ANTALGIE
Douleur: le cinquième signe vital
Définition
La douleur est une expérience sensorielle,émotionnelle,désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle.
International Association for the study of Pain (IASP) 1979
Etat des lieux� Plainte principale aux urgences
� Jusqu’à 70% des patients aux urgences ont des douleurs comme plainte principale ou associée
� Malgré de nets progrès dans la prise en charge de la douleur postopératoire,sa prise en charge en situation d’urgence reste très insuffisante.
� Concept d’oligoanalgésie
Cordell WH. The high prevalence of pain in emergency care. Am J Emerg Med 2002;20(3):165-9Wilson JE. Oligoanalgesia in the emergency departement. Am J Emerg Med 1989;7:620-3
Oligo-analgésie en urgence� Barrières à une antalgie adéquate
� Liées au patient
� Age: patients agés, enfants� Sexe: hommes� Capacités cognitives: incapacité à verbaliser la
douleur� Pathologie en phase terminale: acceptation de
la souffrance� Peu de patients réclament spontanément une
analgésie
Oligo-analgésie en urgence
� Barrières à une antalgie adéquate
� Liées au soignant
� Education: Notion de fatalité de la douleur en situation d’urgence. Sous-estimation de l’importance de la douleur. Préserver le symptôme douleur pour établir un diagnostic
� Peur des effets secondaires liés aux morphiniques
Conséquences de la douleur� Neurologique
� Agitation (risque ↑ PIC)
� Cardiocirculatoire� HTA, tachycardie, inotropisme + (↑ consom-
mation O2 du myocarde)� Bradycardie (syndrome vagal)
� Respiratoire� Respiration superficielle (atélectasie,
hypoxémie)
� Métabolique � Hyperglycémie
Prise en charge du patient
� Evaluation primaire� A: AVPU, Airways� B: Breathing� C: Circulation� D: Disability
� Etablir les priorités� Stable vs instable
Prise en charge du patient
� Evaluation secondaire� Anamnèse� Status dirigé� Signes vitaux (FR,Fc,TA,oT,EN)
� Diagnostic différentiel � Examens complémentaires� Traitement (hospitalisation si besoin)
Symptôme douleur
� Analyse
� Onset (heure,brutal vs progressif,activité ?)� Palliative/provocative� Quality� Region (irradiation)� Severity (VAS)� Timing (durée,constant vs intermittent)
� Symptômes d’accompagnement (nausées, vomissements,…)
Evaluation secondaire
� Anamnèse� Signes et symptômes → OPQRST� Allergies� Médicaments� Passé médical� Last meal (le dernier repas) � Evénements concomittants (circonstances
d’apparition des symptômes )� Risk factors (facteurs de risque)
Evaluation de la douleur aiguë
� Echelles d’auto-évaluation
� Multidimensionnelles� Questionnaire Mc Gill; Saint Antoine
� Unidimensionnelles � Echelle verbale simple (EVS)� Echelle numérique (EN)� Echelle visuelle analogique (EVA)
� Echelles d’hétéro-évaluation
Echelle verbale simple
0 = pas de douleur1 = douleur faible2 = douleur modérée3 = douleur intense4 = douleur atroce
� Réalisable dans plus de 94% des cas en médecine d’urgence.
Echelle numérique
0 = pas de douleur10 = la pire douleur imaginable
� Cette échelle peut être utilisée en 100 points
� Réalisable dans 85% des cas en médecine d’urgence.
Echelle visuelle analogique
� Echelle de référence pour l’évaluation des douleurs aiguës
� Réalisable dans plus de 85% des cas en médecine d’urgence
Limitations
� Echelles d’autoévaluation
� Désorientation, troubles cognitifs ou psychiatriques
� Barrière linguistique� Mauvaise acuité visuelle� Mauvaise capacité motrice
Echelle Algoplus
Evaluation de la douleur
La douleur est un paramètre dynamique qui change en fonction du temps, son intensité requiert de fréquentes rééva-luations à l’aide d’instruments validés
Score de Ramsay
1. Patient anxieux ou agité2. Patient coopérant, orienté et calme3. Patient exécutant des ordres simples4. Patient endormi, avec réponse à la
percussion du front ou à un bruit intense5. Patient endormi répondant faiblement à la
stimulation du front6. Pas de réponse à la douleur
Score de Ramsay
� Score de 2-3 = sédation optimale ou légère
� Score de 4-5 = sédation profonde
� Score 6 = surdosage
Principes de l’analgésie� Traitement précoce, voire préventif
� Mobilisation,…
� Antalgiques� Délai d’action rapide� Courte durée d’action� Sans retentissement sur les fonctions vitales� Titration des effets
� Réévaluation de l’effet et des effets secondaires
� But : EVA < 30 mm
Moyens non médicamenteux
� Ecoute� Attitude calme � Empathie
� Immobilisation� Foyers de fractures
� Froid � Vasoconstriction� Effet anesthésique
� Chaud
Analgésie médicamenteuse� Voies d’administration
� Entérale– Effet retardé, mais prolongé– Inefficace en cas de troubles du transit
� Intramusculaire– Résorption variable et incertaine– Pas recommandée en cas de troubles de
l’hémostase– Douloureuse
� Sous cutanée– Résorption imprévisible
� Intraveineuse – La seule utilisable en urgence !
Classification OMS
1. Antalgiques périphériques- Paracétamol, AINS
2. Antalgiques centraux faibles- Codéine, Tramadol
3. Antalgiques centraux puissants- agonistes (morphine, fentanyl,…)
- agonistes partiels (buprénorphine)- agonistes-antagonistes (nalbuphine)- antagonistes (naloxone)
Paracétamol
� Pharmacologie � Effet analgésique� Effet antipyrétique� Pas d’effet anti-inflammatoire
� Mécanisme d’action� Mal connu� Action sur centre thermorégulateur
hypothalamus
Paracétamol
� Dosage� 500mg – 1000mg q 4-6h� Dose maximale 4g/j (dose toxique 100mg/kg/j)
� Contre-indication� Insuffisance hépatique, cirrhose
� Effets indésirables� Rash maculopapulaire � Prurit� Neutropénie, thrombocytopénie� Rarissime: agranulocytose !!
Paracétamol
Seirafi M et al. Rev Med Suisse 2007
Paracétamol
AINS� Pharmacologie
� Effet analgésique� Effet antipyrétique� Effet anti-inflammatoire
� Mécanisme d’action� Inhibiteur de la COX responsable de la
synthèse des PG� COX-1 ubiquitaire/PG à fonction homéostatique� COX-2 inductible par inflammation ou lésion
tissulaire
AINS
� Système cardiovasculaire� COX-1 génére thromboxane A2 plaquettaire →
effet vasoconstricteur et prothrombotique� COX-1 et COX-2 produisent prostacycline
endothéliale → effet vasodilatateur et anti-plaquettaire
� AINS ont un effet anti-COX-1 > anti-COX-2 →effet cardioprotecteur
� Anti-COX-2 sélectifs ↑ risque cardiovasculaire
AINS
� Système digestif� COX-1 génére prostacycline endotheliale →
vasodilatateur qui augmente la perfusion muqueuse
� COX-1 augmente la production HCO3- et de
mucus au niveau de l’estomac� Anti-COX-1 prédisposent aux ulcérations et
érosions du tube digestif. L’effet anti-plaquettaire augmente le risque hémorragique.
AINS
� Système rénal� COX-1 produit PG vasodilatatrice permettant
de maintenir Qsanguin rénal et filtration glomérulaire particulièrement c/o patients hypovolémiques
� Anti-COX-1 provoquent une ischémie rénale →rétention sodée, oedèmes, HTA, IC, hyperK+ et rarement IRA
� Néphrotoxicité dose-dépendante, liée à l’âge et aux comorbidités
AINS� Dosage
� Aucun AINS supérieur à un autre quelque soit la pathologie
� 2 molécules à administration iv� Voltarène 75mg sur 30 min (max.150mg/j)� Tora-dol 30mg iv (max. 90mg/j)
� Contre-indications� Déshydratation, IRA� IC (ttt par IEC; anti angiotensine II; diurétiques)� AP ulcère gastrique, hémorragie digestive
AINS
� Effets indésirables� Ulcérations muqueuse gastro-intestinale� Douleur abdominale c/o 10-60% patients� Facteurs de risque
• Âge avancé• Utilisation concomitante d’anticoagulants,
corticoïdes ou autre AINS
� Asthme (Vidal), urticaire, anaphylaxie� Atteintes hépatiques
• Ictère, hépatite, nécrose hépatocellulaire,…
� Rétention hydrosodée et IRA
AINS� Interactions médicamenteuses
� Anticoagulants oraux– ↑ risque hémorragique
� IEC– IRA– ↓ effet antihypertenseur
� Diuretiques– IRA
� Corticoïdes– ↑ risque ulcérations digestives
Metamizole (Novalgine)
� Absence de toxicité rénale, cardiaque ou hépatique
� Puissance analgésique équivalente aux AINS, pas d’effet anti-inflammatoire !
� Risque d’agranulocytose (incidence 1/1400-1/30000 !)
� Dose 3 x 0,5 – 1 g/j iv� Ne pas associer à d’autres médicaments
myélotoxiques
Opiacés
� Pharmacologie � Effet analgésique (dose-dépendant)� Effet antitussif� ↓ réponse au CO2� Activation chemoreceptor trigger zone
– Nausées, vomissements
� Inhibition de la motilité GI et urinaire– Effet antidiarrhéique– Rétention urinaire
� Histamino-libérateurs pour certains– Tachycardie, hypotension
Opiacés � Pharmacologie
� Effet antalgique dose dépendant� Pas de dose standard ou en fonction du poids,
la dose correcte est celle qui soulage la douleur� Pas de différence d’efficacité analgésique entre
les différents agonistes mu� Ils se différencient par leurs propriétés
pharmacocinétiques et leurs effets indésirables� Efficacité des agonistes-antagonistes est
limitée par un effet plafond et antagonisent l’effet des agonistes purs → risque de syndrome de sevrage
Opiacés
� Pharmacologie� Analgésie maximale (morphine)
– 60-90 min après administration po– 30 min après administration im– 6 min après administration iv
� Métabolisme hépatique– Métabolites souvent actifs
� Elimination rénale
� Préalables à une antalgie par opiacés� O2, SpO2, TA, FR, matériel de ventilation à
portée de main
Morphine� Médicament de première intention en cas de
douleurs intenses� Pharmacocinétique
� Délai d’action 5-6 minutes, effet max 15-20 minutes� Durée d’action 4 heures� Métabolisme hépatique en M6G et M3G� M6G actif, puissance analgésique >> morphine,1/2 vie
>> morphine� M3G toxique au niveau du SNC� Effet additif du paracétamol (analgésie multimodale)
Morphine � Effets indésirables
� Somnolence, rigidité thoracique� Nausées,vomissements� Constipation, globe vésical� Histaminolibération, urticaire, prurit
� Le mythe� A doses équianalgésiques, TOUS les opiacés
génèrent un spasme de la musculature lisse de l’arbre biliaire et rénal
Morphine
� Dosage� Suffisamment pour soulager les douleurs
du patient, mais pas assez pour le tuer� TITRER
– Dose initiale 0,05 - 0,1 mg/kg iv lent– Réévaluer la douleur et les effets secondaires après
5 minutes (sédation, SpO2, FR, TA)– Si nécessaire administrer 2 mg iv – Réévaluer la douleur et les effets secondaires après
5 minutes– Si nécessaire administrer 2 mg iv etc…
Péthidine � Historiquement, opiacé le plus utilisé
aux urgences (chirurgie)
� Pharmacocinétique� Durée d’action < morphine (2-3 heures)
� Analgésie probablement moins efficace que la morphine
Jasani NB. Comparison of hydromorphone and meperidine for ureteral colic. Acad.Emerg.Med. 1994;1:539-43
Péthidine � Effets indésirables
� Effets anticholinergiques (vision trouble, constipation, tachycardie, xérostomie, agitation, confusion, délire,…)
� Syndrome sérotoninergique� Métabolisé en norpéthidine, neurotoxique
(anxiété, confusion, hallucinations, myoclonies, convulsions)
� Norpéthidine ½ vie 24-48h, élimination rénale� Naloxone n’antagonise pas les effets
neurotoxiques de la norpéthidine
Fentanyl � Pharmacocinétique
� Délai d’action 1-2 minutes, effet max 5-7 minutes
� Durée d’action 30-45 minutes� ½ vie d’élimination 3 heures → risque
d’accumulation après saturation des tissus en cas de doses répétées
� Pharmacodynamique� Pas d’histamino-libération → bonne tolérance
hémodynamique
� Dosage � Dose initiale1µg/kg iv lent, puis titrer par 0,5
µg/kg
Immobilisation/position antalgie
NaCl 0,9% entretien3
Morphine® IVL7
Dc : 0.05mg/kgTitrer : 2mg/5min
Max : 10mg
Fentanyl® IVL7
Dc : 50µgDc > 70ans : 25µgTitrer : 25µg/3min
Max : 200µg
Voltaren® IVL6
Du : 75mg en 5 minParacétamol HCF® IVL4
Du : 1g en 5min
Oxygène2
4
Si EVA > 3 et <5
EVALUATION PRIMAIRE
EVALUATION SECONDAIRE
Critères stables1
Si EVA > 5
Cas médical Cas traumatique
Colique
néphrétique 5 Autre
Complications BLS ALS
Navoban ® IVB8
Du : 2mg
Narcan ® IVBDi : 0.08mg
Titrer : 0.04mg/minMax : 0.4mg
Nausées/vomissements
SpO2 < 90% O2 haut-débit
Ventilation assistéeFR < 8/min
Cas particuliers� Lombalgies aiguës
� AINS � meilleur que placebo, mais peut être pas que
paracetamol.� Pas d’AINS plus efficace qu’un autre
� Myorelaxants� parfois utiles
� Activité� recomander aux patients de rester actifs→ augmente
taux de récupération
� Chaud/froid� peut être mieux que placebo� pas plus efficace que paracetamol, myorelaxants ou
AINS
Cas particuliers� Coliques biliaires et rénales
� Aucune évidence clinique concernant une aggravation de la pancréatite ou de la cholecystite par la morphine
� AINS iv sont aussi efficaces que les opiacés dans la colique biliaire
� Les AINS sont plus efficaces que la péthidine dans la colique néphrétique. Début d’analgésie plus rapide si administrés iv
� L’association AINS + morphine est la plus efficace� Titrer la morphine 0,1 mg/kg iv� Pas d’utilité du Buscopan
Walters W.The pathologic physiology of the common bile duct JAMA 1937;109:1591-7Radney PA. The effect of equianalgesic doses of fentanyl, morphine, meperidine and pentazocine on common
bile duct pressure. Anaesthesist 1980;29:26-9
Cas particuliers
� Abdomen aigü
Though it may appear cruel, it is really kind to withhold morphine until one is certain or not that surgical interference is necessary, ie until a reasonable diagnosis has been made.
Sir Zachary Cope
Early Diagnosis of the acute Abdomen(1920)
Abdomen aigü� Revue de la littérature
� Pas d’étude prospective sur utilisation des opiacés dans abdomen aigü avant 1986 !!!
� Nette amélioration des douleurs après administration d’opiacés
� Analgésie précoce ne masque pas les signes cliniques dans l’abdomen aigü et aucune cause potentiellement léthale n’a été manquée chez l’adulte comme chez l’enfant.
Références
� A.Ricard-Hibon. Prise en charge de la douleur en milieu préhospitalier Conférences d’actualisation 2001; Elsevier
� Tintinalli JE.Emergency medicine:a comprehensive study guide 6th ed. (2004); McGraw-Hill
� Australian and New Zealand College of Anaesthetists. Acute pain management: Scientific evidence 3rd Ed. 2010 www.anzca.edu.au/publications/acutepain.htm
� NAEMT. Advanced Medical Life Support � Grant D. Innes. Basic pharmacology and advances in
emergency medicine. Emerg.Med.Clin.N.Am 23 (2005) 433-65� Linklater D. Painful dilemmas: An evidence-based look at
challenging clinical scenarios. Emerg.Med.Clin.N.Am 23 (2005) 367-92
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