FRANCE
SOUTERRAINEINSOLITE & EXTRAORDINAIRE
Arnaud Goumand
Arnaud Goumand
FRANCE SOUTERRAINEINSOLITE & EXTRAORDINAIRE
SOMMAIRENATURE PROFONDEGouffre de Padirac 1
Grottes du Foulon 2
Rivière de Labouiche 3
Aven d’Orgnac 4
Aven Armand 5
Grottes des Demoiselles
à St Bauzille de Putois 6
Grottes de La Balme 7
Gouffre de Cabrespine 8
Grottes de Choranche 9
Gouffre de La Pierre St martin
(vol montgolfière) 10
Grottes St Marcel d’Ardèche 11
Grottes de la Clamouse et le protée,
animal cavernicole 12
Grotte sous-marine de Scandola 13
Grotte de glace de Chamonix 14
Grotte de Trabuc (100.000 soldats) 15
Gouffre Berger 16
Grottes de Malaval 17
Grotte des Grandes canalettes 18
Grotte de Labeil 19
Chourum du Clot Dévoluy 20
Abime de Bramabiau
(berceau de la spéléo) 21
Gouffre de Poudrey 22
HOMO TROGLODYTUSGrotte de Pech Merle 24
Grottes de Lascaux 25
Grotte d’Arcy-sur-Cure 26
Grotte du Mas d’Azil 27
Grotte de Niaux 28
Les Eyzies de Tayac 29
Village de la Roque (Payzac le Moustier) 30
Grotte Chauvet 31
Trôo 32
Doué la Fontaine 33
St Georges des Sept Voies 34
Graufthal 35
Turquant 36
Ermitage Montmorency, OIse 37
La Roche Guyon 38
Atelier Richard Rak 39
Souzay Champigny 40
Village de pêcheurs de Meschers 41
Hôtel Rochecorbon 42
Piscine chambre d’hôte Savonnières 43
Abîme de Bramabiau
Caves du Roquefort société
Mine de plomb-zincde Villemagne
Grotte dePech Merle
Château des Anglaisà Bouziès
Grotte de Lascaux
La Roque Saint Christophe
Doué-la-Fontaine
Cave aux sculpturesde Dénézé-sous-Doué
Cave aux sarcophagesde Doué-la-Fontaine
Chapelle Sainte-Radegondeà Chinon
Site Troglodytede Jonas
• Turquant• Souzay-Champigny• Château de Brézé• Sculptures de monuments"Pierre et lumière"• Musée du Champignon
Saint-Georges-des-Sept-Voies Grotte pétrifiantede Savonnières
Atelier Richard Rak
Troo
Les Hautes Roches-Hôtel Rochecorbon
Village souterrain BourreGreniers de César, Amboise
Les Eyzies
Grotte de la Clamouse
Gouffre de Cabrespine
Grotte duMas-d'Azil
Grotte de Niaux
Grotte de Labeil
Grotte sous-marinede Scandola
Gouffre de La PierreSaint-Martin
Grand Site del'Aven d'Orgnac
Grotte Chauvet
Grotte de Malaval
Carrière Saint-Juste de Saint-Restitut
Gouffrede Padirac
Grotte de Trabuc
Grotte des Demoiselles
Galerie de la mer
Abîme de St-Ferréol/Grotte à fromages
Carrières de LumièresCryptoportique d'Arles
Carrière d'ocre du Bruoux
Cave du palais St-Firmin
Grotte des Grandes Canalettes
Les Grottesde la Balme
Arêtes de poisson à LyonUsine des Eaux claires
Parking des Célestins Lyon
Parking Perrache Lyon
Les Grottes du Foulon
Escalier hélicoïdal d'Aubigny
Carrière de sable du Puiselet
Meschers-sur-Gironde
Eglise d'Aubeterresur Dronne
Grotte du Jugementdernier à Brantôme
Souterrains de La Règle, Limoges
La CitadelleBourg/Gironde
Eglise monolithiquede Saint-Emilion
Grottes de Ferrand
Gouffre de Poudrey
Salines deSalines-les-Bains
Mine du Val de fer,Neuves-Maisons
Laboratoire souterrainde l'ANDRA
Souterrainsde Provins
GraufthalFort de Schoenenbourg
Mine de potasse Amélie
Musée Les Mineurs WendelMello
Carrière des Anglaisà Conflans
La citadellesouterraine
Le Fort de Douaumont
Mine de fer, Angevillers
Carrière du Chauffour
Caverne du Dragon
Caves de champagneTaittinger
Cryptoportiquede Reims
Creute des américainsSouterrains perchésde Laon
Muches de Naours
Fosse Deloye
Tunnel sous la Manche
• Abri Sainte-Anne• Abri-bunker Gare de l'Est• Catacombes de Paris• Crypte du Panthéon• Carrière des Chartreux• Opéra• Carrière des Capucins, cabinet Cochin• Louvre de Philippe-Auguste• Ancienne brasserie Dumesnil• Bar Le Silencio• Métro Paris• Egoûts de Paris• Canal Saint-Martin• Réservoir de Montsouris• Aqueduc Médicis
La Roche-Guyon
Usine militairede Caumont
Ancien PC de l'Otan
Réseau hydrauliqueparc de Versailles
Grotte de la demoiselleà l'orgue, St-Germain-en-Laye
Carrière de gypse de VauxHaute-Isle
Grottesde Choranche Gouffre Berger
Carrière de pierreà ciment Le Gua
Mine de fer deSaint-Georges d'Hurtières
Grotte Bérelleciterne romaine Lyon
Mine d'asphaltede Lovagny
Chourum du ClotDévoluy
Rivière Souterrainede Labouiche
Aven Armand
CAPRICES DE L’EAULes étangs du narbonnais(11) 54
Les cascades pétrifiantes(04,05)
Réotier, Digne 55
Le méandre de Queuille (63) 56
Le belvédère des 4 lacs (39) 57
La cascade de Glandieu (01) 58
La Loire sauvage (43) 59
Les cascades du Hérisson (39) 60
La coulée de lave et le trou de Bozouls (12) 61
Les gorges de l’Ardèche, le pont d’Arc (07) 62
COULEURS IMPROBABLESLes côtes du sud de la Corse (2A) 63
Les gorges du Cians et Daluis (06, 04) 64
La Sainte-Victoire(13) 65
Grès roses et glacières des Vosges (88) 66
Les ocres de Rustrel et de Roussillon (84) 67
Les calanques (13) 68
DE MAIN D’HOMMELe site de Filitosa (2A) 69
La vallée des Saints (22) 70
Les rochers sculptés de Rothéneuf (35) 71
À TIRE D’AILELa Camargue (30, 13) 72
Le lac du Der (51, 52) 73
Le Cap Fréhel (22) 74
La baie de Somme (80) 75
DANS LES ENTRAILLESMusée Les Mineurs Wendel (charbon) 71
Carrière du couvent des Chartreux,
Paris (pierre) 72
Mine de fer de St Georges d’Hurtières
(concrétions colorées) 73
Carrière des Anglais à Conflans (pierre) 74
Carrière de gypse de Vaux-proverbe 75
Carrière de pierre à ciment, Le Gua 76
Mine d’asphalte de Lovagny 77
Carrière de sable du Puiselet 78
Carrière de sable PACA 79
Carrière de St Juste St Restitut 80
Salines de Salins les Bains 81
Carrières de lumière - Baux de Provence 82
Fosse Delloye, Lewarde 83
Carrière d’ocre de Bruoux 84
Ardoisières d’Angers 85
Mine du Val de Fer,
Neuves-Maisons (musée) 86
Mine d’Angevillers
Mine de fer d’Hussigny-Godbrange
Mine de plomb-zinc P22
(Villemagne, dans le Gard) 87
Laboratoire souterrain de l’ANDRA 88
Mine de potasse Amélie 89
SOUTERRAINS INSOLITESLac sous l’opéra 89
Labyrinthe souterrain de Lathan 90
arêtes de poisson à Lyon 91
Escalier hélicoïdal d’Aubigny 92
Mur végétal P. Blanc parking Perrache 93
Carrière des Capucins
et cabinet minéralogique Cochin 94
Grotte de la Demoiselle à l’orgue,
jardins de St Germain 95
Grottes de Ferrand 96
Cave aux sculptures de Dénezé sous Doué 97
Sculptures de monuments
« Pierre et Lumière », Saumur 98
« Ville souterraine », Bourré 99
Louvre de Philippe-Auguste 100
Grotte pétrifiante de Savonnières 101
AUX ABRIS Château de Brézé 44
Carrière du Chauffour 45
Caverne du Dragon 46
Creute des Américains 47
Fort de Tamié 48
Abri Ste Anne, Paris 49
Fort de Schoenenbourg 50
Fort de Douaumont 51
Abri-bunker gare de l’Est 52
Citadelle souterraine de Verdun 53
Usine militaire de Caumont 54
Ancien PC de l’Otan 55
Muches de Naours 56
Souterrain cavalier de la citadelle
de Bourg/Gironde 57
Château des Anglais à Bouziès 58
Abri bétonné d’Etretat 59
ENFERS ET PARADIS Eglise de St Emilion 60
Crypte du Panthéon 61
Catacombes et sculptures de Descure dans
catacombes 62
Eglise de Haute-Isle 63
Abbaye St Roman de Beaucaire 64
Crypte St Victor à Marseille 65
Chapelle Ste Radegonde à Chinon 66
Cave aux sarcophages de Doué la Fontaine 67
Eglise d’Aubeterre sur Dronne 68
Grotte Jugement dernier à Brantôme 69
St Pierre Colamine (site de Jonas) 70
Vue en coupe de notre sous-sol
A BOIRE ET À MANGERSouterrains perchés de Laon 102
Caves du roquefort Société 103
Ancienne brasserie Dumesnil, Ivry 104
Caves Taittinger 105
Caves Pommery 106
Souterrains de Provins 107
Cave du palais St Firmin, Gordes 108
Cryptoportique d’Arles 109
Cryptoportique de Reims 110
Greniers de César, Amboise 111
Souterrains de La Règle, Limoges 112
Nouveaux chais souterrains
Gruau-Larose 113
Entrée des caves du château Ausone
(vue ext) 114
Musée du champignon 115
Cave des Farges – St Nectaire 116
Abime de St Ferreol
(colonie pénitentiaire du Luc) 117
Bar Silencio, Paris 118
MONDES PARALLÈLESEgouts de Paris 119
Métro parisien 120
Réservoir de Montsouris 121
Canal St martin 122
Grotte Bérelle - citerne romaine à Lyon 123
Funiculaire de Saint-paul
« ficelle des morts », Lyon 124
Aqueduc Médicis, Paris 125
Parking des Célestins (Lyon), par Buren 126
Usine des eaux de Saint-Clair (caluire) 127
Tunnel sous la Manche 128
Réseau hydraulique du parc de Versailles 129
La Bièvre enterrée, Paris 130
Galerie de la Mer, Marseille 131
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Devant ces souterrains naturels, l’Homme se fait
tout petit. Comment en effet ne pas ressentir une
grande modestie face à l’immensité de ces cavités
qui s’étendent sous nos pieds ? Comment ne pas être
ébloui et fasciné par le caractère sublime de leurs
parures de calcite ? Comment ne pas perdre la notion
du temps quand on dénombre les millions d’années
nécessaires à la formation de ces univers ? Gouffres,
grottes, rivières et lacs souterrains sont le fruit d’un lent
travail géologique. Ils sont autant de chefs-d’œuvre que
l’eau et la pierre, se faisant artistes, ont conjointement
sculptés, modelés, ciselés. Ils sont aussi un immense
conservatoire, un musée de l’histoire de la planète, où le
temps figé dans la roche se dévoile par petites touches
: ici un fossile de dinosaure, là une géode marine
enfermant un précieux corail. Ces gouffres béants, ces
failles mystérieuses, ces résurgences inattendues ont
longtemps suscité l’effroi et la crainte des populations.
Jusqu’à ce que les spéléologues s’y aventurent, de plus
en plus loin, ouvrant la voie, parfois, aux touristes venus
voir le spectacle des concrétions sublimées par la
lumière : stalagmites, piles d’assiettes, gourds, perles
et aragonites. Dans ces fraîches profondeurs, où l’eau
continue son patient travail de sculpteur, on croise
parfois aussi d’étranges créatures animales, troglobies
adaptés aux ténèbres.
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GOUFFRE DE PADIRACL’entrée de l ’Enfer
Avec 400 000 visiteurs par an, il est le site touristique
souterrain le plus fréquenté en France. L’un des plus
anciennement aménagés aussi, puisque dès 1898, les
premiers curieux descendaient son vertigineux escalier
métallique. Quelques années avant, le célèbre spéléologue
Édouard-Alfred Martel en avait exploré les profondeurs pour
la première fois, sans s’inquiéter des mises en garde : dans
le pays, des légendes racontent que ce gouffre pourrait bien
être l’entrée de l’Enfer ! Dans les faits, c’est une superbe
rivière souterraine qui attend Martel après une descente
de 100 mètres. « Une monumentale avenue » selon ses
propres mots. Depuis, le gouffre semble avoir bien peu
changé, malgré les aménagements dont il a fait l’objet : un
ascenseur permet désormais d’en atteindre le fond, pour qui
veut éviter les 568 marches, et l’électricité en dévoile toutes
les splendeurs. C’est à pied et en bateau que se découvre
une partie, infime, du grand réseau souterrain de Padirac.
Car la rivière, à elle seule, s’étend sur plus de 20 kilomètres.
Contentons-nous d’une plus modeste promenade, pour
en apprécier la beauté et les principaux attraits : le lac
de la Pluie dans lequel se reflète la Grande pendeloque,
une stalactite géante de quelque 62 mètres de haut, les
gourds beaux comme des atolls polynésiens, les stupéfiantes
concrétions en « piles d’assiettes », la salle du Grand Dôme
dont le ciel s’élève à près de 100 mètres, ou encore le Lac
supérieur. On ne peut qu’en convenir, Padirac mérite son
titre de cavité touristique la plus célèbre d’Europe.
46 500 Padirac - 05 65 33 64 56 - www.gouffre-de-padirac.com
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GOUFFRE DE LA PIERRE SAINT-MARTINOn a volé sous la terre
Jules Verne n’aurait osé l’imaginer, eux l’ont fait : le 8 mars 2003,
des élèves de l’École polytechnique réalisent un vol en ballon
captif dans la plus vaste cavité souterraine de France, la Salle de
la Verna. C’est au cœur du réseau de La Pierre Saint-Martin, qui
compte près de 2 000 gouffres et dont le point le plus bas est à
1342 mètres sous terre, que se trouve cette salle démesurée, l’une
des dix plus grandes dans le monde : une surface de cinq hectares
et un « ciel » culminant à 194 mètres. Le terrain de jeu idéal pour
une expédition hors norme. Il aura fallu les renforts de l’Armée,
l’aide de spéléologues avertis, une équipe de 40 personnes et
beaucoup de persévérance pour monter cette folle aventure.
Pourtant, lorsque la montgolfière s’élève enfin, illuminant le gouffre
telle une lanterne chinoise géante, le pari est incontestablement
réussi. Ils ont volé sous la terre !
Pour qui veut découvrir à son tour cette salle mythique, il faudra
se contenter d’une exploration moins spectaculaire, mais sans
doute tout aussi inoubliable. Lorsqu’elle est découverte pour la
première fois en 1953, La Verna avec ses 734 mètres de profondeur
au point le plus bas constitue un record du monde pour la
spéléologie. Quelques années plus tard, Électricité de France,
prévoyant un barrage souterrain, va creuser un tunnel d’accès
long de 600 mètres. Il faudra finalement attendre 2008 pour que
l’usine hydroélectrique souterraine soit mise en service. Usine qui
permet aujourd’hui d’éclairer la salle. Quant au tunnel EDF, il offre
depuis 2010 un passage idéal et facile pour les touristes. Bien sûr,
les plus sportifs préféreront sans doute marcher sur les pas des
premiers spéléologues, hors des sentiers aménagés. Mais dans
tous les cas, le spectacle grandiose de la salle sera une récompense
pour chacun.
64 560 – Sainte-Engrâce - www.laverna.fr – sur réservation accessible aux personnes à mobilité réduitehttp://onavolesouslaterre.free.fr/
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GROTTE DE SAINT-MARCEL-D’ARDÈCHEL’inoubliable spectacle des gourds
C’est à la curiosité d’un furet que l’on doit la découverte de
cette grotte, en 1838, par un chasseur. Et au spéléologue
Édouard-Alfred Martel que revient la première exploration
approfondie du réseau souterrain, dans les années 1880.
Depuis, pas moins de 57 kilomètres de galeries reliées par
des puits ont été identifiés, dont près de 20 sont entièrement
noyés. Impossible donc d’en visiter l’intégralité, mais le
parcours touristique de quelque 600 mètres suffit pour
en donner une idée précise. Un parcours d’escaliers, de
passerelles et de chemins menant de salle en salle, jusqu’à
la Table du roi et la Fontaine de la Vierge. Un parcours
ponctué de concrétions éblouissantes, sublimé par la
couleur admirable de l’eau des gourds, ces bassins naturels
aux margelles de calcaire qui font la réputation de la grotte
de Saint-Marcel. Et si l’on veut s’aventurer plus loin, dans le
réseau historique non aménagé, des visites spéléologiques
sans difficulté notable sont organisées tout au long de la
saison. Elles mènent jusqu’aux Colonnettes, au Théâtre et
au Trou d’enfer, des noms évocateurs pour des salles de
toute beauté.
Route des Gorges - 07 700 Saint-Marcel d’Ardèche - 04 75 04 38 07 www.grotte-ardeche.com
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L’entité urbaine, et c’est même ce qui la caractérise,
se doit d’être dense. Elle se doit aussi d’être facile à
vivre, agréable et esthétique, dotée de transports
efficaces. Autant de contraintes, contradictoires, que
les urbanistes et les autorités doivent concilier. Le
seul moyen de gagner de l’espace, dans une ville déjà
« serrée », est de se développer dans la verticalité : en
construisant de plus en plus haut, pour les immeubles
d’habitation et de bureaux ; en descendant de
plus en plus bas dans le sous-sol, pour enfouir ce
qui encombre inutilement la surface. Ainsi en est-il
du réseau de transport - métro, voies souterraines,
parkings, canaux -, du réseau d’alimentation en eau
potable, en eau chaude et en gaz, ainsi en est-il aussi
du lacis des câbles électriques et téléphoniques. C’est
un monde parallèle, un univers de coulisses, qui prend
place sous la ville et la fait vivre, l’alimente. Un monde
dans lequel travaille une armée d’hommes et de
femmes - conducteurs de métro, égoutiers, gardiens
de parkings –, pour assurer son bon fonctionnement.
Dans cette doublure, exclusivement technique, il n’est
pourtant pas rare de voir des ouvrages dont la beauté
architecturale n’a rien à envier à celle que l’on connait en
surface. Et c’est sans doute pour toutes ces raisons que
le souterrain urbain, objet de curiosité et de fantasmes,
attire autant les visiteurs. Enfin, nous n’oublierons pas
ici, au nombre de ces mondes parallèles, quelques cas
particuliers de « coulisses souterraines » hors la ville,
qui nous mèneront des fonds marins et au ventre d’un
jardin historique.
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USINE DES EAUX DE SAINT-CLAIRUn défi hydraulique
À la vue de l’énorme pompe en fonte, haute de
20 m, on imagine le défi auquel sont confrontés
les ingénieurs hydrauliciens en ce milieu du
XIXe siècle. Avec ses hautes collines, Lyon n’est pas
une ville facile à abreuver. En 1853, la municipalité
confie à la Compagnie générale des eaux le soin
d’imaginer une machinerie capable d’envoyer
l’eau vers les fontaines publiques de la ville. Trois
mastodontes de fonte, les pompes à vapeur dites
« de Cornouailles », sont fondues au Creusot puis
installées ici. Elles fonctionneront jusqu’en 1910, avec
un débit moyen quotidien de 20 000 m3 d’eau. Une
eau puisée dans des bassins filtrants souterrains, qui
complètent le dispositif. Là, dans une atmosphère
marine envoûtante, les puissants piliers baignent
dans une eau transparente et calme. Ces bassins,
utilisés jusqu’en 1976, sont désormais protégés au
titre des Monuments historiques, comme l’ensemble
de l’usine de Saint-Clair, patrimoine hydraulique d’un
intérêt majeur.
Visite possible, sur réservation 2 avenue de Poumeyrol – 69 300 Caluire-et-Cuire www.eaualyon.fr
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RÉSERVOIR DE MONTSOURISDe l ’eau pour les Parisiens
Avec une capacité théorique de 300 000 m3 d’eau,
le réservoir de Montsouris construit par l’ingénieur
Belgrand était au moment de son inauguration, en
1875, le plus vaste du monde. Bâti sur l’un des points
les plus élevés de la rive gauche, il a nécessité la
construction de 1 800 piliers maçonnés pour conforter
les carrières sur lesquelles il repose. Les eaux de
source y sont conduites par les aqueducs de la
Vanne et du Loing, depuis Nemours, Fontainebleau,
Provins… Elles sont ensuite stockées dans les quatre
réservoirs répartis sur deux niveaux, recouverts par
une couche de terre engazonnée qui maintient leur
fraîcheur. Sous les voûtes superbement appareillées,
supportées par une forêt de piliers qui donne à ce
lieu une allure de cathédrale aquatique, l’eau couleur
de lagon peut atteindre cinq mètres de profondeur.
Sans cesse renouvelée, au fur et à mesure de sa
distribution, elle irrigue les quartiers de Paris. Une
ville dont la soif nécessite chaque jour plus de
500 000 m3 d’eau. Beaucoup plus évidemment qu’à
l’époque où Napoléon III et le baron Haussmann ont
ordonné la construction des réservoirs, qui devaient
bouleverser les habitudes des Parisiens plus familiers
de l’eau polluée de la Seine que des eaux de source.
Avenue Reille – 75 014 Paris – ne se visite pas
Vivre sous terre, s’abriter, se défendre, y prier ou
y reposer… La croûte terrestre a de nombreuses
vocations, et de multiples qualités. La première d’entre
elles, évidemment, est de nourrir les hommes et les
bêtes qui y vivent. La Terre et la terre ne font qu’un.
On en cultive la surface, on en exploite le sous-sol.
Il n’a d’ailleurs pas fallu longtemps à l’Homme pour
découvrir les richesses minérales et fossiles de cette
planète décidément bien faite. Très vite, il extrait pour
construire, pour produire de l’énergie, pour s’enrichir
: la pierre, le gypse et l’ocre, le charbon, le pétrole, le
fer, l’argent et l’or, le sel… et désormais les métaux et
terres rares, comme l’annonce la création en 2014 d’une
nouvelle Compagnie nationale des mines de France.
Tous ces bienfaits, que l’on trouve à des profondeurs très
variées, de la couche superficielle à plus de mille trois
cents mètres sous nos pieds, sont extraits par forage et
excavation. Au fil des générations, le sous-sol se vide,
un peu, puis se reconstruit, différemment. L’Homme
y crée des paysages nouveaux, des architectures
fantastiques faites de piliers et de galeries, de voûtes
et de ciels. Des paysages artificiels d’une esthétique
parfois troublante, si l’on songe à la vie des hommes
qui les ont créés : carriers et mineurs de fond, dont
la dureté du labeur a sans doute peu d’équivalent.
Des hommes qui y sont morts parfois, victimes d’un
éboulement ou d’un coup de grisou. Dans ces entrailles
de la terre, la beauté côtoie l’effroi.
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MINE DU VAL DE FERLa minette de Lorraine
Dans une belle clairière en amphithéâtre, la mine du Val de Fer
signale sa présence par une étrange structure en béton élevée
dans les années 1930. Cet accumulateur de type Zublin, entouré
d’une aérienne passerelle en spirale, n’est autre qu’un silo à
minerai. Après extraction, 10 000 tonnes pouvaient être stockées
ici, avant leur transfert en petit train vers le haut-fourneau de la
vallée. Cette mine, ouverte en 1874, sera exploitée jusqu’en 1968
pour la « minette de Lorraine ». Un minerai à faible teneur en fer,
qui nécessitait une importante opération de déphosphoration.
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Un minerai pauvre qui n’en fera pas moins la richesse de la
région. Au début du XXe siècle, la Lorraine est d’ailleurs le
deuxième producteur mondial après les États-Unis. Avec plus
de 350 kilomètres de galeries, la mine du Val de Fer est au fil des
décennies l’une des plus importantes du secteur, et constitue
aujourd’hui le dernier témoin de l’extraction du minerai de fer
dans le bassin de Nancy. Un témoin de choix, mis en valeur par
une équipe de passionnés. Tandis qu’une partie des galeries est
ouverte au public et transformée en musée de la Mine, le reste
du réseau dort paisiblement, riche de ses vestiges fantomatiques.
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CARRIÈRE DE PIERRE À CIMENT DE CHAMPAHistoire d ’une invention révolutionnaire
Comment un Français se vit rafler les lauriers d’une invention
essentielle de l’ère industrielle. C’est un peu ce que racontent,
en filigrane, les carrières de la vallée iséroise de la Gresse. Nous
sommes en 1812, et l’ingénieur Louis Vicat est alors responsable
de la construction du pont de Souillac. C’est à cette occasion qu’il
met au point la chaux hydraulique artificielle, un mélange d’argile
et de carbonate de chaux dont la prise se fait au contact de l’eau.
Pourtant, c’est un Britannique qui déposera le brevet en 1824,
donnant officiellement naissance au fameux ciment de Portland.
Qu’importe, l’invention de Vicat va provoquer une ruée vers le
sous-sol de la Gresse, dont le calcaire argileux fait une excellente
pierre à ciment. L’inventeur se fait alors industriel. Il sera bientôt
suivi par d’autres entrepreneurs, Anatole Berthelot notamment.
C’est à ce dernier que l’on doit l’ouverture d’une carrière sur le
site de Champa, et la construction en 1882 d’une cimenterie
pour le concassage et la cuisson de la pierre. Au plus fort de son
expansion, le site emploie 150 ouvriers. Cette carrière, qui n’est
plus exploitée depuis 1976, est percée de longues galeries de
roulage dotées d’un chemin de fer. Elle se distingue surtout par
ses spectaculaires escaliers à peine dégrossis, qui relient différents
niveaux d’exploitation. Quant à la société Vicat, toujours active,
elle est aujourd’hui le troisième groupe cimentier en France.
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CARRIÈRE SAINT-JUSTETaillée au cordeau
Avec la régularité de ses parois, piliers et plafonds, on la prendrait
presque pour un de nos modernes parkings souterrains. Il s’agit
pourtant bien d’une carrière de la Drôme provençale, taillée dans
une roche calcaire très blanche et compacte qui durcit au contact
de l’air. Une pierre déjà remarquée par les Romains qui l’utilisent
pour bâtir la cité d’Augusta Tricastinorum, devenue Saint-Paul-
Trois-Châteaux. L’exploitation est quasi permanente à partir du
Moyen Âge, puis elle prend un essor véritablement industriel au
milieu du XIXe siècle, lorsque le chemin de fer et les techniques
d’extraction plus modernes le permettent. Nous sommes alors en
plein développement de l’urbanisation, la demande en matériau
se fait pressante. On dénombre à cette époque plus de 400 carriers
travaillant ici, des hommes venus des villages de Saint-Restitut, Saint-
Paul et Bollène. Jusqu’à l’arrêt brutal de l’exploitation, en 1914.
Depuis, les vastes espaces abandonnés, largement éclairés par des
cavages réguliers, n’ont quasiment pas changé : on y voit encore la
trace de l’ancien chemin de fer, et les quais de chargement creusés
dans la masse.
26 130 Saint-Restitut – ne se visite pas
GRANDE SALINE DE SALINS-LES-BAINSL’or blanc de Franche-Comté
Moins connu qu’Arc-et-Senans, chef-d’œuvre architectural de Ledoux, Salins occupe pourtant
une place essentielle dans l’industrie saline de Franche-Comté. Car c’est ici précisément que se
trouve la précieuse matière première, la saumure, exploitée déjà il y a 7 000 ans. L’eau de source et
d’infiltration, qui se sale par contact avec un banc de sel gemme à 240 m de profondeur, surgit en
effet à Salins aux abords de la rivière, avec abondance. C’est donc sur ces puits naturels et enterrés
que sont bâties les premières salines, peut-être dès le IXe siècle. Pompée par des norias puis par un
système hydraulique, la saumure est conduite jusqu’aux chaudières. Là, dans d’immenses poêles,
l’eau et les cristaux de sel se séparent. Ce procédé très simple connaîtra un succès durable, puisque
ce n’est qu’en 1962 que la saline fermera ses portes... avant de les rouvrir aux touristes en 2009.
Des visiteurs qui voyagent avec étonnement dans la magnifique galerie souterraine entièrement
maçonnée au XIIIe siècle, courant sur 165 m entre les deux puits de pompage. Au sol, ils peuvent
voir encore le canal de Cicon, qui évacuait l’eau douce des pompes hydrauliques vers le cours de
la rivière Furieuse.
Salins peut aussi s’enorgueillir d’être à l’origine de la création d’Arc-et-Senans. Ses sources étaient en
effet si intarissables qu’on eut l’idée, à la fin du XVIIIe siècle, d’augmenter la production en construisant
une saline royale de grande envergure. Le site, quelque peu éloigné, est choisi pour la présence de
vastes forêts qui pourvoiront la nouvelle installation en combustible. Quant à la saumure, elle sera
tout naturellement conduite depuis les sources de Salins par des saumoducs de 21 km de long.
Place des Salines - 39 110 Salins-les-Bains - 03 84 73 10 92 - www.salinesdesalins.com
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CARRIÈRES DE LUMIÈRESDans le Val d ’Enfer
On imagine une parenté avec un temple égyptien, à la
vue de ces immenses espaces taillés au cordeau. Il y a
là de la démesure, jusque dans les formidables piliers
tournés carrés qui soutiennent le ciel à 14 mètres de haut.
Une intense poésie habite ces murs dont les traces de
carriers montrent encore l’énormité des blocs extraits
pour la construction du château et de la cité des Baux-
de-Provence. Une poésie que dégage aussi ce vallon, le
Val d’Enfer. Ne dit-on pas que Dante y situe une partie de
sa Divine comédie ? Plus tard, Mistral y place un chapitre
de Mireille, bientôt adapté à l’opéra par Gounod. Cocteau
enfin, séduit par l’architecture fantastique des carrières, y
tourne des scènes de son Testament d’Orphée. Un paysage
puissant, qui invite au génie artistique.
Imaginés dès 1942 par le scénographe Joseph Svoboda,
les spectacles son et lumière dans les carrières prendront
vie en 1977. Depuis, presque sans interruption, la magie
se renouvelle, les tableaux et les thèmes se succèdent au
fil des ans, par la magie de la vidéo-projection. Ici, chaque
centimètre de pierre se fait support de lumière et se couvre
de couleurs. Le visiteur est plongé, noyé dans les images
projetées sur plus de 6 000 m2 de pierre. Il foule un tapis
lumineux, passe sous un ciel repeint par la lumière, tourne
autour des tableaux. Il admire, enfin, la pure beauté des
arêtes de pierre qui composent cette architecture de géant.
Route de Maillane - 13 520 Les Baux de Provence - 04 90 54 47 37 www.carrieres-lumieres.com
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-50 m
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Parmi les innombrables souterrains dont le sol de la
France est creusé, il en est beaucoup d’étranges et
fascinants. Il en est aussi d’inclassables, objets insolites
ou non identifiés réunis ici en une sorte de cabinet
de curiosités intraterrestres : où l’on rencontre un lac
légendaire, une grotte pétrifiante, un automate musicien
et une ville miniature. Il y a, tout d’abord, la catégorie des
artefacts : nées de l’imagination humaine, ces œuvres
prennent généralement place au cœur d’anciennes
carrières transformées. Expressions artistiques, objets
à vocation touristique, détournements des merveilles
de la nature, ces curiosités composent une fresque
inattendue où l’on ne s’étonnera pas de voir, au rang
des aberrations, un jardin souterrain ! Parfois, ce sont
les accidents de l’histoire, le lent travail du temps et des
hommes, qui modifient l’ordre des choses, enfouissant
ce qui n’aurait pas dû l’être. Il y a, aussi, les mystères :
mystères des origines d’un lieu, de sa fonction, de son
sens, qui laissent sans voix archéologues et experts.
Parfois enfin, sans énigme avérée, certains lieux n’en
sont pas moins objets de légendes et de mythologies.
Des légendes d’autant plus persistantes que le
souterrain est caché et inaccessible. Comment rendre
rationnel ce qui est invisible ?
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LAC DE L’OPÉRA GARNIERPlongée sous la scène
Les légendes sont tenaces parfois, et celles qui s’attachent à l’Opéra Garnier depuis sa construction
sont de celles-là. Il n’est qu’à voir le nombre de films réalisés d’après l’œuvre de Gaston Leroux
parue en 1910 pour se convaincre de la fascination que provoque le mythe du Fantôme de l’Opéra.
Le fantôme du pianiste défiguré dans un incendie a-t-il existé, a-t-il provoqué la chute du grand
lustre en pleine représentation, en 1896, a-t-il réclamé que l’on mette à sa disposition la fameuse
loge 5, comme semble l’indiquer la plaque toujours apposée sur sa porte ? Chacun se fera son
idée sur ces questions. Il est une légende presque avérée cependant, et c’est celle du lac sous
l’Opéra. Une légende amplifiée par l’imagination et les générations, bien-sûr ! Non, le cours de
la Grange-Batelière, souterrain, ne passe pas sous la salle de spectacle, et la fameuse scène de
La Grande vadrouille n’est qu’imagination de scénariste. Mais il y a bien un vaste réservoir ennoyé,
de quelques 50 mètres par 20, à l’aplomb de la cage de scène ! Cet ouvrage, conçu par Charles
Garnier, n’a cependant rien du lac légendaire. C’est en effet en creusant les fondations du futur
opéra que l’architecte se heurte à un problème technique. Une nappe phréatique, à 8 mètres
sous terre, noie les soubassements du bâtiment. Pour en venir à bout, il décide de construire un
vaste cuvelage en béton, qui une fois rempli d’eau, servira à équilibrer les pressions et les masses.
Ce réservoir, accessible par une trappe, est toujours empli d’eau. Il est désormais utilisé par à la
brigade des sapeurs-pompiers pour des exercices de sauvetages subaquatiques. Le lieu reproduit
en effet les conditions d’intervention dans un parking inondé : obscurité totale, dédale de murs
et de piliers compliquant la progression des sauveteurs, qui ne s’aventurent là que munis d’un fil
d’Ariane. Et de source sûre, on peut ici affirmer que jamais ces pompiers n’ont vu de fantôme dans
la pénombre de l’insolite espace souterrain. Quelques poissons tout au plus, selon leurs dires.
75 002 Paris – ne se visite pas - www.operadeparis.fr
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LA VILLE SOUTERRAINE Qu’il était joli mon village
Telle une carte postale en trois dimensions, la Ville souterraine a
arrêté le Temps. Sur 1 500 m2 de parois rocheuses d’une ancienne
carrière, sculptées en haut et bas-reliefs dans le calcaire, les
maisons sont reproduites dans leurs moindres détails : portail en
fer forgé, échoppe de sabotier, façades aux fenêtres gothiques…
Un travail de sculpture qui fait bien sûr écho au passé de ce
canton, tout entier tourné vers le travail de la pierre. Car Bourré
est avant tout une ville de carriers, réputée pour la qualité de
sa roche. Une pierre calcaire qui blanchit et durcit au contact
de l’air, utilisée pour la construction de quelque 75 châteaux et
monuments de la vallée de la Loire : Cheverny, Chenonceau, ou
encore la cathédrale de Tours.
À 50 mètres sous terre, on se promène ainsi dans une rue animée
par la fuite d’un chat immobilisé dans la pierre, par un lierre
poussant ses branches minérales vers le ciel. Cette troublante
ville souterraine est née d’une volonté : reproduire dans la pierre,
à l’abri des intempéries et de l’érosion, un village du XIXe siècle ;
conserver pour les générations futures un panorama de la vie
d’un petit bourg rural. Dans cette carrière, là où fut extraite la
fameuse pierre de Bourré, vit désormais cette Ville souterraine :
une ville monochrome, aux portes infranchissables, aux rues en
impasse et au ciel bas, qui plonge le visiteur dans une atmosphère
d’intemporalité et d’irréalité.
Route des Roches - 41 400 Bourre - 02 54 32 95 33 www.le-champignon.com
La stratégie de l’enfouissement est l’une des plus
naturelles qui soit, à défaut d’être la meilleure. Nous
avons vu que vivre sous terre était une bonne manière
de se protéger. Il était logique que le souterrain devînt,
dans des circonstances exceptionnelles, la meilleure
façon d’éviter les invasions, une efficace manière de
s’éclipser. Nos ancêtres l’ont fait, souvent, pour se
prémunir des raids normands, emportant avec eux biens
et bétail. Les seigneurs du Moyen Âge ont su, de la même
façon, se créer des abris enfouis, appelés « roches ».
Plus tard, les protestants persécutés se sont cachés
dans des grottes. Les stratèges militaires ont compris,
à leur tour, que le château médiéval en maçonnerie
n’était plus rien face aux progrès de l’artillerie. Ils ont
alors inventé un nouveau type de forteresses, enterrées
ou semi-enterrées : des citadelles de Vauban aux forts
de la ligne Maginot, on a vu ainsi se créer un nouveau
mode de défense. Et lorsque les moyens manquaient,
ou que l’urgence l’imposait, il pouvait suffire parfois de
réutiliser d’anciennes cavités existantes : les carrières
de l’Aisne, par exemple, investies pendant la Première
Guerre mondiale ; celles de Paris également, maillon
essentiel de la Défense passive. Et pourtant, au cœur
de ces abris protégés, subsiste une terreur intimement
liée à cette stratégie de l’enfouissement, éprouvée par
des générations de soldats et de populations civiles : la
crainte de mourir enterré.
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ABRI-BUNKER DE LA GARE DE L’ESTSous les voies ferrées
Il y a quelque chose du quai 9 ¾ de Harry Potter dans ce passage
confidentiel qui s’ouvre entre deux voies de la gare de l’Est, à Paris.
En bas d’un escalier, des couloirs mènent à un abri soigneusement
caché. À quelques jours à peine de la déclaration de guerre,
en juillet 1939, la SNCF décide de construire un bunker anti-
aérien. Tout est prévu pour pouvoir y assurer, en cas d’attaque,
la continuité du service des trains. Ce qui ne l’est pas, c’est que
les Allemands vont occuper la capitale après seulement quelques
mois, avant même que l’endroit soit achevé et opérationnel. Trois
salles principales isolées par des portes blindées anti-souffle
occupent les 120 m2 de ce lieu souterrain conservé dans son
état d’origine, avec ses meubles et ses installations techniques :
le bureau de régulation des agents, le central téléphonique,
et la salle des machines. Avec ses générateurs et son système
d’aération, c’est le cœur palpitant du bunker : il doit permettre
à 70 agents de vivre et travailler en autarcie pendant plusieurs
heures. Subsistent même les pédaliers destinés à pallier une
panne de la ventilation automatique, à la seule force des mollets.
Les travaux d’aménagement, poursuivis par les Allemands, seront
achevés en novembre 1941, mais l’abri ne servira jamais. De ce
parfait état de conservation, émane une atmosphère étrange,
comme si les occupants devaient y redescendre d’une minute
à l’autre.
Gare de l’Est – 75 010 Paris – ne se visite pas
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CATACOMBES DE PARISArrête, c’est ici l ’empire de la mort !
Un édit royal du 10 mars 1776 ordonne que les cimetières urbains seront
transférés extra-muros. C’est ainsi que commence l’aventure des Catacombes,
qu’il convient en réalité d’appeler ossuaire municipal de Paris. De fait, à
cette époque, la capitale est complètement débordée par ses morts, et
le nombre des cimetières ne se compte plus. Avec le développement de
la ville, ils sont enserrés dans le maillage urbain, et présentent d’évidents
risques d’infection et de contagion. Le premier visé est le cimetière des
Saints-Innocents, qui a servi pendant dix siècles d’ultime demeure à des
générations de Parisiens. Le lieu retenu pour le transfert des ossements est
l’ancienne carrière de la Tombe-Issoire, dont l’aménagement est confié à
l’inspecteur général des carrières Guillaumot. Les premières translations
auront lieu en 1786, après bénédiction, et se poursuivront jusqu’en 1860,
permettant de vider tous les anciens cimetières de la ville. Tout d’abord
jetés pêle-mêle dans les salles, les ossements de quelque six millions de
Parisiens seront, à partir de l’Empire, rangés avec art et soin : les os longs et
les crânes forment ainsi des motifs s’étendant en murs entiers, qui cachent
des tas d’ossements relégués derrière. Cette mortuaire curiosité connaît un
succès « touristique » immédiat, jamais démenti depuis. Le visiteur fasciné,
un peu effrayé parfois, plonge là dans un univers macabre mais aussi très
insolite, où se révèlent quelques surprises. Ainsi en est-il de la galerie de
Port-Mahon : sculptée et taillée dans la masse rocheuse, s’y déploie la
représentation détaillée d’une forteresse des Baléares. Cette apparition
inattendue est l’œuvre de Décure, un vétéran des armées de Louis XV qui
avait été fait prisonnier à Minorque. Devenu ouvrier carrier pour l’inspection
générale des carrières, il aurait durant cinq années sculpté ce monument,
aux heures creuses de sa pause déjeuner. Le brave homme finit par mourir
de sa passion, victime d’un effondrement.
1 avenue du Colonel Henri Rol-Tanguy - 75 014 Paris - 01 43 22 47 63 www.catacombes.paris.fr
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