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LA PRESSE NOUVELLE MagazineProgressiste

Juif

R N° 243 - FÉVIER 2007 - 25e ANNÉE MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. Le N° 5,50 €Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide

PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.

Tauba Staroswiecki PNM - Pour un nouvel élan

Les lecteurs de la PNM en se réunissant enassemblée ce 3 février ont renoué avec une

excellente tradition. Cette réunion, ouverte parLucien Steinberg, directeur de la publication,Marianne Wolff, présidente de RPJ, Roland Wlos,Claudie Bassi-Lederman et Nicole Mokobodzki,leur aura permis de nouer des liens directs avecl’équipe de rédaction, de prolonger cette rencon-tre par un échange chaleureux, riche de sugges-tions, et de fêter ensemble le 25ème anniversairede la Presse Nouvelle.Notre magazine perpétue ainsi l’héritage de la“Naïe Presse”, née en 1934 quand des immigrésd’Europe centrale et orientale, souvent nos pro-ches, publièrent un quotidien en yiddish, animé parune équipe de rédacteurs dont Mounia Nadler.Clandestin pendant la guerre, Naïe Presse reprendsa publication à la Libération, animé par MarceauVilner, Kenig, Jacobi Hirsch... et devient rapide-ment le journal yiddish le plus lu en Europe.L’audience yiddi-shophone diminuant, sa “page enfrançais” assure l’évolution vers un journal de lan-

gue française, la PNH (Presse NouvelleHebdomadaire) dont la PNM assure la continuité. Originalité : aussi présents, les lecteurs de la “Lettred'information” de Rencontre Progressiste Juive*étaient invités à mieux connaître la “PresseNouvelle Magazine” traitant de thèmes prochesdes leurs*. Une Presse Nouvelle, en effet, de tous les combatsprogressistes, qui soutint notamment après guerreles avancées sociales conquises sur la base du pro-gramme du CNR**, qui lutte toujours résolumentcontre les guerres coloniales, l’armement ato-mique, le racisme, l’antisémitisme, le négationnis-me, la xénophobie, le repli communautaire, et ladroite qui veut revenir sur la loi de 1905 de sépara-tion de l’Eglise et de l’Etat, banalise le discoursanti-immigrés, et dont le groupe extrême au parle-ment européen est plus que préoccupant ! Une Presse Nouvelle qui se prononce pour unepaix équitable au Proche Orient sur la base desrésolutions de l’ONU, qui mette fin à l’occu-pation, la spoliation, l’humiliation des territoires

occupés, et reconnaisse le droit du peuple pales-tinien à un Etat, sur la base du droit de l'étatd'Israël à la sécurité.Une Presse Nouvelle ancrée à gauche, qui analyseles inégalités d’où qu’elles viennent, contre l’ar-gent-roi, la compétition, le libéralisme, pour la jus-tice sociale et le respect humain. Pour s’adresser et être au coeur du monde juif d’au-jourd’hui, l’assemblée aura conclu à la nécessitéd’établir des liens plus étroits entre des lecteurs -parrains du journal - et une rédaction bénévoleélargie, ouverte, qui développe les coopérationsavec les mouvements progressistes juifs du mondeentier. Gageons que ce soit un nouvel élan pour la PNM ■

* Le bureau de RPJ a dû récemment décider l’arrêt de sapublication, largement diffusée, face à ses difficultés crois-santes à la faire paraître. RPJ, fondée en 1988, a contribué parses actions à l’établissement d’une paix juste au ProcheOrient, à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le com-munautarisme et toute forme d’exclusion, et participé active-ment aux actions de mémoire.

** Conseil National de la Résistance

BalkansA nouveau la tourmente R. Joseph p.3

HistoireUn faux qui a la vie dure J. George p.6

SociétéLe grand air de la calomnie A. Spire p.8

Paroles p.3

MémoireL’hommage aux Justes de France H. Levart p.4Jacques Rawine - Fondateur de l’UJRE A. Rayski p.5

Culture - André Schwartz-Bart - Roland Topor p.7

Mort de PaponOn apprend en dernière minute la mort, à 96 ans, de Maurice Papon, condamné à 10 ans d'emprisonnement pour sonrôle dans la déportation de plusieurs centaines de Juifs deBordeaux. Nous y reviendrons, bien entendu, plus en détail.Rappelons toutefois, avant qu'on ne l'oublie, la solidarité de castedont Papon a bénéficié tout au long de cette affaire : depuis sesanciens “collègues” au sein du gouvernement Raymond Barre,en passant par d'éminents résistants appartenant à sa proprecaste, puis à des hommes politiques socialistes brusquement sen-sibles à l'âge du criminel, voire aux divergences au sein mêmedes avocats des parties civiles.Pour notre part, nous aurions préféré qu'on lui applique le châti-ment biblique : Ymakh chemo vezikrono - Que son nom et sonsouvenir soient à jamais effacés !

aux grandspoètes de la tradition

Yiddish

traduits par

Charles Dobzynskilus - en français - par

Serge Mairet

A vos agendas !

Assemblée Générale de l ’UJRESamedi 24 mars à 15 h.

Verre de l’amitié à 17h.

et à MosheSchulstein

par le Groupe Théâtral Abi gezint

qui interprètera - en français puis en yiddish -

la suite de 10 poèmes Kikh parad

(Parade de cuisine) traduite par

Jacques Lerman

Hommage

Samedi 10 mars à 15 h.Verre de l’amitié à 18 h. (voir p. 7)

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ECRIS,PAPA, ÉCRIS

La souscrip-tion est

ouverte !E l i eRozencwajg

naît pendant l’hiverrigoureux de 1888

dans “un village deprès de cinquante foyers

du canton de Kielce en Pologne”.Emigré à Bruxelles, ElieRozencwajg rédige ses mémoires enyiddish, de 1942 à la Libération.Son manuscrit sauvegardé est éditéen 2006 à compte d’auteur pour unusage familial. Devant l’intérêt quesuscitent ses mémoires, les Editionsde la Presse Nouvelle décident d’enrééditer une édition complétée, tra-duite par Batia Baum. Vous pouvezd’ores et déjà la réserver, en y sous-crivant au tarif de pré-vente de 20 €(tarif à parution fin 2007 : 25 €) -Contact journal par mè[email protected] ou Tél 01 47 70 62 16ou Fax 01 45 23 00 96

Notre amie PAULETTE KWATER estdevenue centenaire, née en

février 1907 dans sa lointainePologne. Son anniversaire a été célé-bré dans la salle des fêtes de la Mairiedu 19° arrondissement de Paris, à l'in-vitation de la Munipalité du 19°, del'ANACR et de la FNDIRP de l'arron-dissement.Devant une salle comble, plusieurspersonnalités ont évoqué le rôle dePaulette dans le mouvement progres-siste juif d'avant 1939, puis sa partici-pation à la Résistance qui lui a valud'être arrêtée par la police de Vichy,avant d'être déportée à Auschwitz.Cette femme s'est engagée dans lenoyau de juives résistantes, aux côtés,en particulier, d’Eva Golgevit.Libérée en mai 1945 et rapatriée surParis, elle a repris ses activités poli-tiques et sociales - entre autres à laFNDIRP, l’ARAC et à l'UJRE. Femme généreuse dévouée à la luttecontre le nazisme, le racisme et l'anti-

sémitisme, fidèle lectrice de laPresse Nouvelle Magazine, elle a tenuà embrasser “l'animateur de PNM”,Lucien Steinberg, venu la compli-menter au nom de l’UJRE .Se sont succédés pour la féliciter ledélégué de la municipalité du 19°arrondissement, les représentants dela FNDIRP et de l'ARAC ainsi queJean Vuillermoz, responsable du Pcfpour le 19° arondissementLa belle chorale animée par notreamie Jacinta a été chaleureusementaccueillie.Rappelons le voeu traditonnel juif :Bis under und zwanzig your - Ad meaesrim chana - jusqu'à 120 ans.Paulette Kwater est Chevalier de laLégion d'Honneur. PNM

Notre am i e Pau l e t t e Kwa t er a 100 ans ! ! !

DécèsLe Président du Secours Populaire Français

a le regret de vous faire part du décès de

Judith WINOGRADZKI, née WITTENBERG

survenu le 28 novembre 2006 à l'âge de 90 ans

Son incinération a eu lieu le 22 janvier 2007 à Egly (Essonne)

Scientifique et universitaire, elle fut Professeur de Physique Théorique à la faculté de Rouen

Le Secours Populaire Français chargé d'exécuter ses décisions testamentairespartage la peine de ceux qui l'ont connue et les invite,

s'ils le souhaitent, à lui adresser tous messages ou documents qui permettraient d'en perpétuer la mémoire.

Secours Populaire Français9/11 rue Froissart

75140 Paris cedex 0301-44-78-21-40

ARMAND-ABRAHAM DIMETAVOCAT HONORAIRE

Officier de l’Ordre national du Mériteancien secrétaire général

du mouvement des Cadets auprès de l’UJREdécédé le 26 février 1997

Son épouse Madeleine, JoséeSes enfants Yves et Jacques

Ses belles-filles Véronique et SylvieSes petits-enfants Robin, Yoann, Colombe, Anouk et Juliette

Sa famille, ses amis

Le 3 Mars 1990 est décédéCHARLES (CHAÏM) GOLGEVIT

Dans l'inconsolable tristessenous rappelons sa mémoire

Son épouse Evases enfants, petits-enfants

et toute la famille

Pour célébrer le yahrzeit de JACQUES GROBER

chanteur et poète yiddish décédé le 26 mars 2006une plaque à sa mémoire sera posée

à la synagogue du MJLF 11, rue Gaston de Caillavet le 16 mars à 17h45

et une prière sera dite pour Jacques le 19 mars 2007 par le Rabbin Daniel Fahri

Rendez-vous au Cimetière Parisien de Bagneux, entrée principale

le 19 mars 2007 à 12h30

de la part de la famille de Jacques

A LA MÉMOIRE D’

Le docteur Serge Alperin et safamille sont heureux de pouvoir

féliciter Madame Paulette Kwaterpour son 100ème anniversaire, et luitémoignent toute leur affection.Je la remercie sincèrement pour lesmessages de vie et de courage qu’elleme transmet spontanément depuis plusde 20 ans; en effet, malgré toutes lesépreuves difficiles qu’elle a traversées,

elle garde toujours une force de vieexemplaire, avec une élégance et unecoquetterie remarquables.Pour moi, c’est toujours un grand plai-sir renouvelé de la visiter, et comme ondit chez nous “bis under und zwanzigyour”.

Sincères félicitations.

Docteur Serge Alperin.

Courrierdes lecteurs

Henri Wilkowski Bonne année à toutel'équipe et pleine réussite dans vos pro-jets. Ma souscription de novembre 2006ne figure pas dans la liste du n° 241. Est-ce un oubli ou est-ce prévu dans une pro-chaine parution ? Amicalement

Dont acte, c’est un oubli réparé dans cenuméro, avec toutes nos excuses ! PNM

Informations publicitaires etde soutien à la PNM

Contact journal mèl : [email protected]él 01 47 70 62 16 Fax 01 45 23 00 96

SOUSCRIPTION n°37arrêtée au 15 février 2007

Démarche d’indemnisation

CO M M U N I Q U É D U CR I F

J U S Q U ’ A U 31 M A R S 2007si vous, ou vos ascendants, avezcontracté une police d’assuranceavant ou pendant la seconde guerremondiale, et si vous relevez de l’unedes trois catégories ci-dessous, vousêtes encouragés à adresser à la com-pagnie GENERALI une demande d’in-demnisation, en leur adressant le for-mulaire à vous procurer : - soit au CASIP-COJASOR - Servicepour les survivants de la shoah et lesayants-droit (01 49 23 71 44) - soit via Internet :www.nazierainsurancesettlement.com

Catégories : (1) vous-même ou certains de vosascendants avez, durant la période del’Holocauste, été victimes de la partdes nazis ou de leurs alliés(2) entre 1920 et 1945, vous-même oucertains de vos ascendants étiez assu-rés par Generali ou l’une de ses filia-les, ou bénéficiaires d’une policed’assurance émise par l’une ou l’aut-re d’entre elles(3) la police était en vigueur avant lespersécutions;

et si :

(4) aucun paiement n’a été effectué,au titre de la police, au bénéfice del’assuré ou du bénéficiaire.

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Le représentant de l'ONU,Martti Ahtisaari devrait rend-re son devoir sur l'avenir de

cette province serbe qu'est leKosovo, vers fin mars devant leConseil de sécurité de l'ONU. Quelleque soit la conclusion, la tourmenterisque de souffler fort sur lesBalkans.Le 24 mars, ce sera le septième anni-versaire du pied-de-nez de l'OTAN àl'ONU : sans l'avis de l'organisationmondiale, l'Alliance atlantique met-tait son aviation au serviced'Albanais du Kosovo, les rebelles-indépendantistes de l'UCK, et bom-bardait la Serbie. Depuis 1999, les dirigeants occiden-taux ont eu sept années pour prépa-rer l'avenir, tenter de réduire lesconflits interethniques et stabiliser larégion. Sept ans pour éviter de s'em-pêtrer une nouvelle fois dans unesituation absurde et pleine de dan-gers. Après avoir chaudementcongratulé les leaders Albanais,aujourd'hui dépassés semble-t-il(l'Américaine Madeleine Albrightles embrassant et le FrançaisBernard Kouchner leur donnant l'ac-colade), ils les ont laissés dévelop-per misère, maffias et corruption.Le plan Ahtisaari prévoit l'indépen-dance du Kosovo. Reconnaître à la province le droitd'adhérer aux institutions internatio-nales et de signer des accords inter-nationaux, lui octroie un statut d'Etatindépendant. L'hypocrisie affichée ne change rienau fond.A Belgrade, le nouveau parlementqui ne se différencie guère du précé-dent, a réaffirmé l'attitude largementconsensuelle consistant à rejetertoute indépendance du Kosovo. Ondemande l'application des règlesinternationales et des résolutions del'ONU prévoyant une “autonomiesubstantielle” pour la province et,pour la république, la souveraineté etl'intégrité territoriale. Pendant la campagne électorale, unseul leader politique, CedomirJovanovic du Parti libéral démocra-tique, a déclaré admettre l'indépen-dance du Kosovo, et a recueilli 5,3%des suffrages. Par son refus, la Serbiese voit accusée d'être toujours la“source d'instabilité” des Balkans.La stabilisation du Kosovo est, en2007, une “priorité de la diplomatieeuropéenne” assure l'inénarrableJavier Solana de passage àBelgrade. Les Occidentaux nesavent plus comment se sortir decette mauvaise passe. Ils multiplient

les pressions sur la Serbie pour queses dirigeants donnent le feu vert àleur projet. Certains parlent même d'“oublier” l'arrestation du généralMladic, la cause de sanctions depuisune année.Leur opération soulève de vivesinquiétudes. Des milliers de Serbesdu Kosovo manifestaient le 9 févriercontre le plan à Kosovska-Mitrovica.Le gouvernement de Pristina s'indi-gne de l'aide secrète de Belgrade àdes groupes armés, et a renforcé seseffectifs policiers dans le nord, à lalimite de la Serbie, pour empêcherque les Serbes n'en fassent unerégion autonome. Le lendemain, le 10 février, desmilliers d'Albanais, à Pristina lacapitale, criaient aussi leur opposi-tion à ce plan, dénonçaient leurs diri-geants albanais qui négocient, etl'administration de l'ONU (laMinuk). Ils répondaient à l'appel del'organisation “Vetëvendosja”(Autodétermination) qui exige l'in-dépendance immédiate. La répression, par des forces alba-naises aidées de policiers roumainsde l'ONU, a fait deux morts, très vitehonorés au cours de nombreusesveillées funèbres, et le ministre del'Intérieur a dû démissionner.Réputés pour leur inefficacité dansles fonctions dont ils ont la charge,les dirigeants Albanais ont laissé lepays sombrer dans la misère, malgréles milliards apportés par l'Occident.Ils ont misé sur l'indépendancecomme solution miracle et mainte-nant ils craignent une vaste révoltesociale. Ils disent “oui” au plan, touten sachant qu'ils resteront sous tutel-le administrative, financière et mili-taire, et que la dite décentralisationpour assurer le caractère “multieth-nique”, avec un découpage envisagépour des “communes autonomes ser-bes”, va soulever de douloureusesquestions. L'opposition albanaise à ce projetenfle, dénonçant la misère et la cor-ruption; de nouvelles formationsclandestines apparaissent comme l'“Armée nationale albanaise” dontdes dépôts d'armes ont été saisis etdes responsables arrêtés jusque dansles sphères du gouvernement. Le vieux leader Adem Demaci, mili-tant pour l'indépendance du Kosovodepuis les années soixante, aprèsavoir soutenu l'UCK, apporte sonsoutien à cette nouvelle rébellion.Nul ne peut prévoir jusqu'où peutrésonner l'onde de choc de la poli-tique occidentale. En Serbie même,l'indépendance du Kosovo ne va-t-

elle pas renforcer des idées de scissionémises en Voïvodine, autre régionautonome ? Comment vont réagir lesAlbanais de la Serbie du Sud, prochesvoisins très attentifs du Kosovo, déjàen froid avec Belgrade ? Pourquoi nelui seraient-ils pas rattachés ?Si la province peut être séparée de laSerbie, pourquoi la Republika srpskane pourrait-elle l'être de la Bosnie-Herzégovine, montrant ainsi le che-min à l'autonomiste croate de cetEtat ? Au Monténégro où Serbes etAlbanais sont en nombre, un vifdébat est ouvert. Le premier ministrekosovar, l'ex-général rebelle AgimCeku, y a été reçu officiellement. Latendance serait favorable à l'indé-pendance du Kosovo mais il y a devives oppositions. En Macédoine, fin janvier, les partisalbanais ont retiré leurs députés duparlement, élu l'été dernier, pour ent-rer en opposition. La populationalbanaise, le quart des deux millionsd'habitants, s'interroge : pourquoi nepourrait-elle pas être rattachée auKosovo ? Autre inquiétude pour lesautorités, voir des groupes duKosovo établir des bases enMacédoine et l'entrainer dans laguerre, comme l'UCK en 2001. Bien d'autres minorités nationales,en Europe, pourraient revendiquerles mêmes droits que les Albanais duKosovo, aggravant l'instabilité dansdivers pays. Et Moscou attire l'atten-tion sur les conséquences que pour-rait avoir la solution préconisée, surdes Etats du Caucase. Pour sa part, la Russie qui risque d'ê-tre confrontée au même phénomène,assure jusque-là, ne soutenir aucunesolution sur le Kosovo qui ne seraitpas acceptée par les Serbes et lesAlbanais. Cela risque de prendre dutemps si les Occidentaux ne remettentpas un peu d'ordre, mais qui peut seplaindre de la durée des négociations sielles permettent d'éviter des drames ?A l'évidence, lorsque les dirigeantsoccidentaux prennent leurs propresrésolutions à contre-pied pour créerde “nouveaux droits”, comme ils lefont dans les Balkans depuis 1991,les populations concernées saventqu'elles auront à en souffrir. Pour lemoment, les dirigeants occidentauxpourraient mettre le plan Ahtisaarientre parenthèses, faire très vite lenécessaire pour que les populationsretrouvent quelques perspectiveséconomiques dégagées du crimeorganisé et de la corruption, et fairepreuve de fermeté à l'égard des diri-geants albanais. Leur laisser-aller auKosovo à assez fait de dégâts. ■

A nouveau la tourmente ?Robert Joseph

Balkans

LES

FEMMESÀ L’ARRIÈRE

Saviez-vous que la compagnied'autobus EGGED, principal

transporteur de passagers enIsraël, a décidé de créer des places“réservées aux femmes”, à l'arrièredes lignes traversant des zones“religieuses” ?C'est pourtant le cas. Et si une femmeose s'asseoir au-devant de l'autobus, de“vrais croyants” le lui font sentir, pardes injures et même des voies de fait. Les chauffeurs ont pour consigne dene pas intervenir. Ces incidents nesont pas rares, loin de là.Il me souvient qu'il y a trente ansenviron, une femme de couleur avaitpris place à l'avant d'un autocar, dansla ville de Selma, aux Etats-Unis. Elle ne s'est pas laissée intimider.Il s'en est suivi un mouvement demasse, qui a abouti à l'interdiction deces discriminations. Les israéliennes, quelle que soit lacouleur de leur peau, vont-ellesaccepter encore longtemps ces discri-minations ? Un autobus est un moyen de transportpublic, ce n'est pas une synagogue, oùles dames doivent s'asseoir dans lagalerie, ou à l'arrière !

Dalia Maayan

Paroles

Iran Brèves

Lors d'un grand meeting à Paris, leCrif (Comité Représentatif des

Institutions Juives de France) a dénon-cé ce 13 février la politique et lesrisques entraînés par les prises de posi-tion du Président de l'Iran, MahmoudAhmadinejad. Les menaces de ce per-sonnage à l'encontre de l'Etat d'Israël,jointes aux efforts iraniens de se doterde la production d'énergie atomiquefont courir des menaces au mondeentier, ont dénoncé la quasi-totalitédes candidats aux élections de laPrésidence de la République. La sallede la Mutualité, quasi comble, aaccueilli positivement leurs interven-tions. Il y eut, néanmoins, un incidentfâcheux. Madame Nicole BorvoCohen-Séat, Présidente du groupecommuniste, républicain et citoyen auSénat, qui représentait la candidateMarie-George Buffet au meeting duCrif, tout en condamnant sévèrement“les actes, déclarations antisémites ...et discours atterrants du PrésidentAhmadinejad”, a rappelé les droits dupeuple palestinien. Une grande partiede la salle, manquant de courtoisie, aalors interrompu l'orateur par des sif-flets mal venus. Il y eut, cependant,quelques applaudissements. MadameBorvo s'est retirée, après avoir reçu lesexcuses du Président Cukierman.PNM regrette qu’elle n’ait pu ainsiaborder le respect du Traité de non-pro-lifération de l’arme atomique [voir sur lesite Internet de l’UJRE son allocution trans-mise par Pascal Lederer d’UAVJ].

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naissance au MRAP), dénonçant lespersécutions, exhortant à la lutte, ycompris armée. L'ouvrage publie desappels du Parti communiste françaisfustigeant les mesures antisémites pri-ses par Vichy ; stigmatisant les crimesdes envahisseurs et de la milice ; repre-nant les adresses des deux dignitairescatholiques et celles des institutionsprotestantes ; révélant la vérité sur lecamp de Drancy et l'existence dechambres à gaz ; signalant l'ignominiedu procès du groupe Manouchian etfaisant état, pour la première fois, de lafameuse Affiche rouge.Dans son message au récent colloquesur la Résistance juive, Marie-GeorgeBuffet a rappelé, entre autres, qu'au toutdébut de la présence des troupes alle-mandes sur notre sol, le Comité centraldu PCF, en pleine clandestinité, prit l'i-nitiative d'une brochure argumentéeréfutant les thèses racistes de Goebbels;qu'il s'adressa au Conseil National de laRésistance afin de le presser d'intensi-fier sa riposte aux campagnes xénopho-bes des pétainistes. Mais qui le sauraaujourd'hui ? Silence et bouche cousue! Par ce déni de mémoire, il faut cacheraux générations montantes le souvenird'une générosité accomplie dans lespires conditions de la traque menée parla Gestapo et ses sbires collaboration-nistes.Ne sommes-nous pas en droit de nousposer certaines questions ? Est-il rai-sonnable de glorifier les Justes et de semettre au service d'un homme clamantsa volonté de nettoyer nos banlieues auKarcher, de se ranger à ses côtés alorsque se multiplie l'expulsion des sans-papiers ?Est-il raisonnable de glorifier les Justeset de s'acharner à poursuivre la SNCF,jetant ainsi l'opprobre sur le patriotismedes cheminots ?Est-il raisonnable de glorifier les Justessans mener la lutte contre les humilia-tions, la famine et les maladies dontsont victimes des populations entières ?Levinas, le vieux sage aux idées neuvesn'a pas craint de s'exprimer ainsi : “LesJustes avant tous les autres sontresponsables du mal. Ils le sont de nepas avoir été assez justes pour fairerayonner leur justice et supprimer l'in-justice. C'est le fiasco des meilleurs quilaisse le champ libre aux pires”. Fidèles au message universel des Justesde France, nous identifiant à leursvaleurs humanistes, à l'espérance d'unesociété meilleure, agissons pour ladéfense des opprimés, travaillons à l'a-vènement d'un monde fraternel. ■

L'hommage aux Justes de FranceLes exclus de la mémoire

La cérémonie du Panthéon prési-dée par le chef de l'Etat a étérelayée par l'ensemble des

médias. Que la nation honore ces gensde cœur, je m'en réjouis. Au péril deleurs vies, ils ont soustrait des milliersde juifs de la déportation. J'ai moi-même eu la vie sauve grâce à un bravecuré berrichon et je me souviens desjeunes israélites et des enfants de résis-tants hébergés dans son presbytère. Ilm'est néanmoins difficile de ne paséprouver un certain malaise. D'autantplus avivé à la lecture d'un quotidien deprovince relatant l'héroïsme d'une mon-talbanaise, Marie-Rose Gineste, quirecopia au carbone la lettre pastorale deson évêque, Mgr. Theas, invitant sesfidèles à faire preuve d'humanité. Puis,enfourchant sa bicyclette, elle alla dis-tribuer la recommandation dans toutesles paroisses du département. De telsactes de solidarité permirent à bonnombre de nos compatriotes d'échapperà la mort. L'éloge de leurs auteurs estamplement justifié.Par contre, dans ce déluge de superla-tifs, aucune chronique de presse n'aloué ces foyers modestes qui ontaccueilli des parachutistes, des déser-teurs de la Wermacht, des prisonnierssoviétiques évadés, des républicainsespagnols, des réfractaires du STO.Aucun n'a salué les mérites d'unhomme d'exception : notre ancien pré-sident Charles Lederman. Il a pourtantjoué un rôle déterminant dans le sauve-tage des enfants. PNM, dans le numérode décembre 2006, relate son action.Relevons simplement ce fait historique.Après une rencontre avec un jésuite, lepère de Lubac, il put en été 1942 décri-re à Mgr. Saliège, archevêque deToulouse, les sévices subis par les juifsen France. A la suite de cet entretien, leprélat publia une lettre pastorale luedans les églises du diocèse. Puis l'é-vêque de Montauban en fit de même. La nonciature fut amenée à informer leVatican que des militants communistesdistribuaient des tracts reproduisant cesprêches.Mais qui le saura aujourd'hui ?L'étrange amnésie s'étend à laRésistance même. J'ai sous les yeux unrecueil édité en 1950 par le Centre dedocumentation de l'UJRE : “La presseantiraciste sous l'occupation hitlérien-ne”. On peut y prendre connaissancedes textes d'une centaine de journaux ettracts des différentes régions du paysémanant de l'UJRE, des femmes et jeu-nes juifs résistants, du Mouvementnational contre le racisme (qui donna

Henri Levart

Annie Lacroix-Riz nous a faitl'amitié de venir présenter, au

14 rue de Paradis, son dernierlivre: "Le choix de la défaite". Leslecteurs de la PNM la connaissentbien : leur journal a été l’un desrares à appeler à signer une péti-tion en faveur de cette historienneharcelée par un grouped'Ukrainiens. Faut-il rappeler quel'Ukraine a émis, en 2004, un tim-bre à l'effigie de son “héros”, lepogromiste: Petlioura ?Preuves à l'appui, cette chercheu-se a démonté, c'est en quoi ellegêne, la "filière française" duZyklon B. Elle a dirigé, entre au-tres, le travail de maîtrised'Alexandre Doulut, prix MarcelPaul en 2003, pour La spoliationdes biens juifs en Lot-et-Garonne(1941-1944).Elle se bat pour l'indépendance dela recherche, notamment histo-rique, puisqu'elle est historienne. Elle publie. Honneur aux éditeursqui en prennent le risque ! Si vousêtes à court de temps, commencezpar “L'histoire française sousinfluence”. Et faites connaître cepetit livre sympathique. SimoneVeil disait, lors du cinquantièmeanniversaire de la libération ducamp d’Auschwitz que “la pré-vention, c’est l’enseignement”.

"Le choix de la défaite" démontre(oui, je sais, c'est une manie :ALR trouve et produit des preu-ves) comment le capital français -ce qu'on appelait autrefois leComité des Forges, les 200familles - a sciemment choisi etorganisé la défaite de juin 40. Rien de bien neuf pour ceux quise rappellent le slogan: "PlutôtHitler que le Front populaire".

Au lieu de résumer son livre, ellenous a retracé, encore émer-veillée, les étapes des cinq annéesde travail dont il est l’aboutisse-ment. Curiosité. Découvertes. Leplaisir est vif qu'elle a pris àétayer une thèse, dont j’ose àpeine dire qu’elle illustre la for-mule de Marx: “Le capital n'apas de patrie”. ■

NM

A nnie Lacroix-Riz sai t àbon e sc i en t éma i l l e r

son propos de ci ta t ions. . .

Ce l l e de Lady Vio le tMi lner , r édac t r i ce de l aNat iona l Rev iew deLondres , qui rapportai t le 2janvier 1939* des conversa-t ions pa r i s i ennes , i l l u s t r eon ne peut mieux la thèsedu “Choix de la défai te”.

Jugez-en plutôt :

“Les gens r iches que j ’ai eul ’occas ion de rencon t rer[NDLR: à Pa r i s ] se son tpresque tous ré jou i s del’accord de Munich .

Pour eux l ’ennemi est le jui fe t “son a l l ié” le Russe . . .Les Français de la bonnesoc ié t é que j ’a i en tendusm’ont di t que tous ceux quié ta i en t “con t re Mun ich”étaient payés par les jui fs . . .Beaucoup de gens préfére-raient voir Hitler venir enFrance pour “res taurer”l’ordre que de la isser leschoses en l ’é tat . Ces gensde la bonne société é taienttous contre la guerre avecl ’Al lemagne e t se pronon-çaien t en faveur de tou teconcession pour l ’évi ter.

Mon impression dominanteest qu’est en train de se for-mer en Europe une nouvel le“internat ionale” – cel le desr i ches , car j ’a i en tenduexactement les mêmes argu-ments à Paris qu’à Londres ,prônant de donner ce qu’i lveut à Hitler, dans l ’ intérêtde la paix “car Hitler repré-sente l ’ordre”.

La di f férence entre Paris e tLondres consis te en ce quePar i s s ’ expr ime avec uneplus grande véhémence.” ■

TRS

* Lady Violet Milner

Compte rendu de conversa-t ions à Pa r i s , 2 janvier 1939, C792/15/18,NAUK FO 371 22961

Samedi 21 octobre 2006Les élites françaises dans les années 1930

MémoireLes débats de l’UJRE

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La “section juive” de la M.O.I.cse réorganise

Au cours d’une réunion de la directionnationale de la “section juive”, le 21mai 1943, à Paris**, il a été décidé, àl’initiative de Jacques Rawine, respon-sable de la zone Sud, de regrouperdans une seule organisation les diffé-rentes branches de la “section juive”telles que Solidarité, Union desFemmes, groupes syndicaux de laCGT notamment. La nouvelle organi-sation s’appellera “Union des Juifspour la Résistance et l’Entraide”(UJRE). L’aspect politique de cette restructura-tion est de loin le plus important. ALyon et à Grenoble, se nouaient déjàles premiers contacts avec les autrescourants politiques, sionistes et socia-listes (Bund), groupés autour de laFSJF [NDLR: Fédération des SociétésJuives de France créée en 1936], avec pourobjectif de reconstituer l’unité dujudaïsme de l’Europe de l’Est. [Cettefracture s’était ensuite aggravée du fait de laséparation géographique : les courants noncommunistes s’étaient regroupés en “zonelibre”, les communistes étant restés à Paris]. En y reprenant leur place, sous la formed’une organisation juive et pratique-ment autonome, les communistesvisaient à normaliser leur situation parrapport aux autres groupements. Mais,plus au fond, la création de l’UJRE tra-duisait une volonté - et sa déclarationde principe l’atteste - de devenir un lieude rassemblement de tous les hommeset femmes entrant dans la Résistancesans autre mobile idéologique. Ellesouligne avec force l’unité de destin detous les Juifs car “aucune distinctionn’est faite... français ou étrangers,ouvriers, bourgeois, sionistes ou com-munistes, athées ou croyants, ils nesont que des Juifs tout court”, c’est-à-dire tous des gens condamnés à l’exter-mination.Depuis la descente des hommes deBarbie dans les locaux de la FSJF enfévrier 1943, la tendance dans cemilieu à passer dans la clandestinités’est accentuée. Jacques Rawineobtient le feu vert de Paris pour appro-cher les hommes de la FSJF. Il prendcontact avec Faïvel Schrager, dirigeantdu Bund qu’il connaissait du temps oùcelui-ci, militant communiste, était l’undes dirigeants les plus en vue des orga-nisations juives de la M.O.I.[F.Schrager avait rompu avec le PC àl’été 1938 et avait adhéré au Bund]. Les premières propositions communis-tes d’un pacte d’unité reçoivent uneréponse négative et unanime de la part

de tous les membres du Comité decoordination constitué autour de laFSJF. L’attitude se modifia au début del’été 1943. Dans ses mémoires***,F.Schrager attribue au soulèvementdu ghetto de Varsovie un rôle déter-minant pour l’unification du judaïs-me immigré. Les négociations reprennent : l’UJRE yest représentée par Jacques Rawine etAdamicz; le Comité de coordination,par son secrétaire général, LéoGlaeser; Faïvel Schrager, JosephFridman pour la gauche sioniste, etRuwen Grinberg, président de la FSJF,après le départ de Marc Jarblum enSuisse. L’accord se fait, début juin, surun “programme d’union” autour detrois objectifs: -organiser la défense de la populationjuive

-assurer une aide matérielle aux néces-siteux

-établir des relations avec les forcesrésistantes du pays contre l’ennemicommun.

Le Comité de coordination s’appelleradésormais Comité Général de Défense[CGD] et se réunira soit à Grenoblesoit à Lyon. [Le communiqué est publié etcommenté dans les numéros de Unzer Wortdu 15 août et de septembre 1943, ainsi quedans Notre Voix du 1er septembre. Le CGDéditera son propre journal en yiddich, UnzerKampf (“Notre combat”), qui sera suivi denombreuses autres publications, pour la plu-part en français].Par la constitution de comités départe-mentaux dans des villes comme Lyon,Toulouse, Marseille et Nice, le CGDpeut, malgré la clandestinité, se rappro-cher de la “base” et atténuer, dans lamesure du possible, les conséquencesde la dispersion et de l’émiettement dela population juive immigrée.La fondation du CGD est signalée parle préfet du Rhône, disant qu’il est sur-tout composé de Juifs polonais, hon-grois, etc., réfugiés en France, d’opi-nions diverses, unis par la volonté dedéfendre leurs droits. Le préfet préciseque cela s’était produit à l’initiative descommunistes après de nombreuses dif-ficultés [AN, F. IA-3754, note n°4054,s.d.].

[...]

D’où est venue l’idée de créer, enété 1943, des groupes de combat

auprès de l’UJRE ?

Le responsable pour la zone Sud,Jacques Rawine, l’explique par la fortedemande, parmi les jeunes, d’engage-ment dans l’action directe [A la tête des

Jacques RAWINE - fondateur de l’UJREAdam Rayski

En brossant le panorama de la résistance juive, à l’ouverture du Colloque “Les juifs ont résisté en France” du 15 décembre 2006 à l’Hôtel de Ville de Paris, Lucien Steinberg, Président de l’UJRE, évoquait le rôle de Jacques Rawine (voir encadré) dans les tentatives d’unification de la résistance juive. Nous revenons sur cette figu-re, importante pour l’UJRE, de la M.O.I. Pour ce faire, remercions Adam Rayski, responsable des organisations juives de la M.O.I. et de leur presse, de 1940 à 1944, d’avoirchoisi pour les lecteurs de PNM, de larges extraits de son ouvrage : “Le choix des juifs sous Vichy - entre soumission et résistance” *.

groupes de combat, qui compteront un moisaprès leur création près d’une centaine demembres, [figurent] : Charles Krzentowski,Albert Goldman, Georges Goutchat, LéonHabif, Maurice Benadon, Charles Jacobson,Léon Centner, Kutas, pour n’en citer quequelques-uns, des hommes venus d’horizonsles plus divers et, la plupart, apolitiques].Or, si les détachements FTP-MOIétaient déjà aguerris depuis plus d’unan, un temps de préparation s’est révé-lé nécessaire pour les nouvellesrecrues. Ils le feront dans les groupesde combat qui auront des objectifsmoins militaires, encore qu’il leur seraparfois demandé de prêter leurconcours aux FTP. Il est néanmoinsprobable que l’initiative de créationdes groupes de combat visait égale-ment à doter l’UJRE d’une branche delutte armée sous son contrôle direct :“Entrer dans un groupe de combatn’était pas seulement l’expression denotre douleur et notre colère mais nousoffrait la possibilité de retrouver unefamille pour ne pas être condamnés àune solitude insupportable”.[Témoignage de Fernand Kohn, octobre1991].

De la liste de leurs innombrablesactions, mentionnons celle de l’exécu-tion, à Lyon, du chef milicien et anciendirecteur régional du Commissariataux questions juives, Carrel-Bellard(mai 1944) ; une action de sauvetagede six enfants juifs qui étaient sous lagarde de l’UGIF à l’hôpital del’Antiquaille (juin 1944). En janvier1944, un détachement armé a pénétrédans les bureaux de l’UGIF, situésMontée des Carmélites. ■

* Adam Rayski Le choix des juifs sous Vichyentre soumission et résistance, préface deFrançois Bédarida, Paris, Ed. La Découverte,1992, 391 p.

** Il ressort d’un rapport de la brigade spé-ciale de la Préfecture de police que sesinspecteurs ont “filé” jusqu’au lieu de laréunion, au 32 rue Guyot (aujourd’hui rueMédéric), Edouard Kowalski, JacquesRawine, Idel Barszczewski, TeshkaTenenbaum Forszteter et Adam Rayski.Respectant les règles techniques de filatureauxquelles il ne peut être mis fin sans déci-sion supérieure, les policiers ne sont pasintervenus (Archives nationales Z6196/2427: aussi dans Stéphane Courtois,Denis Peschanski et Adam Rayski, Le sangde l’étranger, Fayard, Paris, 1989, p. 251).

*** F.Schrager, Un militant juif, préface deD.Mayer, Paris, Les Editions Polyglottes,1979, pp.130-138]

TÉMOIGNAGE

J'ai fait la connaissance deJacques Rawine en 1970, lors de

la parution de mon propre livre “Larévolte des justes”. L'UJRE avait organisé une soiréede présentation de mon livre, soiréeà laquelle Jacques Rawine partici-pait. Je ne me souviens pas de ladate exacte - fin 1970 sans doute -mais je me souviens de la salle, rueYves Toudic.Jacques a relevé quelques insuffi-sances dans ma présentation descommunistes juifs, actifs àGrenoble. Il s'attendait manifestement à desobjections de ma part. Il n'y en a paseu - j'ai admis qu'il avait raison ! Ducoup, il n'y eut pas de polémique ! Je pense toujours qu'il aurait préfé-ré la contradiction. Nous sommes restés bons amis jus-qu'à sa disparition.

Lucien Steinberg

REPERES

Jacques Rawine: In gerangl kegn nazischn sojne,Paris, Ed. Oyfsnay, 1970La Résistance organisée desJuifs en France (1940-1944),préface de Vladimir Pozner,Paris, Ed. Julliard, 1973, 316 p.

LA PRESSE NOUVELLE

Magazine Progressiste Juifédité par l’U.J.R.E.

Comité de rédaction : Lucien Steinberg, Jacques Dimet,

Bernard Frédérick,Nicole Mokobodzki,

Tauba-Raymonde StaroswieckiRoland Wlos

N° paritaire 64825(en cours de renouvellement)

C.C.P. Paris 5 701 33 RDirecteur de la Publication :

Lucien STEINBERG

Rédaction - Administration :14, rue de Paradis

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Mémoire

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En 1905, paraît à Moscou latroisième édition d'un livre deSerge Nilus, fonctionnaire du

département des religions. L'auteury insère les Protocoles des Sages deSion, présentés comme un documentémanant d'une réunion internationa-le de responsables juifs. En 1911,Nilus en publie une édition séparée.Ce texte connaît un grand succès.Les aristocrates le lisent à leurs pay-sans.

L'époque est celle d'une montée enpuissance des antisémites. L'affaireDreyfus (1894-1906) leur permet d'i-dentifier les juifs aux forces libéraleset socialistes. Le premier congrèssioniste mondial, réuni à Bâle en1897 par Theodore Herzl pourréclamer la création d'un État juif,prouve, selon eux, que les juifs sontdes antinationaux. Les pogroms, quele tsar Nicolas II encourage, lesconfortent. Les Protocoles font desjuifs ceux qui manipulent les réfor-mateurs sociaux et les révolutionnai-res, la presse et le système éducatif,les banques et le mouvementouvrier, afin de détruire la civilisa-tion chrétienne. Leur article 17 para-graphe 7 use de cette métaphore :“Notre régime sera l'apologie durègne de Vishnou, qui en est le sym-bole, nos cent mains tiendront cha-cune un ressort de la machinesociale.”

La guerre perdue contre le Japon en1905 et le mouvement révolution-naire qui s'ensuit prouvent la malfai-sance juive, aux yeux des monar-chistes russes et de la partie de l'opi-nion qu'ils entraînent. La diffusiondes Protocoles s'accompagne denombreux massacres de juifs organi-sés par des groupes paramilitaires,les Cents-Noirs. Les défaites desarmées russes entre 1914 et 1917, larévolution de février 1917, la victoi-re des bolcheviks dont plusieurs diri-geants sont juifs redonnent un échoau libelle. Les “blancs” l'utilisentcontre les “rouges”. Ils le répandentdans les pays où ils émigrent.

À Londres, l'Illustrated SundayHerald du 8 février 1920 publie unarticle de Winston Churchill qui qua-lifie “l'Internationale juive [... de]bande de personnalités extraordi-naires des bas-fonds des grandesvilles d'Europe et d'Amérique [qui]a empoigné le peuple russe par lescheveux pour devenir pratiquementles maîtres incontestés de cetimmense empire.” Le 8 mai suivant,le Times affirme qu'il ne faut pas“hausser les épaules” devant les

Protocoles, sous prétexte que lesréactionnaires russes les diffusent.

En 1921, à Constantinople, un émi-gré russe, Mikhaïl Raslovlev, montreau correspondant du Times, PhilipGraves, que c'est une imposture. Illui fournit ce qui a servi de base à laforgerie*. Il s'agit du Dialogue auxenfers entre Machiavel etMontesquieu écrit en 1864 parMaurice Joly, unrépublicain fran-çais qui visaitNapoléon III. Àcause des possi-bilités de détour-nement qu'offraitson obscurité,l'opuscule a étéremarqué par desagents del'Okhrana, lapolice secrète du tsar. Ce Dialogue,estimaient-ils, peut “se lire commeun projet de tyrannie”. Il suffit d'é-crire “juifs” à la place de “bonapar-tistes” et “le monde” au lieu de “laFrance”. Raslovlev invite Graves àcomparer les deux textes. L'article17 paragraphe 7 des Protocoles citéplus haut a pour source le 17ème dia-logue dans lequel Montesquieudéclare à Machiavel :

“Je comprends maintenant l'apolo-gue du dieu Vishnou ; vous avez centbras comme l'idole indienne et cha-cun de vos doigts touche un ressort.”

Raslovlev indique à Graves que l'au-

Un f aux qu i a l a v i e dure : L e s P r o t o c o l e s d e s S a g e s d e S i o n

Jean Georgeteur des Protocoles était MathieuGolovinsky, un agent de l'Okhranaen poste à Paris. Introduit ensuitedans le parti bolchevik, il était deve-nu conseiller de Trotski, avant demourir en 1920. Le journaliste bri-tannique dénonce la tromperie dansson journal, le 17 octobre 1921, sousle titre : “Un faux historique”.

En 1933, la Fédérationdes communautés juivesde Suisse intente un pro-cès au Front uni naziqui distribue ce faux. LeTribunal puis la Courd'appel de Berne décla-rent en 1935 que lesProtocoles sont des“imbécillités”. En1964, le Sénat desEtats-Unis reprend l'ar-gumentation à proposde textes antisémitescirculant en URSS. En1993, un tribunal russequalifie les Protocolesde “faux antisémite”.

Will Eisner a vulgarisécette “histoire secrète”en une bande dessi-née**. Il attire l'atten-tion sur l'usage de fauxqui perdure. Alors qu'ila été “un mandat pourle génocide”, ce texte aencore des millions delecteurs. En effet,comme le souligne

Histoire

Umberto Eco dans son introduction,“ce ne sont pas les Protocoles qui pro-duisent l'antisémitisme : c'est le besoinprofond de désigner un Ennemi quimène les gens à y croire.” ■

* [NDLR : Forgerie : Document littéraireou autre forgé soit par un faussaire, soit parun écrivain qui fait un pastiche (terme dudomaine de l'expertise en écritures) ]

© Will Eisner** Le complot, l'Histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion

Traduit de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat introduction de Umberto Eco, Grasset, 2005, 19 €

L’Etat belge dans la Shoah

Un rapport du Sénat belge publié le13 février 2007 relève le rôle de l'ad-ministration, de la police et de la jus-tice belges dans la mise en oeuvre dugénocide des juifs d'Europe pendantla seconde guerre.Ce rapport, dont Le Monde, daté du16 février 2007, publie l'analyse,démontre que l'administration, lajustice et la police belges ont appor-té “une collaboration indigne d'unedémocratie à une politique désas-treuse pour la population juive,belge comme étrangère”.Le Monde rappelle qu’un gouverne-ment présidé par l'actuel premierministre, Guy Verhoftadt, avaitreconnu ce triste événement il ycinq ans déjà.L'auteur de ces lignes reconnaitavoir ignoré le rôle de ces autorités,dans deux livres parus dans lesannées 1970.

Lucien Steinberg

L'Etat d'Israël traverse actuelle-ment une crise de régime qui se

manifeste de multiples façons. On avu successivement les démissionssous la contrainte de plusieursministres, le Chef de l'Etat mis sur lasellette en attendant sa démission ourévocation, le Chef d'Etat-majorgénéral poussé à la démission. Le 16février 2007, c'est le tour du grandChef de la Police, qui s'en va à lasuite d'un rapport mettant en causeses liens aux Maffias israéliennes -accusation qu'il reconnaît. Son suc-cesseur désigné traîne des casserolesmaffieuses, avant même que sanomination ne soit acquise. LePremier Ministre Ehud Olmert faitl'objet d'accusations toujours pluspressantes... Assez ! s'exclament deplus en plus d'israéliens. On ne peutreprocher au signataire de ces lignes

l'hostilité systématique à Israël. Il setrouve que le manque de rigueur desfondateurs mêmes de l'Etat, qui ontrefusé de se doter d'une Constitutionséparant les pouvoirs - exécutif,législatif, judiciaire - se venge.Aujourd'hui, le Judiciaire l'a emportésur le Politique. La Police, agissantsouvent de façon indépendante, acassé les carrières de plusieurs minis-tres. Maintenant la Justice s'en prendau sommet de l’institution policière. N’étant pas juge, dans tous les sensdu terme, il ne m'appartient pas dedire “qui a raison”. Je constate cepen-dant que l’Etat et le peuple d’Israël ensont les victimes. J'ajoute, bien enten-du, que la persistance du contentieuxi s r a é l o - p a l e s t i n i e n (le terme est volontairement faible !)n'arrange pas les choses... A suivre....

Cri s e de r ég imeMeir Avn i

Israël Mémoire

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6mars à 18 h - Elisabeth deFontenay avec ANIMA & CIE

CELAN COMME UN NOMSHIBBOLETH

à propos du livre LE SCHIBBOLETH pour

Paul Celan de J. Derridamonotypes et lithographies

de MICHÈLE KATZConférence et projection commentée deses œuvres à l’Espace Reuilly - 21 rueHénard Paris 12° (Métro Montgallet) -Verre de l’amitié - P.A.F : 10 €

6mars à 19 h - Guy Konopnickidédicacera son livreLES CAHIERS DE PRAGUE

à l’UEVACJEA - 26 rue du Renard Paris 4°(Métro Rambutteau) - 01 42 77 73 32

8mars de 18 h 30 à 20 h 30,Conférence de Batia Baum

La poésie Yiddish de la destruction(Katznelson et Sutzkever) au Collègeinternational de Philosophie dansle cadre d'un séminaire sur letémoignagne à l’ Amphi Stourdzé,Carré des Sciences1 rue Descartes, Paris 5° - Entrée au 25, ruede la Mtgne Ste Geneviève M° CardinalLemoine ou Maubert Mutualité ou RER BLuxembourg

9mars à 16 h, l’UJRE vous invite àla première séance de son cours de

YIDDISH musical qui vous permettra de(ré-)apprendre le yiddish de manièreludique, en vue de l’écrire, de le parler,tout en apprenant, comprenant et chan-tant les chansons du répertoire yiddish.RDV donc à cette séance gratuite de pré-sentation au 14 rue de Paradis, Escalier C - 1erétage - M° Gare de l’Est

9mars à 20 h 30, les Amis de la CCEvous invitent à la conférence de

l’historienne Annie Lacroix-Riz : Lechoix de la défaite, les élites françai-ses dans les années 1930 au 14 rue deParadis, Escalier C - 1er étage - M° Garede l’Est

10mars à 15 h, l’UJRE vous invi-te à porter la POÉSIE et le

THÉÂTRE Yiddish à l’honneurpour cette 9ème édition duPRINTEMPS DES POÈTES qui sedéroulera au 14 rue de Paradis, EscalierC - 1er étage - M° Gare de l’Est - Poèmestraduits par Charles Dobzynski(Anthologie de la poésie yiddish, Ed.Poésie/Gallimard 2001) et Kikh Paradpar le groupe théâtral Abi gezint.

13mars à 18 h, Vernissage del’exposition Roland TOPOR

(19 février au 30 avril) - voir aussil’article ci-contre - au Centre Rachi 39 rue Broca Paris 5° - 01 42 17 10 38

19mars à 20 h, l’UEJF et SOS-RACISME avec Michel

Boujenah, Smaïn, AnneRoumanoff, Arthur et tant d’autres...vous invitent à la 4ème édition deRIRE CONTRE LE RACISME qui sedéroulera au Palais des Sports deParis. Places à 50, 35, 20€ à retenirauprès de l’UEJF, de SOS-Racisme, enFnac, Carrefour, Auchan ou viaTicketnet.fr

C U L T U R E

André Schwarz-BartMonique Kreps

Je ne puis m'empêcher de pen-ser qu'Ernie Levy, mort sixmillions de fois est encore

vivant, quelque part, je ne sais où.Ainsi se termine Le der-nier des justes, livre pourlequel André Schwarz-Bart reçut le prixGoncourt en 1959.L'écrivain est mort finseptembre à Pointe-à-Pitre et a été enterré enGuadeloupe.Ainsi près de cinquante ans se sontécoulés depuis la publication de celivre qui en quelques semainesconnut un écho inouï en France etdans le monde (Pologne, Allemagne,Tchécoslovaquie, URSS, Israël où ilfut traduit en yiddish). Le livre retrace la persécutiond'une famille juive de justes, dutemps des croisades jusqu'au géno-cide de la seconde guerre, avec destémoignages bouleversants des res-capés des camps. Salué comme unchef-d'œuvre par la critique, mar-quant un jalon essentiel dans l'éta-blissement d'une “mémoire de laShoah”, aujourd'hui, les jeunesgénérations connaissent à peineson nom et les adolescents d'après-guerre se souviennent de luicomme de l'homme d'un seul livre.Les temps sont sans doute mûrspour une relecture de cet ouvrageexceptionnel comme l'étaitd'ailleurs son auteur*.

André Schwarz-Bart, issu d'unefamille polonaise de langue yid-dish, naît le 23 mai 1928 à Metz.Son père avait commencé des étu-des pour être rabbin puis avaitexercé le métier de marchandforain. En 1941, la famille trouverefuge près d'Angoulême. Sesparents et deux de ses frères y sontarrêtés fin 1942 et disparaissent àAuschwitz. Il apprend alors lemétier d'ajusteur à Sillac, puiss'engage dans la Résistance. Aprèsla guerre, il découvre l'ethnologieet la philosophie après sa journéed'ajusteur. Il est aussi moniteur à lamaison d’enfants de Montmo-rency** où il souhaite révéler auxjeunes orphelins l'éminente dignitédu peuple juif, à qui il souhaiteoffrir l'hommage d'un roman enguise d'oraison funèbre. Une bour-se d'ancien combattant lui permetd'obtenir son bac en 1948 et des'inscrire à la Sorbonne. Membredes Jeunesses communistes jus-qu'en 1951, Schwarz-Bart s'estengagé très tôt pour la défense dupeuple juif mais aussi pour les

droits de l'homme. Âgé à l'époque de 31 ans, il n'estpas préparé à ce succès et doit faireface à des réserves de certains chré-tiens, et même de juifs, résistants etcommunistes, qui rejettent laconception de son héros considérétrop fataliste. Si les accusationsportées contre lui sont vite invali-dées, et s'il reçoit le soutien de per-sonnalités, notamment du commu-niste Pierre Daix, blessé il préfèrefuir cette notoriété subite. On leretrouve en Guadeloupe où il semarie avec Simone, une jeune étu-diante guadeloupéenne avec qui ilécrira La mulâtresse Solitude etdont il aura un fils Jacques, aujourd'-hui célèbre jazzman, alliant lamusique gwoka de la Guadeloupe etle jazz. Son père avait choisi délibéré-ment de partager l'existence du peu-ple noir et mulâtre, son expérience dela persécution l'ayant ouvert à cellesdes esclaves noirs déportés d'Afrique. ■

* André Schwartz-bart, Le dernier des JustesColl. Points - n°217 - 7,50€

Un plat de porc aux bananes vertes(avec Simone Schwarz-Bart)Coll. Points - n°P314

La mulâtresse SolitudeColl.Points, p. 302

Hommage à la femme noire (essai: 6 tomes, avec S. Schwarz-Bart) Éd. Consulaires, 1989

** Ce foyer de Renouveau, mouvement nédans la mouvance progressiste duMouvement national contre le racisme(MNCR), accueille tout “enfant inadap-té”, soit à l’époque des enfants de dépor-tés juifs. “Madame François” (ClaudeFrançois Unger), résistante, écrivain etpédagogue hors du commun saura yinsuffler l’esprit des Républiques d’en-fants chères à Janusz Korczak.

En savoir plus :

Francine Kaufmann : Les enjeux de lapolémique autour du premier best-sellerfrançais de la littérature de la Shoah,Revue d'Histoire de la Shoah, n°176, 09-12/2002

10 ans déjà...Roland Topor

Roland Topor nous quitte enavril 1997 à 59 ans. Parmison oeuvre foisonnante, le

Centre Rachi nous présente un choixd’oeuvres gravées provenant de lacollection particulière de l’Atelier degravure Clot avec lequel Topor avaitnoué de solides liens d’amitié (voirdans l’Agenda ci-contre, le vernissage decette exposition, le 13 mars).

Mais qui était vraiment cet “acrobatede l'imaginaire” ? Un dessinateur,peintre, romancier, scénariste, acteur,jouissant d'une réputation internatio-nale, souvent sulfureuse, selon la bio-graphie* Roland Topor ou le rireétranglé à paraître le 8 mars.L’auteur, Frantz Vaillant, a rencontréla sœur de Topor, son fils, lestémoins de sa vie, et a eu accès à desdocuments inédits. Il remonte lecours du destin hors normes del’homme, en débutant par l'arrivéeen France d'Abram, père de Topor,artiste juif originaire de Pologne.Son rêve : devenir sculpteur, célèbre,quand il débarque à la gare de l'Esten 1930. L’Histoire en décideraautrement. La vie du jeune Rolandcommence huit ans plus tard, dansles prémices d'une guerre qui saigne-ra bientôt le monde. Début d'unepartie de cache-cache avec la mort :la famille Topor échappera tour àtour à la rafle du Vel d'Hiv, à la mili-ce de Klaus Barbie et trouvera refu-ge en Savoie. Roland, d'une sensibi-lité extrême, comprend tôt la féro-

cité dum o n d e .“ B e a u c o u pde Françaissont desA l l e m a n d squi parlentfrançais …”

A la Libération,l'école, puisles Beaux-Arts, et lespremiers suc-cès. Travail,fêtes, amitiés, amours, ce farouchelibertaire n'obéit qu'à une seule règle :le plaisir. Sternberg, Pauvert,Losfeld, Panique, Derrida, Hara-Kiri… Topor travaille avec tous,mais refusera toujours de se laisserenfermer dans une image. Tous lesexcès sont permis. La gloire necontrariera pas sa bonne humeur etsa créativité. Hélas, elle n'apaiserajamais son angoisse de la mort. Carc'est bien d'elle dont il s'agit chaquejour et qui est la source constante deson œuvre. Cette première biographie deRoland Topor à l'occasion du dixiè-me anniversaire de sa mort. est leportrait d'une époque qui nous paraîtdéjà lointaine, et d'un artiste dont lesobsessions restent universelles. ■

* Frantz Vaillant Roland Topor ou le rireétranglé, Ed. Buchet-Chastel, Paris - 324 p. -hors-texte iconographique de 16 pages, 23€

Roland Topor (1938-1997)

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8 P.N.M. FÉVRIER 2007

L e g r a n d a i r d e l a c a l o m n i eArnaud Spire

Theodor Adorno, l'un des philoso-phes fondateurs de l'école dite deFrancfort, est connu pour avoir

pensé le premier, comme ineffaçable,la douloureuse cicatrice laissée dansl'histoire de l'humanité par le génocidedont Auschwitz fut l'un des symboles.Il y a un “avant l'extermination” et un“après” fait de culpabilité et de mau-vaise conscience. Ce fut aussi une ter-rible expérience philosophique. “C'estpourquoi, écrit Adorno dans laDialectique négative, il pourrait bienavoir été faux d'affirmer qu'aprèsAuschwitz il n'est plus possible d'écriredes poèmes”. La découverte, l'inven-tion et la création continuent” 1.Depuis, le sens du qualificatif “antisé-mite” s'est focalisé dans le langage cou-rant sur toute attitude de discrimination,forcément criminogène, envers lesJuifs. Le Petit Robert a beau indiquerque les Arabes sont des Sémites (Semest l'un des fils de Noë), ce cousinage estmassivement ignoré. Reprocheraujourd'hui à quelqu'un son antisé-mitisme, c'est le mettre au ban del'humanité civilisée, de la volonté depaix et voir en lui un criminel poten-tiel ordinaire.

Toute critique est-elle antisémite ?

C'est paradoxalement ce qui vient d'ar-river à Pierre Bourdieu décédé il y aquatre ans (2002). Le sociologue,ancien militant de gauche et professeurau Collège de France - savant engagés'il en fut - a été étiqueté “antisémite”par son collègue le linguiste Jean-Claude Milner, au cours de Répliques,émission hebdomadaire de France-Culture animée par Alain Finkelkraut,le 13 janvier, sans qu'aucun des parti-cipants, ni l'animateur, ni la co-invi-tée, ne se risquent à demander uneexplication ou à nier cette affirma-tion diffamatoire.Une mésaventure identique était arri-vée à l'anthropologue Edgar Morin quin'a pourtant jamais caché sa propre ori-gine sépharade judéo-espagnole (mar-rane). Excédé par cette insulte, EdgarMorin s'est attelé à traiter, dans la col-lection Non-conforme, alibi des édi-tions du Seuil, la question de “l'apportjuif à la construction du monde moder-ne”2. Peut-on aujourd'hui en Francedésapprouver la politique coloniale del'Etat israélien vis-à-vis du mondearabe sans être épinglé comme antisé-mite ? C'est devenu quasiment impos-sible tant la confusion entre l'antisémi-tisme et l'antisionisme (on peut pour-tant être d'origine juive et ne pas vou-loir confisquer plus longtemps leursterres aux Palestiniens) est entrée dansles moeurs. De même, sont confondusislam et islamisme pour le plus grandpréjudice des Arabes.

Le progrès socialest-il juif ?

L'accusation de dérive “prosémiteexcessive” a même été indirectement

portée contre l'œuvre d'EmileDurkheim (fils de rabbin) lors de lafondation de la sociologie, contre cellede Sigmund Freud, père de la psycha-nalyse et même contre l'œuvre de KarlMarx3 et les marxistes : toutes quali-fiées de sciences ou pensées “juives” !Les “procureurs” modernes les plusconservateurs entendaient ainsi réglerleurs comptes aux disciplines dont ledéveloppement sous-tend la lutte pourle progrès social et la démocratie. Sibien qu'on peut se demander, aprèsl'insulte faite à Pierre Bourdieu, dequel penseur ce sera demain le tour ?Ce que Jean-Claude Milner a trèsexactement dit mérite d'être cité :“J'ai ma thèse sur ce que veut dire“Les Héritiers” chez Bourdieu. LesHéritiers c'est les Juifs (…). Je croisque c'est un livre antisémite.” Neserait le contexte géopolitiqueactuel, on croirait cauchemarder.

Chaque fois qu'en Occident, une théo-rie porte une contradictionfondamentale au pouvoirintellectuel et pourtant subtilde la bourgeoisie, on tente dela disqualifier auprès de l'o-pinion publique, en lui cher-chant dans la tête d'imaginai-res “poux antisémites”. Trèscurieusement d'ailleurs, lesintellectuels que le philoso-phe Jacques Bouveresseregroupe sous l'adjectif de“déférents” - c'est-à-direceux qui sont d'accord avectous les pouvoirs quels qu'ilssoient - ne s'élèvent que rarement cont-re les crimes et discriminations dontsont victimes ces autres Sémites quesont les Arabes. Ce silence unilatéralest-il en passe de devenir un élémentde la propagande guerrière vis-à-vis dela civilisation orientale ? La quatrièmeguerre mondiale que l'on connaît sousl'expression de Samuel Huntington :“Le choc des civilisations” est-elle enpréparation du côté occidental ?La langue française a, comme n'impor-te quelle langue, une histoire. Le péchéd'antisémitisme est passé, avec laShoah, à juste titre, de l'ordre “véniel”à celui de faute “capitale”. Le plusparadoxal est sans doute d'avoir choisicette arme de mauvaise foi contre l'œu-vre originelle de Pierre Bourdieu etd’André Passeron, qui avec LesHéritiers4, montre en 1964 en quoi l'é-cole républicaine avec ses classements,et l'université française avec sesconcours, sont des instruments camou-flés de domination du groupe dirigeanten France, la bourgeoisie au sens éco-nomique et social, sur les groupessociaux dominés (le prolétariat et, au-delà, les classes populaires, petite bour-geoisie comprise). Certes, l'analyse cri-tique de “l'idéologie du don” a perdude sa vigueur. La critique bourdieu-sienne n'est que mollement reprisepar de nombreux intellectuels qui,sans elle, verraient toute transmis-sion de leur savoir opacifiée par l'i-négalité sociale originelle.

S'il y a des exceptions, “tout permet depenser, écrit Bourdieu, qu'on les trou-verait dans les singularités du milieufamilial (…). Les chances objectivesd'accéder à l'enseignement supérieursont quarante fois plus fortes pour unfils de cadre supérieur que pour un filsd'ouvriers. (…) pendant que les étu-diants originaires des couches défavo-risées ne varient que du simple au qua-druple”. Aujourd'hui, un demi-siècleaprès ces déclarations incitatives à réta-blir plus de justice, le nombre de filsd'ouvriers accédant à l'enseignementsupérieur n'excède toujours pas 4 % !Qu'à l'occasion de la “chance derenouveau” offerte par les électionsprésidentielles, des points sensibles quimarquent la constance des effetsengendrés par la domination de l'ordrebourgeois et impérial sur le mondereviennent sur le devant de la scène, n'apas de quoi étonner.Des Cassandres entrées par effractiondans l'intelligentsia du XXIème siècle

proposent même de retour-ner comme un gant l'affirma-tion de Jean-Paul Sartre,philosophe existentialistedans sa Critique de la raisondialectique 5 : “Le marxismeest l'horizon indépassable denotre temps parce que lescirconstances qui l'ontengendré ne sont pas encoredépassées”. Pour ces augu-res, ce serait le capitalisme,et non la pensée de Marx, qui

serait devenu l'horizon indé-passable de notre temps !Selon Jean-Claude Milner, auteur duJuif de savoir 6, la langue françaisevéhiculerait de plus en plus la “hainedu juif”. Il n'y aurait plus beaucoup de“possibilité d'articuler le nom juif, nonseulement en Europe, non seulementen France, non seulement dans ceProche et Moyen Orient où la languearabe, la langue musulmane en géné-ral, s'attache à expulser chaque jourdavantage la possibilité de prononcerle nom juif autrement que comme unnom à détruire (…). Si nous ne mesu-rons pas l'intensité de cet instant, alorseffectivement (…) les étoiles poursui-vront leur cours, la terre continuera detourner et les choses deviendront cequ'elles doivent devenir…” : Un qua-trième conflit mondial. Pour le lin-guiste, la “solution finale du problè-me juif” organisée par les nazis a“blessé à jamais la démocratie euro-péenne” et altéré pêle-mêle l'intelli-gence mythique du judaïsme, dupeuple juif, de la nation juive, del'Etat d'Israël et son gouvernement.

“L'université reste en France une machine à ségréguer”

Dans Les Héritiers, Pierre Bourdieu etson coauteur Jean-Claude Passeron liv-rent les résultats d'une enquête statis-tique consacrée à la composition socia-le des étudiants et donc à la “reproduc-tion des élites”. Les enfants des classesdéfavorisées sont purement et simple-

ment é-li-mi-nés. Selon la métaphorebourdieusienne de “l'héritier” qui peutêtre issu de groupes qui n'ont aucunhéritage, les enfants issus des classespopulaires et/ou immigrées étaientd'emblée écartés de l'université. Quantà la question de savoir s'il y a desexceptions à ce “système” de domina-tion, elle n'a rien de xénophobe, nimême de raciste, elle constate simple-ment la profondeur des inégalités fran-çaises : le livre s'achève par destableaux qui disent en clair : malheur àla jeune fille issue d'un milieu rurald'extrême droite qui se destine à l'en-seignement supérieur ! Ses chancesd'aboutir sont statistiquement quasinulles ! Aujourd'hui encore.A propos des immigrés, on retrouvechez Jean-Claude Milner, l'esprit del'anecdote rapportée par Jean-PaulSartre dans Réflexions sur la questionjuive7 : “Un jeune “français de souche”qui vient de rater l'agrégation s'étonnequ'un dénommé Bloch soit, lui, arrivépremier”. L'insulteur Jean-ClaudeMilner qui marie volontiers le “sché-matisme” au pessimisme, entend cetétonnement comme si Bourdieu disaitque le collège visait à ce que plusjamais un “Bloch” ne puisse arriver lepremier à l'agrégation.“De tous les facteurs de différencia-tion, écrit Pierre Bourdieu, l'originesociale est sans doute celle dont l'in-fluence s'exerce le plus fortement sur lemilieu étudiant, plus fortement en toutcas que le sexe et l'âge et surtout plusque tel ou tel facteur clairement aper-çu, l'affiliation religieuse par exemple" (Les Héritiers, p.24). On ne sauraitfaire dire à l'auteur le contraire de cequ'il avance à propos des religions, sil'on maintient comme Jean-ClaudeMilner à propos des “héritiers”, que cesont “les Juifs”.L'université reste en France unemachine à ségréguer. De même quele conflit entre les impérialismesisraéliens et états-uniens d'une part,et le peuple palestinien de l'autre, adépassé sa soixantième année sansqu'aucune solution “juste” ne se des-sine à l'horizon. ■

1) Theodor W. Adorno, Dialectique négative,traduction Payot, 1978

2) Edgar Morin, Le monde moderne et laquestion juive, coll. “non-conforme”, Ed. Seuil, octobre 2006

3) Karl Marx, La question juive, Aubier,1971

4) Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron,Les Héritiers, les étudiants et la culture,Ed. de Minuit, octobre 1964

5) Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dia-lectique, nrf Gallimard, 1961

6) Jean-Claude Milner, Juif de savoirGrasset, octobre 2006

7) Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la ques-tion juive, coll. Poche Idées nrf, 1961

Pierre Bourdieu1930-2002

Société

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