Il y aussi la Smala, un chantier en traind’aboutir après des mois de gestation. Dansla maison d’origine de la ferme et dansune grange attenante, la Smala est desti-née à accueillir les enfants de passage etles adultes qui les accompagnent. Ni école,ni crèche, nous voulons en profiter pour

favoriser la réflexion sur la place des enfantsdans la lutte, en leur ouvrant un espace prio-ritaire au milieu de la fourmilière deszadultes.

Avec ce qu’il nous reste de temps, nouscultivons tout de même à la Wardine, surdeux jardins et une serre magnifiques,pour abonder la grande tablée quotidienne,voire pour petit à petit en refiler à l’exté-rieur. Dehors, dans le potager multiformequi enserre tous les bâtiments, on est encontact direct avec la nature incroyablede la Zad. n

Le Collectif de la Wardine

(1) Reclaim the Fields est une « constellation », un réseaude gens, jeunes et moins jeunes, qui portent un projet col-lectif et international de retour et de réacccès aux terrespour réassumer le contrôle de la production alimentaire :www.reclaimthefields.org(2) Leader local des « pro aéroport ».

À Saint-Jean-du-Tertre, sur une fermesauvée de la destruction, Wilhemconstruit son avenir paysan dansl’élevage laitier, en bio, en synergie avectoutes les autres activités de la Zad.

Saint-Jean-du-Tertre, c’est le nomd’une victoire. En avril 2014, le mou-vement de lutte contre le projet d’aé-

roport obligeait la préfecture à suspendrel’expulsion et la destruction de cette ferme.J’étais l’un des quatre occupants à avoirinvesti les lieux pour « préserver et amé-liorer l’existant afin de permettre une ins-tallation agricole ». Très vite, des activitésse sont mises en place dans le hangar atte-nant: la meunerie, l’atelier mécanique. J’étaisencore pour ma part salarié à plein-tempsdans une ferme du Sud de la Loire (1).

En décembre, suite au départ de deux co-habitants, je suis venu à Saint-Jean à plein-temps. Une semaine plus tard, j’avais troisgénisses. Aujourd’hui, je m’occupe de quinzejeunes bovins qui m’ont tous été donnés.Parallèlement je suis en stage chez Sylvieet Marcel (cf. p. IV), via la Ciap (2). Mon pro-jet d’installation n’a pas beaucoup variédepuis ma sortie du brevet professionnel(BPREA) en juin 2013 : c’est de vivre d’uneferme avec 25 à 30 vaches laitières, élevéesà l’herbe et en bio. Ce qui change avec laZad, ce sont les perspectives que ça ouvre.Sur les 60 hectares qui constitueront, je

l’espère, le parcellaire, une partie de l’asso-lement sera partagée avec mes camaradesdu groupe céréales, et des prairies humidespourraient devenir des communaux.

S’installer sans s’endetter, mettre en placeun outil facilement transmissible qui puisseaussi faire vivre d’autres personnes par dela transfo ou d’autres ateliers, avoir de nom-breux voisin.e.s et devenir fermier d’uneterre devenue propriété collective : tels sontles enjeux qui m’attachent ici.

Aux multiples avantages nés de la lutteou encore à construire s’ajoutent les atoutsplus anciens du monde agricole local : uneCuma intégrale à Notre-Dame-des-Landes(le matériel n’est pas mon fort), desréseaux paysans remuants qui ont fondéle Copain, etc.

En attendant la première venue du laitier(Biolait), des batailles restent à mener : fairetomber le projet d’aéroport, mais aussigagner la guerre du foncier. Il serait injusteque les terres sauvées par le mouvementde lutte aillent à l’agrandissement de fermesqui en ont déjà bien assez, surtout quandles exploitants ont négocié avec AGO-Vinci.Nous avons l’occasion de créer quelquechose de nouveau : saisissons-la ! n

Wilhem

(1) Le département de la Loire-Atlantique est « coupé » endeux par le fleuve Loire. Notre-Dame-des-Landes est au nord.(2) Créée par des paysans et organisations membres ouproches de la Confédération paysanne, la Ciap de Loire-Atlantique est une société coopérative d’intérêt collectif(Scic). Elle accompagne des porteurs de projets agricolesvers l’installation et la pérennité de leurs activités, enmobilisant toutes les compétences des territoires et cellespropres à la coopérative. Cf. CS n° 305 (mars 2015).

La Wardine La Zad est aussi un champ des possibles pour des quantités d’activités non agricoles : radio, cantine, mécanique, sans parler d’unactivisme libéré de contraintes... La Wardine tente, parmi d’autres, de donner des moyens matériels pour ces autres activités.

En attendant la première venue du laitier

X \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Dossier

Wilhem et ses veaux, en septembre 2015

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Dossier

I l a été réfléchi au sein d’une assembléerégulière ayant pour objet de penser àl’avenir des terres une fois le projet

d’aéroport abandonné, assemblée quiregroupe des personnes issues des diffé-rentes composantes du mouvement delutte. Ce texte a été longuement débattu,à plusieurs reprises, dans de multiples com-posantes et espaces d’organisation dumouvement.

Nous défendons ce territoire et y vivonsensemble de diverses manières dans unriche brassage. Nous comptons y vivreencore longtemps et il nous importe deprendre soin de ce bocage, de ses habi-tant.e.s, de sa diversité, de sa flore, de safaune et de tout ce qui s’y partage.

Une fois le projet d’aéroportabandonné, nous voulons :

1 – Que les habitant.e.s, propriétaires oulocataires faisant l’objet d’une procédured’expropriation ou d’expulsion puissent res-ter sur la zone et retrouver leurs droits.

2 – Que les agriculteurs et agricultricesimpacté.e.s, en lutte, ayant refusé de plierface à AGO-Vinci, puissent continuer decultiver librement les terres dont ils-ellesont l’usage, recouvrir leurs droits et pour-suivre leurs activités dans de bonnes condi-tions.

3 – Que les nouveaux habitant.e.s venu.e.soccuper la Zad pour prendre part à la luttepuissent rester sur la zone. Que ce qui s’estconstruit depuis 2007 dans le mouvementd’occupation en terme d’expérimentations

agricoles hors cadres, d’habitat autocons-truit ou d’habitat léger (cabanes, caravanes,yourtes, etc), de formes de vies et de luttes,puisse se maintenir et se poursuivre.

4 – Que les terres redistribuées chaqueannée par la chambre d’agriculture pourle compte d’AGO-Vinci sous la formede baux précaires soient prises en chargepar une entité issue du mouvement delutte qui rassemblera toutes ses com-posantes. Que ce soit donc le mouve-

ment anti-aéroport et non les institutionshabituelles qui détermine l’usage de cesterres.

5 – Que ces terres aillent à de nouvellesinstallations agricoles et non agricoles, offi-cielles ou hors cadre, et non à l’agrandisse-ment.

6 – Que ces bases deviennent une réalitépar notre détermination collective. Et nousporterons ensemble une attention àrésoudre les éventuels conflits liés à leursmises en œuvre.

Nous semons et construisons déjà unavenir sans aéroport dans la diversité etla cohésion. C’est à nous tout.e.s, dèsaujourd’hui, de le faire fleurir et de ledéfendre. n

Parce qu’il n’y aura pas d’aéroportCe texte en 6 points a pour but de poser les bases communes nécessaires pour se projeter sur la Zad une fois le projetd’aéroport définitivement enterré.

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / XI

Nous découvrons le vrai visage de Vinci…Ironie de l’histoire, c’est en pleine négociation de la Cop 21 que tous les occupant.e.s histo-riques de la Zad, 17 habitant.e.s et paysan.ne.s, se retrouvent assignés en référé expulsion le10 décembre 2015 à Nantes. AGO-Vinci demande l’expulsion sans délai des occupant.e.s his-toriques, protégé.e.s par l’accord politique de la grève de la faim de 2012 (pas d’expulsionavant la fin des processus juridiques de tous les recours), accord prolongé lors des munici-pales pour prendre en compte les recours sur l’environnement jusqu’à épuisement.« AGO-Vinci a donc l’honneur de demander à la juridiction de l’expropriation :• d’ordonner l’expulsion immédiate et sans délai, et ce sous astreinte de 200 euros par jourde retard ;• d’autoriser AGO à faire procéder à cette expulsion, au besoin avec le concours de la forcepublique et d’un serrurier ;• d’ordonner l’enlèvement et la séquestration de tous les meubles, animaux, matériels entre-posés sur les parcelles aux frais, risques et périls des occupants ».Le 10 décembre, l’audience s’est conclue par un retrait du rôle. Cela signifie que la demandeest retirée, mais elle peut être réinscrite début janvier, car « le gouvernement a prévu que lestravaux redémarrent en janvier… »

Sylvie et Marcel Thébault

Construire la Zad, le fimÀ voir : le film vidéo « Une réponse à la

Cop 21 et à son monde : construire la Zad »,

25 minutes pour mieux connaître et voir cer-

taines réalisations sur la Zad, de la meune-

rie et boulangerie à la Curcuma et à l’au-

berge du Limimbout, lieu collectif construit

par les zadistes à partir de l’ancienne écu-

rie d’une ferme menacée d’expulsion…

youtube. com/watch? v = CjTfxgHkmXA

L’Auberge des Q de plombs : cet été, un grand chantier public de rénovation de la grange du Liminbout apermis de rénover un bâtiment (charpente, couverture en ardoise, maçonnerie) pour y installer une conser-verie, une auberge et une salle de banquet.

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Toutes celles et tous ceux qui sont allésun jour à Notre-Dame-des-Landes ontpu voir la formidable vie qui règne là.

De nombreuses initiatives se font jour. De mul-tiples formes de vie cohabitent, on y réinventele vivre ensemble, la démocratie locale, la tolé-rance… Bref, prendre les différences comme desadditions et non pas comme des divisions.

Il y a sur cette Zone à défendre des gensqui se réapproprient le métier de paysan, desfemmes, des hommes qui luttent et qui pro-duisent : légumes, céréales, lait, viande… Lagamme des productions présente sur cecoin de terre est à l’image de ce « pays ».

Il y a aussi des familles de paysans « his-toriques » qui sont dans des systèmes deproduction traditionnels, des gens plus âgésaussi qui sont nés dans ce pays, qui le fontvivre, qui donnent cette âme particulière àcette terre de résistance si inspirante pourtout un tas d’autres combats…

Ainsi, depuis des décennies, des femmes etdes hommes résistent par leur présence, parleur activité agricole, par leurs choix de viescomplémentaires et si importants pour faireéchec à un projet d’aéroport d’un autre temps.

Certains et certaines sont paysans depuisdes années sur cette petite commune de

Loire-Atlantique, d’autres les ont rejoints dansleur lutte et se réapproprient cette zone vouéedans la tête de nos énarques à de vastesétendues de goudron et de béton… Touteset tous ont un point commun: imaginer unautre rapport à la vie, un autre rapport au déve-loppement qui fait de nous, paysannes etpaysans, la simple variable d’ajustement desprofits sans fin des multinationales.

Alors, au lendemain d’une Cop 21 que ladiplomatie française qualifie de succès his-torique, le gouvernement Valls/Cazeneuvese prépare à tout faire pour « nettoyer » laZad, le « kyste » comme le qualifiait avecbeaucoup de classe le Premier Ministre il ya quelque temps.

Deux logiques s’affrontent donc…D’un côté la vie, les projets alternatifs, des

femmes et des hommes qui vivent, sim-plement qui font leur vie sur ce territoire…et de l’autre côté une logique policière etrépressive profitant de l’état d’urgence pourtraduire devant les tribunaux les « histo-riques » de la zone, pour assigner à résidenceles militants/opposants à ce projet d’aéro-port. Un gouvernement aux abois, miné parses échecs économiques, sociaux et élec-toraux, qui fonce à toute vitesse dans une

politique sécuritaire vouée inévitablementà l’Impasse.

Nous, à la Confédération paysanne, sommesfarouchement opposés à ce projet inutile.

La terre se doit d’être à la disposition despaysans, de la production alimentaire.Chaque fois que les multinationales et lob-bies du bétonnage arrachent des gouvernantsun nouveau projet inutile et nous l’imposent,nous perdons pied sur notre métier, notrefonction, notre capacité à faire vivre et à vivrede l’agriculture et de l’alimentation !

Alors, si d’aventure le gouvernement socia-liste tente le passage en force en début d’an-née sur la Zad, nous, paysans confédérés,serons là pour revendiquer le droit fonda-mental des paysannes et des paysans à dis-poser de la terre comme socle universel surlequel ils et elles travaillent et créent leurs vies.

Bref, les habitants de Notre-Dame-Des-Landes pourront compter sur la forte mobi-lisation du réseau de la Confédération pay-sanne pour s’opposer de quelque manièreque ce soit aux petits soldats de Valls, qu’ilsportent l’uniforme Vinci ou celui des gardesmobiles ! n

Laurent Pinatel, paysan dans la Loire,

porte-parole national de la Confédération paysanne

XII \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Dossier

Notre-Dame-des-Landes, terre de luttes, terre de vies!

Toutes et tous à Notre-Dame-des-Landes le 16 janvier 2016 !Suite aux procès « ajournés » du 10 décembre 2015 visant à expulser les habitant.e.s historiques (cf. p. XI), et dans un climat d’annonces d’ex-pulsions et de reprise de travaux au début de l’année 2016, montrons à l’État et Vinci que nous ne nous laisserons pas faire !Le mouvement contre l’aéroport appelle à une grande journée de mobilisation le samedi 16 janvier.Pour la région nantaise, une tractovélo et une marche piétonne se préparent.Les comités de soutien et tou.te.s les opposant.e.s sont appelés à imaginer dès maintenant comment participer à cette journée par des actionssimilaires (ou autres), dans leurs régions, ou à nous rejoindre.Des membres de diverses composantes de la lutte de NDDL (dont l’Acipa, l’Adeca, Copain, des occupant.e.s de la Zad) réunis en AG le 14 décembre 2015À suivre sur : http://zad.nadir.org ou www.acipa-ndl.fr

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Il n’y a vraiment pas besoin d’un nouvel aéroport à Nantes !À Nantes, il y a déjà un grand aéroport – Nantes Atlantique – et il peut être aménagé pour accueillir davantage de passagers, àun bien moindre coût que la construction d’un nouvel aéroport.

Association « indépendante etnon politique de dialogue,d’idées et d’expertises », l’Ate-

lier citoyen travaille sur le réaména-gement de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Il publie un documentsynthétique contredisant l’impossi-bilité d’aménager l’aéroport existantet la nécessité d’en construire unautre. Ce sont les « 10 vérités quidérangent », téléchargeables pour saversion complète sur le site del’Acipa (1).

Idée 1 – Nantes-Atlantique, l’aé-roport international de Nantes,peut être conservé et amélioré surson emprise actuelle pour accueillirdavantage de passagers, pour uncoût tout à fait raisonnable.

Aérogare, parkings, circulationautour de l’aéroport… tout peut êtrerestructuré pour réorganiser les cir-cuits de façon optimale, tant pour leconfort des passagers que pour l’ac-tivité des compagnies aériennes.L’agrandissement de l’aérogare estpossible dès à présent, puis ulté-rieurement si nécessaire, en fonctionde l’évolution du trafic.

2 – La piste unique de l’aéroport néces-site seulement des travaux de rénova-tion. Lors de la prochaine opération deresurfaçage, il sera possible de corrigerles creux du profil actuel de la pisteD’autres travaux permettront d’amélio-rer son efficacité et de réaliser des misesen conformité nécessaires. Le coût del’ensemble – 25 millions d’euros – esttout à fait cohérent avec diverses réno-vations récentes de pistes, comme àParis-Roissy.

3 – Les trajectoires d’arrivée et de départde Nantes-Atlantique peuvent être revuesde façon à contribuer à fluidifier le trafic.Cela a été fait à Marseille, Toulon, Lyon. ÀNantes, c’est tout à fait réalisable. Certainséquipements pour améliorer la sécuritésont présents et disponibles sur le site,dans des cartons. Ils ne sont tout simple-ment pas mis en place.

4 – La desserte de Nantes-Atlantique entransports en commun est facilement réali-sable. Avec deux possibilités : la prolonga-tion sur deux kilomètres d’une ligne detramway – qui desservirait aussi au passageune zone d’activité où travaillent 8000 per-sonnes – ou une desserte ferroviaire quipeut être réactivée par une rénovation de lavoie existante qui arrive à l’aéroport. Coûtde ces options : entre 25 et 50 millions d’eu-ros. Contre 150 millions pour le projet detram-train prévu pour desservir Notre-Dame-des-Landes, avec un déficit annuel déjàestimé officiellement à six millions d’euros.

5 – Pratiquement tous les acteurs seraientfinancièrement gagnants avec le maintiende Nantes-Atlantique, surtout les collecti-vités locales. Avec Notre-Dame-des-Landesoù toutes les voies d’accès sont à créer, cescollectivités dépenseraient énormémentd’argent (920 millions d’euros), quand pourNantes-Atlantique, elles n’auraient à finan-cer qu’une desserte en tram ou train, pour

50 millions d’euros maximum. Seulesles banques verraient fondre leurgain, de manière importante il estvrai…

6 – Au total, conserver et rénoverNantes-Atlantique coûtera huit à dixfois moins cher que de construireNotre-Dame-des-Landes.

7 – Nantes-Atlantique maintenu nesignifie pas plus de personnes sou-mises aux nuisances sonores, aucontraire. D’autant que la réduction deszones de bruit s’observe sur la quasi-totalité des aéroports dans le mondeet va se poursuivre avec l’arrivée, encours, d’une nouvelle génération d’ap-pareils nettement moins bruyants.

8 – Le maintien de Nantes-Atlan-tique consoliderait le pôle écono-mique le plus important du sud deNantes, en particulier Airbus. Le sudLoire, moins pourvu d’emplois quele nord Loire, conserverait les1800 emplois menacés de transfert.En outre, l’arrivée d’une desserte entransports en commun de la plate-

forme bénéficierait à un vaste tissu indus-triel et de recherche.

9 – L’aérogare de Nantes-Atlantique peutréduire de 40 % et diviser par trois sesémissions de gaz à effet de serre. Une réno-vation thermique et un travail approfondisur l’usage de l’énergie permettraient d’ar-river à de telles améliorations.

10 – Les frais de résiliation que l’Étatdevrait payer à AGO-Vinci aujourd’hui encas d’arrêt du projet de Notre-Dame-des-Landes seraient de 150 à 250 millions d’eu-ros. Un montant nettement plus suppor-table que les sommes astronomiques quiont été avancées. En outre, étant donnéque la gestion de Nantes-Atlantique apporteà AGO-Vinci des bénéfices substantielssans que ce consortium ait rien débourséau départ, ces frais de résiliation devraientpouvoir être largement réduits. n

(1) www.acipa-ndl.fr

Dossier +

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / 11

Vue aérienne de l’aéroport Nantes-Atlantique

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Internationales

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Cet automne, maraîchage,transformation et petite mécanisationétaient au programme de paysanscongolais, en visite en Bretagne dansle cadre d’échanges qui ne fontque commencer.

En 2013, une délégation de paysansbretons était allée visiter des fermes auCongo Brazzaville, dans la région de

la Bouenza (voir CS N° 290). Comme pro-mis alors, ce sont cinq paysans congolais quisont venus cet automne 2015 faire un tourde la diversité des agricultures de chez nous.Organisés en trois groupes, chacun avait unthème à étudier: maraîchage, transformationcarnée et petite mécanisation.

An Congo, l’agriculture se pratique à lamain, comme du jardinage ; il n’y a jamais

eu de traction animale. C’est un travail dif-ficile, surtout effectué par les femmes. Aussiles jeunes de maintenant rechignent à tra-vailler autant que leurs parents. Ils déser-tent la campagne pour trouver du travailmoins physique en ville. C’est ce constat,entre autres, qui a guidé la maire de la villede Mouyondzi pour envoyer cette déléga-tion de paysans et d’employés commu-naux, soucieux de lutter contre cet exode,l’idée étant qu’une mécanisation efficaceincitera les jeunes à rester à la terre.

Ces cinq paysans ont eu un programmebien chargé, tant nous avions de choses àleur faire voir dans le Morbihan, en Ille-et-Vilaine et dans les Côtes-d’Armor. Ils ontvu la traite des vaches et des brebis, lafabrication du fromage, la culture deslégumes, la récolte des pommes de terre ;

ils ont tenu des stands sur les marchés,visité la foire bio de Guichen, discuté avecdes employés communaux ; ils ontdéchaumé, semé des céréales, tondu despelouses ; ils ont goûté le cidre et la galetteet jusque tard dans la nuit ; ils ont échangésur nos pratiques, tant leur soif d’apprendreétait grande.

Le séjour s’est inévitablement terminéautour d’une bonne tablée à la ferme pay-sanne et tellement accueillante de Gilles etVéro(1). Le saka saka, plat traditionnel congo-lais cuisiné par Martineze a été unanime-ment apprécié. Quelques verres de cidre oude bon bourgueil ont facilité les discus-sions. C’est dans ces moments-là, passéminuit, que de grands projets se montent.Nous avons tous promis d’aller à nouveauau Congo afin de continuer cet échangemutuel qui ne fait que commencer. Car laBretagne est désormais jumelée avec laBouenza. n

Paul Mauguin,

paysan dans le Morbihan

(1) fermedelahaye.wordpress.com

Maraîchers dans la Bouenza, gre-nier du Congo, Antoine Banga etJean Philippe Dhandou, ont eu

l’opportunité de travailler avec plusieursmaraîchers bretons. Ils ont d’abord pré-cisé avoir rencontré des gens accueillantset généreux et fait de vraies découvertes.

Actuellement, Antoine Banga travaille enfamille avec sa femme, trois des enfants etses deux sœurs sur 1,5 hectare. Il est pro-ducteur d’arachide, de manioc, cultive dumaïs avec un peu de maraîchage. Il vendsur le marché local de Mouyondzi et à lagrande ville de Pointe Noire. À son retour

au pays, il va travailler à la préparation decaves pour la conservation des ignames, descourgettes et des fruits, réfléchir au renou-vellement d’étalages de séchage sur les mai-sons pour les courges et les arachides. Il sou-haite construire de petits tunnels pourréguler les quantités d’eau et de soleil… Ilva préparer un lieu pour faire du compostde qualité. Tous ces éléments techniquessont importants, mais Antoine précise qu’ilva devoir calculer les rendements et faireun résultat économique. La création d’unecoopérative de microfinance serait bénéfiquepour encourager à rester tous les jeunes qui

quittent la campagne pour moins bien vivreen ville. Et il conclut : « Je suis admiratifdevant votre organisation efficace et votre tra-vail collectif, tant sur la technique que surl’économie. »

Quant à Jean Philippe, maraîcher surdeux hectares et président d’une coopé-rative de dix adhérents à Mouyondzi, ilfournit les revendeurs. Il rêve d’un paysplus autonome, car aujourd’hui le Congoimporte 80 % des produits alimentaires.Il est excédé de voir les Chinois acheterla terre pour produire et exporter tous lesproduits. Mais il ajoute « J’ai découvert

Paysans bretons, congolais et élus à Rostrenen (Côtes-d’Armor), le 4 novembre. Nos amis congolais ontété accueillis dans plus d’une cinquantaine de fermes pour visiter et découvrir nos pratiques. Ils repartentavec plein d’idées et de motivations. Ils nous ont beaucoup remerciés pour notre accueil et notre généro-sité. Pour Gilles : « Mon séjour en France est une grande histoire de ma vie ». Un grand défi les attend main-tenant : voir comment adapter toutes ces découvertes sur leur territoire.

Congo Un partenariat entre paysans congolais et bretons

Antoine et Jean-Philippe vont tester les techniques maraîchères bretonnes au Congo

Pointe Noire

Brazzaville

Mouyondzi

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beaucoup de choses ici, des variétés de tomates,de poivrons, choux, carottes et céleri-rave..Pauline et David m’ont fait faire de la pépi-nière, la base du maraîchage . J’ai découvertdes outils que je pourrais fabriquer avec monfrère, forgeron. Nous pourrons créer uneCuma pour acquérir du matériel. J’ai aussiappris l’entretien de ces motoculteurs. J’aimême découvert l’apiculture, car les abeillessont nombreuses au Congo....Tout cela m’abeaucoup plu, je suis plein d’idées pour faireavancer le maraîchage dans mon pays.» n

Marie-France André,

paysanne en Ille-et-Vilaine

Agriculteurs éleveurs à Mouyondzi,Martineze Mbondo-Kimouanga etJean Zala Mboungou ont décou-

vert les pratiques paysannes d’élevage devolailles et de porcs en Bretagne : « On estallé d’une famille à l’autre, chez des gens quifont des choses très différentes. » Missionnéspar la maire, Anne Marie Kabalan, et leCena (1), leur objectif était de découvrir destechniques simples, adaptables chez euxaussi bien en élevage qu’en transformation.Pour Jean : « En venant ici, nous nous sen-tons des responsabilités vis-à-vis de ceux quinous ont choisis. » Martineze : « On a apprisavec tout le monde ! Exemple : l’utilisation de

la paille. Chez nous, les pailles sont brûléesalors qu’elles pourraient faire une bonne litière,puis un fumier utilisable pour les champs ».Mais, ajoute Jean, « ramasser la paille veutdire aussi trouver le moyen de la protéger despluies ! ». « Nous avons appris à tuer et pré-parer les poulets pour la vente, avec son corol-laire, l’hygiène de l’abattage. Au Congo, onvend les poulets vivants au marché », pour-suit Martineze. En élevage de porc, chezThierry et Chantal, « nous avons compris queles porcs ont besoin d’un certain confort pourbien grossir, de bonnes vermifugations et unmeilleur équilibre de la ration, en apportantdu maïs écrasé plutôt que des épis entiers

comme on le fait chez nous, plus un petit ajoutde protéine. Nous sommes également trèscontents d’avoir castré des porcs, ce que nousn’avions jamais fait avant. Très importantaussi pour nos élevages, la découverte desenclos pour cochons faits de fils de clôtureélectrifiés. En effet, au Congo les cochons sontplus ou moins laissés en liberté, et cela devientun problème car désormais les voisins peuventtuer les porcs en divagation. » C’est une vraiedécouverte, mais il manque le poste de clô-ture : « L’idéal serait des appareils solaires »,dit Jean, fermement décidé à régler ce pro-blème. Chez Franck, ils ont découvert letravail de la viande de porc dans un ate-lier suffisamment simple « pour être réali-sable chez nous, car nous voulons transfor-mer le cochon pour mieux s’en sortir ».

Prudents et bien décidés à faire le tri detoutes leurs découvertes et à appliquer ouadapter certaines techniques dans leurpropre ferme avant de les divulguer, Mar-tineze et Jean se disent très contents de lafaçon dont ils ont été accueillis. Ils repar-tent avec, selon leur propre expression,« des livres pleins la tête car ce voyage estcomme un grand livre ». Ils laissent derrièreeux des paysans et des paysannes heureuxd’avoir eu des échanges intenses et cha-leureux, mais un peu nostalgiques de lesvoir rentrer si vite au pays. n

Chantal Thomas,

paysanne dans les Côtes-d’Armor

(1) Le Cena, Concensus des élus pour une nouvelle Afrique,est un organisme regroupant des élus locaux européens etafricains dans le but d’initier, promouvoir et développer despartenariats entre collectivités territoriales, avec le soutiendes diasporas.

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / 13

Internationales

Jean Zala Mboungou rêve d’une clôture pour lutter contre les divagations des animaux.

Jean Philippe Dhandou et Antoine Banga dans unepépinière maraîchère. Dans les Côtes-d’Armor,

ils ont passé deux semaines à la ferme maraîchèrede Kergalaon, chez Dominique Boutouiller.

Martineze et Jean chez les paysans éleveurs de porcs et de volailles

…/…

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Agriculture paysanne

Et dire que ça aurait pu être un camp militaire !À 700 kilomètres de Notre-Dame-des-Landes, le Larzac est le symbole d’une lutte réussie contre un grand projet inutile, celuid’agrandissement – de 3 000 à 17 000 hectares – d’un camp militaire. Phénomène unique en France : le plateau compteaujourd’hui plus de paysan.ne.s qu’en 1981, à la fin de la lutte. Tels ceux de la ferme des Truels.

Créé en 2001 sur une ferme emblé-matique de la lutte des années1970 contre l’extension du camp

militaire du Larzac, le gaec des Truels (1)

compte aujourd’hui 5 associés : ThierryCastelbou, Julien Bernard, Yoan Caren-sac, David Bonhomme et Frédéric Prunet.Leur histoire sur le site est plus ou moinsancienne : Thierry est arrivé sur la fermeen 1990, du temps de la communauté del’Arche (cf. encadré : « Une ferme histo-rique »). David en 2004, Julien en 2007,Frédéric en 2012, ont précédé le plusrécent associé, Yoann, arrivé en 2014. Ilsproduisent du lait de brebis et de chèvre,transformé en fromages, ainsi que du blépour la fabrication du pain. L’intégralitédes productions est valorisée grâce à lavente directe.

La ferme couvre 200 hectares, dont 143de surface agricole utile, principalementconstituée de parcours. Ça peut paraîtrebeaucoup, mais sur les terres très pauvresdu Causse du Larzac, c’est bel et bien unepetite ferme.

Les pôles élevage et transformation fro-magère fonctionnent en binômes : Davidet Frédéric travaillent sur l’élevage, Julienet Yoan en fromagerie. Pendant la saisonfromagère, courant de janvier à septembre,chacun est également responsable d’unmarché chaque semaine. Thierry, lui, estpaysan-boulanger : il fabrique du pain

deux à trois fois par semaine, suivant la sai-son. Les travaux du sol et les gros chan-tiers sont réalisés par l’ensemble des asso-ciés. Le fonctionnement à cinq permet dedégager du temps libre et des vacances,réparties collégialement lors de réunionsmensuelles.

Aujourd’hui, chaque membre du gaec aune journée de libre par semaine en périodede production. Durant celle-ci, chacuneffectue à peu près 50 heures de travailhebdomadaire, incluant la préparation etla vente sur les marchés. De septembre àdécembre, une fois la traite terminée, lerythme ralentit et les associés comptentchacun une trentaine d’heures d’astreintepar semaine. Chaque paysan peut dès lorss’autoriser à prendre un mois de vacances,à tour de rôle. Puis revient la période desmises bas en janvier, peu avant la reprisede l’activité fromagère.

La fabrication et la vente du pain couvrent,elles, l’ensemble de l’année. Le pain estvendu sur trois marchés. « Nous cultivonsun mélange de plusieurs variétés de blé, pourune meilleure panification, précise Thierry.La farine est faite sur place, avec un moulinAstrié, au fur et à mesure des besoins. Le painest fait exclusivement au levain, cuit dans unfour à bois. » (2)

Au fil des années, la gamme des produitss’est étoffée : à côté du pain, on trouvedivers fromages, des « chèvres » de type

lactique (à pâte fraîche) et « brebis »(tomme, recuite, pérails et caillé).

La vente directe permet de valoriser aumaximum la production et d’avoir desretours sur le travail et la qualité des pro-duits. Les membres du gaec étant attachésà l’accessibilité des produits de qualité, ilsont fixé les prix afin qu’ils soient abor-dables au plus grand nombre.

La situation financière est très saine (cf.encadré : « Situation financière »), avec unbon excédent brut d’exploitation, un faibletaux d’endettement (11 %) et une faibledépendance aux aides publiques (18 % duproduit brut). Seul petit bémol : la néces-sité d’achat de fourrages et des aliments dutroupeau, à hauteur de 31624 euros (en2012).

Fermiers de la Société civiledes terres du Larzac

La totalité des apports organiques provientdu fumier composté produit par le trou-peau. Pour les soins vétérinaires, les pay-sans font appel à l’Association vétérinaires-éleveurs du Millavois (le Millavois étant larégion de Millau, NDLR) qui regroupe157 élevages et salarie quatre vétérinaires,privilégiant l’approche globale des systèmesd’élevage, à travers la prévention et la for-mation des éleveurs (3).

Le gaec verse à la Société civile des terresdu Larzac (SCTL) un fermage de5 000 euros par an pour la location dufoncier et du bâti non agricole du hameau(cf. encadré : « Une ferme historique »).Les installations agricoles dans le cadre dela SCTL sont facilitées grâce à des inves-tissements moindres et l’accessibilité à l’ha-bitat. Pour l’installation de Yoan, en 2014,le montant des investissements de départreprésentait environ 52 000 euros, dont20 000 euros de bâti pour la maison d’ha-bitation et 32000 euros de parts pour l’en-trée dans le capital du gaec. Grâce auxaides « Jeune agriculteur », de l’ordre de32 000 euros, Yoan a pu s’installer en s’af-franchissant de lourds emprunts auprès desbanques.

Aujourd’hui, les associés souhaitent pour-suivre leur démarche orientée vers leursobjectifs de départs :

• vivre à plusieurs sur une petite struc-ture ;

Une ferme historiqueEn 1974, le ministère de la Défense cherche à acheter 6 300 hectares dans le cadre de sonprojet d’extension du camp militaire du Larzac. Le hameau des Truels n’est déjà plus habitédepuis des années, et le propriétaire de l’époque choisit de vendre la ferme à l’État. Le 7 avril1974, des militants locaux et des membres de la communauté non-violente de l’Arche, dontle philosophe Lanza del Vasto (1), viennent occuper le lieu habité par les militaires. La cohabi-tation ne durera que quelques jours avant le départ de l’armée. S’en suivent sept ans de luttescontre l’extension du camp, de vie communautaire, la formation d’un troupeau de brebis grâceaux dons des paysans alentours, et petit à petit la fabrication et la vente de fromages.En 1981, le changement à la tête de l’État entraîne l’abandon du projet d’extension du campmilitaire et la fin de la lutte. Suite à quatre années de négociations entre l’État et les habi-tants du Larzac, en 1985 est créée la Société civile des terres du Larzac (SCTL), outil de ges-tion du foncier et de l’aménagement du territoire sur le plateau. L’État octroie l’usage desterres aux paysans et confie la gestion de celles-ci à la SCTL, par la signature d’un bail emphy-téotique de 60 ans, prolongé en 2013 jusqu’à avril 2083. Les habitants des Truels, tout commeune vingtaine d’autres fermes du plateau du Larzac, deviennent fermiers de la SCTL.Les années 2000 marquent aux Truels la fin de la période communautaire et le début du gaec.

(1) Giuseppe Lanza di Trabia-Branciforte, dit Joseph Lanza del Vasto ou plus couramment Lanza del Vasto, est un phi-losphe né en 1901 en Italie et mort en 1981 en Espagne. Également poète, sculpteur et dessinateur, il est le fondateurdes Communautés de l’Arche, répliques des ashrams de l’apôtre de la non-violence Gandhi.

14 \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

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• travailler en lien avec la nature ;• produire des aliments de qualité à un

prix accessible pour le consommateur ;• améliorer les conditions de travail de

chacun.À cela s’ajoute un nouvel objectif : mon-

trer à d’autres que vivre à plusieurs surune petite structure tout en se dégageantdu temps libre, c’est possible !

Les Truels donnent à voir une ferme per-formante, techniquement et économique-ment. Le manque d’autonomie fourragère estlargement compensé par une bonne valori-sation des produits, grâce à l’activité de trans-formation et la vente en circuits très courts.

Parvenant ainsi à dégager cinq revenus etun bénéfice intéressant avec un petit trou-peau, les membres du gaec ont égalementréussi à trouver un équilibre entre travail

et vie personnelle, permettant à chacun dedégager du temps libre pour profiter de safamille, avoir des activités extérieures, s’en-gager dans le milieu militant… Ils ont àcœur de partager leur expérience et d’ou-vrir la voie à de nouvelles formes d’instal-lation. n

Auréline Bonnet

(1) Gaec : groupement agricole d’exploitation en commun(2) Source : www.aumarchepaysan.fr(3) www.avem12.org

NB : Dans son parcours riche en rencontres et en voyages,Auréline Bonnet a été entre autres animatrice de l’Adear,l’association pour le développement de l’emploi agricole etrural, du Limousin. À la suite, elle est partie à la rencontrede paysans, porteurs de projets, citoyens engagés, sur leschemins d’une agriculture respectueuse des hommes, desfemmes et de l’environnement, ainsi que sur celui d’initia-tives tournées vers l’écologie et la solidarité. Ce qu’elleraconte sur : http://www.rencontrespaysannes.com

Agriculture paysanne

Situation financière• Produits (aides comprises) :

214 614 euros TTC• Aides publiques : 40 051 euros (18,9 % du

chiffre d’affaires), dont DPU, ICHN, PHAE• Excédent brut d’exploitation (EBE) :

118 693 euros• Valeur ajoutée : 84909 euros (soit 40,25 %)

• Revenu disponible : 81 847 euros

• Revenu/actif (cotisations déduites) :

12 000 euros• Taux d’endettement : 11 %

Reportage sonore sur le gaec des Truelshttp://www.croqueusesdeson.fr/réalisations/5-gaec-les-truels-milau-12/reportage-sonoreContact : [email protected]

Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016 / 15

Les cinq associés du gaec des Truels. De gauche à droite : Frédéric (37 ans), Yoann (30 ans), Thierry (51 ans), David (37 ans) et Julien (36 ans)

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Du 21 au 28 novembre, une caravaneen tracteurs et vélos a conduitles opposants au projet d’aéroportde Notre-Dame-des-Landes jusqu’àVersailles, aux portes de Paris. Objectif :dénoncer à la veille de l’ouverturede la Cop 21 un projet climaticideet destructeur de terres agricoles.Extraits de la déclaration à l’arrivéede la caravane.

« Nous sommes partis de Notre-Dame-des-Landes avec 5 tracteurs,un triton, une cabane, une cantine

mobile et 200 cyclistes de 1 à 70 ans. Nousroulons aujourd’hui depuis 7 jours. Noussommes toujours ensemble et plus nom-breux qu’au départ. (…)

Nous avons imaginé ce convoi dans uncontexte lourd des menaces répétées du Pre-mier Ministre et des pro-aéroport. Noussommes venus à Paris pour y dénoncerune hypocrisie flagrante. D’une part, lavolonté affichée par le gouvernement de lut-ter contre le réchauffement climatique.D’autre part, la menace de revenir quelquessemaines plus tard pour expulser les habi-tant.e.s et paysan.ne.s de la Zad, détruireplus de 1600 hectares de terres agricoleset de zones humides, ainsi que des dizainesde logis pour y construire… un nouvelaéroport.

Comme de nombreux habitant.e.s, pay-san.ne.s, migrant.e.s d’autres parties dumonde qui subissent déjà en première ligne

les conséquences du réchauffement clima-tique, nous savons que notre salut ne vien-dra pas des échanges de marchés carboneentre lobbies industriels et gouvernements,encore moins du capitalisme vert. Nousvoulons participer à une reprise en main, parles populations et mouvements de lutte, del’avenir de la planète. Nous apportons depuisNotre-Dame-des-Landes un double mes-sage d’espoir, celui qu’il soit possible d’ar-rêter ici et maintenant leurs projets nui-sibles et imposés, celui qu’il soit possible iciet maintenant de tracer d’autres chemins.

Nous savions avant de partir que le gou-vernement avait déjà prohibé toutes lesmanifestations publiques prévues dans lesrues de la capitale pendant la Cop 21. Lelendemain de notre départ, un bataillon degendarmes mobiles a bloqué notre convoipendant quelques heures pour lui signifierqu’il lui serait interdit de pénétrer en Ile-de-France. (…) Nous avons pourtant conti-nué à rouler et à avancer. Face à notredétermination sans faille, les barrières sesont successivement levées.

Si les autorités ne voulaient visiblementpas de nous, ce n’était pas le cas des habi-tant.e.s des régions traversées, bien aucontraire. Les soutiens d’Ancenis, Angers,Le Mans, Préaux-sur-Perche, la Flèche,Coulombs, Emancé entre autres, nous ontaccueillis chaque soir à bras ouverts. Ils etelles nous ont ouvert leurs maisons, leurschamps et leurs salles des fêtes. Toutes cespersonnes qui refusent de se laisser abattre

par la peur et la résignation nous mon-trent à quel point le mouvement de soli-darité avec la lutte de Notre-Dame-des-Landes est plus vivant que jamais. Cespersonnes ne nous ont pas accueillis dansun simple geste de soutien, mais parcequ’elles se battent elle-mêmes localementcontre la privatisation d’une forêt publique,pour que des migrants aient un toit sur latête, contre l’emprise de l’agro-industrie etpour l’accès paysan à la terre, ou encore pourmaintenir, face à une nouvelle zone com-merciale, un jardin collectif à périphéried’une ville. (...)

Versailles, de la Communeà Bernard Lambert

Nous sommes cependant parvenusaujourd’hui à Versailles, aux portes de Paris.C’est le 16 novembre 2015, depuis Ver-sailles, que le Parlement a décidé de pro-longer de trois mois l’état d’urgence souslequel nous vivons aujourd’hui. C’est au titrede l’état d’urgence qu’il a multiplié les inter-dictions de manifestation, les perquisitionsou les assignations à résidence de per-sonnes qui préparaient notre accueil à Paris.Mais ces mesures liberticides ne pourrontétouffer les voix de toutes celles et de tousceux qui considèrent que les logiques éco-nomiques et politiques actuelles nousmènent droit dans le mur.

En 1871, les Versaillais avaient écrasé laCommune de Paris. Les Zad sont aujour-d’hui comme autant de nouvelles com-munes libres. Et nous affirmons ici que cescommunes ne se laisseront plus expulser.Nous avons contenu les troupes policièresà l’automne 2012, et avons mis en défaiteles politiciens pro-aéroport. Nous les met-trons en défaite une nouvelle fois s’ils s’en-têtaient à revenir dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes. Il n’y aura pas d’aéroport,la Zad continuera à fleurir.

C’est à l’été 1973 pendant le premiergrand rassemblement de la lutte du Lar-zac que Bernard Lambert, figure des pay-sans-travailleurs, a déclaré : « Les paysansne seront plus jamais des Versaillais ! » Avecles paysan.ne.s venu.e.s de la Zad, noussommes fier.e.s aujourd’hui de faire réson-ner de nouveau ce message ici-même… » n

NB : de nombreuses organisations politiques, syndicales etassociatives avaient appelé à rejoindre ce convoi, parmi les-quelles la Confédération paysanne.

16 \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Terrain

Une caravane de Notre-Dame-des-Landes vers la Cop 21

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#

A

À l’arrivée à Versailles, le 28 novembre.

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S’abonner à Campagnes solidaires,c’est participer à l’émergence d’« autres mondes possibles »

Dans l’Antiquité, Narbonne laRomaine était un port. Depuis, lamer s’était retirée, laissant en place

son squelette sous forme d’étangs. Leréchauffement climatique peut, si nous n’yprenons garde, nous ramener vers ces tempséloignés où la ville avait les pieds dansl’eau. Mais ces territoires ont évolué, etaujourd’hui la ville risque de boire la tasse.

Ecolocal, l’association à la manœuvre duprojet Narbona (1), se pose des questionsdélirantes telles que « et s’il fallait déplacerla ville de Narbonne pour la mettre à l’abri desaléas climatiques? ». Un concours a réuni mi-octobre des scientifiques, des élu.e.s, desétudiant.e.s et des citoyen.e.s, tous illu-miné.e.s – ou alors trop conscient.e.s – pourélaborer des projets à l’utopie iconoclaste maisenthousiasmante. Les conférences vont nousen convaincre. Ainsi les projets d’architectesintègrent la fureur des eaux dans les épisodesd’abondantes pluies et inondations commeen connaissent les zones méditerranéennes.Leurs constructions ne s’affrontent pas direc-tement, tel un taureau dans l’arène, aux flots

déchaînés, mais les espaces sont dégagéspour laisser passer les tumultes sans s’yopposer. Il sera question de concepts nou-veaux ou redécouverts pour des matériauxde construction. Ainsi des structures ensable d’une incroyable résistance.

Lors de rencontres avec les étudiant·e·svenus de différentes écoles, des paysan·ne·s,des pêcheurs, des responsables d’associa-tions, des chercheurs et chercheuses vien-dront parler de leurs inquiétudes, maisaussi de leurs espoirs face à ces probléma-tiques environnementales. La montée des

températures et ici le manque d’eau du cielposent problème pour les cultures, maisaussi pour la qualité des eaux maritimespour la pêche et la conchyliculture. Cen’est pas un des moindres paradoxes de voirla mer élever son niveau alors que la pluieest rare, sauf dans ses délires destructeurs.Mais pas de désespérance face à toutes cesdifficultés, comme si l’utopie pouvait deve-nir réalité pour que la vie continue, plusforte que la détresse. n

Michel Curade

(1) Le site : narbona. org

Terrain

Nom ______________________________ Prénom __________________________________Adresse _____________________________________________________________________Code postal _____________Ville _______________________________________________Profession_________________________Téléphone ________________________________Courriel : ____________________________________________________________________

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En signant ce formulaire de mandat, vous autorisez Média Pays à envoyer des instructions à votre banquepour débiter votre compte, et votre banque à débiter votre compte conformément aux instructions deMédia Pays. Vous bénéficiez du droit d’être remboursé par votre banque selon les conditions décritesdans la convention que vous avez passée avec elle. Une demande de remboursement doit être présentéedans les 8 semaines suivant la date de débit de votre compte pour un prélèvement autorisé.

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Je vous prie de bien vouloir présenter en faveur de Média Pays sur le compteréférence ci-dessous les sommes correspondant à mon abonnement:Tous les quatre mois r 15 € ou r 20 € Soutien, collectivité et étranger(le 15ème jour du premier mois)

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Ou avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèqueà l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion de l’association

et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N°80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessousà retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP)

Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

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N° 313

Ou sur le site de la Confédération paysanne : www.confederationpaysanne.fr

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Association bénéficiaire : Média pays – Numéro national d’émetteur : FR96ZZZ492109

La Narbonnaise sauvée des eauxVignes inondées prèsde Narbonne aprèsdes pluies diluviennes,en décembre 2014.Outre des centainesd’hectares devignobles affectées,près de mille hectaresde céréales semées etqui commençaient àgermer avaient étéanéantis. Les« événements »climatiques sont deplus en plus fréquentset violents dans larégion.

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Actualité

18 \ Campagnes solidaires • N° 313 janvier 2016

Emploi - stages - formation

Offres• Ain - La Confédération paysannede l’Ain recrute un.e animateur (trice)- Le poste est basé à Bourg-en-Bresse, en CDI à 24 heures parsemaine, plus si éligibilité au contrataidé. Prise de poste en mars 2016 -Bac + 2 mini - Permis B et véhiculeindispensables - Rémunération selonla grille de la convention collectivede la Confédération paysanne(1966,52 euros brut mensuel pour100 %) - CV et lettre de motivationà envoyer par mail si possible à :[email protected],avant le 25 janvier.• Indre - l’Adeari (Association pourle développement de l’emploi agri-cole et rural de l’Indre) propose unstage de mars à mai 2016 - Mis-sions proposées : créer des guidessynthétiques à destination des col-lectivités sur le maintien d’activi-tés agricoles sur leur territoire,enquêter des collectivités pour défi-nir avec elles leurs besoins entermes d’accompagnement sur lathématique de l’installation agricoleet/ou la création d’espaces-tests.• Participation aux réunions decomité de pilotage régional et auxformations avec le Réseau nationaldes espaces tests agricoles, parti-ciper à la vie de l’association et duréseau - Étudiant.e en formationdans le domaine agricole ou juri-dique (en lien avec des questionsliées aux territoires, à l’agriculture),intérêt pour les valeurs de l’agri-culture paysanne - Indemnité men-suelle légale - CV et lettres de moti-vation avant le 20 janvier à :[email protected] -0254616241• Ille-et-Vilaine - La Confédérationpaysanne de l’Ille-et-Vilaine pro-pose un stage en vue de la créationsur le département d’une Coopé-rative d’installation en agriculturepaysanne (Ciap) - Identifier lesbesoins des porteurs de projet pourmieux les accompagner - Diagnos-tic et participation à l’élaborationde nouveaux outils facilitant laconstruction et le test d’activité enagriculture, dans un cadre multi-partenarial - Ingénieur ou niveauéquivalent, spécialisation en déve-loppement rural, Master dévelop-pement rural, sciences politiques -Indemnités légales et rembourse-ment des frais de déplacements. -Lieu : Rennes ou Cesson-Sévigné -

Durée du stage ou césure : 6 mois,à partir de février/mars - Candida-ture à [email protected] avantle 10 janvier (Objet : Candidaturestage pour le collectif « test d’ac-tivités 35 »)• Côtes-d’Armor - Connecté à laprécédente annonce, la Confédé-ration paysanne propose un stageen vue de la création sur le dépar-tement d’une Coopérative d’ins-tallation en agriculture paysanne(Ciap) - Identifier les besoins despersonnes accompagnées, étudierl’adéquation entre les actions d’ac-compagnement, mener une pros-pection sur les organisations sus-ceptibles d’être partenaires, étudierles différents modes de gouver-nance possibles pour la future Ciap- Ingénieur ou niveau équivalent,spécialisation en développementrural, Master développement rural,sciences politiques - Indemnitéslégales et remboursement des fraisde déplacements Stage d’une duréede 6 mois, avec un début en février-mars 2016 idéalement (possibilitéd’accueillir un stagiaire dans lecadre d’une année de césure) - Baséà Saint-Brieuc - Lettre de motiva-tion et CV avant le 22/01 à : [email protected] pour objet « Candidature stage6 mois ».• Finistère - Élevage laitier biorecherche stagiaire - 0687220261Demandes• Sud-Est - J’ai 29 ans et je chercheemploi ou formation dans le secteurviticole - 4 ans d’expérience dansla taille et l’entretien des vignes,les vendanges et un peu dans lestravaux de cave - J’ai envie d’ap-profondir mes connaissances dansle domaine du vin bio - Je chercheproche de Lubéron, mais je suisaussi prêt a me déplacer s’il y alogement sur place - 0786478777- [email protected]• Tarn - Bergère/maraîchère,cherche travail en salariat et ouassociation - 06 84 06 25 09• Paca ou Franche-Comté - Je suisà la recherche d’un emploi en éle-vage à partir de février 2016 - Deuxannées d’expériences dans diffé-rentes fermes (chevrière, bergère,fromagère) - Également fait dumaraîchage, éventuellement ouverteà une proposition de travail horsélevage - J’ai pour projet de m’ins-taller en élevage caprin d’ici quelquesannées - [email protected] 0673331050

• Toutes régions - Cherche tra-vail/stage 6 mois dans fermecaprine Nous sommes un coupleavec un projet d’installation en éle-vage caprin, transformation fro-magère. Nous avons passé 6 moisdans diverses fermes et on sou-haite trouver du travail pour conti-nuer à se former. Expérience entraite manuelle + mécanique, enfromagerie et la commercialisation.Disponibles seules ou à deux pourles postes de remplacements(vacances/maladie, etc.), ainsi quepour des postes de plus longuedurée, idéalement pour une saisonentière. Basées dans l’Aude, maison peut se déplacer, on a un camion.On est disponible pour du travailrémunéré, ainsi que desstages/conventions - 0615101601• Lot - JF, 26 ans, en CS ovins viande,stage en vente directe, rechercheemploi à partir de juin prochain.Conduite du tracteur pour les tâchescourantes (tonne à eau, aliment…),soins du troupeau, pose de clô-tures. Non issue du milieu agricole,mais très intéressée et appliquée -0681 46 55 76• Alsace-Vosges - JH, 27ans, BPREApolyculture-élevage en biodynamie,cherche travail en élevage à partir de2016 - Grâce à quatre ans d’expé-riences diverses (élevages laitiers,fromagerie, maraîchage, vente…),je suis polyvalent, autonome dans lequotidien et l’usage des outils - J’aipour projet de m’installer en élevagede vaches laitières dans les annéesà venir - [email protected] -0675692269• Sud - JH 27 ans, je cherche un lieupour réaliser mon stage afin de vali-der mon parcours professionnali-sant en agriculture bio au GrandMas d’Uzès. Je recherche plus par-ticulièrement un jardin en perma-culture ou en biodynamie, mais unlieu de production végétale avecdes gens aux idées ouvertes meconviendra également très bien -Stage de 6 semaines, étalées defévrier à avril - Plusieurs compé-tences en maraîchage/permaculture.Je ch. également à me loger durantcette période sur le lieu de monstage - Comme j’aurais des cours encomplément à cette période, je vouspropose une participation aux frais,ainsi que 2 mois de wwoofing ouvolontariat de mai à juin, et plus siaffinités! - [email protected]

Association - installationtransmission

Offre• Vosges - Transmission d’une petiteferme de montagne, 23 ha, 2 actifs,en bio - Viande bovine ( vosgienneset highlands ), vente directe, agro-tourisme Accueil Paysan (2 chambresd’hôte et gîte de groupe 25 per-

sonnes) - Recherche futur repreneur,location de la partie agricole (pas devente tout de suite), pour prépara-tion du départ à la retraite de Domi-nique en 2017, Brigitte restantencore en activité quelques années- Logement prévu sur place - Étu-dions toutes propositions –03.29.61.00.30 [email protected] • Lot - La ferme en paille est unepetite structure d’élevage à Gra-mat, haut lieu touristique, comptant150 brebis viande, une dizaine devaches et de chèvres laitières, uncamping à la ferme et un gîte. Noussommes en autonomie fourragère.Nous recherchons un couple ou unepersonne, prêts à s’investir dans laferme (avec ou sans expérienceagricole) pour la gestion du trou-peau, la transformation fromagèreet la vente directe. Tout cela dansle but de créer par la suite une asso-ciation - 0684486799• Tarn-et-Garonne - Transmissionde notre ferme avec période d’ac-compagnement en CEFI - Repriseprévue fin 2017/début 2018 - Terreset grange en location, matériel etparts sociales Cuma à acheter -.Productions biologiques en coteau,avec 4 ha en raisins de table, 1 hade prunes de table, 20a en cerises,10 ha céréales et 10 ha prairies -Irrigation débit 18 m3 en 4 bornesalternées - Facilité de commercia-lisation des fruits à 2 km - Possibi-lités de maraîchage et d’élevage -0563658520 - [email protected]• Allier - A vendre petit domaine enmaraîchage et arboriculture, com-prenant 2 logements (le premierde 80 m2 habitable et le secondavec travaux) - Garage, petit han-gar - Jardin 3000 m2. Le tout sur ter-rain plat 3 ha d’un seul tenantentouré de haies bocagères. Bassinirrigation de 4 000 m3 équipé detuyaux d’eau et électricité enterrée- Verger de 10 ans sur 1 ha :pommes, poires, prunes - Environ-nement calme et préservé -0608101561• Rhône - Ferme à transmettre dansles Coteaux du Lyonnais - Exploi-tation polyculture-élevage, 15 ha(terres, pâtures, vergers), à trans-mettre en location y compris bâti-ments d’exploitation - Actuelle-ment, vaches allaitantes et laitières,fruits et légumes - Tous projets pos-sibles - Idéal pour vente directe(20 km de Lyon) - 0478489686• Drôme - L’agglomération ValenceRomans Sud-Rhône-Alpes cherchedes candidats à l’installation en agri-culture bio, pour mi-2016 - 6 ha sont

disponibles derrière le Lycée Horticolede Romans. La surface est divisée en3 parcelles de 2 ha, viabilisées, avecaccès à un forage pour l’eau d’irri-gation. La priorité sera donnée auxprojets de maraîchage (ou autresproductions alimentaires) et à ceuxpriorisant la vente directe. Plus d’infoauprès des « Compagnons de laterre » qui accompagneront les por-teurs de projet (sous statut de testd’activité ou cotisant solidaire): [email protected] -0973179953• Auvergne - Cherche associés ousalariés - Projet de reprise d’ex-ploitation en ovin lait + transfor-mation + maraîchage en appliquantle scénario Afterres - Négociationsen cours sur plusieurs exploitations(une 70 ha à 800 m, l’autre 100 haà 1000 m) - Quel que soit le siteretenu, je recherche 2 collabora-teurs (associé et/ou salarié) ayantune démarche militante (entreprisecoopérative, agroécologie…) - Com-pétences recherchées: conduite ovinet/ou transfo fromagère et/ou marai-chage - Apport capital nécessaire siassociation - Début activité en 2016- [email protected]• Deux-Sèvres (Gâtine) - Couplesouhaite transmettre pour départ àla retraite au 31/12/2017 une fermede 43 ha SAU, en AB - Lait de chèvrenon transformé, 220 chèvres, 600poules pondeuses (vente directe),production de fourrage et céréalesà destination des troupeaux, irri-gation à partir d’une retenue sur laferme - Tout en propriété - Convien-drait à un couple - Possibilité deprévoir un poste salarié d’ici lareprise, ou parrainage si installa-tion envisagée - 05 49 95 88 53 [email protected]• Meuse - Ferme laitière disponibledès 2016 - 30 ha de terres labou-rables et 35 ha de prairies naturelles,remembrés, à louer - Bâtiments auxnormes pour 50 VL - Autres produc-tions et conversion bio possibles - Tra-vail en cuma - 06 72 72 87 44 - [email protected]• Charente - Cherche associés pourferme caprine en transformation(95000 litres) et laiterie (180000litres) - 100 ha permettant auto-nomie fourragère, bâtiments etmatériels - Actuellement l’exploi-tation compte 4 associés et unesalariée, le départ d’un des associésest prévu pour fin 2016, suivi d’unautre départ (retraite) en 2018 -Les personnes intéressées pourrontbénéficier d’un stage de parrainage- Profil recherché plutôt orientétransfo et administratif, mais ouvert- [email protected]

• Doubs - Ferme à transmettre,35 ha, location, herbage-pâturage,bâtiments - Esprit d’ouverture bien-venu - Écrire au journal qui trans-mettra.• Ardèche - La commune de Saint-Péray propose des terrains agri-coles pour des produteurs surtouten maraîchage et dans unedémarche d’AB - 06 10 29 80 22Demandes• Sud Alpes ou Sud Massif Central- Jeune couple expérimenté chercheterres pour élever 40 chèvres et4 vaches laitières - Transfo fromageAB, volonté autonomie fourrage -0492231554

Animaux - Matériel• Jura - A vendre: cheptel caprin ABcomposé de: 20 chèvres poitevines,10 chèvres croisées poitevine/alpine,3 chevrettes de renouvellement,2 boucs poitevins. Les chèvres sontsaillies. Mises bas prévues à partirde fin janvier/début février - Éle-vage géré en monotraite, avec unemoyenne de 1,9 l par chèvre par jour- CAEV négatif - Prix : 6000 euros -Possibilité de reprendre un très bonréseau commercial sur le secteurde Saint-Claude/Les Rousses -0384427971 ou 0656713455 [email protected]

Divers• Sud-Ouest - Couple d’une soixan-taine d’années (spirituel, orienté versl’harmonie) actifs mais sensible auxondes, cherche à louer un gîte confor-table pendant au moins un an, àpartir du janvier 2016 - De préfé-rence dans un lieu calme mais pasisolé, avec commerces à moins de10 km - Peut-être dans un domainebio ou biodynamique? - Dordogne,Landes ou Gers Étudie toute propo-sition - [email protected]• Ile-de-France, Normandie, Picar-die, Centre - Nous sommes les Mar-moulins, association de l’Est Pari-sien (Ménilmontant) : vu l’affluencede restaurateurs dans le quartier quiveulent pouvoir vendre des “fritesmaison” sans se soucier des ques-tions d’approvisionnement, de stoc-kage et de transformation, nousavons décidé de s’occuper de l’ap-provisionnement, du stockage, dudécoupage et de la vente en fraisde pomme de terre à destination deces restaurants. Nous cherchonsdonc un paysan ou une paysannequi pourrait vendre des pommesde terre (transport à voir) dans unrayon de 200 km de Paris, le moinstraitées possible, surtout concer-nant les traitements antigermina-tion - Les Marmoulins peuvent s’en-gager sur des volumes de l’ordre de3 tonnes par semaine, ou moinspour commencer - [email protected]

Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernentl’emploi, les recherches et propositions d’installation, et touteautre demande à but non lucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

Favorisons l’installation de paysans créatifs !L’agriculture paysanne est menacée par une évolution de l’agriculturequi laisse la part belle à l’industrie et à la chimie.Mais un petit village gaulois résiste au sein des remparts de la Maisondes Paysans : c’est la Ciap 72, la Coopérative d’installation en agricul-ture paysanne de la Sarthe.Elle permet d’accompagner des jeunes (et moins jeunes) qui ne sontpas forcément issus du milieu agricole mais qui souhaitent devenir pay-san ou paysanne dans le cadre d’un projet de vie.Le travail de cette coopérative créé début 2015 mérite d’être connuet reconnu, mais son financement n’est pas assuré. D’où un appel àfinancement participatif sur le site, avec présentation de la démarche :www.helloasso.com/associations/cooperative-d-installation-en-agriculture-paysanne

L’agriculture paysanne en vidéoAppel à financement participatifLa Confédération paysanne de Charente-Maritime a le plaisir de vousprésenter son projet de vidéo participative sur l’agriculture paysanne.Cet outil innovant créé par les paysan.ne.s, pour les paysan.ne.s, nouspermettra de communiquer sur l’agriculture paysanne, ses succès etla satisfaction de ceux qui la pratiquent.Pour ce faire, nous avons lancé un appel à financement participatif aulien suivant. Toutes les infos y figurent également. Merci pour votrecontribution !http://fr.ulule.com/agriculture-paysanne

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Féminiser la langue ? Non ! Mettreun terme à sa masculinisation.

Le titre de l’essai d’Éliane Viennot ainterpellé l’équipe de Campagnes soli-daires, qui tente de progresser chaque

mois dans la féminisation des textes.Sa lecture vient ainsi conforter nos convic-

tions. Car l’auteure explique comment « lesexisme de la langue française ne relève pasde la langue elle-même, mais des interventionseffectuées sur elle depuis le XVII° siècle pardes intellectuels et des institutions qui s’oppo-saient à l’égalité des sexes ; et que pour l’es-sentiel aussi, les solutions que nous cherchonsà ces problèmes existent déjà. Les solutions lin-guistiques, s’entend ».

Jusqu’au XVII° siècle, les adjectifs et par-ticipes passés se rapportant à plusieurs sub-stantifs s’accordaient avec le nom le plusproche. Ex : « ce peuple a le cœur et la boucheouvertes à vos louanges ». De même, les motsféminins désignant de nombreux métiersexistaient encore : auteure, inventrice, pein-tresse, sénatrice, philosophesse, etc. À par-

tir du XVII° siècle, la suppression progres-sive de ces mots va aller de pair avec lerecul du statut des femmes dans la société.« La langue n’est qu’un terrain de plus où s’estmenée la guerre du savoir. Non du savoir gra-tuit, celui qui enrichit la personne, mais lesavoir comme clé du pouvoir ». Le concept

« tout ce qui est masculin est plus noble » apourtant suscité de vives résistances chezles femmes. Et c’est seulement à partir duXX° siècle, avec l’instruction obligatoire,que le genre masculin a vraiment dominéle genre féminin, préparant ainsi les écolièreset les écoliers à occuper des places différenteset hiérarchisées dans la société.

Le comité de publication de Campagnes soli-daires s’efforce de féminiser les textes, mêmesi cette méthode en alourdit – au début –quelque peu la lecture, car cela est néces-saire pour accompagner nos efforts de repré-sentation des femmes. Il y a encore deux ans,une tribune composée de cinq hommes etd’une seule femme choquait à peine. Aujour-d’hui cela est tout simplement inconcevable!Alors même si des progrès restent à faire, ilfaut persévérer dans ce sens. n

Véronique Léon, paysanne en Ardèche

« Non, le masculin ne l’emporte pas sur leféminin ! » – Petite histoire des résistances dela langue française – Éliane Viennot – Édi-tions iXe – avril 2014 – 128 pages.

Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin !

Culture

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Du Monde à Paris !Deux semaines vécues en parallèle de la Cop21, pendant lesquelles la Confédération paysanne, membre de la coalition Climat 21, collectifrassemblant 130 organisations du monde entier, avait prévu de s’exprimer par le biais d’actions et de mobilisations.

Le 13 novembre, des attentats sauvages et meurtriers traumatisent lapopulation, et l’État français déclenche un état d’urgence de 15 jours, puisde trois mois… La peur, non pas des attentats, mais de la police et de l’ar-bitraire, paralyse les militants, tétanise même les plus motivés !Il en a fallu du temps et de l’énergie pour sortir de cette paralysie et toutdoucement oser… Les premier.e.s, les militant.e.s de Notre-Dame-des-Landes ont roulé en vélo et tracteur vers Paris, leur marche a été détour-née vers Versailles (cf. p.16). Le lendemain, 29 novembre, plus de 20 000personnes, main dans la main, font une chaîne humaine de la Nation à laBastille. Avec 300 arrestations le soir même à Paris, 24 heures de garde àvue…Puis les paysans et les paysannes de la Via campesina sont venus ! Plus decinquante délégué.e.s d’Amérique, Afrique, Asie, Europe (photos)…Chaque jour, des militant.e.s ont agi, partout dans Paris, au Grand Palaispar exemple pour dénoncer les multinationales se présentant comme por-teuses de solutions contre le dérèglement climatique, qui étalaient leursfausses solutions sans aucune décence (Sofiprotéol, Suez, Coca Cola…). Ilsont peint des lignes rouges devant les banques, les sièges sociaux desfirmes qui financent la Cop, les plus émettrices de gaz à effet de serre, qui

dictent leur conduite aux dirigeants de ce monde pour qui le profit est plusimportant que la vie… Ainsi devant le siège de Danone, le 9 décembre.Au côté de la Via campesina, nous avons vécu de grands moments, commela cérémonie à la Pachamama – en ouverture du Forum citoyen sur le cli-mat, à Montreuil, les 5 et 6 décembre –, cette terre mère qui nous nour-rit. Nous les avons accompagnés jusqu’à Notre-Dame-des-Landes, touchéspar les échanges de témoignages de lutte des uns et des autres (cf. p. 10).De négociations en négociations, l’autorisation d’expression de la « sociétécivile » a été donnée ce 12 décembre, et nous étions plus de 15 000 devantl’Arc de Triomphe pour dénoncer ce système et cet accord sur le climat quia largement dépassé les lignes rouges, puis devant la Tout Eiffel, heureuxd’être ensemble, avec le sentiment d’avoir gagné ce droit à se rassembleret à s’exprimer… L’accord dont on nous a annoncé la signature n’a rien d’his-torique, sinon son manque de courage et de hauteur. Reste l’espoir que laforce des hommes et des femmes du monde entier ne faiblisse pas, l’es-poir que la peur ne reprenne pas le pas, que la résistance qui anime cesmilliers de personnes croisées ces derniers jours se répande… n

Annie Sic,

paysanne dans les Alpes-Maritimes, secrétaire nationale

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