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ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON
Année 2009 - Thèse n° 43
Actualités thérapeutiques de la maladie de Cushing chez le chien et chez le cheval :
étude bibliographique
THESE
Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON 1 (Médecine - Pharmacie)
et soutenue publiquement le 08 Décembre 2009 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire
par
TRUCHELUT Christophe
Né le 21 Novembre 1985
à Clichy-la-Garenne
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REMERCIEMENTS
A Madame le professeur TROUILLAS
Nous vous remercions de nous avoir confié la responsabilité de réaliser ce travail qui, nous le savons, vous tenait à cœur, ainsi que de votre disponibilité, de vos conseils et de l'aide que vous nous avez apportée. Nous espérons que ce travail sera à la hauteur de vos attentes.
Vous nous faîtes l'honneur de présider notre jury ce soir. Veuillez trouver ici l'expression de notre respectueuse reconnaissance.
A Monsieur le professeur CADORE
Nous vous remercions de l'intérêt que vous portez à notre travail ainsi que de l'aide que vous nous avez apportée. Nous sommes honorés que vous ayez accepté de superviser et de juger
ce soir notre travail. Veuillez trouver ici l'expression de notre sincère gratitude.
A Madame le professeur HUGONNARD C'est un honneur pour nous de vous compter parmi les membres de notre jury. Nous vous remercions de votre disponibilité, et au delà de ce travail, pour tout ce que vous nous avez
apporté au cours de ces quatre années, tant en connaissances qu'en réflexion et en humilité. Veuillez trouver ici l'expression de notre profond respect.
4
A mon père, pour avoir toujours cru en moi, pour m'avoir toujours soutenu et pour
continuer à le faire.
A ma mère, merci de ta gentillesse et de tout ce que tu m'as donné depuis toujours. Je sais
que ce n'est pas facile de n'avoir eu que des garçons à la maison, alors merci.
A mon frère, pour tous les bons moments que nous avons partagés. Je sais que tu réussiras.
A ma grand-mère, tu n'es pas là ce soir mais j'ai une pensée particulière pour toi. Merci pour
ta gentillesse de toujours.
A mes grands-parents, de Saint-Jean-de-Luz à Lorgues, en passant par Brévonnes et Reims,
merci pour tous ces souvenirs. Je vous souhaite de pouvoir encore profiter de ces voyages de
nombreuses années.
A Catherine, Yanno, JP et Raph, ainsi qu'à M et Mme Martin pour m'avoir si gentiment
accueilli au sein de leur famille.
A Alexandre, mon ami émigré en Chine. Merci pour toutes ces années d'amitié. Je te
souhaite toute la réussite possible là-bas, à l'autre bout du monde, en espérant te revoir
bientôt.
A Capucine, ta bonne humeur et ta gentillesse sans limites sont contagieuses. Merci pour ton
amitié et pour tous ces bons moments passés ensemble. Et sinon, c'est une bonne situation
ça, scribe?
A mes tous mes amis de prépa, en particulier Juju pour ces samedis matins inoubliables, PY
pour tous nos délires, Morph, Trilili, Gafette, Croûte pour tous ces bons moments, Chatchat,
pour notre éternelle rivalité (il n’en restera qu’un…), Armelle et François, pour toutes nos
rigolades. Grâce à vous, je ne garde que de bons souvenirs de ces deux ans de prépa. Vous
me manquez tous, mais j'espère vous revoir bientôt.
A Océane, ma colloc' préférée, pour tous les bons moments que nous avons vécu ensemble
et pour ces deux années de collocation que je n’oublierai jamais.
A Beubeu, pour ta gentillesse, ta bonne humeur et ta générosité, ainsi que pour m'avoir
appris le piano ;-). Ne change rien, tu es le meilleur.
A Jennifer, pour tous nos rires et nos délires qui me manquent. Je te souhaite plein de
bonheur à Nantes. N'oublie pas que tu comptes beaucoup pour moi.
A Lauren et Biloute, mon râleur préféré, de l’île de Ré à l’Aber Wrach, merci pour tous les
bons moments que nous avons partagés. J'espère que nous auront encore l'occasion d'en
vivre beaucoup!
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A Charles, pour ta gentillesse et ta générosité. J'espère que tu réussiras à t'épanouir au cours
de cette année d'internat ainsi que dans ta vie future.
A Méloche et Boubou, de l'île de Ré à la Corse, de nombreuses vacances passées ensemble
qui me laissent des souvenirs inoubliables.
A Marie, pour ta bonne humeur et ton sens de la ponctualité inimitable. J’espère que cette
année à Hyères t’apportera tout ce que tu en attends.
A Sydney, pour ces 4 années d’amitié. Malgré tes périples d'un bout à l'autre du globe,
j'espère bien te revoir bientôt!
A Tchoco, pour ces 4 années d'escalade, de ski, de délires et de bons moments passés
ensemble.
A Maxime, pour tous les rires que nous avons partagés au sein du groupe des couples.
A Caribou, Schnap’s, et Cha, pour toutes ces soirées passées à l’escalade. T'es pas bien là,
hein? C'est pas bon...
A Stouf, pour ces trajets Paris-Lyon inoubliables et surtout pour nos arrêts à l’aire du chien
blanc…
A Popo, Pioupiou, Aline, Fifon, Cindy, et MarYon qui ont tous contribué à rendre ma vie à
l'école inoubliable, merci.
A Héléna, pour avoir su voir ce qu’il y a de meilleur en moi. Ces trois mois loin de toi ont été
si longs, mais désormais je t'aurai auprès de moi. La vraie vie commence. Mon amour, je
t’aime.
"...alors merci, car vous sentir me fait du bien,
et dans vos bras, je suis quelqu'un, je n'ai plus besoin d'avoir peur,
je n'ai plus besoin d'être ailleurs. Sous vos regards, je me sens beau, et parfois peut-être un peu trop, mais je n'oublie pas d'ou je viens,
bien avant vous je n'étais rien. Alors merci,
merci..."
Merci, Grégoire
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION………………………………………………………………………………………….12
I/ Anatomie et physiologie de l’axe hypothalamo-hypophysaire et des glandes
surrénales.......................................................................................................................15
A/ Anatomie de l'hypophyse........................................................................................16
1/ Chez le cheval........................................................................................................16
a/ La neurohypophyse.................................................................................................16
b/ L’adénohypophyse..................................................................................................17
i/ Anatomie....................................................................................................17
ii/ Données histologiques..............................................................................18
2/ Chez le chien...........................................................................................................20
B/ Physiologie de l’axe hypothalamo-hypophysaire....................................................21
1/ Chez le cheval.........................................................................................................21
a/ Régulation de l’activité hypophysaire chez l’homme..............................................21
b/ Régulation de l’activité hypophysaire chez le cheval..............................................22
i/ Les cellules corticotrophes de la Pars distalis.............................................22
ii/ Les cellules corticotrophes de la Pars intermedia.....................................23
c/ Synthèse de la physiologie hypophysaire chez le cheval.........................................24
d/ Le cortisol circulant chez le cheval..........................................................................24
e/ Variations physiologiques........................................................................................25
i/ Variations en fonction de la saison.............................................................25
ii/ Variations en fonction de l’âge..................................................................27
iii/ Variations en fonction du sexe.................................................................27
iv/ Synthèse...................................................................................................27
2/ Chez le chien...........................................................................................................28
a/ Les cellules corticotrophes de l’adénohypophyse : régulation...............................28
i/ Les cellules corticotrophes de la Pars distalis............................................28
ii/ Les cellules corticotrophes de la Pars intermedia.....................................30
b/ Régulation de l’activité hypophysaire chez le chien................................................31
c/ Synthèse..................................................................................................................33
C/ Anatomie et physiologie des glandes surrénales.....................................................34
7
II/ Pathogénie de la maladie de Cushing.................................................................37
A/ Les dysfonctionnements hypophysaires chez le cheval...........................................39
1/ Les adénomes de la Pars intermedia.......................................................................39
2/ Origine hypophysaire ou hypothalamique ? ...........................................................41
3/ Signes cliniques et diagnostic..................................................................................42
a/ Les signes cliniques..................................................................................................42
b/ Les données de laboratoire issues d'une mesure unique.......................................46
c/ Les tests dynamiques …………………………..................................................................48
B/ Les tumeurs hypophysaires et leurs conséquences chez le chien.............................50
1/ Les tumeurs hypophysaires, cause primaire de la maladie de Cushing chez
le chien.......................................................................................................................50
a/ Les tumeurs hypophysaires dérivant des cellules corticotrophes...........................50
b/ Considérations histopathologiques.........................................................................52
i/ Les microadénomes....................................................................................52
ii/ Les macroadénomes..................................................................................52
2/ Conséquences sur l’organisme et sur la régulation hypophysaire..........................53
3/ Signes cliniques et diagnostic .................................................................................54
a/ Signes cliniques et épidémiologie............................................................................54
b/ Les données simples de laboratoire........................................................................55
c/ Les tests endocrinologiques....................................................................................56
i/ Le test de stimulation à l'ACTH...................................................................56
ii/ Le test de freinage à la dexaméthasone faible dose.................................56
iii/ Le rapport cortisol/créatinine urinaire.....................................................58
iv/ Les autres tests et examens......................................................................59
III/ Actualités thérapeutiques de la maladie de Cushing......................................60
A/ Les traitements médicamenteux.............................................................................62
1/ Le mitotane............................................................................................................62
a/ L’utilisation du mitotane dans l’espèce canine.......................................................62
i/ La phase d’induction...................................................................................63
ii/ Prise en charge d’un éventuel diabète associé.........................................66
iii/ La phase d’entretien.................................................................................66
iv/ La surrénalectomie médicale....................................................................67
v/ Les effets secondaires...............................................................................68
vi/ Synthèse...................................................................................................69
b/ L’utilisation du mitotane dans l’espèce équine......................................................69
2/ Le kétoconazole.....................................................................................................69
3/ Le trilostane...........................................................................................................70
a/ L’utilisation du trilostane dans le traitement de la maladie de Cushing chez le
chien..............................................................................................................71
i/ Le trilostane, nouveau traitement médical de référence chez le
chien..............................................................................................................71
ii/ Effets secondaires......................................................................................73
8
α/ Effets secondaires observés lors des essais expérimentaux.......73
β/ Conséquences histologiques du traitement sur les glandes
surrénales........................................................................................74
γ/ Autres actions du trilostane........................................................75
δ/ Conséquences du traitement sur l’hypophyse............................78
iii/ Synthèse...................................................................................................80
b/ Essais chez le cheval................................................................................................80
4/ Cyproheptadine et agonistes dopaminergiques....................................................84
a/ L’utilisation de la cyproheptadine...........................................................................84
b/ Bromocriptine et pergolide.....................................................................................86
i/ L’utilisation de la bromocriptine................................................................86
ii/ L’utilisation de la pergolide.......................................................................86
c/ Synthèse..................................................................................................................92
d/ L'utilisation de la cabergoline chez le chien............................................................92
B/ Les traitements chirurgicaux...................................................................................96
1/ L’hypophysectomie transsphénoïdale.....................................................................96
a/ Dans l'espèce canine...............................................................................................96
i/ Présentation...............................................................................................96
ii/ Techniques chirurgicales...........................................................................98
iii/ Résultats.................................................................................................100
iv/ Conclusion..............................................................................................104
b/ Dans l’espèce équine.............................................................................................104
2/ La surrénalectomie bilatérale...............................................................................105
C/ Les traitements alternatifs.....................................................................................106
1/ Le nursing dans l’espèce équine............................................................................106
a/ Prise en charge de l’hypertrichose et de l’hyperhydrose.....................................106
b/ Prise en charge de l’alimentation……………….........................................................107
c/ Prise en charge de la fourbure...............................................................................108
d/ Prise en charge des infections secondaires...........................................................109
2/ La radiothérapie....................................................................................................111
a/ Les indications de la radiothérapie........................................................................111
b/ Les protocoles de radiothérapie............................................................................112
c/ Les résultats de la radiothérapie...........................................................................113
d/ Les effets secondaires...........................................................................................115
i/ Les effets secondaires aigus.....................................................................115
ii/ Les effets secondaires tardifs..................................................................116
iii/ Conséquence : l’essai de nouveaux protocoles......................................116
e/ Synthèse................................................................................................................116
9
Conclusion....................................................................................................................117
Références bibliographiques...................................................................................119
Annexes…………………………….....................................................................................126
10
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Liste des figures : Fig. 1, p 17 : Coupe médiane d'hypophyse chez le cheval (schéma et photo).
Fig. 2, p 19 : Images histologiques d'une coupe d'hypophyse chez un cheval sain.
Fig. 3, p 23 : Voies de transformation et de clivage de la pro-opiomélanocortine dans la Pars
intermedia et la Pars distalis (encore appelée Pars anterior).
Fig. 4, p 26 : Variations saisonnières de la concentration plasmatique en ACTH chez des
poneys et des chevaux sains.
Fig. 5, p 29 : Voies de transformations possibles de la pro-opiomélanocortine chez le chien.
Fig. 6, p 32 : Illustration de la régulation de la production d’ACTH et de cortisol chez le chien.
Fig. 7, p 34 : Anatomie et disposition des glandes surrénales chez le cheval
Fig. 8, p 35 : Les différentes parties des glandes surrénales chez le chien.
Fig. 9, p 46 : Illustration de la perte du rythme diurne des variations de la concentration en
cortisol dans le cas de dysfonctionnement de la Pars intermedia.
Fig. 10, p 48 : Variations de la concentration plasmatique en cortisol suite à l’injection de
dexaméthasone chez des chevaux sains et des chevaux souffrants de dysfonctionnement de
la Pars intermedia.
Fig. 11, p 65 : Résultats du test de stimulation à l’ACTH avant et après 7 jours de traitement
au mitotane.
Fig. 12, p 76 : Concentrations en cortisone avant et après stimulation à l’ACTH chez des
chiens souffrant de maladie de Cushing avant, 2 semaines après (T1), et 5 semaines après
(T2) l’administration de trilostane en continu.
Fig. 13, p 89 : Relation de corrélation linéaire entre la dose de pergolide administrée et la
concentration plasmatique en ACTH à la fin du traitement chez des chevaux traités pour
dysfonctionnement de la Pars intermedia.
Fig. 14, p 90 : Relation de corrélation linéaire entre la durée de traitement à la pergolide et
la concentration plasmatique en ACTH chez des chevaux traités pour dysfonctionnement de
la Pars intermedia.
11
Fig. 15, p 101 : Evolution des concentrations en ACTH (A) et en cortisol (B) après stimulation,
avant la chirurgie (CAP 1), puis 2 semaines (CAP 2) et 10 semaines (CAP 3) après
hypophysectomie.
Liste des tableaux
Tabl. 1, p 58 : Interprétation des résultats du test de freinage à la dexaméthasone faible
dose.
Tabl. 2, p 81 : Evolution des signes cliniques principaux présentés par les 20 chevaux de
l’étude de Mc Gowan, avant le début du traitement et 30 jours après.
Tabl. 3, p 87 : Signes cliniques présents chez des chevaux atteints d’un dysfonctionnement
de la Pars intermedia, avant et après traitement à la pergolide ou à la cyproheptadine.
Tabl. 4, p 88 : Moyennes des concentrations plasmatiques en ACTH, en glucose et en
insuline avant et après traitement à la pergolide pour 20 chevaux et à la cyproheptadine
pour 7 chevaux.
Tabl. 5, p 94 : Evolution des signes cliniques avant et un an après traitement (cabergoline
pour le groupe 1, kétoconazole pour le groupe 2).
Tabl. 6, p 102 : Pourcentage de survie et d'absence de récidive sur 4 ans. Statistiques
réalisées sur 150 chiens ayant subi une hypophysectomie transsphénoïdale.
Tabl. 7, p 114 : Comparaison des médianes, moyennes et pourcentages de survie de 46
chiens répartis en deux groupes.
Liste des photos
Photo 1, p 43 : Jument atteinte de maladie de Cushing et présentant de l'hypertrichose.
Photo 2, p 79 : Augmentation de la taille de l’hypophyse visualisée à l’IRM chez un chien sain
recevant du trilostane.
12
INTRODUCTION
13
L'actualité thérapeutique de la maladie de Cushing en médecine vétérinaire ne cesse
d'évoluer. Notre étude bibliographique concernera les espèces canine et équine. Le choix de
ces deux espèces s'appuie sur le fait qu'il s'agit des deux espèces susceptibles de présenter la
maladie que l'on rencontre le plus souvent en clientèle vétérinaire courante. Ainsi, d'autres
espèces, telles que le rat qui sert parfois de modèle d'expérience, ne seront pas abordées.
Certains parallèles avec l'homme seront faits, compte tenu des similitudes existantes,
notamment entre le chien et l'homme. Le cheval présente quant à lui une spécificité plus
importante.
Nous nous limiterons dans ce travail à la maladie de Cushing, décrite comme étant un
hypercorticisme spontané d'origine hypophysaire. Cette maladie, décrite pour la première
fois par le neurochirurgien Harvey Cushing en 1932, est à bien différencier du syndrome de
Cushing, qui correspond également à un hypercorticisme, mais dont l'origine peut être
diverse : surrénalienne, iatrogénique ou autre (tumeur ectopique sécrétante par exemple).
Sur un plan clinique, ces deux affections sont identiques, la maladie de Cushing n'étant
finalement qu'un cas particulier du syndrome de Cushing.
La maladie de Cushing touche en général des individus adultes à âgés, que ce soit
chez le chien, chez le cheval ou chez l'homme. Les jeunes sont rarement touchés, bien que
des cas aient été décrits. Bien sûr, l'âge chiffré dépend de l'espèce considérée. Ainsi, chez
l'homme, les individus atteints ont un âge moyen situé entre 30 et 40 ans. L'âge moyen chez
le chien et chez le cheval est respectivement de 10 ans et de 20 ans [41, 45, 51, 74].
Une particularité intéressante est le fait que dans l'espèce humaine, les femmes sont
huit fois plus souvent touchées que les hommes, alors que chez le chien et chez le cheval,
aucune prédisposition de sexe n'existe [45, 51, 59]. Toutefois, dans l'espèce canine, le
syndrome de Cushing d'origine surrénalienne touche préférentiellement les femelles (six fois
plus que les mâles [41]).
Aucune différence ne sera faite dans ce travail entre le poney et le cheval. De
discrètes différences métaboliques les caractérisent, mais cela a peu d'incidence en termes
de physiopathologie et de thérapeutique. De nombreuses études mêlent les deux espèces
de façon courante.
Afin de permettre la bonne compréhension des différents traitements utilisés,
proposés, ou à l'essai, nous consacrerons les deux premières parties de notre travail à la
description de l'anatomie et de la physiologie de l'axe hypothalamo-hypophysaire et des
glandes surrénales, ainsi qu'à la description de la maladie et de sa physiopathologie. Ces pré-
requis sont en effet indispensables pour comprendre les diverses propositions
thérapeutiques et les différences, parfois importantes, qui existent entre les deux espèces.
Toutefois, ces deux premières parties sont des pré-requis à la suite de notre travail et, à ce
titre, ne se veulent pas exhaustives. Dans la troisième partie, nous développerons en détail
les aspects thérapeutiques de la maladie, en nous arrêtant sur certains traitements anciens,
14
puis en décrivant en détails les traitements actuels et à l'étude. Nous aborderons ainsi
successivement les traitements médicamenteux, puis chirurgicaux, et enfin, d'autres
traitements que nous appellerons "alternatifs" car, s'ils peuvent s'avérer intéressants, voire
fondamentaux, il convient en général de les associer à un autre type de traitement (médical
ou chirurgical).
15
I/ Anatomie et physiologie de
l’axe hypothalamo-
hypophysaire et des glandes
surrénales
16
A/ Anatomie de l'hypophyse
Chez les primates, l’hypophyse est divisée en deux lobes distincts : un lobe antérieur
de grande taille, l’adénohypophyse, et un lobe postérieur de petite taille, la
neurohypophyse. L’ensemble se localise à la base du cerveau, dans la selle turcique.
L’hypophyse est ainsi à la fois ventrale au chiasma optique et adjacente aux sinus caverneux.
Elle est néanmoins séparée du cerveau de manière relative par une partie de la dure-mère :
la diaphragma sella.
Chez les quadrupèdes, la distinction des deux parties de l’hypophyse en antérieure et
postérieure est incorrecte du fait que la neurohypophyse est en général plutôt dorsale au
reste de l’hypophyse. De manière plus précise et plus détaillée, nous allons aborder ce point
dans les deux espèces qui nous concernent ici : le cheval et le chien.
1/ Chez le cheval
Chez le cheval, la neurohypophyse est enveloppée par l’adénohypophyse. L’ensemble
de l’hypophyse pèse environ 3,1 grammes. Sa taille moyenne est de 23 mm par 20 mm dans
le plan transverse et elle mesure 11 mm en moyenne dans le plan sagittal [45]. Comme chez
l'homme, elle est plus ou moins séparée du reste de l'encéphale par la diaphragma sella
[18].
a/ La neurohypophyse [45]
La neurohypophyse représente 20% du poids total de l’hypophyse. Elle se développe
à partir du plancher du 3ème ventricule et occupe une position plus ou moins centrale dans
l'hypophyse, fixée sur la tige pituitaire qui la relie à l'hypothalamus. La neurohypophyse est
constituée de cellules gliales modifiées et d’extensions des axones de cellules nerveuses
dont le corps cellulaire se trouve dans les noyaux supra-optique et paraventriculaire de
l’hypothalamus. La neurohypophyse est un organe de stockage pour l’ADH (Hormone Anti-
Diurétique) et pour l’ocytocine, qui sont toutes les deux des hormones produites par des
neurones hypothalamiques [36].
17
b/ L’adénohypophyse
i/ Anatomie
L’adénohypophyse représente à elle seule environ 80% du poids total de l’hypophyse.
Elle est composée de cellules endocrines qui dérivent toutes de l’épithélium ectodermique
de la cavité orale et qui synthétisent et stockent des hormones. L’adénohypophyse est
subdivisée en trois parties : la Pars tuberalis, la Pars intermedia, et la Pars distalis.
La Pars tuberalis est une fine membrane de tissu endocrine qui entoure
l’infundibulum, et que l’on nomme aussi éminence médiane ou encore Pars eminens.
L'infundibulum est également appelé tige pituitaire [45]. La Pars tuberalis est peu
développée par rapport au reste de l'adénohypophyse.
La Pars intermedia forme une zone de tissu continu qui englobe la neurohypophyse,
la séparant ainsi de la Pars distalis qui constitue le reste de l'adénohypophyse. Elle dérive de
la paroi postérieure de la poche de Rathke [18].
Fig. 1. Coupe médiane d'hypophyse chez le cheval (schéma et photo). La Pars intermedia
correspond sur le schéma au "lobe intermédiaire". D'après Collin [18] et Miller [55].
Dans la plupart des espèces, l’adénohypophyse est exclusivement irriguée par des
veines drainant le réseau capillaire de l’infundibulum alors que la neurohypophyse reçoit,
pour sa part, une irrigation artérielle directe. Chez le cheval, la Pars intermedia reçoit, en
plus du sang drainant l’infundibulum, du sang artériel de manière directe. La conséquence
de cette particularité d’espèce est donc que la Pars intermedia du cheval peut recevoir des
signaux humoraux provenant à la fois de la circulation portale et de la circulation systémique
[45].
18
ii/ Données histologiques
La coloration histologique des cellules de la Pars intermedia met en évidence trois
types distincts de cellules. Tout d’abord des cellules acidophiles dont le cytoplasme est
éosinophilique, mais aussi des cellules basophiles, à cytoplasme bleu/violet et des cellules
chromophobes dont le cytoplasme est peu coloré. De manière fonctionnelle, on préfère
toutefois utiliser une coloration immunohistochimique, qui permet d’identifier cinq types de
cellules fonctionnellement différentes. Cette technique de coloration est basée sur
l’utilisation d’anticorps dirigés spécifiquement contre certaines hormones hypophysaires. On
distingue ainsi :
- les cellules somatotrophes : elles sont responsables de la synthèse de l’hormone
de croissance (GH : Growth Hormone)
- les cellules lactotrophes : elles sont responsables de la synthèse de la prolactine
- les cellules corticotrophes : elles synthétisent une hormone fondamentale : la
pro-opiomélanocortine (POMC). Cette hormone est très importante car elle va
par la suite être clivée pour donner de nombreux peptides possédant des rôles
variés mais tous fondamentaux dans le métabolisme. Dérivera ainsi de ce clivage
l’ACTH (AdrenoCorticoTropin Hormone), la MSH (Melanocyte Stimulating
Hormone), le CLIP (Corticotropin-Like Intermediate lobe Peptide), la β-endorphine
et la β-lipotropine (cf. Fig. 3).
- les cellules gonadotrophes : elles sont responsables de la synthèse de FSH
(Follicule Stimulating Hormone) et de LH (Luteinizing Hormone).
- les cellules thyrotrophes : qui synthétisent la TSH (Thyroxine Releasing Hormone,
aussi appelée thyrotropine).
19
Les cellules corticotrophes représentent 15 à 20% de l’adénohypophyse chez
l’homme. Ce sont des cellules faiblement basophiles à chromophobes. Chez le cheval, on les
trouve dans la Pars intermedia, comme nous venons de le dire, mais aussi dans la Pars
distalis.
Fig. 2. Images histologiques d'une coupe d'hypophyse chez un cheval sain. PA = Pars distalis,
PI = Pars intermedia, PN = Neurohypophyse. D'après Miller [55].
La Pars intermedia n'existe chez l'homme qu'à l'état embryonnaire et celle-ci
disparait par la suite. Ce n'est pas le cas chez le cheval, ni chez le chien. De manière
physiologique, 10% des cellules de la Pars distalis chez le cheval se colorent de manière
fortement positive pour la pro-opiomélanocortine, l’ACTH et la β-endorphine. Dans la Pars
distalis, ces cellules se trouvent sous forme de cellules isolées ou d’îlots de petite taille qui se
situent plutôt en position rostrale. On note aussi une coloration positive pour l’α-
Melanocyte Stimulating Hormone (α-MSH). A l’inverse, la quasi-totalité des cellules de la
Pars intermedia se colorent de manière fortement positive pour la pro-opiomélanocortine et
l’α-MSH. Par contre, la coloration obtenue suite à l’utilisation d’anticorps dirigés contre
l’ACTH est plutôt faible et ces cellules ne sont aussi que faiblement basophiles. De petites
zones focales de la Pars intermedia montre une coloration positive pour la β-endorphine.
20
2/ Chez le chien
L’hypothalamus se situe dorsalement à l’hypophyse et appartient au diencéphale. Il
possède de nombreux rôles que nous ne détaillerons pas ici. Ces actions concernent
notamment le comportement, la production d’ADH, et par conséquent la régulation de la
diurèse, la régulation de la température, via le centre thermorégulateur, l’appétit, et certains
métabolismes dont celui des carbohydrates. Il possède également des actions cardiaques et
neurologiques directes.
D’une manière générale, l'anatomie de l'hypophyse chez le chien diffère peu de ce
que nous avons déjà décrit chez le cheval. L'hypophyse est également divisée en
adénohypophyse, de grande taille, et en neurohypophyse, de taille plus modeste. Elle est
aussi située ventralement à l'hypothalamus, entre les sinus caverneux. L'adénohypophyse a
tendance à envelopper la neurohypophyse qui se retrouve ainsi en position plutôt centrale
dans l'hypophyse. La taille de l’hypophyse dépend entre autres de la race du chien et de sa
taille. Aussi les mesures effectuées par imagerie (scanner ou examen IRM) s’intéressent
surtout à la mesure du ratio P/B, c’est-à-dire au rapport de la hauteur de l’hypophyse en
coupe tranversale sur celle du cerveau (rapport Pituitary/Brain). Les fonctions et rapports de
la neurohypophyse avec le reste de l'encéphale sont les mêmes que celles décrites chez le
cheval [17] : la neurohypophyse possède des connexions nerveuses avec l’hypothalamus,
auquel elle est directement reliée par la tige pituitaire. A l’inverse, l’adénohypophyse reçoit
des messages humoraux véhiculés via la circulation portale hypothalamo-hypophysaire.
Contrairement au cheval, l’hypophyse ne reçoit pas de messages humoraux directs de la
circulation générale [26+. De même que nous l’avons décrit précédemment, les colorations
immunohistochimiques permettent de distinguer différents types cellulaires : des cellules
corticotrophes, présentes dans la Pars distalis et dans la Pars intermedia, mais aussi des
cellules somatotrophes, lactotrophes, gonadotrophes et thyrotrophes. Leurs caractéristiques
histologiques diffèrent peu de celles décrites précédemment chez le cheval [14].
21
B/ Physiologie de l’axe hypothalamo-hypophysaire
Compte-tenu de certaines différences importantes qui existent entre le chien et le
cheval, nous traiterons ce point en deux paragraphes distincts.
1/ Chez le cheval
Chez le cheval, on trouve des cellules corticotrophes à la fois dans la Pars distalis et
dans la Pars intermedia. Tout comme chez l’homme, chez qui la Pars intermedia disparait à
la naissance, c’est la Pars distalis qui prédomine en ce qui concerne la libération d’ACTH dans
la circulation systémique chez le cheval sain.
Ces cellules corticotrophes reçoivent une double stimulation. Elles sont ainsi
stimulées par la CRH (Corticotropin Releasing Hormone), qui est produite dans les neurones
des noyaux paraventriculaires de l’hypothalamus. Elles sont également stimulées par de
l’ADH qui est produite par une population de neurones hypothalamiques distincts de ceux
produisant l’ADH stockée dans la neurohypophyse.
La sécrétion de CRH et d’ADH par l’hypothalamus est pulsatile dans la circulation
portale. Celle-ci induit la libération d’hormones stockées dans l’hypophyse d’une part, et
l’induction de la transcription nucléaire d’autre part, ce qui permet la fabrication de
nouvelles hormones.
a/ Régulation de l’activité hypophysaire chez l’homme [11]
Chez l’homme, la sécrétion pulsatile de CRH commence tôt le matin pour conduire à
un pic de la concentration plasmatique en ACTH deux à quatre heures avant le réveil. L’ACTH
est sécrété de manière exclusive par les cellules de la Pars distalis, la Pars intermedia étant
virtuelle chez l’homme.
Remarque : il existe des récepteurs à la CRH ailleurs dans l’organisme, notamment
dans d’autres zones du cerveau et de la moelle épinière. Ainsi, en plus d’avoir une action
directe sur la libération d’ACTH, cela permet de manière plus générale une activité accrue du
système nerveux sympathique et une augmentation de la pression sanguine.
L’ACTH agit alors sur les cellules de la zone fasciculée du cortex surrénalien et induit
la production et la libération de cortisol dans le sang. Le cortisol exerce un rétrocontrôle
négatif qui inhibe la libération de CRH et d’ADH à partir des neurones hypothalamiques. Un
rétrocontrôle négatif s’exerce également directement sur les cellules corticotrophes de
l’hypophyse et la libération d’ACTH. Le rétrocontrôle négatif du cortisol est donc double et
est présent à deux niveaux différents.
22
Tout ceci aboutit chez l’homme à un rythme diurne, avec un pic matinal pour le
cortisol. Attention toutefois car si cela se passe effectivement ainsi chez l’homme, cela n’est
pas extrapolable de manière simple aux autres espèces. En effet, des différences plus ou
moins importantes sont observées.
b/ Régulation de l’activité hypophysaire chez le cheval [45]
Chez le cheval sain, l’ACTH est sécrétée de manière prédominante par les cellules
corticotrophes de la Pars distalis. Les cellules corticotrophes de la Pars intermedia en
sécrètent également, mais en quantité moindre. Les stimuli et les contrôles de cette
sécrétion sont par conséquent différents. Nous allons les aborder séparément.
i/ Les cellules corticotrophes de la Pars distalis
L’étude d’Alexander and al. *5+ a permis l’étude des variations de la régulation de la
sécrétion d’ACTH chez le cheval dans plusieurs situations différentes, grâce à une technique
de cathétérisation permettant la récupération directe de sang veineux hypophysaire. Il a
ainsi pu mettre en évidence que pendant les premières heures de la journée, la sécrétion
pulsatile d’ACTH chez le cheval est étroitement couplée à la libération, également pulsatile,
d’ADH dans la circulation portale. A l’inverse, la concentration en CRH reste stable et faible
et ne semble pas corrélée aux variations de la concentration en ACTH.
Lors d’exercice intense, ou d’augmentation de l’osmolarité du plasma, il a été
observé que les concentrations sanguines hypophysaires en ACTH et en ADH augmentaient
de manière simultanée alors que la concentration en CRH ne changeait pas. Il semble donc
que la sécrétion d’ADH d’origine hypothalamique soit le stimulus immédiat de la libération
d’ACTH à la fois au repos et lors d’activité chez le cheval.
Si on cherche maintenant à inhiber le rétrocontrôle négatif (qui est double) sur le
système hypothalamo-hypophysaire en réalisant une perfusion de métyrapone ou en
induisant une hypoglycémie à l’aide d’insuline, on observe que les deux concentrations (ADH
et CRH) ont une valeur qui augmente dans le sang veineux hypophysaire. Même si la
concentration en ADH reste le signal prioritaire, le pic en ACTH semble majoré par la CRH.
Cela suggère donc que la CRH aurait plutôt pour rôle d’ajuster la réponse hypophysaire vis-à-
vis de la stimulation par l’ADH.
Enfin, une autre étude d’Alexander and al. [3+ a montré qu’une perfusion de
naloxone, un antagoniste opioïde, induirait également une augmentation de la
concentration en ACTH, sans modification associée des concentrations en ADH et en CRH.
Ceci semble suggérer une action inhibitrice des opioïdes endogènes sur la libération d’ACTH.
Cette hypothèse doit néanmoins être confirmée et explorée plus en détail par d’autres
études.
23
ii / Les cellules corticotrophes de la Pars intermedia [45]
Les cellules corticotrophes de la Pars intermedia chez le cheval sont majoritairement
contrôlées par des neurones aminergiques d’origine hypothalamique. Leur contrôle est
donc très différent de celui des cellules corticotrophes de la Pars distalis. Le
neurotransmetteur principal impliqué est la dopamine, qui, une fois relarguée, inhibe la
libération de POMC (Pro-OpioMélanoCortine) par les cellules. A l’inverse, il a été montré que
l’administration d’antagonistes de la dopamine stimulerait la libération de POMC. Le POMC
est un peptide qui, après clivage, se transforme en une grande diversité d’autres hormones,
dont l’ACTH, mais aussi la MSH et le CLIP (cf fig. 3) Certaines voies de transformation/clivage
sont identiques entre la Pars intermedia et la Pars distalis. On note néanmoins des
différences.
Voies de transformation :
dans la Pars distalis
dans la Pars intermedia
POMC [1-256]
Fragment N-terminal Pro-opiocortine ACTH [1-39] β-lipotropine [1-91] γ-MSH [1-27] α-MSH [1-13] CLIP β-endorphine [1-31] γ-lipotropine [1-58]
β-endorphine β-endorphine [1-27] β-MSH [1-18]
acétylée [1-31] β-endorphine acétylée [1-31]
Fig. 3. Voies de transformation et de clivage de la pro-opiomélanocortine dans la Pars intermedia et
la Pars distalis. D’après Harold C. Schott II *45].
24
Ainsi, dans la Pars distalis, on retrouve majoritairement une production d’ACTH, de β-
endorphine et de γ-lipotropine. Dans la Pars intermedia, les transformations sont plus
poussées et ces métabolites subissent à leur tour des transformations. La Pars intermedia
est en conséquence riche en α-MSH, en CLIP (deux hormones issues de la dégradation de
l’ACTH, ce qui explique la faible immunoréactivité des cellules de la Pars intermedia pour
l’ACTH), mais aussi en β-MSH et en dérivés de la β-endorphine.
c/ Synthèse de la physiologie hypophysaire chez le cheval
Les changements circadiens de la libération en ACTH et de la concentration sanguine
en cortisol, sont donc principalement dus à l’activité des cellules corticotrophes de la Pars
distalis chez le cheval sain. De même que chez les primates, il existe un rythme diurne
concernant la concentration en ACTH, et par conséquent en cortisol circulant.
L’augmentation de la concentration en cortisol débute entre 2 et 4 heures le matin
pour aboutir à un pic plasmatique entre 6 et 9 heures en moyenne. Cette sécrétion de
cortisol en fin de matinée résulte en un nadir entre 18 heures et minuit, conséquence du
rétrocontrôle négatif double qu’exerce le cortisol sur l’hypothalamus et les cellules de la
Pars distalis de l’adénohypophyse. Il semble par contre que le cortisol circulant n’ait que très
peu d’effet inhibiteur sur la libération d’ACTH (et d’autres hormones) par les cellules
corticotrophes de la Pars intermedia [45].
d/ Le cortisol circulant chez le cheval
Le cortisol n’évolue pas de manière libre dans le sang circulant. Il est en effet lié à une
protéine particulière : la CBG (= Cortisol Binding Globulin). Comparativement à l’homme, le
cheval possède une concentration en CBG inférieure. De ce fait, seulement 60 à 80% du
cortisol est sous forme liée à la CBG chez le cheval contre 90% pour l’homme. Or, seule la
fraction libre des hormones circulantes, c’est-à-dire la fraction non liée à des protéines de
transport, est active.
Une autre étude d’Alexander and al. *4], publiée en 1998, montre que le pouvoir de
fixation de la CBG vis-à-vis du cortisol est sujet à variation, notamment en fonction de
facteurs environnementaux tels que le stress. Il faudrait donc idéalement pouvoir mesurer
cette variation lorsque l’on dose le cortisol plasmatique. En effet, pour une concentration en
cortisol totale donnée, les effets biologiques pourront différer selon le degré de cortisol libre
actif.
25
C’est pourquoi une mesure de la concentration en cortisol totale peut ne pas refléter
fidèlement l’augmentation de son activité au sein de l’organisme.
Remarque : la demi-vie du cortisol circulant est de l’ordre de 2 à 3 heures.
e/ Variations physiologiques
Des variations de l’activité de l’axe hypothalamo-hypophysaire sont décrites dans de
nombreuses espèces, mais très peu d’études en font mention chez le cheval. De plus, une
différence fondamentale entre le chien et le cheval est le fait qu'un chien vit en général
plutôt à l'intérieur de nos jours, alors qu'un cheval vit souvent au pré. La vie en extérieure
implique forcément des adaptations de l'organisme aux différentes saisons notamment. Une
étude complète et récente [28] s’est intéressée à ces variations chez les équidés (mesure de
la concentration en ACTH et test de freinage à la dexaméthasone - cf II A 3 c). L’étude a
concerné 39 équidés sains (29 poneys et 10 chevaux) vivant au pré.
i/ Variations en fonction de la saison
Avec cette étude, Donaldson démontre l’existence d’une différence très significative
des concentrations plasmatiques en ACTH aux mois de Janvier et de Mai par rapport à celles
mesurées en Septembre de deux années successives (cf Fig. 4). La concentration en ACTH
était en effet dans les valeurs usuelles pour 38 animaux sur 39 en Janvier et pour tous les
animaux de l’étude en Mai. Par contre, seuls 2 animaux sur 39 avaient une concentration en
ACTH dans les valeurs usuelles en Septembre.
26
Fig. 4. Variations saisonnières de la concentration plasmatique en ACTH chez des poneys et des
chevaux sains. La concentration en Septembre est significativement supérieure à celles de Janvier et
de Mai (p < 0,001). La ligne pointillée horizontale définit la valeur de référence maximale. D’après
Donaldson et al. [28]
Il semble d’autre part que les résultats du test de freinage à la dexaméthasone soient
directement altérés par ces variations. En effet, les résultats à ce test se situaient dans les
valeurs usuelles pour tous les individus de l’étude en Janvier alors que seulement 29 équidés
sur 39 avaient un résultat au test correct en Septembre. D’autre part, la concentration en
cortisol plasmatique à la fin du test était significativement supérieure en Septembre (p =
0,002). Ces variations sont très importantes et à connaître. Il s’agit par contre de
considérations qui sont inexistantes chez le chien du fait de son mode de vie différent.
27
ii/ Variations en fonction de l’âge
La même étude a permis de mettre en évidence une corrélation positive entre l’âge
des animaux et la concentration en ACTH, ainsi qu’avec les résultats du test de freinage à la
dexaméthasone. Ainsi, les individus avec des résultats au test supérieurs aux valeurs usuelles
étaient significativement plus vieux que les autres. Cela est à priori à mettre en relation avec
une diminution progressive de la sensibilité de l’axe hypothalamo-hypophysaire aux
corticoïdes et de l'hypophyse à certaines hormones de régulation (la dopamine notamment).
Ce point évoque la pathogenèse de la maladie de Cushing chez le cheval, dont le diagnostic,
comme nous le verrons, n’est pas une question à la réponse évidente : il s'agit en effet d'une
affection se mettant en place de manière très progressive.
iii/ Variations en fonction du sexe
Aucune étude n’a jamais mis en évidence de différence significative entre les mâles
et les femelles, pour ce qui est des mesures d’ACTH et de cortisol, ou des résultats aux tests
dynamiques. Seule une augmentation du cortisol plasmatique est décelée chez les femelles
gestantes dans leur dernière semaine de gestation, ce qui est à mettre en relation avec des
productions hormonales issues du fœtus et du placenta.
iv/ Synthèse
Un point important de la physiologie de l’axe hypothalamo-hypophysaire est donc la
variabilité de sa régulation en fonction de la saison notamment, mais aussi de l’âge. Ces
variations, de découverte et d’étude récentes, seront très importantes à avoir en tête lors de
la gestion des cas de maladie de Cushing chez le cheval, notamment pour le diagnostic de
l’affection, comme nous le verrons plus loin.
L'activité hypophysaire chez le cheval est donc un processus contrôlé à différents
niveaux. L'importance des hormones intervenant n'est pas la même et certaines
apparaissent prépondérantes. Il est à noter que la Pars distalis est à l'origine de la majeure
partie de l'ACTH produit, mais c'est bien la Pars intermedia qui est généralement atteinte
lors d'hypercorticisme spontané chez le cheval. De plus, contrairement à ce que l'on observe
chez le chien qui vit généralement à l'intérieur, d'importantes variations de la physiologie
hypophysaire sont susceptibles d'apparaître chez le cheval avec les changements de saisons.
Il convient donc d'être prudent lors de l'interprétation de mesures de laboratoire et de
toujours confronter celles-ci à la clinique de l'animal.
28
2/ Chez le chien
L’activité de l’axe hypothalamo-hypophysaire chez le chien présente beaucoup de
similitudes avec celle de l’espèce équine. Néanmoins, des différences, parfois importantes,
existent.
a/ Les cellules corticotrophes de l’adénohypophyse : régulation
[59, 34]
Comme chez le cheval, et à la différence de l’homme, l’adénohypophyse du chien est
divisée en trois parties distinctes : la Pars distalis (ou anterior), la Pars intermedia, et la Pars
nervosa (ou tuberalis). Chez l’homme, cette distinction existe aussi, avec toutefois une
différence majeure : la Pars intermedia n’existe pas. Les cellules corticotrophes se
retrouvent chez le chien à la fois dans la Pars distalis et dans la Pars intermedia. Leurs
caractéristiques diffèrent cependant.
i/ Les cellules corticotrophes de la Pars distalis
En utilisant des colorations immunohistochimiques spécifiques de l’ACTH, on
constate que les cellules corticotrophes de la Pars distalis se colorent fortement pour ce
peptide en particulier. L’ACTH chez le chien, tout comme chez le cheval, est un peptide qui
est issu du clivage d’une protéine de plus grande taille : la pro-opiomélanocortine. Cette
protéine est susceptible d’être dégradée en plusieurs peptides différents selon les messages
cellulaires reçus. L’ACTH peut à son tour subir des transformations aboutissant à la
formation de deux peptides de plus petite taille : l’α-MSH et le CLIP (cf. Fig. 5).
29
Fig. 5. Voies de transformations possibles de la pro-opiomélanocortine chez le chien. D’après
Feldman et Nelson [59].
L’ACTH, comme nous l’avons déjà vu chez le cheval, est un peptide possédant une
activité biologique importante, notamment au niveau des glandes surrénales, en induisant la
production de cortisol par celles-ci, cortisol qui est ensuite libéré dans la circulation
générale. C’est la partie terminale de ce peptide (en particulier les acides aminés 1 à 18) qui
sont responsables de son activité biologique. L’ACTH est une protéine qui se retrouve de la
même façon chez l’homme, bien que dans ce cas, elle ne subisse pas de clivage en α-MSH et
en CLIP.
Les cellules corticotrophes de la Pars distalis chez le chien sont responsables de la
majeure partie de l’ACTH circulant. Ce sont donc elles qui déterminent de façon prioritaire la
production de cortisol par les glandes surrénales. La Pars distalis reçoit très peu d’influx
nerveux. Le contrôle de ses sécrétions se fait essentiellement par voie hématogène, via le
système porte hypothalamo-hypophysaire. La régulation est essentiellement supportée par
la production de CRH par l’hypothalamus, peptide qui va avoir une action stimulatrice sur les
cellules corticotrophes de la Pars distalis. Cette hormone est produite dans la partie
antérieure des noyaux paraventriculaires de l’hypothalamus et possède une demi-vie
relativement longue (de l’ordre de 60 minutes).
30
ii/ Les cellules corticotrophes de la Pars intermedia
Si on réalise des colorations immunohistochimiques spécifiques au niveau de la Pars
intermedia chez le chien, on met en évidence deux contingents de cellules différents.
Tout d’abord un contingent de cellules de type A, dont les cellules prédominantes se
colorent de façon intense pour l’α-MSH, mais faiblement pour l’ACTH. Cela implique que la
transformation de la pro-opiomélanocortine est plus poussée dans ces cellules que dans les
cellules corticotrophes de la Pars distalis (cf. Fig. 5).
On met également en évidence un autre contingent de cellules, de type B cette fois
(cette nomenclature a été fixée de façon arbitraire), dont les cellules prédominantes se
colorent cette fois plus intensément pour l’ACTH et assez peu pour l’α-MSH. Les
caractéristiques de cette coloration importante pour l’ACTH sont les mêmes que celles des
cellules corticotrophes de la Pars distalis.
La Pars intermedia, à la différence de la Pars distalis, est relativement peu irriguée.
Son activité est essentiellement sous déterminisme nerveux, en particulier par les fibres
dopaminergiques et sérotoninergiques du cerveau [63]. Il est intéressant de noter que la
dopamine a ici le même rôle que chez le cheval (rôle inhibiteur de la sécrétion d’ACTH). Plus
intéressant encore, on constate que l’intervention de la sérotonine a été prouvée chez le
chien (avec un effet sécrétagogue sur la production d’ACTH), ce qui n’est pas le cas chez le
cheval. Néanmoins, l'extrapolation de ces données au cheval sert de base de raisonnement
pour les essais thérapeutiques menés dans cette espèce avec la cyproheptadine, qui est un
antagoniste sérotoninergique.
Soumise à un mode de régulation différent, la Pars intermedia intervient de façon
secondaire dans la sécrétion d’ACTH chez le chien.
31
b/ Régulation de l’activité hypophysaire chez le chien
La régulation de l’activité hypophysaire chez le chien est plurimodale.
L’hypothalamus est à la base de la production d’ACTH via deux mécanismes : un mécanisme
faisant intervenir le système porte, avec la libération de CRH dans la circulation portale et un
mécanisme faisant intervenir les ramifications de neurones dont le corps cellulaire se trouve
dans l’hypothalamus. La CRH est l’hormone la plus importante pour la sécrétion d’ACTH par
l’hypophyse. D’autres hormones sont susceptibles d’intervenir (notamment la vasopressine,
l’ocytocine et l’angiotensine II) mais la CRH est la seule dont le rôle a été pleinement
expliqué et démontré. La sécrétion d’ACTH, tout comme celle de CRH, est pulsatile, et son
déclenchement est souvent la conséquence d’un stress ou d’une hypoglycémie.
Tout type de stress est susceptible de déclencher la sécrétion d’ACTH. Il peut s’agir
d’un stress physique, émotionnel ou chimique, et notamment la douleur, les traumatismes,
l’hypoxie, une hypoglycémie sévère, l’exposition au froid, les maladies, une chirurgie
(associée à une anesthésie) ou encore des agents pyrogènes [1+. Lors d’un stress,
l’augmentation de la concentration en ACTH résulte de l’action de la CRH, ainsi que de celle
de la vasopressine. La fonction primaire de l’ACTH est l’induction de la production de
glucocorticoïdes par les glandes surrénales. L'ACTH induit également, mais de façon moins
importante, la synthèse de minéralocorticoïdes et d’androgènes par ces mêmes glandes. Les
glucocorticoïdes synthétisés exercent un rétrocontrôle négatif sur la libération de l'ACTH.
Toutefois, le rétrocontrôle exercé par des concentrations de base normales en cortisol
n’inhibe pas la libération d’ACTH lors d’un stress. C’est par contre le cas suite à l’injection de
doses importantes de glucocorticoïdes exogènes : un stress n’aura plus d’effet sur la
libération de l’ACTH.
La concentration en cortisol, comme chez le cheval, varie au cours de la journée. Chez
l’homme, comme nous l’avons vu, il existe un rythme diurne de ces variations, avec la
présence d’un pic matinal et une diminution progressive au cours de la journée. La présence
d’un tel rythme pour la concentration en cortisol n’a pas été mise en évidence dans l’espèce
canine.
Le rétrocontrôle négatif, exercé par le cortisol et les glucocorticoïdes de synthèse sur
la sécrétion d'ACTH se fait à deux niveaux : d’une part au niveau de l’hypothalamus, avec
l’inhibition de la libération de CRH dans la circulation portale, et d’autre part au niveau de
l’hypophyse, avec l’inhibition directe de la production d’ACTH (cf. Fig. 6). D’autre part, ce
rétrocontrôle se fait par deux mécanismes différents. On distingue ainsi un rétrocontrôle
rapide, qui est sensible à la vitesse de modification de la concentration en cortisol. Ce
mécanisme est probablement non nucléaire, car mis en place trop rapidement pour être la
conséquence d’une action des corticoïdes sur la transcription nucléaire d’ARN messager
spécifique pour l’ACTH. Un second type de rétrocontrôle existe, lent, qui est, lui, sensible à la
valeur absolue de la concentration en cortisol. Ce mécanisme est par contre certainement
nucléaire. C’est lui qui est à la base du test de freinage à la dexaméthasone. Il est à noter
32
qu’en plus du rétrocontrôle négatif exercé par les glucocorticoïdes, l’ACTH inhibe également
sa propre sécrétion (cf. Fig. 6).
Fig. 6. Illustration de la régulation de la production d’ACTH et de cortisol chez le chien. Noter la
présence d’un auto-rétrocontrôle négatif de l’ACTH sur sa propre production ainsi que la présence
d’un double rétrocontrôle négatif exercé par le cortisol. D’après Feldman et Nelson *34].
33
c/ Synthèse
Les modes de régulation de l'activité hypophysaire chez le chien ressemblent donc à
ce que l'on observe chez le cheval. Toutefois, des différences sont à noter. Ainsi, la CRH
possède un rôle plus important que chez le cheval. A l'inverse, la vasopressine est plus
secondaire. Les modalités de rétrocontrôle négatif exercé par le cortisol sont également
mieux décrites chez le chien que chez le cheval. Enfin, deux contingents différents de cellules
corticotrophes sont distingués au niveau de la Pars intermedia du chien. Comme nous le
verrons dans la deuxième partie, la Pars intermedia dans cette espèce est rarement
concernée par les mécanismes de la maladie de Cushing, ce qui constitue une grande
différence avec l'espèce équine.
34
C/ Anatomie et physiologie des glandes surrénales [19, 40]
L'anatomie et la physiologie des glandes surrénales diffèrent peu entre le chien et le
cheval. Nous allons donc les détailler dans une partie commune. Les glandes surrénales
forment une paire de glandes situées au pôle crânial et médial des reins, légèrement en
avant du hile. La glande droite est donc située plus crânialement que la glande gauche. Chez
le cheval, il existe parfois de petites glandes surrénales accessoires appelées Glandulae
suprarenales accessoriae. Tant chez le chien que chez le cheval, les glandes surrénales sont
dyssimétriques. Elles mesurent environ 7,5 cm de longueur chez le cheval, pour 3 cm de
largeur et 2 cm d'épaisseur. Chez le chien, elles mesurent en général 0,8 mm et très peu de
différences sont notées selon la race. La surrénale droite se situe entre la veine cave caudale
et le muscle psoas. La gauche est en contact avec l'artère mésentérique crâniale et l'aorte
caudale par son bord médial.
Fig. 7. Anatomie et disposition des glandes surrénales chez le cheval. D'après Collin [19].
Les glandes surrénales sont constituées de trois parties : la capsule fibreuse, la
corticosurrénale et la médullosurrénale. Ces deux dernières parties possèdent une origine
embryologique et des fonctions différentes. Les affections de la médullosurrénale sont rares
et souvent tumorales (phéochromocytome). La médullosurrénale sécrète en particulier des
catécholamines.
35
La corticosurrénale possède, elle, une importance majeure, par le biais de la
sécrétion de différentes substances. Chez le chien, on différencie trois zones de par leur
aspect histologique (cf. Fig. 8) :
- la zone glomérulée : c'est la plus superficielle. Cette zone sécrète essentiellement
des minéralocorticoïdes, dont le chef de file est l'aldostérone. Cette zone a donc un rôle
dans le maintien de l'équilibre hydroélectrolytique.
- la zone fasciculée : elle sécrète des glucocorticoïdes, et en particulier le cortisol,
ainsi qu'en quantité plus modérée des hormones sexuelles (androgènes et 17 α-
hydroxyprogestérone).
- la zone réticulée : elle sécrète les mêmes composés que la zone fasciculée
(glucocorticoïdes et hormones sexuelles). A noter que chez l'homme, cette zone ne produit
que des hormones sexuelles.
Fig. 8. Les différentes parties des glandes surrénales chez le chien. 1: médullosurrénale, 2: zone
réticulée, 3: zone fasciculée, 4: zone glomérulée, 5: capsule. D'après Goy-Thollot [40].
36
La sécrétion des glucocorticoïdes revêt une importance majeure au sein de
l'organisme en raison de leurs nombreux rôles biologiques, notamment au niveau du foie,
des muscles, des os, de la peau, du sang, des reins, du système immunitaire, du tissu
adipeux, de l'hypophyse et de l'hypothalamus.
Chez le cheval, la corticosurrénale sécrète les mêmes composés que chez le chien,
mais la distinction en différentes zones précises n'est pas décrite.
Le cortex surrénalien est très sensible à l'ACTH circulant. Une faible variation de sa
concentration va avoir des conséquences importantes. Il semble que l'ACTH ait également
un rôle vis-à-vis de la sécrétion de l'aldostérone, mais ce rôle reste secondaire.
Ainsi, les glandes surrénales apparaissent comme l'organe effecteur de toute la
physiologie de l'axe hypothalamo-hypophysaire, en ce qui concerne la régulation du cortisol.
Peu de différences sont notées entre les espèces canine et équine. Cette étape de la
production du cortisol est toutefois très importante et de nombreux traitements, au lieu de
cibler les mécanismes de la régulation hypophysaire, s'attachent à limiter la production du
cortisol directement au niveau surrénalien.
37
II/ Pathogénèse de la maladie
de Cushing
38
Le syndrome de Cushing est un ensemble de symptômes résultant d’une élévation
chronique excessive de glucocorticoïdes circulants. Quatre situations peuvent être à l’origine
de cet excès de corticoïdes :
- des affections hypothalamo-hypophysaires primaires, à l’origine d’une
hypersécrétion d’ACTH et entrainant secondairement un excès de cortisol
circulant
- des affections des glandes surrénales, de type adénome ou carcinome
surrénalien, à l’origine d’une hypersécrétion non contrôlée de cortisol
- une sécrétion d’ACTH ectopique par une tumeur autre qu’hypophysaire ou
surrénalienne (ce cas est très rare) [37]
- une administration exogène de glucocorticoïdes, mal adaptée et/ou mal
contrôlée.
Le syndrome de Cushing est à bien différencier de la maladie de Cushing, décrite par
le neurochirurgien du même nom, qui ne concerne que le cas où l’excès de corticoïdes est
secondaire à une atteinte hypophysaire. C'est uniquement ce cas que nous traiterons ici.
Chez l’homme, les désordres hypothalamo-hypophysaires représentent plus de la
moitié des cas et touchent préférentiellement les femmes, de plus de 30-40 ans. Dans la
plupart des cas, l’histologie révèle des zones d’hyperplasie des cellules corticotrophes et la
présence de microadénomes (< 1 cm de diamètre) producteurs d’ACTH dans la Pars distalis.
Les glandes surrénales présentent en général une hyperplasie nodulaire, secondaire à l’excès
d’ACTH. Cette hyperplasie sous forme de nodules multiples de petite taille est la plus
fréquente, mais d’autres formes existent. Il est à remarquer que chez l’homme, on retrouve
la présence d’adénomes hypophysaires dans 25% des cas d’autopsie, mais que dans la
plupart des cas, il s’agit de tumeurs bénignes et non sécrétantes. Dans 15 à 25% des cas de
maladie de Cushing, les tumeurs présentent une tendance à l’envahissement local. Certaines
de ces tumeurs (rares) sont malignes. Les adénomes hypophysaires sécrétants les plus
fréquemment observés sont les adénomes lactotrophes. [20]
39
A/ Les dysfonctionnements hypophysaires chez le cheval
1/ Les adénomes de la Pars intermedia
Chez le cheval, la maladie de Cushing est quasi-exclusivement due à des
dysfonctionnements de la Pars intermedia, et non de la Pars distalis, comme chez l’homme.
Il semble par contre que des hyperplasies multinodulaires de la Pars distalis soient des
lésions fréquentes trouvées chez les chevaux de plus de dix ans. Ces hyperplasies sont à
priori non fonctionnelles. Il faut être attentif lors de la lecture de compte-rendu d’analyse
histologique car il existe des changements physiologiques à connaître pour ne pas faire de
fausse interprétation. C’est le cas par exemple de l’hypertrophie et de l’hyperplasie des
cellules lactotrophes en fin de gestation, ou encore de la baisse du pourcentage de cellules
somatotrophes chez les chevaux âgés [45].
Une étude datant de 1990 [46] a montré une apparente prépondérance des
macroadénomes chez le cheval. Néanmoins, l’étude ne porte que sur 19 individus ce qui
constitue une limite certaine à son interprétation. 68% des animaux présentaient des
macroadénomes de la Pars intermedia (diamètre supérieur à 1 cm) alors que seulement 32%
présentaient des microadénomes (diamètre inférieur à 1 cm). Les adénomes étaient tous à
bords nets mais sans capsule. Dans la plupart des cas, l’hypophyse a un poids équivalent à
deux voire trois fois le poids de l’hypophyse normale. Les tumeurs compriment de façon plus
ou moins prononcée la Pars distalis et parfois infiltrent ou même remplacent la
neurohypophyse. L’expansion dorsale de la tumeur lui permet de traverser la diaphragma
sella et il s’ensuit une compression de l’hypothalamus et du chiasma optique. Une cécité et
des troubles neurologiques sont par conséquent possibles lors de tumeurs de taille
importante.
Les cellules retrouvées dans les adénomes de la Pars intermedia sont en général
chromophobes. Un petit contingent peut le cas échéant apparaître légèrement basophile.
L’index mitotique de ces adénomes est en général faible. Aucun cas de diffusion
métastatique n’a été rapporté. Une étude datant de 1993 a concernée 21 chevaux
présentant des adénomes hypophysaires [76] et il a été noté que les tumeurs étaient de
manière générale bien vascularisées et contenaient fréquemment des plages hémorragiques
contenant des hémosidérophages. Deux des cas de cette étude présentaient des
modifications histologiques suggérant une transformation maligne des adénomes mais
aucune preuve n'a pu être apportée avec certitude. Par rapport à l’homme, les cas
d’hyperplasie adrénocorticale sont peu fréquents chez le cheval (de l’ordre de 15%) [45].
L’immunomarquage des cellules tumorales de la Pars intermedia est comparable à
celui réalisé sur un tissu sain. On observe une forte coloration pour la pro-
opiomélanocortine, une coloration modérée pour l’α-MSH et la β-endorphine et une
40
coloration faible pour l’ACTH. On observe de plus une coloration positive pour la β-
lipotropine, la β-MSH, la γ-MSH et le CLIP qui sont toutes des hormones issues de clivages
des hormones précédemment citées. Une coloration positive pour la prolactine et la FSH a
également été rapportée, mais les rapports sur ce point divergent. Les différences de
résultats peuvent être la conséquence de différences concernant le choix des anticorps
utilisés, mais également être dues à de réelles différences dans la nature des adénomes
étudiés [12, 46]. Au final, les caractéristiques immunohistochimiques des tumeurs de la Pars
intermedia du cheval diffèrent avec celles des tumeurs retrouvées chez l’homme, pour
lesquelles la coloration pour l’ACTH est forte et prédomine.
D’autre part, le profil plasmatique des peptides issus de la pro-opiomélanocortine
diffère entre le cheval et l’homme. Ainsi, bien que chez les chevaux présentant un
dysfonctionnement de la Pars intermedia le taux d’ACTH soit élevé, il se trouve que
l’augmentation des concentrations en β-endorphine, en α-MSH, en β-MSH, en γ-MSH et en
CLIP est bien plus marquée et importante. Certains de ces peptides ont par ailleurs une
activité ACTH-like ou potentialisent les effets de l’ACTH sur les glandes surrénales (jusqu’à six
fois d’après certaines études). C’est notamment le cas du CLIP (Corticotropin-Like
Intermediate lobe Peptide).
Les chevaux présentant un adénome hypophysaire possèdent donc, entre autres, une
concentration en ACTH anormalement élevée. Comme nous l’avons vu précédemment, les
cellules corticotrophes de la Pars intermedia ne sont que peu sensibles au rétrocontrôle
négatif du cortisol (ou des corticoïdes exogènes) par rapport à celles de la Pars distalis. Lors
d’adénome hypophysaire, on constate que le rétrocontrôle négatif disparaît quasiment
complètement. Ce phénomène n'a pas encore été expliqué à ce jour. Une explication a été
avancée chez l’homme, chez qui un phénomène semblable se produit lors d’adénome de la
Pars distalis [45]. Des études ont en effet montré que les cellules tumorales se coloraient
fortement pour une enzyme : la 11 β-hydroxysteroïd dehydrogenase. Or cette enzyme
convertit le cortisol actif en cortisone inactive dans le cytoplasme des cellules, ce qui ferait
disparaître le rétrocontrôle négatif puisque l’action potentielle du cortisol se trouve détruite
dès son entrée dans la cellule. Cela constitue une hypothèse intéressante qui mérite d’être
vérifiée pour l’espèce équine. Notons également que cette diminution du rétrocontrôle
négatif, bien qu'importante, n'est pas totale. Le rétrocontrôle négatif exercé par les
corticoïdes sur l'hypophyse est en effet à la base de certaines méthodes de diagnostic
comme le test de freinage à la dexaméthasone (cf. II.A.3.c).
41
2/ Origine hypophysaire ou hypothalamique ?
La question essentielle qui se pose et qui fait toujours débat à l'heure actuelle est
celle de l’origine de ces adénomes de l’adénohypophyse dans l’espèce équine. Rien n’a
encore été démontré avec certitude, mais une théorie semble prédominante et est décrite
par la quasi-totalité des articles scientifiques actuels portant sur le sujet [27, 28, 45, 51, 52].
En effet, chez l’homme tout comme chez le chien, il semble que la formation des tumeurs de
l’adénohypophyse soit spontanée et non reliée à une quelconque régulation hormonale. Par
contre, chez le cheval, on retrouve ce qui a été observé chez des rats de laboratoire après
dénervation de la Pars intermedia, à savoir le passage progressif par les stades
d’hypertrophie, d’hyperplasie et d’adénome [60].
Ainsi, l’hypothèse principale avancée aujourd’hui est que les adénomes
hypophysaires de la Pars intermedia du cheval seraient consécutifs à une perte de
l’innervation dopaminergique des cellules corticotrophes de la Pars intermedia. Rappelons
que la dopamine a un effet inhibiteur sur la sécrétion d’hormones par ces cellules
corticotrophes. Dans ce cas, le dysfonctionnement hypophysaire observé serait en fait du à
un dysfonctionnement primaire de l’hypothalamus, où siègent les corps cellulaires des
neurones aminergiques. Pour appuyer cette hypothèse, des mesures ont été réalisées et
montrent que les tumeurs de la Pars intermedia chez le cheval contiennent significativement
moins de dopamine que n’en contiendrait un tissu hypophysaire sain [45]. Cette différence,
de l’ordre de 10%, semble concorder avec l’hypothèse de perte d’innervation
dopaminergique d’origine hypothalamique. De plus, des études plus approfondies ont
montré une expression accrue des récepteurs dopaminergiques de type 2 chez les chevaux
souffrant de dysfonctionnement de la Pars intermedia, ce qui constitue une tentative de
compensation de l’organisme à cette diminution de l’innervation dopaminergique [45].
Remarque : la perte d’une population spécifique de neurones dopaminergiques est
retrouvée dans d’autres affections telles que la Yellow star thistle toxicosis dans l’espèce
équine et la maladie de Parkinson chez l’homme.
Néanmoins, la certitude absolue qu’il s’agisse d’un dysfonctionnement
hypothalamique primaire et non hypophysaire n’est pas encore acquise.
Dans tous les cas, l’ensemble des différences observées entre l’homme, notamment,
et le cheval (localisation, physiologie et pathogénie) a conduit plusieurs auteurs à conclure
qu’il semble incorrect de continuer à utiliser le terme de « maladie de Cushing » pour
l’espèce équine ; il vaut mieux lui préférer le terme de « Dysfonctionnement de la Pars
intermedia de l’hypophyse » (abrégée en anglais par PPID, pour Pituitary Pars Intermedia
Dysfunction »).
42
3/ Signes cliniques et diagnostic
Le détail des signes cliniques de la maladie de Cushing, ainsi que des tests
diagnostiques utilisés ne constitue pas l’objectif de ce travail, comme nous l’avons dit en
introduction. Néanmoins, certaines connaissances sur le sujet sont indispensables pour
comprendre l’intérêt et le principe des traitements, ainsi que l’évaluation de leurs effets.
Comme nous le verrons, les traitements auront des effets sur la clinique d’une part, et sur
les données de laboratoire d’autre part. C’est la confrontation de tous ces résultats qui nous
permettra de conclure à l’efficacité ou à l’inefficacité du traitement.
D’autre part, les signes cliniques et les tests diagnostiques pour le syndrome de
Cushing sont différents entre l’espèce canine et l’espèce équine. Il convient donc de bien les
maîtriser afin de ne pas faire de confusion.
Rappelons avant tout que les signes cliniques sont les mêmes, qu'il s'agisse d'une
maladie de Cushing ou d'un syndrome de Cushing d'origine non hypophysaire.
a/ Les signes cliniques [45, 51]
Chez le cheval, les dysfonctionnements de la Pars intermedia sont à l’origine d’une
multitude de signes cliniques, certains étant plus faciles à détecter que d’autres. Certains
signes cliniques sont plus fréquents et plus importants à retenir. Nous nous proposons ici de
détailler les principaux.
Tout d'abord, l’hypertrichose. Les chevaux atteints de maladie de Cushing voient leur
pelage modifié : celui-ci est alors constitué de poils frisés d’une longueur anormale (cf Photo
1). Dans les stades précoces de la maladie, on peut simplement remarquer quelques zones
au niveau desquelles le poil d’hiver a tendance à se mettre en place plus tôt et à tomber plus
tard qu’à l’accoutumée.
43
Photo 1. Jument atteinte de maladie de Cushing et présentant de l'hypertrichose. Photo
personnelle.
Ce signe clinique n’est pas systématiquement présent. Sa prévalence oscille entre 50
et 100% selon les études. Il est néanmoins extrêmement important car, à défaut d’être très
sensible, ce signe est très hautement spécifique. Certains auteurs vont même jusqu’à le
qualifier de pathognomonique. Aussi est-il très important à considérer dans le diagnostic de
l’affection ; diagnostiquer une maladie de Cushing sur un animal ne présentant aucun signe
d’hypertrichose est un vrai défi diagnostique, compte tenu de la sensibilité moyenne des
tests de laboratoire. Les mécanismes menant à cet hypertrichose ne sont pas encore connus
de façon précise, mais un rôle de la MSH est probable. L’hypertrichose est à relier de façon
directe à un autre signe clinique : l’hyperhydrose. La longueur excessive des poils entraîne en
effet des problèmes de thermorégulation et l’animal sue de façon excessive. Cette sudation
se manifeste particulièrement au niveau des épaules et du cou. Outre l’implication de
l’hypertrichose, on peut envisager dans certains cas une compression du centre
thermorégulateur situé à la base de l’hypothalamus par l’adénome hypophysaire. La
conséquence en est alors un désordre dans la fonction de thermorégulation.
Un autre signe clinique de la maladie de Cushing chez le cheval, beaucoup moins
spécifique mais très important est la fourbure. Les chevaux atteints peuvent en effet souffrir
de fourbures chroniques, de grade plus ou moins élevé. La fourbure est à relier de façon
directe à la quantité excessive de cortisol circulant. La pathogenèse de la fourbure est très
complexe, fait intervenir de nombreux facteurs et n’est toujours pas connue complètement
44
avec certitude. Il semble toutefois établi qu’un syndrome inflammatoire local, associant
vasoconstriction et migration de neutrophiles activés, soit à la base du déclenchement de la
fourbure. Il s’ensuit une inflammation importante associée à une ischémie, puis à un œdème
et à la nécrose des feuillets dermiques et épidermiques du sabot et du pied. Ces
phénomènes peuvent conduire, dans les cas graves, à un déplacement et à une rotation de
la troisième phalange à l’intérieur de la boîte cornée. Il semble que l’inflammation soit plus
importante avant l’apparition des signes cliniques qu’en phase symptomatique. De façon
générale, on distingue différentes grandes causes de fourbure : suite à un sepsis (consécutif
à des gastro-entérites par exemple), suite à un excès de pression sur le pied concerné, et
enfin suite à syndrome métabolique, le plus décrit étant l’insulinorésistance et
l’hyperglycémie [69]. Il est également connu que l’administration de corticoïdes à un cheval
(ou à un poney) est un facteur favorisant le déclenchement des fourbures. La prévalence de
ce signe dans la maladie de Cushing est très variable selon les études. Ce point est
néanmoins très important car la fourbure constitue certainement la complication la plus
sérieuse des dysfonctionnements de la Pars intermedia. En effet, les fourbures chroniques
ou les crises de fourbure aigue sont la première raison d’euthanasie des chevaux atteints de
cette maladie.
La polyuro-polydipsie (PUPD) est également un signe clinique fréquemment rapporté.
De nombreuses causes peuvent être envisagées à cela. Tout d’abord, il est clair que la
concentration élevée en cortisol a pour conséquence une augmentation de la filtration au
niveau du glomérule rénal. Il s’ensuit par conséquent une polyurie avec polydipsie
compensatoire. Mais d’autres phénomènes peuvent s’ajouter pour expliquer la PUPD.
Notamment la présence d’une diurèse osmotique consécutive à l’hyperglycémie fréquente
chez les chevaux souffrant de maladie de Cushing. Un diabète insipide neurogénique partiel
est également susceptible de se développer suite à une destruction de la neurohypophyse
par expansion de la Pars intermedia. Enfin, l’hyperhydrose (sudation excessive) peut
également stimuler la prise de boisson. La PUPD a une prévalence de l’ordre de 30 à 50%,
mais son importance clinique reste assez faible.
Les chevaux atteints de maladie de Cushing sont également très souvent
léthargiques. La prévalence de ce signe est importante. Il s’agit malgré tout d’un jugement
subjectif : il est important d’être à l’écoute du propriétaire. Un cheval habituellement excité
peut simplement nous sembler normal en consultation si nous ne le connaissons pas. Les
causes de cette léthargie n’ont pas été déterminées de façon certaine, mais il est
raisonnable de penser que la forte concentration plasmatique en β-endorphine secondaire à
la production excessive de pro-opiomélanocortine est en cause.
D’autre part, l’importante quantité de cortisol produite a une action directe sur les
métabolismes protéique et lipidique. Il s’ensuit donc un catabolisme protéique conséquent
qui entraîne une fonte musculaire progressive. Mais en parallèle, une redistribution des
graisses se fait, toujours sous l’action du cortisol. On peut alors observer une perte de poids
45
et de muscle, mais un dépôt de graisse à des endroits bien spécifiques, notamment au
niveau de l’abdomen. Cette redistribution des graisses peut alors cacher aux yeux du
propriétaire l’importance de l’amyotrophie et de la perte de poids de son cheval. Il est
important pour nous d’avoir un œil objectif sur ce point. Malgré tout, l’appétit des chevaux
atteints est souvent rapporté comme étant normal à modérément augmenté. La polyphagie
a longtemps été considérée comme un signe clinique important, mais contrairement au
chien, il ne semble plus que cela soit vrai aujourd’hui.
Une autre complication des dysfonctionnements de la Pars intermedia est le
développement d’infections chroniques secondaires. L’action immunosuppressive du
cortisol est directement en cause. Or, dans le cadre de la maladie de Cushing, le cheval est
exposé en permanence à des concentrations en cortisol circulant très élevées. Ces
surinfections peuvent toucher une multitude d’appareils. L’animal peut ainsi développer des
infections cutanées, des pneumonies, des infections urinaires, des gingivites, des sinusites,
ou des abcès de pied. Cette liste n'est bien évidemment pas exhaustive. Des parasites,
notamment gastro-intestinaux sont également susceptibles de se développer.
Des affections de la fonction de reproduction sont susceptibles d’apparaître,
notamment des non retours en chaleur ou de l’infertilité. Cela peut s’expliquer par une
perturbation des productions gonadotrophes par les glucocorticoïdes, mais aussi par des
taux d’androgènes produits par le cortex surrénalien élevés. Ces problèmes sont réversibles
la plupart du temps. Attention toutefois, il est possible d’envisager la destruction des cellules
gonadotrophes de l’adénohypophyse suite à leur envahissement par les cellules
corticotrophes tumorales. Des problèmes de lactation inappropriée peuvent être observés.
Enfin, une amaurose peut être rapportée lors de cas avancés, résultat de la
compression du chiasma optique par l’adénome hypophysaire devenu volumineux.
46
b/ Les données de laboratoire issues d'une mesure unique
Une mesure simple du cortisol basal ne présente aucun intérêt dans le diagnostic de
la maladie en raison de l’existence de variations physiologiques importantes au cours de la
journée. Il est par contre établi que lors de dysfonctionnement de la Pars intermedia, on
observe une disparition du rythme diurne dans les variations de la concentration en cortisol
[52], (cf Fig. 9). Néanmoins, cette donnée est peu utilisée en terme de diagnostic car elle est
difficile d’accès d’une part (nécessité de réaliser des dosages fréquents sur l’ensemble de la
journée), et d’autre part car sa spécificité est très mauvaise (beaucoup de facteurs
intercurrents sont susceptibles de donner des faux positifs).
Fig. 9. Illustration de la perte du rythme diurne des variations de la concentration en cortisol
dans le cas de dysfonctionnement de la Pars intermedia. D’après Mc Cue *51].
Une hyperglycémie associée à une hyperinsulinémie est par contre fréquemment
décrite chez les chevaux atteints, avec la possibilité de passage à un diabète de type 2. Cette
anomalie est décrite dans environ 40% des cas d’après certaines études *51]. Si elle est
présente, elle peut représenter un bon outil de suivi thérapeutique.
47
Si une mesure simple du cortisol basal s’avère peu intéressante comme nous l’avons
dit, le dosage de la concentration plasmatique en ACTH peut, par contre, être utilisé. En
effet, les chevaux atteints de dysfonctionnement de la Pars intermedia ont des
concentrations en ACTH élevées. Tout le problème est de fixer une concentration limite
permettant de discriminer avec fiabilité les animaux atteints des animaux sains. Il semble
que le meilleur compromis sensibilité/spécificité soit obtenu en prenant comme valeur seuil
50 pg/mL [22, 45, 62+. Il s’agit néanmoins d’un test d’une fiabilité insuffisante s’il est utilisé
seul. En effet, comme nous l’avons dit, des variations importantes de la concentration en
ACTH selon la saison ont été mises en évidence de façon récente [28]. Cela constitue de fait
une limite certaine à l’utilisation de cette mesure. C’est par contre un test assez pratique lors
de visites à domicile. En effet, une étude récente [62+ a validé le fait que l’ACTH reste stable
au moins 8 heures dans un tube EDTA en plastique, avant centrifugation et congélation du
plasma. C’est également un outil qui peut être utile dans le suivi de la réponse
thérapeutique.
Contrairement à ce qui se fait chez le chien, l’utilisation du rapport cortisol/créatinine
urinaire est très limitée et peu documentée dans l’espèce équine, essentiellement en raison
de sa difficulté de réalisation (prélèvement d'urine).
Enfin, les analyses sanguines de base révèlent en général une neutrophilie associée à
une lymphopénie, ainsi qu’une augmentation modérée des PAL.
48
c/ Les tests dynamiques
Le test considéré comme le « gold standard » par beaucoup de cliniciens est le test de
freinage à la dexaméthasone. Ce test fonctionne sur le même principe que dans l’espèce
canine. Les animaux sains répondront par une baisse importante et durable (plus de 24
heures) de la valeur de la concentration en cortisol, résultat du rétrocontrôle négatif induit
par la dexaméthasone sur l’hypothalamus et l’hypophyse. Le dysfonctionnement de la Pars
intermedia se caractérise entre autre par la perte de ce rétrocontrôle. Ainsi, les chevaux
malades présenteront pour certains une discrète diminution de la concentration en cortisol,
pour d’autres, aucun changement ne sera observé. Dans tous les cas, la diminution, si
présente, ne sera pas durable (cf. Fig 10). Pour réaliser ce test, on injecte 40 μg/kg de
dexaméthasone par voie intramusculaire après avoir réalisée une première prise de sang. On
peut ensuite réaliser une ou deux prises de sang dans les 24 heures suivantes. La plupart des
praticiens ne réalisent qu’une seule prise de sang par soucis de commodité, 17 à 22 heures
après l’injection de dexaméthasone [27, 28, 45, 51].
Fig. 10. Variations de la concentration plasmatique en cortisol suite à l’injection de
dexaméthasone chez des chevaux sains et des chevaux souffrants de dysfonctionnement de la Pars
intermedia. D’après Mc Cue *51].
49
Les valeurs usuelles permettant de conclure à une maladie de Cushing diffèrent entre
les laboratoires et les études. Nous ne les détaillerons pas ici. Attention toutefois au fait que
ce test n’est pas parfait. La sensibilité et la spécificité sont moyennes. De plus, comme nous
l’avons vu au début, les résultats de ce test sont susceptibles d’être affectés de façon assez
importante par la saison à laquelle les prélèvements sont effectués, avec notamment un fort
risque d’animaux faussement positifs à l’automne *28]. D’autre part, certains propriétaires
se montrent réticents à son utilisation car ils craignent de déclencher ou d’aggraver des
fourbures, suite à l’injection de corticoïdes. Il semble cependant que cette considération soit
du domaine purement théorique [31]. C’est un test utile car relativement simple à mettre en
place et donnant de bonnes indications.
Le test de stimulation à l’ACTH exogène, couramment pratiqué dans l’espèce canine,
est peu utile chez le cheval. En effet, des études montrent que seuls 20% des chevaux
atteints de dysfonctionnement de la Pars intermedia y répondraient correctement. On lui
préfère le test de stimulation à la TRH. Il est en effet décrit que les patients humains atteints
de maladie de Cushing répondraient à l’injection de TRH par une décharge d’ACTH et, par
suite, par une augmentation de la concentration en cortisol. Il semble que cela soit le cas
aussi chez le cheval [45, 51]. Il est en effet rapporté qu’après injection de 1 mg de TRH par
voie intraveineuse, on observe chez les chevaux souffrants de dysfonctionnement de la Pars
intermedia une augmentation importante de la concentration plasmatique en cortisol de
l’ordre de 90 à 120% dans les 15 à 30 minutes *9+. Aucune augmentation n’est détectée chez
les chevaux sains. Ce test est intéressant, bien que moins utilisé sur le terrain pour le
moment, en raison notamment de son coût (jusqu’à 100 dollars pour une dose de 1 mg de
TRH). Il constitue néanmoins une bonne alternative au test de freinage à la dexaméthasone
si l’on craint de déclencher une fourbure. Toutefois, le pourcentage d’augmentation de la
concentration en cortisol dépend de la concentration initiale. C’est pourquoi un cheval
malade, s’il possède un taux de cortisol élevé avant l’injection de TRH, sera susceptible
d’être classé non atteint si son pourcentage d’augmentation du cortisol se révèle inférieur à
30%.
Afin d’améliorer la sensibilité du test, on réalise de plus en plus fréquemment un test
combiné freinage à la dexaméthasone/stimulation à la TRH. Cela permet de niveler les
concentrations de cortisol à leur niveau le plus bas chez tous les chevaux, avant de procéder
à la stimulation. La réponse sera alors plus nette et plus facile à interpréter. Pour ce faire, on
injecte 40 μg/kg de dexaméthasone 3 heures avant l’injection de 1 mg de TRH par voie
intraveineuse. Des prises de sang sont réalisées avant et 30 minutes après l’injection de TRH
[33].
50
B/ Les tumeurs hypophysaires et leurs conséquences chez le
chien
La physiopathologie de la maladie de Cushing chez le chien diffère de façon notable
de celle du cheval. La physiopathologie chez le chien se rapproche beaucoup plus de ce que
l’on observe chez l’homme, ce qui en fait potentiellement un bon modèle d'étude.
1/ Les tumeurs hypophysaires, cause primaire de la maladie de
Cushing chez le chien [34, 59]
a/ Les tumeurs hypophysaires dérivant des cellules corticotrophes
De 80 à 85% des syndromes de Cushing chez le chien sont dus à un
dysfonctionnement hypophysaire. Seuls 15 à 20% des cas sont dus à une tumeur
surrénalienne. Dans le cas d’une tumeur hypophysaire sécrétant de l’ACTH (tumeur des
cellules corticotrophes), on pourra observer une hyperplasie bilatérale des glandes
surrénales. La quasi-totalité de ces tumeurs hypophysaires sont des tumeurs situées dans la
Pars distalis. Cependant, il arrive parfois que l’on soit confronté à des tumeurs issues des
contingents de cellules A ou B de la Pars intermedia. Ces cas sont beaucoup plus rares, mais
peuvent avoir une importance, notamment pour la recherche de nouveaux traitements (cf.
III.A.4.d). Des cas particuliers ont parfois été décrits, avec plus ou moins de rigueur et de
crédibilité. C’est notamment le cas des hyperplasies hypophysaires simples, sans cause
tumorale. Aucun cas n’a pu être confirmé avec certitude chez le chien. C’est un cas très rare
chez l’homme. On peut également envisager certaines situations particulières, comme la
possibilité d’avoir deux adénomes hypophysaires concomitants d’origine différente. Dans la
plupart des cas, il s’agit d’adénomes, c’est-à-dire de tumeurs bénignes. Néanmoins, des cas
de carcinomes possédant un potentiel métastatique ont été décrits [66].
Des théories ont été proposées sur la possible distinction clinique des adénomes de
la Pars distalis et de la Pars intermedia. On pensait en effet que les animaux présentant des
adénomes de la Pars distalis ou des adénomes dérivant du contingent de cellules B de la
Pars intermedia seraient caractérisés par des concentrations en cortisol élevées mais
suppressibles à l’aide de doses massives de glucocorticoïdes exogènes alors que les
adénomes dérivant du contingent de cellules A de la Pars intermedia ne seraient pas sujet à
une telle inhibition. L’expérience du terrain montre que cette distinction n’est pas possible
en pratique. Il est parfois déjà difficile de conclure facilement à une origine hypophysaire ou
surrénalienne dans certains cas et selon les moyens disponibles. D’autre part, il s’agit d’un
51
point d’intérêt purement académique. Il n’existe en effet à ce jour aucune différence entre
ces deux cas de figure en ce qui concerne les signes cliniques ou le traitement à mettre en
place. C’est donc un point qui ne semble avoir aucun intérêt pour le praticien.
Chez le chien, la maladie de Cushing est due à une origine primaire hypophysaire : la
formation d’une tumeur sécrétant de l’ACTH en grande quantité. Cette certitude est récente.
En effet, jusqu’à la fin des années 90, une autre hypothèse était proposée : celle d’une
hyperstimulation chronique des cellules corticotrophes de l’hypophyse par un excès de
sécrétion de CRH par l’hypothalamus. Cette hyperstimulation aboutirait à une hyperplasie
cellulaire, puis à une tumorisation à l’origine de la formation d’un adénome. Toutefois,
beaucoup d’arguments ont aujourd’hui prouvé que cette théorie était fausse. Tout d’abord,
il a été démontré dans une étude de 1992 que les chiens atteints de maladie de Cushing
présentaient une concentration en CRH dans le liquide cérébrospinal plus faible que les
valeurs usuelles [77+. D’autre part, nous avons vu que les adénomes hypophysaires
concernent pour une très large majorité la Pars distalis, mais que des adénomes de la Pars
intermedia sont susceptibles de se développer. Or, nous avons vu précédemment que la
régulation de ces deux zones était différente : l’une reçoit des messages hypothalamiques
par voie sanguine, l’autre par voie nerveuse. Il est donc peu vraisemblable qu’un même
trouble hypothalamique soit susceptible de donner des tumeurs dans la Pars distalis et dans
la Pars intermedia. Enfin, des traitements ont été tentés à l’aide de molécules possédant une
action hypothalamique (notamment la cyproheptadine, la bromocriptine et la pergolide).
Leur action n’a pas été concluante comme nous le verrons dans la partie consacrée aux
traitements de cette affection.
L’étiologie de la maladie de Cushing chez le chien est donc la formation spontanée
d’adénomes hypophysaires sécrétant de l’ACTH en quantité excessive, dans la Pars distalis.
Cette origine est identique chez l’homme, ce qui en fait un bon modèle pour la médecine
vétérinaire. Inversement, le chien peut être considéré comme un bon modèle pour l’homme.
On retrouve en effet la quasi-totalité des caractéristiques de la maladie de l’homme chez le
chien, à savoir :
- une sécrétion excessive d’ACTH, associée à une hyperplasie bilatérale des glandes
surrénales et à une concentration en cortisol anormalement élevée
- une perte du rythme circadien de la sécrétion d’ACTH et de cortisol (pas décrit
chez le chien)
- une absence de réponse concernant les sécrétions d’ACTH et de cortisol face à un
stress
- une anomalie du rétrocontrôle négatif de la sécrétion en ACTH par les
glucocorticoïdes (cf. paragraphe 2)
- une réponse subnormale de la sécrétion d’hormone de croissance (GH), de TSH et
d’hormones gonadotropes à la stimulation.
52
b/ Considérations histopathologiques
Les analyses histopathologiques permettent un diagnostic de certitude, mais
s’effectuent la plupart du temps post-mortem. L’analyse de ces adénomes hypophysaires,
souvent de petite taille, est difficile et requiert patience et compétence afin d’éviter tout
résultat erroné. Il s’agit d’un travail de spécialiste. Tous les adénomes hypophysaires
sécrétant de l’ACTH sont monoclonaux. On distingue les microadénomes des
macroadénomes.
i/ Les microadénomes
L’identification des microadénomes est la plus difficile en raison de leur taille. On
classe en microadénomes tous les adénomes hypophysaires de moins d’un centimètre de
diamètre. Certains sont beaucoup plus petits (un millimètre parfois). Il semble que dans un
cas sur deux, l’adénome soit de taille inférieure à 3 millimètres de diamètre [59]. Ces
adénomes ne sont pas capsulés en général, ce qui peut les rendre difficile à identifier. Cette
identification est en outre rendue un peu aléatoire du fait de l’absence actuelle de critères
standardisés de caractérisation des adénomes. Les résultats peuvent donc varier en fonction
des laboratoires. On pense de ce fait que l’estimation de l’incidence de ces adénomes est
sous-évaluée. Ces microadénomes sont les plus fréquents (80 à 90% des cas de syndrome de
Cushing canins d’origine hypophysaire).
ii/ Les macroadénomes
Les macroadénomes sont plus rares (10 à 20% des cas). Ils se caractérisent par un
diamètre supérieur à un centimètre. Ces adénomes sont par conséquent plus facilement
repérables. Ils sont susceptibles de s’étendre, notamment dorsalement à travers la
diaphragma sella, et d’être ainsi à l’origine d’une compression de l’hypothalamus
engendrant d’autres signes clinques que ceux retrouvés classiquement dans le syndrome de
Cushing. Il s’agit de signes nerveux comme nous le verrons dans le paragraphe consacré aux
signes cliniques.
53
2/ Conséquences sur l’organisme et sur la régulation
hypophysaire
Les adénomes hypophysaires sont donc responsables d’une concentration en cortisol
circulant anormalement élevée, faisant suite à une hypersécrétion d’ACTH. Dans ce cas, le
rétrocontrôle négatif exercé par le cortisol à la fois sur l’hypothalamus et sur l’hypophyse est
relativement inefficace. Toutefois, il ne disparaît pas complètement. Cela est du au fait
qu’une grande partie de l’ACTH est sécrétée de façon autonome par les cellules tumorales.
Toutefois, l’excès de cortisol est parfois difficile à mettre en évidence, même avec des prises
de sang répétées dans la journée. Les variations individuelles et au cours du temps induisent
un manque de fiabilité. Il est par exemple préférable de mesurer la quantité de cortisol
urinaire sur 24 heures. Ce n’est pas forcément un excès majeur de cortisol, mais bien un
excès continu, qui aboutit à la manifestation clinique de la maladie.
Outre la perte relative du rétrocontrôle négatif, on note une perte de contrôle
hypothalamique sur les sécrétions en ACTH et en cortisol. Cela implique que l’organisme ne
réagira pas face à un stress tel qu’une hypoglycémie sévère ou une chirurgie. On a une
suppression de la sécrétion de CRH par l’hypothalamus.
Enfin, en plus de ses effets systémiques, la forte concentration chronique en cortisol
induit une inhibition relative de la libération de TSH, de GH et de gonadotropine. Il en
résultera ainsi une hypothyroïdie secondaire modérée, des problèmes de retour en chaleur
chez les femelles et d’atrophie testiculaire chez les mâles, ainsi que potentiellement un
retard de croissance si la maladie touche un animal jeune (ce qui est rarement le cas).
54
3/ Signes cliniques et diagnostic [34, 59]
De même que chez le cheval, nous ne développerons cette partie que dans le but de
permettre une bonne compréhension de la partie consacrée aux traitements de la maladie
de Cushing.
a/ Signes cliniques et épidémiologie
Les chiens atteints de maladie de Cushing ont en général plus de 6 ans (mais cette
affection a été -rarement- décrite chez des chiens de 1 ans). Il n'existe pas de prédisposition
de sexe et c'est une affection qui touche beaucoup de races différentes. La maladie de
Cushing est plus souvent décrite chez des chiens de petit à moyen format (moins de 20 kg),
alors que le syndrome de Cushing d'origine surrénalien concerne, lui, plutôt les chiens de
grand gabarit (plus de 20 kg).
Les signes cliniques sont variés, et souvent différents de ceux observés chez les
équidés. Ces signes cliniques, lorsqu'ils sont associés, sont typiques de la maladie (mais
aucun signe n'est pathognomonique, il s'agit de signes cliniques "courants"). Aussi, pour un
chien les exprimant clairement, le diagnostic peut quasiment être établi dès que le chien
entre dans la salle de consultation. Malheureusement, il est rare qu'un chien exprime tous
les signes cliniques en même temps. Parfois, seul un signe est présent, et il s'agit alors d'un
véritable défi diagnostique. Pour le diagnostic différentiel, beaucoup d'affections sont à
considérer selon les signes cliniques présentés. Pour un chien présentant un tableau clinique
typique de syndrome de Cushing, la principale autre affection endocrinologique à inclure
dans le diagnostic différentiel est l'hypothyroïdie.
Trois signes cliniques sont très fréquents dans le cadre de la maladie de Cushing. Il
s'agit de la polyphagie, de la polyuro-polydipsie et de l'alopécie. L'alopécie est classiquement
bilatérale symétrique et non prurigineuse. Les autres signes cliniques fréquents sont la
faiblesse musculaire, secondaire à une fonte musculaire (elle-même consécutive à un
catabolisme protéique intense), de l'halètement, la présence d'un abdomen pendulaire, et
de la léthargie. La peau est souvent fine, hyperpigmentée et présente des comédons. Une
calcinose cutanée est parfois présente. Des troubles nerveux peuvent être observés. Ils sont
secondaires à la croissance de la tumeur au sein de l'hypophyse qui finit par comprimer le
thalamus et l'hypothalamus dorsalement. En général, les signes cliniques qui en découlent
apparaissent plusieurs mois après le diagnostic de maladie de Cushing. Mais il arrive parfois
qu'ils apparaissent simultanément, voire dans de rares cas avant les autres signes cliniques.
Ces signes cliniques sont souvent de la tristesse, de la stupeur, de l'anorexie, de l'ataxie, de
l'amaurose, des changements du comportement, ou encore un animal qui fait les cents pas
ou qui marche sur le cercle. Des problèmes à se réveiller, de l'adipsie et des troubles de la
régulation thermique sont également susceptibles d'être observés. Tous ces signes nerveux
55
sont directement liés à la taille de la tumeur. Malheureusement, aucun dosage ou test
biochimique ne permet de préjuger de celle-ci.
Tous ces signes cliniques sont les signes cliniques de la maladie, c'est-à-dire ceux qui
permettent le plus souvent d’établir le diagnostic, avec l'aide, en plus, des dosages et tests
endocrinologiques. Associées à ces signes, certaines complications sont à prévoir et à
anticiper. Les signes cliniques engendrés peuvent totalement différer de ceux décrits
précédemment. Les complications les plus fréquentes observées lors de maladie de Cushing
sont l'hypertension, la pancréatite, le diabète (assez fréquent), les surinfections secondaires
avec notamment les cystites. La complication la plus préoccupante car la plus grave est la
trombo-embolie pulmonaire. Dans ce dernier cas, l'animal présente une détresse
respiratoire intense et se trouve en position d'orthopnée. Le pronostic est alors mauvais et
une prise en charge rapide est fondamentale.
b/ Les données simples de laboratoire
Outre les signes cliniques que nous venons de citer, des examens de laboratoire de
base peuvent nous aider dans notre démarche diagnostique. Ces examens ne sont pas
spécifiques de l’affection. Ainsi, on peut réaliser une numération ainsi qu'une formule
sanguine. On note généralement la présence d'une leucocytose neutrophilique, d'une
éosinopénie, d'une lymphopénie ainsi que d'une érythrocytose modérée.
Un bilan biochimique révèlera lui une augmentation notable de la concentration
plasmatique en phosphatases alcalines (PAL) et une augmentation modérée de la
concentration en alanine aminotransférases (Alat). Une hypercholestérolémie est en général
notée, associée à une hyperlipémie. Les animaux sont souvent hyperglycémiques (avec la
possible présence d'une glycosurie). Une analyse d'urine révèle des urines hypo- ou
isosténuriques et parfois une protéinurie. Il est aussi possible d'observer les signes d'une
infection urinaire. La perte de protéines peut parfois être préoccupante, notamment celle en
antithrombine III qui augmente les risques de thrombo-embolie pulmonaire.
56
c/ Les tests endocrinologiques
Tout comme chez le cheval, une mesure simple et isolée de la concentration en
cortisol plasmatique n'est d'aucune utilité, la concentration en cortisol subissant des
variations physiologiques importantes au cours de la journée. Trois tests sont utilisés de
façon courante dans le but de confirmer la présence d'un hypercorticisme (sans préjuger de
son origine hypophysaire ou surrénalienne). Il s'agit du test de stimulation à l'ACTH, du test
de freinage à la dexaméthasone faible dose et de la mesure du rapport cortisol/créatinine
urinaire. Nous allons les aborder ici.
i/ Le test de stimulation à l'ACTH
Le test de stimulation à l’ACTH est un test relativement fiable et assez simple à
mettre en place. Sa sensibilité est d’environ 80%. Sa spécificité n’est pas parfaite. Aussi, tout
résultat d’un test de stimulation à l’ACTH doit être confronté à la clinique de l’animal. Il ne
faut pas exclure de façon certaine un hypercorticisme sur un animal pour lequel on a une
forte suspicion clinique mais dont le test ne donne pas les résultats attendus. Si ce test ne
permet pas la distinction entre une origine hypophysaire et une origine surrénalienne, il
permet en revanche de distinguer un vrai syndrome de Cushing d’un hypercorticisme
d’origine iatrogène.
Le protocole classique prévoit de réaliser deux prises de sang : une première à TO, à
la suite de laquelle on administre au chien une à deux ampoules (selon le poids du chien) de
Synacthène® Immédiat (0,25 mg/ampoule) par voie intramusculaire. Une seconde prise de
sang est réalisée une heure après (à T1). Sur les deux tubes de sang, le laboratoire dose le
cortisol plasmatique. Face à un hypercorticisme spontané, on s’attend à des valeurs basales
de l’ordre de 5 à 7 μg/dL, et à des valeurs importantes après stimulation, de l’ordre de 18 à
20 μg/dL. Dans le cas d’un hypercorticisme induit, la valeur post-stimulation ne subira aucun
changement et demeurera basse. Il est aussi possible d’avoir des faux-positifs, suite par
exemple à un stress chronique ou à une maladie intercurrente. Les résultats sont donc
toujours à corréler au tableau clinique.
ii/ Le test de freinage à la dexaméthasone faible dose
Ce test est le second test utilisable pour diagnostiquer un hypercorticisme. Tout
d'abord, il faut noter que la dexaméthasone est utilisée car elle n'interfère pas avec le
dosage du cortisol plasmatique. Chez un chien sain, une faible dose de dexaméthasone
induit un rétrocontrôle négatif au niveau hypothalamo-hypophysaire, comme le feraient de
fortes concentrations de cortisol endogène. On observe alors une baisse de la production de
cortisol qui se prolonge sur 24 heures. Chez un chien atteint de maladie de Cushing,
57
l'hypophyse est anormalement résistante au rétrocontrôle négatif du fait de la présence de
l'adénome sécrétant. L'injection de dexaméthasone à faible dose n'aura donc que peu, voire
pas d'effet du tout, sur la production de cortisol endogène. En général, une discrète
diminution est observée, mais celle-ci est modérée et de courte durée, dans tous les cas
moins de huit heures. D'autre part, en cas de syndrome de Cushing d'origine surrénalienne,
la glande surrénale concernée produit du cortisol de façon quasi indépendante des
stimulations hypothalamo-hypophysaires. Dans ce cas, aucune modification ne sera
observée suite à l'injection de dexaméthasone. Le test de freinage à la dexaméthasone faible
dose est donc un outil diagnostique de l'hypercorticisme, mais ne permet en général pas de
différencier une origine hypophysaire d'une origine surrénalienne. La sensibilité de ce test
approche les 85%, mais le risque de faux-positif n'est pas négligeable. Un résultat faux-
positif peut faire suite à l'administration conjointe d'anticonvulsivants ou de corticoïdes
autres. Un stress ou une maladie intercurrente peuvent aussi fausser le résultat. C'est
pourquoi il est important de diminuer au maximum le stress de l'animal pendant le test,
d'autant plus que l'animal est souvent hospitalisé compte tenu de la durée (huit heures).
Encore une fois, nous soulignerons l'importance de corréler les résultats du test à la clinique
de l'animal.
Le protocole classique consiste en l'administration par voie intraveineuse de
dexaméthasone à la posologie de 0,01 mg/kg. Le dosage du cortisol est réalisé sur trois
prises de sang effectuées avant l'injection de la dexaméthasone, ainsi que 4 et 8 heures
après celle-ci. En fait, seules les valeurs initiale et finale sont importantes pour le diagnostic
d'hypercorticisme. En fonction de la valeur finale de la concentration en cortisol, différentes
conclusions pourront être établies (cf Tabl. 1). La valeur intermédiaire peut parfois nous
permettre de discriminer entre une origine hypophysaire et une origine surrénalienne. Si la
concentration intermédiaire (à 4 heures) est inférieure à 50% de la concentration finale en
cortisol (à 8 heures) et que cette concentration finale est supérieure à 1,4 µg/dL, ces
résultats sont en faveur d'une maladie de Cushing, c'est-à-dire d'une origine hypophysaire.
Attention toutefois, comme nous l'avons dit, il ne s'agit pas ici d'un test dont le but premier
est la détermination de l'origine de l'hypercorticisme. En effet, 40% des cas de syndrome de
Cushing d'origine hypophysaire ne présenteront pas de diminution de la production de
cortisol à 4 heures post-injection.
58
Concentration en cortisol
(8 heures après injection de
dexaméthasone)
Interprétation
> 1,4 µg/dL Hypercorticisme probable
< 1,4 µg/dL et > 1,0 µg/dL Résultat douteux
< 1,0 µg/dL Hypercorticisme peu probable
Tabl. 1. Interprétation des résultats du test de freinage à la dexaméthasone faible dose.
Il s'agit donc d'un test qui peut s'avérer utile, notamment pour confirmer ou infirmer
un résultat douteux au test de stimulation à l'ACTH.
Remarque : Il est possible de combiner ces deux tests en un seul. Le protocole prévoit
une injection de dexaméthasone suivie deux heures après d'une stimulation à l'ACTH. Des
dosages de cortisol sont réalisés avant chaque injection, puis 30 et 60 minutes après la
stimulation. Nous ne détaillerons pas ici ce protocole.
iii/ Le rapport cortisol/créatinine urinaire
La mesure du rapport cortisol/créatinine urinaire est probablement le test le plus
simple et le moins stressant. Sa sensibilité est excellente, mais sa spécificité est très
médiocre (estimée à seulement 20%). Il s'agit par conséquent d'un test d'exclusion plutôt
que d'un réel test diagnostique. On peut l'utiliser en cas de faible suspicion clinique. La
mesure du cortisol est rapportée à celle de la créatinine afin de palier au problème de la
production irrégulière d'urine. Le prélèvement est à faire réaliser par le propriétaire, chez lui,
afin de diminuer le stress de l'animal. Le prélèvement se fait sur les urines du matin, ce qui
permet d'être plus représentatif (évaluation de l'excrétion de cortisol sur une dizaine
d'heures en général).
La mesure est à faire réaliser par un laboratoire compétent. Un rapport inférieur à
10.10-6 permet d'affirmer l'absence d'hypercorticisme spontané. Un rapport supérieur à
60.10-6 révèle la possibilité qu'un hypercorticisme soit présent, mais ne permet en aucun cas
de l'affirmer (spécificité de seulement 20%!). Des tests complémentaires sont à effectuer.
Enfin, une valeur située entre 10 et 60.10-6 est considérée comme douteuse [39]. D'autres
examens et tests sont à envisager.
59
iv/ Les autres tests et examens
D'autres tests endocrinologiques existent et ont pour but la discrimination entre
l'origine hypophysaire et l'origine surrénalienne de l'hypercorticisme. Pour la plupart, ils
supposent que le diagnostic d'hypercorticisme spontané (et non iatrogène) a déjà été réalisé
grâce à d'autre tests. Nous ne détaillerons pas ces tests ici. Il s'agit du test combiné freinage
à la dexaméthasone-stimulation à l'ACTH (cf. ci-dessus), du test de freinage à la
dexaméthasone forte dose (même principe que le freinage faible dose, mais ici, la dose de
dexaméthasone employée induit une diminution de la production de cortisol même chez les
individus avec une tumeur hypophysaire, pas chez ceux avec une tumeur surrénalienne), et
enfin du dosage de l'ACTH endogène (une valeur très basse est en faveur d'une tumeur
surrénalienne exerçant un rétrocontrôle négatif très fort sur l'hypophyse).
Outre ces tests de laboratoire, des techniques d'imagerie peuvent être utilisées afin
de déterminer l'origine de l'hypercorticisme. Il s'agit tout d'abord de l'échographie
abdominale. La visualisation des glandes surrénales pourra nous orienter (plutôt origine
surrénalienne si l'hypertrophie est unilatérale, plutôt hypophysaire si l'hypertrophie est
bilatérale). Un scanner ou un examen d'IRM peuvent également être pratiqués et sont
susceptibles de mettre en évidence la présence d'une tumeur hypophysaire. Il ne s'agit
malheureusement pas encore de techniques courantes, ni faciles d'accès en médecine
vétérinaire.
Enfin, nous terminerons ce paragraphe en rappelant que l'épidémiologie est aussi
une aide précieuse pour le praticien courant, qui a parfois à faire face à des propriétaires
découragés par le nombre d'examens à entreprendre. Les tumeurs hypophysaires (maladie
de Cushing) sont les plus fréquentes (80 à 85% des cas) et touchent la plupart du temps des
individus de petit gabarit. Les tumeurs surrénaliennes sont plus fréquentes chez les chiens
de plus de 20 kg.
Nous avons donc vu que la pathogénie de la maladie de Cushing présente
d'importantes différences entre les espèces canine et équine. Ce qui est décrit chez le chien
se rapproche beaucoup plus de ce que l'on connaît chez l'homme, alors que les nombreuses
spécificités de l'espèce équine ont conduit la plupart des auteurs à qualifier le terme de
"maladie de Cushing" d'impropre pour qualifier cette affection chez le cheval. Ces
différences expliquent notamment les divergences observées pour les signes cliniques et les
méthodes diagnostiques. Ces différences sont aussi fondamentales pour la recherche de
nouveaux traitements, car les objectifs thérapeutiques ne seront par conséquent pas les
mêmes. Cela explique les nombreuses divergences observées en termes de traitement et
pourquoi un traitement efficace dans une des deux espèces ne l'est pas forcément dans
l'autre.
60
III/ Actualités thérapeutiques
de la maladie de Cushing
61
La maladie de Cushing est moins bien connue dans l’espèce équine que dans l’espèce
canine. Bien évidemment, cela a une grande incidence en matière de traitements. Dans
l’espèce canine, comme nous allons le détailler dans cette partie, un large arsenal
thérapeutique est offert au praticien pour traiter la maladie de Cushing. Le choix d’un
traitement médical ou chirurgical dépendra des habitudes et de la compétence du praticien,
de la motivation du propriétaire, mais aussi et surtout de l’état général de l’animal, de son
âge, et de ses éventuels autres problèmes de santé (par exemple, on ne choisira pas en
première intention une hypophysectomie transsphénoïdale chez un chien avec une grave
atteinte cardiaque). A l’heure actuelle, le traitement médical est le traitement le plus
fréquent dans l’espèce canine. En effet, la mise en place d’autres traitements, tels que
l’hypophysectomie ou la radiothérapie, nécessite des structures adaptées et des personnes
qualifiées. Une grande motivation des propriétaires est par conséquent requise. Ce sont
néanmoins des techniques qui se développent de nos jours et qui sont très prometteuses.
Le traitement médical chez le chien donne de bons résultats. Ce n’est pas encore le
cas dans l’espèce équine. En effet, nous avons vu que les tumeurs hypophysaires (cause
principale de syndrome de Cushing dans les deux espèces) présentait des différences
notables, à tel point que le terme même de « maladie de Cushing » est remis en question
pour l’espèce équine. En termes de traitement aussi, les choses sont moins bien établies
chez le cheval que chez le chien. Au cours de la dernière décennie, de nombreux essais
thérapeutiques ont été entrepris chez le cheval, certains utilisant les bases connues ou
supposées de la pathogénie du dysfonctionnement de la Pars intermedia dans cette espèce,
et d’autres s’appuyant sur l’extrapolation de traitements utilisés avec succès chez le chien
et/ou chez l'homme. Si des protocoles bien établis peuvent être trouvés pour le traitement
dans l’espèce canine, il n’en va pas de même pour l’espèce équine pour laquelle une grande
liberté est laissée au praticien et au propriétaire. Néanmoins, un point fondamental est la
gestion du nursing chez le cheval atteint de dysfonctionnement de la Pars intermedia.
Nous allons détailler dans cette partie les traitements reconnus et à l’essai pour la
gestion de la maladie de Cushing chez le chien et chez le cheval.
62
A/ Les traitements médicamenteux
Le traitement médical, en association avec une prise en charge globale de l’animal de
bonne qualité, est actuellement le seul traitement du syndrome de Cushing chez le cheval.
Chez le chien, cela reste le traitement principal, les traitements chirurgicaux prenant
progressivement une place plus importante qu’il y a quelques années.
1/ Le mitotane
Le mitotane ne fait plus vraiment partie de l’actualité thérapeutique de la maladie de
Cushing chez le chien. Le mitotane était par contre le traitement médical de référence
jusqu’au début des années 2000. En raison de son importance, nous allons donc détailler ce
traitement ici, bien que son utilisation devienne moins fréquente aujourd'hui. Cela demeure
malgré tout un traitement efficace que certains praticiens continuent volontiers à utiliser par
habitude. Le mitotane n’a jamais constitué un traitement courant des dysfonctionnements
de la Pars intermedia chez le cheval.
a/ L’utilisation du mitotane dans l’espèce canine [25, 34, 47, 59, 64]
Le traitement à base de mitotane est un traitement qui, à défaut d’être compliqué,
est contraignant, notamment pour le propriétaire. En effet, il est capital, lorsque l’on décide
de le mettre en place, d’obtenir le consentement éclairé et l’implication totale du
propriétaire. Le mitotane a constitué le traitement de référence pour le syndrome de
Cushing d’origine hypophysaire pendant plusieurs dizaines d’années.
Le mitotane est en fait un dérivé du DDT (insecticide). Le premier protocole
thérapeutique utilisant cette molécule chez le chien a été proposé par Schechter dans une
étude de 1973, en se basant sur les travaux de Nelson et Woodard qui avaient décrit les
effets systémiques du mitotane en 1949. Il s’agit d’un agent adrénocorticolytique, c’est-à-
dire qu’il induit une nécrose progressive de la zone fasciculée et de la zone réticulée (les
effets sur la zone glomérulée sont moins nets et plus discutés). De par cette action, la
sécrétion de cortisol par le cortex surrénalien s’en trouve diminuée, ce qui permet la
résolution des signes cliniques de la maladie. Par contre, il est à noter que cette thérapie ne
traite aucunement la cause de la maladie de Cushing, à savoir l’adénome hypophysaire, mais
uniquement ses conséquences. Il ne s'agit par conséquent pas d'un traitement étiologique.
63
Il s’agit d’un traitement efficace, mais qui, malgré cette efficacité, est en train d’être
abandonné, au profit du trilostane en raison d’effets secondaires trop gênants et de l’aspect
contraignant de la thérapie. De plus, en détruisant le cortex surrénalien, les effets de ce
médicament sont difficilement réversibles ce qui peut s’avérer gênant (cf. v/ Les effets
secondaires). Le protocole classique peut être découpé en plusieurs phases.
i/ La phase d’induction
Le traitement doit dans tous les cas se dérouler chez le propriétaire et jamais en
hospitalisation. Il faut en effet que le chien continue à vivre sa vie habituelle. Une
hospitalisation pourrait entraîner des modifications de son comportement, de sa prise de
boisson et d’aliment. D’autre part, les signes dictant l’arrêt de la phase d’induction peuvent
être subtils et seront détectés plus précocement par le propriétaire, qui connaît bien son
animal. Il est à noter que les chiens sains semblent plus résistants que les chiens malades à
l’action du mitotane. Tout d’abord, il faut vérifier si le chien présente une polyuro-
polydipsie, en demandant au propriétaire de quantifier de manière précise la quantité d’eau
bue par le chien quotidiennement. Le suivi de cette prise de boisson sera à réaliser de façon
quotidienne au cours de la phase d'induction. Si le chien vit avec d’autres animaux et qu’ils
ont tous accès à la même gamelle, il est toujours possible de trouver des astuces, comme
par exemple de faire hospitaliser le chien malade pendant deux ou trois jours afin de
déterminer la quantité moyenne d’eau bue par les autres animaux. En retirant cette quantité
du total quotidien, on pourra alors suivre l’évolution de la consommation d’eau du chien
malade au cours du traitement. D’autre part, il faut également vérifier que le chien a un
appétit normal à augmenté (ce qui est souvent le cas). Si l’animal est anorexique, le
diagnostic peut être à revoir. Si le diagnostic est confirmé, il faut toujours penser que la
polyphagie est, chez le chien, un signe offrant une bonne spécificité, mais qu’une anorexie
est possible, notamment en cas de macroadénome comprimant l’hypothalamus et
entraînant des troubles de l’appétit.
Au cours de la phase d’induction, on donnera deux tiers de la ration habituelle à
l’animal, afin de stimuler son appétit en permanence. Le traitement doit être adapté voire
arrêté en cas d’anorexie. L’anorexie, les vomissements et la diarrhée sont des contre-
indications à la mise en place du traitement au mitotane. C’est pourquoi le propriétaire doit
se montrer attentif et qu’un suivi rigoureux doit être effectué. Administré seul, le mitotane
peut être irritant pour l’estomac. Il est donc avisé de vérifier systématiquement l’appétit du
chien avant de lui administrer le mitotane et de le mélanger dans la nourriture, avec un peu
d’huile végétale pour améliorer son absorption digestive. Il convient ainsi de nourrir le chien
deux fois par jour (un tiers de la ration journalière habituelle à chaque fois), en commençant
par moitié de la gamelle sans le mitotane afin de juger de l’appétit. Si celui-ci est bon, on
donne le reste du repas avec le mitotane.
64
En phase d’induction, la posologie du mitotane doit être de 40 à 50 mg/kg par jour en
deux prises (matin et soir, avec les repas). Cette dose peut être diminuée si l’animal ne
présente pas de polyuro-polydipsie ou s’il est diabétique (25 à 35 mg/kg par jour en deux
prises). Il est important que le propriétaire soit attentif à tout changement concernant son
animal. Il doit mesurer la quantité quotidienne d’eau bue. Certaines publications conseillent
d’associer des glucocorticoïdes lors de la phase d’induction afin de limiter les risques
d’hypocorticisme. Toutefois, cette pratique semble plutôt à déconseiller [34]. En effet,
l’ajout de glucocorticoïdes risque de masquer les signes caractéristiques de la fin de la phase
d’induction de par l’action des glucocorticoïdes sur la prise de boisson et de nourriture. De
plus, plusieurs publications ont montré que l’on n’obtenait pas de meilleurs résultats avec
cette pratique et que cela n’avait pas de conséquences bénéfiques sur la prévention
d'éventuels effets secondaires.
Le vétérinaire traitant (ou à défaut son assistant(e)) doit entretenir un suivi rigoureux
en appelant le propriétaire chaque jour. La fin de la phase d’induction est marquée par une
baisse de l’appétit et/ou de la prise de boisson. La diminution de la prise de nourriture peut
être très subtile : il ne peut s’agir que d’un bref moment de pause lors du repas qui ne fait
pas partie des habitudes du chien. C’est pourquoi le propriétaire est plus apte que le
vétérinaire traitant à faire le suivi quotidien et permanent de l’animal traité. On considère
que la phase d’induction est terminée quand la consommation d’eau (initialement
supérieure à 100 mL/kg par jour en général) est inférieure à 70 mL/kg par jour. D’autres
signes pouvant motiver une visite de contrôle chez le vétérinaire traitant sont des
vomissements, de la diarrhée ou encore de l’abattement. Dès qu’un des signes
précédemment décrit est observé, une visite chez le vétérinaire est indispensable.
Lors de cette visite, le vétérinaire traitant effectue un examen clinique complet de
l’animal. Il réalise aussi un test de stimulation à l’ACTH. Le but est d’obtenir une
concentration en cortisol après stimulation évocatrice d’un hypocorticisme, c’est-à-dire
inférieur à 5 μg/dL. La différence avec le test de stimulation à l’ACTH effectué avant
traitement, au cours de la démarche diagnostique, doit être évidente (cf. Fig. 11).
65
Fig. 11. Résultats du test de stimulation à l’ACTH avant et après 7 jours de traitement au mitotane.
Un tel résultat, associé à l’amélioration clinique, marque la fin de la phase d’induction. D’après
Feldman [34].
La durée moyenne de la phase d’induction est de cinq à neuf jours. Certains animaux
répondent très vite (deux jours), d’autres un peu moins. La quasi-totalité des animaux
répond en moins de quatorze jours et seuls 3% des individus ont besoin de vingt-et-un jours
ou plus. Si un animal n’a pas présenté de modification clinique en vingt-et-un jours, le
diagnostic est à reconsidérer. Il est aussi possible que le traitement soit mal effectué
(problème d’observance de la part du propriétaire, problème de malassimilation, facteurs
intercurrents comme l’administration simultanée de barbituriques,...). La présence d’une
tumeur surrénalienne peut également être une explication à la résistance au traitement.
L’idéal est de faire commencer le traitement par le propriétaire le samedi ou le dimanche,
afin de pouvoir facilement revoir l’animal en consultation si des effets indésirables se
manifestent dans les premiers jours du traitement.
66
Dans tous les cas, un test de stimulation à l’ACTH inférieur à 5 μg/dL associé à une
amélioration des signes cliniques impose le passage en phase d’entretien. La polyuro-
polydipsie et la polyphagie sont en général les signes cliniques les plus précocement
améliorés et les autres anomalies nécessitent en général plus de temps pour être corrigées.
Ainsi, les problèmes dermatologiques, de sensibilité aux infections, de fonte musculaire
peuvent mettre plusieurs semaines à plusieurs mois pour disparaître. De plus, les
améliorations des paramètres biochimiques (Phosphatase alcaline, cholestérol) ont toujours
lieu après les modifications externes.
ii/ Prise en charge d’un éventuel diabète associé
Un diabète associé est souvent secondaire à l’hypercorticisme qui induit une
insulinorésistance. Aussi, la plupart du temps, ce diabète est difficile à contrôler tant que
l’hypercorticisme n’est pas lui-même contrôlé. Lors de la phase d’induction, on peut mettre
en place une insulinothérapie associée, à la posologie de 0,5 à 1 UI/kg par jour. Du fait de la
présence d’un diabète concomitant, il est important d’avoir à l’esprit que la consommation
d’eau ne pourra être utilisée pour le suivi de la phase d’induction. Afin d’éviter une
éventuelle hypoglycémie, des bandelettes urinaires sont à faire faire par le propriétaire. En
cas de négativation de la glucosurie, les doses d’insuline sont diminuées.
iii/ La phase d’entretien
On considère, à la fin de la phase d’induction, que l’on a « détruit assez de corticale
surrénalienne ». La dose de mitotane est alors diminuée afin d’éviter une destruction trop
importante des zones fasciculée et réticulée. Toutefois, il est impossible d’arrêter
complètement l’administration de mitotane car l’excès chronique d’ACTH entraînerait un
renouvellement du cortex surrénalien détruit et un retour à la situation initiale. Tout l’enjeu
de la phase d’entretien est donc de continuer l’administration de mitotane à des doses
suffisantes pour empêcher un renouvellement trop important, mais à des doses insuffisantes
pour induire un hypocorticisme clinique. On se base alors sur une dose hebdomadaire de
mitotane, et non plus quotidienne.
La dose de mitotane à administrer dépend des résultats du test de stimulation à
l’ACTH. Si la concentration en cortisol après stimulation à l’ACTH (une heure après) est
inférieure à 1 μg/dL, l’administration de mitotane est stoppée pendant deux semaines, puis
reprise à la dose de 25 mg/kg par semaine. Si la concentration en cortisol est de 1 à 3 μg/dL
après stimulation, l’administration de mitotane est poursuivie à la dose de 25 mg/kg par
semaine. Enfin, si la concentration se situe entre 3 et 5 μg/dL, le mitotane est administré à la
posologie de 50 mg/kg par semaine. Rappelons que si cette concentration en cortisol est
supérieure à 5 μg/dL, on considère que la phase d’induction n’est pas terminée.
67
La dose totale de mitotane est à répartir en plusieurs prises sur la semaine.
L’administration doit être la plus fractionnée possible, d’autant plus si l’animal a présenté
quelques signes d’intolérance lors de la phase d’induction comme des vomissements.
L’administration doit se faire comme précédemment, dans la nourriture, si possible
mélangée avec un corps gras. Une réévaluation doit être faite un mois, puis trois mois après
l’initiation de la phase d’entretien. La dose pourra alors être ajustée en fonction des
résultats, de l’individu, de sa tolérance au traitement. Il est particulièrement important de
s’adapter à chaque individu. Si la concentration en cortisol après stimulation devient
supérieure à 5 μg/dL, il faudra augmenter la dose totale de 25%. Inversement, il conviendra
de diminuer les doses si la concentration en cortisol devient inférieure à 1μg/dL.
Souvent les animaux en phase d’entretien restent relativement stables. Toutefois, les
doses doivent en général être progressivement augmentées pour conserver un résultat
satisfaisant. Le traitement devra être arrêté si l’animal est amené à subir un stress qui peut
être anticipé, tel qu’une chirurgie, ou bien lors d’une maladie. Des glucocorticoïdes peuvent
en plus être administrés. Le suivi de l’animal devra être fait par le vétérinaire traitant tous les
deux mois environ, avec réalisation d’un test de stimulation à l’ACTH à chaque visite. Le
propriétaire ne devra pas hésiter à consulter plus tôt en cas de récidive des signes cliniques,
ou bien suite à l’apparition de signes cliniques évocateurs d’hypocorticisme (faiblesse,
léthargie, vomissements, diarrhée, anorexie) résultant d’un potentiel surdosage.
iv/ La surrénalectomie médicale
Un autre protocole utilisant le mitotane existe mais est rarement utilisé. Ce protocole
est contraignant et peut avoir des conséquences parfois difficiles à gérer. Il était autrefois
réservé aux cas d’échappement au mitotane, d’emblée ou après période de rémission.
Aujourd’hui, cela est moins vrai car d’autres solutions existent, notamment le traitement à
base de trilostane qui tend même à être préféré au mitotane en première intention.
Ce protocole dit de « surrénalectomie médicale » consiste en l’administration d’une
quantité excessive de mitotane afin de détruire de façon complète le cortex surrénalien. Une
supplémentation en glucocorticoïdes ainsi qu’en minéralocorticoïdes doit alors être
administrée à vie à l’animal. On administre pour cela du mitotane à la posologie de 75 à 100
mg/kg/jour pendant 25 jours. L’administration est répartie en trois ou quatre prises afin que
l’absorption du médicament soit la meilleure possible. La supplémentation est commencée
dans les trois jours suivants le début de l’administration du mitotane : on donne de la
prednisolone, à la posologie de 0,1 à 0,5 mg/kg deux fois par jour, ainsi que des
minéralocorticoïdes, par exemple de la fludrocortisone acétate, à la posologie de 0,02 mg/kg
par jour répartie en deux prises orales. Cette supplémentation sera à poursuivre durant
toute la vie de l’animal, mais les posologies pourront être progressivement adaptées.
68
Une étude [25] portant sur ce protocole et concernant 129 chiens souffrants de
maladie de Cushing a montré que 15% des chiens ne supportaient pas la dose de charge en
mitotane (nécessitant l’arrêt de l’administration), et qu’un arrêt temporaire de
l’administration avait du être effectué pour la plupart des autres animaux. Après traitement,
86% des chiens ont présenté une rémission clinique, mais une rechute a été observée pour
39% d’entre eux.
Ce protocole était donc le protocole « de la dernière chance », mais c’est un
traitement à déconseiller aujourd’hui compte tenu du nombre d’alternatives existantes.
v/ Les effets secondaires
Des vomissements peuvent être observés au cours du traitement au mitotane. Ces
vomissements peuvent résulter d’une sensibilité individuelle (irritation gastrique), mais aussi
être un signe d’hypocorticisme. Afin de limiter les risques d’irritations digestives, il convient
de bien donner le mitotane en même temps que les repas.
Les autres effets secondaires sont à relier à un potentiel hypocorticisme, consécutif à
un surdosage en mitotane. Il est à noter que cet hypocorticisme induit n’est pas toujours
réversible ! Les signes cliniques observés sont en général de la faiblesse et de la léthargie,
des vomissements, de la diarrhée et de l’anorexie. Ces signes sont assez peu spécifiques et le
diagnostic d’hypocorticisme doit de toute façon être appuyé par un test de stimulation à
l’ACTH. Dans le cas où l’hypocorticisme est réversible (majorité des cas), des tests à l’ACTH
sont à renouveler toutes les trois à quatre semaines jusqu’à ce que la concentration en
cortisol après stimulation redevienne supérieure à 2 μg/dL. L’administration de mitotane
pourra alors être reprise en adaptant les doses.
Outre les signes cliniques, un ionogramme peut révéler une hyponatrémie et une
hyperkaliémie, dont l’association est un signe fort d’hypoaldostéronisme. Enfin, des signes
nerveux peuvent être observés. Ces signes nerveux peuvent résulter directement de
l’administration de mitotane, par un mécanisme encore mal expliqué, mais aussi être la
conséquence du développement de la tumeur hypophysaire. Outre la croissance "normale"
de la tumeur hypophysaire, il faut être conscient qu'en diminuant le rétrocontrôle négatif
exercé par le cortisol sur l’hypophyse, la tumeur est susceptible de voir sa vitesse de
croissance augmenter. Des signes nerveux tels que de l’ataxie ou une amaurose sont alors
susceptibles d’apparaître. Ce point sera développé plus en détail dans la partie consacrée au
trilostane, puisque l’on observe la même conséquence suite au traitement (cf. III.A.3.a.ii.δ).
69
vi/ Synthèse
Le mitotane est un traitement efficace de la maladie de Cushing chez le chien. Les
échecs au traitement sont rares. Ce traitement a longtemps été le traitement de référence
dans l’espèce canine. Il s’avère toutefois que ce traitement peut être compliqué à mettre en
place et nécessite une totale implication du propriétaire. Un suivi rigoureux et régulier sera à
réaliser à vie.
D’autre part, ce traitement n’est pas dénué d’effets secondaires. Un nombre non
négligeable de chiens supporte mal la phase d’induction, ce qui nécessite souvent un arrêt
temporaire de l’administration.
En conclusion, nous pouvons donc dire qu’il s’agit d’un traitement efficace, mais qui
tend aujourd’hui à être remplacé par d’autres traitements, tout aussi efficaces voire plus, et
dont les effets secondaires sont moins importants et moins préoccupants que ceux du
mitotane.
b/ L’utilisation du mitotane dans l’espèce équine
Plusieurs essais réalisés chez le cheval ont montré l’inefficacité du mitotane dans
cette espèce [23, 30, 75]. Ce traitement, qui a longtemps été considéré comme le traitement
de référence de la maladie de Cushing chez le chien semble n’apporter aucun bénéfice chez
le cheval.
2/ Le kétoconazole [34, 59]
Le kétoconazole est, tout comme le mitotane, un traitement qui ne fait plus partie de
l'actualité thérapeutique de la maladie de Cushing. Aussi ne le développerons-nous pas ici.
Signalons juste qu'il s'agissait d'un traitement ayant fait preuve d'une certaine efficacité et
qui était volontiers utilisé sur les animaux pour lesquels le traitement au mitotane s'avérait
difficile (intolérance au traitement, chiens de moins de 5 kg, ce qui entraîne des problèmes
de posologie). Cette molécule, qui possède une faible toxicité, agit en inhibant certaines
enzymes surrénaliennes nécessaires à la synthèse du cortisol.
Le protocole classique prévoit une augmentation progressive des doses ainsi qu'une
administration biquotidienne pour une meilleure efficacité. Lorsque l'animal est stabilisé, un
contrôle régulier est à effectuer tous les trois mois chez le vétérinaire traitant afin de vérifier
la réponse au traitement et d'éviter de passer en hypocorticisme. Si tel est le cas, un simple
arrêt de l'administration du kétoconazole permet un retour rapide de la sécrétion de
cortisol.
70
3/ Le trilostane
Le trilostane est une molécule qui, comme le mitotane, ne possède pas une action
hypothalamique visant à diminuer la sécrétion inappropriée d’ACTH, mais une action au
niveau des glandes surrénales diminue directement la production de cortisol. Un premier
point à noter est que par conséquent, les concentrations en ACTH resteront élevées pendant
le traitement, et auront même tendance à augmenter (diminution du rétrocontrôle négatif
exercé par le cortisol). Le suivi de la concentration en ACTH ne sera donc pas un bon
indicateur pour le suivi de l’évolution thérapeutique. Toutefois, le mécanisme d’action du
trilostane présente une nette différence avec celui du mitotane. Comme nous l’avons vu, le
mitotane est un agent adrénocorticolytique et par conséquent, il agit en détruisant le cortex
surrénalien. Le trilostane est, lui, un inhibiteur compétitif d’une enzyme particulière : la 3-β-
hydroxysteroid dehydrogenase. Cette enzyme se trouve notamment dans les glandes
surrénales et est nécessaire dans la chaîne de formation de plusieurs types de composés : les
glucocorticoïdes prioritairement, mais aussi les minéralocorticoïdes, la progestérone, les
androgènes et les œstrogènes. Plus précisemment, elle permet la conversion de la Δ5-3-β-
hydroxysteroid en Δ4-3-ketosteroid, de la pregnenolone en progestérone, de la 17α-OH-
pregnenolone en 17α-OH-progestérone et de la dehydroepiandrostènedione en
androstènedione [68]. Ainsi, les précurseurs et les substances inductrices (l’ACTH par
exemple) ont tendance à s’accumuler alors que la concentration des produits (les
glucocorticoïdes notamment) va diminuer. Cette molécule a été utilisée chez l’homme dans
le passé, avec plus ou moins de succès et dans divers types d’affections différentes
(notamment des affections de la prostate, des cas d’hypercorticisme, et dans le cadre de
l’hyperaldostéronisme). Son utilisation chez le chien avait donc pour but d’évaluer
l’amélioration clinique et biochimique de la maladie de Cushing, via l’inhibition de la
sécrétion de corticoïdes par les glandes surrénales.
71
a/ L’utilisation du trilostane dans le traitement de la maladie de
Cushing chez le chien
Chez le chien, la première étude publiée visant à évaluer l’efficacité du trilostane
comme traitement du syndrome de Cushing d’origine hypophysaire date de 1998 et portait
sur quatre chiens atteints de maladie de Cushing et un autre chien atteint de syndrome de
Cushing d’origine surrénalienne *48]. Les résultats de cette première étude se sont montrés
concluants et de nombreux autres essais ont alors été réalisés.
i/ Le trilostane, nouveau traitement médical de référence chez
le chien [10, 13, 34, 58, 59, 67]
Les essais suivants, réalisés dans le but d’évaluer l’efficacité thérapeutique du
trilostane chez le chien, ont tous donné de bons résultats. La très grande majorité des
animaux répondait de façon satisfaisante au traitement avec une amélioration des signes
cliniques et des résultats biochimiques.
En 2002 a été publiée une étude portant sur l’efficacité du trilostane réalisée à
grande échelle : 78 chiens atteints de maladie de Cushing ont été suivis pendant plus de 3
ans. L’amélioration clinique ainsi que certains paramètres de laboratoire étaient monitorés.
Les améliorations cliniques se sont montrées variables selon les individus, mais tous les
animaux ont vu une amélioration de leur condition. En considérant les signes cliniques
séparément, l’amélioration était bonne à excellente pour un important pourcentage
d’animaux. La concentration en cortisol avant et après stimulation a été évaluée avant
traitement, puis régulièrement après mise en place de celui-ci. Cela a permis de mettre en
évidence une diminution très significative (p<0,001), à la fois de la concentration en cortisol
plasmatique basale, mais aussi et surtout de la concentration en cortisol post-stimulation à
l’ACTH, avec pour la plupart des individus un retour aux valeurs usuelles. Cette nette
amélioration a été constatée dans cette étude après un délai moyen de 12,3 jours après la
mise en place du traitement. Le traitement, outre son efficacité, a été bien toléré par
l’ensemble des animaux : 51 chiens sur 78 étaient toujours en vie à l’issue de l’étude (trois
ans), et 26 seulement étaient décédés. La moyenne de survie pour les animaux décédés était
de 549 jours, soit un peu moins de deux ans. Un animal a été perdu de vue en cours d’étude,
241 jours après son commencement.
Une autre étude publiée l’année suivante a été réalisée sur un nombre un peu plus
restreint d’individus : 30 animaux souffrant de maladie de Cushing ont été suivis au cours
d’un traitement à base de trilostane *13]. Après diagnostic et mise en place du traitement,
les animaux ont subi des contrôles aux jours 10, 30, 90 puis régulièrement tous les 3 mois.
Ces contrôles consistaient en un examen clinique (complété par les impressions du
propriétaire), et en des mesures du cortisol basal et après stimulation d’une part, et du
rapport cortisol/créatinine urinaire d’autre part. Comme dans l’étude précédemment citée,
72
une diminution significative des concentrations en cortisol avant et après stimulation a été
constatée par rapport à ces mêmes concentrations, mesurées avant la mise en place du
trilostane. Le rapport cortisol/créatinine urinaire subit, lui, des variations aléatoires.
La majorité des animaux a présenté une réponse satisfaisante dès le premier mois,
qui s’est atténuée par la suite, justifiant l’augmentation de la dose de trilostane administrée.
Il s’agit d’une constatation faite dans beaucoup d’études similaires : il semble qu’il existe une
bonne sensibilité au traitement à l’initiation de celui-ci, mais que cette sensibilité diminue
par la suite et nécessite une augmentation des doses. Les doses étaient déterminées de
manière individuelle en fonction de la réponse du chien et de son évolution. C’est le cas
aussi dans les autres études. La dose de trilostane administrée varie environ de 10 à 20
mg/kg/jour. Il semble que la plupart du temps, les chiens de grande taille aient besoin de
doses moindres que les chiens de plus petit gabarit [13]. Le trilostane est administré per os,
une fois par jour. Cela a beaucoup d’implications concernant l’efficacité du traitement. En
effet, l’absorption du trilostane n’est pas très bonne compte tenu de sa faible solubilité dans
l’eau. Si l’animal présente de plus un syndrome de malassimilation, l’efficacité du traitement
s’en trouvera forcément diminuée. On remarque ainsi que dans l’étude présente, le chien
ayant nécessité la seconde plus forte dose de trilostane était un animal avec des
antécédents de maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Pour que l’action du
trilostane se fasse correctement, les fonctions rénale et hépatique doivent également être
fonctionnelles car elles interviennent dans le métabolisme du trilostane. Au final, il ressort
de ces deux études, ainsi que d’autres études réalisées sur un nombre plus restreint
d’animaux, que le traitement au trilostane est un traitement efficace, sûr, présentant à priori
peu d’effets secondaires. Ceux-ci seront détaillés dans la partie suivante.
Cette dernière étude met également en évidence certaines incohérences. En effet,
certains animaux présentaient des concentrations en cortisol avant et après stimulation dans
les limites usuelles basses alors que le rapport cortisol/créatinine urinaire, marqueur de
l’excrétion du cortisol sur une période assez longue, était toujours anormalement élevé.
Inversement, certains chiens présentaient un rapport bas alors que la concentration en
cortisol était supérieure aux valeurs usuelles. De plus, les concentrations en cortisol
n’étaient pas toujours cohérentes avec la clinique (par exemple, bonne amélioration clinique
mais concentrations en cortisol élevées). Une explication a été proposée : les propriétaires
étaient libres de donner le trilostane quand ils le souhaitaient dans la journée (le matin, le
soir…), mais les tests de contrôle étaient en général réalisés autour de midi. Il semble donc
que le trilostane, administré une seule fois par jour, possède une durée d’action de moins de
24 heures, ce qui expliquerait les incohérences observées.
Une étude récente (2006) s’est intéressée à ce point et a effectivement démontré
que le trilostane possédait une durée d’action inférieure à 24 heures [10]. Cette étude a
montré que le trilostane induisait une diminution de la concentration en cortisol basal qui
devenait inférieure aux valeurs usuelles basses admises pendant 3 à 5 heures en moyenne,
73
mais jamais pendant plus de 13 heures. Dans un autre groupe de chiens, il a été mis en
évidence que la concentration en cortisol après stimulation à l'ACTH était significativement
différente quatre heures après la prise du trilostane et vingt-quatre heures après. Cette
différence était plus marquée pour les animaux répondant cliniquement moins bien au
traitement que pour les autres. Une seule prise quotidienne pourrait donc s’avérer
insuffisante chez le chien. Ainsi, chez des animaux répondant mal au traitement d’emblée ou
après une amélioration transitoire, et recevant des doses déjà importantes, il peut être
intéressant de changer le mode d’administration en passant à une prise biquotidienne sans
changement de la dose totale.
Comme nous l’avons dit, la dose est à ajuster en fonction de l’animal, de la réponse
et de l’évolution de celle-ci. La plupart des publications recommandent de débuter à une
dose de 10 mg/kg/jour en une prise orale unique. En phase d’entretien, des contrôles sont à
faire régulièrement, en moyenne tous les trois à six mois.
ii/ Effets secondaires
Comme nous l’avons dit, le trilostane semble être un traitement sûr et efficace
d’après les études réalisées. Néanmoins, certains effets secondaires ont été mentionnés
dans ces rapports. D’autres sont les résultats d’études spécifiques menées, et ne sont pour
certains que des hypothèses ou des pistes à approfondir.
α/ Effets secondaires observés lors des essais
expérimentaux
La plupart du temps, aucun effet secondaire n’a été observé lors des essais, ce qui a
mené la plupart des études à conclure à un traitement sûr. Des effets secondaires ont pu
être mis en évidence dans certaines études, la plupart réalisées sur un nombre conséquent
d’individus *13, 58+. Il s’agissait à chaque fois de signes cliniques évocateurs d’un état
d’hypocorticisme (faiblesse, troubles digestifs notamment). Cet hypocorticisme a été à
chaque fois confirmé par un test de stimulation à l’ACTH. La résolution des troubles a
toujours été obtenue en 24 à 48 heures, suite à la diminution ou à l’arrêt temporaire du
traitement. Cela s’explique par le mécanisme d’action du trilostane, qui lui confère un
avantage certain sur le mitotane. En effet, le trilostane étant un inhibiteur compétitif
d’enzyme, il ne fait que bloquer certaines réactions, mais ne détruit rien de façon définitive
comme le mitotane. Ses effets sont par conséquent facilement et rapidement réversibles ce
qui en fait un traitement plus sûr que le mitotane. La mise en place d’un état
d’hypocorticisme sera à surveiller. Sa résolution sera facile et rapide.
74
β/ Conséquences histologiques du traitement sur les
glandes surrénales
Une étude récente (2007) a été menée afin d’examiner les glandes surrénales de
chiens atteints de syndrome de Cushing hypophysaire et traités à l’aide de trilostane
pendant des durées variables [68]. Six chiens ont été inclus dans cette étude, et tous sont
morts ou ont été euthanasiés alors que le traitement était en cours. La durée du traitement
a varié selon les individus, entre 10 semaines et 22 mois. Une étude histologique
approfondie des glandes surrénales a été réalisée. Celle-ci révèle tout d’abord pour tous les
animaux la présence d’une hyperplasie corticale modérée à sévère, de forme diffuse et/ou
nodulaire. Les lésions semblaient plus marquées dans la zone fasciculée que dans la zone
réticulée. La zone glomérulée paraissait normale. Cette hyperplasie corticale est décrite dans
d’autres études d’essais thérapeutiques avec le trilostane. Elle est en effet visible
échographiquement et se manifeste par une augmentation variable de la taille des glandes
surrénales. L’hypothèse la plus probable et la plus fréquemment avancée pour expliquer ce
phénomène est une hyperplasie secondaire à l’accumulation dans le cytoplasme des cellules
des précurseurs du cortisol notamment (Rappel : le trilostane bloque la chaîne de fabrication
du cortisol au niveau surrénalien). On observe donc ici l’inverse de ce que l’on observe avec
le mitotane, pour lequel les glandes surrénales ont plutôt tendance à voir leur taille diminuer
compte tenu du fait que le mitotane est un agent détruisant la corticale surrénalienne.
Outre cette hyperplasie, une nécrose des glandes surrénales a été observée chez 5
chiens, avec des degrés de gravité variables. Les lésions étaient importantes pour deux
d’entre eux, et susceptibles d’engendrer un état d’hypocorticisme chez les chiens concernés
(leur réponse à la stimulation à l’ACTH n’a pu être évaluée avant leur mort). La nécrose
observée a été confirmée chez trois individus à l’aide de la technique TUNEL, technique de
marquage spécifique de la nécrose. Cette technique met en évidence la fragmentation de
l’ADN dans les cellules concernées. La réaction s’est également avérée positive pour un
quatrième individu, ne présentant pas de nécrose visible. La mise en place de la nécrose ne
peut être expliquée par le mécanisme d’action du trilostane. Aucune thrombose vasculaire
n’a été détectée lors de l’étude histologique. On pense actuellement que la nécrose est une
conséquence directe de l’hypersécrétion d’ACTH, ou d’une action directe du trilostane ou de
ses métabolites. L’étude ne permet pas de conclure quant à un statut pré-néoplasique des
lésions observées. Aucune conclusion n’est donnée par l’étude, seules des pistes de
recherches sont évoquées. On remarque en effet que les deux individus présentant les
nécroses les plus sévères sont ceux qui ont reçu les plus fortes doses de trilostane (11,7 et
17,3 mg/kg/jour), qui ont été traités le plus longtemps (15 et 22 mois), qui ont
préalablement reçu un traitement à base de mitotane et enfin qui souffraient de pathologies
intercurrentes (n’expliquant pas l’atteinte surrénalienne). Tout ceci fait qu’il est difficile de
tirer des conclusions de cette étude. Elle donne néanmoins de bonnes pistes d’étude à
approfondir, afin de juger du risque potentiel de l’utilisation du trilostane pour les glandes
surrénales.
75
γ/ Autres actions du trilostane
Une autre étude récente (2008) s’est intéressée à mesurer non seulement la
concentration en cortisol basal et après stimulation à l’ACTH chez des chiens sains et atteints
de maladie de Cushing, mais également la concentration en cortisone (forme inactive du
cortisol) ainsi que le rapport cortisol/ cortisone [71]. Cette étude a été motivée par le fait
qu’il a été décrit qu’outre son action sur la 3-β-hydroxysteroid dehydrogenase, le trilostane
aurait également une action sur la 11-β-hydroxysteroid dehydrogenase [70]. Le rôle de cette
enzyme a été bien décrit chez l’homme, chez lequel elle est présente sous forme de deux
isoenzymes dont l’action est opposée : l’isoenzyme de type 1 stimulerait la transformation
de cortisol actif en cortisone inactive alors que l’isoenzyme de type 2 stimulerait la
formation de cortisone à partir du cortisol. L’une ou l’autre des transformations se réalise
préférentiellement selon l’organe considéré. Si le trilostane a une action sur cette enzyme, la
concentration en cortisone est donc susceptible de varier. Toutefois, on ne connaît pas le
mode d’action de la 11-β-hydroxysteroid dehydrogenase chez le chien.
L’étude en question a concerné 19 chiens sains servant de témoins et 13 chiens
atteints de maladie de Cushing. Les concentrations en cortisol et en cortisone ont été
mesurées avant et une heure après stimulation à l’ACTH dans les deux groupes. Les mesures
ont été réitérées chez les chiens malades, une à deux semaines (T1), puis trois à sept
semaines (T2) après la mise en place d’un traitement à base de trilostane. L’étude a
également permis de mettre en évidence une amélioration clinique de tous les chiens
malades en une à trois semaines. Comme dans d’autres études, une diminution significative
de la concentration en cortisol après stimulation à l’ACTH a été mise en évidence au cours du
traitement. Une baisse significative de la concentration en cortisone basale et après
stimulation a été observée (cf. Fig. 12). Il semble donc que le trilostane possède une action
sur la 11-β-hydroxysteroid dehydrogenase.
76
Fig. 12. Concentrations en cortisone avant et après stimulation à l’ACTH chez des chiens souffrant de
maladie de Cushing avant, 2 semaines après (T1), et 5 semaines après (T2) l’administration de
trilostane en continu. * : différence significative. D’après Sieber-Ruckstuhl [71].
Toutefois, cette action est difficile à cerner avec précision en se basant uniquement
sur les résultats de l’étude. Notamment, il a été noté ici que chez les chiens sains, on observe
une augmentation significative de la concentration en cortisone après stimulation à l’ACTH.
Cela est différent de ce que l’on observe chez l’homme sain, chez qui aucune modification
n’est observée (on observe même parfois une diminution). D’autre part, les variations de la
concentration en cortisone chez le chien souffrant de maladie de Cushing diffèrent
également de ce que l’on observe chez l’homme souffrant de la même pathologie. Il semble
donc que les effets de la 11-β-hydroxysteroid dehydrogenase sur la concentration en
cortisone chez le chien diffèrent de ceux observés chez l’homme.
En outre, on note que les variations des concentrations en cortisol et en cortisone ne
sont pas proportionnelles. En effet, après stimulation à l’ACTH, la diminution des
concentrations avant et après traitement est significativement plus importante pour le
cortisol que pour la cortisone (cf. Fig. 111).
77
Fig. 111. Diminution (exprimée en %) de la concentration en cortisol et en cortisone après
stimulation à l’ACTH deux semaines (T1) et cinq semaines (T2) après initiation du traitement au
trilostane. * : différence significative. D’après Sieber-Ruckstuhl [71].
A cela, plusieurs explications qui ne sont que des hypothèses. Tout d’abord, il est
possible que le trilostane ait une action sur l’isoforme de la 11-β-hydroxysteroid
dehydrogenase qui stimule la formation de cortisone à partir du cortisol. Il est aussi possible
que le point de saturation de cette isoenzyme reste inférieur à la concentration en cortisol
après traitement au trilostane. Ainsi, même si la concentration en cortisol diminue, de la
cortisone sera toujours fabriquée en excès, ce qui expliquerait la plus faible diminution de sa
concentration. Il est aussi probable que la 11-β-hydroxysteroid dehydrogenase possède une
sensibilité différente chez le chien de celle décrite chez l’homme. Enfin, il est aussi tout à fait
envisageable que les concentrations en cortisol et en cortisone aient elles-mêmes des
actions directes sur la régulation de la 11-β-hydroxysteroid dehydrogenase.
78
Dans tous les cas, cette étude donne des pistes à approfondir. Elle porte la preuve
que le trilostane ne possède pas qu’un simple effet sur la 3-β-hydroxysteroid
dehydrogenase. Par conséquent, des effets adventices non recherchés peuvent
potentiellement être source d’effets secondaires plus ou moins problématiques. Comme
nous l’avons vu, il est aussi probable que la sensibilité de la 11-β-hydroxysteroid
dehydrogenase soit différente chez le chien et chez l’homme. Des études seraient donc à
mener dans cette voie. De plus, et contrairement à l’étude présentée ici, des mesures
tissulaires spécifiques seraient préférables et plus représentatives que les mesures
sanguines réalisées dans le cas présent.
δ/ Conséquences du traitement au trilostane sur
l’hypophyse
Cette partie aborde une conséquence du traitement avec le trilostane que l’on
retrouve également avec le mitotane. Ces deux traitements, comme nous l’avons vu, ont
pour objectif d’empêcher la sécrétion de cortisol en excès par les glandes surrénales, ce qui
permet la résolution des signes cliniques de la maladie. Mais ces deux traitements
s’intéressent à la gestion des conséquences de l’affection primaire (la tumeur hypophysaire)
et non au traitement de l’affection primaire elle-même. Ainsi, on peut facilement imaginer
qu’en diminuant la concentration plasmatique en cortisol, on s’expose à supprimer du même
coup le rétrocontrôle négatif exercé par le cortisol sur la sécrétion de CRH et d’ACTH
respectivement par l’hypothalamus et l’hypophyse. Ce rétrocontrôle, dont l’efficacité était
déjà limitée de part la maladie de Cushing, risque ainsi de devenir virtuel. C’est ce qu’a
montré une étude très récente datant de cette année (2009) qui a utilisé des chiens sains
traités avec du trilostane aux doses habituellement conseillées dans le cadre du traitement
du syndrome de Cushing d’origine hypophysaire *72]. Ainsi, 8 chiens de race Beagle ont reçu
du trilostane pendant 8 semaines, et 3 autres en ont reçu pendant 16 semaines. La posologie
était de 5 mg/kg deux fois par jour. Un groupe témoin était constitué de 10 chiens. Un
examen IRM a été pratiqué avant le début du traitement, puis deux fois par mois. Une
analyse histologique de l’hypophyse a été réalisée après euthanasie des animaux en fin
d’étude. La concentration en ACTH a également été régulièrement mesurée. Il a ainsi été mis
en évidence une augmentation significative des concentrations en ACTH basale et après
stimulation à la CRH en fin de traitement. Les examens IRM ont permis de montrer une
augmentation significative de la taille de l’hypophyse (cf. Photo 2). Cette augmentation de
taille était plus marquée dans le groupe traité pendant 16 semaines que dans le groupe
traité pendant 8 semaines.
79
Photo 2. Augmentation de la taille de l’hypophyse visualisée à l’IRM chez un chien sain recevant du
trilostane. A gauche, avant traitement, à droite, après 16 semaines de traitement (trilostane).
D’après Teshima et al. *72].
D’autre part, l’analyse histologique de l’hypophyse a révélé une augmentation
importante de la taille du cytoplasme ainsi que du nombre des cellules corticotrophes. On
note également une expression accrue de l’ARNm nécessaire à la synthèse de la pro-
opiomélanocortine et des récepteurs surrénaliens à l’ACTH (attestée par PCR).
Il est donc à craindre que chez des chiens malades, en supprimant le rétrocontrôle
négatif déjà insuffisant du cortisol sur l’hypophyse, on induise via l’utilisation du trilostane
(et du mitotane éventuellement), une augmentation de la vitesse de croissance de la tumeur
hypophysaire. La conséquence potentielle est l’émergence de signes cliniques d’ordre
neurologiques (apathie, anorexie, ataxie, déambulation, amaurose…), consécutive à la
compression de certaines structures de l'encéphale, phénomène connu sous le nom de
syndrome de Nelson chez l’homme. Cela a effectivement été décrit chez des chiens traités
au trilostane, sans que l’on puisse accuser le traitement d’avoir favorisé l’émergence de
cette complication (celle-ci est susceptible d’apparaître aussi chez un chien non traité). Dans
le cadre d’un traitement au trilostane ou au mitotane, certains auteurs parlent de
« syndrome de Nelson chimique ».
Dans tous les cas, seul un examen IRM peut permettre de juger du risque de voir
apparaître un "syndrome de Nelson" (du à un macroadénome). Aucun examen biochimique
ne permet en effet de préjuger de la taille d’une tumeur hypophysaire.
80
iii/ Synthèse
En conclusion de cette partie, nous pouvons donc dire que le traitement de la
maladie de Cushing à l’aide du trilostane paraît être un traitement efficace et sûr. Toutefois,
des réserves sont à émettre compte tenu d’études récentes qui ont montré que le trilostane
pouvait également avoir de potentiels effets néfastes. Des pistes d'études à ce sujet ont été
dégagées. Plus d'études seront nécessaires pour connaître tous les effets et tous les risques
de l'utilisation du trilostane. Ce traitement n'est utilisé que depuis une dizaine d'années, le
recul à son sujet est donc encore insuffisant. Néanmoins, le trilostane est moins
contraignant du point de vue de son utilisation que le mitotane, moins dangereux, et
surtout, ses effets sont, pour la plupart, réversibles compte tenu de son mode d’action
particulier qui le différencie du mitotane.
Tous ces points font que le trilostane a aujourd’hui remplacé le mitotane comme
traitement de référence pour la maladie de Cushing chez le chien.
b/ Essais chez le cheval
Les résultats de l’utilisation de cette molécule chez le chien sont probants. Il en
résulte aujourd’hui que l’utilisation du trilostane est le traitement de choix pour la maladie
de Cushing chez le chien. Cela appelle forcément à se poser la question de savoir si ce
traitement ne pourrait pas être efficace chez le cheval. Comme nous l’avons vu
précédemment, des essais avec d’autres molécules ayant un objectif similaire (le mitotane)
se sont montrés décevants dans le cadre de l’espèce équine. Malgré cela, une étude assez
récente (2003) a été menée afin de juger de l’efficacité du trilostane dans le traitement des
dysfonctionnements de la Pars intermedia chez le cheval.
Cette étude de Mc Gowan [52+ a porté sur 20 chevaux et a duré deux ans. C’est la
première étude si longue sur le sujet, les autres études en faisant mention ne s’intéressent
qu’à des cas isolés et anecdotiques. Les chevaux inclus dans l’étude souffraient d’un
dysfonctionnement de la Pars intermedia. Le diagnostic a été établi sur la base de critères
cliniques et de tests endocrinologiques. Les chevaux ont tous bénéficié d’une période
d’acclimatation de 24 heures avant le début de l’étude et leurs conditions de vie étaient
similaires à celles qu’ils avaient connu jusqu’alors. Le test endocrinologique de référence
utilisé dans cette étude est le test combiné freinage à la dexaméthasone/stimulation à la
TRH. Ses résultats, couplés à l’analyse des signes cliniques présentés (en tenant compte de la
très haute spécificité de l’hypertrichose), ont permis de conclure à une maladie de Cushing
pour les 20 chevaux de l’étude. Il est à noter toutefois que quelques chevaux (trois) n’ont
pas subi de test combiné mais un test de stimulation à la TRH simple, en raison de
l’inquiétude des propriétaires quant aux conséquences en termes de fourbure de
l’administration de dexaméthasone à leur cheval. Le traitement a alors été mis en place, à
raison de 120 mg de trilostane par jour par voie orale pour les animaux de moins de 250 kg,
81
et de 240 mg de trilostane par jour par voie orale pour les animaux de plus de 250 kg. Un
suivi des animaux a été réalisé à J 10 et à J 30 après mise en place de la thérapie, puis tous
les mois pendant deux ans.
L'amélioration des signes cliniques et les résultats des tests endocrinologiques ont
été retenus comme critères d’évaluation de l’efficacité du traitement, en accordant une
importance plus grande à la résolution des signes cliniques. Cette évolution est donnée dans
le tableau Tabl. 2.
Avant traitement
30 jours après début du
traitement
Pelage anormal 20/20 14/20
Léthargie 19/20 0/20
Fourbures 16/20 3/20
Redistribution des graisses 13/20 7/20
PUPD 11/20 0/20
Tabl. 2. Evolution des signes cliniques principaux présentés par les 20 chevaux de l’étude de Mc
Gowan, avant le début du traitement et 30 jours après. D'après Mc Gowan [52].
Six propriétaires ont constaté une amélioration de la qualité du pelage de leur
animal. Malgré tout, le traitement semble avoir peu d’effet sur l’hypertrichose, et ce point
s'est confirmé sur l'ensemble de l'étude, qui a duré deux ans. Par contre, les treize chevaux
fourbus ayant répondu au traitement dans les 30 jours ont vu une amélioration durable pour
la plupart d’entre eux, avec néanmoins parfois la nécessité d’augmenter les doses de
trilostane. Cela a du être le cas pour quelques chevaux. Ainsi, la dose moyenne de trilostane
administrée au début du traitement était de 0,6 mg/kg/jour (+/- 0,2) et de 0,9 mg/kg/jour
(+/- 0,3) après deux ans. Les trois chevaux n’ayant pas vu d’amélioration de leur fourbure
dans les trente jours ont été euthanasiés dans les six mois suivant le début de l’étude pour
dégradation majeure de leur fourbure.
82
L’ensemble des animaux présentant de la léthargie a présenté une nette
amélioration, de même pour les animaux présentant de la polyuro-polydipsie. La plupart des
propriétaires ont été dans l’incapacité de quantifier cette amélioration de la prise de
boisson. Seuls quatre l’ont fait et rapporte une prise de boisson diminuée de 50 à 70% par
rapport à la quantité initiale.
L’amélioration clinique sous traitement semble donc concluante. Malgré tout, seuls
onze chevaux sur les vingt ont survécu plus de deux ans. D’autre part, les résultats des tests
endocrinologiques n’ont pas montré d’évolution majeure. On observe en effet l’absence de
différence significative pour le test combiné freinage à la dexaméthasone/stimulation à la
TRH avant et après la mise en place du traitement. Des résultats plus surprenants découlent
du suivi de la concentration plasmatique en cortisol sur 24 heures. Cette mesure a été
effectuée sur tous les chevaux survivants avant traitement, puis dix jours, trente jours et 2
ans après début du traitement. Elle montre bien la perte d’un rythme diurne en ce qui
concerne la cortisolémie des chevaux souffrant de dysfonctionnement de la Pars intermedia,
mais contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, une augmentation significative de la
concentration en cortisol est observée après deux années de traitement.
Cette évolution de la concentration plasmatique basale en cortisol semble donc
incohérente avec la bonne évolution clinique constatée en parallèle. Aucune hypothèse n’a
encore été vérifiée pour expliquer ce résultat, mais une aggravation de la pathologie peut
raisonnablement être envisagée.
En conclusion de cette étude, il nous faut retenir le fait qu’une amélioration clinique
indéniable a été observée chez la plupart des animaux traités. L’amélioration clinique la
moins notable a concerné l’hypertrichose. Des doses plus importantes seraient peut-être
nécessaires afin de résoudre ce point. En effet, comme nous l'avons dit, la dose de trilostane
administrée aux chevaux était en moyenne de 0,6 mg/kg/jour en début d'étude et de 0,9
mg/kg/jour en fin d'étude. Ces posologies sont bien inférieures à celles conseillées et
utilisées chez le chien, pour lequel on préconise de commencer le traitement à des doses de
10 mg/kg/jour.
Seul un cheval a présenté un test freinage à la dexaméthasone/stimulation à la TRH
revenu à la normale après mise en place du traitement. Aucune différence significative n’a
pu être observée pour les autres animaux. Par contre, on observe une augmentation de la
concentration en cortisol après deux années de traitement. Cette augmentation n’a pas été
explorée plus en détail. On peut néanmoins penser que, compte tenu du fait que le
trilostane ne bloque en aucun cas la synthèse de pro-opiomélanocortine par l’hypophyse, les
dysfonctionnements de la Pars intermedia ont progressé au cours de ces deux années et que
le trilostane a de plus en plus de mal à réguler la production excessive de cortisol qui
s’ensuit. Là encore, des études avec des doses plus importantes seraient à envisager.
83
La dose minimale de trilostane pour observer une amélioration durable et
satisfaisante des signes cliniques semble être de 1 mg/kg/jour. Cette dose reste
probablement insuffisante et pourrait expliquer certaines récidives observées dans cette
étude. Dans tous les cas, l’adaptation du traitement au cours de la thérapie est indispensable
et nécessite, de ce fait, un suivi régulier.
L’étude présente visait également à tester l’innocuité du traitement chez le cheval.
Aucun effet secondaire n’a été observé. Seules deux juments ont été rapportées comme plus
excitables après mise en place du traitement, ce qui a été interprété comme un retour à leur
comportement habituel.
Le trilostane semble donc être une piste prometteuse dans le cadre du traitement
des dysfonctionnements de la Pars intermedia chez le cheval. D’autres études sont bien
évidemment nécessaires afin de confirmer ces résultats et d’établir des protocoles de
traitement plus précis. Des études comparatives avec les traitements à base de pergolide
(qui semblent actuellement donner les meilleurs résultats) sont également à réaliser. Le
trilostane est une piste d’avenir, notamment car il semble dépourvu d’effets secondaires, ce
qui, si cela se confirme, constituerait un avantage par rapport à la pergolide qui, elle,
possède des effets secondaires devant être considérés avant de mettre en place le
traitement.
84
4/ Cyproheptadine et agonistes dopaminergiques
Nous avons détaillé dans les deux paragraphes précédents les deux molécules les
plus utilisées chez le chien que sont le mitotane et le trilostane. Contrairement aux
molécules que nous allons aborder ici, elles ont pour résultat de bloquer la stéroïdogenèse
au niveau surrénalien. On peut donc presque qualifier ce traitement de « symptomatique »
puisqu’il n’a pour objectif que de limiter les conséquences et non de traiter la cause (tumeur
hypophysaire sécrétante). Les trois molécules que sont la pergolide, la cyproheptadine et la
bromocriptine, s’intéressent à limiter la sécrétion d’ACTH par l’hypophyse. Elles sont
uniquement utilisées dans l’espèce équine actuellement car leur utilisation trouve sa
justification dans la pathogénie particulière des dysfonctionnements de la Pars intermedia
chez le cheval. Rappelons que les cas de syndrome de Cushing surrénalien sont rares dans
l’espèce équine et encore peu documentés. Chez le chien, des essais de traitement avec la
cabergoline ont été menés.
a/ L’utilisation de la cyproheptadine
La cyproheptadine est une molécule qui n’est actuellement disponible qu’en
médecine humaine. En médecine vétérinaire, elle est parfois utilisée comme traitement de
l’anorexie chez le chat.
Son utilisation dans le traitement de la maladie de Cushing dans l’espèce équine
trouve sa justification dans le fait que certaines études tendent à montrer que la sérotonine
possède un effet sécrétagogue d’ACTH. Ceci a été montré suite à une étude sur des tissus
isolés, issus de la Pars intermedia de rats [35+. La preuve de l’intervention de façon
significative de la sérotonine dans la sécrétion d’ACTH par la Pars intermedia du cheval n’a
donc en fait jamais été réellement apportée. Toutefois, son intervention dans la sécrétion
d’ACTH par la Pars intermedia a été démontrée chez le chien [63]. Des essais thérapeutiques
ont alors été menés chez le cheval, à l’aide de la cyproheptadine qui est un antagoniste de la
sérotonine.
De nombreuses études ont été réalisées, mais peu montrent des résultats
convaincants. Certaines sont difficilement interprétables en raison du faible nombre
d’animaux concernés, ou encore de l’absence de groupe témoin. La présence d’un groupe
témoin semble en effet importante car certaines études montrent que l’administration de
cyproheptadine n’apporte pas d’amélioration clinique si on procède préalablement à une
prise en charge poussée de l’animal. Cette prise en charge est en effet fondamentale chez le
cheval atteint de maladie de Cushing comme nous le verrons plus loin. Une autre étude
conclut à la bonne efficacité de la cyproheptadine : donnée à la dose de 0,6 à 1,2 mg/kg/jour
per os, elle aurait conduit à une bonne amélioration clinique et à la normalisation des
paramètres de laboratoire en un à deux mois. Toutefois, une grosse limite à cette étude est
85
le nombre de chevaux concernés : seulement six. D’autres études encore sont
contradictoires, certaines concluant à l’efficacité, d’autres à l’inefficacité du traitement.
Certaines montrent même, en plus de l’amélioration clinique, une baisse de la concentration
en ACTH sérique chez certains animaux (toutefois sans retour aux valeurs usuelles) [21, 32,
62].
La grande diversité des résultats quant à l’utilisation de la cyproheptadine montre
notamment toute la difficulté, chez le cheval, de séparer les améliorations réellement dues
au traitement médical de celles dues à la prise en charge global de l’animal (notamment
nutrition, dentisterie, soins de pieds…). La cyproheptadine semble donc avoir un effet
bénéfique dans la prise en charge de la maladie de Cushing chez le cheval, mais cet effet est
inconstant et individu-dépendant. Il semble probable, aux vues de la diversité des résultats
publiés qu’une méta-analyse ne mènerait à rien. Il serait par contre intéressant d’avoir une
nouvelle étude, sérieusement menée et complète afin d’objectiver de façon plus précise
l’activité réelle de cette molécule. De nombreuses études existent par contre, basées sur la
comparaison de la cyproheptadine avec la pergolide. Nous les détaillerons dans le
paragraphe traitant de la pergolide.
Aucun rapport ne fait mention d’effets secondaires chez le cheval, même pour ceux
ayant reçu de fortes doses. Chez l’homme, les effets secondaires peuvent se manifester sous
forme de nausées, de somnolence et d’anorexie [45].
86
b/ Bromocriptine et pergolide
Comme nous l’avons vu, il semble que la maladie de Cushing chez le cheval soit
consécutive à un dysfonctionnement de la Pars intermedia, faisant suite à une perte
d’innervation dopaminergique (la dopamine, neurotransmetteur principal, ayant un effet
inhibiteur sur les sécrétions de l’hypophyse). D’autre part, il a été montré sur une jument
atteinte, qu’une infusion de dopamine entraîne une diminution des concentrations
plasmatiques en peptides dérivant de la pro-opiomélanocortine [45]. Une approche
thérapeutique logique est donc celle des agonistes dopaminergiques. Deux molécules sont
utilisées : la bromocriptine et la pergolide. Toutes deux sont des agonistes de la dopamine,
mais leurs propriétés physico-chimiques différentes font que les résultats ne sont pas
équivalents.
i/ L’utilisation de la bromocriptine
Des études ont prouvé que la bromocriptine avait un intérêt dans le traitement des
dysfonctionnements de la Pars intermedia et qu’elle permettait une amélioration clinique
des animaux. Néanmoins, cette molécule a reçu peu d’intérêt pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, il semble que la biodisponibilité soit faible. Le médicament doit être administré par
voie per os, sous-cutanée ou intra-musculaire quotidiennement ou biquotidiennement à la
posologie de 5 à 100 mg mais est mal distribué dans l’organisme, ce qui constitue une limite
à son efficacité. D’autre part, il s’agit d’une molécule d’accès commercial difficile. Enfin, il
s’agit d’une molécule ayant des effets secondaires chez l’homme : nausées, anorexie,
céphalées, vertiges. Chez le cheval, de l’anorexie a été observée suite à des traitements à
base de bromocriptine. Actuellement, l'utilisation de la pergolide est nettement préférée à
celle de la bromocriptine.
ii/ L’utilisation de la pergolide
Tout comme la bromocriptine, la pergolide est un agoniste dopaminergique. De
nombreuses études récentes ont été publiées sur le sujet. Certaines sont axées uniquement
sur le traitement à base de pergolide chez des chevaux atteints, d’autres comparent ses
résultats avec ceux de la cyproheptadine (études basées sur deux lots de chevaux souffrants
de dysfonctionnement de la Pars intermedia). Ces études sont intéressantes du fait
qu’actuellement, la cyproheptadine et la pergolide sont les deux molécules les plus
fréquemment utilisées dans le traitement de cette pathologie chez le cheval.
Ainsi, au cours de la dernière décennie, un consensus semble s’être dégagé de
l’ensemble des articles scientifiques portant sur ce sujet : la pergolide est un traitement plus
efficace que la cyproheptadine pour les dysfonctionnements de la Pars intermedia chez le
cheval. La pergolide permettrait la résolution des troubles cliniques ainsi que, dans un
pourcentage conséquent, la normalisation des paramètres de laboratoire [57].
87
Deux études (celles de Donaldson et de Perkins) s’intéressent notamment à
l’évolution de la concentration plasmatique en ACTH au cours du traitement [62, 27]. Une
comparaison est faite avec ce que l’on observe suite à un traitement à la cyproheptadine.
Ces études visent également à savoir si le suivi de la concentration plasmatique en ACTH est
un bon marqueur pour le suivi de l’efficacité du traitement. Plusieurs conclusions
intéressantes peuvent être tirées de ces études. Tout d’abord, toutes semblent en faveur
d’une efficacité supérieure de la pergolide sur la cyproheptadine (cf. Tabl. 3). Une plus forte
proportion de chevaux traités à la pergolide montre en effet une amélioration de certains
signes cliniques. Cette amélioration est même significative en ce qui concerne la fourbure
dans le cadre du traitement à la pergolide, dans l’étude de Donaldson.
Signes cliniques
Pergolide Cyproheptadine
Avant
(n = 20)
Après
(n = 20) p
Avant
(n = 7)
Après
(n = 7) p
Fourbure 16 (80%) 3 (15%) < 0,001 4 (57%) 4 (57%) NS
Hypertrichose 11 (55%) 5 (25%) NS 5 (71%) 4 (57%) NS
Distribution anormale des
graisses
7 (35%) 7 (35%) NS 2 (29%) 3 (43%) NS
Hyperhydrose 5 (25%) 2 (10%) NS 2 (29%) 2 (29%) NS
Abcès de pied 5 (25%) 0 (0%) NS 1 (14%) 1 (14%) NS
Dermatophytose 1 (5%) 1 (5%) NS 1 (14%) 1 (14%) NS
Léthargie 5 (25%) 1 (5%) NS 0 (0%) 0 (0%) NS
PUPD 2 (10%) 0 (0%) NS 0 (0%) 0 (0%) NS
Perte de poids 3 (15%) 1 (5%) NS 1 (14%) 1 (14%) NS
Intolérance à l'exercice
2 (10%) 0 (0%) NS 1 (14%) 1 (14%) NS
Infertilité 1 (5%) 0 (0%) NS 0 (0%) 0 (0%) NS
Tabl. 3. Signes cliniques présents chez des chevaux atteints d’un dysfonctionnement de la
Pars intermedia, avant et après traitement à la pergolide ou à la cyproheptadine. NS = Non
Significatif. D’après Donaldson *27].
88
D’autre part, l’étude de Donaldson montre une nette diminution de la concentration
plasmatique en ACTH avec le traitement à base de pergolide. La différence est très
significative entre les deux valeurs (cf Tabl. 4). Ce n’est par contre pas le cas avec la
cyproheptadine.
Paramètre biochimique (Valeurs usuelles)
ACTH
(VU : 8-35 pg/mL)
Insuline
(VU : 10-30 µUI/mL)
Glucose
(VU : 72-114 mg/dL)
Pergolide : n 20 19 14
Avant 136 (50,7-353)
59,5 (9,2-447)
109 (74-203)
Après 30,4 * (4,2-173)
58,9 (5-500)
92 (76-221)
Cyproheptadine : n 7 7 7
Avant 146 (61,1-613)
109 (11,5-247)
99 (81-134)
Après 141 (10-1230)
38,4 (3,6-381)
95 (74-112)
Tabl. 4. Moyennes des concentrations plasmatiques en ACTH, en glucose et en insuline avant
et après traitement à la pergolide pour 20 chevaux et à la cyproheptadine pour 7 chevaux. * :
différence significative. D’après Donaldson *27]
La diminution de la concentration en ACTH plasmatique est évidente pour tous les
chevaux du groupe traité à la pergolide. Environ 60% des individus ont même vu cette valeur
revenir au sein des valeurs usuelles. Aucun animal traité avec la cyproheptadine n’a par
contre vu sa concentration en ACTH rejoindre les valeurs usuelles. D’autre part, de manière
subjective, les propriétaires rapportent une amélioration clinique de leur animal plus nette
pour ceux traités avec la pergolide. L’étude de Perkins *62] démontre une corrélation entre
la baisse absolue de la concentration en ACTH et l’amélioration des fourbures. D’autre part,
il laisse entendre que l’hypertrichose et les taux d’ACTH élevés seraient liés.
89
L’étude de Donaldson va même plus loin pour ce qui est de l’étude de l’efficacité de
la pergolide. Il démontre l’existence d’une corrélation entre les doses de pergolide utilisées
et la concentration en ACTH à la fin du traitement (cf. Fig. 13). Tous les chevaux ne
recevaient en effet pas la même dose, celle-ci était adaptée à chaque cas. La dose moyenne
de pergolide administrée était de 3 μg/kg/jour par voie orale.
Fig. 13. Relation de corrélation linéaire entre la dose de pergolide administrée et la
concentration plasmatique en ACTH à la fin du traitement chez des chevaux traités pour
dysfonctionnement de la Pars intermedia. Spearman r = - 0,468 ; p = 0,04. D’après Donaldson [27].
Il semble par conséquent que la réponse des chevaux traités soit meilleure en
augmentant les doses de pergolide. Ce propos se heurte néanmoins au problème de
l’innocuité de la molécule utilisée. Nous verrons en effet un peu plus loin que la pergolide
n’est pas dénuée d’effets secondaires.
90
D’autre part, la durée de traitement pour les chevaux de l’étude de Donaldson n’a
pas été la même pour tous les individus. Cela a permis de mettre en évidence une autre
relation de corrélation linéaire, cette fois entre la durée du traitement et la concentration en
ACTH (cf. Fig. 14). En augmentant la durée de traitement, il semble donc que l’on améliore la
qualité de la réponse des animaux atteints.
Fig. 14. Relation de corrélation linéaire entre la durée de traitement à la pergolide et la
concentration plasmatique en ACTH chez des chevaux traités pour dysfonctionnement de la Pars
intermedia. Spearman r = - 0,726 ; p < 0,001. D’après Donaldson *27].
91
Néanmoins, pendant un certain temps, la principale restriction à l’utilisation de la
pergolide chez le cheval était son coût. Mais trois points font que cet argument est moins
important aujourd’hui : tout d’abord, la cyproheptadine, qui était meilleure marché
auparavant, a vu son prix augmenter, et la différence n’est plus si importante aujourd’hui.
D’autre part, des études récentes ont montré que des doses plus faibles de pergolide se
révélaient efficaces. Enfin, de nombreuses pharmacies proposent aujourd’hui de la pergolide
à un prix plus modeste. La conséquence est une tendance actuelle à préférer utiliser de la
pergolide que de la cyproheptadine [45].
Toutefois, la pergolide ne semble pas dénuée d’effets secondaires. Chez l’homme, on
décrit des hypotensions, des nausées, des constipations, de l’anorexie, des hallucinations, de
l’agitation et plus rarement des arythmies cardiaques. Chez le cheval, on a mis en évidence
de l’anorexie suite au traitement, mais également de la diarrhée et, problème majeur chez le
cheval, des coliques. Néanmoins, ces problèmes n’apparaissent apparemment qu’avec des
doses importantes, et peu avec les doses classiquement conseillées actuellement. Il convient
néanmoins d’être vigilant lors de la mise en place du traitement.
D’autre part, la pergolide étant un alcaloïde d’ergot, elle est susceptible d’avoir des
effets vasoconstricteurs au sein de l’organisme. Des interrogations se sont donc posées sur
le risque de déclencher ou d’aggraver d’éventuelles fourbures chez les chevaux traités. Ce
problème semble pour l’instant du domaine théorique ; aucune publication ne mentionne ce
problème. Au contraire, le traitement semble améliorer significativement les problèmes de
fourbure chez les chevaux atteints.
Une question pertinente mais sans réponse encore actuellement est de savoir si la
cyproheptadine et la pergolide ont une action synergique dans le cadre du traitement des
dysfonctionnements de la Pars intermedia. Des rapports anecdotiques de certains articles
scientifiques suggèrent que oui. Il s’agit de quelques cas dans lesquels l’auteur, se trouvant
face à un échec thérapeutique suite à l’utilisation de pergolide (ou d’une réponse limitée au
traitement), a rajouté de la cyproheptadine en plus de la pergolide. Dans quelques cas, cela
a permis une bonne résolution de la maladie. Néanmoins, l’association pergolide-
cyproheptadine reste un traitement empirique, relevant de la responsabilité du praticien.
Des études complémentaires sont nécessaires.
92
c/ Synthèse
Le traitement médical de la maladie de Cushing chez le cheval repose donc
actuellement sur deux molécules essentiellement : la cyproheptadine et la pergolide. De
nombreux protocoles peuvent être trouvés, et une grande liberté est laissée au praticien
quant à leur utilisation : il peut choisir de n’utiliser qu’une seule des deux molécules, ou bien
les deux en association. Les posologies peuvent aussi être adaptées selon les cas et selon les
habitudes du vétérinaire.
Voici un exemple de protocole, tiré de l’étude très complète de Harold C. Schott *45].
L’auteur conseille, face à un cheval souffrant de dysfonctionnement de la Pars intermedia et
présentant des signes cliniques, de commencer par un traitement à base de pergolide, à la
dose de 0,002 mg/kg per os une fois par jour. Si aucune réponse au traitement n’est
observée en un à deux mois, on augmente graduellement la dose chaque mois jusqu’à
observer un résultat ou jusqu’à atteindre la dose limite de 0,01 mg/kg/jour. Si à ce moment-
là, aucune amélioration n’est visible (ni clinique, ni biologique), on peut alors rajouter au
traitement déjà mis en place de la cyproheptadine.
Il est important de se rappeler que le niveau d’amélioration clinique avec ce type de
traitement sera toujours supérieur à celui de l’amélioration biologique (hyperglycémie et
tests endocrinologiques). C’est pourquoi, même en cas d’amélioration clinique, il est
indispensable de réaliser des analyses de sang régulières : à minima à chaque changement
de dose pour un animal en cours de stabilisation et au moins deux fois par an sur un animal
stable.
d/ L'utilisation de la cabergoline chez le chien
Comme nous venons de le voir, tous ces traitements basés sur l'utilisation d'agonistes
dopaminergiques concernent le cheval. La pathogénie, telle que nous l'avons décrite, des
dysfonctionnements de la Pars intermedia dans cette espèce sert de fondement à tous ces
essais thérapeutiques. Toutefois, certaines études évoquent la possibilité que des récepteurs
dopaminergiques de type D2 soient également exprimés au niveau de l'adénohypophyse
dans d'autres espèces, et notamment le chien [7, 15, 65]. Cela est effectivement
certainement le cas pour les cellules corticotrophes minoritaires de la Pars intermedia, mais
il semble que même certaines tumeurs, dérivant des cellules corticotrophes de la Pars
distalis, soient sensibles à l'action d'agonistes de la dopamine, ce qui implique la présence à
leur niveau de récepteurs D2 dopaminergiques. Le pourcentage de tumeurs les exprimant en
quantité suffisante pour présenter un intérêt thérapeutique serait de 40% [65].
93
L'étude de Castillo et al [16] s'est intéressée à ce point et a cherché à le confirmer.
Cet essai a concerné 63 chiens souffrant de maladie de Cushing, répartis en deux groupes. Le
groupe témoin rassemblait 23 chiens et le groupe d'essai 40. Les chiens du groupe d'essai
ont reçu un traitement à base de cabergoline qui est un agoniste dopaminergique. Ces
proportions ont été choisies en prenant comme hypothèse que seulement la moitié des
animaux traités à la cabergoline répondraient au traitement, et qu'ainsi, le nombre de chiens
témoins serait équivalent au nombre de chiens traités avec efficacité ; cela dans le but que
les études statistiques en termes de survie et d'amélioration de la qualité de vie soient les
plus fiables possible. Les 23 chiens du groupe témoin ont reçu pendant toute la durée de
l'étude du kétoconazole à la dose de 20 mg/kg/jour (traitement de référence en Argentine
où s'est déroulée l'étude). Le suivi des signes cliniques, des paramètres biologiques et de la
taille de la tumeur (via des examens IRM) a été réalisé. La dose de cabergoline administrée
dans le groupe concerné était de 0,07 mg/kg/semaine, cette dose étant répartie en trois
prises hebdomadaires.
Comme attendu, l'ensemble des chiens traités à la cabergoline n'a pas répondu. Sur
les 40 chiens, 24 (soit 60%) ont présenté une amélioration sur 4 à 6 mois, mais seuls 17 ont
présenté une amélioration durable. Les autres ont montré une récidive après 6 mois. La
proportion finale de chiens ayant montré une rémission durable est donc de 42,5%, ce qui
est cohérent avec les résultats escomptés. Concernant les signes cliniques, les deux
améliorations les plus notables concernent la prise de boisson et la polyphagie. D'une
manière générale, l'amélioration clinique des animaux a été meilleure pour les animaux du
groupe traité à la cabergoline et qui ont répondu au traitement que pour les chiens du
groupe traité au kétoconazole (cf. Tabl. 5).
94
Tabl. 5. Evolution des signes cliniques avant et un an après traitement (cabergoline pour le
groupe 1, kétoconazole pour le groupe 2). La différence entre les effectifs pour le groupe traité au
kétoconazole est due au décès de 6 chiens dans la première année de traitement. * : différence
significative entre le groupe "cabergoline" et le groupe "kétoconazole" en fin de traitement.
La concentration en ACTH a nettement diminué après un an chez les chiens ayant
répondu à l'administration de cabergoline (p<0.0001). Les valeurs ont réintégré la fourchette
des valeurs usuelles. Ce n'est pas le cas pour les animaux traités au kétoconazole, pour
lesquels la concentration en ACTH a augmenté. Cela était prévisible car compatible avec le
mode d'action du kétoconazole qui bloque la synthèse de cortisol au niveau surrénalien,
mais supprime du même coup le rétrocontrôle négatif exercé par le cortisol sur l'axe
hypothalamo-hypophysaire. Chez les animaux répondant à la cabergoline, on note
également une diminution significative des concentrations en α-MSH, en cortisol et du
rapport cortisol/créatinine urinaire. L'amélioration est relativement rapide et aucune
différence significative n'a pu être mise en évidence entre les résultats relevés après un an
de traitement à la cabergoline et ceux obtenus après 4 ans. On notera simplement que les
améliorations apportées par le traitement sont durables dans le temps : aucune récidive n'a
été mise en évidence chez ces animaux.
Signes cliniques Cabergoline Kétoconazole Odds
Ratio Avant Après (1 an) Avant Après (1 an)
PUPD * 17/17 0/17 23/23 5/17 15,4
Polyphagie * 17/17 0/17 23/23 5/17 15,4
Signes
dermatologiques 13/17 2/17 18/23 9/17 8,4
Abdomen
pendulaire 17/17 4/17 23/23 10/17 4,6
95
Les examens d'imagerie (IRM) ont permis de montrer une diminution très
significative de la taille de la tumeur hypophysaire chez les animaux répondant à la
cabergoline (p<0,0001). Cela s'oppose à ce que l'on trouve chez les chiens recevant du
kétoconazole. Comme nous l'avons décrit précédemment, la suppression du rétrocontrôle
négatif du cortisol induit une hypersécrétion d'ACTH non régulée et aboutit à une
augmentation de la vitesse de croissance de la tumeur, ce qui est susceptible d'induire
l'apparition de signes nerveux, résultats d'une compression des structures cérébrales par la
tumeur.
Une différence a pu être notée concernant les caractéristiques des chiens ayant
répondu au traitement à la cabergoline. Tout d'abord, sur les 40 chiens du groupe initial, 7
présentaient une atteinte spécifique de la Pars intermedia (attestée par examen IRM). Ces 7
chiens faisaient tous partie des 42,5% ayant répondu au traitement. Cela est en faveur du
fait que, bien que la majorité des tumeurs corticotrophes du chien soit d'origine spontanée
et touche la Pars distalis, comme chez l'homme, une affection dégénérative de la Pars
intermedia à l'image de ce que l'on trouve chez le cheval ne serait pas à exclure chez le chien
[16]. Il est ainsi possible que le chien se situe à mi-chemin entre ce que l'on observe chez
l'homme et ce que l'on observe chez le cheval. Ceci reste néanmoins à confirmer par des
études plus approfondies. D'autre part, il semble que les animaux présentant des tumeurs
de petite taille (moins de 5 mm, restant confinées au sein de la selle turcique) répondent
plus souvent au traitement. Une origine et un comportement différents des macrotumeurs
par rapport aux tumeurs de petite taille pourraient être en cause. Castillo évoque également
la possibilité que ces tumeurs, en grandissant, perdent la faculté d'exprimer les récepteurs
dopaminergiques D2.
Enfin, le traitement à la cabergoline semble présenter peu d'effets secondaires. Le
seul observé, quasi-systématiquement, est la présence de vomissements une heure après la
première prise pour 90% des animaux. Seulement 10% ont présenté à nouveau des
vomissements après la deuxième prise. Aucun n'a par la suite présenté ce type de trouble
suite à l'administration du médicament. La durée du traitement a été de 4 ans, avec une
rémission durable et l'absence d'autre effet secondaire.
L'utilisation de la cabergoline dans le traitement de la maladie de Cushing chez le
chien est donc une option à développer mais qui semble intéressante. Tous les cas ne
constituent pas une indication à son utilisation en première intention, mais la présence de
tumeurs intéressant la Pars intermedia ou de tumeurs de petite taille peuvent en être une.
En cas d'absence de réponse sous trois mois, une autre option thérapeutique sera à
considérer. Toutefois, quand l'animal répond au traitement, cette réponse est la plupart du
temps bonne, durable et se fait en l'absence d'effets secondaires majeurs.
96
B/ Les traitements chirurgicaux
Les traitements chirurgicaux existent et sont pratiqués de manière courante en
médecine humaine pour traiter la maladie de Cushing. Ces traitements chirurgicaux sont
bien moins courants en médecine vétérinaire comme nous allons le voir. Le traitement de
choix qu'est l'hypophysectomie commence à être réalisé chez le chien avec succès. Il s'agit
toutefois d'un traitement qui reste marginal par rapport au traitement médical, en raison de
ses difficultés de mise en œuvre. Ces techniques requièrent en effet des structures et du
personnel extrêmement spécialisés. Le coût et la difficulté de la démarche sont donc les
problèmes majeurs auxquels se heurtent les propriétaires.
1/ L’hypophysectomie transsphénoïdale
L'hypophysectomie consiste en l'ablation totale de l'hypophyse. C'est une technique
qui permet ainsi de traiter la cause primaire de la maladie, c'est-à-dire la tumeur
hypophysaire sécrétant de l'ACTH. L'hypophysectomie est une technique parfaitement
décrite et maîtrisée chez l'homme. Dans l'espèce humaine, on va même plus loin, en
réalisant des adénomectomies, ce qui permet de préserver le reste de l'hypophyse. Il s'agit
du traitement de choix de la maladie de Cushing. Dans l'espèce canine, il s'agit d'une
technique prometteuse qui pourrait se développer dans les années à venir, avec la probable
évolution du métier de vétérinaire qui ne cesse de se spécialiser. A l'heure actuelle, cette
technique n'a été pratiquée que chez des chiens, pas encore chez des chevaux.
a/ Dans l'espèce canine [8, 34, 42, 43, 44, 53, 54]
i/ Présentation
L'hypophysectomie chez le chien a été réalisée et publiée pour la première fois en
1968. Suite à cela, la technique n'a pas été approfondie en raison d'un souci majeur : celui de
ne pas avoir de techniques d'imagerie adéquates. En effet, il était impossible pour le
chirurgien de prévoir à l'avance l'emplacement et l'aspect de l'hypophyse. Cet emplacement
est en effet susceptible de varier, d'une part d'un individu à un autre, mais surtout d'une
race à une autre. Par exemple, les races de type brachycéphale ont une hypophyse qui se
trouve en position très rostrale. Cela est d'une grande importance compte tenu de plusieurs
aspects. Tout d'abord, l'hypophyse est une structure de petite taille, nichée à la base du
cerveau et d'accès particulièrement difficile. Il est donc compliqué pour le chirurgien d'être à
l'aise ; la position de travail est parfois inconfortable et la visibilité mauvaise. D'autre part,
l'hypophyse est entourée de structures particulièrement fragiles et importantes qui ne
doivent absolument pas être lésées. C'est notamment le cas des sinus caverneux, du cercle
de Willis, des nerfs oculomoteur, trochléaire et abducens et de la branche ophtalmique du
97
nerf trijumeau. Ainsi, comme il était impossible à l'époque de juger de la situation de
l'hypophyse avant d'opérer, la pratique a rapidement été abandonnée. L'hypophysectomie
est redevenue une actualité avec le développement de technologies d'imagerie comme le
scanner et l'examen IRM. Ces techniques permettent la détermination de marqueurs divers,
comme nous le verrons dans le paragraphe suivant, qui permettent de réaliser la chirurgie
dans de meilleures conditions.
L'idéal dans le cadre du traitement de la maladie de Cushing serait de pouvoir réaliser
uniquement l'exérèse de la tumeur (adénome la plupart du temps), comme cela se fait chez
l'homme. Cela n'est toutefois pas possible en pratique car il est en général impossible de
distinguer macroscopiquement le tissu hypophysaire tumoral du tissu hypophysaire sain. De
même, on ne peut distinguer la neurohypophyse de l'adénohypophyse. La seule possibilité
est par conséquent de réaliser une exérèse complète de l'hypophyse. Cela s'accompagne de
conséquences non souhaitées, comme par exemple la diminution ou l'arrêt de la production
de certaines hormones. Une supplémentation est donc indispensable suite à une telle
chirurgie.
Les essais et les études se sont multipliés au cours des dix à quinze dernières années,
permettant le développement de nouvelles techniques chirurgicales. Un consensus net se
dégage de l'ensemble des publications : il s'agit d'une chirurgie très difficile, à réserver
exclusivement à des chirurgiens formés et expérimentés. Certaines études s'intéressent à un
grand nombre de chiens opérés (entre 100 et 200 pour certaines). Dans la majeure partie
des cas, c'est le même chirurgien qui a opéré tous les animaux, parfois sur une période de
plusieurs années. Une étude prospective menée en 1998 sur 52 chiens atteints de maladie
de Cushing [54] a comparé les résultats de la chirurgie pour deux groupes d'animaux : le
premier groupe rassemblait les 26 premiers chiens opérés par le chirurgien, et le deuxième
groupe les 26 suivants. Pour les chiens du deuxième groupe, il a été remarqué que la durée
d'hospitalisation était significativement plus courte, que les complications sous forme de
baisse de production lacrymale étaient plus rares, et que le taux de survie était meilleur que
pour le groupe 1. Cela montre bien toute l'importance de l'habitude pour la réalisation de
cette chirurgie. Outre l'expérience, la deuxième qualité principale requise est la précision.
98
ii/ Techniques chirurgicales
Dans la plupart des techniques, le chien est en décubitus dorsal, sous anesthésie
générale. La majorité des méthodes implique un passage par la cavité buccale. L'asepsie ne
peut donc que difficilement être réalisée de façon parfaite. Des lavages de la cavité buccale à
la chlorhexidine doivent être réalisés consciencieusement.
Plusieurs techniques ont été testées. Aucune n'est parfaite et les avantages des
nouvelles techniques proposées se font souvent en contrepartie d'inconvénients. Différents
abords sont possibles. L'objectif est d'avoir une visualisation suffisante de l'hypophyse avec
un minimum de dégâts pour les structures adjacentes et périphériques. Deux grands types
de techniques s'opposent : l'abord transoral, c'est-à-dire gueule ouverte au maximum, et
l'abord intermandibulaire rostral, c'est-à-dire gueule fermée. L'abord transoral présente
l'avantage de minimiser les dégâts aux tissus environnants, mais ne permet qu'une visibilité
médiocre de l'hypophyse et des structures avoisinantes. De plus, en cas d'ouverture trop
importante et/ou prolongée de la mâchoire, un risque de développer une myosite des
muscles masticateurs existe. L'abord intermandibulaire permet en revanche une excellente
exposition de la glande, mais engendre d'importants dégâts tissulaires (dissection des tissus
mous plus importante, symphysiotomie mandibulaire). D'autres approches plus
anecdotiques sont décrites. Par exemple, l'abord transtemporal, qui permet un travail dans
des conditions d'asepsie parfaites (contrairement aux approches qui intéressent la cavité
buccale), mais qui nécessite des déplacements et des manipulations plus importantes des
structures nerveuses, ce qui est associé à un risque de complication augmenté. Enfin, une
approche parapharyngée est également décrite.
Un scanner est à réaliser avant l'opération, ce qui permet de juger de la taille et de la
position de l'hypophyse. Le chirurgien note alors certains repères qui lui seront utiles pour
savoir exactement à quel endroit il pourra visualiser l'hypophyse. Seuls les repères
endogènes sont exploitables. Une étude [8] a tenté d'utiliser en plus des repères exogènes,
sous forme d'un tube d'alimentation entérale rempli de produit de contraste, mais cette
méthode ne s'est pas révélée intéressante, compte tenu du fait que la sonde se déplaçait par
la suite et que les repères notés s'en trouvaient faussés. Les principaux marqueurs
endogènes utilisés, qui semblent aussi les plus fiables, sont l'os ptérygoïde et le processus
hamuli de l'os sphénoïde.
99
Les différentes étapes permettant d'accéder à l'hypophyse diffèrent selon les
méthodes et ne seront pas détaillées ici. Elles aboutissent toute à la mise en évidence de l'os
sphénoïde, lequel est percé en son centre d'un orifice d'environ un centimètre par cinq
millimètres, ce qui permet la visualisation de l'hypophyse au sein de la selle turcique. Une
fois l'hypophyse visualisée, différentes techniques existent. Les plus classiques consistent à
cureter l'hypophyse manuellement, à l'aide d'un instrument adapté. Cette façon de faire
peut être assez traumatisante pour les structures avoisinantes ; de plus, il est rare de retirer
de cette façon l'ensemble de la glande. Une étude récente (2005) a testé une nouvelle
méthode dans le but d'améliorer ce point critique. Elle consiste à utiliser un aspirateur à
ultrasons. Les ultrasons sont utilisés jusqu'à ce qu'une "liquéfaction" de l'hypophyse soit
observée. L'hypophyse est ensuite aspirée. L'avantage de cette méthode est que la
puissance requise pour dénaturer le tissu hypophysaire est très faible (il s'agit d'un tissu qui
est très fragile), et insuffisante pour engendrer des lésions des structures voisines.
Macroscopiquement, lors de l'autopsie des neufs chiens de cette étude, aucune trace
d'hypophyse n'a pu être décelée. Il restait toutefois des cellules résiduelles qui ont été mises
en évidence grâce à des colorations immunohistochimiques. C'est un point que nous
détaillerons dans la partie "Résultats". Un inconvénient concerne l'utilisation potentielle de
cette technique en clientèle courante : il conviendrait de réaliser une analyse histologique de
la tumeur après exérèse, afin de juger de sa nature et de son potentiel métastatique
(adénome ou carcinome). Or, dans le cas présent, l'hypophyse est complètement "liquéfiée"
et sa structure histologique complètement détruite ce qui rend l'analyse impossible. Il
faudrait, pour remédier à ce problème, procéder à une ou plusieurs biopsies de l'hypophyse
au cours de la chirurgie, avant son retrait.
Les complications liées à la chirurgie elle-même sont assez réduites. Des hématomes
sublinguaux ont parfois été observés et ont nécessité dans de rares cas une reprise
chirurgicale. Des hémorragies consécutives à une atteinte des sinus caverneux proches ont
été occasionnellement provoquées mais correctement gérées par les chirurgiens.
100
iii/ Résultats
Comme nous l'avons dit, certaines études intéressent un nombre important de
chiens, de l'ordre de 100 à 200 chiens [42, 43], et d'autres, réalisées avec un nombre
également conséquent d'individus, sont prospectives [43, 54]. Tout cela donne une grande
crédibilité aux résultats obtenus. Dans de nombreuses études [8, 34, 42, 43, 44, 53, 54], la
conclusion est la même : l'hypophysectomie transsphénoïdale dans le cadre de la maladie de
Cushing chez le chien est un traitement de choix, qui jouit d'un taux de réussite important.
En effet, dès lors que la chirurgie est réussie, la cause primaire de la maladie est supprimée
et l'amélioration clinique est notée en peu de temps par les propriétaires.
Il est possible, selon la technique, qu'il reste une fraction plus ou moins importante
de cellules résiduelles au sein de la selle turcique. Comme nous l'avons vu, même avec la
technique par aspiration et ultrasons, des cellules sont retrouvées à la coloration
immunohistochimique. Il est possible que ces cellules restent fonctionnelles, même si leurs
connexions avec l'hypothalamus ont été supprimées. Leur fonctionnement peut, par contre,
devenir indépendant des messages générés par l'hypothalamus. Toutefois, la plupart des
études se font sur des chiens de propriétaires, souffrant de maladie de Cushing. Il n'est donc
pas question, comme dans l'étude précédente, de réaliser l'euthanasie des animaux dans le
seul but d'obtenir des données nécropsiques. Les données concernant la mesure des
hormones hypophysaires diffèrent parfois, mais certaines observations sont quasiment
unanimes. Les concentrations en GH, en prolactine, en LH et en TSH deviennent très faibles,
voire non détectables après la chirurgie pour la majorité des animaux. Par contre, la
concentration en ACTH avant et après la chirurgie ne présente pas de différence significative
! La concentration en cortisol plasmatique se trouve, elle, significativement diminuée en
post-opératoire (cf. Fig. 15).
101
Fig. 15. Evolution des concentrations en ACTH (A) et en cortisol (B) après stimulation, avant la
chirurgie (CAP 1), puis 2 semaines (CAP 2) et 10 semaines (CAP 3) après hypophysectomie. * =
différence significative.
102
Cette persistance de la sécrétion d'ACTH est encore mal comprise aujourd'hui. Il
semble qu'une exérèse incomplète en soit la cause. Ceci pourrait s'expliquer par l'anatomie
de l'hypophyse. En effet, les cellules corticotrophes se situent de façon majoritaire à certains
endroits, notamment la zone centroventrale de la Pars distalis, et la zone rostrale de la Pars
distalis. La portion centroventrale est la première zone exposée et retirée de l'hypophyse par
la technique transsphénoïdale. Par contre, la portion rostrale est la partie la plus difficile à
visualiser et à retirer. Du fait de sa mauvaise visualisation, le chirurgien est rarement certain
d'avoir enlevé cette partie de façon complète. Toutefois, cette rémanence de cellules
corticotrophes n'est pas forcément néfaste. En effet, le but premier de la chirurgie est de
retirer la tumeur, et non l'hypophyse dans son intégralité. Si la sécrétion résiduelle d'ACTH
est suffisante pour maintenir la cortisolémie à un niveau satisfaisant, cela limitera la
supplémentation à administrer au chien. Dans tous les cas, des tests biochimiques sont à
réaliser après la chirurgie pour juger du statut endocrinologique de l'animal. La
supplémentation se fait souvent à l'aide de desmopressine, de L-thyroxine (afin de palier à
une possible hypothyroïdie secondaire) et de prednisolone. La supplémentation doit souvent
se faire à vie pour ce qui est de la prednisolone et de la thyroxine, mais des évaluations
régulières doivent être faites.
Concernant les résultats en termes de survie, ils sont bons à excellents. Pour
exemple, les résultats d'une étude prospective, incluant 150 chiens, sont rapportés dans le
tableau 6 (cf. Tabl. 6).
Temps écoulé depuis la chirurgie
1 an 2 ans 3 ans 4 ans
Survie (en %) 84 76 72 68
IC 95% 76-89 67-83 62-79 55-77
Absence de
rechute (en %)
88 75 66 58
IC 95% 80-93 64-83 54-76 45-70
Tabl. 6. Pourcentage de survie et d'absence de récidive sur 4 ans. Statistiques réalisées sur 150 chiens
ayant subi une hypophysectomie transsphénoïdale. IC 95% = Intervalle de confiance à 95%. D'après
Meij [43].
103
On constate donc que le pourcentage de survie est de 68% quatre ans après la
chirurgie, ce qui est très important. Aucun des traitements médicaux que nous avons décrit
précédemment ne permet une telle espérance de vie. Par contre, on constate également
que des récidives sont possibles, et ce malgré le fait que la quasi totalité de l'hypophyse a
été retirée. Ainsi, le taux d'animaux ne présentant pas de récidive au bout de quatre ans
n'est que de 58% des survivants. Une étude très récente d'Hanson, datant de 2007 [42], s'est
intéressée aux facteurs pronostiques pour l'espérance de vie et le risque de récidive des
chiens subissant une hypophysectomie. Cette étude rétrospective a concerné 181 chiens
atteints de maladie de Cushing et ayant subi une hypophysectomie. Toutes les chirurgies ont
été réalisées par le même chirurgien, sur une période de douze ans. Cette étude a montré
que la vieillesse, la taille importante de l'hypophyse et une concentration en ACTH élevée
avant la chirurgie étaient des facteurs pronostiques négatifs pour la survie de l'animal.
D'autre part, il a été montré que le risque de récidive augmente avec la taille de l'hypophyse,
l'épaisseur de l'os sphénoïde, l'importance du rapport cortisol/créatinine urinaire avant la
chirurgie et l'importance de la concentration plasmatique en α-MSH. Un rapport
cortisol/créatinine urinaire supérieur à 5.10-6 après la chirurgie est aussi un facteur négatif
pour la durée de rémission. Néanmoins, une période de rémission est bien sûr observée
dans tous les cas, mais celle-ci est moins longue. Il peut donc être avisé de réaliser une
mesure du rapport cortisol/créatinine urinaire six à dix semaines après la chirurgie afin
d'avoir une idée du risque de récidive à long terme. Il est à noter que certaines études ne
rapportent que peu de cas de récidives. Ceci est à relier au fait que ces études sont pour la
plupart courtes et ne s'intéressent qu'aux conséquences à court terme de la chirurgie. Un
suivi sur plusieurs années est nécessaire pour avoir des données statistiques fiables en
matière de survie et de récidives.
Enfin, pour terminer cette partie, nous allons aborder les risques inhérents à cette
chirurgie (nous avons déjà parlé des risques liés aux complications per-opératoires). En post-
opératoire, une hospitalisation est nécessaire. Des analgésiques doivent être administrés car
il s'agit d'une chirurgie très invasive. Des dérivés morphiniques sont indiqués. D'autre part,
certaines complications peuvent survenir. Tout d'abord, il est fréquent d'observer un diabète
insipide sur les chiens hypophysectomisés. Ceci est à relier au fait que l'on retire aussi la
neurohypophyse. Or, la majeure partie de l'ADH se trouve à cet endroit. Des troubles dans la
régulation de la natrémie et une incontinence apparaissent alors. Toutefois, la
neurohypophyse n'est que le lieu de stockage de l'ADH qui est, elle, produite ailleurs
(neurones hypothalamiques). C'est pourquoi cette hypernatrémie et ce diabète insipide sont
spontanément résolutifs. Toutefois, une fluidothérapie adaptée est conseillée. Dans toutes
les études consultées, seul un chien a présenté un diabète insipide d'origine central
permanent. L'examen nécropsique a montré qu'une lésion du diencéphale (zone dont fait
parti l'hypothalamus) avait été faite durant la chirurgie. Un autre risque de complication est
la diminution de la production des larmes, à l'origine d'une sécheresse de l'œil et du
développement d'une kérato-conjonctivite sèche. Un test de Shirmer doit donc être pratiqué
avant la chirurgie, ainsi qu'après celle-ci jusqu'au retour d'une production endogène
104
suffisante. Enfin, une hypothyroïdie peut se développer secondairement, du fait de l'arrêt de
production de TSH. Un traitement classique de l'hypothyroïdie est à mettre en place.
iv/ Conclusion
L'hypophysectomie semble donc être un traitement de choix pour la maladie de
Cushing chez le chien. Les résultats en termes de durée de survie et de qualité de vie sont
excellents. Toutefois, l'obstacle majeur au développement de ce traitement en clientèle
courante est la nécessité d'avoir à faire à un neurochirurgien expérimenté de ce type de
chirurgie. La technique est en effet extrêmement difficile à acquérir et de l'expérience est
indispensable. D'autre part, il est fondamental, comme nous l'avons vu, de disposer d'une
structure très bien équipée en matériel d'imagerie, avec a minima un scanner. Or, ce type de
structure est encore rare en France (et dans d'autres pays).
Mais avec l'évolution de la profession vétérinaire vers une spécialisation de plus en
plus importante, c'est une technique qui est peut être amenée à se développer au cours des
prochaines années.
b/ Dans l’espèce équine
Contrairement aux espèces humaine et canine, les traitements chirurgicaux de la
maladie de Cushing sont inexistants dans l’espèce équine. Seul un traitement médical peut
être proposé comme traitement spécifique de l’affection.
105
2/ La surrénalectomie bilatérale
La surrénalectomie est une technique de choix pour les cas de syndrome de Cushing
d'origine surrénalienne. Toutefois, la chirurgie s'avère parfois trop compliquée du fait de
l'envahissement des tissus adjacents par la tumeur, notamment au niveau de la veine cave
caudale.
Les cas de tumeurs surrénaliennes bilatérales sécrétantes pourraient justifier une
surrénalectomie bilatérale, mais ces cas sont peu décrits car extrêmement rares [56].
Toutefois, on pourrait imaginer que la réalisation de cette chirurgie serait une bonne
alternative thérapeutique pour la maladie de Cushing, c'est-à-dire pour l'hypercorticisme
d'origine hypophysaire. En effet, en retirant les deux glandes surrénales, on supprimerait de
fait toute sécrétion de cortisol, et ce malgré les importantes concentrations en ACTH
circulant. Cette technique est décrite chez l'homme, mais n'est que peu pratiquée car
comme nous l'avons déjà dit, le traitement de référence de la maladie de Cushing chez
l'homme est actuellement l'adénomectomie transsphénoïdale. Chez le chien tout comme
chez le cheval par contre, nous n'avons pu trouver de publications récentes sur le sujet. Il
semble que cette technique n'ait jamais été réellement développée.
Cette technique n'est d'autre part pas sans risques. En effet, ce n'est pas une
chirurgie simple que de retirer les deux glandes surrénales. Les risques per-opératoires
(proximité de l'aorte et de la veine cave caudale) et post-opératoires (risques de
complications sous forme de pancréatite et de péritonite notamment) ne sont pas
négligeables. De plus, l'ablation des deux glandes simultanément impose la mise en place
d'une thérapie complète de remplacement hormonal. Enfin, à l'image de ce que nous avons
vu dans le cadre de certains traitements médicamenteux, notamment avec des molécules
comme le trilostane ou le mitotane, le fait de supprimer complètement ici la sécrétion de
cortisol va avoir des conséquences sur l'hypophyse. En effet, en opérant ainsi, on supprime
aussi le rétrocontrôle négatif du cortisol sur l'hypophyse, rétrocontrôle déjà limité du fait des
sécrétions spontanées de la tumeur hypophysaire. On expose ainsi l'animal à un risque non
négligeable de voir la taille de la tumeur augmenter rapidement et de développer certains
signes nerveux [16].
En conclusion, cette technique ne semble pas être une bonne alternative à
l'ensemble de l'arsenal thérapeutique disponible pour la gestion de la maladie de Cushing
chez le chien. Pour ce qui est du cheval, aucune publication n'a été trouvée sur le sujet.
106
C/ Les traitements alternatifs
1/ Le nursing dans l’espèce équine [45]
Cet aspect du traitement, qui peut sembler être une partie facultative de la thérapie
ou de second ordre, est en fait extrêmement important, tout particulièrement chez le
cheval. Comme nous l’avons dit, des traitements médicamenteux existent dans cette espèce.
Néanmoins, pour la plupart, il ne s’agit encore plus ou moins que d’essais dans la mesure où
aucun traitement de référence reconnu n’existe. Il est par contre reconnu (la quasi-totalité
des auteurs sont d’accord sur ce point) que le nursing apporte de bons résultats chez le
cheval. Cela passe par différents types d’interventions que nous allons détailler. Dans tous
les cas, il convient de porter une attention particulière à la condition générale des vieux
animaux.
a/ Prise en charge de l’hypertrichose et de l’hyperhydrose
L’hypertrichose est le signe clinique quasiment pathognomonique de la maladie de
Cushing chez le cheval. C’est parfois le seul signe clinique présent et le premier vu par le
propriétaire. Il se caractérise par un déficit de la chute du poil qui apparaît alors long et
frisé. L’hyperhydrose, en général plus marquée au niveau des épaules et du cou, semble être
secondaire à cet excès de poils, mais une relation avec l’excès de peptides dérivés de la pro-
opiomélanocortine a aussi été évoquée (notamment la MSH). Dans tous les cas, le
traitement est purement symptomatique et facile à mettre en œuvre par le propriétaire : il
convient de couper les poils autant et aussi fréquemment que nécessaire. L’hyperhydrose
peut en effet être un facteur favorisant le développement d’affections cutanées, les
surinfections étant fréquentes chez les chevaux atteints de dysfonctionnement de la Pars
intermedia comme nous le verrons un peu plus loin.
107
b/ Prise en charge de l’alimentation
La dentisterie est importante à gérer, que ce soit chez un cheval sain ou chez un
cheval malade. Une bonne dentition est une condition nécessaire et indispensable à une
bonne alimentation et par conséquent au bon état général de l’animal. Ceci est d’autant plus
vrai pour les chevaux atteints d’un dysfonctionnement de la Pars intermedia. En effet, en
réponse à la quantité importante de cortisol circulant, le catabolisme protéique se trouve
anormalement augmenté. La conséquence en est une fonte musculaire plus ou moins
importante selon le degré d’avancement de la maladie. Une redistribution des graisses se
fait, à l’origine notamment de l’abdomen pendulaire donnant la silhouette caractéristique de
la maladie de Cushing. Chez les animaux atteints, l’appétit est rapporté comme étant normal
à modérément augmenté. La polyphagie ne semble pas être un signe clinique dominant dans
l’espèce équine et a probablement reçu une attention inadéquate dans le passé,
certainement à cause d’un parallèle avec ce qui se passe dans l’espèce canine.
La gestion des dents du cheval souffrant de maladie de Cushing et de sa ration
alimentaire est donc importante afin de limiter cette fonte musculaire et toutes les
conséquences qui s’ensuivent. Les dents du cheval doivent être inspectées très
régulièrement et des soins de dentisterie par une personne compétente sont à réaliser aussi
souvent que nécessaire. En outre, il convient de s’assurer que le cheval concerné a un accès
facile à la nourriture. En effet, sur un cheval qui vit en troupeau, des relations de dominance
peuvent être à l’origine d’une mauvaise prise alimentaire et d’une aggravation de la perte de
poids.
La ration doit, le cas échéant, être réévaluée et corrigée. La nourriture sucrée ainsi
que tout autre concentré à base de carbohydrates sont à éviter car la plupart du temps, les
chevaux souffrant de dysfonctionnement de la Pars intermedia sont hyperinsulinémiques et
tolèrent mal les apports en glucose importants. Néanmoins, sur certains chevaux difficiles,
on ne peut faire autrement compte tenu du fait que le cheval n’accepte que cela. Une
supplémentation en magnésium et en chrome peut être mise en place. La supplémentation
en magnésium doit se faire dans un rapport final Calcium/Magnésium de 2, et trouve sa
justification dans le fait qu’un déficit en magnésium semble être un facteur de risque pour
l’insulinorésistance et le diabète de type 2 chez l’homme. Des rapports anecdotiques
suggèrent que la supplémentation en magnésium pourrait aider les chevaux souffrant de
fourbures associées à un surpoids [6]. La supplémentation en chrome est recommandée car
elle optimiserait le métabolisme des carbohydrates et améliorerait la sensibilité à l’insuline
dans les cas de diabète de type 2. Il est en effet décrit que l’administration de tripicolinate
de chrome chez des yearlings sains favorise l’absorption lors de tests de tolérance au
glucose.
108
Le poids du cheval atteint est à suivre très régulièrement (idéalement à l’aide d’une
balance, sinon à l’aide d’un ruban mesureur). En effet, la présence de manière plus ou moins
importante d’un abdomen pendulaire est tout à fait susceptible de masquer aux yeux du
propriétaire une fonte musculaire modérée.
Un protocole de vermifugation complet et adapté est également à mettre en place et
à respecter scrupuleusement.
c/ Prise en charge de la fourbure
Comme nous l’avons dit précédemment, la pathogénie de la fourbure n’est
pas connue avec certitude de façon complète. Il est par contre reconnu que la fourbure est
une complication fréquente et importante chez les chevaux atteints de maladie de Cushing.
Plus de 50% des chevaux atteints en sont victimes et c’est un motif fréquent d’euthanasie
lorsque l’affection devient chronique et difficile à traiter. C’est pourquoi les soins de pieds
sont très importants dans la gestion d’un cheval souffrant de dysfonctionnements de la Pars
intermedia. Un parage devra être réalisé aussi souvent que nécessaire afin de prévenir au
maximum les problèmes de fourbure.
La gestion d’une fourbure chronique, qui évolue à bas bruit, repose essentiellement
sur la maîtrise de l’alimentation et sur la ferrure. Ainsi, on évitera l’apport important de
concentrés. De même, on veillera à limiter l’apport de carbohydrates. Cela peut passer par
un changement de pâture ou par une adaptation de celle-ci. Certaines plantes peuvent en
effet être riches en carbohydrates, comme par exemple la fétuque, le dactyle aggloméré, le
seigle… Une réévaluation de l’alimentation et de la ration sera donc à réaliser. Une ferrure
spécifique, thérapeutique pourra être prescrite. Sur ce point, une grande variabilité existe,
selon les objectifs et les signes présentés par le cheval. La ferrure sera par conséquent à
réfléchir au cas par cas. Celle-ci aura souvent pour objectif de favoriser la bascule du pied, et
de limiter ainsi les tractions sur la troisième phalange. La ferrure pourra également être
utilisée pour traiter les chevaux souffrant de fourbure en phase aigue. Outre la facilitation de
la bascule, le fer pourra aussi permettre un soulèvement des talons, ce qui permet de
diminuer les tractions appliquées par le tendon fléchisseur profond sur la troisième phalange
(ces tractions favorisent la rotation de la phalange à l’intérieur de la boîte cornée) *2, 69].
Une alternative chirurgicale existe : il s’agit de la ténotomie du tendon fléchisseur profond.
Un traitement médical peut également être mis en place, le plus souvent lors
d’épisodes aigus. L’objectif principal est de limiter l’inflammation et la douleur locales. Pour
cela, l’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens est recommandée. Leur utilisation
doit si possible être précoce et agressive car il semble que l’inflammation soit plus
importante en début d’évolution. Il convient malgré tout d’être attentif aux effets
secondaires potentiels, notamment les conséquences délétères sur la muqueuse gastro-
intestinale et sur les reins. La flunixine et la phénylbutazone sont couramment utilisées.
109
Certains protocoles recommandent de commencer le traitement de façon agressive avec la
flunixine (1,1 mg/kg deux fois par jour) puis de prendre le relai avec la phénylbutazone (2,2
mg/kg deux, puis une fois par jour). Le kétoprofène peut également être utilisé. L’utilisation
de dérivés morphiniques comme le butorphanol est aussi une alternative pour palier à la
douleur de l’animal. Il est également possible d’utiliser des patchs de fentanyl, directement
sur le membre douloureux. L’utilisation de morphiniques, lorsqu’elle est couplée à celle
d’anti-inflammatoires, permet de diminuer la dose de ces derniers, et par conséquent de
limiter les effets secondaires. Enfin, l’utilisation de substances vasoactives et/ou aux
propriétés anticoagulantes est également possible, afin de permettre une meilleure
vascularisation du pied. C’est le cas de l’acépromazine (0,02 mg/kg par voie intramusculaire
deux à trois fois par jour), de l’aspirine, de l’héparine et de la pentoxifylline. L’utilisation de
nitroglycérine et d’ixosuprine est également décrite *69].
La gestion de la fourbure chronique ou en phase aigue laisse donc une grande liberté
au vétérinaire. La prévention reste malgré tout le pilier fondamental de la gestion des
fourbures dans le cadre de la maladie de Cushing chez le cheval. Des soins de pieds réguliers
sont indispensables.
d/ Prise en charge des infections secondaires
La concentration permanente et excessive en glucocorticoïdes est à l’origine d’une
diminution des défenses immunitaires de l’animal atteint. Des surinfections sont donc
susceptibles d’apparaître. Comme nous l’avons vu, ces surinfections peuvent être variées,
allant des infections cutanées aux sinusites, en passant par les bronchopneumonies, dont
certaines sont parfois silencieuses et pour lesquelles de brèves modifications de la
température rectale peuvent être mises en évidence. Ces surinfections, graves ou non, sont
à éviter au maximum. Ces situations sont à gérer à l’aide de cures d’antibiotiques plus ou
moins longues selon les cas. Classiquement, on utilise des sulfamides associés à du
triméthoprime. Les cures peuvent fréquemment durer plusieurs mois de façon continue. En
cas de cures discontinues, le propriétaire devient de plus en plus habile à détecter les
premiers signes d’infection (dépression modérée, odeur fétide accompagnant la sinusite…)
ce qui permet la mise en place de l’antibiothérapie de façon précoce.
110
Pour conclure cette partie concernant plus particulièrement l’espèce équine, il faut
noter l’existence d’autres traitements alternatifs, tels que l’acupuncture, l’homéopathie ou
encore des remèdes à base de plantes. Pour ces thérapies, aucune preuve de l'efficacité n’a
été apportée et des réserves sont à émettre quand la réalité de celle-ci. La plupart des
études portant sur ces sujets ne sont pas recevables, notamment car il manque souvent un
groupe témoin. Il s’agit néanmoins peut être de domaines à explorer et à étudier plus
profondément.
Le nursing revêt donc une importance particulière au sein de l’espèce équine, chez
qui les traitements médicaux doivent encore faire leurs preuves et chez qui les traitements
chirurgicaux sont inexistants. Une bonne amélioration clinique peut être obtenue en
s’intéressant à des points tels que la nature de l’alimentation, la qualité des pieds, et la
gestion de l’hirsutisme et des surinfections. La gestion de tous ces points ne doit donc pas
être prise à la légère : il s'agit probablement de la partie la plus importante du traitement.
111
2/ La radiothérapie [24, 29, 34, 49, 50, 59, 73]
La radiothérapie est une technique récente dans le traitement de la maladie de
Cushing. De nombreuses études ont été publiées à ce sujet, mais ce traitement ne fait pas
encore partie des traitements courants, en raison de son coût tout d’abord, mais aussi en
raison d’un problème de disponibilité : les centres proposant cette thérapie sont en effet
très rares en France. La radiothérapie est une méthode qui ne concerne que les chiens.
Aucune étude n’a encore été publiée chez le cheval. Bien que des résultats similaires soient
à attendre, certaines difficultés techniques rendent cette pratique difficile à développer dans
cette espèce.
a/ Les indications de la radiothérapie
La radiothérapie a pour but de détruire les cellules tumorales au niveau de
l’hypophyse. Contrairement à des traitements médicamenteux comme le mitotane ou le
trilostane, c’est un traitement qui cible l’origine du problème, c’est-à-dire la tumeur de
l’hypophyse. Néanmoins, il ne s’agit que d’un traitement partiel de la maladie de Cushing
qui, s'il est utilisé seul, ne suffit en général pas. En effet, l’indication principale de la
radiothérapie est la présence d’une macrotumeur et la manifestation de signes cliniques
d’ordre neurologique, communément regroupés sous le nom de « syndrome de Nelson »
chez l’homme. Comme nous l’avons vu précédemment, la tumeur hypophysaire chez le
chien est dans la majorité des cas sécrétante (sécrétion d’ACTH notamment) et est à l’origine
de troubles endocrinologiques. Des tumeurs non sécrétantes existent aussi. D’autre part,
une croissance trop importante de ces tumeurs mène à la compression voire à
l’envahissement des tissus voisins, notamment l’hypothalamus dorsalement. Les signes
cliniques peuvent alors regrouper des changements de comportement, de l’anorexie, de
l’agressivité, une anisocorie, de l’amaurose, des convulsions voire un état de stupeur. Ces
signes cliniques font souvent suite au diagnostic de maladie de Cushing, mais peuvent
parfois apparaître de façon concomitante, ou même avant les signes d’hypercorticisme.
Dans tous les cas, une tumeur hypophysaire de grande taille est à suspecter chez un chien
atteint de maladie de Cushing et présentant de l’anorexie (l’anorexie est consécutive à la
compression de l’hypothalamus). Si un traitement médical a été mis en place (mitotane,
trilostane…), la première cause d’anorexie à rechercher sera un hypocorticisme consécutif
au traitement médical (dose trop importante). Une compression de l’hypothalamus ne sera à
rechercher qu’en second.
La difficulté est qu’au moment du diagnostic, il est difficile d’avoir une idée de la taille
de la tumeur. Aucun marqueur biologique n’est en effet relié à la taille de celle-ci. Les
concentrations plasmatiques en ACTH et en cortisol en particulier ne sont ici d’aucune aide.
112
La seule façon objective de juger de la taille de la tumeur serait idéalement de réaliser un
examen IRM. Un scanner peut également être une bonne option.
La radiothérapie va donc avoir pour action essentielle de provoquer une diminution
de la taille de la tumeur, et par conséquent de résoudre ou d’améliorer les signes nerveux.
C’est un point important car il a été montré que l’espérance de vie chez des chiens souffrant
de maladie de Cushing et développant des signes neurologiques était faible, notamment
compte tenu du fait que les propriétaires choisissent en général rapidement l’euthanasie. En
l’absence de traitement par radiothérapie, aucun chien inclus dans les groupes témoins des
études publiées sur le sujet n’a présenté d’amélioration spontanée de ses troubles. La
radiothérapie ne détruit pas complètement la tumeur. De plus, comme nous allons le voir ci-
après, ses effets sur la nature sécrétoire de celle-ci sont extrêmement variables, ce qui
impose en général la mise en place d’un traitement médical en parallèle.
Enfin, la radiothérapie couplée à la chirurgie peut aussi être une option très
intéressante. Au jour d’aujourd’hui, il s’agit néanmoins d’un protocole très lourd à réaliser
pour le propriétaire, en termes financiers d’une part, mais également en raison du faible
nombre de structures proposant ces thérapies.
b/ Les protocoles de radiothérapie
La radiothérapie consiste en l’administration d’une certaine dose radioactive au
niveau du site de la tumeur. La dose totale se doit d’être répartie sur plusieurs séances pour
éviter notamment l’apparition d’effets secondaires aigus graves. Toute la subtilité de cette
thérapie repose en effet sur la capacité à déterminer une dose et une fréquence
d’administration suffisantes pour détruire les cellules tumorales, mais assez faibles pour
limiter au maximum l’apparition d’effets secondaires (les zones environnantes du cerveau
possèdent un seuil de tolérance spécifique à ne pas dépasser). Lors des séances de
radiothérapie, le chien est sous anesthésie générale. Ce point notamment constitue une
limite au développement de cette thérapie dans l'espèce équine. En effet, on sait tous les
risques inhérents à l'anesthésie générale d'un cheval (surtout les phases d'induction et de
réveil). Répéter les anesthésies sur un laps de temps court multiplierait considérablement le
risque de voir survenir un accident. Les radiations sont délivrées au niveau du site de la
tumeur de façon bilatérale, en regard de la région temporale. La cible des radiations est en
général le site de la tumeur elle-même, plus une marge autour de celle-ci, d’environ un
centimètre.
Les protocoles les plus fréquents consistent en l’administration de doses
importantes, 44 à 48 Grey pour la plupart, répartis sur une dizaine de séances. L’ensemble
des séances s’étale en général sur quatre à six semaines. Comme nous le verrons dans le
paragraphe suivant, de nouveaux protocoles, plus légers, sont à l’étude.
113
Dans tous les cas, il a été établi que la réussite de la thérapie dépend plus de la taille
de la tumeur, de la sévérité des signes neurologiques et du moment du diagnostic que de la
dose de radiations, de la fréquence d’administration et de la nature de la source radioactive.
c/ Les résultats de la radiothérapie
Toutes les études récentes montrent de très bons résultats compte tenu des objectifs
fixés. Dans la quasi-totalité des cas, une observe une régression et souvent même une
disparition des signes neurologiques chez les patients atteints. Les effets de la radiothérapie
ne sont pas immédiats. La plupart du temps, l’amélioration clinique ne se manifeste qu’après
la fin du protocole complet et peut même survenir plusieurs mois après ce dernier. Un chien
(sur douze traités) a toutefois montré une amélioration clinique au cours de la thérapie dans
une étude de 2007 [24]. Les résultats ne sont parfois objectivés que par examen IRM ou
tomodensitométrie. En effet, les chiens inclus dans les études de radiothérapie ne
présentent pas tous des signes neurologiques. La diminution de la taille de la tumeur n’est
alors mise en évidence que par la réalisation de ces examens d’imagerie, avant et après
traitement par radiothérapie. La diminution de la taille de la tumeur est variable d’un cas à
l’autre, mais est supérieure à 50% dans plus de la moitié des cas. La taille de la tumeur est
objectivée sur les images d’examen IRM par la mesure de la hauteur de la masse en coupe
transversale, mais peut aussi l’être en mesurant le ratio P/B, c’est-à-dire la hauteur
transversale de la tumeur hypophysaire rapportée à celle du cerveau (rapport
Pituitary/Brain). C’est cette dernière mesure qui semble la plus fidèle et est le plus souvent
utilisée dans les différents rapports.
L’effet de la radiothérapie sur la nature sécrétante de la tumeur est extrêmement
variable et peut mettre beaucoup de temps à se mettre en place. C’est pourquoi un
traitement médical ou chirurgical doit être mis en place en parallèle de la radiothérapie. Des
contrôles réguliers sont à effectuer.
114
Toutes les études récentes sur le sujet sont unanimes : la radiothérapie offre une
augmentation significative de la durée de vie des animaux atteints traités. L’espérance de vie
des chiens non traités est en général faible, et très souvent, une décision d’euthanasie est
prise par les propriétaires. Par contre, en termes de chiffres, les études diffèrent. Une étude
datant de 2007 a notamment comparé les durées de survie de deux groupes : un groupe
recevant des radiations, et un groupe ne recevant pas de traitement. Il s’agit d’une étude
rétrospective, comportant par conséquent différents biais. Toutefois, les données
statistiques ont montré qu’il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes
pour ce qui est de l’âge et du poids des animaux, de la taille de la tumeur hypophysaire, des
résultats des tests de stimulation à l’ACTH, de la présence ou non de signes nerveux au
moment du diagnostic, de la mise en place concomitante ou pas d’un traitement médical et
du ratio P/B. Une attention particulière a donc été apportée dans l'objectif de réduire ces
biais au minimum. La moyenne de survie pour le groupe traité était alors de 1405 jours
contre seulement 501 jours pour les animaux ne recevant pas de radiothérapie. Les
pourcentages de survie à un, deux et trois ans étaient respectivement de 93, 87 et 55 % pour
les animaux traités contre seulement 45, 32, 25 % pour le groupe témoin (cf. Tabl. 7). Cette
étude montre une durée de survie très significativement supérieure pour les animaux
recevant une radiothérapie (p = 0,0039).
Groupe traité Groupe non traité
Médiane de survie (en jours) NC 359
Moyenne de survie (en jours) 1 405 551
Survie à 1 an (en %) 93 45
Survie à 2 ans (en %) 87 32
Survie à 3 ans (en %) 55 25
Tabl. 7. Comparaison des médianes, moyennes et pourcentages de survie de 46 chiens répartis en
deux groupes. La différence entre les deux groupes est très significative. NC = Non Communiquée.
D’après Kent *49].
Cette étude complète comporte peu de biais et surtout repose sur la comparaison à
un groupe témoin. Il faut néanmoins noter que les durées de survie données dans la plupart
des autres études sont souvent inférieures, bien qu’une différence significative soit
également toujours mise en évidence dans celles-ci.
115
Des récidives sont possibles après des périodes de rémission plus ou moins longues.
Cette période de rémission est fréquemment de quelques années. En cas de récidive, une
nouvelle irradiation est possible.
d/ Les effets secondaires
Comme nous l’avons dit, la quantité de radiations administrée est directement à
relier à l’apparition d’effets secondaires. Ceux-ci se repartissent en deux groupes : des effets
secondaires aigus, quasi-immédiats, en général réversibles et peu graves, et des effets
secondaires tardifs, qui apparaissent des mois, voire des années après la radiothérapie, et
qui sont souvent plus graves et irréversibles.
i/ Les effets secondaires aigus
Ces effets secondaires touchent les tissus environnants et se manifestent la plupart
du temps pendant le traitement ou peu après. Ils sont normalement réversibles. Les tissus
qui réagissent le plus précocement sont la peau, la muqueuse pharyngée et les conduits
auditifs externes. En ce qui concerne la peau, les doses absorbées sont considérées comme
faibles ; les signes se limitent généralement à un érythème modéré et localisé, ainsi qu’à une
perte modérée de poils à l’endroit concerné. Une inflammation localisée du pharynx peut
apparaître, en général à partir de la seconde semaine de traitement. Un médicament pour
douleur légère pourra être administré et il pourra être avisé de rendre l’alimentation de
l’animal moins agressive pour les muqueuses (mouiller les croquettes par exemple). Enfin,
une otite externe modérée peut se développer au niveau d’un ou des deux conduits auditifs
externes, à partir de la troisième semaine de traitement.
En règle générale, tous ces effets secondaires disparaissent dans les trois semaines
suivant la fin du protocole.
Compte tenu de la proximité de certaines zones du cerveau vis-à-vis de l’irradiation,
de la somnolence peut être observée au cours du traitement.
116
ii/ Les effets secondaires tardifs
Comme nous l’avons dit, ces effets secondaires peuvent apparaître plusieurs années
après la fin de la thérapie et sont souvent irréversibles. Ils peuvent concerner les conduits
auditifs tout d’abord et être à l’origine de surdité, à un degré plus ou moins important selon
les cas. Le cerveau peut aussi être concerné par ces effets. Celui-ci possède en effet une
certaine dose limite d’irradiation. Les changements tardifs qui peuvent survenir au niveau du
cerveau sont la nécrose et la fibrose de certaines zones, avec toutes les conséquences que
cela implique. Les risques d’effets secondaires tardifs dépendent du volume de tissu sain
traité et de la dose journalière et totale administrées.
Toutefois, la plupart des rapports ne mentionnent que peu d’effets secondaires au
cours de leurs essais.
iii/ Conséquence : l’essai de nouveaux protocoles
Devant le risque de voir apparaître de tels effets secondaires, de nouveaux
protocoles sont à l’essai afin de juger de l’efficacité d’un traitement à des doses moindres.
Une étude de 2007 [24+ a ainsi utilisé un protocole consistant en l’administration d’une dose
de seulement 36 Grey, répartis sur douze séances (trois Grey par séance). La moyenne de
survie pour les onze chiens de l’étude n’est que de 678 jours, mais tous les animaux ont
présenté une diminution importante de la taille de la tumeur (plus de 50% pour plus de la
moitié d’entre eux). Un biais important de cette étude est malheureusement l’absence d’un
groupe témoin. D’autres études sont donc à mener. Une piste intéressante semble être
d'administrer des doses journalières assez faibles, comme dans cette étude, mais en
administrant des doses totales importantes, de l’ordre de 44 à 48 Grey.
e/ Synthèse
La radiothérapie est une technique efficace dans le traitement des signes cliniques
consécutifs à la croissance de la tumeur hypophysaire chez les chiens souffrant de maladie
de Cushing. Cette technique n’est pas dépourvue d’effets secondaires, mais ceux-ci sont peu
observés dans la plupart des études. Dans tous les cas, le bénéfice en termes d’espérance de
vie est très nettement supérieur aux risques de l’irradiation.
C’est par contre une technique qui ne peut être mise en place seule car les effets sur
la nature sécrétoire et les désordres endocrinologiques sont aléatoires et en général assez
tardifs.
Malheureusement, c’est une technique encore difficile d’accès en France, mais qui
est certainement appelée à se développer dans les prochaines années.
117
CONCLUSION
La connaissance de la physiopathologie de la maladie de Cushing est indispensable à
la découverte et à la compréhension de nouvelles options thérapeutiques. Dans ces deux
domaines, il existe des différences entre le chien et le cheval. Si la pathogénie est proche
dans les espèces canine et humaine, il n'en est pas de même pour l'espèce équine. Chez le
cheval, les mécanismes physiopathologiques sont spécifiques, et si différents qu'on peut se
demander si l'appellation de "maladie de Cushing" est adéquate pour cette espèce.
Ces différences pathogéniques ont des conséquences sur la thérapeutique de la
maladie : les traitements proposés sont pour la plupart très différents chez le chien et chez
le cheval. Pour cette dernière espèce, l'aspect de nursing est très important car peu de
traitements médicaux ont fait la preuve de leur efficacité et qu'il n'existe pas de traitement
chirurgical. La conservation d'un bon état général de l'animal doit donc être la principale
préoccupation du vétérinaire et du propriétaire, mais un traitement médical reste malgré
tout nécessaire.
A l'inverse, chez le chien, le vétérinaire dispose d'un véritable arsenal thérapeutique
pour traiter la maladie de Cushing. Les traitements médicaux sont variés et évoluent sans
cesse. Les traitements chirurgicaux se développent également, en particulier
l'hypophysectomie transsphénoïdale.
Le pronostic dépend de l'âge et de l'état général de l'animal, du stade de la maladie,
de l'importance des signes cliniques, des complications possibles, mais également de la
thérapeutique choisie. Certaines études ont montré qu'une survie de plusieurs années était
possible dans de bonnes conditions de vie. L'évaluation de ce pronostic sera donc à réaliser
par le vétérinaire.
118
L'ensemble des traitements proposés, leur mise en œuvre, leurs résultats et leurs
inconvénients apparaissent donc aussi complexes que ne l'est la maladie elle-même. Aussi
les recherches en matière de thérapeutique à son sujet sont-elles loin d'être terminées.
119
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126
ANNEXES
127
Liste des abréviations
ACTH : AdrenoCorticoTropin Hormone
ADH : Anti-Diuretic Hormone (= vasopressine)
CBG : Cortisol Binding Globuline
CLIP : Corticotropin-Like Intermediate lobe Peptide
CRH : Corticotropin Releasing Hormone
FSH : Follicule Stimulating Hormone
GH : Growth Hormone
LH : Luteinizing Hormone
MSH : Melanocyte Stimulating Hormone
POMC : Pro-OpioMélanoCortine
PUPD : PolyUro-PolyDipsie
TSH : Thyroxine Stimulating Hormone (= Thyrotropine)
TUNEL : Terminal deoxynucleotidyl transferase dUTP Nick End Labelling
128
TRUCHELUT Christophe Actualités thérapeutiques de la maladie de Cushing chez le chien et chez le cheval : étude bibliographique. Thèse Vétérinaire : Lyon , le 08 Décembre 2009
RESUME : La maladie de Cushing est une affection complexe, dont les mécanismes, chez le chien et surtout chez le cheval, ne sont que partiellement connus. Les découvertes portant sur la pathogénèse de cette maladie ont des conséquences directes en matière de thérapeutique, et les possibilités de traitement évoluent sans cesse. Pour le chien, le vétérinaire dispose d'un réel arsenal thérapeutique pour traiter la maladie. Le traitement actuel de référence est le trilostane, mais d'autres traitements médicaux existent ou se développent. La chirurgie, avec notamment l'hypophysectomie, ou la radiothérapie sont également certainement des options d'avenir. Chez le cheval par contre, le choix thérapeutique est plus restreint et la priorité sera de préserver le bon état général de l'animal ainsi que de prévenir l'apparition de complications, parfois graves, comme la fourbure. Dans cette espèce, seul un traitement médical pourra être envisagé.
MOTS CLES - Cushing - Chien - Cheval - Axe hypophyso-surrénalien - Traitement
JURY : Président : Madame le Professeur J. TROUILLAS 1er Assesseur : Monsieur le Professeur JL. CADORE 2ème Assesseur : Madame le Professeur M. HUGONNARD
DATE DE SOUTENANCE : Le 08 Décembre 2009
ADRESSE DE L’AUTEUR : 3, rue Champalbert 07 200 AUBENAS
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